Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 10 décembre 2003

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer

7 la déclaration solennelle.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur.

11 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1011 [Assermenté]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On est en train de nous remettre quelque

14 chose. Il s'agissait de documents. M. Agha, aujourd'hui, je veux en parler

15 officiellement d'emblée, il se peut que nous ayons la salle d'audience cet

16 après-midi. Je ne sais pas si nous pourrons siéger cet après-midi, mais je

17 reçois des informations de la part de Mme la Greffière. Je consulte mes

18 collègues.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici ce que nous proposons : Nous allons

21 siéger cet après-midi, une heure et demie. Nous allons faire une pause

22 d'une demie heure, puis nous aurons un autre volet d'audience d'une heure

23 et demie puis nous ferons la pause du déjeuner, une heure et demie et nous

24 reprendrons l'audience cet après-midi de 14 heures à 15 heures 30. J'espère

25 que de cette façon, nous pourrons nous acquitter de notre tâche.

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1 Oui, Maître Kay.

2 M. KAY : [interprétation] C'était une proposition si j'ai bien compris.

3 Permettez-moi de faire valoir à cette observation car j'ai à régler

4 plusieurs procédures administratives au sein de ce Tribunal. Il était prévu

5 que je quitte les Pays-Bas cet après-midi -- au cours de l'après-midi, que

6 je quitterais le bâtiment à 14 heures 15 ce qui permet de veiller à la

7 bonne gestion de ce procès.

8 Je ne sais pas si nous avons des arguments juridiques que nous pourrions

9 présenter à propos des écoutes, des conversations interceptées ce matin

10 plutôt que cet après-midi, ce serait fort bien.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous y veillerons.

12 M. KAY : [interprétation] Merci.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne sais pas si vous allez participer à

14 cette discussion juridique, mais ce sera au cours du second volet de cette

15 audience.

16 M. NICE : [interprétation] Fort bien.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Agha, vous avez la parole.

18 M. AGHA : [interprétation] Il s'agit d'un témoin en application du 92 bis.

19 Je vais demander que le feuillet sur lequel figure son pseudonyme lui soit

20 présenté.

21 Interrogatoire principal par M. Agha :

22 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce bien votre nom qui y

23 figure ? Avez-vous apposé votre signature, ainsi que la date ?

24 R. Oui.

25 Q. Je vous remercie. Vous avez également fourni une déclaration --

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Au besoin du compte rendu, nous avons

2 besoin du pseudonyme accordé à ce témoin.

3 M. AGHA : [interprétation] Il s'agit du Témoin B-1011.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez poursuivre.

5 M. AGHA : [interprétation]

6 Q. Monsieur le Témoin, vous avez fourni une déclaration préalable à ce

7 Tribunal, le 4 septembre 1998, ce qui a été certifié conforme par le Greffe

8 le 18 novembre 2001. Est-ce bien exact ?

9 R. Oui.

10 M. AGHA : [interprétation] Je vais demander que ces documents soient

11 présentés au témoin.

12 Q. Est-ce bien votre déclaration, la déclaration que vous avez signée ?

13 R. Oui.

14 M. AGHA : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de ces

15 documents si ceci n'a pas déjà été fait.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 614, sous pli scellé.

17 M. AGHA : [interprétation] J'aurais voulu une cote pour le feuillet

18 reprenant le pseudonyme.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce feuillet est repris dans le lot versé

20 sous la cote 614.

21 M. AGHA : [interprétation] Merci.

22 C'est un témoin en application du 92 bis qui vient de Brcko -- de la

23 municipalité de Brcko et je vais me permettre de faire la synthèse rapide

24 de sa déposition.

25 Avant la guerre, ce témoin n'était membre ni du SDA, ni du SDS, ne faisait

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1 partie d'aucun parti politique.

2 Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, on a fait sauter les ponts de la région

3 de Brcko. Plusieurs groupes paramilitaires serbes ont commencé à lancer une

4 offensive sur Brcko.

5 Le témoin s'est réfugié dans la cave de sa sœur. Après la prise de Brcko

6 par les forces serbes, les forces serbes ont fouillé diverses maisons. On

7 fait -- a fait sortir le témoin et ceux qui se cachaient avec lui de la

8 cave, et c'est en fonction de leur appartenance ethnique qu'on a procédé à

9 leur séparation.

10 Le témoin et son groupe ont dû aller vers le bâtiment du SUP. Là, ils ont

11 rencontré un capitaine de la JNA qui leur a donné l'ordre d'être emmenés à

12 l'hôtel Posavina. L'homme qui a procédé à la séparation s'appelait Dragan.

13 Il avait un accent anglais. Il était responsable des forces serbes qu'il

14 avait fait sortir de la maison et l'avait emmené à l'hôtel.

15 A l'hôtel, il a vu quatre cadavres par la fenêtre, empilés, en vêtements

16 civils. Ils donnaient l'impression d'avoir été tué récemment.

17 A l'hôtel même, il y avait un homme de la région, Goran Jelisic. Il est

18 entré dans la pièce en compagnie d'une dame appelée Monika. Il a commencé à

19 donner des coups à un homme avec des bouteilles d'eau. Il y avait environ

20 25 hommes détenus dans cette pièce. On les a fait se déplacer jusqu'à la

21 terrasse de l'hôtel où ils ont été placés en deux lignés et Jelisic a

22 commencé à donner des coups à deux des hommes. Un homme plus âgé a été jeté

23 dans ce groupe. Lui aussi a reçu des coups. Il s'en est plaint et lorsqu'il

24 s'en est plaint, on l'a fait sortir du groupe et on l'a abattu. Il y avait

25 un Croate dans ce groupe qui a été libéré parce qu'il se trouvait dans la

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1 même maison que où s'était trouvé le témoin et, pour la même raison, un

2 Musulman a pu sortir. Il a été emmené dans un parc.

3 A ce moment-là, le témoin se trouvait à une cinquantaine de mètres de là.

4 Instinctivement, il s'est retourné et il a vu Jelisic debout et qu'une arme

5 de poings. Il a entendu une rafale de coups et un corps qui tombait. Il a

6 été emmené au SUP. On lui a dit de ne rien regarder. Il a entendu là sur

7 place cinq ou six autres coups. Il a répondu à quelques questions, puis il

8 a été relâché. Quelques mois plus tard, ce témoin a été arrêté et emmené au

9 camp de Batkovic.

10 Voilà où fait essence la déposition de ce témoin, Monsieur le Président,

11 Messieurs les Juges. Si vous me le permettez, je voudrais lui poser

12 quelques questions supplémentaires ici au cours des débats.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

14 M. AGHA : [interprétation]

15 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous répondre à ces questions que je vais

16 vous posées ? Avant l'attaque menée sur Brcko, est-ce qu'il y avait des

17 groupes de la population locale qui s'étaient procurés des armes ?

18 Pourriez-vous le dire aux Juges ?

19 R. Pour ce qui est des Serbes, ça a été le cas, effectivement. Ils étaient

20 armés, ça je le sais. Pour ce qui est du reste de la population, il y a

21 bien telle ou telle personne qui s'est procuré des armes si elle avait le

22 moyen de le faire.

23 Q. Et vous parlez de groupes ou d'individus ?

24 R. Ils ont reçu leurs armes directement de la JNA.

25 Q. Les forces paramilitaires serbes s'étaient emparées de Brcko. A ce

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1 moment-là après la prise de la ville, où ces hommes sont-ils restés ?

2 R. Les forces paramilitaires de Brcko qui étaient arrivées vers le milieu

3 du mois d'avril 1992, avaient installé leur QG à la garnison de la JNA.

4 Q. Pendant leur séjour à la garnison, est-ce qu'il y avait des soldats,

5 des officiers de la JNA dans cette garnison, ou est-ce que les bâtiments

6 étaient vides ?

7 R. L'état major du commandement de la JNA se trouvait dans les mêmes

8 locaux de la garnison,

9 Q. Vous parlez ici de soldats réguliers de la JNA, ou de soldats de

10 réserve, des réservistes ?

11 R. C'étaient des officiers de commandement d'active qui se trouvaient à la

12 garnison de Brcko.

13 Q. Mais comment le savez-vous, Monsieur le Témoin ?

14 R. Je suis passé par là tous les jours parce que j'habitais dans le coin

15 et j'ai eu l'occasion de le voir de mes propres yeux.

16 Q. Je vais vous poser des questions à propos de quelqu'un d'autre, de ce

17 monsieur répondant au nom de Dragan. D'après vous -- d'après ce que vous

18 avez dit dans votre déposition, lui et ses hommes, d'où venaient-ils ? Ils

19 venaient de la région, du coin ?

20 R. Non. Le capitaine Dragan, je l'ai reconnu et, d'ailleurs, il s'est

21 présenté en tant que tel. Lui, il venait du côté de Bijeljina. Il était

22 accompagné de tous ceux qui étaient avec lui.

23 Q. Parlant du traitement que vous avez reçu à Batkovic, est-ce que vous

24 avez été bien traités ?

25 R. Mais ça dépendait toujours des personnes, des prisonniers, de ceux qui

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1 étaient de garde et qui avaient pour responsabilité de faire sortir les

2 prisonniers pour les passages à tabac. En ce qui me concerne,

3 personnellement, il me reste des séquelles permanentes, des cicatrices

4 encore visibles aujourd'hui. Et je peux le dire et le redire, j'ai eu de la

5 chance au fond parce que j'ai fait partie de ceux qui ont reçu le moins de

6 coups.

7 Q. Je vais placer une photo sur le rétroprojecteur. Je vais vous demander

8 si vous reconnaissez cette personne.

9 M. AGHA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

10 c'est une photo déjà versée au dossier sous la cote 357, intercalaire 7.5.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. AGHA : [interprétation]

13 Q. Reconnaissez-vous cette personne ? Pourriez-vous dire aux Juges qui

14 c'est ?

15 R. Tout à fait. C'est le capitaine Dragan.

16 Q. Et est-ce ce Dragan que vous avez vu à Brcko ?

17 R. Oui, oui.

18 Q. J'ai ainsi terminé l'interrogatoire principal de ce témoin, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

21 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

22 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

23 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin B-1011, paragraphe 3, de votre

24 déclaration préalable, vous dites que le conflit à Brcko a commencé au

25 cours de la nuit du 30 avril au 1e mai, n'est-ce pas ?

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1 R. C'est à ce moment-là que l'offensive a commencé, pour ce qui est de la

2 prise de la ville.

3 Q. Mais qu'est-ce qui se passait avant puisque vous dites que l'offensive

4 a commencé cette nuit-là ?

5 R. Je dois vous expliquer exactement comment tout ceci a commencé. Vers le

6 milieu du mois d'avril, il y avait eu une séance de l'assemblée municipale

7 de notre ville qui avait été convoquée, à laquelle assistaient également

8 certains délégués. Je pense que ces personnes venaient de Suède et cette

9 séance s'est tenue au centre culturel de Brcko, et là une revendication

10 très explicite a été formulée par les Serbes qui avaient à leur tête le Dr

11 Beli, et cette revendication visait à la division de la ville. Il y avait

12 ces observateurs étrangers qui leur ont conseillé de s'abstenir de faire ce

13 genre de chose et d'essayer de trouver un terrain d'entente. On a

14 interrompu la séance, qui a été reportée à 20 jours plus tard. Il devait y

15 avoir une autre réunion le premier jour ouvrable après les vacances, les

16 jours fériés de mai. En ville, toutes les écoles ont été fermées. Les

17 enfants n'avaient plus besoin d'aller à l'école. Dans l'intervalle -- et je

18 ne sais pas si c'était de Serbie ou de Belgrade qu'ils venaient en tout cas

19 -- des policiers militaires sont venus afin de rétablir "l'ordre dans la

20 ville", pour empêcher des incidents. C'est ce qui était dit. Il y avait

21 parmi ces hommes ce capitaine qui est arrivé. Effectivement, il a aussitôt

22 pris des mesures pour relever de leurs fonctions de direction, de leurs

23 fonctions de responsabilité tous ceux qui n'étaient pas Serbes. Et cet

24 homme était accompagné d'hommes, d'effectif, ayant suivi une formation

25 spéciale et qui était en pleine de combat, donc tenue de camouflage, gilet

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1 pare-balles, fusil automatique. Ils avaient un fusil devant, un sur la

2 poitrine, et en bandoulière, ils avaient un ou deux Zoljas, des lance-

3 roquettes manuels. Ces hommes patrouillaient la ville.

4 C'est ce que je peux dire à propos du début. Il y avait des incidents qui

5 avaient commencé à se produire en ville après cette première réunion de

6 l'assemblée, qui s'était tenue vers le milieu du mois d'avril jusqu'au

7 moment de l'entrée officielle de forces paramilitaires dans notre ville, le

8 4 mai et jusqu'au moment de l'occupation de la ville jusqu'à la rivière

9 Brka qui limitera -- si vous voulez, qui délimite le territoire de notre

10 ville.

11 Q. Fort bien, Monsieur le Témoin. Est-ce qu'il y a des incidents ? Est-ce

12 qu'il y a eu des blessés jusqu'à ce moment-là ? Ce capitaine, c'était

13 toujours ce capitaine Dragan ou c'était quelqu'un d'autre ?

14 R. Non, j'ai vu le capitaine Dragan le 4 et le 5 mai.

15 Q. Donc vous voulez dire que ce capitaine là c'était quelqu'un d'autre, ce

16 n'est qu'un autre ?

17 R. Oui, lui il était en tenue régulière -- tenue militaire et il a même

18 intervenu à la télévision locale.

19 Q. Et qu'est-ce qu'il a dit à la télévision locale ?

20 R. Qu'il avait été envoyé dans notre ville pour empêcher la survenue de

21 conflits.

22 Q. Donc il a dit à la télévision locale que la JNA avait sa présence en

23 ville pour empêcher des incidents, vu le climat qui régnait à Brcko, n'est-

24 ce pas ?

25 R. C'est ça, vu le climat qui régnait -- ou qui commençait à régner en

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1 ville après que les Serbes avaient demandé la division de la ville.

2 Q. Donc, après cette réunion de l'assemblée -- et vous dites qu'il y avait

3 des Suédois qui assistaient -- comment était la vie à Brcko ?

4 R. Normale.

5 Q. Pas d'incident. Vous dites qu'il y avait une réunion de l'assemblée

6 municipale en avril.

7 R. Oui.

8 Q. Et, alors, de cette séance, est-ce qu'à ce moment-là est survenu le

9 premier incident, là où il y avait revendication pour que la ville soit

10 divisée.

11 R. Oui.

12 Q. Je ne me souviens plus du nom de l'homme qui a formulé cette

13 revendication. Je pense que c'était le Dr Beli. C'était un médecin et c'est

14 lui qui a demandé la division de la ville.

15 Q. Et quelle était la fonction qu'il occupait au sein de l'assemblée ?

16 R. Il était le président du parti serbe.

17 Q. Qui était le président de l'assemblée, en tant que telle ?

18 R. M. Ramic.

19 Q. Qui était le vice-président et qui était le président du conseil

20 exécutif de l'assemblée ?

21 R. En vérité, je n'en suis pas trop certain, je ne voudrais pas me

22 hasarder à dire des choses dont je ne suis pas sûr.

23 Q. Mais est-ce que vous avez une explication à nous fournir ? Pourquoi ce

24 Dr Beli, qui était président du parti -- pourquoi voulait-il la division de

25 la ville ? Et quelle est l'explication que lui a fourni ?

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1 R. Il n'a rien dit. C'était simplement la position adoptée par la partie

2 serbe qui voulait la division de la ville. Je ne peux pas vous dire de

3 façon précise le but qu'il recherchait.

4 Q. Et bien, ne nous attardons pas davantage sur cette question, puisque

5 vous affirmez que l'offensive serbe s'est terminée le 4 mai.

6 R. Non officiellement. Elle a commencé le 4 mai, la ville elle a été prise

7 et occupée jusqu'à la rivière Brka, qui divise la ville en deux, rive

8 gauche, rive droite.

9 Q. Ecoutez, je ne comprends pas bien, dans votre déclaration, une chose,

10 je dois donc vous poser une question. Vous dites que la guerre à Brcko a

11 commencé dans la nuit du 30 avril. Maintenant, ici vous affirmez qu'elle a

12 commencé le 4 mai. Vous dites, dans votre déclaration, que ça a commencé

13 dans la nuit du 31 avril, il n'y a pas de 31 avril donc je suppose que vous

14 parlez du 30 avril.

15 R. Je vous ai expliqué. On a fait sauter les ponts au cours de la nuit et

16 ça n'a été qu'un premier signe, et que la session qui devait se tenir après

17 les congés de mai n'allaient pas se faire.

18 Q. Je ne comprends pas, mais qu'est-ce qu'il y a comme rapport entre les

19 ponts et les réunions de l'assemblée municipale ?

