Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 18 novembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

7 parole.

8 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1524 [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

11 Q. [interprétation] Monsieur 1524, je voudrais tout d'abord que nous

12 déterminions votre profession. Dans la partie introductive de votre

13 déclaration, celle que vous avez faites en date du 11 novembre et celle du

14 5 décembre, vous avez dit que vous avez été un monteur chargé des travaux

15 d'isolation ?

16 R. Oui.

17 Q. Et, au paragraphe 1, vous avez indiqué que vous avez terminé une

18 formation à l'école supérieure de pédagogie ?

19 R. Non. J'ai terminé cela à Belgrade, mais il s'agissait d'une école

20 supérieure de défectologie.

21 Q. Mais donc vous avez travaillé avec des enfants handicapés et puis, par

22 la suite, vous avez vaqué à une profession qui était en corrélation avec

23 les délinquants n'est-ce pas ? Et au paragraphe 4 vous indiquez --

24 R. Oui.

25 Q. Et vous indiquez, au paragraphe 4, donc que vous avez travaillé dans

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1 des services financiers. Je ne vais pas indiquer le nom de l'usine à

2 Zvornik pour ne pas dévoiler votre identité, mais c'est à peu près ce que

3 vous faisiez, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. On parle de l'académie militaire ici. Je suppose qu'il ne s'agit pas de

6 l'académie militaire, mais d'une école des officiers de réserve ?

7 R. C'est exact.

8 Q. Vous avez effectué cela dans le courant de votre service militaire,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. J'ai cru comprendre que, dans l'organisation de ces officiers de

12 réserve, vous avez été très actif, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez traité de ces questions-là, des questions afférentes à la

15 défense ? Tirons les choses au clair, je vous prie, vous n'avez jamais

16 travaillé au sein de la JNA, n'est-ce pas ?

17 R. Pas de façon active, mais, en qualité d'officier de la réserve et avant

18 de faire partie de la Défense territoriale, il s'agissait d'une unité

19 opérationnelle qui faisait partie -- ou qui avait un tiers de militaires

20 d'active et les deux tiers étaient des réservistes.

21 Q. Donc vous étiez, en votre qualité d'officier de réserve, engagé en

22 partant de l'information qui -- la réclamation qui était la votre.

23 R. Oui.

24 Q. Vous n'avez pas de taches particulières là ?

25 R. Non.

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1 Q. Au paragraphe 7, vous dites qu'en 1991, vous avez été convié par un

2 lieutenant-colonel, et vous dites que c'était quelqu'un de charger du moral

3 et des questions politiques au sein de la garnison, mais il vous a demandé,

4 si vous vouliez, vous porter volontaire pour la guerre en Croatie, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Quand est-ce que cela s'est passé au juste ? Qu'est-ce que vous en

8 souvenez ?

9 R. Je pense que cela a dû se passer vers l'été 1991. Maintenant, pour ce

10 qui est des dates, je n'en sais rien.

11 Q. Vous indiquez que vous avez été individuellement aux fins de dissimuler

12 de faire en sorte que la JNA dissimule les dimensions véritables de son

13 engagement en Croatie. Est-ce que c'est ce que vous avez cru comprendre

14 partant de l'entretien que vous avez eu avec lui ?

15 R. Non, j'ai déduit quelque chose de cet entretien, mais j'estime que ce

16 qu'il m'avait demandé à moi-même, c'était d'être là, mais j'ai ouïe-dire de

17 la bouche d'autres officiers de réserve qu'on leur avait demandé s'ils

18 voulaient prendre part en tant que volontaires à ces opérations.

19 Q. Oui, mais je suppose que cela n'avait rien de secret. Vous devez

20 certainement savoir que la JNA n'avait jamais dissimulé son engagement en

21 Croatie et, pendant qu'elle avait été présente là-bas, elle est intervenue

22 en tant que forces armées légitimes conformément à la constitution de la

23 RFSY ?

24 R. C'est précisément ce que je pense. Je n'ai pas dit moi-même qu'elle

25 avait dissimulé ses activités, mais les entretiens qui ont eu lieu ont

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1 certainement eu un certain degré de confidentialité.

2 Q. Mais d'où tirez-vous cette idée au terme de laquelle vous estimez que

3 cela était confidentiel ?

4 R. Je n'ai pas eu de convocation officielle pour cet entretien, et cette

5 convocation m'a été communiquée par le biais du QG de la TO, mais on sait

6 comment on voit que les supérieurs -- les officiers militaires et -- il

7 doit y avoir une convocation noir sur blanc et, s'il s'agit d'une

8 mobilisation, il s'agit d'un appel sous les drapeaux. On sait comment les

9 appels sur les drapeaux se font, mais cela ne se fait suivant les modalités

10 qui ont été celles de la convocation dont j'ai fait l'objet.

11 Q. Savez-vous, étant donné que, comme vous le dites, bon nombre

12 d'officiers s'étaient entretenus à ce sujet, ne savez-vous que la

13 mobilisation des effectifs de réserve s'est effectuée dès le mois de juin

14 1991, et cela s'est rapporté à tout le monde et rien de propre à vous ?

15 R. La mobilisation ? Il n'a jamais eu de mobilisation à Zvornik.

16 Q. Pouvez-vous vous souvenir du nom de ce lieutenant-colonel de la caserne

17 de Tuzla qui a effectué cet entretien avec vous ?

18 R. Non, je n'ai même pas essayé, je n'ai pas cherché à savoir, mais il se

19 peut que je l'ai appris, or il s'est passé un grand nombre d'années depuis

20 je ne sais plus.

21 Q. Au paragraphe 7, vous indiquez que vous saviez que la JNA ne

22 s'adressait pas aux membres des autres groupes ethniques, et si cela avait

23 été le cas vous l'auriez certainement su ?

24 R. J'ai dit ce que je savais ce que j'ai appris à l'occasion que cet

25 entretien -- et c'était tous des Serbes. D'autre part à l'époque déjà, les

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1 Musulmans ne voulaient plus répondre aux appels sous les drapeaux.

2 Q. Mais c'est là que je veux justement en venir. Je vous pose la question

3 pour savoir si vous saviez combien l'on avait essayé de remettre "d'appels

4 sous les drapeaux ou de convocation aux membres des autres groupes

5 ethniques."

6 R. Il est probable que le nombre était assez important.

7 Q. Ne savez-vous pas que, partant des instructions politiques, la plupart

8 des Musulmans avaient refusé de répondre à l'appel pour faire leur service

9 militaire ?

10 R. Je le sais.

11 Q. Au paragraphe 8, vous affirmez qu'à l'époque les tensions ne faisaient

12 que croître entre les Musulmans et les Serbes dans le secteur de Zvornik,

13 et vous indiquez que l'on savait que la guerre allait éclater. Seulement on

14 ne savait pas quand au juste.

15 R. C'est précisément ainsi que ça s'est passé.

16 Q. Est-ce que cela signifie, en terme pratique, partant de ce que vous

17 nous dites ici, que la guerre sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine

18 était inévitable et que tant les Musulmans que les Serbes le savaient fort

19 bien ?

20 R. De là à savoir si cela était inévitable, je crois que la chose peut

21 être discutée au début de la guerre. On peut toujours mettre un terme aux

22 événements. Si la volonté -- si la bonne volonté est présente, or il n'y a

23 pas eu de bonne volonté, ni d'une part, ni d'autre.

24 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire plus près étoffé votre propos

25 pour ce qui est de cette absence de volonté de part et d'autre ? Dites-nous

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1 comment se comportaient les Serbes et comment se comportaient les

2 Musulmans ?

3 R. En principe, les uns et les autres avaient peur, mais déjà à cette

4 époque-là, je crois qu'il s'agissait de 1992 vers le début des guerres les

5 jeunes. Du Ramadan, les Musulmans allaient aux mosquées et à l'époque des

6 individus déjà armés dans la population musulmane avaient monté la garde à

7 proximité des mosquées. Ils étaient armés, bien entendu, avec des pistolets

8 ou des armes automatiques enfin suivant ce que les uns ou les autres

9 avaient. Et on entendait des coups de feu souvent en ville. Et de la part

10 de ce groupe ethnique depuis Zvornik également, on ouvrait le feu et on

11 savait pertinemment bien que, dans ces quartiers-là, c'était une population

12 serbe, or donc les tensions montaient d'un jour à l'autre. La peur

13 augmentait chez les gens, notamment ceux qui n'avaient pas d'armes. Cette

14 population urbaine n'avait pas souhaité qu'il y ait une guerre du tout.

15 Q. Bien, dites-moi, je vous prie, partant de ce que vous venez de nous

16 indiquer, dans la ville même de Zvornik, ce que vous avez pu constater dans

17 les rues, c'était des Musulmans qui étaient armés et qui se trouvaient

18 notamment à proximité des mosquées, n'est-ce pas ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Y avait-il là-bas des Serbes armés ?

21 R. Pas autour des mosquées, je vais vous dire, où ils étaient. Ils étaient

22 dans les banlieux à quelques centaines de mètres plus loin dans les parties

23 colline uses autour de Zvornik. Et ils se manifestèrent de temps en temps

24 en tirant des rafales.

25 Q. Mais pour ce qui est de la ville même, il n'y avait que des forces

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1 musulmanes à l'intérieur, d'après ce que vous avez pu voir vous-même,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Il n'y avait pas des forces musulmanes. C'était des individus des

4 particuliers du groupe ethnique musulman qui était armé.

5 Q. Dites-moi, je vous prie, à partir de quand avez-vous vu des Musulmans

6 armés à proximité des mosquées, et cette ambiance d'une façon générale où

7 il était devenu clair à la population de la municipalité de Zvornik que des

8 choses sont en train de se passer ?

9 R. Cela s'est passé avec le début du Ramadan du jeun et il y avait des

10 gens qui montaient la garde en affirmant qu'ils avaient peur que l'un

11 quelconque des Serbes ne vienne jeter une grenade dans la mosquée. C'est

12 ainsi que ça s'est passé.

13 Q. Y a-t-il eu des incidents survenus auparavant et qui permettaient de

14 penser que cela était justifié par un quelque chose de concret.

15 R. Il n'y a pas eu d'incident concret, mais, à un moment donné, un

16 chauffeur de taxi avait disparu. Il y a eu des petits heurts quotidiens en

17 ville, indépendamment des groupes ethniques ou de leur appartenance

18 ethnique, mais je ne pense pas qu'il y a eu d'incident qui ait motivé cela

19 directement.

20 Q. Alors, cet armement -- cette disposition des Musulmans, par poste ou

21 par site dans la ville, n'avait pas été occasionné par un incident

22 quelconque provoqué par les Serbes à leur encontre, n'est-ce pas ?

23 R. Pour autant que je le sache, non. Alors, de là, à savoir s'ils étaient

24 -- à disposer par quelqu'un de la sorte ou si c'était des initiatives

25 individuelles au sein de groupes donnés, mais ceux qui avaient disposé

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1 d'armes, c'étaient des individus. Ce n'étaient pas des unités en aucune

2 façon ou des groupes, des effectifs nombreux.

3 Q. D'après ce que je puis constater dans votre déclaration, la majeure

4 partie du temps là-bas, vous l'avez passé en fréquentant tant des Musulmans

5 que des Serbes et il n'y a pas eu, comment dirais-je, dans vos relations

6 sociales -- vos contacts sociaux, des partages ou des distinctions. Les

7 gens se fréquentaient et vivaient normalement ?

8 R. Certainement. Au tout début de la guerre, nous avons même monté

9 ensemble la garde autour des immeubles. Les gens, qui n'avaient pas

10 d'armes, se rassemblaient pour protéger leurs familles, leurs enfants. Nous

11 passions toute la nuit devant nos immeubles. Nous montions la garde. Nous

12 nous relevions, nous faisions des hypothèses pour ce qui étaient des

13 attaques qui pourraient, dont nous pourrions faire l'objet.

14 Q. Mais, ce faisant, devant vos bâtiments, en montant la garde, vous

15 précisez bien qu'ils y avaient des Serbes et des Musulmans ou il y avait

16 surtout des Musulmans ?

17 R. Il y avait les uns et les autres, mais, dès ce moment-là, à savoir,

18 quelques jours avant l'éclatement des conflits, dès le début de la guerre,

19 la plupart des habitants avaient quitté Zvornik si tentaient que l'on avait

20 où aller.

21 Q. Mais pour ce qui est de ceux à l'époque où les tensions ont monté, il y

22 avait surtout des Musulmans, n'est-ce pas ?

23 R. Non. Il y avait les Musulmans et les Serbes.

24 Q. Mais avez-vous connaissance de quoi que ce soit au sujet des

25 préparatifs qui se sont déroulés à l'intérieur de cette communauté

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1 musulmane, à savoir, au sein du Parti de l'Action démocratique et de la

2 Ligue patriotique, préparatifs qui auraient été réalisés au sujet des

3 conflits à venir, étant donné qu'il convenait de s'attendre à des

4 événements ?

5 R. Ce que je sais, c'est seulement du fait des conversations. J'ai eu

6 beaucoup d'amis, de part et d'autre, et les uns et les autres s'armaient et

7 se préparaient. Ça s'est passé immédiatement après le Nouvel An. Donc, dès

8 le début de l'année, ceux qui pouvaient se procurer des armes de façon

9 clandestine ou tout à fait légale, peu importe, mais les uns et les autres

10 étaient en train de s'armer autant que faire se pourrait.

11 Q. Savez-vous nous dire -- ou si vous aviez eu vent des activités

12 déployées par le Parti de l'Action démocratique ou la Ligue patriotique ?

13 R. Mais j'ai eu des amis parmi le cercle restreint des gens qui faisaient

14 parti du SDA. Il n'y a pas eu de partage ethnique et je sais que, dans nos

15 conversations lorsque nous parlions, on avait envisagé ce qui pouvait se

16 passer et ils disaient : "Mais nous sommes armés, vous êtes armés." Tout le

17 monde le savait d'ailleurs. Cela n'avait rien de secret.

18 Q. Avez-vous connu Abdulah Music, le vice-président du SDA de Zvornik,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Oui, bien sûr, que je le connaissais. Nous étions amis de famille.

21 Q. Et c'est lui qui vous a persuadé de vous affilier au SDS ?

22 R. Non. Il ne m'a cherché à me convaincre. C'était une espèce de

23 conversation amicale. Il disait : "Mais pourquoi ne t'affilerais-tu pas

24 toi-même de l'autre côté ?" Cela n'a rien à voir. Mais le SDS et le SDA

25 n'avaient pas encore eu des idées de droite. On avait simplement estimé que

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1 les communautés politiques -- l'une et l'autre de ces communautés

2 politiques devaient avoir des personnes qui étaient susceptibles de

3 conduire les autres, leur population respective.

4 Q. Donc, si je crois avoir bien compris, cet Abdulah Music vous a dit --

5 vous a suggéré de vous affilier au SDS parce qu'il avait estimé que vous

6 étiez un homme respectable et que cela aurait certainement contribué à une

7 meilleure coopération ?

8 R. Certainement. J'ai la même opinion pour ce qu'il concerne. Nous étions

9 amis de famille. Nous confions la garde de nos enfants les uns aux autres,

10 donc les opinions étaient tout à fait partagées à cet effet.

11 Q. Mais savez-vous qu'Abdulah Music, avec vos amis et votre voisin, Dr

12 Asim Musitica [phon], surnommé Tica, avaient œuvré à l'armement de la

13 population musulmane de Zvornik ?

14 R. Certainement pas à ce moment-là. Si nous parlons des intervalles de

15 temps, je crois que nous avons parlé de l'affiliation. Ça s'est passé

16 auparavant au moment où les uns et les autres s'armaient, cela se faisait

17 en parallèle.

18 Q. Mais je vous pose une question concrète. Quand vous parlez de

19 l'armement des uns et des autres, ne savez-vous pas que ce Music, avec

20 Juzbasic, avaient œuvré activement à l'armement de la population musulmane

21 de la municipalité de Zvornik ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Bien. Je vous remercie. Savez-vous que ce sont précisément Asim

24 Juzbasic et Izet Mehinagic, un militant du SDP et directeur des voies, des

25 chemins de fer de Tuzla et de Zvornik en avril 1992, sont déclarés qu'ils

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1 venaient précisément de Zvornik et que les forces serbes avaient pas mal de

2 morts et de blessés, que les effectifs musulmans jusqu'à son départ à lui,

3 avaient 15 blessés et un mort ?

4 R. Malheureusement, je ne pouvais pas le savoir parce qu'à ce moment-là,

5 j'étais déjà en détention.

6 Q. Fort bien. Mais de tout ce qui a été publié par le journal

7 Oslobodjenje, y a-t-il quoi que ce soit de conforme aux faits qu'il vous

8 était connu à l'époque ? Ils ont indiqué que les forces serbes avaient

9 beaucoup de morts et de blessés, que les Musulmans avaient un mort. Donc

10 les conflits avaient commencé ?

11 R. Les conflits avaient commencé, mais je crois que ça s'avait été un

12 mensonge.

13 Q. Comment voulez-vous dire un mensonge ?

14 R. Je ne pense pas qu'il y ait eu autant de Serbes de tuer, peut-être cela

15 a-t-il été une allusion ou ce qu'ils voulaient faire de la propagande à cet

16 effet.

17 Q. Mais combien de Serbes y a-t-il eu dans ce conflit entamé selon vous

18 par les Musulmans ?

19 R. Je ne sais pas qui a entamé, qui a commencé. Ce que je sais, c'est

20 qu'en ville, il y a eu deux Serbes de tuer, des Serbes qui étaient chez

21 eux. Et il a été tué un dénommé Radovic Luka, qui lui avait pris part au

22 combat. Pour les autres, je n'en sais rien parce qu'entre-temps, on m'avait

23 arrêté.

24 Q. Mais ces deux Serbes, qui étaient chez eux, n'ont attaqué personne, je

25 suppose, n'est-ce pas ?

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1 R. Non. Mais ils ont été tués par des hommes à Arkan.

2 Et bien, ils ont retrouvé Latus [phon] dans son logement lorsqu'ils ont

3 fouillé tous les appartements à Zvornik. Il était un voisin. Il habitait

4 dans l'immeuble juste à côté du mien. Il s'était fait opéré du cœur juste

5 avant, je crois en Amérique. C'était un homme malade. Il ne pouvait pas

6 sortir de chez lui.

7 S'agissant de Mme Nada, elle voulait protéger ses deux voisins, Fatuvic

8 Taib et son fils qui avaient été tués ce jour-là -- ce jour même. Elle

9 avait estimé que de par son autorité, elle était à même de prouver la

10 chose, mais ils ne prêtaient l'oreille à rien de ce que disaient les autres

11 -- les uns ou les autres. C'est ce que je sais vous dire et, pour ce qui

12 est des autres cas, je n'en sais rien.

13 Q. Si vous ne savez rien au sujet des autres cas, je crois devoir passer à

14 notre sujet. Serait-il exact de dire, Monsieur 1524, qu'à l'occasion de ces

15 premières élections en plus réparties en Bosnie-Herzégovine sur le

16 territoire de la municipalité de Zvornik, c'est le SDS qui a gagné ?

17 R. C'est exact. Le SDS a gagné et le SDA était le deuxième des partis. Ils

18 ont partagé le pouvoir dans la ville.

19 Q. Bien. Indiquez-moi, je vous prie, étant donné la victoire des Serbes à

20 ces élections plus réparties, les premières élections plus réparties qui se

21 sont tenues en Bosnie-Herzégovine, pourquoi les Serbes auraient-ils pris

22 par la force le pouvoir à Zvornik alors qu'ils ont accédé au pouvoir de

23 façon tout à fait légale ? En votre qualité d'habitant de Zvornik, vous

24 n'êtes pas né à Zvornik mais vous avez vécu des dizaines d'années dans

25 cette ville, donc je suppose que vous êtes à même de nous aider et de nous

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1 expliquer cela.

2 R. Pour ce qui est de cette période juste après les élections, le partage

3 du pouvoir s'est fait de façon conforme aux votes, aux suffrages que les

4 uns et les autres avaient obtenus. Cela était tout à fait conforme. Mais

5 ils ont fait irruption dans le bâtiment du comité des organisations

6 sociopolitiques et ils ont chassé ceux qui s'y trouvaient. Il y avait des

7 Serbes et des Musulmans du SDS et du SDA. Il n'avait pas demandé qui est-ce

8 qui était employé à temps plein et qui est-ce qui était élu politique. Mais

9 à ce moment-là, au moment où il a été procédé au partage du pouvoir, je

10 dirais que quelques mois auparavant, il avait été convenu dans certains

11 milieux que la ville même de Zvornik, compte tenu de sa majorité musulmane

12 dans la population, soit attribué aux Musulmans, ils ont dû précisé qu'ils

13 ne cèderaient pas la ville sans qu'il y ait conflit.

14 Et les Serbes avaient déjà envisagé que dans ce secteur au départ, ils

15 pourraient commencé par mettre sur pied des institutions, un siège de la

16 municipalité, une banque et que sais-je pour pouvoir continuer à vivre et

17 travailler. Et ils ont œuvré donc en faveur d'un partage par des voies

18 pacifiques. Mais malheureusement cela ne s'est pas fait ainsi.

19 Q. Mais qu'ont-ils fait pour ce partage ? Avez-vous une explication à nous

20 fournir ?

21 R. Il est probable qu'ils aient obtenu des directives émanant d'instance

22 supérieure.

23 Q. Pour simplifier les choses, vous ai-je bien compris, lorsqu'ils ont

24 gagné aux élections, le SDS et le SDA ensemble ont d'abord chassé les

25 communistes ? C'est bien cela ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. Ils avaient jugé que c'était leur ennemi commun ?

3 R. Exact.

4 Q. Indépendamment des appartenances ethniques ?

5 R. Tout à fait exact.

6 Q. Et alors ils se sont battus entre eux ?

7 R. Non. Ils ne se sont pas tout de suite battus entre eux. Pendant un an

8 et quelque encore, ils ont continué à avoir des relations de tolérances.

9 Ils se sont même partagés les mêmes locaux. Le président de l'assemblée

10 municipale était un Musulman, et le président du conseil exécutif était un

11 Serbe. Le chef du SUP était un Musulman, le commandant de la police était

12 un Serbe.

13 Il y a eu, je dirais, une situation politique normale, tout à fait

14 supportable. Il y a eu, d'autres parts, des gens moins aptes sur le plan

15 politique, je dirais, qui sont venus au pouvoir et à tout point de vue. Ils

16 n'étaient pas en mesure de réaliser les fonctions qui étaient devenues les

17 leurs. Les chefs des partis avaient tout simplement distribué des fauteuils

18 de dirigeants à gauche et à droite.

19 Q. Donc de part et d'autre, il y avait des gens qui étaient incapables

20 d'assumer les tâches qu'on leur avait confiées.

21 R. Tout à fait exact. L'on avait chassé des gens qui, pendant des dizaines

22 d'années, ont effectué leur travail de façon tout à fait professionnelle.

23 Q. Et cela fait partie des éléments substantiels ou cruciaux pour

24 expliquer les choses. Dès le mois de juin 1991, vous dites qu'à la suite à

25 une invitation de la part de M. Grujic, qui d'après ce que l'on dit était

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1 ici le président du parti démocratique serbe sur les lieux, n'est-ce pas ?

2 Vous êtes allé à une réunion aux fins d'expliquer là-bas vos propres

3 positions, n'est-ce pas ?

4 R. Non, non. Ce n'était pas de cette façon-là que je pouvais expliquer ma

5 situation. C'était Grujic qui voulait expliquer ce qu'il voulait.

6 Q. Avez-vous parlé de juin 1991, n'est-ce pas ? Oui.

7 R. Ceci c'est en rapport avec le fait de rejoindre le parti ou d'y rester.

8 Moi, je voulais quitter ce parti à cause de ce qui s'était passé au sein du

9 parti auparavant.

