Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 25 juillet 2003

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 10 heures 34.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous croyons savoir

7 que vous n'allez pas très bien, mais que vous êtes prêt à participer tout

8 de même à l'audience ce matin. Si à quelques moments que ce soit vous

9 souhaitez une pause, vous l'obtiendrez bien sûr puisque votre état de santé

10 le justifie. Donc, vous n'avez aucune obligation de poursuivre et nous

11 limiterons la durée des séances. C'est à vous bien sûr qu'il appartiendra

12 d'organiser votre contre-interrogatoire, mais c'est Mme Bauer qui

13 commencera.

14 Mme BAUER : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons des emblèmes

15 qu'il faut verser au dossier au nombre de trois. D'abord le numéro 349,

16 intercalaire 18, qui est un emblème du mouvement Chetnik serbe. Je demande

17 donc que cet emblème devienne pièce à conviction. Deuxième emblème, il

18 s'agit d'un emblème de la police spéciale, numéro 349, intercalaire 19. Et

19 troisième emblème, numéro 349, intercalaire 20, c'est l'emblème sur lequel

20 on voit un faucon de Toput, Lopare de Bosnie-Herzégovine.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, c'est à vous.

22 LE TÉMOIN: STANKO ERSTIC [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

25 Q. [interprétation] Monsieur Erstic, vous nous avez expliqué que vous avez

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1 été arrêté début octobre, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Et vous avez passé en tout et pour tout un mois en détention ?

4 R. Oui.

5 Q. Dites-moi, combien étiez-vous dans cette prison ?

6 R. En tout et pour tout, nous étions à peu près 120.

7 Q. En tout et pour tout ?

8 R. Oui.

9 Q. Et vous avez été dans le vieux bâtiment de l'hôpital à Knin ?

10 R. Exact.

11 Q. Ce bâtiment a été transformé en prison, n'est-ce pas ? Ou est-ce ça

12 servait à quelque chose encore ?

13 R. Ça servait de prison, et il y avait des soldats.

14 Q. Mais c'est de quelle taille, de quelle taille est cet immeuble ?

15 R. Que sais-je vous dire ? Il se peut que l'on puisse installer en dedans

16 300 personnes.

17 Q. Mais vous êtes maçon. Vous connaissez les proportions des immeubles.

18 Vous pourrez peut-être évaluer.

19 R. Je n'ai pas eu le temps d'évaluer, de voir combien de pièces il y

20 avait.

21 Q. Mais pour autant que je sache, c'est un bâtiment assez petit.

22 R. Moyen plutôt.

23 Q. Et dans combien de pièces avez-vous séjourné ? Quand je dis vous, je

24 pense à tous ceux qui étaient internés là-bas.

25 R. Il devait s'agir d'une quinzaine de pièces, pour autant que je sache.

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1 Q. Et dans la pièce où vous étiez il y avait combien de gens ?

2 R. Une douzaine.

3 Q. Dites-moi, une fois échangé ça s'est passé au bout d'un mois, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Il y a avait là des gens de la Croix rouge internationale de présents.

7 R. Oui.

8 Q. Dites-moi alors, quel avait été le traitement qu'on vous avait réservé

9 pendant ce mois-là à la prison ?

10 R. A notre égard ?

11 Q. Oui. Comment s'est comporté à votre égard.

12 R. Mais ceux qui n'ont pas été là-bas ne peuvent pas savoir.

13 Q. Mais vous avez été là-bas. C'est pour cela je vous pose la question.

14 R. Nous avons été battus, malmenés. On nous a obligé à travailler. On nous

15 ligotait pour aller dormir. Ils ne nous laissaient pas dormir. Les plats

16 étaient horribles.

17 Q. Mais qu'est-ce qu'on vous avait fait faire ?

18 R. On nous avait dû charger des munitions, décharger de la farine, creuser

19 des tranchées, des canaux, charger du charbon.

20 Q. Donc, pendant les heures de travail on vous emmenait de ce bâtiment.

21 C'est aussi un bâtiment de l'hôpital pour que vous accomplissiez des

22 travaux physiques, des tâches physiques, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. De quelle taille étaient les groupes au sein desquels vous alliez

25 travailler ? Est-ce que vous alliez tous ?

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1 R. Non, on allait parfois à six, à quatre, à dix, selon les besoins.

2 Q. Y a-t-il eu des gens qui ont été blessés, puisque vous nous dites

3 qu'ils vous ont battu ?

4 R. Oui, il y a eu des gens blessés mais qui n'osaient pas dire qu'ils

5 étaient blessés.

6 Q. Mais une fois arrivée, sous les compétences de la Croix rouge

7 internationale, est-ce que vous avez pu parler des blessures que vous avez

8 subies ? Est-ce que vous avez pu leur raconter quels étaient les problèmes

9 que vous aviez rencontrés ?

10 R. On pouvait le faire mais on n'osait pas parce qu'on nous a dit au cas

11 où vous le diriez aux gens de la Croix rouge internationale, à savoir que

12 vous avez été malmenés ou battus, vous serez abattus. On n'a pas osé le

13 leur dire.

14 Q. Mais écoutez, on vous a échangé ?

15 R. Une fois échangé, oui nous pouvions le dire.

16 Q. Bon, mais pendant que vous étiez en prison, combien de fois avez-vous

17 été visités par les gens de la Croix rouge internationale, et là où vous

18 n'avez pas osé leur dire, quoique ce soit ?

19 R. Deux fois.

20 Q. Et à combien de journées d'intervalle ?

21 R. Bon, tous les dix ou douze jours.

22 Q. Donc pendant ce mois de détention, vous n'avez pas passé plus de douze

23 jours sans visite de représentants de la Croix rouge internationale ?

24 R. Oui, à peu près.

25 Q. Mais si pendant dix ou douze jours vous n'avez pas été sous

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1 surveillance de la Croix rouge internationale, je suppose que si vous avez

2 été battus, ou pour ceux qui auraient été battus devaient être remarqués

3 par les gens de la Croix rouge ?

4 R. Ceux qui avaient été blessés étaient internés dans des pièces, et les

5 gens de la Croix rouge ne savaient pas où ils se trouvaient.

6 Q. Vous voulez dire par là que la Croix rouge internationale n'avait pas

7 pour autorisation de visiter toutes les pièces de cet hôpital, qui comme on

8 le sait n'était pas un bâtiment si grand ?

9 R. Ils ne pouvaient pas visiter toutes les pièces parce que dans certaines

10 des pièces étaient enfermées les personnes blessées.

11 Q. Mais étant donné que tous les dix ou douze jours vous voyez des

12 représentants de la Croix rouge internationale, et vous affirmez vous-même

13 avoir été blessé, est-ce que sur vous-même ils ont pu remarquer que vous

14 avez été blessé ?

15 R. Mais Monsieur, lorsqu'on casse les reins à quelqu'un, les côtes à

16 quelqu'un, cela ne se voit pas.

17 Q. Mais dites-moi maintenant, une fois échangé, et j'ai appris hier

18 lorsque vous avez répondu aux questions posées par le Procureur, que vous

19 avez été échangé pour 160 [sic] Serbes.

20 R. Oui, il était resté 20 personnes originaires de la Lika.

21 Q. Il en est resté donc une vingtaine en prison, n'est-ce

22 pas ?

23 R. Oui.

24 Q. C'étaient des Croates aussi ?

25 R. Oui.

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1 Q. Dites-moi, lorsque vous avez été échangés pour contre 160 Serbes,

2 dites-moi, savez-vous où ces Serbes se trouvaient avant que d'avoir été

3 échangés.

4 R. Je ne sais pas, je n'en ai aucune idée.

5 Q. Mais une fois échangé, avez-vous expliqué aux gens de la Croix rouge

6 internationale, après ce mois passé en prison, avez-vous donc expliqué à ce

7 moment-là, que vous avez été malmenés ? Est-ce que vous avez montré vos

8 blessures ? Est-ce que vous êtes entretenus d'une manière générale de ces

9 questions-là ?

10 R. Ils nous ont posé très peu de questions. Ça était plutôt bref.

11 Q. Mais quand on vous a posé ces questions brèves, qu'avez-vous déclaré ?

12 R. Nous avons dit que nous avons été malmenés, que les plats étaient

13 mauvais, le manger était mauvais, et qu'on nous obligeait à travailler, et

14 cetera.

15 Q. Mais y a-t-il une note quelconque à ce sujet de la part de la Croix

16 rouge internationale disant que vous avez été malmenés, battus ?

17 R. Je ne sais s'ils ont noté cela. Ils nous ont posé des questions de façon

18 plutôt formelle.

19 Q. Donc vous voulez dire que cela ne les intéressait pas, qu'ils vous

20 posaient des questions pour la forme.

21 R. Ils nous interrogeaient en passant l'un après l'autre.

22 Q. Donc, ils posaient des questions à tout et chacun ?

23 R. Peut-être pas à tout et chacun, mais en passant ils nous posaient des

24 questions. Peut-être sur nous, 130 ont été questionnés, mais nous avons

25 tous pu entendre.

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1 Q. Qu'avez-vous pu entendre ?

2 R. Ils nous ont demandé quel avait été le traitement qu'on nous avait

3 réservé.

4 Q. Et que leur avez-vous répondu ?

5 R. Ce que je viens de vous dire. Qu'on a été malmené, qu'on a été battu

6 tous les jours, toutes les nuits.

7 Q. Mais y avait-il des médecins dans ces équipes de la Croix rouge

8 internationale ?

9 R. Non.

10 Q. Quand avez-vous été visité après avoir été relâché ? Quand avez-vous

11 été visité médicalement, j'entends ?

12 R. Le 2e jour. Dès le 2e jour.

13 Q. Où.

14 R. A Zadar et à Rijeka.

15 Q. Avez-vous une documentation quelconque portant sur les blessures qui

16 étaient les vôtres ?

17 R. Quand on a commencé à demander des retraites, et que sais-je encore des

18 indemnités d'invalidité, alors les médecins m'ont dit c'était pendant la

19 guerre, ça s'est perdu. On en retrouve plus. J'avais un oncle à Rijeka. Je

20 suis allé le chercher, le médecin de Rijeka. Il parait que l'on n'a pas

21 porté cela au registre, et il y avait absolument rien.

22 Q. Donc, vous n'avez aucune documentation, quoique que vous ayez été là

23 qu'un mois et que les blessures étaient visibles. Vous n'avez aucune

24 documentation médicale ?

25 R. Rien du tout. Je suis allé voir un médecin. On m'a donné des

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1 médicaments et je n'ai pu me procurer aucun papier, aucun document auprès

2 du médecin.

3 Q. Mais savez-vous me dire si l'un quelconque des hommes qui ont été

4 détenus avec vous possèdent une documentation médicale qui indiquerait

5 quelles sont les blessures qu'ils avaient subies ?

6 R. Il y a des gens qui en possèdent.

7 Q. Donnez-moi quelques noms de gens qui en possèderaient des documents de

8 ce genre.

9 R. Il y avait un certain Mikulic, originaire de mon village, qui a été

10 arrêté après moi. Est-ce que vous parlez de la période où j'étais là-bas ?

11 Q. Non. Je vous parle de la centaine de gens qui ont été échangés.

12 R. Je ne suis pas trop sûr. Je ne les ai plus revus depuis que je suis

13 sorti, ce qui fait que --

14 Q. Donc vous n'êtes au courant pour personne d'entre eux pour ce qui est

15 de cette documentation médicale ?

16 R. Je ne sais pas parce que je ne les ai plus revus. Voilà.

17 Q. Bien. Dites-moi, je vous prie. Vous avez fait votre service militaire

18 dans la JNA en Serbie, en 1987 et 1988 à Zemun et Kragujevac, n'est-ce pas

19 ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Est-ce qu'en Serbie, vous avez eu des problèmes parce que vous étiez

22 Croates ?

23 R. Oui, Monsieur. Une fois j'en ai eu.

24 Q. Décrivez-moi les problèmes que vous avez eus.

25 R. Lorsque j'ai été transféré à Kragujevac, j'étais sur un domaine

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1 agricole militaire. Nous n'étions qu'une quinzaine peut-être avant et nous

2 avions des cochons, des veaux dont il fallait prendre soin et puis on

3 semait le maïs, le blé, et cetera. Et au bout d'un mois ou deux, allez,

4 disons deux, disons que ça devait être le mois d'octobre, je ne sais plus

5 très bien mais il y avait un sous-officier qui était en très bon terme avec

6 moi. Et lorsqu'on allait récolter le maïs, il m'a dit :

7 "Ecoute, Erstic, tu me répondras bien à une question que je vais te poser."

8 Et je lui ai dit : "Mais bien sûr, Monsieur, si je sais vous répondre." Il

9 m'a dit : "Mais si, tu sauras me répondre." Et il m'a dit : "De quel groupe

10 ethnique est-tu ? Tu es Serbe ou Croate ?"

11 Alors, je lui ai dit que j'étais Croate. Et il ne m'a rien dit là-dessus et

12 il m'a tourné le dos, il est repartit chez lui. Puis, je lui disais bonjour

13 en passant, par la suite, parce que c'était mon devoir que de la saluer.

14 Mais il n'a plus jamais proféré un seul mot à mon égard jusqu'à mon départ

15 de la JNA. Je crois qu'il s'appelait Petar Nikolic.

16 Q. Donc, la seule chose au niveau de ces événements désagréables, c'était

17 le fait d'avoir été interrogé sur votre appartenance ethnique ?

18 R. Oui. Après, il n'a plus voulu me parler.

19 Q. Mais ne savez-vous pas que dans la JNA, il y avait des Croates, des

20 Musulmans, des Albanais, des Monténégrins, des Slovènes, enfin des

21 ressortissants de tous les groupes ethniques. Comment expliquez-vous cela ?

22 Il n'a pas fait de commentaires. Il n'a rien dit. Il vous a juste posé

23 cette question.

24 R. Il a posé la question, il m'a tourné, il est reparti et il ne me disait

25 plus bonjour du tout. Mais avant cela, c'était du terme très bon. Il avait

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1 même blagué avec moi.

2 Q. Donc, vous avez conclu qu'il avait adopté une attitude négative à votre

3 égard ?

4 R. Bien, j'ai trouvé étrange que tout à coup, après cette question, il ne

5 m'a plus dit bonjour. Je le saluais pour ma part mais lui ne répondait pas

6 à mes salutations.

7 Q. C'est assez étrange. J'ai du mal à y croire mais allons de l'avant, peu

8 importe. Vous nous dites que les Serbes et les Croates s'entendaient bien,

9 et ce, jusqu'en 1988 ou 1989 à peu près. C'est ce que vous avez déclaré, et

10 lorsque Milosevic a commencé à tenir ces discours, dites-vous.

11 R. Oui.

12 Q. Dites-moi, quel est le discours que vous m'avez entendu prononcer et

13 dans quel discours il aurait été dit quoi que ce soit contre -- que

14 j'aurais prononcé où il aurait été question de quelque chose contre les

15 Croates, contre d'autres personnes en Yougoslavie ?

16 R. Je vous ai regardé à la télévision lorsque vous aviez tenu des meetings

17 à Belgrade lorsque vous disiez que vous vouliez une Grande Serbie et que

18 tous les Serbes devaient forcément vivre dans un même état, Monsieur

19 Milosevic.

20 Q. Mais Monsieur, vous n'avez jamais pu entendre prononcer cela à la

21 télévision de ma bouche et que j'avais dit que je voulais une Grande Serbie

22 et que les Serbes devaient forcément vivre d'un même état.

23 R. Ici, vous --

24 Q. Mais vous êtes probablement le seul homme à avoir entendu cela à la

25 télévision.

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1 R. Je n'ai pas été le seul. Il y a eu beaucoup de gens.

2 Q. Où se passait le meeting où j'aurais dit que j'étais favorable à une

3 Grande Serbie ?

4 R. C'était en Belgrade en 1990.

5 Q. Et dites-vous ce sont mes propos à moi ?

6 R. Oui, je l'affirme.

7 Q. Oui, je comprends bien que vous l'affirmez. Je comprends que vous

8 l'affirmez. Est-ce que quelqu'un vous l'a dit ou est-ce que vous affirmez

9 l'avoir vu vous-même ?

10 R. J'affirme avoir vu cela de mes yeux à la télévision.

11 Q. Très bien. Très bien. Je ne vous poserai plus de questions à ce sujet

12 parce que je suppose que vous êtes conscient du fait qu'il y a des

13 enregistrements vidéo de tous ces discours-là. Vous affirmez que j'aurais

14 prononcé que "nous voulions une Grande Serbie", n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Parfait. Parfait. Dites-moi maintenant, est-ce qu'en 1990, vous avez

17 adhéré au HDZ ? C'est que j'ai cru comprendre de par la déclaration que

18 vous avez faite.

19 R. Oui.

20 Q. Bon. Savez-vous que le HDZ, de par ses principes affichés au programme,

21 dès le mois de février de cette année, s'était employé en faveur d'une

22 Croatie indépendante ?

23 R. Oui, je suis au courant de cela.

24 Q. Je vois en page 2 qu'en votre qualité de membre du HDZ, pour ce qui est

25 du référendum relatif à l'indépendance croate, vous l'avez accueilli de

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1 façon très affirmative ou positive ?

2 R. Oui. J'ai été pour le HDZ.

3 Q. Dites-moi, partant des connaissances qui étaient les vôtres et de

4 l'expérience qui était la vôtre à l'époque, que sauriez-vous nous dire au

5 sujet des problèmes qui auraient existé entre les Serbes et les Croates, ou

6 y avait-il un problème croate en Yougoslavie ?

7 R. Et bien, il y avait un problème à partir du moment où on a commencé à

8 crier haut et fort qu'on voulait une Grande Serbie.

9 Q. Vous avez entendu dire qu'on voulait une Grande Serbie. Quand est-ce

10 que vous l'avez fait ?

11 R. Avant que de m'affilier au HDZ.

12 Q. Très bien. Et où avez-vous entendu cela ?

13 R. Cela a commencé à la télévision. Où voulez-vous que ce soit ?

14 Q. Donc à la télévision, on a parlé de la Grande Serbie même avant la

15 création du HDZ, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Fort bien. Et vous dites que vous avez fait la fête après le

18 référendum ?

19 R. Oui.

20 Q. Et vous avez dit vous-même qu'en Croatie, tous étaient heureux,

21 contents, sauf les Serbes ?

22 R. Eux, ils ont fêté leurs fêtes et nous, on fêtait les nôtres.

23 Q. Mais attendez. Vous avez fêté après le référendum, tous étaient

24 contents sauf les Serbes. Pourquoi les Serbes n'étaient-ils pas contents à

25 ce moment-là ?

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1 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que pourquoi ils n'étaient pas

2 contents. Ils n'étaient pas contents parce qu'ils se doutaient -- ils

3 étaient plutôt contents parce qu'ils se doutaient de ce qu'il allait

4 arriver. Donc il se peut qu'ils fussent même plus contents que nous.