20 R. Pour moi, c'était un signe très clair. Il était préférable qu'il n'y

21 ait pas de réunion.

22 Q. Mais qui a fait sauter ces ponts ?

23 R. C'est un Serbe, je dois le dire. C'était un homme qui était venu de

24 Serbie 15 ans plus tôt. Il s'était marié et il habitait à Brcko, il habite

25 encore aujourd'hui, et il est devenu un des ministres de l'assemblée

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1 municipale de Brcko.

2 Q. Mais vous voulez dire que c'était un habitant de Brcko ?

3 R. Oui.

4 Q. Peu importe d'où il venait, vous dites qu'il habitait à Brcko depuis 15

5 ans, c'était un habitant de la ville ?

6 R. Oui.

7 Q. Et pourquoi a-t-il fait sauter les ponts ? Lesquels ?

8 R. Il y en a deux ponts à Brcko qui enjambent la Sava et qui relient la

9 Bosnie à la Croatie. Il y a un pont ferroviaire. Il ne sert que ça, et

10 l'autre permet le transport de marchandise et de passagers.

11 Q. Les forces croates ont-elles fait des incursions en passant par ces

12 ponts auparavant ?

13 R. Pas à ma connaissance.

14 Q. Est-ce qu'il y a eu des livraisons d'armes et qu'est-ce qu'on s'est

15 servi de ces ponts pour faire venir ces hommes de Croatie ?

16 R. J'ai dit, dans ma déclaration préalable, que je n'étais affilié à aucun

17 parti politique. J'ai dit que je ne m'occupais aucunement de politique dans

18 cette absence d'intérêt. Il y a aussi

19 la --

20 Q. Je vous crois, Monsieur le Témoin 1011. Je crois que vous ne vous êtes

21 pas occupé de politique, mais je veux savoir ceci. Une personne qui n'a pas

22 d'intérêt politique, qui habite à Brcko, ne saurait être au courant.

23 Pourquoi est-ce qu'on a fait sauter ces ponts qui reliaient la Bosnie à la

24 Croatie ? Parce que vous savez même, dites-vous, qui les a fait sauter ?

25 Vous avez dit que c'était un homme qui habite toujours à Brcko et qui

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1 occupe un poste important.

2 R. Oui, et je dis que c'est navrant de voir qu'un homme qui a fait une

3 telle chose est toujours à Brcko. Pour ce qui est des ponts avant leur

4 destruction, ces ponts avaient été rendus inutilisables sur la partie

5 croate parce qu'ils font presque 800 mètres de ces ponts.

6 Q. Mais je suppose que ce n'est pas cet homme de Brcko qui les a rendus

7 inutilisables.

8 R. Ce sont les Croates de cette rive-là.

9 Q. Donc au fond ces ponts ils étaient déjà détruits alors.

10 R. Et bien ils ont été rendus inutilisables du point de vue du transport

11 de marchandises ou même de passagers. On a essayé je ne sais pas si c'était

12 un pont suspendu ou un ponton qui a été mis en place en lieu et place pour

13 que les piétons puissent les utiliser pour franchir la rivière.

14 Q. Mais vous avez dit que ces ponts avaient déjà été détruits par les

15 Croates.

16 R. Ils ont été rendus inutilisables.

17 Q. Écoutez, j'ai compris. Est-ce qu'il y a eu des blessés à ce moment-là ?

18 Est-ce qu'il s'est passé autre chose ? Et, troisième question, comment

19 savez-vous que cet homme dont vous avez parlé était l'auteur de la

20 destruction de ces ponts qui avaient déjà été rendus inutilisables ?

21 R. Vous voulez dire de notre côté à nous ?

22 Q. Oui. Comment se fait-il que vous connaissiez l'individu présumé

23 coupable de la démolition de ces ponts ?

24 R. Et bien, je l'ai appris directement. Ce sont ces collègues -- ce sont

25 les partenaires qui l'ont aidé à exécuter cette mission qui me l'ont dit.

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1 Q. Et quand est-ce que vous avez appris ceci ?

2 R. Quelques années plus tard.

3 Q. Vous dites ici -- vous témoignez à propos de quelque chose dont vous

4 avez entendu parler plusieurs années après la survenue de cet événement à

5 Brcko.

6 R. Là je dois dire, mais je le dis avec une ferme conviction. Je pense que

7 la personne, qui m'a relaté la chose, me disait la vérité.

8 Q. Je ne doute pas de votre conviction mais vous avez appris cela de

9 quelqu'un qui vous en a parlé plusieurs années plus tard.

10 R. C'est vrai.

11 Q. Fort bien, Monsieur le Témoin B-1011. Vous dites que la guerre avait

12 commencé au cours de la nuit du 31 avril, disons, ce sera le 30 avril,

13 n'est-ce pas ? Le 4 mai, avez-vous dit des forces serbes avaient occupé une

14 partie de Brcko ? Est-ce que ça veut dire qu'il y a eu des combats qui

15 auraient duré quatre jours, ou est-ce que quelque chose m'échappe ?

16 R. Je vais vous répondre rapidement et clairement. Le 4 mai au matin,

17 d'après ce que j'ai pu voir, et dans la mesure où je me suis déplacé à ce

18 moment-là, j'ai compté 22 personnes au total qui portaient un uniforme --

19 ou 22 uniformes différents. Il s'agissait de réserviste de police d'active,

20 de réserviste de la JNA tous différents volontaires. Et ils tiraient des

21 coups de feu.

22 Les gens ne tiraient que dans le but d'arriver à leurs lieux de

23 destination. Ils sont arrivés ainsi au bord du fleuve Brka qui divise la

24 ville en deux. Ils ont essayé d'avancer. Ils ont été arrêtés à cet endroit-

25 là car ce qui les intéressait avant tout c'était de rejoindre la route de

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1 Belgrade à Banja Luka.

2 Ils ont été arrêtés sur cette route par différents groupes qui formaient

3 des groupes autonomes. Ils ont essayé de faire sortir leurs familles et ils

4 ont essayé de les protéger de ces coups de feu.

5 Q. De quels groupes s'agissaient-ils ? S'agissaient-ils de quelques forces

6 musulmanes ?

7 R. Il s'agissait de groupes composés de cinq à six personnes qui étaient

8 organisés de la sorte et c'est comme ça qu'ils agissaient.

9 Q. Attendez, s'il vous plaît, Monsieur 1011. Vous dites, il y a quelques

10 instants, que vous avec vu 22 uniformes différents ou des hommes qui

11 portaient des uniformes différents. Ils se sont dirigés vers l'autre partie

12 de Brcko, et ensuite ils ont vu des groupes de cinq à six hommes ?

13 R. Evitez, s'il vous plaît, de semer la confusion. Je vous le dis très

14 gentiment. Vous [sic] parlez de 22 hommes en armes portant des uniformes.

15 Vingt-deux hommes en armes portant des uniformes différents qui sont venus

16 capturer la ville. Lorsqu'ils ont essayé de traverser le fleuve Brka parce

17 qu'ils voulaient prendre l'autre côté de la ville, ils ont été arrêtés par

18 ces hommes qui portaient, en général, ou qui arboraient simplement des

19 fusils de chasse.

20 Q. Je comprends fort bien. Vous êtes en train de dire que ces 22 hommes

21 qui portaient des uniformes différents ont tenté de traverser le fleuve et

22 ont été arrêtés par un groupe d'hommes composés de cinq à six personnes qui

23 portaient des fusils de chasse ? Est-ce exact, c'est bien cela, Monsieur

24 1011 ?

25 R. Ecoutez, je vais essayer d'expliquer. Tous les hommes en armes n'ont

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1 pas traversé la ville en vue de prendre l'autre partie de la ville. Puis il

2 s'agissait du corridor entre Belgrade et Banja Luka. Il s'agissait de

3 groupuscules sur place, et cette personne qui avait acquis une certaine

4 réputation dans la région de Bijeljina, Goran Jelisic, cet homme dirigeait

5 les différentes offensives le long de Brcko et du fleuve.

6 Q. Très bien. Ils n'ont pas réussi parce qu'ils ont été arrêtés ?

7 R. Ils n'ont pas réussi ce jour-là.

8 Q. Très bien. Quoi qu'il en soit Brcko, il y a deux parties. Et le village

9 de Brcko s'étend sur l'autre rive, et ils n'ont pas réussis à prendre

10 l'autre rive. C'est parce qu'ils étaient arrêtés -- ils ont été arrêtés ?

11 R. C'est exact. Pas ce jour-là en tout cas. Je parle ici du 4 mai.

12 Q. Et s'ils n'ont pas été arrêtés ce jour-là, quand avaient-ils

13 l'intention à ce moment-là de prendre l'autre partie de la ville ?

14 R. Quelques jours plus tard.

15 Q. Ah bon, quelques jours plus tard. Bien. Au paragraphe 5, vous dites que

16 vous avez été arrêté dans la maison de votre sœur en même temps que 30

17 autres personnes ?

18 R. Non, non. Il ne s'agissait pas de 30 personnes.

19 Q. Bien.

20 R. Vous avez besoin d'une explication supplémentaire ?

21 Q. Non, non, du tout. Vous avez donc voulu vous protéger du combat en vous

22 rendant dans les caves. De quels combats s'agissaient-ils ? S'agissaient-

23 ils du combat entre les différentes parties de part et d'autres du fleuve ?

24 R. Je peux vous répondre. Il s'agissait de groupes d'hommes en armes. Et

25 dans mon cas en particulier, un groupe est venu composer de 15 à 20 hommes

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1 environ. Ils sont arrivés dans un camion de pompiers dans la rue dans

2 laquelle je me trouvais, et différentes personnes sont sorties à ce moment-

3 là. Et ces personnes portaient des uniformes différents. Le capitaine

4 Dragan dirigeait cette équipe d'hommes. Ils sont allés de maison en maison

5 et ils ont fait sortir tout le monde. Ils ont expulsé tout le monde.

6 On a séparé les hommes, tous les hommes. Dans mon cas, nous étions environ

7 une trentaine. On nous a fait sortir de nos maisons et nous avons été

8 emmenés au poste de police, où plutôt, devant le poste de police à 15

9 mètres de l'hôtel Posavina.

10 Q. Bon très bien. Monsieur 1011, vous dites que le capitaine Dragan est

11 venu dans votre maison ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Vous dites qu'il -- que ces hommes portaient -- oui, qu'ils étaient

14 habillés de façon bigarrée, c'est-à-dire qu'ils portaient des pantalons de

15 civils, des jeans et une veste militaire et des bottes ?

16 R. C'est exact.

17 Q. C'est ce qu'ils portaient ?

18 R. Oui.

19 Q. C'est ce que nous avons vu dans -- sur cette photo, mais à quoi

20 ressemblaient-ils ? Et sur cette photo, ils portaient un uniforme, ils ne

21 portaient pas des jeans.

22 R. Ce n'est pas d'après ces vêtements, c'est d'après son visage que je le

23 reconnais.

24 Q. Ah, d'après son visage ?

25 R. Oui. Je peux vous le décrire. Ça à la manière de sa démarche, la

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1 manière dont il s'exprime, les traits de son visage. Je me souviens très

2 bien de lui. Je sais exactement à quoi il ressemble.

3 Q. J'essaie de gagner du temps. Vous avez dit ici qu'il avait environ 45

4 ans, qu'il était mince, svelte, grand, qu'il avait les cheveux courts et

5 qu'il avait un accent anglais, est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Donc c'était un homme svelte et grand, âgé d'environ 45 ans ?

8 R. Oui, environ. Mais je n'ai pas regardé sa carte d'identité. Mais je

9 crois que cela devait correspondre à son âge à ce moment-là en tout cas.

10 Q. Sur la photographie, il porte une casquette. Etant donné que vous avez

11 établi qu'il avait les cheveux courts, il ne portait sans doute pas de

12 casquette à ce moment-là ?

13 R. Lorsqu'il est venu nous voir, ou plutôt, lorsqu'il est venu me voir, il

14 portait cette casquette que nous appelons une casquette

15 -- qui ressemble une casquette de baseball. Il portait des lunettes

16 foncées. Et lorsqu'il s'est présenté, et lorsqu'il nous a donné son nom, il

17 nous a demandé, "Est-ce que je ressemble à un Américain, un gangster ?" Et

18 nous avons tous répondu par l'affirmative. Et il a injurié les Américains,

19 les Etats-Unis. Il a lancé sa casquette et ses lunettes par terre. Et c'est

20 comme ça que j'ai pu le voir.

21 Q. Ces cheveux étaient-ils foncés ou clairs ?

22 R. Plutôt châtains.

23 Q. Etant donné qu'il a témoigné ici, tout le monde a pu voir que ces

24 cheveux sont gris, et il n'a pas les cheveux clairs. Il n'a pas les cheveux

25 foncés. Et c'est un homme trapu. Ce n'est pas quelqu'un que l'on peut

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1 qualifier de svelte et grand, quoi qu'il en soit, il n'est même pas de

2 taille moyenne.

3 R. Vous avez tort, Monsieur.

4 Q. Cela ne me fait rien. Poursuivons. Vous avez également dit qu'il avait

5 un accent anglais. Est-ce que vous parlez anglais vous-même ?

6 R. Non.

7 Q. Alors comment pouvez-vous en déduire qu'il s'était sans doute rendu en

8 Australie ? Sur quoi vous fondez-vous pour arriver à cette conclusion ?

9 Sans doute, il est vrai que bon nombre de personnes parlent l'anglais en

10 Australie. Quelqu'un qui parle très bien l'anglais et qui maîtrise très

11 bien la langue peut établir et distinguer les différentes langues et

12 reconnaître l'accent australien. Comment avez-vous pu en déduire qu'il

13 était allé en Australie ?

14 R. Je n'ai pas déduit cela. J'ai simplement supposé qu'il avait peut-être

15 été un membre d'une unité spéciale ou qu'il avait peut-être participé à

16 différentes choses à ce moment-là, ou qu'il avait peut-être été un membre

17 de la légion étrangère. C'est ce que j'avais supposé à ce moment-là. Et

18 cela s'est avéré vrai par la suite.

19 Q. Très bien, Monsieur 1011. Est-ce que vous parlez ici de choses que vous

20 avez pu lire dans la presse à propos du capitaine Dragan ? Puisqu'il en a

21 parlé ici ? Il a déjà témoigné ici devant ce tribunal. Il nous a dit qu'il

22 venait d'Australie, et cetera.

23 Donc dites-moi, s'il vous plaît, vous l'avez vu, comment auriez-vous pu en

24 déduire qu'il avait peut-être été un membre de la légion étrangère et qu'il

25 était allé en Australie ? Comment pourriez-vous conclure cela ? Et de

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1 surcroît, que c'était un homme grand ? Je crois qu'il est difficile de

2 prétendre cela dans ce cas-ci.

3 R. Je vous en prie. Je sais que je suis quelqu'un de taille moyenne moi-

4 même, et cet homme est plus grand que moi. Et c'est comme cela c'était mon

5 étalon.

6 Et pour ce qui est de son accent, de la manière dont il s'exprime et, à

7 savoir, si son accent était anglais ou non, je crois qu'on l'entend cela

8 encore au jour d'aujourd'hui. Il ne parle pas très clairement.

9 Et je ne le connaissais pas personnellement. Il ne m'intéressait pas. Je

10 n'avais aucune raison de vouloir le rencontrer par la suite. J'ai survécu

11 et voilà tout.

12 Ce qu'il a fait avant et après est quelque chose à propos de quoi je ne

13 suis pas au courant. Je sais en revanche ce qu'il a fait ce jour-là, le 4

14 mai ainsi que le lendemain, le 5 mai. Je ne vous ai pas posé de questions à

15 ce propos lorsque vous dites cela.

16 Q. Je vous demande de vous dire, s'il vous plaît, sur quelle base vous

17 vous fondez pour dire que cet homme faisait partie de la légion étrangère

18 et qu'il s'était rendu en Australie. Et comment pourriez-vous supposer cela

19 quand lorsque vous l'avez vu le 4 mai ?

20 R. J'ai fait une déclaration et à propos de la journée du 4 mai. Et j'ai

21 supposé qu'il était venu de quelque part. Et il est revenu, et cela s'est

22 avéré vrai par la suite. A ce moment-là, je ne le savais pas

23 personnellement jusqu'au moment où il s'est présenté à moi. Je ne savais

24 qui c'était.

25 Q. Vous a-t-il présenté ainsi ? Vous a-t-il dit qu'il venait d'Australie ?

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1 R. Il nous a dit qu'il venait de la région de Bor et Majdanpek.

2 Q. Est-ce qu'il vous a dit cela ? Est-ce qu'il vous a dit qu'il venait

3 d'Australie ?