10 Q. Vous avez été élu à un poste élevé au parti à Zvornik, n'est-ce pas ?

11 R. J'occupais une des fonctions de direction.

12 Q. Et puis au cours du mois de juin 1991, vous vous êtes présenté au parti

13 pour expliquer ce qu'il en était, que vous ne souhaitiez plus poursuivre

14 vos fonctions ?

15 R. Oui.

16 Q. Dites-moi pourquoi quelles sont les raisons qui vous ont poussé à agir

17 de la sorte ?

18 R. Tout d'abord, il y a ma position propre sur le plan politique n'était

19 pas celle épousée par les dirigeants du SDS à l'époque. Est-ce que je peux

20 vous donner davantage de détails ?

21 Nos bureaux se faisaient face. Il n'y avait qu'une paroi qui nous séparait.

22 Je parle ici du SDS et du SDA. Des rumeurs circulaient. On chuchotait au

23 cours des réunions pour que de l'autre côté de la paroi, on n'entende pas

24 ce qui était discuté dans le bureau d'à côté, au moment surtout où la

25 guerre a éclaté en Croatie. Il y régnait donc un certain climat au cours de

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1 ces réunions et à l'extérieur de ces réunions. Et c'était un climat tout à

2 fait insupportable. Mais ceci mis à part, Grujic, il était déjà devenu un

3 dirigeant qui prenait toutes les décisions. C'était lui qui prenait les

4 décisions. C'était lui qui allait aux réunions. Il rencontrait au niveau de

5 la république les autorités du SDS. Il allait à d'autres réunions ailleurs.

6 Il ne passait aux autres que les informations qu'il était prêt à partager

7 avec eux. Mais il gardait vers devant lui ce qu'il voulait garder. C'était

8 aussi simple que cela. Il n'était pas à la hauteur du poste élevé qui lui

9 était confié.

10 Q. Vu ce que vous venez de dire, je suppose que vous vous êtes senti

11 manipulé. Il vous faisait part de choses qu'il était bien prêt à dévoiler

12 et il présentait la situation comme bon lui semblait. C'était le seul qui

13 était en contact avec les hauts dirigeants. C'est bien cela ?

14 R. Oui. C'est exact.

15 Q. Mais pour vous ce n'était pas quelque chose d'équitable ?

16 R. Non.

17 Q. Donc vous vous êtes présenté au parti pour expliquer votre situation

18 que vous n'étiez plus prêt à exercer ces fonctions ?

19 R. Oui. Avec un autre ami.

20 Q. Et cet ami, est-ce que lui aussi occupait un poste de responsabilité ?

21 R. Oui. Il faisait partie du comité exécutif du parti.

22 Q. Vous dites avoir été à cette réunion équipé d'une arme, d'un pistolet,

23 car selon vos dires, vous craigniez que quelqu'un vous attaque, quitte à

24 vous tuer.

25 R. Il y avait eu auparavant des coups de fil que j'avais reçus,

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1 susceptibles de me faire penser que quelque chose pouvait m'arriver. Mais

2 déjà à ce moment-là, Brano Grujic ainsi que quelques autres personnes

3 avaient déclaré d'eux-mêmes que c'étaient des personnes capables de tout,

4 et qui aussi étaient autorisées à faire tout sorte de choses.

5 Q. Est-ce que quelqu'un a été tué ? Avant cela et est-ce qu'arrivée cette

6 date-là quelqu'un avait déjà été tué ? Je veux dire comment avez-vous eu ce

7 genre de pensées ?

8 R. Oui. Il y a eu certains cas. Mais moi, je ne vous les donnerai à

9 personne l'occasion de m'infliger le même sort. Je voulais pouvoir me

10 défendre.

11 Q. Et est-ce qu'il y avait d'autres personnes armées à cette réunion ?

12 R. Je suppose que tout le monde l'était.

13 Q. Est-ce quelqu'un vous a attaqué, je veux dire physiquement ? Voici

14 pourquoi je vous pose la question. D'après votre déclaration au préalable,

15 vous dites qu'à cette réunion vous ne vouliez rien avoir avec les voleurs.

16 C'est la raison pour laquelle vous avez quitté cette réunion ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Vous ont-ils livré une explication quelconque ? Est-ce que c'était

19 vraiment des voleurs ?

20 R. Pas tous, mais ceux à qui je pensais le savaient bien.

21 Q. Dites-moi pour moi j'ai une impression plus claire de ce qui se

22 passait. Vous les avez qualifiés de voleurs, est-ce que cela veut dire

23 qu'auparavant ils avaient volé des choses, ou est-ce que peut-être ils

24 avaient attiré dans les rangs du parti surtout au niveau des dirigeants qui

25 avaient un casier judiciaire ?

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1 R. Certains avaient un casier judiciaire, d'autres s'étaient livrés à des

2 vols, à des détournements de fonds.

3 Q. Donc certains s'étaient livrés à des détournements de fonds ?

4 R. Oui.

5 Q. Qui avaient agi de la sorte et quels fonds avait-on détournés ?

6 R. Les fonds du gouvernement. Autant posé la question directement à M.

7 Grujic ?

8 Q. Mais je n'aurai pas le loisir de le faire puisque c'est vous qui

9 témoignez ici, pas lui. C'est la raison pour laquelle je vous pose cette

10 question à vous ?

11 Est-ce que lui s'est livré à des détournements de fonds ?

12 R. Oui, avant et encore plus après.

13 Q. Lui en particulier.

14 R. Oui.

15 Q. Quel était le poste qu'il occupait au moment où il se livrait à ces

16 détournements de fonds ?

17 R. Il n'avait pas de fonction particulière à ce moment-là. Il travaillait

18 dans un commerce.

19 Q. Ah. Donc il a détourné des fonds dans le commerce où il travaillait ?

20 R. Oui, c'est ça.

21 Q. Et qu'est-ce qui s'est passé par la suite quand vous avez dit que vous

22 ne voulez pas avoir à faire avec des voleurs, et que vous êtes parti ?

23 Alors on ne vous a plus invité à assister à des réunions, cependant vous

24 n'avez subi aucun mauvais traitement quand même ?

25 R. Je n'étais plus convié à des réunions, mais ils leur arrivaient souvent

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1 de me téléphoner à la maison.

2 Q. Ils vous ont téléphoné chez vous en utilisant votre numéro personnel ?

3 R. Oui, ils m'ont proféré des menaces, et il m'est arrivé en une occasion

4 de le dire au bureau de poste. Ce n'était pas tellement par crainte car ils

5 n'auraient pas pu me protéger de toute façon, mais je voulais déterminer le

6 numéro d'appel.

7 Q. Donc ils vous téléphonaient et vous proféraient des menaces anonymes ce

8 genre de chose, où ils vous ont insulté ?

9 R. Ils m'ont insulté.

10 Q. Ils vous ont insulté.

11 R. Oui.

12 Q. Mais sans conséquences si j'ai bien compris.

13 R. Mais les conséquences elles sont venues plus tard.

14 Q. Paragraphe 11 de votre déclaration au préalable vous dites qu'en 1992,

15 avant l'attaque de Bijeljina - et là vous dites que ça s'est passé vers la

16 fin février - vous avez assisté à une réunion où un certain commandant

17 était présent répondant au nom de Zoran Jovanovic, et vous dites à son

18 propos qu'il commandait la Brigade de Zvornik. Il y avait aussi deux autres

19 officiers du Corps de Tuzla. Un capitaine et l'autre était le lieutenant

20 Sekulic, c'est cela ?

21 R. Oui.

22 Q. C'était avant cette réunion ou après ?

23 R. C'était sept ou huit mois après la réunion.

24 Q. Donc vous avez été convié à des réunions ?

25 R. Oui, cette fois-là, oui, j'avais été invité mais pas auparavant.

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1 Q. Comment se fait-il que vous ayez été invité à assister à cette réunion-

2 là plutôt qu'une autre ?

3 R. C'est comme ça que ça s'est passé. Je ne sais pas dans quelle

4 circonstance cela s'est fait, qui a décidé de m'inviter, en tout cas Zoran

5 Jovanovic m'a téléphoné en personne et m'a convié à la réunion. Auparavant,

6 je l'avais rencontré dans un café, et il m'avait dit qu'il y avait des

7 préparatifs en cours, ce sont les termes qu'il a employés à l'époque et que

8 les deux parties se préparaient à se défendre chacune de l'autre, et que

9 tous les officiers seraient nécessaires, que tous les officiers de réserve

10 devraient être appelés et devraient participer, ce serait une bonne chose

11 pour moi que d'assister à cette réunion.

12 Q. Fort bien. Donc il vous a expliqué qu'il se préparait à assurer leur

13 défense, à établir, à supposer qu'ils allaient être attaqués. Vous étiez

14 vous-même officier de réserve et c'est en tant que tel que vous étiez

15 invité par lui à assister à cette réunion ?

16 R. Oui.

17 Q. Mais dites-vous qu'avant l'attaque de Bijeljina vers le mois de

18 février, bon vous parlez de quel genre d'attaque qui aurait été dirigé sur

19 Bijeljina ?

20 R. Je parle du moment où les hommes d'Arkan ou Arkan et ses hommes ont

21 fait irruption dans la ville, une descente dans la ville, et ont provoqué

22 un incident, je pense, dont vous vous souvenez parfaitement.

23 Q. Fort bien. Si vous vous souvenez de cet incident, c'est fort bien, mais

24 je suppose que c'est le cas puisque vous viviez dans la ville. Cependant

25 dites-moi ceci : Comment les premiers affrontements, les premiers combats

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1 sont-ils survenus dans la municipalité de Bijeljina ? Car vous vous en

2 souvenez, moi pas ?

3 R. Moi ce que j'ai appris, je l'ai appris par la télévision d'état par ces

4 émissions. Nous étions tous au courant de cela et je m'en souviens

5 parfaitement. Je ne connais pas les détails, je ne sais pas ce qui était

6 les causes du conflit.

7 Q. Est-il exact de dire que ce conflit il a commencé fin mars, début 1992,

8 donc un certain temps après cette réunion à laquelle vous aviez convié vu

9 votre qualité d'officier de réserve ?

10 R. Je sais à quel moment ils m'ont appelé, mais quant à savoir si c'était

11 avant ou après franchement, je ne sais pas. Et je ne pense pas que ceci ait

12 aucun intérêt ou ait un rapport avec les événements de Bijeljina. En effet,

13 deux ou trois mois avant le conflit principal, de part et d'autre on se

14 préparait à la guerre, on s'armait, on essayait de constituer des espèces

15 d'unités se composant en fait de ressortissants de leur groupe ethnique

16 respectif.

17 Q. Dans ce même paragraphe au paragraphe 11, vous dites aussi qu'au moment

18 où les Musulmans ont vu que la guerre était éminente, ils ont commencé à se

19 préparer également, à s'armer, mais que tout ceci d'après votre description

20 s'était produit bien avant ?

21 R. Oui. Tout le monde était au courant de cela en Bosnie-Herzégovine au

22 moment où avaient commencé ces préparatifs où les gens ont commencé à

23 s'armer en secret, au moment où des camions entiers de munitions et d'armes

24 étaient amenés de façon clandestine. Tout le monde était bien afféré à

25 s'armer.

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1 Q. Mais, dites-moi, jusqu'au moment où le conflit a éclaté qui était le

2 président de la municipalité de Zvornik ?

3 R. Abdulah Pasic.

4 Q. C'était lui le maire ?

5 R. Oui.

6 Q. Ingénieur de profession ?

7 R. Oui.

8 Q. Qui était le chef de la police à Zvornik ?

9 R. C'était lui aussi un Musulman.

10 Q. Est-ce qu'il s'appelait Osman Mustafic ?

11 R. Oui.

12 Q. Et qui commandait à Zvornik la Défense territoriale ?

13 R. Je ne suis pas sûr.

14 Q. Est-ce qu'il était Musulman lui aussi ?

15 R. Je ne me souviens pas. Je suppose que vous pouvez trouver ce genre de

16 renseignements. Peut-être l'était-il mais les uns et les autres, je suis

17 sûr.

18 Q. Savez-vous que par la mobilisation de la police musulmane à Zvornik,

19 l'ordre avait été donné au président de la municipalité, à l'adjoint, il

20 s'agit donc d'Abdulah Pasic et d'autres, de Nedzad Pasic, commandant de la

21 Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce sont bien les gens concernés,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Sans doute. Pour ce qui est de l'ordre lui-même, je ne sais pas. Je ne

24 le savais pas à l'époque et je ne le sais toujours pas aujourd'hui.

25 Q. Mais connaissez-vous un certain Sead Hadziavdic ?

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1 R. Ce nom m'est connu, mais je ne me souviens pas.

2 Q. Il était le propriétaire du Café royal de Drinjaca, et d'après mes

3 informations et des rapports de police remontant à l'automne 1991, ils se

4 livraient à l'armement clandestin des Musulmans de la région. Etes-vous au

5 courant ?

6 R. Je sais effectivement que les Musulmans étaient en train de se doter

7 d'armes, mais quant à savoir exactement quand ils l'ont fait et comment, je

8 ne sais pas. Ce que je sais cependant, c'est qu'ils étaient armés au début

9 de l'année et qu'ils avaient des armes, pas seulement des pistolets qui

10 étaient des armes de point mais aussi des armes automatiques. En d'autres

11 termes, quelqu'un leur livrait des armes.

12 Q. Mais ce Hadziavdic, savez-vous ce qu'il faisait et savez-vous que la

13 même chose se passait à Kamenica et c'était Saban Desic [phon] et Haskic

14 qui le faisait ?

15 R. Oui, Saban, je le connais bien. Il est maintenant président de la

16 municipalité de Zvornik. A l'époque, il était inspecteur de commerce à

17 Zvornik. Effectivement, les gens s'équipaient en armes dans tous les

18 villages mais quant à savoir qui en avait la responsabilité personnelle,

19 impossible de vous le dire.

20 Q. Mais connaissez-vous tout du moins le rôle qu'à joué dans cet armement,

21 dans cette organisation militaire des Musulmans de Zvornik, du capitaine

22 Hajrudin Mesic, par exemple, car il avait été commandant d'un poste de

23 police à Ugljevik ?

24 R. Je n'ai pas entendu parler de ce nom mais c'est bien possible même si

25 je n'ai pas d'information à son propos.

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1 Q. Mais dites-moi ceci, vous-même, vous étiez sans doute très bien

2 renseigner s'agissant de ce qui se passait dans la région, d'après vos

3 dires, une des raisons qui a poussé à l'évacuation des Serbes de la ville -

4 et vous avez dit qu'il y a beaucoup de Serbes qui sont passés - vous avez

5 dit que ça s'est passé en janvier 1992 parce qu'une unité paramilitaire

6 appelée les Colombes de la mosquée avaient été constitués par Midhat

7 Grahic, un criminel de Zvornik. Est-ce que c'est pour ça que les Serbes

8 partaient ?

9 R. Quant à savoir si cette unité a été constituée ou pas, je ne sais pas.

10 J'en ai entendu parler. J'ai entendu parler de certains groupes. J'ai

11 entendu parler des différents groupes mais comment ils s'appelaient, je ne

12 sais pas. Moi, je ne connais pas. Je connais ce Midhat.

13 Q. C'était un criminel, n'est-ce pas ?

14 R. Bien, il était en détention. Il était en prison pourquoi ? Je ne sais

15 pas. Il ne faisait pas partie des personnes que je fréquentais.

16 Q. Mais je suppose que vous ne fréquentiez pas les criminels, donc, vous

17 ne pourriez pas être au courant. Cependant, au cours de cette période dans

18 la région avoisinante de Zvornik, n'a-t-on pas constitué une unité

19 paramilitaire appelée les Kobras, avec à sa tête, Suljo qui avant avait été

20 un enseignant dans le village de Sapna. On pensait qu'il s'agissait de

21 Sulejman Terzic ? Etes-vous au courant de cela ?

22 R. Mais si ça s'est passé dans la région de Sapna, c'est très loin de chez

23 moi, 25 kilomètres à peu près. Mais je le répète, les rumeurs circulaient

24 selon lequel on constituait des unités et que des gens montaient la garde.

25 Il y a même eu un Musulman qui travaillait à Belgrade et qui rentrait la

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1 nuit de Belgrade qui a été tué. Il rentrait chez lui. Il n'était pas au

2 courant de l'existence de ces gardes villageoises nocturnes. Il a été tué.

3 Et ça s'est passé effectivement sur la route qui avait vers Grbavica.

4 Q. Donc tué par les gardes et les gardes nocturnes musulmanes ?

5 R. Oui. On avait des gardes organisées, des gens portaient des armes. Tout

6 le monde vous le dira.

7 Q. Savez-vous quoi que ce soit à propos de cette unité des Kobras parce

8 que c'est Mumerovic [phon], surnommé Kobra qui était à sa tête, puis il est

9 devenu commandant de la Brigade de Zvornik pour l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine.

11 R. A l'époque, je me trouvais déjà au Pays-Bas.

12 Q. Fort bien. Je ne vous poserai pas d'autres questions à ce propos. Etes-

13 vous au courant d'événements qui se sont produits en mars 1992, ce qui a

14 provoqué beaucoup de remous chez les Serbes où sans aucune raison, une

15 embuscade avait été tendue et cinq personnes ont été arrêtées ? C'étaient

16 cinq jeunes hommes serbes qui ont été interrogés par un certain Avdija

17 Omerovic, et ceci s'est passé en mars 1992.

18 R. Ça s'est sans doute passé. Mais je le répète, nous recevions moins

19 souvent de renseignements car tout le monde s'efforçait de sauver sa peau.

20 Ce que vous dites étant peut-être vrai mais peut-être n'y ai-je pas prêté

21 attention ou je n'en ai pas entendu parler mais je ne m'en souviens pas.

22 Q. Donc, si vous ne savez pas, vous ne vous souvenez pas, inutile de

23 poursuivre.

24 Pourtant au paragraphe 11 de votre déclaration, vous dites que c'est

25 précisément Abdulah Music qui vous a montré une caisse de fusils

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1 automatiques que s'étaient procurés les Musulmans ?

2 R. Oui. C'était la veille de la fête du Bajram, le 5 avril.

3 Q. Vous dites que cet homme vous a dit à vous qu'il avait acheté ces armes

4 à des Serbes ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous affirmez donc que c'étaient les Serbes qui se préparaient à

7 attaquer les Musulmans alors qu'en même temps, ils leur vendaient des

8 fusils automatiques, des armes automatiques.

9 R. Tout est possible. Ces mêmes hommes auraient pu vendre leur farine

10 lorsqu'il y avait un embargo. Il y avait des camions chargés de farine qui

11 venaient de Serbie, qui étaient transportés, qui étaient chargés sur

12 d'autres camions pour aller vers Tuzla. Alors, si ça se passait pour les

13 choses de cette façon-là, il y avait pareil pour les armes.

14 Q. Mais je suppose qu'il y a quand même une différence entre de la farine

15 et des armes. Je comprends bien que des gens apportent de la farine au

16 marché noir pour le vendre mais ici, on parle d'armes. Si les hommes se

17 préparaient à un conflit armé, comment pouvaient-ils concurremment vendre

18 des armes à la partie qu'ils allaient engager, avec laquelle les Serbes

19 allaient supposément avoir un affrontement ?

20 R. Mais ces mêmes gens vendaient des armes aux Serbes. Vous savez qu'il

21 fallait 1 200 marks pour acheter un fusil automatique.

22 Q. Je vois. Donc il s'agissait de gens qui faisaient du marché noir, qui

23 vendaient des armes à qui que ce soit, à quiconque voulait bien les

24 acheter ?

25 R. Oui.

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1 Q. Donc, ce n'était pas quelque chose d'organiser, ce n'était pas un

2 armement organisé par quelqu'un. Ce n'étaient des formations organisées.

3 R. Non, loin de là. C'étaient des personnes individuelles qui se livraient

4 à ce genre de choses. On ne peut parler ici d'unités légales ou de

5 population entière qui se serait livrée à ce genre de choses.

6 Q. Je vous remercie. C'est un point capital que vous venez de présenter.

7 Vous avez ajouté qu'à l'occasion de cette réunion concernant l'unité de

8 Zvornik, Spasojevic, Sveto Popovic et Grujic avaient principalement la voix

9 au chapitre. C'étaient les principaux intervenants ?

10 R. Vous pourriez le dire de cette façon, effectivement.

11 Q. Ces trois hommes étaient des hommes originaires de Zvornik et ils

12 occupaient des fonctions depuis de nombreuses années à Zvornik ?

13 R. Pas depuis de nombreuses années. Personne n'avait jamais entendu parler

14 d'eux auparavant. C'étaient des citoyens ordinaires.

15 Q. Ce que je voulais dire, c'est qu'ils étaient de Zvornik et vivaient à

16 Zvornik depuis de longues années ?

17 R. Oui. Ils vivaient depuis longtemps à Zvornik mais à part ce Sveto

18 Popovic. Les autres venaient du village de la municipalité de Zvornik,

19 quant à Grujic, il était né au Monténégro.

20 Q. Mais il vivait depuis longtemps à Zvornik ?

21 R. Vingt ans.

22 Q. En d'autres termes, ces trois hommes étaient des habitants de Zvornik ?

23 R. Oui.

24 Q. Et ils l'étaient depuis au moins 20 ans.

25 R. Oui.

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1 Q. En d'autres termes, ils ne venaient pas d'ailleurs de Serbie ou

2 d'ailleurs. Ils n'étaient pas venus à Zvornik au cours de cette période-là,

3 ils y vivaient depuis au moins 20 ans ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez ajouté que Zoran Jovanovic, ce commandant, commandait la

6 Brigade de Zvornik.

7 R. Il était nommé à ce poste avant la guerre, c'est ce qu'il a dit qu'il

8 avait coutume de dire qu'il était commandant de la municipalité de Zvornik.

9 Quant à savoir ce que c'était sur le plan organique à ce moment-là, je ne

10 sais pas. Etait-ce une brigade ou était-ce une partie de la Défense

11 territoriale, impossible de le dire, mais je peux vous dire que c'étaient

12 des hommes qui étaient de toute façon à un niveau supérieur au bataillon.

13 Je ne sais si c'était une compagnie ou autre chose. Lui donc était ce

14 commandant et l'échelon supérieur dans cette hiérarchie militaire. C'était

15 commandant de brigade, si on remonte la voie hiérarchique de cette façon-

16 là.

17 Q. J'ai oublié votre pseudonyme. Oui, Monsieur le Témoin

18 B-1524, c'est tout ce que je voulais déterminer. C'était donc une réunion

19 ce jour-là au cours de laquelle on parlait de la création de ces unités. On

20 en a parlé, n'est-ce pas, à cette réunion ? Puisque vous avez dit vous-

21 même que vous avez tiré la conclusion logique que, si on avait constitué

22 des bataillons, ça devrait être une brigade, mais c'était une réunion et, à

23 ce moment-là, la brigade n'était pas encore constituée. Elle se constituait

24 dans le cadre de cette réunion.

25 R. Oui, s'ils avaient nommé des commandants et si chaque commandant avait

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1 la liste des hommes de son unité, ils étaient mono ethniques, c'était mono

2 national comme composition, à ce moment-là, l'unité était établie, même si

3 elle n'était pas encore mobilisée.

4 Q. Je comprends, mais ce que je dis c'est ceci. Vous aviez la Défense

5 territoriale locale, vous aviez votre organisation et le déploiement

6 conjoint de ces membres de cette Défense territoriale locale qui se

7 constituaient en unité ?