5 Q. Donc ils étaient encore plus contents que vous lorsque ce référendum

6 s'est tenu pour l'indépendance de la Croatie ?

7 R. Non, Monsieur. Je n'ai pas pensé à cela. Mais, vous avez parlé d'une

8 Grande Serbie et vous avez dit que tous les Serbes allaient forcément vivre

9 dans un même état.

10 Q. Et c'est là qu'ils ont été contents, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais vous savez très bien que je n'ai jamais dit cela.

13 R. Vous pouvez affirmer que vous ne l'avez pas fait.

14 Q. Vous êtes sûr que j'ai parlé de Grande Serbie ?

15 R. Oui. C'est exact.

16 Q. Mais saviez-vous pourquoi les Serbes n'étaient pas contents, et saviez-

17 vous qu'on leur avait supprimé certains de leurs droits en Croatie ?

18 R. Si les Serbes n'avaient pas de droits en Croatie, je ne sais pas qui

19 pourrait avoir des droits dans le monde entier.

20 Q. Mais vous ne savez pas que de ce fait, on avait supprimé le statut qui

21 avait été le leur en vertu de la constitution croate ?

22 R. Je ne suis pas du tout au courant.

23 Q. Bien. Et aviez-vous connaissance de quoi que ce soit, de ce qui c'était

24 fait à l'égard ou à l'encontre des Serbes en 1990, en 1991. Quand est-ce

25 que vous avez été en prison, 1991, n'est-ce pas ?

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1 R. En 1991, oui.

2 Q. Mais est-ce qu'on a fait quelque chose à l'encontre des Serbes en 1990

3 ou 1991, raison pour laquelle ils auraient été bouleversés ?

4 R. Je n'en sais rien.

5 Q. Vous n'en savez rien du tout.

6 R. Non.

7 Q. Mais saviez-vous que les Serbes ces années-là -- durant ces années-là,

8 s'étaient employés en faveur de la préservation de la Yougoslavie ?

9 R. Pour autant que je le sache, les Serbes ne tenaient pas tant à

10 préserver la Yougoslavie. Ils cherchaient plutôt à voir se désintégrer

11 cette Yougoslavie.

12 Q. C'est ceux dont vous avez connaissance ?

13 R. Oui, c'est ceux dont j'ai connaissance.

14 Q. Mais si c'est bien cela, comment expliquez-vous le fait qu'à ces

15 élections où le HDZ a remporté la victoire, et ça c'est là un fait, ce

16 n'est pas mon affirmation à moi. La plupart des Serbes avaient voté en

17 faveur de la ligue des communistes de Croatie ou plutôt, le SDP de Ivica

18 Racan et non pas en faveur du parti démocratique serbe ?

19 R. Monsieur, cela n'est pas exact. Ce n'est pas exact qu'ils avaient voté

20 pour Ivica Racan. Ils avaient voté pour le parti démocratique serbe, parce

21 qu'où qu'on aille, il y avait des affiches dans ce sens.

22 Q. Moi, je ne vous parle pas des affiches de tous les partis qui avaient

23 participé aux élections. Je vous demande si vous saviez que la plupart des

24 Serbes, à l'époque, avaient -- la majorité des Serbes avaient voté à

25 l'époque, en faveur du parti de la ligue des communistes de Croatie et non

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1 pas le parti démocratique serbe ?

2 R. Je ne sais pas.

3 Q. Et savez-vous quoi que ce soit au sujet de la campagne anti-Serbe qui a

4 été lancée après ces élections et après la victoire du HDZ ?

5 R. Non, parce que je n'ai pas donné dans la politique à ce point-là.

6 Q. Vous souvenez-vous ou alors avez-vous peut-être vu dans la presse

7 croate, je ne parle pas de la presse à Belgrade, vous n'avez pas résidé à

8 Belgrade. Mais avez-vous vu dans la presse croate, dans le courant des

9 années 1990, quoi que ce soit au sujet des abus, des incidents où l'on

10 avait par exemple, inscrit à une lettre U le symbole des Oustachi à Zagreb

11 dans la rue Bogoviceva à une porte d'église au mois de mars ?

12 R. Non, je dois vous dire franchement que je lis très peu la presse, même

13 de nos jours, pas seulement avant.

14 Q. Mais vous souvenez-vous de la date où l'on a commencé à créer des

15 unités de volontaires et de jeunes volontaires en Croatie. Vous souvenez-

16 vous des événements variés qui ont jeté le trouble, qui ont bouleversé et

17 fait peur aux Serbes ?

18 R. Je ne me souviens pas. Moi, j'étais chez moi. Je m'occupais

19 d'agriculture. Je m'occupais du bétail. Donc, je n'avais pas beaucoup de

20 rapports avec tout cela.

21 Q. Mais vous rappelez-vous de cette -- de ces différentes dénominations

22 qui ont été utilisées par la garde nationale croate, les gardes de

23 Stockholm, les unités de volontaires de jeunes de la défense civile de

24 Croatie. J'ai déjà évoqué quatre dénominations d'organisations différentes.

25 Vous souvenez-vous de ces formations créées à l'époque ?

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1 R. C'est la première fois que j'entends parler de tout cela.

2 Q. Et bien dans ce cas-là, je vais passer à autre chose.

3 Mais puisque vous dites que les Serbes détestaient le drapeau croate, c'est

4 bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Ils avaient donc une réaction négative à l'égard du drapeau croate,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Et lorsque vous parlez de drapeau croate, vous pensez au damier, n'est-

10 ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais savez-vous que le damier était le symbole de l'état croate

13 indépendant pendant la Seconde guerre mondiale; époque durant laquelle un

14 grand nombre de Serbes ont été tués en Croatie, victimes du génocide commis

15 à l'époque ?

16 R. La Deuxième guerre mondiale a eu lieu il y a longtemps. Vous m'en

17 demandez beaucoup, là.

18 Q. Mais pensez-vous que 50 ans plus tard, un symbole des crimes commis

19 pendant la Seconde guerre mondiale --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais interrompre tout ceci. Le témoin

21 ne peut pas vous aider sur ce point. Et nous en avons parlé avec un grand

22 nombre de témoins de toute façon. Donc, passons à autre chose, probablement

23 plus lié à des villages ou à son village en particulier.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je lui pose ces questions, Monsieur May, car il

25 a dit que les Serbes avaient un rapport négatif ou bien pour reprendre les

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1 termes du témoin, il a dit que les Serbes détestaient le drapeau croate.

2 Donc, je lui pose cette question pour savoir, s'il sait quel est le motif

3 de ce sentiment négatif.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous n'allons pas traiter de ce point

5 avec ce témoin-ci. C'est un point qui a déjà été abordé à de nombreuses

6 reprises.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Vous dites que l'attaque sur Krusevo au cours de l'été 1991,

10 constituait un virage, un point très important au cours des événements ?

11 R. Oui.

12 Q. Pourquoi est-ce que cette attaque sur Krusevo en 1991 a constitué un

13 tournant très important dans les événements, puisque vous savez bien que

14 les événements -- qu'un certain nombre d'autres événements ont eu lieu en

15 Croatie avant cette attaque ?

16 R. Pourquoi cette attaque ? Parce que la Grande Serbie avait déjà été

17 lancée et les Serbes de Croatie étaient en train d'être armés et ils

18 étaient envoyés d'un village à l'autre pour tout détruire sur ordre.

19 Q. Donc, c'est de cette façon-là que vous expliquez cela, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Fort bien. Vous dites que les Serbes avaient des fusils automatiques

22 dont vous dites qu'ils étaient fabriqués dans l'usine Crvena Zastava ?

23 R. Oui.

24 Q. Dites-moi, savez-vous que c'était la seule usine de fabrication d'armes

25 en Yougoslavie ? Donc, elle produisait des armes qui étaient destinées à

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1 toute la Yougoslavie.

2 R. Oui, je le sais. Parce que j'ai reçu dans les rangs de l'ex-JNA le même

3 fusil.

4 Q. Mais ces fusils existaient à la JNA et à la Défense territoriale, dans

5 toutes les républiques de la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. C'était des armes de la Défense territoriale. Et elles sont toutes

7 passées entre les mains d'habitants serbes. Elles ont été distribuées à des

8 Serbes.

9 Q. Je ne vous parle pas de l'identité de ceux qui ont détenu ces armes.

10 Parce qu'ils n'étaient pas les seuls à en détenir sans doute. Mais vous

11 dites que ces armes étaient fabriquées en Serbie. Donc, tout le monde en

12 Yougoslavie possédait des armes fabriquées en Serbie, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Et ces personnes dont vous parlez dans votre déclaration écrite, ces

15 hommes armés de la Krajina, est-ce que vous en connaissiez certains en

16 Krajina ?

17 R. Il y en avait pendant que j'habitais là-bas, en petit nombre. Il y en

18 avait d'autres que je ne connaissais pas.

19 Q. Je vois. Donc, vous parlez bien en faisant cette réponse, d'hommes qui

20 ne vivaient pas dans votre village, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Savez-vous que -- connaissiez-vous bien la région de Knin et des

23 environs ?

24 R. Je connaissais les habitants de la région. Et à Knin, il y avait aussi

25 des habitants qui venaient de Serbie et de Bosnie.

Page 24996

1 Q. Qui avez-vous vu dans cette région qui était originaire de Serbie et de

2 Bosnie ?

3 R. Il y avait les soldats du capitaine Dragan. Et en juger par l'accent,

4 quand on leur faisait leur lit, on pouvait savoir qu'ils n'étaient pas de

5 la région. Nous, on faisait le ménage, on lavait les vitres, et cetera.

6 Q. J'ai cru comprendre à la lecture de la déclaration du capitaine Dragan,

7 qu'il s'est rendu seul dans la région pour organiser la formation,

8 l'entraînement des conscrits de la région. Il n'a emmené personne avec lui.

9 Il y est allé alors qu'il arrivait d'Australie ?

10 R. Oui. Mais il parlait le vrai serbe. Parce que j'ai passé un an en

11 Serbie, et je sais comment parlent les Serbes, comment parlent les Croates

12 et comment parlent les Bosniaques.

13 Q. Mais dites-moi, je vous prie, lorsque vous parlez de votre arrestation,

14 est-il vrai que ce n'est pas une unité de Serbie, de la JNA qui vous a

15 arrêté ?

16 R. Ceci est vrai. C'était des Serbes de la région, des hommes à Milan

17 Martic ou des membres de la police, de la police de Milan Martic.

18 Q. Mais ce n'était pas la police de Milan Martic, c'était la police de la

19 Krajina ?

20 R. Oui, de la Krajina. Et il la commandait.

21 Q. Des hommes qui vous ont mis en détention -- les hommes qui vous ont mis

22 en détention étaient bien des policiers, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Est-il exact que parmi les détenus, il y avait des hommes qui

25 appartenaient au corps de la Garde nationale et qui ont été capturés au

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1 cours des combats de Kijevo ?

2 R. Oui.

3 Q. Combien de membres du corps de la Garde nationale y avait-il qui ont

4 été capturés au cours des combats ?

5 R. Une vingtaine à peu près.

6 Q. Et bien, dites-moi puisque selon vous, tous les détenus dans la prison

7 où vous vous trouviez étaient des Croates, est-il vraiment exact qu'il n'y

8 avait que des Croates ou bien y avait-il peut-être quelques Serbes ou, de

9 façon plus générale, des gens qui avaient une autre appartenance ethnique ?

10 Car on peut être emprisonné pour différentes raisons ?

11 R. Non. Il n'y avait que des Croates, et justement des Croates de

12 Dalmatie. Il n'y avait personne d'autre dans cette prison. De Dalmatie, de

13 Lika.

14 Q. Mais est-ce que tous ont été échangés par la suite ?

15 R. Ne sont restés dans la prison que ceux qui étaient de Lika.

16 Q. Mais savez-vous si même eux, plus tard, ont fait l'objet d'un échange ?

17 R. J'ai entendu dire que oui.

18 Q. Le principe consistant à échanger tous les détenus contre tous les

19 détenus d'en face, était-il déjà valable ?

20 R. En Dalmatie, ce principe était déjà en vigueur. Mais par la suite, il a

21 été décidé que Gospic et Knin devaient négocier isolément.

22 Q. De leur côté. Mais vous voyez 100 Croates ont été échangés contre 160

23 [sic] Serbes. Donc, d'un côté il y en avait 100

24 et de l'autre 160. Si le principe de tous contre tous était en vigueur, il

25 aurait fallu que tous soient libérés ce jour-là ?

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1 R. Mais ce principe s'appliquait à la Dalmatie. Il y a eu donc 100 Croates

2 échangés, mais pour les autres, ils étaient de Gospic et de Knin.

3 Q. Mais quelqu'un attendait donc que la -- que les autres de Gospic et de

4 Knin libèrent des prisonniers serbes selon toujours ce même principe de --

5 d'échange de tous contre tous ?

6 R. Ça je n'en sais rien.

7 Q. Mais savez-vous, puisque vous avez été arrêté en

8 octobre 1991, et que vous êtes resté en prison jusqu'au mois de novembre

9 1991, savez-vous combien de Croates ont continué à habiter à Knin sans le

10 moindre problème, dans des conditions tout à fait normales ?

11 R. Et bien ça, c'est une grande question que vous me posez. Comment est-ce

12 que je pourrais savoir combien de Croates sont restés à Knin ?

13 Q. Mais est-ce qu'il y en avait que vous connaissiez, parce que vous

14 habitiez tout près. Et en tant que maçon, il vous arrivait sans doute de

15 travailler à Knin. Donc, est-ce que peut-être vous auriez connu des Croates

16 qui habitaient à Knin ?

17 R. Et bien, pas un seul pour être tout à fait franc.

18 Q. Pas un seul ?

19 R. Non, pas un seul. Je n'en connaissais pas un seul. Et puis, je n'y

20 allais pas souvent. Et d'ailleurs, ça ne m'intéressait pas de savoir qui

21 était Croate et qui était Serbe.

22 Q. En fait, est-ce que vous connaissiez quelqu'un à Knin ?

23 R. A Knin même ? Et bien oui. Je connaissais un homme qui était chauffeur

24 d'autobus et qui habitait à Knin.

25 Q. Nous ne devons pas perdre de temps. Vous dites que vous avez vu le

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1 général Mladic en uniforme et que bien que n'en étant pas sûr ?

2 R. J'en suis sûr, ça oui.

3 Q. Mais il n'avait aucun rapport avec votre arrestation, n'est-ce pas. Pas

4 plus qu'aucun soldat de la JNA ?

5 R. En effet, ça c'est exact.

6 Q. Mais il eu un rapport avec votre libération, votre remise en liberté ?

7 R. Je pense que oui, puisqu'il était responsable.

8 Q. Donc, c'est bien lui qui a fait ce qu'il fallait faire. Lui et Martic

9 ont fait ce qu'il fallait faire, pour que vous soyez emmené sur le lieu de

10 l'échange à partir de la prison où vous vous trouviez et que vous soyez

11 libéré, n'est-ce pas ?

12 R. Et bien, je crois que c'est bien cela, oui.

13 Q. Vous dites dans votre déclaration écrite, que les hommes du capitaine

14 Dragan venaient vous voir, qu'ils vous donnaient des cigarettes, qu'ils

15 avaient un comportement tout à fait agréable à votre égard.

16 R. Ils ne venaient pas me voir, mais ils s'adressaient aux gardiens qui

17 nous gardaient et ils demandaient que nous allions chez eux, faire le

18 ménage chez eux, nettoyer leurs toilettes, laver leurs vitres, faire leurs

19 lits et que sais-je encore. Et ils étaient corrects à notre égard, ça c'est

20 vrai.

21 Q. Vous ont-ils apporté une aide quelconque ?

22 R. Et bien écoutez, dans des moments comme ceux-là, quand on allait chez

23 eux, nous, cela nous suffisait de constater qu'ils ne nous frappaient pas.

24 Ils nous donnaient des cigarettes et se comportaient de façon tout à fait

25 normale.

Page 25000

1 Q. Mais lorsque cette délégation du CICR est arrivée, est-ce qu'Ivo Covic,

2 représentant de la Croix rouge croate faisait partie de cette délégation ?

3 R. Oui. Et on nous l'a présenté en -- on me l'a présenté en me disant

4 qu'il était de Split.

5 Q. Avez-vous conversé avec lui ?

6 R. Oui, oui, rapidement, brièvement. Nous nous sommes serrés la main et

7 nous avons parlé quelques instants.

8 Q. Mais est-ce que même si vous n'avez pas eu la possibilité de parler au

9 représentant étranger du CICR, que lui au moins, vous avez pu lui dire

10 quelles étaient les conditions dans lesquelles vous viviez ?

11 R. Oui. Quand il nous a demandé comment nous allions, nous étions obligés

12 de dire bien. Parce que sinon, nous savions ce qui allait nous arriver

13 ensuite. Donc, nous avons été obligés de mentir. Nous avons dit que tout

14 allait bien, pour éviter par la suite d'être malmenés, frappés, et cetera.

15 Q. Vous ont-ils à quelque moment que ce soit, emmenés dans une caserne de

16 la JNA ?

17 R. Oui. Quand on est tous sortis de la prison, quand on s'est retrouvés

18 dans les autobus, les autobus ont démarré et nous ne savions en fait où

19 nous allions. Nous ne savions rien. Et puis, nous sommes arrivés quelque

20 part et j'ai vu que c'était une caserne. J'ai vu des réservistes de l'armée

21 en uniforme vert olive.

22 Q. Mais ceci a-t-il, à vos yeux, constitué une indication vous montrant

23 que c'était l'armée qui vous avait libéré et qui vous emmenait hors de la

24 prison ?

25 R. Mais oui, mais on nous avait dit au moins une cinquantaine de fois, que

Page 25001

1 : "Ce soir il y aura un échange, ce soir il y aura un transfert." Et à

2 force, nous n'y croyions plus. Nous avions perdu tout espoir.

3 Q. Mais écoutez, Monsieur, comment est-ce qu'ils ont pu vous promettre 50

4 fois que l'échange aura lieu ce soir, demain ou après-demain, alors qu'au

5 point qu'ayez perdu espoir, alors que vous n'avez passé que 30 jours en

6 prison ?

7 R. Mais cela arrivait plusieurs fois par jour; le matin, l'après-midi et

8 le soir. C'était une forme d'exaction.

9 Q. Qu'est-ce qui était une forme d'exaction ? De vous dire qu'il y aurait

10 un échange ?

11 R. Oui. On n'arrêtait pas d'en parler. Il n'y en avait jamais d'échange.

12 Q. Mais entre le moment où vous êtes entrés dans la prison et celui où

13 vous en êtes sortis, il s'est écoulé au total 30 jours, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. C'est exact.

15 Q. Ensuite, vous avez été changés ?

16 R. Oui.

17 Q. Et bien, dites-moi, en 1993, vous faisiez partie de l'armée croate,

18 n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Combien de temps êtes-vous resté dans les rangs de l'armée ?