4 R. Non.

5 Q. Mais vous avez conclu qu'il venait d'Australie.

6 R. Je crois que c'est tout à fait clair d'après son accent. Et j'ai appris

7 par la suite qu'il était allé en Australie.

8 Q. Très bien. Vous avez appris par la suite qu'il était en Australie. Vous

9 avez donc lu la presse ?

10 R. Non.

11 Q. Combien de temps après avez-vous appris qu'il était allé en Australie ?

12 R. En 1993.

13 Q. Autrement dit, un an plus tard.

14 R. En 1993.

15 Q. Vous l'avez appris des journaux ?

16 R. Non.

17 Q. Et vous avez fait votre déclaration en 1998 ?

18 R. Oui.

19 Q. Et maintenant, cinq ans plus tard, vous prétendez qu'il s'agissait du

20 capitaine Dragan, parce que vous dites qu'il s'appelait Dragan, qu'il est

21 venu, vous le dites. Vous ne parlez pas de lui et vous nous dites par votre

22 déclaration qu'il s'agissait du "capitaine Dragan", vous dites simplement

23 Dragan. Est-ce exact, Monsieur 1011, dans votre déclaration qui est datée

24 de 1998 ?

25 R. J'ai déclaré ce qu'il nous a dit et la manière dont il s'est présenté à

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1 nous. J'ai rapporté ces propos. Il se peut que quelques erreurs se soient

2 glissées dedans.

3 Q. Très bien. Donc cinq ans après avoir fait votre déclaration, vous avez

4 réussi à dire qu'il s'agissait du capitaine Dragan.

5 R. J'en suis tout à fait sûr.

6 Q. Et combien de fois l'avez-vous vu à la télévision ? Combien de fois

7 avez-vous vu son portrait qui ressemble à la photographie que l'on vient de

8 vous montrer ainsi que d'autres photos ?

9 R. Je vous ai déjà répondu que cet homme ne m'intéresse pas au plan

10 personnel. Je n'ai aucun problème avec cet homme-là.

11 Q. Bon, très bien. Si vous n'avez aucun problème avec cet homme-là et que

12 cet homme ne vous intéresse pas, alors pourquoi en 1998, parce que vous

13 avez fait votre déclaration, n'avez-vous pas dit qu'il s'agissait du

14 capitaine Dragan ?

15 R. Qu'est-ce que vous êtes en train de dire, que je n'ai pas dit qu'il

16 s'agissait du capitaine Dragan ? Je l'ai dit d'emblée.

17 Q. Alors retrouvez-moi le passage, s'il vous plaît, dans votre

18 déclaration.

19 R. Peut-être qu'il s'agit d'une omission qui a été faite au moment où se

20 texte a été tapé, mais j'ai dit mot pour mot que le capitaine Dragan était

21 quelqu'un que j'avais vu de mes propres yeux, le 4 et le 5 mai. Cet homme a

22 fait sortir de chez moi ainsi que d'autres personne lorsqu'il allait de

23 maison en maison.

24 Q. Bien. Mais dans votre déclaration, vous évoquez le capitaine Petrovic,

25 qui était le capitaine de la JNA.

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1 R. Oui, c'est l'officier qui est venu.

2 Q. Oui, cet officier qui est passé à la télévision qui a dit qu'il est

3 venu pour empêcher l'éclatement du conflit ou d'affrontement ?

4 R. Oui. Il a fait cette déclaration à la télévision.

5 Q. C'est le seul capitaine que vous mentionnez dans votre déclaration de

6 1998.

7 R. Il s'agit d'un officier d'active.

8 Q. Et vous évoquez un bon nombre d'autres noms également, et vous ne

9 parlez du grade. Vous parlez de Dragan et vous l'appelez Dragan, vous ne

10 l'appelez pas capitaine Dragan.

11 R. C'est ainsi qu'il s'est présenté.

12 Q. Pourquoi n'avez-vous pas inscrit ceci dans votre déclaration ?

13 R. Ce n'est pas moi qui ai rédigé ma déclaration. Ce n'est pas moi qui

14 l'ai tapée. Peut-être que la personne a omis d'inscrire le terme

15 "capitaine."

16 Q. Très bien. Alors, Monsieur 1011, au paragraphe 7, vous dites qu'au

17 moment de votre arrestation, cet homme était accompagné de 30 autres

18 hommes.

19 R. Je répète ce que j'ai déjà dit : Je n'ai pas dit 30. Dragan était

20 accompagné de deux hommes et nous a rassemblé. Il a rassemblé 30 personnes

21 environ dans la rue, ainsi.

22 Q. Regardez le paragraphe 7 de votre déclaration, s'il vous plaît. Au

23 milieu du paragraphe, on lit une phrase comme suit : "Il y avait un groupe

24 d'une trentaine d'hommes, de soldats qui étaient également dans la région

25 et qui se rendaient dans les différentes maisons en rassemblant les

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1 personnes qui s'y trouvaient."

2 R. Oui.

3 Q. "Et les autres soldats portaient différents uniformes militaires et ils

4 portaient tous des armes à feu." Dites-moi, s'il vous plaît, s'il y a une

5 erreur dans ce texte.

6 R. Non. C'est tout à fait exact. Je suis d'accord avec ceci.

7 Q. Par conséquent, les personnes que vous évoquez n'étaient pas des

8 personnes qui portaient des uniformes. Ils portaient des uniformes

9 bigarrés. Est-ce exact ?

10 R. Oui. C'est exactement ce que j'ai dit.

11 Q. Bon, très bien.

12 R. Est-ce que j'ai besoin de décrire leurs vêtements ?

13 Q. Non, merci. Vous avez donné une description détaillée déjà de ceci.

14 Vous avez dit qu'ils arboraient différents uniformes. Bon, j'aimerais

15 simplement éclaircir un point. Et sur la base de cette description que vous

16 avez fournie au Tribunal, n'est-il pas tout à fait évident qu'il ne

17 s'agissait pas de membres de la JNA ? Ces hommes auraient pu appartenir à

18 une unité de volontaires ou tout autre unité mais des personnes qui ne

19 portaient pas un uniforme, qui portaient toutes sortes d'uniformes

20 bigarrés ne pouvaient pas être des soldats de la JNA. Je vous l'ai dit ici.

21 R. C'étaient des personnes qui étaient habillées comme je l'ai décrit.

22 Q. Est-ce que vous diriez que les réservistes ne faisaient pas partie de

23 l'armée régulière de la JNA ? Mais vous devez savoir que les réservistes

24 portaient des uniformes de la JNA.

25 R. Je sais.

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1 Q. Et même les réservistes ne portaient pas un ensemble de vêtements

2 civils et de vêtements militaires. Ils ne portaient pas les uniformes

3 bigarrés. Vous devez le savoir ça aussi.

4 R. Et bien, différentes personnes portaient différents uniformes. Il n'y

5 avait jamais deux hommes qui portaient les mêmes uniformes et certains

6 portaient même des uniformes de réservistes.

7 Q. Mais vous venez de dire, il n'y avait jamais plus de deux hommes qui

8 portaient un seul et même uniforme ? N'est-ce pas la preuve qu'il ne

9 s'agissait certainement pas de soldats de la JNA s'il n'avait que deux

10 personnes qui portaient le même uniforme ?

11 R. C'est vous qui tirez cette conclusion.

12 Q. Mais vous dites que sur 30 hommes, il n'y en avait que deux qui

13 portaient le même uniforme.

14 R. Oui, c'est ainsi qu'ils étaient habillés.

15 Q. Très bien. Et ensuite, ils vous ont emmené au bâtiment du SUP à Brcko.

16 R. Oui, certains d'entre eux. Oui, un groupe d'entre eux. Ils ne nous ont

17 pas tous accompagné.

18 Q. Et, ensuite, lorsque vous êtes arrivés au bâtiment du SUP, ici nous

19 parlons du paragraphe 11, le capitaine Petrovic, un officier de la JNA, est

20 sorti et a demandé à Dragan pourquoi il vous avait amené devant le bâtiment

21 du SUP. Est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Et après quoi il est reparti à l'intérieur du bâtiment. Il est revenu

24 une demi heure et il vous avait demandé, en arborant un sourire, si vous

25 souhaitiez avoir un café ou un jus d'organe ? Est-ce exact ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et vous dites que vous vous rendiez à l'hôtel Posavina ?

3 R. C'est, effectivement, là où ils nous ont emmenés.

4 Q. A l'hôtel Posavina. Qui vous a emmené à l'hôtel Posavina, la même

5 personne qui vous a emmené au bâtiment du SUP ?

6 R. Non. Je crois qu'il s'agissait, en fait, de gardes qui se trouvaient

7 autour du bâtiment du SUP.

8 Q. Ces gens-là portaient-ils des uniformes différents ?

9 R. Non. Ils portaient de vrais uniformes, mais il ne s'agissait pas de

10 soldats de la JNA non plus. Je ne sais pas très bien ce qu'ils étaient. Je

11 sais simplement comment ils étaient vêtus et je sais qu'ils se sont

12 présentés. Je sais qui était leur chef.

13 Q. Et comment se sont-ils présentés et qui était leur chef ?

14 R. Le capitaine Dragan, c'était les volontaires du capitaine Dragan.

15 Q. Quoi qu'il en soit, il ne s'agissait pas de soldats de la JNA. D'après

16 les informations que j'ai, le capitaine Dragan ne s'est jamais rendu à

17 Brcko.

18 R. Ceci n'est pas vrai.

19 Q. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute que ces hommes n'étaient pas des

20 soldats de la JNA.

21 R. Ces hommes-là ne l'étaient pas.

22 Q. Lorsque vous êtes arrivés à l'hôtel Posavina, vous avez remarqué qu'il

23 y avait des hommes qui portaient des salopettes bleues, est-ce exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Et vous dites que ces salopettes bleues étaient en fait les uniformes

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1 que portaient les volontaires de Dragan ?

2 R. C'est ainsi qu'ils se nommaient.

3 Q. Ils portaient ces salopettes bleues comme si c'étaient des uniformes ?

4 R. Est-ce que vous parlez de soldats ou de volontaires ?

5 Q. Vous pouvez les appeler comme vous voulez. Quoi qu'il en soit, ils

6 portaient des salopettes bleues et, il y a un instant, vous avez dit qu'ils

7 portaient toutes sortes de vêtements et il n'y en avait pas deux qui

8 étaient habillés de la même façon.

9 R. Et bien, je m'attendais à cette question, et je savais que vous alliez

10 la poser. Le capitaine Dragan est allé de maison en maison. Il arrêtait les

11 gens, les uns après les autres. Il était accompagné non pas de ses propres

12 hommes, mais accompagné d'autres hommes venant d'autres unités. Il n'était

13 pas accompagné en tout cas dans ma section de la ville par ses propres

14 hommes.

15 Q. Donc vous avez expliqué tout cela comme bon vous semblait, mais, si ces

16 volontaires à lui -- ou c'était des membres à l'unité qui était la sienne -

17 - portaient tous ces espèces de salopettes bleues marines, comment se peut-

18 il que leur commandant seul n'ait pas porté d'uniformes, mais qu'il ait

19 porté un bleu jean et qu'il était vêtu mi-civil, mi-militaire. Donc les

20 autres étaient en uniformes et lui dans une espèce de vêtement

21 désassemblé ?

22 R. Je n'entre pas dans le détail de leur coutume ou habitude

23 vestimentaire, mais ils avaient pour objectif de s'emparer le plus vite

24 possible de ces localités ou d'en piller le plus possible. Je n'en sais

25 trop rien. Mais toujours est-il que ces volontaires avaient été chargés de

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1 sécuriser les bâtiments du SUPERIEUR, alors que lui-même avait été réalisé

2 des opérations avec d'autres personnes qui elles portaient des uniformes

3 variés.

4 Q. Bien. Je crois que vous avez expliqué tout ceci de façon suffisante

5 pour que nous puissions en tirer les conclusions qu'il faut.

6 Au paragraphe 16, vous indiquez qu'à l'occasion de votre déplacement dans

7 l'hôtel, vous êtes arrivé jusqu'au WC et vous avez remarqué --

8 R. Non, ce n'était pas une fenêtre, c'était une porte.

9 Q. Bon, une porte. Vous avez remarqué quatre cadavres empilés les uns sur

10 les autres ?

11 R. Oui.

12 Q. Le fait d'être empilé, devrait laisser entendre pour ma part qu'ils

13 avaient été apportés de quelque part et placés là ?

14 R. Non. Pour être tout à fait clair, moi-même et le groupe qui a été

15 emmené à l'hôtel, nous avions été le troisième des groupes emmenés ce jour-

16 là. S'agissant des groupes précédents, d'après ce que l'on a pu voir, on

17 pouvait constater qu'ils venaient d'être tués. Ils saignaient encore et il

18 y avait une espèce d'évaporation qui se levait au-dessus de ces corps. Ils

19 étaient encore chauds. Le reste des gens qui avait été emmenés en direction

20 de la garnison et vers des destinations autres fait qu'il y en a qui ont

21 été emmenés vers Loncari, donc à la sortie de la ville en direction de

22 Banja Luka et vers la garnison de Brdjani, et un autre groupe a été emmené

23 vers le village de Rasnjevo, qui se trouvait à quelques dix kilomètres de

24 là.

25 Q. Monsieur 1011, je vous demande de ne pas perdre de vue le fait que je

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1 vous pose des questions à partir de vos déclarations écrites. Etant donné

2 que vous n'avez pas témoigné viva voce, je vous pose des questions au sujet

3 de ce que vous avez déclaré pour ces quatre hommes. Partant de quoi, avez-

4 vous pu constater qu'ils avaient été tués sur place ? A part le fait qu'il

5 y ait eu cette espèce de vapeur qui se dégageait de ces corps-là encore,

6 que pouvez-vous nous en dire encore ?

7 R. Je peux vous dire la conscience tranquille qu'ils ont été abattus sur

8 place. On les avait emmenés là et on pouvait soit ressortir, soit résister

9 ou se disputer avec les hommes en question, et bien, dans ce cas-là, on

10 était liquidé sur le champ.

11 Q. Ecoutez, vous parlez de cette évaporation et, le 4 mai, il fait encore

12 chaud -- il fait déjà chaud, n'est-ce pas ?

13 R. De quelle espèce d'évaporation, cela vient des corps, du sang chaud.

14 Q. Oui, mais quand il y a évaporation, c'est qu'il fait froid, or, le 4

15 mai, il ne fait pas froid.

16 R. Quand vous voyez un homme saigné ou un animal saigné, vous voyez qu'il

17 y a une espèce de vapeur qui se dégage et que la chaleur corporelle est

18 supérieure à la chaleur ambiante.

19 Q. Bien. On va le constater par la suite. Vous avez déclaré cela. Vous

20 avez constaté cela quand vous avez vu les cadavres ?

21 R. Oui.

22 Q. Mais pourquoi ne l'avez-vous pas déclaré tout de suite. Pourquoi le

23 décrivez-vous ? Peut-être était-ce vous qui parliez, quelqu'un d'autre qui

24 l'écrivait ?

25 R. Je n'ai pas écrit en anglais parce que je ne le parle pas.

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1 Q. Mais moi ce que j'ai ici, c'est en Serbe ?

2 R. Non. C'est une traduction.

3 Q. Donc vous avez parlé l'anglais.

4 R. Non.

5 Q. Vous avez parlé en Serbe ?

6 R. Oui.

7 Q. Et ils ont écrit en anglais ?

8 R. Bien, il devait avoir un interprète.

9 Q. "Lorsque nous sommes arrivés à l'hôtel, on vous a dit que vous pouviez

10 vous servir des VC de l'hôtel. Et lorsque vous avez été là-bas, vous avez

11 vu par la porte quatre cadavres empilés l'un sur l'autre ?"

12 R. Oui.

13 Q. Et c'était tout des hommes portant des vêtements civils ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous dites que : "Vous n'avez reconnu aucune de ces personnes."

16 R. C'est bien cela.

17 Q. Pouvait-il tout de même avoir été emportés d'ailleurs ?

18 R. Non.

19 Q. Permettriez-vous la possibilité qu'il ait pu s'agir de combattants

20 serbes qui avaient été tués à l'occasion des combats parce que le motel

21 avait été sous le contrôle des Serbes ? Ils auraient pu être emportés là et

22 il aurait pu s'agir de combattants serbes tués aux combats ?

23 R. En aucun cas.

24 Q. Mais vous n'avez reconnu personne. Vous le dites vous-même.

25 R. Je ne pouvais pas les reconnaître pendant qu'ils étaient empilés les

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1 uns sur les autres et le ventre contre le sol.

2 Q. Mais vous n'avez reconnu personne. C'est un fait et vous ne voulez pas

3 admettre qu'il ait pu être possible que ces gens-là aient été apportés

4 d'ailleurs.