8 R. Oui.

9 Q. Donc quand vous dites commandant de la Brigade --

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous arrête pour vous dire que vous

11 avez encore cinq minutes.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en suis navré, Monsieur May. Je ne faisais

13 pas attention à l'heure. Ce témoin a fourni des renseignements très

14 précieux. Pourriez-vous tout du moins m'accorder un peu plus de temps ? Je

15 ferais de mon mieux pour sauter certaines questions que j'avais l'intention

16 de lui poser.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous reste encore dix minutes.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Fort bien. Je vais sauter cette partie-ci. Vous aviez ce bureau -- ou

21 cette fonction ?

22 R. Oui.

23 Q. Je ne vais pas vous citer la déclaration exactement pour ne pas vous

24 identifier, mais vous dites que l'unité était constituée de volontaires de

25 la localité des membres de la TO, c'est exact ?

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1 R. Certains s'étaient portés volontaires à ce moment-là déjà. Ils avaient

2 demandé à recevoir des armes et à faire parties des volontaires.

3 Q. Fort bien. Il s'agissait donc de la Défense territoriale locale ?

4 R. Oui.

5 Q. Et, au paragraphe 14, vous dites que la Brigade de Zvornik -- cette

6 Brigade de Zvornik, l'Unité de la Défense territoriale que vous avez créée

7 à partir des membres de la population à Zvornik, est-ce que exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Et elle comportait environ 3 000 à 4 000 personnes, comme s'est indiqué

10 ici ? Oui, oui, tout à fait. Écoutez, nous n'allons pas parler de tout ceci

11 en détail. Combien d'effectifs y avait-il environ ?

12 R. Comme la guerre se poursuivait, il y avait davantage d'hommes qui

13 étaient recrutés.

14 Q. Vous aviez également des chars et il y avait des personnes qui

15 dirigeaient -- conduisaient ces chars qui venaient de la Brigade de

16 Zvornik, des officiers de réserve, n'est-ce pas ?

17 R. Il n'y avait pas de chars, il y avait une Compagnie de chars de

18 Celopek.

19 Q. Mais les hommes, qui formaient le groupe de volontaires de Zvornik, ils

20 venaient delà, n'est-ce pas ? En tout cas, c'est ce qui est indiqué ici.

21 R. Oui.

22 Q. Maintenant vous dites, au paragraphe 15, que des Serbes se rendaient

23 dans des maisons de campagne pendant le week-end, comme le font les gens en

24 général, et certains d'entre eux allaient à Mali Zvornik de l'autre coté de

25 la Drina.

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1 R. Et bien, c'est là que se situaient la plupart de ces maisons de

2 campagne car la région s'y prêtait davantage.

3 Q. L'ex-Yougoslavie, les gens ne faisaient pas aux frontières de Zvornik.

4 R. Zvornik était une ville assez importante. Il y avait des maisons de

5 l'autre coté de la Drina et la plupart des personnes qui avaient des

6 maisons de campagne étaient des Musulmans.

7 Q. Et vous dites, étant donné qu'ils avaient l'impression ils avaient un

8 mauvais pressentiment, ils pensaient que quelque chose allait se passer

9 pendant le week-end, et donc ils sont allés se réfugier dans leur maison de

10 campagne pendant le week-end ?

11 R. Oui, c'est exact. Certains d'entre eux ont même emmené leurs mobiliers

12 de leurs appartements de façon à ce que ces meubles ne puissent pas être

13 détruits au moment où la guerre allait éclater.

14 Q. Savez-vous que les villages de Kozluk près de Zvornik ont été visités

15 par Grujic, Muhamed Jelkic, Pasovic juste avant la guerre ?

16 R. Oui, c'est lui qui dirigeait l'hôpital, mais je n'étais pas au courant

17 de sa visite ou de cette visite en particulier.

18 Q. Et savez-vous que ces trois hommes ensemble, avec Hodza Muhamed, ont

19 défendu -- et avec Ilugavica [phon], avec un prêtre serbe, sont allés à Kot

20 ici et ont demandé à ce que le conflit n'éclate pas et qu'il ne fallait

21 faire usage de la force. Vous dites qu'il ne fallait pas leur demander

22 d'enlever les barrages routiers, c'est ce que vous avez dit ?

23 R. Écoutez, je ne sais pas si -- l'évêque de Zvornik et de Tuzla -- très

24 honnêtement, je ne sais pas. Et juste avant que le conflit n'éclate et les

25 mouvements de population étaient déjà réduits, les Serbes dans des villages

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1 serbes, et des Musulmans, ils se trouvaient des villages musulmans. Et je

2 ne pense qu'à la veille de la guerre quiconque se serait parti.

3 Le commandant de la police, oui, mais il s'est dirigé en direction de Kula.

4 C'était un Serbe il a été tué. Par conséquent, je doute que les gens aient

5 pu se déplacer comme cela dans les différents villages pour les convaincre

6 de faire une chose ou l'autre. Cela était très facile pour eux d'être tués.

7 Q. Écoutez, j'ai noté ceci et je l'ai trouvé dans votre déclaration, mais

8 je n'ai pas le temps d'analyser toute cette déclaration. Mais je crois que

9 l'on peut établir ce fait assez aisément.

10 Vous dites, au paragraphe 16, que des personnes de la nouvelle brigade,

11 nouvellement formée, avait découvert qu'il y aurait une attaque sur

12 Zvornik. C'est ce que vous avez dit ?

13 R. Oui, c'était une semaine plus tôt.

14 Q. Et vous dites, au paragraphe 18, que les Serbes, le 5 ou 6 avril, ont

15 commencé à mettre en place des barrages routiers près de Vidakovoj Nijvi.

16 R. Oui.

17 Q. Mais, si des gens mettent en place des barrages routiers, ou des

18 barricades dans un champ, il s'agit d'un champ de Vidakovoj Nijvi ici. Est-

19 ce que ça signifie qu'ils se défendent ?

20 R. Il ne s'agit pas d'un vrai champ, il s'agit de Vidakovoj Nijvi, qui se

21 trouve légèrement à l'extérieur de la ville.

22 Q. Quoiqu'il en soit il s'agit plutôt d'un dispositif de défense plutôt

23 que d'attaque, n'est-ce pas ?

24 R. On peut l'utiliser de deux façons. Cela dépend de quel coté de la

25 barricade on se trouve.

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1 Q. Très bien. Au même paragraphe, vous dites que la veille des personnes

2 des deux groupes ethniques se sont organisées dans votre bâtiment de façon

3 à organiser une vielle de façon à pourvoir suivre tout ce qui allait se

4 passer pour les Serbes et les Musulmans.

5 R. On travaillait, on était tous ensemble dans la ville lorsque les

6 fusillades ont éclaté ensuite la fusillade a éclaté une minorité s'est

7 enfuie en direction de Kula Grad et la majorité de la population des

8 Musulmans et les Serbes sont allés à Mali Zvornik en Serbie.

9 Q. Très bien. Et vous souhaitiez traverser le pont à Mali Zvornik, mais

10 ceux-ci étaient tenus par les forces musulmanes. C'est ce que vous dites.

11 C'était sous le contrôle des Musulmans -- paragraphe 23 -- juste avant

12 l'attaque ?

13 R. C'était juste avant l'attaque. Juste avant l'attaque, c'était le

14 mercredi matin, les gens n'avaient pas le droit de quitter les bâtiments.

15 Ils ont utilisé des autocars et un camion pour mettre en place une

16 barricade -- un barrage routier pour empêcher les gens de partir parce

17 qu'ils craignaient que, si les Serbes quittaient la ville, ils seraient

18 l'objet des attaques, et ainsi pour empêcher que les choses se passent.

19 Q. Soyez bref, s'il vous plaît. Ils n'avaient pas le droit de traverser le

20 pont ?

21 R. Oui. Du côté serbe, c'étaient les Serbes et, du côté musulman,

22 c'étaient les Musulmans.

23 Q. Donc je suppose que, du côté de la République de Serbie, il n'y avait

24 que la police, n'est-ce pas ? Et vous avez reconnu un Albanais,

25 Ibrahimovic, et d'autres personnes qui étaient présentes, n'est-ce pas ?

Page 29114

1 R. Il y en avait trois.

2 Q. Les trois étaient armées ?

3 R. Oui.

4 Q. Nous étions -- c'était un conflit. Il ne s'agit pas d'une attaque des

5 Serbes sur la ville de Zvornik.

6 R. Rien ne s'était produit jusque-là. Il n'y avait que des gardes et des

7 patrouilles.

8 Q. Vous dites que la nuit du 8 avril, comme le conflit se préparait, 10

9 000 personnes environ ont quitté Zvornik, se sont rendues en Serbie via

10 Mali Zvornik. Est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Et parmi ces 10 000 personnes qui ont fui Zvornik, ils ont fui parce

13 que le conflit avait éclaté à Zvornik, et 10 000 personnes se sont enfuies

14 en Serbie. Il y avaient des Musulmans et des Serbes, est-ce exact ?

15 R. Oui. Et je dois dire que la plupart d'entre eux étaient des Musulmans

16 parce qu'il y avait plus de Musulmans parmi de la ville.

17 Q. Très bien. Donc il y avait davantage de Musulmans qui se sont rendus en

18 Serbie parce qu'ils souhaitaient se réfugier en Serbie, parce qu'ils

19 savaient qu'ils étaient en sécurité, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. C'est exact.

21 Q. Donc le conflit a éclaté à Zvornik et les Musulmans, comme vous l'avez

22 dit à l'instant, fuyaient en direction de la Serbie puisqu'ils cherchaient

23 une protection en Serbie. Il apparaissait tout à fait clairement à ce

24 moment-là, que ce n'était pas un conflit qui émanait de la Serbie. C'était

25 un conflit local entre les Musulmans et les Serbes à Zvornik. Et ils

Page 29115

1 allaient se rendre en Serbie justement pour être en sécurité, n'est-ce pas

2 ?

3 R. Oui. C'est exact; 99,9 % des personnes, qui se sont rendues en Serbie,

4 s'y rendaient pour être sauvées et le 1 % restant a été arrêté en Serbie,

5 et a dû rentrer. C'est à peu près tout.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci sera votre dernière question.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Très bien. Si c'est ma dernière question, donc ce 0,01 % de personnes,

9 qui ont été arrêtées quelque part en Serbie, c'étaient vos forces à Mali

10 Zvornik qui ont arrêté ces personnes, n'est-ce pas ? Ces personnes n'ont

11 pas été arrêtées par les forces de la police serbe, c'étaient vos propres

12 Serbes ?

13 R. J'ai été moi-même été arrêté par la police serbe.

14 Q. Vous-même ?

15 R. Oui. Et sans aucun autre préliminaire qui, d'habitude, est pratiqué

16 dans un monde civilisé, ils m'ont simplement ramené au camp de Alhos.

17 Q. Vous ont-ils arrêté à la demande des autorités de Zvornik ?

18 R. On ne m'a jamais montré un seul mandat d'arrêt. Ils m'ont simplement

19 arrêté dans la rue, comme si j'étais un criminel. Il y avait trois ou

20 quatre voitures, des voitures de police. Ils m'ont encerclé. Ils m'ont

21 arrêté et m'ont transféré en Bosnie, à Brane Grujic.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez eu beaucoup de temps, Monsieur

23 Milosevic.

24 Monsieur Tapuskovic, vous avez la parole.

25 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

Page 29116

1 M.TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que nous

2 pouvons en terminer avez ce sujet, s'il vous plaît ? Je souhaite simplement

3 de parler de cela ce matin.

4 Q. Monsieur le Témoin, sur ces 10 000 personnes qui ont décidé de se

5 rendre en Serbie, parmi ces personnes, y avait-il des personnes de

6 Zvornik ? Et Zvornik est en Bosnie, et Mali Zvornik est en Serbie, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Et ces 10 000 personnes se sont rendues en Serbie, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Y avait-il des personnes qui se sont dirigées vers Bosnie-Herzégovine

12 centrale au cours de ces journées-là ou, pour la plupart, cette vague de

13 personnes, s'est-elle rendue en Serbie ?

14 R. Je pense que 2 000 à 3 000 personnes se dirigeaient vers la Bosnie,

15 vers Kula Grad. Et c'est là également que, dans ces municipalités, à la

16 frontière, les gens pouvaient se rendre en Bosnie-Herzégovine centrale.

17 Mais la plupart des habitants de Zvornik -- la ville de Zvornik avait une

18 population qui était à 80 % musulmane. Ces personnes-là sont allées à Mali

19 Zvornik en Serbie.

20 Q. Très bien. Merci beaucoup. Néanmoins, lorsque vous êtes à Banja

21 Koviljaca, vous dites, au paragraphe 47, qu'il s'agit ici d'un territoire

22 qui est véritablement en Serbie, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Et là, vous dites que vous avez vu environ 1 000 Musulmans. Est-ce

25 qu'on a pris soin d'eux à Banja Koviljaca ?

Page 29117

1 R. Il y avait plus de 1 000 Musulmans. Ils s'y sont rendus

2 individuellement dans les différentes maisons de leurs amis, Et des

3 personnes se voyaient beaucoup même avant la guerre. Tous les hôtels

4 étaient complets Et ils ont réservé des chambres dans les hôtels de façon

5 tout à fait légale, les chambres qu'ils payaient. La ville entière était au

6 complet, la ville de Loznica. Ce n'était pas 1 000, mais plusieurs milliers

7 de Musulmans qui se trouvaient là.

8 Q. Des Musulmans, se sont-ils rendus de leur plein gré dans d'autres pays

9 d'Europe, aidés par une organisation de la communauté internationale, par

10 exemple ? Comme, par exemple, pouviez-vous vous rendre dans un autre pays ?

11 R. Ceci n'était pas possible pour moi. Je me suis rendu dans un autre

12 pays, mais d'une façon différente. Mais c'est parce que j'étais en contact

13 avec un certain nombre de personnes, et que c'était possible pour moi.

14 J'étais à Belgrade lorsque deux familles ont obtenu des passeports. Elles

15 n'avaient pas de passeports. On leur a remis des passeports, de façon à ce

16 qu'elles puissent voyager de façon légale. Ces passeports avaient été

17 fournis par le SUP de Belgrade.

18 Q. Est-ce que vous pourriez répondre à deux questions, s'il vous plaît ?

19 Vous avez parlé des uniformes noirs, hier.

20 R. Oui.

21 Q. Avant tous ces événements où même après tous ces événements qui se sont

22 produits, n'avez-vous jamais vu un seul soldat de la JNA ou armée de

23 Yougoslavie, portant un uniforme noir ?

24 R. Non.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

Page 29118

1 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite poser

2 quelques questions, s'il vous plaît.

3 Nouvel interrogatoire par M. Agha :

4 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin numéro B-1524, vous avez dit

5 qu'avant l'attaque à Zvornik, le SDA et le SDS souhaitaient négocier tout

6 ceci de façon pacifique. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quel

7 corps a attaqué la ville de Zvornik ?

8 R. On a peut-être pu plaisanter à ce sujet, Mais c'est une réalité. C'est

9 conforme à ce que M. Milosevic a dit. Les uns étaient en train de parler de

10 la défense de Zvornik, les autres étaient en train de parler de l'attaque

11 de Zvornik. Mais, indépendamment de l'usage des termes ou de la

12 terminologie utilisée, je sais que le jour d'avant, il y avait des hommes à

13 Arkan, et Arkan lui-même, qui étaient arrivés à Karakaj. Et ce jour-là, le

14 jour d'avant, il en a été arrêté quatre ou cinq à Zvornik, dans un véhicule

15 Mercedes -- de marque Mercedes, bondé d'armes.

16 Et je crois qu'en sus des locaux de cette unité, il y a pris part à cette

17 attaque, des hommes de l'unité à Arkan, Et c'était là, ces hommes-là qui

18 portaient des uniformes noirs. Ce sont des gens qui ont pillé la ville, qui

19 ont commis toute une série de crimes, de meurtres, dans la ville même. Ce

20 n'était pas des Unités de la JNA. Ce n'était aucune formation légale.

21 C'étaient des formations paramilitaires.

22 Q. Merci. Monsieur le Témoin, pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous

23 plaît, d'où venaient Arkan et ses unités, de quelle république venaient-

24 ils ?

25 R. Arkan avait une maison à Belgrade. Il l'avait avant la guerre même.

Page 29119

1 C'était situé à Belgrade. La plupart de ceux, qui m'ont interrogé lorsque

2 j'ai été arrêté et qui sont arrivés à Alhos, parlaient avec l'accent de

3 Belgrade. Cela n'était pas un secret du tout. On sait pertinemment bien où

4 Arkan avait recruté ces gaillards, c'étaient des gens qui faisaient partie

5 de la population urbaine, des habitants de Belgrade notamment.

6 Q. Je vous remercie beaucoup. Une dernière question, s'il vous plaît. Vous

7 avez dit que, lorsque vous étiez à Mali Zvornik après l'attaque où la

8 défense, que ce soit le terme que vous utilisiez, il y avait eu

9 bombardement, des coups de feu venant de Mali Zvornik. Pourriez-vous dire à

10 la Chambre, s'il vous plaît, qui était à l'origine de ce bombardement de

11 Zvornik ?

12 R. Je n'ai rien vu du tout, mais on m'a rapporté qu'il y avait eu sur des

13 hauteurs au-dessus de Mali Zvornik une unité avec des mortiers qui se

14 composait uniquement de membres des unités territoriales de Zvornik, donc

15 des gens originaire de Bosnie qui se sont installés là pour avoir une vue

16 meilleure et pour réaliser des résultats meilleurs dans l'accomplissement

17 de leurs tâches. Ils s'étaient installés à peut-être un kilomètre à vol

18 d'oiseau de la Drina mais du côté de la Serbie.

19 Q. Donc, Monsieur le Témoin, je souhaite poser une autre question à partir

20 de celle-ci : Si la batterie était placée du côté serbe, pensez-vous que

21 ceci était une attaque ou une défense qui avait été organisée à l'avance ?

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin puisse

23 répondre à cette question -- tout ce qu'il peut dire c'est : avez-vous vu

24 des signes en vertu de quoi il s'agissait d'une attaque préparée ? Avez-

25 vous l'impression que des préparatifs avaient été faits pour organiser

Page 29120

1 cela ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où l'on a ouvert le feu, je suppose

3 que ces effectifs devaient être disposés là au moins un jour ou deux

4 auparavant pour procéder au repérage des cibles qui allaient être les

5 leurs. Et il fallait au moins deux jours pour que cette unité s'installe

6 sur cette espèce de clairière.

7 Il ne s'agit pas seulement d'une Unité de tireurs au mortier. On nous avait

8 tiré par-dessus la tête. Nous étions nous à Mali Zvornik. On nous avait

9 tiré par-dessus la tête aux fusils mitrailleurs également et on a tiré sur

10 les potagers ou sur les collines qui se trouvaient de l'autre côté de la

11 rivière du côté bosniaque.

12 M. AGHA : [interprétation]

13 Q. Merci beaucoup.

14 M. AGHA : [interprétation] J'en ai terminé avec mes questions

15 supplémentaires.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Témoin.

17 Ceci termine, Monsieur le Témoin B-1524, votre témoignage. Nous vous

18 remercions de vous être rendu ici pour faire votre déposition. Vous êtes

19 maintenant libre de partir, si vous voulez bien attendre, s'il vous plaît,

20 que nous baissions les stores.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

22 [Le témoin se retire]

23 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît, pour M. Nice.

24 M. NICE : [interprétation] Je souhaite simplement parler du témoin suivant,

25 s'il vous plaît. Quelques questions d'ordre administratif concernant les

Page 29121

1 éléments de preuve. Je pense que la Chambre a reçu la dernière version de

2 sa déclaration. Il y a eu modification et donc nous avons maintenant une

3 version finale signée qui remplace la dernière déclaration. Comme je

4 l'avais prévu il y avait un certain nombre de modifications qui ont été

5 apportées. J'espère que ceci n'a pas trop gêné la Chambre. Notre

6 interprétation de la règle est la suivante : quel passage doit être remis

7 au complet ? Ceci a été précisé dans le mémorandum et je pense que les

8 numéros des paragraphes sont exacts maintenant.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien évidemment, cela est toujours gênant

10 lorsqu'il y a des modifications de dernière minute. C'est une pratique qui

11 doit être évitée si possible, non seulement c'est gênant pour la Chambre de

12 première instance, mais toutes les autres personnes qui travaillent dans le

13 cadre de cette affaire.

14 M. NICE : [interprétation] Ecoutez, je vais préciser qu'il s'agissait d'un

15 document -- d'un projet de document et que ce n'était pas la version

16 finale. J'ai évoqué à plusieurs reprises qu'il n'y aurait nul doute des

17 modifications.

18 Et quoi qu'il en soit d'après mes calculs, les extraits qui ont été remis à

19 la Chambre et ceux qui seront retransmis en direct sont de 98 à 109 et les

20 paragraphes 119 à 120, est-ce exact ?

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, je remarque que la plupart de

22 ces changements en général favorisent le contre-interrogatoire. Je suis

23 tout à fait neutre en disant cela.

24 M. NICE : [interprétation] Absolument.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et, très souvent, ces points de

Page 29122

1 clarification ont facilité le travail de la Défense. Mais regardons un

2 petit peu vers l'avenir et -- bien sûr, nous devons nous tourner vers

3 l'avenir et considérer que ceci doit fonctionner de la façon la plus rapide

4 et la plus équitable que si possible.

5 M. NICE : [interprétation] Il s'agit en fait d'un témoin très particulier,

6 comme vous le savez, puisque nous en avons parlé à plusieurs reprises au

7 cours de ces derniers mois. Pouvons-nous passer à huis clos partiel, s'il

8 vous plaît ?

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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17 [Audience publique]

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai reçu cela hier soir, Monsieur May. J'ai

19 reçu cette version dont vient de parler M. Nice. Je ne l'ai obtenue qu'hier

20 soir et c'est la première des heures possibles où il a été possible parce

21 que mes collaborateurs et moi-même avons eu une rencontre qui avait été

22 prévue pour 18 heures et ce n'est que là que je l'ai reçu d'ailleurs. Et à

23 l'occasion de cette pratique, qui est celle de M. Nice et qui consiste à

24 nous communiquer les documents à la dernière minute, j'ai exigé de votre

25 part de faire en sorte de mettre un terme à ce genre de comportement.

Page 29124

1 Il fallait -- et je crois que vous avez adopté une décision disant qu'il

2 fallait, au lieu de me communiquer les documents à moi à l'avance, de faire

3 en sorte que ce soit communiqué dix jours avant. Or M. Nice ne le respecte

4 pas. Il me communique dix minutes avant l'audition certains documents, donc

5 je ne vais pas traiter de questions concrètes au sujet du témoin en

6 question. Je vais pour ma part interroger -- ou contre-interroger tous les

7 témoins, mais je tiens à vous demander d'avoir la décence la plus

8 élémentaire de faire en sorte de me communiquer les pièces, ne serait-ce,

9 que dans un délai d'au moins dix jours, comme vous l'avez d'ailleurs

10 décidé. Je le fais à titre d'énoncé de principes. Je ne vais pas mettre des

11 entraves ou placer des entraves à nos travaux.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je souhaite que ceci soit très clair. Ce

13 n'est pas de l'avis de la Chambre que ces déclarations doivent arriver

14 ainsi à la dernière minute. La position de la Chambre c'est que vous devez

15 avoir suffisamment de temps pour préparer tout ceci.

16 Nous-mêmes, nous avons reçu la dernière version hier soir à 17 heures.

17 C'est une question que nous avons soulevée avec l'Accusation et nous avons

18 précisé que ce délai est trop court. Quoiqu'il en soit, nous avons regardé

19 ces différentes modifications, ces différentes modifications sont en votre

20 faveur, par conséquent, nous n'estimons pas qu'il soit important de les

21 mettre de côté et qu'au contraire, cela vous servira.