21 R. Jusqu'en 1995.

22 Q. Vous avez participé à l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

23 R. C'est exact, en effet.

24 Q. Savez-vous ce qui s'est passé durant cette opération Tempête ?

25 R. Ce qui s'est passé. Les Serbes se sont enfuis, il y a eu libération.

Page 25002

1 Nous sommes rentrés chez nous et voilà ce qu'il y a eu.

2 Q. Mais avez-vous une connaissance quelconque des souffrances imposées aux

3 civils serbes pendant cette opération Tempête ?

4 R. Non.

5 Q. Puisque vous avez participé à cette opération. Donc, je suppose que

6 vous pourriez avoir quelques informations à ce sujet ?

7 R. Sur le territoire où je me trouvais, je n'ai vu personne mourir ou être

8 blessé parmi les Serbes. Donc, j'ai la conscience tranquille.

9 Q. A quelle unité apparteniez-vous ?

10 R. A l'unité de parachutistes.

11 Q. Où cette unité a-t-elle pénétré ?

12 R. Dans la région de Velebit, Golubici, Malako Selo [phon]. Mais il y en a

13 d'autres qui sont entrés avant nous. Nous, nous sommes arrivés à bord de

14 camions. Et par conséquent, dès lors que les camions pouvaient circuler, il

15 n'y avait plus de danger.

16 Q. Mais lorsque vous êtes descendu de vos camions, vous n'êtes plus allés

17 nulle part. Vous êtes restés à l'endroit où vous êtes descendus des

18 camions ?

19 R. Oui. Là où on a été déchargé, on est resté une nuit, un jour.

20 Q. Et nulle part vous n'avez vu le moindre cadavre, ou une personne

21 vivante, ou quoi que ce soit. Et vous ne savez rien du nombre de personnes

22 parmi les civils qui sont mortes à ce moment-là, qui ont été tuées ?

23 R. Non. Je ne sais rien de ça.

24 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, quand vous faisiez partie de l'armée croate,

25 vous avez appris quelque chose au sujet de prisons croates dans lesquelles

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1 des Serbes étaient enfermés ?

2 R. Et bien, vous parlez de la période de l'opération Tempête, des gens qui

3 seraient restés ?

4 Q. Non. Je vous demande si vous avez quelque information que ce soit.

5 R. Et bien, il y avait des endroits où on installait des civils. C'était

6 des centres où on voyait des personnes âgées, notamment à Zadar. En fait,

7 c'est ce que je sais.

8 Q. Mais est-ce que vous avez des informations quelconques où des

9 connaissances quelconques au sujet de quelque chose d'autre à Zadar ?

10 R. Non.

11 Q. Pour autant que vous le sachiez, comment ces personnes ont-elles été

12 traitées ?

13 R. Je ne sais pas. Parce que je ne les ai pas vues de mes yeux. Je n'étais

14 pas responsable. Donc, je ne peux pas dire si ces personnes ont été bien ou

15 maltraitées.

16 Q. Mais est-ce que vous avez une idée de l'existence de camps créés pour

17 incarcérer des Serbes dans votre voisinage immédiat ? Par exemple, à

18 Virovitica, à Glina ou Vrgimost ? Pas très loin de chez vous. Est-ce que

19 vous êtes informé de cela ?

20 R. Non. Je ne sais rien.

21 Q. Et à Gospic, ça aussi c'est tout près de chez vous. Est-ce que vous

22 savez qu'il y avait des camps là-bas ?

23 R. Non. Je ne sais pas. Gospic, ce n'est pas chez moi. Moi, j'ai 35 ans et

24 pendant ces 35 années de ma vie, je ne suis jamais allé à Gospic.

25 Q. Mais après l'opération Tempête, combien de temps encore êtes-vous resté

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1 dans les rangs de l'armée croate ?

2 R. Cinq, six, huit, dix jours. Je ne sais pas exactement combien.

3 Q. Après quoi, vous êtes rentré dans votre village. Vous étiez démobilisé

4 et vous n'avez plus eu la moindre activité au sein de ces formations,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Non, aucune.

7 Q. Et pendant toute cette opération, vous n'avez pas tiré une balle et

8 vous n'avez participé à rien ?

9 R. Non. Personne ne m'a tiré dessus. Je n'ai tiré sur personne et les

10 choses se sont terminées sans difficulté.

11 Q. Et vous ne savez rien des souffrances vécues par certains ?

12 R. Non.

13 Q. Et bien, merci beaucoup Monsieur Erstic. Je n'ai plus de questions.

14 R. Merci à vous également.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de

16 questions à poser à ce témoin.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Bauer ?

18 Mme BAUER : [interprétation] Pas de questions supplémentaires non plus,

19 Monsieur le Président. Je vous remercie.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Erstic, ceci mets fin à votre

21 déposition. Je vous remercie d'être venu devant le Tribunal pénal

22 international pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous également.

24 [Le témoin se retire]

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

Page 25005

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisque le témoin n'est plus présent dans le

2 prétoire, j'aimerais aborder des questions qui sont sans rapport avec lui.

3 Vous m'avez dit ce matin que je ne me sentais pas bien. En fait, la seule

4 chose qui m'est arrivée, c'est que j'ai demandé une anti-douleur, c'est

5 tout. Pour le reste, vous savez bien que je ne me plains jamais.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Témoin suivant.

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin

8 suivant est M. Ivan Marjanovic qui va témoigner également en l'absence de

9 quelque mesure de protection que ce soit.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je demande au témoin de prononcer la

12 déclaration solennelle.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, Ivan Marjanovic, je déclare

14 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

15 vérité.

16 LE TÉMOIN: IVAN MARJANOVIC [Assermenté]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir. Madame Uertz-

19 Retzlaff, c'est à vous.

20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Interrogatoire principal par Madame Uertz-Retzlaff :

22 Q. [interprétation] Monsieur Marjanovic, vous venez de décliner votre

23 identité. Je ne vais donc pas vous poser cette question. Mais le 18 juin

24 1993, avez-vous relu la déclaration que vous aviez faite devant un

25 enquêteur le 2 mars 1991. Et en avez-vous confirmé l'exactitude dans le

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1 cadre d'une procédure judiciaire ?

2 R. Oui.

3 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

4 Juges, l'Accusation demande le versement au dossier de la déclaration

5 recueillie de ce témoin en application de l'Article 92 bis.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

7 l'Accusation 511, Monsieur le Président.

8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vais maintenant rapidement donner

9 lecture des éléments les plus importants de la déclaration écrite de ce

10 témoin.

11 M. Marjanovic, agriculteur croate, qui avait 63 ans à l'époque des

12 événements, résidait à Nova Krslja; petit hameau regroupant 18 maisons

13 croates situé dans une zone habitée en majorité par des Serbes dans la

14 municipalité de Slunj. La région est tout près de la frontière bosniaque.

15 C'est une zone qui est située non loin de Rakovica, Kordunski Ljeskovac, et

16 Drecnik Grad, à savoir, trois villages que l'on trouve à la pièce à

17 conviction 336, de l'Accusation, donc l'atlas page 20, carré B4. Je vous

18 dis cela pour vous permettre de retrouver l'endroit plus facilement.

19 Et le village de Lipovaca, qui se trouvait à quatre -- qui se trouvait tout

20 près du village du témoin, est à peu près trois fois plus grand que Nova

21 Krslja. Les rapports entre les deux groupes ethniques étaient tout à fait

22 harmonieux, jusqu'aux élections qui ont eu lieu en Croatie en 1990. Et au

23 début de 1991, la police s'est scindée en deux, en fonction de

24 l'appartenance ethnique des soldats. Et des barrages ont été érigés dans la

25 région, qui a créé des difficultés de circulation. Le témoin par

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1 conséquent, est resté enfermé dans son village pendant toute la période qui

2 nous intéresse. Le 27 octobre 1991, des soldats serbes dirigés par Milan

3 Popovic sont arrivés dans le village et ont arrêté tous les jeunes hommes

4 croates qui se trouvaient là, y compris le fils du témoin Marijan. Popovic

5 s'est présenté au témoin comme étant le chef de l'unité de la police de la

6 JNA à Zeljava. Zeljava est un endroit qui se trouve tout près de Bihac et

7 où il y avait un aérodrome militaire. Popovic à ce moment-là, portait un

8 uniforme régulier de la JNA avec le couvre-chef sur lequel on voyait

9 l'étoile à cinq branches. Et certains hommes qui l'accompagnaient, étaient

10 des Serbes de la région revêtus de l'uniforme noir de la police. Les

11 soldats ont fouillé la maison du témoin pour y rechercher des armes.

12 Monsieur Marjanovic, j'ai une question par rapport à ces soldats qui sont

13 arrivés chez vous. Parmi ces soldats revêtus de l'uniforme régulier de la

14 JNA, y en avait-il qui avaient l'air d'être des conscrits originaires

15 d'autres régions de l'ex-Yougoslavie. Et si oui de quelle autre région ?

16 R. De Macédoine.

17 Q. Comment le savez-vous ?

18 R. Comment ?

19 Q. Qu'est-ce qui vous permet de le penser, qu'ils étaient de Macédoine ?

20 R. Et bien entre eux ils parlaient macédonien, juste derrière ma maison.

21 Q. Je continue la lecture du résumé de la déposition du témoin.

22 Les jeunes Croates ont été placés en détention et emmenés à la prison

23 militaire de Zeljava, où ils ont été frappés continuellement. Quinze jours

24 plus tard le fils du témoin a été libéré. Il présentait des ecchymoses sur

25 tout le corps.

Page 25008

1 Le 28 octobre 1991, les soldats serbes sont revenus et ont exigé du témoin

2 qu'il leur remette son fusil. Alors que le témoin n'avait pas de fusil. Les

3 soldats l'ont alors durement frappé. Ils l'ont, y compris frappé avec un

4 câble qui lui a fracturé le bras et le poignet. Et le lendemain, les

5 soldats sont revenus et lui ont dit de ne plus quitter sa maison ou les

6 environs immédiats.

7 Quelques jours plus tard, Nedjo Kotur, un Serbe de la région, est arrivé

8 dans la maison du témoin et lui a dit que les Serbes avaient tué quelques

9 Croates. Et il lui a dit de l'accompagner pour enterrer les corps. C'était

10 donc un commandant serbe qui portait l'uniforme de la JNA, l'uniforme des

11 officiers de réserve. Et il avait le couvre-chef plastique de la JNA sur la

12 tête avec l'étoile rouge. En compagnie de Kotur et de trois autres

13 villageois croates, le témoin est donc allé à Lipovaca. Et en chemin, ils

14 ont franchi le barrage contrôlé par les hommes de Martic. Et Kotur a

15 échangé son couvre-chef de la JNA contre un béret noir. Un peu plus loin,

16 il a remis sur -- il s'est remis sur la tête le couvre-chef de la JNA.

17 Et donc, ils sont tous allés jusqu'à la maison de Mate Brozincevic dans le

18 village de Lipovaca. Et dans la cuisine, ils ont découvert le cadavre de

19 Mate Brozincevic avec plusieurs balles dans l'estomac. Ils ont également vu

20 sa femme, qui avait été abattue par balles également et son fils, dont le

21 corps gisait à côté du précédent dans l'entrée de la chambre à coucher avec

22 une balle dans le cou.

23 Le témoin et les autres villageois croates ont enterré les cadavres devant

24 la maison. Ils sont ensuite allés jusqu'à la maison de Franjo Brozincevic

25 où ils ont découvert les cadavres de Franjo Brozincevic et de sa femme Mira

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1 ainsi que de Kata Cindric, une femme très âgée, une femme du village. Et

2 toutes -- tous ces corps avaient été abattus par balles. Ils ont donc été

3 enterrés par eux comme les autres villageois devant leur maison.

4 Q. Lorsque vous prépariez votre déposition ici Monsieur, est-ce que vous

5 avez pu relire la liste des noms des victimes de Lipovaca. Et y avez-vous

6 ajouté d'autres renseignements, en particulier l'âge de ces personnes ?

7 R. Non. J'ai relu tout cela et je connaissais tous les hommes et toutes

8 les femmes qui se trouvaient là.

9 Q. Mais est-ce que vous connaissiez leur âge. Est-ce que vous avez ajouté

10 cette information --

11 R. A l'époque, qu'est-ce que vous voulez dire ?

12 Q. Est-ce que vous m'avez donné l'âge approximatif des victimes ?

13 R. Oui, en effet.

14 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons

15 préparé une liste de ces renseignements supplémentaires obtenus du témoin,

16 pendant la relecture des documents préparatoires à la déposition. Et nous

17 aimerions en demander le versement au dossier en tant que nouvelle pièce à

18 conviction.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous avez tout cela sur vous ?

20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, vous devriez avoir reçu ces

21 documents, également. Il s'agit de l'intercalaire 2. Excusez-moi, je ne

22 vous l'avais pas dit. Intercalaire 2 de la liasse de documents.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'exprime mon point de vue personnel.

24 Mais je suis assez opposé à l'admission de partie d'acte d'accusation en

25 tant que pièce à conviction. Je ne pense pas que l'acte d'accusation doit

Page 25010

1 servir d'élément de preuve. Mais ceci ne figure pas dans l'annexe à l'acte

2 d'accusation.

3 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Nous avons

4 déjà demandé le versement au dossier de ces annexes. Et le témoin n'a fait

5 qu'ajouter l'âge approximatif de la victime.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il suffit de savoir ce qui

7 figure en annexe 1, paragraphe 42.

8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bien, Monsieur le Juge.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

10 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation]

11 Q. Monsieur Marjanovic, lorsque vous êtes arrivé à Lipovaca ce jour-là,

12 est-ce que vous avez vu des destructions ?

13 R. Non. J'ai vu des maisons détruites, brûlées en fait, ce genre de chose.

14 Q. Mais est-ce que vous avez vu des villageois croates de Lipovaca ?

15 R. Lorsque les corps ont été enterrés, j'ai vu deux hommes qui étaient

16 assez près. Nele Smolcic, qui était donc non loin. Et il m'a apporté des

17 planches en bois dont nous avions besoin.

18 Q. Savez-vous ce qui est advenu de ces deux hommes plus tard ?

19 R. Je ne sais pas pourquoi ils se trouvaient là. Et je ne sais pas ce qui

20 leur est arrivé par la suite. Je ne sais rien à leur propos.

21 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire. Est-ce qu'ils sont portés disparus ?

22 R. Ils sont portés disparus. Après l'opération Tempête, leurs familles

23 sont venues à leur recherche. Mais personne ne sait ce qui s'est passé. En

24 tout cas, moi je ne sais pas.

25 Q. Paragraphe 13 de votre déclaration, vous dites avoir reçu l'ordre

Page 25011

1 d'aller voir le commandant militaire de Kordunski Ljeskovac, le 4 août

2 1995. Inutile de répéter ce qui a été déjà dit. Mais à votre retour dans

3 votre village, est-ce que vous avez trouvé votre famille et les autres

4 villageois qui s'y trouvaient encore ?

5 R. Je n'ai pas trouvé les membres de ma famille. Mais j'ai trouvé dans le

6 village d'autres villageois.

7 Q. Où se trouvaient les membres de votre famille ?

8 R. Ils étaient partis à Ruma. Ils ont dit à mon fils Marijan, qu'il devait

9 faire tourner le moteur de son tracteur et de la remorque pour emmener le

10 reste de la famille à Ruma. Il y avait aussi des Serbes.

11 Q. Qui lui a donné cet ordre ? Le savez-vous ?

12 R. A Nova Krslja, Ilija Kovacevic, c'était un de ses fils, qui travaillait

13 pour la police, qui a donné l'ordre et un certain Rade.

14 Q. Vous avez parlé de Serbes. Vous dites que ces Serbes se sont trouvés

15 dans la remorque du tracteur. Pourriez-vous nous dire combien il y en

16 avait ?

17 R. Pardon ?

18 Q. Vous avez fait état de Serbes qui se trouvaient dans la remorque. Je

19 vous demande combien de Serbes votre fils a transporté ?

20 R. Une quarantaine avec tous leurs bagages.

21 Q. Que leur a-t-on dit ?

22 L'INTERPRÈTE : Le témoin poursuivait sa réponse, tout d'abord.LE TÉMOIN :

23 [interprétation] Ils ont dit que les Mujahedins venaient de Bosnie et

24 allaient abattre tout le monde.

25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à

Page 25012

1 poser.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, je relève

3 simplement que ce n'est pas simplement ici l'annexe de l'acte de

4 l'accusation puisqu'il y a des annotations de la part du témoin. A ce

5 moment-là, ça devient tout à fait recevable. Vous pouvez aborder cette

6 question du versement.

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est ce que je voulais dire. Il y a

8 des points supplémentaires que savait le témoin à propos des victimes et

9 c'est ce qui a été annotés.

10 J'en ai terminé de mes questions, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

12 Vous aurez un dix minutes avant la pause. Et puis, vous poursuivrez après

13 la pause.

14 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

15 Q. [interprétation] Monsieur Marjanovic, dans votre municipalité, ou

16 plutôt dans votre village de Nova Krslja, parce que ce n'est qu'un village,

17 ce n'est pas une municipalité.

18 R. Oui, c'est un village.

19 Q. Si je comprends bien, en 1991, il y avait à peu près 300 maisons dans

20 ce village ?

21 R. Oui.

22 Q. Et seulement 18 étaient la propriété de Croates ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous dites avoir été libéré par l'opération Tempête et que 35 personnes

25 ont été tuées ou plutôt qu'on a exhumé les corps de 35 personnes tuées par

Page 25013

1 les Serbes, c'est bien cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Sur quoi vous basez-vous pour dire que ces personnes ont été tuées par

4 des Serbes ? Avez-vous des informations quant aux circonstances dans

5 lesquelles ces personnes ont perdu la vie ?

6 R. Tous ceux qui sont restés dans le village ont été tués.

7 Q. Vous voulez dire dans votre village ?

8 R. A mon village mais Drecnik, Grad, Saborski, Ilinovac, de ces endroits-

9 là.

10 Q. Est-ce que vous êtes allé dans ces endroits que vous venez de

11 mentionner à un moment quelconque ?

12 R. Non, je connais ces endroits, mais toutes ces personnes ont été

13 emmenées à Drecnik Grad où a eu lieu l'exhumation.

14 Q. Donc, c'est simplement -- seulement au moment de l'exhumation que vous

15 avez appris tout cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Comment expliquez-vous cette affirmation qui est la vôtre ? Vous dites

18 que ces gens ont été tués par des Serbes, comment expliquez-vous cela si

19 vous en avez entendu parler pour la première fois seulement au moment où on

20 a commencé à l'exhumation ?

21 R. Oui.

22 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le témoin n'affirme pas dans sa

23 déclaration que ces 35 personnes auraient été tuées par des Serbes. Il a

24 simplement dit qu'il avait entendu parler des gens de Lipovaca et là il

25 s'agissait de sept victimes.

Page 25014

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans quel paragraphe parle-t-on de ces 35

2 personnes ?

3 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Madame la Procureure, paragraphe 14.