5 R. Ils n'ont certainement pas été apportés.

6 Q. Avez-vous entendu avant cela des coups de feu ?

7 R. Dans la partie de la ville d'où nous étions venus il y a eu des coups

8 de feu que l'on tirait pour renforcer leur sécurité, pour bien marquer qu'à

9 certains endroits il y avait des gens qui s'étaient embusqués pour

10 contrôler les déplacements.

11 Q. Mais avez-vous entendu des coups de feu vers l'hôtel ?

12 R. Non, pas à ce moment-là.

13 Q. Mais si vous n'avez pas entendu des tirs à l'hôtel et si on a retrouvé

14 des gens là-bas morts, il est probable qu'il n'est pas pu être tué là parce

15 qu'on ne leur a pas tué dessus pendant qu'ils étaient à l'hôtel. Donc vous

16 étiez à l'hôtel, vous n'avez pas entendu de coup de feu.

17 R. Ecoutez, je tiens à le dire, j'étais dans le troisième groupe qui a été

18 amené là-bas. Avant nous, il y a eu deux groupes ce qui fait qu'il est fort

19 possible qu'ils aient été apportés ces cadavres et cette possibilité doit

20 être rejetée. Donc quoiqu'il en soit ils étaient tués.

21 Q. Mais une fois arrivé à l'hôtel, je suppose que vous n'êtes pas tout de

22 suite aller aux toilettes, mais que vous y avez passé un certain temps.

23 R. Une demie heure ou une quarantaine de minutes, et ce n'est que là qu'on

24 m'a autorisé à aller aux toilettes.

25 Q. Donc, si vous avez passé 40 minutes à l'hôtel et si, pendant ces 40

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1 minutes, vous n'avez pas entendu de tir et une fois aller aux toilettes,

2 vous avez vu par la porte ces quatre cadavres. Ces cadavres même sur le

3 plan théorique ne pouvaient être tués à l'hôtel pendant les 40 minutes

4 précédentes parce que vous n'avez pas entendu de tir.

5 R. Ils n'ont pas été tués pendant les 40 minutes en question, ils ont été

6 tués avant que nous arrivions.

7 Q. Mais vous dites qu'ils saignaient encore ?

8 R. Oui.

9 Q. Donc quelqu'un les avait apportés ?

10 R. Ce n'est pas vrai.

11 Q. Fort bien, Monsieur 1011. Nous avons constaté une chose. Vous n'avez

12 pas entendu de coup de feu de tirer pendant que vous étiez à l'hôtel et

13 vous avez passé au moins 40 minutes à l'hôtel avant que d'avoir vu les

14 quatre cadavres en question.

15 R. A peu près 40 minutes, pas plus.

16 Q. Très bien. Ensuite, vous dites, au paragraphe 17, qu'à un moment donné

17 : "Goran Jelisic est arrivé à l'hôtel en compagnie d'une citoyenne

18 originaire de Brcko, une certaine Monika," n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Les deux étaient des Serbes locaux ?

21 R. Monika était de cette localité. Elle était née à Brcko, elle avait vécu

22 à Brcko. Goran Jelisic n'était pas de Brcko. Il est arrivé des environs de

23 Bijeljina ce jour-là.

24 Q. Mais peu importe, de toute façon, lui il a été jugé ici, on sait très

25 bien d'où il est originaire, et la chose n'est guère contestée pour ce qui

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1 est de savoir ses origines. Mais les deux étaient de la région ?

2 R. De Bosnie et de Serbie, il y a peut-être 50 kilomètres d'écart.

3 Q. Bien. Et quoique étant armé ces deux-là, ainsi que trois soldats qui

4 étaient en leur compagnie, ils portaient, eux aussi, des uniformes

5 différents, ils portaient des parties d'uniforme variées, n'est-ce pas ?

6 R. C'était plutôt caractéristique pour la plupart de ceux qui se

7 trouvaient ce jour-là à Brcko.

8 Q. Bien. Cela signifie que ni Jelisic, ni la dénommée Monika ainsi que les

9 personnes présentes autre se trouvant là, n'étaient pas des membres de la

10 JNA, n'est-ce pas ?

11 R. Il est probable que non.

12 Q. Bien. Vous affirmez que Jelisic était très en colère parce que l'un de

13 ses amis avait été tué à l'occasion des combats qui s'étaient déroulés à

14 Brcko.

15 R. Je ne peux pas affirmer qu'ils ont été tués, mais on les a empêchés de

16 passer, on les a empêchés d'arriver jusqu'à l'hôpital de Brcko. Et, de

17 Brcko, il y a une route en direction de Banja Luka qui était libre pour ce

18 qui est de son utilisation. C'était la route qui reliait Belgrade, Brcko et

19 Banja Luka.

20 Q. Oui, mais vous ne pouvez pas dire si, oui ou non, ils l'étaient et, au

21 point 18, vers la fin du paragraphe 18, vous avez dit que Jelisic était

22 très en colère, et ceux qui étaient en sa compagnie vous ont dit, par la

23 suite, que quelques uns de ses combattants étaient morts dans les

24 tentatives qui visaient à déplacer des lignes tenues par les Serbes en

25 direction de l'hôpital.

Page 30246

1 Donc la question que j'ai posée -- je l'ai posé à partir de ce que vous

2 avez rédigé ici -- vous avez indiqué vous-même que certains de ses

3 camarades étaient morts ?

4 R. Ecoutez, moi, je déclare ce que ces soldats-là, qui étaient avec Goran

5 Jelisic et qui étaient venus avec lui, nous ont dit : c'est ainsi que la

6 bagarre a commencé et que le passage à tabac a commencé, des personnes qui

7 étaient debout là-bas.

8 Q. Mais, attendez, admettrez-vous qu'il se peut que ces morts, dont vous

9 avez parlés tout à l'heure, étaient précisément les hommes -- ces hommes à

10 lui qui avaient été tués au combat ?

11 R. Non.

12 Q. Donc vous excluez complètement cette possibilité ?

13 R. Oui, complètement.

14 Q. Partant de quoi excluez-vous cette possibilité ?

15 R. Parce qu'il était venu en colère, mais, avant qu'il ne soit arrivé,

16 nous avons vu ces gens-là.

17 Q. Mais vous n'avez pas vu ces gens-là avant son arrivée ?

18 R. Avant que lui ne revienne à nous et ne commence à nous battre, nous

19 avions vu ces gens, nous avions vu ces cadavres, à mon avis, on attendait

20 que lui arrive pour savoir ce qu'il adviendrait de nous même.

21 Q. Bien. Donc vous excluez toute possibilité pour ce qui est des cadavres

22 que vous avez vus, que cela ait pu être ses hommes à lui.

23 R. Je crois que cela avait été juste un prétexte parce qu'il n'avait pas

24 pu s'emparer de cette communication routière.

25 Q. Vous dites, au point 25, que, quand vous êtes passé à la terrasse de

Page 30247

1 l'hôtel, vous aviez remarqué que Jelisic portait un pistolet dans une gaine

2 à sa hanche et --

3 R. Attendez, je vous en prie, lui avait un pistolet et Monika portait ce

4 pistolet automatique, appelé Scorpion. Ne nous égarons pas.

5 Q. Donc Jelisic avait un pistolet et Monika elle avait un Scorpion, n'est-

6 ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Bien. Et vous avez vu à ce moment-là que Jelisic se servait d'une

9 batte de policier de matraque de policier pour frapper les gens.

10 R. Oui. Il avait cette matraque à la main.

11 Q. Et vous avez été témoin du meurtre de Sadik Ljaljic un Musulmans de

12 Brcko.

13 R. Oui.

14 Q. Bien. Qui a tué Sadik Ljaljic ? Les avez-vous vus ces gens là ?

15 R. Précisément, c'était les gens qui avaient sécurisé le bâtiment du SUP,

16 ces gens qui portaient des salopettes bleu marin.

17 Q. Quand est-ce que cela est arrivé ?

18 R. Cela est arrivé le 4 mai vers 1 heure de l'après midi.

19 Q. Où vous trouviez-vous ?

20 R. J'étais à la terrasse du vieil hôtel. On peut voir cette terrasse de

21 nos jours encore.

22 Q. Mais où se trouvait le dénommé Ljaljic une fois tué ?

23 R. Il avait été amené de sa maison et sa maison se trouve à deux maisons

24 plus loin du bâtiment de SUP.

25 Q. Mais vous dites que ces combinaisons bleues avaient fait cela.

Page 30248

1 Pourquoi, au paragraphe 28, dites-vous que c'était là l'œuvre de gens qui

2 étaient commandés par Dragan ?

3 R. Je puis le dire parce qu'eux mêmes avaient dit que c'étaient des

4 volontaires du capitaine Dragan.

5 Q. Ceux qui ont tué le dénommé Ljaljic, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Bien. Une fois que vous avez été éloigné de cette terrasse de l'hôtel

8 et que vous avez été emmené vers le parc de cet hôtel --

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez été abordé par un certain Mile Gatarevic ?

11 R. Oui.

12 Q. Un citoyen de Brcko, un concitoyen à vous ?

13 R. Oui.

14 Q. Et il était en compagnie de deux autres hommes, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Mais ce Gatarevic non plus n'avait pas d'uniforme, il avait des

17 vêtements civils.

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Donc lui non plus n'était pas membre de la JNA.

20 R. Non, je suppose que ce n'était pas le cas puisqu'il n'était pas même

21 réserviste.

22 Q. Fort bien. Et, une fois qu'il vous avait convié à venir avec lui, c'est

23 ce que vous avez fait ?

24 R. Oui.

25 Q. Et, au moment où vous entriez dans le bâtiment du SUP qui se trouve à

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1 50 mètres de là --

2 R. Oui, par rapport à l'hôtel.

3 Q. Vous avez entendu une rafale tirée depuis la terrasse de l'hôtel ?

4 R. C'est cela.

5 Q. Vous vous êtes tourné instinctivement en direction du lieu de tir et

6 vous avez remarqué Goran Jelisic devant un groupe de personnes sur la

7 terrasse.

8 R. De quel groupe ?

9 Q. Je n'ai pas dit "roupe", mais "groupe". Et donc c'est lui qui les a

10 tués, c'est ce que vous affirmez ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais attendez. N'avez-vous pas dit qu'il avait été armé d'un pistolet ?

13 R. Oui. Il avait pris à Monika ce pistolet automatique appelé Skorpion, et

14 pendant que nous étions encore sur la terrasse. Il l'a fait pendant que

15 nous étions encore sur la terrasse de l'hôtel.

16 Q. Donc il pris l'arme de quelqu'un d'autre, et il a abattu ces gens-là ?

17 R. Il va s'en dire que les deux coopéraient de façon très étroite.

18 Q. Et vous avez alors vu les gens tomber à terre ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires pour moi-même, pendant

21 que vous entriez au bâtiment du SUP, vous avez entendu cette rafale.

22 R. Oui.

23 Q. Et l'autre vous a dit, ne vous retournez pas, celui qui vous escortait.

24 R. Il nous a lancé un avertissement. Il n'a pas voulu que nous soyons

25 remarqués.

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1 Q. Bien. Et vous vous êtes retournés quand même. C'était un réflexe. Et

2 vous avez remarqué Jelisic avec une arme à la main qui se tenait debout à

3 côté de ce groupe d'hommes qui étaient eux aussi debout, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous ne l'avez pas donc vu tirer ?

6 R. Au moment --

7 Q. Mais quand vous vous êtes retourné, vous ne l'avez plus vu tirer ?

8 R. Je vais vous expliquer. Au moment où j'ai entendu cette rafale, je me

9 suis retourné. Et j'ai vu Goran avec ce pistolet automatique et des

10 personnes en train de tomber, de s'effondrer. Personne d'autre autour de

11 lui n'avait ouvert le feu. C'est lui qui avait donné des ordres. Si quoi

12 que ce soit arrivait pendant que j'étais encore là-bas, donc quiconque

13 essayait de bouger du pied de la main, ils devaient être forcément abattu

14 sur place.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez encore deux minutes à votre

16 disposition, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je vais alors essayer de les mettre à

18 profit ces deux minutes-là, Monsieur May.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Vous nous dites que des gens étaient là, alignés en deux rangées sur la

21 terrasse de l'hôtel.

22 R. Le groupe où j'étais debout, il était en effet -- se tenait là en deux

23 rangées.

24 Q. Et vous dites que le groupe que Goran Jelisic aurait abattu, il y avait

25 deux rangs ou deux rangées de personnes qui se tenaient là.

Page 30251

1 R. Oui. C'est exact.

2 Q. Mais quand l'avez-vous vu prendre possession de l'arme à Monika ?

3 R. Pendant que j'étais encore dans la file, avant que l'on ne m'est mis de

4 côté pour aller vers le parc.

5 Q. Et au paragraphe 35, vous dites que Jelisic se trouvait sur la terrasse

6 de l'hôtel à côté des hommes abattus.

7 R. Quand ?

8 Q. Au moment où vous avez entendu cette rafale.

9 R. Il était devant eux.

10 Q. Il était devant eux ? Mais vous ne l'avez pas vu tirer sur eux ?

11 R. Au moment, et je crois m'être bien m'exprimer : Au moment où j'ai

12 entendu des coups de feu, je me suis retourné par réflexe, et j'ai vu Goran

13 avec cette arme automatique, et j'ai vu des gens s'effondrer.

14 Q. Mais dans la phrase suivante, vous dites que d'autres soldats étaient

15 tombés à terre, et c'était juste à côté de Jelisic.

16 R. Oui. Il y avait cette espèce de sentier. La terrasse est au rez-de-

17 chaussée. C'est l'entrée même de l'hôtel. Il y a peut-être que deux marches

18 à monter.

19 Q. Mais attendez. Etait-il seul à ce moment-là ou pas ? D'après ce que

20 j'entends et d'après ce que je puis lire, je crois comprendre qu'il n'était

21 pas seul, qu'il devait y avoir encore au moins dix personnes armées à ses

22 côtés.

23 R. Ecoutez, je vous en prie, et je vous le dis une fois de plus : Goran

24 Jelisic se tenait sur cette terrasse avec Monika. Deux marches plus bas, à

25 côté du sentier, il y a moins de cinq mètres du parc, et de là il y avait

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1 des hommes également armés qui avaient reçu l'ordre de sa part disant que

2 toutes personnes essayant de faire quoi que ce soit devaient être abattues

3 immédiatement. Donc il était là pour sécuriser, lui permettre de sécuriser

4 les lieux et lui permettre de faire ce qu'il a fait.

5 Q. Bien. Mais après cette conversation au bâtiment du SUP, on vous a

6 relâché. Vous êtes rentré chez vous ?

7 R. C'est exact.

8 Q. Est-ce qu'on vous a battu au SUP ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous avez passé un mois chez vous ?

11 R. J'y ai passé même deux mois et demi.

12 Q. Donc après cela --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien. Ce sera votre dernière

14 question, Monsieur Milosevic.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. On vous a laissé rentrer chez vous après cet interrogatoire ?

17 R. Oui.

18 Q. On ne vous a pas battu ? Et vous êtes resté encore deux mois et demi

19 chez vous, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Et vous affirmez qu'on vous a envoyé au camp de Batkovic où vous avez

22 passé trois mois. Et de là, vous avez également été relâché.

23 R. Je vais être tout à fait clair. Ils sont venus me chercher pour essayer

24 de faire une sorte de recensement, de listing des logements. Parce que je

25 n'étais pas dans mon logement, j'étais dans la maison parentale, chez ma

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1 sœur qui se trouvait tout près. On m'a retrouvé là. Et le 4 mai, lorsqu'ils

2 sont revenus, ils nous ont ramassés en disant que nous étions rassemblés

3 pour effectuer des travaux dans les parages de Bijeljina.

4 Q. Bien. --

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Cela suffira.

6 Monsieur Tapuskovic, ou plutôt, Monsieur Kay, plutôt.

7 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

8 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, quelques questions que je voudrais

9 soulever. Je me suis penché sur le paragraphe 17 de votre déclaration en

10 langue anglaise. Vous y décrivez Goran Jelisic à l'hôtel en compagnie de

11 Monika. Il portait des armes à feu, et il portait des éléments de vêtement

12 militaire. Je vous demanderais de vous concentrer sur la question que je

13 vous pose.

14 "Jelisic," avez-vous dit, "était en colère." Par la suite, on vous a dit

15 que plusieurs de ses combattants étaient tombés au combat dans la tentative

16 de déplacer -- de faire avancer les lignes serbes en direction d'un

17 hôpital, et pour traverser un pont.

18 Alors je voudrais savoir si vous êtes en mesure de dire à la Chambre s'il y

19 a eu une sorte de conflit ou de confrontation à l'époque là-bas. Qu'en

20 savez-vous ?