22 Par conséquent, nous allons utiliser cette dernière version, mais nous

23 comprenons fort bien qu'il vous faut le temps nécessaire pour préparer

24 votre contre-interrogatoire.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Toutes les fois que vous aurez

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1 besoin d'obtenir des documents de l'Accusation, et toutes les fois que

2 l'Accusation vous remet ces documents en retard, vous devriez pouvoir user

3 du temps de l'Accusation.

4 Je crois que ceci me paraît inacceptable que des documents soient remis

5 aussi tardivement.

6 M. NICE : [interprétation] Je pense que c'est nécessaire que j'explique les

7 difficultés, que nous avons eues, qui je souhaite enfin porter à

8 l'attention de la Chambre. Si vous avez un témoin comme ceci qui vient

9 témoigner dans des circonstances qui sont très particulières.

10 La préparation de ces documents, surtout lorsqu'il s'agit de préparer ces

11 documents en deux langues, est une tâche extrêmement lourde puisqu'un bon

12 nombre de personnes doivent y travailler. Les documents, à partir desquels

13 cette déclaration a été rédigée, étaient bien évidemment disponibles, et

14 l'accusé a eu accès à ces documents pendant un très long temps. Il y a

15 différents ouvrages du témoin et, à partir de l'interview du témoin, ces

16 documents ont été rédigés.

17 La seule façon pour nous d'éviter avec ce type de témoin -- d'éviter ce

18 genre de situations, c'est de le citer un mois à l'avance. Nous ne pouvons

19 pas le citer à la barre un mois à l'avance avant qu'il vienne témoigner

20 devant cette Chambre. Cela n'est pas possible.

21 Et pour ce qui est des différentes déclarations, ma position est la

22 suivante. Je vous ai fourni un projet de déclarations, la première

23 déclaration qui avait été rédigée à partir du témoin, à partir des ouvrages

24 que le témoin avait rédigé, et j'ai signalé à votre attention qu'il ne

25 s'agissait d'un projet de déclarations et non pas de déclarations

Page 29126

1 définitives.

2 Et l'Accusation y a travaillé depuis mardi dernier jusqu'à dimanche soir,

3 et cette déclaration a été signée par le témoin lui-même, dimanche soir. Et

4 ceci a été mis à la disposition de la Chambre de première instance lundi

5 matin. Il fallait une version signée ce qui a été fournie par Mme Dicklich

6 lundi après-midi.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je comprends fort bien, mais vous devez

8 comprendre qu'il y a d'autres partis hormis l'Accusation dans cette affaire

9 dont il faut également protéger les intérêts, y compris ceux de la Chambre

10 de première instance. Et si les documents effectivement arrivent à la

11 dernière minute, il nous faudra simplement suspendre la séance. C'est la

12 seule façon pour nous de protéger les intérêts de l'accusé puisqu'il s'agit

13 d'être équitable envers les deux parties et ce temps sera enlevé au temps

14 de votre budget.

15 Mais quoi qu'il en soit, le sujet n'est pas à l'ordre du jour aujourd'hui,

16 mais nous espérons que cela ne se reproduira pas à l'avenir. Je souhaite

17 simplement conférer avec mes confrères.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, nous allons utiliser la version

20 finale qui nous a été fournie. Si vous souhaitez avoir davantage de temps,

21 et bien souhaite, mais il faudra le retirer votre temps à la fin de la

22 semaine. C'est ça le problème.

23 M. NICE : [interprétation] Et bien, écoutez, la Chambre ne sera pas

24 surprise de savoir que les six heures, qui a été allouées pour le contre-

25 interrogatoire, étant donné qu'il y a différentes parties dans la

Page 29127

1 déclaration qui se recoupe, est quelque chose que je garde à l'esprit. Je

2 vais faire de mon mieux dans les circonstances, mais je suis assez inquiet

3 et je sais que nous avons épuisé le sujet. Je suis très inquiet car la

4 Chambre comprend que je vais faire de mon mieux pour faire en sorte que les

5 documents soient présentés devant la Chambre, et que ceci puisse servir les

6 intérêts de la Chambre et que ce soit fait de la façon la plus opportune

7 possible. Il y a simplement des circonstances qui échappent à mon contrôle

8 et qui, malheureusement, me font encourir des coûts supplémentaires, ce que

9 je ne puis pas me permettre. Nous ne pouvons pas avoir des témoins ici

10 pendant des mois et demander à ce que les personnes du bureau du Procureur

11 continuent à préparer ces témoins pendant des semaines et des semaines.

12 Cela n'est tout simplement pas possible. Nous faisons de notre mieux.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je veux vérifier un autre

14 point.

15 M. NICE : [interprétation] Très bien.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout ceci a-t-il été traduit ? La

17 dernière version a-t-elle été traduite ?

18 M. NICE : [interprétation] J'ai présenté le système suivant. Je vais vous

19 expliquer un petit peu comment nous travaillons. Si vous avez un témoin qui

20 fait une déclaration, en général, il le fait dans une langue donnée qui est

21 ensuite traduite par le Service linguistique. Cela prend quelques semaines

22 simplement parce que nous ne pouvons faire traduire quelque chose du jour

23 au lendemain. Et s'il s'agit d'un document important, ceci ne doit pas être

24 des charges trop lourdes pour la Chambre ou pour le Greffe. Nous avons deux

25 interprètes et deux assistants linguistiques qui travaillent avec le

Page 29128

1 témoin, de façon à ce que le document puisse être rédigé ou modifié dans la

2 langue dans lequel l'entretien s'est tenu, ce qui est en général en anglais

3 et de façon assez rapide, ce document sera disponible en B/C/S, en vertu de

4 l'Article 89, ce qui me permet de fournir les documents dans les deux

5 langues. Mais ceci nous a demandé une augmentation de nos ressources, de

6 façon assez importante, nous avons dû négocier avec le Greffe.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons poursuivre cette affaire

8 après la suspension de la séance et nous allons reparler du témoin et de la

9 nouvelle version de sa déclaration.

10 Nous allons suspendre maintenant pendant vingt minutes.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer

14 la déclaration solennelle.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez vous

18 asseoir.

19 LE TÉMOIN: BORISAV JOVIC [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la parole.

22 Interrogatoire principal par M. Nice :

23 Q. [interprétation] Monsieur, veuillez décliner votre identité.

24 R. Je m'appelle Borislav Jovic.

25 Q. Monsieur Jovic, je vais synthétiser les entretiens que vous avez avec

Page 29129

1 le bureau du Procureur afin de cerner les documents que nous allons

2 utiliser. Tout d'abord une question de contexte. Vous êtes né en octobre

3 1928. Vous avez occupé diverses fonctions, des fonctions gouvernementales

4 au cours de votre carrière surtout au niveau du développement économique et

5 social. Vous avez été ambassadeur du début des années 1970 jusqu'à la fin

6 des années 1970. En 1989, vous étiez élu comme représentant de la Serbie à

7 la présidence de la RSFY, vous en avez été le vice-président du 15 mai 1989

8 au 15 mai 1990, vous avez été président du 15 mai 1990 au 15 mai 1991 ? A

9 la suite de cela, vous avez été président du parti socialiste de Serbie à

10 partir du 24 mai 1991 jusqu'au 24 octobre 1992 ? Vous avez pris la relève

11 de l'accusé qui à l'époque avait dû se démettre de ses fonctions. Lorsqu'il

12 est redevenu directeur du parti chef du parti, est-ce que vous êtes devenu

13 vous de nouveau vice-président de ce parti ? Est-ce que vous l'êtes resté

14 jusqu'au mois de novembre 1995 ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Ce contexte étant précis, est-il exact de dire que vous avez rédigé

17 deux ouvrages, l'un appelé "Les derniers jours de la RSFY, un journal," et

18 le deuxième s'appelant livre à propos de Milosevic ? Avez-vous été

19 interrogé à titre de suspect en septembre 2002, en avril et en septembre

20 2003, en tant que suspect disais-je par les enquêteurs du bureau du

21 Procureur. Est-ce que vous avez été sommé de vous rendre à La Haye et avez-

22 vous subi une séance de préparation depuis mardi ou mercredi dernier

23 jusqu'à la fin de ce week-end de la part des représentants du bureau du

24 Procureur ?

25 R. C'est exact.

Page 29130

1 Q. Suite à ces séances de préparation, qui se sont elles mêmes inspirées

2 des ouvrages et des interrogatoires, mais surtout des livres, avez-vous été

3 en mesure de signer hier après midi une déclaration faisant 40 pages en

4 anglais, quelques pages de plus en B/C/S et s'agissait-il là d'une

5 déclaration reflétant finalement fidèlement les événements ?

6 R. Oui.

7 Q. Disposez-vous d'une copie en B/C/S à titre de référence, en tant que

8 besoin.

9 R. Oui, je l'ai.

10 Q. S'agissant de votre journal, vous savez que le bureau du Procureur a

11 demandé votre assistance pour l'admettre le verser au dossier. On demandait

12 tout du moins le versement, s'agissant de ce journal intitulé en tant que

13 tel est-il rédigé à partir de notes prises à l'époque des événements ?

14 R. Oui, il s'agit de notes qui n'ont pas été rédigées. Elles ont été

15 imprimées telles qu'enregistrées ou couchées sur papier.

16 Q. Au paragraphe 5 de la déclaration préalable, il est dit ceci, il est

17 question de votre déclaration, est-ce qu'on parle des conversations que

18 vous avez eues de la centaine ou plus d'entretiens ou de conversations que

19 vous avez eues avec l'accusé entre mai 1989 et 1992. Aussi parlent-ils de

20 discussions avec cinq autres personnes, ce groupe étant décrit par vous

21 comme étant le groupe des six. Il y a dans ce groupe Kadijevic, Adzic,

22 Kostic, Bulatovic, vous-même et l'accusé ?

23 R. En autres réunions il y a été noté la teneur de ces réunions-là, et ce

24 groupe, je l'ai appelé le groupe des six pour faciliter mon travail, pour

25 ne pas avoir à chaque fois à noter tous les noms. Mais cela n'a jamais été

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1 appelé formellement le groupe des six.

2 Q. Nous revenons à vos fonctions, vous avez été démis de vos fonctions en

3 tant que président. Vous avez été remplacé par M. Mesic Stipe en 1990, ou

4 1991 plutôt. La présidence tronquée que nous connaissions bien, est-ce que

5 vous en étiez rester membre ?

6 R. Oui.

7 Q. Jusqu'à quel moment ?

8 R. Jusqu'à la création de la nouvelle Yougoslavie, à savoir à compter du

9 15 mai 1992, mais par la suite au delà nous avons continué d'exister

10 jusqu'à l'élection d'un chef d'état.

11 Q. Votre journal en tant qu'ouvrage a été publié en 1995, et l'accusé vous

12 a aussitôt limogé. Il a exigé de votre démission en tant que membre du

13 parlement, vous étiez alors membre du parlement et vous vous êtes tout de

14 suite conformé. Pourquoi ?

15 R. Pour ce qui est du changement survenu à la direction du parti, on ne

16 m'a jamais expliqué pourquoi cela est survenu. De façon indirecte, on m'a

17 indiqué que c'était en raison du livre.

18 Mais pour ce qui est des fonctions au niveau du parlement fédéral, pour ce

19 qui est donc de mon mandat de député, on m'a demandé de démissionner. J'ai

20 accepté de le faire parce que je savais que cela allait de toute façon être

21 fait, que je le veuille ou pas. Donc sans compliquer outre mesure la

22 situation, il était plus simple de le faire moi-même. La procédure était

23 assez simple en vertu de la réglementation --

24 Q. Fort bien. Mais si vous aviez refusé de vous confirmer à la demande

25 formulée par l'accusé, qui l'aurait appliquée ?

Page 29132

1 R. Le parti lui-même qui m'aurait exclu de la direction, c'est-à-dire, la

2 direction pouvait m'exclure des rangs du parti. Et automatiquement, je

3 n'aurais pas le droit d'être député sur la liste du parti socialiste. Et le

4 parti socialiste dirait à l'assemblée, au parlement, quelle est la personne

5 de la liste qui n'était pas encore député, mais qui allait le devenir à ma

6 place.

7 Q. Vous dites au paragraphe 6, de votre déclaration préalable, s'agissant

8 de votre démission en tant que parlementaire : "J'ai aussitôt accepté cette

9 démission, parce que je savais que si je refusais, il veillerait à ce que

10 je sois démis de ces fonctions." R. J'en étais convaincu pour ma part. Et

11 c'est certain que les choses se seraient passées ainsi.

12 Q. Vous écrivez un deuxième ouvrage, "Le livre à propos de Milosevic,"

13 cinq ans plus tard, il s'attache surtout à l'accusé en tant que

14 personnalité, que personne. Au paragraphe 7 de la déclaration préalable, je

15 vais parler du versement au dossier de tous ces documents, mais par la

16 suite je vais d'abord poser ma question. Vous dites que l'accusé était le

17 principal protagoniste, le principal acteur, et la figure clé de cette

18 tragédie yougoslave. C'est ainsi que vous l'avez qualifiée. Est-ce toujours

19 là votre opinion ?

20 R. Bien entendu. Pendant plus de dix ans Milosevic avait été

21 la personnalité politique la plus éminente en Serbie. Il avait bénéficié

22 d'une autorité des plus absolue au niveau de la population et du parti

23 également. Il avait la possibilité d'influer de façon décisive sur toutes

24 les décisions à prendre. Et de ce fait, il s'est avéré être l'acteur numéro

25 un de tout ce qui s'était passé dans cette période.

Page 29133

1 M. NICE : [interprétation] En application de l'Article 89(F), je vais

2 demander le versement de la déclaration préalable du témoin au dossier, et

3 peut-on y associer d'autres documents. La déclaration préalable sera donc

4 le premier intercalaire.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'agit de trois classeurs, n'est-ce

6 pas ? Nous allons les examiner. Moi, j'ai un classeur consacré aux pièces.

7 Puis au début de cette page-là, nous trouvons un sommaire.

8 M. NICE : [interprétation] Les classeurs 2 et 3 sont simplement les

9 ouvrages, les intercalaires 2 et 3.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vois. Intercalaire 2 et 3. Ce qui veut

11 dire qu'on peut donner une seule cote pour tous ces documents. Déclaration

12 préalable et pièces.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 596.

14 M. NICE : [interprétation] Merci. Donc je vous parlais de la pièce 596,

15 intercalaire 1.

16 Q. Monsieur Jovic, s'agissant de vos deux ouvrages, au paragraphe 8 de

17 votre résumé, vous dites que c'est là un document dont vous maintenez

18 l'exactitude, que c'est une source exacte pour le TPIY, et que ce sont vos

19 avis personnels, et que c'est là votre jugement personnel que vous portez

20 sur la situation. Et que vous êtes, bien sûr, prêt à répondre à ces

21 questions.

22 R. Oui. Pour ce qui est des faits qui sont présentés dans ces livres-là,

23 je dirais que ces faits ont été enregistrés de façon conforme à ce que j'ai

24 vu. Ce sont des faits historiques.

25 Maintenant, pour ce qui est de mes appréciations, en effet, on pourrait les

Page 29134

1 remettre en question parce que ce sont là des appréciations qui m'étaient

2 personnelles.

3 Q. Avant de passer au détail des éléments de preuve, afin de compléter la

4 situation s'agissant des contacts que vous avez eus avec le bureau du

5 Procureur la semaine dernière, avez-vous eu l'occasion de revoir,

6 d'examiner plusieurs pièces qui sont maintenant contenues dans les

7 classeurs dont disposent les Juges ?

8 R. J'ai examiné certains segments, oui.

9 Q. Et je pense qu'on vous avait montré l'une ou l'autre pièce ce matin,

10 puisque ces documents avaient portés à notre attention un peu sur le tard.

11 R. Oui, je l'ai vue.

12 Q. De façon générale, avez-vous été avisé de l'existence ou du fait que

13 questions supplémentaires pourraient vous être posées à propos de sujets

14 évoqués dans la déclaration, mais ces questions ayant été apportées à notre

15 attention trop tard, pour que nous en parlions dans la séance de

16 préparation.

17 R. Oui. Il y a eu de cela également.

18 Q. Vous comprenez que si l'essentiel de votre interrogatoire principal

19 viendra des documents, je dois vous poser quelques questions qui ne vont

20 pas nécessairement suivre la chronologie des événements mais de façon à

21 couvrir les détails requis par les Juges.

22 Page 27 de votre déclaration, si vous voulez, et pour autant que les Juges

23 m'en donnent l'autorisation, je vous demande d'examiner le paragraphe 97.

24 Avant d'examiner ces paragraphes qu'il nous faut examiner de façon plus

25 précise, mais pour dresser la chronologie des événements, et replacer ceci

Page 29135

1 dans son contexte, Messieurs les Juges, vous ne voudrez peut-être pas

2 examiner ce document, mais je peux y faire référence. Il s'agit de

3 l'intercalaire 19, 7 octobre 1991. Une décision a-t-elle été prise

4 consistant à promouvoir Mladic du grade de colonel à celui de général.

5 Etes-vous au courant de la décision prise par la présidence de la RSFY ?

6 R. On m'a montré ici le texte de ce procès verbal de la séance de la

7 présidence. J'ai dit dans la procédure administrative, et à présent je le

8 répète, que je ne me souviens pas de cela, quoique j'aie été présent à

9 cette réunion. Mais pourquoi. Parce que nous avons traité de toute une

10 série de questions d'importance. Et s'agissant de ces derniers points à

11 l'ordre du jour, d'habitude l'on préparait ce qui relevait des attributions

12 de la commission chargée du personnel ou des mérites à décerner. Et je ne

13 me souviens pas de l'événement, mais je crois bien que ce qui figure au

14 document, doit forcément être exact.

15 Q. Devant nous un document que nous n'allons pas nécessairement consulter,

16 si ce n'est que vous pourriez attester de son authenticité; hier avez-vous

17 écouté une conversation interceptée, intercalaire 17, qui apparemment

18 aurait été une conversation se déroulant entre vous et Karadzic le 15

19 octobre 1991 ? Avez-vous reconnu les voix, et reconnaissez-vous qu'il

20 s'agit là d'une conversation entre vous et M. Karadzic ?

21 R. Oui. Et j'ai confirmé cela.

22 Q. Deux jours plus tard, le 17 octobre, lors de la conférence se tenant

23 ici à La Haye, étiez-vous présent d'ailleurs à cette conférence ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous devez nous apporter quelques détails. Qu'est-ce que Kostic vous a

Page 29136

1 dit à propos de l'attitude du Monténégro vis-à-vis du plan de Lord

2 Carrington ?

3 R. Ce jour pratiquement, nous avions reçu, avec un grand retard, un

4 document, et nous étions coincés par le temps. Donc il s'agissait de

5 l'examiner dans un délai d'un jour ou deux avant La Haye. Et il a été

6 investi bonne quantité d'efforts pour étudier tout cela pour prendre

7 position à la fin. L'on sait qu'il y avait une différence entre les

8 propositions formulées par Lord Carrington et les positions qui avaient été

9 les nôtres.

10 En substance, les divergences résumaient à ceci : Le plan de Lord

11 Carrington prévoyait le démantèlement de la Yougoslavie, ce qui faisait de

12 chaque république une république indépendante partant d'un référendum. Nous

13 avions estimé qu'il était préférable ou qu'il était plus justifié de dire

14 que toute république avait la possibilité de le faire partant d'un

15 référendum des peuples, en présence non pas donc de tous les citoyens mais

16 des peuples en présence, parce que dans certaines républiques, il y avaient

17 plusieurs peuples en présence, et nous avions deuxièmement estimé que l'on

18 y mette le fait que ceux qui ne désiraient pas quitter la Yougoslavie

19 pouvaient rester en son sein.

20 Nous nous attendions à ce que le Monténégro accepte la position que nous

21 avions adoptée. Toutefois, Branko Kostic, au moment où nous nous étions

22 penchés sur le document, m'a indiqué que le Monténégro allait accepter la

23 proposition de Lord Carrington. Je ne lui ai pas fait confiance. Je ne le

24 croyais pas. Je croyais qu'il blaguait et je lui ai dit toutefois que ce

25 serait catastrophique pour toute la politique qui était la nôtre pour la

Page 29137

1 Serbie et le peuple serbe. Mais lui m'a indiqué qu'on lui avait fait savoir

2 que ceci serait précisément la chose qu'ils allaient faire. J'en ai référé

3 à Milosevic parce que je m'étais de toute façon dirigé chez lui pour que

4 nous nous penchions sur le document en question afin de voir ce qu'ils nous

5 fallaient faire.

6 Il a d'abord, il n'a d'abord pas voulu le croire. Il a essayé de joindre

7 Bulatovic au téléphone pour lui parler et il était plutôt inhabituel de ne

8 pas pouvoir joindre Bulatovic parce qu'il était soit disant occupé. Et par

9 la suite, il nous est arrivé une télécopie du Monténégro où on disait

10 précisément ce que Kostic m'avait d'ailleurs déjà indiqué. C'est ainsi que

11 les choses se sont passées. Et à ce moment-là, le Monténégro avait décidé

12 d'accepter le plan de Carrington.

13 Q. A la réunion suivante de la présidence de la RSFY, vous avez pris la

14 parole. Vous avez parlé du fait que le Monténégro avait adopté cette

15 position-là et qu'avez-vous dit précisément ?

16 R. Et bien, j'ai pris la parole et puis je suis retourné vers Kostic et je

17 lui ai dit : "Et bien aujourd'hui nous allons avoir la majorité sur ton

18 opinion parce que nous étions plus nombreux à être favorables à la position

19 de la Serbie." Mais il s'est avéré que Kostic avait la même position que

20 nous, quoique représentant du Monténégro à la présidence de Yougoslavie,

21 Kostic n'a pas accepté la position prise par le Monténégro, mais, plutôt, a

22 opté en faveur de celle de la présidence de Yougoslavie.

23 Q. Je voudrais que vous examiniez quelques pièces même si ce passage-ci de

24 votre déposition ne suit pas l'ordre des événements, mais je voudrais que

25 nous consultions ces pièces de façon chronologique.

Page 29138

1 Intercalaire 15. Je vais demander que ce document soit simplement posé sur

2 le rétroprojecteur et je vais en faire la synthèse, parler de ce que ceci a

3 eu pour effet, le témoin l'avait déjà vu ce document.

4 Vous rappelez-vous, Monsieur Jovic, avoir reçu le 25 octobre 1991, un

5 document -- c'est du moins la date de ce document qui vient de Frederico

6 Mayor de l'UNESCO, et qui parle de l'intérêt du patrimoine mondial de la

7 Yougoslavie et surtout de Dubrovnik, et qu'il faudrait envoyer une mission

8 dans votre pays puisqu'il s'y passait afin que soient recommandées des

9 mesures permettant de protéger en d'autres lieux la ville de Dubrovnik ?

10 R. Je n'ai pas gardé le souvenir de ce document, mais je me suis assuré de

11 la véracité ou de l'authenticité de ce texte, et je crois leur avoir fait

12 savoir qu'ils pouvaient venir et que nous allions faire de notre mieux pour

13 les aider. Donc je crois que le document est tout à fait authentique et il

14 est vrai de dire que nous avions approuvé ce document.

15 Q. Revient à l'intercalaire 5 du classeur des pièces, nous avons deux

16 versions pour ce document. Y avait-il ce qu'on a appelé une réunion du

17 commandement Suprême le 26 octobre 1991 ?

18 R. Oui.

19 Q. Je voudrais que la version en anglais soit passée sur le

20 rétroprojecteur. Le document a déjà été examiné par le témoin. Commencez

21 par la première page qui nous donne le nom des participants.

22 Nous le constatons vous êtes présent ainsi que M. Kostic, M. Bajramovic,

23 l'autre Kostic pas Branko, et Kadijevic ainsi que d'autres représentants du

24 commandement Suprême.

