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1 Le jeudi 13 novembre 2003
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic.
7 LE TÉMOIN: MIRSAD KUCANIN [Reprise]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]
10 Q. [interprétation] Monsieur Kucanin, nous en étions restés à votre
11 déclaration de 1996. En page 2, vous dites, je cite qu'en fait, la caserne
12 n'a pas été prise pour cible très souvent. Les civils n'ont plus n'ont pas
13 été visés très souvent devant la caserne. Mais la plupart du temps,
14 l'analyse des douilles montre que les cibles étaient néanmoins des civils.
15 Alors, dites-moi, comment est-ce que l'analyse des douilles peut -- ou
16 l'angle d'impact peut vous conduire à penser que ce sont des civils qui
17 sont pris pour cible ? Comment cela est-il possible ?
18 R. Et bien, si nous parlons de la caserne, je crois me souvenir qu'il
19 s'agit de la caserne du maréchal Tito à Sarajevo.
20 Q. Ce n'était pas ce que je vous demandais. Je vous demandais -- puisque
21 vous dites que c'est en fonction de l'angle d'impact que vous pouvez
22 déterminer qu'il s'agissait de civils, alors, comment est-ce que l'analyse
23 d'un angle d'impact de balles peut permettre de déterminer que les victimes
24 sont des civils. Dites-le moi puisque vous êtes un expert.
25 R. Je ne suis pas sûr que l'interprétation -- ou la traduction ait été
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1 parfaite, mais c'est en fonction d'un certain nombre d'impacts que les
2 victimes étaient visées. Et c'est à partir de cet angle d'impact que l'on
3 pouvait déterminer que des bâtiments occupés par les Serbes étaient à
4 l'origine des tirs. C'était d'ailleurs la seule manière d'atteindre les
5 civils en passant par la caserne car il n'y avait pas d'autres moyens de
6 les atteindre. Il n'y avait pas d'autres passages et, à cet endroit, ne
7 passaient que des civils. C'était la principale voie de circulation.
8 Q. Mais ce n'est donc pas en fonction de l'angle d'impact que l'on
9 détermine qu'il s'agissait de civils. Vous n'avez pas apporté
10 d'explications à cet égard.
11 R. Et bien, je suppose qu'il y a des difficultés, sans doute.
12 Q. C'est sans doute une erreur de traduction. C'est ce que vous dites ?
13 R. Je vérifierai.
14 Q. Et bien, dites-moi, page 2, toujours votre déclaration de 1996, vous
15 parlez de la mort d'une petite fille, Nena Brkic -- Elma Jakupovac, et je
16 cite ce que vous dites, vous dites qu'elle a été la victime d'un tir
17 aveugle, en tout cas, que c'est ce que vous pensez. Et, à l'avant-dernier
18 paragraphe, vous dites que certains des voisins ont accusé leurs voisins
19 serbes d'avoir tué cette petite fille à partir d'une maison toute proche.
20 Alors, dites-moi, je vous prie, est-ce que c'était un problème de tireurs
21 embusqués et il ne fait aucun doute que le tireur embusqué était parmi les
22 éléments les plus terribles de ce conflit ? Est-ce qu'éventuellement, un
23 tireur embusqué aurait été manipulé pour se tourner contre un voisin d'une
24 religion différente et qu'il ne lui avait rien fait de mal ? Donc ce
25 n'était pas un crime dont il s'agit ici.
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1 R. Et bien, c'est exact et c'est ce que j'ai écrit. J'ai dit hier que je
2 voulais être le plus objectif possible et j'ai insisté à l'époque sur cette
3 objectivité parce que le voisin a déclaré que les tirs venaient de
4 l'endroit en question. Nous avions Boro Stankovic, le meilleur expert
5 balistique pour nous aider. Il est mort depuis, mais c'était un expert de
6 la police très compétent. Et nous avons mené une enquête balistique et
7 établi que les tirs provenaient de cette maison parce que l'angle de tir ne
8 correspondait pas, et la trajectoire ne pouvait pas permettre que la balle
9 vienne de la maison initialement soupçonnée.
10 Donc nous avons travaillé de cette façon. Nous avons établi ces faits et,
11 selon notre analyse, je dirais, et nous avons tous dit, à l'époque --
12 l'équipe qui a travaillé sur cette enquête -- qu'il s'agissait d'un tir à
13 l'aveuglette sur un bâtiment habité par des civils et, à en juger par
14 l'angle d'impact, cette balle a frappé la petite fille et l'a tué par
15 hasard.
16 Q. Mais en page 30, paragraphe 1, de votre déclaration de 1996, vous
17 parlez de la mort de Malmir [phon] Brkic, et vous dites : "Que la balle
18 venait de la rue Miroslav Kromolj, si je ne me trompe pas, et qu'une vielle
19 dame serbe a été blessée par un tireur embusqué dans ce quartier."
20 Alors, vous dites que c'était un tir précis, qu'une balle a été tirée à
21 partir d'une maison de couleur verte. Est-ce que c'est une affirmation
22 précise de la part de quelqu'un qui mène une enquête ?
23 R. J'ai dit cela en 1996. Je n'avais pas mes documents sur moi pour parler
24 aux enquêteurs à l'époque. Donc je suppose que c'est de cette façon que les
25 choses se sont passées. Mais il y a un rapport qui a établi qu'il y avait
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1 un bâtiment de couleur verte qui se trouvait à cet endroit.
2 Dans ce rapport, pour autant que je me souvienne, d'ailleurs ici il y a une
3 erreur, c'était une vieille femme serbe. Je ne suis pas sûr de savoir que
4 ceci figure bien dans le texte en B/C/S. Je pense qu'en fait, j'ai parlé
5 d'un homme, alors que nous lisons dans le texte vieille femme serbe.
6 Q. En page 3, paragraphe 2, encore une fois, de votre déclaration de 1996,
7 vous dites que vous avez rendu visite à vieil homme qui vivait, et je vous
8 cite : "Dans un appartement pris pour cible une centaine de fois et dans un
9 immeuble qui présentait une centaine d'impact sur le toit." C'était donc un
10 tir très intense dont il était question.
11 Alors, si cet appartement a été visé une centaine de fois, est-ce que ce
12 n'était pas un échange -- est-ce qu'il n'était pas question d'échange de
13 feu sur la ligne de front ou la ligne de démarcation ou, bien, s'agissait-
14 il vraiment de tireur embusqué ? Pourquoi est-ce qu'un tireur embusqué
15 tirerait une centaine de fois sur le même bâtiment ? Il ne s'agissait-il
16 pas plutôt d'un échange de feu de part et d'autre de la ligne de front.
17 N'est-ce pas de cela qu'il s'agit, Monsieur Kucanin ?
18 R. Et bien, l'appartement se trouve en face.
19 Q. En face de la ligne de front, de la ligne de confrontation ?
20 R. Et bien, ce n'était pas la ligne de l'armée de Bosnie-Herzégovine à cet
21 endroit. Ce bâtiment était dans une espèce "no-man's land" et cet homme ne
22 voulait pas quitter son immeuble. Il avait toujours vécu là et nous avons,
23 effectivement, trouvé des impacts de balles très nombreux dans les murs,
24 mais pas de douilles, donc pas de reste de balles. Nous avons trouvé des
25 impacts et nous étions surpris de leur disposition. Et nous souhaitions que
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1 cet homme s'en aille, mais il ne voulait pas quitter son bâtiment. Et
2 lorsque nous l'avons emmené à l'hôpital parce qu'il avait été blessé, nous
3 avons dû attendre à peu près une demie heure pour lui permettre de
4 rassembler ses affaires et de nous suivre.
5 Q. Mais est-ce que c'était sur la ligne de confrontation, la ligne de
6 démarcation entre les deux parties ?
7 R. J'ai dit que cette maison était, dans toute sa superficie, sur le
8 terrain qui se trouvait entre les deux lignes.
9 Q. Donc il s'agit bien d'échange de tirs et pas de tireur embusqué ?
10 R. Oui, pour la maison où cet homme habitait.
11 Q. Mais, dites-moi, je vous prie, dans toutes vos déclarations, vous
12 semblez apprécier beaucoup le chiffre 100 et centaine. Vous l'utilisez très
13 souvent. Vous dites qu'une fois que les postes de police se sont divisés en
14 postes de police serbes et postes de police musulmans, il y avait à peu
15 près une centaine de policiers qui sont restés en place. Et puis, à un
16 autre endroit, vous parlez d'une centaine d'inspecteurs qui étaient de
17 nouvelles recrues. Et puis vous parlez, dans votre déclaration de l'an
18 2000, d'une centaine de cas différents lorsque vous discutez des incidents
19 et vous poursuivez en parlant de plus d'une centaine d'enquêtes menées par
20 vous en trois ans et demi.
21 Donc, apparemment, vous aimez utiliser cette expression ou bien est-ce que
22 le chiffre 100 signifie vraiment qu'il s'agit de 100 cas à chaque fois ?
23 R. C'est toujours un paramètre utile à utiliser. C'est une règle empirique
24 assez utile. Lorsqu'on parle d'une centaine, on sait où on se situe.
25 Maintenant est-ce qu'il s'agissait de 120 ou de 95, je ne saurais le dire.
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1 Donc, approximativement, on parle d'une centaine. Il s'agit peut-être
2 également d'une coïncidence dans mes propos, je ne sais pas, mais,
3 apparemment, c'était une centaine de fois que ce bâtiment avait été pris
4 pour cible.
5 Q. Oui, mais, lorsque vous parlez de différentes questions, vous utilisez
6 la même expression. Ce n'est pas simplement une coïncidence.
7 Dans votre déclaration de 1995, par exemple, en page 341, ce sont les
8 derniers chiffres du numéro ERN, vous parlez d'un vieil homme qui a été
9 blessé sur le balcon de son appartement et vous dites qu'il y avait une
10 centaine d'impact de balles sur le mur en face du balcon. Est-ce que
11 c'était le même homme que celui dont vous avez parlé il y a quelques
12 instants ?
13 R. Oui.
14 Q. Donc l'appartement, c'est celui qui a été visé une centaine de fois,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Donc on parle du même homme. Vous parlez du même homme et du même
18 appartement.
19 R. Oui.
20 Q. Dans votre déclaration de 1995, vous parlez d'une enquête au sujet d'un
21 petit garçon qui a été blessé. Vous avez établi qu'il a été blessé à partir
22 de la rue Zagorska [phon] et de la maison de Przulj, donc des positions
23 tenues par l'ennemi, et ceci c'est ce qui figure dans votre déclaration que
24 je cite. En page numéro ERN 338, paragraphe 4, vous dites que les tirs
25 étaient sans aucun doute originaires de cette position. Ceci signifie que
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1 vous avez établi l'endroit d'où les tirs ont été tirés lorsque vous dites
2 que ceci ne fait pas de doute, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Cependant, au paragraphe suivant, vous ajoutez : "Je ne sais pas quels
5 sont les résultats exacts de l'enquête parce que chacun des membres de
6 l'équipe d'enquêteurs avaient ses propres responsabilités et établissait
7 son propre rapport."
8 Alors, je vous demande : comment vous pouvez dire avec certitude que les
9 balles provenaient de tel et tel endroit si vous ne connaissez pas
10 exactement les résultats du rapport balistique pour commencer ?
11 R. Lorsqu'une enquête se mène à un endroit sensible, je prends des notes
12 dans mon carnet et les membres de l'équipe donne son accord par rapport à
13 un certain nombre de notes prises par moi. Il peut y avoir des divergences
14 d'opinions de la part d'un enquêteur qui s'occupe de balistiques. Je
15 n'avais pas leur conclusion. Aller devant les tribunaux ou dans un bureau
16 du Procureur ou ailleurs pour en parler doit se faire avec des éléments
17 sûrs d'informations. Il y avait tout de même des indices, deux impacts de
18 balles qui montraient que les balles venaient de la même direction. Et
19 l'expert balistique avait des appareils qu'il plaçait à différents points -
20 -
21 Q. Oui, je comprends. Je ne souhaite pas que vous nous expliquiez comment
22 s'établi un rapport balistique et quels sont les éléments utilisés, mais
23 vous dites que les balles provenaient sans aucun doute de telle et telle
24 position et très peu de temps après que vous n'aviez pas encore le rapport
25 balistique. Donc, vous aviez besoin d'un rapport balistique. Une enquête
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1 devait être menée pour vérifier d'où provenaient les tirs, n'est-ce pas ?
2 Alors sans connaître les résultats du rapport balistique, vous dites que
3 sans l'ombre d'un doute, les balles provenaient de tel et tel bâtiment. En
4 dehors de rapport balistique, il y avait d'autres rapports qui n'étaient
5 sans doute pas achevés à l'époque.
6 R. J'ai dit que, sur place, nous pouvions établir ce qui s'était passé,
7 mais que j'avais besoin d'une marge de manœuvre et que je souhaitais
8 attendre le rapport balistique. Donc c'est tout ce que je pouvais faire.
9 Q. Fort bien. Je comprends votre explication, mais, parlant du petit
10 garçon blessé, au paragraphe 5, page ERN derniers chiffres 337, vous dites
11 que la même balle venait d'un café d'en face et était tirée par une pièce
12 d'artillerie. Alors, comment est-ce qu'une arme tirée par -- une munition
13 tirée par la même arme --
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Les interprètes vous demandent à tous les
15 deux de ralentir et de ménager une pause entre question et réponse.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais m'y efforcer, Monsieur May.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, ceci ne semble pas clair comment est-
18 ce que la deuxième balle aurait pu provenir de la même arme. Il est
19 question ici d'une seule et même balle tirée par une arme. Je pense que je
20 ne me suis pas exprimée comme c'est écrit dans le texte. On lit dans le
21 texte : "Selon le témoin, il semblerait que le projectile vienne de la même
22 arme." Mais je pense qu'en fait, il était question de deux tirs et pas
23 d'une seule et même arme ayant tiré le même projectile.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Bien, encore une chose qui apparemment n'est pas claire. Mais parlons
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1 de l'incident du pilonnage du 26 octobre, vous déclarez à la -- dans les 30
2 [sic] derniers numéros du code ERN sont 338, avant dernier paragraphe, que
3 : "L'origine de l'obus a pu être déterminé immédiatement sur la base de
4 l'expérience et des traces laissées sur place." C'est bien cela ?
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. Alors, dites-moi, comment dans le dernier paragraphe, de la page 338,
7 de votre déclaration, s'agissant du pilonnage survenant dans cette rue,
8 vous pouvez dire que l'on peut déterminer avec certitude l'origine du tir,
9 alors que donc vous parlez d'une origine nord-ouest, alors que le même obus
10 à un autre endroit est décrit comme venant d'une autre direction de la
11 direction opposée au nord-ouest.
12 R. Je n'ai pas dit cela.
13 Q. Mais c'est pour cela que je vous interroge. Mais enfin avançons. Dites-
14 moi, je vous prie, aux pages qui se terminent par 339 et 340 -- je cite
15 toujours les trois derniers numéros ERN -- vous parlez du pilonnage de
16 l'école élémentaire de la rue Simon Bolivar et, en page 339, au paragraphe
17 7, vous dites que Sarajevo a subi des pilonnages intenses ce jour-là, si
18 intenses en fait que les membres de la FORPRONU contrairement -- comme à
19 leur habitude dans des situations de ce genre, ne sont pas venus sur place
20 mener une enquête, n'est-ce pas ?
21 R. En effet.
22 Q. Et c'est l'armée des Serbes de Bosnie qui était responsable du
23 pilonnage à partir d'une position d'où on pouvait voir l'école sans la
24 moindre obstruction. On voyait les enfants et les gens qui entraient dans
25 l'école.
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1 Alors, dites-moi, je vous prie, qui étaient ces personnes qui pouvaient
2 voir les enfants et les gens circuler et entrer dans la cour de l'école ?
3 R. Ceci n'est pas dit dans le texte. Peut-être s'agissait-il encore d'une
4 erreur ? Mais, en tout cas, une pompe avait été installée dans cette école,
5 des barrières, des obstacles avaient été créés avec -- dans amoncellements
6 de veilles voitures pour permettre l'accès à cette pompe à eau.
7 Q. Donc ce n'était pas une école qui était utilisée comme école, n'est-ce
8 pas ?
9 R. Non, cette école avait été totalement détruite, et des obstacles
10 avaient été érigés pour servir de moyens de défense et les gens venaient
11 dans cette école à d'autres fins. Il s'agissait uniquement de civils qui
12 venaient chercher de l'eau, tous ceux qui fréquentaient ces locaux.
13 Q. Page 339, dernier paragraphe et premier paragraphe de la page suivante,
14 vous dites que les équipes d'experts balistiques ont déterminé quel était
15 le sillage de l'obus et mené leur propre enquête. Donc il n'y avait pas
16 d'analyse du cratère dans un certain nombre de d'analyse balistique dans
17 d'autres cas, c'est ce qui les a permis de penser de ce qui est dit ici.
18 R. Selon les circonstances, il y avait ou il n'y avait pas analyse
19 balistique. Lorsque c'était possible, l'analyse était menée dans les cas
20 contraires non.
21 Q. Pouvez-vous nous dire à peu près quel était le pourcentage de cas où il
22 y avait enquête où il n'y en avait pas ?
23 R. Dans la majorité des cas, il y avait test et enquête vérification, donc
24 dans 70 % des cas sans doute.
25 Q. Fort bien, Monsieur Kucanin, mais ceci signifie-t-il que, lorsqu'un
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1 obus était tiré pour déterminer s'il s'agissait d'un feu intense ou d'un
2 feu à l'aveuglette, une équipe d'experts était toujours envoyée pour
3 examiner les traces et les impacts ?
4 R. Et bien, si l'on trouvait des traces et des impacts d'obus ou des
5 restes, comme des douilles à cratère, un orifice et d'autres indices, on
6 recueillait ces restes d'obus et on les emportait dans un laboratoire.
7 Q. Je comprends, mais, dès lors qu'il y a analyse en laboratoire, dès lors
8 qu'il y a application d'un certain nombre de tests, n'est-il pas permis de
9 conclure qu'il est question d'un feu intense ? Parce que est-ce qu'une
10 telle intention aurait été consacrée à l'analyse et à l'étude d'un cas
11 n'impliquant qu'un nombre limité de personnes ?
12 R. Dans la majorité des cas, il y avait examen détaillé.
13 Q. C'est ce que je voulais entendre. A la page dernier numéro ERN 342, il
14 est question d'un incident de pilonnage du 9 novembre 1993, c'est-à-dire,
15 de l'obus qui est tombé sur l'école de Alipasino Polje. Vous déclarez qu'il
16 était tiré à partir du sud-ouest et, dans le même paragraphe un peu plus
17 loin, vous dites que l'expert en balistique, Adnan Tuzovic, vous a déclaré
18 que cet obus devait selon toute probabilité provenir du nord-ouest.
19 Alors, est-il venu du nord-ouest ou du sud-ouest cet obus, parce qu'il ne
20 peut pas bien sûr venir à lui seul de deux directions opposées.
21 R. Il est question de deux cas différents -- de deux obus différents.
22 Q. Ah, donc nous avons là deux cas différents, et bien -- fort bien,
23 Monsieur Kucanin. Mais veuillez, je vous prie, m'expliquer, si tel est le
24 cas, la chose suivante. En page 3, derniers numéros 343 et 345, de votre
25 déclaration de 1995, vous parlez du décès d'un homme qui s'appelle Mile
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1 Limaj Vasiljevic, manifestement selon --
2 L'INTERPRÈTE : 343 et 344.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Selon le nom, il s'agit d'un Serbe. Vous n'avez pas vu le cadavre, vous
5 n'avez pas pu vous rendre sur place et vous avez encore moins pu mener une
6 quelconque analyse, mais, en dépit de tout cela, vous déclarez que vous
7 avez pu déterminer avec précision l'origine des tirs et que ces tirs
8 provenaient des positions tenues par les Serbes de Bosnie, selon ce que
9 vous affirmez.
10 Et en page 3, dernier numéro 345, vous dites : "Puisque nous n'avons aucun
11 moyen de défense, il n'a pas été possible de mener une enquête balistique
12 en bonne et dû forme, mais l'origine des tirs qui ont tué Vasiljevic est
13 tout à fait clair." C'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas ?
14 Et puis vous ajoutez qu'il s'agissait d'une arme de 7.9 millimètres, n'est-
15 ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Et ensuite, vous avez vu une émission à la télévision serbe -- je
18 suppose que c'était une émission au sujet de ce qui se passait à Pale -- et
19 vous y avez vu que Vojislav Seselj a parlé d'un calibre de 7.9 millimètres
20 et qu'il a tiré en personne sur des Musulmans de Sarajevo ce jour-là.
21 Alors, vous dites que, sur cette base-là, vous pouvez conclure que c'est
22 lui en personne qui a tué Vasiljevic et, selon les indications de notre
23 police, dites-vous, il est permis de dire que, manifestement, c'est
24 Vasiljevic qui a été tué Selselj. C'est bien ce que vous dites, n'est-ce
25 pas ? Je lis ce qui figure dans votre déclaration.
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1 R. Oui.
2 Q. Et bien, dites-moi, je vous prie, est-ce que vous plaisantez -- ou est-
3 ce que vous estimiez réellement que, sur la base de la détermination de
4 l'origine du tir, en l'absence de toute enquête balistique, et sur la
5 simple base d'une déclaration à la télévision, vous pouvez parvenir à la
6 conclusion que, manifestement, c'est Vojislav Selselj qui a tué
7 Valsiljevic ? Dites-moi, je vous prie, en tant qu'expert, est-ce qu'il vous
8 est permis d'affirmer une chose comme cela ou est-ce que vous plaisantez ?
9 R. Et bien, tout cela montre qu'il y avait des indices et, sur la base de
10 tous les éléments recueillis ce jour-là, quand Selselj il était à Grbavica,
11 il portait un pull-over d'une certaine couleur et, sur les images de la
12 télévision, il portait ce même pull-over et s'est vanté en public. Je me
13 souviens très bien -- nous le connaissions bien, nous savions comment il
14 était quand il arrivait dans cette humeur, mais la pauvre victime est la
15 seule. C'était ce pauvre homme Vasiljevic, et il y avait donc ce Browning
16 sur son pull-over.
17 Q. Donc c'est de cette façon que vous êtes arrivé à cette conclusion sans
18 aucun élément de preuve. Ce sont simplement des indices, aucune conclusion
19 ferme, aucun élément concret. Donc cela n'est rien du tout.
20 R. Mile Vasiljevic, qui est mort, donc était en train de traverser la rue.
21 Le témoin l'a vu en train de marcher et il avait le côté droit vers
22 Grbavica. Il a été frappé à l'endroit décrit dans le rapport. Il est tombé
23 et il est resté vivant un certain temps. Il a demandé à l'aide. Personne ne
24 pouvait s'approcher de lui jusqu'à notre arrivée. Avec l'aide de la
25 FORPRONU nous l'avons tiré de là.
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1 J'ai une séquence filmée de cet incident lorsque nous avons extirpé son
2 corps de cet endroit.
3 Q. Je comprends cela. Donc vous n'avez pas pu établir ce que vous dites
4 dans votre déclaration.
5 R. Lorsque nous sommes allés chercher son corps, nous avons vu les impacts
6 d'entrée et de sortie des balles. Et sur la base de déclarations des
7 témoins ainsi que de la description de ces déplacements, nous avons pu
8 tirer la conclusion tirée par nous.