21 R. Lorsque Goran est revenu, lui et les siens, ses combattants - pour ne

22 pas les désigner autrement - avaient donné des informations au terme

23 desquelles ils avaient essayé de s'emparer de cette voie de communications,

24 et qu'ils avaient été interceptés par un groupe d'hommes. Ils ont dit qu'il

25 y avait des morts, mais s'il y avait eu des morts, on les aurait emmené là

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1 pour qu'on les voie, parce qu'il y avait un grand slogan de leur part

2 disant qu'eux étaient tués, et qu'eux ne faisaient rien en revanche. Alors

3 ça n'a pas marché. Ils sont revenus en colère, et ils ont manifesté cette

4 colère à l'encontre des personnes qui étaient présentes.

5 Q. Penchons-nous maintenant sur le paragraphe 29. Il s'agit de la même

6 chose. Il s'agit d'exécutions et de conflit. A la fin du dit paragraphe,

7 vous indiquez qu'ils avaient mentionné un incident où des soldats serbes

8 avaient été tués.

9 Pourriez-vous indiquer à la Chambre de quoi il s'agissait ? De quoi

10 avaient-ils parlé ? Etait-ce là un incident où des soldats serbes avaient

11 été tués ?

12 R. Dans la majeure partie de mon témoignage, j'ai indiqué qu'ils avaient

13 essayé de s'emparer d'une communication routière allant de Belgrade et

14 passant par là pour aller à Banja Luka. La seule communication routière

15 pour y aller, était le passage de Brcko. Il n'y avait pas d'autre

16 communication.

17 C'est la raison pour laquelle ils avaient essayé de s'emparer de ces routes

18 pour établir une communication entre la Krajina et la Bosnie orientale, et

19 plus loin encore la Serbie.

20 Q. Seriez-vous en mesure de nous aider et nous dire qui est-ce qui s'était

21 battu ? Entre qui et qui y a-t-il eu des combats lorsque ces hommes ont été

22 tués ?

23 R. C'est eux qui avaient affirmé qu'ils avaient eu des morts. Pour être

24 concret, Goran Jelisic et son groupe d'hommes ont essayé d'opérer cette

25 percée. D'autre part, les gens qui sont originaires de ce secteur savent

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1 fort bien les quartiers de la ville, toutes les rues, tous les buissons, et

2 c'est probablement là qu'ils ont été interceptés et qu'il leur a été fait

3 obstacle à la prise de cette route. C'est pour cela qu'ils sont revenus en

4 colère et c'est pour cela qu'ils ont tué les hommes qu'ils ont tués à la

5 terrasse du vieil hôtel Posavina.

6 M. KAY : [interprétation] Merci. Je n'ai plus d'autres questions. Je n'ai

7 pas d'autres questions à poser.

8 Nouvel interrogatoire par M. Agha :

9 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez mentionné le fait que la

10 JNA était venue là parce qu'elle avait voulu prévenir tout conflit.

11 Lorsqu'ils sont arrivés, combien de combats y avaient-ils en cours à

12 Brcko ?

13 R. Etant donné que j'ai vécu là-bas avant et pendant ces événements, je

14 n'ai pas eu connaissance de combat quelconque. Il y a eu des tentatives

15 d'organiser des provocations mais cela s'est fait de la part de gens qui

16 étaient venus à la garnison, à la garnison militaire de Brcko. J'entends où

17 ils ont été installés. C'étaient des gens qui avaient reçu une formation

18 spéciale et cette armée, et celle-là ils déambulaient autour, ils dormaient

19 sur place et ils avaient l'ordre d'aller patrouiller dans certains

20 quartiers de la ville pour y procéder à des contrôles.

21 Il se peut, or, je ne peux pas l'affirmer pour sûr mais il se peut qu'entre

22 eux, il y ait eu des rictus, des affrontements et même des coups de feu

23 déchargés. Mais il n'y a pas eu de meurtres. Cela s'est fait après

24 l'arrivée de ces unités spéciales dans la ville.

25 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que ces paramilitaires serbes avaient

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1 été hébergés à la caserne de la JNA où il y avait le commandement de la

2 JNA. Sont-ils restés là après l'incident où il y a eu ces tirs à l'occasion

3 de quoi Jelisic a tué les gens devant l'hôtel ?

4 R. Oui. Ils avaient des dortoirs militaires à leur disposition. C'est là

5 qu'ils dormaient, c'est là qu'ils se rassemblaient. Et c'est à partir de là

6 qu'ils s'en allaient pour accomplir leurs missions ou lancer des

7 offensives, conduire des combats.

8 Q. Vous avez mentionné le fait que Jelisic était originaire de Bijeljina.

9 Pourriez-vous nous donner un autre exemple de chef de paramilitaires qui

10 était originaire de Bijeljina et que vous auriez vu à Brcko à l'époque ?

11 R. Il y en avait un qui avait pour surnom, Mauzer. Je ne connais pas son

12 nom véritable, ni son nom de famille d'ailleurs, ni son prénom. Mais tous,

13 les siens compris, s'adressaient lui en l'appelant Mauzer.

14 Q. Vous nous avez dit que vous connaissiez la personne qui avait fait

15 sauter les ponts. Saviez-vous à quel parti politique appartenaient ces

16 gens-là ?

17 R. Tous avaient opté en faveur du Parti radical serbe ou en faveur du SDS,

18 ce qu'il était qu'on nous appelait le Parti démocratique serbe.

19 Q. Y a-t-il eu des blessés lorsque l'on a plastiqué ces ponts ?

20 R. Et comment. Il y avait beaucoup de gens qui traversaient le pont.

21 C'était juste avant les fêtes de mai et des gens venaient en autocars du

22 côté croate jusqu'au village de Gunj. Ils traversaient ce pont qui avait

23 été une sorte de pont suspendu. Les autocars étaient accueillis du côté

24 bosniaque pour continuer leurs voyages en Bosnie et regagner leurs

25 localités d'origine.

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1 Il y a eu des gens qui ont péri. On ne peut que supposer quel avait été

2 leur nombre. Mais le fait est que bon nombre de personnes avaient abouti à

3 un endroit des moins ou des plus impopulaires dans cet emplacement appelé

4 Kardijelja [phon].

5 Q. Est-ce que vous connaissiez l'appartenance ethnique de ces gens qui

6 avaient été blessés ?

7 R. Je ne sais pas, mais ils étaient tous de l'ex-Yougoslavie. Et les fêtes

8 du 1er mai étaient célébrées par tout à chacun, quelque soit le groupe

9 ethnique ou l'appartenance religieuse.

10 M. AGHA : [interprétation] Je viens de terminer mes questions

11 supplémentaires, Messieurs les Juges.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci.

13 Monsieur le Témoin B-1011, ceci met un terme à votre témoignage. Nous vous

14 remercions d'être venu témoigner devant ce Tribunal international. Vous

15 êtes libre de vous en aller, mais je vous demande de patienter, d'attendre

16 que les stores soient descendus.

17 Nous allons faire une petite pause d'une demie heure, et lever la séance.

18 [Le temoin se retire]

19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

20 --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au témoin de prononcer

22 la déclaration solennelle.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez vous

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1 asseoir.

2 LE TÉMOIN: MEHMED MUSIC [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Madame Pack, nous allons commencer la

5 déclaration de ce témoin, mais, auparavant, il faudra voir quel est notre

6 emploi du temps. Nous avons prévu des moyens de droit que j'avais prévus à

7 un autre moment, mais peut-être allons-nous discuter de la question.

8 Vous voudrez combien de temps. Maître Kay ?

9 M. KAY : [interprétation] Dix ou 15 minutes.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et, Monsieur Nice, en fonction, bien sûr,

11 des moyens présentés.

12 M. NICE : [interprétation] Bien entendu. Pas très longtemps. Il y a

13 quelques présentations en plus des éléments qui seront évoqués d'autres

14 procès, les affaires Krajisnik et Brdjanin, donc nous allons demander le

15 versement.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça fera trois quarts d'heure en tout ?

17 M. NICE : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Madame Pack, vous avez

19 la parole.

20 Interrogatoire principal par Mme Pack :

21 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur le Témoin, veuillez décliner votre

22 identité à l'intention des Juges.

23 R. Je m'appelle Mehmed Music, je suis né à Donji Hadzici, près Sarajevo.

24 Mme PACK : [interprétation] Je vais demander que soit remis le lot de

25 documents en application de l'Article 92 bis du règlement.

Page 30259

1 Q. Monsieur le Témoin --

2 R. Oui.

3 Q. -- avez-vous fourni une déclaration à un des représentants du Tribunal

4 en juin 1997 ?

5 R. Oui.

6 Q. Avez-vous fourni deux déclarations à des autorités de Bosnie en avril

7 1993, ainsi qu'en février 1998 ?

8 R. Oui.

9 Q. Avez-vous eu l'occasion, depuis votre arrivée à La Haye, de parcourir

10 ces deux déclarations préalables dans votre langue ?

11 R. Oui.

12 Q. La teneur de ces déclarations est-elle conforme à ce que vous savez

13 sous réserve de quelques éléments que je vais évoquer dans un instant ?

14 R. Oui.

15 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, une de ces déclarations

16 a fait l'objet d'une déclaration en application du 92 bis, tout ceci

17 relevait d'une requête en application de cet article. Je demande double

18 versement en voie de conséquence.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

20 Mme PACK : [interprétation] Mais, plus exactement, en application de

21 l'Article 89(F).

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce sera fait.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation 615.

24 Mme PACK : [interprétation] Je vais vous lire le résumé de la déposition de

25 ce témoin.

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1 Monsieur est Musulman, il habitait dans le village de Musici, dans la

2 municipalité de Hadzici à Sarajevo, au moment où ont éclaté les hostilités

3 en Bosnie-Herzégovine. Après l'attaque de son village et le pilonnage de ce

4 village par des forces serbes de Bosnie, il a été capturé. Il parle, dans

5 ses dépositions -- dans ses déclarations, de la détention d'un grand nombre

6 de civils musulmans, dont des femmes et des enfants, dans plusieurs

7 installations de détention autour de Sarajevo à partir du 20 mai 1992. Le

8 témoin décrit des assassinats, des interrogatoires, des sévices corporels

9 et autres dont l'imposition de travaux forcés des détenus. Il parle de la

10 présence d'hommes dont il décrit ce sont des hommes d'Arkan à Hadzici, qui

11 ont infligé de mauvais traitements, notamment, des passages à tabac aux

12 détenus qui se trouvaient à cet endroit à la salle du sport de Hadzici.

13 Le 22 juin 1992, le témoin et quelques 280 détenus ont été emmenés à la

14 caserne de Lukavica. Lui même et 47 hommes de son village ont dû franchir

15 une haie de Serbes armés en béret rouge. Vu la façon dont ces hommes

16 parlaient, il s'est dit que les hommes qui portaient le béret rouge

17 n'étaient pas de Bosnie.

18 Ce témoin et d'autres prisonniers ont reçu des coups au moment où ils

19 franchissaient cette haie. Il est arrivé dans une pièce où il a vu les

20 autres détenus qui avaient franchi cette haie avant lui, et qui étaient

21 alignés le long du mur. Il y avait des officiers à une table au milieu de

22 la pièce, l'un de ces officiers portait un couvre-chef avec un insigne

23 similaire à ceux de Serbie, un autre de ces officiers parlait avec l'accent

24 monténégrin, les officiers l'ont renvoyé pour qu'il franchisse à nouveau la

25 haie, disant qu'il n'avait pas cité son nom. Les 47 autres hommes dont le

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1 frère du témoin n'ont plus été revus depuis.

2 Le témoin dira qu'il a régulièrement vu des soldats ou des soldats

3 réguliers de la JNA à la caserne de Lukavica pendant sa détention.

4 Il a vu des hommes armés venant de Serbie et de Monténégro pour le week-

5 end, et qui repartaient le lundi. Ces hommes il a dit que c'était des

6 "Chetniks de week-end" pouvaient être reconnus, par la façon dont ils

7 parlaient comme originaires de Serbie et de Monténégro. A la caserne de

8 Lukavica, il a également vu des hommes d'Arkan.

9 Mme PACK : [interprétation] Puis-je poser quelques questions

10 supplémentaires ?

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

12 Mme PACK : [interprétation] Je voudrais que soit montré au témoin

13 l'intercalaire 1, du lot de documents en application du 92 bis. Pourriez-

14 vous indiquer au témoin quelle est la pièce concernée ici, c'est la

15 deuxième déclaration, celle de juin 1997 -- la deuxième déclaration

16 préalable.

17 Q. Monsieur le Témoin, veuillez examiner le paragraphe 8, dans la version

18 B/C/S' de votre déclaration au préalable. Vous y parlez d'un incident

19 survenu en mars 1992, incident qui s'est produit dans un champ à proximité

20 de votre propriété. Pourriez-vous corriger la date qui est mentionné dans

21 ce paragraphe ?

22 R. Oui. Oui. Je peux apporter une correction pour ce qui est de la date.

23 Ceci s'est passé vers le milieu du mois de septembre 1992. Mes enfants

24 allaient à l'école à ce moment-là et c'était après la Nouvelle Année. Mon

25 père et trois frères vivaient à côté de chez moi.

Page 30262

1 Q. Mais je voulais vous poser une question à propos de l'étranger que vous

2 avez vu, de cet inconnu que vous avez vu dans le champ. Pourriez-vous

3 décrire ses vêtements ?

4 R. Il était en tenue de la JNA. Il avait des jumelles. Il avait un sac

5 militaire, une carte militaire et il inscrivait certaines cotes. Il

6 regardait à gauche, à droite, et il prenait des notes. Deux de mes voisins

7 sont allés par un côté, moi de l'autre et j'ai demandé à cet homme ce qu'il

8 faisait. Et il a dit : "Je fais mon travail habituel." Je lui ai demandé

9 d'où il était, il a dit : D'être de Catina," -- Catina Bara -- "Cata's

10 Marshes".

11 Q. D'après vous, c'était un homme de Bosnie ?

12 R. Non. Non. Parce qu'il avait l'accent différent. Il parlait l'ékavien.

13 Il n'était pas rasé. Il ne s'était pas rasé depuis peut-être un mois. Il

14 s'est dirigé vers la maison de mon voisin, Gavro. Ils sont restés là un

15 certain temps. Ils ont chanté des chants assez provocateurs et puis il est

16 resté là.

17 Q. Que vous a-t-il dit ?

18 R. Il disait qu'il s'acquittait de ses fonctions, qu'il exécutait un

19 ordre.

20 Q. Monsieur le Témoin, veuillez consulter votre déclaration une fois de

21 plus, cette fois-ci le paragraphe 46. Vous dites à cet endroit avoir vu des

22 hommes que vous décrivez comme des hommes de Arkan, à la salle des sports

23 de Hadzici. Avez-vous pu déterminer d'où venaient ces hommes ?

24 R. Nous avons appris qu'ils étaient de Serbie, ne serait-ce qu'en juger

25 par leur accent. Il y avait quelqu'un de Bosnie, un certain Salihic qu'il

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1 l'a reconnu. Ils étaient amis. Je ne sais pas où ils s'étaient rencontrés.

2 Il lui a mis le bras autour des épaules. Il a dit : "Tu es le seul de bien

3 parmi eux." Il a commencé à nous provoquer. Mais il y avait aussi une femme

4 Ljilja avec lui. Elle était le professeur de gymnastique de ma fille. Je ne

5 sais pas si ces gens étaient ivres ou pas. En tout cas, ils faisaient des

6 choses que je ne veux même pas évoquer ici.

7 Q. Merci. Veuillez maintenant examiner le paragraphe 74, de votre

8 déclaration au préalable.

9 R. Oui.

10 Q. Une fois de plus, je ne vous demande pas de nous décrire ce qui s'est

11 passé à Lukavica, tout ceci est déjà indiqué dans ces paragraphes de votre

12 déclaration. Mais, au paragraphe 74, vous parlez d'hommes en bérets rouges.

13 Avez-vous pu déterminer par la suite d'où ces hommes venaient ?

14 R. De Serbie.

15 Q. Comment l'avez-vous appris ?

16 R. Par leur accent, par la façon dont ils m'insultaient. Ils m'ont demandé

17 où était mon fils ou mes fils sur la ligne de front, et j'ai répondu que je

18 n'avais pas de fils, que je n'avais que des filles.

19 Mme PACK : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à ce

20 témoin. Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack, quelle est la pertinence de

22 ces dires au regard de l'acte d'accusation ? Ce témoin parle de quel

23 incident précis dans l'acte d'accusation ?

24 Mme PACK : [interprétation] Il ne parle pas d'incident précis pour ce qui

25 est des annexes à l'acte d'accusation.

Page 30264

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

3 parole.