25 Prenons maintenant la deuxième page, bas de la page. On voit la conclusion

Page 29139

1 tirée par M. Kostic à savoir qu'il faudrait mobiliser

2 220 000 conscrits de plus.

3 Page suivante, s'il vous plaît. On y voit votre rapport tel que consigné

4 dans ce procès verbal. Excusez-moi, je me suis trompé. La page précédente.

5 Oui, c'est bien ça. Voilà ce que vous dites : "Nous avons l'expérience de

6 mobilisation antérieure et nous connaissons le problème qui est de ne pas

7 comprendre la situation. Le tout est de savoir s'il est possible

8 d'autoriser que nos activités soient tributaires du succès de la

9 mobilisation. Je crains fort que si on en veut trop, et bien ceci aura un

10 effet boomerang avec des conséquences tout à fait catastrophiques. Ne

11 pensez pas que tout ceci peut être réglé par un homme, un homme politique.

12 Il faut que l'armée non seulement respecte les chiffres mais aussi ce

13 qu'elle doit faire. J'ai peur d'une résistance massive car la situation

14 n'est pas la même partout. La situation est peut-être la meilleure en

15 Bosnie-Herzégovine. Malheureusement, il est difficile de faire revenir les

16 réfugiés et il faut aussi se demander comment les choses vont évoluer au

17 Monténégro.

18 "Les gens ne savent pas que si une nouvelle armée, un nouvel état avec une

19 nouvelle armée est créé : Prendre une décision sera une question tout à

20 fait immense. Beaucoup de choses se sont passées à partir de la Slovénie

21 jusqu'en Croatie, des problèmes sont apparus, de grands objectifs ou des

22 aspirations qui ne peuvent être réalisés. Il y a une grande disparité entre

23 les plans de mobilisation et ce qui peut se faire dans les faits. Car la

24 mobilisation est deux fois et demie plus importante que ce qui devait être

25 fait."

Page 29140

1 Et puis après nous voyions pour le secrétariat national à la Défense, "Je

2 veux veiller à ce que personne parmi nous ne veuille imposer une solution

3 politique, mais plutôt soutienne et assure une solution militaire."

4 Suivi par Adzic qui dit : "Quelle était l'évaluation du sentiment parmi la

5 population était erronée, c'est une question qui concerne l'orientation des

6 dirigeants serbes pour tous les Serbes qui voulaient vivre dans une seul

7 état."

8 Bas de page, Kostic dit ceci : "Je crois que les Monténégrins ne sont pas

9 favorables à la décision prise actuellement par l'assemblée du Monténégro.

10 Si le peuple, les Serbes de Krajina sont en faveur d'un combat pour la

11 Yougoslavie, il était très important de savoir pourquoi nous nous battons."

12 Et puis enfin, à la page suivante, nous avons ceci bas de la page suivante,

13 M. Jovic, vous intéressé, et il est dit que vous êtes d'accord avec Veljko

14 Kadijevic. "En ce qui concerne la situation politique, il nous faut savoir

15 la chose suivante à propos de la situation prévalant au Monténégro :

16 Allons-nous défendre même ceux qui ne veulent pas nous accompagner, nous

17 suivre ? Parce que la Serbie resterait seule. Je crois que les dirigeants

18 monténégrins ne comprennent pas la situation parce que voici les concepts :

19 Soit que nous avons six états qui signent un accord de coopération, ou deux

20 ou trois états en un."

21 Votre problème, dites vous, actuellement c'est de savoir comment il faut

22 estimer les perspectives réelles de constituer une force plus grande, et de

23 savoir ce dont nous avons besoins pour créer cette force dans le cadre de

24 nos possibilités. Donc c'est très important de veiller à l'unité au niveau

25 politique et de la rendre opérationnelle. C'est la raison pour laquelle

Page 29141

1 nous devons tirer ceci au clair et confirmer quel est ce niveau --"

2 Ce sont donc les deux notes relevant de cette réunion. Quel est votre

3 commentaire ? Acceptez-vous que ceci reflète bien la situation ?

4 R. Il s'agit ici de notes, mais ce ne sont pas notes sténographiées. Ce

5 n'est pas un procès verbal contre-signé par qui que ce soit. Ce n'était pas

6 pris par quelqu'un qui était dans la salle à prendre des notes. Je puis

7 vous expliquer en quoi consistait la substance de l'entretien. Je ne pense

8 pas qu'il y ait quoi que ce soit d'approprier à tirer de là, mais il y a

9 des éléments que nous pourrions prélever. Je crois que la personne en

10 question n'a pas très bien compris de quoi il s'agissait. Mais je suis, par

11 contre, moi-même, disposé à vous expliquer de quoi il en retournait au

12 juste.

13 Voyez-vous, à ce moment-là, il était survenu un problème entre la Serbie et

14 le Monténégro pour ce qui est du plan Carrington. En outre, il est survenu

15 des divergences entre les directions de la Serbie et du Monténégro pour ce

16 qui est de l'attitude à adopter à l'égard de la question serbe, notamment,

17 de la question des Serbes à l'extérieur de la Serbie et du Monténégro. De

18 ce fait, il est survenu un problème de manque de clarté pour ce qui est de

19 la façon dont le Monténégro allait se comporter à l'égard de l'armée

20 yougoslave. Et on se demandait si l'armée yougoslave pouvait continuer à

21 exister avant que l'on ne résoudre cette question-là. L'autre aspect où on

22 demandait de mobiliser à titre complémentaire de 120 [sic] ou de 150 000

23 [sic] hommes, je ne sais plus au juste parce que tous les fronts que

24 l'armée tenait ne pouvaient pas être sécurisés avec les effectifs

25 existants, et on disait que l'on ne pouvait pas sortir les personnes

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1 bloquées dans les casernes assiégées en Croatie qui se trouvaient être très

2 nombreuses, mais avec peu d'effectifs, et c'était un problème tant

3 militaire que politique.

4 Pour ce qui est de la première question -- ou du premier problème, à

5 savoir, l'attitude politique ou les relations politiques entre la Serbie et

6 le Monténégro, la réunion ne pouvait pas le résoudre. On n'a fait que

7 soulever la question parce que c'est de cela que dépendait la destinée de

8 l'armée et je m'attendais à ce que la question soit tranchée entre la

9 Serbie et le Monténégro. Et je crois que, dans mon journal, la chose a été

10 reflétée. Maintenant, pour ce qui est de ces demandes de mobilisation, je

11 crois qu'on a indiqué la chose ici, peut-être n'a-t-on pas été suffisamment

12 précis. J'ai précisé moi-même que nous ne pouvions pas nous attendre, comme

13 l'armée le pensait, qu'un homme politique Milosevic ou moi-même ou tous les

14 deux nous prenions parole en public en demandant aux gens de répondre aux

15 appels sur les drapeaux et que l'on réussirait à mobiliser tant de milliers

16 d'hommes. Cela n'était pas réaliste. On ne pouvait pas nous demander cela

17 et on ne pouvait pas s'attendre à cela de notre part parce que cette

18 demande de mobilisation de plus de 100 000 [sic] hommes était mégalomane,

19 et nous arrivions à avoir un effet boomerang qui nous retomberait dessus

20 parce que les citoyens allaient refuser cet appel sous les drapeaux. Il

21 fallait donc être réaliste et considérer les choses à la lumière des

22 réalités. La conclusion, c'est que nous ne pouvions rien conclure du tout,

23 mais qu'il fallait évaluer, soupeser les deux questions au niveau d'intérêt

24 public, d'abord, savoir si cela allait continuer d'être la Serbie et la

25 Monténégro suivant un concept de vie commune dans un même état et avec une

Page 29143

1 même armée et deuxièmement, savoir quelles étaient les attitudes

2 respectives d'intérêt public pour ce qui est de cette mobilisation

3 proposée. C'est là la substance de l'entretien en question or les procès

4 verbaux n'ont servi que d'aide mémoire. Ils n'ont pas été des plus précis,

5 et je ne pourrais pas considérer que cela constitue effectivement un

6 document. Cela aurait pu constituer un document si cela avait indiqué

7 l'endroit de la réunion, les personnes présentes et toute la teneur de ces

8 conversations.

9 Nous manquons de temps. Je vous remercie de nous avoir fourni une

10 explication détaillée concernant cet événement.

11 Le 30 octobre, un texte a été rédigé par le Monténégro, texte qui devait

12 être envoyé à La Haye. Qu'est-il advenu de ce texte et par qui a-t-il été

13 envoyé ?

14 R. Entre-temps, nous avons tenu des entretiens, des pourparlers avec la

15 direction monténégrine. Ils ont promis de réfléchir. Ils sont rentrés chez

16 eux et, en substance, ils ont accepté de changer de position. Il y a eu un

17 petit litige de survenu pour ce qui était de savoir si cette position

18 devait être proposée par la Serbie et eux devaient l'accepter ou alors eux

19 allaient-ils le proposer et nous l'accepter. C'est M. Milosevic qui a

20 rédigé ce texte et, en somme, cela se résume à une phrase. Il avait insisté

21 pour que eux le proposent. Ils ont au final accepté de le faire. Ils ont

22 proposé le texte en question et la Serbie, elle, l'a accepté.

23 Q. Au paragraphe 103, Milosevic et Kadijevic s'entendaient-ils à ce

24 moment-là sur ce point ? Il y a eu une réunion organisée le 6 au cours

25 duquel M. Kadijevic et Hadzic ont adopté une position contraire à celle de

Page 29144

1 la vôtre et de M. Milosevic. Paragraphe 103.

2 R. Juste un moment, je vous prie. Pour ce qui est de Hadzic et Kadijevic,

3 nous n'en n'avons pas parlé avec eux. Pour autant que je m'en souvienne,

4 ces entretiens-là se sont passés avec le Monténégro pour ce qui est des

5 questions afférentes au plan éventuel. Ensuite, nous les avons conviés --

6 une fois ces entretiens terminés, nous avons convié Kadijevic et Hadzic à

7 se joindre à nous pour parler des questions afférentes à l'armée -- de

8 l'armée conjointe, des questions de mobilisation et autres. Bien entendu,

9 ils étaient au courant de ce qui se passait, mais ils n'ont pas été

10 consulté pour ce qui est de ce qui y figure dans mon journal si c'est de

11 cela que nous parlons.

12 Q. Vous insistez dans votre journal sur le fait que Milosevic dit quelque

13 chose de l'ordre d'une aide substantielle qui leur a été fournie. Vous en

14 souvenez-vous lors de cette réunion ?

15 R. De quelle partie du journal êtes-vous en train de parler ? Vous parlez

16 de ceci. Ecoutez, ce n'est qu'un épisode. Ce ne s'est pas passé ce jour-là,

17 pas plus qu'à cette période-là. Donnez-moi quelques instants, je vous prie.

18 Oui, il s'agit de cet épisode où l'on nous a fait remarquer que nous

19 abandonnions la question des soins à apporter au peuple serbe à l'extérieur

20 de la Serbie et Milosevic a rétorqué cela n'était pas exact, que nous les

21 avions toujours aidés et que nous allions toujours les aider.

22 Q. Nous en venons maintenant à la période du mois de novembre, décembre

23 1991. Il y a certains événements que je souhaite vous présenter par ordre

24 chronologique. A l'intercalaire 18, il s'agit non pas d'un examen détaillé,

25 mais, parce que je n'ai pas suffisamment de temps, n'avez-vous pas quelque

Page 29145

1 chose que j'aimerais examiner ici -- examiner une conversation téléphonique

2 interceptée entre vous et M. Karadzic qui aurait eu lieu le 18 novembre ?

3 Intercalaire

4 numéro 1.

5 R. Hier, j'ai réécouté tout cela.

6 Q. Et êtes-vous d'accord pour dire que ces voix étaient bien la vôtre et

7 celle de Karadzic --

8 R. Oui.

9 Q. -- et que cette conversation a effectivement eu lieu ?

10 R. En effet.

11 Q. Merci

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, cela dépend du temps que

13 j'aurais, j'y reviendrai peut-être par la suite.

14 Q. Et le 23 novembre, un document que vous avez eu l'occasion de lire, ce

15 document porte sur l'accord de Genève. Il s'agit du document 396,

16 intercalaire no 6. Si vous pouviez placer ceci sur le rétroprojecteur.

17 Comme vous pouvez le comprendre ma question parmi tant d'autres, il s'agit

18 de la question du contrôle de la Yougoslavie troquée par l'armée. Comme

19 vous pourrez le dire, il s'agit ici des accords de Genève présentés par le

20 témoignage de M. l'ambassadeur Okun, et ceci est daté du 23 novembre 1991.

21 C'est un document qui -- que vous connaissez, il me semble, et si nous

22 regardons le document sur le rétroprojecteur, nous pouvons constater que

23 l'accusé, avec M. Kadijevic et M. Vance, dont il a été le témoin, est tombé

24 d'accord sur le fait que la Croatie allait lever ses barricades et,

25 deuxièmement, que la JNA assurait le retrait des armes et des équipements

Page 29146

1 militaires dans les casernes de ces pays, et compléter ce processus

2 conformément au calendrier fixé. Troisième point, toutes les unités, sous

3 leur commandement et contrôle -- ou sous influence politique, devront

4 observer un cessez-le-feu inconditionnel à partir du 24 novembre. Et

5 quatrième point, faciliterons la mise à disposition d'aide humanitaire.

6 Le document a été signé. Il y a des cases à droite de ce document qui

7 contiennent les extraits suivants que je souhaite soumettre à vos

8 commentaires : "M. Slobodan Milosevic a demandé à la RSFY la Yougoslavie

9 tronquée et à la JNA de se retirer de la Croatie et au général Kadijevic de

10 faire respecter ce retrait de la JNA de la Croatie."

11 Et nous avons dans la case suivante, au deuxième point : "Le président

12 Milosevic a demandé à ce que les forces paramilitaires et régulières, sous

13 une forme officielle ou non officielle, respectent le cessez-le-feu."

14 "Kadijevic a demandé à la JNA de faire de même concernant les troupes

15 paramilitaires qui se battaient au coté de la JNA."

16 Votre commentaire, s'il vous plaît, sur le rôle de la présidence sur la

17 Yougoslavie tronquée sur ce retrait de la JNA, s'il vous plaît.

18 R. Je ne sais ce qui figure dans ces espèces de rectangle. Est-ce que cela

19 est partie intégrante du document ou est-ce qu'il s'agit d'interprétation

20 de la part de quelqu'un ?

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection à formuler parce que M. Nice

23 induit délibérément le témoin dans l'erreur ou dans la confusion parce que

24 le texte de ce qui a été rédigé à Genève existe de façon claire et nette.

25 Ce qu'il a mis, dans ces espèces de carré et rectangle, ce sont les

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1 explications eux ici et qui ne coïncident pas du tout avec ce texte-là.

2 Or le fait est --

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais vous arrêter. Nous allons

4 entendre ce que ce qu'est le sens de ces cases, d'où viennent ces éléments.

5 M. NICE : [interprétation] Il s'agit d'une pièce à conviction, à mon sens,

6 si je me trompe. Je suis prêt à l'admettre, mais je souhaite tout d'abord

7 me tourner vers la pièce à conviction le document original. Il s'agit des

8 commentaires d'Okun et ça cette base-là.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'étaient les commentaires de

10 l'ambassadeur Okun, n'est-ce pas, Monsieur Nice ?

11 M. NICE : [interprétation] Effectivement, et la Chambre s'en souvient

12 certainement qu'il y avait un nombre de commentaires qui ont été fournis

13 sur la base de ce document.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc il n'y aurait que les commentaires

15 que vous avez entendus jusqu'à maintenant et nous allons vous demander :

16 quelle est votre interprétation des faits ?

17 M. NICE : [interprétation] Oui.

18 Q. Et d'après les éléments que nous avons entendus, Monsieur Jovic, vous

19 comprenez que l'ambassadeur Okun, que vous connaissiez que l'accusé a

20 demandé à la présidence tronquée de la RSFY d'ordonner à la JNA de retirer

21 ces troupes, qu'en dites-vous ?

22 R. Moi je dis ce que je dis -- Okun peut raconter ce qu'il veut --

23 Milosevic ne pouvait pas engager la présidence tronquée à faire quoique ce

24 soit. La présidence tronquée avait envoyé dépêcher le général Kadijevic

25 pour qu'il puisse signer un tel accord au nom de la présidence de la

Page 29148

1 fédération parce que cela était partie intégrante de notre politique que de

2 faire sortir l'armée des casernes de Croatie. Nous n'avions pas besoin de

3 Milosevic pour le faire, et ce que Kadijevic a signé au nom de la

4 fédération avait été la position adoptée par la présidence.

5 Q. Et qu'en est-il de la référence qui est faite par M. l'Ambassadeur Okun

6 sur la manière dont il comprenait la présidence des forces paramilitaires

7 sous le contrôle -- ou la direction, soit de l'accusé, soit de Kadijevic ?

8 R. Les unités paramilitaires originaires de Serbie. Et si on entend par là

9 les unités de volontaires venues de Serbie suivant, une décision de la

10 présidence de la RSFY, elles devaient tout le temps être placées sous le

11 contrôle de l'armée populaire yougoslave. Il y a eu des cas où certains

12 avaient essayé d'échapper à la discipline militaire, mais ces unités

13 étaient censées avoir été placées sous le contrôle de l'armée populaire

14 yougoslave.

15 Ce qui figure ici peut seulement signifier un avertissement au terme duquel

16 l'on ne saurait admettre que ces unités-là puissent échapper à tout

17 contrôle.

18 Q. Un autre document qui porte sur la même période environ, si nous

19 pouvons le regarder rapidement l'intercalaire numéro 16, la pièce 596, il

20 s'agit ici d'une autre lettre de l'UNESCO qui vous a été envoyée en vous

21 remerciant. Veuillez la placer sous le rétroprojecteur, s'il vous plaît,

22 pour l'occasion qui a permis de vous rencontrer afin de recueillir votre

23 explication des événements qui se sont produits dans votre pays. Et cette

24 lettre explique que l'auteur, Daniel Janicot, s'est tourné vers le

25 directeur général et a affirmé qu'il avait l'intention d'envoyer un

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1 observateur permanent de l'UNESCO à Dubrovnik.

2 L'intercalaire 16, je souhaite maintenant recueillir vos commentaires là-

3 dessus, si c'est possible, à propos de Dubrovnik. Et je vais vous montrer

4 également deux vidéo clips. Ce sont des éléments que nous avons vus, je

5 souhaite préciser à la Chambre.

6 Acceptez-vous Monsieur Jovic que Dubrovnik a été bombardé par la JNA en

7 1991 ?

8 R. Non, je ne le considère pas. Ce que je pense c'est qu'il y a eu des

9 avertissements de lancer, avertissement à l'intention de l'opinion mondiale

10 et de l'opinion publique. Pour ce qui est des pilonnages de Dubrovnik, nous

11 avions, bien entendu, été catégoriquement contre cela. Nous avions contacté

12 la direction militaire et nous avions exigé que toutes les circonstances

13 soient réexaminées. Nous avons reçu communication d'information détaillée,

14 disant que l'armée avait des instructions très strictes pour ce qui est de

15 la veille ville Dubrovnik. Elle ne pouvait ni entrer, ni pilonner là-bas.

16 Donc personne n'est entrée dans la veille ville et n'a pilonné exception

17 faite de deux obus qui sont tombés sur la veille ville de Dubrovnik et des

18 mesures ont été prises à l'encontre des personnes qui en avaient été

19 coupable, mais il n'a pas été pilonné par l'armée populaire yougoslave, il

20 n'y a pas eu d'ordre à cet effet.

21 L'état major -- le Grand état major n'a été informé en rien de cela et

22 c'est l'information que nous avions considéré comme étant exacte.

23 Q. Je souhaite que vous puissiez faire des commentaires sur des extraits

24 de ces pièces devant cette Chambre. La première concerne une pièce 395, le

25 rapport TIN, à la mi-novembre -- fourni par Paul Davies, mi-novembre 1991.

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1 [Diffusion de cassette vidéo]

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Est-ce que nous pouvons montrer un court extrait, s'il vous plaît,

4 d'une autre pièce 372, qui porte sur la date du 8 décembre et, Monsieur

5 Jovic, il s'agit ici d'une équipe de caméramans qui filmaient des dégâts et

6 ce pour le général Kadijevic. Cela constitue les éléments de preuve ici.

7 [Diffusion de cassette vidéo]

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. Les personnes qui tournaient ce film -- et vous avez pu voir sur cette

10 vidéo -- étaient -- d'après les éléments de preuve, ils filmaient pour le

11 compte du général Kadijevic. Vous étiez vous-même un membre de ce qui était

12 le commandement -- le commandant suprême de l'armée à l'époque. Pourriez-

13 vous nous aider, s'il vous plaît, et nous dire si vous avez tenu informer

14 de ces événements ? Est-ce que vous acceptez que ces événements se soient

15 produits ?

16 R. Nous avons été d'accord pour dire que deux obus étaient tombés sur

17 Dubrovnik de façon fortuite. Et on voit Stradun, la rue principale

18 endommagée, exception faite d'un immeuble à Stradun devant lequel il est

19 probablement tombé un obus. Et on voit des débris qui ont été la

20 conséquence d'un obus, mais, alors de là, à savoir s'il y en a eu plusieurs

21 de ces obus, plus que Kadijevic nous l'a indiqué, je ne peux pas le dire.

22 Et je ne peux pas affirmer partant de cet enregistrement vidéo qu'il y a eu

23 plus que ces deux obus dont l'état major nous avait informé.

24 Mais on voit ici des épisodes, mais je ne peux pas être absolument certain

25 d'une chose partant d'un enregistrement vidéo qui dure quelque deux

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1 minutes. Ce qui fait que je ne suis pas en mesure de changer de position

2 par rapport à ce que l'état major nous avait dit.

3 Si le Tribunal a des preuves irréfutables pour dire qu'il en était

4 autrement, il n'a prendre une décision afférente, mais nous avions été,

5 nous, contre le pilonnage -- ou tout pilonnage de Dubrovnik.

6 Q. Donc je souhaite maintenant passer au paragraphe 104. Je vais peut-être

7 revenir à la question de Dubrovnik un peu plus tard.

8 Au début du mois de décembre 1991, vous êtes-vous entretenu avec l'accusé

9 sur la situation en Bosnie-Herzégovine et sur la difficulté ou non de la

10 situation dans ce pays ?

11 R. Bien entendu. Nous avons eu un grand nombre de conversations lors de

12 notre conversation, qui est citée ici, est une des plus importantes parce

13 que nous avons procédé à des évaluations et nous avons jugé que, très

14 probablement, l'Europe et la communauté internationale allaient

15 probablement reconnaître l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, et la

16 Bosnie-Herzégovine, en tant qu'état indépendant. Nous avons été soumis à

17 des critiques permanentes de la part de la communauté internationale,

18 indépendamment du fait que nous ayons estimé pour notre part que ces

19 critiques étaient exagérées, mais nous ne pouvions pas nous permettre une

20 éventualité, à savoir que l'on y retrouve l'armée population yougoslave qui

21 aurait été traitée comme une armée d'occupation. Nous ne le voulions

22 absolument pas.

23 Il s'agissait de prendre des mesures pour éviter telle chose. Nous avions

24 donc estimé que ces mesures allaient pallier une situation éventuelle de ce

25 genre et toutes les unités qui se trouvaient sur le territoire de la

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1 Bosnie-Herzégovine devaient être transférées vers la Serbie ou le

2 Monténégro. C'était une façon de nous assurer que nos citoyens à nous ne se

3 retrouvent pas dans une armée qui se trouverait sur le territoire là-bas.

4 Q. Très bien. Au paragraphe 105, avez-vous appelé Kadijevic et lui avez-

5 vous demandé de vous rejoindre lors de cet échange ?