9 Q. Fort bien, Monsieur Kucanin. Mais dites-moi, je vous prie, en page 3,
10 dernier numéro 349, troisième paragraphe, parlant d'un incident de tireurs
11 embusqués à Grbavica, à partir d'une des quatre tours que vous décrivez
12 dans votre déclaration, et non loin du centre commercial, je vous cite,
13 vous dites : "Nous pensions que des gens avaient été tués par des tireurs
14 embusqués à partir du cimetière juif. Plus tard, avec l'aide de l'analyse
15 balistique, nous avons constaté que les tirs provenaient de ces tours."
16 Donc il vous a fallu du temps et une analyse balistique pour établir que
17 les tirs provenaient de ces tours, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Et plus tard, vous parlez de l'origine des tours, c'est-à-dire de ces
20 tours et vous dites que cette origine a été déterminée parce que la mort
21 d'un homme a été filmé par hasard, et que cette séquence vidéo a été plus
22 tard analysée et a aidé à déterminer la source des tirs ?
23 R. Oui, cela nous a aidé en d'autres choses.
24 Q. Donc il était si difficile d'établir l'origine des tirs même lorsqu'on
25 a pensé que ces tirs provenaient des tours qu'il a fallu une séquence vidéo
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1 parce qu'il n'y avait pas d'autres tours à Sarajevo --
2 R. Oui, il y en a bien sûr.
3 Q. Manifestement, vous avez d'abord dû vous rendre sur place et étudier la
4 situation et procéder à une analyse d'experts pour établir la réalité des
5 faits ?
6 R. J'aimerais vous donner un exemple pour vous expliquer tout cela. Il y
7 avait un carrefour à cet endroit où tout était très dangereux. Il y avait
8 des containers. On tirait à partir du cimetière juif et à partir de
9 Kovacici. Et les gens de l'institut d'ingénieurs traversaient toujours à ce
10 carrefour. Donc de Trebevic et du cimetière juif, ainsi que de Gornji
11 Kovacici, les tirs venaient et personne ne pouvait penser à cette distance
12 qu'on pouvait être tué. Mais le père d'un de mes amis a bel et bien été
13 tué. Donc les tirs venaient toujours de cette direction.
14 Q. Mais en vue de la difficulté qu'il y avait à établir la source et
15 l'origine des tirs en établissant qu'il s'agissait de ces tours, est-ce que
16 dans un certain nombre de cas, comme vous le dites dans votre déclaration,
17 vous pouviez sans l'aide d'une analyse balistique et très facilement
18 déterminez l'origine des tirs.
19 Donc les deux sont possibles, ne me dites pas qu'il est toujours impossible
20 d'établir l'origine d'un tir. Alors je vous demande si après une analyse
21 sérieuse et détaillée de la situation, l'origine du tir peut être
22 déterminée dans tous les cas ou si parfois il arrive que la vue simple, que
23 l'œil permette de la déterminer ?
24 R. Lorsque nous parlons de pilonnage, l'origine des obus peut être
25 déterminée dans certains cas à l'œil nu simplement par les traces laissées
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1 sur le sol notamment. Mais les experts balistiques permettent d'apporter
2 des détails plus précis comme, par exemple, l'angle d'impact exact et un
3 certain nombre d'autres éléments très détaillés.
4 Q. Bien. Mais avez-vous connaissance des activités diverses déployées par
5 les effectifs de l'armée et de la police de Bosnie-Herzégovine sur des
6 objectifs qui étaient les leurs dans la ville de Sarajevo ?
7 R. Pour ce qui est de ce type de spéculation, j'en ai entendu parler
8 notamment à la télévision serbe. Je n'ai effectué aucun constat dans la
9 pratique qui était la mienne pour constater que cela était vrai.
10 Q. Vous dites que vous avez appris cela par les médias et notamment la
11 télévision serbe pour ce qui est de ces allégations. Là je vais vous donner
12 une source qui n'est pas Serbe et qui affirme tout à fait la même chose.
13 Regardez le 22 août 1992, le journal Indépendant de Londres parle, et je
14 vais vous donner lecture de ce qu'il dit et à vous de dire si cela coïncide
15 avec ce que vous savez ou si ce sont des spéculations ou des conjectures.
16 On dit : "Les officiels des Nations Unies et les responsables des officiers
17 militaires occidentaux disent que les tueries à Sarajevo y compris le
18 massacre de 16 personnes qui faisaient la queue pour le pain ont été le
19 fait de défenseurs musulmans de la ville pour l'essentiel, et non pas de
20 Serbes qui avaient assiégés la ville. Et cela semblerait avoir été fait à
21 des fins de propagande pour s'acquérir la sympathie de l'extérieur et pour
22 donner lieu à une intervention militaire."
23 Et suivant les rapports confidentiels qui ont circulé dans les couloirs
24 des Nations Unies à New York en tant que documents confidentiels --
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais attendez que le témoin d'abord
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1 répondre à ce que vous venez de dire.
2 Monsieur le Témoin, on a laissé entendre ici que le massacre de 16
3 personnes qui faisaient la queue pour avoir du pain avaient été perpétré
4 par les défenseurs de la ville. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au
5 sujet de l'incident, et y a-t-il quelque vérité que ce soit dans ces
6 allégations là ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais que l'on m'indique avec plus de
8 précision l'endroit où le massacre a eu lieu.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Mais c'est l'événement célèbre, tristement célèbre, où il a été tué 16
11 personnes qui faisaient la queue pour acheter du pain. Et on a attribué ce
12 méfait aux Serbes, or tous les renseignements abondaient dans le sens d'une
13 insertion aux termes de laquelle cela aurait été fait par les effectifs
14 militaires et la police de la Bosnie-Herzégovine. Et cela avait servi de
15 prétexte pour la mise en place de sanctions.
16 R. Mais vous ne m'avez pas dit où a eu lieu le massacre ?
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Plutôt que de polémiquer, parce que le
18 temps nous manque, avez-vous entendu parler de quelque incident que ce soit
19 de cette nature-là où il aurait été affirmé que les défenseurs de la ville
20 avaient tué 16 personnes alors que celles-ci faisaient la queue pour
21 acheter du pain ? En avez-vous entendu parler d'un incident de ce type ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment si notre armée a pu tuer
23 des gens de chez nous. Moi, je n'y crois pas.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, votre temps touche à
25 sa fin. Vous avez la possibilité de poser encore deux questions.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, le temps passe trop vite.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur, saviez-vous qu'une équipe des Nations Unies à proximité de
4 l'hôpital Kosovo à Sarajevo avait été témoin de l'installation d'un mortier
5 dans le périmètre de l'hôpital pour tirer sur des positions serbes, puis
6 arrivaient ensuite les équipes de télévision pour enregistrer la riposte
7 des Serbes et dire que voilà, l'on tirait sur l'hôpital ?
8 R. S'ils l'ont indiqué dans un rapport à eux, pourquoi ne pas les croire ?
9 Moi, personnellement, je n'ai pas le sens de telles choses.
10 Q. Dites-moi, étant donné que vous avez été policier à Sarajevo, qui a été
11 la première des victimes ? Quelle est la première des personnes tuées à
12 Sarajevo ? Serait-il exact de dire que c'est juste au lendemain du
13 référendum qu'il y a eu une attaque sur des personnes qui faisaient la
14 noce, qui étaient à un mariage, et on a tué le père Nikola Gardovic, et on
15 a tué un prêtre ?
16 R. Oui.
17 Q. Et n'est-il pas vrai de dire que Nikola Gardovic, qui a été tué à la
18 porte même d'une église orthodoxe, a été la première des victimes de cette
19 guerre en Bosnie-Herzégovine ?
20 R. Pour autant que je le sache, il avait été tué à Bas Carsija. Et cette
21 colonne de noceurs se déplaçait vers l'église orthodoxe.
22 Q. Mais cela voulait-il dire que nous nous sommes déclarés en faveur d'une
23 indépendance, et à présent que nous l'avons fait, nous pouvons vous abattre
24 comme bon nous semble. Est-ce que c'est ainsi qu'est véritablement tombée
25 la première des victimes à Sarajevo ?
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est un commentaire, et le témoin n'a
2 pas à répondre à ce type de commentaire.
3 Maître Tapuskovic.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais vous remercier Messieurs les
5 Juges.
6 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :
7 Q. [interprétation] Je vais m'efforcer d'aller assez vite parce qu'il y a
8 beaucoup à faire.
9 Monsieur Kucanin, je voudrais extraire deux passages de votre déclaration,
10 celle du 4 septembre. Je parle de la première page, dernier paragraphe. Et
11 vous dites que, "Suite à la scission au sein de la police, toutes les
12 unités de la police s'efforçaient de rester objectifs et professionnels
13 dans l'accomplissement des tâches qui étaient les leurs indépendamment du
14 fait que la guerre autour d'eux faisait rage."
15 N'est-ce pas, ce que vous avez dit ?
16 R. En effet.
17 Q. Vers la fin de ce premier paragraphe, en page 3, vous dites que, "Une
18 partie des réservistes de la police avait rejoint les rangs de l'armée."
19 C'est bien ce que vous dites ?
20 R. Oui.
21 Q. Et dans la dernière des phrases, vous dites que, "Les policiers de
22 réserve n'avaient même pas d'uniforme. Ils se battaient en vêtement civil
23 et en espadrille de sport."
24 R. Oui.
25 Q. Et autre chose au sujet de cette déclaration, page 4. Vous nous avez
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1 dit hier que l'on pouvait quitter la ville en toute liberté, or dans le
2 troisième paragraphe, vous l'expliquez dans le détail, et vous dites : "La
3 seule façon de quitter la ville, était ce fameux tunnel. Je suis passé pour
4 la première fois par ce tunnel en octobre 1993, et je crois qu'il avait été
5 ouvert avant, peu de temps avant cela. La police normale et la police
6 militaire contrôlaient le tunnel du côté de la ville. Je pense que de
7 l'autre côté il en était de même. Nous avions des cartes ou des laissez-
8 passer qui nous étaient distribués par le ministre de l'Intérieur. J'avais
9 pour ma part un laissez-passer étant donné que je devais forcément
10 travailler de l'autre côté. La sortie était autorisée à l'intention des
11 civils, mais étant donné les capacités limitées de ce tunnel, le nombre de
12 personnes qui s'en sont allées par là était limité."
13 R. Je n'ai pas dit moi-même que l'on pouvait quitter la ville en toute
14 liberté. C'est une constatation de M. Slobodan Milosevic. Et moi, je disais
15 que l'on ne pouvait pas quitter en toute liberté la ville.
16 Q. Donc on ne pouvait pas sortir sans laissez-passer. Et les laissez-
17 passer étaient distribués à un nombre limité de personnes, comme vous
18 l'avez dit vous-même ici.
19 R. Ce qui est dit ici se rapporte au tunnel. Alors qu'hier, nous avions
20 parlé d'autres choses. Pour ce qui est du tunnel, cela est tout à fait
21 exact.
22 Q. Mais est-ce que l'on pouvait sortir de la ville sans laissez-passer
23 d'une manière générale ?
24 R. Vous parlez du tunnel ?
25 Q. Non. Je vous pose une question d'ordre général.
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1 R. La seule sortie était le tunnel.
2 Q. Merci. Je ne voudrais pas m'attarder davantage sur les déclarations que
3 vous avez faites, mais à plusieurs endroits dans la longue déclaration que
4 vous avez faite entre le 10 et le 12 novembre 1995, vous dites qu'il n'y a
5 pas eu d'activités militaires là où les gens ont péri par tirs de tireurs
6 isolés. Vous l'avez dit à plusieurs endroits. Donc là où il n'y a pas eu
7 d'opérations militaires, il n'y a pas eu de victimes de tireurs isolés.
8 C'est ce que vous avez dit ?
9 R. Oui.
10 Q. Dites-nous, je vous prie, si vous connaissez M. Muratovic et Karavelic
11 qui ont, à l'époque, séjourné là-bas tout le temps, et qui étaient
12 notoirement connus à Sarajevo ?
13 R. Est-ce que vous pouvez me donner le prénom de Muratovic ?
14 Q. Moi, je n'ai que le nom de famille, Muratovic et Karavelic. Ça vous dit
15 quelque chose ?
16 R. Oui. Ça me dit quelque chose.
17 Q. Et un observateur digne de foi des Nations Unies qui a été interrogé
18 ici il y a quelques jours, a affirmé ici que Muratovic lui avait dit que
19 les activités des tireurs isolés étaient tout à fait organisées. Lorsque
20 "ils en tuent un, nous en tuons un aussi." Et c'est ainsi, disait-il, que
21 l'équilibre avait été maintenu. Savez-vous nous dire quelque chose à ce
22 sujet ? Et savez-vous nous confirmer si les tireurs isolés de l'armée ou de
23 la police bosnienne avaient tiré vers l'autre partie ?
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Chose allons cas par cas. Vous avez
25 d'abord posé des questions au sujet du dénommé Muratovic et de ces
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1 déclarations. Savez-vous nous dire quoi que ce soit à ce sujet, Monsieur le
2 Témoin ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Muratovic est un nom de
4 famille très répandu en Bosnie-Herzégovine. Je ne sais pas du tout de qui
5 il s'agit.
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
7 Q. Mais en votre qualité de policier, avec une renommée tout à fait
8 déterminée, saviez-vous que ces tirs de tireurs isolés étaient organisé
9 également sur une base de réciprocité. Pouvez-vous le confirmer en votre
10 qualité de policier ?
11 R. Monsieur, dans ma déclaration, je vous ai dit que j'ai travaillé dans
12 le civil. Et toutes mes activités à moi avaient consisté à découvrir les
13 criminels et empêcher leurs activités sur le territoire de la ville de
14 Sarajevo.
15 Q. Merci. Nous avons interrogé ici un observateur, M. Thomas qui faisait
16 partie des effectifs internationaux sur place, et j'ai pris bonne note de
17 ce qu'il a dit. Il a dit que les tireurs d'élite avaient été passés sous le
18 contrôle du ministère de l'Intérieur. Or c'est vous, vous en faisiez
19 partie. Donc, serait-il exact de dire que ces tireurs isolés avaient été
20 placés sous la responsabilité de la police, à savoir, du ministère de
21 l'Intérieur dont vous faisiez partie vous-même également ?
22 R. Mais c'est tout à fait extraordinaire que d'entendre quelqu'un dire
23 cela. Je vous précise que je n'étais pas responsable de hauts rangs. Ma
24 tâche consistait à lutter contre la criminalité. Et à la fin de cette
25 période, j'avais fait des enquêtes sur les lieux des incidents.
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1 Q. Je vous remercie. Vous avez parlé de Markale dans les déclarations,
2 vous n'en parlez pas, mais vous dites hier que vous êtes certain que
3 s'agissant de Markale, c'est du côté serbe que l'on avait ouvert le feu.
4 Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre partant de quoi en êtes-vous
5 arrivé à cette conclusion-là ? Et ce sera la dernière des questions que je
6 vous poserai.
7 R. Je ne me souviens pas d'avoir parler de Markale. Je crois ne pas avoir
8 pensé un seul mot à ce sujet.
9 Q. Si vous ne vous en souvenez pas, je n'ai plus de questions à vous
10 poser.
11 Nouvel interrogatoire par M. Waespi :
12 Q. [interprétation] Oui. Des questions vous ont été posées à propos d'un
13 cas de pilonnage dont vous avez parlé dans votre déclaration de 1995, et
14 là, vous précisiez la direction du tir. Et je pense que vous avez dit qu'il
15 y avait peut-être quelques problèmes quant aux références qui n'étaient
16 peut-être pas claires.
17 Dans cette déclaration, vous faites état d'un rapport que vous avez établi
18 à propos du dit incident.
19 M. WAESPI : [interprétation] Je vais demander que l'on présente au témoin
20 le document de trois page. Messieurs les Juges, je n'ai pas de copies. Nous
21 avions essayé d'avoir des photocopies à temps pour les questions
22 supplémentaires, mais ces copies ne sont pas encore arrivées.
23 Q. Est-ce bien ce que vous avez sous les yeux, Monsieur, une photocopie du
24 rapport que vous avez établi suite à cet incident ?
25 R. Oui.
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1 Q. Ayez l'obligeance de consulter le dernier paragraphe de ce rapport. Il
2 est fait référence à la direction du tir ?
3 R. Oui.
4 Q. Quelle était cette direction, Monsieur ?
5 R. Je puis vous donner lecture de ce que j'ai essayé d'expliquer à M.
6 Milosevic tout à l'heure. Le rapport est un document ou un PV de constat
7 qui relève tout ce qui a été fait à l'occasion de la rédaction de ce
8 constat, et c'est le seul document authentique, un point c'est tout. Donc
9 ici il est dit que le constat a constaté que depuis la direction nord-ouest
10 -- ouest, nord-ouest, il est arrivé un projectile de mortier de calibre 60
11 qui est passé par le branchage d'un arbre qui a explosé.
12 Q. Je vous remercie.
13 D'autres questions que vous souhaiterez à propos de ce que vous releviez
14 dans votre déclaration de 1996.
15 Au moment où vous avez signé cette déclaration, est-ce que vous avez en
16 fait signé une version en anglais qui vous avait été interprétée de façon à
17 ce que vous puissiez juger de l'exactitude de ce qui avait été écrit en
18 anglais ?
19 R. Oui.
20 Q. Je vais vous donner lecture de l'extrait pertinent tel qu'il apparaît
21 dans la version originale en anglais. Ecoutez-moi, et dites-moi ensuite,
22 s'il y a des inexactitudes. Ceci est en rapport avec le fait que des civils
23 ont été pris pour cible à proximité de la caserne du maréchal Tito.
24 Je lis le cinquième paragraphe : "La zone de cette rue qui se trouve entre
25 l'hôtel Holiday Inn et le pont de la Fraternité et de l'Unité, est-il bien
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1 connu comme étant un lieu où il y avait des tirs de tireurs embusqués.
2 Difficile de chiffrer cela, mais il y avait pratiquement des victimes tous
3 les jours. Parfois, il y avait tellement de personnes prises pour cible que
4 toute la population devait se servir de voie disons de délestage même s'il
5 y a de l'autre côté de la rue une caserne militaire. La rue en tant que tel
6 est assez large et les positions de tireurs embusqués sont assez élevées ce
7 qui veut dire qu'on visait c'est certain des civils. On n'a pas souvent
8 tiré sur la caserne. Je dirais aussi que les civils n'ont pas
9 nécessairement été touchés devant la caserne. Quand on voit l'angle très
10 élevé du tir on peut conclure que les civils étaient les objectifs."
11 Y a-t-il quoi que ce soit dans ce que je viens de vous lire qui soit
12 inexact ?
13 R. Non. Cet angle élevé de provenance des tirs voulait dire que forcément
14 c'est depuis ces installations là que l'on tirait en direction de la rue.
15 Et si l'on tirait de plus bas, il aurait été évident que l'on visait, que
16 l'on ciblait la caserne. C'est cela que j'avais à l'esprit quand je l'ai
17 dit.
18 M. IERACE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kucanin. Pas
19 d'autres questions.
20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, excusez-moi. Mon assistante me
21 fait une remarque. S'agissant des documents versés par le truchement de ce
22 témoin, j'aimerais apporter un éclaircissement sur les intercalaires 2 et
23 10. Ils ont été versés ou devraient l'être sous pli scellé.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, nous allons faire cela. Voulez-vous
25 que le dernier rapport que vous avez mentionné soit également versé au
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1 dossier ?
2 M. IERACE : [interprétation] Celui du 26 octobre.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous le voulez ?
4 M. IERACE : [interprétation] Non.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Je vous remercie.
6 Monsieur Kucanin, ceci met fin à votre déposition. Nous vous remercions
7 d'être venu témoigner au Tribunal pénal international. Vous pouvez
8 désormais vous retirer.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
10 [Le témoin se retire]
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pendant que le témoin sort du prétoire,
12 permettez-moi d'aborder quelques questions d'ordre administratif.
13 Je demande d'abord au juriste de la Chambre de s'approcher.
14 On nous a demandé hier de procéder à une nouvelle numérotation de la pièce
15 D216, c'est la déclaration au préalable du commandant Thomas, mais nous
16 avons réfléchi à la question, et nous avons adopté pour pratique d'admettre
17 ces pièces comme pièces de la Défense. C'est ce que nous allons faire. Donc
18 ce document continuera à porter la cote D216.
19 A un moment donné de ce matin, il nous faudra nous pencher sur la façon
20 dont nous allons organisé le travail de mardi. Autant le faire maintenant.
21 M. NICE : [interprétation] J'avais l'intention de poser quelques questions
22 à propos des témoins mais je pense qu'il y a d'abord M. Ierace qui voudra
23 aborder quelques questions avec vous.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
25 M. IERACE : [interprétation] Oui, je demanderais si vous me l'accordez le
Page 28982
1 versement au dossier officiel des documents admis par la Chambre de
2 première instance par voie d'ordonnance du 7 octobre ? Ce sont des
3 documents relatifs à quatre témoins ayant comparu dans le procès Galic. Si
4 je vous donne les noms et on pourra peut-être donner des cotes en tant que
5 de besoin.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Voici ce que je pense nous allons
7 faire. Nous allons en prendre un à la fois. Donnez-nous le nom, ce sont des
8 témoins tombant sous le coup du 92 bis, n'est-ce pas ?
9 M. IERACE : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un à la fois. Et puis nous recevrons les
11 pièces. Il faut d'abord que nous obtenions des cotes, une pour chacune des
12 pièces. Veuillez nous donner le premier nom, Monsieur Ierace.
13 M. IERACE : [interprétation] Carl Harding. Il y a sept intercalaires tous
14 susceptibles d'être versés de façon publique.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Une cote.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 587.
17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pourrez nous remettre ces documents,
18 Monsieur le Greffier.
19 Le suivant.
20 M. IERACE : [interprétation] Eldar Hafizovic, six intercalaires, tous
21 tombant dans le domaine public.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce 588.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le suivant sera.
24 M. IERACE : [interprétation] Milan Mandilovic, deux intercalaires, tous
25 tombant dans le domaine public.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce 599.
2 M. IERACE : [interprétation] Vous dites 599 ou 589 ?
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] 589. Excusez-moi.
4 M. IERACE : [interprétation] Le dernier nom sera celui de John Hamill, où
5 il y a sept intercalaires, aucun de ces intercalaires n'étant sous pli
6 scellé.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 590.
8 M. IERACE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, puis-je vous présenter
10 quelques arguments à propos de la liste des témoins, mais à huis clos
11 partiel. Je ne serai pas long parce que je sais que le témoin attend en
12 dehors du prétoire.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
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12 [Audience publique]
13 M. NICE : [interprétation] Nous avons maintenant comme témoin le colonel
14 Franken. Dans l'attente de son arrivée je vous précise que nous avons sa
15 déposition sous forme de déposition antérieure en application du 92 (bis)
16 avec contre-interrogatoire. Il y a une autre déclaration courte en date du
17 17 octobre où il évoque des extraits d'un ensemble de vidéo d'extraits
18 vidéo compilation vidéo.
19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer
21 la déclaration solennelle.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,
25 Monsieur.
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1 LE TÉMOIN: ROBERT FRANKEN [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. NICE : [interprétation] Vous avez reçu un classeur de documents. Il
4 serait peut-être utile cette fois-ci de donner quatre cotes différentes au
5 document s'y trouvant. Vous le verrez dans chaque section. Il y a plusieurs
6 intercalaires dans chaque section, disais-je, chaque premier intercalaire
7 porte un numéro un. Nous allons donc demander une cote pour la première
8 section qui se compose de dix intercalaires.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce 591.