4 Voici ce que nous allons faire. Vous pouvez commencer le

5 contre-interrogatoire, mais à midi moins quart, nous allons nous arrêter et

6 nous aurons la discussion juridique. Vous pourrez poursuivre après la

7 pause.

8 Vous avez la parole.

9 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

10 Q. [interprétation] M. Music, vous avez fait trois déclarations au sujet

11 d'un seul et même événement comme l'a précisé Mme Pack, tout à l'heure.

12 R. Oui.

13 Q. La première déclaration est, du 18 avril 1993, au ministère de

14 l'Intérieur, service de Sûreté publique à Hadzici ?

15 R. Oui.

16 Q. Cela s'est passé cinq mois à peine après l'échange au sujet duquel vous

17 avez dit que cela est survenu, le 5 novembre 1992.

18 R. Oui.

19 Q. Ça c'est votre première déclaration. La deuxième déclaration, vous

20 l'avez faite auprès des enquêteurs d'ici à deux reprises, le 16 juin et le

21 26 juin 1997, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Donc moins de cinq ans après les événements au sujet desquels vous êtes

24 en train de témoigner ?

25 R. Oui.

Page 30265

1 Q. Et c'est, en février 1998, que vous avez fait une déclaration auprès

2 d'une agence chargée de la documentation et des recherches à Sarajevo ?

3 R. Oui.

4 Q. Maintenant, au sujet de ces déclarations que vous avez faits, auprès

5 des enquêteurs en 1997, je voudrais vous poser plusieurs questions. Vous

6 avez d'abord fait une déclaration à deux reprises, le 16 et le 26 juin,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Dites-moi, quelle est la partie de la déclaration que vous avez faite

10 le 16 et quelle est la partie que vous avez faite le 26 ? Pouvez-vous vous

11 en souvenir ?

12 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas m'en souvenir. Mais, écoutez, mais, si

13 vous commencez à me donner lecture, je vais vous le dire.

14 Q. Je ne vais vous faire la lecture de toute la déclaration.

15 R. Vous n'avez pas à faire toute la lecture de toute la déclaration, vous

16 n'avez qu'à commencer.

17 Q. Mais, en somme, vous ne vous souvenez pas laquelle vous avez faite en

18 16 et le 26 ?

19 R. Je vous l'ai déjà dit.

20 Q. Bien. Mais êtes-vous en mesure de m'expliquer de quelle façon vous avez

21 fait cette déclaration ? Est-ce que vous avez, de la même façon, procédé à

22 des déclarations la première et la deuxième fois ?

23 R. Oui. La première et la deuxième fois pareille, mais j'ai dit que,

24 lorsque j'étais au VC à Lidja [phon], avec ces huit autres hommes, j'aurais

25 dit que je sortais normalement pour accomplir des tâches. Nous jetions --

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1 nous vidions les poubelles, nous lavions les véhicules et une fois j'ai vu

2 Poplasen, qui avait amené une voiture. Je l'ai lavée. Il m'avait regardé de

3 côté. Je ne sais pas s'il savait qu'un fils des miens avait été tué à

4 Lukavica ou pas, et c'est là la première fois que j'ai eu des doutes me

5 disant qu'il pouvait m'égorger. Il avait un poignard. Il avait un uniforme

6 de la JNA, ses gros yeux et il portait une cocarde sur cette espèce de

7 couvre-chef large de Serbie. Et quand j'ai terminé mon travail, il m'a

8 donné un paquet de cigarettes. Il ne m'a pas malmené. C'est tout ce que

9 j'ai déclaré en sus à l'occasion de cette deuxième déclaration.

10 Q. Bien. Mais quand vous dites que vous avez vu Poplasen, est-ce que vous

11 avez à l'esprit l'ex-président de la Republika Srpska ?

12 R. Oui. Nikola Poplasen.

13 Q. Vous parlez donc du professeur Nikola Poplasen. Vous saviez

14 certainement qu'il avait été professeur. Il a été, par la suite, élu

15 président de la Republika Srpska. Ça vous le savez sans doute ?

16 R. Vous pouvez le reconnaître quand il est bien rasé et vêtu, mais, quand

17 il porte une barbe, quand il s'est laissé aller, il est difficile de

18 reconnaître quelqu'un.

19 Q. Mais, pour autant que je le sache, il a toujours porté la barbe.

20 R. Il avait une barbe terrible. Ça ne m'avait pas plu du tout, ni sa

21 barbe, ni l'air qu'il avait en me regardant.

22 Q. Mais partant de ce que vous avez raconté, vous lui aurez lavé sa

23 voiture et il vous aurait donné un paquet de cigarettes.

24 R. Oui.

25 Q. Et partant de quoi avez-vous eu des réflexions du style il va

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1 m'égorger ? Vous croyez qu'il a vraiment égorgé quelqu'un dans sa vie ?

2 R. Je pense qu'il n'en a pas égorgé qu'une seule. Dans son comportement et

3 dans le fait de porter un poignard de cette taille, je crois qu'il en

4 mériterait bien plus ou plus de qualificatif que vous n'en croyez.

5 Q. Vous affirmez qu'il aurait égorgé quelqu'un ?

6 R. Je ne l'ai pas vu, je ne peux pas l'affirmer. Je ne puis dire que ce

7 que j'ai vu.

8 Q. Monsieur Music, revenons un peu à ce que vous avez déclaré aux

9 enquêteurs. Vous avez fait une déclaration auprès de ces enquêteurs et est-

10 ce que ça s'est passé sous forme de questions et de réponses de votre part

11 ou alors ils vous ont laissé relater les événements tels que survenus,

12 comme, bon, vous pensiez de les relater ?

13 R. Moi, je relatais mes souvenirs. Je me souviens de toutes les dates et

14 je vais vous répondre avec précision. J'aimerais ne pas avoir à venir

15 témoigner ici, mais c'est de votre faute si je suis ici et si vous êtes ici

16 également.

17 Q. Mais, Monsieur Music, vous n'avez pas répondu à la question que je vous

18 ai posée. Est-ce qu'ils vous ont posé, eux, des questions ou alors est-ce

19 c'est vous qui avez relaté les choses que vous estimiez devoir leur

20 raconter ?

21 R. Ils n'ont pas posé de questions. Moi j'ai parlé des événements que j'ai

22 vécus.

23 Q. Alors, ils ne vous ont pas posé de questions ?

24 R. Pourquoi voulez-vous qu'ils me posent des questions ?

25 Q. Mais ils ne vous ont pas interrompu en vous posant des questions ?

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1 R. Non.

2 Q. Indépendamment de cette date du 16 ou de celle du 26 juin, donc vous

3 avez tout relaté sans qu'on vous pose des questions ?

4 R. De lequel 16 juin vous parlez ?

5 Q. Vous parlez d'une déclaration le 16 et d'une déclaration le 26 ?

6 R. Ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est eux qui l'ont demandé -- qui ont

7 demandé qu'on le fasse ainsi.

8 Q. Mais de tout ce temps-la, ils ne vous ont pas posé de questions, ni le

9 16, ni le 26. Vous avez parlé vous-même ?

10 R. J'ai parlé et j'ai raconté ce que j'estimais devoir leur raconter.

11 Q. Bien. Au paragraphe 1, de votre déclaration, vous avez

12 dit : "Que vous aviez lu cette déclaration du 18 avril de l'année 1993," et

13 vous avez dit : "Qu'en substance, elle est exacte." Mais au moment où vous

14 l'avez relue, vous avez procédé à des petites rectifications à la main dans

15 les marges et vous avez paraphé en indiquant la date, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Serait-il exact de dire qu'un tel exemplaire de déclaration avec donc

18 les signatures et les dates se trouvent être joints à la déclaration que

19 vous avez faite auprès des enquêteurs ?

20 R. Je pense que oui.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, j'aimerais que l'on me communique

22 la déclaration du témoin, du 18 avril 1993, avec les corrections et ces

23 signatures et dates apposées par lui-même, comme il vient de le dire.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mme Pack, est-ce que l'accusé a reçu les

25 originaux en question ou quelque chose de ressemblant parmi les documents

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1 que vous avez à votre disposition ?

2 Mme PACK : [interprétation] Je crois que cela a été communiqué, mais je

3 vais vérifier. Cela ne figure pas dans le classeur de documents que vous

4 avez sous les yeux.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Vous allez vérifier.

6 Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu de l'audience,

8 je tiens à préciser que, si le témoin a ajouté quelque chose dans les

9 marges, des pages photocopiées ou, s'il a apporté des notes manuscrites, je

10 n'ai rien de tout ce qui comporterait des paraphes de sa part, donc je ne

11 dispose pas de ce document qu'il vient de mentionner et qui concerne les

12 événements tels que relatés tout à l'heure. Je vais continuer.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Vous avez parlé de Chetniks, Monsieur. Dites-moi qui sont, à votre

15 avis, les Chetniks et qu'est-ce qu'ils constituent ?

16 R. A mes yeux, les Chetniks c'étaient toutes les personnes qui tuaient,

17 qui incendiaient, qui chassaient et expulsaient les Bosniens. Mes premiers

18 voisins, les voisins, avec qui -- chez qui j'étais pour Noël, et qui

19 venaient me voir à Bajram, avaient rejoint leur rang également. La JNA les

20 a armés en 1991.

21 Q. Bon. Mais répondez-moi, est-ce que vous désignez tous les Serbes par

22 Chetniks ou est-ce que vous désignez que certains d'entre eux sont des

23 Chetniks ?

24 R. Dieu me garde de les désigner ainsi. Je ne peux pas désigner les Serbes

25 honnêtes et droits ainsi.

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1 Q. Mais qui entendez-vous par là ?

2 R. Ceux qui ont participé aux massacres et aux atrocités.

3 Q. Monsieur Music, dans cette déclaration, au premier paragraphe, vous

4 dites : "Qu'avant le 20 mai 1992, il n'y a pas eu de Chetniks venant dans

5 votre village, exception faite de deux reprises où Boro Djukanovic, Dragan

6 Pusara et Gavro Todorovic sont venus vous convier, vous villageois, à

7 restituer vos armes, en vous promettant en même temps que, si vous faisiez,

8 ainsi personne ne toucherait à vous." C'est bien ce que vous avez déclaré ?

9 R. Oui.

10 Q. Alors pourquoi ces trois-là vous les désignez, en disant d'eux que ce

11 sont des Chetniks ?

12 R. Parce que ce sont là les principaux hommes qui avaient pris part à

13 cela. Il y avait le Vojvoda, le duc Pusara est Dragan. Ils ont tué trois

14 Music, Fadil et Omer et l'un d'entre eux était un Vojvoda, un duc, et c'est

15 chez lui que se rassemblaient à partir de 1991, les Chetniks, pour chanter

16 des chants provocatifs. Et, nous, dans notre entourage --

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Juste un moment,

18 Monsieur. On vient de donner quelque chose à l'accusé.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais j'ai reçu une déclaration, Monsieur May,

20 mais, dans les marges, il n'y a rien de noter ou de rajouter à la main.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Faites-moi voir ce document ? Qu'est-ce

22 que l'on vous a donné là ?

23 Mme PACK : [interprétation] C'est ce document que vous avez dans le

24 classeur, la déclaration du 18 avril 1993. Vous verrez qu'il y a un numéro

25 ERN supplémentaire, donc c'est la poursuite de la déclaration de 1997. Le

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1 document qui a été versé en annexe, avec une signature au bas de chaque

2 page, ainsi qu'un ajout, fait à la main par le témoin à la deuxième page.

3 Il faudra que je vérifie dans nos bureaux s'il y a eu communication de

4 cette partie-là. Je n'en suis pas sûr pour le moment.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais demander au juriste de la Chambre

6 de s'approcher de nous.

7 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons remettre ce document à

9 l'accusé. Monsieur Milosevic, c'est tout ce qu'on peut faire pour le

10 moment.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Vous nous avez expliqué que ces trois-là, en date du 20 mai, avaient

14 convié les villageois, restitué leurs armes et ils vous ont expliqué que,

15 si cela se faisait, tout allait bien se passer. C'est ce que vous avez dit,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Ce n'est pas le 20 mai, mais entre le 15 et le 16 mai. Le 20 mai déjà,

18 ils ont fait éruption dans le village et ils ont encerclé le village. Ils

19 ont tué mes oncles et ils nous ont emprisonnés, moi-même et 13 autres

20 cousins ou parents.

21 Et Djukanovic Boro, jusqu'au 5 mai, était avec nous. Il a dormi même avec

22 nous. Il avait été le seul à être resté neutre. Mais il a été infiltré

23 parmi nous, parce que entre ses terres et les miennes, il n'y a qu'une

24 maison qui nous séparait. Donc je lui faisais confiance comme peut-être

25 plus qu'à certains autres membres de ma famille.

Page 30272

1 Mais le 5 mai il est allé vers les siens. Et le 15 ou le 16, il est revenu

2 avec un bandeau blanc, et il a dit en présence de moi-même "Mujo Music, feu

3 Mujo Music, qui a été exécuté, fusillé à Lukavica; Adil Music, Fadil Music.

4 Et il n'y a que moi qui aie survécu. Il m'a dit : "Il faut restituer vos

5 armes." Nous n'avions que des armes de chasse. Il a dit : "C'est une terre

6 serbe. Vous n'avez rien à voir ici." Tout de suite après, Dragan, cinq

7 minutes après, est venu avec un porte-voix, et il a dit : "Ici il y a les

8 Aigles blancs avec des Pragas, avec des véhicules de --"

9 Q. Bien. On y viendra, on y viendra, Monsieur Music. Ecoutez, en dépit de

10 ces appels, d'après ce que je constate dans vos dires, personne d'entre

11 vous n'a restitué ses armes, mais chacun a exprimé la volonté de se battre.

12 R. Pas pour se battre. Nous n'avons fais que monter la garde au niveau de

13 nos femmes et nos enfants. Nous avons vu ce qui s'est passé dans les

14 villages en Croatie, et nous ne voulions pas que ça nous arrive à nous

15 aussi.

16 Q. Monsieur Music, je vous pose des questions partant de vos déclarations.

17 Je cite : "Suite à ces appels, personne n'a restitué ses armes. Chacun a

18 exprimé sa disponibilité pour ce qui était de se battre. Et à plusieurs

19 reprises, c'est précisément Omer Alic qui nous a empêché de le faire."

20 R. Parce que c'était un homme à vous.

21 Q. Fort bien, Monsieur Music.

22 R. Parce que sa famille qui se trouvait à Grbavica, et où il y avait les

23 Serbes, on a sorti sa famille, sa femme, ses enfants. On lui a donné une

24 voiture, et maintenant il est au Canada.

25 Q. Ecoutez, Monsieur Music, moi je vous pose des questions partant de

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1 votre déclaration. Je viens de donner lecture de ce que vous avez dit.

2 Personne n'a restitué ses armes, et tout un chacun avait dit qu'il était

3 prêt à se battre, n'est-ce pas ?

4 R. Monsieur Milosevic, quand l'OTAN vous a tapé dessus, pourquoi vous

5 n'avez pas levé les mains en l'air et vous ne vous êtes pas rendu tout de

6 suite ?

7 Q. Attendez, moi je vous ai posé des questions --

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je m'excuse. Je sais qu'il est très

9 pénible pour vous de revenir ici, et de vous remémorer tous ces incidents.

10 Cependant, ici ce que nous attendons de vous, c'est votre déposition. Il

11 est peut-être tentant de polémiquer avec l'accusé. C'est même certain, mais

12 essayez de vous borner à répondre aux questions qui vous sont posées.

13 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Bon. Compte tenu de ce que vous venez de dire, dites-moi pourquoi vous

17 battre, alors que personne ne vous avait attaqué. Jusque-là, personne ne

18 s'était attaqué à vous. On vous a demandé de restituer vos armes, puisque

19 vous l'avez déclaré vous-même cela.

20 R. Ecoutez, après le 9 mai 1992, là où vivait mon beau-frère à Hadzici,

21 juste à côté de l'infirmerie, c'est la deuxième rue de l'Herzégovine. Là il

22 y avait des Aigles blancs. Ils ont fusillé 15 hommes sur place. A partir de

23 ce jour-là, mon village n'a plus dormi. Et il n'y a pas d'arme avec

24 laquelle ils ne nous ont pas tiré dessus.

25 Mon beau-frère est arrivé le 7, et il a fait sortir mes filles qui se

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1 trouvaient à la maison. Mon beau-père m'a dit : "Qu'elles s'en aillent, tu

2 vois que les choses ne vont pas bien." Et mes enfants sont partis.

3 Et lorsqu'ils ont abattu ces hommes-là, notre localité n'a eu ni jour, ni

4 nuit de répit, vu les tirs de Pragas, des tirs aux munitions à

5 fragmentation, et cetera. On n'en a pas dormi.