4 Et on mentionne simplement les victimes, sans préciser les façons dont ces

5 personnes ont été tuées, ni l'auteur de ces méfaits.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais on dit : "Qu'il y en avait d'autres

7 tués dans la région parce que je sais que 35 personnes ont été exhumées des

8 fosses se trouvant dans les villages environnants."

9 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Puisqu'on parle du point 14, comme vient de le dire, Madame Uertz-

12 Retzlaff, pour gagner du temps, je vais donner lecture du paragraphe 14,

13 puisque nous en parlons.

14 Vous dites que pendant la guerre : "Je n'ai pas perdu un seul membre de ma

15 famille et personne des villageois de mon village n'a été victime."

16 R. Pas de mon village.

17 Q. Puis, il y a un point.

18 Et vous dites : "Je sais qu'il y a d'autres personnes dans la région qui

19 ont été tuées parce que je sais que dans les villages environnants, 35

20 corps ont été exhumés."

21 Je voulais vous demander ceci : Puisque personne, aucun des membres de

22 votre famille, ni aucun des villageois de votre village, n'a été tué, c'est

23 d'une part c'est ce que vous dites, et je suppose que vous dites la vérité,

24 nous avons déjà relevé qu'à Nova Krslja, il y avait 300 maisons, dont

25 seulement 18 étaient des maisons appartenant à des Croates. En d'autres

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1 termes, c'était surtout un village habité par des Serbes et pas un seul des

2 Croates habitant dans votre village n'a été tué pendant toute la durée de

3 la guerre ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Par conséquent, dites-moi ceci, après l'opération Tempête, aujourd'hui

6 combien y a-t-il de Serbes qui vivent aujourd'hui dans ces 300 maisons, qui

7 existaient avant l'opération Tempête ?

8 R. Ils sont tous déménagés. Ils sont partis en Serbie. Il n'y a plus que

9 quatre maisons, les autres reviennent et on commence à reconstruire leurs

10 maisons.

11 Q. Vous voulez dire maintenant. Donc, huit ans après l'opération Tempête,

12 il n'y a que quatre maisons ou quatre foyers, quatre ménages ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Vous ajoutez dans votre déclaration que jusqu'en 1991, il n'y avait pas

15 eu de problème ?

16 R. C'est vrai. On n'avait pas de problème.

17 Q. Puis, vous poursuivez en disant, tout ceci se trouve au paragraphe 2 de

18 votre déclaration, au préalable, au point 2, c'est comme vous le voulez.

19 Vous avez compris que les Serbes voulaient créer une Krajina Serbe et vous

20 dites que mon discours a semé la discorde dans la population, c'est ce que

21 vous dites.

22 Je vous cite : "J'ai entendu plusieurs discours de Milosevic," là, je saute

23 parce que vous parlez aussi de discours faits par d'autres hommes

24 politiques, "et je me suis rendu compte, dites-vous, que ces discours

25 provoquaient la discorde parmi la population."

Page 25016

1 Mais quel est mon discours qui, d'après vous, aurait semé cette discorde ?

2 R. Mais votre discours.

3 Q. Pourriez-vous être plus clair, je ne vois pas trop bien ce que vous

4 voulez dire ?

5 R. Je vous ai toujours entendu parler à tous les rassemblements populaires

6 et lors des conversations.

7 Q. Mais vous parlez de discussions, de conversations ?

8 R. Mais quand vous parliez. Quand vous avez dit quelque chose -- à

9 certains endroits.

10 Q. Mais donnez-moi un exemple. Parce que le témoin, qui vous a précédé, a

11 parlé lui aussi de mes discours. Qu'ai-je dit qui aurait semé la discorde

12 entre les Serbes et les Croates ?

13 R. Vous avez dit que vous étiez en train d'établir une Krajina Serbe.

14 Q. Monsieur Marjanovic, est-ce que vous avez entendu ça vous-même, de vos

15 propres oreilles, est-ce que vous m'avez entendu dire que je voulais

16 constituer une Krajina Serbe ?

17 R. Oui, je l'ai entendu, plusieurs fois d'ailleurs.

18 Q. Savez-vous que je n'ai jamais dit une telle chose ?

19 R. Moi, je l'ai entendu.

20 Q. Et vous, vous l'avez entendu malgré tout ?

21 R. Malgré tout, je l'ai entendu.

22 Q. Dites-moi, qu'avez-vous entendu ? Vous m'auriez entendu dire ce genre

23 de chose ? Est-ce que c'est la seule raison qui expliquerait l'existence de

24 tensions parmi les habitants serbes et des croates de la région ?

25 R. Qu'est-ce vous avez dit ?

Page 25017

1 Q. Est-ce qu'il y avait des problèmes que connaissaient les Serbes à

2 l'époque, en Croatie en 1990 ou 1991 ?

3 R. Et bien, les Serbes ne parlaient pas beaucoup aux Croates après ça.

4 Moi, je les ai pour voisins. Ils m'ont sauvé plusieurs fois pendant la

5 guerre.

6 Q. Fort bien. Mais votre village est le meilleur exemple puisqu'il n'y

7 avait que 18 maisons appartenant à des Croates et on n'a pas touché un seul

8 de leurs cheveux.

9 R. C'est vrai. Il n'y a que deux maisons qui ont été incendiées et si

10 elles l'ont été, c'est parce qu'il y avait à l'intérieur des policiers

11 croates. Il n'y a que deux maisons.

12 Q. Fort bien, Monsieur Marjanovic. Vous dites qu'en 1991, vous avez vu des

13 Serbes de la région portant des armes.

14 R. Oui, bien sûr.

15 Q. Pourquoi est-ce que les Serbes se dotaient d'armes ?

16 R. Ce n'est pas moi qui les armés. C'est vous qui le savez mieux que moi.

17 Q. Est-ce qu'il y a eu des attaques dirigées contre les Serbes avant

18 qu'ils ne commencent à se fournir des armes ?

19 R. Qu'est-ce que vous avez dit ?

20 Q. Je vous pose une question. Vous avez vos écouteurs donc je suppose que

21 vous êtes en mesure de m'entendre. Est-ce qu'il y a eu des attaques

22 dirigées contre les Serbes avant que ceux-ci ne commencent à s'armer ?

23 R. Moi, je n'ai pas senti d'attaques.

24 Q. Si je vous ai bien compris, vous ne sortiez pas de votre village ?

25 R. C'est exact.

Page 25018

1 Q. Et là, il n'y avait pas de problèmes ?

2 R. Non. Moi, je ne me déplaçais pas du tout.

3 Q. Dans ce même paragraphe, vous dites également : "Je savais qu'on

4 organisait un référendum croate mais j'avais peur d'aller voter parce que

5 c'était trop dangereux puisque je vivais entouré de Serbes."

6 R. Oui, cela a joué aussi.

7 Q. Est-ce que quelqu'un vous a menacé, des villageois de votre village ?

8 R. Non.

9 Q. Donc personne ne vous a fait de mal, ne vous a menacé ? Rien de ce

10 genre ?

11 R. Non.

12 Q. Mme Uertz-Retzlaff, a dit que la tension montait quand elle a présenté

13 le contexte de votre déposition, elle a dit que des barrages routiers

14 avaient été installés.

15 R. Il en avaient, effectivement.

16 Q. Fin du paragraphe 2, vous dites à la dernière phrase : "Jamais je n'ai

17 vu de barrages routiers mais j'ai entendu dire qu'il y en avait à Petrova

18 Gora, Slunj, aux lacs de Plitvice et dans d'autres endroits."

19 R. C'est vrai, il y en avait.

20 Q. Vu ce que d'autres témoins sont venus dire ici, il y avait des barrages

21 routiers. Mais moi, je veux établir ceci. Vous, vous-même, vous n'avez

22 jamais vu de barrages routiers ?

23 R. Non.

24 Q. Et ceci n'a pas eu d'influence sur les rapports existants dans votre

25 village, n'est-ce pas ?

Page 25019

1 R. Non.

2 Q. Lorsque vous dites avoir vu des Serbes de la localité ou de la région,

3 armés de fusils, vous dites que vous avez compris qu'ils posaient des

4 problèmes, qu'ils créaient des problèmes et que la police était, à ce

5 moment-là, séparée entre la police croate et la police serbe ?

6 R. Oui.

7 Q. Savez-vous que ce clivage, cette séparation est intervenue précisément

8 à cause de la politique d'état menée par la Croatie ?

9 R. Moi, je n'ai jamais été un homme politique et jamais je ne me suis

10 intéressé à la politique.

11 Q. Je vous comprends et je vous respecte. Mais savez-vous pourquoi il y a

12 eu cette division des forces de police ?

13 R. Non, je ne le sais pas.

14 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre parler des amendements apportés

15 à la constitution en juillet 1990, adoptés par le Sabor, par le monde

16 croate ?

17 R. Non. Peut-être qu'à ce moment-là, je n'écoutais pas ce genre de

18 nouvelles.

19 Q. Fort bien. Mais je suis sûr que vous vous souvenez de ces jours-là au

20 cours de cette période qu'on a commencé à voir les chéquiers, les

21 armoiries, le motif, les symboles de cet état indépendant de Croatie qu'on

22 faisait revivre cet état qui avait existé pendant le Seconde guerre

23 mondiale, n'est-ce pas ? Vous vous rappelez de cela ?

24 R. Non.

25 Q. Et au moment où on a établi que la seule écriture officielle, c'était

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1 l'écriture latine. Vous vous souvenez de cela ?

2 R. Non.

3 Q. Vous dites que la police a été divisée en deux groupes. Savez-vous

4 qu'en Croatie, à l'époque, beaucoup de Serbes ont été mis à pied qui

5 travaillaient au ministère de l'Intérieur ou dans les forces de polices, de

6 même que les Croates qu'on estimait peu fiable. Etes-vous au courant de

7 cela ?

8 R. Non.

9 Q. Vous souvenez-vous que dès le mois d'octobre 1991, des réfugiés serbes

10 étaient partis de la Croatie de façon massive ?

11 R. Oui, je me souviens mais c'était vrai des Croates qui sont partis à

12 Zagreb.

13 Q. Ma question porte sur les réfugiés serbes et je remonte à octobre 1991.

14 R. Non.

15 Q. Vous souvenez-vous si on a exercé des pressions sur les forces croates,

16 l'état croate ? Les autorités croates de l'époque ont exercé des pressions

17 sur les Serbes ce qui a poussé les Serbes à devenir réfugiés et à quitter

18 la région ?

19 R. Non, je ne me souviens pas.

20 Q. Est-ce qu'à l'époque, des nouvelles vous sont parvenues ? Est-ce que

21 vous lisiez les journaux, regardiez la télévision ?

22 R. Je ne lisais pas les journaux à l'époque et je ne le fais toujours pas

23 aujourd'hui. Il suffisait de -- j'essayais simplement de joindre les deux

24 bouts. C'est à ça que ce résumait ma vie.

25 Q. Je comprends, Monsieur Marjanovic. Mais vous dites que vous avez vécu

Page 25021

1 dans un village où rien ne s'est passé, où il n'y a pas eu une seule vie

2 perdue. Vous dites que vous ne lisiez pas les journaux ?

3 R. C'est vrai. Personne n'est tombé, aucun Serbe.

4 Q. Et aucun Croate, n'est-ce pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Pourtant, vous avez passé toute -- toute votre vie dans ce village ?

7 R. Oui.

8 Q. Alors, sur quoi porte votre témoignage ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez sur quoi porte son témoignage.

10 Il parle des corps trouvés dans ce village. Voulez-vous lui poser des

11 questions à ce propos, Monsieur Milosevic ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais bien sûr. Mais Monsieur May, je lui ai

13 déjà demandé s'il savait quoi que ce soit à propos de la façon dont ces

14 personnes ont perdu la vie. Et si j'ai bien compris les réponses du témoin,

15 il ne sait rien à ce propos. Il a appris quelque chose à ce propos

16 seulement au moment où on a voulu enterrer ces personnes.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Et ça s'est passé à quel moment, au cours de quelle année ? Après

19 l'opération Tempête ?

20 R. Oui, après l'opération Tempête.

21 Q. Ça veut dire à la fin de 1995 ?

22 R. Qu'est-ce que vous avez dit ?

23 Q. C'était à la fin de 1995 au moment où les corps ont été emmenés, n'est-

24 ce pas ?

25 R. Oui, je suis allé les enterrer.

Page 25022

1 Q. Mais ça s'est passé quand ?

2 R. En 1995, après l'opération Tempête. Deux ou trois mois après.

3 Q. Donc, un ou deux mois après l'opération Tempête. Ce qui veut dire que

4 ça s'est passé à compter du mois de septembre ou d'octobre ?

5 R. Lorsque les parents sont venus, les membres de la famille sont venus me

6 voir, me demander si je savais quoi que ce soit. La police croate est venue

7 aussi pour me voir et j'ai dit aux policiers que j'étais allé enterrer les

8 corps. Et ils ont dit : "Et bien, nous viendrons vous chercher lorsqu'il y

9 aura l'exhumation." C'est ce qu'ils ont fait. Je leur ai dit qui j'avais

10 enterré, où j'avais enterré ces personnes et tout le monde a été emmené à

11 l'église de Drecnik, au cimetière de Drecnik Grad et c'est là que ces gens

12 ont reçu leurs dernières sépultures, dans le grand cimetière.

13 Q. Dans votre village, avant la guerre, est-ce qu'il y avait une forme

14 quelconque d'organisation de la Défense territoriale ?

15 R. Non.

16 Q. Dans les villages environnants, là où il y avait le ZNG, est-ce que

17 c'est les organisations ZNG ?

18 R. Oui. Vous parlez de Draganac, notamment, et d'un autre endroit.

19 Q. Et c'est là précisément qu'il y a eu des tirs ?

20 R. Bien sûr.

21 Q. Mais dans votre village, il n'y a pas eu de coups de feu et ils

22 n'étaient pas présents dans votre village.

23 R. Non. Après, la JNA a tiré depuis cet endroit vers la Bosnie.

24 Q. A quel moment l'armée populaire yougoslave a-t-elle tirée sur la

25 Bosnie ?

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1 R. A partir de 1991 -- tout près de chez-moi, il y avait des cannons, ce

2 genre de chose.

3 Q. A quelle période, avez-vous vu les membres de la JNA et ses cannons à

4 proximité de votre maison ?

5 R. C'était en 1992.

6 Q. Mais quand précisément ?

7 R. Qu'est-ce que vous avez dit ?

8 Q. Quand en 1992.

9 R. Oui, c'est ça.

10 Q. Je vous demande à quel moment de 1992, au début de l'année ?

11 R. En 1992, en 1993, jusqu'en 1994. Ils encerclaient partout et tiraient

12 de ces endroits sur la Bosnie.

13 Q. Qu'est-ce qui s'est passé en -- dans la deuxième partie de 1992, parce

14 qu'en 1993 et 1994, ce n'était plus la JNA --

15 R. Qu'est-ce que vous avez dit ?

16 Q. Ce n'était plus la JNA ?

17 R. Qui c'était alors ?

18 Q. C'était l'armée de la Krajina Serbe ou l'armée de la Republika Srpska,

19 je ne sais pas ?

20 R. En tout cas, c'était l'armée serbe de Krajina et l'armée serbe de la

21 JNA.

22 Q. Fort bien, Monsieur Marjanovic. Au point 4, vous dites qu'au mois

23 d'octobre 1991, une unité, qui avait à sa tête, selon vous, Milan Popovic,

24 c'était donc le commandant. Je suppose que c'était un officier ?

25 R. C'est lui qui a emmené ces hommes de Zeljava pour venir arrêter les

Page 25024

1 gens du village.

2 Q. Fort bien. Vous venez de faire une description au moment de

3 l'interrogatoire principal et vous avez dit qu'il portait l'insigne d'un

4 officier de réserve ?

5 R. Qu'est-ce que vous dites ? Popovic ?

6 Q. Oui.

7 R. Je crois que c'était une espèce de sergent.

8 Q. Mais est-ce qu'il était officier de réserve ?

9 R. C'était un officier d'actif.

10 Q. Alors, vous parliez de quel officier de réserve ?

11 R. Pour moi, c'était Kotur, l'officier de réserve.

12 Q. Bon, ce Kotur --

13 R. Oui.

14 Q. Là, j'examine le point 6 de votre déclaration au préalable.

15 "Kotur," je lis, "est venu me voir et m'a dit que les Serbes avaient tué

16 des Croates," phrase suivante, et c'est la raison pour laquelle je cite ce

17 passage : "Kotur était considéré comme étant le duc des Serbes de la

18 région."

19 R. C'est comme ça que ses hommes à lui l'appelaient, ces réservistes.

20 Q. Fort bien. Mais dites-moi, qu'est-ce que voulait dire : "ces hommes",

21 "son armée".

22 R. Et bien, l'armée yougoslave.

23 Q. Je suppose que vous savez, Monsieur Marjanovic, parce que vous avez une

24 longue expérience, vous savez qu'il n'y avait pas de duc de vojvodas dans

25 l'armée populaire yougoslave ?

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1 R. Moi, je ne connais pas ces vojvodas, mais leurs hommes s'adressaient à

2 lui comme ça et lui disaient vient vojvoda ou duc.

3 Q. Monsieur Marjanovic, vu toute l'expérience que vous avez accumulée tout

4 au long de votre vie, est-ce que vous ne saviez pas que ce n'était pas des

5 gens de la JNA qui étaient là ?

6 R. Qu'est-ce que vous dites, mais bien sûr que c'était des gens de la JNA,

7 puisqu'ils portaient l'insigne de l'étoile. On savait de quelle armée ils

8 faisaient partie et qui les commandait.

9 Q. Donc, je vois. Ce Kotur, qu'on disait vojvoda, il avait l'étoile à cinq

10 branches ?

11 R. Oui, précisément.

12 Q. Ça doit être le seul cas dont je n'ai jamais entendu parler de ce

13 genre ?

14 R. Moi, je vous dis ce que j'ai vu de mes propres yeux.

15 Q. Vous dites avoir entendu mon discours, mes discours, vous-même ?

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est une question tout à fait

17 différente. Je pense qu'il est utile de faire la pause maintenant.

18 Monsieur Marjanovic, nous allons faire une pause de 20 minutes. Rappelez-

19 vous qu'au cours de cette pause, vous n'êtes censé parler à personne de

20 votre déposition tant qu'elle n'est pas terminée et ceci concerne également

21 les représentants du bureau du Procureur.

22 Pause de 20 minutes.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 04.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 27.

Page 25026

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic, continuez.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Marjanovic, je me suis penché quelque peu pendant la pause sur

4 votre déclaration. Or, vous avez dit tout à l'heure, que l'officier appelé

5 Kotur qui avait été appelé vojvoda portait lui, un couvre-chef avec une

6 étoile à cinq branches ?

7 R. Oui.

8 Q. J'ai été surpris de l'apprendre. Et je vais lire votre déclaration au

9 point 6.