10 M. NICE : [interprétation] La section suivante, qui commence par la
11 traduction intégrale, à la transcription intégrale d'un extrait vidéo, dont
12 nous n'allons pas demander la diffusion, il y a six intercalaires, n'est-ce
13 pas ?
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce 592.
15 M. NICE : [interprétation] Troisième section, elle commence par la
16 déclaration préalable de ce témoin du 17 octobre. On y trouve quatre
17 intercalaires. Est-ce que ceci va porter la cote 593 ?
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est trois ou quatre intercalaires ?
19 M. NICE : [interprétation] Je pensais que c'était quatre. Vous allez
20 recevoir le quatrième intercalaire, ou vous l'avez déjà reçu.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] 593.
22 M. NICE : [interprétation] Dernière section dans ce classeur, 38
23 intercalaires. Ce sera sans doute la cote 594.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est, effectivement, la pièce 594.
25 M. NICE : [interprétation] Ce M. Waespi va m'aider. L'interrogatoire
Page 28995
1 principal de ce témoin sera très court. Dans les questions, qu'il a
2 récemment posées, l'accusé a reconnu que des crimes horribles avaient été
3 commis à Srebrenica. Ceci ne fera donc pas l'objet de débat, ce qui avait
4 été le cas.
5 Il était commandant adjoint du Bataillon néerlandais, DutchBat, à
6 Srebrenica, de janvier à juillet 1995, second du lieutenant-colonel
7 Karremans à l'époque.
8 Le DutchBat se trouvait dans l'enclave de Srebrenica pour empêcher des
9 attaques, pour démilitariser la zone des Musulmans, plus exactement, et
10 soutenir les organisations non gouvernementales et autres organisations.
11 Ce que ce témoin a déjà dit dans des dépositions antérieures, c'est que la
12 démilitarisation des Musulmans n'était pas tout à fait complète et
13 terminée, mais les situations étaient tellement dangereuses qu'il n'aurait
14 pas rêvé remettre ses armes personnelles si on l'avait obligé à le faire,
15 ou si on l'avait invité à le faire.
16 En juillet 1995, et je crois que vous avez reçu un résumé de tout ceci. Le
17 11 juillet, le témoin a reçu un rapport de la Compagnie B. Examinez la
18 pièce 591; et tout d'abord, l'intercalaire 2. Il s'agit d'une carte qui
19 vous donnera une idée de la zone.
20 Je demanderais à Mme l'Huissière de placer ce document sur le
21 rétroprojecteur. C'est l'intercalaire numéro 2, montre une zone très vaste
22 concernée par les crimes commis à Srebrenica.
23 Vous avez ici, au sud de la carte, Srebrenica avec la frontière qui va du
24 nord vers le sud. Vous y voyez les lieux d'exécution, les lieux
25 d'ensevelissement, et la ville de Srebrenica existe en tant que ville, mais
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1 on parle de Srebrenica pour décrire la région. Il y a Potocari à peu près à
2 quatre kilomètres de Srebrenica.
3 La Compagnie B se trouvait au centre de la ville de Srebrenica, les autres
4 bases du DutchBat, les Juges les connaissent bien, mais il y avait, comme
5 autre base, celle de Potocari. Le 15 juillet, le commandant de la Compagnie
6 B, qui se trouvait au centre de la ville de Srebrenica, a dit à ce témoin
7 qu'il y avait pilonnage de civils se trouvant dans la ville, et que la
8 Compagnie B n'était plus en mesure de contrôler sa base. Le témoin a
9 approuvé la demande d'abandon de la base et il est allé à Potocari.
10 La route menant à Potocari était tellement vulnérable, soumise à des
11 attaques venant de positions de canons appartenant au Serbes de Bosnie; que
12 le témoin a organisé un itinéraire, une voie sûre pour les réfugiés afin
13 qu'ils puissent se frayer un chemin dans la mesure du possible jusqu'à la
14 base de Potocari, afin donc de protéger les réfugiés, mais aussi parce
15 qu'il n'y avait plus beaucoup de soldats dans le DutchBat, dans le
16 Bataillon néerlandais, puisqu'il y avait seulement 150 soldats formés au
17 combat, et qu'ils n'avaient que 16 % des munitions et des armes qu'ils
18 auraient dû avoir. Ils se trouvaient à Potocari avec quelque 35 000 civils,
19 certains de ceux-ci se trouvant dans la base même, et d'autres à
20 l'extérieur.
21 On avait menacé les néerlandais s'ils n'arrêtaient pas les frappes
22 aériennes qui avaient commencé ailleurs, et bien, qu'ils seraient pris pour
23 cible que ce soit à l'intérieur de la base. Et ceci valait aussi pour les
24 réfugiés civils, on s'entend, s'y trouvant également. A ce moment-là, les
25 Serbes de Bosnie avaient déjà capturé des soldats néerlandais. On avait
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1 fait des prisonniers de guerre, et les avaient menacé de mort.
2 La VRS avait quelque 35 pièces d'artillerie, dont quelques lance-roquettes
3 multiples.
4 Le 12 juillet, paragraphe 12 [sic] du résumé, si vous suivez ce résumé,
5 Monsieur le Juge, la base a été attaquée. Au moment où le lieutenant-
6 colonel Karremans, qui était le commandant, rencontrait Mladic à Bratunac,
7 les efforts ont été entrepris pour aider les réfugiés. Le témoin a organisé
8 des escortes, mais il était en butte à des problèmes énormes, notamment, le
9 fait que les Serbes avaient pris aux néerlandais de 15 à 20 [sic] jeeps. Le
10 témoin pourra confirmer les responsabilités et nous dire à quel point les
11 néerlandais étaient peu en mesure de remplir leur mandat.
12 La plupart des réfugiés de Potocari étaient des femmes et des enfants, mais
13 il y avait une trentaine d'hommes dans la base et, à l'extérieur, 500 ou
14 600 hommes. Et le témoin était très inquiet de leur destin car Mladic avait
15 dit au DutchBat qu'il allait séparer les hommes de 16 à 60 ans des autres
16 réfugiés pour voir si c'étaient des criminels de guerre. Cette séparation a
17 fini par se produire.
18 Et si vous examinez les intercalaires de la pièce 591, jusqu'à
19 l'intercalaire 7, il y a une photo prise sud nord, pas nord-sud. Et vous
20 avez un bâtiment qui se trouve juste au sud de la base du Bataillon à
21 Potocari. C'est au bas de la photo. Vers le milieu de la photographie, vous
22 voyez des rectangles blancs. Ce sont des autocars. Et à droite de cette
23 grosse tache blanche, de l'autre côté, il y a ce bâtiment que l'on appelait
24 la maison blanche. C'est là qu'on séparait les hommes, et il y a eu comme
25 ça une répartition des vêtements. Les cars partaient en portant les femmes
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1 et les enfants, et des hommes aussi, et on pensait que ces personnes
2 allaient partir en lieux sûrs, en territoire tenu par les Bosniens.
3 Le Bataillon néerlandais n'a pu que surveiller la destination de ces cars
4 que, pendant très peu de temps, l'espace de voir quelque quatre convois
5 partir. Il s'inquiétait de ce qui allait se passer pour ces hommes. Tout
6 d'abord, parce qu'on a vite compris que neuf hommes semblaient avoir été
7 exécutés dans des champs tout près de la maison blanche, mais, en plus de
8 cela, il est devenu apparent que, même si on s'attendait à ce que ces
9 hommes puissant se frayer un chemin jusqu'à Kladanj, qu'on voit à gauche à
10 l'intercalaire 2, il recevait des rapports indiquant que ces hommes ne
11 parvenaient pas
12 à l'endroit qui était sensé être leur destination.
13 Le témoin a pris toutes les mesures possibles. Il a notamment dressé la
14 liste des noms des hommes se trouvant dans la base. Il a envoyé par
15 télécopie cette liste à Tuzla et à La Haye. Il y avait quelques 250 [sic]
16 hommes et je pense qu'on ne sait pas ce qui leur est arrivé.
17 Il s'est plaint auprès d'un certain Jankovic du traitement réservé à ces
18 hommes à la maison blanche et Jankovic n'a pas admis qu'il y avait mauvais
19 traitements, mais il a dit que la VRS avait
20 6 000 prisonniers de guerre et, si l'on met en corrélation -- corrélation
21 importante avec le nombre de personnes, donc il est dit qu'ils ont été tués
22 dans le cadre des massacres commis à Srebrenica.
23 Le DutchBat ne contrôlait plus la situation. Il a quand même essayé de
24 faire ce qu'il pouvait pour assurer qu'il y ait quand même de la nourriture
25 et, s'il n'y avait pas de nourriture c'était la famine qui menaçait ces
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1 gens s'ils restaient plus longtemps là. Il y avait un peu d'eau, mais avec
2 autant de personnes puisqu'ils étaient 30 000, il y en avait pas
3 suffisamment, certains auraient essayé de se suicider alors que la
4 situation évoluait.
5 Paragraphe 17, le 13 juillet, le témoin a contacté le colonel Acamovic. A
6 l'époque, il y avait une demande de carburant de la VRS, demande qui avait
7 été rejetée. Il en demeure pas moins et, si l'on voit l'ampleur de
8 l'opération qui avait évolué -- à l'intercalaire 2, vous pourrez vous
9 pencher sur les différents sites d'ensevelissement et d'exécution, il vous
10 revient de trancher, bien sûr, Messieurs les Juges, mais le témoin estime
11 qu'il aurait fallu au moins quatre à six brigades pour exécuter cette
12 opération de séparation, d'exécution et de liquidation des corps.
13 Le 17 juillet, le témoin a reçu une délégation serbe avec à sa tête le
14 colonel Jankovic. Cette discussion portait sur des patients d'un hôpital.
15 Il a dû traiter d'un document. Il a demandé une traduction sur le terrain,
16 sur le champ et on lui disait dans ce document que l'évacuation s'était
17 faite en bon ordre. Il s'agit de la pièce 591, intercalaire 9. Vous avez
18 cette traduction à cet endroit et on montre que le témoin a fait de son
19 mieux pour essayer de limiter un document que la Chambre trouvera peut-être
20 cynique. Vous avez des mentions manuscrites : "En ce qui concerne l'escorte
21 par les Nations Unies de ce convoi," et ceci donne une précision à ce
22 document qui semblerait allégué qu'il y a eu évacuation des civils en bonne
23 et due forme.
24 Et vous voyez qu'il pourra confirmer qu'il a écrit cette note au bas du
25 document et où il s'indignait d'un avocat qui était là disponible pour la
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1 VRS, mais, si je me trompe, il pourra me corriger.
2 Je n'ai rien d'autre à dire pour ce qui est du résumé. Il y a une vidéo de
3 8 minutes que M. Waespi et le témoin pourront vous commenter.
4 Vous avez à la pièce 591, intercalaire 3, à la maison blanche.
5 Intercalaire 4, la liste des hommes dressée par le témoin afin d'assurer la
6 sécurité de ces hommes. Intercalaire 5, M. Jankovic. Intercalaire 6, c'est
7 une observation très importante de vêtements, d'effets personnels qu'on est
8 en train de brûler devant la maison blanche. On le voit sur cette
9 photographie. Vous avez ensuite l'intercalaire 7, que nous avons déjà
10 examiné. L'intercalaire 8, la liste des blessés. J'y ai abordé
11 l'intercalaire 9. L'intercalaire 10 c'est Krstic.
12 Nous avons maintenant la deuxième section, première intercalaire, la
13 transcription complète de la vidéo déjà produite, inutile de la parcourir.
14 Intercalaire 3, lieutenant-colonel Karremans. Intercalaire 4, Jankovic.
15 Intercalaire 5, Mladic. Intercalaire 6, M. Boering, on va peut-être en
16 parler.
17 Puis vous avez à l'intercalaire 593, la déclaration au préalable du témoin,
18 intercalaire 1, puis quelques rapports aux intercalaires 2 et 3, rapports
19 de M. Akashi. Le temps ne me permet pas de vous faire parcourir tous ces
20 documents.
21 Enfin, vous avez la pièce portant la cote 594, dernier intercalaire.
22 L'intercalaire 38 montre des commentaires très -- où les limites très
23 fortes apportées aux commentaires du témoin au moment où il adoptait des
24 rapports des observateurs militaires des Nations Unies. Je lui demanderais
25 -- ou je vous demanderais d'examiner uniquement l'intercalaire 18. Les
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1 observateurs militaires donnent une description très dramatique des
2 événements : "Pour le moment, ce flux de réfugiés et de blessés est
3 innombrable. Il est devenu impossible de les compter. Nous estimons qu'il y
4 a à peu près 20 000 réfugiés qui sont arrivés à la base de Potocari déjà,
5 c'est un nombre qui ne cesse de croître. Depuis notre dernier rapport, le
6 pilonnage de la ville se poursuit en dépit des frappes aériennes. La ville
7 est maintenant aux mains de l'armée des Serbes de Bosnie et le dernier
8 ultimatum donné par cette armée c'est que, s'il y a poursuite des frappes
9 aériennes, tout ce qui se trouve à l'intérieur de l'enclave sera bombardé,
10 la FORPRONU ainsi que les autres organisations onusiennes. La Compagnie B a
11 quitté sa base à Srebrenica et se dirige vers Potocari."
12 C'est là donc tout ce qui mène à cet énorme désastre, à cet énorme crime.
13 Interrogatoire principal par M. Nice :
14 Q. [interprétation] Une question peut-être et pour cela nous allons
15 revenir à l'intercalaire 2, de la première pièce. Veuillez examiner cette
16 carte, Monsieur.
17 Voici ma question, colonel Franken. D'abord, je vais vous demander si vous
18 êtes bien colonel ?
19 R. Je suis lieutenant-colonel.
20 Q. Et vous êtes maintenant commandant des forces au nord de La Haye. Nous
21 avons examiné cette carte qui a une légende, montrant les sites
22 d'exécution, ce genre de chose, les fosses communes, et ceci sur une
23 superficie de plus de 40 kilomètres. Il reviendra en temps utile aux Juges
24 de voir s'ils veulent vérifier l'exactitude de cette annotation pour ce qui
25 est des sites d'ensevelissement, mais, si cette carte reflète bien la façon
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1 dont on a liquidé et disposé de ces milliers d'hommes à Srebrenica, qu'est-
2 ce qu'il aurait fallu comme effectifs pour mener cette opération ?
3 R. Vu le niveau de coordination et de participation des moyens civils, il
4 y a des moyens de transport et, d'après ce que je peux en juger, il faut
5 aller au-delà du niveau du Corps d'armée. Il faut aller jusqu'à Pale pour
6 assurer ce degré de coordination, il faut au moins pour mener cette
7 opération à bien, deux ou trois brigades.
8 Q. Je vous remercie.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous allons
10 maintenant faire une pause de 20 minutes.
11 Je vous rappelle ce que nous disons à tous les témoins. Vous n'êtes sensé
12 parler à personne de votre déposition tant quelle n'est pas terminée.
13 L'audience est suspendue.
14 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.
15 --- L'audience est reprise à 11 heures.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la parole.
17 M. NICE : [interprétation] Avant de regarder les images vidéo, ce qui nous
18 aidera à nous y retrouver, j'inviterais les Juges à se pencher sur
19 l'intercalaire 4 de la pièce 593 qui, si je ne m'abuse, est à l'écran en
20 cet instant.
21 Q. Et, colonel, est-ce que ceci indique du sud au nord ou plutôt, non du
22 nord au sud, la base des Nations Unies. Au sud, il y a donc cet usine de
23 couleur bleue que nous avons déjà vu sur une autre photo, et en face, la
24 maison blanche avec des lignes d'autobus que l'on voit sous forme de lignes
25 sur la route ?
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1 R. C'est exact.
2 Q. Donc ces autobus se dirigeaient vers le nord, et j'aimerais ajouter une
3 photo à ce que nous avons déjà vu.
4 M. NICE : [interprétation] Il s'agit de ce qui pourrait devenir
5 l'intercalaire 5 éventuellement de la pièce 593.
6 Peut-on la mettre à l'écran ?
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction 593, intercalaire 5.
8 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
9 Q. Est-ce que l'on voit ici le colonel Karremans près à se présenter à
10 Mladic au moment du retrait définitif du Bataillon néerlandais ?
11 R. C'est exact.
12 Q. Et vous étiez dans le dernier véhicule ?
13 R. J'étais dans les derniers véhicules de la colonne puisque je commandais
14 les blindés transport de troupes.
15 Q. Et vous avez pu éviter d'avoir à parler à Mladic au moment de votre
16 départ.
17 On voit des civils debout ici. Je ne crois que vous soyez en mesure de
18 reconnaître ces civils.
19 R. Il y en a un que je peux reconnaître, c'est le deuxième à partir de la
20 gauche, celui qui a une chemise vert clair. Je le connaissais sous le
21 prénom de Petar. Et officiellement c'était l'interprète des observateurs
22 des Nations Unies et finalement, il a servi d'interprète aux Serbes de
23 Bosnie.
24 Q. Mais l'homme qui regarde le colonel Karremans, vous ne le reconnaissez
25 pas, n'est-ce pas ?
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1 R. Non.
2 Q. Et finalement, le 17 juillet lors de votre rencontre avec la Croix
3 rouge internationale, parce que vous aviez des difficultés à obtenir
4 l'accès pour un de leurs véhicules qui voulait traverser la frontière pour
5 se rendre en Serbie, on voit donc Jankovic qui est en mesure d'autoriser ce
6 passage grâce un à simple coup de téléphone, n'est-ce pas ?
7 R. C'est exact.
8 Q. La déclaration que vous avez faite qui est l'intercalaire 1 de la pièce
9 à conviction 593, c'est bien votre déclaration du 17 octobre, n'est-ce pas
10 ?
11 R. Oui.
12 M. NICE : [interprétation] Monsieur Waespi. C'est à vous pour la vidéo.
13 --- Interrogatoire principal par M. Waespi :
14 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
15 j'ai choisi 13 petites séquences du film vidéo qui constitue la pièce à
16 conviction 592, intercalaire 1. Il existe une transcription du dialogue en
17 anglais qui représente la pièce à conviction 592, intercalaire 2 et une
18 traduction en B/C/S. Mais je vous indique également qu'il y a des sous-
19 titres dans les images de cette vidéo, donc vous n'avez pas besoin de
20 demander la transcription immédiatement.
21 Le témoin explique ce qu'il voit sur ces images vidéo qui constitue donc
22 l'intercalaire 1 de la pièce 593.
23 J'aimerais que l'on commence la diffusion de la première séquence où l'on
24 voit donc la ville de Srebrenica, en date du 11 juillet.
25 [Diffusion de cassette vidéo]
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13 pagination anglaise et la pagination française.
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1 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur Franken, peut-être pourriez-vous
2 expliquer ce que l'on à l'image.
3 R. Il y avait une panique intense parmi la population civile. On voit que
4 ces réfugiés se déplacent en tout sens et en cette date du 11, la Compagnie
5 des gardes, la Compagnie B est responsable ici et entoure nos camions,
6 chacun essayant de partir.
7 Q. Est-ce que nous pourrions maintenant passer à la deuxième séquence que
8 je vous demanderais de commenter également.
9 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
10 vous verrez en page 8 du résumé de la déposition de ce témoin une référence
11 aux 13 petits fragments de séquences vidéo que nous sommes en train de
12 visionner. Il est question de ce deuxième fragment au paragraphe 6 de la
13 déclaration.
14 Je crois comprendre que nous avons un petit problème technique, Monsieur le
15 Président.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De quelle partie de la déclaration
17 parlez-vous exactement ?
18 M. WAESPI : [interprétation] Si vous regardez l'addendum à la déclaration
19 du témoin, en page 2 de cet addendum, date du 17 octobre 2003. Et au
20 paragraphe 5, 6 jusqu'au paragraphe 16, on trouve des références aux
21 questions dont nous sommes en train de discuter.
22 Monsieur le Président, excusez-moi, mais apparemment nous avons un problème
23 technique assez grave. Peut-être pourrait-on passer au contre-
24 interrogatoire, et si vous nous y autorisez, nous pourrions revenir à la
25 diffusion de ces images un peu plus tard.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Ne sert à rien de perdre davantage
2 de temps dans ces conditions. Nous reviendrons à ces images bien sûr et
3 l'accusé aura la possibilité de contre-interroger au sujet de ces séquences
4 après leur diffusion.
5 Monsieur Milosevic, c'est à vous.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, avant de passer au contre-
7 interrogatoire, j'aimerais faire une observation suite au propos de M. Nice
8 qui affirme, que j'aurais admis certains de ces crimes commis à Srebrenica.
9 Comment aurais-je pu admettre quelque chose dont je ne savais rien ? Ce que
10 je sais c'est que la police de Serbie a appris pour la première fois que
11 des crimes étaient commis au moment où le jeune Erdemovic, qui a été mis en
12 accusation ici, a été arrêté sur le territoire de Serbie dès qu'il y a mis
13 un pied car il était accusé d'avoir commis des crimes de guerre.
14 Quant au fait que je m'intéressais à connaître la vérité, à savoir, ce qui
15 s'était exactement passé, qui était responsable, ça c'est certain, car dans
16 la tradition militaire serbe, l'acte le plus déshonorable que l'on peut
17 faire c'est de tuer un prisonnier de guerre, quelque soit les motifs
18 invoqués.
19 Quant à ce qui a été dit au sujet des événements, si les événements se sont
20 bien déroulés comme ils ont été présentés, et ça de je l'ai déjà dit, ils
21 n'ont pu être commis que par quelqu'un qui était l'ennemi des Serbes,
22 l'ennemi des Musulmans, et totalement fou. Ça, je tiens à le dire de la
23 façon la plus claire qu'il soit.
24 Deuxièmement, vous affirmez ici que le principe de la publicité des débats
25 est respecté ici et le témoignage qui se déroule en ce moment est
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1 effectivement fait en public, mais j'espère que vous comprenez bien que ce
2 principe apparaît comme un principe plein de cynisme, compte tenu de la
3 façon dont les choses sont présentées. Parce que, que fait M. Nice, il
4 invoque toute une série de chiffres
5 --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Nous ne sommes pas ici pour vous
7 écouter faire des discours. Nous avons entendu votre observation et nous
8 connaissons votre point de vue dans le cadre de votre défense. Et bien sûr
9 nous vous entendons lorsque vous vous exprimez dans le cadre de votre
10 stratégie de défense, et nous vous donnerons la possibilité de vous
11 exprimer dans ce cadre. Mais nous ne pouvons pas vous écouter lorsque vous
12 dites ce qui est en cause ou pas.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, combien de temps m'accordez-vous
14 pour le contre-interrogatoire de ce témoin ?
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous aurez une heure pour contre-
16 interroger ce témoin qui est un témoin entendu dans le cadre de
17 l'application de l'Article 92 bis du règlement.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je n'ai absolument pas la
19 possibilité d'achever le contre-interrogatoire de ce témoin en une heure,
20 car même si je devais ne passer que très superficiellement sur les
21 questions que je souhaite lui poser, ce serait impossible. Or vous savez
22 bien --
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien ne perdons pas davantage de
24 temps. Si à la fin d'une heure vous avez besoin d'un temps supplémentaire,
25 vous pourrez faire la demande, et nous y réfléchirons. Mais cela dépendra
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1 en partie de la durée qui aurait été gaspillée, perdue par vous. Si vous ne
2 perdez pas de temps, nous réfléchirons la possibilité de vous accorder un
3 peu de temps supplémentaire.