6 Q. Bien. Monsieur Music, avec les autres villageois de chez vous, comme

7 vous le dites. Vous vouliez vous battre. Et celui qui vous empêchait,

8 c'était Omer Alic qui était un Musulman, un villageois. Et à ce moment,

9 comme vous le dites, c'était lui qui avait le commandement. Est-ce exact ?

10 R. Il avait été choisi pour être une sorte de commandant, que sais-je.

11 Q. Bien. Par conséquent, vous aviez un commandement à vous qui se trouvait

12 dans la maison d'Alija Music ?

13 R. Oui, nous l'avions.

14 Q. Bien. Vous étiez une sorte d'unité, puisque vous aviez un commandement.

15 Le commandement en question était le commandement d'une unité ?

16 R. Ce n'était pas un commandement véritable. Nous nous étions rassemblés

17 là pour organiser la garde.

18 Q. Mais attendez. Qu'est-ce que ce commandement commandait ?

19 R. Il ne commandait rien du tout. On ne faisait que monter la garde. Il

20 n'y avait que 700, 800 mètres entre notre maison et l'endroit où l'on en

21 avait chanté ces chants provocateurs qui disaient, "Ceci est la Serbie.

22 Balija, nous vous égorgerons." Et j'imagine que vous aussi, vous auriez

23 protégé votre famille.

24 Mon père qui était né en 1992, et mon beau-père qui était malade lui aussi,

25 s'ils m'avaient dit de le faire, je l'aurais fait. Je me serais retiré. Je

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1 n'aurais pas souffert toutes ces tortures. Ma femme, mes deux frères ont

2 été en détention, ses deux enfants dont l'un était en troisième année

3 primaire --

4 Q. Ecoutez, Monsieur Music. Moi, j'essaie de tirer au clair ce que vous

5 avez déclaré dans vos déclarations préalables. Le fait d'avoir eu un

6 commandement ne signifie pas, d'après ce que vous dites, avoir eu une

7 unité. Vous aviez un commandement, tout court. Combien étiez-vous en

8 armes ? Et quel type d'armes disposiez-vous ?

9 R. Mais qu'est-ce qu'on avait ? Nous avions deux ou trois fusils de

10 chasse. Et ça et là, il y en avait un ou deux avec des pistolets.

11 Q. Donc des fusils de chasse et des pistolets.

12 R. Tous étaient chasseurs, bien sûr.

13 Q. Combien étiez-vous à être armés ?

14 R. Dans le village, nous étions une vingtaine ou 25 ou plus à en avoir.

15 Q. Bien. Dans cette première déclaration, vous indiquez que votre

16 commandant, Omer Alic, vous avait dit qu'il s'agissait d'opérer une percée

17 pour sortir du village. Et il parlait d'une percée en direction du

18 réservoir et de Djurdjevace. Vous avez refusé parce que vous tomberiez

19 entre les mains de l'ennemi, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Parce qu'en 1991, quand il s'agissait d'établir des plans, je

21 dirais que ce réservoir se trouvait juste sous Ligman [phon], à deux

22 kilomètres au-dessus, sur les hauteurs des Pusala [phon], et ils avaient

23 placé un commandement. Ils avaient creusé des tranchées sur leurs terres.

24 Et Gavro Todorovic nous a dit : "N'allez pas là-bas. Les réservistes de

25 Serbie procèdent là-bas à des manœuvres." Et personne d'entre nous n'osait

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1 y aller. Et c'est là que Gavro Todorovic et les autres Serbes

2 s'approvisionnaient en eau.

3 Q. Mais attendez, Monsieur Music. Lorsqu'on vous a dit, lorsque Omer vous

4 avait dit d'aller en direction du réservoir et du Djurdjevace, quand est-ce

5 que ça s'est passé ? En quelle date ?

6 R. Quelle date ?

7 Q. Oui. Quand est-ce qu'il vous a dit d'opérer cette percée ?

8 R. Ça s'est passé vers la fin du mois d'avril.

9 Q. Bien. Et avez-vous essayé de procéder à cette percée ou de réaliser

10 celle-ci ?

11 R. Etant donné que les terres de mon père se trouvaient au niveau de

12 l'endroit où ils avaient sorti des canons et toutes ces armes, j'ai vu ce

13 qu'ils avaient mis là-bas, qu'ils avaient disposé là-bas. Nous ne pensions

14 pas toutefois que mon voisin avec qui j'ai partagé les bons temps et les

15 mauvais temps pourrait faire chose pareille.

16 Q. Monsieur Music, vous nous dites qu'il vous avez donné des instructions

17 pour ce qui était d'opérer cette percée fin avril. Et vous dites que

18 l'attaque sur votre village a été lancée le 20 mai 1992, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Au paragraphe 2 de votre première déclaration, vous dites : "Le 20 mai

21 1992, vers 12 heures," je vous cite : "Les Chetniks ont procédé à

22 l'encerclement de notre hameau. A ce moment, je me trouvais dans ma maison.

23 Et quelques heures après l'encerclement, à savoir, après les combats qui

24 ont lieu, il est arrivé dans ma maison, Elcic Tomo et Elcic Milan. Et ils

25 m'ont emmené devant la maison de Alija Music."

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1 C'est vous qui l'avez écrit ?

2 R. Pas "quelques heures", quelques minutes. J'avais pris un café. Et je

3 n'ai pas pu le prendre encore qu'ils sont venus avec des uniformes verts

4 olive, des casques sur la tête. Et ils nous ont dit de restituer les armes

5 que nous avions. Tomo Elcic avait pris une grenade. Il voulait la jeter. Il

6 y avait des femmes et des enfants.

7 Q. Bien. Donc le 20 mai, vers midi, Elcic Tomo et Elcic Milan vous ont

8 emmené devant la maison de Alija Music.

9 R. Après midi, il y a eu des tirs pendant une demie heure à la Pragas, et

10 toute sorte d'arme, et comme il n'y avait personne à riposter, nous avons

11 quitté de là -- nous sommes partis de là jusqu'à la maison d'Alija Music.

12 Ils nous ont aligné le long des murs --

13 Q. Attendez, Monsieur Music. Vous nous dites après le combat qui ait eu

14 lieu. Entre qui et qui y a-t-il eu un combat ?

15 R. Eux tiraient de toute part. Et ils diraient que mon oncle avait tué mon

16 autre oncle, et que sais-je encore. Mais c'est eux qui avaient tiré à

17 l'aveuglette. On ne savait plus d'où est-ce que cela tirait.

18 Q. Bien, Monsieur Music, au paragraphe 19 de votre deuxième déclaration, on

19 vient de tirer au clair ce que vous avez dit dans la première, je vous ai

20 cité. Au paragraphe 19 de votre deuxième déclaration et vous dites, je vous

21 cite : "Vers le 15 mai, ils ont commencé à pilonner le village. Le premier

22 obus est tombé à proximité de ma maison. Il y en a eu tant et si bien que

23 ne pouvions plus sortir. Ils ont tiré en direction de ma maison une dizaine

24 de fois, mais ils ne l'ont pas touchée."

25 C'est ce que vous avez déclaré ?

Page 30278

1 R. Oui.

2 Q. Penchez-vous maintenant sur la première déclaration, paragraphe 2, "les

3 deux Pragas qui sont venus à l'occasion de l'encerclement du village et qui

4 ont tiré en direction de la forêt au dessus du village --"

5 R. Oui.

6 Q. Et c'était "-- il y avait Marilovic Momo et Kusura qui était au

7 volant."

8 R. Oui.

9 Q. Quand est-ce que vous avez dit la vérité; lorsque vous avez fait une

10 déclaration auprès des représentants du MUP le 19 avril 1993, où devant les

11 enquêteurs de ce Tribunal en date du 16 et 26 juin ?

12 R. Je ne sais pas de quoi vous parlez. Nous avons fait -- j'ai fait la

13 même déclaration la première et la deuxième fois.

14 Q. Attendez. Je viens de vous donner lecture de cette première déclaration

15 où vous dites, le 20 mai vers midi, il y a eu encerclement, et "A ce

16 moment-là, je me trouvais chez moi, et quelques heures après l'encerclement

17 et après les combats, il est venu les deux hommes qui sont venus, que

18 susciter, et ils m'ont emmené devant la maison d'Alija Music."

19 Dans la deuxième déclaration, vous dites : "Le 15 mai, ils ont commencé à

20 pilonner le village. Le premier obus est tombé à proximité de ma maison. Il

21 y a en eu tant et si bien que nous en pouvons plus sortir. Ils ont tiré sur

22 ma maison une dizaine de fois mais ils ne l'ont pas touché."

23 Donc il y a des descriptions différentes, d'événements différents, des

24 dates différentes, et où est la vérité, dites-le moi ?

25 R. Alors, c'est moi qui suis bête ou c'est vous qui ne vouliez pas

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1 comprendre. Je vous ai dit le 18 mai 1992, lorsqu'ils ont fusillé les

2 Kovacevic à Hadzici devant la maison de la culture, cela était fait par les

3 Aigles blancs et autres membres de ces unités, mon village -- les gens de

4 mon village ne pouvaient plus aller à l'étable ou ailleurs. On nous tirait

5 constamment dessus. Le 15, et entre le 15 et le 16 avril, il y a eu --

6 Q. Vous avez dit le 15 mai que vous avez été pilonné.

7 R. C'est cela. Le 15 mai le premier obus qui est tombé est tombé un peu

8 plus bas, en deçà de ma maison. Il y en a un autre qui est tombé qu'on n'a

9 pas encore sorti. La terre était si humide que l'obus est tombé s'est

10 enfoncé mais il n'a pas explosé.

11 Q. Mais attendez. Au paragraphe 2, vous dites les deux Pragas qui sont

12 venus à l'occasion de l'encerclement du village et qui ont tiré en

13 direction de la au dessus du village.

14 Par conséquent, ici vous êtes en train de nous relater un pilonnage de

15 votre maison, puis vous parlez de Pragas qui ont ouvert le feu en direction

16 de la sur les hauteurs du village. C'est ce que vous avez déclaré, n'est-

17 ce pas ?

18 R. Ecoutez, nous avons procédé à une espèce de subterfuge. Nous avons

19 creusé des tranchées là-bas, mais il n'y avait personne. On voulait laisser

20 l'impression qu'il y avait quelqu'un, mais il n'y avait personne. Mais ils

21 ont tiré à l'aveuglette là-bas en pensant qu'il y avait quelqu'un. Et là où

22 il y avait des tranchées, il y avait plus haut des voisins, les Marilovic.

23 Q. Ecoutez, Monsieur Music. N'expliquez plus au sujet des voisins. Dites-

24 moi, pourquoi à aucun endroit dans votre première déclaration vous ne

25 mentionnez aucun pilonnage lourd ou intense de votre village ? Vous parlez

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1 d'un encerclement et vous ne parlez que de cela. Vous parlez de combat que

2 vous avez eu avec des Serbes locaux que vous appelez Chetnik. Pourquoi ne

3 mentionnez-vous pas ici de pilonnage à l'arme lourde, mais vous parlez

4 seulement de combat que vous avez eu avec des voisins à vous que vous

5 appelez Chetnik ?

6 R. Mais que voulez-vous que je puisse dire ? Au mois d'avril, lorsque au

7 quotidien nous ne pouvions plus fermer l'œil, il fallait tout le temps se

8 mettre à l'abri parce que on nous tirait dessus depuis Igman, le mont

9 Igman.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous devons vous interrompre ici.

11 Je dois vous dire, Monsieur Milosevic, que je ne vois d'inconsistance pour

12 ce qui est des dates, de ce 20 mai, et à un endroit, on parle de Chetnik

13 arrivant de toute part, et l'autre parle de Chetnik encerclant le village.

14 Je ne vois rien d'incohérent dans l'un ou dans l'autre. Nous pouvons y

15 revenir après la pause.

16 Juste un moment. Finissons en avec ce sujet-là.

17 Monsieur Music, nous allons faire une pause à présent, parce que nous

18 avons, je le crains, à traiter de question juridique. Il faut que nous

19 fassions une pause, une interruption dans votre témoignage jusqu'après le

20 déjeuner. J'espère que vous n'aurez rien contre le fait de revenir vers 2

21 heures 00, pour que nous puissions entendre la suite de votre témoignage.

22 Et l'accusé aura encore une demie heure de contre-interrogatoire.

23 Monsieur Milosevic, vous pourrez traiter de ces déclarations après la

24 pause.

25 Monsieur le Témoin, je vous demande de vous en aller, de ne pas parler de

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1 votre témoignage à qui que ce soit avant la fin de celui-ci, et de revenir

2 ici vers 14 heures 00.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Parlons maintenant des questions

5 concernant les écoutes téléphoniques. Nous avons entendu les témoins y

6 afférant la semaine dernière. Je rappelle à tous que nous avons déjà reçu

7 des conclusions écrites sur la question de surcroît. Nous avons déjà

8 entendu des arguments sur ce auparavant. Tout le monde pourra être concis.

9 Commencer, Maître Kay, si vous le voulez bien, ce qui permettra à l'accusé

10 de se concentrer, et c'est en dernier lieu que nous entendrons M. Nice.

11 Maître Kay, je ne sais pas si vous étiez là la semaine dernière, mais je me

12 trompe peut-être. Nous avons entendu un

13 témoin --

14 M. KAY : [interprétation] J'ai lu le compte rendu d'audience. J'en ai copie

15 sur un disque.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous avons déjà entendu les

17 moyens de droit et nous avons reçu beaucoup plusieurs écrites. Dans un des

18 moyens que vous avancez, vous posez la question de la pertinence. Cette

19 question, voici comment l'aborde la Chambre de première instance : Nous

20 avons demandé à l'Accusation de présenter une annexe énonçant la pertinence

21 de chacun de ses moyens.Ce n'est pas de cela que nous parlons maintenant.

22 Voici ce que nous entendons faire : Nous voulons aborder la question

23 d'abord de la recevabilité, et puis nous reviendrons à la question de

24 pertinence après les vacances judiciaires. Mais, peut-être, voudriez-vous

25 vous adresser à nous pour ce qui est des questions relevant de la

Page 30282

1 recevabilité. Soyez le plus concis possible.

2 M. KAY : [interprétation] Je le serais, Messieurs les Juges. Je vais passer

3 une minute pour placer le contexte, de ce moyen ce serait peut-être utile

4 de façon rétrospective. Ici, interviennent l'Article 89 et le pouvoir qu'a

5 la Chambre de rejeter des moyens de preuve si la valeur probante est

6 inférieure à la nécessité d'assurer l'équité du procès. Nous avons

7 également, l'Article 85 qui dit qu'un élément de preuve n'est pas recevable

8 s'il est obtenu par des moyens qui permettent de douter de sa fiabilité ou

9 si ceci est contraire à l'intégrité de la procédure.

10 Nous déposons une requête ici s'agissant des écoutes en nous basant sur les

11 lois concernant le caractère privé et sur la légalité ou l'illégalité des

12 écoutes téléphoniques auxquelles procèdent des autorités d'état à

13 l'encontre de citoyens. Tout ceci pour veiller à ce qu'il y ait contrôle

14 des pouvoirs de l'état mais aussi pour être sûr de l'authenticité des

15 moyens de preuve, de par le monde il existe des institutions et on sait

16 quels sont les moyens qui peuvent être mis en œuvre pour falsifier ou pour

17 déformer de tels éléments de preuve.

18 Je reviens à notre Article du règlement 89(E) : "La Chambre peut demander

19 que soit authentifié des éléments de preuve obtenus hors prétoire." A bien

20 des égards, c'est sans doute la position que nous allons retenir en fin de

21 compte. En effet, la question qui se pose ici, c'est celle de la fiabilité

22 des moyens de preuve reçus.

23 Permettez-moi de dresser le décor, de replacer ceci dans son contexte avant

24 de passer à mes conclusions. A mon avis, à mon humble avis, les éléments de

25 preuve dont a été saisis la Chambre, et il se fût utile qu'ils soient

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1 entendus avant la discussion juridique, ces éléments de preuve n'étaient

2 pas du tout clairs quant à la légalité de la démarche retenue. Ce n'est pas

3 à partir de la déclaration du témoin que la Chambre a eu l'occasion de voir

4 quelles étaient les autorisations nécessaires pour établir la

5 constitutionnalité, la légalité des écoutes téléphoniques imposées.