6 R. Oui. Nous l'avons convié parce que, sans l'armée, cela n'était pas,

7 enfin, réalisable. Et M. Milosevic lui a présenté, pour sa part, la

8 nécessité de faire en sorte que l'armée soit disposée autrement. Kadijevic,

9 qui lui était traditionnellement en faveur de l'unité -- de l'unité de la

10 Yougoslavie et qui voulait que l'armée soit confondue avec la population,

11 toutes les populations, tout d'abord a dit que cela ne pouvait pas se faire

12 dans l'armée et que l'état major allait le refuser. Puis il a fini par

13 comprendre et il est parti. Et je crois que, le faire -- et je crois que le

14 journal montre bien qu'il l'a relativement vite réalisé à quelques

15 exceptions près, donc 10 à 15 % de ressortissants de la Serbie et du

16 Monténégro étaient restés encore quelque temps là-bas après qu'il ait réglé

17 la question.

18 Q. Paragraphe 107. Des paramilitaires et votre discussion avec l'accusé à

19 propos d'Arkan. Jusqu'à quel point la présidence ici -- la présidence

20 tronquée, avait-elle entendu parler d'activités paramilitaires ?

21 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : au moment de la reconnaissance de

22 l'indépendance tout à l'heure.

23 LE TÉMOIN : Nous n'avons pas considéré cela comme des unités

24 paramilitaires, mais comme des unités de volontaires. En effet, en vertu de

25 la réglementation en vigueur, il était possible que des volontaires

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1 rejoignent les rangs de l'armée, que des unités de volontaires se placent

2 sous le commandement de l'armée au front, à savoir, là où une guerre aurait

3 cours.

4 Et il y avait une décision de la présidence qui disait que les unités de

5 volontaires ne pouvaient pas intervenir de façon autonome, mais qu'elles

6 devaient se conformer aux instructions émanant de l'armée. L'armée, elle,

7 lorsqu'elle nous présentait ces rapports concernant les événements en cours

8 -- nous présentait des rapports en quelques phrases concernant les

9 problèmes survenus avec les unités paramilitaires. Ce n'était pas des

10 textes très étoffés, mais il y avait quelques phrases, disant que les

11 unités paramilitaires n'étaient pas subordonnées au commandement militaire

12 et qu'elles s'efforçaient-là d'éviter à se conformer à la discipline

13 militaire. Pour ce qui est des unités concrètes, il n'en a jamais été

14 question. Il a été question de parler en termes généraux du phénomène.

15 Maintenant pour ce qui est de mes conversations avec

16 M. Milosevic, j'ai eu une fois un entretien avec lui au sujet de choses

17 fréquemment survenues dans l'opinion publique, à savoir, Arkan, une

18 personnalité assez douteuse d'une part, en sa qualité de criminel, et

19 d'autre part, sa connivence avec certaines institutions de la république de

20 Serbie, parce que lui notamment avait commencé à créer des unités de

21 volontaires.

22 Or, j'ai posé la question à M. Milosevic, celle de savoir qui était le

23 dénommé Arkan. Est-ce que c'était vraiment quelqu'un de délégué ou est-ce

24 que c'était un collaborateur de la police de Serbie ou d'autres instances

25 de Serbie. M. Milosevic, de façon directe et sans hésiter un seul instant,

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1 m'a dit qu'il s'agissait-là de criminels, et que nous n'avions rien avoir

2 avec eux. Alors je lui ai dit qu'il fallait tirer une bonne fois pour toute

3 la chose au clair, afin que nous ne perdions pas la face à cause de ce type

4 de personnes.

5 Il s'est avéré par la suite qu'Arkan avait effectivement eu des unités mais

6 qu'il avait conservé des relations et des contacts, et c'était évident avec

7 l'armée sur le terrain, parce qu'il devait se conformer à la réglementation

8 dont j'ai déjà parlé tout à l'heure. Maintenant de là, à savoir s'il a eu

9 d'autres contacts en sus de ceux qui se situaient au niveau de la Serbie,

10 ça je n'en sais rien.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jovic, cela ne m'apparaît

12 pas très clairement. Le lien entre les paramilitaires et l'armée ne me

13 semble pas clair.

14 A un moment donné vous avez dit que l'armée dépendait de vous et que les

15 paramilitaires n'étaient pas subordonnés à l'armée. Qu'est-ce que vous

16 entendez par cela ? Est-ce que vous entendez que les paramilitaires ne

17 recevaient pas d'ordres de l'armée ou n'étaient pas contraints de respecter

18 la discipline militaire ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que j'ai parlé des unités

20 paramilitaires, je parlais toujours des unités de volontaires de Serbie qui

21 allaient au front de leur plein gré. Lorsque j'ai évoqué la question de

22 l'armée qui nous soumettait ces rapports et qui précisait que les unités

23 paramilitaires ne respectaient pas la discipline militaire, et que cela

24 leur posait des problèmes, j'ai dit cela dans le sens où ils devaient, ils

25 avaient le devoir de respecter la discipline militaire. Ils devaient

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1 répondre aux ordres de l'armée sur le terrain. Et ces unités paramilitaires

2 essayaient d'esquiver ce genre de discipline.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais qu'est-ce qui faisait qu'ils

4 étaient obligés d'être ainsi subordonnés ? Quelle est la base, qu'est-ce

5 qui est à l'origine de cette obligation qui est la leur ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Vu la décision prise par la présidence de la

7 RSFY afin d'empêcher que le chaos ne règne sur le terrain. Ces unités

8 militaires auraient pu opérer en dehors du concept de la défense pour le

9 secteur. Ces unités auraient pu entrer en collision ou plutôt être en

10 contradiction avec ce que souhaitait l'armée de Yougoslavie.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

12 Monsieur Nice, poursuivez.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Vous avez eu des conversations avez l'accusé. Est-ce que vous avez

15 entendu l'accusé dire que quelque chose allait être fait ? Est-ce que

16 finalement l'accusé a fait quoi que ce soit pour soumettre Arkan et pour

17 l'assujettir à son contrôle ?

18 R. Je ne pense pas être en mesure de répondre à cette question, car je ne

19 sais pas. Cependant, il est vrai de dire qu'Arkan a établi son unité de

20 volontaires tout comme d'autres l'ont fait, ont établi leurs propres unités

21 de volontaires.

22 Quant à savoir si ceci était au départ une action indépendante de sa part,

23 et s'il y eu cessation des relations avec Arkan pour autant qu'elles aient

24 existé, je ne sais même pas si elles ont existé. Elles ont été peut-être

25 interrompues et été reprises, mais là, ce serait me livrer à des

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1 hypothèses. Impossible de le dire.

2 Q. A la suite de la question posée par le Juge Robinson, et l'inquiétude

3 qu'il manifestait, vous avez utilisé l'expression, "Un état dans l'état."

4 Pourriez-vous nous donner une explication à ce propos ?

5 R. En ce qui concerne Arkan, au plein milieu de Belgrade, Arkan avait ses

6 gardes, et ses gardes montaient la garde autour de sa demeure. Ils étaient

7 en tenue armée. Ce n'était donc pas une unité de volontaires du terrain.

8 C'est quelque chose qui se passait au cœur même de Belgrade. Moi, je ne

9 pensais pas que c'était là quelque chose de normal. Et je pense que ceci a

10 irrité les citoyens de Belgrade.

11 Q. Paragraphe 108.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de vous laisser poursuivre, je

13 voudrais poser cette question à M. Jovic.

14 Vous avez ajouté que M. Milosevic avait dit qu'Arkan était un criminel, un

15 voyou, et qu'il était impensable que des organes officiels travaillent,

16 coopèrent avec quelqu'un de l'acabit d'Arkan. Pour vous, qu'est-ce que cela

17 voulait dire ? D'une part, vous nous dites que l'armée avait le sentiment

18 que les paramilitaires ne lui étaient pas subordonnés, et d'autre part,

19 vous avez l'avis de

20 M. Milosevic, selon lequel il était impensable que des organes officiels et

21 légitimes coopèrent avec quelqu'un comme Arkan.

22 Mais où était la réalité et qu'elle était-elle ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que les unités de volontaires

24 n'étaient pas subordonnées à l'armée. Ce que j'ai dit, c'est qu'il leur est

25 arrivé de ne pas vouloir respecter la discipline imposée par l'armée.

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1 Pour ce qui est d'Arkan, je vous ai dit comment les choses se passaient. Vu

2 les vives critiques émises par l'opinion publique à propos d'Arkan et les

3 soupçons qui pesaient sur lui, à savoir qu'il était quelque part le

4 prolongement de la police, et vu que la population pensait peut-être que

5 c'était un criminel, j'ai demandé à M. Milosevic si c'était vrai. S'il

6 était vrai que d'une part ou d'une autre, Arkan était lié à la police. Il

7 m'a dit que non, que ce n'était pas vrai, que c'était un criminel de droit

8 commun, simplement un voyou ordinaire. Et moi, j'ai dit que s'il y avait

9 des rapports, ces rapports devaient être interrompus afin que nous ne

10 soyons pas critiqués pour ce genre de choses. Voilà ce dont nous avons

11 parlé.

12 Je ne sais vraiment pas ce qui s'est passé par la suite.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

14 Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne trouvons pas dans les

16 paragraphes le 108 et le 109, à propos des éléments présentés au cours des

17 débats.

18 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Page 32, paragraphe 119.

19 Q. Là nous avançons dans le temps, mais nous ne suivons pas la séquence

20 des événements. Si j'ai le temps de le faire, j'y reviendrai. Nous sommes

21 maintenant au mois d'avril 1992. Je m'interroge, est-ce qu'il ne serait pas

22 plus intelligent de faire autrement. Je ferai la synthèse de certains des

23 éléments repris dans votre déclaration qui pourra ainsi être considéré

24 comme lu et abordé. Je commence par le paragraphe 116, signature du plan

25 Vance. A votre avis, c'était une bonne chose parce qu'il a été mis en œuvre

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1 au moment où tout le territoire peuplé par surtout des Serbes, population

2 majoritaire venait d'être libérée. Vous parlez donc de "libération". A quoi

3 appliquez-vous ce terme, à quelle modification au niveau démographique et

4 dans quel contexte ?

5 R. Ce n'est pas peut-être la meilleure façon de le dire, je le concède.

6 Voici à quoi je pensais, c'est que pour l'essentiel à ce moment donné dans

7 toutes les régions de Croatie où il y avait une population majoritaire

8 serbe, les unités paramilitaires croates n'avaient pas réussi à s'emparer

9 du contrôle. Voilà au fond ce que je voulais dire. Parce que si ça n'avait

10 pas été le cas précédemment, les autorités légales étaient entre les mains

11 des organes réguliers du peuple serbe et l'armée yougoslave, la JNA s'y

12 trouvait toujours.

13 Je n'ai peut-être pas bien choisi le terme lorsque j'ai parlé de

14 "libération." J'étais un peu pressé par le temps mais je vous explique ce

15 qu'il en est.

16 Q. Nous allons peut-être retrouver ce terme ailleurs dans votre journal,

17 alors qu'est-ce que ceci reflète s'agissant de la façon dont pensaient les

18 dirigeants.

19 Nous avons donc des zones à majorité Serbes -- en Croatie, où il y a

20 contrôle des Serbes. Quelle est l'attitude, quelle est la pensée des

21 minoritaires de la population à un moment où, d'après ce terme assez

22 malencontreux que vous utilisez, les Serbes sont libérés ? Pourriez-vous

23 nous aider sur ce point ?

24 R. Une première chose c'est que j'ai précisé que ces territoires étaient

25 toujours libres. Ils n'étaient pas libérés. C'était libre si vous avez un

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1 territoire donné dans lequel vous avez une population majoritaire serbe et

2 qui était maintenant sous le contrôle d'unités paramilitaires croates et si

3 l'armée yougoslave reprend le contrôle, c'est seulement à ce moment-là

4 qu'il est possible de dire que ce territoire a été de nouveau libéré. C'est

5 une explication en terme relatif. On ne peut pas se libérer soi-même à

6 moins bien sûr que quelqu'un ne vous ait d'abord occupé.

7 Donc restons-en là mais je concède que j'ai peut-être mal utilisé ce terme

8 et qu'il vous faut retenir l'essentiel de mon explication que je viens de

9 vous fournir.

10 Pour ce qui est de savoir ce qu'il en est d'autres, jamais au sein de la

11 présidence yougoslave, et jamais dans la politique de Serbie non plus, il

12 n'y a eu qui que ce soit qui aurait prôné une attitude selon laquelle il

13 faudrait aussi qu'il y ait sur ces territoires d'autres peuples, d'autres

14 populations, pas seulement les Serbes, notre politique a toujours été de

15 veiller à ce qu'en Serbie un environnement pluriethnique, il est clair que

16 les trois nationalités, trois peuples devaient vivre sur un pied d'égalité,

17 ceci n'a jamais été contesté. Et la seule chose c'est que là où il y avait

18 une population à majorité se trouvant toujours sous l'autorité des Serbes

19 qui exerçaient leur pouvoir dans le gouvernement local et bien là ils

20 étaient pas d'accord de suivre les décisions prises par l'assemblée croate,

21 la Sabor, parce que les Serbes selon cette constitution n'était plus un

22 peuple constitutif, ce qu'ils avaient été auparavant, donc la constitution

23 avait été modifiée contre leur gré, et les Serbes n'étaient pas d'accord

24 pour qu'il y ait sécession de la Croatie par rapport à la Yougoslavie

25 d'antan sans leur volonté, sans résoudre la question serbe. Sinon, il était

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1 clair que tous les autres peuples devraient restés et continués de vivre là

2 où ils vivaient jusqu'à présent.

3 Q. Paragraphe 116, vous avez rapidement accepté le déploiement des forces

4 onusiennes parce que ceci aurait permis de garantir le maintien des acquis

5 militaires; était-ce votre avis ?

6 R. Voici comment les choses se sont passées. Bien sûr on peut interprété

7 les choses en tenant à l'esprit un objectif particulier. Ce qui se passait

8 c'était une guerre civile qui était en cours, les territoires serbes

9 étaient protégés par la force des unités paramilitaires croates. Il aurait

10 été insensé de mener une guerre permanente d'avoir à se défendre sans arrêt

11 de ces forces paramilitaires croates. On aurait dû enrayer tout ceci et

12 chercher des solutions politiques. C'est ce qu'il aurait fallu faire à

13 l'époque au moment où les Croates en territoire croate et les Serbes en

14 territoire serbe. Il aurait fallu un règlement politique pour empêcher de

15 faire la guerre. Nous avons protégé le déploiement de forces onusiennes

16 tant qu'on n'aurait pas trouvé une solution à règlement politique.

17 C'est là le sens, non pas parce qu'on n'avait plus le contrôle de ces

18 territoires mais parce que c'était surtout des autorités serbes dans un

19 territoire où il y avait une majorité serbe, et à ce moment-là c'était

20 avantageux pour les Serbes qui auraient accepté ceci.

21 Q. Paragraphe 117, nous avons Eagleburger qui est secrétaire d'Etat,

22 faisant fonction, et qui dit que les Américains mettraient longtemps à

23 oublier Vukovar. Nous reviendrons plus tard à la question de Vukovar et ils

24 ne comprenaient pas pourquoi on avait bombarder Dubrovnik. Mais fin de

25 cette page, fin de ce paragraphe en version anglaise, vous parlez de cette

Page 29161

1 réunion à Karadjordjevo de Tudjman et de l'accusé. Vous n'étiez pas

2 présent, dites-vous, et vous n'avez pas voulu en discuter avec Eagleburger.

3 Et vous avez dit à l'époque que vous n'étiez pas au courant de ce qui

4 s'était passé à Karadjordjevo. Est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 Q. Ailleurs dans votre déclaration vous exprimez votre avis à l'encontre

7 de l'accuser au cas où il y aurait eu accord à Karadjordjevo là où Tudjman

8 et l'accusé ont parlé de la division de la Bosnie, s'il y avait eu une

9 telle réunion. Avec l'effet qu'elle aurait eu, que pensez-vous de l'accusé

10 dans ce cas ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une remarque à faire, Monsieur May, une

12 objection à soulever.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Paragraphe 117, que vient de citer M. Nice, il

15 est dit, et en fait le témoin le dit clairement : "Je lui ai dit que la

16 Serbie était résolument contre le démantèlement de la Bosnie-Herzégovine et

17 que c'était un pur mensonge que de parler de ces négociations entre les

18 Serbes et la Croatie à propos de la division de la Bosnie-Herzégovine."

19 Puis il dit : "Effectivement qu'on a parlé de la réunion à Karadjordjevo,

20 il dit qu'il n'était pas là et il n'a pas voulu en discuter avec

21 Eagleburger." Maintenant Nice dit que s'il y avait eu un accord comme si le

22 témoin avait dit qu'il y avait eu un accord. Jamais le témoin ne fait

23 mention d'aucun accord et s'il y avait eu quelque chose, il l'aurait su,

24 alors qu'ici il dit que nous nous opposions à la division de la Bosnie-

25 Herzégovine.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous y reviendrons après la pause. Vous

2 voudrez peut-être reformuler votre question, Monsieur Nice, de la façon la

3 plus neutre possible.

4 Monsieur le Témoin, nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.

5 C'est la première pause intervenant au cours de votre déposition. Je vous

6 rappelle et je vous mets en garde comme nous le faisons pour chaque témoin,

7 vous n'êtes censé parler à personne de votre déposition tant qu'elle n'est

8 pas terminée, et ceci s'applique également aux représentants du bureau du

9 Procureur.

10 M. NICE : [interprétation] Je pense que le témoin veut poser une question à

11 propos des contacts qu'il pourra avoir avec son avocat.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr, il peut en parler avec son

13 avocat.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pause de vingt minutes.--- L'audience est

15 suspendue à 12 heures 18.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

17 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que, s'agissant du passage où il est

18 dit : "jamais, il n'a été prôné que les nations vivent ensemble," il faut

19 lire le contraire, à savoir que jamais on a cessé de prendre pour position

20 que les peuples devaient vivre ensemble.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de recommencer, je précise ici,

23 j'ai vérifié l'intercalaire 6, de la pièce 396. C'était une annexe d'une

24 lettre au Conseil secret. Il n'y avait pas de cases là-dedans. On affirme

25 qu'il y a des commentaires comme étant ceux de l'ambassadeur Okun, et je

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1 dirais que c'est là une interprétation livrée par le bureau du Procureur,

2 qui présente ces dires comme étant les commentaires de l'ambassadeur. Je ne

3 pense pas qu'il est approprié de soumettre à un témoin les dires d'un autre

4 témoin. Mais, si voulez le faire, soyez clair.

5 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi. C'est une erreur qui s'est glissée.

6 J'ai crû que c'était là les dires de l'ambassadeur, mais, bien sûr, il

7 n'est plus possible de citer ces observations comme étant une véritable

8 citation.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

10 M. NICE : [interprétation] S'agissant de la question posée avant la pause,

11 souvenez-vous, Messieurs les Juges, nous étions à la page 32, paragraphe

12 117 en anglais. Ayez l'obligeance, Messieurs les Juges, de revenir au

13 paragraphe 71.

14 Q. Paragraphe 71, Monsieur le Témoin --

15 A. Un instant, un instant, s'il vous plaît. Est-ce que vous pouvez baisser

16 le volume ? Le son est trop fort dans mes écouteurs. C'est mieux.

17 M. NICE : [interprétation] Il s'agit du paragraphe 71. Je peux le retirer

18 de la déclaration écrite du témoin. Je voulais, cependant, une réponse viva

19 voce à cette thèse afin que les Juges l'entendent.

20 Q. Vous l'avez ici, dans la déclaration du témoin, paragraphe 71.

21 Veuillez dire aux Juges, Monsieur Jovic, s'il apparaissait -- si on

22 montrait que l'accusé avait, effectivement, discuté avec Tudjman de la

23 Division de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ceci montrerait qu'il aurait

24 dû ceci à vous-même et, si c'était le cas, que penseriez-vous de l'accusé ?

25 R. Avant tout, je tiens à dire ceci. Tout ce que contient ce paragraphe me

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1 pousse à dire ceci. Jamais M. Milosevic ne m'a informé du fait qu'il aurait

2 eu une réunion de ce genre, que cette réunion aurait été possible et qu'il

3 en aurait éventuellement discuté avec M. Tudjman de la Division de la

4 Bosnie. Ça c'est une chose.

5 Autre chose, maintenant, lorsque j'ai reçu des informations au moment au

6 M. Mesic a communiqué ceci à l'opinion publique, il disait ce qu'il disait

7 pour ternir la réputation de Tudjman parce qu'il était maintenant en

8 situation d'affrontements avec M. Tudjman et toutes les circonstances

9 montrent qu'il était fort peu probable que M. Milosevic ait pu discuté

10 d'une chose de ce genre.

11 Je voulais dire une troisième chose. Pourquoi ai-je pensé que Mesic ne

12 disait pas la vérité --

13 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Nous n'avons pas beaucoup de temps et

14 les Juges ont déjà entendu beaucoup d'éléments de preuve, notamment, de M.

15 Markovic. Si les Juges en venaient à se dire que la réunion a bien eu lieu,

16 qu'est-ce que ceci vous dit à propos de l'accusé ? C'est une question

17 hypothétique que je vous soumets.

18 R. C'est simple comme bonjour. Ça veut dire que, dans ce cas-là, M.

19 Milosevic ne voulait pas m'en informer, mais c'était en ce qui me concerne

20 fort peu probable et je tiens à dire que ça aurait été là un autre incident

21 dans notre relation qui sinon était emprunte de confiance mutuelle.

22 Q. Retour au paragraphe 117, nous avons là quatre pièces, intercalaires 6,

23 7, 8 et 9, 21 février. Nous avons une invitation pour une réunion de la

24 présidence de la RSFY et, le 27 février -- et puis nous avons le procès

25 verbal de la réunion du 2 mars, intercalaire 8, procès verbal de la 189e

Page 29165

1 séance, qui s'est tenue ce jour-là, intercalaire 9. Vous avez les notes

2 sténographiques d'une réunion des représentants de Bosnie-Herzégovine du 2

3 mars. Vous avez examiné -- vous avez consulté tous ces documents, n'est-ce

4 pas, Monsieur le Témoin ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous semblent-t-ils authentiques ?

7 R. Oui.

8 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 7. Messieurs les Juges, je voudrais

9 que nous examinions uniquement un passage. Je vais demander qu'il soit posé

10 sur le rétroprojecteur en version anglaise et je vais demander au témoin de

11 donner lecture d'un extrait de l'original.

12 Madame l'Huissière, nous voyons que Zecevic intervient après Kostic, mais,

13 avant Kostic, on voit une intervention de M. Jovic.

14 Q. Ce document montre que Zecevic est intervenu peu de temps après vous.

15 Veuillez trouver le passage dans l'original où on a le début d'intervention

16 de Zecevic et qui commence par ces mots : "C'est une question très

17 complexe."

18 Page suivante peut-être, oui, quatrième ligne, je lis : "C'est une question

19 très complexe." C'est Zecevic qui est en train de parler. Est-ce que vous

20 avez trouvé ce passage dans l'original, Monsieur Jovic ? Je répète ce qui

21 est cité ici. "C'est une question très complexe. Instinctivement, tout ce

22 qui est croate a été détruit et brûlé pour les empêcher -- pour empêcher

23 les Croates de revenir. En vérité, il nous est impossible de vivre ensemble

24 -- ne voulons pas vivre ensemble, et nous n'allons pas le faire."

25 Nous sommes là à cette réunion de mars 1992, pages 78 et 79, de

Page 29166

1 l'intercalaire 7, en B/C/S. Je le dis à l'intention de l'accusé. Sauriez-

2 vous comment quelque chose de ce genre aurait été pu être dit en votre

3 présence, à l'occasion de cette réunion ?