10 Là, vous dites que "Kotur avait été considéré comme un vojvoda chez les

11 Serbes locaux. Et cela signifiait que c'était lui, un commandant pour eux.

12 Il était originaire de Grabovac".

13 R. Oui.

14 Q. "Localité à un kilomètre seulement de Lipovaca," n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Et puis vous dites "A ce moment-là, il portait un uniforme de policier,

17 noir. Et d'après mes souvenirs, il avait sur la tête un couvre-chef en

18 laine avec une cocarde".

19 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

20 Q. Donc, ce qu'on a écrit dans votre déclaration n'est pas exact. Ce que

21 vous avez dit tout à l'heure, est exact. A savoir qu'il portait un couvre-

22 chef avec une étoile à cinq branches et que c'était un membre de la JNA ?

23 R. En passant par la route, à deux kilomètres de chez moi, Kotur donc, sur

24 cette route qui fait deux kilomètres a mis un couvre-chef noir. Et il a dit

25 que la route était sécurisée. Maintenant, pour ce qui est de ce couvre-chef

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1 et la signification de celui-ci, je n'en sais rien. Et lorsqu'il a fait ces

2 deux kilomètres, il a mis une étoile à cinq branches jusqu'à la maison des

3 décédés, de ceux qui ont été tués.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment, juste un moment.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a procédé à un rectificatif au

6 niveau de l'avenant à ces déclarations -- à ce sujet. L'INTERPRÈTE : En

7 s'adressant à Mme Uertz-Retzlaff.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est ce que vous voulez dire, n'est-ce

9 pas ?

10 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas vu cette rectification.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Mais ne portait-il pas un emblème ou un insigne avec inscription avec

14 le texte de la "SAO de la Krajina". C'est ce qu'on dit dans votre

15 déclaration. Ne portait-il pas un pistolet ?

16 R. Il portait un pistolet dans un sac. Et pour ce qui est des insignes, il

17 n'avait pas une inscription "SAO Krajina". Les autres soldats avaient cela.

18 Q. Vous dites : "Lorsqu'il est venu à moi, il donnait l'impression d'être

19 très en colère. Parce que ces hommes avaient été tués. Et il n'approuvait

20 pas ce qui s'était passé."

21 R. Il était assez fâché, en colère. Parce que c'était des voisins à lui,

22 c'était des gens qu'il connaissait lui-même et que je connaissais aussi

23 bien.

24 Q. Bien. Monsieur Marjanovic, je vous remercie. Je voulais tirer les

25 choses au clair.

Page 25028

1 Savez-vous qu'à l'époque, ce qui a précédé aux tensions dont nous avons

2 parlé, il y avait eu des intrusions au secrétariat de l'intérieur dans le -

3 - pour le chargé du territoire où vous vous trouviez là où il y avait des

4 Serbes. Et on avait désarmé ces secrétariats. On avait confisqué les armes

5 de certains réservistes. On en avait -- on avait licencié certaines

6 personnes de leur poste ? Savez-vous quelque chose ?

7 R. Je n'en sais rien. Je ne bougeais pas de chez moi. Je ne suis pas au

8 courant du tout.

9 Q. Serait-il exact de dire, étant donné que vous êtes en train de parler

10 de la région de Knin n'est-ce pas ? N'est-il pas donc exact de dire que

11 vers la mi-1990, il y a eu un grand nombre de menaces de la part d'un grand

12 nombre de formations armées, menaces à l'égard ou à l'encontre de Serbes,

13 qui ont commencé à s'armer pour des raisons de leur propre sécurité ?

14 R. Je ne suis pas du tout au courant.

15 Q. Serait-il exact de dire alors, qu'à l'époque, il s'est constitué des

16 unités de la Défense territoriale, unité constituée par des Serbes locaux,

17 mais des Croates également, qui voulaient préserver la Yougoslavie ?

18 R. Je ne suis pas au courant.

19 Q. Vous n'êtes pas au courant ?

20 R. Non.

21 Q. Mais savez-vous nous dire quoique ce soit au sujet des armements des

22 postes de police dans la Krajina de Knin ?

23 R. Non.

24 Q. Bon. Etant donné qu'au point 2, vous parlez des lacs de Plitvice,

25 savez-vous nous dire ce qui s'est passé à Plitvice ?

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1 R. J'ai parlé des lacs de Plitvice pour ce qui est de la mort de Jovic.

2 C'est là, que j'ai appris qu'il était mort.

3 Q. Mais savez-vous ce qui s'est passé à Plitvice ?

4 R. Je ne sais pas.

5 Q. Savez-vous qu'il y a eu là des combats entre les ZNG et des Serbes de

6 cette localité ?

7 R. Je n'ai pas vu, moi.

8 Q. Vous avez mentionné le référendum des Serbes. Savez-vous dans quelles

9 circonstances s'est effectué ce référendum des Serbes ?

10 R. Non. Je ne sais pas.

11 Q. Mais vous savez que des Serbes de votre région s'étaient prononcés

12 favorables à la question du référendum.

13 R. Pardon.

14 Q. Vous dites : "Je savais que tous les Serbes de ma région s'étaient

15 déclarés pour la question posée au référendum."

16 R. Je n'en sais rien.

17 Q. Mais écoutez, je vous donne lecture de ce qui est écrit dans votre

18 déclaration.

19 R. Mais ça, c'est vous qui le savez mieux que moi.

20 Q. Monsieur Marjanovic, c'est vous qui témoignez ici. Moi, je donne

21 citation de ce que vous avez dit dans votre déclaration. Or, dans -- à la

22 lecture de ce que je -- vous avez déclaré, vous me dites, je ne sais pas.

23 R. Je sais ce que j'ai déclaré.

24 Q. Vous dites que je savais que tous les Serbes de ma région s'étaient

25 déclarés favorables à la question posée par le référendum ?

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1 R. Moi, pour la Krajina

2 Q. Je n'ai pas compris.

3 R. Ils se sont prononcés favorables à la Krajina Serbe.

4 Q. Donc, vous savez qu'ils sont tous allés au référendum et qu'ils ont

5 déclaré -- qu'ils ont voté pour, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Et vous avez participé à -- au vote. Mais vous avez mis un bulletin

8 blanc dans l'urne ?

9 R. Oui.

10 Q. Et les autres l'ont fait également ?

11 R. Non. Ils ne l'ont pas fait. Les Serbes ont voté pour. Et moi j'ai porté

12 un bulletin en blanc.

13 Q. Mais dites-nous, est-ce qu'il s'est créé une communauté des

14 municipalités de la Dalmatie du Nord et de la Lika ?

15 R. Je n'en sais rien.

16 Q. Mais savez-vous que ce référendum comme vous le désignez, le référendum

17 serbe a été -- s'est tenu, parce que l'on n'a pas voulu prendre en

18 considération les amendements présentés par les Serbes à la constitution

19 croate et que cela a été rejeté ?

20 R. Je n'en sais rien.

21 Q. Donc, vous ne savez pas que le référendum s'est tenu pour cela ?

22 R. Non, je ne le sais pas.

23 R. Mais savez-vous qu'après, il a été adopté une déclaration relative à

24 l'autonomie du peuple serbe en date du 25 juillet, à Srb ?

25 R. Je ne le sais pas.

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1 Q. Savez-vous que dans l'opinion publique, les gens, là où vous viviez, il

2 y avait eu un référendum portant sur l'autonomie culturelle des Serbes dans

3 la région, qui s'est tenu le 19 août ?

4 R. Je ne sais pas quand est-ce que cela s'est tenu.

5 Q. Vous n'avez pas pris part à cela ?

6 R. Non.

7 Q. Mais au référendum croate, vous n'y avez pas pris part non plus, n'est-

8 ce pas ?

9 R. Non.

10 Q. Vous avez décrit l'arrestation de votre fils par des soldats, n'est-ce

11 pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Serait-il exact de dire que les personnes qui ont arrêtées votre fils

14 étaient vêtues d'uniformes de la Défense territoriale et que c'était-là,

15 des habitants de la localité ?

16 R. Ce n'était pas des gens de la localité. C'était des gens de l'Armée

17 populaire yougoslave.

18 Q. Vous dites, au point 4, que vous saviez que certains d'entre eux

19 étaient de la Défense territoriale parce que les membres de la TO portaient

20 des blousons noirs et des uniformes de la police noirs. C'est précisément

21 des uniformes de ce genre que certains portaient sur eux. C'est vous qui le

22 dites en point 4. Vous dites qu'ils ont fouillé votre maison, qu'ils ont

23 arrêté votre fils.

24 R. Ils portaient des uniformes militaires.

25 Q. Bon, Monsieur Marjanovic, mais vous n'ignorez pas le fait, enfin, vous

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1 n'êtes pas sans savoir que la Défense territoriale portait des uniformes

2 pareilles ?

3 R. Ceux des vôtres qui portaient des uniformes noirs, c'était de

4 policiers. Je l'ai vu lorsqu'ils passaient par le village.

5 Q. Mais serait-il exact de dire que votre fils a été relâché au bout de 15

6 jours ?

7 R. Oui. Ils lui ont ensuite dit tu veux aller à l'armée ou tu veux aller

8 travailler. Et jusqu'à l'opération Tempête, il a été au Kolonija [phon] de

9 Slunj jusqu'à l'opération Tempête. Et par la suite, on lui a donné l'ordre

10 de conduire des familles de nationalité serbe, et ma femme était là-bas

11 aussi parce qu'elle avait pris peur. Elle avait peur des Mujahedins. Et

12 moi, au retour de cette localité de Kordunski Ljeskovac, je n'ai plus

13 retrouvé personne.

14 Q. Mais vous avez dit qu'on lui a laissé le choix d'aller à l'armée ou

15 travailler ?

16 R. Oui.

17 Q. Mais c'est un choix qui s'offrait à tous les citoyens, aux Serbes et

18 Croates.

19 R. Les Serbes ont pris l'uniforme et les Croates, eux, sont allés

20 effectuer les travaux.

21 Q. Je vous prie de m'expliquer, à présent, lorsque vous êtes allé enterrer

22 ces gens et vous affirmez que l'homme dont nous parlions tout à l'heure

23 était en colère parce que cela s'était passé, cela s'était produit. Est-ce

24 qu'il était en colère parce que vous avez été engagé pour l'enterrement où

25 a-t-il été question de savoir qui l'a fait ?

Page 25033

1 R. Et il m'a dit, Kotur : "Tu vois, Ivan, ce sont des Serbes qui les ont

2 tués et c'est des Croates qui sont en train d'enterrer mes voisins."

3 Q. Mais vous a-t-il dit qui l'a fait ?

4 R. Non. Non. Et je ne le sais pas de nos jours, non plus.

5 Q. Mais les gens qui vous ont emmené là-bas, était-ce là des gens de la

6 localité que vous connaissiez vous-même ?

7 R. Pardon ? Rade Gravora [phon] était au volant. Il a pris Mihic Stanislav

8 et Marjanovic Ivan et Crnkovic Ratko et nous avons voyagé seul dans une

9 Skoda bleue.

10 Q. Mais les gens qui vous ont emmené là-bas pour que vous fassiez ce

11 travail, et vous-même, c'était des gens, des villageois. Vous les

12 connaissiez ?

13 R. Oui, je les connaissais.

14 Q. Et quand vous décrivez les gardiens qui étaient debout à côté de ces

15 autres personnes, vous indiquez que vous les connaissiez, que vous saviez

16 leurs noms et vous saviez le nom de leur village ?

17 R. Oui, Muskinja, les trois frères.

18 Q. Et vous dites, ces gardiens, à l'alinéa 8, vous dites c'était des gens

19 de Nova Krslja. Vous parlez de Dujo, de Milan, de Dane.

20 R. C'est vrai.

21 Q. Donc, c'était des gens de la localité ? Et tout de même, vous affirmez

22 que c'était des membres de la JNA ?

23 R. Oui.

24 Q. Bon. Mais savez-vous nous dire ou saviez-vous que ces uniformes de la

25 JNA pouvaient être procurés par toutes les personnes qui avaient fait la

Page 25034

1 JNA ? Les uniformes étaient gardés à la maison par ces gens ?

2 R. Ça, je ne le sais pas. Je ne l'ai pas vu.

3 Q. Bien. Etant donné que c'était tous des gens de la localité, étant donné

4 que vous connaissiez ces gens, vous connaissiez leurs noms, leurs prénoms.

5 N'est-il pas évident que les unités de la JNA, les membres de la JNA ne

6 faisaient jamais leur service militaire dans leur localité ?

7 R. Ça, je le sais. Mais là, il faisait le service sur place.

8 Q. Mais le fait de se trouver sur place, dans ces uniformes-là, ne prouve-

9 t-il pas le fait qu'il ne s'agissait pas de la JNA mais de la Défense

10 territoriale locale ?

11 R. Mais moi, je n'étais pas au courant d'existence d'une Défense

12 territoriale locale. Je ne les ai vus mettre leur uniforme et c'était

13 terminé.

14 Q. Quand est-ce qu'il avait vêtu cela ?

15 R. Quand ils en ont reçu l'ordre.

16 Q. Mais moi, je vous parle de la période de temps. Quand est-ce que cela

17 s'est passé ?

18 R. En 1991, tout de suite, ils ont mis ces uniformes.

19 Q. Quand en 1991 ?

20 R. En 1991, dans le courant du mois de janvier, février.

21 Q. Bon. Mais dites-moi maintenant, étant donné que vous précisez que c'est

22 en octobre, novembre 1991, il y avait des membres de la JNA de Serbie qui

23 étaient venus de Serbie et du Monténégro dans votre village ?

24 R. Oui.

25 Q. Bon. Mais il existait encore une Yougoslavie à l'époque. Il existait

Page 25035

1 une JNA également, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Voilà, je vais vous donner lecture de ce que vous dites au point 11 :

4 "Entre octobre et novembre 1991, j'ai vu des soldats arriver. J'ai vu aussi

5 arriver des chars."

6 R. Oui.

7 Q. Donc : "A Rakovica, à Grabovac, il y a eu des tirs mais ils n'ont

8 jamais tiré vers mon village."

9 R. C'est cela, ils n'ont pas tiré.

10 Q. "Mais je me souviens qu'à l'époque des unités étaient venues de Serbie

11 et du Monténégro. Des soldats venaient dans ma maison, sur mes terres et

12 ils disaient qu'ils venaient de Serbie et du Monténégro."

13 Et vous avez même entendu dire qu'il y en avait de Macédoines. Vous avez

14 précisé que vous avez entendu du macédonien.

15 R. J'ai vu des gens parlé macédonien avec Popovac Milan. Ils étaient venus

16 fouiller des maisons. Mais ceux de Serbie étaient venus dans ma maison, à

17 moi.

18 Ils m'ont demandé : "Ivan, est-ce qu'il y a des Croates à égorger ici ?"

19 Alors, je lui ai dit : "Mais, écoutez. Je suis Croate, moi-même." Alors ils

20 m'ont dit : "Mais comment veux-tu que je t'égorge. Toi, tu est un homme

21 bon, un brave homme."

22 Q. Mais vous n'avez pas précisé cela dans votre déclaration. Vous n'avez

23 pas dit qu'on vous avait demandé s'il y avait des Croates à égorger. Donc,

24 vous êtes en train de nous dire qu'ils étaient venus de Serbie pour égorger

25 des Croates ?

Page 25036

1 R. C'est ce qu'ils m'ont dit. C'était des volontaires à vous.

2 Q. Attendez. Attendez. Dites-moi, était-ce là les membres de JNA ou des

3 volontaires ? Faites un choix. Dites-nous ce qu'ils étaient ?

4 R. Ecoutez. Ils portaient des vêtements de ce type. Ils avaient des

5 couvre-chefs. Ils étaient venus de Serbie et portaient ces vêtements-là.

6 Q. Mais attendez. Si vous dites qu'ils portaient des couvre-chefs de

7 Serbie, ça ne pouvait pas faire partie des uniformes de la JNA.

8 R. Ça, ça ne faisait pas partie. Ils étaient vêtus de la même façon. Ils

9 étaient vêtus comme les membres de la JNA.

10 Q. Mais ces couvre-chefs dont vous parlez, ils étaient comment ?

11 R. Ils portaient des couvre-chefs larges.

12 Q. Vous parlez de la sajkaca serbe ?

13 R. Oui.

14 Q. Mais cela ne faisait pas partie de l'uniforme de la JNA.

15 R. C'était en général des volontaires de Serbie.

16 Q. Ça, vous l'avez conclu partant de ce qu'ils ont dit eux-mêmes.

17 R. Ils disaient qu'ils venaient de Serbie pour défendre leur région.

18 Q. Que vous ont dit les gens de Macédoine, ceux de Macédoine ?

19 R. Ils n'ont rien dit. Ils étaient avec Milan Popovic lorsqu'ils sont

20 arrivés pour arrêter les gens dans le village.

21 Q. Mais bon. Est-ce que cela se passait à l'époque où la JNA, en 1991,

22 était constituée encore de Serbes, de Croates, de Macédoniens, de

23 Monténégrins et de tous les autres groupes ethniques ?

24 R. Oui, à l'époque, oui.

25 Q. C'était l'année 1991 encore.

Page 25037

1 R. C'était l'armée yougoslave. Et il y avait des membres qui venaient de

2 Macédoine, de partout, de Croatie aussi.

3 Q. Donc, de toutes les régions en bref ?

4 R. Oui. De toutes les régions.

5 Q. Mais ils ne vous ont rien fait de mal, à vous ?

6 R. Non. Pas à moi.

7 Q. Mais ils n'ont fait de mal à quiconque dans votre village ?

8 R. Non. A personne.

9 Q. Et vous n'avez pas quitté le village ?

10 R. Non. Je n'ai pas quitté le village, parce qu'on nous avait donné

11 l'ordre de ne pas aller, ne serait-ce que jusqu'au point de vente, jusqu'au

12 magasin local.

13 Q. Dites-moi encore, ils ont donné l'ordre à votre fils de conduire des

14 Serbes après l'opération Tempête ou du -- ou pendant cette opération

15 tempête. Et c'était une partie de ces réfugiés serbes qui avaient fui la

16 région.

17 R. C'était le 4 août 1991.

18 Q. Mais attendez, est-ce que l'on a blessé ? Est-ce qu'on a battu votre

19 fils ? Est-ce que quelqu'un s'est mal comporté à son égard ?

20 R. On l'a emmené d'abord à Zeljava, et là, personne ne l'a battu.

21 Q. Donc, il est librement revenu dans votre village ?

22 R. Oui, il est arrivé jusqu'à une voisine, et cette voisine qui est dans -

23 - de mon village, qui avait épousé quelqu'un de là-bas. Et ils étaient

24 déménagés vers Ruma. Elle l'a bien reçu. Elle l'a gardé là-bas deux mois et

25 demi. Puis après, il est allé à Belgrade.

Page 25038

1 Et elle lui avait dit, "Même s'il voulait rester trois mois, qu'elle allait

2 le garder trois mois."

3 Q. Mais pourquoi n'est-il pas revenu tout de suite ? Y a-t-il eu une

4 explication ?

5 R. J'imagine qu'il n'a pas pu. Il est resté là-bas. Il a obtenu un

6 passeport et il est revenu avec sa femme.

