Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 18 septembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

7 LE TÉMOIN: C-1164 [Reprise]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 Contre-interrogatoire par M. Milosevic: [suite]

10 Q. Madame 1610, dites-moi quelle est la date à laquelle vous avez été

11 évacuée de la zone de la Slavonie de l'Est et où vous êtes passé en

12 Serbie ?

13 R. Je n'ai pas été évacuée de la Slavonie orientale. C'est plutôt autre

14 chose après la date où j'ai été arrêtée, où j'ai été faite prisonnière. On

15 a été emmené en Serbie puis par un convoi de Sremska Mitrovica, nous sommes

16 sortis me semble-t-il vers le 19 ou le 20. Je crois que c'était le 20

17 novembre 1991.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. A quel moment avez-vous été transférée en Serbie ? C'est la date qui

20 m'intéresse.

21 R. De Vukovar, je crois que cela s'est passé au début du mois de novembre

22 1991.

23 Q. Et après vous étiez à Mitrovica, c'est ça ?

24 R. Oui, on nous a emmené. On a traversé la Serbie puis on est allé à

25 Mitrovica.

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1 Q. Pendant combien de jours êtes-vous restée là-bas ?

2 R. J'avais perdu toute idée du temps. Je ne peux pas vous dire combien de

3 jours exactement, mais dans la prison même à Mitrovica, et bien je crois

4 que j'y suis restée pendant cinq ou six jours, voir sept. Je ne peux pas

5 vous dire exactement à jour près.

6 Q. Très bien. Donc, lorsqu'on vous a transféré en Serbie, on vous a

7 transféré d'une région où il y avait des combats, on vous a transféré vers

8 une zone où vous étiez en sécurité et où la paix régnait ?

9 R. Et bien on était pas en sécurité, ça c'est certain. On a eu une escorte

10 armée. On ne peut pas parlé de sécurité, on ne se sentait pas en sécurité.

11 Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça vous dire la sécurité, si on

12 est forcé d'y aller, si on vous emmène. Vous ne savez pas où, jusqu'à quand

13 vous allez rester, combien de temps cela va durer, donc on ne peut pas

14 parler de sécurité ?

15 Q. Page 5, paragraphe 3, vous dites qu'un officier de la JNA, le brigadier

16 Zoric, c'est adressé à vous qui étiez là ?

17 R. Oui, quand on est arrivé à Mitrovica.

18 Q. Mais savez-vous--

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] je vois que mon micro n'est pas allumé.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Savez-vous quel a été le grade de cet homme, car ce grade de

22 "brigadier" n'existe pas, n'existait pas au sein de la JNA, ni dans l'armée

23 yougoslave ?

24 R. Je ne le sais pas. Je ne connais pas les grades. Si j'ai dit brigadier

25 et bien c'est comme ça, mais il portrait un uniforme militaire, ce n'était

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1 pas un simple soldat, c'était l'un des officiers de l'armée populaire

2 yougoslave.

3 Q. Et lorsqu'il s'est adressé à vous, qu'a-t-il dit ?

4 R. Contenu du fait que nous l'avions déjà rencontré précédemment à Sremska

5 Mitrovica à Sid, en fait c'est à Mitrovica qui nous a dit, que nous allions

6 rester sur place. Il y avait des enfants avec nous. Celui qui était en plus

7 bas âge avait à peu près un an. Et je crois qu'il y a eu des femmes qui ont

8 demandé ce qu'elles allaient faire de l'enfant, parce que c'était des murs

9 très hauts, on était en prison, et il a dit, mais que font les Ustashas au

10 peuple serbe, que font les membres des [imperceptible] aux Serbes, il nous

11 a fait tout un discours sur l'armée sur la Yougoslavie.

12 Q. Vous a-t-il convaincu ? -- L'avez-vous trouvé injuriant ?

13 R. Mais on a trouvé ça vexant, qu'il considère que nous étions des

14 Ustasha, il y avait des petits enfants, il y avait des femmes très âgées

15 qu'il nous qualifie de ça, mais nous nous sommes tus. Nous avons gardé le

16 silence.

17 Q. Il a considéré que vous étiez tous des Ustashas, allant du plus petit

18 enfant jusqu'à la femme la plus âgée. Il vous l'a dit cela.

19 R. C'est ce qu'il disait, c'est comme cela qu'il s'exprimait au sujet des

20 Croates, au sujet des Croates qui se trouvaient entre leurs mains, qui

21 étaient leurs détenus.

22 Q. Très bien. Dans ce paragraphe que j'ai déjà cité, vous dites que dans

23 l'autocar de la JNA qui vous a transféré, derrière le chauffeur, il y avait

24 deux Chetniks, c'est ce que vous avez dit.

25 R. Un instant, s'il vous plaît, je voudrais retrouver cet endroit.

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1 L'INTERPRÈTE : [hors micro].

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Page 5, paragraphe 3. J'ai déjà cité cela.

4 R. Il y a toujours eu des hommes armés avec nous, qui étaient installés au

5 siège de devant. Les premiers sièges, ils portaient un uniforme, ils

6 avaient des armes.

7 Q. Mais quel uniforme qu'ils avaient, en fait, ces deux soldats ?

8 R. C'était l'uniforme vert olive.

9 Q. Pourquoi avez-vous employé ce terme "Chetnik" si c'était des soldats de

10 la JNA ?

11 R. Ce n'était pas de jeunes soldats. C'était des hommes plutôt âgés, et

12 pendant toute la durée du trajet, ils nous faisaient écouter des chants,

13 des chansons par les haut-parleurs. C'est pour cela que je l'ai dit.

14 Q. Dans l'autocar, on vous faisait écouter des chansons.

15 R. Mais c'était à cause de l'ensemble de leur comportement vers nos

16 jeunes, n'avaient pas la sensation que c'était des soldats qui devraient

17 respecter des règles, des règles de l'armée dans leur comportement.

18 Q. [aucune interprétation]

19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la question.

20 R. Ecoutez, ils ne se sont jamais adressés à nous. Ils n'ont jamais eu une

21 communication normale avec nous. Il y a toujours eu des vexations, s'a

22 toujours été injurieux.

23 Q. Pouvez-vous me décrire une de ces instances où vous l'avez trouvé

24 vexant lorsque vous étiez dans cet autocar, et lorsque ces hommes étaient

25 installés derrière le conducteur. Pouvez-vous nous dire comment ils vous

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1 ont vexé, puisqu'ils ne se sont pas adressés à vous ?

2 R. Et bien, pour toute la durée du trajet, cela a été très difficile pour

3 nous. On ne se sentait pas du tout en sécurité. On s'est arrêté dans une

4 ville où un groupe de personnes se sont approchés de l'autocar, ils ont

5 commencé à secouer l'autocar, donc tout ce qui se passait autour de nous,

6 était trop affreux.

7 Q. Bien, mais je suppose que ces soldats n'ont pas laissé qui que ce soit

8 vous blesser ou faire quoi que ce soit vous blesser, ou faire quoi que ce

9 soit contre vous.

10 R. Je ne sais pas s'il l'ont autorisé ou pas. Nous nous sommes arrêtés là

11 un instant, quand ce groupe s'est formé autour de l'autocar, je ne sais pas

12 si eux étaient au courant de la composition, donc -- qui étaient les

13 passagers, et puis après nous avons poursuivi le chemin.

14 Q. Est-il vrai qu'à l'arrivée à Becej vous avez été examiné par un

15 médecin ?

16 R. Oui.

17 Q. Et puis vous avez été placé dans la crèche au jardin d'enfants ?

18 R. Oui.

19 Q. Page 6, paragraphe 3, vous dites que dans ce jardin d'enfants, un

20 certain Sveto est venu vous voir.

21 R. Oui.

22 Q. Et vous avez compris d'après ce que vous dites dans votre déclaration,

23 qu'il était membre de la sûreté de l'état. C'est bien cela ?

24 R. Au tout début, non. Mais comme nous sommes restés là, et comme il a dit

25 qu'il était chargé de veiller sur nous, et bien, on était enfermé à clef,

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1 on ne pouvait pas sortir, il venait nous voir, et je ne sais pas comment on

2 a appris qu'il y avait des gens de Vukovar puis des officiers sont arrivés,

3 il nous a enfermé dans une pièce, il a placé son pistolet sur la table et

4 il l'a demandé qu'on lui dise qui avait affirmé qu'on était de Vukovar.

5 Après la Croix rouge internationale est arrivée puis lui, lui nous a

6 interrogé avec des membres de l'ex sûreté de l'état. Il nous a placé à bord

7 des autocars, et il a dit avant que la Croix rouge n'arrive que si qui que

8 ce soit allait ouvrir la bouche qu'on allait tous se retrouver dans les

9 bois, nous tous autant que nous étions là-bas. Et il ne portait pas

10 d'uniforme. C'est pour cela que j'ai dit qu'il était membre de la sûreté de

11 l'état. Il ne s'est pas présenté comme tel. Mais vu comment cela s'est

12 déroulé, j'en ai tiré la conclusion que c'était quelqu'un de -- qu'il était

13 de la sûreté de l'état.

14 Q. Cet homme, il s'est mis en colère parce que quelqu'un a dit que vous

15 veniez de Vukovar car il avait peur compte tenu des évènements à Vukovar,

16 ceci ne provoque des problèmes, des troubles qui pourraient vous porter

17 préjudice.

18 R. Il n'a certainement pas eu peur qu'il y ait des troubles, il a dit que

19 si jamais on s'adressait à qui que ce soit, on allait se retrouver dans des

20 bois que jamais personne ne serait ce qu'ils nous étaient arrivés.

21 Q. Je voulais tirer cela au clair, mais pour autant que je vois dans votre

22 déclaration, paragraphe 4, page 6, pendant que vous étiez à Becej, vous

23 avez reçu la visite des membres de la Croix rouge internationale. C'est

24 bien cela.

25 R. Oui.

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1 Q. Est-il exact que l'on vous a demandé de noter les noms et les numéros

2 de téléphone des personnes résidant à Serbie, en Bosnie-Herzégovine chez

3 qui vous souhaitiez vous rendre ?

4 R. Non. Je crois que ce n'est pas ce qu'on nous a demandé à ce moment-là.

5 Q. Il me semble avoir vu cela dans votre déclaration.

6 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Si je puis aider. Ceci a avoir avec

7 Sremska Mitrovica, Monsieur le Président, Monsieur le Juge, ceci n'est pas

8 en relation avec Becej.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. C'est cela.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Très bien. Sremska Mitrovica c'est là, que l'on vous a demandé de citer

12 des noms et des numéros de téléphone des personnes chez qui vous souhaitiez

13 vous rendre.

14 R. Cela n'a eu lieu que dans le hall, le gymnase de Sremska Mitrovica.

15 Lorsqu'on nous a transféré là-bas en provenance de la prison. Donc dans le

16 gymnase-là, nous avons accueilli les personnes de Vukovar. Mais je me

17 souviens qu'il a été question de Bosnie, je ne sais pas s'il y avait des

18 gens qui connaissaient quelqu'un en Serbie. Donc il a fallu donner le nom,

19 le prénom, l'adresse. Mais c'était uniquement au gymnase de Sremska

20 Mitrovica, cela ne s'est pas passé dans la prison.

21 Q. En tout, vous n'avez passé que quelques jours là-bas, en Serbie. Donc

22 entre le moment où vous êtes arrivés en Serbie et le moment où vous êtes

23 repartis en faisant partie d'un convoi, il s'est écoulé que quelque chose.

24 R. On le voit dans ma déclaration. Je ne sais pas si c'est en tout, 10

25 jours, 12 jours. Cela est mentionné dans ma déclaration. J'ai essayé de me

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1 rappeler chacune de ces journées lorsqu'on nous a transféré, mais comme je

2 vous disais, j'avais déjà perdu toute sensation du temps.

3 Q. Mais je suppose que vous savez s'il a eu des préparatifs et si on a

4 organisé le convoi qui vous a transféré.

5 R. Non, absolument pas.

6 Q. Vous avez été transféré en Bosnie, puis en Croatie, à Djakovo.

7 R. Oui.

8 Q. Donc, de là-bas, on vous a rassemblés dans ce gymnase et c'est de là

9 qu'ils ont dépêché les convois qui vous ont envoyés à Djakovo en Croatie en

10 passant par la Bosnie.

11 R. Mais je vous ai déjà dit qu'on n'a pas fait partie d'un convoi. On

12 était un groupe, cette femme, ses enfants. Donc, cette femme qui est

13 arrivée de Vukovar à travers la Serbie puis de la prison à Sremska

14 Mitrovica. Nous, on n'a pas fait partie d'un convoi.

15 Q. Mais depuis ce gymnase, puisque vous avez été emmenés à ce gymnase,

16 c'est en passant par la Bosnie que vous avez été transférés en Croatie, à

17 Djakovo; c'est bien cela ?

18 R. Oui, avec toutes les personnes qui étaient là. C'était un grand groupe

19 de personnes qui étaient arrivées au gymnase.

20 Q. Bien. Voilà mon micro est allumé de nouveau.

21 Dites-moi, vous ou qui que ce soit dans votre groupe, avez-vous été

22 malmenés de quelque manière que soit, passés à tabac ou avez-vous subi de

23 mauvais traitements pendant que vous étiez en Serbie ?

24 R. Il n'y a pas eu d'abus physique, non -- de sévices physiques.

25 Q. Avez-vous entendu parler de quelque cas où il y aurait eu des morts ou

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1 quelqu'un aurait été tué ?

2 R. Pendant que nous étions là-bas, dans cette prison, nous ne savions

3 absolument pas ce qui se passait. Nous ne recevions aucune information.

4 Tout ce que j'ai appris, je ne l'ai appris qu'après mon arrivée en Croatie

5 et à partir du moment où nous avons libres de nouveau.

6 Q. Donc, puis-je en conclure que la JNA a organisé le convoi qui vous a

7 transférés, vous tous qui étiez à Sremska Mitrovica, et ceux qui avaient

8 été évacués de cette zone d'opération -- zone de combat, donc vous avez été

9 -- qui ont été emmenés au gymnase, et vous avez tous été transférés en

10 Croatie. Personne n'a subi de mauvais traitement. Personne n'a été torturé.

11 Personne n'a subi de sévices, n'est-ce pas ?

12 R. Non, ce n'est pas cela. Le convoi qui est arrivé à Mitrovica au

13 gymnase, ce convoi, il a été amené avec des représentants de la communauté

14 européenne. C'était des personnes vêtues de blanc. Et nous avons réussi à

15 sortir. Ce n'était pas la JNA qui nous a évacués de Sremska Mitrovica, de

16 ce gymnase.

17 Q. Dites-moi, qui vous a emmenés dans ce gymnase d'où vous avez été

18 évacués ?

19 R. C'est de la prison, par autocar et de nuit que nous y avons été

20 emmenés.

21 Q. Très bien, mais c'était des véhicules de la JNA ?

22 R. Non, c'était des autocars.

23 Q. Mais à qui appartenaient les véhicules à bord desquels vous avez été

24 transférés de ce dernier lieu de rassemblement, par la Bosnie en Croatie ?

25 R. C'était des autocars. Je ne sais pas quels sont les autocars qui

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1 étaient arrivés de Vukovar et je ne sais pas à qui appartenaient ces

2 autocars.

3 Q. Mais je suppose qu'ils n'appartenaient pas à l'union européenne ou

4 plutôt la Communauté européenne de l'époque. C'est la JNA qui a organisé

5 cela.

6 R. Ça, je ne le sais pas.

7 Q. Fort bien. Je vous remercie.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

9 Messieurs les Juges.

10 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

11 Q. [Interprétation] Madame C-1164, Je vous demanderais de préciser

12 quelques points supplémentaires à la Chambre. En page 3 de votre

13 déclaration, au paragraphe 8, autrement dit le 3e paragraphe, vous avez

14 déjà abordé cela pendant votre déposition hier. S'agissant des gens qui

15 étaient originaires de votre localité, que vous connaissiez de vu, et bien,

16 vous dites que dans ce groupe il y avait des personnes qui faisaient peur,

17 que ces gens étaient sales et qu'ils portaient des barbes. C'est bien

18 cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Mais, je vous prie de vous référez aux deux dernières phrases. Vous

21 dites que pendant quelque temps, vous êtes restés dans une maison. Vous

22 avez même mentionné le nom de cet homme, je ne vais pas le répéter. Et vous

23 dites :

24 "Nous sommes restés dans leur maison pendant quelques heures. Nous avons

25 été gardés par deux ou trois jeunes hommes qui portaient des uniformes de

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1 la JNA".

2 Alors, s'agissant de ce que vous dites ici, j'aimerais savoir pourquoi vous

3 dites, "nous avons été gardés." Est-ce que ces deux ou trois jeunes hommes

4 étaient là pour vous garder, pour vous protéger contre ces hommes qui

5 faisaient peur ?

6 R. Non, ils faisaient tous partie d'un même groupe. Ils ne nous ont pas

7 protégés de ces autres. Nous ne pouvions pas sortir, et ils nous gardaient

8 là. C'était des gardes qui montaient la garde devant la porte, devant cette

9 maison. Je ne crois pas qu'ils étaient là pour nous protéger contre quoi

10 que ce soit. Ils étaient là pour nous empêcher de partir. On ne pouvait

11 aller nulle part.

12 Q. Très bien. En page 4, paragraphe 12, s'il vous plaît. Il s'agit d'un

13 paragraphe plutôt long. C'est le 3e paragraphe en B/C/S. Vous y dites que

14 vous avez passé un certain temps dans la cave, et vous mentionnez également

15 des noms, que je ne souhaite pas citer. Et par la suite, on vous a emmenés

16 de cette cave vers Velepromet, vers l'usine Velepromet. Et vous dites, un

17 peu plus bas, que vous étiez installés dans une maison serbe, près du

18 chemin de fer. Et vous mentionnez là un nom encore. Et vous dites que deux

19 femmes se trouvaient déjà dans cette maison et que chacune avait deux

20 enfants. Et qu'il y avait d'autres personnes là-dedans. Et qu'en tout, vous

21 étiez 14. Vous dites :

22 "Je me souviens qu'un certain nombre d'entre eux étaient membre de…" et

23 vous dites de quelle famille. Et vous dites qu'il y avait des soldats qui

24 vous apportaient de la nourriture une fois par jour. Et vous dites, et je

25 cite :

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1 "Une femme serbe nous a gardés là-bas." Donc, vous étiez dans une maison

2 serbe. Vous n'étiez pas dans une prison et vous dites même que vous avez

3 été gardés par une Serbe. Elle vous protégeait contre qui, elle vous

4 gardait pour quelle raison ?

5 R. Elle était là pour nous contrôler, pour nous surveiller et non pour

6 nous protéger.

7 Q. Très bien. Par la suite, en page 5, paragraphe 14. De nouveau, vous

8 parlez d'un événement comparable. Vous dites qu'un autocar vous a emmenés à

9 Sid, que c'était un véhicule militaire. Vous dites :

10 "Nous sommes descendus de l'autocar." Puis vous dites, au milieu de ce

11 paragraphe : "C'est à ce moment-là que nous avons vu pour la première fois

12 des membres réguliers de la JNA." Est-ce vrai que c'est pour la première

13 fois que vous avez vu, à ce moment-là, des membres de la JNA ?

14 R. Lorsque j'ai dit cela, je voulais dire que c'était des officiers de la

15 JNA. Tout ça, c'était des membres de la Défense territoriale, des

16 réservistes, tout ceux qui étaient à Vukovar, en uniforme. Donc, ils

17 portaient l'uniforme de la JNA de l'époque. C'est la première fois où nous

18 avons vu des officiers de la JNA.

19 Q. Très bien, Madame le Témoin, mais ce n'est pas comme cela que vous

20 l'avez formulé. Ce qu'on voit ici textuellement, c'est, et je cite :

21 "C'est le moment où nous avons vu pour la première fois des membres

22 réguliers de la JNA." Enfin, c'est votre explication.

23 Puis deux phrases plus bas, vous employez de nouveau ces termes. Vous dites

24 :

25 "Sur la scène, il y avait quelques jeunes soldats qui nous gardaient.

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1 Aussi, vous dites qu'ils vous gardaient, donc ils vous protégeaient pour

2 que personne ne puisse vous approcher, oui ou non ?

3 R. Non, mais ils n'étaient pas là pour nous protéger -- pour nous mettre

4 en sécurité. Ils étaient là pour nous contrôler et c'étaient des jeunes

5 soldats qui étaient chargés de surveiller cette salle où nous étions. Et

6 nous étions assez nombreux. Il y avait beaucoup de gens. Ces gens --

7 Q. Je ne voudrais pas vous suggérer des réponses, mais je ne fais que

8 citer vos propos. C'est le même terme que vous employez en page 7,

9 paragraphe 2, lorsque vous êtes arrivés au gymnase, vous dites que -- vous

10 dites de nouveau que vous étiez gardés par des femmes qui portaient des

11 uniformes et en fin, de ce même paragraphe, page 7, paragraphe 22, vous

12 dites : "Ces femmes qui étaient des gardes ne nous ont jamais battu dans la

13 cellule, et pendant que nous étions à Sremska Mitrovica, nous n'avons

14 jamais été emmenés pour être interrogés." Et de nouveau, vous employez ces

15 termes, "être gardée", et vous dites que vous n'étiez menacée par personne.

16 Donc, est-ce que cela ne veut pas dire que vous avez été protégée pour ne

17 pas faire l'objet de sévices physiques -- pour ne pas faire l'objet de

18 mauvais traitements ?

19 R. Non, ce n'était pas cette forme de protections. Nous étions enfermées

20 là-bas, et c'étaient des gens qui contrôlaient les détenus -- les personnes

21 qui étaient détenues là-bas. C'étaient des gardes de prison -- des gardiens

22 de prison qui étaient là pour surveiller les prisonniers.

23 Q. Fort bien. Mais je vous prie de vous reporter au deux derniers

24 paragraphes de votre déclaration. Vous dites que vous avez été emmenées de

25 Sremska Mitrovica, que c'était un convoi qui comptait 1 000 personnes et,

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1 dans le dernier paragraphe, le paragraphe 26, vous dites que, lorsque vous

2 êtes partie de Sanskmitrovica, je sais où se situe Sremska Mitrovica, il

3 s'agissait où est la frontière bosniaque, et vous dites que le trajet a

4 duré toute la journée, c'est bien cela ? Et pendant tout ce temps, aviez-

5 vous une garde -- une escorte assurée par l'armée ou par la police. Donc je

6 n'y étais pas moi-même, donc vous devez le savoir si c'était la police ou

7 l'armée qui vous a escorté jusqu'à la frontière bosniaque, puis jusqu'à

8 l'endroit où vous avez fait l'objet d'un échange, oui ou non ?

9 R. Je ne peux pas vous répondre par un oui ou par non, premièrement, quant

10 à savoir si cela a duré toute une journée. Nous avions tous perdu toute

11 sensation du temps, nous ne savions même pratiquement pas en quelle saison

12 nous étions. Et la chose la plus importante pour nous, c'était de faire

13 partie de ce convoi parce que nous avions peur d'être seuls. Nous nous

14 étions un groupe qui n'a été identifié -- enregistré par personne. Ce qui

15 était le plus important c'était de se joindre à un groupe plus important.

16 Nous ne savions pas où -- quelle était notre destination. Quant à savoir

17 qui a assuré l'escorte de ce convoi, je ne peux pas vous le dire, je ne

18 saurais pas le dire qui a assuré le convoi. Moi, ce que j'ai vu c'étaient

19 des hommes vêtus de blanc.