4 R. Je ne trouve pas cette phrase dans le texte, mais, vu sa teneur, je

5 pense que ça se trouve bien à quelque part dans le texte. Voici ce qui

6 s'est passé. Ce sont des notes sténographiques qui font à peu près 100

7 pages, document très long, et on ne comprendra ceci que, si l'on comprend

8 les conclusions tirées, et surtout si l'on lit l'entièreté des

9 interventions faites dans cette réunion.

10 Voici le fond de la réunion : préparation en vue de l'arrivée des forces de

11 maintien de la paix sur le territoire de la Republika -- de la Krajina de

12 la Republika Srpska. On parle aussi de la Krajina. Et aussi on parle de ce

13 qu'il faudrait faire de la mission qui doit être confiée.

14 Il s'agissait aussi de veiller à ce que tous les citoyens, qui auraient

15 persécutés, qui auraient été chassés de leur foyer, puissent les

16 réintégrées, et que les conditions soient créées qui leur permettent de

17 vivre normalement afin que la vie revienne à la normale. Voilà ce qui est

18 déclaré dans les conclusions tirées par la présidence de la RSFY.

19 Un des incidents -- ou un des épisodes de ces discussions, c'est que M.

20 Zecevic a dit ceci : "Nous avons un village dans lequel vivaient les

21 Croates et, instinctivement, ils ont été chassés." Donc ce n'était pas

22 suite à un ordre. Ce n'est pas qu'il y ait eu un ordre ou un plan. Les

23 citoyens se sont chassés les uns les autres et ici, en l'occurrence, c'est

24 ce groupe-ci qui a été chassé. Il se demandait ce qu'on pouvait faire. Il

25 essayait de voir ce qu'il était possible de faire et, malheureusement,

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1 leurs biens ont été incendiés. Et lui a dit qu'il craignait que, si ces

2 gens rentraient chez eux, la situation serait très difficile parce que les

3 relations internationales étaient telles qu'il leur serait impossible de

4 cohabiter.

5 Ici, on tire comme conclusion que chacun puisse rentrer dans son lieu

6 d'origine et que les conditions soient mises en place, qu'elles leur

7 permettent de vivre et de travailler normalement. Si des biens avaient été

8 incendiés, il faudrait les reconstruire. Voilà la conclusion tirée par la

9 présidence. L'homme a tenu les propos qu'il a tenus et voilà les

10 conclusions tirées qui évoquaient la seule solution politique possible.

11 Q. Pour que nous comprenions bien, c'est donc l'explication que vous

12 trouvez ou que vous offrez pour ce qui est de la citation de ce segment de

13 phrase : "détruits et brûlés là pour les empêcher de revenir."

14 R. J'insiste sur le terme "instinctivement", c'est-à-dire, spontanément.

15 Ça n'a pas été ordonné par une autorité, par qui que ce soit. Il y avait un

16 soulèvement des Serbes spontané contre eux parce qu'ils étaient maintenant,

17 en fait, en situation d'affrontements -- de confrontations.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle page, s'il vous plaît ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Page 79, dans ce document.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça se trouve exactement où --

21 M. NICE : [interprétation] Ou est-ce que c'est -- non, Mme Dicklich, notre

22 assistante, me dit que je me trompe.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le chiffre ET -- et la référence ET se

24 termine par les chiffres 2829.

25 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

Page 29168

1 Examinons maintenant quatre pièces, qui ont été fournies tardivement. Même

2 si elles ont été consultées, je pense qu'elles ne sont arrivées qu'hier.

3 Elles tombaient toujours sous le coup de l'Article 70, jusqu'à hier. Il

4 s'agit des intercalaires 10, 11, 12, et 13. Je vais en faire la synthèse,

5 puisque le témoin les a examinés.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic, que voulez-vous

7 dire ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour la plupart des pages qui m'ont été

9 fournies en anglais, il n'y a pas de chiffre ERN ou d'autres chiffres, ni

10 non plus de numérotation de pages. Ça, sans doute, a été fait à la hâte, et

11 il y a eu des omissions dues à la hâte, mais j'ai du mal à m'y retrouver.

12 Il faut vraiment lire la totalité du texte. Moi, je peux vous montrer les

13 pages et, chaque fois que là, je vois Gligorovic, Kostic, partout comme une

14 citation. Mais je ne vois nulle part la moindre référence. Vous pourrez

15 examiner la copie que j'ai en anglais. Il n'y a rien; pas de chiffre ERN.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. C'est un document qui n'est pas

17 paginé. Vous pourrez peut-être voir ce qu'il en est, Monsieur Nice, pendant

18 la pause.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Pour ce qui est des pièces se trouvant aux intercalaires 10 à 13,

21 Monsieur Jovic, est-il exact de dire que vous avez examiné une lettre de

22 Mendiluce au commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, en date du 19

23 mars 1992 ? On apporte à votre attention plusieurs incidents récents.

24 Avez-vous répondu -- ou est-ce qu'il y a une autre lettre en date du 28

25 avril 1992, qui vient du général Nambiar ? Vous faites référence à une de

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1 ces lettres du 24 avril. Donc c'est vous écrivez celle du 28 ? Et vous

2 faites référence à des incidents, des cas d'expulsion par la violence de

3 citoyens de nationalité croate de leurs foyers. Et vous faites référence à

4 une lettre de M. Thornberry, qui concerne des expulsions sous la

5 contrainte. Et puis il y a une lettre du mois de juin 1992, où il est

6 question de 232 personnes d'origine croate, dont plusieurs blessés, 160

7 plus exactement, faits prisonniers pendant Vukovar, et pour qui on

8 demandait des nouvelles.

9 Est-ce que vous avez examiné une lettre, qui ne vient pas de vous, mais qui

10 vient de Mile Pesut, adressée à M. Thornberry et qui évoque ces

11 préoccupations ?

12 R. J'ai bien vu ces lettres.

13 Q. Il est possible d'examiner l'intégralité de ces lettres et de vos

14 réponses, si c'est nécessaire, mais, se faisant, vous étiez mis au courant

15 des préoccupations qu'avait la communauté internationale à propos de ces

16 expulsions sous la contrainte. Et vous étiez informé de ce qui se passait,

17 s'agissant des personnes portées disparues à Vukovar.

18 R. Nous avons réagi à chacune des lettres reçues. Voici ce que nous avons

19 fait. Nous avons pris des mesures. Nous avons demandé aux organes

20 concernés de se pencher sur la question et de préparer des réponses à

21 envoyer aux organes des Nations Unies, s'agissant aussi des mesures à

22 prendre pour empêcher ce qui se passait et pour réagir aux événements dont

23 nous étions avisés par le biais de ces lettres, et nous avons informé M.

24 Thornberry, M. Nambiar sur le champ et ces lettres évoquent de ces

25 questions. Il est question là de plusieurs centaines de personnes sans

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1 vraiment dire qui sont ces personnes. On donne simplement des chiffres à

2 propos de Vukovar et, dans nos réponses, nous avons dit que nous avons

3 parlé de tous ces gens qui étaient tombés entre les mains de notre armée où

4 ils étaient envoyés comment ces personnes avaient été soignées combien de

5 personnes avaient fait l'objet d'échange. Voilà on avait envoyé des

6 informations et des rapports détaillés.

7 Q. Vous connaissez la nature des allégations portant à l'encontre de

8 Vukovar ou à propos de Vukovar. Reconnaissez-vous qu'il y a eu massacre et,

9 si massacre qu'il y a eu qui s'est produit au moment où vous vous étiez le

10 commandant en chef de l'armée, reconnaissez-vous que ce massacre a eu

11 lieu ?

12 R. Je n'ai jamais été informé de cela alors que j'ai occupé les fonctions,

13 ce n'est que bien plus tard que j'ai appris la chose et ceci par les

14 médias, à savoir, partant des activités qui ont été celles de ce Tribunal-

15 ci.

16 Q. Pouvez-vous nous apporter une explication quelconque aux fins de nous

17 aider à cet effet et nous dire comment se peut-il, si la JNA y a pris part,

18 vous, en sa qualité de l'organe qui avait été commandant en chef, avait

19 fait pour ne pas avoir eu vent de la chose ?

20 R. Si tant est que l'armée notre "armée y a pris part" et cela est très

21 hypothétique parce que, d'après ce que nous avons appris l'armée, elle

22 n'avait pas reçu des ordres de le faire; au contraire, elle avait une

23 interdiction stricte de faire quoique ce soit de ce genre. Nous n'avons

24 aucune information concernant le fait que quelqu'un de l'armée aurait donné

25 l'ordre de le faire ou quelqu'un de l'armée aurait fait telle chose, et il

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1 appartient au Tribunal de déterminer la vérité vraie.

2 Q. Vous-même ou vos successeurs, en votre connaissance, avez-vous demandé

3 à ce qu'une enquête soit menée sur les circonstances du massacre de Vukovar

4 et que ceci a été consigné dans un rapport ?

5 R. Nous n'en avons pas été informé de ce massacre, par conséquent, nous ne

6 pouvions pas donner d'ordre du tout concernant les circonstances et,

7 s'agissant de ces circonstances, je ne sais pas du tout quelles elles ont

8 été.

9 Q. Au paragraphe 119, il faut donner l'ensemble du paragraphe 119 et 120.

10 Le 30 avril 1992, y avait-il eu une conversation à laquelle ont participé

11 Kostic, l'accusé, Bulatovic, Zivota Panic, qui était remplacé par Adzic, y

12 compris Karadzic, Krajisnik et Koljevic ?

13 R. Oui, c'est -- cette conversation a, effectivement, eu lieu -- la

14 conversation a eu lieu et, en substance, c'est là que l'on était censé à

15 aboutir à un accord sur ce qu'il fallait faire de l'armée populaire

16 yougoslave en Bosnie-Herzégovine, dans ces circonstances où la communauté

17 internationale avait déjà reconnu celle-ci comme étant un état indépendant.

18 J'ai déjà précisé qu'en Serbie, M. Milosevic et moi même avions estimé

19 qu'il ne fallait en aucune façon laisser traîner les choses parce que cela

20 était susceptible d'encourager les attaques à notre encontre et nous avons

21 d'ailleurs été attaqués à tort pour maintes raisons, donc il s'agissait

22 pour nous de régler les modalités de retrait de tous les citoyens,

23 originaires de Serbie et du Monténégro, devaient faire revenir de Bosnie-

24 Herzégovine.

25 L'armée de Yougoslavie était constituée de citoyens de toutes les

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1 républiques et, lors du démantèlement de la Yougoslavie, et du point de vue

2 des installations, du point de vue des équipements, des armes et des

3 effectifs, cela appartenait aux républiques concernées. La Serbie et le

4 Monténégro n'avaient pas de droit autre si ce n'est de faire en sorte que

5 ce qui se trouvait sur le territoire de la Serbie lui revienne.

6 Dans des circonstances de cette nature, notre obligation consistait à faire

7 en sorte que tous les citoyens, tous les ressortissants de Serbie et du

8 Monténégro, se trouvant en Bosnie-Herzégovine, soient ramenés chez eux. Il

9 a été décidé de faire ainsi et il y avait un délai de 15 jours de prévu.

10 Et il était prévu que la Bosnie-Herzégovine prenne soin de ses citoyens de

11 ses effectifs de ses armements et installation; du reste, c'est ainsi que

12 la communauté internationale avait décidé de faire.

13 L'INTERPRÈTE : Adzic avait remplacé Zivota Panic -- correction de

14 l'interprète.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Très bien. La question du salaire et des retraites, des membres de

17 l'armée, est-ce que c'est quelque chose qui a été continué dans une

18 résolution ?

19 R. Oui, tous les frais de l'armée ont été financés jusque-là à partir du

20 budget fédéral. L'armée avait son budget à elle et tous les officiers et

21 soldats recevaient leur rémunération à partir de ce budget. Et tout le

22 reste était payé par ce budget fédéral, étant donné que l'armée était

23 commune. Mais, vu que les gens originaires de Bosnie avaient demandé : mais

24 comment ils allaient régler cela jusque-là ? Nous avons dit que nous

25 allions nous pencher dessus sur cette question, étant donné que le

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1 problème, qui est traité à ce moment-là, était celui du retour des Serbes

2 et des Monténégrins chez eux.

3 Q. Le général Mladic a-t-il assisté à cette réunion ?

4 R. Oui.

5 Q. Le général a-t-il dû démissionner à la suite de cette réunion ?

6 R. Oui, on a dit que le général Vukovic, qui était un commandant militaire

7 de cette région-là, un Serbe, avait dû se retirer et on a dit que M.

8 Karadzic et M. Krajisnik ont dit qu'ils allaient, eux, alors à sa place,

9 nommer M. Mladic aux fonctions de commandant. Nous avons considéré que

10 c'était une décision qui leur appartenait. Nous n'avons pas fait de

11 commentaire du tout.

12 Q. L'accusé, était-il en contact régulier avec M. Karadzic ?

13 R. C'est une question qu'il faut lui poser à lui, à Karadzic. Je n'ai pas

14 de fichier à ce jour, je ne puis que supposer que ces contacts avaient dû

15 exister forcément, notamment, pour ce qui est de l'aide humanitaire que la

16 Bosnie demandait ou à laquelle elle s'attendait de la part de la Serbie,

17 étant donné qu'il y avait une guerre et qu'elle était sous blocus. Et il y

18 a eu des initiatives de Paix de la part de la communauté internationale et

19 celle-ci avait demandé à M. Milosevic de prendre part à ces efforts.

20 Il était tout à fait naturel qu'il accepte d'y prendre part, étant donné

21 que la Serbie avait été placée sous sanctions et ceci en attendant la fin

22 de la guerre en Bosnie. Donc je -- il y a des raisons pour lesquelles les

23 contacts ont dû être fréquents, mais je ne le sais pas.

24 Q. Paragraphe 124 et paragraphe suivant, il s'agit ici de quelque chose qui

25 est fondé sur votre livre -- votre deuxième ouvrage concernant le caractère

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1 de l'accusé. Cette Chambre -- je souhaite soumettre à la Chambre le

2 paragraphe 124 : "l'accusé un autocrate ou un démocrate ?" Je souhaite

3 avoir vos commentaires à cet égard, s'il vous plaît, et je vais, comme je

4 l'ai précisé, demander plusieurs questions au témoin là-dessus.

5 R. Ce sont des questions assez désagréables qu'on me pose ici devant un

6 Tribunal. Dans le livre, je pense avoir établi un équilibre pour ce qui des

7 caractéristiques qui étaient les siennes et ce que j'estimais être mon

8 opinion à moi, mais cela ne saurait être un élément d'évaluation pour

9 quiconque d'autres. Le livre en tant que tel peut servir à quiconque le

10 lirait concernant la -- de mon opinion à moi sur Milosevic.

11 Mais pour ce qui est des évaluations après session que j'émettrais au sujet

12 de Milosevic, je dirais que c'était un leader incontesté. Il était reconnu

13 tant par les citoyens que par les instances et il a été élu avec une grande

14 majorité aux élections, une majorité de votes. C'était un homme

15 intelligent, un homme d'état très capable, mais, à mon avis, il avait été

16 porté à la prise de décisions majeures sans consulter les autres organes

17 et, par la suite, un bon nombre de ces décisions ont été prises alors

18 qu'elles se trouvaient être erronées.

19 C'est ce que je ferais comme appréciation, mais c'est une appréciation à

20 moi. Il appartient aux autres de l'accepter ou pas.

21 Q. Vous vous considérez comme étant avoir été un de ses plus proches

22 collaborateurs pendant un certain nombre d'années, n'est-ce pas ?

23 R. Absolument.

24 Q. Au paragraphe 124, jusqu'à quel point l'accusé était-il à même de

25 remplacer certaines personnes lorsqu'il estimait que ces personnes avaient

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1 rempli leurs fonctions ?

2 R. Et bien, malheureusement, cela a été une pratique plutôt fréquente dans

3 les directions de notre parti, de nos gouvernements, de nos parlements. Il

4 y a eu un défilé de personnalité en grand nombre et on ne s'est plus rien à

5 leur sujet de nos jours pour ce qui est de ses proches collaborateurs. Il y

6 a eu un grand nombre de personnes qui ont été écartées de cette vie

7 publique.

8 Q. Jusqu'à quel point le coût du pouvoir dirigeait-il ses gestes ?

9 R. Je n'ai pas très bien compris cette question. Pouvez-vous répéter ?

10 Q. Il souhaitait rester au pouvoir. Jusqu'à quel point le fait de rester

11 au pouvoir constituait-il un objectif très important pour lui ?

12 R. Et bien, tout homme politique a pour objectif de rester au pouvoir,

13 mais ne citons pas ceci dans un contexte déterminé, qui est dans le

14 contexte de la réalisation des objectifs au programme du parti ou pour ce

15 qui est de sacrifier certains objectifs pour conserver le pouvoir. Et bien,

16 je crois que l'avantage serait accordé à la sauvegarde du pouvoir et non

17 pas à la réalisation de l'objectif, et c'est peut-être de la sorte que je

18 pense pouvoir répondre.

19 Q. Ici, au paragraphe 125, la dernière phrase, jusqu'à quel point se

20 trouvait-il entouré de personnes qui non seulement allaient lui obéir,

21 mais, en tout cas, le porter aux nues ?

22 R. Et bien, c'est là une conséquence tout à fait naturelle de ce qui a été

23 dit. Si une personnalité est suffisamment forte et si cette personnalité

24 est convaincue de pouvoir prendre des décisions, qu'elle est capable de les

25 concevoir et de les argumenter, je crois que bon nombre de débats à ce

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1 sujet pourraient être assez ennuyeux. Donc il aurait peut-être plutôt

2 tendance à se tourner vers les gens susceptibles de réaliser ces décisions

3 plutôt que de débattre sans rien pouvoir changer. Donc la sélection se

4 faisait de façon à faire venir des gens qui accepteraient de réaliser les

5 décisions et qui feraient partie de l'équipe, en étant les personnes

6 chargées de la réalisation de ses objectifs.

7 C'est la raison pour laquelle j'estime que la sélection se faisait de façon

8 à mettre en avant des personnes qui étaient dignes de confiance et qui

9 réaliseraient les missions qui leur étaient confiées.

10 Q. A un moment donné il s'agissait d'un culte de la personnalité et ceci

11 vous concernait. Comment étaient organisés ces cultes de la personnalité

12 pour l'accusé ? Il y avait des gens qui arboraient des photos de vous.

13 R. Ça se passait vers 1998 et 1999, l'époque à laquelle il y a eu de

14 grandes manifestations en Serbie demandant de faire en sorte que soit mis

15 un terme aux persécutions des Serbes au Kosovo. Et l'Europe,

16 malheureusement, n'a jamais commenté cet exode. Milosevic et son équipe ont

17 pratiquement été les premières des personnes à avoir mordu la pomme, à

18 savoir, commencer à résoudre ce problème. Et c'est les citoyens -- ce sont

19 ces citoyens-là qui avaient porté aux rassemblements populaires des

20 photographies grand format de Milosevic et de quelques autres responsables.

21 J'avais à plusieurs reprises demandé à Milosevic de faire mettre un terme à

22 cela parce que nous avons eu suffisamment de cultes de la personnalité avec

23 Stalin et Tito et qu'il ne s'agissait pas de recommencer avec cette

24 chorégraphie. Milosevic est passé outre de façon plutôt décontractée. Je

25 n'ai pas vu les choses changées, peut-être les autres photos ont-elles été

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1 écartées, mais les siennes sont restées et le culte de la personnalité est

2 demeuré présent.

3 Q. Au paragraphe 128, les communistes, les socialistes, ils se

4 préoccupaient-ils des principes d'égalité sociale ?

5 R. Nous avions un programme qui était celui du Parti socialiste et M.

6 Milosevic en était président de ce parti, or le programme en question avait

7 fait de la politique de la justice sociale, l'une des déterminantes

8 principales de son activité. Mais, à l'occasion des cinq ou six dernières

9 années de la période, il est survenu des sanctions économiques à notre

10 encontre. Il y a eu paupérisation de la population et il y a eu

11 enrichissement énorme d'un certain nombre de personnes. Ce qui fait que la

12 différence entre un grand nombre de pauvres et un petit nombre de riches

13 n'ont fait que s'accroître. J'ai caractérisé la chose, en disant que cela

14 était un raté total par rapport, un loupé total par rapport au programme

15 mis en place et le responsable devait en être le parti qui a avancé un

16 programme de cette nature.

17 Q. Paragraphe 129, jusqu'à quel point est-ce qu'on peut considérer qu'il

18 s'agissait d'un nationaliste et ensuite, à la fin du paragraphe, si vous

19 pouvez faire part aux éminents Juges de cette Chambre de la manière dont il

20 gérait les entreprises entre les mains de l'état ?

21 R. Pour ce qui est du nationalisme, je dirais que M. Milosevic, tout à

22 fait certainement, j'en suis profondément convaincu, a toujours été dans la

23 pratique et dans ces propos favorable à des assertions, disant que personne

24 ne devrait être handicapé parce qu'il n'était pas Serbe. Donc il voulait

25 que tout le monde soit sur pied d'égalité. Il n'était pas du tout

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1 chauviniste, soyez-en certain, mais il était adversaire -- stricte

2 adversaire de la sécession de séparatisme et ce n'est pas parce qu'il

3 s'agissait d'origine ethnique autre.

4 Mais c'était parce qu'on voulait faire sécession. Je ne parle pas de

5 Slovénie, de Croatie, et cetera.

6 Il n'a pas été nationaliste et chauviniste. Il n'était pas favorable à des

7 mesures à l'encontre de quiconque parce que ce n'étaient pas des Serbes et

8 qu'on ne devrait pas les considérer, les placer sur pied d'égalité. Ça,

9 c'est certain.

10 Maintenant, pour ce qui est de son attitude à l'égard de la propriété

11 publique, je dirais que, dans la plupart des cas, nos usines étaient en ce

12 que l'on appelait la propriété sociale. C'était une sorte de propriété

13 d'état sous une autre forme. En d'autres termes, l'état avait une

14 prédominance pour ce qui est de la nomination des directeurs et pour ce qui

15 est de l'aménagement des conditions de l'exercice des activités

16 économiques. Du fait d'avoir pu influer sur le choix des cadres, l'état

17 avait pu également influé sur l'utilisation des fonds des recettes

18 réalisées. Et cela a servi de base matérielle du pouvoir. Parce que le

19 parti socialiste de Serbie n'avait pas d'entreprise de sociétés ou de

20 capitaux à elle. Il est tout à fait normal donc que les membres du parti

21 socialiste qui se trouvaient au pouvoir, et se trouvaient à la tête de ces

22 entreprises-là avaient servi de base importante pour le fonctionnement

23 matériel. Et ils étaient à même d'apporter leur assistance au parti comme à

24 toute autre personne. Mais l'économie avait et devenait de plus en plus

25 faible, et n'avait plus la force du fait des sanctions de progresser comme

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1 une économie privée.

2 Je pense, je ne peux pas l'affirmer, je pense que M. Milosevic avait senti

3 la chose. Et d'autre part, il y avait de nouvelles entreprises privées avec

4 ce que l'on appelle les nouveaux riches. Et il est fort probable, et

5 j'avance là encore une fois de plus mon opinion personnelle, où M.

6 Milosevic avait estimé qu'il serait dangereux pour notre politique, si

7 cette économie nouvelle venait à avoir un représentant politique à elle. A

8 savoir, les parties à elle qui pourraient avec la force matérielle qui

9 deviendrait la leur, nous repousser vers l'arrière-scène. Donc, il avait

10 visé à réaliser une politique qui cherchait à faire en sorte que ces

11 nouveaux propriétaires de l'économie se rapprochent de lui, et qu'ils

12 soient placés sous son contrôle.