4 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :
5 Q. [interprétation] Monsieur Franken, il ne fait aucun doute qu'il s'agit
6 d'un calcul tout à fait morbide lorsqu'on est obligé de faire le décompte
7 de victimes civiles, quelque soit les éléments intervenant dans ce calcul.
8 Mais véritablement, je souhaite que la vérité soit faite au sujet de
9 Srebrenica, et que finalement on arrive à un nombre exact au sujet des
10 personnes portées disparues et des personnes tuées. Donc je vous demande si
11 ce que je crois est exact, à savoir que ce crime qui a eu lieu, compte tenu
12 de son importance n'a pas pu faire partie d'un plan militaire et n'a pas pu
13 faire partie de la stratégie militaire de la Republika Srpska. Il est clair
14 que ceci n'a rien à voir avec la République de Serbie, bien sûr.
15 Mais je vous demanderais de m'aider à tirer au clair un certain nombre de
16 choses en répondant aussi brièvement et efficacement que possible aux
17 questions que je vais vous poser.
18 Monsieur Franken, dites-moi, je vous prie, vous souvenez-vous que le 21
19 janvier 1995, l'armée de Bosnie-Herzégovine a introduit des restrictions
20 dans la liberté de circulation défense des Nations Unies dans ce qu'il
21 était convenu d'appeler le triangle Bandera et que le Bataillon des Nations
22 Unies a décidé d'ignorer ces restrictions. Et que le 27 janvier, les forces
23 des Nations Unies ont envoyé deux patrouilles dans cette zone ? Cependant,
24 l'opération a eu pour résultat une réplique de la part des Bosniens qui ont
25 maintenu en otage une centaine d'hommes de ce bataillon le 31 janvier. Ceci
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1 est-il exact ?
2 R. C'est exact. Mais il importe de remarquer que les restrictions
3 apportées à la liberté de circulation dans le triangle Bandera existaient
4 déjà avant la date du 21 janvier.
5 Q. Fort bien. En fait, ce que vous dites confirme ce que j'ai dit moi-
6 même. Mais êtes-vous au courant du fait que l'armée de la Republika Srpska
7 ne faisait que répliquer aux attaques de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et
8 que fin 1994 et notamment et plus particulièrement au cours de l'année
9 1995, les actions militaires musulmanes sur ce territoire se sont
10 intensifiées.
11 R. Je ne peux rien dire au sujet de 1994 puisque je suis arrivé sur place
12 en 1995. Donc il y avait avant nous nos prédécesseurs du Bataillon
13 néerlandais numéro 2.
14 Et nous n'avions pas d'information au sujet de qui était responsable des
15 attaques. Simplement, nous avons observé que l'artillerie des Serbes de
16 Bosnie a pilonné de façon répétée l'intérieur de l'enclave. Mais il y a eu
17 deux fois où des actions de la part des Bosniens, donc des Musulmans, se
18 sont déroulées à l'extérieur de l'enclave. Une fois au nord de l'enclave au
19 niveau du poste d'observation Mike, j'ai été informé par mes observateurs
20 dans les premières heures de la matinée que cette opération avait eu lieu.
21 Et deux ans [sic] plus tard, il a été déclaré par des Serbes de Bosnie
22 qu'il s'agissait d'une opération menée par les Bosniens.
23 Et puis une fois il y a eu une action vers le sud de la zone au niveau du
24 poste d'observation Jadar, à l'extérieur de l'enclave, l'armée serbe de
25 Bosnie a affirmé que sept soldats de chez elle avaient été tués par une
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1 embuscade des Bosniens sur le territoire tenu par les Serbes de Bosnie.
2 Q. Mais vous souvenez-vous de l'attaque sur Visnjica, à l'issue de
3 laquelle pratiquement toutes les maisons des Serbes qui habitaient dans ce
4 secteur ont été rasées ?
5 R. C'est précisément cette action qui se déroulait au nord du poste
6 d'observation Mike. Nous avons demandé à l'armée des Serbes de Bosnie de se
7 rendre sur place pour voir quelles étaient les conséquences. Nous, nous
8 n'avons pu voir que des incendies de maisons. Mais nous souhaitions savoir
9 quels étaient les dommages exacts et combien de personnes avaient été
10 tuées, mais en définitif, il a été impossible de confirmer quoique ce soit
11 à ce sujet, car nous n'avions pas l'autorisation de sortir de l'enclave.
12 Nous ne pouvions pas donc confirmer les choses par nous-mêmes.
13 Q. Mais connaissiez-vous le fait que des gens sont morts, brûlés vifs dans
14 leur maison, Ljubinka Vujadinovic, c'est un nom que j'ai ici, a brûlé vif
15 dans sa maison. Est-ce que vous êtes au courant ?
16 R. Non. De façon générale, comme je l'ai déjà dit, je ne recevais aucun
17 détail. La seule exception est ce jour où tôt le matin des observateurs,
18 relevant de moi, m'ont fait savoir qu'ils avaient vu des maisons en feu. Et
19 nous avons essayé d'obtenir davantage de détails auprès de l'armée des
20 Serbes de Bosnie, mais nous avons échoué car deux jours plus tard, il nous
21 a été répondu que nous devions veiller à ce que la 28e Division ne sorte
22 pas de l'enclave. Donc, malgré nos demandes, nous n'avons pas pu obtenir de
23 renseignements complets. Et donc en conséquence, ce qui s'est réellement
24 passé dans ce village, et bien je ne le sais pas.
25 Q. Mais vous souvenez-vous du 28 mai 1995, date à laquelle les forces de
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1 Srebrenica également ont massacré un groupe de bûcherons qui étaient
2 occupés à couper des arbres également à l'extérieur de l'enclave. Il s'agit
3 de Serbes. J'ai tous leurs noms. Je parle donc de membres de la 28e
4 Division. Vous souvenez-vous de cela ?
5 R. Si vous me disiez à quel endroit cela s'est passé exactement, cela
6 pourrait éventuellement avoir un rapport avec l'action que j'ai évoquée au
7 sud de l'enclave non loin de Zeleni Jadar, avec ce que vous venez de dire,
8 je ne dispose pas d'éléments suffisants pour établir cette corrélation.
9 Q. Vous ne vous souvenez pas qu'il s'agissait de bûcherons et qu'il
10 n'était absolument pas question d'une attaque sur des soldats, y compris
11 une attaque sur des soldats étaient interdites dans les zones protégées par
12 les Nations Unies, et ces hommes ont été tués.
13 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas.
14 Q. Monsieur Franken, vous venez de parler de la 28e Division à l'instant.
15 Elle se trouvait à Srebrenica en même temps que vous, n'est-ce pas ?
16 R. Au départ, elle portait le nom de 8e Groupe opérationnel mais pendant
17 la période où je me trouvais sur place, elle a été rebaptisée pour
18 s'appeler 28e Division.
19 Q. Je vous pose la question parce qu'un témoin qui est venu ici avant vous
20 a expliqué que cette 28e Division n'avait été créée qu'après le départ des
21 forces des Nations Unies de Srebrenica. Donc vous dites aujourd'hui dans
22 votre déposition, que pendant que vous vous trouviez dans la zone protégée
23 de Srebrenica, cette 28e Division existait déjà sous ce nom, n'est-ce pas ?
24 R. A ma connaissance, oui, en effet. Le fait que le nom a changé et que la
25 structure a été modifiée nous a été communiqué par les membres de cette 28e
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1 Division, par l'état major.
2 Q. Et bien, pouvez-vous me dire quels étaient les effectifs de cette 28e
3 Division ? Vous êtes bien sûr un soldat de métier et je vous demanderais
4 donc de bien vouloir me communiquer des éléments d'informations
5 élémentaires au sujet de cette 28e Division. Je veux parler des éléments
6 d'informations que vous considérez comme indispensables pour se faire une
7 idée de la puissance et de l'incidence de cette division.
8 R. Et bien, il ne s'agit que d'estimations de notre part parce que nous
9 n'avions pas non plus des informations de la partie musulmane. Donc selon
10 nous, elle comptait 4 500 hommes et quatre brigades, deux QG, un à Potocari
11 et un à Srebrenica. Et si vous me demandez une estimation quant à leur
12 puissance, à leur capacité à combattre, elle était relativement faible, non
13 pas en raison d'une insuffisance d'effectifs mais en raison d'une
14 discipline insuffisante et d'une formation insuffisante.
15 Q. Le fait qu'ils n'étaient pas très disciplinés et ils le seraient, je
16 suppose par le grand nombre d'affrontements personnels qu'il y avait parmi
17 ces hommes à l'intérieur de l'enclave, je veux parler d'assassinats, de
18 pillages et même de certaines attaques sur vos postes d'observation au sein
19 de votre bataillon. Je suppose que vous avez été informé de cela.
20 R. Je suis au courant d'affrontements personnels. Je sais qu'un commandant
21 de brigade a tué deux de ces hommes à l'intérieur de l'enclave parce qu'ils
22 menaçaient l'un de nos postes d'observation, mais je ne suis pas au courant
23 de pillage, ni d'attaques sur nos postes d'observation. Que voulez-vous
24 dire par ces mots, par là ?
25 Q. Y a-t-il eu des attaques sur les postes d'observation des Nations Unies
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1 pendant la durée de votre séjour ?
2 R. Les postes d'observation étaient attaqués par l'armée des Serbes de
3 Bosnie vers la fin. Vous parlez sans doute de cet homme qui faisait partie
4 de mes hommes et qui a été tué par une division musulmane dans la dernière
5 période. Il est question d'un des membres du poste d'observation Foxtrot,
6 qui a été attaqué par l'armée des Serbes de Bosnie, après quoi ils se sont
7 retirés et ils se sont retrouvés au niveau d'un poste de contrôle tenu par
8 les Musulmans où il y avait un blindé transport de troupes, et cet homme a
9 été tué par un soldat musulman. Il était dans le blindé.
10 Q. Monsieur Franken, vous avez parlé de tout ce dont les Serbes étaient
11 responsables mais les Serbes n'ont pas tué un seul de vos hommes, n'est-ce
12 pas ?
13 R. Si j'ai utilisé le mot "Serbe" dans ce cas, je voulais parler des
14 Serbes de Bosnie. Ils n'ont pas tué nos hommes à l'intérieur de l'enclave.
15 Mais j'ai eu une victime parmi mes hommes au niveau d'un autre secteur, et
16 c'était un Serbe de Bosnie qui était responsable.
17 Q. Fort bien. Mais vous n'êtes pas ici en train de parler de cela dans
18 votre témoignage. Donc indépendamment de cela, je vous demande si l'un de
19 vos hommes a été tué par un Serbe de Bosnie ou par une action due à un
20 Serbe de Bosnie.
21 R. Si vous parlez de ce qui se passait à l'intérieur de l'enclave, je vous
22 répondrais que je n'ai subi aucune perte humaine suite aux actions des
23 soldats serbe de Bosnie. Mais je vous ai déjà dit que nous avions subi une
24 perte, qu'un de nos hommes était mort en raison d'une action due à un Serbe
25 de Bosnie mais c'était dans un autre secteur.
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1 Q. C'était où votre homme a été tué ? A quel endroit ?
2 R. C'était à 40 kilomètres à l'est de Tuzla dans une autre zone bosnienne.
3 L'une de mes compagnies était en mission là-bas pour le même genre de
4 mission que celle que nous menions à l'intérieur de l'enclave et l'un des
5 membres de cette compagnie a été tué, comme je l'ai déjà dit.
6 Q. Qui l'a tué ? Le savez-vous, et pouvez-vous le dire ?
7 R. Oui. Il y avait là un poste d'observation avec les hommes qui tenaient
8 ce poste. Et ce poste d'observation a été pilonné par les soldats de
9 l'armée des Serbes de Bosnie, et cet homme est mort suite à ce pilonnage.
10 Q. Fort bien. Mais dites-moi, Monsieur Franken, considérez-vous que le
11 statut de la zone protégée n'a pas été respecté puisqu'il se trouvait à cet
12 endroit, la 28e Division, et qu'à partir de la zone protégée, elle lançait
13 des attaques sur le territoire contrôlé par l'armée des Serbes de Bosnie,
14 elle tuait des gens ? Je vous ai donné deux exemples. Le village de
15 Visnjica et le massacre qui a résulté en la mort des bûcherons. Mais il y
16 en a eu d'autres exemples de ce genre. Alors est-ce que c'était une
17 pratique courante pour eux, pour ces hommes de la 28e Division de sortir de
18 la zone et de lancer une opération pour commettre des crimes dans les
19 environs ?
20 R. Fondamentalement, la 28e Division ne devait pas existé parce que le
21 secteur de Srebrenica aurait dû être démilitarisé et il n'y aurait dû s'y
22 trouver aucune formation militaire bosnienne. Donc je suppose que cela
23 répond à votre question. Et étant donné que cette division n'était pas
24 censé se trouver là, elle était encore moins censé lancer quelque action
25 que ce soit sous le couvert de la présence du Bataillon néerlandais des
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1 Nations Unies.
2 Q. Et bien, compte tenu de ce que vous venez de dire, expliquez-moi
3 comment vous pouvez affirmer que durant les premiers mois de votre séjour à
4 Srebrenica, vous le dites au paragraphe 3 de votre déclaration au
5 préalable, comment pouvez-vous dire que pendant ces quelques premiers mois,
6 il y a eu très peu d'incidents dignes d'être mentionnés, et que l'aspect
7 humanitaire n'était pas suffisamment mise en œuvre compte tenu de
8 l'insuffisance des approvisionnements ? Alors, est-ce que ce qui se passait
9 et dont nous venons de parler n'était pas digne d'être mentionné ?
10 R. Vous m'avez demandé si la 28e Division avait des bases juridiques lui
11 permettant de lancer des opérations dans la région, et j'ai répondu à cette
12 question.
13 Mais ce que j'ai dit au sujet des incidents dont j'ai été informé est une
14 autre question. Je vous ai déjà dit que j'ai eu connaissance de deux
15 actions menées par cette Division musulmane à l'extérieur de l'enclave. Et
16 pour autant que je m'en souvienne, elles se sont déroulées en avril ou mai,
17 à peu près. Donc il ne s'agit pas de savoir si c'était digne d'être
18 mentionné ou pas. Quand je n'avais pas d'informations, je ne pouvais pas le
19 mentionné Mais quand j'avais des renseignements, des informations, j'en
20 faisais état.
21 Quant au fait que l'aspect humanitaire n'était pas suffisamment mis en
22 œuvre en raison de l'insuffisance des approvisionnements, cela avait
23 beaucoup à voir avec le fait que les Serbes de Bosnie, étaient ceux à qui
24 il fallait s'adresser lorsqu'on était un Casque bleu et qu'on voulait
25 pouvoir disposer d'un transport. Et sur ce plan, le harcèlement était
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1 incessant. A savoir que les quantités d'approvisionnement n'étaient pas
2 suffisantes. Je veux parler de celles qui pénétraient dans l'enclave; non
3 seulement pour la population civile, mais pour les soldats du bataillon
4 également.
5 Q. Mais vous souvenez-vous, Monsieur Franken, que pour l'essentiel, ce que
6 le HCR ou les Nations Unies envoyaient, passait en général par le
7 territoire de la Serbie pour arriver à destination c'est-à-dire, à la
8 FORPRONU ?
9 R. C'est exact. Si l'itinéraire suivi était l'itinéraire normal, les
10 chargements ne traversaient pas la Serbie, mais passaient par Zenica. Donc
11 par le secteur de Sarajevo. Compte tenu qu'il y avait là, une base
12 logistique. Et puis il y avait certains approvisionnements qui venaient de
13 Zagreb, et qui passaient par la Serbie. Et je dirais qu'il n'y avait aucun
14 problème sur le territoire de Serbie. Les problèmes qui se sont posés, se
15 sont posés à la frontière tenue par les Serbes de Bosnie, au cas où nous
16 n'avions pas d'autorisation pour franchir cette frontière.
17 Q. Donc sur le territoire de la Serbie, vous n'avez jamais rencontré le
18 moindre problème, n'est-ce pas ?
19 R. Le HCR a rarement eu le moindre problème lorsqu'elle traversait la
20 Serbie pour se rendre vers Srebrenica ou vers Zagreb.
21 Q. Moi, je pense que le HCR n'a jamais eu le moindre problème sur le
22 territoire de la Serbie. Enfin, nous pouvons en reparler avec un autre
23 témoin.
24 R. C'est la raison pour laquelle j'ai utilisé le terme pour autant que je
25 le sache, Monsieur Milosevic.
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1 Q. Fort bien. Merci, Monsieur Franken. Mais dites-moi, puisque vous êtes
2 un soldat de métier, je vous demanderais s'il est exact que l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine, juste avant l'été 1995, était ce que j'appellerais une
4 force armée, puissamment armée ? Et que sur le plan matériel, sur le plan
5 technique, sur le plan des renseignements dont elle disposait, elle était
6 soutenue de l'extérieur ? En 1995, ses effectifs atteignaient quelque 270
7 000 hommes. Si les chiffres fournis par mes associés, sont exacts. Elle
8 comptait six corps d'armée, 45[sic] brigades. Et bien sûr, disposait de
9 chars, de lance-roquettes en grand nombre, lance-roquettes multiples
10 notamment, et cetera. Ceci est-il exact ?
11 R. Je ne me souviens pas exactement des chiffres. Mais lorsque je me suis
12 préparé en 1995 à l'accomplissement de ma mission, j'ai reçu bien sûr des
13 renseignements au sujet de l'armée bosnienne, également. Et elle m'est
14 apparue comme une force militaire relativement bien organisée, relativement
15 bien structurée. Mais est-ce qu'elle recevait des appuis matériel et
16 technique de l'extérieur, ça je ne le sais pas. Et financier également de
17 l'extérieur, je ne le sais pas.
18 Q. Vous ne savez rien nous dire donc au sujet de l'appui ou du soutien qui
19 passait par certaines parties de la FORPRONU, notamment. Et au sujet de ce
20 type de soutien-là, vous ne savez rien nous dire, n'est-ce pas ?
21 R. Non. Il convient de prendre en considération le fait que je me trouvais
22 dans une enclave, donc plutôt isolée au niveau du bataillon. Et si vous
23 avez ce type de questions à poser, je pense qu'il vous faudrait
24 probablement aller jusqu'aux grades des Nations Unies qui sont supposés
25 savoir cela. Moi, je ne le sais pas.
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1 Q. Je vous comprends parfaitement, M. Franken. Je ne vous poserai plus de
2 question de ce type. Mais étant donné que Srebrenica et les activités des
3 forces musulmanes, à partir d'une zone protégée, j'imagine que vous ne
4 pouvez pas prendre cela en considération de façon isolée; mise à part le
5 contexte de la situation toute entière. Savez-vous donc nous dire s'il y
6 avait un plan de l'armée musulmane en deux étapes. A savoir, rattachement
7 de ces enclaves de Gorazde, Srebrenica et Zepa. Saviez-vous quoi que ce
8 soit à ce sujet-là ?
9 R. J'ai entendu parler d'un plan de cette nature-là, mais une fois revenu
10 au Pays-bas. A savoir, après juillet 1995. Mais à l'époque où je me
11 trouvais là-bas, je n'en avais pas connaissance.
12 Q. Mais est-ce que cela constituait partie intégrante d'un plan qui visait
13 à faire en sorte que les forces musulmanes maîtrisent bien la région du
14 cours de la Drina, du cours central de la Drina ?
15 R. Je ne suis pas au courant des détails de ce plan. La seule chose que je
16 sache, c'est qu'il y a eu un plan du côté musulman. Ce plan visait à
17 libérer les enclaves, et à les adjoindre, à les annexer au secteur
18 musulman. A savoir, entre Sarajevo et Tuzla.
19 Q. Serait-il de dire que cette division-là, celle qui se trouvait à
20 Srebrenica, était constituée de cinq brigades, et d'effectifs appropriés
21 pour ce qui est donc des forces montagnardes et des forces de la police ?
22 D'après les renseignements qui ont été collectés, la 280e Brigade se
23 trouvait entre Potocari et Srebrenica. Puis la 271e [sic], entre Suceska et
24 -- Zeleni-Jadar-Bojna, Ravni-Buljim-Milacevici-Potocari et un Bataillon de
25 montagne qui étaient affectées à Potocari, Suceska. Et qui avaient pour
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1 rôle de se trouver là en réserve de cette 28e Brigade d'infanterie.
2 Connaissiez-vous donc toutes ces formations armées qui étaient les leurs ?
3 R. Oui. Les quatre brigades partant de ce que j'en savais, constituaient
4 une réserve de la 28e Division d'infanterie. Je crois que vous vouliez
5 parler de division. Et il était notoirement connu le fait qu'Oric était le
6 commandant de cette 28e Division, disposait d'une unité plus ou moins
7 spéciale. Et d'après ce que nous avons pu remarquer, il ne s'agissait pas
8 d'un bataillon organisé pour ce qui est des effectifs de la police. Il s'en
9 est servi en guise d'instrument à lui, personnel, d'instrument personnel.
10 Et nous n'avons jamais réussi à identifier la structure d'un bataillon pour
11 ce qui est des hommes qui avaient été placés directement sous le contrôle
12 de Oric.
13 Q. Mais s'agissant des cinq brigades que je vous ai mentionnées, ainsi que
14 dans le cadre de ce bataillon que vous dites avoir été placé sous le
15 contrôle immédiat d'Oric, d'après les informations dont je dispose, leur
16 effectif au total variait entre 10 et 12 000. Ce renseignement-là, est-il
17 exact, Monsieur Franken ?
18 R. Les renseignements dont disposions partant des observations que nous
19 avions relevées, et partant des activités de surveillance de nos
20 prédécesseurs du Bataillon 2, nous en étions arrivés à un chiffre de 4 500
21 hommes armés, au maximum. Le fait est que la 28e Division avait placé à sa
22 disposition, tous les hommes en âge de combattre. Mais les informations
23 dont je disposais, disaient qu'il importait de savoir combien d'hommes en
24 arme, il y avait. Or, c'est un chiffre de 4 500 hommes.
25 Il me semble peu probable qu'il ait disposé de 10 à 12 000 hommes armés.
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1 Q. Bien, Monsieur Franken. C'est ce que vous pouvez nous apporter au
2 meilleur de votre connaissance pour ce qui est des 4 500 hommes qu'il avait
3 sous ordres, mais, dans une zone -- dans un secteur aussi petit, c'était
4 une force armée tout à fait respectable n'est-ce pas ?
5 R. Oui, en effet.
6 Q. Dans un rapport du 28 juin 1995, et c'est la période où il s'agissait
7 de respecter strictement le régime de zones protégées, je parle donc du 28
8 juin 1995, dans un rapport de combats de cette Brigade d'infanterie légère
9 de la Bosnie de l'est. On informe le commandement supérieur de Bosnie-
10 Herzégovine et on informe la 28e [sic] Division, en disant que cette
11 brigade avait envoyé neuf groupes de sabotage pour sabotage sur le
12 territoire de la Republika Srpska, et le commandant se vante, en disant
13 qu'on avait tué 40 Chetniks dans ces opérations là. Savez-vous nous dire
14 quoi que ce soit au sujet de ces événements-là ?
