Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 15 octobre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

7 parole.

8 LE TÉMOIN: MILAN MILANOVIC [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

11 Q. [Interprétation] Passons d'abord -- Passons d'abord -- parcourons

12 d'abord, Monsieur Milanovic, quelques documents. J'ai sous mes yeux la

13 pièce 352, intercalaire 153. Cela se rapporte à une lettre au chef du Grand

14 état major.

15 Alors j'attire votre attention sur ce qui figure ici à l'original. On

16 demande des missiles, des munitions. Regardez au début, République de la

17 Krajina serbe, ministère de la Défense, Knin, le 8 avril 1993. Et dans la

18 partie droite en bas, il y a un cachet, on dit le 7 avril 1993.

19 Ne pensez-vous pas, Monsieur Milanovic, que c'est là un faux ? Comment un

20 document peut-il être reçu un jour avant que d'avoir été envoyé ? Alors

21 quelqu'un a été forcément imprudent lorsqu'il l'a fabriqué.

22 R. Je remarque que les dates ne concordent pas, mais je garantis que le

23 cachet et la signature sont bons, parce que je connais personnellement M.

24 Dusko Babic.

25 Q. Mais vous n'avez pas de commentaires à nous faire pour ce qui est de la

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1 possibilité d'avoir un document réceptionné avant que d'avoir été envoyé.

2 R. Je n'en ai aucune idée.

3 Q. Nous nous avons une autre lettre, je l'ai sorti de l'intercalaire. Il

4 s'agit du 00525574. Il y a -- c'est le Conseil national serbe qui s'adresse

5 à la présidence de la RSFY en date du 28 mai 1991. S'est signé par Ilija

6 Petrovic et c'est ce qu'on dit ici.

7 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 2, de la

8 pièce 327.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Je voudrais que vous commentiez ceci, pour ce qui est de la teneur de

11 cette lettre-là. Je vous dis d'avance, avant que de donner lecture de

12 certaines parties, que je vous demanderais des commentaires pour savoir si

13 ce qui figure dans cette lettre avait été à l'époque votre position dans la

14 région. Est-ce que c'était exact ? Est-ce que c'était fondé sur des faits,

15 et cela a été adressé à la présidence de la RSFY et même le cachet de

16 réception de la présidence de la RSFY. On dit que cela ait reçu le 30

17 février 1991.

18 R. On dit : "Face à l'impossibilité de la présidence de la RSFY et du

19 Conseil exécutif fédéral pour ce qui est de la prise de leur responsabilité

20 constitutionnelle pour surmonter de façon durable les conflits

21 interethniques dans l'actuelle République de Croatie, et empêcher les

22 conflits armés, et déterminer les points litigieux suite auxquels il y a

23 des problèmes interethniques, et dans l'impossibilité d'assurer un dialogue

24 démocratique pour leur solution."

25 "Le Conseil national serbe pour la Slavonie, et la Baranja et l'extrême

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1 occidental prévient la présidence de la RSFY et le Conseil exécutif fédéral

2 du fait que les conflits interethniques et en Slavonie, Baranja et Srem

3 occidental s'aggravent de plus en plus, indépendamment de la présence des

4 organes du SUP fédéral, et de l'Armée populaire yougoslave, indépendamment

5 de leurs obligations, contractées du fait de l'envoi dans cette région."

6 "Il est déjà devenu habituel que la nuit tombée aux abords des villages

7 serbes, l'on fasse sauter des explosifs et que l'on ouvre le feu en

8 direction de maisons serbes, que l'on fasse des irruptions dans les foyers

9 des Serbes, et que l'on malmène la population serbe qui n'a pas d'armes. Et

10 que l'on glisse ainsi les employés du groupe ethnique serbe, que l'on

11 démolisse les installations économiques et autres propriétés de Serbes, que

12 les établissements hospitaliers ne fournissent pas une aide médicale

13 appropriée aux malades d'un groupe ethnique serbe, et que des citoyens

14 armés membres de nouveaux partis politiques ou soi-disant partis politiques

15 interceptent des personnes majeures et des enfants pour les soumettre à la

16 terreur de cette 'jeune démocratie croate.'"

17 Donc, est-il exact que ceux qui figurent ici concernant les événements

18 survenus et mentionnés dans cette lettre adressée à la présidence de

19 Yougoslavie sont exacts ?

20 R. Sur tout ce qui est indiqué dans cette lettre, certaines parties se

21 trouvent être exactes. Et je suis au courant de la chose. D'autres

22 segments, je ne saurais vous l'affirmez parce que je ne l'ai pas vu

23 personnellement, et je n'ai pas ressenti cela moi-même. Par exemple, dans

24 la partie où j'ai résidé, dans le quartier où j'ai résidé dans le mois de

25 février 1991, il n'a pas été tiré des coups de feu en direction des maisons

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1 des différents citoyens, mais les citoyens serbes se sont effectivement

2 faits licenciés pour les établissements dans lesquels ils étaient employés.

3 Je n'ai jamais entendu dire que les hôpitaux avaient refusé de fournir une

4 aide médicale. Par exemple, j'ai entendu parler d'autres abus en effet,

5 mais pour ce qui de certains qui sont indiqués ici, je n'en ai pas entendus

6 parler. Je me réfère notamment au mois de février 1991.

7 Q. Mais quand avez-vous entendu parler de tous les abus qui sont énoncés

8 ici, et lesquels d'entre eux sont inventés ?

9 R. Ces abus, à mon avis, sont survenus à partir du mois de mai, et cela

10 s'est étiré jusqu'au mois d'août, date à laquelle il y a eu des conflits

11 armés sur le territoire de la Slavonie, de la Baranja et de Srem

12 occidental. Je n'ai jamais entendu dire que des enfants dans le courant du

13 mois de février de l'année 1991, aient été soumis à une terreur de la part

14 de qui que ce soit.

15 Q. Mais quand avez-vous ouï dire que terreur, il y a eu à l'égard des

16 enfants ?

17 R. Je n'ai jamais entendu parler de terreur pratiquée à l'encontre

18 d'enfant, sauf lorsque la guerre a commencé, alors bien sûr tout le monde a

19 été terrorisé et les enfants surtout.

20 Q. Mais savez-vous nous dire quelque chose au sujet des activités de

21 Tomislav Mercep, et de ses groupes chargés des liquidations silencieuses,

22 les assassinats de femmes, d'enfants et de civils sur ce territoire dans

23 quelle que période que ce soit ?

24 R. Avant que les conflits n'éclatent, très, très souvent, ou je dirais

25 pratiquement jamais, je ne suis allé dans les régions où se déplaçait le

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1 dénommé Mercep. Ce qui fait que je n'en sais rien personnellement, or j'ai

2 eu connaissance à partir de ce qui a été publié par plusieurs médias, et

3 j'ai entendu dire de la bouche d'autres personnes que cela est arrivé dans

4 la ville de Vukovar et dans ses environs. Et cela a été perpétré -- ces

5 types d'actes ont été perpétrés par Mercep et ses hommes.

6 Q. Avez-vous entendu d'enfants tués, de civils tués ? Avez-vous eu

7 l'occasion d'en apprendre plus long au sujet de ces événements-là ?

8 R. Avec le début des conflits, j'ai ouï dire que des civils ont été tués à

9 Vukovar. Il y a eu des récits au sujet des enfants aussi, mais cela n'a

10 jamais été confirmé.

11 Q. Ici, l'on critique la présidence dans cette lettre. On critique la

12 présidence, on dit que : "Le programme de mesures pour la solution pour ce

13 qui est de surmonter ces conflits interethniques constituait pour tout

14 point de vue, une supercherie pour les Serbes. L'ordre public et la

15 sécurité sont garantis par le système de la fédération, y compris au niveau

16 de la République de Croatie dans les conditions lorsque la République de

17 Croatie ne reconnaît pas le système juridique de la fédération, les Serbes

18 qui vivent sur le territoire de la République de Croatie actuelle, sont

19 abandonnés -- sont mis à la merci de la terreur croate d'état."

20 "Quoique la présidence reconnaisse que seul les organes légaux des

21 localités au niveau de l'intérieur ont le droit de se déplacer en toute

22 liberté là-bas, et or il leur arrive que des formations et armées et des

23 citoyens armés se soient transformés en organes de police locaux. Etant

24 donné que seul les Serbes se trouvent sans armes et qu'ils n'ont pas de

25 formations armées, il découle que la présidence en réalité de par sa

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1 décision a donné son approbation, a approuvé la terreur d'état croate pour

2 ce qui est de se lancer à la chasse des Serbes. Toutes les postes de police

3 de la Croatie disposent de listes confidentielles de Serbes qui ont soi-

4 disant pris part à l'insurrection armée et qui devraient être privés de

5 liberté ou de leur vie même."

6 Et on parle ensuite du cas d'un juge du Tribunal municipal de Vukovar.

7 Avez-vous eu vent de cela ?

8 R. Certaines de ces choses-là me sont connues. Mais je ne sais pas s'il y

9 a eu des listes de ce type pour ce qui est du mois de février 1991, pour ce

10 qui est de l'insurrection armée alors qu'il n'y a pas encore eu

11 d'insurrection armée dans la région de la SBSO.

12 Q. Il semble que ceci est illisible pour ce qui est de la date de

13 réception, et je m'excuse, on ne dit pas le 2 [sic] mais le 5 [sic]. Alors,

14 on dit que c'est le 28 mai.

15 R. Oui. Là, ça devient possible. Je remarque également l'erreur parce que

16 ceci a été reçu par fax. On y indique, en effet, la date du 29 mai 1991, en

17 haut à gauche.

18 Q. Oui, le 29 mai. Et la date est celle du 28 mai.

19 Donc, cela a été envoyé un jour après. Maintenant que nous avons tiré au

20 clair la date dont il s'agit, est-ce que tout ceci est survenu vers cette

21 période de temps-là ?

22 R. Là, il se peut que les Croates aient effectivement disposé de ce type

23 de listes parce que cette date se situe après les événements de Borovo

24 Selo. Donc, il est possible que les Croates aient disposé de listes

25 d'hommes qui avaient pris part au conflit armée dans le village de Borovo

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1 Selo. Et ils auraient probablement demandé que ces personnes-là soient

2 appréhendées. Cela se peut. Or, le problème qui s'est toujours posé, c'est

3 celui de savoir si la Croatie avait le droit d'agrandir ses effectifs de la

4 police.

5 Q. Ecoutez. N'entrons pas dans ces détails. Moi, je suis en train de vous

6 interroger sur les choses au sujet desquels vous êtes en mesure de

7 témoigner. Je vous pose les questions au sujet de ce qui est dit ici.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais le témoin peut répondre. Il ne peut

9 pas simplement répondre par un oui à vos questions. Laissez-lui l'occasion

10 de répondre. Il a dit qu'il y a avait un problème qui se posait quant à

11 savoir si la Croatie avait le droit d'élargir, d'agrandir ses effectifs de

12 police.

13 Monsieur Milanovic, avez-vous un commentaire à formuler à l'encontre de

14 cette lettre ? Si c'est le cas, libre à vous de le faire. Ne laissez pas

15 l'accusé vous interrompre.

16 Oui, Monsieur Milosevic.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Bien, écoutez. Faites encore quelques commentaires que ce soit si vous

19 estimez que je vous ai interrompu.

20 R. J'ai déjà dit ce que j'avais à l'esprit.

21 Q. Donc, je ne vous ai pas interrompu. On dit également que : "Quoique le

22 peuple serbe ait accepté de créer un groupe paritaire pour les négociations

23 et désigner ces négociateurs, il apparaît avec évidence que la présidence,

24 on parle de la présidence de la Yougoslavie, ne s'est pas attendue à ce que

25 les forces armées croates accepteraient quelque entretien que ce soit avec

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1 des Serbes désarmés. La décision de la présidence du 9 mai 1991 constitue

2 un billet d'entrée pour le peuple serbe s'agissant de connaître, de vivre

3 un nouveau Jasenovac." C'est ce qui est dit dans ce courrier.

4 Est-ce que vous étiez de cet avis-là au mois de mai 1991, vous-même ?

5 R. Je ne pensais pas de la sorte exactement mais j'étais d'avis que des

6 problèmes importants allaient survenir puisque j'ai suivi les activités de

7 la présidence de Yougoslavie et ces activités-là me semblaient traverser

8 bon nombre de remous et rien ne se passait. Je crois que les présidents des

9 républiques avaient entamé la tenue de leurs réunions bien connues mais

10 cela n'a pas porté des fruits et on n'a pas pu trouver de solution

11 pacifique. Et, dès le 9 mai, il y a eu les événements de Borovo Selo. Les

12 deux groupes ethniques ont commencé à s'armer et l'on sentait que la guerre

13 allait survenir. La communauté internationale n'était pas présente sur le

14 territoire, pas encore, et les circonstances se prêtaient à l'éclatement de

15 conflits armés.

16 Q. Oui, mais dans ce courrier du Conseil national serbe, on parle de

17 Serbes désarmés. Alors les Serbes avaient-ils été armés ou pas ?

18 R. A mon avis, le 9 mai 1991 ou le 28 mai 1991, l'un et l'autre de ces

19 groupes ethniques avait commencé à s'armer. D'abord avec des armes légères,

20 des armes de sport et puis ensuite avec d'autres types d'armes.

21 Q. Mais est-ce que cela a été la raison pour laquelle l'on dit dans le

22 dernier paragraphe : "En raison de tout ceci et pour éviter les dangers qui

23 menacent la survie de l'être national serbe, le peuple serbe de la

24 Slavonie, Baranja et Srem occidental sera contraint à une auto organisation

25 pour préparer son autodéfense."

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1 "Or, pour éviter un conflit de guerre éventuel, le Conseil national serbe,

2 en sa qualité d'organe légitime unique de ce peuple, exige de la part du

3 Conseil exécutif fédéral et de la présidence de la RSFY de réaliser leurs

4 obligations dans un délai de dix jours, délai qu'ils se sont fixés eux-

5 mêmes pour ce qui est de la réalisation des obligations qui sont les leurs

6 et qui sont attendues de ces organes-là de la part de la Yougoslavie."

7 Est-ce que c'est bien ainsi que cela s'est passé ? Vous vous en souvenez ?

8 R. Je serais d'accord avec ce dernier paragraphe.

9 Q. Mais pour ce qui est du reste des constatations du Conseil national

10 serbe, vous n'étiez pas d'accord ?

11 R. J'ai dit déjà que j'étais en parti d'accord et en partie pas.

12 Q. Bien. Penchez-vous sur ces documents-ci qui se trouve ici dans un

13 paquet qui m'on été communiqués ainsi. Je voudrais que vous m'expliquiez ce

14 que cela veut dire. Exemple, il a été fourni des documents. Je suppose

15 qu'il s'agit de documents financiers, des factures de Zastava Promet

16 Sombor. Vous avez 102 --

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que ce sont ces documents qui ont

18 été produits par le truchement de ce témoin ? Est-ce qu'il s'agit de la

19 pièce 549 ? Un instant, Monsieur Milosevic. Est-ce qu'il s'agit de

20 l'intercalaire 18, Madame Uertz-Retzlaff ?

21 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pièce 549, intercalaire 18.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas le numéro d'intercalaire, Monsieur

24 May, mais tout ce que j'ai reçu, je l'ai reçu de la partie adverse.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, le témoin en dispose.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Alors, il s'agit de cet intercalaire 0229039 [sic]. Il s'agit d'une

3 facture de Zastava Promet Sombor, qui parle de T-shirts, de ceinturons, de

4 gaines pour pistolets et de bérets. Alors qu'il y a, une fois de plus, une

5 autre copie pour d'autres T-shirts, des bérets, des gaines pour crosses.

6 Cela a été acheté par un centre chargé de la formation de la TO. On dit,

7 acheteur, acquéreur centre chargé de la formation spéciale de la TO. Il

8 s'agit de la SBSO Erdut, acheté à Erdut. Il s'agit de la Défense

9 territoriale de la SAO, SBSO. Alors s'agissant de ces documents, je vous

10 demanderais de me dire

11 où est la finalité de ces acquisitions, de ces achats ?

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il ne revient pas au témoin de le dire.

13 C'est l'Accusation qui doit nous dire quelle est la finalité recherchée.

14 Tout ce que le témoin peut faire c'est apporter un commentaire à ce

15 document. Vous avez peut-être des questions à lui poser, mais, quant à

16 savoir quelle est la pertinence de ce document, c'est une question que

17 nous, nous devrons trancher. Nous devrons voir si ce document revêt de la

18 moindre importance.

19 Avez-vous des questions à ce propos, Monsieur Milosevic ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] En effet, Monsieur May, mais comme vous pouvez

21 le voir, cela nous est fourni sur deux pages. Une seule et même copie, une

22 facture qui n'a aucune espèce de signification. Et cela est amoncelé ici.

23 Je voudrais attirer votre attention sur le fait que l'on m'ensevelit de

24 masses de documents qui n'ont absolument aucune valeur.

25 Tenez, regardez. Une troisième facture qui porte le ERN 02290396. C'est

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1 toujours des "T-shirts" d'hiver, et cetera. Il s'agit du centre de

2 Formation de la TO, acheté à Sombor.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Intercalaire 19.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis cela est repris par le document qui porte

5 le numéro ERN suivant, le 0397. Je suppose que le témoin, étant donné que

6 l'on présente par sa comparution ici, au versement au dossier, ces

7 documents-là, il doit y avoir un critère aux termes ce témoin-ci jugerait

8 ces pièces à conviction comme étant importantes.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce n'est vraiment pas le témoin qui doit

10 dire si une pièce est pertinente ou pas. Bien sûr, qu'il peut apporter un

11 commentaire, pour autant qu'il ait des informations, mais il revient à

12 l'Accusation de nous dire s'il y a une signification -- une importance

13 quelconque attribuée à ces documents.

14 Monsieur Milanovic, vous venez de voir ces différentes factures. Est-ce

15 qu'il vous est arrivé de rencontrer -- de voir de telles factures au moment

16 où vous étiez ministre adjoint ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de ces factures, tout ce que

18 je pourrais vous dire c'est qu'elles sont conformes à la réalité. Je vois

19 des dates du 27 novembre -- ou du 7 novembre 1991. Les autorités n'étaient

20 pas encore mises en place au vrai sens du terme. Je ne suis pas certain

21 pour ce qui est de savoir si tous les ministères avaient déjà été mis sur

22 pied. A l'époque, je n'ai pas travaillé dans le ministère de la Défense,

23 mais je dispose d'informations disant qu'à l'époque, certaines unités sur

24 le territoire de la SBSO s'approvisionnaient comme elles le pouvaient,

25 comme elles se débrouillaient. Et elles s'adressaient aux organisations de

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1 travail -- aux entreprises pour se faire fournir de l'aide et, en

2 s'approvisionnant en équipement, en produits, l'on communiquait les

3 factures à des entreprises variées. Et cela a été fait par ce centre chargé

4 de la Formation spéciale de la TO de la Slavonie, de la Baranja et du Srem

5 occidental et on a communiqué la facture afférente à une entreprise DP Dalj

6 de Dalj.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Donc ce centre chargé de la Formation allait dans un magasin -- dans un

9 point de vente, achetait ceci, ces "t-shirts" et bérets et tout cela, et

10 c'est ainsi qu'ils s'approvisionnaient en équipements nécessaires ?

11 R. Oui.

12 Q. Bien. Alors, allons de l'avant parce que le temps passe. Je voudrais

13 que vous vous penchiez sur la liste de ceux qui ont présenté des factures à

14 la filiale de Sombor. Cela figure à la page ERN 00876699. Et il y a

15 plusieurs listes -- deux ou plusieurs listes de noms de personnes disposant

16 de numéro de compte.

17 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 20.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Quelle est la cote ?

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaire 20, de cette pièce.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Il y a toutes sortes de numéros de compte des personnes privées, des

22 propriétaires de cafétérias, de magasins, puis de postes vétérinaires, la

23 coopérative agricole, une autre coopérative agricole, encore une

24 coopérative agricole. Tout cela ce sont des coopératives agricoles. Puis le

25 bureau de l'Emploi, Unité de sapeurs pompiers, puis un établissement

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1 médical, les communautés locales. Ce sont des hameaux, des villages, n'est-

2 ce pas ? Puis il y a une école primaire. On voit un club photo, un club de

3 bowling, des bouchers, des fabricants de saucissons. Ce sont des personnes

4 qui ont ouvert des comptes en banque, ou plutôt auprès de la comptabilité

5 publique, pour pouvoir tourner. Et ici, il s'agit de services de

6 comptabilité publique de Vojvodine, filiale de son bord. Donc ces gens ont

7 ouvert des comptes auprès de cette filiale pour pouvoir commercer, payer

8 des factures, vendre des produits, et ainsi de suite. C'est bien ainsi que

9 cela se passe. Donc, Monsieur Milanovic, en quoi ceci se trouve en

10 corrélation ? Ecoutez, penchez-vous sur toute cette liste. Il y a plusieurs

11 centaines de détenteurs de numéros de compte particuliers, personnes

12 physiques, personnes morales, entreprises, et il y a même une Croix rouge.