7 Q. Où est-ce qu'il avait reçu son passeport ?

8 R. Là-bas, à Belgrade.

9 Q. Donc il est allé à Belgrade. Il a obtenu un passeport et il est revenu

10 chez lui ?

11 R. Il y avait là-bas, la sœur de ma femme qui s'était mariée là-bas. Ils

12 se sont retrouvés là-bas. Et ils lui ont procuré ces documents là-bas, ces

13 pièces d'identité là-bas. Et il est rentré à la maison.

14 Q. Bien. Monsieur Marjanovic, je vous remercie.

15 R. Je vous remercie également.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Juste une question, Messieurs les Juges.

17 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

18 Q. [interprétation] S'agissant des 40 personnes qui sont parties en 1991

19 de cette région, de la région où ils avaient résidé, est-ce que l'une

20 quelconque de ces personnes est rentrée ?

21 R. Elles reviennent.

22 Q. Mais, est-ce que l'une quelconque de ces personnes est rentrée ?

23 R. Si. Elles reviennent.

24 Q. Vous dites qu'il n'y a que quatre maisons d'habitées. Mais je vous

25 parle de ceux qui sont partis en 1991. Est-ce qu'il y en a qui sont

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1 revenus ?

2 R. Savo Rajic. Milan Bozic va revenir et les autres vont revenir

3 également.

4 Q. Ecoutez, je m'excuse, dites-moi seulement, exception faite de cette

5 personne-là, est-ce que quiconque est revenu ? Je crois bien qu'ils ont

6 l'intention de revenir.

7 R. Quatre familles vont revenir dans le Kordunski Ljeskovac, la localité

8 du Kordunski Ljeskovac.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

11 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Juste une question, Messieurs les

12 Juges.

13 Nouvel interrogatoire par Madame Uertz-Retzlaff :

14 Q. [interprétation] Monsieur Marjanovic, lorsque Mr Milosevic a mentionné

15 le fait que, personne des villageois croates de la -- du village de Nova

16 Krslja n'a été tué. Vous avez parlé de bons voisins qui vous avaient sauvé.

17 Alors, comment vous ont-ils sauvé et de quoi ?

18 R. De bons voisins m'ont sauvé, en effet. Lorsque j'étais au village, ils

19 avaient organisé une garde villageoise et ils me disaient tout le temps "Ne

20 craint rien et n'aie peur de personne."

21 Milo Bozic, Sava Bozic, Ilija Kovacevic, Ilija Kolundzija, et d'autres.

22 Q. Mais vous êtes en train de mentionner des gens qui sont des Serbes ou

23 des Croates ?

24 R. Des Serbes.

25 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai plus de

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1 questions à poser.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Marjanovic, ceci met fin à votre

3 déposition. Je vous remercie d'être venu devant le Tribunal pénal

4 international pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous aussi.

6 [Le témoin se retire]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, je crois savoir

8 que vous avez préparé un autre témoin que vous aimeriez entendre

9 aujourd'hui, n'est-ce pas ?

10 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais ce

11 témoin doit rentrer à son lieu de résidence ce week-end. Car dans le cas

12 contraire, il pourrait avoir des difficultés avec son employeur.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est peut-être le cas. Mais il aurait

14 été préférable à ce moment-là, de l'entendre avant le témoin que nous

15 venons d'entendre.

16 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, en effet.

17 Mais le témoin que nous venons d'entendre a des problèmes de santé. Il est

18 malade du cœur. Et donc, nous avons dû faire face à cette situation. Nous

19 ne nous attendions pas au retard dans le début de l'audience ce matin.

20 Donc, nous demandons que les discussions juridiques soient reportées à

21 lundi.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous allons reporter cette

23 discussion à lundi matin. Mais nous en traiterons lundi matin, dès le début

24 de l'audience. Et nous verrons jusqu'à quel point de la déposition de ce

25 témoin nous pouvons arriver. Mais en tout cas, qu'il soit appelé et pénètre

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1 dans le prétoire.

2 Y a-t-il une requête qu'il importe de présenter à huis clos partiel ou à

3 huis clos complet avant le début de l'audition de ce témoin.

4 M. KHAN : [interprétation] La Chambre est saisie d'une demande de mesure de

5 protection. En effet, nous aimerions que cette demande, que cette requête

6 soit traitée avant l'entrée du témoin dans le prétoire.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Nous passons à huis clos partiel.

8 M. KHAN : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, ça sera fait.

10 [Audience à huis clos partiel]

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 [Audience publique]

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Khan, vous parlez à la Chambre

25 bien entendu.

Page 25042

1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes en

2 audience publique. Mais nous devons faire les préparatifs nécessaires pour

3 que les mesures de protection s'appliquent.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, pendant que nous

5 attendons, j'aimerais voir une carte où l'on trouve le nom du village de

6 Lipovaca.

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Juge, nous avons remis

8 une carte géographique sur laquelle figure tous les lieux où des crimes ont

9 été commis, en tout cas, toutes les municipalités sur cette carte de

10 Croatie. Et je pense qu'elle sera disponible lundi.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Donc, c'était une erreur lorsque

12 M. Grujic a parlé de Lipovaca [sic].

13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Et en fait,

14 dans notre mémoire préalable au procès, nous avons indiqué que cette erreur

15 figurait à l'acte d'accusation. Donc, une erreur dans l'orthographe d'un

16 toponyme et l'acte d'accusation sera corrigé également bien entendu. Toutes

17 ces petites erreurs seront corrigées partout où elles se trouvent.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 [Difficultés techniques, aucune interprétation]

21 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1097 [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Khan, vous pouvez procéder.

24 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

25 l'Accusation aimerait soumettre à ce témoin un document où figure son

Page 25043

1 pseudonyme.

2 Interrogatoire principal par M. Khan :

3 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin B-1097, pouvez-vous confirmer que

4 le nom inscrit sur la feuille de papier qui vous est soumise en ce moment

5 est bien le vôtre ?

6 R. Oui, c'est le mien.

7 M. KHAN : [interprétation] Je demanderais donc que ce document soit remis

8 aux Juges de la Chambre.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais n'en avons-nous pas des copies

10 déjà ?

11 M. KHAN : [interprétation] Il conviendrait que cela devienne une pièce à

12 conviction.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans la liasse de documents dont nous

14 disposons, je pense qu'il conviendrait de donner une cote à ce document --

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, pièce à

16 conviction 512. Et la feuille de papier sur laquelle figure le pseudonyme

17 sera conservée sur scellé.

18 M. KHAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Q. Monsieur le

19 Témoin, pouvez-vous confirmer que vous avez fait une déclaration devant des

20 enquêteurs du bureau du Procureur, les 12 et 15 décembre 1997 ?

21 R. Oui, c'est possible, je confirme que j'ai bien fait une telle

22 déclaration.

23 Q. Cette déclaration a-t-elle été certifiée devant un membre, un

24 représentant du Tribunal, le 11 mars 2003 ?

25 M. KHAN : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette un exemple de ce

Page 25044

1 document au témoin.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

3 M. KHAN : [interprétation]

4 Q. Pourriez-vous vous rapprocher du micro, Monsieur le Témoin, je vous

5 prie.

6 R. Oui, c'est bien moi qui ai fait cette déclaration. Donc la déclaration

7 que je viens d'examiner est bien la mienne.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une cote, s'il vous plaît ?

9 M. KHAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation

11 513.

12 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, la déclaration de ce

13 témoin est versée au dossier par le truchement de l'application -- par le

14 truchement de l'Article 92 bis, donc je me propose de donner lecture du

15 résumé de la déclaration de ce témoin.

16 Au moment des incidents dans cette affaire, le témoin avait 32 ans, et

17 résidait à Zvornik. Le village dans lequel il habitait était un village

18 totalement musulman.

19 Et en mai la Défense territoriale musulmane a participé à des affrontements

20 avec les Serbes, le témoin participant lui même à ces affrontements, mais

21 simplement pour y apporter son aide.

22 Peu après, une unité arrivée de Serbie, dans le village du témoin, et dont

23 le témoin estime qu'elle était composée des hommes d'Arkan, ont lancé un

24 ultimatum au témoin et aux villageois exigeant d'eux qu'ils se rendent une

25 fois l'ultimatum lancé. Les hommes qui habitaient le village se sont réunis

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1 et ont décidé de rendre toutes leurs armes. Le total des armes présent dans

2 le village était de 92 armes, qui ont toutes été rendues.

3 Et le calme a continué à régner à peu près pendant les deux ou trois

4 semaines suivantes. Cependant, le 31 mai, suite à une réunion du SDS dans

5 le village de Petkovici, réunion à laquelle avait participé des dirigeants

6 musulmans du village du témoin, il a été décidé que les villageois iraient

7 à Tuzla pour y être échangés par -- contre un certain nombre de Serbes déjà

8 prêt à cette fin.

9 Les villageois sont arrivés à Klisa, et le lendemain, 1e juin, ils se sont

10 mis en rang par deux, la colonne mesurant à peu près deux kilomètres de

11 long. Cette colonne regroupait des hommes, des femmes et des enfants, et

12 des soldats portant un uniforme de camouflage l'escortait, et elle s'est

13 déplacée à pied donc jusqu'à Bijeli Potok.

14 Lorsque la colonne est arrivée à Bijeli Potok, les hommes ont été séparés

15 des femmes et des enfants. Les hommes étaient frappés violemment à l'aide

16 de battes de baseball, de câbles épais, de matraques de police et d'autres

17 instruments similaires. Le témoin a également vu le commandant de la police

18 de Zvornik accompagné d'un certain nombre de soldats portant des bérets

19 verts à cet endroit.

20 La population masculine a été chargée à bord de camions. Et dans le camion

21 où se trouvait le témoin, une centaine d'hommes étaient serrés les uns

22 contre les autres, et il y avait un cadavre décapité sur le sol. Ces

23 camions ont ensuite pris la route. Le témoin estime qu'ils se sont dirigés

24 vers Tuzla -- estimait qu'ils se dirigeaient vers Tuzla. En fait, ils sont

25 arrivés à l'Ecole technique de Karakaj de Zvornik.

Page 25046

1 Une fois arrivée, les hommes ont reçu l'ordre de descendre des camions et

2 on les a emmenés jusqu'à un hangar qui se trouvait à côté de l'école. Il

3 leur a fallu traverser une haie constituée de Serbes de la région, qui

4 portaient l'uniforme vert olive. Et au passage dans cette haie, les hommes

5 descendus du camion étaient violemment frappés à l'aide de battes de

6 baseball, de matraques de police, de crosses de fusil, et d'autres

7 instruments. Le témoin a eu le corps recouvert d'ecchymoses, suite à ces

8 coups.

9 Le groupe dont il faisait partie, était l'un des premiers arrivés dans le

10 hangar. Il se composait de 300 à 400 hommes au total. Et en quelques heures

11 ce groupe a accru en nombre pour se composer désormais de 600 hommes,

12 entassés dans le hangar comme des sardines. L'air était très sec, il

13 faisait très chaud. Les personnes âgées ont commencé à s'évanouir, et peu à

14 peu, le nombre de personnes présentes dans ce hangar a atteint un millier.

15 Les détenus ont pu se rendre dans une petite pièce où ils ont reçu de

16 l'eau. Ils ont pu boire l'eau qui leur a été donnée, et qui en fait été

17 mélangée de sang venant de leurs chemises.

18 Et puis ils ont essayé de sortir du hangar mais c'était des gardes serbes

19 qui les gardaient et qui tiraient en l'air pour les empêcher de sortir. Un

20 sac a circulé parmi les prisonniers qui devaient y mettre leurs montres et

21 autres objets de valeurs. A un certain moment, le témoin, ainsi que

22 d'autres détenus ont été alignés et contraints de se diriger vers une table

23 où ils ont encore dû donner les derniers objets de valeurs qu'ils avaient

24 sur eux. A cette table, le témoin a vu des milliers de deutschemarks, de

25 montres, de bijoux et d'autres objets de valeur étalés.

Page 25047

1 Le témoin et son père ainsi que son beau-frère ont essayé de ne pas entrer

2 tout de suite dans la deuxième pièce parce qu'ils entendaient les sons des

3 coups et les gémissements qui venaient de l'intérieur de cette deuxième

4 pièce. Donc, ils espéraient pouvoir retarder l'échéance. Cependant,

5 finalement, il leur a bien fallu y entrer et le témoin a été frappé si fort

6 sur le dos et la tête qu'il a perdu conscience.

7 Ensuite, on l'a forcé à s'asseoir sur le sol, avec la tête baissée et

8 d'autres personnes ont été accompagnées dans cette autre pièce par les

9 gardes. Mais le témoin n'a pas pu voir qui distribuait les coups. Il n'a pu

10 entendre que les gémissements, les cris et le bruit des coups.

11 Il a donc passé trois jours, au total, dans ce hangar et il y a vu 50

12 cadavres dans la pièce où il était détenu au début. Deux détenus ont essayé

13 de se suicider en raison des conditions d'existence atroces dans ce lieu en

14 essayant de mordre un câble électrique. Cependant, ils n'ont pas réussi et

15 on les abattu par coups de feu. Une fois, un Chetnik local a pénétré dans

16 le hangar et a demandé à ce qu'on lui remettre 300 balijas. Il n'en a reçu

17 que dix et aucun de ces dix hommes n'est jamais revenu.

18 Un officier de la JNA était arrivé et a dit aux détenus qu'ils seraient

19 échangés. Donc, le témoin pensait que cela serait le cas et finalement, on

20 lui a demandé de sortir du hangar et de ramasser une arme à feu dans une

21 usine où il avait l'habitude de travailler auparavant. Il était escorté par

22 un garde, un policier de Loznica en Serbie. Et, à ce moment-là, il a pu

23 prendre les dispositions nécessaires pour s'évader. Une fois qu'il s'est

24 évadé, il ne pesait que 54 kilos. Pendant son séjour dans le hangar, la

25 nourriture était insuffisante et il n'avait pratiquement pas reçu à boire.

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1 Alors voilà, sur le fond, ce que contient la déclaration du témoin.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Khan, vous n'avez pas cité

3 d'année. Vous nous avez parlé de mois mais pas d'année.

4 M. KHAN : [interprétation] Je ne l'ai pas fait, Monsieur le Président,

5 parce que dans la déclaration, aucune année n'est mentionnée. Donc,

6 j'interrogerai le témoin de vive voix, si vous me le permettez sur ce

7 point.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

9 M. KHAN : Avec votre autorisation, Monsieur le Président, j'aimerais poser

10 quelques questions au témoin.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Certainement.

12 M. KHAN : [interprétation]

13 Q. Monsieur le Témoin, je vais maintenant vous poser quelques questions

14 auxquelles vous pourrez répondre si vous le voulez bien.

15 Vous avez entendu les Juges faire observer qu'ils aimeraient connaître

16 l'année des événements décrits dans votre déclaration. Pourriez-vous dire

17 aux Juges de quelle année il s'agit ?

18 R. Le 1er juin. C'est à ce moment-là que cela s'est passé. Et le même jour

19 ou la veille, on nous avait qu'on serait échangé contre des Serbes de

20 Tuzla. Voilà ce qu'on nous a dit, qu'il fallait chercher nos effets

21 personnels, ne rien emporter et qu'on serait échangé et nous l'avons cru.

22 Nous sommes partis dans une colonne en rangs par deux.

23 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre en quelle année cela se passait ?

24 R. Le 1er juin 1992.

25 Q. Merci. Je vais maintenant vous poser quelques autres questions.

Page 25049

1 Pendant votre séjour dans le hangar, vous avez dit dans votre déclaration

2 que vous étiez sous bonne garde. Y avait-il parmi les gardes, des hommes

3 qui n'étaient pas originaire de Bosnie ?

4 R. Oui, il y en avait.

5 Q. Pourriez-vous dire d'où était originaire ces hommes et ce qui vous

6 permet de croire qu'ils n'étaient pas originaire de Bosnie ?

7 R. Je ne sais pas. Mais je sais qu'un officier d'active n'était pas

8 originaire de Bosnie. Celui qui m'a appelé pour que je lui remettre mes

9 deux fusils. Je sais cela et je sais que quand j'ai fait le parcours Sabac,

10 Novi Sad, je l'ai reconnu comme étant l'un des gardes qui était assis à

11 l'arrière de l'autobus. C'était un réserviste que j'ai revu dans le camp.

12 Je l'ai reconnu car je l'avais vu dans l'autobus.

13 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Bijeli Potok, vous dites dans votre

14 déclaration que les hommes ont été séparés des femmes. Votre épouse, votre

15 sœur et votre mère, où les a-t-on emmenées ?

16 R. Lorsque nous sommes à Bijeli Potok, ils ont déclaré que les femmes et

17 les enfants devaient se séparer des hommes. Et les hommes ont été embarqués

18 à bord d'autobus et de camions, une centaine d'hommes à peu près. On nous a

19 emmené à Karakaj.

20 Q. Mais savez-vous où les femmes ont été emmenées ?

21 R. J'ai entendu plus tard, 20 jours plus tard à peu près, qu'on les avait

22 emmenées à Tuzla, ou en tout cas, dans la direction de Tuzla.

23 Q. Est-ce que vous avez entendu l'une quelconque de ces femmes vous dire

24 qu'elles avaient été emmenées à Tuzla ou avez-vous entendu des Serbes dire

25 qu'elles avaient été détenues à Tuzla à cette époque-là ?

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1 R. Et bien, il n'y avait personne dans le stade. Ma femme l'a confirmée.

2 Nous l'avons vu à ce moment-là. J'avais des espoirs. Je pensais que c'est

3 ce qui se passerait mais lorsque ma femme a dit qu'il n'y avait personne

4 dans le stade, les choses sont devenues claires pour moi, j'ai tout

5 compris.

6 Q. Vous dites dans votre déclaration, quels sont les uniformes et les

7 vêtements portés par les gardes qui étaient avec vous dans le hangar et qui

8 venaient vous chercher. Vous dites également qu'un officier de la JNA vous

9 a rendu visite dans ce hangar. Alors pourriez-vous, je vous prie, expliquer

10 aux Juges, ce qui vous permet de conclure qu'il s'agissait d'un officier de

11 la JNA ?

12 R. Et bien, il portait des insignes de son grade. Je n'avais pas le droit

13 de le regarder en face. Donc, je ne sais pas exactement quels étaient ces

14 insignes. Tout ce que je sais, c'est qu'il avait un insigne indiquant le

15 grade sur son uniforme. Et puis, il était bien rasé. Il avait un uniforme

16 d'officier alors que les autres étaient plutôt débraillés, ceux de la

17 région. Ils n'étaient pas soignés, ils n'étaient pas rasés et ils n'avaient

18 pas l'air d'hommes qui servaient dans les rangs de la JNA. Celui-là

19 ressemblait véritablement à un officier. Il s'est présenté en disant qu'il

20 était capitaine.