15 R. Non. Nous n'avons pas disposé d'une quantité suffisante de
16 renseignements. Au contraire, nous avions un manque d'informations pour ce
17 qui est des événements ou des incidents que nous n'avons pas pu voir ou
18 auxquels nous n'avons pas pu assister. Nous n'avons pas reçu des rapports
19 ou des échelons supérieurs et ils nous arrivaient de ne rien savoir du tout
20 de ce qui se passait sur le terrain.
21 Q. Monsieur Franken, ayez l'amabilité de nous dire ce qui
22 suit : est-ce qu'outre les Unités de cette 28e Division d'infanterie, il
23 vous a été donné l'opportunité de constater l'existence de formations
24 paramilitaires au sein de cette enclave-là ?
25 R. Le problème a consisté en ce qui suit : les membres de cette 28e
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1 Division n'ont pas pu être identifiées par les uniformes ou parties
2 d'uniformes qu'ils portaient. Plus tard, vers le mois de mai, certaines
3 unités, de la taille d'une compagnie, avaient disposées -- ont commencé à
4 posséder des uniformes. Maintenant, s'agissant de ceux qui étaient à moitié
5 vêtu de vêtements militaires. Il était difficile de dire s'il y avait des
6 paramilitaires ou pas.
7 Q. Donc tout ceux qui avaient porté des armes avaient été considérés par
8 vous-même comme faisant partie intégrante de cette 28e Division, vu que
9 vous ne pouviez pas faire la distinction ?
10 R. Oui, je voudrais faire une remarque à propos des hommes en armes. Ils
11 ont subi une formation, mais, sans les armes, même si on avait l'occasion
12 qui se présentait, on a essayé dans une certaine mesure de procéder à la
13 démilitarisation. Et vous dites que vous estimez que tous les hommes, qui
14 intervenaient de façon militaire, appartenaient à la 28e Division, c'est
15 exact.
16 Q. Et serait-il exact de dire que le Corps de la Drina, dès le début du
17 mois de juillet 1995, a dû faire face à un péril, à savoir, à une percée de
18 la part du Corps d'armée musulman de Tuzla en direction de Srebrenica et la
19 jonction de ces forces en direction de Srebrenica et Zepa, ce qui couperait
20 en deux la zone de responsabilité du Corps de la Drina.
21 R. C'est bien possible, mais, pour ce qui est de l'évaluation du Corps de
22 la Drina, vous le savez, moi je fais partie ou je faisais partie du
23 DutchBat, pas du Corps de la Drina, et je ne connaissais pas ces faits.
24 Q. Avez-vous connaissance des activités du Corps d'armée de Tuzla qui
25 s'était dirigé vers Srebrenica vers le début du mois de juillet et de leur
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1 préparatif à cet effet ?
2 R. Une fois de plus, nous étions isolés de façon considérable, pas
3 seulement sur le plan géographique, mais, pour ce qui est aussi de
4 l'arrivée d'informations ou de renseignements, on était pratiquement sur
5 une île.
6 Q. Je puis le concevoir en effet. Mais ces conflits ont-ils commencé,
7 d'après les renseignements dont je dispose, et ils ont commencé là le 6
8 juillet 1995 dans la matinée ? Ça s'est passé au moment où l'enclave a été
9 diminuée, s'est réduite à la superficie de la ville elle-même et il a été
10 rendu impossible aux Unités de cette armée musulmane de Srebrenica d'avoir
11 lieu à l'encontre du Corps de la Drina. Est-ce que c'est bien ainsi que les
12 choses se sont passées ?
13 R. Vous faites sans doute référence à ce que voulait faire la 28e
14 Division. Elle voulait lancer une contre attaque pour riposter à l'attaque
15 menée par les Serbes de Bosnie à Zeleni Jadar, et nous leur avons conseillé
16 de ne pas le faire et ils ont suivi nos conseils.
17 Q. Bien. Est-ce qu'à ce moment-là, il y a en réalité eu une débandade dans
18 les rangs de cette 28e Division pour ce qui est des structures de combats,
19 celles-ci notamment ?
20 R. Il est devenu assez clair -- je vous l'ai déjà dit qu'il n'y avait pas
21 suffisamment de discipline, ni de structures dans cette 28e Division. C'est
22 devenu apparent vers le 9 ou le 10 juillet au moment où il y a eu une
23 attaque venant du sud en direction de Srebrenica. Les commandants locaux
24 n'ont pas suivi les ordres de la division, et ainsi de suite.
25 Q. A ce moment-là, Monsieur Franken, est-ce qu'il y a eu une percée
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1 d'opérer en direction de Tuzla et de Kladanj, et ceci de la part de parties
2 importantes de cette 28e Division -- j'entends par là des groupes de 1 000
3 ou de plusieurs centaines d'hommes armés qui s'étaient efforcés d'opérer
4 une percée dans les rangs de l'armée de la Republika Srpska pour arriver à
5 Kladanj ?
6 R. Pour ce qui est de ce que nous savions, nous -- ce que nous avons
7 observé c'est qu'il n'y avait plus de forces musulmanes le matin, non pas
8 du 11, mais le matin du 12. Nous ne savions pas où ces personnes étaient,
9 où ces forces étaient. Nous n'avions aucun renseignement à cet effet et,
10 vers le 14 ou le 13, nous avons reçu de renseignements selon lesquels la
11 28e Division avait effectué une percée pour sortir de l'enclave vers la
12 zone de Tuzla.
13 Q. Bien. Mais apparaît-il clairement ici, oui ou non, que cette percée de
14 plusieurs milliers de membres de la 28e Division donc, qui visaient à se
15 frayer un passage en direction de Tuzla et Kladanj, que cette tentative de
16 passage s'est faite moyennant combats ?
17 R. Oui.
18 Q. Serait-il exact de dire alors qu'un grand nombre de ces hommes, étant
19 donné que cette opération de percée a péril à l'occasion des activités de
20 combats qui ont eu lieu à ce moment-là ?
21 R. Pour moi je me livrerais à des conjectures. Si je me fondais sur la
22 qualité de cette 28e Division, sur le nombre des effectifs, le fait que
23 l'armée des Serbes de Bosnie avait des lignes de défense autour de
24 l'enclave, il fallait, effectivement, effectuer une percée et sans doute
25 que ceci s'est soldé par plusieurs pertes, par de nombreuses pertes, c'est
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1 exact ?
2 Q. Donc il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'un grand nombre, si vous
3 dites pas mal d'entre eux, comme vous le dites vous-même, sont tombés à
4 l'occasion de ces opérations de combats qui ont eu lieu dans le courant de
5 cette tentative de percée, n'est-ce pas, Monsieur Franken ?
6 R. Ce serait tout du moins logique.
7 Q. En effet, et à mes yeux aussi, cela me semble logique. Je ne puis
8 prendre les choses en considération que, partant des informations que l'on
9 m'a mises à ma disposition.
10 Dites-moi, serait-il exact de dire que, du moins je crois que c'est vous
11 qui le dites au point 19, de votre déclaration, que ce groupe opérationnel
12 du QG de la division à l'époque n'avait plus exercé de contrôle à l'égard
13 de ces propres hommes, c'est par groupe d'un millier ou deux milliers ou
14 500 ou plusieurs centaines, disons, avaient essayé d'opérer des percées ?
15 R. La première partie de votre déclaration est exacte. J'ai déjà dit
16 qu'ils ne maîtrisaient plus, qu'ils ne contrôlaient plus leurs soldats.
17 Ici, on parle là du 10, du 11 juillet -- 9, 10, 11 juillet. Je ne sais pas
18 s'ils contrôlaient leurs hommes au cours de la planification de cette
19 percée et au cours de cette exécution car je n'en ai pas été témoin.
20 Q. Mais serait-il exact de dire que, dans la nuit du 10 juillet 1995, vous
21 étiez encore en train de négocier avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, et
22 non pas avec l'armée des Serbes de Bosnie ? Je crois que vous en parlez
23 notamment au point 21 de votre déclaration. Je le dis pour vous rafraîchir
24 la mémoire.
25 R. C'est exact.
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1 Q. Et bien, serait-il donc exact de dire qu'au lieu de se rendre et à
2 bénéficier du statut de prisonniers de guerre, le commandement de cette
3 division a choisi, du point de vue militaire, la pire des solutions, en
4 donnant l'ordre d'opérer une percée en direction de Tuzla et de Kladanj et
5 ce suivant une formation de déplacement au combat ?
6 R. Si c'était la pire solution possible, ça, je ne le sais pas. Mais, à
7 l'évidence, ils ont décidé d'effectuer cette percée, c'est exact.
8 Q. Mais ne s'est-il pas dirigé vers Jaglici, Buljim, Pobude, Cerska,
9 Snagovo, Crni Vrh, Negovici, Bajkovac et Nezuk ? N'était-ce pas l'axe de
10 déplacement pour opérer cette percée ?
11 R. J'ai appris les détails de cette percée au moment où j'étais déjà
12 rentré au Pays-Bas et c'est ce que j'ai compris d'après les informations.
13 Ils étaient allés vers le nord, en d'autres termes, ils auraient dû être
14 rassemblés dans la région, dans le secteur de Slatina, donc la partie
15 boisée à l'ouest de l'enclave et directement vers le nord, vers Jaglici.
16 Mais, pour ce qui est du reste de l'itinéraire suivi, il m'a été rapporté
17 par la suite et au moment des faits, je ne savais pas quelle itinéraire ils
18 allaient suivre ou ils suivaient.
19 Q. Donc vous n'avez eu connaissance que du premier des points que j'ai
20 mentionné. J'imagine que, par la suite, vous avez appris quel avait été
21 l'itinéraire suivi. Et, dites-nous, je vous prie, si c'est à peu près bien
22 l'itinéraire que j'ai indiqué.
23 R. Si vous me demandez si je savais qu'il y avait eu une percée effectuée
24 par la 28e Division, je réponds par l'affirmative, mais, au moment même, on
25 m'avait dit qu'ils étaient allés vers le nord, donc c'est la partie de
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1 l'itinéraire que je vous ai déjà décrite et c'est à cela que se limite les
2 connaissances que j'ai à propos de cette percée.
3 Q. Bien. Pour ce qui est du déplacement même, en votre qualité de soldat,
4 je comprends qu'à vos connaissances, il s'arrêtait là, mais ne savez-vous
5 pas que, partout où ils ont pu le faire, ils avaient réquisitionné des
6 parties des Unités du Corps de la Drina, et non seulement des parties
7 d'Unités de combat, mais aussi la logistique, les civils qu'ils avaient
8 rencontré chemin faisant, donc tout ce qui pouvait être détruit et abattu
9 du côté des Serbes. Le saviez-vous cela ?
10 R. Non. J'ai entendu des récits à ce propos, mais, je le répète, ce fut au
11 moment où j'étais déjà rentré au Pays-Bas.
12 Q. Mais savez-vous qu'à l'époque déjà, du côté musulman, il y avait eu
13 très grand nombre de victime ?
14 R. Je pense avoir déjà répondu à cette question. C'est logique. Il est
15 logique qu'il y ait beaucoup de victimes si on effectue une opération de ce
16 type mais aucun chiffre ne n'a été donné.
17 Q. Bien. Apparaît-il clairement partant de ce que vous venez de dire qu'un
18 grand nombre de victimes, un grand nombre d'hommes sont tombés dans les
19 combats et que, par la suite, on a adjoint ce nombre-là au nombre des
20 victimes qui avaient été exécutées d'après ce que l'on a affirmé --
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Etes-vous en mesure de répondre à ce
22 genre de questions ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est ce que vous dites que les
25 personnes, qui se sont trouvées dans les fosses communes de Srebrenica,
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1 étaient des personnes qui essayaient d'effectuer une percée. C'est là la
2 version des faits que vous voulez présenter et que vous voulez que nous
3 nous acceptions en temps utile ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] La question s'adresse à moi ?
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Non, pas à vous. Elle s'adresse à M.
6 Milosevic qui présente ces faits. Est-ce que c'est là votre version des
7 faits afin que nous soyons au courant de la thèse que vous avancez.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je n'ai pas de version à moi. Je
9 m'efforce pour ma part de déterminer la vérité concernant les événements,
10 la totalité des événements de Srebrenica. Je n'ai pas de version à moi.
11 J'aimerais bien en avoir une pour ce qui est de l'intégralité de celle-ci,
12 mais je n'en ai pas. Partant de ce que ce témoin-ci a dit dans son
13 témoignage, il ne fait point de doute qu'il y a eu un grand nombre de
14 victimes parmi les hommes de cette 28e Division et ceci dans des opérations
15 de combat. C'est un fait que nous avons constaté.
16 Alors, quelle est la part de ces victimes-là par rapport au nombre total
17 des victimes ? Je ne puis même pas le supposer à présent, mais il ne fait
18 pas l'ombre d'un doute qu'il y a eu un très grand nombre de victimes à
19 l'occasion de ces opérations de combat.
20 Mais je n'ai pas de version à moi, Monsieur May, et je ne puis en avoir
21 une.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. A l'occasion des opérations qui visaient à opérer une percée en
24 combattant.
25 Alors, une fois arrivé au Pays-Bas, Monsieur Franken, vous vous êtes penché
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1 sur la question de Srebrenica. Avez-vous eu avoir connaissance de ce qui
2 figure dans une interview accordé par Hakija Meholjic, président du SDP de
3 Srebrenica, en juin 1998, dans leur journal Dani, leur journal à eux. Ils
4 disaient qu'Izetbegovic les avait conviés à Sarajevo et les a interrogés
5 pour savoir : "Qu'il pensait de l'échange de Srebrenica contre Vogosca ?"
6 Ils ont refusé la chose sans discuter. Alors, c'est lui qui le dit, Hakija
7 Meholjic, un homme de Srebrenica, qui dit qu'Izetbegovic leur a dit : "Vous
8 savez, Clinton, en avril 1993, m'a proposé, après la chute de Cerska et de
9 Konjevic Polje, de faire en sorte que les forces chetniks entrent à
10 Srebrenica, massacrent 5 000 Musulmans et ce n'est qu'alors qu'il pourrait
11 y avoir une intervention militaire."
12 Avez-vous eu connaissance à quelque moment que ce soit de la stratégie en
13 question d'Izetbegovic, stratégie où il s'est référé à Clinton, et à la
14 création d'une tragédie de cette envergure à Srebrenica pour qu'il y ait
15 motif d'intervention ? Savez-vous nous dire quoi que ce soit à ce sujet,
16 Monsieur Franken ?
17 R. Je le répète, il me faut souligner qu'au cours des événements de
18 Srebrenica, je me trouvais au niveau du bataillon et, effectivement, j'ai
19 écrit toute sorte de choses dans les journaux, une fois de retour au Pays-
20 Bas. Alors, j'espère que vous n'allez pas me demander ce que j'ai lu parce
21 qu'il y en avait beaucoup de ces articles. Les Pays-Bas étaient en effet
22 vivement préoccupés par toute la problématique de Srebrenica.
23 S'agissant de la question que vous posez, je ne sais rien à ce propos, pas
24 plus que ce savait tout citoyen lisant les journaux.
25 Q. Fort bien, mais compte tenu du fait que vous étiez à Srebrenica et que
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1 vous avez pu suivre le cours des événements --
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, non. Je vais vous arrêter. Il
3 est inutile de poser ce genre de question au témoin. Il vient de vous dire
4 c'est quelque chose qu'il a suivi de loin. Et plus tard, je vous ai donné
5 une certaine marge de manœuvre vous permettant de poser des questions à
6 propos de ce qu'il a lu à son retour, mais vous devez vous concentrer sur
7 les événements qui se sont produits au moment où il était en présence sur
8 le terrain. Il ne peut pas vous dire ce qu'il a lu dans les journaux. Ce
9 moyen de preuve ne vaut rien, vu le temps qu'on y consacre. Il ne sert à
10 rien d'entendre ce qu'a lu quelqu'un dans les journaux. Essayons de nous
11 concentrer sur les questions ou soit le sujet qu'il est en mesure de
12 répondre.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je comprends parfaitement bien, Monsieur
14 May. Je ne demande pas à M. Franken d'en parler, de parler de cela, mais le
15 fait d'occasionner autant de victimes parmi les membres de la 28e Division
16 étant une chose incontestée, et il est incontestable aussi que l'on a
17 présenté tout le régime de Srebrenica comme étant des --
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous arrête. Vous aurez le temps de
19 faire des discours, mais le temps n'est pas venu maintenant. Ici, chaque
20 minute compte pour ce qui est de ce témoin. Est-ce que vous avez des
21 questions plus pertinentes à lui poser ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère bien en avoir, Monsieur May.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur Franken, je vous précise quelque chose pour que vous puissiez
25 vous retrouver plus facilement dans vos réponses. Je me réfère au point 67
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1 dans votre déclaration. Serait-il exact de dire qu'un certain nombre
2 d'hommes avaient déjà été emmenés vers ce que l'on a désigné par maison
3 blanche pour être interrogé là-bas ? Et vous avez envoyé un observateur
4 militaire des Nations Unies sur place pour constater que si les armes
5 disparaissaient, et il vous a rapporté qu'il voyait des gens entrer mais le
6 même nombre de personnes ressortir. C'est bien ce qu'il vous a dit ?
7 R. C'est exact. C'est ce qu'il m'a rapporté vers trois heures au départ
8 lorsqu'il était à proximité de cette maison, ou à l'intérieur.
9 Q. Bien. Alors ce harcèlement de certaines parties de la 28e Division qui
10 s'est éparpillées autour de Srebrenica pour suivre des directions très
11 variées mais pour groupe important et armé, est-ce que cela constituait une
12 activité militaire légitime qui ne saurait être qualifiée d'activité
13 criminelle de quelque sorte que ce soit ?
14 R. Difficile pour moi d'en juger --
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, colonel.
16 Inutile que vous répondiez à cette question.
17 Oui, poursuivez.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien,
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Monsieur Franken, cette nuit du 10 juillet, quand il y a eu une réunion
21 entre le lieutenant-colonel Karremans et les autorités civiles et
22 militaires de l'enclave, le soir même sur le marché de Srebrenica il y
23 avait encore quelque 1 500 hommes qui portaient des uniformes et qui
24 avaient des armes sur eux. Vous en parlez, je pense, au point 86.
25 R. C'est le chiffre qu'avait estimé où le nombre de personnes qui avait
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1 été estimé par le lieutenant-colonel Karremans, effectivement.
2 Q. Le reste donc s'était déjà dirigé vers les forêts pour opérer une
3 percée, n'est-ce pas ?
4 R. Là aussi, ce sont des hypothèses. Il n'était dans le champ de vision du
5 lieutenant-colonel Karremans.
6 M. NICE : [interprétation] Je vous rappelle, Messieurs les Juges, que nous
7 avons maintenant cet extrait vidéo qui dure à peu près dix minutes. Il est
8 disponible. Vous pouvez le voir quand vous voulez.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous gardons ceci à l'esprit.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Je vous ramène au point 86, et vous avez déjà donné à ce moment-là des
12 ordres pour préparer la défense de Srebrenica. Mais serait-il exact de dire
13 que : "Le lendemain matin, vous n'avez plus pu voir un seul soldat de
14 l'armée de la Bosnie-Herzégovine là-bas."
15 R. J'ai donné un ordre en vue de la défense de Srebrenica, si je me
16 souviens bien, dans la soirée du 9, et nous avons, pour ainsi dire, raté la
17 28e Division, et ça s'est passé dans la matinée du 12. Je me corrige : Pas
18 du 12 mais du 11.
19 Q. Mais ce que vous dites au point 86, et vous dites que vous n'avez plus
20 vu le lendemain matin un seul soldat de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
21 Quand est-ce que cela s'est passé ? A quelle date cela s'est-il passé ?
22 R. Après que le colonel eut vu le 10 ces 1 500 hommes, et le lendemain
23 c'est bien ce que j'ai dit dans la matinée du 11, ils avaient disparu.
24 Q. Donc au matin du 11 ils n'étaient plus là-bas. Est-il exact de dire que
25 vous avez entendu dire que les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine se
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1 trouvaient à l'est de Slatina et de Buljinska. C'est une région avec une
2 forêt très dense et géographiquement très abrupte. Il se -- vous en parlez
3 dans votre point 86, et ils avaient l'intention d'aller vers Tuzla.
4 R. Exact, mais je n'ai pas appris ça dès le 11 au matin. C'est plus tard
5 que je l'ai appris. Nous étions tout à fait perplexes. Nous ne savions pas
6 du tout ce qu'ils étaient en train de faire et nous ne savions pas qu'ils
7 planifiaient ou qu'ils exécutaient, à ce moment-là, une percée.
8 Q. Et ici je vais vous donner lecture de ce que dit la dernière phrase de
9 ce point 86. Vous dites : "J'ai également appris que l'armée de Bosnie-
10 Herzégovine avait subi des pertes très grandes en s'attaquant à l'aile est
11 des positions tenue par l'armée des Serbes de Bosnie." C'est là ce qui est
12 dit dans vos déclarations.
13 R. Oui, c'est ce que j'ai entendu dire.
14 Q. Par conséquent, il y a eu une attaque en réalité faite par certaines --
15 lancée par certaines parties de cette 28e Division en direction de l'aile
16 est des positions tenues par l'armée de la Republika Srpska. C'est bien
17 cela qu'il s'agit ?
18 R. Je ne sais pas, je ne connais pas ce genre de détails. Je le répète, la
19 seule chose que j'ai entendu dire, une fois de plus ce n'était pas des
20 renseignements militaires. C'était plutôt des rumeurs d'ailleurs nombreuses
21 qui venaient de toute part, et j'ai entendu dire qu'il y avait donc
22 rassemblement. C'est ce que j'ai déclaré déjà. Quant à savoir s'ils le
23 poursuivaient en vue d'une attaque sur quel type de flanc de l'armée de
24 Serbe de Bosnie, là une fois de plus, je ne le sais pas. Mes renseignements
25 se limitent, je sais simplement qu'ils étaient partis. Plus tard j'ai
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1 entendu des rumeurs selon lesquelles ils effectuaient une percée. Quant à
2 son exécution même, c'est quelque chose que j'ai appris du côté du 13 ou 14
3 par le colonel Jankovic, qui m'a fourni ces informations, qui m'a rapporté
4 que là, je me corrige, qui m'a dit que les forces musulmanes essayaient
5 d'effectuer une percée et qu'ils en avaient fait 6 000 prisonniers de
6 guerre.
7 Q. Maintenant que vous venez d'en parler, je n'ai pas relevé ce
8 renseignement-là en lisant assez rapidement parce que j'ai beaucoup de
9 documents à lire, cela m'a peut-être échappé. Mais maintenant que M. Nice
10 avait présenté un résumé de ce que vous avez déclaré, je voudrais que vous
11 me disiez d'abord qui était le colonel Jankovic ? Quelle avait été la
12 fonction qu'il exerçait à l'époque ?
13 R. Il m'a été présenté comme étant le colonel responsable du retrait du
14 DutchBat, et moi, je devais coordonner avec lui toutes les activités
15 relatives à ce retrait.
16 Q. Mais vous ne savez quelle a été la fonction qu'il accomplissait sauf
17 mis à part le fait qu'il avait été la personne chargée de votre repli ?