13 Il y a un centre de -- une colonie de vacances et un club de bowling. Donc

14 en quoi ceci constituerait quelque chose de particulier que de voir ces

15 gens-là ouvrir des comptes en banque pour pouvoir fonctionner de façon

16 normale, et satisfaire à leurs besoins les plus élémentaires ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Monsieur

18 Milanovic. Etes-vous d'accord avec ce que dit l'accusé, à savoir que ce

19 document montre simplement que ces commerces avaient un fonctionnement

20 normal, que ces entreprises fonctionnaient normalement ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document montre la chose suivante. Il

22 s'agit du 23 janvier 1992 et il y a interruption des transactions

23 financières avec la Croatie. Toutes les entreprises sur le territoire de la

24 Slavonie, de la Baranja et du Srem occidental ont ouvert leur compte en

25 banque auprès du service de comptabilité publique, en République de Serbie,

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1 et ce sur le territoire des municipalités de Sombor et de Odzak. Je crois

2 bien qu'il y a eu d'autres localités où cela s'est fait, mais là il n'est

3 pas l'essentiel. Donc ils l'ont fait pour pouvoir continuer à fonctionner

4 et ils ne pouvaient pas continuer à fonctionner, étant donné que les

5 transactions financières ont été supprimées avec la Croatie.

6 Q. Mais qui est-ce qui a coupé ces transactions financières avec la

7 Croatie ? Est-ce que c'est eux qui l'ont fait, ou est-ce que c'est le

8 service de Comptabilité publique de Croatie qui a interrompu tout paiement

9 à leur égard ?

10 R. Etant donné que la guerre avait commencé, il était physiquement

11 impossible d'établir des contacts et je ne pense pas que l'une ou l'autre

12 partie ait interrompu le cours de transactions financières. Je crois que

13 l'une et l'autre partie ont interrompu bon nombre de choses, et ceci en

14 fait partie.

15 Q. Bien.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milanovic, je me souviens que

17 vous nous aviez dit que, parmi ceux qui avaient un compte, on trouve le

18 budget de la région serbe de SBSO avec le nom de Goran Hadzic. Est-ce que

19 mon souvenir est exact ?

20 Page 2, en version B/C/S, vous avez le chiffre 630-70008.

21 R. Vous me dites 630-70008. Je regarde. Voici ce dont je me souviens : une

22 décision avait été prise d'ouvrir un compte -- ce compte-ci car le

23 gouvernement de la région avait certains frais de fonctionnement -- de

24 déplacements en ce qui concerne les ministres, les hommes politiques, ceux

25 qui faisaient de la politique et occupaient des postes -- des fonctions à

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1 l'époque. C'est pour ça qu'on a ouvert ce compte, mais le signataire de ce

2 compte c'était Goran Hadzic. Il était parallèlement le premier ministre de

3 la région serbe. Il était donc le signataire mandaté de ce compte, ce qui

4 veut dire qu'il aurait pu être le bénéficiaire de ce compte, mais les

5 autres membres du gouvernement auraient pu être bénéficiaires de ce compte

6 également.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. En ce qui concerne ce nom, on le voit dans la colonne des personnes qui

9 -- ou des représentants d'entreprises puisqu'on a le numéro de compte, le

10 nom de l'entreprise, le lieu et puis les représentants de ces entreprises.

11 On a ici, par exemple, le poste vétérinaire de Beli Manastir qui est, sans

12 doute, représenté par son directeur de la même façon pour le budget de la

13 SPSO, le mandataire, la personne autorisée à signer et y retirer des fonds.

14 C'est le président de cette région. C'est lui qui est autorisé et dont la

15 signature est agréée, n'est-ce pas ?

16 R. Lorsque vous avez des entreprises, des sociétés, mais aussi, dans des

17 organes politiques, des institution d'état, on a généralement pour pratique

18 la chose suivante : ce sont ceux qui s'occupent du service financier,

19 d'autres services en ce qui concerne l'utilisation de fonds. Ce sont en

20 général ces personnes qui se chargent de ces choses. Ici c'est Goran

21 Hadzic, ce n'est pas contesté, mais il aurait été plus logique que ce soit

22 le ministre des Finances qui soit la personne agréée.

23 Q. Mais qu'est-ce que vous voulez dire plus logique ? A votre avis, est-ce

24 que c'était ici une situation extraordinaire qu'il était inusité --

25 inhabituel que Goran Hadzic soit le signataire pour le budget de la région,

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1 et qu'il décidait de l'affectation des fonds se trouvant sur ce compte ?

2 Est-ce qu'il y a quelque chose d'inhabituel dans tout cela ?

3 R. Je disais plus logique. Je voulais dire que le premier ministre avait

4 suffisamment d'attributions ailleurs des fonctions très significatives pour

5 l'état alors que le ministre des Finances, forcément, il s'occupait de

6 questions financières. Ça fait partie de son ressort, ça veut dire que

7 c'est lui qui doit signer les factures, les comptes, qui s'occupe de façon

8 journalière de ce genre de chose.

9 Q. Fort bien. Inutile de poursuivre cet examen puisque la chose semble

10 plaire lorsqu'on voit tout cet amoncellement de données financières et

11 cette liste. Il y a un instant, j'ai reçu une correction apportée à une

12 écoute téléphonique, je pense qu'il y avait eu une coquille quelque part.

13 Cela concerne le CD 1/21/08-01-212 [sic], en date du 30 décembre 1991.

14 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 10, du

15 classeur des écoutes téléphoniques.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 551.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. La première correction apportée a été celle-ci, on dit -- moi je l'ai

19 en anglais. "Puis j'ai pris ces papiers pour que Vladan et Ratko puissent

20 nous aider et le regarder. Et puis en anglais, il est dit, c'est bien, je

21 l'ai lu." La question posée c'était de savoir de qui il s'agissait

22 puisqu'on avait demandée qui était ce Vladan et ce Ratko. Ici nous avons

23 affaire à quelques documents d'ordre juridique. Est-ce que ce ne sont pas

24 des questions d'ordre constitutionnel qui sont évoquées ici ?

25 R. Si vous me posez cette question, j'y réponds par l'affirmative.

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1 Q. Ratko Markovic, je suppose que ceci n'est pas contesté, c'est un

2 professeur de droit. Il s'appelle Ratko Markovic, et Vladan est Vladan

3 Kutlesic. Ces deux hommes ont contribué à la rédaction de la constitution

4 de la Serbie et de la Yougoslavie, ce qui veut dire que c'étaient des

5 personnalités de proue, des personnes autorisées à examiner ce genre de

6 documents ?

7 R. Exact.

8 Q. On demande donc leur avis professionnel sur des documents juridiques de

9 nature constitutionnel et juridique, n'est-ce pas, Monsieur Milanovic ?

10 R. C'est exact. Je suppose que c'était vrai puisqu'on voit ici Vladan et

11 Ratko, et je l'ai déjà dis, j'ai travaillé sur certaines questions

12 juridiques avec M. Ratko Markovic et je me suis dit justement que c'étaient

13 de ces personnes-là qu'il était question ici dans la conversation.

14 Q. Il parle de la façon dont les rapports -- les relations étaient

15 établies. Il s'agit d'une discussion entre deux hommes de droit sur la

16 déclaration et les rapports qui y sont évoqués, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, c'est exact. Si j'ai bien compris -- ou si je me souviens bien,

18 vous vous leur faites une recommandation. Vous leur dites d'examiner la

19 question de façon professionnelle.

20 Q. Fort bien. Il y a ici beaucoup d'écoutes téléphoniques. A quel moment

21 les avez-vous écoutées afin de les identifier ces écoutes que vous ont

22 présentées les substituts du bureau du Procureur ?

23 R. Je ne me souviens pas exactement, mais environ il y a trois semaines de

24 cela.

25 Q. Vous avez pu identifier certaines voix parce que vous connaissiez

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1 certaines personnes et le reste à cause des médias ?

2 R. Oui, surtout à partir des personnes que je connaissais et en moindre

3 nombre certaines voix que je connaissais par les médias.

4 Q. Fort bien.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, je veux examiner, je pense,

6 l'intercalaire 8.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. 0206699, ce qui est cité ici, je crois c'est ici la teneur même, voici

10 ce qui est dit : "Slobodan Milosevic, c'est donc SM," c'est la voix

11 qu'intervient; nous parlons de cette écoute. Il s'agit de conversations

12 entre moi-même et Radovan Karadzic --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle date, Monsieur Milosevic, afin que

14 nous nous y retrouvions ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 25 décembre 1991. Il s'agit de

16 l'intercalaire 8, Monsieur May, pièce 427.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Moi, je dis à Karadzic, je sais que vous faites, du fait, pas mal

19 d'erreurs. Tu as oublié de demander des choses plus importantes au moment

20 où tu as interrogé Izetbegovic. Et puis moi, je dis : "Le pire, ce n'est

21 pas qu'il se passe du consentement des trois groupes ethniques." Et puis

22 Karadzic dit ceci : "Non, mais, en fait, il fait quelque chose de

23 criminel." Et je reviens à ce je disais : "Le pire, c'est la chose suivante

24 : c'est que, par une décision de ce genre, la Bosnie-Herzégovine a violé sa

25 propre constitution." Et Karadzic répond : "Oui, on l'a déjà dit." Et puis

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1 on voit de nouveau Milosevic : "La constitution de Bosnie-Herzégovine

2 définit la Bosnie-Herzégovine, en tant que république, dans le cadre de la

3 Yougoslavie, donc c'est différent de la constitution de la Macédoine, de la

4 Slovénie, de la Croatie." Quand on dit que c'est différent, on parle de la

5 constitution de la Bosnie-Herzégovine qui se définit comme étant un état

6 indépendant. Karadzic dit à ce moment-là : "Oui, oui." Et puis je reprends

7 la parole pour expliquer : "Non seulement il a violé la constitution au

8 sens qu'il faudrait le consentement des trois groupes ethniques, mais il

9 change aussi l'état de Bosnie-Herzégovine sans en changer la constitution

10 puisque la constitution de Bosnie-Herzégovine dit que c'est une République

11 de la Yougoslavie." Puis, on dit qu'il est nécessaire de tirer les choses

12 au clair dans le calme, la logique et en suivant donc ce genre de

13 procédures logiques.

14 N'est-ce pas la meilleure preuve que, dans le droit et dans le respect de

15 la constitution, on a essayé ici d'établir de bons rapports, qu'ici

16 personne n'a parlé de guerre, de la moindre violation. Que du contraire, on

17 parle de la nécessité de respecter la constitution, de la nécessité de

18 veiller à ce que ces rapports -- ces relations soient établies conformément

19 à cela, quitte à modifier la constitution, mais en respectant la

20 constitution de la Yougoslavie, celle de la Bosnie-Herzégovine, et ainsi de

21 suite.

22 Vous, vous-même, vous avez examiné ces conversations interceptées. N'est-ce

23 pas là, finalement, leur cas d'essence, Monsieur Milanovic ?

24 R. J'ai bien écouté ces conversations interceptées. Il s'agit là d'une

25 conversation authentique. Il y a notamment dans celle-ci des éléments qui

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1 sont vos propres propos. C'est vous-même qui le dites.

2 Q. Fort bien. Je ne veux pas aller plus loin sur ce point, mais je pense

3 qu'ici les souhaits -- les engagements sont clairs.

4 Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez parlé de la présence de

5 Kosutic, de Crncevic, de Cvijan ou plutôt on vous a posé une question quant

6 à la présence de ces personnes à l'assemblée.

7 R. Exact. Ces personnes ont été mentionnées. C'étaient des personnes

8 invitées à l'assemblée.

9 Q. C'est ce que je voulais préciser. Ce sont des gens invités de Belgrade

10 qui étaient simplement des invités. Ils n'avaient pas d'autres rôles que

11 ça. Ils étaient venus à titre d'invités. Ils se sont assis au premier rang

12 et ils ont suivi les débats de l'assemblée, n'est-ce pas ?

13 R. Oui. C'étaient des personnes à titre d'invités et qui assistaient à la

14 séance parlementaire de la région.

15 Q. Est-ce que ces personnes invitées ont un rôle quelconque dans les

16 débats de l'assemblée ou est-ce qu'ils étaient là simplement à titre

17 d'invités puisque c'est vous qui les aviez invités ?

18 R. A ma connaissance, ce n'était que des invités. Ils n'ont pas été du

19 tout des participants actifs au débat.

20 Q. C'est coutumier, n'est-ce pas, lorsque vous avez un invité, il

21 s'assoit, il suit les débats et il peut rentrer chez lui ? C'est tout,

22 n'est-ce pas ?

23 Mais dites-moi ceci, au cours de l'interrogatoire principal plutôt en

24 réponse à une question que la partie adverse vous a posée, vous avez dit

25 que les Croates de votre village étaient partis fin juin 1991 lorsqu'on

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1 commencé les opérations de guerre. Est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Et vous dites que vous avez discuté de la sécurité des Croates au cours

4 d'une réunion que vous avez eue avec eux, n'est-ce pas ?

5 R. Exact.

6 Q. Quelles furent, à ce moment-là, les revendications posées par les

7 Croates ?

8 R. Ils n'ont rien demandé de particulier. Nous avons eu une réunion pour

9 voir ce qu'il fallait faire à l'avenir. Ils nous ont demandé à l'occasion

10 de cette réunion s'il était possible de garantir leur sécurité.

11 Q. Et qu'avez-vous répondu ?

12 R. J'ai répondu qu'ils nous étaient impossibles de garantir leur sécurité,

13 qu'ils leur revenaient à eux de prendre une décision à leurs risques et

14 périls à rester dans le village ou partir. Et une fois que la situation

15 reviendrait à la normale, ils pourraient revenir.

16 Q. Mais pourquoi ne pouviez-vous pas garantir leur sécurité ?

17 R. Dans les environs, il y avait déjà des opérations actives en cours. On

18 ne savait pas qui allait venir, qui n'allait pas venir. On ne savait pas ce

19 qu'il allait se passer. Nous avons essayé de sauver nos vies et nous nous

20 sommes dits qu'il ne serait pas possible de nous occuper d'eux. C'est à ce

21 moment-là qu'ils ont décidé de partir.

22 Q. Vous affirmez que les Croates ont décidé de partir parce qu'ils

23 craignaient pour leur propre sécurité ?

24 R. Oui. C'est ce que j'affirme.

25 Q. Fort bien.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il nous reste encore

2 une minute.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas fait attention. Je voulais poser au

4 témoin une question le concernant.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Avant que le conflit n'éclate, vous viviez dans une famille pauvre.

7 Vous produisiez des pastèques et vous avez aussi travaillé, vous conduisiez

8 une machine asphalteuse dans une entreprise de travaux publics ?

9 R. Non. Je n'ai jamais vécu dans une famille pauvre parce qu'au cours des

10 cinquante dernières années ou plutôt, on nous considérait comme étant, ces

11 cinquante dernières années, la famille la plus prospère du village.

12 Q. Est-ce que vous avez une entreprise qui s'appelle Famis, qui est un nom

13 de votre femme ?

14 R. Oui. Il y a deux ans, nous avions une compagnie qui s'appelle Famis et

15 qui est au nom de ma femme et elle travaille avec les autres membres de la

16 famille.

17 Q. Est-il vrai que vous avez deux appartements à Belgrade et une villa à

18 Dedinje ou Senjak ?

19 R. Non. Je n'ai pas deux appartements. J'en ai un à Dedinje et une petite

20 maison qui doit faire en tout 106 mètres carré à Senjak. Si vous appelez ça

21 une villa, d'accord, j'ai une villa.

22 Q. Dites-moi combien de voitures vous avez ?

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette

24 question ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est pertinent de voir comment quelqu'un, qui

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1 faisait du commerce de pastèques, est devenu un homme très riche en Serbie.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je n'y vois aucune pertinence, même si

3 c'est vrai, cet homme vous a dit qu'il n'était pas simplement un commerçant

4 en pastèques.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Nous aurons l'occasion de tirer ceci

6 au clair.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Mais, dites-moi, Monsieur Milanovic, dans le cadre de votre déposition,

9 j'aimerais savoir si à un moment donné vous avez été considéré comme

10 suspect. Vous êtes venu témoigner ici uniquement en tant que temoin, et

11 comment ceci se fait ?

12 R. J'ai 48 ans et jamais je n'ai été soupçonné de quoique ce soit. Et ceci

13 s'applique à la situation actuelle. J'ai eu des entretiens avec un

14 enquêteur, Vladimir Dzuro, et j'ai marqué mon accord pour venir témoigner.

15 Q. Mais dans quelle condition avez-vous pris contact avec Vladimir Dzuro ?

16 Et comment cette idée vous est-elle venue de venir témoigner ?

17 R. Je ne me souviens plus exactement, mais laissez-moi le temps de

18 réfléchir, je pense que je pourrais me souvenir d'un nom. Quelqu'un lui a

19 donné mon numéro de téléphone, il m'a téléphoné, il est venu me voir.

20 Q. Est-ce que cela veut dire qu'on n'a aucunement mentionné des raisons

21 éventuelles qui feraient qu'on pourrait vous soupçonner de certaines

22 choses, s'agissant de la période où vous avez témoigné ?

23 R. Je suis convaincu qu'aucun soupçon ne pourrait peser sur moi, vu ce que

24 j'ai fait et, jusque fin 1991 début 1992, je n'étais pas du tout actif.

25 C'est seulement à ce moment-là que les combats ont commencé, donc aucune

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1 raison de me soupçonner.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez eu suffisamment de temps,

3 Monsieur Milosevic. Je vais demander à Maître Kay s'il a des questions ?

4 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

5 Q. [interprétation] J'examine le deuxième paragraphe de votre déclaration

6 préalable, Monsieur le Témoin. Apparemment, en 1990, vous étiez président

7 de votre communauté locale et vous n'occupiez pas véritablement de

8 politique, est-ce que exact ?

9 R. Je pense avoir été président de la communauté locale pendant plusieurs

10 années. J'étais peut-être le plus jeune à ce poste, en l'ex Yougoslavie et,

11 dès ma jeunesse, j'ai fait de la politique.

12 Q. Et est-ce que vous étiez dans un parti politique avant 1991 ?

13 R. Oui, j'étais dans le seul parti qui existe, j'étais membre de la Ligue

14 des communistes.

15 Q. Mais, après mai 1990, après les élections qui se sont tenues en

16 Croatie, est-ce que c'est à ce moment-là que vous vous êtes engagé dans le

17 Parti politique croate, qui représentait les intérêts des Serbes, est-ce

18 exact ?

19 R. Ce n'est pas exact. Je ne faisais pas partie du parti représentant les

20 intérêts des Serbes, mais je suis devenu président de la communauté locale.

21 C'est ainsi que j'ai fait partie des pouvoirs publics et, jusqu'au bout,

22 jamais je n'ai fait partie d'un parti politique quelconque. Et je ne suis

23 pas membre d'un parti politique aujourd'hui non plus, et non plus du SDS.

24 Q. Et ce qui veut dire que, lorsque vous étiez membre du Conseil national

25 serbe, serait-il exact de vous qualifier d'indépendant ?

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1 R. Oui, oui, tout à fait.

2 Q. Et vous êtes devenu ministre par intérim de la Défense ou ministre

3 adjoint de la Défense en exercice, à titre d'indépendant ne représentant

4 aucun parti politique particulier ?

5 R. Exact.

6 Q. Et vous avez gardé ce poste, vous êtes resté à ces fonctions, vous avez

7 collaboré avec plusieurs dirigeants de l'époque, Goran Hadzic, Milan Babic,

8 Milan Martic ? Vous avez travaillé avec ces hommes dans le cadre du Conseil

9 national serbe, n'est-ce pas ?

10 R. Au sein du Conseil national serbe, j'ai peu travaillé, mais, au sein du

11 gouvernement de la Krajina, oui, j'ai effectivement travaillé.

12 Q. S'agissant des trois hommes, dont je viens de citer les noms, Milan

13 Martic, Goran Hadzic et Milan Babic, vue de votre déclaration préalable, et

14 notamment du paragraphe 39 que j'ai sous les yeux, il ressort très

15 clairement qu'une lutte s'est déroulée entre ces trois hommes pour la

16 conquête du pouvoir. J'ai mentionné le paragraphe 39 pour aider les juges,

17 Monsieur le Témoin, mais ce n'est pas un paragraphe particulièrement

18 important pour votre propos. En tout cas, ce que je vous demande, c'est si

19 vous donnez bien l'impression qu'une lutte a eu lieu pour le pouvoir entre

20 ces trois hommes.

21 R. Si c'est cela l'objet de votre question, la lutte pour le pouvoir a

22 effectivement existé.

23 Q. Quelle était la différence entre Goran Hadzic et Milan Babic ? Ce sera

24 ma première question à ce sujet. Quelles étaient les divergences existant

25 entre ces deux hommes ?

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1 R. Les divergences étaient de nature politique. En effet, sur des

2 questions politiques particulières, ils avaient en général des points de

3 vue différents et ne cessaient de se quereller. Babic accusait souvent

4 Goran de ne pas accomplir son travail comme il fallait, et de ne rester au

5 pouvoir que grâce aux soutiens de Belgrade. Quant à Goran, il accusait

6 Babic également d'un certain nombre de choses.

7 Q. Mais ces divergences étaient-elles des divergences politiques, ou

8 portaient-elles sur une façon différente de faire son travail ?

9 R. Je pense qu'il s'agissait de divergences politiques, et qu'elles ne

10 faisaient que se traduire dans le travail.

11 Q. Dans ces conditions, comment parleriez-vous en mots simples de ces

12 divergences entre Hadzic et Babic ?