21 Q. Merci.

22 M. KHAN : [interprétation] A l'adresse des Juges, avec l'autorisation de la

23 Chambre, Monsieur le Président, j'aimerais maintenant passer en revue une

24 série de pièces à conviction annexées à la déclaration du témoin.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, cela peut se faire rapidement,

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1 n'est-ce pas, compte tenu de l'heure.

2 M. KHAN : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur le Président.

3 Pièce à conviction 512. J'aimerais d'abord que, avec l'autorisation de la

4 Chambre, le témoin examine une carte géographique de la municipalité de

5 Zvornik à laquelle il conviendrait de donner une cote.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

7 Juges, pièce à conviction de l'Accusation 343, intercalaire 6.B1097.

8 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président et Messieurs les Juges,

9 vous en avez des exemplaires ?

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Khan.

11 M. KHAN : [interprétation]

12 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous en quelques mots nous dire où a

13 commencé votre périple et peut-être indiquer à l'aide du pointeur où se

14 trouve cet endroit sur la carte ? Pourrait-on remettre au témoin un

15 pointeur qui l'aiderait à indiquer ce lieu. Sur le rétroprojecteur,

16 Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous montrer l'endroit en question ?

17 R. Nous sommes partis de Klisa, en passant par Djulici par un chemin très

18 étroit. Nous étions en colonne, en rang par deux. La colonne mesurait à peu

19 près deux kilomètres, selon moi. A mon avis, elle regroupait 2 000 hommes,

20 même plus peut-être. Mais 2 000, j'en suis sûr. Et à partir de Djulici,

21 nous sommes arrivés sur la route goudronnée de Karakaj à Sapna et nous nous

22 sommes ensuite dirigés dans la direction de Bijeli Potok qui est à 700

23 mètres à peu près. Nous avons franchi le pont, les femmes sont restées là

24 et nous, à l'autre bout du pont, nous a fait monter à bord de camions. Dans

25 le premier camion, il y avait des gens du coin, dont moi-même, Emin

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1 Selimovic, Jakav [phon] et d'autres, et puis --

2 Nous sommes passés par Jardan et nous sommes arrivés devant l'Ecole

3 technique de Karakaj, où nous attendaient une -- où nous attendaient ces

4 soldats de la Republika Srpska, qui formaient une haie et qui avaient à la

5 main des battes de baseball avec lesquels ils ont commencé à nous frapper.

6 Ensuite, un par un, on est entré dans l'Ecole technique de Karakaj et dans

7 le gymnase.

8 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Et avez-vous bien -- pouvez-vous confirmer

9 qu'il s'agit de la carte sur laquelle vous avez placé vous-mêmes des

10 annotations et que vous avez signée ?

11 R. Oui, oui, c'est bien cette carte.

12 M. KHAN : J'aimerais maintenant que l'on soumette au témoin l'intercalaire

13 2 de cette même pièce à conviction.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur Khan, pourrait-il nous dire si

15 l'intercalaire 2 doit être conservé sous scellé ou pas ?

16 M. KHAN : [interprétation] Non, non. Bien si, si. En fait si, à cause de la

17 signature, en effet.

18 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous, je vous prie, confirmer que ceci est

19 bien un schéma que vous avez fait vous-mêmes et qui est annexé à votre

20 déclaration ?

21 R. Je confirme qu'il s'agit d'un schéma que j'ai fait de ma main. Et que

22 figure sur ce document ma signature indiquant que je suis bien l'auteur de

23 ce dessin.

24 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges, dans quelle pièce on vous a fait

25 entrer au départ; cette pièce dans laquelle les gens étaient entassés et

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1 suffoquaient ?

2 R. Quand on entre dans la grande salle du centre technique de Karakaj, il

3 y a un garage. Et cela dépendait un petit peu, nous passions tous par la

4 haie de soldats. Donc, certains d'entre nous recevaient plus de coups que

5 d'autres. Mais en tout cas, personne n'est passé par cette haie sans

6 recevoir le moindre coup. Et nous étions frappés à l'aide de battes de

7 baseball, de câbles métalliques et d'autres instruments. Donc, nous sommes

8 entrés après cela dans le hangar, dans cette espèce de garage, où se

9 trouvaient une centaine ou deux cent hommes que je ne connaissais pas. Et

10 heure après heure, d'autres hommes entraient dans ce hangar au fur et à

11 mesure de l'arrivée des camions.

12 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le Témoin. Mais auriez-vous

13 l'obligeance de dire aux Juges ce que représente ces deux parties que l'on

14 voit sur votre schéma ? Ces deux pièces dans lesquelles vous avez été

15 détenues ? Et vous pouvez vous servir du rétroprojecteur.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne pouvons

17 pas nous servir de rétroprojecteur, puisque c'est une pièce conservée sous

18 scellé.

19 M. KHAN : [interprétation] D'accord, d'accord. Je l'admets.

20 Mais je demanderais que l'on passe à la pièce à conviction suivante, qui

21 est une liste de noms où l'on voit les noms des membres du 2e Bataillon de

22 la 1re compagnie de Karakaj.

23 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous je vous prie, à l'aide du code de

24 pseudonymes que vous avez sur la pièce qui vous a été remise précédemment,

25 nous dire si vous reconnaissez certaines -- certains noms sur cette liste

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1 comme étant ceux de gardiens qui vous gardaient dans le hangar ?

2 R. Il y a le A, le B, le C, D et E.

3 Q. Je vous remercie.

4 M. KHAN : [interprétation] Une précision, les intercalaires 3 et 4 ne sont

5 pas déposés sous scellés. Est-il maintenant possible de montrer au témoin,

6 l'intercalaire 4. S'y trouve, là aussi une liste. Mais celle-ci, c'est la

7 liste de personnes exhumées de la municipalité de Zvornik.

8 Q. Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous ces gens ? Est-ce que ces hommes

9 se sont trouvés avec vous dans le hangar ? Et les avez-vous vus morts ?

10 R. Le numéro 2 -- vous voulez que je donne les noms ? Voulez-vous que je

11 donne les noms ou pas ? Donc le numéro 2 --

12 Q. Non, le numéro suffit.

13 R. Fort bien. Le numéro 2 disais-je, le numéro 4, le numéro 8, le numéro

14 15, le numéro 18, le numéro 28. C'est tout.

15 Q. Je vous remercie.

16 M. KHAN : [interprétation] Je termine ainsi mon interrogatoire principal.

17 Je vous remercie, Messieurs les Juges.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, quelle sera la durée

20 probable de votre contre-interrogatoire ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez décidé que ce serait un témoin en

22 application du 92 bis. Je pensais consacrer au moins une heure à mon

23 interrogatoire.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, nous allons commencé. Nous

25 pourrons siéger jusqu'à 14 heures. Il faudra peut-être que le témoin

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1 revienne malheureusement; qu'il revienne à un moment donné plus tard. Mais

2 nous pouvons déjà commencer le

3 contre-interrogatoire.

4 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

5 Q. [interprétation] Avant de poser mes questions, questions concrètes,

6 Monsieur le Témoin 1097, j'aimerais vous demander de ceci. Il y a un

7 instant, je vous ai entendu dire, j'ai entendu

8 M. Khan le dire, mais je l'ai entendu dire de beaucoup d'autres témoins. Je

9 ne sais plus combien. J'ai entendu dire à quel -- combien de fois des gens

10 ont été frappés à coups de battes de baseball. Ça leur semble peut-être

11 tout à fait logique même si vous, vous-mêmes, vous l'avez mentionné. Est-ce

12 que vous ne trouvez pas ça illogique aussi bien pour vous que pour moi ?

13 Est-ce qu'on a jamais vu une batte de baseball en Bosnie orientale ? Où

14 est-ce qu'elles se trouvaient toutes ces battes de baseball, en Bosnie

15 orientale ?

16 R. Quand je me suis trouvé dans ces lieux, elles y étaient. C'était des

17 espèces de matraques et des battes de baseball. Je les ai vues de mes yeux.

18 Q. Des matraques de policiers ça existent, mais je pense que toute cette

19 histoire de battes de baseball, ce sont des choses qui sont fabriquées de

20 toutes pièces. Vous dites que des gens vous ont battu à coups de battes de

21 baseball ?

22 R. Oui, Monsieur Milosevic, c'est ce qu'ils ont fait.

23 Q. On vient de vous montrer dans la pièce déposée sous pli scellé ce qui

24 fait que vous n'avez pas pu donner les noms, mais vous avez mentionné un

25 certain bataillon d'une certaine compagnie et vous avez reconnu certains

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1 noms. Est-ce que c'était tous des habitants de la région, du coin ?

2 R. Non. Non. C'était des gens de Serbie. Vous l'avez déjà entendu.

3 Q. Mais comment les avez-vous reconnus ?

4 R. Je vous ai dit que j'avais voyagé dans un autobus avec l'un d'entre eux

5 ou en autocar. Et puis, l'autre c'était un officier. Il a dit lui-même

6 qu'il était sergent et c'est lui qui avait négocié les conditions de notre

7 échange. Il se présentait comme étant un officier d'active parce que, parmi

8 les habitants de la région, il n'y avait personne qui été comparable à lui

9 à cet égard.

10 Q. Fort bien. Nous reviendrons à ceci plus tard. Monsieur le Témoin 1097,

11 vous dites n'avoir constaté aucune tension et ceci jusqu'au moment du

12 conflit à Bijeljina. C'est bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Pourtant, d'après ce que je vois dans votre déclaration, vous

15 n'habitiez pas à Bijeljina ?

16 R. Non.

17 Q. Vous parlez de barrages qui avaient été installés. Vous avez fait

18 mention de barrages, n'est-ce pas, un barrage routier ?

19 R. Oui, il y en avait.

20 Q. Puisque vous parlez de barrages, savez-vous qui les a installé ?

21 R. Mais il y en avait dans chaque village à l'époque, aussi bien des

22 barrages érigés par des Musulmans que par des Serbes. C'était le cas dans

23 tous les villages.

24 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu la question.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Milosevic, je n'habitais à Bijeljina.

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1 Impossible de vous répondre.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Il y avait des événements qui s'étaient produits jusqu'alors -- donc,

4 avant le temps qui pour vous -- comme vous l'indiquez, est le début des

5 tensions au moment où des barrages sont érigés à Bijeljina, est-ce qu'il y

6 avait eu des incidents avant cela -- avant que ce conflit interne n'éclate

7 dans la république même ? Est-ce qu'il y a eu des incidents où il y a eu

8 des victimes d'actes de groupes paramilitaires armés, ces victimes étant

9 des Serbes ?

10 R. Je ne suis pas au courant.

11 Q. Vous ne savez rien à ce propos ?

12 R. Rien du tout.

13 Q. Cependant, je vois que vous avez été très actif. Rappelez-vous -- vous

14 vous rappelez d'événements à Kostajnica, le 25 août 1991 et puis le 13

15 septembre; à Brod le 15 et le 16 septembre 1991, pareil; Bosanski Samac, le

16 27 novembre, le 28 novembre; Gradiska, Brod, Sijekovac, 26 mars 1992;

17 autant de dates antérieures aux événements qui font l'objet de votre

18 déposition.

19 Etes-vous au courant de cette attaque dont l'incursion de forces régulières

20 croates dans le nord de la Bosnie ?

21 R. Je ne sais rien du tout à ce propos. C'est la première fois que j'en

22 entends parler, ici même.

23 Q. Fort bien. Savez-vous quoi que ce soit quant à la façon dont a commencé

24 le conflit à Bijeljina ?

25 R. Je ne sais pas, Monsieur Milosevic. Je ne l'ai pas entendu parce qu'on

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1 n'avait plus d'électricité. Je ne sais donc pas.

2 Q. Fort bien. Ça ne me surprend pas de vous entendre répondre de la sorte.

3 C'est devenu une réponse tout à fait habituelle pour moi. Maintenant dites-

4 moi, vous avez arrêté de travailler à ce moment-là, n'est-ce pas ? Mais

5 comment avez-vous su que ces barrages avaient été installés ? Pourquoi

6 avez-vous cessé de travailler ? Qui vous en a donné l'ordre ?

7 R. J'ai arrêté de travailler le 1er juin, le jour où j'ai été emmené dans

8 le camp. Mais auparavant, lorsque la Défense territoriale est arrivée, elle

9 nous a interdit de travailler et après un certain temps, ces hommes nous

10 ont rendu nos armes officielles puis ils se sont retirés. Ils nous ont

11 rendu nos pistolets officiels et nous avons continué à travailler jusqu'au

12 moment où la totalité du village a livré ces armes, ce qui veut dire que

13 j'ai travaillé normalement jusqu'au moment où on m'a emmené au camp.

14 Q. Et parlez de quelle Défense territoriale ?

15 R. De celle de la Bosnie-Herzégovine.

16 Q. Point 2, de votre déclaration, vous dites :

17 "Que lorsque les barrages ont été installés, nous avons arrêtés de

18 travailler. C'est à ce moment-là que sont arrivés les gens de la Défense

19 territoriale."

20 C'est bien cela, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je sais que je ne peux utiliser

23 le nom du village, c'est bien cela ?

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Mais ça été un des rares villages libres de la région, n'est-ce pas,

3 puisque ne s'y trouvaient que deux ménages serbes. Et lorsque, comme vous

4 dites, Zvornik a été occupé, les Serbes ont encerclé ce village. C'est bien

5 ce que vous dites dans votre déposition ?

6 R. Oui. Oui.

7 Q. Vous souvenez-vous du fait que le 5 avril, c'est une date antérieure,

8 si j'ai bien compris, dans le village de Sapna, dans votre municipalité de

9 Zvornik, les forces que vous mentionnées, à savoir, la Défense territoriale

10 de Bosnie-Herzégovine et peut-être aussi d'autres forces, telles que la

11 Ligue patriotique et les Bérets verts, sur la route principale, allant de

12 Zvornik à Tuzla où ils tenaient des barrages routiers. Ils ont empêché la

13 circulation de véhicules de la force de réserve de la JNA, qui elle s'est

14 retirée, et ils ont ouvert le feu sur la JNA. C'est alors que le sergent

15 Mika Stanojevic a été tué et que plusieurs personnes se trouvant à bord des

16 véhicules ont été blessées. Vous vous en souvenez ?

17 R. Non. Mais c'est bien la preuve qu'il y avait des unités régulières de

18 la Serbie. Vous venez de le dire vous-même.

19 Q. Mais moi, je parlais des forces de réserves qui se retiraient en

20 direction de la Serbie et qui sont tombés dans une embuscade et qui ont été

21 tués. C'était un simple transport, ce n'était pas un assaut, une offensive.

22 C'est à ce moment-là que la JNA se retirait de la Bosnie-Herzégovine. Ça

23 s'est passé le 5 avril ?

24 R. Je ne suis pas au courant. Je ne le sais pas, Monsieur Milosevic.

25 Q. Avant la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, ils aidaient à la JNA

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1 à se retirer et vous n'êtes pas du tout au courant ?

2 R. Non, pas du tout.

3 Q. Vous souvenez-vous que peu de temps avant cet incident, au cours duquel

4 on a ouvert le feu sur ces hommes. L'autre incident s'est passé vers le mi

5 mars 1992, sans aucun motif, sans aucune provocation. Cinq jeunes Serbes

6 ont été arrêtés dans l'hameau de Sahmani [phon], à Donja Kamenica. Ces

7 hommes ont été interrogés par Avdija Omerovic --

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous voulez donner tous ces détails ?

9 Etes-vous au courant de ce dont parle l'accusé ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas du tout. Je ne sais rien du tout.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Passez à autre chose, par conséquent.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Est-il exact de dire -- je vais

13 passer effectivement à quelque chose d'autre, Monsieur May.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Est-il vrai de dire qu'à ce moment-là, la Ligue patriotique était

16 active et que l'organisateur de la région s'appelait Samir Misovic qu'on

17 connaissait sous le nom du capitaine Almir ?

18 R. Je n'ai pas parlé.

19 Q. A Kula Grad, au-dessus de Zvornik puisqu'il n'était pas possible --

20 R. Il n'était pas possible de se déplacer ce qui veut dire que je n'ai pas

21 quitté le village et que je n'en ai pas entendu parler.

22 Q. Savez-vous que dès le mois de janvier 1992, au moment où il n'y avait

23 pas de restrictions au niveau des déplacements dans les rues de Zvornik, il

24 était possible de voir de plus en plus fréquemment des criminels en tenue

25 de police ainsi que des combattants de la foi -- c'est comme ça qu'on les

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1 appelait -- qui avait à leur tête Midhat Grahic, un criminel notoire de

2 Zvornik. Et on appelait cette unité les Colombes de la mosquée Dzamiski

3 Golubovi [phon] ? Le saviez-vous au moment où votre mouvement n'était pas

4 restreint ?

5 R. Oui, mais c'est la première fois que j'entends parler.

6 Q. Je vois -- c'est la première fois que vous en entendez parler. Vous

7 souvenez-vous que, dans la région de Zvornik, il y avait les Kobras, un

8 groupe paramilitaire commandé par Suljo. Avant la guerre cet homme était

9 enseigné, il s'appelle en fait Sulejman Terzic ?

10 R. Je connais le nom, mais c'est la première fois que je n'entends parler

11 parce que, Monsieur Milosevic, je n'étais pas sur les lieux à l'époque. Je

12 connais ce nom, mais je ne sais pas ce que cet homme a fait.

13 Q. On le surnommait Kobra ?

14 R. C'était peut-être son nom de guerre, il ne portait pas ce surnom,

15 auparavant.

16 Q. Connaissez-vous quelqu'un qui est devenu commandant de la brigade de

17 Zvornik, de Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Je connais le nom, mais je ne sais pas quelle fonction il occupait.

19 Q. Est-il exact de dire que l'effusion de sang à Zvornik a commencé le 8

20 avril 1992 ?

21 R. Je ne me souviens pas de la date exacte.

22 Q. Vous souvenez-vous, je suppose, que vous l'avez tout du moins entendu

23 dire à la radio, que la présidence de Bosnie-Herzégovine et son

24 représentant serbe a adopté des décrets portant sur la formation de la

25 cellule de Guerre républicaine de la TO ? Ou de l'état major républicain de

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1 la TO ?

2 R. Je ne me souviens pas.

3 Q. Est-il exact de dire, Monsieur le Témoin, que la cause immédiate du

4 conflit à Zvornik, ça a été la mobilisation de la ministre musulmane,

5 ordonnée par le président de la municipalité et le représentant du Parti du

6 SDA, un ancien dentiste Abdulah Pasic, et Nedzad Sabic, commandant de cet

7 état major municipal de la TO. Etes vous au courant ?

8 R. Non.

9 Q. Le dernier est devenu commandant de la 1re Brigade de Podrinje en

10 Bosnie-Herzégovine --

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ah, quoi sert-il de faire tout ceci ?