20 Q. Oui, je comprends -- je comprends vos souffrances, souffrances étant

21 parfaitement compréhensibles, mais vous étiez à bord d'autocar. J'aimerais

22 savoir si, par les fenêtres, il vous a été possible de voir s'il y avait

23 une escorte, une escorte qui assurait donc la sécurité de ce convoi, que ce

24 soient des militaires ou des policiers qui, pendant tout ce trajet --

25 puisque c'est loin à travers toute la Serbie, la Bosnie, enfin, il y a

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1 nécessairement eu quelqu'un pour assurer ce convoi où il y avait autant de

2 personnes. Je ne sais pas peut-être que vous ne l'avez pas vu ?

3 R. Non, je n'ai vu personne assurer la sécurité de ce convoi, ni escorter

4 ce convoi.

5 Q. Je vous remercie, je vous remercie.

6 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il y a une seule question sur

7 laquelle je souhaiterais revenir.

8 Nouvel interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff:

9 Q. [interprétation] Le témoin, pendant son contre-interrogatoire, l'accusé

10 vous a demandé pourquoi votre père avait des grenades à la maison ? Vous

11 avez répondu que vous n'étiez pas en mesure de le savoir. Savez-vous qu'en

12 Slavonie orientale, on utilise les grenades et d'autres engins explosifs

13 pour aller à la pêche ?

14 R. Oui. Il me semble oui, n'est-ce pas ?

15 Q. Est-ce qu'il arrive à votre père d'aller à la pêche ?

16 R. Je ne peux pas vraiment vous dire qu'il allait à la pêche.

17 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Témoin C-1164, nous en sommes arrivés à

19 la fin de votre déposition. Je vous remercie d'être venue déposer au

20 Tribunal. Vous allez pouvoir quitter le prétoire, mais je vous demande au

21 paravent d'attendre que l'on baisse les rideaux.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons maintenant parler d'un

24 certain nombre de questions administratives. Nous restons en audience

25 publique pendant quelques instants.

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1 Demain, nous siègerons de 9 heures à midi, comme nous l'avons déjà annoncé.

2 De plus, le Juge Robinson a rendez-vous à l'hôpital, c'est bien que c'est

3 le Juge Kwon et moi-même qui siègerons en vertu du règlement et de la

4 disposition qui s'applique à cette situation. Si possible, le Juge Robinson

5 nous rejoindra avant la fin de l'audience.

6 S'il y a une question cependant dont je souhaiterais parler à huis clos

7 partiel.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

9 [Audience à huis clos partiel]

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13 Page 26927 –expurgées– audience à huis clos partiel.

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11 [Audience publique]

12 M. NICE : [interprétation] [Hors micro]

13 Je vais demander que l'on fasse entrer le témoin suivant, David Harland. Et

14 pendant que l'on fait entrer, je voudrais dire la chose suivante qui me

15 paraît tout à fait évidente et nous avons déjà évoqué la chose dans des

16 écritures. L'Accusation, bien entendu, s'inquiète du fait que nous perdons

17 des témoins à cause du passage du temps et, s'agissant de ce témoin, je

18 vais essayer de faire ressortir ce qu'il a à nous dire très rapidement.

19 Donc je vais présenter qu'une liasse d'éléments de preuves le concernant,

20 le deuxième volume d'éléments de preuve sera présenté plus tard.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

22 M. NICE : [interprétation] Et je dois ajouter que, s'agissant du témoin de

23 lundi, il faut absolument qu'il commence lundi.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est le témoin suivant.

25 M. NICE : [interprétation] Non. Le témoin suivant c'est le Témoin C-028.

Page 26929

1 Donc j'aimerais que nous entendions la totalité de la déposition demain ou,

2 de toute façon, quitter à reporter la fin de sa déposition pour pouvoir

3 entendre le témoin, qui est prévu pour lundi, lundi. Mais nous sommes

4 vraiment pressés par le temps, il est possible que nous soyons contraints

5 notre position pendant la pause.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Déclaration solennelle, s'il vous plaît.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare que je dirai la vérité, toute la

9 vérité, rien que la vérité.

10 LE TÉMOIN: David Harland [Assermenté]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez vous s'asseoir.

13 M. NICE : [interprétation] Pour ce témoin, nous avons un premier volume

14 d'éléments de preuves qui comporte 24 intercalaires. Nous allons d'abord

15 traiter de ce volume d'éléments de preuves de pièces à conviction. Quant au

16 deuxième, nous verrons ce qu'il en ait un petit peu plus tard.

17 Je vais demander à l'huissier de bien vouloir placer les pièces sur le

18 rétroprojecteur car nous ne pouvons pas utiliser le système de

19 présentations électroniques des données sanctions.

20 Et je vais demander à l'huissier de nous aider, afin de pouvoir se référer

21 rapidement aux diverses pièces que je vais mentionner. Ce classeur peut

22 être remis directement au témoin.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

24 M. NICE : [interprétation] Nous avons un résumé de 27 pages des

25 déclarations de ce témoin. Il y a un certain nombre de passages qu'ils ont

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1 en italiques et sur lesquels je n'ai pas l'intention de les présenter au

2 témoin, mais nous verrons ce qu'il en ait pour dans la mesure où il n'est

3 absolument nécessaire de ne pas perdre de temps.

4 Interrogatoire principal par M. Nice :

5 Q. [interprétation] Nom et prénom, s'il vous plaît.

6 R. David John Harland.

7 Excusez-moi, mais ça grinche dans mon casque.

8 Q. [aucune interprétation]

9 R. [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un technicien, s'il vous plaît.

11 On va d'abord essayer de donner au témoin un autre casque.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Ça va mieux ?

14 R. Pas vraiment, non. Il y a des parasites.

15 M. NICE : [interprétation] Essayez, s'il vous plaît, l'autre canal ou

16 l'autre micro.

17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

18 M. NICE : [interprétation] Mais M. Groome me signale que le témoin n'a pas

19 besoin de casque. On pourra résoudre la question pendant la pause.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, effectivement. On va revenir à la

21 manière d'interroger les témoins à l'ancienne.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Vos nom et prénoms, s'il vous plaît.

24 R. David John Harland.

25 Q. Vous étiez administrateur chargé des Affaires civiles et politiques à

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1 Sarajevo. Nous n'allons pas entrer dans les détails de tous vos

2 déplacements dans cette région. Vous avez été de Sarajevo de 1993 à 1999,

3 et vous étiez pendant un certain temps à Kiseljak. C'était votre base ?

4 R. Oui.

5 Q. Et vous êtes le doyen des représentants des Nations Unies à Sarajevo.

6 Vous êtes toujours à Sarajevo et, dans le cadre de vos fonctions, vous avez

7 dû faire rapport de ce qui se passait et, en l'occurrence, vous deviez

8 préparer un rapport hebdomadaire.

9 R. Oui, je devais préparer un rapport hebdomadaire. J'analysais la

10 situation politique, d'autre part on dirigeait des rapports après les

11 réunions pratiquement quotidiennes que nous avions, soit avec les

12 dirigeants de Sarajevo, soit avec les dirigeants de Pale.

13 Q. Vous nous parlez de "dirigeants", cela figure dans le résumé de vos

14 déclarations. Il s'agit de Karadzic, Krajisnik, Kraljevic pour n'en nommer

15 que trois d'entre eux, n'est-ce pas ?

16 R. Oui. Avec également Babic, Gvero, Milvanovic, ainsi que Zametica, un

17 des conseillers de ces hommes.

18 Q. Et vous, vous rencontriez, soit à Pale, soit la caserne de Lukavica à

19 Sarajevo ?

20 R. Oui. Soit à Lukavica, soit à Pale.

21 M. NICE : [interprétation] Carte de Sarajevo, s'il vous plaît, Monsieur

22 l'Huissier. On s'y refera, si nécessaire, sur ce carton, page 6, nettoyage

23 ethnique.

24 Examinons les documents qui figurent dans une liasse à laquelle il va être

25 attribué tout de suite une cote?

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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 546.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais n'avons-nous pas deux classeurs ?

3 M. NICE : [interprétation] Pour l'instant, on va s'intéresser au premier

4 classeur, on verra si on a le temps de traiter du deuxième.

5 Pièce 546, donc.

6 Q. M. Harland, la situation est la suivante : s'agissant de ces documents

7 qui figurent dans la pièce 546, il s'agit d'un certain des nombreux

8 documents que vous avez préparé, nombreux rapports que vous avez préparé,

9 que vous avez passé en revu, et vous êtes tout à fait prêt à nous les

10 présenter, vous estimez que ça donne une bonne image de la situation à

11 l'époque ?

12 R. Oui.

13 Q. Et nous, nous utilisons uniquement ces rapports pour empêcher ici ou là

14 un paragraphe afin de susciter vos souvenirs de ce qu'il se passait à cette

15 époque.

16 R. Oui.

17 Q. On va tout de suite passer à l'intercalaire numéro 2 de cette pièce, il

18 s'agit d'un rapport du 15 juillet. Je vais demander à l'huissier au fur à

19 mesure de présenter les pièces dont je parle, il s'agit d'un rapport que

20 vous avez élaboré le 15 juillet. On va tout de suite passer à la page 5 de

21 ce rapport, le numéro ne figure peut-être plus sur la page. En tout cas,

22 cela figure sous le titre "Serbes de Bosnie," et on peut lire la chose

23 suivante, je cite : "Réunion avec le nouveau commandement de Bosnie-

24 Herzégovine, Briquemont, et avec Andreev, Karadzic a fait bien clairement

25 savoir que sa priorité c'était que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine à

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1 Sarajevo vienne à la table de négociations pour commencer à discuter de la

2 carte de la division du pays. Bien que Srpska se soit prononcé en faveur

3 des échanges de population, Karadzic a insisté sur le fait que les Serbes

4 reconnaissaient le droit de personnes d'origine ethnique différente de

5 rester sur place ou de retourner dans les territoires qui ont été affectés

6 à une autre communauté, s'il le souhaite.

7 "Karadzic a semblé assez assuré. Il pensait que la Bosnie-Herzégovine

8 serait contrainte à négocier et les efforts des militaires serbes semblent

9 avoir pour objectif de mener la partie Bosnie-Herzégovine à la table pour

10 assurer autant que garantir autant de territoires que possible aux Serbes

11 lors des négociations."

12 Est-ce ça correspond à la situation ?

13 R. Karadzic et les autres dirigeants serbes de Bosnie nous ont fait très

14 clairement savoir que leurs objectifs essentiels c'était de contraindre le

15 gouvernement de Bosnie-Herzégovine à négocier un accord de paix qui aurait

16 des -- qui comporterait des conditions acceptables pour eux-mêmes. Et la

17 raison pour laquelle ils ont, par exemple, pilonné Sarajevo -- et c'est là

18 à ce sujet nous avions émis des protestations ce jour-là -- la raison pour

19 laquelle il faisait cela c'était pour faire pression sur le gouvernement

20 Bosnie-Herzégovine.

21 Q. Et est-ce qu'il y a ? Comment peut-on placer ça dans le contexte les

22 justifications pour le nettoyage ethnique ?

23 R. Karadzic disait que c'était la communauté internationale qui était

24 responsable du nettoyage ethnique parce qu'elle n'avait pas mis en place de

25 mécanisme juridique, permettant aux habitants d'échanger leur maison et de

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1 se déplacer -- de s'installer dans les cantons où leurs groupes ethniques

2 seraient en majorité. Il pensait que c'était une conséquence inévitable de

3 l'incapacité de la communauté internationale agir dans ce sens.

4 Q. Nous allons maintenant passer à l'intercalaire numéro 3. Il s'agit d'un

5 rapport que vous avez-vous même rédigé, un rapport du 5 août 1993. Première

6 page, tout en bas, on voit le paragraphe suivant qui se continue à la page

7 suivante :

8 "Karadzic a paru calme, confiant. Il faisait preuve d'un esprit de

9 coopération. Il a présenté les propositions de retrait des Serbes et du

10 mont Igman ainsi que des propositions relatives à la mise en place

11 d'itinéraires sécurisé pour rentrer et sortir à Sarajevo, ainsi que

12 relative à la coopération pour le rétablissement des services public. Il a

13 indiqué que ces initiatives serbes encourageraient Izetbegovic à participer

14 de nouveau aux négociations et permettrait d'éviter la possibilité des

15 frappes aériennes. Il a proposé que les forces serbes se retirent du mont

16 Bjelaznica et du mont Igman, comme ça avait été exigé par Izetbegovic en

17 tant que conditions requises avant la reprise des négociations à Genève. Il

18 a indiqué que l'offensive serbe sur la zone Bjelaznica et Igman ne

19 constituait pas une tentative d'annexer ce territoire à la Republika

20 Srpska, mais qu'il s'agissait simplement d'une opération militaire qui

21 avait pour objectif d'empêcher les forces de Bosnie-Herzégovine d'occuper

22 un certain nombre de positions d'artillerie qui seraient à même de mettre

23 en péril les hommes contrôlés par les Serbes autour de Sarajevo. Il a dit

24 que les forces serbes seraient prêtes à se retirer tant que le FORPRONU

25 pourrait garantir que les forces de la Bosnie-Herzégovine ne récupéraient

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1 pas la zone."

2 Commentaires, s'il vous plaît.

3 R. Il s'agit d'un nouvel exemple du comportement des Serbes, puis ils

4 ajustent leur effort militaire et la terreur qu'ils font peser sur la

5 population de Sarajevo, dans un objectif politique pour contraindre les

6 Musulmans à négocier et pour empêcher également les frappes aériennes de

7 l'OTAN. Il y avait, par exemple, un espèce de robinet qui permettait de

8 contrôler -- c'était une sorte de valve, disons plutôt, qu'ils utilisaient

9 pour augmenter plus ou moins la pression sur la communauté internationale

10 pour obtenir des concessions politiques.

11 Q. Donc, ils essayaient de voir quelle serait la réaction. C'était un jeu

12 du chat et de la souris, n'est-ce pas ? Vous le dites vous-même d'ailleurs

13 dans votre déclaration.

14 R. Oui, l'OTAN avait fait un certain nombre de déclarations et, s'agissant

15 d'ailleurs du mont Igman, c'est là que l'OTAN avait été le plus ferme, en

16 disant qu'éventuellement on allait pouvoir faire appel à des frappes

17 aériennes pour mettre un terme au siège de Sarajevo. Et là on voit que les

18 Serbes prennent langue avec nous pour dire, bon, qu'ils seraient prêts à

19 faire un certain nombre de concessions comme, par exemple, retirer leurs

20 forces de la zone de Bijelasnica-Igman, autour de Sarajevo, et qu'ils

21 étaient prêts également à augmenter la situation sur le plan humanitaire à

22 Sarajevo si la menace des frappes aériennes disparaissait, et si les

23 Musulmans de Bosnie acceptaient de participer à des négociations de la paix

24 pour trouver un règlement définitif aux conflits.

25 Q. En 1993, 1994, 1995, pouvez-vous nous parler des activités militaires

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1 des deux côtés -- pouvez-vous comparer les activités militaires suivant les

2 années 1993, 1994 et 1995 ?

3 R. En 1993, il y a eu le plus d'activités militaires, conflit entre le

4 gouvernement de Bosnie, c'est-à-dire, les Musulmans et les Serbes, et entre

5 le gouvernement de Bosnie et les Croates.

6 En 1994, la situation était plus calme.

7 Et puis 1995 a vu de nouveau une détérioration très grave jusqu'à la fin de

8 la guerre en octobre.

9 Q. A peu près combien d'obus ont tombé sur Sarajevo, pendant cette

10 période, par jour ?

11 R. Environ 1 000 -- 1 000 obus. Il y avait des interruptions des

12 hostilités, et ceci plus particulièrement en 1994 pendant le cessez-le-feu.

13 Q. Paragraphe 17, intercalaire numéro 4, de la pièce à conviction 546.

14 Plutôt que de revenir à cette pièce à conviction, je vous demande tout

15 d'abord de regarder la première page de cette pièce, rapport donc du 3

16 novembre 1993. Vous notez que contrairement aux Bosniaques, les Serbes ne

17 semblent pas avoir de dirigeants dignes de ce nom. Le dirigeant politique,

18 Karadzic, voit ses efforts entravés par la Serbie et par la communauté

19 internationale en générale. Mladic voit ses efforts frustrés et devient de

20 plus en plus belliqueux. L'armée serbe pilonne Sarajevo et Gorazde.

21 Observations avant que je passe à la page 6 ?

22 R. Il s'agit d'une évaluation qui vient des Serbes de Bosnie eux-mêmes.

23 Ils pensaient qu'ils auraient être plus actifs dans leurs activités -- dans

24 leurs opérations de guerre. Ils auraient même pu être contraints à

25 abandonner Sarajevo, mais il y avait des motifs politiques derrière tout

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1 cela. Il y avait notamment des pressions qui venaient de Milosevic.

2 Q. Page 6 du même rapport, cinq paragraphes, je ne vais pas de nombreux

3 extraits de ce document, mais là je vais en lire un extrait important.

4 Arrêtez-moi si je vais trop vite.

5 "Les Serbes de Bosnie connaissent une frustration politique, ils sont de

6 plus en plus volatiles dans leurs activités. La pression, en particulier

7 venant de Milosevic, est intense et on peut craindre une éruption de la

8 situation dans l'avenir.

9 "Les Serbes sont très intéressés par le plan Owen-Stoltenberg pour la paix

10 qui est actuellement négocié à Genève. Depuis l'abandon de ce projet, les

11 Serbes sont dans l'incertitude, ils sont moins unis dans leur stratégie

12 politique.

13 "Karadzic, reconnaissant la pression qui pèse sur la Serbie -- qui pèse,

14 venant de la Serbie et de la communauté internationale, a avec réticence

15 appelé à l'utilisation de la machine de guerre serbe pour contraindre à une

16 -- un règlement de la situation.

17 "Peut-être pour essayer de retrouver un rôle central, Mladic a été plus

18 présent récemment. Il était l'un de ses chevaux de bataille sur lequel il

19 insiste, c'est que les 22 prisonniers de guerre -- ce sont les 22

20 prisonniers serbes qui se trouvent dans la poche de Gorazde. Dans une

21 réunion avec le chef de la FORPRONU, il a menacé récemment notamment de

22 tuer tout le monde dans les enclaves de l'est (à l'exception des enfants),

23 à moins que les prisonniers de guerre ne soient rendus le 10 novembre.

24 "Cette insistance de Mladic au sujet des prisonniers de guerre de Gorazde,

25 dont l'un est le fils d'un de ses hommes, cause des problèmes considérables

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1 pour la FORPRONU. La FORPRONU, d'après Mladic, pourrait en faire plus pour

2 garantir la mise en liberté de ces prisonniers de guerre. Peut-être que

3 suite à cela Mladic a intercepté en personne un convoi de ravitaillements

4 français à Sokolac il y a quelques jours. Il a également ordonné la

5 confiscation de deux hélicoptères de la FORPRONU qui revenaient de

6 Srebrenica. Et ils ont été remis à la FORPRONU après intervention d'Owen,

7 Stoltenberg, Milosevic et Karadzic."

8 Enfin, page 7, paragraphe supérieur :

9 "Les Serbes ont des activités militaires beaucoup plus intenses ces temps

10 derniers. Ils n'ont pas essayé de reprendre du territoire, mais leur

11 artillerie était très active. Sarajevo et Gorazde ont subi des

12 bombardements très lourds la semaine dernière. En représailles, il y a eu

13 des tirs de mortiers venant de la Bosnie-Herzégovine de la vieille ville.

14 La vieille ville de Sarajevo était touchée par 500 obus en une heure, le 27

15 octobre. La vieille ville, qui compte le pourcentage le plus important

16 d'habitants musulmans de Sarajevo, est très peuplée."

17 Pouvez-vous nous faire des observations à ce sujet, au sujet de ce que je

18 viens de lire ?

19 R. A l'époque, nous savions, bien entendu, que les Serbes de Bosnie ne

20 parlaient pas d'une seule voix. Et les divergences entre les dirigeants

21 civils, tel que Karadzic et les dirigeants militaires tel que Mladic, pour

22 donner les noms des deux acteurs principaux des deux côtés, ne cessaient de

23 s'amplifier. Et ici on peut voir déjà que Milosevic commence à intervenir

24 au sujet des activités des Serbes, sur le plan militaire. Au fil du temps,

25 nous avons acquis la conviction que Milosevic pouvait, peut-être pas

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1 contrôler, mais en tout cas avoir une influence sur les militaires serbes.

2 Q. Nous pourrons parler de Milosevic [sic] plus tard, je crois.

3 R. Oui.

4 Q. Par parenthèse, vous faites aussi référence à Mladic qui se préoccupe

5 du sort du fils de quelqu'un qu'il connaît. Est-ce les gens intervenaient

6 pour des raisons personnelles dans cette guerre ?

7 R. Oui. Nous avons été très frappé par cela. Contrairement à d'autres

8 guerres que nous avons connus en Europe, tous ces gens avaient fait en

9 sorte que les membres de leur famille bénéficient de leur relation et du

10 piston. Ils occupent des travaux, ils ne risquaient absolument rien. Ici,

11 j'ai l'exemple du fils du général Talic; un cas très étrange puisqu'il

12 s'était retrouvé sur la ligne de front. Il avait été fait prisonnier.

13 C'était vraiment l'exception qui confirmait la règle.

14 Q. Intercalaire numéro 5, rapport du 9 février 1994. C'est l'année où les

15 activités militaires ont été un petit peu moins intense. Page 2 -- incident

16 bien connu. C'est le moment où un mortier s'abat sur la vieille ville de

17 Sarajevo, un vendredi, ce qui cause la mort de 68 personnes. Vous parlez,

18 dans le rapport, de la confirmation par les experts en balistiques du fait

19 que toutes ces morts sont occasionnées par une seule bombe, par un seul

20 projectif qui vient du nord-est à proximité de la ligne de confrontation.

21 Il est impossible de déterminer avec certitude si ceci venait d'une

22 position serbe. Ceci ressemblait à ce qui s'était passé la vieille où il y

23 avait eu 28 morts lorsqu'il y avait des personnes qui attendaient en file

24 pour l'aide humanitaire.

25 "La présidence de Bosnie-Herzégovine rappelle qu'il y a présence de canons

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1 serbes autour de la ville. Et le secrétaire général de l'époque Boutros

2 Boutros-Ghali, des ministres des Affaires étrangères des Nations Unies,

3 manifestent leur sympathie et ainsi de suite."

4 Quelle fût l'incidence globale de ce premier pilonnage du marché de

5 Markale ?

6 R. D'effet général, c'est qu'il y a eu stabilisation de la situation

7 autour de Sarajevo. Des Serbes nous ont dit qu'ils voulaient procéder à

8 quelques concessions spectaculaires sur la plan humanitaire mais aussi sur

9 le plan militaire afin d'éviter d'éventuelles frappes aériennes de l'OTAN.

10 Et le cessez-le-feu qui en fût le résultat a duré jusque pratiquement en

11 automne 1994.

12 Q. Nous voyons les conclusions tirées par les experts en balistiques. Est-

13 ce qu'il n'y a eu qu'une enquête qui fût diligentée à ce moment-là où est-

14 ce qu'il y a double enquête menée ?

15 R. Il y en a eu au moins deux. En fait, le premier rapport -- et bien moi,

16 j'étais avec Silajdzic, Krajisnik et le général Rose, le commandant de la

17 FORPRONU. Nous étions en train de négocier à l'aéroport au moment où ce

18 projectile est tombé. Il y a un premier rapport rédigé très rapidement

19 indiquant que ce mortier, cet obus de mortier, était sans doute venu de

20 l'intérieur de la ligne de confrontation. En d'autres termes, que ceci

21 venait de positions occupées par le gouvernement de Bosnie qui aurait tiré

22 contre lui-même. S'en suivi une enquête plus circonstanciée qui a déterminé

23 que c'était une erreur et qu'en fait, cet obus était venu d'une zone qui se

24 trouvait juste au nord-est de la vieille ville. Je l'indique ici sur la

25 carte. Et là, ça voulait dire que ça aurait pu venir d'une partie ou d'une

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1 autre. En d'autres termes, il n'y a pas eu de décision définitive quant à

2 savoir qui était à l'origine de ce tir.