13 R. Je pense que la divergence politique qui les opposait résidait pour

14 dire les choses simplement dans le fait que Babic préconisait une politique

15 indépendante pour la Krajina, alors que Hadzic était davantage favorable à

16 une action s'appuyant sur la mère patrie, c'est-à-dire, sur la Serbie.

17 Q. Milan Martic avait également des divergences avec les deux autres

18 hommes dont nous venons de parler. Pourriez-vous, si vous voulez, bien

19 décrire ces divergences ?

20 R. Les divergences opposant Martic et Babic sont très comparables à celles

21 qui existaient entre Hadzic et Babic. En effet, Martic estimait qu'il

22 convenait de s'appuyer davantage sur la mère patrie; quant à Babic, il

23 était d'un avis contraire.

24 Q. Quelles étaient maintenant les divergences opposant Martic et Hadzic ?

25 R. A mon avis, entre ces deux hommes il n'y avait pas de divergences

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1 politiques. Ces deux hommes défendaient les mêmes positions, mais Martic

2 accusait plutôt Hadzic d'incompétence. Il estimait qu'Hadzic

3 n'accomplissait pas son travail de façon suffisamment sérieuse. Quant à

4 Hadzic, il accusait Martic de n'être qu'un simple policier, disant qu'à ce

5 titre, il n'aurait pas dû s'occuper de politique. C'était plutôt cela qui

6 les opposait.

7 Q. Ces divergences politiques entre les trois hommes ont créé de grandes

8 difficultés, n'est-ce pas, pour opposer ou pour constituer un front uni --

9 un front homogène, au sein du gouvernement ?

10 R. Il était très difficile de travailler dans les conditions qui

11 prévalaient en Krajina.

12 Q. Ces trois hommes fonctionnaient à l'aide -- en utilisant des éléments

13 de pouvoir différents, et s'opposaient très souvent, les uns aux autre,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Exact.

16 Q. Et ceci n'était pas dans l'intérêt de la région ou de ses habitants ?

17 R. Exact.

18 Q. Au moment de la conclusion de l'accord d'Erdut en 1995, vous avez signé

19 cet accord qui a permis donc, à partir du moment où cet accord a signé, que

20 règne la paix et qu'un terme soit mis au conflit.

21 R. Exact.

22 Q. Vous avez signé cet accord pour éviter la poursuite de la guerre avec

23 la Croatie.

24 R. Sur la base de l'expérience acquise dans la partie méridionale de la

25 Krajina, et voyant que Martic n'a accepté ni de négocier, ni évidemment de

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1 signer le plan Z4 ce qui, à mon avis, était une erreur majeure pour la

2 population de la Krajina, je n'ai d'autres possibilités que de tirer le

3 meilleur parti possible des négociations de paix, à savoir, donc de donner

4 mon -- de signer cet accord. Le plus important était qu'il s'agissait d'une

5 solution pacifique et que la population disposerait d'une année

6 supplémentaire pour se prononcer.

7 Q. Lorsque vous avez signé cet accord, le milieu politique les autres

8 représentants politiques ont été hostiles à votre égard, n'est-ce pas ?

9 R. Dans leur majorité, à savoir, donc cinq présidents de municipalités,

10 puisqu'il y avait cinq présidents de municipalités en Krajina, Baranja et

11 Srem occidental. C'est cinq présidents de municipalités, ainsi que Goran

12 Hadzic, étaient opposés à l'accord. Toutefois, après un très long travail

13 de persuasion, ils ont accepté cet accord, mais une fois qu'il a été signé,

14 j'ai subi des pressions importantes pour quitter mon poste très rapidement,

15 ce que j'ai fait après le succès de la démilitarisation, et à la fin donc

16 du mois d'avril 1996.

17 Q. Avant de signer d'Erdut, c'est Slobodan Milosevic qui avait dit de le

18 signer, n'est-ce pas ?

19 R. J'ai reçu un message de Dayton, provenant de M. Milosevic, de M. Zika

20 Jovanovic qui, à l'époque, était adjoint au ministre des Affaires

21 étrangères. Mais ça, selon lequel le président Milosevic avait dit qu'il

22 serait bon de signer cet accord, et qu'il fallait donc le signer. Mais ce

23 sont ses collaborateurs les plus proches qui, en revanche, m'ont fait

24 parvenir un message contraire, me disant qu'il ne fallait pas que je signe

25 cet accord et, à ce moment-là, j'ai décidé de le signer car je me rendais

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1 compte. Je savais que, si je ne signais pas l'accord le samedi, dès le

2 dimanche, il y aurait attaque de la part de la Croatie sur la Krajina, la

3 Baranja et le Srem occidental.

4 Q. Et lorsque Slobodan Milosevic est revenu d'Erdut, il vous a dit que

5 vous avez bien agi en suivant ses instructions, c'est-à-dire, en signant

6 cet accord de paix.

7 R. Oui. Il m'a dit que j'avais bien fait, que c'était la seule solution,

8 compte tenu des pressions exercées sur nous par la communauté

9 internationale et du fait que nous n'avions pas d'autres possibilités. Mais

10 il m'a demandé si j'avais été critiqué par ses proches, et j'ai répondu

11 non.

12 M. KAY : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

13 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

14 Juges, j'en ai encore pour quelques minutes.

15 Nouvel interrogatoire par Mme Uertz-Retzlaff :

16 Q. Je commencerai par l'endroit où Me Kay s'est arrêté. Vous avez dit que

17 les représentants politiques locaux et Goran Hadzic se sont montrés

18 hostiles à votre égard après la signature de l'accord d'Erdut. Je vous

19 demande, si à ce moment-là, c'est-à-dire, après la signature de l'accord

20 d'Erdut, M. Milosevic vous a soutenu contre

21 M. Goran Hadzic et les autres représentants politiques qui avaient une

22 attitude hostile à votre égard ? Ou bien s'il ne l'a pas fait ?

23 R. M. Milosevic était au courant des attaques de Goran Hadzic et des

24 autres représentants politiques, à mon égard, après la signature de

25 l'accord. Il m'a d'ailleurs, à plusieurs reprises, dit que des délégations

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1 venaient le voir dans son bureau pour se plaindre de moi et, au début, je

2 pense qu'il a adopté une position neutre. Ça, c'est sûr. Il a effectivement

3 adopté une position de neutralité. Mais, au fil du temps, une fois que la

4 démilitarisation a été achevée, et que les tâches les plus importantes à

5 accomplir dans la région ont été accomplies, les diverses formations

6 militaires, composées d'hommes en uniforme, ont repris le chemin de la

7 Serbie. Et, à ce moment-là, il m'a dit que, compte tenu des nombreuses

8 attaques contre moi, la meilleure solution consistait pour moi à me

9 retirer.

10 Q. Pourriez-vous expliquer les raisons pour lesquelles il ne vous a pas

11 soutenu contre ceux qui vous critiquaient, si vous le savez ?

12 R. Je ne le sais pas. En effet, à ce moment-là, M. Milosevic avait le

13 pouvoir, et je ne posais pas de telles questions.

14 Q. S'agissant du budget de la RSK, M. Milosevic va a poser des questions

15 liées aux ressources tirées du pétrole. Le pétrole brut était-il vendu à un

16 prix correspondant à la réalité, ou était-il bradé à un prix inférieur ?

17 R. Le pétrole ne se vendait pas sous forme de pétrole brut, mais sous

18 forme transformée, et ce à un prix inférieur à la réalité. Je sais que le

19 prix était de 50 [sic] à peu près, alors que sur le marché -- il faut se

20 souvenir qu'à cette époque, il y avait l'embargo, donc, sur le marché, le

21 pétrole se vendait à quatre marks allemands et plus.

22 Q. Qui a tiré le plus grand profit de ces ventes de pétrole, à prix

23 bradé ?

24 R. Officiellement, c'était les entreprises, les compagnies pétrolières de

25 Krajina qui se chargeaient de la vente du pétrole. Donc c'était les

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1 compagnies qui étaient sensées profiter de ces ventes, mais je pense que

2 ceux qui achetaient le pétrole à 30 pfennigs le litre, pour le revendre à

3 un prix supérieur, sont ceux qui en ont le plus profité.

4 Q. Et il s'agit de qui ?

5 R. De ceux qui étaient les plus proches du gouvernement.

6 Q. M. Milosevic vous a interrogé au sujet de l'attaque sur Palaca. Votre

7 village a-t-il été attaqué par les villageois de Laslovo ou par des forces

8 venues d'ailleurs, par des membres de la ZNG ?

9 R. Au moment de l'attaque des forces croates sur Palaca, je ne savais pas

10 exactement qui nous attaquais, mais, à un certain moment, j'ai vu un

11 officier croate qui s'est vanté du fait qu'il s'agissait de la première

12 attaque organisée de la part de l'armée croate sur un village déterminé. Je

13 parle donc de Palaca. Et, suite à l'ordre donné par le commandement croate

14 de se lancer sur Vinkovci, Borovo Selo en provenance d'Osijek, l'opération

15 a été interrompue en effet. L'attaque n'a pas visé Borovo Selo, mais les

16 forces en question ont rebroussé chemin pour aller à Osijek et ensuite

17 attaqué Palaca. Donc, selon les propos de cet officier croate, qui a

18 participé à l'attaque, les choses se sont passées ainsi.

19 Q. M. Milosevic vous a également parlé de la direction serbe qui a

20 toujours préconisé la paix et soutenu les efforts de paix. Vous avez

21 répondu que quelques fois les choses se sont passées ainsi et quelque fois

22 elles ne se sont pas passées ainsi. Vous souvenez-vous d'événements ou

23 d'occasions où la direction serbe, et M. Milosevic en particulier, n'ont

24 pas soutenu les efforts de paix ?

25 R. Je ne saurais pas répondre très précisément à cette question, mais je

Page 27556

1 peux vous donner un exemple. Il n'est pas logique de voir Milan Martic, qui

2 bénéficiait du soutien de Belgrade pendant toutes ces années, en effet, il

3 en a bénéficié pendant six ans de ce soutien, or au moment où il devait

4 adopter le plan Zagreb-4, il a refusé de le faire. Or Babic, qui était

5 jusque là considéré comme un extrémiste, s'est prononcé en faveur du plan

6 Zagreb-4, qu'il a même signé plus tard à Vienne, alors que l'attaque de la

7 Croatie contre la partie méridionale de la Croatie avait déjà commencé.

8 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

9 Juges, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une question d'intendance. On me prie

11 d'indiquer pour le compte-rendu d'audience que la traduction initiale de la

12 pièce à conviction 551, intercalaire 10, est remplacée aujourd'hui par la

13 nouvelle traduction qui a été distribuée.

14 Monsieur Milanovic, ceci met un terme à votre déposition. Merci d'être venu

15 devant le Tribunal pénal international pour témoigner. Vous pouvez

16 maintenant vous retirer.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons faire la pause avant le début

20 de l'audition du témoin suivant, mais j'ai une information à vous soumettre

21 qui s'adresse à toutes les parties. Il nous faut prendre des dispositions

22 relatives à l'audition du témoin, Lord Owen, ce qui implique de décider

23 qu'elle sera le temps accordé aux partis pour leurs questions. Je n'ai pas

24 l'intention de me prononcer sur ce point aujourd'hui, mais je serais

25 reconnaissant aux partis de m'indiquer durant l'audience de demain le temps

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1 qu'elle souhaite consacrer à leurs questions de façon à ce que nous

2 puissions rendre une ordonnance. Donc nous en discuterons demain.

3 M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, une question sur ce point

4 --

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

6 M. KAY : [interprétation] -- la présentation de cette audition importe.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non.

8 M. KAY : [interprétation] Si l'Accusation mènera l'interrogatoire principal

9 comme il est convenu de l'appeler, combien de temps durera-t-il ?

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne sais pas si vous étiez présent

11 pendant l'audition du Dr Ranta, Maître Kay ?

12 M. KAY : [interprétation] Oui, j'étais présent.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, les choses se passeront d'une

14 façon tout à fait comparable. Nous commencerons avec l'interrogatoire. Nous

15 pouvons envisager de proposer au témoin, s'il le souhaite, de prononcer une

16 brève déclaration, mais nous disposerons de sa déclaration écrite et les

17 questions seront donc -- se situeront donc dans le cadre de contre-

18 interrogatoire de la part de toutes les parties. Donc nous adopterons, sans

19 doute, la même façon de procéder.

20 M. KAY : [interprétation] Il est utile pour nous de la savoir.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Et la seule question sur laquelle

22 nous souhaitons vous entendre concerne donc la durée des questions qui

23 seront posées.

24 M. KAY : [interprétation] Bien.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Suspension de 20 minutes.

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1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 48.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je demanderais au témoin de prononcer la

5 déclaration solennelle.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous asseoir.

9 LE TÉMOIN: B-1115 [Assermenté]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Bibles, à vous la parole.

12 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant de la

13 requête au sujet de l'Article 92 bis est en application, je demanderais la

14 décision.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La décision est positive. L'application

16 du 92 bis est acceptée.

17 Mme BIBLES : [interprétation] Je demanderais donc d'abord que l'on remette

18 au témoin le document qui sert de base à sa déposition.

19 Interrogatoire principal par Mme Bibles :

20 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous demande si c'est bien

21 votre nom que l'on voit en haut sur cette feuille de papier ?

22 R. Oui.

23 Q. Le nom que vous lisez sur cette page est-il exact ?

24 R. Oui.

25 Mme BIBLES : [interprétation] Je demande à présent, que l'on soumette au

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1 témoin la liasse de pièces à conviction qui font l'objet de l'application

2 du 92 bis.

3 Q. Monsieur le Témoin, veuillez, je vous prie, examiner cette liasse de

4 documents et nous dire si l'on y trouve deux déclarations au préalable qui

5 émane de vous ?

6 R. Oui.

7 Q. Avez-vous rencontré un membre du greffe le 15 novembre 2001 pour

8 certifier ces déclarations ?

9 R. Oui.

10 Mme BIBLES : [interprétation] J'aimerais que l'on donne une cote aux deux

11 documents qui sont contenus dans cette liasse et que ces deux documents

12 soient versés au dossier avec conservation sous scellés.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le document sur

14 lequel on trouve le pseudonyme sera la pièce à conviction 554 conservée

15 sous pli scellé. Quant aux déclarations 92 bis, il s'agira de la pièce à

16 conviction 554 -- 555, conservée sous pli scellé.

17 Mme BIBLES : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

18 ce témoin a passé la majeure partie de sa vie à Gornja Grapska qui est un

19 village majoritairement peuplé de Musulmans dans la municipalité de Doboj.

20 A l'époque du conflit, lorsque celui-ci a éclaté en 1992, il était retraité

21 de la police.

22 Ces déclarations au préalable vous apprendront que la population de Doboj

23 avant le conflit comptait environ 60 000 habitants, divisée à peu près

24 également entre Musulmans et Serbes. La ville de Doboj abritait un nombre

25 supérieur de Musulmans mais la plupart des villages situés autour de Doboj

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1 étaient majoritairement serbes.

2 Dans la déposition de ce témoin que vous trouverez dans les déclarations 92

3 bis, vous verrez que deux sujets d'intérêt se dégagent. D'abord, la prise

4 de Doboj et ensuite l'attaque du village de ce témoin. S'agissant de ce

5 deuxième élément de sa déclaration, nous voyons la durée considérable que

6 le témoin a passée en détention.

7 Quant à la prise de Doboj en février 1992, un policier musulman de son

8 village a été chargé de créer une unité policière de réserve et ces

9 instructions venaient du quartier général de Doboj.

10 Le témoin a donc participé à la création de cette unité car il pensait que

11 cela permettrait de stabiliser la situation, de l'empêcher de se dégrader

12 et de maintenir de bonnes relations avec la police de Doboj. L'unité en

13 question comportait des policiers de réserve, policiers musulmans venus de

14 son village ainsi que des policiers serbes venus d'un hameau voisin. Et

15 l'unité en question était chargée de maintenir la paix dans le village.

16 Deux ou trois semaines après la création de cette unité, les membres serbes

17 de l'unité ont déclaré qu'ils n'avaient plus le droit de participer aux

18 travaux de celle-ci. Ils ont demandé et reçu des armes, des munitions et

19 des équipements et ont quitté l'unité.

20 Les Serbes ont érigé des barricades à Doboj à la mi-avril 1992 et ces

21 barrages étaient gardés par des Serbes de la région qui étaient armés

22 d'armes professionnels, d'armes destinés à des soldats de métier. Deux

23 mitrailleuses étaient pointées sur Gornja Grapska. Et au moment où les

24 barricades ont vu le jour, les Musulmans du village se sont vus interdit

25 l'accès du village et donc, se sont retrouvés isolés.

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1 Le 9 mai 1992, six jours après l'occupation de la ville de Doboj, le témoin

2 et d'autres villageois de son village, se sont rendus compte qu'ils étaient

3 sur le point d'être attaquées par des formations paramilitaires serbes qui

4 se regroupaient aux alentours du village. Les villageois ont tenté

5 d'évacuer les femmes, les enfants et les personnes âgées, mais des Serbes

6 armés les ont empêchés de le faire.

7 L'attaque serbe sur Gornja Grapska a eu lieu le 10 mai 1992. Les Serbes qui

8 attaquaient le village portaient des uniformes de camouflage de la JNA,

9 étaient très bien armés avec des fusils automatiques et des armes venant de

10 la JNA. En dehors des fusils de chasse et d'autres armes légères, les

11 villageois étaient, pour ainsi dire, désarmés. Le témoin n'a pas entendu un

12 seul coup de feu tiré pour défendre son village. Les Serbes ont pilonné le

13 village pendant toute la journée. Et au cours de ce pilonnage, 34

14 villageois ont été tués. Au nombre de ces 34 tués, se trouvait des hommes,

15 des femmes et des enfants. Aucun des villageois ne portaient un uniforme de

16 l'armée. Ils étaient tous des civils.

17 Après le pilonnage du village, l'infanterie a attaqué à partir de 5 heures

18 du matin. Et ceci a laissé une marque indélébile dans l'esprit du témoin

19 avec, notamment, le souvenir d'un enfant de cinq ans, mort, gisant sur le

20 sol, les yeux ouverts. Les autres incidents ont été nombreux. Les femmes et

21 des enfants, notamment, ont été séparés des hommes qui ont été placés en

22 détention.

23 Et ceci nous amène au deuxième point important de la déposition de ce

24 témoin qui a été, d'abord été enfermé dans un entrepôt de Bare, une semaine

25 environ. Les détenus étaient traités comme du bétail. On les frappait à

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1 coups de pied et d'autre manière. Les installations de Bare étaient des

2 hangars militaires avant la guerre. Le témoin a été maintenu en détention à

3 cet endroit avec environ 1 200 autres personnes pendant la durée de sa

4 détention. Ces 1 200 personnes étaient réparties dans cinq hangars dont

5 chacun abritait environ 300 hommes. Les conditions de vies étaient cruelles

6 dans ces hangars.

7 Le 28 mai 1992, le témoin ainsi que 27 autres hommes musulmans ont été

8 emmenés à la prison de Doboj, à la prison Spreca. Le témoin y est resté

9 jusqu'au 9 février 1993. A son arrivée, les prisonniers ont été informés du

10 fait qu'ils se trouvaient désormais dans un état serbe et qu'ils seraient

11 traités selon la volonté des Serbes. Les prisonniers étaient frappés,

12 humiliés, certains tués. Dans chacune des huit cellules, on trouvait en

13 général une centaine d'hommes et pendant le temps que le témoin a passé à

14 cet endroit, 5 000 hommes sont passés par la prison. Ces détenus entraient,

15 enfin arrivaient et repartaient tous les jours pendant tout le temps de la

16 détention du témoin. Des prisonniers ont été emmenés ou sont arrivés

17 pendant la nuit. Ceux qui partaient n'étaient jamais revus. Chaque fois

18 qu'on emmenait des hommes, l'anxiété psychologique et physique croissait

19 parmi les détenus qui restaient dans la prison. A Spreca, les prisonniers

20 étaient emmenés tous les jours faire des travaux forcés, et parmi les

21 tâches imposées au témoin il y a eu l'inhumation de corps sans vie. Une

22 autre des tâches confiées au témoin consistait à traverser les villages

23 pris par les Serbes, pour s'emparer de tous les objets de valeur, de façon

24 à ce que les Serbes puissent ensuite les conserver.

25 Dans ces villages, le témoin a vu des civils tuer. La plupart d'entre eux

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1 étaient des personnes âgées qui n'avaient pas pu s'enfuir au moment de

2 l'attaque. Les travaux forcés imposés au témoin se sont pour la plupart

3 déroulés dans la caserne de la JNA de Doboj. Cette caserne était le

4 quartier général de toutes les activités militaires menées sur le

5 territoire. Le commandant de cette caserne était un officier régulier de la

6 JNA. Toutes les unités de l'armée régulière ainsi que les unités de

7 réserve, et les unités paramilitaires opérant à Doboj étaient basées dans

8 cette caserne. Parmi les unités paramilitaires vues par le témoin, se

9 trouvaient celle des Aigles blancs, la police de Martic, et les Knindza.

10 Un jour, le témoin a vu 300 habitants serbes de la région entraînés par les

11 Bérets rouges monténégrins. Le témoin a également vu ce qui s'est passé

12 lorsque des unités rentraient après un échec aux combats, et à ces

13 occasions les abus sur les détenus étaient monnaie courante. Lorsque la

14 caserne était nettoyée, le témoin y a vu du sang et des dents humaines sur

15 le sol après les passages à tabac subis par les prisonniers. Il a remarqué

16 des commandants de la JNA qui étaient présents pendant toutes ces périodes.