12 Est-ce qu'il y a eu une mobilisation ? Posons une question au témoin à

13 laquelle il est en mesure de répondre. Est-ce qu'il y a eu mobilisation

14 dans votre propre village, Monsieur le Témoin ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur, il n'y a pas eu de

16 mobilisation.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce qu'il y a eu dans votre village un

18 conflit ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu de combat.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et vous avez tous été emmenés à l'Ecole

21 technique de Karakaj.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, puisque c'est vous qui interrogez le

25 témoin, je vous rappelle le contenu du paragraphe 4, tout au début de votre

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1 déposition, Monsieur le Témoin, il est dit qu'un groupe d'hommes armés de

2 la TO musulmane, commandé par Hajrudin Mesic, sont venus au mois de mai,

3 dans le village du témoin, donc vous demandez s'il y a eu mobilisation ou

4 pas. Ici on fait référence à une unité de la Défense territoriale.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, oui, là vous pouvez poser une

6 question car il peut y répondre.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je viens de lui poser la question. Toutes

8 les questions que je lui pose attestent de l'activité de forces musulmanes,

9 et je viens d'en énumérer plusieurs, puis vous lui demandez si s'est passé

10 quoique ce soit dans son village à lui.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est vous qui avez avancé toute une

12 série d'affirmations, d'allégations typiques de ce qui selon vous s'est

13 passé, c'est votre version des faits. Mais ça n'a pas été confirmé par le

14 témoin, pour lui il n'y a pas dans tout ce que vous dites une once de

15 vérité.

16 Vous pouvez bien sûr lui poser des questions à propos de ce qui se trouve

17 dans sa déclaration préalable. Ce serait beaucoup plus pertinent parce que

18 ce serait concret, et en rapport avec ce qu'il a dit. Posez lui ces

19 questions.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Paragraphe 4 de votre déclaration, on parle ici de la Défense

23 territoriale musulmane qui est venue dans votre village en mai. Vous avez

24 parlé des activités qui se produisaient à l'époque. Est-ce que ceci indique

25 qu'il y a eu mobilisation de ces forces musulmanes ? Est-ce que ceci montre

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1 qu'il y a eu conflit provoqué par eux dans la région ou pas ? Parce qu'en

2 réponse à toutes les choses que j'ai dites, vous avez répondu par la

3 négative.

4 R. Non, c'était une unité organisée qui est arrivée. Vous pouvez peut-être

5 l'appeler brigade, mais nous dans le village nous n'étions pas du tout

6 organisés. C'est la raison de leur venue parce qu'on a été provoqué, on a

7 ouvert le feu, comme la moitié du village était déjà partie dans une autre

8 région. Ils ont ouvert le feu, à partir de positions serbes, sur les

9 maisons musulmanes. Ils se sont servis de lance-roquettes anti-blindés,

10 c'est ainsi qu'ils sont venus libérer le village.

11 Q. Il y a un instant, vous avez dit qu'il ne s'est rien passé dans votre

12 village, que rien ne s'était produit, et qu'une unité était venue vous

13 libérer ?

14 R. Les Serbes tenaient des positions sur les collines, et ouvraient le feu

15 de jour et de nuit sur les maisons dans le village, ce qui veut dire que la

16 moitié de la population était déjà partie pour un autre village. C'est pour

17 ça que ces hommes sont venus.

18 Q. Fort bien, Monsieur le Témoin 1097, est-il vrai de dire que plusieurs

19 groupe paramilitaires musulmans, qui ont attaqué de nuit les faubourgs de

20 Zvornik, se sont livrés à des actes de pillage, et se sont attaqués à des

21 maisons. Vous souvenez-vous de l'attaque du 17 avril, sur le village de

22 Rastocnica [phon], municipalité de Zvornik, pour ne pas donner le nom des

23 personnes tuées. Est-ce que le village a été incendié et pillé ?

24 R. Mais ça se passe à 50 kilomètres de chez moi, Monsieur Milosevic. Je

25 vous l'ai déjà dit à l'époque qu'on ne pouvait pas se déplacer, c'était

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1 trop dangereux, on était assiégé.

2 Q. Mais êtes-vous au courant d'attaque sur le village serbe de Boskovici

3 le 5 mai 1992 ?

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est une pure perte de temps. Poser-lui

5 des questions concernant son village parce que vous allez -- si vous ne le

6 faites pas, vous aurez toujours la même réponse. Vous faites perdre le

7 temps à tout le monde. En temps utile, vous pourrez bien sûr nous présenter

8 des témoins, pour autant que ce soit pertinent, mais pour l'instant vu que

9 nous avons peu de temps, il est inutile de parcourir tout ceci.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je comprends, je comprends que vous, Monsieur

11 May, vous ne voulez pas entendre parler de quoi que ce soit qui aurait été

12 la cause de ces événements, mais ce témoin vient de la région, et son

13 témoignage porte sur les événements qui se sont produits dans la région.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais pas à propos de quelque chose qui

15 s'est passée à 50 kilomètres de chez lui, ne lui posez pas de telles

16 questions. Avancez.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Monsieur Khan, au moment où il a commencé l'interrogatoire principal,

20 peut-être que dès ses premières phrases, après avoir dressé le contact, et

21 après avoir toutes les formalités de l'identité de l'état du témoin a dit

22 ceci, et je l'ai écrit :

23 "En mai la TO musulmane a eu des affrontements avec les Serbes."

24 Est-ce que c'est exact ou pas ?

25 R. Oui, Monsieur, ça s'est passé, nous avons repoussé -- l'attaque était

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1 repoussée, et la TO est repartie. Elle a offert que nous partions avec eux.

2 Nous avons refusé -- nous n'avons pas pris d'armes, et nous avons été

3 laissé tranquilles pendant quelques semaines. Nous avons livrés nos armes.

4 Q. Mais apparemment après ces affrontements, certains Serbes sont venus

5 dans votre village, et là je lis le point 9, vous dites :

6 "Je ne suis pas sûr, mais je pense que c'était les hommes d'Arkan, et ils

7 nous ont donné un ultimatum pour que nous livrons nos armes."

8 Donc, avant ça, il y a eu l'affrontement de vos forces avec des forces

9 serbes, puis d'autres Serbes vous ont dit que vous devriez rendre vos

10 armes ?

11 R. La cellule de Crise a dit que, lorsque les Serbes nous ont offert la

12 paix contre nos armes, effectivement, nous avons livré 52 fusils. Les

13 hommes d'Arkan sont venus chercher les armes, et les ont emmenées. Et on

14 nous a laissé tranquille pendant quelques semaines.

15 Q. Vous le dites vous-mêmes "Je ne suis pas sûr, mais je crois que."

16 R. Et je crois encore aujourd'hui que c'était les hommes d'Arkan.

17 Q. Bien. Serait-il exact de dire qu'avant cela, et là, vous en parlez

18 également dans votre déclaration au point 4 : Ces forces musulmanes, qui

19 ont été mentionnées par M. Khan, qui se sont emparées du barrage au niveau

20 du lac artificiel là, où étaient recueillies les eaux résiduelles de la

21 fonderie ?

22 R. Oui.

23 Q. Et donc, ces membres de la Défense territoriale musulmane ont pris

24 position sur le barrage, c'est bien cela ?

25 R. Oui.

Page 25067

1 Q. Et, est-il exact de dire que vous étiez vous-même là-bas, à ce moment-

2 là ?

3 R. Oui.

4 Q. Bon. Alors serait-il exact de dire que c'est précisément dans ces

5 opérations des forces musulmanes que l'on a pu prendre pour cause de ces

6 tensions interethniques dont on a parlé ?

7 R. Ce n'est pas vrai.

8 Q. Donc, ceci ne devait causer aucune réaction du tout. Et cela ne pouvait

9 en aucun cas être considéré d'actes de violence. Ce que vous venez

10 justement de nous confirmer.

11 R. Non.

12 Q. Bon. Mais je ne sais pas si les personnes dont nous parlons sont

13 également à garder dans l'anonymat. Donc, ces hommes qui étaient de votre

14 village et qui vous ont dit qu'il fallait restituer les deux pistolets que

15 vous aviez, aux membres de la TO ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc, ces gens qui vous ont dit de restituer ces pistolets de services,

18 c'était des Musulmans ?

19 R. Oui. On les a restitués -- lorsque nous avons rendu les armes, on nous

20 a rendu les pistolets.

21 Q. Ce capitaine Dzemail Spahic, commandant de la TO, n'a-t-il pas amené

22 environ une centaine d'hommes dans votre village ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-il exact de dire que c'était un ancien capitaine de la JNA ?

25 R. C'est exact.

Page 25068

1 Q. Et est-il exact de dire que, parmi les soldats musulmans, il y avait

2 deux frères à lui ?

3 R. C'est exact, Monsieur.

4 Q. Et est-il vrai qu'une trentaine d'entre eux, avaient dormi dans votre

5 maison ?

6 R. Oui. Les maisons étaient déjà vidées. Et ils ont dormi dans ma maison,

7 dans d'autres maisons. Parce que nous n'osions pas nous, y dormir. Mais

8 eux, étaient des soldats et ils pouvaient le faire.

9 Q. Au point 5, vous indiquez qu'ils ont attaqué Cilovo Brdo, qui se trouve

10 à proximité de votre village dont je ne veux pas mentionner le nom ici. Et

11 ils ont été aidés par des hommes à Hajrudin Mesic, égal -- un autre

12 commandant de la TO. L'attaque -- leur attaque a commencé à 9 heures, mais

13 les Serbes les ont repoussés. Donc, dites-nous qui a attaqué qui ?

14 R. La Défense territoriale s'est attaquée à ces deux mitrailleuses qui

15 s'étaient attaquées au village. Donc, on ne

16 pou -- nous ne pouvions pu vivre dans le village. La repousse et l'attaque

17 ayant été repoussées, nous avons eu deux soldats de tués. Les soldats sont

18 revenus cette nuit-là, et ils nous ont proposé de nous joindre à eux pour

19 qu'ils nous fassent passer vers un territoire libre. La cellule de Crise a

20 refusé et il est resté juste les villageois. Nous sommes restés avec et --

21 Q. Bien. Mais serait-il exact de dire que l'attaque qui a commencé à 9

22 heures et que vous et la moitié des hommes, aviez pris part à cette

23 attaque ?

24 R. Non. Nous n'avons pas pris directement part à cette attaque, Monsieur

25 Milosevic.Non.

Page 25069

1 Q. Mais il est dit ici fin du paragraphe 5, à la lettre : "A peu près la

2 moitié des hommes de mon village parmi lesquels il y avait moi-même a pris

3 part à l'attaque."

4 R. Nous n'avons fait que sécuriser l'attaque. Nous connaissions le terrain

5 et nous avons assuré les arrières de ces soldats. Et une fois l'attaque

6 repoussée, ils se sont retirés et sont retournés par la suite vers le

7 territoire libre.

8 Q. Oui. Je peux vous poser des questions plus tard à ce sujet. Donc, la

9 moitié des hommes de votre village a pris part comme vous le dites vous-

10 mêmes, à l'attaque. Et une fois que les autres, qui n'étaient pas des

11 villageois de chez vous, c'était une population civile de votre village

12 également ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il faut être équitable à l'égard du

15 témoin. Il faut lire la phrase entière, il a dit : "A peu près la moitié

16 des hommes de mon village parmi lesquels il y avait moi-même, a pris part à

17 l'attaque. Mais nous n'avons fait que garder les arrières pour ces

18 soldats."

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, dans toute opération militaire,

20 il y a des effectifs de protection. Mais ils sont tous participants à une

21 opération militaire. Maintenant, de là à savoir qu'elle était l'affectation

22 de tout à chacun, cela n'a aucune pertinence. Et quand vous dites 50 %,

23 alors le fait d'avoir dit ici dans ma version serbe, on ne dit pas 50 %, on

24 dit à peu près la moitié. Et moi, j'ai cité ce qu'il a déclaré lui-même.

25 Ça, ça n'a rien à voir, n'est-ce pas ?

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce qui importe ce n'est pas les 50 %.

2 C'est le fait qu'il a participé -- qu'il a qualifié la participation de ces

3 hommes et de lui-même à cette action, comme il l'a indiqué dans sa

4 déclaration.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais bien sûr. Mais cela n'est pas contesté du

6 tout.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Or, je vous demande pourquoi vous êtes-vous attaqué à un village serbe

9 où il y avait que des civils ?

10 R. Ce n'était pas un village serbe. Il n'y avait pas une seule maison dans

11 ce secteur. C'était un -- une colline où les Serbes avaient pris position.

12 Et ils avaient tiré en direction de notre village. Mais il n'y a pas de

13 maison du tout, là-bas.

14 Q. Mais, qui a-t-il là-bas ?

15 R. Là, il y avait notre village musulman et les Serbes avaient pris

16 position. Ils avaient tiré dessus pour nous provoquer.

17 Q. Donc, ils vous ont provoqué et c'est ainsi que vous avez lancé ces

18 attaques ?

19 R. C'est précisément ainsi, Monsieur Milosevic, que ça c'est passé.

20 Q. Dites-moi je vous prie, serait-il exact de dire que les membres de la

21 TO musulmane, une fois qu'on vous a restitué les pistolets, avaient menacé

22 de faire sauter le barrage, de dynamiter le barrage ?

23 R. Ils se sont entretenus par téléphone avec ces gens en bas, avec les

24 gens de l'usine Glinica. Et ils disaient qu'ils allaient faire sauter le

25 barrage. Et ils ne l'ont pas fait, mais ils ont fait passer une certaine

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1 quantité de boue rougeâtre vers la rivière.

2 Q. Donc la TO musulmane n'a pas levé les tuyaux à l'entrée de ce barrage

3 là, où se déversent les résidus polluants de la mine. Ce qui fait que cette

4 eau polluée est arrivée dans la rivière Sapna, et ce n'est pas contesté ?

5 R. Ce n'est pas contesté.

6 Q. Et ils voulaient, pour -- ce faisant, prévenir quelqu'un. Mais prévenir

7 quelqu'un, ce n'est pas un avertissement que de polluer une rivière ?

8 R. Monsieur Milosevic, ce n'est que de la boue rouge. Ça n'a pollué rien

9 du tout. Et il ne s'agissait que de quelque centaine de kilos. Ce n'est pas

10 un acide. Cela n'est rien d'autre que de la boue rouge. C'est ce qui reste

11 de la bauxite, de l'exploitation d'un minerai.

12 Q. Oui. C'est un minerai que la bauxite, c'est exact. Mais est-il exact de

13 dire qu'il n'y a pas eu de réaction du tout du côté serbe. Alors que la

14 télévision elle, a informé de ces faits.

15 R. J'ai suivi ce qui a été dit. Les Serbes ont fait venir l'équipe de

16 télévision. Ils ont filmé. J'étais présent en personne.

17 Je sais que la télévision a filmé. Ils ont filmé les explosifs, mais on n'a

18 pas fait sauter le barrage. On a juste levé les tuyaux. Et on a parlé de

19 deux tonnes d'explosifs. Et j'étais personnellement présent, parce que je

20 travaillais là-bas. Il y avait vingt kilos. Alors ils ont dit deux tonnes.

21 Q. Donc, vous n'aviez que 20 kilos d'explosifs et eux ils ont dit qu'il y

22 avait deux tonnes, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, Monsieur Milosevic.

24 Q. Donc, vous pensez que le fait d'avoir mis 20 kilos d'explosifs comme

25 vous le dites, c'était tout à fait justifié. Mais vous n'avez pas fait

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1 sauter ces explosifs ?

2 R. Je ne pense pas que cela a été une bonne chose que de le faire.

3 Q. J'ai eu l'impression que vous vous étiez arrêté que vous n'avez pas

4 fini de répondre.

5 R. Non. J'ai fini ma réponse, Monsieur Milosevic.

6 Q. Donc, ce qu'a filmé la télévision, les explosifs qui ont été placés là-

7 bas, elle a tourné, elle a filmé des événements qui existaient, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Oui, Monsieur Milosevic.

10 Q. Mais comment se peut-il que la télévision filme 20 kilos et montre cela

11 sur les écrans et disent que ces 20 kilos ne font pas 20 kilos mais deux

12 tonnes ?

13 R. Mais non. C'est possible. Ils ont fait venir des sacs de bois scié et

14 ils ont dit que c'était des explosifs. Ils ont filmé le tout d'en haut pour

15 faire croire qu'il y en avait beaucoup plus.

16 Q. Et vous avez dit qu'il n'y avait que 20 kilos d'explosifs ?

17 R. Non, pas moi, mais les gens de la localité l'ont dit.

18 Q. Mais une fois que vous avez restitué les armes à ceux pour lesquels

19 vous n'êtes pas sûr qu'il s'agisse des hommes Arkan mais vous pensez que

20 c'était des hommes Arkan ?

21 R. Oui.

22 Q. Donc là, la situation était plus ou moins normale et il n'y a pas eu de

23 provocations à ce moment-là, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. C'est du reste, ce qu'on dit dans votre déclaration et cela a duré

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1 pendant deux ou trois semaines encore, sans qu'il y ait de provocations,

2 quelle qu'elle soit ?

3 R. C'est exact, Monsieur.

4 Q. Dites-moi, je vous prie, le premier incident est-il survenu le 31 mai,

5 précisément au moment où Omer Selimovic, qui était l'un des soldats de

6 l'armée musulmane est arrivé à Klisa avec d'autres soldats musulmans

7 également ?

8 R. Oui.

9 Q. C'est bien exact, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Est-il exact de dire qu'à la ligne de démarcation, il y a eu des tirs

12 et des tirs assez nourris ?

13 R. Il n'y a pas eu de tirs du tout.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est déjà 14 heures pile. Nous devons

15 lever l'audience parce que cette salle est nécessaire pour un autre procès.

16 Monsieur le Témoin 1097, je crois que nous n'avons pas été en mesure de

17 terminer l'audition de votre témoignage. Nous avons appris que vous ne

18 pouviez pas venir lundi et c'est bon mais --

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux revenir.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez revenir.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux revenir, oui.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Parfait. Alors à lundi matin.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela se peut.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous voulez ajouter quelque chose ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, rien jusqu'à lundi.

Page 25074

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez encore une demie heure de

2 contre-interrogatoire, donc, il faudra s'attendre à une heure. Vous

3 viendrez à 9 heures donc, vous n'aurez pas fini avant 10 heures. Est-ce que

4 cela vous convient ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela me convient.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Khan, peut-être pourriez-vous

7 vous entretenir avec le témoin au sujet de cette thématique-là. Et si c'est

8 bon pour lundi, nous pouvons terminer son témoignage.

9 M. KHAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je vais

10 le faire.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous demande de ne parler à personne

12 de votre témoignage jusqu'à la fin de celui-ci et vous pouvez échanger

13 quelques propos avec l'Accusation pour ce qui est des arrangements de votre

14 départ.

15 Monsieur Groome, nous allons continuer lundi, une fois que nous terminerons

16 avec ce témoin, les conversations au sujet des sujets que nous avons dit

17 que nous allions soulever par la suite.

18 M. GROOME : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous levons l'audience à présent.

20 --- L'audience est levée à 14 heures 03 et reprendra le lundi 28 juillet

21 2003, à 9 heures.

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