3 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si le Juge Robinson peut voir la

4 carte vu l'angle où elle est posée. On pourrait peut-être la poser sur le

5 chevalet. Je ne sais pas s'il est dans votre champ de visé d'ailleurs,

6 Monsieur le Juge Robinson. Monsieur l'Huissier, est-ce nous avons un

7 chevalet ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ici que se trouvait la vieille ville

9 dans la vallée de Sarajevo et le mortier, il est venu de cette hauteur qui

10 se trouve au nord-est de la vieille ville. La ligne de confrontation, quant

11 à elle, elle se présentait ici. Là, je vous place le pointeur pour le

12 montrer et les experts en balistiques ont dit que l'obus ne pouvait venir

13 que d'une zone proche de cette ligne. Donc ce qui veut dire que l'enquête

14 n'a pas été vraiment satisfaisant à bien des égards.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Nous obtiendrons un chevalet pour le deuxième volet de l'audience.

17 Examinons maintenant l'intercalaire 6. Est-ce que vous nous avez dit qu'il

18 y avait eu un cessez-le-feu complet qui avait été convenu après l'incident

19 de Markale pour le 10 février ?

20 R. Oui.

21 Q. S'agissant de votre rapport établi le 17 février. A sa troisième page,

22 un peu après le milieu de la page, on parle ici de la situation humanitaire

23 qui est assez bonne ou relativement bonne à Sarajevo. L'eau, l'électricité

24 et le gaz sont fournis mais de façon limitée mais il y a suffisamment de

25 nourriture. Ce qui est important, c'est qu'il y a un manque de gaz puisque

Page 26942

1 Sarajevo est en proie à l'hiver le plus âpre. Il y a souvent des

2 températures de moins 20 degrés la nuit. Le gouvernement de Bosnie affirme

3 que les Serbes coupent le gaz ce qui est contesté puisqu'on dit que le

4 problème, en fait, trouve son origine en Serbie.

5 Qu'en est-il de la situation en matière d'approvisionnement en gaz ?

6 R. Vous le savez en général, Messieurs les Juges, le gaz pour la Bosnie-

7 Herzégovine passait par le gazoduc de Russie. Il ne passait la frontière,

8 je pense, du côté de Zvornik, puis descendait vers Kladanj, Olovo, pour

9 arriver à Sarajevo. On pouvait interrompre cet approvisionnement ou réduire

10 la pression, ce qui inévitablement, provoquait de grandes souffrances pour

11 les vieilles personnes, les personnes âgées de Sarajevo puisqu'elles

12 manquaient de chauffage. Et il est arrivé, bien souvent, que des gens

13 meurent de froid. Nous avons essayé par tous les moyens de maintenir cet

14 approvisionnement.

15 Les Serbes, les Serbes de Bosnie en particulier, interrompaient souvent

16 l'approvisionnement du gaz ou réduisaient la pression de façon à exercer

17 une pression politique sur les Musulmans de Bosnie afin de les forcer à la

18 négociation.

19 Q. Merci beaucoup. Toujours dans ce rapport mais à la page 6, le premier

20 paragraphe. La menace représentée par les frappes aériennes de l'OTAN fait

21 que les Serbes sont plus coopératifs que d'habitude. La politique serbe

22 résumée par le président de l'assemblée, Krajisnik, qui dit ceci :

23 "Nous ferons l'impossible pour éviter les frappes aériennes sauf la

24 capitulation." Quel est le rapport avec l'incident de Markale ?

25 R. Krajisnik a été un des nombreux intervenants à présenter le dilemme tel

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1 qu'il se présentait pour eux. On essayait de faire pression sur les

2 Musulmans de Bosnie en essayant de leur rendre la vie la plus difficile

3 possible, de s'emparer du territoire le plus important possible mais sans

4 aller jusqu'à provoquer une intervention militaire de l'OTAN. Ce qui veut

5 dire qu'ils ont essayé d'ajuster la pression qu'ils exerçaient sur les

6 plans humanitaires et militaires en fonction de la probabilité d'une

7 intervention de l'OTAN, du moins tel qu'ils la percevaient.

8 Q. Intercalaire 7, la première page c'est en fait la page 2, troisième

9 paragraphe. Pour ce qui est de "Sarajevo", ont dit :

10 "Les Serbes ont été surpris en train de déplacer des armes lourdes à

11 l'intérieur de la zone d'exclusion de 20 kilomètres. Et au cours de

12 l'incident le plus grave, sept chars T-55 ont été observés dans le quartier

13 d'Ilidza à Sarajevo.

14 Examinons maintenant la page 5, si vous le voulez bien, pour ce qui est des

15 "Serbes de Bosnie", c'est là l'intitulé. Je prends les quatrième et

16 cinquième paragraphes :

17 "Le dirigeant serbe Karadzic a approuvé une augmentation de la liberté du

18 mouvement. Les voies routières Zenica-Sarajevo et Pale-Sarajevo doivent

19 être ouvertes. On doit autoriser, dans une certaine mesure, la circulation

20 des piétons entre le centre ville de Sarajevo et Grabovica qui est un

21 quartier voisin. Milovanovic, chef d'état major de l'armée des Serbes de

22 Bosnie a dit le 27 février 1992 que les militaires serbes n'allaient pas

23 donner aux Nations Unies une liberté illimitée de circulation sur le

24 territoire serbe.

25 "Milovanovic a dit que ces forces allaient enrayer le déplacement des

Page 26944

1 convois des Nations Unies indépendamment de la déclaration conjointe signée

2 par Karadzic le 18 novembre 1993, même au risque d'en courir des frappes

3 aériennes de l'OTAN. Il a ajouté que les Serbes n'autoriseraient pas aux

4 Nations Unies, ni à qui que ce soit d'utiliser le pont Bratsvo-Jedinstvo

5 qui relie les quartiers de Sarajevo tenus par les Serbes au principal -- au

6 centre ville.

7 Quel est votre commentaire, on a déjà parlé de ces zones d'exclusions

8 serbes ?

9 R. Je pense que ces chars se déplaçaient en vue de participer à une

10 opération qui devait être déclanchée à l'encontre ou contre les gardes

11 armés. C'est un incident assez mineur.

12 Mais il s'inscrit dans une série de déclarations qui ne cessaient

13 d'augmenter de la part des militaires serbe de Bosnie. Ceci disait que peu

14 leur importer ce que les dirigeants civils serbes de Bosnie disaient.

15 Milovanovic a dit ici que quoi qu'ait dit Karadzic, lui allait prendre des

16 mesures précises et ceci n'a fait que s'accroître au fil du temps.

17 Q. Nous parlerons bientôt de l'incidence ou de l'effet qu'ont eu ces

18 hommes l'un sur l'autre même maintenant. Nous essayons de brosser ce

19 tableau et pour ce faire pour donner une idée d'ensemble, nous avons en

20 intercalaire 8, votre rapport du 9 mars. Première page, première ligne pour

21 ce qui est des temps forts, on dit :

22 "La paix semble prendre dans l'essentiel de la Bosnie."

23 Et puis on dit :

24 "Qu'il y a moins de cinq violations à l'arme lourde dans la zone

25 d'expulsion, des pertes civiles, mais moins de un par jour. Il y a encore

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1 des tirs à l'arme légère, qu'il est possible d'entendre, mais c'est

2 surtout-là où il y a la ligne de confrontation qui traverse ou divise le

3 centre ville Grbavica, cimetière juive." Avez-vous quelque chose à ajouter

4 à propos de cet optimisme qui semble se manifester dans ce rapport ?

5 R. Rien, si ce n'est que c'était ainsi tout à fait encouragent.

6 Apparemment, la guerre croato-musulmane c'était terminé. Il y avait des

7 pressions exercées par les Américains et des concessions faites par les

8 Serbes après l'attaque du marché de Markale, ce qui avait provoqué une

9 stabilisation de la ligne de confrontation entre les Musulmans et les

10 Serbes. La situation s'améliorait beaucoup pour ce qui était de l'aide

11 humanitaire au cours de cette période.

12 Q. Intercalaire 9, là nous avons un rapport en date du 16 avril, deuxième

13 page, page 2, on a l'intitulé " Cris de Gorazde" résumé des événements qui

14 se sont produits. Fin de la page, on dit : "Gorazde a été assez calme ces

15 derniers jours suite à la deuxième intervention aérienne de l'OTAN.

16 "En fin de matinée, lundi, des obus d'artillerie ont commencé à tomber sur

17 le centre de la ville de Gorazde, à 11 h 45, il y a eu manifestation

18 d'appuis aérien rapproché et à 12.25, Mladic a averti qu'il y aurait

19 recours à la force aérienne si ce pilonnage ne cessait pas aussitôt.

20 L'envoyé russe Churkin a parlé au président serbe Milosevic qui dans --en

21 sa présence a appelé au téléphone le Dr Karadzic et il lui a dit que les

22 tirs devaient cesser. A 14 h 19, à la suite de passage à basse altitude

23 d'avion de l'OTAN, deux jets F18 américains ont touché un char et deux

24 véhicules transporteurs blindés de troupes. Apparemment les trois véhicules

25 ont été détruits."

Page 26946

1 Voyons maintenant la page 4, dans le milieu de la page,

2 je dis :

3 "14 avril 1994, le président serbe Milosevic est cité dans le quotidien

4 Belgrade Politika où apparemment il exprime sa conviction que la partie

5 serbe acceptera de nouvelles négociations sans insister pour qu'il ait

6 cessation générale des hostilités.

7 Puis un commentaire de votre part [imperceptible], "Il apparaît que

8 Milosevic essaye de répondre ou de faire appel aux intérêts supérieurs des

9 Serbes de Bosnie faisant comprendre qu'il n'est dans l'intérêt de personne

10 si ce n'est de Sarajevo, que d'avoir un conflit important avec l'OTAN.

11 Cependant Pale semble méfiant, il est prêt à risquer que l'OTAN

12 n'intervienne pour défendre les zones de sécurités ou les zones protégées

13 désignées."

14 J'espère que j'ai suffisamment cité de passages pour vous demander un

15 commentaire à propos de la façon dont Milosevic se définit ou se place dans

16 le contexte ?

17 R. En avril 1994, les Serbes avaient décidé d'attaquer Gorazde. La

18 FORPRONU, elle avait essayé de stabiliser la situation en tant qu'acteur

19 ainsi qu'il avait fait des acteurs de la communauté internationale dont

20 Churkin. Nous avions des réunions incessantes que ce soit à Pale ou à

21 Belgrade. L'impression nette que nous avions retirée et c'est ce que nous

22 avaient dit les dirigeants de Pale. Ils voulaient poursuivre leur attaque

23 sur Gorazde avec toute la vigueur possible. Puis ils nous ont fait part de

24 leur inquiétude. Ils pensaient que Milosevic essayait de les faire stopper

25 cette attaque, car il s'inquiétait d'une intervention de l'OTAN dans cette

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1 guerre, ceci ne semble pas inquiéter autant les dirigeants serbes de

2 Bosnie.

3 Q. Et à ce moment-là, vous avez la réponse de Karadzic, je pense que

4 c'était au moment où le général Rose affirmait que les canons parlaient

5 encore malgré ce qui avait dit Karadzic, est-ce que vous en souvenez ?

6 R. Grande était la frustration, et l'apogée se fut lorsque Churkin a

7 abandonné les pourparlers pour ne jamais y revenir, après avoir dit qu'il

8 n'avait jamais entendu autant de mensonges, mais en dépit de toutes ces

9 difficultés, d'après ce qu'ils nous ont dit, d'après ce que les Serbes de

10 Bosnie nous ont dit, M. Milosevic avait eu raison des militaires serbes qui

11 s'étaient retirés et un accord avait été décroché. Il y avait stabilisation

12 de la situation à Gorazde sans que trop de vie humaine ne soit perdu. En

13 dépit de ce qu'il a fait Churkin, en dépit plutôt de cette frustration et

14 des autres, l'intervention de M. Milosevic avait eu une fonction utile.

15 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'une réunion où se trouvait Krajisnik et

16 où il a quitté la pièce de temps à autre pour aller parler à quelqu'un

17 d'autre. A qui voulait-il parler ?

18 R. Nous étions à l'hôtel panorama, et là il y a une petite salle de

19 réunion ou plutôt une cabine téléphonique, une salle où on peut téléphoner

20 juste adjacente à la salle de conférence principale. Il arrivait à

21 Krajisnik de s'y rendre, il est allé plusieurs fois, il nous a dit voilà,

22 "j'ai parlé avec Milosevic" ou "j'ai parlé avec Mladic" ce dernier n'était

23 pas très loin, mais il dirigeait les forces serbes du côté -- autour de

24 Gorazde. Ce qui veut dire qu'il n'était pas présent à la réunion,

25 manifestement Krajisnik était très agité.

Page 26948

1 Q. Intercalaire 10, le 15 octobre 1993, c'est bien cela. Nous sommes

2 revenus une année en arrière. Le sujet diffèrent aussi, il s'agit de dire

3 des tireurs embusqués et pilonnage de façon générale, vous vous êtes

4 prononcés sur le fait de savoir si c'était une campagne très ciblée ou pas.

5 Première page, paragraphe 3, "Le général Briquemont a dit n'avoir aucune

6 preuve de cela, mais il avait constaté que le pilonnage par les Serbes de

7 zones civiles de Sarajevo était à la hausse. Il insistait pour dire que

8 ceci n'avait pas de valeur militaire et que ceci endommageait politiquement

9 les Serbes. Le Dr Karadzic a déclaré qu'il avait donné l'ordre de mettre

10 fin aux pilonnages et aux tirs embusqués. Il a dit que le problème venait

11 surtout des Serbes qui pilonnaient et avaient des tireurs embusqués. Et

12 qu'il serait peut-être 'forcé de prendre la partie musulmane de Sarajevo' -

13 - et là je le cite -- 'si les tirs embusqués ne cessaient pas'."

14 Maintenant, voyons l'intercalaire 11 sans plus tarder. Je pense qu'il y a

15 peut-être une erreur au niveau de la date qui avait été dactylographiée au

16 départ. C'est bien le 16 et non pas le 15. Les pages ne sont pas numérotées

17 non plus, mais prenons la première -- le premier paragraphe de la dernière

18 page. On voit ici que Karadzic affirme avoir donné des ordres par écrit

19 pour que soit mis fin aux incidents de tirs embusqués et de pilonnages à

20 Sarajevo. Briquemont indique que ceci se poursuit, et Karadzic dit que

21 c'est le fait d'individus hors-la-loi qui -- et qu'il va prendre des

22 mesures pour y mettre fin si les Musulmans sont prêts à faire pareil.

23 Votre commentaire général à propos de ces plaintes et de ces protestations

24 formulées et levées après de tels incidents, et la réponse générale faite

25 aux Serbes de Bosnie.

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1 R. Cela est une semaine assez classique. Je n'ai pas de souvenir

2 particulier, mais c'était quelque chose qui se reproduisait généralement.

3 La première chose à constater, c'est que ce qu'on voyait comme systématique

4 dans les pilonnages, c'était quelque chose qui inquiétait beaucoup les

5 commandants militaires de FORPRONU en général. C'était des officiers de

6 l'OTAN, et un des principes normaux pour la tactique d'artillerie, c'est

7 qu'il y a concentration des tirs pour essayer de nettoyer une zone

8 particulière ou d'anéantir le tir ennemi, si on veut s'emparer d'un

9 terrain. Mais, à Sarajevo, on voyait qu'il y avait des tirs dispersés.

10 Apparemment, on avait des obus qui tombaient un peu à l'aveuglette, au

11 hasard, notamment dans les quartiers civils de Sarajevo. Et ceci provoquait

12 des morts, mais -- dans plus endroits, donc il n'y avait pas tellement un

13 seul endroit, mais plusieurs lieux étaient concernés. Et vu les événements

14 spectaculaires qui se sont produits et qui étaient de nature à provoquer

15 une réponse de la communauté internationale, on se disait que c'était là

16 pour maintenir un niveau général de terreur.

17 Pour ce qui est de la chaîne de commandement de la voie hiérarchique,

18 lorsqu'on a essayé de faire comprendre aux Serbes de Bosnie qu'ils devaient

19 faire preuve de restreint, de réserve, ils disaient qu'ils n'avaient que

20 peu de contrôle sur les tireurs embusqués; cependant, lorsqu'ils voulaient

21 faire appliquer un ordre, ils y parvenaient. Ce n'était pas le cas lorsque

22 nous leur demandions de formuler un tel ordre. Et nous avions dès lors le

23 sentiment que les Serbes exagéraient le problème car, apparemment, ils

24 rencontraient en matière de contrôle de leurs forces.

25 Q. Intercalaire 12, accord conclu le 14 août 1994, accord signé par le

Page 26950

1 général Karavelic, au nom de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et par Dragomir

2 Milosevic, général de la VRS, on voit les promesses qui sont faites, et on

3 dit que, dans l'espace de 24 heures, il faut donner des ordres qui donnent

4 l'interdiction explicite de tirer sur le personnel militaire, les civils et

5 le personnel des Nations Unies. Il faut donc empêcher les activités des

6 tireurs embusqués. Qu'est-ce que ceci vous montre ?

7 R. C'est qui est le plus significatif à nos yeux, s'agissant de cet

8 accord, c'était effectivement qu'il y a eu cessation pratiquement complète

9 des activités de tireurs embusqués, du moins pendant six semaine après

10 ceci. Et ceci nous montre que, de part et d'autre, alors que les deux

11 parties affirmaient toujours n'avoir aucun contrôle, aucun maîtrise des

12 tireurs embusqués, lorsqu'elles le voulaient, pouvaient pratiquement

13 arrêter totalement leur activité et sans trop de difficulté.

14 M. NICE : [interprétation] Page 12, paragraphe 30 du résumé.

15 Q. Paragraphe 31. Vous avez peut-être déjà parlé de ceci de façon claire,

16 mais je vous demande ceci : est-ce qu'on n'a jamais utilisé la notion, la

17 phrase "paramilitaires sont incontrôlés" ?

18 R. Vous êtes à quel paragraphe ?

19 Q. Ce n'est pas un paragraphe que je consulte ici. C'est une question

20 générale.

21 R. Les Serbes notamment, en particulier, disaient souvent n'être pas

22 capables de contrôler ou de limiter les restrictions, imposées à l'aide

23 humanitaires, aux pilonnages parce que, d'après eux, ces actions étaient

24 peut-être le fait de certains groupes paramilitaires qui venaient souvent

25 de Serbie. Et ils disaient, à propos de ces groupes militaires, qu'ils

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1 n'avaient aucun moyen de contrôler, de commandement. Par exemple, on voit

2 qu'il y a un petit enfoncement dans la ligne de confrontation à Nedzarici.

3 Je vous montre sur la carte où apparemment il y avait une unité

4 d'irréguliers à Chetnik sous le commandement d'un certain Aleksic. Il leur

5 arrivait souvent d'être près de la route principale et de tirer sur les

6 gens qui y passaient. Et lorsque nous avons formulé des protestations, on

7 nous disait que : "Ces gens ne faisaient pas partie de leurs troupes,

8 n'étant pas sous leur commandement."

9 Q. Mais qu'en avez-vous pensé ?

10 R. Ce que j'en ai pensé, c'est que lorsqu'ils voulaient vraiment passer un

11 ordre, il était possible d'exécuter un tel ordre.

12 Q. Vous avez parlé de la campagne de terreur, ou quel que soit

13 l'appellation qu'on lui donne, et des objectifs qu'elle poursuivait afin

14 qu'il y ait signature d'un accord de Paix. Est-ce que ceci a jamais été

15 exprimé par les dirigeants serbes de Pale ?

16 R. Oui. Dans ces documents et dans bien d'autres, vous trouverez des

17 citations de Karadzic, de Krajisnik, de Koljevic, de Mladic et d'autres,

18 qui disent :

19 "Nous allons poursuivre ces actions tant qu'Izetbegovic n'acceptera pas le

20 plan de paix Owen-Stoltenberg." Ce n'est qu'un exemple. Ils étaient aussi

21 très catégoriques lorsqu'ils disaient qu'on ne fera remarcher le courant

22 électrique, le gaz ou on ne redonnera des vivres que si des concessions

23 sont faites à propos d'un des derniers accords de paix. C'était un aide

24 motif, un fil -- ils ne s'en cachaient pas.

25 Q. Si votre interprétation est correcte et si vos dires sont exacts, quel

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1 était le lien entre les événements de Sarajevo et des mouvements de

2 population qui étaient ordonnés ailleurs ?

3 R. Karadzic l'a dit ouvertement, et ce fut le cas aussi de Plavsic

4 notamment, ils ont dit que l'objectif fondamental dans cette guerre, pour

5 les Serbes de Bosnie, c'était de provoquer une redistribution de la

6 population en Bosnie-Herzégovine, en fonction de ceci : les Serbes

7 pourraient contrôler un territoire cohérent, unique, qui engendrait le

8 territoire de la Serbie et du Monténégro et aussi les secteurs où il y

9 avait toujours une population serbe. Et il y avait eu un accident

10 historique qui avait occasionné le retrait de beaucoup de Musulmans de

11 Bosnie parce que les Musulmans de Bosnie étaient la population majoritaire

12 le long de la vallée de la Drina, adjacente à la Serbie. Les dirigeants

13 étaient très clairs. L'objectif poursuivi par cette guerre et l'objectif

14 qu'avait la pression qu'ils exerçaient, c'était d'obtenir -- d'extirper du

15 gouvernement musulman de Bosnie l'idée d'une nouvelle répartition de la

16 population, donc cette forme de nettoyage ethnique.

17 Q. Et d'après vous, c'est ce qui se passait à Sarajevo ?

18 R. Ce n'est pas seulement mon jugement. Ils l'ont dit eux-mêmes

19 directement, ouvertement.

20 Q. Je vous remercie. Paragraphe 36, me semblait-il. La FORPRONU, en

21 procédant à un échantillonnage des foyers bosniens, a compté que la défense

22 de la ville était impossible s'il n'y avait pas d'électricité, ni de gaz ou

23 d'eau.

24 R. Exact.

25 Q. Et pour qu'il y ait cet approvisionnement, il fallait la coopération

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1 des Serbes, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Donc là, on est de retour à ce que vous dites ?

4 R. Vous savez que Sarajevo était encerclé. Il y avait un accord avec les

5 Serbes en 1992, et la FORPRONU avait pris le contrôle de l'aéroport de

6 Sarajevo qui auparavant était sous contre serbe. Les Musulmans de Bosnie

7 ont causé un tunnel par la suite sous l'aéroport, ce qu'il leur a permis

8 d'aller ou d'avoir accès à la partie essentielle de leur territoire. On

9 pourrait donc qu'il y ait une faible voie, une artère de communication et

10 d'alimentation qui était plus ou moins toléré par Karadzic et par les

11 Serbes. Mais, en général, la ville, pour avoir des vivres, d'électricité,

12 le gaz, l'eau et pratiquement le reste, avait besoin des Serbes qui

13 devaient permettre cet approvisionnement.

14 Q. Intercalaire 13, page 2, rapport du 10 décembre 1994. Nous sommes là à

15 la fin de l'année 1994. Vous dites que : "Ce bureau a discuté avec le chef

16 d'état major, le général Brinkman, ce matin, qui a fait comprendre qu'il ne

17 servait plus de rien d'élever des protestations individuelles lorsqu'il y a

18 des incidents car ce ne sont pas des incidents au hasard. C'est une

19 campagne organisée et ces incidents s'arrêteront lorsque la campagne

20 d'obstructions et d'harcèlement cessera elle aussi."