17 Il les a tous vus qui ont laissé faire.

18 Le 9 février 1993, le témoin a été transféré avec 40 autres hommes à bord

19 d'un autobus jusqu'à la prison de Banja Luka. Les prisonniers ont été

20 informés du fait qu'on allait les juger. Arrivés à cette prison, les

21 détenus ont été emmenés à un interrogatoire où on les a interrogés sur des

22 questions politiques. Et pendant les journées où les détenus ont été

23 contraints de rester assis, sans bouger, sans parler, sur une chaise depuis

24 7 heures du matin jusqu'à 19 heures. Les interrogatoires ont fini par

25 s'achever, et à ce moment-là le témoin a été transféré à la prison d'Usora

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1 à Doboj. Là encore, il y a eu passage à tabac et disparition de prisonniers

2 pendant la nuit.

3 Pendant toutes ces périodes, le témoin a travaillé dans une usine locale de

4 Doboj dans le cadre des travaux forcés qui lui étaient imposés. Il y

5 restait jusqu'au 1er octobre 1993, date de son échange. Pendant sa période

6 de détention, le témoin a perdu 25 kilos à peu près, et au jour

7 d'aujourd'hui il subit encore les séquelles physiques de sa détention.

8 Je vous remercie.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

10 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

11 Q. [interprétation] Monsieur B-1115, je ne dispose que d'extraits des

12 documents sous les yeux. Je ne sais rien de Doboj, donc je vais vous

13 demander quelques éclaircissements au sujet des éléments évoqués par vous.

14 Vous êtes en train de témoigner, si j'en crois les résumés très courts que

15 j'ai sous les yeux et les extraits de documents dont je dispose, des

16 événements de Doboj et des souffrances imposées aux Musulmans sans

17 protection de la région, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous parlez de formations paramilitaires et de l'Armée populaire

20 yougoslave dans ce contexte.

21 R. Oui.

22 Q. Veuillez me dire, je vous prie, si vous savez à quel moment l'Armée

23 populaire yougoslave a quitté le territoire de Bosnie-Herzégovine ?

24 R. Je ne suis pas au courant de cela.

25 Q. N'est-il pas exact en fait que c'est l'inverse qui s'est produit, et

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1 que la défense de Doboj pendant toutes ces années de guerre a été très

2 difficile ? Doboj ayant subi des attaques de toutes les parties en présence

3 pratiquement, à savoir, aussi bien des attaques de la part des Musulmans

4 que de la part des Croates -- que de la part des forces croates.

5 R. Non, ceci n'est pas exact. Doboj n'a été attaqué ni par les Musulmans,

6 ni par les forces croates. Mais le dimanche, 3 mai 1992, Doboj a été

7 attaqué par les forces serbes, et c'est dans ces conditions que la ville a

8 été prise.

9 Q. Vous dites que Doboj a été attaqué par l'armée serbe, mais n'y avait-il

10 pas à Doboj des habitants serbes qui étaient donc présents sur place ?

11 R. Oui, ils étaient présents sur place, mais ils portaient tous un

12 uniforme. Tous les hommes aptes à porter -- en age de porter les armes en

13 tout cas.

14 Q. Les connaissiez-vous ?

15 R. J'en connaissais certains, mais pas tous.

16 Q. Ne savez-vous pas que pour le témoin, au sujet de laquelle vous êtes en

17 train de témoigner, il y a eu en continuité, en permanence, des attaques

18 sur Doboj, notamment dans le courant de l'année 1992, de la part des unités

19 régulières en provenance de la Croatie voisine, ainsi que de la part

20 d'unités paramilitaires en provenance de Bosnie-Herzégovine, tant musulmane

21 que croate ?

22 R. Je ne puis affirmer que ce n'est pas le cas, mais je puis affirmer que

23 je n'en ai pas connaissance.

24 Q. Bon avez-vous connaissance du fait qu'il y a eu de formations, d'unités

25 paramilitaires variées, tant musulmane que croate, dans la municipalité de

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1 Doboj ?

2 R. Je n'en ai pas connaissance.

3 Q. Avez-vous une connaissance quelconque au sujet des attaques lancées sur

4 les forces serbes dans le territoire de la municipalité de Doboj depuis

5 Gracanica, Zavidovici et Maglaj, qui sont des municipalités voisines ?

6 R. Cela ne concerne pas le mois de mai 1992. Si cela a eu lieu, cela s'est

7 fait lorsqu'ils ont commencé à tenter d'occuper les municipalités voisines.

8 Et c'est là qu'ils ont eu à faire face à l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

9 Q. Mais Gracanica, Maglaj et Zavidovici sont ceux ou pas des municipalités

10 voisines ?

11 R. Zavidovici non, Gracanica et Maglaj, oui.

12 Q. Mais les forces musulmanes se trouvaient-elles à Gracanica ou pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que c'est depuis Gracanica que l'on s'est attaqué à Doboj ?

15 R. Je ne sais pas avec quoi elle pouvait s'attaquer à Doboj.

16 Q. Comment ne savez-vous pas avec quoi ? Mais avec des armes, voyons.

17 R. J'entends que j'ai été échangé dans le courant de l'année 1993, le 1er

18 octobre. Lorsque je suis arrivé sur le territoire de Gracanica et lorsque

19 j'y ai vu les membres de la Bosnie-Herzégovine, je croyais, moi, j'ai

20 ressenti de la peur parce que je venais d'un territoire, lorsque je fais un

21 voyage pour cet échange, là où j'ai été échangé, j'ai rencontré des pièces

22 d'artillerie immenses, allant de chars et autres pièces d'artillerie, et

23 j'ai eu peur lorsque je suis passé de l'autre côté, j'ai cru que j'allais

24 périr. Quand j'ai vu de l'autre côté, il n'y avait que quelques fusils ça

25 et là.

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1 Q. Quand vous dites qu'il y avait des fusils ça et là, est-ce que vous

2 avez souvenance de la date de création de ce que l'on a appelé la ligue

3 patriotique ?

4 R. Je ne peux pas le savoir, parce que j'ai été incarcéré à ce moment-là.

5 Q. Cela a été créé pas mal de temps avant votre incarcération.

6 R. Je dois dire que j'ai été mis à la retraite avant la fin de la guerre -

7 - avant la guerre, et en cette qualité là, j'ai vaqué à des affaires

8 familiales. Je ne m'intéressais guerre aux partis, ou à la Ligue

9 patriotique ou autre chose. Je ne faisais que mon travail, et je vaquais à

10 mes propres affaires.

11 Q. Bon, avez-vous connaissance, étant donné que vous avez précisé que ce

12 n'est vers le mois de mai que vous avez été exposé à l'effet de ces

13 conflits-- aux effets de ces conflits, avez-vous connaissance du fait donc

14 qu'à l'époque, au sujet de laquelle vous témoignez, les forces musulmanes

15 et croates avaient pratiquement occupé toutes les grandes villes de la

16 Bosnie-Herzégovine. Si l'on accepte la ville de Doboj encerclée et une

17 partie de Sarajevo ainsi qu'excepté la ville de Banja Luka, qui s'est

18 trouvée dans un entourage plutôt sûr de forces serbes, toutes les autres

19 localités avaient été prises par la Ligue patriotique et les autres forces

20 croates.

21 R. Je ne sais pas comment répondre à cette question. Tout ce que je puis

22 dire, c'est que je ne sais pas comment ces villes avaient pu être prises

23 par la Ligue patriotique et les autres unités que vous indiquez. Je n'en ai

24 pas connaissance du tout.

25 Q. Bon, vous avez travaillé dans un service d'état. Vous avez été

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1 policier, vous avez eu une éducation déterminée. Ces grandes villes-là, ces

2 centres universitaires de la Bosnie-Herzégovine, si l'on excepte Banja Luka

3 où il y avait une majorité serbe et excepté une majeure partie de Sarajevo,

4 mais Mostar, Tuzla, donc ces trois grands centres universitaires et ces

5 trois grands centres industriels avaient tous été entre les mains de

6 l'armée de la Bosnie-Herzégovine, voir du HVO. En a-t-il été ainsi ou pas ?

7 R. Je souligne une fois de plus le fait que cela n'est pas une chose dont

8 je puisse avoir connaissance.

9 Q. Mais avez-vous connaissance, une connaissance quelconque de la période

10 où l'armée de la JNA s'était retirée de Bosnie-Herzégovine ?

11 R. Je sais, je suis au courant de la période où elle avait été présente en

12 Bosnie-Herzégovine alors je ne sais pas vous dire au juste quand elle s'est

13 retirée.

14 Q. Ecoutez. Tout à l'heure, il a été indiqué comme vous le dites vous-même

15 au paragraphe 14 de votre déclaration au préalable, on dit qu'un policier,

16 Refik Buljubasic, policier de votre village, qui s'est vu confier la

17 mission de créer une unité de réserve de la police dans votre village, est-

18 ce exact ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Est-ce que c'est une mission qui lui a été assignée par le QG de

21 Doboj ?

22 R. C'est exact. Mais après avoir analysé tout cela, j'ai appris que tous

23 les policiers du groupe ethnique musulman ont été expulsés du poste de

24 police de Doboj de cette façon.

25 Q. Je n'ai pas compris ce que vous entendez par là ?

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1 R. J'entends par là que dans le poste de police de Doboj, il ne devait

2 rester que des Serbes, et que les Musulmans devaient être

3 -- se constituer ou constituer leurs forces policières dans les localités

4 où des compositions policières mixtes, et cela était une composition mixte

5 jusqu'à un moment donné. On leur a, à un moment donné, dit qu'ils devaient

6 se retirer avec les Musulmans. Ils ont pris leurs armes, leurs munitions et

7 sont partis et on les a pu revus.

8 Q. Bon. Vous avez aidé Refik Buljubasic, vous l'avez aidé à constituer

9 cette unité qui a été composée de policiers de réserve ?

10 R. Oui.

11 Q. Et cette unité avait pour mission de maintenir l'ordre et la paix du

12 village ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Y avait-il eu des troubles dans le village pour nécessiter

15 l'intervention de la police ? Et pour nécessiter à une concentration de

16 forces policières dans le village, quelle en a été la raison réelle au

17 juste ?

18 R. Cette unité a été créée dans mon -- dans ma localité natale. Elle avait

19 pour mission le maintien de l'ordre et de la paix. Elle avait pour mission

20 d'empêcher toute perpétration d'actes criminels et il y a peut-être eu des

21 situations ou des incidents dans les cafétérias où les jeunes avaient un

22 peu bu plus que l'accoutumer. Mais c'était des petites choses, c'était tout

23 à fait normal.

24 Q. Donc il n'y a pas eu d'incidents de votre village et on a malgré tout

25 créé cette unité ?

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1 R. On pourrait dire qu'il n'y a pas eu d'incidents.

2 Q. Combien d'hommes comptait cette unité ?

3 R. Elle comptait environ 36 hommes.

4 Q. Bon. Cette unité de 36 hommes qui a été créée dans un village où il n'y

5 a pas eu de troubles. Mais ne s'agit-il pas en réalité là d'une unité

6 paramilitaire de façon évidente dans ce village ?

7 R. Vous parlez de quelle unité ?

8 Q. Ecoutez, vous dites, une unité de 36 hommes où il n'y a que des

9 Musulmans où il n'y a pas d'incidents du tout, et on a créé quand même une

10 unité d'une trentaine d'hommes. Je crois qu'elle avait même été plus

11 grande, mais n'est-ce pas là donc une unité paramilitaire de créer dans ce

12 village ?

13 R. Messieurs les Juges, il est exact de dire qu'il s'était créé une unité

14 de forces policières de réserve, ce que je veux dire, c'est que partant de

15 quoi peut-on tirer la conclusion aux termes de laquelle ce serait une

16 formation paramilitaire. Alors quand il y avait des réservistes serbes,

17 cela n'était pas une unité paramilitaire mais lorsque ceux-ci ce sont

18 retirés, c'est devenu tout à coup une unité paramilitaire, et on appose le

19 préfixe de paramilitaire.

20 Q. Ah, c'est là qu'on leur a donné ce préfixe-là ? Moi, j'ai

21 cru comprendre, partant de ce que vous avez dit vous-même, que dans votre

22 village ils ne vivaient que des Musulmans, n'est-ce pas ?

23 R. Dans mon village il y avait une population majoritaire musulmane. Et il

24 y a eu deux communautés, une communauté plus nombreuse, la communauté

25 musulmane, et une communauté constituée d'une population ou d'une partie de

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1 la population serbe.

2 Q. Bon. Dans cette unité qui s'est constituée dans votre village à vous,

3 dans cette partie musulmane de l'agglomération, les quelques membres qui

4 étaient Serbes c'étaient des gens venus d'une agglomération voisine, d'un

5 hameau voisin ?

6 R. Ecoutez, c'est le même cercle de hameau. Il y avait peut-être 20 ou 30

7 mètres qui séparaient l'un de l'autre, les uns des autres.

8 Q. Mais eux n'étaient pas de votre village à vous ? Ils venaient du

9 voisinage immédiat et ils vous ont quitté ?

10 R. Non. Ils venaient de notre village. Ça toujours était un seul et même

11 village, et nous avons toujours été considérés comme faisant partie d'un

12 seul et même village dans tous les documents possibles. Il y avait là en

13 sus des membres serbes de ces forces réservistes, il y avait des policiers

14 d'actives. Il n'y avait pas que des policiers de réserve.

15 Q. Je suppose qu'il y avait là quelques policiers d'actives en effet. Mais

16 avant les événements en question, y a-t-il eu dans ce village quelques

17 unités policières que ce soit ?

18 R. Oui, il y avait cette police de réserve.

19 Q. Mais attendez, la police de réserve, ce sont des civils qui sont chez

20 eux, qui restent chez eux, qui peuvent être des réservistes éventuellement,

21 mais il n'y avait pas de polices dans ce village ?

22 R. Non. Il n'y avait pas de polices régulières.

23 Q. Et du jour au lendemain, comme vous le dites vous-même, un groupe de 30

24 hommes armés se constituent dans votre village, se créent dans votre

25 village. C'est bien ainsi que ça c'est passé ?

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1 R. Ce n'est pas un groupe. C'est un poste de police de réserve enregistré

2 en tant que tel et ça fait partie du poste de police Doboj. Mais savez-vous

3 que ce poste de police n'a pas été créé à ce moment-là. Ce poste de police

4 a été créé avant, il y a 20 ans, ou 20 ans auparavant. Il y avait des

5 membres de la police de réserve qui avaient 15 ans d'années d'ancienneté et

6 qui avaient pour charge cette mission, cette fonction, et ils avaient des

7 armes chez eux qui n'ont jamais été contrôlées avant la guerre.

8 Q. Bon. Etant donné que la JNA quittait la Bosnie et que les Serbes entre-

9 temps n'ont pas réussi à organiser leur propre défense, est-il exact de

10 dire que, face à eux, il y avait un grand nombre d'unités ou de formations

11 paramilitaires au sein de ces communautés sociopolitiques constituées par

12 des Musulmans et partiellement par des Croates dans la partie nord de la

13 Bosnie ?

14 R. Je ne peux parler que de ma localité à moi parce que j'étais retraité à

15 ce moment-là. Je ne me déplaçais guère. Je ne sortais pas de chez-moi et je

16 vaquais à mes affaires uniquement.

17 Q. Bon. Mais savez-vous tout en vaquant à vos affaires et comme vous avez

18 fait partie de cette unité, vous avez aidé Refik Buljubasic à constituer

19 cette unité, ne savez-vous pas que dès le début de l'année 1992, en termes

20 pratiques et dans toutes les municipalités, il n'y a pas eu de

21 municipalités sans disposer d'unités plus ou moins grandes de la Ligue

22 patriotique du rassemblement, de la Garde nationale, des Bérets verts et

23 autres --

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons déjà examiné la question. Il

25 s'agit pas ici du premier témoin. Y en a eu beaucoup d'autres et vous avez

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1 entendu sa réponse. Il s'occupe de la région qui était la sienne. Vous

2 choisissez de lui poser des questions générales, c'est du temps perdu. Il

3 ne peut parler que de la région d'où il vient.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Bien. Avez-vous connaissance, dans votre région à vous, du fait que,

6 suite à l'existence de toutes ces formations, justement, formations qui se

7 sont créées à l'époque en 1992, donc il y a eu des victimes très nombreuses

8 parmi les Serbes, et notamment ces victimes ont été plus nombreuses,

9 justement en 1992 ?

10 R. Je voudrais juste savoir où.

11 Q. Par exemple, dans votre municipalité de Doboj, aussi. Avez-vous une

12 idée de l'entourage ou de l'encerclement où s'était trouvé Doboj et combien

13 de victimes il y a eu parmi les Serbes à Doboj ?

14 R. Messieurs les Juges, je m'adresse à vous pour dire, croyez-moi bien,

15 que je n'ai rien à voir avec tout cela. Je n'en ai pas, tout simplement --

16 pas entendu parler.

17 Q. Donc vous n'avez pas entendu parler de combat à proximité de Doboj, des

18 lignes de combat dans le secteur d'Ozren, et dans toute cette région de

19 tout ce qui se passait, où il y a eu des opérations de combat très intense

20 pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine ?

21 R. Oui. Si vous parlez du début de la guerre, et si vous m'interroger au

22 sujet du début de la guerre, il faut que vous compreniez que, pendant 520

23 jours, à savoir, pendant 17 mois, un peu moins de 18 mois, dirais-je, j'ai

24 été entre les mains de l'armée serbe.

25 Q. Bon. Penchons-nous sur ce que vous savez nous dire. Vous avez indiqué

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1 que les Serbes avaient érigé des barricades à Kostajnica. Kostajnica c'est

2 une partie de Doboj ?

3 R. C'est une agglomération en banlieue de Doboj.

4 Q. Une agglomération en banlieue. Bon, ils ont placé des barricades vers

5 la mi-avril 1992 ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous indiquez qu'ils ont mis deux nids de mitrailleuses à cet endroit-

8 là, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Et ces mitrailleuses étaient tournées vers Gornja Grapska, ce qui fait

11 que vous ne pouviez pas parvenir à Doboj ?

12 R. Oui. Tourné vers Gornja Grapska, dans la vallée suivant la rive droite

13 de la Bosna, donc toute cette région de la vallée jusqu'à Havna Poljina

14 [phon]. On ne pouvait donc plus communiquer. On ne pouvait plus sortir de

15 ma ville locale -- de mon village natal pour aller jusqu'à Doboj.

16 Q. Bon. Et la route pour traverser la colline et la forêt pour aller vers

17 Gracanica ?

18 R. Ce sont des routes forestières dont je m'étais servi, alors que j'étais

19 enfant. C'étaient des routes assez vieilles.

20 Q. Qui avait pris le contrôle de ces routes-là ?

21 R. L'armée -- l'armée serbe avait contrôlé ces routes.

22 Q. Bon. Mais savez-vous nous dire que c'est précisément en 1992,

23 notamment, au mois d'avril, justement dans la ville de Doboj, que les

24 Musulmans avaient érigé, de façon fréquente, des barrages routiers, et ils

25 ont entravé la communication, le trafic, l'approvisionnement de la

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1 population, et la circulation routière locale ?

2 R. Je voudrais ajouter quelque chose au sujet de cette route qui allait

3 vers Gracanica. On pouvait l'emprunter pour aller à Doboj, également. On a

4 emprisonné là huit civils, qui s'étaient dirigés par là pour sortir de

5 l'enfer de leur localité, et ils ont été faits prisonniers, ils ont tous

6 été emmenés en prison. Sur les huit, il y en a eu quatre qui ont survécu,

7 et les quatre autres ont été tués.

8 Q. Vous indiquez, au paragraphe 16, qu'en date du 8 avril, huit personnes

9 ont tenté de s'enfuir par cette route. Ils ont été arrêtés et emmenés vers

10 la prison de Spreca, à Doboj. Il y en a quatre qui ont été tués, et les

11 quatre autres ont été libérés. C'est ce que vous indiquez.

12 R. C'est ce que je viens de dire justement.

13 Q. Mais comment savez-vous que ces quatre autres ont été tués ?

14 R. Je le sais parce qu'ils n'ont pas fait leur réapparition à ce jour.

15 Deuxièmement, l'un des quatre a été retrouvé à Slavonski Brod après la

16 guerre lorsqu'on a exhumé des fosses communes. Et, par analyse ADN, il

17 s'est avéré qu'il s'agissait de l'un de ces quatre [sic].

18 Et lorsque ces huit personnes ont été emprisonnées, à l'occasion des

19 échanges avec la Croatie par la Sava vers Slavonski Brod, ils ont fait

20 sortir ces quatre personnes dans des sacs en plastique et ceux-ci ont

21 enterrés là-bas. Mais, une fois que ces événements ont pris fin, on a pu

22 constater que l'une de ces personnes exhumées était l'une des quatre [sic].

23 Q. Mais je crois que l'on avait procédé à des échanges de corps de

24 personnes qui sont tombées au cours des combats.