18 R. Je ne connaissais pas ses fonctions officielles. Je lui
19 ai demandé quelles étaient ses fonctions, mais il ne m'a pas répondu. Plus
20 tard, j'ai appris qu'il faisait partie des services du renseignement du
21 Corps de la Drina, mais ça je l'ai appris plus tard au moment où j'étais
22 déjà de retour au Pays-Bas.
23 Q. Bien, Monsieur Franken. Je viens d'apprendre à l'occasion de la lecture
24 du résumé faite par M. Nice, le fait que le colonel Jankovic, je n'arrive
25 pas d'ailleurs à en croire mes propres oreilles, je n'ai pas pu lire cela à
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1 quelque endroit que ce soit de vos déclarations donc, "Le colonel Jankovic
2 vous [sic] aurait informé de la présence de 6 000 prisonniers de guerre qui
3 allaient être exécutés."
4 Donc ce colonel Jankovic vous aurait dit à vous que les prisonniers de
5 guerre allaient être exécutés, n'est-ce pas ?
6 R. Je ne me souviens pas avoir entendu ceci dans le résumé fait par M.
7 Nice, mais il ne m'a pas expliqué qu'ils allaient être tués. Il m'a dit
8 qu'ils avaient fait 6 000 prisonniers de guerre.
9 M. NICE : [interprétation] Jamais je n'ai mentionné ceci dans mon résumé.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Fort bien. Mais le moment se prête
11 fort bien pour examiner le reste de la déposition de ce témoin dans ce
12 procès.
13 L'accusé a déjà utilisé pratiquement tout le temps qu'il lui avait été
14 accordé. Nous allons voir s'il y a le droit d'avoir un supplément de temps
15 et vous, vous voulez débuter votre vidéo. Nous pourrions le faire
16 maintenant.
17 M. NICE : [interprétation] Nous avons un témoin qui attend, qui avait été
18 empêché de faire sa déposition pour diverses raisons auparavant et il tient
19 beaucoup à déposer aujourd'hui.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
21 Interrogatoire principal par M. Waespi :
22 M. WAESPI : [interprétation] Pourrait-on diffuser l'extrait suivant.
23 [Diffusion de cassette vidéo]
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que vous voyez ici ce sont des camions qui
25 viennent de la zone de Srebrenica qui arrivent au QG de Potocari. Au cours
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1 de cette phase-là, nous avions au départ essayer d'assurer l'évacuation de
2 l'hôpital civil de Srebrenica, mais nous n'y sommes pas parvenus au début
3 parce que les réfugiés ont sauté sur nos véhicules, y étaient suspendus. Et
4 après certaines tentatives de transport de ce genre que vous avez venus,
5 nous avons réussi à assurer l'évacuation de l'hôpital de Srebrenica.
6 On voit ici le déchargement des gens qui sont descendus de ces camions.
7 Ceci se passe au QG du DutchBat à Potocari.
8 M. WAESPI : [interprétation]
9 Q. Est-ce que vous aviez suffisamment de moyens, j'entends par là, de
10 médicaments, nourriture, eau, pour ces gens ?
11 R. Pas du tout. N'oubliez pas qu'il faisait alors 30, 35 degrés de
12 chaleur, Celsius, on s'entend. Il faisait très chaud. Moi, j'avais des
13 vivres pour deux jours pour le bataillon, 400 hommes, et j'avais le plus
14 d'eau que je pouvais avoir parce que le système des conduits d'eau ne
15 fonctionnait plus dans l'enclave. Nous devions purifier 7 000 litres d'eau
16 par jour. Vu ces circonstances, le niveau d'humidité, un homme normal qui
17 travaille ou qui ne travaille pas plutôt, il a besoin de plusieurs -- de 5
18 à 7 litres d'eau par jour, et moi, j'en avais 30 000 de ces personnes en
19 mauvaise condition, impossible, impossible de soutenir ces normes.
20 Q. Je vous remercie. Je vous demande maintenant de commenter les images
21 que nous voyions.
22 [Diffusion de cassette vidéo]
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous voyions ici l'enregistrement de la
24 première réunion qui se tient entre le lieutenant-colonel Karremans, à la
25 moustache grise, et Mladic. Vous voyez Jankovic à l'arrière à gauche,
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1 Mladic, et puis vous voyez un civil, l'interprète que je vous ai déjà
2 décrit, il s'appelle Petar.
3 Mladic malmène le lieutenant-colonel Karremans parce que nous avons tiré
4 sur lui.
5 M. WAESPI : [interprétation]
6 Q. Nous préparons l'extrait suivant. Ça dure un certain temps. Pourriez-
7 vous nous dire qui représentait, mis à part le lieutenant-colonel
8 Karremans, la partie néerlandaise ?
9 R. Mes deux officiers de liaison qui étaient des sous-officiers, Rave et
10 le commandant Boering étaient présents.
11 Q. Quel est l'extrait que nous voyions maintenant ?
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 LE TÉMOIN : [interprétation] On voit une photographie du général Mladic.
14 Ici je vois à partir du texte que c'est l'enregistrement de la deuxième
15 réunion qui s'est tenue ce soir-là. Il y avait nos représentants, le
16 lieutenant-colonel Karremans, nos officiers de liaison, ainsi que trois
17 représentants de la population civile. Nous avions organisé leur présence
18 assez rapidement et, d'après les dires de Mladic, je pense qu'il s'adresse
19 à Gamia [sic] [phon].
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai juste une objection à formuler, Monsieur
21 May.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons diffuser l'extrait puis vous
23 pourrez faire vos commentaires.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ça se rapporte à cette séquence-ci. Mladic
25 n'a pas dit "survivre," il dit -- "rester." Il fait un lapsus, il ne dit
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1 pas "opstati", il dit "ostati" -- les gens qui parlent le serbe peuvent le
2 comprendre -- et il se reprend, il dit "rester" et non pas "survivre," donc
3 rester à Srebrenica, il n'a pas dit "ostati", survivre -- or on a traduit
4 par "survivre", or lui a dit "opstati", rester. Vous pouvez prendre les
5 interprètes que vous avez puis --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Fort bien.
7 Poursuivez, Monsieur Waespi.
8 L'INTERPRÈTE : Pour la réponse du témoin précédemment, Mladic s'adresse à
9 eux.
10 [Diffusion de cassette vidéo]
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez à droite, le commandant Boering, à
12 gauche vous aviez les représentants civils, puis vous aviez l'interprète
13 Petar, puis vous aviez Jankovic et Mladic.
14 M. WAESPI : [interprétation]
15 Q. Nous attendons la diffusion du troisième extrait. Il s'agit là de la
16 réunion qui s'est tenue le lendemain, le 12 juillet 1995.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] On voit M. Nuhanovic, un des trois
19 représentants de la population de Srebrenica.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Milosevic, on aimerait bien entendre
21 le son aussi ?
22 [Diffusion de cassette vidéo]
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis, je vois devant Mladic, à gauche Krstic,
24 et puis Petar avec Karremans.
25 M. WAESPI : [interprétation]
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1 Q. Nous passons maintenant à l'extrait suivant, 12 juillet --
2 [Diffusion de cassette vidéo]
3 LE TÉMOIN : [interprétation] On voit ici des gens au dehors du QG, là où il
4 y avait l'arrêt du bus, 25 000 personnes. On en avait 5 000 à l'intérieur
5 de la base. Vous voyez une espèce de ruban blanc que nous avons utilisé
6 pour délimiter l'endroit où s'étaient les réfugiés.
7 M. WAESPI : [interprétation]
8 Q. Je pense que vous avez vu dans cette zone, le général Mladic qui
9 accordait une interview à la télévision.
10 R. Pas moi personnellement. On me l'a rapporté. Mais j'ai vu
11 l'enregistrement de cette interview plus tard.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez combien d'autres extraits,
13 Monsieur Waespi ?
14 M. WAESPI : [interprétation] Cinq autres encore. Malheureusement, il y a
15 toujours un espace de 22 ou 32 secondes entre chaque extrait.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons diffuser celui-ci, puis nous
17 ferons la pause.
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici vous voyez les conséquences de cette
20 procédure de séparation des hommes, de l'autre côté des camions, des
21 autocars. Vous avez les femmes et les enfants. Et ici, vous voyez les
22 hommes qui sont sans doute conduits vers cette maison si bien connue sous
23 le nom de maison blanche.
24 Maintenant, nous sommes de l'autre côté des camions et autocars, sur la
25 route là où les femmes et les enfants se dirigent vers les autocars.
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1 M. WAESPI : [interprétation] Le moment se prête bien à la pause.
2 M. NICE : [interprétation] L'opinion séparée du Juge Shahabuddeen est
3 disponible. Paragraphe 3, 17 à 20, et 23.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Pause de 20 minutes.
5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.
6 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.
7 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de me
8 donner la parole. Je voudrais maintenant que soit diffusé l'extrait
9 suivant.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que vous avez vu, c'était le système de
11 lance-roquettes. Les Serbes s'en sont servis pour pilonner Srebrenica.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, nous sommes à l'intérieur d'un de ces
14 autocars au moment de l'évacuation.
15 M. WAESPI : [interprétation] Maintenant, nous avons encore trois extraits.
16 Q. Je vous demande ceci dans l'intervalle. Il y avait combien d'effectifs
17 néerlandais à Potocari ?
18 R. En tout, j'avais 310 hommes. Mais la plupart d'entre eux n'étaient pas
19 des soldats préparés, formés au combat. J'avais environ 150 soldats formés
20 au combat.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, vous voyez un de nos chirurgiens, le
23 colonel Kramer.
24 M. WAESPI : [interprétation]
25 Q. Quelle était sa fonction ?
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1 R. C'était un de nos chirurgiens de l'hôpital mobile, que nous avions dans
2 l'enclave.
3 Q. Maintenant, nous voyons un observateur militaire des Nations Unies. Que
4 faisaient les observateurs militaires dans la zone ?
5 [Diffusion de cassette vidéo]
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit ici, du commandant Kingori. C'était
7 un des deux observateurs militaires cantonnés dans la zone de Srebrenica.
8 C'est un des observateurs que j'ai positionné pour contrôler ce qui se
9 passait à proximité de la maison blanche.
10 M. WAESPI : [interprétation]
11 Q. Rappelez-nous ce qui s'est passé à la maison blanche.
12 R. Les premiers interrogatoires de ces hommes; après qu'ils eussent été
13 séparés des femmes et des enfants de leurs familles.
14 M. WAESPI : [interprétation] Dernier extrait.
15 [Diffusion de cassette vidéo]
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voyez ici, le chemin menant à la maison
17 blanche. Et à côté des chèvres, des paquets, des effets pris aux hommes. Et
18 puis tout ceci a été brûlé, par la suite.
19 M. WAESPI : [interprétation]
20 Q. Et sur le balcon ?
21 R. C'est le balcon de la maison blanche où certains des hommes qui ont
22 déjà subi leur premier interrogatoire, ou sont en train d'attendre cette
23 interrogatoire mené par les Serbes de Bosnie.
24 M. WAESPI : [interprétation] J'en ai ainsi terminé, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, dans un des
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1 extraits, nous avons vu M. Mladic qui dit ceci : "Vous pouvez soit
2 disparaître, soit survivre." Auparavant, vous aviez dit que Mladic était
3 intervenu, et s'était corrigé après avoir fait un lapsus. Est-ce que
4 c'était en rapport avec un sentiment analogue ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'ai vu cela à l'occasion de la première
6 réunion; là où Mladic dit, il dit : "Ops--" et puis il ne termine pas son
7 mot et il dit : "ostati ou nestati," rester ou disparaître. C'est la
8 première partie qu'on nous a présentée. Et la fois d'après, il a dit :
9 "ostati ou nestati," il a dit donc survivre ou disparaître. Je ne sais pas
10 si vous m'avez bien compris, Monsieur Robinson. Mais on peut nous repasser
11 le passage. Il a d'abord fait un lapsus, il s'est corrigé. Puis après il a
12 dit effectivement, "ostati ou nestati", survivre ou disparaître.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous nous sommes demandés combien de
15 temps que vous devriez avoir. Vous avez 20 minutes de plus, Monsieur
16 Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je dois faire une objection. Vous
18 avez dit que le temps est crucial, or nos vues diffèrent de façon cruciale,
19 parce qu'à mon avis ce qui est crucial c'est la vérité et non pas le temps.
20 Et je n'ai pas posé une seule question qui aurait pu être dénuée de
21 pertinence et vous n'en avez pas repris à ce sujet-là. Donc je ne peux pas,
22 moi, terminer en 20 minutes. Vous pouvez certes mettre un terme à mon
23 contre-interrogatoire, ça c'est votre droit.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais je ne pense pas que vous ayez
25 contesté quoi que ce soit qu'aurait dit le témoin. Je ne vous ai pas arrêté
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1 parce que vous avez une certaine marge de manœuvre mais toutes les
2 questions que vous avez posées jusqu'à présent portent sur les Bosniens.
3 Vous n'avez rien demandé à propos des Serbes. Vous voudrez peut-être le
4 faire dans les 20 minutes qui vous restent. Ça, c'est une des choses que
5 nous avons examinée pour ce qui est du temps dont vous devriez disposer. Si
6 vous vous servez de ce temps pour présenter sans arrêt des contre-
7 arguments, bon, il faut en tenir compte.
8 S'il y a des éléments que vous voulez contester, mettre en doute dans la
9 déposition du témoin, faites-le maintenant.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, j'espère que M. Franken parle au mieux
11 de ses connaissances des faits et des événements. Pour ma part, je
12 m'efforce de placer cela dans le contexte des allégations faites par la
13 partie adverse, ici, et de qu'elle essaie de monter de toute pièce.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Pour ne pas perdre de temps M. Franken, faisons une petite digression
16 étant donné que l'on nous a fait passer ces extraits vidéo d'émission de
17 télévision.
18 La première réunion entre Mladic et le colonel Karremans figure à
19 l'intercalaire 4. Or, je ne veux pas qu'on perde le temps et que l'on
20 revisionne la chose, alors dites-moi seulement, est-ce que c'est Mladic qui
21 avait demandé cette réunion ou est-ce que c'est Karremans qui l'avait
22 fait ?
23 R. Vers la fin de cette période, nous avons renouvelé à plusieurs reprises
24 cette question aux Serbes. Et si je me souviens du lieu et du moment où a
25 eu lieu cette réunion avec les Serbes, je sais que c'est notre poste
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1 d'observation Papa qui l'avait fait, il se trouvait à l'entrée de
2 l'enclave. Et la première réunion, le colonel Karremans a essayé de le
3 repousser mais elle avait été ordonnée à l'époque où elle s'est réunie,
4 elle s'est tenue parce que c'était vers 20 h ce soir-là, il a été surpris
5 d'y rencontrer Mladic car il croyait qu'il allait rencontrer quelqu'un
6 d'autre.
7 Donc ce n'était pas indiqué clairement si c'était à notre demande ou à la
8 demande des Serbes. C'était peut-être une réponse à notre requête
9 officielle mais je ne sais pas. Ceci a été fait par l'intermédiaire de Papa
10 où il était dit qu'il y aurait réunion à l'hôtel à Bratunac à 20 heures.
11 C'est de cette façon-là que l'information nous est parvenue.
12 Q. Oui, mais pour autant que je m'en souvienne moi-même, Mladic dit à un
13 moment donné : "Vous avez demandé à me voir, je vous écoute." Donc j'ai cru
14 comprendre par là que c'est Karremans qui avait réclamé la réunion. Mais
15 serait-il exact de dire qu'à l'occasion de cette réunion, Karremans avait
16 précisé qu'il avait contacté le gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui
17 avait demandé que la population puisse quitter cette région ?
18 R. Je ne me souviens pas de cela. Ce que je sais c'est que le lieutenant-
19 colonel Karremans exprime l'inquiétude qui est la sienne à l'encontre de la
20 population, et c'était du moins son attention au moment où il est reparti,
21 il a demandé à recevoir des approvisionnements, tout ce qui a trait à
22 l'aide humanitaire.
23 Je ne sais pas si cet enregistrement couvre la totalité de la réunion. Je
24 suppose que ce n'est pas le cas. Moi, j'ai seulement reçu les informations
25 après cette réunion. Je n'y étais pas présent donc je ne sais pas qui est
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1 intervenu et ce que chacun a dit.
2 Q. Bien. J'espère que la chose peut être vérifiée une fois que l'on
3 visionne l'enregistrement tout entier. Mais d'après ce que j'ai pu
4 comprendre, c'est Karremans qui dit qu'il avait contacté le gouvernement de
5 Bosnie-Herzégovine et que celui-ci avait demandé que la population puisse
6 s'en aller, puisse être évacuée.
7 Et vous dites au point 70 de votre déclaration, vous précisez que ce n'est
8 qu'à deux reprises que vous avez entendu parler d'exécution ou de soit
9 disant exécution. Et un représentant des Serbes de Bosnie vous aurait dit
10 qu'un homme aurait été tué, un soldat de la Compagnie C vous l'aurait dit,
11 et dans l'autre cas des lieutenants, lieutenant Koster et Rutten a dit
12 qu'ils avaient retrouvé les cadavres de neuf hommes, n'est-ce pas ?
13 R. Exact.
14 Q. Est-il exact de dire qu'il y a eu des conflits armés avec l'armée de la
15 Republika Srpska sur la route entre Bratunac et Konjevici ? Et là, il y a
16 eu un grand nombre de victimes le long de cette route. Or dans
17 l'interrogatoire des cadres militaires, après l'opération de Srebrenica, on
18 retrouve le nom de Franken Robert Alexander, il s'agit du point 35 qui
19 figure en page 5, d'après les notes que j'ai prises.
20 R. C'est exact. C'est ce que m'a rapporté la 3e équipe ou par les équipes
21 d'escorte qui ont pu rentrer au QG.
22 Q. Bien. Jamais aucun de vos soldats n'a vu quelle qu'exécution que ce
23 soit parce que si ça avait été le cas, vous auriez été informé. Et je mets
24 cela en corrélation avec le point où l'article concerné le point 44, 45 de
25 ce document qui se réfère à ce qu'on vous a rapporté au sujet des
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1 événements de Srebrenica par l'armée royale des Pays-Bas.
2 R. Vous avez dit auparavant que j'aurais entendu parler d'exécution mais
3 les soldats de la Compagnie C ont vu une exécution et les neuf corps
4 trouvés par ces lieutenants, Koster et Rutten étaient bien là.
5 Les autres équipes n'ont pas fait de rapport d'exécution. Les équipes
6 chargées de l'escorte qui sont rentrées m'ont parlé de victimes le long de
7 la route. Vous avez parlé de Konjevici, je suppose que c'est la route qui
8 va de Bratunac à Vlasenica et ces hommes ont vu un grand nombre de
9 victimes.
10 Q. C'est précisément là qui a eu lieu le conflit avec l'armée de la
11 Republika Srpska. Ça a eu lieu sur cet axe-là précisément, n'est-ce pas ?
12 R. Je suppose que oui. C'est exact.
13 Q. Bien. Dites-moi, avez-vous connaissance du fait que le lundi, 10
14 juillet, le commandant du poste d'observation a reçu un ordre consistant à
15 coordonner les activités avec l'armée de Bosnie-Herzégovine, et que ce
16 soir-là, il y a eu conflit entre les soldats de la Bosnie-Herzégovine,
17 suite à quoi, il y a eu des combats entre soldats de la Bosnie-Herzégovine
18 et qu'il y ait eu des blessés et des morts ?
19 Je crois que vous en avez parlé en page 37 du texte de débriefing, n'est-ce
20 pas, Monsieur Franken ?
21 R. Je suppose que vous faites référence au poste d'observation Mike, qui
22 au départ se trouvait à une position lourdement pilonnée par l'armée des
23 Serbes de Bosnie, a été autorisé à se retirer d'environ 400 mètres. Ce
24 faisant, les hommes ont été arrêtés par des hommes, des Bosniens, des
25 soldats locaux qui les ont menacés à l'aide d'une arme antichar et le
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1 commandant de la brigade au nom de cette brigade de l'armée de Bosnie est
2 intervenu et il y a donc des tirs -- il a tiré sur ces deux hommes et il a
3 menacé l'équipage du poste d'observation et leur véhicule blindé de
4 transport de troupes.
5 Q. En page 37, 358, vous dites que : "Vers midi, il y a eu le chaos, une
6 situation chaotique parmi les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine et
7 qu'il y a eu de nouveau des combats entre eux
8 -- milieu des combats entre eux." C'est bien ce que vous dites ? C'est dans
9 le texte de votre débriefing à vous.
10 R. Je le répète, je suppose que ceci renvoie à la situation qui s'est
11 présentée au poste d'observation Mike. Il y a eu des combats entre eux à
12 l'arme. Il y avait beaucoup de querelles et de combats entre eux à d'autres
13 postes d'observations, où ils permettaient, ou ne nous permettaient pas, de
14 prendre position avec nos véhicules blindés de transport de troupes. Le
15 seul moment où on m'a fait rapport de combat, en tant que tirs, ça s'est
16 passé uniquement dans la zone du poste d'observation Mike.
17 Q. Bien. Est-il exact de dire qu'il y a abus d'utilisation des uniformes
18 des Nations Unies. Savez-vous que les soldats de l'armée de Bosnie-
19 Herzégovine avaient utilisé des bérets bleus et des casques bleus pour
20 arriver à 15 mètres de certaines positions d'observations et prétendant
21 être -- ou faisant semblant d'être des membres du personnel des Nations
22 Unies. Ils ont ouvert le feu en direction des soldats de la VRS et ceci de
23 façon à faire croire à ces derniers que c'étaient les Nations Unies qui
24 leur tiraient dessus ?
25 R. Les deux parties se sont servies de nos uniformes, pas seulement dans
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1 la phase finale, mais également dans la période qui l'a précédé. Les
2 Bosniens avaient pour habitude d'essayer de trouver la source de feu et de
3 tirs en direction des postes d'observation en prenant ces positions tout
4 près de nos postes d'observations et puis en tirant sur l'armée des Serbes
5 de Bosnie, c'est exact.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment ont-il obtenu ces
7 uniformes ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi ?
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment ont-il obtenu ces
10 uniformes ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Sans doute, grâce aux postes de façon qu'on
12 avait abandonné et qui avaient été pris par les Serbes. On avait laissé
13 beaucoup de matériel. Quant à savoir s'ils portaient l'uniforme complet, ça
14 c'est autre chose. Ils ont pu prendre les uniformes complets lorsqu'ils
15 sont sortis de la base de la Compagnie B à Srebrenica parce que vous
16 comprendrez, nous n'avons pas pu tout emporter.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur Franken, point 4 [sic], page 14 [sic] de votre débriefing, il
19 est dit ce qui suit : "Les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine, vêtus
20 entièrement d'uniformes des Nations Unies avec les bérets ou casques bleus,
21 ils sont arrivés à 15 mètres des postes de positions et faisant semblant de
22 faire partie du personnel des Nations Unies. Ils ont ouvert le feu en
23 direction des lignes de front et pour faire croire aux soldats de la VRS
24 que les Nations Unies ouvraient le feu sur eux. Ils ont donc tenté de
25 provoquer un tir en riposte de l'armée de la Republika Srpska en direction
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1 des postes d'observation pour faire participer les soldats du Bataillon
2 néerlandais à ces activités de combat."
3 R. Oui, Monsieur Milosevic, je ne le nie pas. J'essaie simplement de
4 replacer dans le temps différents événements. Vous faites référence à ma
5 déposition. Il est exact de dire que ceci ne fait pas l'ombre d'un doute.