21 Que pensez-vous de cela ? Est-ce que ces caractéristiques --

22 R. Oui. Tout à fait. En effet, les Serbes savaient -- ou avaient

23 l'impression, ils nous l'ont dit -- ils savaient que les Musulmans de

24 Bosnie ne signeraient pas d'accord de Paix si une pression considérable

25 n'était pas exercée sur eux. Les Serbes comprenaient que nous, nous

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1 essayons de permettre l'arrivée d'aide humanitaire à Sarajevo, à certains

2 égards. Dans une certaine mesure, nous étions en contradiction avec les

3 objectifs de guerre et, lorsque leur frustration a grandi du fait de

4 l'absence de progrès politique, lorsque nous protestions aussi aux faits

5 qu'ils tiraient sur les Musulmans de Bosnie, à ce moment-là, ils

6 empêchaient nos efforts pour visant à emmener l'aide humanitaire à

7 Sarajevo.

8 Q. Maintenant, page 14, le résumé, mais tout ceci sera abordé pour

9 nettoyer ce passage -- pour en terminer avec ce passage après la pause. Ici

10 nous avons un rapport du 24 juin 1995, et nous voyons à la page 3 -- nous

11 voyons que : "Le 18 juin, un samedi [sic], la FORPRONU s'est retirée de

12 tous les lieux de récollettes d'armes se trouvant à Sarajevo, affirmant que

13 les armes lourdes et la zone d'exclusions totales pour ces armes établie

14 1994 existent, mais qu'il n'est plus possible d'en assure l'exécution avec

15 les forces présentes sur le terrain. Apparemment, les Serbes ont 500 armes

16 lourdes dans un rayon de 20 kilomètres à partir de Sarajevo, tandis que les

17 Musulmans de Bosnie semblent en avoir 100 à 150, et apparemment la plupart

18 de ces armes sont engagées dans des opérations."

19 Au bas de la page, on parle de pilonnage. Les canonniers serbes ont tué

20 plus beaucoup civils musulmans de Bosnie. Ils ont pilonné aux mortiers le

21 marché de Markale.

22 Sept personnes ont été tuées et 12 ou 123 [sic] blessés alors qu'on faisait

23 la file pour avoir de l'eau à Dobrinja, le 18 juin. Le mercredi, le 21, six

24 personnes ont été tuées et 15 blessées dans une autre attaque dirigée

25 contre une file où on entendait l'eau à Dobrinja. Ce même jour, cinq

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1 personnes ont été blessées au moment où un obus a touché le marché de

2 Ciglane. Le lendemain, le 22 juin, une autre personne a été tuée"

3 Qu'est-ce que ceci montre ?

4 R. Plusieurs choses. Les lieux de collecte d'armes, qui avaient été

5 établis vu la menace des frappes aériennes de l'OTAN, après la première

6 attaque sur le marché de Markale, se trouvaient en territoire serbe, là où

7 les Serbes étaient convenus de concentrer leurs hommes de façon à ce que

8 nous, nous puissions dépêcher sur place des observateurs. La situation a

9 dégénéré, c'est empiré. Nous voulions retirer nos observateurs afin qu'ils

10 ne puissent pas servir d'otages, au cas où il y aurait des frappes de

11 l'OTAN, et ils voulaient aussi sortir les armes de ces zones de façon à

12 pouvoir reprendre leur campagne dirigée au fond contre la population civile

13 de Sarajevo, de façon de forcer le gouvernement à prendre un accord

14 politique avec eux.

15 Q. Je vous remercie. Et tout ceci s'inscrit dans le cadre d'une

16 détérioration de la situation, n'est-ce pas ?

17 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

18 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, ayez l'obligeance de

19 consulter l'intercalaire 24.

20 Q. C'est un rapport que vous avez rédigé, s'agissant du 3 juin, page 2,

21 paragraphe 5, paragraphes 40 et 41 du résumé. Je suis en page du paragraphe

22 5 et nous voyons la chose suivante : "Vendredi, le comité international de

23 la Croix rouge a eu un entretien avec le professeur Koljevic à Pale, où il

24 a demandé -- il s'est engagé que le personnel des Nations Unies, détenu par

25 l'armée des Serbes de Bosnie, soit relâché sans aucune condition en tant

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1 que geste de bonne volonté; 120 otages ont effectivement été relâchés,

2 transportés vers la Serbie, mais les Serbes de Bosnie détiennent toujours

3 environ 200 d'entre eux. Apparemment, la libération a été effectuée grâce à

4 la pression exercée par Milosevic sur Karadzic et a été plutôt bien

5 coordonné par les militaires et les forces de la Sécurité de RS et de la

6 République fédérale d'Yougoslavie.

7 Pouvez-vous résumer cela, s'il vous plaît ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et après cela, nous devons faire une

9 pause.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien entendu. Il y a eu effectivement des

11 détenus -- il y a eu donc des otages pris par les Serbes de Bosnie après

12 qu'il y ait eu autorisation donnée pour conduire des attaques aériennes par

13 l'OTAN à leur encontre. Les Serbes de Bosnie avaient tendance à aller vers

14 l'escale dans cette confrontation. Ils nous ont dit directement qu'ils

15 subissaient des pressions de la part de M. Milosevic afin de relâcher ces

16 otages ou plutôt pour les remettre aux autorités de la République fédérale

17 de Yougoslavie, qui elle a les relâchés -- les mettre en liberté. Et en

18 effet, c'est ce qu'il s'est passé. Nous avons eu des rapports indiquant que

19 ceci s'est passé sans entrave entre les Serbes de Bosnie ou plutôt de leur

20 côté les personnes qui avaient pris ces otages aient des hommes qui

21 faisaient partie du service de sécurité serbe et qui ont pris ces otages

22 pour les libérer.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien. Nous allons suspendre

24 l'audience pour 20 minutes.

25 Monsieur Harland, je prie de ne vous adresser à personne pendant la pause

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1 et de ne parler à personne au sujet de votre déposition.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'audience est suspendue.

4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

5 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Les interprètes m'ont demandé de faire une pause après vos réponses. Ce

9 n'est pas votre faute mais essayer de m'aider.

10 Page 14 du résumé, paragraphe 43, je voudrais savoir si vous avez vu

11 apparaître un nouveau type de bombes au cours de l'été 1995 ? En quelques

12 mots.

13 R. Oui. Il y a eu un certain nombre de bombes que j'ai vu de ma fenêtre du

14 bâtiment des PTT en juin. Il s'agissait de projectiles qui étaient lents.

15 On pouvait les voir dans le ciel. C'est des grosses bombes qui venaient du

16 nord. Et celle que j'ai vue est tombée sur le bâtiment de la télévision, le

17 bâtiment RTV qui se trouvait à proximité de l'endroit où j'étais, bâtiment

18 des PTT. La détonation provoquée a été très importante et cela provoquait

19 un nuage de fumée.

20 Q. Et est-ce que les tirs étaient précis, dirigés ?

21 R. C'était plutôt une bombe qui touchait une zone large. Ce n'est pas une

22 bombe de précision.

23 Q. Intercalaire 15, rapport du 7 juillet 1995. Vous en parlez dans la

24 dernière pièce à conviction que nous avons examinée mais surtout à la page

25 15. Page 2, en haut de la page 2, vous dites :

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1 "En début de semaine, les forces serbes ont menées une contre-attaque sur

2 les hauteurs de Cemerska au nord de la ville et sur les pentes est du mont

3 Igman. Dans ces deux zones, ils ont repoussé les Bosniaques. Mercredi, les

4 Bosniaques ont tenté une autre attaque hors de la ville. L'attaque

5 principale venait de l'ouest de la ville et se concentrait sur la zone de

6 Nedarici tenue par les Serbes."

7 Quelques paragraphes plus loin, je cite :

8 "Des deux côtés, on considère que la bataille qui a lieu à Sarajevo est

9 très importante pour la guerre. Les dirigeants serbes ont dit aux

10 représentants des affaires civiles, cette semaine, qu'ils estiment que

11 l'issu de cette bataille va déterminer l'issu de la guerre. Ils semblent

12 assez confiants. Ils pensent pouvoir contenir l'offensive bosniaque et

13 disent qu'ils vont lancer une contre-attaque punitive contre les zones

14 urbaines."

15 En bas de page, on fait référence au type d'armes que vous avez évoqué :

16 "Des armes improvisaient--des roquettes improvisées qui ont tué plusieurs

17 correspondants de presse. Des roquettes improvisées ont été tirées sur la

18 zone de Alipasno. L'une d'entre-elle a touché le bâtiment de la télévision

19 où se trouve le corps de la presse internationale en tuant une personne, en

20 en blessant 30 autres, dont plusieurs correspondants étrangers. Le même

21 jour, quatre personnes ont été tuées par une arme semblable dans un

22 bâtiment avoisinant détruisant des appartements sur trois étages. La

23 FORPRONU a condamné l'utilisation de ce qu'elle qualifie 'd'arme très

24 destructives, d'arme de terreur.'" Arme qui est tout à fait imprécises.

25 Enfin, page suivante, en haut de la page :

Page 26959

1 "Activité des tireurs embusqués qui se généralise dans la ville. Dimanche,

2 un garçon de 16 ans a été tué alors qu'il était à bicyclette près du QG de

3 la FORPRONU. Activité de tireurs embusqués dans toute la vielle ville."

4 Ensuite, page 5, deux pages plus loin au trois quart de la page, "Le HCR

5 des Nations Unies fait venir un convoi par le mont Igman, pour la première

6 fois, sans en informer les Serbes."

7 Deuxième paragraphe, "C'est la première fois depuis le début de la guerre

8 qu'un convoi ait pu entrer à Sarajevo sans consentement des Serbes. Il

9 comportait plusieurs camions,".

10 Commentaires, s'il vous plaît.

11 R. On avait l'impression au sein de la FORPRONU que les Serbes avaient

12 changé de tactiques depuis 1994 -- 1992 depuis la chute de Jajce, les

13 Serbes avaient pris une position de défensive. Ils détenaient la majorité,

14 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine et ils employaient leur

15 capacité militaire non pas pour s'emparer de territoires supplémentaires

16 mais pour créer la terreur au sein de la population ennemie pour inciter

17 leurs ennemies à accepter des conditions de paix qui seraient favorables

18 aux Serbes.

19 Cette position défensive, adoptée par les Serbes, partait du principe que

20 le temps jouait en leur faveur. Cependant, il est apparu qu'en 1995, le

21 gouvernement de Bosnie recevait suffisamment d'armements d'une part et que

22 les relations entre les Serbes et les Musulmans et les Croates de Bosnie

23 s'étaient améliorées de telle manière que le gouvernement de Bosnie, pour

24 la première fois, posait une véritable menace militaire et le gouvernement

25 bosniaque avait l'avantage numérique. Il avait plus de soldats que les

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1 troupes serbes, si bien, que cela semait l'inquiétude chez les Serbes.

2 Les Serbes qui savaient également que le gouvernement de Croatie était plus

3 puissant que les Serbes, si bien que les Serbes ont décidé de détruire le

4 gouvernement de Bosnie en réduisant les enclaves orientales et la menace de

5 Sarajevo pour pouvoir déplacer des troupes vers l'ouest là où se

6 rassemblaient les troupes croates. Ce sont les événements qui y sont fait

7 référence dans ce rapport qui illustre cet événement, réaction donc à la

8 tentative du gouvernement bosniaque de sortir de Sarajevo.

9 Q. On va passer directement à l'Intercalaire numéro 18 sans parler de

10 l'Intercalaire numéro 17.

11 Rapport du 8 juillet, page 2, "Attaques contre des civils." "Des activités

12 des tireurs embusqués, des tireurs de mortier à un niveau raisonnable sans

13 intérêt militaire mais cela augmente l'atmosphère de terreur dans la ville.

14 Il n'y a pratiquement aucun civil qui utilise la Sniper Alley, la

15 principale allée est-ouest. Si bien que les tireurs embusqués qui se

16 trouvaient dans cette zone se sont déplacés. Bombardements sporadiques

17 aléatoires presque de la ville qui se poursuit. Le ministère de la Santé a

18 signalé qu'il y avait eu cette semaine 39 morts parmi les civils et 190

19 blessés, la plupart suite à des tirs de mortiers."

20 La Chambre connaît cette fameuse Sniper Alley, peut-être pouvez-vous, quand

21 même, nous l'indiquer ?

22 R. Oui. Sarajevo se trouve au fond d'une vallée. Les Serbes se trouvaient

23 sur les collines des deux côtés et les Musulmans contrôlaient Grbavica,

24 ici, une partie de la ville qui est adjacente à la route principale, Sniper

25 Alley.

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1 Q. Vous nous dites que les Musulmans se trouvaient au bas de la vallée ?

2 R. Sarajevo se trouvait au fond de cette vallée et la ville était

3 essentiellement musulmane puisque l'ensemble des municipalités dans la zone

4 était musulman. Et les collines étaient occupées essentiellement par les

5 Serbes.

6 Q. Ceci a sans doute une raison historique. Peut-être, d'ailleurs pourra

7 la déterminer à l'issu de ce procès.

8 R. Oui.

9 Q. Je crois que vous vous êtes rendus sur une position de tireur embusqué

10 en 1995. Pouvez-vous nous en parler ?

11 R. Oui. Je l'ai fait avec l'aide du bataillon russe qui se trouvait dans

12 une zone serbe en ville. Je me suis rendu dans un nid de tireurs embusqués

13 qui dominait Sniper Alley et Marijin Dvor. C'était dans un bâtiment. On

14 avait fait une ouverture dans le mur extérieur avec des sacs de sable

15 autour et puis de même dans un autre mur, une cloison de cet appartement.

16 Le tireur embusqué s'était installé avec tout ce qu'il fallait pour fumer,

17 une télévision, une chaise et un trépied et un endroit donc, où il pouvait

18 s'installer pour tirer sur les civils.

19 Q. Sans risquer d'essuyer un tir de riposte puisqu'on ne pouvait pas le

20 voir ?

21 R. Sans grand risque. Il y avait beaucoup d'activités de tirs embusqués et

22 les tireurs embusqués devenaient de plus en plus expérimentés en la

23 matière. Et ils se déplaçaient de positions en positions pour éviter les

24 représailles et les tirs de riposte.

25 Q. Intercalaire numéro 19, 15 juillet, page 4, numérotée, "Situation

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1 militaire autour de Sarajevo," deuxième paragraphe. "En dépit du calme

2 relatif, les Serbes poursuivent un bombardement sporadique du centre ville,

3 apparemment pour terroriser la population et non pas pour atteindre un

4 objectif militaire particulier." Oui ?

5 R. Oui.

6 Q. Page 17, paragraphe 50. Vous nous avez parlé de manière générale des

7 réunions que vous teniez et vous avez parlé également de Zametica et Bura.

8 C'était des gens avec qui vous vous êtes entretenu ?

9 R. Oui.

10 Q. Quand vous aviez affaire aux Serbes de Bosnie, est-ce que vous avez

11 obtenus des indications de leur part ? Est-ce que vous avez pu déterminer

12 s'ils s'étaient rendus en Serbie ou à Belgrade ?

13 R. Oui. Monsieur Bura habitait d'ailleurs là-bas si je ne me trompe,

14 pendant longtemps. Et souvent, ils arrivaient en retard à Pale lors des

15 réunions parce qu'ils expliquaient qu'ils rentraient juste d'une réunion à

16 Belgrade.

17 Q. Pouvez-vous vous souvenir de ceux qui avançaient ce genre d'excuses ?

18 R. Ceux qui semblaient y passer le plus de temps étaient, je dirais,

19 Koljevic, Krajisnik, Zametica. Plavsic passait beaucoup de temps à Novi

20 Sad. Il me semble l'avoir entendu le dire mais même si elle avait des

21 problèmes parfois pour rentrer en Serbie. Mais je crois que c'est Koljevic

22 surtout qui passait le plus de temps là-bas ainsi que le général Mladic qui

23 expliquait qu'il était en retard parce qu'il venait d'une réunion à

24 Belgrade.

25 Q. Paragraphe 51, vous exposez votre vision de la structure du

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1 commandement serbe. Vous en avez déjà parlé. Vous avez dit qu'ils pouvaient

2 mettre en œuvre des décisions quand ils le souhaitaient vraiment. Pouvez-

3 vous nous donner des exemples ? Evacuation des Serbes de Gorazde en octobre

4 1994, par exemple ?

5 R. Oui. Il y a eu une opération très complexe dans ce cadre. Vous avez

6 parlé du général Mladic qui s'était inquiété du sort du fils d'un de ses

7 collègues qui avait été fait prisonnier à Gorazde, qui faisait partie d'un

8 groupe de 22 prisonniers à Gorazde. Finalement, ces gens-là ont été

9 libérés. Ça été une opération fort complexe. On a vu un arrivage d'aide

10 humanitaire, d'autres personnes sont sorties, d'autres sont allées

11 ailleurs. Enfin, des acteurs indépendants ont dû venir dans la zone. Tout

12 ceci a été orchestré de manière magistrale par les Serbes. Il y a eu

13 déminage. Il y a eu information de divers points de contrôle. Nous avons

14 été très impressionné par l'efficacité de ce dispositif du côté des Serbes

15 de Bosnie pendant tout cet épisode. Il était manifeste qu'ils souhaitaient

16 obtenir la remise en liberté de cette personne que nous avons déjà évoquée.

17 Q. Au paragraphe 52, page 18, nous avons déjà pu voir que Mladic avait

18 menacé, à l'intercalaire numéro 4, de tuer tout le monde dans les enclaves

19 de l'est à l'exception des enfants. Est-ce qu'il est arrivé à Karadzic de

20 tenir des propos dont vous vous souviendrez au sujet des conséquences de

21 non coopération avec les Serbes pour les Musulmans? Qu'adviendra-t-il dans

22 ces conditions des villes musulmanes ?

23 R. Oui, il lui arrivait souvent de dire : "S'ils ne coopèrent pas, et

24 bien, nous prendrons encore certaines de leurs villes." Je me souvienne

25 d'une réunion, plus particulièrement parce que le général Mladic s'est

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1 contredit. Karadzic a dit : Si les Musulmans ne font pas ce que nous

2 voulons --" et j'ai oublié ce qu'il exigeait à l'époque au moment de cette

3 réunion -- en tout cas, il a dit : "-- s'ils ne font pas ce qu'on veut,

4 nous prendrons cinq de leurs municipalités peut-être. Il est possible qu'on

5 leur rende deux dans le cadre d'un règlement définitif du conflit, mais ils

6 doivent savoir que nous allons continuer à faire en sorte que la situation

7 s'empire -- empire," jusqu'à ce qu'ils acceptent un règlement du conflit.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Harland, pour vous, qu'est-

9 ce que cela signifiait ? Quand il a dit qu'il prendrait ces villes, est-ce

10 qu'il allait en faire partir les Musulmans ou est-ce qu'ils allaient les

11 tuer ? Comment avez-vous compris son propos ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, il n'a pas donné de détails;

13 cependant, l'expérience que nous avons eue de la situation avec les autres

14 villes, dont ils se sont rendus maître, montrait qu'ils procédaient

15 toujours plus au moins de la même façon et cela aurait eu des conséquences

16 tragiques pour la population de civile, il s'agissait donc d'une menace que

17 nous étions tenus de prendre fort au sérieux.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et la méthode qu'ils utiliseraient ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, ils assureraient -- ils

20 s'assureraient le contrôle militaire de cette zone en réduisant la défense

21 musulmane. Ils les désarmeraient généralement dans ce cas, ensuite, cela

22 devrait être -- cela sans doute suivi de meurtres et puis, dans certains

23 cas, on avait vu que des femmes dans d'autres villes, qui avaient subi le

24 même sort, avaient été victimes de viole et, ensuite, on assistait à une

25 expulsion massive qui parfois concernait la totalité de la population, par

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1 exemple, après sa chute.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Moi, ce que j'essaie de savoir,

3 c'est si vous vous êtes fait une idée de la stratégie qui serait adoptée.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avions le sentiment que, s'ils se

5 rendaient maître de ces cinq villes, à ce moment-là, leur stratégie

6 consisterait à les nettoyer, a opéré à un nettoyage ethnique dans ces

7 villes.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

9 M. NICE : [interprétation]

10 Q. Est-ce que vous avez pu constater qu'il y avait des dissensions entre

11 les dirigeants politiques de Belgrade et de Pale et les militaires serbes

12 de Bosnie ?

13 R. Oui, les dirigeants de Pale étaient tout à fait francs à ce sujet.

14 Pendant l'attaque contre Gorazde, par exemple, après la réunion, je suis

15 resté à l'hôtel Panorama. En fait on n'avait pas le droit de rentrer, en

16 fait si bien qu'on était plus au moins des otages, mais en tout cas nous

17 sommes restés sur place. J'ai parlé avec Zametica et il a dit que Milosevic

18 ne se montrait très coopératif. En d'autres termes Karadzic voulait

19 poursuivre l'offensive sur Gorazde, tandis que Milosevic était plutôt

20 enclin, retenir les Serbes de Bosnie. Il me l'a dit plus tard, il a fait

21 pression sur Mladic pour arrêter l'attaque avant que la poche ne soit

22 complètement éliminée et que les zones urbaines soient prises alors que,

23 sur le plan militaire, vu leur potentiel militaire, ils auraient pu le

24 faire très facilement -- plutôt assez facilement.

25 Q. Mais s'agissant des relations entre les civils -- les dirigeants civils

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1 de Pale et les dirigeants de serbe de Bosnie ?

2 R. Oui, les dirigeants serbes de Bosnie, dans les structures civiles, nous

3 ont fait part de leur frustration au cours de l'été -- du printemps 1994,

4 mais c'est devenu ensuite de plus en plus apparent -- Karadzic a utilisé le

5 terme de "mal subordination" pour décrire le gouvernement -- leur

6 comportement, le comportement de Mladic notamment. Et Milovanovic et Mladic

7 affirmaient que : "Ils n'acceptaient aucun ordre de Karadzic." Et, un

8 moment donné, je crois d'ailleurs que Karadzic a démit Mladic de ses

9 fonctions, mais Mladic a continué d'occuper son poste avec le soutien de

10 Belgrade.

11 Q. Est-ce que vous vous êtes fait une idée des relations entre Mladic et

12 l'accusé ou la VJ ? Paragraphe 55.

13 R. Ceci se passait à plusieurs niveaux. D'abord la Serbie appuyait les

14 Serbes de Bosnie, en particulier d'organes militaires, en leur fournissant

15 des fonds, en assurant la maintenance de leurs véhicules, en leur

16 fournissant une aide dans le cadre de la Défense aérienne, et cetera, si

17 bien qu'ils avaient des intérêts communs. Et les militaires insistaient sur

18 le fait que la filière hiérarchique trouvait son sommet à Belgrade et,

19 lorsque je devais prendre note -- des notes lors des réunions, des

20 négociations avec Mladic et les Serbes de Bosnie, lui-même, il biffait le

21 mot "Bosnie" -- de Bosnie. Il disait :

22 "Nous sommes une seule délégation, la délégation serbe, Belgrade est notre

23 capitale." Et si parfois nous avions des difficultés avec les civils serbes

24 de Bosnie, qui ne voulaient pas prendre les décisions appropriées, une

25 délégation allait ensuite à Belgrade comme pour l'affaire de Gorazde,

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1 s'entretenait avec Milosevic pour arriver à trouver l'issu approprié et la

2 solution appropriée avec les forces militaires serbes de Bosnie. Donc il y

3 avait une influence certaine qui entrait en jeu ici.