25 R. Je sais -- j'ai indiqué que c'était l'un des cas du secteur de Modrica.

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1 Q. Mais comment savez-vous que c'est l'un des quatre [sic], ces quatre ne

2 sont pas morts à l'occasion de combats qui ont eu lieu à l'occasion des

3 tentatives de percer, et qu'il en est resté quatre prisonniers ? Vous

4 affirmez que quatre [sic] sont restés prisonniers, et quatre ont été tués.

5 N'est-ce pas là le contraire plutôt ?

6 R. Quand vous parlez de "percer", ce n'est le bon terme à utiliser. Ce

7 sont des gens qui ont essayé de quitter leur localité parce que leur vie

8 était en danger. Alors, de là à savoir s'ils étaient morts au combat, et

9 bien, les quatre qui sont sortis de prison et qui sont libres, qui sont un

10 peu partout en Europe -- qui sont disséminés un peu partout en Europe,

11 c'est eux qui disent que les choses se sont passées ainsi.

12 Q. Les huit qui ont emprunté cette route, vous affirmez qu'ils étaient

13 désarmés ?

14 R. Ils n'étaient pas armés, je les connais tous. Ces huit jeunes gens, je

15 les connais tous.

16 Q. Vous indiquez en page 4 du premier paragraphe -- le premier paragraphe,

17 de la page 4, j'entends. Dans la première des déclarations, vous dites que

18 vous avez créé une délégation qui est allée à Busletic. Quelques jours donc

19 avant ces événements, ils sont allés vers la maison de son frère, à

20 Kostajnica ?

21 R. Oui.

22 Q. Donc : "Il nous a convié là-bas pour nous dire de ne pas faire de

23 problèmes pour ce qui est des convois militaires qui traversaient notre

24 village."

25 Donc vous aviez une unité armée dans votre village et ils ont convenu avec

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1 vous de ne pas créer de problèmes parce que, si vous n'aviez pas une unité

2 armée dans votre village, vous n'auriez, de toute manière, pas pu créer de

3 problèmes aux convois qui passaient par là ?

4 R. Il est exact de dire que M. Boro Paravac a fait partie d'une délégation

5 et qu'il a dit que l'on ne voyait pas de la même façon l'armée yougoslave,

6 pour ce qui est des groupes ethniques musulmans et serbes. Ça, c'est bien

7 vrai.

8 Q. Bien. Mais aviez-vous arrêté ces convois ? Avez-vous tiré sur ces

9 convois ? Pourquoi vous a-t-il convié pour prévenir de la chose si vous ne

10 faisiez rien de tout cela ?

11 R. Je ne sais pas qui était censé pouvoir ouvrir le feu s'il on accepte

12 les réservistes de la police qui avaient des armes. Personne d'autres

13 n'avait des armes.

14 Q. Bon. Mais ces 30 hommes qui avaient des armes dans votre village,

15 avaient-ils ouvert le feu ou pas ?

16 R. Ils n'osaient même pas se manifester sur la grand-route, là où l'armée

17 passait -- où l'armée serbe passait et où les paramilitaires passaient. Ils

18 passaient des blindés de transport de troupes. Ils passaient tant de gens.

19 Au contraire, les derniers avaient ouvert le feu sur les magasins, sur les

20 cafétérias, sur les maisons pour faire peur à la population civile.

21 Et je me dois de dire qu'à ce moment-là, suite à ces passages-là, les gens

22 n'osaient plus habiter chez eux. Ils se sont retirés plus loin -- le plus

23 loin possible de cette route principale.

24 Q. Bien. Dites-moi, s'il vous plaît, savez-vous -- ou êtes-vous au courant

25 de l'existence de barrages routiers que vous aviez -- quand je dis "vous",

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1 je ne pense pas à vous-même, mais vos effectifs à vous, qui ont été placés

2 dans les villages de Jokovac, Seslije, où l'on a coupé la circulation

3 routière en direction de Derventa et de Modrica. En est-il été ainsi ou

4 pas ?

5 R. Je n'étais pas là-bas. Je voudrais ajouter seulement que là-bas, dans

6 cette région, il vivait une population majoritairement croate; cependant,

7 je voudrais dire aussi que Boro Paravac nous avait prévenu pour ce qui est

8 de notre comportement à l'égard de l'armée serbe parce que, précisément,

9 lorsqu'ils ont combattu dans le secteur de Brod et dans le secteur Modrica,

10 lorsque l'armée serbe avait des combats là-bas, tous les blessés et tous

11 les moyens matériels et techniques militaires, ainsi que les soldats qui

12 étaient là, devaient se diriger en direction de Doboj. Il s'agissait de

13 sécuriser la route qui conduisait vers l'hôpital. Alors, parlant de ces

14 routes, je vous dirai que je n'y étais pas, mais il est probable qu'ils ne

15 pouvaient pas se déplacer depuis Brod à Doboj, tout comme en provenance de

16 Modrica de l'autre côté de la rivière Bosna dans la même direction.

17 Q. Vous parlez de Brod, mais avez-vous connaissance du fait que c'est

18 précisément dans le secteur de Brod, dans le secteur des villages, dans le

19 village de Sijekovac qu'il a été réalisé ou exécuté un massacre de Serbes.

20 C'était à proximité de là où vous étiez. Vous étiez forcément censé le

21 savoir.

22 R. C'est éloigné de quelque 50 kilomètres de là où j'étais. Voyez-vous, je

23 voulais dire que j'ai entendu dire -- j'ai entendu parler de cela après la

24 guerre lorsqu'à la télévision, il y a eu des émissions à ce sujet. On a

25 parlé de cet incident dans le village de Sijekovac.

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1 Q. Qu'avez-vous entendu dire ?

2 R. D'après les récits qui ont courus, les récits des parents de ces jeunes

3 gens qui ont été tués.

4 Q. Qui est-ce qui a été tué là-bas ?

5 R. Je n'en sais rien de ceux qui ont été tués.

6 Q. Mais les victimes étaient-elles Serbes ou autres ?

7 R. Si les Serbes disent qu'ils ont perdu des enfants là-bas, cela ne

8 pouvait pas être quelqu'un d'autre. C'étaient des Serbes.

9 Q. Bon. Mais quand est-ce cela s'est passé ?

10 R. Ça je ne le sais pas vous le dire pour sûr. Je n'en sais rien.

11 Q. Y a-t-il eu, par la suite, croissance des tensions ou augmentation des

12 tensions dans la zone plus large, y compris, le secteur de Doboj après le

13 massacre perpétré, comme vous le dites, à quelque 50 kilomètres de la

14 localité où vous viviez ? Ce n'est pas si loin que cela.

15 R. Ce n'est pas si loin que cela, mais je vous répète qu'à l'époque, cela

16 ne m'intéressait pas du tout.

17 Q. Bon. Le fait que cela ne vous ait pas intéressé est une chose tout à

18 fait autre. Mais savez-vous qu'avant ces événements -- et vous avez précisé

19 que le 9 mai -- il y a eu des conflits à Doboj et puis, par la suite, il y

20 a eu des attaques contre vous, en date du 10 ? Mais ne savez-vous pas que,

21 dès le 4 avril, un mois avant cela, la présidence de la Bosnie-Herzégovine,

22 sans la présence des représentants serbes, avait adopté une décision

23 portant à mobilisation des réservistes de la police de la protection civile

24 quoique la Bosnie-Herzégovine ait encore fait partie de la Yougoslavie ?

25 R. Je suis au courant du fait qu'elle ait fait partie de la Yougoslavie,

Page 27580

1 mais je n'ai pas connaissance de la décision qui aurait été prise pour ce

2 qui est de la création de telles unités.

3 Q. Serait-il exact de dire qu'en 1992, notamment, le 8 [sic] avril, et je

4 suppose que vous devez vous en souvenir, vous étiez libre, vous étiez

5 encore dans votre village à vous ? C'était six jours après la

6 reconnaissance de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Alija

7 Izetbegovic a donné l'ordre, une attaque généralisée à lancer sur les

8 casernes de la JNA sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

9 R. Je n'en ai pas connaissance.

10 Q. Puisque vous parlez des événements qui sont survenus le 9 et 10 mai,

11 d'après mes renseignements, et je vais vous demander tout simplement de me

12 dire si ces renseignements sont exacts ou pas. Le 3 mai, à savoir, six

13 jours avant le 9, des unités de l'armée de la police ont enlevé les

14 barrages routiers et autres obstacles érigés à Doboj et organisés par les

15 dirigeants du HDZ et du SDA, Du fait de ces obstacles, les parties serbes

16 de la ville avaient été isolés et coupés, or c'était important puisque

17 cette route menait, notamment, vers l'hôpital et d'autres établissements

18 importants de la ville.

19 R. A cette époque-là, je ne me trouvais pas à Doboj. Je ne sais pas, non

20 plus, de quel barrage routier vous parlez. Je ne sais pas à quel moment il

21 y a eu l'attaque militaire sur la ville, le 3 mai 1992. C'était un dimanche

22 et les civils, qui étaient restés, sont partis à la hâte. Je ne vois pas où

23 se trouvaient ces barrages et ce que c'étaient.

24 Q. Le 3 mai, l'armée et la police ont enlevé les barrages érigés par les

25 forces musulmanes.

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1 R. Messieurs les Juges, je me dois de répéter ce que j'ai déjà dit. Il n'y

2 avait pas de barrages routiers à ces endroits. Et je le répète, ce sont les

3 forces serbes qui, ce jour-là, un dimanche, le 3 mai 1992, ont attaqué la

4 ville de Doboj avec de nombreux effectifs et de toute part, ce qui a poussé

5 la population non-serbe à s'enfuir pour sauver leurs vies. Ils ont quitté

6 leurs foyers.

7 Q. Ceci est tiré de son contexte, mais savez-vous que, le 6 mai, des

8 unités régulières de Croatie ont attaqué et tué des habitants serbes à

9 Vitusic, un village ?

10 R. Je n'affirmerai pas le contraire, mais je ne suis pas du tout au

11 courant car, à ce moment-là, j'étais déjà encerclé et je n'avais aucun

12 contact avec des personnes qui auraient été à l'extérieur de mon village.

13 Q. Donc vous n'êtes pas du tout au courant et pourtant tous ces événements

14 ont eu lieu avant les 9 et 10 mai dont vous parlez.

15 R. Non. Je ne suis pas au courant.

16 Q. Le 6 mai, là je suis sûr que vous savez, c'est la St-Georges ce jour-

17 là, fête orthodoxe. C'est le saint patron de bon nombre de Serbes, St-

18 Georges.

19 R. Peut-être que c'est le cas, mais ce n'est pas le jour de la fête de ma

20 famille, donc je ne suis pas au courant.

21 Q. Mais c'est précisément ce jour-là, le 6 mai, le jour de la St-Georges,

22 que les forces croates ont tué la population serbe de ce village, à savoir,

23 trois jours avant les événements que vous, vous décrivez.

24 R. Messieurs les Juges, je dis que c'est possible; cependant, je ne suis

25 pas au courant, pas du tout.

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1 Q. Mais savez-vous que, mis à part cette attaque-là, un assassinat de ces

2 gens, les actes de pillage et d'incendies dans le village de Vitusica, à

3 Majevac, village voisin de la municipalité de Doboj, ainsi qu'à Brezik, il

4 y a eu un sort similaire réservé à la population ?

5 R. Je connais les villages mentionnés par M. Milosevic, mais c'est à cause

6 de la guerre, nous y avons été emmené pour travaux forcés. On a dû faire

7 des travaux agricoles.

8 Q. Si vous étiez sur les lieux, je suis sûr que vous avez entendu parler

9 d'un certain Milos Milenko Savetic, de la famille Savetic. Vous savez que

10 toutes les maisons de cette famille ont été incendiées le 6 mai, trois

11 jours avant les événements dont vous parlez. Il y a eu une descente dans la

12 municipalité de Doboj et à Ritesice, Majevac, des maisons ont été

13 incendiées, des gens ont été tués. Etes-vous au courant ?

14 R. Je dois vous avouer que je ne suis pas du tout au courant. Je n'ai pas

15 mentionné les événements dont vous parlez maintenant.

16 Q. Mais avez-vous un seul nom -- le nom d'une personne qui aurait tué

17 parmi ceux qui ont été tués ? Je ne dis pas que c'est vous qui l'auriez

18 dit. Je vous demande simplement si vous connaissez la moindre personne qui

19 a été tuée ce jour-là, au cours de cette attaque du 6 mai.

20 R. Je sais qu'il y avait une mésentente générale dans les environs, mais

21 je n'ai vraiment pas de noms de personnes qui auraient été tuées.

22 Q. Vous souvenez-vous d'un autre événement là ? Mirko Dejanovic de Majevac

23 était allé à Ritesice pour enlever des corps -- le corps plus exactement

24 d'un voisin tué. Il voulait ensevelir cet homme, mais, en fait, cet homme a

25 été tué de façon très brutale, très violente. On s'est servi d'une hache

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1 pour lui couper la tête. C'est quand même quelque chose dont tout le monde

2 se souvient si on a vécu dans cette région.

3 R. Croyez-moi, je ne suis pas du tout au courant.

4 Q. Jela Titura, est-ce que ça vous dit quelque chose, quelqu'un de

5 Vitusica ?

6 R. Non, mais, vous savez, ce n'est pas tout près de chez-moi. Je suis bien

7 passé de temps à autre, rarement par là, mais je ne connaissais pas du tout

8 les habitants.

9 Q. Et bien, passons à des éléments plus concrets de votre déclaration au

10 préalable. Paragraphes 16 et 17 [sic], là vous affirmez que les formations

11 régulières de l'armée, que les unités de réserve et les unités

12 paramilitaires étaient casernées à Doboj dans le village de Miljkovac,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Et vous dites qu'ils y étaient logés, qu'ils y recevaient une

16 instruction, et que c'est de là qu'ils sont partis sur les champs de

17 bataille ? N'est-ce pas ce que vous dites au paragraphe 12 ?

18 R. Oui.

19 Q. Mais expliquez-moi ceci, si votre village était coupé de Doboj, comment

20 auriez-vous pu voir tout ceci ? Comment auriez-vous pu voir ces unités

21 paramilitaires, les Aigles blancs, les hommes de Martic, les Tigres, le

22 Knindzas et toutes ces autres formations que vous mentionnez ? Comment

23 auriez-vous pu voir les arriver ? Moi, je vous ai posé des questions à

24 propos de massacres de Serbes dans ces villages et là vous dites vous étiez

25 assiégés et vous n'étiez au courant de rien ? Comment avez-vous pu voir

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1 tout ceci, si vous étiez assiégés ?

2 R. Je voudrais avoir la possibilité de m'expliquer. S'agissant de ces

3 affirmations, moi je campe sur ma position. Je dis que, pendant à peu près

4 cinq mois, 150 jours, chaque jour, sans arrêt, j'étais à la caserne du 4

5 juillet. J'y ai travaillé. J'ai aidé à certains officiers à emménager. Je

6 m'occupais de tâches de jardinage, je m'occupais des fleurs, des différents

7 arbustes, j'ai repeint des clôtures pendant que l'armée suivait sa

8 formation. J'y étais tout le temps. Ce sont donc des choses que j'ai vues

9 de mes propres yeux, ce qui se trouve consigné dans ma déclaration au

10 préalable.

11 Q. Fort bien. Vous vous dites que vous êtes occupé des fleurs, que vous

12 avez repeintes des clôtures, ce genre de chose. Il y a un instant, vous

13 nous avez dit que vous aviez été cherché des corps, que vous aviez retrouvé

14 des dents qu'on avait fait sauter de la tête des gens. Alors comment est-ce

15 que ceci -- est-ce que ceci fait partie des activités de jardinage, des

16 fleurs et des arbustes ?

17 R. Oui, c'est ce que j'ai fait et tous les autres détenus aussi qui

18 étaient incarcérés avec moi l'ont fait. Nous avons creusé les tombes des

19 morts, mais on s'est occupé aussi des parterres. Et nous nous sommes même

20 occupés de jardins appartenant à des individus dans des propriétés privées.

21 On a été récolté le mais, on a coupé la pelouse, on a préparé le bois pour

22 l'hiver.

23 Q. Vous venez d'énumérer bon nombre d'activités. Vous vous occupiez des

24 fleurs, du mais, vous faisiez les meules de foin, vous avez enterré des

25 corps, vous avez fait de l'agriculture, mais ceci ne semble pas vraiment

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1 cadré avec les autres tâches qui vous étaient assignées. L'enterrement des

2 corps, l'ensevelissement des cadavres, à quel moment l'avez-vous fait ?

3 R. Et bien, quand on allait à la caserne, je n'étais pas seul. Nous étions

4 nombreux. Les autres venaient avec moi et il m'arrive aussi d'y aller seul.

5 Q. Très bien, Monsieur le Témoin, vous êtes le premier à dire qu'il a vu

6 en Bosnie-Herzégovine des espèces de Bérets rouges monténégrins ?

7 R. Exact.

8 Q. Et qu'ils en auraient formé 300 de ces hommes, mais est-ce que vous

9 savez qu'il n'y a jamais eu une telle unité de Bérets rouges monténégrins ?

10 R. C'était des Bérets serbo-monténégrins.

11 Q. Fort bien. Vous êtes le premier à nous parler de Bérets rouges

12 monténégrins. Vous ajoutez que votre unité de polices de réserve, même si,

13 à votre avis, ce n'était pas une unité paramilitaire, n'est-ce pas ?

14 R. Non. Nous n'avions pas du tout l'intention de constituer une telle

15 unité et ce n'est donc pas le traitement qu'on leur réservait.

16 Q. Oui. Mais vous dites que le 10 mai, votre village a été attaqué et que

17 c'est Stankovic qui était de la JNA qui a mené l'attaque.

18 R. Oui, Milovan Stankovic, en personne, c'était un commandant de la JNA,

19 pour être plus précis.

20 Q. Et comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion ? Est-ce que vous

21 avez reçu des renseignements à cet effet plus tard ? Comment avez-vous pu

22 déterminer qui avait mené l'attaque ? Qui commandait les forces

23 assaillantes ?

24 R. Le jour où on a été évacué du village, je l'ai vu, il était debout

25 devant un char à l'entrée du village. Un an plus tard, lorsque je suis

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1 revenu de Banja Luka, on est parti couper du bois au mont Ozren et il s'y

2 trouvait. C'est lui en personne qui m'a dit qu'il avait été un des

3 principaux responsables, qu'il était à la tête des forces qui avaient

4 attaqué mon village.

5 Q. Mais savez-vous que, par exemple, le 11 mai, c'est le jour où la

6 dernière unité de la JNA s'est retirée de la municipalité de Bosanski Brod,

7 or le retrait avait commencé bien avant cela. Donc il ne pouvait y avoir

8 d'unités de la JNA le 10 mai, et là vous donnez

9 17h00 comme heure de l'attaque, donc c'est vers la soirée ça ?

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Une chose à la fois. Monsieur

11 le Témoin B-1115, il est ici avancé qu'il était impossible que la JNA soit

12 présente sur les lieux puisqu'elle était sensée déjà s'être retirée. Est-ce

13 qu'il y avait présence ce soir-là, au moment de l'attaque, présence donc

14 d'une unité de la JNA ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. D'accord, alors expliquez-moi ceci. Ce que vous avez écrit, je pense au

18 paragraphe 18, ou c'est plutôt, au troisième paragraphe, de la page 4, vous

19 dites que : "L'attaque dirigée contre mon village a commencé le 10 mai

20 1992, et elle était menée par les Serbes de la région d'Ozren."

21 R. Exact.

22 Q. Je vous ai lu toute la phrase. Ça voulait dire que l'attaque de votre

23 village le 10 mai 1992, d'après ce que vous, vous affirmez et la base de

24 votre déposition, c'est une déclaration au préalable, ce n'est pas un

25 témoignage fait ici au cours des débats. Là vous dites que l'attaque était

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1 menée par des Serbes de la région d'Ozren, puis vous dites que : "Stankovic

2 était à leur tête, était leur commandant."

3 R. Oui.

4 Q. Mais sur quoi vous basez-vous ? Vous dites qu'ils étaient en tenue de

5 camouflage de la JNA, qu'ils étaient bien armés d'accord, mais vous avez

6 dit que c'étaient des Serbes de la région d'Ozren, pas des membres de la

7 JNA. C'est ce que vous dites dans la phrase précédente ?

8 R. D'après ce que je sais, Stankovic c'était un officier d'active de la

9 JNA.

10 Q. Il était de la région d'Ozren, ce Stankovic, il était commandant de

11 l'armée, de la Republika Srpska, dans le secteur d'Ozren. Ce n'était pas un

12 officier de la JNA ?

13 R. Oui, c'était bien possible.

14 Q. Donc, dans votre déclaration au préalable, vous ne dites pas simplement

15 que vous avez été attaqués par la JNA. Vous dites que l'attaque a été menée

16 par des Serbes de la région d'Ozren. Or Ozren c'est une montagne près de

17 Doboj, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Donc vous dites que ce sont les Serbes qui vous ont attaqué et

20 maintenant vous affirmez en plus que c'est la JNA qui a mené cette

21 attaque ?

22 R. Si vous me le permettez, Messieurs les Juges, je dois dire que, le 11

23 mai 1992, lorsque je suis arrivé à l'école primaire Vuk Karadzic, là où

24 j'ai passé la nuit avec les autres habitants de mon village natal, le

25 lendemain on nous a fait nous aligner dans le camp de formation et c'est là

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1 que j'ai vu qu'il y avait encore des membres de la JNA, car mon fils, il

2 était étudiant à l'académie militaire de Belgrade. Il était à mes côtés, il

3 m'a dit : "Papa, cet homme-là il s'appelle Ozegovic. Il vient de cette

4 unité militaire, et il était professeur à l'académie. Il enseignait la

5 défense."