13 Q. Paragraphe 132, il est évoqué la question du contrôle des médias, de

14 la télévision, de la radio et de la presse écrite. Vous avez précisé un peu

15 plus tôt dans votre déclaration que vous avez rédigé des articles sur

16 Markovic. Pouvez-vous parler s'il vous plaît, de l'influence de l'accusé

17 sur les médias.

18 R. Et bien, entendons-nous bien. Les médias les plus importantes dans

19 notre pays en Serbie j'entends, les médias qui ont une influence décisive

20 sur les citoyens; c'était la télévision de Belgrade, la radio de Belgrade,

21 et dans une certaine mesure le journal Politika qui se trouvait être le

22 journal le plus grand et le plus important.

23 Il est exact de dire que nous avions eu des centaines d'autres médias qui

24 n'avaient pas été sous le contrôle du gouvernement ou sous l'influence de

25 Milosevic, et qui avait plutôt fait partie de l'opposition. Mais leur

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1 portée n'était pas aussi importante pour ce qui est de la radio et de la

2 télévision. Et ils n'avaient pas un tirage aussi important d'exemplaires

3 vendus. Et ils étaient moins lus. Parce que la raison la plus importante,

4 c'est que la télévision de Serbie avait accès à tous foyers, alors que les

5 stations de télévision locale n'avaient une portée que locale.

6 Pour ce qui est maintenant de l'influence exercée par

7 M. Milosevic sur la radio et télévision d'état ainsi que sur le journal

8 Politika, cette influence était très grande, était décisive, je dirais. Et

9 c'est exact. Ce rôle était très prépondérant pour ce qui est de

10 l'information de la population.

11 Q. Donc a-t-il utilisé les médias pour porter aux nues ou critiquer les

12 dirigeants serbes, les autres dirigeants Serbes, oui ou non ? Et dans votre

13 ouvrage, avez-vous donné des exemples de cela, si c'est effectivement

14 quelque chose qu'il a fait ?

15 R. Dans la mesure où cela était nécessaire pour la conduite de la

16 politique, les médias ont été exploités à cet effet. En effet, il y a eu

17 des périodes, des situations où M. Milan Babic a été entêté à tel point,

18 qu'il avait refusé d'adopter le plan de Vance. Et bien entendu, les médias

19 ont dû être mis au service d'une persuasion de la population au terme de

20 laquelle M. Babic devait être révoqué, parce que c'était dans l'intérêt du

21 peuple serbe. Donc, il s'agissait de le convaincre de la nécessité d'élire

22 quelqu'un d'autre. Et on avait suggéré que M. Martic pouvait être cette

23 personne-là. Et il se peut que les médias aient alors plus propagé le rôle

24 de M. Martic, plus même qu'il ne l'a mérité de par ses activités

25 politiques. C'est grâce aux médias qu'il est devenu ce qu'il était. Je

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1 crois que le livre en parle. Et il est certain que les médias ont été mis à

2 profit de la politique qui était la politique que l'on menait.

3 Q. Comme vous le savez ici, Monsieur Jovic, ce qui nous préoccupe puisque

4 nous en avons parlé pendant plusieurs jours. Si ce qu'avance l'Accusation

5 est exact, des crimes épouvantables ont été commis sur une période courte.

6 Il se peut qu'il y ait des éléments de preuve permettant d'expliquer

7 comment ce système fonctionnait. Ici dans ce cas, l'accusé, connaissait-il

8 l'existence ou le pouvoir qu'exerçaient les médias sur le peuple qu'il

9 dirigeait ?

10 R. Mais bien sûr qu'il en avait conscience. M. Milosevic, du fait même

11 d'avoir essayé et réussi pour ce qui est d'une grande influence exercée par

12 ses soins sur l'orientation des médias dont j'ai parlé à savoir, la radio,

13 la télévision et le journal politique. Et bien de ce fait, il a influé sur

14 la façon dont la population entendait certaines choses. Je ne sais pas si

15 l'on parle là de crimes graves. Il a exercé des activités politiques sur un

16 domaine qui est celui de l'information des citoyens par le biais des médias

17 de la Serbie. Il s'agit des médias de Serbie. Je ne pense pas que cela ait

18 influé les gens à l'extérieur de la Serbie. Et si cela a été le cas, je

19 crois que cette influence a probablement été marginale.

20 Q. Vous dites dans la phrase : "Ce qui n'a pas été publié n'a pas existé."

21 Pourriez-vous en parler davantage s'il vous plaît ? Au paragraphe 124

22 [sic].

23 R. Et bien comment dire ? C'est une espèce de slogan ou une espèce de

24 référence que M. Milosevic avait l'habitude de faire en laissant entendre

25 que si les citoyens étaient informés d'une chose, savaient que telle chose

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1 était survenue. Si on ne les informait pas de ce qui se passait, et bien on

2 passait outre. Et c'était une question sur laquelle on ne s'attardait pas.

3 Donc, il était important que la radio et la télévision de l'état informe la

4 population, mais dans l'intérêt de la politique du jour.

5 Et si quelque chose n'était pas dans l'intérêt de cette politique courante,

6 et bien on n'avait pas forcément l'obligation de le publier.

7 Q. Le paragraphe précédent 134. Maintenant paragraphes 135, 136 et

8 paragraphes suivants. A quel point l'accusé considérait-il le SPS comme

9 étant son bien ? Jusqu'à quel point les activités du parti ont-elles cessé

10 d'être des activités correspondant à une définition de ce terme. Autrement

11 dit, un parti sur des bases démocratiques ?

12 R. Cela se trouve en corrélation avec ce que j'ai déjà dit auparavant

13 concernant la méthodologie utilisée par M. Milosevic pour ce qui est des

14 modalités de prise de décision. Bien entendu, les statuts du parti

15 socialiste prévoyaient une prise de décision par le congrès pour ce qui est

16 des décisions importantes. Puis entre la tenue de deux congrès, il y avait

17 un comité, et il y avait un conseil chargé de l'application des décisions.

18 A compter du troisième congrès, notamment, à compter du troisième congrès à

19 mon avis, l'on a abandonné les modalités démocratiques d'élections des

20 personnalités au sein des directions. Les listes de candidats pour le

21 comité principal avaient été strictement contrôlées en vertu des

22 caractéristiques des personnalités qui étaient jugées convenables ou non

23 convenables pour être éventuellement élues. Et chose importante, ce comité

24 principal intervenant entre les deux congrès faisait en sorte que toute

25 proposition avancée devait forcément être acceptée sans débat ou du moins

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1 sans débat où il y aurait opposition à celle-ci.

2 Et cela, à mon avis, pour une raison simple, à mon avis, donc sur cette

3 liste de candidats au comité principal, il n'y avait que des gens qui

4 n'étaient pas susceptibles de faire des problèmes, de créer des problèmes

5 par rapport à ce que l'on proposait. Alors, il n'est pas possible qu'un

6 homme aussi fort et aussi intelligent soit-il, tel est le cas de M.

7 Milosevic notamment, et bien, aucun homme ne saurait ne commettre aucune

8 erreur en matière de politique. Cela s'est avéré vrai et c'est en raison de

9 ces erreurs qu'on perd le pouvoir. Et c'est pour cela qu'il a perdu le

10 pouvoir qu'il avait. Cela n'a rien à voir avec des questions de confiance.

11 Q. La dernière phrase du paragraphe 136 se lit comme suit, c'est dans

12 votre langue, est-ce que vous pourriez regarder ce paragraphe, s'il vous

13 plaît, et dites-nous si vous êtes d'accord avec cela ?

14 R. Je suis d'accord. C'est la substance des choses en effet.

15 Q. "Les activités du parti se sont transformées en comédie", on peut lire

16 dans cette phrase. Ensuite, est-ce que nous pouvons poursuivre, s'il vous

17 plaît, vous dites que vous avez été impliqué dans les transactions de la

18 présidence du SPS. Vous avez occupé ce poste pendant un certain temps

19 lorsque l'accusé était à même de vous tenir dans cette fonction pour des

20 raisons constitutionnelles. Le reste du temps, c'est lui qui occupait ce

21 poste ou une partie du temps. Et lorsque vous aviez le pouvoir et lui avait

22 le pouvoir, comment pourriez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît, le

23 partage du pouvoir ?

24 R. Et bien, M. Milosevic avait bénéficié d'une autorité absolue

25 indépendamment du fait d'avoir été président du parti ou pas. Pas une seule

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1 décision importante en Serbie ne pouvait être prise, pas même lorsque

2 j'étais président moi-même. Par conséquent, nous avons toujours estimé que

3 c'était la personnalité de premier plan même quand il n'était pas président

4 du parti et lui-même se trouvait être intéressé par tout ce qui se passait.

5 Il n'aurait pas été content de voir des décisions prises sans qu'il y ait

6 pris part. Bien entendu, ce problème n'est jamais survenu.

7 Q. Au paragraphe 139, vous dites qu'il avait le monopole de toutes les

8 activités politiques, y compris sur toutes les institutions. Souhaitez-vous

9 ajouter quelque chose à cela, s'il vous plaît ?

10 R. C'était une façon de régner. Cette méthode qui était la sienne de

11 gouverner n'avait pas consisté à faire en sorte que soient élus des gens

12 qui conduiraient des débats, considérations faites de tous les aspects pour

13 prendre des décisions appropriées. Il importait d'avoir des gens

14 obéissants. Il était important d'avoir donc à tel ou tel autre niveau des

15 gens qui bénéficiaient de sa confiance et qui feraient en sorte que ces

16 décisions soient réalisées. Et ce type de politique des cadres était de la

17 plus haute importance. Donc, M. Milosevic avait strictement tenu compte de

18 la sensibilité des listes de cadres pour ce qui est des candidats au

19 gouvernement de Serbie ou des candidats à la députation en République de

20 Serbie, donc candidats aux fonctions fédérales. A tout niveau, il tenait

21 compte des personnes qui allaient être élues parce qu'il ne voulait pas,

22 par la suite, avoir des conflits au niveau de la politique qu'il souhaitait

23 conduire.

24 Q. Paragraphe 143, il avait le contrôle sur les dirigeants du Monténégro,

25 s'il vous plaît.

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1 R. Et bien, je pense que les dirigeants du Monténégro se trouvaient être

2 relativement indépendants, autonomes. Mais pendant une période prolongée,

3 ils ont eu une coopération tout à fait correcte avec la direction de Serbie

4 et avec M. Milosevic. C'est une appréciation d'ordre général, notamment,

5 parce qu'ils sont arrivés au pouvoir suite à des vagues de changements

6 survenus vers la fin des années 1980 en Serbie. Et à la tête de ces

7 changements de l'époque, il y avait M. Milosevic. Il se trouvait être au

8 Monténégro ce que nous étions nous-mêmes en Serbie. Et c'est de là que

9 découlait la nature même de cette coopération. Donc, ils émanaient d'un

10 parti de la même famille, ils étaient issus du Parti communiste du

11 Monténégro. Ils sont devenus le Parti socialiste du Monténégro ce qui était

12 tout à fait compréhensible.

13 Il est survenu, certes, quelques conflits mais j'ai bien indiqué que les

14 accords n'avaient pas toujours été complets lorsque l'on a rédigé la

15 constitution de la République fédérale de Yougoslavie, j'ai d'ailleurs

16 indiqué que la direction du Monténégro avait aspiré à une autonomie très

17 grande des républiques. Il voulait que les républiques aient au moins

18 d'autres attributions et de pouvoir que cela avait été le cas en RSFY. M.

19 Milosevic et moi-même, puisque nous avions travaillé ensemble là-dessus,

20 vision à renforcer la fédération, le rôle de la fédération parce que la

21 fédération de la RSFY avait eu des points faibles qui l'avait empêché de

22 fonctionner de façon valable.

23 Et au final, cela s'est soldé par un compromis. Et nous avons fini par

24 aboutir à une solution de cette nature-là compte tenu de ce qui s'est passé

25 avec le plan Carrington, par la suite, par exemple.

Page 29186

1 Q. Paragraphe 144, vous parlez ici de la capacité des organes fédéraux --

2 que le personnel de ces organes, au niveau fédéral, soit renvoyé. Pouvez-

3 vous nous faire un commentaire là-dessus, s'il vous plaît ? Je parle ici de

4 la situation vulnérable.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin ait pu déclarer

8 que j'avais des attributions me permettant de licencier des responsables de

9 haut niveau dans les organes fédéraux.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le témoin parler, s'il vous

11 plaît.

12 M. NICE :

13 Q. [interprétation] Je souhaite savoir quelles étaient les circonstances

14 dans lesquelles des fonctionnaires travaillant pour la fédération pouvaient

15 être renvoyés si elles refusaient d'obéir aux ordres donnés par leurs

16 républiques respectives.

17 R. Il ne s'agit probablement pas des employés mais des responsables au

18 sein de la fédération et qui étaient originaires des différentes

19 républiques. Si c'est bien de cela qu'il s'agit, je vais vous expliquer.

20 Les membres de la présidence de la RSFY sont élus par le parlement de la

21 Serbie. Donc, ces responsables sont élus et révoqués par ce parlement. Et

22 ils deviennent alors membres de la présidence de la RSFY.

23 Deuxièmement, les membres de la présidence de la RSFY étaient tenus

24 d'harmoniser les relations au sein de la fédération en faisant en sorte que

25 les positions adoptées par leurs propres républiques devaient être

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1 défendues au niveau de la fédération au travers d'effort déployé pour

2 arriver -- pour aboutir à des solutions acceptables pour tous. Et c'est

3 ainsi que les membres de la présidence pouvaient fonctionner si tentaient

4 que ce qu'ils défendaient là-bas était défendu comme position par leur

5 propre république. Dans le cas contraire, on aurait une situation

6 impossible, on aurait une situation où la présidence serait mise d'accord

7 sur quelque chose et l'on aurait une république qui dirait : "Ce n'était

8 pas la position que nous avions défendu." Donc juridiquement cela n'était

9 pas possible et c'était inadmissible

10 Donc toute république avait le droit de révoquer un membre de la présidence

11 délégué là-bas au cas où celui-ci s'écarterait de l'intérêt de cette

12 république-là. C'est ce qui s'est passé lorsque la Croatie a révoqué M.

13 Stipe Suvar qui avait été membre élu de la présidence de Yougoslavie. Il a

14 peut-être passé un an et elle a envoyé là-bas Stipe Mesic, parce qu'elle

15 avait estimé qu'il défendrait mieux les intérêts de cette république. Donc

16 la représentation des intérêts de la république était une obligation

17 constitutionnelle et de par la constitution la république pouvait révoquer

18 tel membre. Maintenant, delà à savoir qui sait qui va provoquer proposer

19 tel membre.

20 Q. Je souhaite parler de M. Mesic, il rapportait en substance le contenu de

21 ces réunions à Belgrade et à l'accusé, n'est-ce pas ? Est-ce que -- je

22 crois que vous avez dit cela dans votre déclaration, est-ce que exact ?

23 R. Je n'ai pas compris votre question. De quoi s'agit-il au juste ?

24 Q. Dans les réunions dont nous avons entendu parler, vous quittiez les

25 réunions afin de pouvoir le rappeler et ensuite vous reveniez.

Page 29188

1 R. Oui.

2 Q. Et ensuite vous avez reconnu que vous faisiez cela parce que vous

3 deviez tenir informer l'accusé des différentes instructions que vous deviez

4 prendre ou de ses avis ?

5 R. Non, cela n'a jamais été dit. Ce n'est pas vrai. J'ai été constamment

6 en communication avec M. Milosevic, mais je n'ai jamais quitté une session

7 de la présidence pour téléphoner à M. Milosevic pour lui demander si je

8 pouvais, si je devais faire ceci ou cela. C'est une insinuation de la pire

9 des natures.

10 Q. Au paragraphe 145, s'il vous plaît. Vous parlez ici de la promotion de

11 personnes obéissantes par l'accusé. Vous avez peut-être déjà fait référence

12 à cela. Vous parlez de purge politique dans votre ouvrage. Pourriez-vous

13 nous éclairer un petit peu la dessus, s'il vous plaît.

14 R. Le livre a apporté un éclairage suffisant. Il y a eu plusieurs cas de

15 révocation de ceux qui soit n'était plus nécessaire, soit du fait de leur

16 déclaration ou de leur activité qui ne convenaient plus, ou alors encore

17 avaient-ils fait ce que l'on s'attendait de -- ce qu'on s'attendait de leur

18 part. Mais il y a eu des cas de remplacement et la méthode utilisée avait

19 été celle d'utilisation des personnes tant qu'ils étaient utiles et tant

20 qu'ils ne compliquaient pas les choses. Et il y avait révocation lorsqu'ils

21 n'étaient plus -- ne convenaient plus.

22 Q. Paragraphe national au niveau 346 [sic], comment l'accusé traite-t-il

23 les personnes qui n'avaient pas les mêmes points de vue que celui adopter

24 par son gouvernement ?

25 R. Il ne s'agit pas ici du parlement fédéral mais du parlement de la

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1 république, parce que M. Milosevic lui il n'avait aucune possibilité de

2 faire quelque chose de ce type au niveau du parlement fédéral. Il pouvait

3 effectivement révoquer ces propres députés mais il ne pouvait pas révoquer

4 le parlement fédéral, donc au niveau de la république il avait le droit de

5 dissoudre l'assemblée et il a utilisé ce droit. On avait entamé un débat

6 assez véhément au niveau du parlement de Serbie pour ce qui des activités

7 déployées par le gouvernement. Il y avait eu des critiques sans fin qui ont

8 duré plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines. Je ne m'en

9 souviens plus exactement. M. Milosevic a alors décidé de dissoudre

10 l'assemblée et de procéder à l'élection d'un parlement -- d'un autre

11 parlement ou d'une autre composition. Et c'est ainsi que l'on a coupé cours

12 à tous ces débats.

13 Q. Aborder rapidement les autres sujets : Tout ce qui est la genèse de la

14 désignation de la sélection de Milan Panic et puis sa démission, le fait

15 qu'on l'a délogé de ses fonctions, il était américain, au départ il n'était

16 pas connu en Yougoslavie. Est en rapport avec le contrôle qui exerce

17 l'accusé sur les personnes individuellement ? Paragraphes 147 et 149.

18 R. Exemple extrême si vous voulez. M. Milosevic jouissait de beaucoup

19 d'autorité à l'intérieur. Il s'en est servi des décisions furent prises qui

20 n'étaient pas toujours vérifiées au préalable. Il y a eu parmi ces

21 décisions, la proposition de sélection et d'élection de M. Milan Panic au

22 poste de premier ministre du gouvernement fédéral. Le conseil exécutif du

23 parti devait avaliser cette proposition et le groupe des parlementaires qui

24 était majoritaire avec un autre parti me semble au parlement devait

25 accepter cette proposition. Mais il y a eu beaucoup de difficulté au niveau

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1 du conseil exécutif. Il a été très difficile d'expliquer cela aux membres

2 de ce conseil, car personne ne connaissait cet homme. Et moi, j'ai commencé

3 à expliquer quelqu'un que je ne connaissais pas. Je ne fais que relayer ce

4 que m'avait dit M. Milosevic. S'est passé au Cour parlementaire. Là aussi,

5 il a été difficile de faire passer cette proposition. Il y avait eu un vote

6 mais a sorti de beaucoup de critiques. Et tout l'ensemble du paquet est

7 passé grâce à l'autorité qu'avait M. Milosevic.

8 Q. Je vais essayer d'en terminer de ce chapitre. Nous allons travailler

9 jusqu'à quelle heure, Monsieur le Président ?

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il y a une autre audience prévue dans ce

11 prétoire. Essayez d'en terminer au plus vite, Monsieur Nice.

12 M. NICE : [interprétation] Et bien, je vais terminer sans doute demain.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

14 M. NICE : [interprétation] Je ne peux pas non plus demander au témoin de

15 répondre trop rapidement. Ce sont des éléments importants qu'il présente.

16 Q. Un tout petit détail, fin du paragraphe 150. Vous expliquez les

17 circonstances de votre licenciement et du fait que vous n'aviez été pas

18 autorisé à célébrer ou à participer à des festivités. Et quelque chose

19 s'est passée au niveau d'un enregistrement. Une de vos images, en fait, a

20 été enlevée d'un enregistrement vidéo. Qu'en est-il exactement ?

21 R. Pour ce qui est de ces festivités de cet enregistrement, ce sont des

22 questions mineures. J'étais remplacé comme tant d'autres sans aucune

23 explication sans qu'il y ait aucun vote, laissant le droit d'interjeter

24 appel sans décision écrite, de façon non démocratique par conséquent, au

25 sein du parti. J'ai dû présenter ma démission au poste de député et tout

Page 29191

1 ceci a eu bien sûr ces répercutions puisque j'ai été mis à l'écart, j'ai

2 été -- j'ai fait l'objet d'ostracisme. Jamais on ne m'a invité à assister à

3 des festivités même si j'avais été président de Serbie, de Yougoslavie et

4 j'avais tenu d'autres postes. Et pour ainsi dire, ça était jusqu'au point

5 où lorsque il y avait congé public, notamment le jour où on a modifié la

6 constitution, j'étais président de ce comité constitutionnel à l'assemblée,

7 j'avais moi-même proclamé ces modifications à la constitution, et je n'ai

8 même pas été invité lors de la célébration de cette journée nationale, mis

9 à part tout le reste.

10 Q. Et le fait qu'on ait enlevé votre image d'un enregistrement, qu'en est-

11 il ?

12 R. C'était un enregistrement qui montrait la proclamation de la

13 constitution où ce jour a été déclaré congé jour férié. On a montré des

14 images de cette proclamation et même si c'est moi qui ai proclamé ce

15 discours à ce métrage, je n'ai pas figuré. On montrait les gens qui

16 applaudissaient mais pas par les gens qui ont prononcé ce discours.

17 Q. Vous dites que vous avez été exclu des événements nationaux. C'est

18 important pour que les Juges qui ne connaissent pas cette problématique

19 soient informés. Est-ce qu'il y a eu un moment où on inaugurait une école

20 locale, et on vous a interdit pratiquement de participer à cette

21 cérémonie ?

22 R. Eclaircissons une chose : Jamais je n'ai élevé de protestations parce

23 que je n'étais pas invité.

24 Q. Oui. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous avez -- vous vous êtes

25 accommodé de la situation ?

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1 R. Oui, je l'ai acceptée. Je me suis bien rendu compte que je n'avais

2 aucune influence, ou plutôt que je ne pouvais pas influer le cours des

3 choses. Je n'ai pas du tout protesté. En ce qui concerne cette école

4 locale, je l'ai mentionné au cours de notre conversation en tant qu'exemple

5 s'étant produit à l'époque. C'était la fin de la construction d'une école

6 primaire dans mon lieu de naissance. Les personnes responsables de

7 l'organisation venaient de la ville, de la république, de la municipalité

8 pour participer à ces festivités. On m'a demandé de ne pas me fâcher, mais

9 qu'on ne pouvait pas m'inviter à ces festivités parce qu'on leur avait dit

10 : "Si vous invitez Boro Jovic, il n'y aura pas de fête, il n'y aura pas de

11 festivités."

12 Voilà la méthode à laquelle ils avaient recours, en guise de représailles.

13 Ce n'est pas un délit en tant que tel, c'est simplement des méthodes de

14 travail inacceptable.

15 Q. Je vous remercie.

16 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si vous envisagez de lever

17 l'audience, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Autant le faire maintenant.

19 M. NICE : [interprétation] Je vais d'abord terminer ce passage, si vous le

20 voulez bien, et puis demain, je nécessiterai un peu de temps. Je verrai

21 dans l'intervalle si je dois revenir sur l'un ou l'autre sujet, ou l'une ou

22 l'autre pièce.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

24 Monsieur Jovic, veuillez à être de retour à l'audience demain matin 9

25 heures pour terminer votre déposition.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

2 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 19

3 novembre 2003, à 9 heures.

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