4 Q. Avant de passer à un autre sujet, vous avez parlé d'une aide qui

5 venait de Serbie, logistique, fourniture d'armes, d'équipements de fond. Si

6 cela s'est poursuivi après 1992, comment est-ce compatible avec les

7 tensions entre les dirigeants de Pale et Milosevic ?

8 R. Bonne question. Il est indéniable, et les dirigeants de Pale ne l'ont

9 jamais nié, il y a toujours eu un soutien minimum qu'il aura permis de

10 continuer à mener la guerre et les campagnes de nettoyage ethnique. Ils

11 étaient fiers de soutien dont ils bénéficiaient; cependant, ils avaient le

12 sentiment que M. Milosevic était un opportuniste et non pas un véritable

13 nationaliste serbe. Et le Dr Plavsic d'ailleurs exprimait ses griefs de

14 manière assez ouverte. Il disait que Milosevic ressemblait pas mal à

15 Tudjman, c'est-à-dire, qu'il était prêt à former des unités au sein de

16 l'armée qui le servait, à fournir des passeports à certains citoyens de

17 Bosnie-Herzégovine. Ils étaient mécontents parce qu'ils s'étaient lancés

18 dans cette aventure ensemble. Il semblait que Milosevic a quelque peu

19 abandonné leur cause à Igman, à Sarajevo, et ailleurs en jouant de son

20 influence sur l'armée. Donc les Serbes -- les dirigeants serbes de Bosnie

21 étaient très mécontents de cela.

22 Q. Et cet appui qui venait de Serbie, l'appui militaire, l'appui financier

23 et cetera, est-ce que vous avez pu déterminer quelle était sa nature ?

24 R. Je dois dire qu'à l'époque on n'était pas tout à fait sûr. Il y a eu

25 une mutinerie au sein d'une partie de l'armée serbe. En tout cas il y a eu

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1 des troupes -- parmi les troupes qui étaient stationnées autour de Banja

2 Luka au moment du plan -- où le plan Owen-Stoltenberg se devait donc être

3 en septembre 1993. Mladic s'est rendu à Banja Luka pour se résoudre ce

4 problème, donc quand on devait avoir des contacts avec Mladic, on allait en

5 hélicoptère à Banja Luka alors qu'auparavant ça nous était interdit. Et

6 lorsqu'on a rencontré des soldats et des sous officiers serbes à Banja

7 Luka, il est apparu que ces troubles avaient pour origine le paiement ou le

8 non paiement des soldes, et le fait qu'eux, ils s'attendaient à être payés

9 à par -- à partir des mêmes fonds que ceux utilisés pour payer les soldes

10 de l'armée yougoslave.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Harland, un instant. S'agissant

12 de cette relation des Serbes de Bosnie, de leur dirigeant avec M.

13 Milosevic, vous nous avez dit, je cite : "Ils éprouvaient un sentiment de

14 frustration. Ils s'étaient embarqués tous ensemble dans cette entreprise

15 commune, et M. Milosevic semblait mettre un frein à leurs activités dans

16 toutes ces zones, Igman, Sarajevo et cetera, et il l'a fait par le

17 truchement du contrôle qu'il exerçait sur l'armée." Quand vous dites

18 qu'ils étaient lancés ensemble dans une entreprise commune, est-ce que vous

19 pouvez nous dire de quoi il s'agissait ? Qu'avez-vous compris par là ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Il parlait d'un projet nationalement serbe,

21 "du projet national serbe". Chaque fois que nous, nous parlions de la

22 guerre, du nettoyage ethnique ou de quoi que ce soit d'autre, et en

23 particulier le professeur Plavsic, Zametica, le professeur Koljevic, eux,

24 donc ils disaient que le projet national serbe avait été mise en œuvre avec

25 la compréhension totale de ce projet par la Serbie qu'il soutenait, le

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1 professeur Koljevic d'ailleurs disait :

2 "Vous avez toujours pensé que la guerre ne durerait que quelques jours et

3 que la JNA," -- c'est ainsi qu'elle s'appelait à l'époque, non pas la VJ --

4 "il pensait donc que la JNA allait être en mesure de régler la situation

5 très vite." Et leur irritation a augmenté au fil du temps. Ils l'ont dit

6 eux-mêmes d'ailleurs, et d'autre part, les pressions exercées par

7 l'Occident sur M. Milosevic ayant augmentées, ils ont eu l'impression qu'on

8 leur coupait l'herbe sous le pied. Bien entendu, ils disposaient toujours

9 de la totalité des équipements de la JNA, que quelques 300 chars, d'après

10 nos estimations, qui avaient été laissées sur place par les autorités

11 yougoslaves au moment ou officiellement ces autorités avaient quitté en mai

12 1992 la Bosnie-Herzégovine, suite au pression de l'Occident mais le

13 soutient dont ils bénéficiaient, n'était pas suffisant, n'était pas d'une

14 envergure telle qu'ils aient pu obtenir une issu rapide de la guerre.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous, s'il vous plaît, être

16 plus précis quand vous évoquez ce que Milosevic a dit lorsqu'il a dit

17 qu'ils avaient entravé les activités des Serbes de Bosnie à Sarajevo et

18 ailleurs ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes de Bosnie nous ont dit à plusieurs

20 reprises, dans plusieurs réunions à différents niveaux, qu'ils voulaient

21 s'emparer de Bjelasnica et de Igman, et tenir ces lieux pour raffermir le

22 siège autour de Sarajevo pour empêcher tout contact avec Sarajevo et cette

23 zone que je vous indique avec ce corridor. Ils nous ont également dit

24 qu'ils avaient souhaité prendre Gorazde, ou limiter du moins réduire cette

25 ville à un centre urbain minuscule, parce qu'ils voulaient que cela soit

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1 réintégré -- intégré à Républika Srpska, puisque ça se trouvait tout près

2 de la frontière serbe, et aussi parce qu'on avait beaucoup d'hommes sur

3 place. Ils voulaient s'emparer de cet endroit et M. Milosevic, sous la

4 pression de l'Occident, les avaient persuadés de ne pas se lancer dans

5 cette offensive.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a peut-être un rapport ? Je

7 voulais vous poser cette question auparavant. Au début de votre déposition,

8 vous avez dit, en réponse à des pressions exercées par la Serbie et par la

9 communauté internationale, Karadzic semblait retissant à l'idée de se

10 servir de l'appareil de guerre serbe pour arriver par la force à un

11 règlement. Et j'avais à ce moment-là l'intention de vous demander un

12 éclaircissement. Quand vous parlez de pression exercer par la Serbie, à

13 quoi pensiez-vous ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me contente de relayer ce que nous ont

15 dit les Serbes de Bosnie, voici ce qu'ils ont dit, Karadzic en particulier,

16 qu'il aurait voulu faire plusieurs choses surtout autour de Sarajevo. Ils

17 se demandaient s'ils n'allaient pas couper l'eau entre autre chose. Il

18 parlait avec ses associés, comme avec nous, de l'influence venant de la

19 Serbie, et qu'il voulait les entraver, les empêcher de le faire. Et ceci

20 s'est répété de façon systématique pendant toute la durée même après la

21 chute de Srebrenica.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Quelques questions techniques pour revenir sur des détails. Ces chars,

25 dont vous avez parlés, il fallait les entretenir -- les maintenir. Cette

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1 maintenance se faisait où d'après vous ?

2 R. C'est certain. Ils avaient besoin d'être entretenus, et il y avait des

3 services d'entretien à la disposition de l'armée des Serbes de Bosnie dans

4 le territoire tenu par les Serbes de Bosnie, mais ces chars étaient

5 déplacés, traversaient la frontière pour y faire leurs entretiens là-bas,

6 les gens de l'armée serbe de Bosnie que nous avons rencontrés en souvent

7 parler.

8 Q. Deuxième question : nous parlons de quelle période après 1992 ?

9 R. A partir de mon arrivée, printemps 1993, donc jusqu'à la fin de la

10 guerre, fin de l'automne, début de l'hiver 1995.

11 Q. Et M. Milosevic aurait mis un frein à leurs actions, à votre avis. Ceci

12 couvrait quelle période ?

13 R. Nous nous en sommes rendus compte surtout à cause de ce que les Serbes

14 de Bosnie nous avaient dit, peut-être là qu'il y a un peu de

15 désinformations, mais je pense que la plupart des Serbes de Bosnie en

16 convenaient. Mais disons que ça a été, ceci a connu une période de

17 croissance. Mladic -- ou plutôt l'influence de Milosevic sur Mladic a

18 grandi au fil du temps pour avoir son apogée en 1995, et Karadzic en était

19 si inquiet qu'il avait voulu d'émettre Mladic de ces fonctions.

20 Q. Voilà vous avez répondu à ma question suivante. Et pour ce qui est de

21 l'autorité du contrôle de l'influence qu'avait l'accusé sur Mladic et les

22 autres, est-ce qu'il en avait réponse ?

23 R. Tout à fait.

24 Q. La Chambre devra se prononcer sur le volume d'appui financier,

25 logistique, donné aux Serbes de Bosnie, et particulier l'armée des Serbes

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1 de Bosnie. Si ce soutien avait été interrompu plutôt, qu'elles en auraient

2 été les séquences pour Sarajevo et ses alentours, vous avez dit ces

3 alentours, qu'ils étaient bien sûr touchés par ce qu'il se passait à

4 Sarajevo.

5 R. Manifestement, la domination qu'avait les Serbes de Bosnie du champ de

6 bataille était proportionnelle à l'appui dont ils bénéficiaient de

7 Belgrade. En fait, il y avait infériorité numérique des Serbes de Bosnie,

8 infériorité sérieuse, ne serait-ce que par les Musulmans de Bosnie, ou par

9 rapport à eux ? Cependant, les Serbes de Bosnie avaient reçu des quantités

10 énormes d'armes ou plutôt ces armes avaient été abandonnées sur place au

11 moment où la JNA s'avait retirée de la Bosnie-Herzégovine, donc ce n'était

12 là finalement qu'un transfert.

13 Q. Et cet appui, ce soutien aurait eu quels effets ? Ou s'il y avait été

14 retiré, qu'est-ce qu'il aurait eu comme effets ?

15 R. Et bien, l'avantage militaire aurait été perdu et ça voulait dire que

16 les Serbes de Bosnie auraient dû accepter des conditions qu'ils n'auraient

17 pas permis les grands déplacements de population auxquels ils s'étaient

18 livrés.

19 Q. C'est peut-être une question d'avis personnelle, mais vu la question

20 posée par M. le Juge, je vous demande ceci : En ce qui concerne l'accuse,

21 Milosevic, vous vous rappelez que je vous ai demandé s'il y avait une

22 espèce de dichotomie entre ceux qu'il aurait fait, à savoir pour soutenir

23 les Serbes de Bosnie tout en mettant fin à leurs activités. Est-ce que vous

24 pensez que ceci révèle une espèce de programme particulier, pour autant

25 qu'on puisse le nommer en tant que tel ?

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1 R. Je n'ai jamais rencontré l'accusé. Je ne peux donc vous parler que de

2 la perception qu'en avaient des dirigeants serbes de Bosnie. Pour eux,

3 c'était un opportuniste. Eux, ils pensaient d'eux-mêmes que c'était des

4 véritables nationalistes serbes. A leur avis, M. Milosevic voulait le

5 beurre et l'argent du beurre. Il voulait être conciliateur envers

6 l'occident tout en tirant les reines sur les Serbes de Bosnie au moment où

7 ils remportaient leurs plus importantes victoires, tout en manifestant

8 suffisamment de soutien à l'idée -- ou aux projets -- nationale serbe, que

9 pour se conserver le soutien de tous ceux qui avaient une conception plutôt

10 nationaliste. Et c'était donc cet opportunisme que les Serbes de Bosnie

11 présentaient par contraste non plus aussi avec le nationalisme pur de

12 Tudjman.

13 Q. [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Désole.

15 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel était l'avis de votre

17 organisation au regard de cette ambiguïté, ambivalence apparente ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous savions qu'il y avait un soutien de base

19 fourni par la Serbie, mais nous savions aussi qu'il y avait, entre les

20 Serbes de Bosnie et la Serbie, des tensions. Souvenez-vous la communauté

21 internationale, le conseil de sécurité et le groupe de contact,

22 s'efforçaient d'exacerbé ces divisions, de miser dessus. Des résolutions au

23 conseil de sécurité ont été adoptées qui offraient d'alléger les sanctions

24 imposées à la République fédérale de Yougoslavie si celle-ci était prête à

25 imposer des sections -- des sanctions, à exercer des pressions, mettre un

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1 frein aux activités des Serbes de Bosnie et des Serbes de Croatie. Nous

2 savions qu'il y avait donc ce soutien de base apporté par la Serbie et nous

3 espérions pouvoir tirer parti des différences qui surgiraient entre -- pour

4 savoir jusqu'où il faudrait pour eux -- pousser en avant. Ce projet

5 national serbe, vu l'opposition très vigoureuse de l'OTAN notamment.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Comment faut-il comprendre la position

7 adoptée ? Est-ce que c'est la vision qu'en avait votre organisation ou

8 vous-même, à savoir que d'une part vous avez le gouvernement serbe et

9 l'accusé qui apportaient soutien matériel aux Serbes de Bosnie et --

10 corrigez-moi si je me trompe parce que ce que je veux, c'est savoir ce

11 qu'il y en ait exactement, et un soutien moral général apporté aux Serbes

12 de Bosnie. Ça c'est d'un côté, si vous voulez. Mais par ailleurs, on aurait

13 l'accusé qui mettait un frein aux activités des Serbes de Bosnie, là où il

14 pensait que c'était dans son intérêt de le faire, et ici je ne veux pas

15 vous souffler ce que vous voulez dire, mais quelle était l'impression que

16 vous êtes faite à l'époque ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bien notre impression. Notre impression,

18 c'était que Milosevic, en tant que joueur, avait tendance à quitter le jeu

19 avec sa mise. Les Serbes de Bosnie, avec le soutien de la Serbie, s'en

20 étaient fort bien tirés dans cette guerre. Ils avaient rapidement pris le

21 contrôle de 70 % du territoire alors qu'ils ne représentaient que 30 % de

22 la Bosnie, démographiquement, ceci en l'espace de quelques semaines au

23 début de la guerre. Milosevic a d'ailleurs affiché sa position

24 publiquement, notamment dans les discussions en ce qui concerne le plan

25 Vance-Owen. Son idée, c'était que maintenant le temps était venu de faire

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1 des concessions importantes afin de parvenir à un accord de paix, un

2 règlement pour la paix et afin que les tensions exercées par l'occident

3 s'atténuent. Et ceci était en contraste avec une position plus maximaliste,

4 celle des Serbes de Bosnie.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que son attitude et sa

6 position étaient conformes avec la pression qu'il subissait, dites-vous, de

7 la communauté internationale ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ça cadrerait tout à fait avec ceci, mais

9 je répète une fois de plus que jamais je n'ai rencontré l'accusé. C'est

10 seulement grâce au contact quotidien que j'avais avec les dirigeants serbes

11 de Bosnie que je peux m'exprimer. Donc, c'est un peu par ce bout-là de la

12 lorgnette, celle de leurs frustrations, que je m'exprime.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Soyons clairs. Il nous incombera de nous

14 prononcer sur ces sujets, de trancher, suite à la présentation de tous les

15 éléments de preuve dans ce procès. Mais si nous recueillons l'avis,

16 l'impression d'un témoin qui se trouvait sur place, c'est quelque chose

17 dont il faut tenir compte.

18 Monsieur Nice, poursuivez.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. A ce propos, examinons maintenant l'Intercalaire 25, me semble-t-il. Je

21 ne sais pas si nous l'avons déjà examiné. Est-ce qu'il existe un

22 Intercalaire 25 ? Non. Je reviendrai à ce document plus tard.

23 M. NICE : [interprétation] Mais je pense que nous avons déjà examiné la

24 teneur des paragraphes 58 et 59 de façon suffisante. Ce qui me permet de

25 passer à quelques observations concernant Mladic, au paragraphe 60.

Page 26976

1 Q. Vous avez déjà parlé, Monsieur le Témoin, du rapport ou des liens qui

2 se développaient entre l'accusé et Mladic. Il se comportait comment,

3 Mladic, au cours de ces réunions ? Brossez-nous un tableau de cet homme en

4 quelques traits.

5 R. Cet un homme assez costaud, assez trapu --

6 Q. Non, non, pas physiquement, sa personnalité.

7 R. En général, c'était un homme assez calme. Il restait souvent très

8 silencieux pendant très longtemps au début d'une réunion. Souvent, il

9 jouait aux échecs avec un général dans la pièce à côté -- le général Gvero.

10 Et puis, il prenait des notes pendant le premier volet d'une réunion.

11 Ensuite, il avait coutume de faire des présentations qui n'étaient pas

12 nécessairement très logiques. Il avait coutume de toujours revenir sur

13 l'histoire des Serbes qu'il ne semblait pas très bien connaître les

14 souffrances subies par sa propre famille. Son père avait été tué pendant la

15 Seconde guerre mondiale. Et il avait coutume d'insister beaucoup sur les

16 souffrances individuelles subies par les Serbes. Ce n'était pas un homme ou

17 un interlocuteur très cohérant. Il terminait les réunions par une série de

18 revendications, en règle générale.

19 Q. Je vous remercie. Je pense que, Messieurs les Juges, vous êtes à

20 l'intercalaire 25.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est un document déjà utilisé. Il

22 s'agit de l'intercalaire 25 de la pièce 470.

23 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, je me suis trompé.

24 Q. Vous avez ce document ?

25 R. Je ne pense pas.

Page 26977

1 Q. On est en train de vous le remettre. C'est un rapport de Viktor Andreev

2 en date du 20 septembre ou 25 septembre -- 20 septembre 1994.

3 R. Oui.

4 Q. Le premier [sic] paragraphe parle d'une longue discussion des Serbes à

5 propos de la fermeture de la frontière avec la RFY, des inquiétudes qu'il y

6 a. Et puis, on parle d'une possibilité d'un renforcement des sanctions sur

7 Pale, et que ceci voudrait dire que la FORPRONU prend la cause de l'ennemi.

8 Et il dit ceci :

9 "Si l'ennemi nous traite en animal, nous nous comporterons en tant que

10 tel." Il parle de l'utilisation des services publics comme moyen de guerre.

11 Comment est-ce que ceci cadre avec la discussion que nous venions d'avoir

12 il y a quelques questions de cela, à propos de l'influence politique qui

13 aurait été exercée ?

14 R. Ce que m'a dit Karadzic, à moi et à d'autres, c'était qu'il y avait une

15 indépendance vitale par rapport à la Serbie. Et que le conseil de sécurité

16 avait proféré des menaces. Nous, nous étions une extension à leur yeux des

17 Nations Unies et que ceci était considéré comme étant une attaque touchant

18 aux intérêts vitaux des Serbes de Bosnie. Ils disaient qu'on les traitait

19 d'animal, en fait je ne sais pas, en anglais ou en français, ça ne donne

20 pas grand-chose. C'est peut-être meilleur en Serbe. Et Karadzic a dit :

21 voilà, ils vont nous attaquer et qu'il allait, lui, se servir des services

22 publics où des restrictions imposées à l'électricité, au gaz, pour rendre

23 la vie des Musulmans de Bosnie encore plus difficile à Sarajevo. A moins,

24 disait-il, que le conseil de sécurité ne cesse de menacer cette artère

25 vitale qui existait entre lui et ses fournisseurs en Serbie.

Page 26978

1 Q. Encore quelques questions de logistique et de soutien matériel,

2 paragraphe 63. Je pense que vous avez déjà parlé complètement pour ce qui

3 est de ce genre de matériel mais pas en matière de couverture aérienne ou

4 de soutien aérien fourni éventuellement par la Serbie.

5 R. C'était une zone d'interdiction de vols, bien sûr, pour la Bosnie ce

6 qui veut dire qu'il y a eu violation de cet espace aérien par les avions

7 des trois parties, au risque de se faire abattre, bien sûr. Il n'y avait

8 pas beaucoup d'activités militaires aériennes.

9 Il y a quatre Galeb, des avions de combats légers qui sont partis de Banja

10 Luka et qui ont été abattus. Il y en a un qui a été abattu en 1994, un

11 autre s'est écrasé à Cazin, fin 1994 aussi. Et s'ils s'écrasaient en

12 territoire musulman de Bosnie, il nous était possible de mener une enquête,

13 ce que nous avons fait. Sans nul doute, nous avons pris des photos pour ce

14 qui est de cet avion qui s'est écrasé à Cazin. Les pilotes portaient

15 l'uniforme yougoslave et la presse yougoslave a d'ailleurs fait état de

16 leurs obsèques en Yougoslavie.

17 Q. Merci. Intercalaire 20 de la pièce 546. Là, nous parlons d'un autre

18 système d'armes, rapport du 1er décembre, 1994, deuxième paragraphe. On

19 parle du fait que le général Rose à l'occasion, d'une discussion qui

20 explique que la décision prise par les Serbes de mettre en action leur

21 système de défense aérien avait augmenté considérablement les tensions en

22 Bosnie. Et puis, il disait que les avions de l'OTAN auraient une réponse

23 automatique si on tirait sur les avions. Il parlait, ici, de quel système ?

24 R. Il parlait du système SAM-2 missile.

25 Q. Que savez-vous à ce propos ?

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1 R. C'est un système à base thermique ce qui permet une détection par radar

2 lorsqu'il y a engagement. La première fois que ceci s'est produit, c'est

3 fin 1994. Ce système SAM-2 est, sur le plan physique, un système vaste,

4 complexe. Il n'a pas été activé en Republika Srpska sur le territoire tenu

5 par les Serbes de Bosnie avant cette phase-là. Il devait l'être lorsqu'il y

6 aurait une couverture aérienne par l'OTAN plus agressive. Et on estimait

7 que ceux-ci étaient aidés ou assistés par la Serbie. Ils n'auraient pu

8 obtenir ces armes que des Musulmans ou des Croates, ce qui ne semblait pas

9 très plausible.

10 Q. Page 21, je vais aborder ceci de façon accoutumée parce que je n'ai pas

11 souligné ce passage. Est-ce qu'il y a eu une réunion des dirigeants serbes

12 de Bosnie à Sanski Most en mars 1994 [sic] au cours de laquelle Mladic a

13 parlé de la stratégie de la VRS ?

14 R. C'est ce que nous ont dit les dirigeants serbes de Bosnie.

15 Q. Et quel a été le changement au niveau de la stratégie ?

16 R. Ils ont compris qu'ils leur fallaient passer à l'offensive en 1995,

17 abandonner les positions défensives prises en 1993 et 1994, s'ils voulaient

18 terminer la guerre avant que la République de Croatie ne représente une

19 menace ou avant que les Musulmans de Bosnie soient en mesure de transformer

20 leur avantage numérique en succès sur le champ de bataille.

21 Q. Nous allons maintenant parler de Srebrenica. Mais auparavant, vous avez

22 préparé un rapport là-dessus et aussi sur deux autres points. Mais qu'avez-

23 vous appris s'agissant de la présence de Mladic à Belgrade ou des les

24 alentours de Belgrade au moment de la période qui a aboutit à Srebrenica ?

25 R. Je pense que les massacres de Srebrenica se situent vers le 14 juillet.

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1 La ville, elle-même, elle est tombée un mardi, le 11 juillet. Il y a au

2 moins un membre du groupe de contact qui a dit avoir vu M. Milosevic en

3 Serbie avec le général Mladic, le 7 juillet, le lendemain du début de

4 l'attaque mais plusieurs jours avant la chute de la ville et les massacres.

5 Q. Intercalaire 22. Qu'avez-vous à nous dire ? Première chose,

6 reconnaissez-vous ce document ?