6 Q. Vous avez parlé d'une attaque déclenchée par des Serbes de la région

7 d'Ozren, est-ce que vous maintenez votre affirmation, à savoir que c'était

8 une attaque dirigée contre votre village, et qu'elle aurait été le fait de

9 la JNA. Vous affirmez et vous continuez d'affirmer cela ?

10 R. C'était une attaque conjointe avec des formations de la JNA.

11 Q. Je vois. Tout cela parce qu'en professeur de l'académie militaire qui

12 était sans doute originaire de la région était présent.

13 R. Oui. C'était un professeur, mais en plus de ça, c'était un officier de

14 la JNA. En fait, il avait le grade de lieutenant-colonel.

15 Q. C'est le grade qu'il avait auparavant, mais est-ce qu'il était

16 originaire de la région ?

17 R. Non. Jamais je n'avais entendu parler de lui auparavant.

18 Q. Je vois. Jamais vu ni entendu parler auparavant. Mais savez-vous que ce

19 sont précisément les villages serbes de la région qui ont été vidés. Il n'y

20 avait plus d'habitants puisque les habitants s'étaient réfugiés ailleurs,

21 suite aux attaques que j'ai décrites il y a un instant ?

22 R. Je ne sais pas comment expliquer ce fait, mais ces villages n'ont pas

23 été évacués nulle part. Le 9 mai, la veille donc de l'attaque dirigée

24 contre mon village natal, nous voulions nous tous quitter le village,

25 partir. Mais le village voisin où il y avait des populations serbes ne nous

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1 a pas permis de partir. Les habitants nous ont renvoyé dans notre village

2 afin qu'ils puissent nous attaquer le lendemain.

3 Q. Mais qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous vouliez dire que les Serbes

4 ne vous ont pas autorisé à partir, est-ce que vous parlez de certaines des

5 unités de l'armée de la Republika Srpska qui auraient bloqué la sortie,

6 vous ont empêché le passage ?

7 R. Exactement.

8 Q. Mais est-ce que vous savez qu'il y avait un problème énorme de

9 réfugiés. Il fallait trouver un logement pour eux, des vivres, et à Doboj,

10 des personnes s'étaient réfugiées des villages qui avaient été vidés vu le

11 massacre qu'on faisait la population et que ceci a posé des problèmes

12 énormes pour les dirigeants tant politiques, civils, que militaires. Il y

13 avait énormément de réfugiés à Doboj ?

14 R. C'est peut-être vrai, mais moi j'étais déjà en prison, donc comment

15 auriez-vous voulu que je contrôle, que je connaisse cette situation.

16 Q. Mais savez-vous que vu le retrait de la JNA, Doboj risquait de se

17 retrouver encercler, assiéger par les forces croato-musulmanes, et qu'elle

18 risquait de se trouver tout à fait couper.

19 R. Là je ne suis pas au courant pourquoi est-ce que Doboj aurait été

20 assiégé ? De quelles armes se serait-on servi pour encercler la ville ?

21 Q. Mais vous l'avez dit vous-même, il y a un instant, bien avant les

22 événements, vous aviez entendu dire qu'il a y avait eu des choses à Brod, à

23 Sijekovac où une brigade régulière avait tué la population serbe, et ça

24 avait été la première action organisée d'attaque dans le territoire de

25 Bosnie-Herzégovine, où il y avait eu des crimes commis à grande échelle.

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1 R. C'est peut-être bien possible, mais je ne suis pas au courant. Moi je

2 parle de mon village natal et de sa défense.

3 Q. Mais savez-vous qu'une ligne de défense avait été établie par Doboj le

4 long de la rivière Bosna pour assurer la défense ? Etes-vous au courant ?

5 Ça a été établi en mai ?

6 R. Non, je ne suis pas au courant.

7 Q. Mais savez-vous qu'on pensait qu'une percée signifierait une

8 catastrophe pour la population locale ainsi que pour les réfugiés serbes,

9 et qu'on a eu beaucoup de peine à débloquer cette route qui passe par

10 Grapska, et par Modrica notamment, route qui avait été bloquée auparavant ?

11 R. Je ne suis pas au courant.

12 Q. Là on a libéré cette route précisément en passant par votre village.

13 R. Messieurs les Juges, je dois dire que mon village, à peu près un mois

14 avant l'agression dont il avait été victime, était déjà encerclé. Pas de

15 communication. On était coupé. On ne savait pas ce qui se passait à Doboj

16 et dans les environs.

17 Q. C'est vrai que ce n'était pas une attaque, on a simplement débloqué la

18 route pour éviter un siège, un blocus complet. On parlait de la route qui

19 va de Doboj en passant par Grapska et Modrica, notamment ?

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin n'est pas au courant. Il vous

21 reste environ six minutes, Monsieur Milosevic.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Difficile de tout aborder en l'espace de six

23 minutes, Monsieur May. Vous avez sans doute l'impression, je m'en rends

24 bien compte, que la seule priorité c'est le temps, mais je dois quand même

25 poser certaines questions.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Rappelez-vous que ces jours là, les unités musulmanes ont déclanché une

3 attaque sur Vijenac, une des hauteurs les plus importantes du Mont Ozren

4 qui revêtait une grande importance militairement parlant pour les forces

5 serbes ? Sinon, ceci mis à part, c'est une région où il y a une population

6 serbe, n'est-ce pas ?

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous plaignez toujours de ne pas avoir

8 assez de temps. Pourtant que faites-vous dans vos contre-interrogatoires,

9 vous ne contestez pas les dires du témoin, vous contrecarrez en présentant

10 des griefs à propos de ce que les Musulmans ont fait contre les Serbes ou

11 aux Serbes. C'est ce que vous faites dans tous les contre-interrogatoires.

12 Vous n'avez pas contesté ce qu'a dit notamment le témoin, à savoir que 34

13 civils ont été tués au cours de cette attaque. Parlez en, reprenez ce que

14 le temoin a dit plutôt que de parer à cela en donnant des contre

15 allégations. Vous savez que ce n'est pas là, bon moyen de défense.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une allégation dans le sens contraire anéanti

17 l'allégation initiale, moi, il se peut que je ne comprenne pas bien. Mais

18 moi je n'ai pas d'information sur laquelle on aurait attaqué Grapska.

19 Pourtant j'ai des renseignements, disant qu'on a levé le blocus qu'il y

20 avait sur cette route qui va vers Predrovo et Vucak, parce que Doboj était

21 menacé d'un siège complet. Ce que je demande au témoin ce sont des

22 questions qui portent sur l'attaque menée sur Vijenac, un relief très

23 important pour la défense des positions serbes.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pouvez-vous nous aider sur ce point,

25 Monsieur le Témoin ? On allègue ici que Vijenac a été attaqué par des

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1 forces musulmanes, attaque dirigée contre les Serbes. A votre connaissance,

2 y a-t-il eu une telle attaque ou pas ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas au courant.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Hazim Dzinic, c'est un exemple, c'est un Musulman, "Nasi Dani", un

6 journal de Zenica, à la page 7, le 23 septembre 1992, se parle des combats

7 de Mahala au dessus de Doboj à la fin avril 1992, où l'on dit qu'après un

8 combat de deux jours et deux nuits, les Musulmans ont infligé de lourdes

9 pertes aux Serbes. Est-ce que ça veut dire quelque chose pour vous ? Est-ce

10 que vous connaissez le contenu de cet article ? Nous parlons de la fin du

11 mois d'avril 1992, dans le quartier de Mahala, au dessus de Doboj pendant

12 deux jours et deux nuits les Musulmans ont infligé de lourdes pertes aux

13 Serbes.

14 R. Ce monsieur dont vous parlez, c'est un professeur de droit, Hazim

15 Dzinic. Je le connais très bien. Il vient de mourir récemment. Vous

16 mentionnez quelque chose que je ne connais vraiment pas du tout.

17 Q. S'il est mort récemment, ça ne veut pas dire pour autant qu'en

18 septembre 1992 dans ce journal dont j'ai donné le nom à la page que je vous

19 ai indiqué, il n'aurait pas écrit ce que j'ai dit. Vous n'êtes pas du tout

20 au courant alors que vous êtes de la région ?

21 R. Non. Je ne connais pas.

22 Q. Vous souvenez-vous de Zevudin Zonic, [phon] Mensur Brkic et Kresimir

23 Zubak ? Il s'agit du commandement de la TO qui contrôlait ces opérations à

24 l'époque.

25 R. Je ne connais de ces trois noms que celui de Kresimir Zubak. Il

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1 travaillait au ministère public à Doboj avant la guerre.

2 Q. Et savez-vous qu'ils avaient planifié l'évacuation de la population en

3 direction de Tesanj ? Ceci s'est fait début mai, le 8 mai exactement. On a

4 constitué certaines lignes de séparation à ce moment-là.

5 R. Si nous parlons du début mai, la seule conclusion qu'on puisse tirer,

6 c'est que les habitants qui étaient restés, à savoir, les malades, les

7 personnes âgées, et elles ne pouvaient qu'être évacuées de Doboj.

8 Q. Fort bien. Votre propre journal, Oslobodjenje, le 11 mai 1992, donc, ça

9 veut dire que l'article a été rédigé au plus tard le 10, si le journal est

10 sorti le 11, on dit à la page 3 de ce numéro-là : Il faut expulser les

11 Serbes de Doboj et je cite : "Evaluation du champ de bataille indiquant que

12 d'ici à la fin du mois, vu les avancées déjà réalisées par des unités de

13 défense, toute la région allant de Bosanski Brod à Doboj sera nettoyée de

14 ces Serbes."

15 Ceci a été dit dans votre journal le 11 mai et puisque, en fait, un article

16 rédigé la veille de sa parution, ça voulait dire que toute la région de

17 Bosanski Brod à Doboj, dont Doboj, devait être nettoyé de ces Serbes.

18 R. Si vous parlez du 11 mai, ce jour-là, le 11 mai 1992, moi, je

19 combattais, je luttais pour survivre pour que ma famille qui m'accompagnait

20 survive. Il y avait aussi des enfants en bas âge avec moi.

21 Q. Moi, je parle ici de batailles de grandes envergures et votre parti

22 prévoyait une victoire, la capture de Brod, de Doboj et de toute la région.

23 R. Je comprends bien ce que vous voulez dire.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Ce sera votre dernière question,

25 Monsieur Milosevic.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, --

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais vous avez depuis longtemps posé des

3 questions à ce témoin à propos de choses dont il n'est pas au courant.

4 Inutile de perdre le temps du Tribunal de la sorte. Vous aurez toute

5 l'attitude, vous le savez bien, de présenter vos propres moyens concernant

6 des événements survenus dans cette municipalité. Mais il ne sert à rien de

7 persister et de continuer à poser des questions à ce témoin à propos de

8 choses dont il affirme dont il ne connaît rien. Il a répondu. Il a dit

9 qu'il luttait pour sa propre survie. C'est de cette façon-là qu'il a

10 répondu.

11 Il faut continuer. Il faut avancer. Vous avez encore le temps de poser une

12 question.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je veux la poser. Mais donnez-moi un peu

14 plus de temps car j'ai beaucoup plus de questions à poser à ce témoin.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez encore le temps de poser une

18 question. Mais vous connaissez les règles qui s'appliquent. Vous bénéficiez

19 d'une heure. Il faut en tirer le meilleur escient, le meilleur parti

20 possible.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur le Témoin B-1115, vous dites que les Serbes ont organisé des

24 lieux de détention, des prisons, pour les habitants musulmans et croates.

25 R. Oui.

Page 27595

1 Q. Est-il vrai que ces prisons, elles existaient déjà auparavant ?

2 C'étaient des lieux de détention provisoire. Ça n'a pas été des prisons

3 uniquement pour les Musulmans et pour les Croates mais pour tous ceux qui

4 avaient enfreint la loi, pour ceux qui avaient tué, dressé des embuscades,

5 avaient en fait, enfreint les règles de la circulation ou arrêté la

6 circulation. Ce n'était pas simplement des prisons pour les Musulmans et

7 pour les Croates mais pour tous ceux qui avaient enfreint la loi.

8 R. Dans ma déclaration, j'indique divers lieux et j'ai dit qu'il y avait

9 notamment une prison qui, avant la guerre, était une prison pour la région

10 de Doboj. Normalement, il m'était possible d'accéder à ces prisons et je

11 savais qu'il y avait des lits, suffisamment d'espace pour se déplacer.

12 Cependant, pendant la guerre, on a enlevé les lits des cellules. On a jeté

13 par terre des matelas synthétiques et puis il y avait des conditions

14 vraiment, c'était tellement bondé que vous aviez quelque fois trois hommes

15 qui devaient utiliser un lit d'un mètre de large. Il n'y avait que des

16 Musulmans et des Croates. Pas un seul Serbe dans cette prison.

17 Q. Il y avait à ce moment-là combien d'hommes dans la prison ?

18 R. Je peux vous dire qu'il y avait au moins 5 000 hommes qui y sont

19 trouvés.

20 Q. Et pour chacun de ces 5 000 hommes, vous affirmez que pas un seul

21 n'était un Serbe ?

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce sera votre dernière question.

23 Répondez, Monsieur le Témoin. Une question vous a été posée à propos de ces

24 5 000 hommes. Etes-vous en mesure d'affirmer et de maintenir que pas un

25 seul de ces 5 000 hommes n'était Serbe ?

Page 27596

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je me trouvais dans la pièce 6534 [sic]

2 dans ces locaux. Il se peut que je n'en aie pas mentionné d'autres. Il n'y

3 avait pas un seul Serbe. Il n'y avait que des Musulmans et des Croates.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation] Merci.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Kay, vous avez la parole.

6 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

7 Q. [interprétation] Dans votre déclaration au préalable, vous parlez de la

8 caserne de la JNA à Doboj, paragraphe 12 ainsi que le paragraphe 13.

9 Cette caserne, est-ce que ça avait été depuis ou pendant de nombreuses

10 années auparavant une des bases de la JNA ?

11 R. Oui.

12 Q. Et de même, la caserne de la JNA à Sevarlije ?

13 R. Oui.

14 Q. C'était une caserne qui existait déjà avant le conflit ?

15 R. Oui.

16 Q. Merci.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je voudrais vous demander ceci.

18 Je voudrais verser au dossier le document que j'ai reçu de la partie

19 adverse. Puisque c'est un témoin protégé, je ne peux pas donner son nom

20 mais on y voit son patronyme, le prénom de son père et ce document montre

21 qu'en application de l'Article 124 du code pénal, était accusé

22 d'insurrection armée. Je ne trouve pas ceci dans la traduction. Oui, je

23 vois, "oruzana pubuna," insurrection armée dans la version manuscrite

24 original. Article 124 du code pénal. J'en demande le versement puisque j'ai

25 reçu ce document de la partie adverse. Je suppose que celle-ci ne va pas

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1 soulever d'objections.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que nous avons un exemplaire ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le numéro est 021275 -- non. 02127551. On

4 mentionne son nom mais la traduction n'a pas de numéro ERN.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avons-nous un exemplaire ?

6 Mme BIBLES : [interprétation] J'ai des exemplaires à l'étage supérieur.

7 J'en ai un ici.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous aimerions y jeter un coup d'śil.

9 Merci.

10 Nous avons reçu un exemplaire --

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur B-1115, vous avez entendu ce

13 qu'a dit l'accusé, ce qu'il a lu, il a laissé entendre que vous avez été

14 accusé d'insurrection armée. Etes-vous au courant de ces accusations

15 portées contre vous ?

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une brève

18 explication.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces éléments de réserve, tous ceux qui avaient

20 des cannons longs, tous ont été accusés d'insurrection armée. Nous avons

21 été au Tribunal plusieurs fois à Banja Luka et à Doboj.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et que c'est-il passé ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Simplement, nous avons été interrogés par les

24 Juges, c'était difficile. La partie la plus difficile, c'était d'y parvenir

25 à ce Tribunal. Nous avons dû passer devant des soldats qui nous frappaient,

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1 mais rien au fond, rien de particulier mis à part cet homme mort, qui

2 d'après les autorités de la Republika Srpska, autorités militaires plus

3 exactement, disaient que nous avons organisé une insurrection armée.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a eu un procès,

5 Monsieur le Témoin B-1115 ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, simplement un interrogatoire.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, ce document sera versé au dossier,

8 cote de la défense.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la pièce de la défense D-194,

10 sous pli scellé.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Bibles, avez-vous des questions

12 supplémentaires ?

13 Mme BIBLES : [interprétation] Non.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

15 Monsieur le Témoin B-1115, ceci met fin à votre déposition. Merci d'être

16 venu témoigner au Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais vous

17 retirer.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Pack, nous allons nous occuper de

21 ceci. Nous avons maintenant reçu toute une série de documents. Je pense

22 qu'ils avaient été admis aux dossiers, en application de l'Article 92 bis.

23 Pourriez-vous nous aider à ce propos ? Pourrions-nous en occuper

24 maintenant.

25 Mme PACK : [interprétation] C'est une liasse de déclarations, plus

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1 exactement de comptes rendus admis aux dossiers sans qu'il y ait contre-

2 interrogatoire suite à la requête déposée pour Brcko en application du 92

3 bis. C'est ce que vous avez reçu.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Vous devrez examiner ces

5 documents avec la Greffière d'audience et attribuer des cotes qu'il faut.

6 Vous avez la liasse de documents ?

7 Mme PACK : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Occupez-vous en avec la Greffière

9 d'audience, vous allez maintenant recevoir des cotes.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette liasse pour le Témoin B-1407,

11 portera la cote 556.

12 Mme PACK : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais il y a un

13 premier intercalaire dans cette pièce 556 qu'il faudra déposer sous pli

14 scellé.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Témoin 1408, liasse 92 bis, 557.

16 Mme PACK : [interprétation] Premier intercalaire sous pli scellé, s'il vous

17 plaît.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le Témoin B-1411, cote 558.

19 Mme PACK : [interprétation] Intercalaires 1 et 2 sous pli scellé, s'il vous

20 plaît.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les pièces pour Albert Charles Hunt,

22 cote 559. La liasse 92 bis pour le Témoin 1450, 560.

23 Mme PACK : [interprétation] Nous voudrions que les deux premiers

24 intercalaires soient déposés sous pli scellé.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et qu'est-ce que nous avons pour la cote

Page 27600

1 556 ?

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce présentée par le

3 truchement du Témoin B-1407 [sic] et pour la pièce 558 --

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons reçu ce témoin

5 1407 ? Moi, je ne l'ai pas reçu.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

7 Vous avez l'intention d'appeler le prochain témoin ?

8 Mme PACK : [interprétation] Oui, il s'agit du Témoin B-1445.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Après la pause.

10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

11 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je demanderais au témoin de bien vouloir

14 prononcer la déclaration solennelle.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pourrez vous asseoir.

18 LE TÉMOIN: B-1445 [Assermenté]

19 [Le témoin répond par l'interprète]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Pack, c'est à vous.

21 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que l'on

22 remette au témoin la liasse de documents relative à l'application de

23 l'Article 92 bis du règlement.

24 Interrogatoire principal par Mme Pack :

25 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin 1445, je vous prierais de bien

Page 27601

1 vouloir regarder les documents -- le document qui se trouve en haut de

2 cette liasse et de nous confirmer si, oui ou non, c'est bien votre nom

3 qu'on peut lire sur cette première page.

4 R. Oui.

5 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous signé une déclaration le 29 avril 1993,

6 aux fins de certifier que les déclarations, que vous avez faites

7 précédemment devant des représentants du bureau du Procureur de ce

8 Tribunal, étaient conformes à la vérité ?

9 R. Oui.

10 Q. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je demanderais le versement

11 au dossier de la liasse de documents relative à l'application de l'Article

12 92 bis, en tant que première pièce versée par le biais de ce témoin, et

13 j'en demande la conservation sous scellé.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

15 Juges, la pièce à conviction en question est la pièce 561, conservée sous

16 scellée.

17 Mme PACK : [interprétation] Merci beaucoup. Je demanderais maintenant que

18 l'on remette au témoin le reste des documents.

19 Q. Veuillez, Monsieur le Témoin, vous pencher sur l'intercalaire 1. Je

20 vous demande à ce sujet s'il s'agit bien d'un document additionnel à votre

21 déclaration préalable que vous avez signé le 13 octobre de cette année à la

22 Haye ?

23 R. Oui.

24 Q. Monsieur le Témoin, dans cette déclaration, faites-vous des

25 commentaires au sujet des documents qui vous ont été montrés à la Haye, et

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1 notamment de deux écoutes téléphoniques qui ont été auditionnées par vous

2 pendant votre séjour à la Haye ?

3 R. Oui.

4 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

5 demanderais que la déclaration additionnelle, que le témoin a faite pendant

6 son séjour actuelle à la Haye et qui a été communiquée à l'accusé le 13

7 octobre, c'est-à-dire, il y a deux jours, en même temps que d'autres pièces

8 à conviction mentionnées dans la déclaration préalable du témoin qui

9 figurent dans le classeur que vous avez à votre disposition, aux

10 intercalaires 2 et suivant, soient versées au dossier en application de

11 l'Article 89 (F) du règlement.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Nous parlons de la

13 déclaration préalable du témoin, c'est la première fois que nous l'avons

14 sous les yeux, bien entendu, et elle comporte 11 paragraphes.