6 Q. Bien. Etant donné que l'on sait fort bien que neuf hommes musulmans
7 avaient été tués à Potocari, dans la nuit entre le 12 et le 13 juillet --
8 cela figure à la page 48, du texte du débriefing -- savez-vous qu'il n'a
9 pas pu être déterminé si ces Serbes de Bosnie devaient être considérés
10 comme les auteurs de ce crime parce qu'un soldat du Bataillon néerlandais
11 avait appris que ces meurtres étaient survenus suite à des disputes entre
12 habitants de la localité. Et on dit ici : "L'on doute que les Serbes
13 avaient pu être les auteurs parce qu'un soldat du DutchBat a entendu dire
14 que ces meurtres ont été perpétrés suite à une dispute. Et le Bataillon
15 néerlandais n'a pas eu l'autorisation d'enlever les cadavres de l'endroit
16 où ils se trouvaient."
17 C'est ainsi que ça s'est passé, Monsieur Franken ?
18 R. Oui. J'ai essayé de relire votre question. Veuillez attendre un
19 instant. C'est exact. Nous n'avions pas de preuve tangible que c'étaient
20 les Serbes qui étaient à l'origine de tout ceci. Il y avait des rumeurs,
21 bien sûr, qui circulaient. On parlait de disputes, mais, si vous voyez
22 l'endroit où ça s'est placé, vous avez neuf cadavres en rangée et tués de
23 la même façon. Je ne peux pas le prouver, mais il me semble très peu
24 probable que ce soit des Musulmans qui soient intervenus vu le moment où
25 sont intervenus ces faits. Nous sommes là, le 12, le 13 juillet. Nous
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1 n'avions pas, bien sûr, le contrôle des événements mais les Bosniens, non
2 plus, loin de là.
3 Je l'ai déjà dit dans une déclaration au préalable. Cette question reste
4 ouverte. Nous n'avons pas pu prouver -- nous n'avons pas prouvé que ce
5 soient, effectivement, les Serbes de Bosnie qui sont les auteurs de ces
6 faits.
7 Q. Au contraire, je viens de vous citer le texte du débriefing, de votre
8 débriefing qui dit que cela est survenu suite à une dispute entre locaux.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin a déjà répondu. Inutile de
10 répéter votre question.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Savez-vous que deux soldats du Bataillon néerlandais ont déclaré qu'ils
14 aient eu entre 500 ou 700 cadavres sur leur chemin de retour entre Nova
15 Kasaba et Bratunac, en date du 14 juillet ? Cela figure à la page 51 du
16 débriefing.
17 R. Ça devait être l'équipage du poste d'observation Alpha, qui était resté
18 là jusqu'au bout et je l'ai lu moi-même. Ils ont fait rapport de cadavres.
19 Ils n'ont pas précisé combien il y en avait, mais apparemment 40 ou 50
20 chargés dans un camion qui se trouvait le long cette route, c'est vrai.
21 Q. Bien. D'une manière générale, cette chute de Srebrenica, ces victimes
22 civiles, tout ce qui s'est passé là-bas avait, me semble-t-il, été une --
23 ce qui a occasionné, je pense, que vous devez le savoir un engagement des
24 forces de l'OTAN et un bombardement.
25 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas juger si cela est la seule cause, mais
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1 je sais que l'une des raisons pour lesquelles l'OTAN est intervenu, c'était
2 la situation qui régnait à Srebrenica, à Zepa, à Gorazde, et cetera.
3 Q. Mais, après la prise de contrôle sur Srebrenica, le 11 juillet, est-ce
4 que l'armée de la Republika Srpska a pris des mesures destinées à garantir
5 une évacuation contrôlée de tous ceux qui souhaitaient partir et est-ce
6 qu'elle a décidé que ces mesures devaient également intégrer des mesures de
7 sécurité ?
8 R. Si l'armée de la Republika Srpska a agi ainsi, je n'en ai rien vu et
9 les mesures que nous avons essayé de prendre, je veux dire aux fins
10 d'assurer une escorte au convoi était, comme je l'ai déjà dit, soumise à
11 harcèlement important et, en fait, empêché par l'armée des Serbes de
12 Bosnie.
13 Q. Mais savez-vous que, s'agissant de l'évacuation de la population
14 civile, le secrétaire extraordinaire du Secrétaire générale des Nations
15 Unies, M. Yasushi Akashi, a déclaré que l'évacuation devait se faire le 11
16 juillet, c'est-à-dire que des mesures devaient être prises la veille de
17 l'évacuation en temps que tel et qu'il envoie un télégramme au QG, chez
18 vous, où il vous soumettait un certain nombre de propositions. Il fallait
19 autoriser la population à aller à Tuzla et, en deuxième lieu, escorter les
20 convois jusqu'à Tuzla grâce à des représentants des Nations Unies. Vous
21 savez cela, je suppose.
22 R. C'est exact. Et cela ne diffère pas de ce que j'ai dit précédemment.
23 Nous avons essayé d'assurer une escorte par les membres du Bataillon
24 néerlandais.
25 Q. Si nous ne perdons pas cela de vue, à savoir que ceci était bien la
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1 position des Nations Unies, il est très certainement tout à fait clair que
2 la thèse selon laquelle l'armée de la Republika Srpska aurait planifié et
3 organisé cette évacuation de la population de Srebrenica, dans le cadre
4 d'un plan particulier de nettoyage ethnique, ne tient pas. L'évacuation
5 faisait partie d'un plan des Nations Unies et pas d'un plan de l'armée de
6 la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
7 R. Et bien, je ne sais si ceci est clair, mais cela fait l'objet d'un
8 débat. Dans la déclaration dont je suis l'auteur et dont vous disposez,
9 j'ai déjà expliqué pour quelle raison je pense que ceci a été organisé et
10 préparé. Et le fait que le secrétaire -- que le représentant des Nations
11 Unies, M. Akashi, ait envoyé un télégramme, où il disait savoir que la
12 population devait aller à Tuzla, et cetera, n'est pas à mes yeux la preuve
13 qu'il est clair que ce n'est pas l'armée de Serbes de Bosnie qui aurait
14 planifié cette opération.
15 Q. Fort bien.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, je vous prie.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous vous accordons dix minutes
19 supplémentaires, Monsieur Milosevic. Me Tapuskovic disposera ensuite de dix
20 minutes. Et nous commencerons ensuite l'audition du témoin suivant.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Est-il exact que le 11 juillet, lors de la réunion à l'hôtel Fontana de
23 Bratunac, entre Karremans et Mladic, Mladic a déclaré qu'il n'avait pas
24 l'intention d'attaquer le personnel des Nations Unies, et que l'évacuation
25 devait se faire avec la meilleure volonté de chacun. Est-ce exact,
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1 Monsieur ?
2 R. Si je me souviens bien, s'agissant de son intention de ne pas attaquer
3 le personnel des Nations Unies, excusez-moi, je cherche mes mots. Mais,
4 lorsqu'il a accusé le colonel Karremans de tirer sur ses hommes -- je dis
5 cela en me rappelant mes propos dans mon débriefing -- il a proposé que
6 l'évacuation se fasse sur la base de la volonté de chacun car il disait
7 qu'il allait proposer un choix aux gens de rester ou de partir.
8 Q. C'est ce qui est écrit au paragraphe 43, de votre déclaration, à savoir
9 que l'évacuation devait se faire selon la volonté de chacun. C'est ce qu'a
10 dit Mladic, je cite : "Mladic a dit que l'évacuation devait se faire selon
11 la volonté de chacun." Et je vous cite exactement : "Il fallait qu'il y ait
12 discussion avec les civils et les militaires dans l'enclave." Il souhaitait
13 discuter avec ces gens. Alors, est-il vrai que Mladic était fâché parce que
14 les dirigeants de l'armée de Bosnie-Herzégovine n'étaient pas présents ?
15 Ceci figure également dans votre déclaration.
16 R. C'est ce que j'ai entendu de la bouche Karremans, en effet.
17 Q. A-t-il dit que, pendant l'évacuation la Croix rouge internationale et
18 d'autres organisations seraient présentes ?
19 R. C'est également ce que j'ai entendu dire lors de mon débriefing de la
20 bouche du colonel Karremans.
21 Q. Je suppose que le colonel Karremans a dit la vérité. Est-il exact que
22 Mladic a dit qu'il fallait d'abord évacuer les blessés, les femmes, les
23 enfants, les vieillards, les membres du Bataillon néerlandais, et que
24 Karremans a été d'accord pour cela ? Ou, alors, non ? Attendez. Je regarde
25 le paragraphe 2 [sic], de votre déclaration. Est-ce que Karremans n'a pas
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1 donné son accord ? Mladic a dit qu'il fallait évacué en premier. Cela est
2 écrit en page 7, quatrième paragraphe, de votre déclaration : "Les blessés,
3 les personnes âgées, les femmes, les enfants, les hommes et les membres du
4 Bataillon néerlandais. Et Karremans n'a pas été d'accord avec cette
5 proposition."
6 R. Et bien, si j'ai dit cela à l'époque, cela correspond à la réalité.
7 Q. Mladic, a-t-il dit que les réfugiés allaient être emmenés dans la
8 direction de Kladanj, et était-il entendu que vous assureriez l'escorte de
9 ce convoi de réfugiés ?
10 R. Si je me souviens bien, Mladic a dit qu'ils pouvaient aller où ils
11 voulaient, et le secteur de Kladanj a été recommandé -- si je puis utilisé
12 ce terme et si je me souviens bien -- le lendemain, et il a été convenu que
13 nous escorterions le convoi de réfugiés. En effet, c'est exact.
14 Q. Et bien, voilà ce qu'a dit Mladic, qui figure en page numéro ERN
15 0092485, que j'ai reçu de la partie adverse. Je pense que c'est
16 l'intercalaire 2. Il dit demander une coopération totale et absolue :
17 "L'objectif n'est pas la population musulmane civile. Je souhaite vous
18 aider même si vous ne le méritez pas en tant qu'homme et en tant
19 qu'officier. Mais je le ferai pour ces jeunes hommes de la FORPRONU." Il
20 veut parler des soldats de la FORPRONU. Je poursuis la citation : "Parce
21 que je ne souhaite pas que leurs mères les revoient dans des cercueils. Je
22 tiens à aider la population civile musulmane à qui rien ne peut être
23 reproché des événements qui se sont déroulés. Et c'est la raison pour
24 laquelle j'aimerais vous demander ce qui
25 suit : êtes-vous d'emmener ici des représentants de la population civile ?
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1 J'aimerais conclure un accord avec eux. Vous pouvez partir d'ici. Vous
2 pouvez le faire, tous. Ou, bien, vous pouvez tous rester ici, mais, dans ce
3 cas-là, tout le monde va mourir, et je ne souhaite pas que vous mourriez."
4 C'est cela qui n'a pas été dit jusqu'à présent -- cité jusqu'à présent ? Je
5 reprends la citation : "Je ne souhaite pas que vous mourriez. Je ne veux
6 pas que quiconque meurt."
7 Ceci figure dans la transcription des propos, tenus lors de la rencontre
8 Karremans-Mladic.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si le Procureur peut nous indiquer le
10 numéro de page dans le texte anglais, ce serait utile.
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1 Puisque nous attendons votre réponse, je saisis l'occasion de faire
2 remarquer, pour que cela figure au compte-rendu d'audience, que le
3 passage évoqué par l'accusé il y a quelques instants, quand il a
4 demandé au témoin si c'est le gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui
5 avait demandé le départ des réfugiés - on trouve ce passage à la page
6 qui se termine par les numéros ERN 415 dans la version anglaise de la
7 transcription, et il y est écrit que ce n'est pas le gouvernement,
8 mais le commandement de BH qui a exigé leur départ.
9 M. NICE : Je vous remercie. Nous continuons à rechercher l'autre
10 citation. Nous ne l'avons pas encore trouvée.
11 LE JUGE KWON : Dans l'intervalle, veuillez poursuivre, M. Milosevic.
12 L' ACCUSE : Merci, Monsieur le Juge Kwon. Mais avant tout, je tiens à
13 dire ceci : Mladic dit - c'est donc Mladic qui parle - et il dit à
14 Karremans : " vous, Lieutenant-Colonel, vous aviez pour mission de
15 désarmer les Musulmans de Srebrenica, compte tenu de l'accord conclu à
16 cette fin, alors que vous les avez armés, vous les avez préparés à se
17 lancer à l'assaut des Serbes, et vous avez donné l'ordres à vos hommes
18 de tirer sur mes soldats. Dites-moi donc ce que vous cherchez à
19 faire ; "
20 Et la réponse a été : " si je puis m'exprimer ainsi, les forces de BH
21 présentes dans l'enclave ont été priées, il y a un mois, de les
22 remettre, de remettre leurs armes en certains lieux.... ", puis nous
23 voyons trois petits points et le reste ne figure pas dans la
24 transcription.... "les pièces d'armement ". Ce à quoi Karremans
25 rétorque : " Oui, deux chars d'assaut, plusieurs mortiers " etc..., mais
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1 je n'ai pas le temps de lire tout ce qui suit.
2 Quoi qu'il en soit, ce que je veux dire c'est cela, dans le passage
3 que vous ne parvenez pas à retrouver, il dit, et je répète la dernière
4 phrase : " vous pouvez tous partir, tous rester, ou vous mourrez, et
5 je ne souhaite pas que vous mourriez ". Voilà ce qu'il dit.
6 Et puis, quelques pages plus loin, nous sommes à la page dont le
7 numéro ERN est L0092511, en tout cas c'est le numéro ERN que je lis
8 sur l'exemplaire que j'ai entre les mains, le sujet de la discussion
9 est la création d'une délégation représentant la population. Karremans
10 est en train de parler, puis Mladic prend la parole pour dire : " la
11 décision de partir vous appartient. Je ne vais pas vous influencer. Je
12 n'ai rien contre ceux qui n'ont rien à se reprocher, je n'ai rien
13 contre les personnes innocentes. Donc, vous pouvez décider d'aller
14 vers l'Est en traversant la Serbie ou d'aller en Serbie. Je n'ai rien
15 contre. Si vous voulez aller vers l'Ouest, faites le savoir. Vous
16 pouvez nous dire où vous souhaitez aller ".
17 Donc voilà ce que dit Mladic, et ces mots figurent dans la partie de
18 la transcription qui traite de ce départ, du fait qu'ils partiront ou
19 resteront. Et vous l'avez confirmé dans votre propre déclaration
20 préalable, là où vous dites ce que vous dites des blessés, des
21 personnes âgées, des femmes et des enfants, avant de mentionner les
22 hommes, les membres du bataillon etc... etc.... après quoi nous arrivons
23 au passage que j'ai déjà cité. Donc je suppose que vous savez tout
24 cela parfaitement bien, Monsieur.
25 M. MILOSEVIC : Interprétation
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1 Q : Eh bien, ma question est la suivante : est-il clair que la
2 population Musulmane devait être transportée hors de Potocari et
3 d'autres endroits dans ces conditions et que la restitution des armes
4 détenues par les membres de la 28ème Division avait été convenue au
5 cours d'une réunion qui s'était tenue à Bratunac, les 11 et 12 juillet
6 1995 ?
7 R. D'après ce que je sais, il avait été proposé à la population
8 d'assurer son transport hors de cet endroit vers l'endroit de leur
9 choix, comme vous venez de le dire.
10 Mais aucun accord n'avait été conclu au sujet de la restitution des
11 armes par les membres de la 28ème Division, c'était une exigence de
12 Mladic, selon ce que m'a dit mon officier supérieur au cours du
13 debriefing, et ce dernier a répondu que nous n'avions plus le moindre
14 contact avec la 28ème Division et que nous ne savions pas où elle se
15 trouvait.
16 LE JUGE MAY : Ceci doit être votre dernière question, Monsieur
17 Milosevic.
18 L'ACCUSE : (Interprétation) Ce qui laissera de nombreuses questions
19 sans réponse, car je ne pourrai pas les poser, alors que l'homme qui
20 est ici a été témoin de tout ce qui s'est passé là-bas.
21 M. MILOSEVIC : (Interprétation)
22 Q. Mais enfin, M. Franken, savez-vous que dans la dernière partie du
23 rapport établi par le gouvernement néerlandais en 2001, au point 10 de
24 ce rapport, nous lisons textuellement : " rien n'indique que cette
25 action ait été lancée en coopération avec Belgrade, dans le cadre
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1 d'une quelconque coordination politique ou militaire ". Etes-vous au
2 courant de cela ? J'ai lu cela, en effet. J'ai lu cela, c'est exact.
3 Question. Cela correspond-il
4 à ce que vous savez des évènements de l'époque ? Cela concorde-t-il ?
5 R. Personnellement, je n'ai eu aucune preuve indiquant que l'opération
6 aurait été lancée en coopération avec Belgrade. Et je répète que j'ai
7 lu toutes sortes de rapports, d'avis, de documents dans lesquels
8 toutes sortes de scénarios étaient analysés etc... Je répète que je ne
9 dispose d'aucune preuve indiquant que cette action, je parle de
10 l'attaque sur l'enclave, aurait été lancée en coopération avec
11 Belgrade.
12 M. NICE : Je remercie M. Wee d'avoir retrouvé la première citation. Il
13 s'agit de la pièce à conviction 592, intercalaire 2, page 0092426, le
14 passage est au bas de cette page. Mais je n'ai pas encore retrouvé la
15 deuxième citation.
16 LE JUGE MAY : Oui, M. Tapuskovic, c'est à vous.
17 M. TAPUSKOVIC : (Interprétation) M. Le Président, Messieurs les Juges,
18 avec votre permission, je traiterai d'uns eul point. Je ne crois pas
19 qu'il me faudra plus de dix minutes.
20 LE JUGE MAY : Fort bien.
21 Interrogatoire mené par Maître Tapuskovic :
22 Q. (Interprétation) Dans l'affaire Blagojevic, et la déposition de M.
23 Franken dans cette affaire a été utilisée ici, on lui avait soumis des
24 passages du rapport qu'il a soumis à la commission parlementaire suite
25 à l'enquête sur Srebrenica, je parled e la Chambre basse du Parlement
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1 néerlandais qui siège à La Haye, il s'agissait de l'enquête sur
2 Srebrenica demandée par la Chambre basse du Parlement, et dans le
3 passage en question, c'est un officier placé sous les ordres de M.
4 Franken qui parle. Je commencerai par vous demander une chose, M.
5 Franken, si vous voulez bien. Je dispose de photocopies destinées aux
6 Juges de la Chambre, mais c'est un sujet dont vous avez déjà parlé.
7 " Nos prédécesseurs du bataillon néerlandais nous ont dit que la zone
8 n'était pas encore démilitarisée, lorsque nous avons pris la relève, à
9 notre arrivée. On nous a dit qu'environ 4 à 5.000 pièces d'artillerie
10 étaient présentes à l'intérieur de l'enclave, avec les hommes qui s'en
11 occupaient ". Oui on non, vous a-t-on bien dit cela ?
12 R. Les mots " pièces d'artillerie " sont inexacts. Les mots utilisés
13 étaient " 4 à 5.000 armes de petit calibre ", " 4 à 5.000 hommes en
14 armes à l'intérieur de l'enclave " serait une expression plus exacte.
15 Même avec ce que nous savons aujourd'hui, il aurait été impensable que
16 les mots " 4 à 5.000 pièces d'artillerie " aient été prononcés.
17 Q. Oui, oui, c'est bien ce que je pensais. En effet, on lit dans votre
18 rapport les mots " armes de petit calibre ". Je n'ai pas parlé de
19 " pièces d'artillerie ".
20 Et un peu plus loin, vous dites autre chose, dont vous vous
21 souviendrez, je pense, vous dites que des renseignements vous sont
22 parvenus, selon lesquels un mystérieux avion avait atterri à
23 l'aéroport, dans des conditions très bizarres, et qu'un peu plus tard,
24 vous avez constaté que les soldats de l'armée de BH étaient mieux
25 armés, qu'ils possédaient tous une Kalachnikov, et vous avez qualifié
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1 la situation de très bizarre. Je pense que vous avez utilisé le mot
2 " bizarre ".
3 R. C'est ce que j'ai dit, en effet.
4 Q. Vous avez dit que vous n'aviez rien pu faire pour empêcher cela,
5 que le poste d'observation Delta se trouvait dans cette portion de la
6 route et que lorsque vous avez entendu parler de ce chargement, ils
7 avaient changé d'itinéraire, ce qui vous a enlevé toute possibilité
8 d'agir pour empêcher l'arrivée de ces armes, n'est-ce pas ?
9 R. La seule supposition possible, c'est que ces uniformes et ces
10 Kalashnikovs étaient arrivés par ce que nous appelions le courrier
11 express. OP Delta et OP Kilo étaient deux postes d'observation situées
12 dans la partie méridionale de l'enclave et que nous avions crées dans
13 le but spécifique de contrôler les actes des Musulmans dans le sud.
14 Nous avions la maîtrise des routes, au départ, mais ce serait une
15 longue histoire, parce que nos OP...
16 Q. Excusez-moi, mais je ne pense pas que le reste de ce récit soit
17 indispensable. Tout ce que je vous demandais, c'était de nous dire si
18 oui ou non vous aviez pu empêcher ce chargement d'armes de pénétrer
19 dans l'enclave.
20 R. Non, en effet.
21 Q. Ensuite, vous poursuivez en disant que l'une des missions du
22 bataillon néerlandais consistait à veiller à ce qu'aucune des parties
23 ne franchisse la ligne de démarcation, c'est bien cela ?
24 R. En effet. Nous étions chargés du contrôle de la ligne de
25 démarcation, c'est exact.
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1 Q. Puis vous ajoutez : " nous rendions compte de toutes nos
2 constatations. Je veux parler de tirs à l'aide d'armes de petit
3 calibre et d'autres évènements survenant à l'intérieur de l'enclave
4 durant la nuit, et nous avons conclu que les Musulmans effectuaient
5 encore une sortie ".
6 R. C'est bien ce qui s'est passé une fois, il s'agit de cette attaque
7 des Bosniens vers le Nord dont nous avons rendu compte, mais vous avez
8 raison pour l'essentiel.
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12 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic : [Suite]
13 R. -- en gros ce que vous venez de dire est exact.
14 Q. Merci. Ensuite, vous poursuivez, en disant de nombreux bérets bleus
15 avaient le sentiment que les Musulmans ne souhaitaient pas bénéficier de
16 leur protection et se servaient la présence du Bataillon néerlandais pour
17 se lancer dans des actions militaires interdites. Ceci est-il exact ?
18 R. C'est exact.
19 Q. Et ce que vous avez dit au début de votre déposition est-il exact
20 également ? Je cite : "Selon nos règlements en cas d'attaques contre nous,
21 les principes de la légitime défense permettaient aux civils, c'est-à-dire
22 aux non-combattants d'utiliser éventuellement nos systèmes d'armement."
23 Ceci est-il exact ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Maintenant nous allons parler de la journée du 9 juillet. Dans votre
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1 déposition, vous dites que le 9 juillet l'ordre de prendre certaines
2 positions a été émis, donc de prendre des positions de défense ?
3 R. Je ne sais pas ce qui est écrit littéralement dans le texte mais je
4 pense à la date. Et je pense qu'il s'agit sans doute de l'ordre d'assurer
5 la défense de Srebrenica en prenant des positions non pas de défense, mais
6 des positions de blocages, d'obstructions.