7 R. Oui.

8 Q. Pourriez-vous nous faire la synthèse de l'effet que ceci a eu ? Nous

9 avons peu de temps. Ceci est mentionné au paragraphe 68 du résumé.

10 R. Oui. Après la chute de Srebrenica, presque aussitôt, les Serbes ont

11 attaqué Zepa. Et pendant la chute de Zepa, il régnait une grande confusion.

12 Les Serbes de Bosnie nous ont contacté en urgence. Ils ont dit organiser un

13 échange de prisonniers, Tous pour tous. ça aurait été bon pour les

14 Musulmans parce qu'avant Srebrenica, il y avait plus de Musulmans, qui

15 étaient détenus par les Serbes que de Serbes qui eut été détenus par des

16 Musulmans. Mais bien sûr, qu'au moment où s'est tenu cette réunion, les

17 tueries avaient déjà eu lieu à Srebrenica. Cependant nous, nous ne le

18 savions pas, pas plus que les Musulmans de Bosnie. Les Serbes essayaient de

19 dire tous pour tous, ne comptant pas Srebrenica qui aurait relevé d'une

20 autre catégorie.

21 Q. Et qu'est-ce qu'il voulait dire tous pour tous ?

22 R. Ils étaient très nerveux. Ils savaient que tôt ou tard, on apprendrait

23 qu'il y avait eu ces massacres à Srebrenica et qu'ils n'avaient aucune

24 chance de récupérer les prisonniers serbes que détenaient les Musulmans.

25 Q. Qui menait ces négociations pour les Serbes de Bosnie ? Parce que si

Page 26981

1 vos calculs sont bons, ceux qui menaient les négociations étaient au

2 courant.

3 R. Le général Mladic envoyait des messages. Il n'était pas présent, là,

4 parce qu'à ce moment-là, il se trouvait à Zepa et il y avait le général

5 Tolimir, notamment. Il a dépêché deux personnes, le lieutenant-colonel

6 Indjic et un officier qui était toujours envoyé par lui parce qu'il était

7 dit qu'il était toujours chargé des échanges de prisonniers, Bulatovic.

8 Q. Est-ce que les Serbes de Bosnie ont, à quelque moment que ce soit,

9 donné une explication pour ce qui est des Musulmans tués à Srebrenica ?

10 R. Non. Cependant, je pense que les premiers survivants des massacres sont

11 arrivés le 19 ou le 20 et ont parlé à la télévision de Tuzla. Après quoi,

12 il y a eu toute une série d'enquêtes qui ont débouché sur la présentation

13 par Mme Albright au Conseil de sécurité de photographies aériennes où l'on

14 voyait qu'il y a eu déplacement du sol, des personnes qui avaient été

15 rassemblées. Au moment où on commençait à apprendre ce qui s'était passé,

16 les Serbes ont interrompu les négociations.

17 Q. Nous essayons de respecter la chronologie, puis nous reviendrons au

18 rapport que vous avez fait sur ce médecin et deux ou trois autres sujets.

19 Vous avez une lettre de M. Akashi, vous avez envoyé le texte de cette

20 lettre à Karadzic le 30 août ?

21 R. Le 30 août, vous dites ?

22 Q. Peu importe la date, si vous ne vous en souvenez pas, nous passerons à

23 autre chose.

24 R. Je ne me souviens pas.

25 Q. Est-ce que le 3 octobre, vous avez reçu une lettre de Muratovic et de

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1 Buha qui marquait leur accord pour un cessez-le-feu qui a commencé à entrer

2 en vigueur le 12 octobre, intercalaire 23 ?

3 R. Oui. C'est l'instrument qui a mis fin à la guerre en Bosnie.

4 Q. C'est un document court, inutile de l'examiner dans le détail. Une

5 seule chose, est-ce qu'au sein des Nations Unies ou ailleurs, on s'est

6 demandé à quoi devait servir ou ce que faisait les zones de sécurités ?

7 R. Oui.

8 Q. Au paragraphe 75, pourriez-vous en faire la synthèse ?

9 R. Il y a eu tout un débat qui posait sur la question de savoir si ce

10 concept de la zone de sécurité avait pour objectif et vocation et de

11 protéger les gens ou les zones, zones qui devaient plus tard faire partie

12 d'un territoire musulman de Bosnie. Grande était l'inquiétude au sein de la

13 FORPRONU à propos de cette idée car on avait le sentiment que le mandat du

14 conseil de Sécurité, qui était d'avoir un effet dissuasif, n'était pas

15 exécutable avec les forces qui existaient, ce qui voulait dire qu'une

16 grande menace posait sur la population de ces zones.

17 Q. Je vous remercie.

18 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous pourrions maintenant

19 aborder la deuxième liasse de documents qui constitue la deuxième thèse. Je

20 ne veux pas vous grever de documents qui sont inutiles. Je veux expliquer

21 la teneur de ces documents.

22 Il y a d'abord 35 intercalaires, qui se sont des résolutions du conseil de

23 Sécurité, se sont les documents du domaine public. Et je ne sais pas si on

24 peut en faire des pièces, mais je pense que ça ne serait pas inutile

25 d'avoir ces pièces, sous formes de pièce à conviction, qui constituent un

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1 recueil auquel on peut ajouter des documents. On pourrait produire ceci par

2 le truchement de ce témoin, mais je ne veux pas parcourir chacun de ces

3 documents avec lui. Il ne s'estime pas expert à la matière, même s'il peut

4 formuler des commentaires à leur propos.

5 Le dernier document dans ce qui pourrait devenir une pièce, c'est le

6 rapport qu'il a rédigé à propos de Srebrenica, j'ai commencé à vous parler.

7 C'est un document long, je n'ai pas l'intention de le parcourir dans sa

8 totalité et je n'ai pas l'intention d'y consacrer beaucoup de temps à moins

9 que vous ne le souhaitiez. Ceci risque à mon avis d'être un document que

10 vous aimeriez avoir à votre disposition, Messieurs les Juges, mais, si

11 c'est le cas, voici ce que je vous propose. Je vais demander au témoin

12 d'expliquer quelles furent ses méthodes de travail. Il cernera peut-être de

13 tel ou tels paragraphe qui serait d'une lecture utile pour vous, au cours

14 de la prochaine pause, mais je n'aborderais pas le reste des documents dans

15 le détail, mais à vous de juger d'avoir -- d'abord pour savoir si ces

16 documents automoteurs, comme dit M. Nice, doivent devenir des pièces à

17 conviction. Le témoin a déposé, mais je pense qu'il sera intéressant de

18 voir comment, en quelles circonstances, il a préparé son rapport concernant

19 Srebrenica.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons discuter sur le siège.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A l'intercalaire 37 dans ce jeu de

23 document, dans ce classeur, nous avons un rapport d'une mission du conseil

24 de Sécurité. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ?

25 M. NICE : [interprétation] C'est peut-être plutôt à l'intercalaire 36 que

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1 nous avons le rapport sur la Srebrenica.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, un autre document.

3 M. NICE : [interprétation] Oui, nous avons ici le rapport de la mission du

4 conseil de Sécurité, conformément à la résolution 819 du 30 avril. Je ne

5 suis pas sûr que nous l'ayons ici -- oui-- non ceci a été par erreur annexé

6 au rapport de Srebrenica. En fait, ils se sont les quelques dernières pages

7 de ce rapport. Vous verrez que c'est différent -- un peu différent --

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc vous demandez l'intercalaire 37.

9 Nous voudrions prendre connaissance ?

10 M. NICE : [interprétation] Oui, en tant que partie du rapport.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous allons verser cela, en tant que

12 pièce à conviction, le numéro suivant.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça sera le numéro 547.

14 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est des résolutions du conseil de

15 Sécurité, Monsieur le Président, il y en a d'autres et, au sujet desquelles

16 le témoin pense qu'il pourrait vous aider, on pourrait vous les mettre à

17 votre disposition pendant la pause. J'essaierai de voir avec les juristes

18 de la Chambre comment on pourrait inclure cela pour que cette pièce à

19 conviction puisse arriver à l'appui des autres résolutions ou plutôt à

20 l'annexe des autres résolutions.

21 Q. Monsieur Harland, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous présenter

22 brièvement quels sont ces documents importants, et nous allons essayer de

23 les retrouver plus tard.

24 R. Il y a eu un grand nombre de résolutions du conseil de Sécurité pour ce

25 qui est du conflit dans l'ex-Yougoslavie, alors la première me semble-t-il

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1 d'importance est la résolution 713 de l'année 1991, et c'est la résolution

2 pendant laquelle on impose un embargo sur les armes qui concernent toutes

3 les parties belligérantes.

4 Q. C'est une résolution supplémentaire que nous allons l'annexer à ce jeu

5 de résolutions.

6 R. Une autre réponse. Il y en a un grand nombre qui concerne des points

7 tels que la fourniture d'aide humanitaire et l'autorisation des Nations

8 Unies de recourir à la force à fin de garantir les livraisons d'aide

9 humanitaire. Ce sont les résolutions 770 et 776. Les deux me semble-t-il

10 date de 1992.

11 Puis il y a eu aussi toute une série -- une série de résolutions qui

12 donnait le mandat des Nations Unies et de l'OTAN afin de dissuader des

13 attaques sur les zones de sécurité, telles quelles ont été déterminées y

14 compris Srebrenica. Donc ça serait les résolutions 819, 824, 836, et il me

15 semble qu'elles sont de 1993.

16 Puis il y a eu des résolutions supplémentaires qui cherchaient à obtenir

17 plus de coopération de la part de la République fédérale de Yougoslavie,

18 soit en supprimant les sanctions imposées à celle-ci et en demandant de la

19 part de la République fédérale de Yougoslavie en retour qu'elle impose des

20 barrages sur la Drina. Puis il y a eu d'autres mesures -- un grand nombre

21 de mesures prises par la communauté internationale dont le contexte du

22 conseil de Sécurité.

23 Q. A l'intercalaire 36, nous avons la deuxième pièce, la pièce 537[sic],

24 c'est votre rapport adressé au secrétaire général. Alors, très brièvement,

25 dites-nous, qui vous a demandé de préparer ce document ? Comment l'avez-

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1 vous préparé ? Et la Chambre peut-être souhaitera se reporter à l'angle en

2 bas, à droite, page numéro 111, me semble-t-il, qui montre qui ont été vos

3 différents interlocuteurs ?

4 R. Oui. Alors, premièrement, il faut dire que ce n'est pas mon rapport.

5 C'est le rapport du secrétaire général à l'assemblée adressée -- à

6 l'Assemblée générale des Nation Unies.

7 Q. Oui.

8 R. Je l'ai simplement esquissé.

9 Et je dois dire que nous avons ici, effectivement, une liste de personnes

10 en page 111, et cette liste n'est pas du tout complète puisque nous avons

11 parlé à un très grand nombre de personnes qui ont demandé que l'on protège

12 leur identité.

13 Pour ce qui est de la manière de travailler, et bien, cette méthodologie,

14 c'est celle qui concerne la rédaction -- la méthodologie a été de voir les

15 rapports du personnel des Nations Unies de Srebrenica et qui s'intéressait

16 donc à ce que Srebrenica -- qui concernait Srebrenica. J'ai eu un accès

17 tout à fait libre aux fichiers confidentiels des Nations Unies pour faire

18 cela. Et j'ai aussi eu des entretiens avec les protagonistes les plus

19 importants; malheureusement, pour ce qui est de cette affaire, je n'ai pas

20 pu avoir d'entretien avec qui que ce soit en Serbie. J'envoyais des faxes à

21 des gens, mais, malheureusement, à l'OTAN il était en train d'attaquer la

22 Serbie à ce moment-là. Et donc j'ai rédigé cela au printemps et à l'été

23 1999, donc général Perisic, par exemple, et d'autres, à l'époque, avaient

24 accepté de me rencontrer, mais ils n'étaient pas en mesure de le faire

25 puisqu'il y avait une situation de guerre.

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1 Q. Pour ce qui est des rapports dans -- pour ce qui est des conclusions du

2 rapport à l'encontre de l'accusé, est-ce qu'il y a quelque chose de positif

3 ou au moins neutre ?

4 R. Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas de lien direct établi dans ce

5 rapport entre M. Milosevic et les massacres qui se sont produits à

6 Srebrenica. Bien entendu, avant cela, l'armée serbe a reçu un support, un

7 soutien considérable et, avant la chute, de toute évidence, il a rencontré

8 Mladic, donc il savait -- il était au courant que l'attaque était lancée,

9 mais le problème pour ce qui concerne le droit ne constitue pas en fait les

10 attaques elles-mêmes. Il y en a eu beaucoup, mais plutôt les massacres, et

11 ce rapport n'établit pas de lien entre Milosevic et ces massacres.

12 Il y a un d'éléments de preuves, que je vous ai mentionné auparavant, qui

13 me laissait entendre que M. Milosevic n'était pas impliqué à la

14 perpétration des massacres, qui se sont passés immédiatement après la chute

15 de Srebrenica deux jours après que les Serbes n'aient commencé leur attaque

16 sur Zepa, et M. Milosevic en fait a aidé à ce qu'on sauve quelques hommes

17 de Zepa. Du moins en juger d'après les entretiens -- que je n'ai pas eu

18 d'entretien avec M. Milosevic, mais, au moins donc d'après les entretiens

19 avec M. Muratovic, un homme haut placé au sein du gouvernement bosnien, et

20 avec Karl Bildt, qui était à l'époque un négociateur, donc il agissait au

21 nom de la communauté internationale. Au moment la chute de Zepa, il voulait

22 s'assurer qu'il n'y aurait pas de massacre, même s'il n'était pas encore

23 déjà au courant des massacres de Srebrenica. Et parce que Zepa se trouve

24 très près de la frontière serbe, il y avait des gens qui fuyaient en

25 utilisant des radeaux pour traverser en Serbie. Et en juger d'après M.

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1 Muratovic, il s'est adressé à M. Bildt et a demandé à M. Bildt que, lui, il

2 parle à M. Milosevic pour s'assurer que les personnes, qui s'enfuyaient

3 vers la Serbie, ne soient pas tuées ou qu'elles ne fassent pas l'objet de

4 mauvais traitements. Et en juger à la fois d'après ce qu'a dit Bildt et ce

5 qu'a dit Muratovic, Milosevic a fait en sorte que ces gens soient détenus,

6 ce qui est normal et habituel, et je pense que ce correspond -- que ceci

7 correspond aux lois de la -- aux coutumes de la guerre, et que ces gens ont

8 été libérés après la guerre. Donc, pour autant que je le sache, donc

9 c'était ces deux interviews qui m'ont laissé entendre que M. Milosevic, en

10 fait, aidaient.

11 M. NICE : [interprétation] Alors, à présent, je propose à la Chambre de se

12 pencher sur le résumé, à commencer par le paragraphe 119 [sic]. Je peux

13 donner lecture très rapidement donc des paragraphes qui pourraient être

14 intéressants, donc ça serait le paragraphe 92 du résumé, qui concerne le

15 paragraphe 501 du rapport. Donc, soit le résumé, soit les paragraphes

16 rédigés initialement, donc dans le rapport, je pense que c'est de cela que

17 la Chambre pourrait prendre connaissance pendant la pause. Il ne me reste

18 qu'une question pour ce témoin, et cette question, en fait, concerne à

19 l'intercalaire 21, de la pièce 546.

20 Q. Je vous demanderais très brièvement de vous reporter à ce document. Je

21 ne pense pas qu'il soit nécessaire de le présenter sur un rétroprojecteur.

22 Ce n'est pas un document que vous avez rédigé, mais il concerne quelque

23 chose que Mladic a dit au sujet des enclaves orientales. Alors ce qu'il a

24 dit, est-ce que vous en avez eu connaissance à l'époque ?

25 R. Oui. Je dois dire que je me suis référé à -- en fait, c'est-à-dire que

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1 je me suis référé à des réunions auxquelles j'ai été présente. Mais je n'ai

2 pas été présente à celle-ci. C'est une réunion qui s'est tenue à Vlasenica,

3 c'était le poste de commandement du Corps de Drina. Le général Smith et son

4 assistant, M. Baxter, ont rencontré M. Mladic et il m'en fait un rapport

5 oral, disant que les Serbes s'étaient attaquées les enclaves à l'est

6 pendant 1991 [sic] afin de les réduire à ce que ne soient plus que des

7 camps -- de simples de camps gardés, et afin de pouvoir libérer leurs

8 forces pour pouvoir agir ailleurs.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que ceci m'est fin à la

10 déposition, mis à part, quelques petites précisions et qu'il faudra faire ?

11 M. NICE : [interprétation] Oui, je pense qu'après la pause, on pourra faire

12 cela.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, je pense qu'il sera

14 difficile de réduire le contre-interrogatoire de ce témoin, compte tenu de

15 sa déposition.

16 M. NICE : [interprétation] Très bien. Je l'accepte. Nous avons bien

17 progressé pendant la première partie de l'audience, mais parfois on ne peut

18 pas garder le même rythme pendant le deuxième volet.

19 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous venons de recevoir deux résolutions

21 supplémentaires d'après que je vois.

22 M. NICE : [interprétation] Oui, comme je vous les dit, il y a deux

23 résolutions supplémentaires. Si la Chambre pense qu'il serait bien de

24 conserver cela dans notre bibliothèque, et bien, il serait dans ce cas-là

25 mieux de les enrager dans l'ordre chronologique et puis simplement de les

Page 26990

1 annexer à la fin. Ceci pourrait probablement être fait donc dans l'ordre

2 chronologique et modifié l'index pour les deux entrées supplémentaires --

3 les deux résolutions supplémentaires. Nous pouvons le faire.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous ferons cela après la pause.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous me faites peur, Monsieur Nice,

6 lorsque vous parlez de bibliothèque.

7 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, je ne voulais pas du tout vous

8 faire peur. Je pense simplement qu'il s'agit de documents qui devraient

9 être à notre disposition.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'audience est suspendue.

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

12 --- L'audience est reprise à 12 heures 42.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

14 M. NICE : [interprétation] Une question que j'aurais dû aborder pour

15 finaliser mon interrogatoire, paragraphe 37 du résumé et intercalaire 37 de

16 la pièce 547, intercalaire que je ne trouve plus. Il s'agit d'un rapport du

17 conseil de Sécurité ou plutôt de la mission du Conseil de Sécurité en date

18 d'avril 1993, un rapport dans lequel Diego Arria, du Venezuela, a assumé le

19 rôle de coordonnateur. Page 5 de ce document, les numéros se trouvant au

20 haut des pages, concentré en bas de cette page, on peut lire la chose

21 suivante, je cite : "Le conseil doit noter que, lorsqu'il a débattu de la

22 résolution 819, il ignorait qu'il y avait eu des négociations avec le

23 commandement de la FORPRONU et que la FORPRONU avait participé activement à

24 la rédaction d'un accord et aux mesures prises pour convaincre les

25 commandants de Bosnie de signer cet accord. Faute de quoi, 25 000 personnes

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1 risquaient d'être massacrées."

2 Q. Il s'agit, Monsieur le Témoin, d'un rapport auquel a contribué Diego

3 Arria, rapport d'avril 1993. On fait référence ici à votre rapport à vous

4 et ce rapport, qui avait été communiqué précédemment aurait pu faire

5 comprendre à certains que les massacres de Srebrenica étaient du domaine du

6 possible, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Comme vous ne l'avez dit clairement, paragraphe 77 du résumé, page 24,

9 vous-même, vous n'avez pas anticipé un massacre ?

10 R. Non. En tout cas, pas sur cette échelle.

11 Q. Pas sur cette échelle ?

12 R. Non.

13 Q. Vous avez expliqué aux Juges comment les villes étaient prises, les

14 meurtres qu'il y avait lieu, et cetera.

15 R. Oui.

16 Q. Et quand vous parlez du rapport de Diego, quand on examine le rapport

17 de Diego Arria, on voit que d'autres personnes pouvaient avoir une autre

18 opinion.

19 R. Oui.

20 M. NICE : [interprétation] J'en ai terminé.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons encore deux documents, deux

22 intercalaires auxquelles on a attribué la cote 547. Il nous faut des cotes

23 supplémentaires.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La résolution 713 portera la cote 38 et

25 la résolution suivante portera la cote 39 de la pièce 547, la deuxième

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1 résolution étant la résolution 776.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

3 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

4 Q. [interprétation] Monsieur Harland, je vois que vous êtes arrivé à

5 Sarajevo en juin 1993, c'est bien cela ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Est-ce peu après avoir soutenu votre thèse de troisième cycle à l'école

8 Fletcher du droit de diplomatie ?

9 R. Oui, après l'avoir reçu. Enfin, j'avais arrêté mon travail de

10 recherches ou d'études quelques années plus tôt.

11 Q. A l'époque, vous viviez déjà aux Etats-Unis, c'est cela ?

12 R. Non. Avant -- en fait, pendant que j'étais à l'université Harvard, je

13 vivais aux Etats-Unis. Donc, c'était à l'école Fletcher. Et puis après,

14 jusqu'en 1993, entre 1991 et 1993, j'ai vécu en Afrique. Je travaillais

15 pour les Nations Unies. C'était dans la région des Grand Lacs.

16 Q. Et à quel moment avez-vous commencé à travailler pour les Nations Unies

17 ? Immédiatement après avoir terminé ces études en 1991, cette école

18 Fletcher ?

19 R. Oui. Avant que je n'y retourne pour soutenir ma thèse du troisième

20 cycle, j'avais déjà commencé à travailler pour eux, mais c'était, en fait,

21 en 1991.

22 Q. Avez-vous été boursier à ce moment-là ?

23 R. oui.

24 Q. Et quelle est la fondation qui vous a financé vos études dont vous

25 étiez boursier ?

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1 R. L'école Fletcher, donc l'école de droits et de la diplomatie, et bien,

2 c'est une école qui fournit des financements à leurs élèves, donc, les

3 élèves qu'ils acceptent à l'université d'Harvard. Donc, j'ai demandé aux

4 deux organisations de me financer afin de pouvoir mener à terme mes études

5 aux deux universités.

6 Q. Très bien. Au paragraphe 3, vous dites que vous avez été envoyé à

7 Sarajevo -- que vous avez été donc envoyé en mission à Sarajevo, en Bosnie-

8 Herzégovine, juin 1993, et que vous étiez chargé des Affaires civiles sous

9 le commandement de Viktor Andreev ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Mais qui exactement vous a envoyé à Sarajevo ?

12 R. La FORPRONU. Je suis arrivé à Zagreb et leur chargé des affaires

13 civiles -- leur officier chargé des affaires civiles a décidé que je devais

14 être posté en Bosnie-Herzégovine.

15 Q. Mais, à l'époque, vous étiez déjà employés des Nations Unies depuis

16 deux ans; c'est bien cela ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Vous dites qu'il y avait deux aspects dans votre travail, des rapports

19 politiques et une activité politique. C'est bien cela, c'est ce que vous

20 dites au paragraphe 4.

21 R. C'est exact.

22 Q. Dites-moi de manière un peu plus précise, s'il vous plaît, ce

23 qu'entendait les deux volets que nous venons de citer, donc les rapports

24 politiques et l'activité ou le travail politique.

25 R. Oui. Pour ce qui est des rapports politiques, cela consistait à --

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1 comme à parler, à transmettre le contenu des entretiens auxquels j'ai

2 assisté, auxquels assistait le personnel haut gradé des Nations Unies à

3 Sarajevo, soit avec les dirigeants des Bosniens, donc soit avec les Serbes

4 de Bosnie. Donc, c'était des rapports que je rédigeais régulièrement,

5 toutes les semaines et c'était des rapports quotidiens lorsqu'il y avait

6 des entretiens, des réunions.