15 Mme PACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous parlez de pièces à conviction, dont

17 il n'a pas été encore fait mention, n'est-ce pas ?

18 Mme PACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais qui ont été

19 communiquées en application de l'Article 65 ter à l'accusé le 13 octobre,

20 c'est-à-dire, il y a deux jours.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous donne mon avis personnel, mais

22 puisqu'il s'agit de documents nouveaux, le plus sage serait peut-être

23 d'admettre ces pièces à conviction, mais de donner du temps au témoin pour

24 qu'il puisse parcourir ces documents de façon à ce que chacun sache bien

25 quel en est le contenu, et que le témoin dépose oralement au sujet de ces

Page 27603

1 documents.

2 Maître Kay, vous voulez la parole.

3 M. KAY : [interprétation] Oui, ce sont des documents qui sont-- qui

4 apparaissent dans l'affaire assez tardivement, et qui sont versés en

5 application de l'Article 65 ter du règlement sans rapport direct avec la

6 déclaration préalable du témoin, donc il est possible que parmi eux se

7 trouvent -- ont été déjà communiqués parmi les dizaines de milliers et

8 centaines de milliers qu'il a reçus.

9 Il conviendrait donc d'accorder du temps à l'accusé -- il conviendrait donc

10 d'accorder un certain temps à l'accusé pour lui permettre de tirer le

11 meilleur profit de la lecture de ces documents, et de bien comprendre ce

12 dont il est question dans ces documents, ainsi que la nouvelle démarche

13 adoptée par le Procureur dans la présente déposition.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous admettons la déclaration préalable,

17 mais sous condition, la condition étant que le témoin devra traiter de ces

18 pièces à conviction dans sa déposition orale en indiquant les éléments les

19 plus importants qui figurent dans ces documents de façon à ce que les Juges

20 comprennent bien quel est l'objectif sur lequel s'appuie le Procureur en

21 versant ces pièces à conviction au dossier.

22 L'accusé, quant à lui, commencera son contre-interrogatoire aujourd'hui,

23 mais n'aura pas le temps de le terminer. Il aura donc la possibilité en fin

24 d'après-midi, avant demain en tout cas, d'examiner le contenu de ces

25 documents dans son intégralité et de se préparer à la fin du contre-

Page 27604

1 interrogatoire relatif à ces documents.

2 Quant aux écoutes téléphoniques dont il a été question, elles ne peuvent,

3 pour l'instant, qu'être enregistrées à des fins d'identification.

4 Mme PACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien, Madame Pack, peut-être pourrait-on

6 affecter une cote à cette nouvelle liasse de documents qui contient donc la

7 déclaration au préalable et les pièces annexes.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 562.

9 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

10 vais maintenant lire un bref résumé de la déclaration au préalable de ce

11 témoin.

12 Ce témoin musulman d'appartenance ethnique bosnienne est né et a vécu à

13 Doboj jusqu'au début de la guerre.

14 Il parle dans sa déposition de l'importance de Doboj, en tant que ville

15 stratégique, du nombre de Bosniens, de Serbes et de Croates habitant dans

16 cette municipalité et de l'existence de la façon dont se déroulait

17 l'existence dans la ville avant le début de la guerre. Il témoigne

18 également au sujet d'un certain nombre de localités et de casernes de la

19 JNA dans la ville de Doboj et dans ces environs.

20 Le témoin parle du résultat des élections de 1990 à Doboj. Il parle de la

21 direction de la ville qui a été mis en place suite à ces élections. Il

22 décrit les membres du conseil de Défense national de la municipalité. Il

23 parle également du Parti SDS de Doboj et mentionne la présence de Radovan

24 Karadzic, de Velibor Ostojic et de Nikola Koljevic à Doboj lors d'un

25 meeting préélectoral tenu en août ou septembre 1990.

Page 27605

1 Le témoin a vu Karadzic une autre fois à Doboj lorsque ce dernier est venu

2 participer à une rencontre du SDS qui s'est tenue en secret.

3 Au début de 1992, le SDS de Bosnie-Herzégovine a mis en place son propre

4 parlement. A partir de ce moment-là, le SDS de Doboj n'a plus collaboré,

5 n'a plus participé au niveau de l'assemblée municipale, d'ailleurs, des

6 incidents ont commencé à éclater à Doboj contre les Bosniens. Deux ou trois

7 mois avant la guerre, le SDS a créé une cellule de Crise dans la ville et,

8 même dans la période précédent les élections de l990, le SDS disposait

9 d'unités paramilitaires qui s'entraînaient sur le mont Ozren.

10 Le témoin décrit la transformation de la JNA en armée mono nationale au

11 moment où la guerre a commencé en Croatie en 1991. Il parle également de la

12 distribution d'armes aux civils serbes.

13 En janvier ou février 1992, des unités paramilitaires d'Arkan et les Aigles

14 blancs de Seselj sont arrivées à Doboj. Vingt jours, à peu près, avant le

15 début de la guerre, des unités de réservistes de l'armée ont érigé des

16 barrages routiers que tenaient des soldats serbes de la région sur toutes

17 les routes qui menaient vers la ville ou permettaient d'en sortir.

18 Les Serbes ont pris le contrôle de Doboj le 3 mai 1992, et les Bosniens, à

19 ce moment-là, n'étaient pas prêts à s'engager dans une quelconque action

20 militaire. Ils n'avaient aucune arme pour se défendre.

21 Le témoin a quitté Doboj avec d'autres habitants de la ville, le 3 mai

22 1992. Il est parti pour Tesanj où il est resté jusqu'en 1996. Depuis, il

23 est retourné plusieurs fois à Doboj.

24 Le témoin a été élu, en tant que membre de l'assemblée de la Republika

25 Srpska, le 10 août 2000.

Page 27606

1 Je demande au témoin s'il a, sous les yeux, la liasse de documents relative

2 à l'application de l'Article 92 bis.

3 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais dans cette liasse de documents

4 de vous pencher sur le premier d'entre eux, c'est-à-dire, votre première

5 déclaration.

6 Veuillez, je vous prie, vous rendre au paragraphe 18 de votre première

7 déclaration au préalable faite par des représentants du bureau du

8 Procureur, le 26 janvier 1999. Paragraphe 18 de la version en B/C/S.

9 Je m'apprête à vous poser quelques questions au sujet des éléments dont

10 vous parlez dans ce paragraphe. Vous parlez de la présence des

11 paramilitaires d'Arkan et des Aigles blancs de Seselj à Doboj. Et, à ce

12 sujet, je vous demande si, personnellement, vous avez vu les hommes d'Arkan

13 dans les rues de Doboj ?

14 R. Personnellement, je ne les ai pas vus.

15 Q. Avez-vous, personnellement, regardé ce qui se passait au moment où les

16 hommes d'Arkan et de Seselj entraient dans la ville ?

17 R. Non. A ce moment-là, je n'étais pas là pour les voir.

18 Q. Avez-vous vu les paramilitaires de Seselj dans les rues de la ville

19 plus tard ?

20 R. Oui.

21 Q. Pouvez-vous, je vous prie, nous dire où vous avez vu ces hommes ?

22 R. Je les ai vus devant l'église orthodoxe serbe à l'entrée de la cour qui

23 se trouve devant l'église.

24 Q. Des tiers vous ont-ils dit quel était leur nombre en ville ? Et, si

25 oui, pouvez-vous nous dire combien ils étaient ?

Page 27607

1 R. D'après les habitants d'appartenance ethnique musulmane qui m'ont

2 appelé à plusieurs reprises pour me dire que des radicaux de Seselj y

3 étaient présents dans les rues de la ville en grand nombre, donc, très

4 logiquement, compte tenu du danger que cela représentait pour la ville, un

5 jour j'ai fait le tour de la ville pour me rendre compte et à l'entrée de

6 la cour, dont je viens de parler. J'ai vu personnellement cinq ou six

7 hommes de Seselj.

8 Q. Je vous demanderais maintenant de vous rendre au paragraphe 22, de

9 votre déclaration. Donc veuillez, je vous prie, examiner de plus près les

10 paragraphes 22 et 23 de ce texte. Je vous demande à ce sujet si vous avez,

11 personnellement, été témoin de la prise de Doboj ?

12 R. Oui.

13 Q. Avez-vous quitté Doboj le 3 mai 1992 ?

14 R. Oui, dans l'après-midi.

15 Q. Ce qui est dit dans les paragraphes 22 et 23, constitue-t-il des

16 éléments que des tierces personnes vous ont appris après votre fuite de

17 Doboj ?

18 R. Au paragraphe 23, je dis qu'effectivement, j'ai vu des unités

19 paramilitaires de Seselj à un endroit qui s'appelle Ankare. C'est un lieu

20 où les gens allaient pour le week-end et, 15 jours avant les événements

21 dont je suis en train de parler, tous les propriétaires de petites villas

22 de week-end avaient été chassés de cet endroit. Et l'endroit en question a

23 été occupé, occupation qui a duré depuis le 3 mai jusqu'au début de

24 l'agression de toute la région et de Doboj.

25 Q. Mais par ailleurs, toutes les questions dont il est question dans ces

Page 27608

1 paragraphes sont des éléments -- des choses que vous avez apprises de la

2 bouche.

3 R. J'ai vu de mes propres yeux pendant que je passais par là parce que la

4 route, qui permettait d'évacuer la population de Doboj, itinéraire qui

5 avait été proposé par nous et qui partait du centre-ville, devait

6 normalement passer par la colline de Putnikovo pour aller jusqu'à Tesanj,

7 parce que toutes les autres routes étaient totalement barrées en raison des

8 barrages routiers qui avaient été établis par toutes les parties, donc

9 Doboj avait été encerclé de tous les côtés. On ne pouvait n'y pénétrer dans

10 Doboj, ni en sortir, sauf à utiliser cette route, et nous l'avons appelé la

11 route de l'évacuation car elle menait vers les territoires libres,

12 notamment vers Tesanj.

13 Mme PACK : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin le

14 document additionnel à sa déclaration au préalable, pièce à conviction 562,

15 intercalaire 1. J'aimerais également que l'on soumette également au témoin

16 l'intercalaire 2 de cette même pièce.

17 Q. Ces documents, Monsieur le Témoin, vous ont été montrés à La Haye, ils

18 portent la date du 13 octobre 1991. Et je vous demande si éventuellement

19 vous auriez su quelque chose des décisions qui ont été adoptées par les

20 communautés locales serbes au moment où ces décisions ont été adoptées ?

21 R. J'étais au courant de ces décisions.

22 Q. Veuillez donc, si vous le voulez bien, nous en résumer la teneur ?

23 R. Il s'agit de décisions prises par les communautés locales de la

24 municipalité de Doboj où ils proclamaient le territoire de cette communauté

25 locale comme devant être un territoire qui ne reconnaîtrait désormais que

Page 27609

1 les lois de la république fédérale de la Yougoslavie. Et ils disaient

2 également admettre ainsi que d'autres lois de Bosnie-Herzégovine qui

3 n'étaient pas contraire aux lois de la république socialiste de

4 Yougoslavie.

5 Q. Je vous demanderais maintenant de lire la première de ces deux

6 décisions qui normalement devraient être une décision de la communauté

7 locale de Majevac ?

8 R. De Majevac, oui.

9 Q. Veuillez nous dire quel est l'article important dans cette série

10 d'articles que nous voyons en première page ?

11 R. Le plus important c'est l'Article 2.

12 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

13 R. Et bien, pour la raison que je viens d'indiquer il y a un instant, à

14 savoir qu'à l'Article 2, nous lisons ce qui suit, je

15 cite : "Sur le territoire de cette communauté locale, les lois positives de

16 la république fédérale, ainsi qu'un certain nombre d'autres

17 réglementations, s'appliquent, auxquelles s'ajoutent les réglementations de

18 la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, qui ne sont pas contraire

19 aux réglementations fédérales." Et, bien entendu, l'Article 1 nous donne

20 toutes les explications nécessaires au sujet de l'étendu de ce territoire

21 qui s'étend donc sur la totalité de la communauté locale de Majevac dans le

22 cas qui nous intéresse en ce moment.

23 Q. Et quelle est la République socialiste ? Ah, c'est la Bosnie-

24 Herzégovine, n'est-ce pas, à laquelle il est fait référence dans cette

25 nouvelle déclaration relative à la République de Bosnie-Herzégovine ?

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1 R. Non. C'est le nom ancien. Lorsqu'on dit "République socialiste de

2 Bosnie-Herzégovine", il s'agit de la République de Bosnie-Herzégovine qui

3 faisait partie de la République fédérale yougoslave.

4 Q. Les décisions qui suivent dans les pages suivantes sont bien les

5 décisions prises par d'autres communautés locales de la municipalité de

6 Doboj et qui vont dans le même sens, n'est-ce pas ?

7 R. En fait, il ne s'agit que d'une seule et même décision. Le texte dans

8 tous ces documents est toujours le même. Je parle de l'intégralité du texte

9 pour chacune de ces communautés locales. Seul le nom de la communauté

10 locale change.

11 Mme PACK : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on montre au

12 témoin l'intercalaire 3.

13 Q. Monsieur le Témoin, ces documents que vous avez sous les yeux sont

14 encore fois des décisions relatives aux communautés locales serbes de Doboj

15 et portent la date du 13 octobre 1991, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Pouvez-nous dire en quelques mots sur quoi portent ces décisions ?

18 R. Dans ces décisions, on dit que l'on respecterait les lois

19 de la République fédérale de Yougoslavie, à savoir, de la République

20 socialiste de Bosnie-Herzégovine, qui ne sont pas contraire à la

21 réglementation de celle-ci. Mais cela est en vigueur -- ou déclaré être en

22 vigueur sur les territoires de la communauté territoriale en question.

23 Mme PACK : [interprétation] Je voudrais que l'on montre maintenant

24 l'intercalaire 4 à ce témoin ?

25 Q. Ce document porte la date du 16 octobre 1991. Pouvez-vous nous dire de

Page 27611

1 quoi il s'agit ? Faites-le près de moi, je vous prie ?

2 R. Ici le Parti démocratique serbe -- ou le Comité municipal du SDS de

3 Doboj informe le comité principal à Sarajevo de la prise des décisions

4 qu'on vient de citer et très probablement on dit -- nous vous informons du

5 fait que le peuple serbe de la municipalité de Doboj a pris la décision qui

6 déclare que les territoires sur lesquels il vit sont proclamés partie

7 intégrante et indissociable de la République fédérale de Yougoslavie et

8 nous vous les communiquons ci-joint.

9 Q. Est-ce que vous connaissez Milan Ninkovic ?

10 R. Oui.

11 Q. Et la signature qui figure au fond, est-ce bien la sienne ?

12 R. Je ne peux pas affirmer que c'est la sienne et puis, en plus, on voit

13 ici écrit à la main le mot "pour", donc je ne peux pas affirmer que c'est

14 sa signature, donc c'est quelqu'un qui a signé en son nom.

15 Q. Merci. Pouvez-vous maintenant vous référer à

16 l'intercalaire 5 ?

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous nous dire pour que cela soit évident, partant de ce qui est

19 dit, mais que représente-t-il et qu'est-ce que l'on publie ?

20 R. Et bien, cela est probablement, vu qu'il y a le président du Comité

21 régional du SDS, je crois que c'est une chose qui est adressée à tous les

22 comités municipaux du SDS et on dit -- on leur fait savoir qu'à telle date,

23 il se tiendra une réunion de tous les comités municipaux de la Krajina de

24 Bosnie, c'est ainsi qu'il s'exprime et il précise qu'à cette réunion, M.

25 Radovan Karadzic sera également présent.

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1 Q. Avez-vous appris à un moment donné que cette réunion allait se tenir ?

2 R. Je pense que c'est vers le mois de février 1992 que j'ai appris que

3 cette réunion allait se tenir. Je l'ai d'ailleurs appris à quelques jours

4 avant. C'était une réunion restreinte des représentants des comités

5 municipaux du SDS de la Krajina Bosniaque.

6 Q. Je vous prie, maintenant, de vous pencher sur l'intercalaire numéro 6.

7 R. Oui.

8 Q. Monsieur le Témoin, il s'agit d'un article du journal de Derventski

9 List, daté du 13 février 1992. Est-ce que vous avez déjà pu voir cet

10 article et avez-vous eu l'occasion de le lire ici au Tribunal ?

11 R. Je l'ai lu ici en effet, mais j'ai pris connaissance de cet article

12 après la tenue de leur réunion parce que cet article-ci décrit en effet les

13 décisions prises à l'occasion de cette réunion. Il dit qui a pris la

14 parole, qui a critiqué telle ou telle chose, et cetera.

15 Q. De quelle réunion êtes-vous en train de parler puisque vous venez de

16 préciser que l'article en parle ?

17 R. C'est une réunion qui s'est tenue en février, je ne sais pas vous dire

18 de date exacte. Mais comme ce journal de Derventski List et celui du 13

19 février 1992, donc cela est une réunion qui a probablement due tenir cinq

20 ou six jours avant.

21 Q. Je vous prie de vous pencher maintenant sur le premier paragraphe de

22 cet article. Est-ce que ce premier paragraphe nous parle de la tenue de

23 cette réunion que vous venez de mentionner ?

24 R. En effet.

25 Q. Ce paragraphe dit qu'un rapport a été présenté par Milovan Bjelosevic.

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1 Connaissez-vous la personne en question ?

2 R. Il ne s'agit pas de Milovan Bjelosevic. Il s'agit d'Andrija Bjelosevic,

3 c'est le chef du centre de Sécurité publique de Doboj. Ils ont -- les

4 journalistes se sont probablement trompés. Ils ont dit "Milovan", mais,

5 dans la partie 3, vous avez une précision qui dit "Andrija Bjelosevic".

6 Q. Et, dans le paragraphe 10 de cet article, on dit à très juste titre

7 qu'il s'agit de Andrija Bjelosevic ?

8 R. En effet.

9 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous de quoi il a été question à l'occasion

10 de ces réunions ?

11 R. Je l'ai su après la réunion même, donc une fois que ce journal a publié

12 ce texte.

13 Mme PACK : [interprétation] Je voudrais que l'on montre au témoin

14 l'intercalaire suivant le numéro 7.

15 Q. Veuillez vous pencher, Monsieur le Témoin, sur ce document et veuillez

16 nous décrire brièvement de quoi l'on informe quelqu'un sous titré Doboj ?

17 R. Ici c'est le QG municipal du renseignement qui informe le QG de

18 Sarajevo de l'explosion d'une bombe dans la rue de la 6e prolétaire --

19 Brigade des prolétaires, devant la cafétéria appelée Alf. C'étaient des

20 rapports réguliers qui étaient destinés au QG de la république pour ce qui

21 est du renseignement.

22 Q. S'agit-il là d'une chose dont vous avez entendu parler ?

23 R. Je crois même avoir été présent parce que je m'étais déplacé sur les

24 lieux pour voir de quoi il s'agissait. On avait -- quelqu'un avait jeté une

25 grenade et il n'y a pas eu de victimes, mais il y a eu des dégâts matériels

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1 importants dans cette cafétéria.

2 Mme PACK : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin

3 l'intercalaire 9. Nous reviendrons plus tard sur l'intercalaire 8.

4 Q. Monsieur le Témoin, vous avez eu l'occasion de lire ce document

5 auparavant dans le bureau du Procureur, donc pouvez-vous nous dire de quoi

6 il s'agit ici ?

7 R. Il s'agit d'un courrier du ministère de la Justice de la République

8 serbe de Bosnie-Herzégovine. Dans ce courrier, ils informent les régions de

9 Banja Luka, de Sarajevo (Sokolac, puis celle de Trebinje Bijeljina et de

10 Doboj) de la décision prise par les organes de justice, prise sur leur

11 territoire respectif.

12 Q. Est-ce là quelque chose -- une chose dont vous étiez au courant à

13 l'époque ?

14 R. J'ai appris ce qui est indiqué ultérieurement.

15 Q. Penchons-nous maintenant sur le document suivant, à savoir,

16 l'intercalaire 10.

17 R. Oui.

18 Q. Monsieur le Témoin, avant que de voir ce document eu l'occasion

19 d'écouter l'enregistrement d'une conversation interceptée, vous l'avez fait

20 ici à la Haye ?

21 R. En effet.

22 Q. Avez-vous reconnu les voix des interlocuteurs ?

23 R. J'ai immédiatement reconnu l'un et l'autre.

24 Q. Dites-nous qui étaient les interlocuteurs.

25 R. Et bien, c'est Mme Biljana Plavsic, qui à l'époque était membre de la

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1 présidence de la Bosnie-Herzégovine, qui a appelé Andrija Bjelosevic, le

2 chef du centre de Sécurité publique de Doboj, pour qu'il intervienne au

3 sujet d'un véhicule qui aurait été arrêté par les policiers de la

4 circulation routière. C'était un véhicule qui était plein d'équipements

5 sanitaires, d'équipements médicaux qui se dirigeait vers les lignes de

6 front croate, probablement --

7 Q. Monsieur le Témoin, arrêtons-nous ici pour quelques instants. Pouvez-

8 vous nous préciser comment vous avez fait pour reconnaître les voix de

9 Biljana Plavsic et de Andrija Bjelosevic ?

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18 Q. Monsieur le Témoin, étant donné que vous ne saviez rien de ce dont il

19 s'agit ici, vous ne savez rien à l'époque et vous ne savez rien nous dire

20 aujourd'hui ?