7 Q. Donc vous avez érigé ces barrages avec l'aide de vos hommes comme vous
8 le dites et vous avez donné l'ordre en question au capitaine Groen, qui
9 commandait le poste d'observation Bravo, n'est-ce pas ? Et puis vous parlez
10 ensuite de la teneur du plan ?
11 R. Exact.
12 Q. Et lorsque l'on en vient à savoir qui commandait le bataillon ? Vous
13 dites que -- c'était celui qui commandait le centre opérationnel n'est-ce
14 pas ?
15 R. Evidemment celui qui commandait le bataillon était le commandant,
16 l'officier de commandement. Nous avions une répartition des tâches à savoir
17 qu'entre les différents postes d'observations et les postes opérationnels,
18 nous nous étions répartis les tâches, la salle des opérations servant aux
19 analyses et aux recueils des informations.
20 Q. Dans votre déposition devant la commission parlementaire vous dites
21 qu'une grande partie de l'état major du bataillon était à Zagreb et que le
22 chef des opérations était également à Zagreb, n'est-ce pas ?
23 R. C'est exact, mais les mots utilisés devraient être chef des opérations,
24 mais enfin c'est un détail.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
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1 Juges, dans l'affaire Blagojevic, le témoin Van Duijn ^a été entendu,
2 c'était un subordonné de M. Franken à l'époque. Il a donc été interrogé en
3 tant que témoin par la commission parlementaire également et, dans
4 l'affaire Blagojevic, la déposition de M. Van Duijn, qui nous a été
5 communiquée en application de l'Article 68, étant donné qu'il peut s'agir
6 d'une pièce à décharge a été utilisée et versée au dossier en tant que
7 pièce à conviction. Mais, dans l'affaire Blagojevic, il y a un certain
8 nombre de choses qui n'ont pas été abordées et qui font l'objet des
9 questions que je souhaite encore poser à M. Franken car j'aimerais savoir
10 si ce qui a été entrepris par M. Van Duijn à l'époque a été fait sous les
11 ordres de M. Franken, si M. Franken était au courant.
12 Q. Donc dans cette déposition, faite devant la commission parlementaire
13 par M. Van Duijn, il est stipulé que le Corps d'armée, commandé par le
14 général Janvier à Zagreb, a été à l'origine de l'érection de ces barrages ?
15 R. C'est exact, mais une partie de ces positions existaient déjà dans le
16 cadre de la mise en œuvre du plan d'aléa dont nous disposions.
17 Q. Et M. Van Duijn déclare : "Que cet ordre a été donné en tant qu'ordre
18 vert. Vous savez ce que sait qu'un ordre vert, je suppose."
19 R. C'est moi qui est appelé ça un ordre vert. Qu'est-ce que cela voulait
20 dire, cela voulait dire, qu'en tant que casques bleus, nous ne pouvions que
21 nous montrer dissuasifs pour empêcher une action militaire hostile et nous
22 ne pouvions utiliser nos armes que pour nous défendre en cas d'attaques.
23 Donc, étant donné cet ordre de défense de la ville, il était à supposer que
24 les armes devaient être utilisées non pas seulement, en tant que moyen de
25 défense, mais également pour appliquer cet ordre et protéger Srebrenica.
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1 Q. Cependant, je ne sais pas si vous êtes au courant du fait que M. Van
2 Duijn a déclaré que l'ordre était le suivant, il a affirmé en effet : "Si
3 on ouvrait le feu sur nous, nous avions l'autorisation de répliquer en
4 tirant d'abord par-dessus la tête des Serbes et ensuite directement sur
5 eux. C'était une partie de l'ordre donné par le capitaine Groen, c'était
6 donc un ordre vert --"
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Apparemment il y a une interruption.
8 M. NICE : [interprétation] Je demande quelle est la pertinence.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En effet, quelle est la pertinence de ces
10 questions, Maître Tapuskovic ?
11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Et bien, un peu plus tard, il vous
12 apparaîtra très clairement que ceci est pertinent. Mais si ce n'est pas le
13 cas.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, je vous en prie. Je vous ai posé une
15 question, veuillez y répondre, apporter des explications.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je pose ces questions parce que, suite aux
17 déclarations faites par M. Van Duijn, celui-ci a perdu son emploi et il a
18 fait l'objet d'une enquête car il a dit que la création de ces positions
19 d'obstructions avaient pour but d'attirer sur ces positions le feu des
20 Serbes de Bosnie, et donc de provoquer l'intervention d'un soutien aérien.
21 Et il n'était pas au courant de cela, il ne se rendait pas compte de cela à
22 l'époque, mais par la suite il a dit : "Qu'il s'était rendu compte de cela
23 et on tirait sur les Serbes en particulier sur les collines avoisinantes
24 afin d'attirer, de provoquer une intervention aérienne, une frappe
25 aérienne."
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1 Donc est-ce bien ce que vous-même avez compris comme étant l'objet de la
2 création de ces positions d'obstructions parce que vous ne portiez pas
3 d'uniformes de camouflage ? Un ordre vert cela signifie que vous auriez agi
4 à partir d'un abri ou derrière une barricade ou un barrage et vous avez été
5 témoin de tout cela. Est-ce que les choses se sont passées ainsi ?
6 R. D'abord l'ordre que j'ai reçu, il consistait à assurer la défense de la
7 ville et ensuite nous avons entendu dire qu'il y avait une stratégie
8 établie à Zagreb ou au QG de la FORPRONU qui consistait à attirer des tris
9 à partir des positions de blocage de façon à ce que les frappes aériennes
10 puissent être autorisées puisque cela aurait constitué un élément décisif
11 dans la prise de décisions à cet égard. Ce que j'ai essayé d'expliquer au
12 capitaine Groen, c'est que, s'il était nécessaire d'utiliser tous les
13 systèmes d'armement pour arrêter l'armée des Serbes de Bosnie sur les
14 pentes méridionales des collines entourant Srebrenica et cela pouvait être
15 fait.
16 Q. Et ne savez-vous pas que Van Duijn avait donné un ordre celui d'ouvrir
17 le feu sur les Serbes au moment où il avait vu loin là-bas sur les collines
18 je dirais que l'artillerie se trouvait à dix ou quinze kilomètres de là,
19 c'est à protester, c'est Van Duijn qui l'a dit lui-même. Il y avait des
20 hommes au sommet des collines et c'est là qu'on a donné l'ordre de tirer
21 dessus et il a été tiré dessus. C'est ce que M. Van Duijn dit.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
23 M. NICE : [interprétation] Je me dois -- je répugne à soulever des
24 objections, mais là je dois le faire car je me demande quelle est la
25 pertinence ?
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce doit être votre dernière question,
2 Maître Tapuskovic. Veuillez répondre si vous êtes en mesure de le faire.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. M. Van Duijn a répété un ordre que
4 j'avais donné moi; cependant, il n'y a pas eu de temps de réaction par
5 rapport à l'infanterie serbe au moment où elle est entrée dans la ville et,
6 lorsqu'elle l'a faite, j'étais face à un problème militaire considérable et
7 la seule façon que nous avions d'agir c'était en fait d'avoir des tirs
8 préventifs pour empêcher qu'il n'entre dans la ville. C'est tout ce que je
9 peux dire. Sinon, on entre dans le domaine militaire tactique.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
11 M. NICE : [interprétation] Je n'ai que cinq questions à vous poser.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Tapuskovic, nous n'avons vraiment
13 plus de temps. Je vous remercie.
14 Nouvel interrogatoire par M. Nice :
15 Q. [interprétation] Nous avons vu l'ultimatum adressé par Mladic. Qu'est-
16 ce que ceci montre par rapport à son degré de contrôle ?
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais vous m'avez donné l'autorisation de
18 poser encore une question, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que vous avez disposé -- il nous
20 faut vraiment en terminer. Vous savez, nous devons avancer. Alors, quelle
21 est votre dernière question ? Quelle est votre question ? Ecoutons-là
22 d'abord.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Quelques jours avant cela, il avait été
24 tué par la partie musulmane un soldat hollandais et rien n'a été entrepris
25 à ce sujet.
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1 Q. Ma question est la suivante : S'agissant de tout cela, alors que les
2 Serbes s'approchaient de ces positions à partir desquelles on leur avait
3 tiré dessus, est-ce que l'une quelconque des personnes faisant partie du
4 Bataillon néerlandais a été blessée, oui ou non ? Or, on leur avait tiré
5 dessus ?
6 R. Peu de temps avant qu'on ne tire d'un char sur Bravo 1, j'avais
7 effectivement quatre blessés plus exactement à cette position et j'ai dû
8 quitter cette position pour en prendre une autre. Ça, c'est une chose.
9 Deuxième chose, effectivement, les Musulmans ont tué un de mes soldats. Mon
10 problème, c'était que je devais exécuter le mandat des Nations Unies et là,
11 je n'étais censé utiliser mon système d'arme qu'en défense de nos
12 positions. L'ordre de défendre la cité de Srebrenica était normalement un
13 ordre militaire et en fait, théoriquement, nous aurions pu jeter nos bérets
14 bleus et commencer à combattre. C'est là la différence.
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.
16 Nouvel interrogatoire par M. Nice :
17 Q. [interprétation] Qu'est-ce que l'ultimatum adressé par Mladic montre
18 s'agissant de son niveau de contrôle ?
19 R. Excusez-moi. Je réfléchissais. Ça m'arrive de temps à autres. C'était
20 le commandant suprême, ça ne veut pas dire, non -- ça ne montre pas qu'au
21 plan local et tactique il avait le contrôle mais ça montre qu'il avait le
22 contrôle opérationnel.
23 Q. Akashi a recommandé l'évacuation. Et quelle en était la raison, quel
24 était le niveau de risque ou de menace qui avait abouti à cette
25 recommandation ?
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1 R. Les deux, pour ce qui était de la situation humanitaire des menaces. Le
2 général Mladic, et bien, a montré qu'il était prêt à mettre en pratique les
3 menaces qu'il avait formulées, par exemple, pour ce qui est du pilonnage de
4 la ville.
5 Q. L'accusé a laissé entendre qu'il aurait fallu que les gens se livrent
6 et deviennent prisonniers de guerre plutôt que d'effectuer une percée. Ceux
7 qui ont effectué une percée, ont-ils survécu ?
8 R. Une partie d'entre eux à ma connaissance.
9 Q. Ceux qui seraient restés en tant que prisonniers de guerre, est-ce
10 qu'ils ont survécu à votre connaissance ?
11 R. D'après ce que je sais, ça n'a pas été le cas, Monsieur.
12 Q. Je vous remercie. Le vol ou confiscation de véhicules blindés
13 transporteur de troupes ou de vêtements de votre bataillon, est-ce que les
14 deux parties s'y sont livrées dans une même mesure ou est-ce que l'une l'a
15 fait davantage que l'autre ?
16 R. Jamais les Musulmans n'ont volé de véhicules blindés de transport de
17 troupes. Il se peut que dans la phase ultime, ils se soient emparés de
18 certains de nos uniformes. Je le rappelle, il restait des effets dans les
19 postes d'observation attaqués par l'armée des Serbes de Bosnie, l'armée des
20 Serbes de Bosnie qui a volé certains de nos uniformes et des véhicules
21 blindés.
22 Q. Plusieurs questions vous ont été posées à propos de ce que vous aviez
23 lu. Est-ce que vous avez lu des explications présentées par Mladic, lui-
24 même, s'agissant de la disparition de ces gens ?
25 R. Non.
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1 Q. Fort bien.
2 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Colonel Franken, ceci met fin à votre
4 déposition. Merci d'être venu témoigner au Tribunal pénal international.
5 Vous pouvez vous retirer.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
7 [Le témoin se retire]
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons siéger jusqu'à 14 heures.
9 Est-ce que ceci vous aide pour le témoin suivant ?
10 M. NICE : [interprétation] Oui. Oui, Madame l'Huissière, va l'amener dans
11 le prétoire.
12 Monsieur le Président, il faudra baisser les stores. C'est un témoin
13 protégé. Est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel, le temps de
14 baisser les stores ?
15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, une chose à la fois.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
17 le Président.
18 [Audience à huis clos partiel]
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19 [Audience publique]
20 M. AGHA : [interprétation] Nous présentons le témoin B-1524.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, B-1524.
22 M. AGHA : [interprétation] Vous savez que ce témoin bénéficie de mesures de
23 protection et donc sous le coup de l'Article 92 bis. Nous allons peut-être
24 demander le versement de la liasse de documents.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une cote, s'il vous plaît.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] 595.
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer
4 la déclaration solennelle.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie Monsieur veuillez vous
8 asseoir.
9 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1524 [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais demander qu'on vous
12 remette le feuillet sur lequel figure votre pseudonyme, et ce sera
13 l'intercalaire 1.
14 Interrogatoire principal par M. Agha :
15 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin 1524, ayez l'obligeance d'examiner
16 ce feuillet et dites-moi si c'est bien votre nom qui y figure.
17 R. Oui.
18 Q. Est-il exact, Monsieur, de dire que vous avez fourni une déclaration
19 préalable au bureau du Procureur, qui a été certifiée par le Greffe ?
20 Veuillez examiner cette déclaration et me confirmer que c'est bien à votre
21 nom.
22 R. Oui.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Sous pli scellé.
24 M. AGHA : [interprétation] Puisque c'est un témoin en application du 92
25 bis, même si j'ai préparé un résumé très circonstancié, vu le peu de temps,
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1 je vais uniquement effleurer les grands moments de sa déclaration.
2 Au fond, ce que dit ce témoin c'est que c'est une Serbe né en Serbie qui a
3 vécu à Zvornik ces 20 dernières années. Il entretenait de bons rapports
4 avec les communautés serbes et musulmanes, lorsque le SDA le lui a proposé,
5 on lui a demandé de rejoindre le SDS afin que tout se passe bien.
6 Il a assisté à la première réunion dirigée par Brano Grujic, président du
7 SDS, et les autres personnalités importantes de la municipalité de Zvornik.
8 Il a quitté la réunion car il a dit ne pas vouloir être en compagnie
9 d'extrémistes et de voleurs, et de personnes associées à Grujic. Il a
10 quitté la réunion.
11 En février 1992, les dirigeants du SDS l'ont appelé à Celopek, là où se
12 trouvait le QG militaire. Ont assisté à cette réunion, deux officiers de la
13 JNA régulière de Tuzla. Il y avait le lieutenant Sekanic et un capitaine.
14 Le lieutenant Sekanic a été placé à la tête d'une unité de chars à Celopek.
15 Il y avait encore à cette réunion, de 20 à 30 officiers de la JNA.
16 A l'occasion de cette réunion, il s'agissait de constituer une brigade
17 serbe de Zvornik. Les Serbes étaient organisés par la JNA, alors que le SDA
18 devait être organisé par les dirigeants locaux. Le témoin a été placé à la
19 tête d'environ 690 soldats de la TO. Au moment de la réunion, le témoin a
20 demandé quel était l'objectif à remplir par cette brigade. On lui a répondu
21 qu'elle devait assurer la défense contre d'éventuelles attaques de
22 Musulmans, mais si les choses tournaient autrement, il n'avait pas à
23 s'occuper de ce qui se passait.
24 Le témoin a demandé à Grujic ce qui arriverait aux Serbes qui allaient
25 rester à Zvornik. Grujic lui a dit que s'il ne partait pas, et bien qu'eux
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1 aussi seraient tués lorsque les Serbes attaqueraient.
2 Le témoin a appris qu'il y avait d'énormes stocks de munitions -- d'armes
3 militaires et de mortiers à Mali Zvornik qui venaient du dépôt militaire de
4 Bubanj Potok à Belgrade. Après la réunion, le SDS a organisé la
5 distribution d'armes aux Serbes de l'endroit en passant par les dirigeants
6 d'entreprises, d'usines, et des organes municipaux. En fait, beaucoup de
7 familles serbes ont quitté Zvornik s'attendant à des hostilités éminentes.
8 Le SDA a essayé d'encourager le témoin à revenir dans les rangs du SDS,
9 afin de protéger leurs intérêts. Le témoin a accepté de le faire, alors
10 qu'il se rendait au QG il a vu à un poste de contrôle qu'il y avait des
11 hommes armés et qui portaient des mêmes vêtements, parlaient avec l'accent
12 de Belgrade, et ont été salués par les autres personnes qui se trouvaient-
13 là. On lui a dit à ce poste de contrôle, qu'il s'agissait des hommes
14 d'Arkan, alors que les hommes dans la jeep faisaient du groupe
15 paramilitaire appelé les hommes du groupe de Mirko Jovic. A un moment
16 donné, le témoin a compris qu'il ne pourrait pas aller rejoindre la TO
17 serbe, car il savait qu'il devrait tuer des gens, et que ceci échappait à
18 son contrôle.
19 Le 8 avril, il a commencé à avoir des combats à l'arme légère à Zvornik. Le
20 témoin est allé à Mali Zvornik, où ont commencé de lourds pilonnages. A
21 partir de Mali Zvornik en Serbie en direction de Zvornik.
22 Le lendemain matin, le témoin a vu un drapeau serbe hissé au mât de la
23 mosquée principale de Zvornik, alors qu'il y avait de la musique serbe qui
24 était diffusée. Et c'est à ce moment-là, qu'on a commencé à tuer les
25 habitants de sexe masculin.
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1 Le témoin a vu de l'autre côté des soldats armés, en uniforme noir, qui
2 entraient dans des appartements. Il a entendu dire par la suite, que
3 certains avaient été tués dans la rue Filipa Kljajica.
4 Plus tard, il a été arrêté. Il s'est demandé, il a demandé à la police
5 locale pourquoi il était arrêté en Serbie pour être emmené en Bosnie. On
6 lui a dit que ceci serait expliqué plus tard.
7 On l'a emmené à l'usine Alhos à Zvornik où se trouvait Brano Grujic qui l'a
8 insulté, l'a frappé de coups dans l'entrejambe. Et il y avait Ica [sic]
9 [phon], un des adjoints d'Arkan. C'était un commandant, est entré, lui a
10 donné des coups à la tête, et il lui a dit qu'il allait le tuer en
11 personne. Ce commandant, qui semblait être en charge de ces hommes, a crié
12 à Grujic qu'il fallait permettre à ces gens d'entrer. Et il a dit à Grujic
13 que ce n'était pas une façon de faire la guerre et que, s'il continuait, il
14 allait lui enlever ses pièces d'artillerie qui étaient au nombre de 3 800.
15 Et puis le témoin a été emmené à l'usine Alhos. On a dit qu'il servirait
16 d'exemple, qu'il allait être tué.
17 Au moment où on l'emmenait à l'usine Alhos, il a été détenu en même temps
18 que 20 détenus musulmans de Zvornik. Il attendait d'être interrogé. Pendant
19 ce temps, il a entendu les cris d'autres personnes qui s'étaient trouvées
20 dans sa pièce, qu'on avait fait sortir pour être interrogées. De retour
21 dans la pièce, ces hommes étaient jetés au sol, sanguinolents et
22 inconscients. Certains étaient en proie aux affres de la mort. Il a été le
23 dernier à être emmené pour être interrogé. Il a été emmené par des soldats
24 de la TO, mais en fait, ce sont des hommes d'Arkan qui l'ont interrogé.
25 Lorsqu'il a expliqué qu'il était Serbe et que s'il était là, c'est
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1 uniquement parce qu'il avait eu trop peur de le dire au moment où il avait
2 été arrêté, à ce moment-là, ils ont changé d'attitude à son égard. Ils
3 l'ont fait sortir de la pièce, lui a donné un sac de couchage, et il a pu
4 s'allonger avec 15 ou 20 hommes d'Arkan qui se trouvaient là totalement
5 équipés de leurs armes, et qui attendaient que vienne le matin.
6 Au matin, le témoin s'est rendu compte que la seule chance qu'il avait de
7 s'échapper c'est au moment où il avait vu Arkan au bâtiment de l'usine
8 Alhos, là où se trouvait la cellule de Crise du SDS. Il s'est approché
9 d'Arkan. Il a dit qu'il était Serbe, que ça avait été une erreur, qu'il
10 était chauffeur de camion, et qu'il devait être emmené. Arkan lui a dit
11 d'accord.
12 Un des autres chauffeurs qui se trouvait avec lui a demandé : "Mais qu'est-
13 ce qu'on va faire sans papiers ?" Et Arkan s'est contenté de dire : "Et
14 bien, dites aux gens, qui se trouvent au barrage routier, qu'Arkan vous a
15 donné son autorisation. Il s'est échappé de Zvornik, s'est frayé un passage
16 vers la Serbie, où sa famille lui a dit que le MUP local de Serbie avait
17 reçu une télécopie de Zvornik disant qu'il avait été arrêté et ramené à
18 Zvornik. On a dit également au témoin que trois policiers militaires serbes
19 étaient à sa recherche.
20 Si vous me le permettez, Messieurs les Juges, je n'aurai qu'une question à
21 poser maintenant au témoin.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
23 M. AGHA : [interprétation] Veuillez répondre, Monsieur le Témoin.
24 Q. Monsieur le Témoin, vous dites, dans votre déclaration préalable, que
25 vous avez vu des hommes en uniforme noir de l'autre côté de la Drina, qui
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1 étaient en train d'entrer dans plusieurs appartements. Avez-vous reconnu le
2 groupe paramilitaire dont faisaient partie ces hommes ?
3 R. Je ne reçois pas la traduction.
4 Q. Je vais vous répéter la question. Lorsque vous vous êtes trouvé sur
5 l'autre rive de la Drina, vous avez vu des hommes en tenue noire de type
6 paramilitaire qui entraient dans des bâtiments. Avez-vous pu déterminer à
7 quelle unité paramilitaire, ces hommes appartenaient ?
8 R. Certainement. Ils faisaient partie des unités à Arkan. Parce que je les
9 ai vu le jour d'avant lorsque les combats ont commencé, lorsqu'on passait
10 au pont de Karakaj, en Bosnie. Par la suite, je les ai vus au moment où on
11 m'a arrêté à Alhos. Et ils portaient ces mêmes uniformes. Et d'ailleurs,
12 c'étaient les mêmes hommes.
13 Q. Dernière question. A quelle distance vous trouviez-vous sur cette autre
14 rive de la Drina ? Et quelle est la vue que vous aviez de ces hommes ?
15 R. Il devait s'agir de 100, voire 150 mètres pas plus. Mais cela suffisait
16 pour voir clairement tant l'uniforme que l'homme lui-même.
17 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
18 M. AGHA : [interprétation] Ceci met terme à l'interrogatoire principal.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous devons suspendre l'audience.
20 Monsieur le Témoin B-1524, je suis désolé que nous ne puissions terminer
21 votre déposition aujourd'hui. Je suppose que ce n'est pas la première fois
22 que ça vous arrive. Vous avez subi pas mal d'inconvénients, en tant que
23 témoin. J'en suis vraiment navré. Mais nous allons essayer de terminer
24 votre déposition mardi prochain. J'espère que vous pourrez revenir mardi, 9
25 heures. Nous essaierons à ce moment-là de terminer votre déposition.
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1 Mais rappelez-vous qu'au cours de cet intervalle, de cette suspension, vous
2 n'êtes censé parler à personne de votre déposition tant qu'elle n'est pas
3 terminée. Et ceci s'applique aux représentants du bureau du Procureur.
4 Nous levons maintenant l'audience. Elle reprendra mardi matin.
5 --- L'audience est levée à 14 heures et reprendra le mardi 18 novembre
6 2003, à 9 heures.
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