7 Alors, le travail politique consistait à assister à ces réunions et de

8 manière habituelle on essayait de négocier -- de négocier l'évacuation des

9 civils ou bien la remise sur pieds de l'électricité dans les hôpitaux.

10 Parfois, c'était aussi des échanges des prisonniers ou des corps. Donc,

11 c'était des choses qu'il fallait négocier entre le gouvernement bosnien et

12 les Serbes de Bosnie. Et lorsqu'ils s'adressaient aux Nations Unies pour

13 que l'on joue le rôle d'un certain intermédiaire -- de médiateur.

14 Q. Autrement dit, c'était ça qui a fait l'objet de votre travail.

15 Ce que j'ai pu remarquer pendant votre déposition, c'est que, dans la plus

16 grosse partie de votre déposition, vous vous êtes concentré sur des

17 questions militaires, mais pour autant que je vous ai bien compris, ce

18 n'était pas ça votre domaine de prédilection.

19 R. Oui, en fait. Lorsque nous négocions un cessez-le-feu ou un accord pour

20 arrêter l'activité des tireurs embusqués ou le retrait des forces serbes du

21 mont Igman, et à ces moments-là, je veux dire, moi, j'ai toujours été

22 présent. Pour ce qui est des aspects militaires, ils se sont trouvés au

23 cœur des préoccupations de la FORPRONU. Ils étaient pratiquement aussi

24 importants que les questions humanitaires.

25 Q. Très bien. Mais vous avez employé ici, comment dirais-je, une

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1 expression, une appellation, un terme qui dit donc ce serait l'appellation

2 "le projet national serbe". Et c'est une expression que vous avez employée

3 ici à plusieurs reprises. Vous entendez par ce projet, d'après ce que j'ai

4 compris, le nettoyage ethnique. Mais j'aimerais savoir d'où vous êtes venu

5 à -- êtes-vous venus à l'idée qu'il y avait l'existence donc de ce projet

6 national serbe et qu'il signifiait le nettoyage ethnique ?

7 R. En effet, ça a été l'expression utilisée par nos partenaires serbes de

8 Pale, par le professeur Koljevic et par le Dr. Zametica. En fait, ce qui se

9 passait, c'est que souvent ils décrivaient leurs efforts de guerre et ce

10 qu'ils essayaient de faire, ce à quoi ils essayaient d'arriver comme étant

11 partie d'un projet national serbe. Et cet -- ce facteur, cet élément auquel

12 ils prenaient part, c'était une tentative de créer un territoire à majorité

13 serbe, un grand territoire qui serait soit indépendant soit qui

14 bénéficierait d'un haut degré d'autonomie avec une population qui serait

15 une écrasante majorité serbe.

16 Q. Fort bien. Mais au début de votre déposition aujourd'hui, me semble-t-

17 il, c'était au tout début de votre déposition, vous avez commencé à parler

18 d'une réunion où Radovan Karadzic a pris la parole et où il a dit que leur

19 priorité était que Izetbegovic et ce que vous appelez le gouvernement

20 musulman acceptent de s'installer à la table de négociation, qu'il y ait un

21 accord.

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Et à cet occasion, d'après ce que j'ai vu dans les documents que vous

24 avez présentés ici, il a dit qu'il -- qu'on ne contestait -- donc qu'il

25 n'était pas contesté dans leur approche le droit des gens de rester sur

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1 place. Donc, au moment où on tracerait des limites, donc que les gens

2 restent chez eux et que l'on ne contestait pas le droit à ceux qui avaient

3 quitté ces territoires à cause des opérations de -- militaires. Donc, que

4 ces gens y reviennent. C'est bien cela ?

5 R. C'est exact.

6 Q. Mais comment pouvez-vous tirer un parallèle entre cela et un projet de

7 nettoyage ethnique puisqu'on a exprimé d'une manière très claire ce genre

8 d'attitude, donc cette attitude que vous avez présentée ici au début de

9 votre déposition. Et vous avez également fourni à l'appui un document où

10 l'on voit cela.

11 R. C'est ce qu'ils prétendaient. C'est ce qu'ils affirmaient. Mais ce

12 qu'ils faisaient en réalité, c'était de mettre en place une campagne de

13 nettoyage ethnique.

14 Et je veux dire que lorsque nous avons demandé au Dr. Karadzic ce qui se

15 passait réellement sur le terrain, et bien à ce moment-là, il disait qu'il

16 y avait des personnes âgées qui vraisemblablement souhaiteraient rester

17 dans des régions, donc s'agissant des Serbes, dans des régions musulmanes,

18 et inversement. Mais très clairement, ce qu'il envisageait, c'était que la

19 grosse majorité de la population qui resterait sur les territoires serbes

20 seraient des Serbes et que la même chose s'appliquerait aux territoires

21 musulmans. Que ce serait à grosse majorité des Musulmans.

22 Q. Bon. Ça c'est des -- ce sont des réflexions générales, mais s'agissant

23 du droit des personnes de rester là où elles sont, il n'a nullement

24 contesté ce droit, n'est-ce pas, Monsieur Harland ?

25 R. Ça c'est exact.

Page 26997

1 Q. Vous dites aussi que la Serbie fournissait un soutien, et ceci n'est

2 pas à contester. Donc, elle a fourni un soutien à la fois aux Serbes de

3 Croatie et aux Serbes de Bosnie. Mais vous mettez cela en relation avec un

4 certain projet de nettoyage ethnique que dément précisément ce que vous

5 présentez ici. Mais qu'est-ce qui vous a permis d'en arriver à la

6 conclusion que la Serbie - ou moi personnellement - que nous avons fournie

7 un soutien au nettoyage ethnique et que ce projet était un projet de

8 nettoyage ethnique ?

9 R. Parce que ce qui se passait réellement et la manière dont les Serbes de

10 Bosnie ont réellement utilisé ce soutien fourni par la Serbie, c'était sans

11 aucun doute le nettoyage ethnique. Et ils s'en vantaient même. Je me

12 rappelle avoir eu un déjeuner avec le Dr. Mladic et je me souviens l'avoir

13 entendu parler comment ils ont pris Visegrad, Rogatica, Brcko, d'autres

14 lieux. Et à une réunion, on lui a dit :

15 "Mais on vous a donné des centaines de chars par l'armée yougoslave pour y

16 arriver, pour faire cela." Et il a reconnu. Donc, il y avait certainement

17 un fossé entre ce qui était à peine camouflé. Donc, entre ce qu'ils

18 affirmaient comme étant les droits, alors qu'était victime la population

19 non-serbe dans la zone où ils mettaient sur pied une république serbe et la

20 réalité qui était, que lorsqu'ils entraient dans une ville, et bien la

21 population non-serbe était soit tuée, soit chassée, soit terrorisée jusqu'à

22 ce qu'elle s'enfouie à quelques petites exceptions près. Donc, il y a eu

23 encore des villages musulmans autour de Bijeljina lorsque je suis arrivé.

24 Q. Très bien, mais j'espère seulement, Monsieur Harland, puisque vous êtes

25 resté pendant très longtemps en Bosnie-Herzégovine et comme l'a dit M.

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1 Nice, votre séjour a été le plus long comparé à celui des autres employés

2 des Nations Unies. J'espère que vous savez bien et j'espère aussi que vous

3 avez également résidé en Serbie, je suppose que vous connaissez bien la

4 situation politique en Serbie et que vous savez que le nettoyage ethnique

5 dans un vocabulaire politique, et bien en Serbie ceci équivalait à la

6 définition d'un crime, ceci ne pouvait absolument pas faire partie d'une

7 approche politique à la solution de la crise en Bosnie-Herzégovine, n'est-

8 ce pas ?

9 R. Ceci a certainement fait partie des événements militaires tels quels se

10 sont déroulés sur le terrain pendant que j'y étais et ceci était le cas

11 jusqu'à la fin de la guerre. Je suis d'accord avec vous sur un point, il y

12 a eu peut-être des dispositions juridiques contre le nettoyage ethnique et

13 sur le plan rhétorique, il y a eu des déclarations faites à cet effet, mais

14 en réalité, en réalité l'objectif affirmé de ce qui se produisait, ce qui

15 se passait de leur côté, c'était la création d'un territoire qui serait

16 largement peuplé par des Serbes, et que ce territoire serait baptisé la

17 république serbe. Et ils l'affirmaient plutôt ouvertement, et je dois dire

18 à un certain nombre de réunions, il y a eu des participants tels que le

19 professeur Plavsic, qui a dit de manière tout à fait franche et directe :

20 "Et bien que les non-Serbes s'en aillent, ça serait bien qu'ils s'en

21 aillent, nous n'arrivons pas à bien cohabiter, laissez-les partir, lorsque

22 nous aurons pris certains territoire."

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Harland, vous vous référez

24 à des déclaration purement rhétoriques au sujet de nettoyage ethnique.

25 Pouvez-vous nous citer quelques exemples et les replacer dans leur

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1 contexte ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que M. Milosevic vient justement

3 d'en citer un. Et ceci ça été une des occasions dont je me rappelle. M.

4 Karadzic a dit cela et parfois, il s'attardait sur le même propos et disait

5 qu'il avait à l'esprit un mécanisme qui permettrait de créer une espèce

6 d'échange qui serait financé par la communauté internationale. Donc, vous

7 aviez par exemple un citoyen X, résidant dans la zone Y, appartenant aux

8 forces Y et qu'il y aurait un échange donc avec le citoyen qui se trouvait

9 dans la situation équivalente de l'autre côté. M. Milosevic a raison, on

10 n'a pas insisté sur le fait qu'il fallait les déplacer de force.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Milosevic.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Et pour ce qui est de déplacer les gens de force et pour ce qui est de

14 nettoyage ethnique, puisque vous avez résidé en Bosnie-Herzégovine, et bien

15 je suppose que vous ne pouvez pas attribuer ça à l'une seule des parties en

16 présence, mais toutes les parties ont fait preuve des choses qui pourraient

17 être qualifiées de nettoyage ethnique et de lieux des délits de crimes, de

18 crimes. Donc, aucune des parties ne peut être considérée comme ayant été

19 une exception, n'est-ce pas, Monsieur Harland ?

20 R. Oui, tout à fait, certainement.

21 Q. Pour ce qui est de la position serbe, et bien vous êtes arrivé en 1993

22 d'après ce que je vois, un mois pratiquement après la fameuse assemblée où

23 on a examiné le plan Vance Owen à Pale, c'était l'assemblée de la Republika

24 Srpska, et je suppose que vous étiez bien au courant de cela. Vous vous

25 rappelez ce que j'ai définit en tant qu'objectif pour l'acceptation du plan

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1 Vance Owen. Voulez-vous que je vous rafraîchisse la mémoire, que l'objectif

2 était que le peuple serbe soit libre et placé sur un pied d'égalité ni

3 plus, ni moins que cela. Est-ce bien cela, Monsieur Harland ?

4 R. Oui, je crois que c'est exact, oui.

5 Q. Par conséquent, notre soutien et c'est précisément lors de cette

6 session de l'assemblée que j'ai dit :

7 "Par le truchement de ce plan, on accepte le fait que le peuple serbe a

8 retrouvé son droit à être traité, de peuple placé sur un pied d'égalité, il

9 reprend son destin entre ces mains, et il se place sur un pied d'égalité

10 face aux deux autres peuples qui eux aussi seront sur un pied d'égalité et

11 d'équité."

12 R. C'est exact. Mais il y a eu un fossé terrible entre ce qui a été dit et

13 la situation réelle sur le terrain. Ce qu'ils faisaient du soutien et de

14 l'aide serbe.

15 Q. Et bien tout ça, c'est une autre question, quant à savoir ce que les

16 diverses parties ont fait, et qui leur a fourni son soutien.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il vous faudra

18 laisser le témoin terminer ces phrases.

19 Souhaitez-vous ajouter quelque chose, on vous a coupé au milieu de la

20 phrase.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais simplement en train de dire que ce que

22 M. Milosevic a dit au sujet au sujet des ces propos à cette occasion, est

23 exact. Et ce qui m'a frappé au sujet du conflit, et bien c'est un fossé

24 énorme entre les commentaires plutôt bien formulés qu'on pouvait entendre à

25 un forum comme celui-ci et ce qui se passait sur le terrain. Par exemple, à

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1 l'époque donc où il a fait ces propos, il y avait déjà un million

2 d'habitants de Bosnie-Herzégovine qui avaient été forcés à fuir leur foyer.

3 Et beaucoup de ces personnes que j'avais l'habitude de voir avaient été

4 forcées à fuir leurs maisons, à cause de l'aide qui était fournie par la

5 Serbie aux Serbes de Bosnie, à cette partie-là. Et les Serbes de Bosnie

6 étaient reconnaissants pour cela.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Tout simplement, il faut que ça soit clair, pour que l'on se comprenne

9 bien. Ce que je ne comprends pas, c'est que pendant tout ce temps, donc en

10 1991 avec le plan Vance Owen qui a été mis en œuvre, ce qui est rédigé dans

11 la lettre du secrétaire général, et puis après lorsqu'il s'agit de la

12 proche en plan Vance Owen pour ce qu'il s'agit des cinq plans consécutifs

13 que nous avons soutenus, et bien après tout ça, je ne comprends pas que

14 lorsqu'il s'agit de notre politique et là j'entends la politique de la

15 Serbie, et lorsqu'il s'agit de ma propre position que vous puissiez la

16 qualifier d'opportuniste plutôt que d'y voir une politique cohérente et

17 incessante, une lutte cohérente pour trouver une solution pacifique à la

18 crise yougoslave. Est-ce que vous pouvez m'expliquez cela ?

19 R. Non, je n'y ai pas vu un effort ininterrompu, visant à trouver une

20 solution pacifique pour l'ex-Yougoslavie, du moins pour autant que je l'ai

21 compris. Ce que j'ai vu moi-même, et bien c'était un soutien très

22 important, un soutien avant tout militaire fourni par la Serbie qui a

23 permis aux Serbes de Bosnie de placer sous leur contrôle 70% du territoire

24 de la Bosnie-Herzégovine. Et ensuite, ils ont formulé des demandes, donc,

25 visant à un accord de paix final. Et bien, ces demandes, ces exigences

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1 étaient de tout évidence n'étaient pas justes. Donc par exemple, les Serbes

2 venaient auprès de nous, ils disaient :

3 "Nous n'accepterons aucun des plans présentés par la communauté

4 international, y compris celui auquel vous vous êtes référé à Pale." Donc,

5 vous vous rappelez très bien que les Serbes de Bosnie, qui avaient

6 bénéficié du soutien militaire serbe, ont pu refuser ce plan.

7 Q. Très bien. Mais ces plans que nous avons soutenus et dont certains ont

8 été soutenus également par les dirigeants de Pale, et bien, jamais dans ces

9 plans, il n'a été sous-entendu que 70 % des territoires se retrouverait

10 entre les mains des Serbes, n'est-ce pas, Monsieur Harland ? Vous vous

11 rappelez le plan du groupe de contact qui a été soutenu par les dirigeants

12 de Pale. Ou remontant davantage dans le temps, avant le début de la guerre,

13 le plan Cutilerio, les trois partis l'avaient signé même, celui-là. Donc,

14 aucun des plans --

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez poser les

16 questions, les unes après les autres.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Je suis d'accord avec ce que

18 vous venez de dire. Je réponds par l'affirmative à toutes vos questions.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous avons un intellectuel devant nous. Ce

20 témoin comprend --

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est pas la qualité du témoin qui

22 nous intéresse mais il ne peut pas répondre à toute une série de questions.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, c'est vous qui insistez sur le

24 fait qu'il faut travailler de manière efficace. Mais je crois que j'abonde

25 en votre sens lorsque j'essaie de résumer mes questions. Je crois que le

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1 témoin peut me suivre.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Lorsque vous dites que M. Karadzic a insisté sur le fait que les

4 Musulmans devaient s'asseoir à la table des négociations pour négocier des

5 plans de paix, et c'est toujours agit de plan de paix qui ont été proposé

6 par des médiateurs internationaux, n'est-ce pas ? Il y a eu après le plan

7 Owen, le plan Owen-Stoltenberg, il y a eu plusieurs plans, le plan du

8 groupe de contacts, un plan qui a également, celui-ci était accepté par les

9 dirigeants serbes de Pale. Donc, il ne s'est pas agi d'imposer un soit

10 disant plan serbe mais on a voulu négocier au sujet de ce qui était proposé

11 par les négociateurs, les médiateurs internationaux. Donc à votre époque,

12 c'était Owen et Stoltenberg, n'est-ce pas ?

13 R. Ça c'est exact. Mais nous avons formulé des objections tout à fait

14 claires et vigoureuses contre le pilonnage, les tireurs embusqués et toutes

15 les entraves qui étaient posées pour que les vivres ne puissent pas arriver

16 et tout ça était utilisé en tant qu'un instrument par lequel les Serbes

17 auraient pu convaincre les Musulmans de Bosnie d'accepter un accord qui ne

18 leur était pas favorable.

19 Q. Mais pendant l'interrogatoire principal, n'avez-vous pas dit que

20 pendant un entretien avec Karadzic, vous avez entendu et en fait vous avez

21 pu le constater vous-même que la partie serbe a eu des problèmes graves,

22 immenses parce qu'il y a eu une activité des tireurs embusqués du côté

23 musulman, n'est-ce pas ? C'était ça la raison pour laquelle les Serbes ont

24 agit. Ils répondaient. Ils ripostaient à ces provocations. N'avez-vous pas

25 mentionné cela, il y a un instant ?

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1 R. Je ne crois pas en avoir parlé. Du moins pour ce qui est de la zone où

2 j'étais en mission, 90 % des victimes dû aux pilonnages et à l'activité des

3 tireurs embusqués étaient des victimes du côté musulman des lignes. Et

4 parfois, il y avait, parmi eux, des Serbes et des Croates qui vivaient du

5 côté musulman des lignes de front mais la grosse majorité des victimes

6 civils, et bien, c'était du côté musulman. Ce qui nous a particulièrement

7 inquiété, c'est que le Dr Karadzic et ses collaborateurs disaient

8 ouvertement qu'ils allaient utiliser cette machine de guerre serbe pour

9 rendre la vie impossible aux civils, pour terroriser les civils afin de

10 parvenir à des objectifs politiques tout à fait précis et nous avons trouvé

11 cela très cynique.

12 Q. Monsieur Harland, c'est la première fois que j'entends dire que

13 quelqu'un appartenant à la direction de la Republika Srpska, vous a dit que

14 leur objectif c'était de terroriser les civils. Vous affirmez que c'est le

15 cas ? Vous affirmez qu'ils vous ont dit cela ?

16 R. Oui. Et ce matin d'ailleurs, me semble-t-il, nous avons examiné une

17 pièce où l'on citait les propos du Dr Karadzic qui disait que si certaines

18 conditions politiques n'étaient pas remplies, si les Musulmans n'allaient

19 pas négocier avec lui à Genève, à ce moment-là, il couperait

20 l'approvisionnement en eau et en électricité de la population civile de

21 Sarajevo. Le Conseil de sécurité quand il a dit qu'il essaierait

22 d'organiser une sorte de barrière, de blocage entre la République fédérale

23 de Yougoslavie et la Republika Srpska, il a répondu que les Serbes de

24 Bosnie, utilisant les armements militaires fournis par la Serbie, se

25 comporteraient comme des animaux. Il a lancé des menaces directes. Il a

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1 menacé de pilonner Sarajevo, de nous pilonner également.

2 Donc, il est tout à fait clair qu'il avait l'intention d'utiliser le

3 dispositif militaire dont il disposait pour terroriser la population pour

4 obtenir un résultat politique, le résultat politique qu'il souhaitait,

5 c'est-à-dire, la reconnaissance de la communauté internationale de leur

6 droit à rester sur les territoires qu'ils avaient capturé suite aux

7 combats.

8 Q. Mais il dit que la proposition présentée par les médiateurs

9 internationaux doit être discutée autour d'une table de négociations,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Moi, je crois que je citais le document du 20 septembre 1994 qui n'a

12 pas trait, en fait, aux négociations de paix. C'est un document qui a trait

13 aux efforts entrepris par le Conseil de sécurité pour fermer la frontière

14 entre la République fédérale de Yougoslavie et les territoires tenus par

15 les Serbes de Bosnie. Il affirme, dans ce document, qu'il va se comporter

16 comme des animaux. Il a également dit qu'il allait raser certains quartiers

17 de Sarajevo.

18 M. Krajisnik, lui, a lancé des menaces semblables, à peine cachées. Il a

19 dit, je cite :

20 "Il sera difficile d'empêcher les Serbes, les soldats serbes de tirer sur

21 des avions de l'ONU amenant l'aide humanitaire". Donc étant donné ce que

22 nous savions de la bonne organisation de leur instrument militaire et de

23 leur hiérarchie militaire, nous savions qu'ils allaient menacer directement

24 les Musulmans de Bosnie pour atteindre leur objectif. Et ils disaient que

25 leur instrument principal, c'était l'interruption de l'approvisionnement en

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1 eau et en électricité au moyen de tout l'appareil qui leur venait de

2 Serbie.

3 Q. Ils disaient qu'ils allaient utiliser tout l'équipement militaire qui

4 leur venait de Serbie. C'est ce que vous dites qu'ils ont dit ?

5 R. Non, ils n'ont pas DIT ça en ces termes.

6 Q. Très bien, Monsieur Harland. Savez-vous comment l'armée de la Republika

7 Srpska était constituée ? Toutes les armées sur le territoire de l'ex-

8 Yougoslavie ont été créées à partir d'anciens soldats de la JNA.

9 R. Oui, ils ont continué à avoir des relations avec la Serbie, la Serbie

10 qui les aidait Et ils reconnaissaient ouvertement, jusqu'au général Mladic

11 même. Et lorsque les liens entre la Republika Srpska et ses forces armées

12 et la République fédérale de Yougoslavie a été menacé par le conseil de

13 sécurité, ils sont devenus fort agressifs.

14 Q. Ceci n'est pas été mis en question par le conseil de Sécurité, mais par

15 nous-mêmes parce qu'à l'époque, nous faisions pression pour que le plan de

16 Paix soit accepté. Ce n'est pas le conseil de Sécurité qui a fait pression,

17 mais ce sont nous -- c'est nous qui avons fait des efforts pour que le plan

18 de Paix soit adopté. Vous le trouverez dans tous les journaux publiés à

19 l'époque. De même que vous pourrez également voir que le gouvernement de la

20 Serbie -- ou plutôt les dirigeants de la Serbie étaient catégoriquement

21 opposés au pilonnage de Sarajevo. J'imagine que ça aussi vous le savez.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pouvez-vous répondre, Monsieur Harland, à

23 ces deux questions qui vous sont posées en même temps ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne la deuxième question, il

25 est possible que le gouvernement de Serbie était opposé d'une certaine

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1 manière au pilonnage de Sarajevo, ce qui serait compréhensible, parce que

2 c'est un pilonnage qui n'avait aucun intérêt militaire, d'après nous.

3 C'était des tirs extrêmement dispersés qui avaient pour seul objectif de

4 semer la terreur. Et si le gouvernement de Serbie s'opposait à ce type de

5 pratique, en tout cas, cela ne s'est pas manifesté sur le terrain.