21 R. Non, il s'agit de quelque chose qui s'était passée d'une autre

22 municipalité.

23 Q. Alors, nous allons passer à l'intercalaire suivant, le 11. Monsieur le

24 Témoin, avant que d'avoir vu la transcription que vous avez sous les yeux,

25 avez-vous pu entendre l'enregistrement d'une autre conversation interceptée

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1 que vous l'avez fait ici à la Haye, et je voudrais savoir si vous avez pu

2 identifier les interlocuteurs ?

3 R. Oui.

4 Q. Je vous prie de nous dire qui étaient les interlocuteurs.

5 R. Les interlocuteurs étaient Momcilo Krajisnik, le président du parlement

6 de la République de Bosnie-Herzégovine, et Radovan Karadzic, le président

7 du Parti du SDS pour la Bosnie-Herzégovine.

8 Q. Dites-nous, je vous prie, brièvement, comment vous avez pu identifier

9 ces deux interlocuteurs.

10 R. En ma qualité de député, je pouvais entendre l'un et l'autre aux

11 sessions du parlement à chaque fois qu'il y en avait.

12 Q. Je voudrais que vous nous disiez quelque chose au sujet du contexte ?

13 R. Krajisnik et l'autre se concertent. Krajisnik demande à Karadzic la

14 tenue d'une réunion urgente et il s'agit probablement d'une réunion

15 précédent celle de Doboj, avec des représentants du SDS de la Krajina

16 bosniaque, et donc des personnes qui représentaient, comme je l'ai dit tout

17 à l'heure, les comités municipaux.

18 Q. À l'attention de la Chambre, je vous demanderais de nous montrer

19 l'endroit de la transcription, où ils étaient en train de parler de la

20 réunion que vous avez mentionnée tout à l'heure. Pouvez-vous identifier

21 l'emplacement ? Je crois qu'il s'agit de la première page, et je vous

22 demande de nous indiquer l'emplacement du passage en question.

23 R. Ici là où ça commence avec -- qui commence par un K, et il dit que,

24 demain à midi, ils ont une réunion, donc, en réalité, Nikola Koljevic qui a

25 informé Krajisnik, et Krajisnik transmet à Karadzic et lui dit que demain

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1 nous avons une réunion à midi à Doboj. C'est une réunion entre

2 représentants de trois régions, et cetera.

3 Q. Partant de quoi, avez-vous déduit qu'il s'agit là de la réunion que

4 vous avez mentionnée auparavant dans le courant de votre déposition ?

5 R. C'est la seule réunion qui s'est tenue à Doboj avec la présence des

6 représentants de ces trois régions pour ce qui est du Parti du SDS.

7 Mme PACK : [interprétation] Je voudrais, Messieurs les Juges, que nous

8 passions brièvement à un huis clos partiel.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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1 (expurgé)

2 [Audience publique]

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, avant que de commencer mon

4 contre-interrogatoire, je voudrais faire une petite remarque. Etant donné

5 l'importance des fonctions réalisées par ce témoin, que je ne peux pas

6 citer en audience publique, mais vous les connaissez tant donc au sein du

7 Parti de l'Action démocratique et des organes de l'état, et compte tenu du

8 bon nombre de questions soulevées à l'occasion de cette interrogatoire

9 principal, et vous voyez vous-même ce que ça a pris comme temps, j'espère

10 que vous supposerez, à juste titre, que mon opinion -- que ce témoin, à mon

11 opinion, ne convient pas pour ce qui est d'un interrogatoire en vertu du 92

12 bis, selon les critères que vous avez établis, parce que j'ai besoin de

13 beaucoup plus de temps pour le contre-interrogatoire que vous ne le

14 prévoyez d'après le programme habituel ou le temps habituel que vous

15 m'accordez pour ce qui est de procéder au contre-interrogatoire en vertu du

16 92 bis.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Je ne perds pas de vue le fait qu'en

18 vertu de l'Article 89, il est permis de verser au dossier des éléments de

19 preuve complémentaires. Nous allons prendre cela en considération lorsque

20 nous déciderons du temps à vous attribuer au total. Mais, en tout état de

21 cause, nous partons de la base, à savoir que ce témoin a témoigné en vertu

22 du 92 bis et, par conséquent, cela signifie une heure. En plus, il a fallu

23 un peu plus d'une demie heure pour l'interrogatoire principal, donc je

24 parle en mon nom seul, mais je crois qu'un temps équitable à vous attribuer

25 serait un délai d'une heure et demie. Mais nous allons discuter.

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1 Je vois que le Juge Kwon est d'accord avec moi, mais, en tout état de

2 cause, vous aurez plus d'une heure. Allez-y.

3 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

4 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin 1445, vous bénéficiez d'un

5 pseudonyme, vous êtes un témoin protégé. Je ne vais donc pas mentionner

6 votre nom pas plus que les fonctions exercées par vous à Doboj dans le

7 Parti d'Action démocratique. Mais, vu les postes que vous avez occupés,

8 êtes-vous en mesure d'évaluer tous les événements survenus à Doboj au cours

9 de la période envisagée par votre déposition ?

10 R. Oui.

11 Q. A propos de l'agression en question, vous parlez de quelle agression ?

12 R. De l'agression sur Doboj.

13 Q. Nous allons bientôt y venir. Mais, avant la mise en place du système

14 plus répartît, selon vos termes, est-ce que le calme régnait ? Est-ce que

15 la vie était paisible à Doboj ? Est-ce que les rapports interethniques

16 étaient bons ? Il n'y avait pas de tensions, ni de conflits, n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Est-il vrai que c'est votre parti, le SDA, qui a été le premier -- y

19 est parti en une base ethnique en Bosnie-Herzégovine ?

20 R. Je pense que cette question est dépourvue de tout intérêt parce qu'il

21 faut bien qu'il y ait un parti -- un premier parti, quel qu'il soit, à être

22 constitué.

23 Q. Mais c'est le vôtre qui a été le premier, n'est-ce pas ?

24 R. Je ne sais pas car il y en avait beaucoup de partis, mais, parmi les

25 trois, si vous pensez au SDS, au HDZ et au SDA, oui, c'est sans doute le

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1 premier qui a été constitué. Mais je ne sais pas si c'est vrai.

2 Q. Vous avez été les premiers à constituer un parti ayant pour racine

3 l'appartenance ethnique, et c'est vous-même qui le dites, que jusqu'au

4 moment de la constitution de ces partis à base ethnique, les rapports

5 étaient bons.

6 R. Le SDA n'avait pas de base ethnique. Il s'est formé à partir de tous

7 ceux qui souhaitaient rejoindre les rangs de ce parti.

8 Q. Donc vous voulez dire que le SDA n'est pas un parti musulman ?

9 R. Parmi les adhérents, les membres du parti ont compté même des Serbes et

10 c'est toujours vrai aujourd'hui d'ailleurs.

11 Q. Il serait intéressant de savoir combien. Vous avez été un des

12 fondateurs du SDA, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Et l'idée qui prévalait, c'était que c'était le SDS qui était

15 responsable du démantèlement de la Yougoslavie ?

16 R. Ça c'est votre avis.

17 Q. Mais je vous demande si c'était là l'opinion qui prévalait en Bosnie-

18 Herzégovine ?

19 R. Non.

20 Q. Vous affirmez qu'au départ vous vouliez conserver --préserver la

21 Yougoslavie ?

22 R. Exactement.

23 Q. Mais n'est-il pas vrai que la constitution de Bosnie-Herzégovine

24 garantissait l'égalité de tous les peuples constitutifs des Serbes, des

25 Musulmans et des Croates ?

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1 R. Exact.

2 Q. Et il était de pratique régulière qu'aucune décision qui aurait été

3 vitale pour un groupe ethnique ne soit adoptée que de façon consensuelle

4 avec l'accord des trois ?

5 R. Oui. Mais dans le cadre de la RSFY.

6 Q. Est-il exact de dire que les députés musulmans et croates au parlement

7 de Bosnie-Herzégovine, le 15 octobre 1991, ont pris une décision, se sont

8 prononcés sur la souveraineté de cette république sans la présence des

9 Serbes ?

10 R. Ils n'ont pas pris de décisions en matière de souveraineté. Ils se sont

11 contentés d'informer l'Union européenne à qui ils ont demandé la

12 reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine.

13 Q. Mais ça revient au même ?

14 R. Mais ils n'auraient pas pu prendre une telle décision parce que s'ils

15 avaient été en mesure de le faire, ils n'auraient pas demandé à l'Union

16 européenne de reconnaître la Bosnie-Herzégovine.

17 Q. Il est facile de faire le Tribunal, mais n'est-il pas vrai de dire que

18 puisque cette décision a été prise en l'absence des représentants serbes,

19 c'était en flagrante violation de la constitution de Bosnie-Herzégovine ?

20 R. Non.

21 Q. Est-ce que vous vous basez pour le dire sur la lettre même de la

22 constitution ou est-ce votre avis personnel ?

23 R. En application du règlement de procédures de l'assemblée de Bosnie-

24 Herzégovine car celle-ci ne saurait contrevenir à la constitution de la

25 République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

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1 Q. Est-ce que vous contestez le fait que les Serbes de Bosnie-Herzégovine

2 étaient un des peuples constitutifs sans la volonté desquels ils étaient

3 impossible de parvenir à un consensus en matière constitutionnelle quelle

4 qu'elle soit ?

5 R. Les députés de l'assemblée du SDS n'étaient pas les seuls représentants

6 du peuple serbe. Il y avait aussi au parlement de Bosnie-Herzégovine des

7 députés serbes, mais qui faisaient partie d'autres partis -- qui étaient

8 membres d'autres partis politiques.

9 Q. Je pense que c'était un nombre très négligeable de ces représentants,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact maintenant, quoi qu'il

12 en soit le SDP, le Parti réformateur, comptait un bon nombre de Serbes au

13 parlement de Bosnie-Herzégovine.

14 Q. La constitution d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, je suis sûr que

15 vous en conviendrez avec moi, c'était là l'objectif primordial des

16 dirigeants musulmans et surtout du dirigeant musulman Izetbegovic ?

17 R. Non. Il n'y avait pas que les représentants musulmans qui voulaient cet

18 objectif. Il y avait les Croates aussi et tous ceux qui estimaient que la

19 Bosnie-Herzégovine était leur état à eux.

20 Q. Vous vous souvenez de ce qu'a déclaré Izetbegovic, il a dit qu'il

21 sacrifierait la paix à une Bosnie indépendante ?

22 R. Oui.

23 Q. Je suppose que vous n'allez pas le contester ?

24 R. C'est ce qu'il a déclaré, mais là, vous le citez hors contexte. Il a

25 fourni une explication -- ou des explications très circonstanciées et il a

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1 dit comment il voyait la Bosnie-Herzégovine dans le contexte de toutes les

2 Républiques de Yougoslavie, et il a dit ceci : si la Slovénie en venait à

3 quitter la Fédération, la Yougoslavie, nous pourrions, malgré tout, rester

4 la Bosnie-Herzégovine pour rester en Yougoslavie; cependant, si la Croatie

5 part, elle aussi, à ce moment-là, il n'est plus possible pour la Bosnie-

6 Herzégovine de rester dans le contexte de la Yougoslavie.

7 Q. Vous le savez, la Croatie a annoncé qu'elle voulait sortir de la

8 Yougoslavie, elle aussi. Ce n'était pas un secret pour Izetbegovic et il

9 savait très bien que la Croatie avait proclamé sa décision de quitter la

10 Yougoslavie. Est-ce que ça voulait dire qu'il faille nécessairement former

11 une Bosnie souveraine.

12 R. Malgré le fait que la Croatie a annoncé qu'elle voulait quitter la

13 Yougoslavie, Izetbegovic, avec le Président de Macédoine, Gligorov, voulait

14 établir une espèce de formule souple de fédération ou de confédération. Il

15 faut voir ceci aussi dans son contexte et là je ne voudrais pas m'aventurer

16 dans ce volet-là de la polémique.

17 Q. Mais ce n'est pas une polémique. Vous parlez du plan d'Izetbegovic et

18 de Gligorov. Vous êtes un homme politique. Vous vous souvenez que ce plan

19 il a été examiné à Stojcivac [phon] à une réunion des représentants de ces

20 républiques. Vous vous souvenez que la Serbie en l'occurrence, moi-même qui

21 représentait la Serbie à cette réunion, que la Serbie a accepté ce plan

22 d'Izetbegovic/Gligorov ?

23 R. Non. Jamais vous ne l'avez accepté.

24 Q. Mais examinez le document de l'époque ?

25 R. Je connais parfaitement ces documents et jamais, jamais, vous n'avez

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1 accepté le plan ou l'accord Izetbegovic/Gligorov. Si vous l'aviez fait, ce

2 plan aurait été accepté.

3 Q. Oui, mais plus tard la Croatie l'a rejetée, vous pouvez vérifier vous-

4 même.

5 Dites-moi ceci, je vous demande un commentaire sur le programme qui a été

6 publié dans le journal Voks. C'est un journal indépendant musulman de

7 Bosnie, numéro 7, la date est celle du

8 16 octobre 1990 et la page 72. J'ai ici une photocopie de cet article. Il

9 s'agit du programme pour qu'il y ait déplacements des Musulmans de Turquie.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais qu'est-ce que ceci a à voir avec le

11 témoin ? Passons à quelque chose où il est susceptible de répondre.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce témoin était partie prenante aux événements

13 politiques de Bosnie-Herzégovine. Je lui demande qu'elle était la position

14 adoptée -- et par son parti, et par M. Izetbegovic -- qui, sans aucun

15 doute, voulait former un état islamique dominé par les Musulmans --

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous allez vous prêter à ce type

17 d'allégations, il faut laisser le temps au témoin d'y répondre.

18 Monsieur le Témoin, on laisse entendre que M. Izetbegovic et vous-même,

19 plutôt votre parti, c'est sous entendu. Etiez favorable et tout à fait

20 décidé à former un état islamique dominé par les Musulmans ? Est-ce que

21 c'est exact ou pas, d'après ce que vous savez ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non. Ce n'est pas vrai.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais quelle était l'intention qui sous-

24 tendait ce plan ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Depuis la création du SDA, le parti et

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1 Izetbegovic avaient le sentiment que la Bosnie-Herzégovine devait être un

2 état indépendant avec trois peuples constitutifs et les habitants qui y

3 vivaient. Ça a été notre programme politique depuis 1990. Il n'a jamais

4 changé. Si vous voyez l'attitude emprunte de bonne volonté dont nous

5 faisons preuve, vous pouvez vous en convaincre. Je parle de l'attitude que

6 nous avons à l'égard de la communauté internationale.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Fort bien, Monsieur 1445. Est-il vrai de dire qu'en réaction aux

9 décisions que vous avez prises sans les parlementaires serbes, il y a eu un

10 plébiscite les 9 et 10 novembre 1991 et que, du coup, les Serbes de Bosnie-

11 Herzégovine ont voté en faveur du maintien de la Bosnie-Herzégovine dans un

12 seul et même état ?

13 R. Ça a été organisé sous la tutelle du SDS. Ceci n'a pas été organisé par

14 les instances mêmes de l'état de Bosnie-Herzégovine.

15 Q. J'espère que vous n'essayez pas de dire que plus de 90 % des Serbes,

16 qui se sont prononcés à ce plébiscite, que toutes ces personnes faisaient

17 parties du Parti politique SDS ?

18 R. On peut se demander combien il y a eu d'électeurs à ce plébiscite

19 puisque c'était organisé par un seul parti et ce parti contrôlait et

20 faisait le décompte des voix. Personne d'autre n'a pu contrôler.

21 Q. Donc vous mettez en doute cette option qui consistait à rester au sein

22 de la Yougoslavie ? Est-ce que vous dites que ce n'était pas là la volonté

23 des habitants serbes de Bosnie-Herzégovine ?

24 R. S'ils avaient voulu agir dans la transparence, ils auraient dû passer

25 par les instances légales de la Bosnie-Herzégovine.

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1 Q. Mais n'est-il pas vrai que les instances dirigeantes de Bosnie-

2 Herzégovine, avec à leur tête Izetbegovic, avaient décidées le 20 décembre

3 de s'adresser à la communauté internationale pour lui demander qu'elle soit

4 reconnue internationalement ?

5 R. Oui.

6 Q. Et ça c'était après la décision prise par l'assemblée ?

7 R. Oui.

8 Q. Et cette décision, elle a été prise même si les représentants du peuple

9 serbe à la présidence ont voté contre cette décision ?

10 R. Je ne connais pas cela.

11 Q. Mais est-ce que le principe du consensus s'appliquait à la présidence

12 de Bosnie-Herzégovine ?

13 R. Il est certain que la loi, la constitution de la Bosnie-Herzégovine

14 n'ont pas été violées, mais je ne connais pas, dans le détail, le règlement

15 de procédure de la présidence car je n'ai jamais été membre de cette

16 présidence.

17 Q. Les membres de la présidence, représentant à l'époque les Serbes,

18 étaient Nikola Koljevic et Biljana Plavsic, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Et est-ce qu'ils se sont prononcés contre cette décision ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Est-il exact de dire que l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, le

23 25 janvier, a décidé de convoquer un référendum à propos de la

24 souveraineté, de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine ?

25 R. Oui.

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1 Q. Est-ce que ceci s'est fait le 29 janvier et le 1er mars ?

2 R. Oui.

3 Q. Et qu'en fait, il y a eu 63.04 % des électeurs qui se sont prononcés et

4 que sur ces 63 %, 62 % se sont prononcés en faveur d'une Bosnie-Herzégovine

5 souveraine.

6 R. Je ne connais pas les chiffres pour le moment, mais je pense que deux

7 tiers des électeurs se sont prononcés en faveur d'une Bosnie indépendante

8 et souveraine, ce qui veut dire que tout ceci est aussi bien conforme à la

9 loi que légitime.

10 Q. Si vous avez, en tout, 63 % des électeurs qui participent et que vous

11 avez 62 % qui sont en faveur de cette Bosnie indépendante, comment vous

12 parlez de deux tiers des électeurs ?

13 R. Je ne connais pas les pourcentages, mais je suis sûr que, si ces

14 chiffres n'étaient pas exacts, ni la communauté internationale, ni l'Union

15 européenne n'aura reconnu la Bosnie-Herzégovine. Or ce fût le cas.

16 Q. Je conviens avec vous que ceci n'aurait pas dû être fait, vu les

17 circonstances, mais c'est bien là que le bas blesse. Ça a été fait et ce

18 sera facile de le prouver.

19 Est-il vrai de dire que le référendum a été organisé à l'insistance

20 d'Izetbegovic au moment où la régionalisation de la Bosnie-Herzégovine

21 était sur le point d'être adoptée et ceci était dans l'intérêt d'être un

22 peuple constitutif ?

23 R. Ce n'est pas Izetbegovic qui l'a demandé, mais bien les députés au

24 parlement de Bosnie-Herzégovine.

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que des pauses soient

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1 ménagées entre les questions et les réponses.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Les interprètes demandent à ce que des

3 pauses soient ménagées entre les questions et les réponses.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur May.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Est-il exact de dire que les tensions, qu'on a ressenties sur tout le

7 territoire de la Bosnie-Herzégovine au moment du référendum, ont trouvé

8 leur apogée au moment où Nikola Gardovic, un Serbe, a été tué et qu'un

9 autre Serbe a été tué le 1er mars 1991 à l'occasion d'un mariage ?

10 R. Il n'y a aucun lien entre ces deux événements.

11 Q. Mais ça a été le premier meurtre après le référendum au moment où ces

12 tensions existaient ?

13 R. Aujourd'hui, on tue tous les jours partout, y compris, à Sarajevo. Rien

14 d'inhabituel à cela.

15 Q. Moi, je suis citoyen de Yougoslavie et je peux vous dire que c'était

16 quelque chose d'inusité. Je ne sais pas ce qu'on faisait chez vous à un

17 mariage, mais, lorsque vous avez quatre assaillants armés musulmans qui

18 attaquent des gens à un mariage, c'est normal que ça sème la panique parmi

19 la population serbe, vous ne trouvez pas ?

20 R. Il n'y a pas eu de panique. Le mariage, lui-même, était supposé servir

21 à cela parce que les invités au mariage ont provoqué tous les habitants là

22 où ils sont passés. Et tout ça s'est passé à Bastasija [phon], un quartier

23 de Sarajevo.

24 Q. Vous voulez dire que les victimes de ces quatre assaillants armés sont

25 responsables ? C'est de leur faute qu'ils ont été tués ?

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce témoin ne s'est pas trouvé à ce

2 mariage. Inutile de continuer sur votre lancée.

3 De toute façon, je pense qu'il nous faut lever l'audience. Nous pensons que

4 vous devriez bénéficiez d'une heure et demie pour le contre-interrogatoire.

5 Vous aurez donc demain encore une heure et dix minutes.

6 Monsieur le Témoin B-1445, veuillez à être de retour dans ce prétoire

7 demain matin à 9 heures pour terminer votre déposition. Vous n'êtes censé

8 parler à personne de celle-ci tant qu'elle n'est pas terminée.

9 L'audience est suspendue. Elle reprendra demain matin à 9 heures.

10 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 16 octobre

11 2003, à 9 heures.

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