6 Bien, au contraire, les commandants serbes -- les chefs serbes ont réitéré

7 qu'ils avaient des liens avec Belgrade, et dans les moments critiques, nous

8 avons pu voir les signes de votre intervention ou de Belgrade, par exemple,

9 pendant la crise de Gorazde, une intervention qui a eu une influence sur le

10 comportement de l'armée des Serbes de Bosnie. En d'autres termes, il est

11 manifeste qu'il existait des liens entre l'armée des Serbes de Bosnie et

12 Belgrade. Mais l'armée des Serbes de Bosnie a continué quotidiennement et,

13 pendant 1 000 jours, à pilonné d'au moins -- de plusieurs centaines d'obus

14 au moins, a pilonné Sarajevo tous les jours -- pilonné Sarajevo et sa

15 population. Donc, quand le gouvernement de Serbie dit qu'il était opposé au

16 pilonnage de Sarajevo, je pense qu'il ne faisait pas preuve d'une honnêteté

17 à toute épreuve.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Oui, c'est possible, mais c'est peut-être votre opinion effectivement.

20 Mais vous êtes en train de parler de l'influence des dirigeants politiques

21 de la Serbie. Vous parlez de mon influence. Vous en donnez des exemples. Je

22 voudrais vous demander de -- si vous avez un seul exemple démontrant que

23 cette influence a été mise en œuvre pour déclencher le conflit ou est-ce

24 que tous les exemples que vous avez ne montrent pas plutôt que toutes ces

25 interventions étaient faites pour mettre un terme au conflit.

Page 27008

1 R. Nous avons été en mesure de nous rendre compte qu'il y avait eu

2 intervention directe de vous-même ou d'autres à Belgrade auprès des forces

3 armées de la Republika Srpska seulement à certains points -- à certains

4 moments rares. Bien sûr, au moment de la crise à Gorazde, mais aussi au

5 moment de la crise de Bjelasnica et de la crise du mont Igman. Et nous en

6 avons -- nous avons, à ce moment-là, eu l'impression que les Serbes de

7 Bosnie -- les militaires serbes de Bosnie, qu'ils aient joué un rôle

8 positif ou négatif, en tout cas, étaient sensibles à votre influence ou à

9 vous ou à ceux qui étaient à Belgrade. Le fait que rien n'ait été fait pour

10 prévenir les activités des Serbes de Bosnie à Sarajevo ou a d'autres

11 endroits, par exemple, à Srebrenica, cela nous a permis de déduire que,

12 soit vous approuviez ces activités, soit que vous les souteniez parce que

13 tout cela nous indiquait que vous aviez la possibilité d'avoir une

14 influence sur ces événements.

15 Q. Monsieur Harland, les médiateurs internationaux qui sont venus me voir

16 -- vous avez parlé de Churkin, Akashi, vous en avez mentionné d'autres

17 également -- tous ces gens-là voulaient contribuer à une résolution du

18 conflit. La Serbie et moi-même, en ce qui me concerne donc, on a fait tout

19 ce qui était possible. Moi-même, j'ai fait tout ce qui était possible pour

20 arrêter la guerre, pour soutenir le plan de Paix ou plutôt pour empêcher

21 qu'on se trouve face à des incidents tels que ceux que vous avez évoqués,

22 les situations de crise. J'ai tout fait pour qu'on puisse résoudre ces

23 questions pour arriver à trouver un règlement pacifique, et ceci donc

24 ressort de tous les exemples que vous nous avez donnés. Est-ce que vous en

25 rendez bien compte ?

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1 R. Ce dont je me rends compte, c'est qu'indéniablement, vous aviez la

2 possibilité d'avoir une influence sur les forces armées des Serbes de

3 Bosnie. Nous sommes rendus compte qu'ils obtenaient un soutien financier

4 important de votre part donc, mais nous avons également constaté que rien

5 n'a été fait pour empêcher les attaques sur les zones de sécurité, les

6 massacres qui ont suivi la chute de Srebrenica, les pilonnages, les

7 activités des tireurs embusqués, et cetera. J'ai déjà souligné que Zepa a

8 constitué une exception à cette règle, mais je crois que votre approbation,

9 s'agissant des crimes commis à l'encontre de la population civile de la

10 Bosnie-Herzégovine est -- apparaît manifestement.

11 Q. Mais ça vous ne pouvez pas en accuser la Serbie.

12 Savez-vous que, jusqu'aux événements de Srebrenica et jusqu'à l'attaque de

13 la zone de sécurité, je n'avais jamais entendu parler de tout cela. C'est

14 Carl Bildt qui m'en informait à ce moment-là, donc je voudrais bien savoir

15 ce que la Serbie a à voir avec diverses opérations militaires menées par

16 l'armée des Serbes [sic] de Bosnie, y compris et notamment l'opération de

17 Srebrenica dont personne n'avait connaissance en Serbie. Moi, c'est Carl

18 Bildt qui m'a informé le premier de ce fait. Je n'en avais jamais entendu

19 parler. Il est vrai que Carl Bildt, ce jour-là ou le lendemain, a parlé

20 d'un message ou a demandé à ce que des Musulmans -- des Brigades musulmanes

21 soient autorisées à traverser la Drina en toute sécurité. Nous avons

22 accepté. Ça concernait environ 800 personnes. Nous ne les avons pas

23 arrêtées. Nous avons placé ces personnes en détention au mont Tara, et

24 cetera.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, vous n'êtes pas en train de

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1 témoigner. Vous êtes en train de contre-interroger le témoin. Que

2 souhaitez-vous lui demander ?

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Moi, je lui pose la question suivante : est-ce que vous êtes en train

5 d'affirmer qu'il y avait une filière hiérarchique qui allait de Yougoslavie

6 jusqu'en Republika Srpska et qu'en l'essence nous commandions l'armée de la

7 Republika Srpska, que nous étions maître de toutes ces activités ?

8 R. Appui, soutien, influence, tout cela étaient fourni à l'armée de la

9 Republika Srpska depuis Belgrade, et Belgrade a utilisé cet état de fait

10 pour influencer certains évènements en Bosnie-Herzégovine. Et apparemment

11 Belgrade n'a rien fait pour au cours de plusieurs années pour empêcher, par

12 exemple, que Sarajevo ne soit pilonné.

13 Q. Vous pensez donc que nous aurions pu en faire plus de ce que nous avons

14 fait.

15 R. Oui. Beaucoup, beaucoup plus. Les Serbes de Bosnie n'étaient rien sans

16 le soutien de la Serbie, ou presque rien, ils l'ont eux-mêmes reconnu. Si

17 des efforts sérieux avaient été entrepris pour mettre un terme à leurs

18 activités ou pour les contrôler, il est indéniable qu'ils auraient réagi

19 dans le sens souhaité, ils nous l'ont d'ailleurs dit eux-mêmes.

20 Q. Est-ce que vous estimez que les efforts entrepris par la Serbie pour

21 trouver une solution pacifique n'étaient pas des efforts sérieux ou bien

22 estimez-vous que ce que nous aurions dû faire, c'est de cesser de leur

23 fournir quelque aide que ce soit et de permettre qu'ainsi ils le soient

24 tués comme ça a été le cas de beaucoup d'autres victimes ?

25 R. Je pense que la paix n'a pas été favorisée par une stratégie qui

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1 consistait à leur apporter tout le soutien militaire dont ils avaient

2 besoin pour mener à bien les opérations de nettoyage ethnique sur des

3 territoires très vastes. Il est sans doute vrai que la Serbie souhaitait

4 que soit trouvé un accord de Paix et souhaitait que les Serbes de Bosnie

5 fassent plus de concessions qu'ils étaient prêts en faire. Et il est

6 possible que cela soit causé des divergences entre Belgrade et Pale. Mais

7 je ne pense pas que cela eut pour conséquence ce que Belgrade est retiré

8 son soutien à Pale, alors que Belgrade aurait très bien pu le faire. Et

9 ceci aurait pu avoir une influence, par exemple, sur les morts que l'on

10 comptait chaque jour à Sarajevo.

11 Q. Je pense que nous avons fait tout ce qui a été en notre pouvoir pour

12 mettre un terme à la guerre. Vous vous dites qu'il n'en était pas ainsi,

13 mais peu importe.

14 Pour en revenir sur cette question ultérieurement avec d'autres personnes

15 au paragraphe 5, vous nous dites que votre mission c'était de préparer des

16 évaluations politiques de la situation. Est-ce que vous le faisiez de

17 manière rétrospective ou bien est-ce que vous aviez aussi une démarche

18 prospective en tenant compte de ce qui s'était passé ?

19 R. Il s'agissait de voir de ce qu'il s'était passé au cours des mois et

20 des semaines qui écoulaient. Mais l'objectif principal, c'était de fournir

21 des informations, transmettre des informations et de comprendre les

22 informations qui venaient de Pale et de Sarajevo.

23 Q. M. Harland, vous avez dit que vos informations vous les obteniez auprès

24 des parties belligérantes, lors de briefings auprès des chefs de

25 différentes organisations internationales, et vous vous appuyez également

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1 sur les formations qui vous venaient de la FORPRONU, n'est-ce pas ?

2 R. [aucune interprétation]

3 Q. C'est l'essentiel des sources que vous utilisiez ?

4 L'évaluation des activités des parties belligérantes, quant à elle, est-ce

5 qu'elle vous était rendue possible par des informations venant des Serbes

6 ou des Musulmans ? Est-ce que c'était -- ça se fait dans la même

7 proportion ?

8 R. Je dois dire -- je pense qu'on a eu, autant de réunions avec les

9 dirigeants serbes de Bosnie et de Pale, à Pale et à la caserne de Lukavica,

10 qu'avec les Musulmans de Bosnie à Sarajevo. Bien entendu, j'avais des

11 moyens indépendants de vérifier ce qui m'était dit. Je me servais de ce que

12 me rapportait les observateurs des Nations Unies pour savoir qui tirait sur

13 tout avec quelles fréquences et cetera, on pouvait également passer qui --

14 vérifier ce qui se passait dans les morgues, obtenir les informations du

15 ministère de la Santé, et cetera. Mais si on regarde les parties en

16 présence à Sarajevo, je dirais que souvent on les rencontrait dans le même

17 contexte lors de diverses négociations.

18 Q. Vous voulez dire, s'agissant des parties belligérantes, vous les avez

19 rencontré à peu près autant -- vous avez obtenu à peu près autant

20 d'informations d'un côté que de l'autre, plus les informations venant de la

21 communauté internationale. Et puis est-ce que vous aviez d'autres sources ?

22 R. Oui. Nous avions également des contacts avec les habitants du côté

23 serbe et du côté du gouvernement bosniaque. Si bien que des deux côtés, on

24 suivait l'évolution des prix de divers biens pour voir si ces produits

25 étaient disponibles par le biais du HCR des Nations Unies, du CICR, on

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1 procédait à d'autres contrôles sur la situation personnes disparues, et

2 cetera. Mais nos principales sources venaient du gouvernement des Serbes de

3 Bosnie, du gouvernement de Bosnie d'autre part, ainsi que la FORPRONU, du

4 CICR, des Nations Unies.

5 Q. Accélérons un petit peu les choses avant de passer en revue la

6 chronologie des évènements, telle que vous la présentez dans votre

7 déclaration, première chose : savez-vous combien de Serbes ont été tués à

8 Sarajevo pendant la guerre, pendant cette période de 1991-1992 ?

9 R. J'ignore ce chiffre.

10 Q. Avez-vous jamais entendu parler d'un 10 000 morts ? Vous dites avoir

11 rencontré de nombreux intervenants, notamment du côté de la direction de la

12 République Srpska. Vous avez même rencontré les dirigeants suprêmes de

13 cette entité; cependant, vous n'avez jamais entendu parler d'un tel

14 chiffre. C'est ce que vous nous dites.

15 R. Je ne pense pas qu'il s'agit là d'un chiffre que l'on peut prendre au

16 sérieux.

17 Q. Bien. Savez-vous qu'on ignore encore tout de ce qu'il est advenu de

18 quelques milliers de Serbes de Sarajevo et des environs ?

19 5 000 Serbes environ.

20 R. Ce n'est pas vrai. D'après les chiffres qui nous viennent du CICR au

21 sujet des demandes qui ont été communiquées pour trouver des personnes

22 disparues, ça ne correspond pas non plus au nombre de personnes qui sont

23 présentées dans les morgues ou des personnes qui ont été tuées par des

24 adeptes de Caco et enterrées sans passer auparavant par la morgue. Il y a

25 indéniablement eu des victimes serbes qui sont tombées sous les coupes de

Page 27014

1 Caco, et il y a eu des victimes donc dans la ville. Mais si je devais faire

2 une estimation, je dirais c'était une centaine -- quelques centaines. C'est

3 toujours énorme. C'est toujours affreux, mais, en tout cas, ça ne

4 représente pas plusieurs milliers de personnes.

5 Q. En tout cas, c'est le chiffre que j'ai.

6 Mais ce chiffre, que je vous ai donné, et celui des Serbes, qui sont encore

7 portés disparus à ce jour, Serbes de Sarajevo et des environs, est-ce que

8 vous avez des idées, soient à ce sujet ?

9 R. Quand j'étais à Sarajevo, il y a eu un certain nombre de demande de

10 recherches de personnes disparues, qui ont été faites auprès du commuté

11 internationale de la Croix rouge, et ce nombre généralement correspond aux

12 nombres de personnes disparues, et ce nombre donc ne se levait pas à

13 plusieurs milliers. Il était bien inférieur.

14 Q. Bien, étant donné qu'on peut se procurer des faits et des chiffres à ce

15 sujet qu'il existe, je ne vais pas poursuivre la discussion avec vous. Vous

16 nous avez donné, Monsieur, une explication détaillée quant à ce que vous

17 estimez être les objectifs et dictée par la Republika Srpska, d'après ce

18 que vous avez pu voir après vos entretiens avec Koljevic, Plavsic et tous

19 ceux dont vous avez parlés, je ne me rappelle plus de toutes les personnes

20 que vous avez mentionnées. Mais quels étaient leurs objectifs ? Quels

21 étaient les objectifs de l'autre partie belligérante, de l'armée de Bosnie-

22 Herzégovine ? J'imagine que vous avez une idée assez claire aussi de leurs

23 objectifs ?

24 R. Je pense qu'ils étaient beaucoup plus divisés à ce sujet que les Serbes

25 de Bosnie. Vous aviez d'une part un groupe qui estimait que les Musulmans

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1 constituaient la communauté la plus nombreuse en Bosnie-Herzégovine, eux

2 donc souhaitaient que la Bosnie-Herzégovine continue à constituer un seul

3 et même état au sein duquel ils ne seraient menacés d'aucune manière

4 puisqu'ils constitueraient pratiquement la majorité de la population. Mais,

5 bien entendu, quand en regarde la déclaration islamique de M. Izetbegovic,

6 on voit qu'il fait référence au rôle que jouera la communauté musulmane

7 quand elle occupe la majorité, quand elle détient la majorité dans un pays.

8 De plus, certains Musulmans de Bosnie avaient le souhait de créer leur

9 propre territoire, un territoire plus compact, c'est-à-dire qu'ils

10 suivaient les même objectifs que certains Serbes et certains Croates. Ils

11 voulaient se constituer un territoire où ils ne seraient non pas peut-être

12 les seuls occupants, mais en tout cas où ils occuperaient une position

13 dominante. Et ces deux tendances se sont affrontées parfois publiquement

14 dans des débats, notamment à l'assemblée nationale à Sarajevo à l'Holiday

15 Inn au cours du mois de septembre 1993.

16 Q. Oui, j'entends bien que vous avez donc la déclaration islamique d'Alija

17 Izetbegovic. Vous connaissez donc son attitude, sa prise de position sur

18 laquelle il était impossible qu'il y ait cohabitation entre les

19 institutions islamiques et des institutions non islamiques. Je paraphrase,

20 bien entendu, sa déclaration, mais vous voyez indéniablement de quoi je

21 parle ?

22 R. Oui. Je connais cela. Je sais ce qu'il a écrit de ce livre.

23 Q. Est-ce que vous estimez dans ces conditions que les Serbes auraient pu

24 accepter ce genre de chose. Les Serbes, qui jusqu'à ce moment-là vivaient

25 sur un pied d'égalité dans cette région avec tous les autres habitants,

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1 auraient-ils pu accepter cela ?

2 R. Je reviens à ce qu'on a dit précédemment sur ce que les gens peuvent

3 affirmer de manière rhétorique sur ce qu'ils font. Je pense qu'il est

4 important de se concentrer sur la réalité des faits. Vous donnez le chiffre

5 de 10 000 qui auraient été tués à Sarajevo. Moi, je vais vous dire que j'ai

6 habité à Sarajevo, j'habite à Sarajevo depuis de longues années, ce n'était

7 pas une atmosphère de terreur qui régnait. C'est vrai qu'il y a eu des

8 crimes atroces qui ont été commis et c'est vrai que, dans certains

9 quartiers, il y avait discrimination contre les non Musulmans, mais je dois

10 dire que les structures établies par les Musulmans de Bosnie, sous la

11 direction d'Izetbegovic au début de la guerre, ces structures étaient moins

12 intolérantes, moins violentes, ce qui avait été mis sur pied par les

13 Croates ou par les Serbes. Je ne veux pas dire par là qu'aucun crime n'a

14 été commis et que la tolérance a été systématique, mais je pense qu'ils

15 faisaient moins preuve d'intolérance, une intolérance moins affirmée et

16 qu'il y avait la place à Sarajevo pour ceux qui n'appartenaient à la

17 communauté majoritaire, à la communauté des Musulmans. Alors qu'à Visegrad

18 -- parce que je suis allé à Visegrad

19 -- à Visegrad, il n'était pas possible pour une population non-serbe de

20 trouver sa place. C'est bien qu'en dépit de ce que dit M. Izetbegovic dans

21 sa déclaration islamique pendant la période que j'ai passé à Sarajevo, il y

22 avait une certaine tolérance qui régnait, en tout cas, plus que dans

23 d'autres régions de pays.

24 Q. Oui, mais il y avait une concentration beaucoup plus forte

25 d'organisation internationale la FORPRONU, par exemple, dans la

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1 désorganisation non gouvernementale à Sarajevo. Et Sarajevo était sous une

2 loupe -- est examiné à la loupe de fait de votre présence et de la présence

3 de personnes telles que vous qui représentez diverses organisations

4 internationales, n'est-ce pas, Monsieur le Témoin ?

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça sera la dernière question. Souhaitez-

6 vous dire quoi que ce soit à ce sujet, Monsieur Harland ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord avec M. Milosevic sur ce

8 point, et je dois dire que sous -- dans d'autres territoires contrôlés par

9 les Musulmans de Bosnie et qui n'étaient pas -- et qui ne faisaient pas

10 l'objet d'un contrôle aussi important que celui que nous accordions à

11 Sarajevo, la situation était-elle différente.

12 M. LE JUGE MAY : [aucune interprétation]

13 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

15 M. NICE : [interprétation] Je dois dire que je dois remercier mon

16 assistante qui m'a aidé à préparer l'interrogatoire de ce témoin. Deuxième

17 chose -- Mme Edgerton.

18 Donc deuxièmement, s'agissant de l'autre question que nous avons évoquée ce

19 matin, la situation est inchangée, nous pourrons vous écrire à ce sujet.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] M. Milosevic, en quelques mots.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je serais bref, Monsieur May. Vous le

22 savez, je suis sûr que, depuis huit jours aujourd'hui, nous sommes à la

23 huitième journée et vous avez des documents qui le prouvent que ma tension

24 artérielle est très élevée. J'ai fait preuve de beaucoup de patience, et je

25 me suis acquitté de ma part, de la tâche à chaque audience, et les médecins

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1 vous l'ont dit. Il faudrait qu'un week-end sur deux ce soit un long week-

2 end. Le dernier week-end, il est court et ça fait huit jours que j'ai une

3 tension artérielle anormalement élevée. Ça m'inquiète et j'aimerais avoir

4 un long week-end, un week-end prolongé conformément à la décision que vous

5 avez déjà rendue, s'agissant de l'emploi du temps dans les audiences. Je

6 voudrais bénéficier de vendredi et de lundi.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voilà en demande un supplément de temps.

8 Qu'est-ce que ceci va faire --

9 M. NICE : [interprétation] Ça serait très grave pour les témoins, ne

10 serait-ce que parce que parce que nous avons un témoin protégé lundi, et il

11 reste protéger tant qu'il ne fait pas sa déposition, ça c'est certain. Il

12 n'est disponible que lundi et peut-être une partie de mardi. Ceci est une

13 disposition prise depuis longtemps et nous avons d'autres témoins bien

14 entendu y compris celui-ci et je sais qu'il doit rentrer chez lui. Il a un

15 vol prévu demain après-midi. Il a pris des dispositions pour ce qui est

16 d'une réunion familiale, demain soir. Bien sûr, sur réserve de cet ouragan,

17 cette menace d'ouragan. Il a pris des dispositions, vous disais-je, dans

18 son pays et puis il y a d'autres témoins qui devraient être retardés ou du

19 moins ou alors renvoyés chez eux pour revenir plus tard.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Qu'est-ce que ceci aurait pour

22 conséquence si on faisait droit à ce prolongement de week-end ? Il faudrait

23 d'abord demander à ce témoin de revenir.

24 M. NICE : [interprétation] Ça fait déjà une semaine qu'il attend de

25 témoigner. Pour ce qui est d'un autre témoin, il devrait commencer demain.

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1 C'est un témoin protégé dont je ne peux pas donner le nom, mais, de toute

2 façon, il faudrait dire qu'en toute probabilité, il faudrait retarder sa

3 comparution puisqu'il faudra entendre celui de lundi et rien ne garantit

4 que, si quelqu'un est renvoyé chez lui, il pourra revenir. Il s'agit d'un

5 témoin très important.

6 M. Groome me suggère une solution en guise de compromis. Nous pourrions

7 peut-être entendre ce témoin et puis faire une pause. On a, de toute façon,

8 prévu une pause fin de la semaine prochaine, vendredi.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Je ne suis pas d'accord avec les

10 calculs de l'accusé. N'empêche, il faut tenir compte de son état de santé.

11 M. NICE : [interprétation] S'agissant du présent témoin, qui vient des

12 Etats-Unis, qui a pris des dispositions pour demain soir chez lui, il n'y a

13 que deux vols à l'audience demain, mais il serait fort utile qu'il n'y ait

14 pas à revenir, qu'il puisse terminer demain. S'il pouvait terminer sa

15 déposition demain, je pourrais voir ce qu'il en est du témoin de lundi,

16 pour savoir s'il peut comparaître, disons, mardi et mercredi. Et puis il

17 faudra, bon, accepter les dépens occasionnés par les autres témoins.

18 Qu'est-ce qu'il y aura comme avantage si l'accusé avait le lundi libre et

19 comme il aurait lundi et vendredi, il ne travaillerait que trois jours ?

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous verrons ce que ça va donner,

21 mais si l'accusé présente ces requêtes, il est préférable de les entendre

22 plus tôt que plus tard. Il ne faudrait pas qu'il ne les communique à la

23 dernière minute.

24 M. NICE : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons si ça peut être une bonne

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1 solution.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons dû étudier la situation avec

4 beaucoup de circonspection. Il faut supposer plusieurs éléments. Il y a la

5 santé de l'accusé, bien entendu, mais également la poursuite du procès. Et

6 puis tout ce qui concerne les témoins qui souvent viennent de très loin.

7 Ils doivent passer beaucoup de temps à La Haye.

8 Ceci étant, voici notre décision :

9 Monsieur Milosevic, nous devons terminer l'audition de ce témoin demain.

10 Vous aurez, pour se faire, deux volets de l'audience. Nous terminerons à

11 midi, puis le témoin pourra partir.

12 Nous n'aurons pas d'audience lundi. Nous reprendrons mardi et nous verrons

13 ce qu'il en est. Nous ferons le point vers le milieu de la semaine pour

14 déterminer quel est votre état de santé, entre autres facteurs pertinents.

15 L'audience est levée, elle reprendra demain matin à 9 heures.

16 --- L'audience est levée à 13 heures 58 et reprendra le vendredi 19

17 septembre 2003, à 9 heures.

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