6 Il suffit d'examiner cette facette-là de la déposition du témoin au moment

7 où il parle des questions relatives à la présidence et la question de

8 savoir si la présidence avait été informée de la question. La présidence,

9 c'est un collège des ministres les plus élevés dont certains ont fait

10 l'objet de ces écoutes téléphoniques. La justification apportée par le

11 témoin, des circonstances particulières qui prévalaient à l'époque en

12 Bosnie-Herzégovine n'a pas permit d'établir qu'une procédure de rechange

13 qu'il aurait pu utiliser a été appliquée. Ceci n'a pas été établi en tant

14 que moyens de preuve. La Chambre a appris que le président, M. Izetbegovic,

15 avait été informé. C'est ce qu'elle a appris du témoin mais elle n'a pas

16 appris du témoin que ceci aurait véritablement eu lieu. C'est quelqu'un qui

17 lui a dit que cela s'était bien passé, mais à notre humble avis, ceci est

18 loin d'être suffisant au niveau de l'administration de la preuve pour ce

19 qui est de ce point-ci. Et il n'y a pas de corroboration, pas le moindre

20 élément de preuve détaillé qui vient à l'appui de la légalité de cette

21 procédure en question.

22 Il est utile de relever que l'Accusation ne pose pas nécessairement la

23 question de la légalité au niveau de la présentation de ses moyens de

24 preuve. Pourquoi ? Peut-être parce que la jurisprudence de ce Tribunal,

25 question qu'il faudra bien tôt ou tard aborder, n'a pas encore été établie.

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1 Les décisions pertinentes sur la décision Kordic, vous étiez concernées

2 dans ce procès, Messieurs les Juges, citation de Juge Robinson

3 "Irrecevabilité au titre de la loi de Bosnie ne signifie pas nécessairement

4 irrecevabilité de ce Tribunal." Le Juge May : "Lorsqu'on fait des écoutes

5 d'ennemi pendant une guerre, même si c'est illégal, ceci n'est pas

6 nécessairement à l'antithèse du droit de ce Tribunal et ne va pas

7 nécessairement léser la procédure, porter préjudice à cette procédure. Et

8 il est tout aussi vrai que ce Tribunal n'a pas pour fonction de faire

9 s'appliquer des réglementations d'état."

10 Au bout du compte, ce qui se pose ici, c'est la fiabilité des moyens de

11 preuve entendus et ceci est à la base de toute la question ou de tout le

12 règlement du Tribunal s'agissant de savoir si de tels moyens de preuve sont

13 recevables ou pas.

14 Je vous renvoie, Messieurs les Juges, à un passage, la décision Brdjanin.

15 Je pourrais l'aborder de façon très brève. Vous trouverez ceci au

16 paragraphe 55. "Les modalités et circonstances de l'obtention d'un élément

17 de preuve de même que sa fiabilité et l'effet que ceci a sur l'intégralité

18 de la procédure, la régularité de la procédure vont déterminer sa

19 responsabilité. Par conséquent, il est possible de déclarer recevable en

20 application de l'Article 95, des éléments obtenus illégalement car il n'y

21 pas d'articles du règlement qui, en principe, rejette cette éventualité."

22 Examinons maintenant le paragraphe 66 du même arrêt. "Il y a la question de

23 la pertinence, mais en sus, la Chambre de première instance doit établir si

24 ces éléments de preuve ont une valeur probante et pour se faire, il faut

25 établir, évaluer la fiabilité des éléments. La Chambre de première instance

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1 n'a pas le moindre doute quant à la question suivante : Les écoutes

2 téléphoniques dont l'authenticité ne peut pas être prouver au-delà de tout

3 doute raisonnable, devraient être rejetées."

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et puis, ils ont quand même admis,

5 déclaré recevables ces écoutes.

6 M. KAY : [interprétation] Oui.

7 La question qui se pose ici, c'est la question de l'authenticité qui ne

8 peut pas être prouvée au-delà de tout doute raisonnable. C'est là, pour

9 moi, le cœur de la question qui se pose ici.

10 A ce stade de ce procès Brdjanin, la Chambre de première instance fût un

11 faisceau de présomptions prima facie --

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est peut-être une façon d'avancer voir

13 s'il y a contestation s'agissant de ces écoutes. Si c'est nécessaire, il

14 faudra peut-être revenir sur ces cassettes. Mais à première vue, vous avez

15 vu, ce sont des conversations décousues. Je ne sais si elles semblent

16 manquer d'authenticité. Je ne sais pas si on les a trafiquées. Ce n'est pas

17 mon impression. Qu'en pensez-vous ?

18 M. KAY : [interprétation] Je répugnerais à me prononcer parce que vous

19 savez qu'aujourd'hui ces techniques sont très développées, très

20 sophistiquées. Elles sont notoires.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Mais vous avez lu ces conversations

22 enregistrées.

23 M. KAY : [interprétation] Nous connaissons tous, vu notre expérience, des

24 cas où on croyait que c'était effectivement ce qui avait été dit et que ça

25 avait été fait de façon très convaincante0, que ce soit des informations ou

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1 des renseignements concernant le gouvernement ou des procès et que ceci, en

2 fait, s'est avéré avoir été manipulé, falsifié. Je ne voudrais pas qu'une

3 décision soit prise ici, maintenant, quant à savoir si nous sommes

4 convaincus de l'authenticité de ces documents.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais quels sont les moyens ou les bases

6 dont nous disposons pour affirmer que ce ne sont pas des conversations

7 authentiques. Ce ne sont que des allégations si je peux me permettre de le

8 dire. Ceci est, au fait, la théorie du complot. Mais nous avons besoin d'un

9 fondement. Vous, en tant qu'ami de la Chambre, et vous n'êtes pas conseil

10 de la Défense après tout, vous pourriez tout du moins envisager cette

11 éventualité, ce cas de figure.

12 M. KAY : [interprétation] Nous l'avons fait et voici notre

13 avis : C'est l'absence de moyens de preuve qui est préoccupant. Tout ce que

14 nous avons reçu du témoin, c'est simplement le fait qu'il a reconnu la voix

15 de l'accusé.

16 Or, ce sont des écoutes téléphoniques qui ont été mises en doute depuis

17 longtemps, depuis plus d'un an. C'est en octobre 2002, que la première fois

18 nous avons entendu ces cassettes, et c'est la première fois, à ce moment-

19 là, que l'accusé a dit rejeter l'authenticité.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais, bien sûr, il rejette et il conteste

21 tout, mais nous devons être plus réaliste. C'est simplement une

22 contestation générale de tous les éléments de preuve, mais je suis sûr que

23 vous, en tant qu'Amis de la Chambre, vous n'allez pas retenir la position

24 qui est la sienne. Il ne suffit pas qu'il dise : moi je conteste tout, pour

25 que nous fassions de même. Nous devons agir de façon plus responsable.

Page 30287

1 M. KAY : [interprétation] Sauf le respect que je vous dois, je crois, que

2 vous m'avez mal compris, Monsieur le Président. La question, qui s'est

3 posée et qui a été soulevée ici, mais aussi dans d'autres procès, comme le

4 montre la jurisprudence, c'est précisément cette question-là. Et il n'y a

5 pas eu de documents produits par un expert qui aurait pris la peine

6 d'examiner ces écoutes téléphoniques pour établir leur authenticité, et

7 c'est précisément le genre de choses qui se passerait dans tout procès

8 pénal.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans l'affaire Kordic, je m'en souviens.

10 Nous avons eu une longue discussion à propos de ces écoutes et puis,

11 finalement, il a été conclu que c'était une écoute authentique, une

12 conversation qui s'était véritablement tenue.

13 M. KAY : [interprétation] Ce n'est pas le cas ici dans ce procès. C'est

14 pourquoi je vous ai renvoyé au 89(E), qui demande vérification des éléments

15 de preuve et qui aborde précisément cette question. Si nous faisons valoir

16 ceci, c'est que l'accusé pourrait bien évoquer cela -- j'oublie ici ma

17 position d'Amis de la Chambre -- l'accusé pourrait faire valoir ceci.

18 Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu d'efforts entrepris par un expert pour

19 authentifier ces écoutes -- ces conversations par des moyens mécaniques,

20 techniques, technologiques. Pourquoi ici est-ce qu'on parle uniquement de

21 la teneur -- de la nature de la conversation et du fait qu'une voix est

22 reconnue, alors que c'est une question récurrente -- présente dans ce

23 Tribunal depuis belle lurette ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, vous dites que, si on

25 fait valoir des arguments valables à propos de l'authenticité, la charge de

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1 la preuve revient à l'Accusation. C'est elle qui doit établir

2 l'authenticité. Est-ce ce que vous dites ?

3 M. KAY : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. Parce qu'elle doit

4 apporter la preuve au-delà de tous doutes raisonnables

5 -- que c'est un moyen de preuve raisonnable. Et la seule façon de le faire

6 c'est par l'authentification de ce moyen de preuve. Ou bien, l'Accusation

7 peut le positionner au niveau de l'hypothèse, de la reconnaissance vocale,

8 de la nature de la conversation. A elle de décider ? Mais, au bout du

9 compte, c'est ce Tribunal qui va prononcer le jugement et, pour ce faire,

10 doit être convaincu au-delà de tous doutes raisonnables de la fiabilité des

11 éléments de preuve. Pour le moment, c'est une preuve prima facie.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais quel est l'argument raisonnable --

13 moi j'affirme -- quelles sont fausses ou manipulées ces cassettes ? Est-ce

14 que c'est un argument raisonnable ?

15 M. KAY : [interprétation] Quand je dis "argument", je ne veux pas

16 nécessairement dire qu'il y a un suivi logique. D'après ce que nous avons

17 cru comprendre, l'accusé ne conteste pas avoir tenu ces conversations et,

18 finalement, c'est la question qui se pose ici dans ce procès.

19 Lorsque nous avons reçu ces écoutes pour la première fois, on s'est demandé

20 si elles avaient été acceptées. Elles ne l'ont pas été, c'est manifeste si

21 l'on s'en tient aux dires de l'accusé. A ce stade présent de la procédure,

22 la question se pose encore, la question n'est toujours pas résolue. Je

23 parle ici de la question de l'authenticité. C'est pourquoi je reprends

24 l'affaire Brdjanin, c'est un cas tout à fait patent. Et c'est en fait un

25 raisonnement tout à fait logique qui y est présenté. La question se posant

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1 est celle de la fiabilité prima facie. La Chambre doit en être convaincue.

2 Pourquoi ? Parce que nous sommes préoccupés de la nature de ce genre

3 d'éléments de preuve. C'est la raison pour laquelle, dans bien des états --

4 dans bien des états qui soutiennent ce Tribunal, il y a des doutes à ce

5 propos. A propos des écoutes, il y a des règlements internes qui évoquent

6 cette problématique. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu déjà des problèmes

7 auxquels ont été confrontés ces états.

8 S'agissant du suivi de ces questions, il faut tenir ceci à l'esprit et, si

9 nous le faisons, si nous parlons du contrôle des états, il se pose aussi la

10 question de l'authenticité. A notre humble avis, la seule issue est pour

11 établir la fiabilité au-delà de tous doutes raisonnables. Il faudrait qu'un

12 expert examine les originaux

13 -- pas des copies de cassettes -- parce que vous n'avez, Messieurs les

14 Juges, reçu que des copies. Il faut qu'un expert examine les originaux et

15 personne n'a vraiment examiné la question pour maîtriser toute cette

16 problématique. C'est une question qui est en souffrance. On ne sait pas si

17 ce sont des cassettes authentiques ou pas.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous nous exhortez à faire nôtre la

19 décision Brdjanin ?

20 M. KAY : [interprétation] Tout à fait. Ça ne me semble marquer du coin du

21 bon sens. Je ne suis qu'Amis de la Chambre. J'examine le droit uniquement.

22 La question n'est pas clairement délimitée

23 puisqu'elle n'est toujours pas résolue à ce stade. Il faut nous demander

24 comment ont été présentés les éléments de preuve. Nous n'avons pas été

25 avisé à temps.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous avons 245 cas d'écoutes pour le

2 moment. C'est un nombre tout à fait conséquent et je suppose que la

3 question de la pertinence va être mise en question. Vous proposez qu'un

4 expert les examine toutes ?

5 M. KAY : [interprétation] Je pense qu'il faudrait montrer à un expert les

6 conversations pertinentes pour pouvoir venir à bout du problème.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est ce que nous allons faire.

8 M. KAY : [interprétation] Nous avons examiné ces écoutes. Souvent il est

9 difficile de savoir ce qu'a la partie adverse puisque nous en avons

10 parcouru; cependant, nous savons qu'il y a beaucoup de conversations qui ne

11 semblent pas de prime abord, du moins à moins, pertinentes pour ce procès.

12 Et je suis sûr qu'on pourrait faire un trie pour avoir les 20 meilleures

13 conversations. Ce sera plus gérable et puis ceci suffira à quiconque qui

14 sera expert en la matière pour examiner ces éléments de preuve.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un commentaire éventuel, c'est le côté

16 décousu, à bâtons rompus de ces conversations qui semblent indiquer quelles

17 sont authentiques puisque autre chose.

18 M. KAY : [interprétation] Je sais que vous avez déjà fait valoir cette

19 observation, Monsieur le Président, mais, à bien des égards, ce n'est peut-

20 être pas une cassette significative que vous avez entendue. Je n'ai pas pu

21 faire la fusion encore entre ce qui me semble poser problème ou pas parce

22 qu'il y en a simplement trop pour vraiment en venir à bout. Mais peut-être

23 qu'on pourrait faire un trie parmi ces éléments de preuve pour voir

24 lesquelles portent sur des questions. Et peut-être sont-ce celles qui

25 semblent ne pas porte à grand-chose qui sont le hit parade des 20

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1 premières, si vous voulez. Et, si ce sont d'autres cassettes -- d'autres

2 conversations, qui sont plus importantes, mais nous n'avons pas encore

3 procédé à ce type d'analyse.

4 Je ne sais pas si je vous désavantage, mais j'en ai terminé.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Milosevic.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je suppose que ma position vous

7 semble tout à fait claire. C'est précisément ce que

8 M. Kay vient de dire tout à l'heure qui me fait dire que ni moi, ni mes

9 collaborateurs, en aucune façon, n'avons eu accès à quelques originales que

10 ce soit de ces conversations interceptées ou soi-disant conversations

11 interceptées. On a parlé de transcriptions, on a parlé de copies, et ainsi

12 de suite qui ne m'intéresse guère, je dois vous le dire en toute franchise.

13 Je suis d'autre part, tout à fait, convaincu que ces conversations ont fait

14 l'objet de manipulations, que cela a été recoupé, concocté de toute sorte

15 de montage qui émane de services secrets, qui ne font que manipulés

16 précisément.

17 Or il y a quelques minutes, vous avez mentionné une idée absurde, disant

18 qu'il s'agirait d'aboutir à une idée de complot. C'est précisément de

19 complot qu'il s'agit parce que tout -- absolument tout, de ce qui avait été

20 mis à disposition, a été utilisé pour monter de toutes pièces des

21 explications ou des justificatifs pour qu'il y ait sécession ou transfert

22 de culpabilité vers la partie adverse. C'est précisément ce que j'affirme.

23 Il s'agit d'un complot. J'affirme aussi qu'il s'agit de manipulations avec

24 des conversations interceptées.

25 Il est certain qu'il y ait eu des conversations téléphoniques qui ont été

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1 mises à l'écoute -- sur écoutes, mais comment cela a été monté ? On a mis,

2 ajouté ou retranché pour que ce soit pertinent. Ici -- cela n'est pas une

3 chose que nous puissions constater ici, soit il n'y en a pas de

4 conversations, soit ces conversations authentiques.

5 Or il n'est pas question, ni du fait, de savoir qu'il y en ait, ni qu'il

6 n'y en a pas. Il est très probable qu'il s'agit ici d'une manipulation

7 malintentionnée avec différentes conversations interceptées. Or, s'il y a

8 mauvais escient et si cela est fait de façon très professionnelle, il est

9 évident que ces conversations interceptées vont paraître comme incohérents,

10 à bâtons -- discussions à bâtons un peu pour que cela ait l'air d'être

11 authentique. Les services professionnels font la chose pour que cela fasse

12 très authentique, justement.

13 Or M. Kay a dit que bon nombre de services, un peu partout dans le monde,

14 savent pertinemment bien qu'il y a bien des façons de monter ce type de

15 matériel ou d'éléments, notamment, dans ces conditions où les circonstances

16 actuelles où on dispose de toute sorte de moyens électroniques où l'on peut

17 placer quelqu'un dans une image, alors qu'il n'a jamais été là-bas. On a vu

18 cela dans les publicités les plus banales, où l'on voit des acteurs

19 vivants, parmi des hommes politiques, après 1945 et 1946. Et il n'est pas

20 possible de dire que ce n'est pas une image vraie et que ces hommes n'ont

21 pas été là, alors que tout le monde sait pertinemment bien que ces hommes

22 n'ont pas pu être présents sur les lieux à tels moments.

23 Or je parle ici qu'il s'agit d'un degré de manipulation très évident. Je

24 parle de complot, je parle de mauvaises intentions et je parle de services

25 secrets qui manipulent précisément dans l'intérêt ou dans l'objectif de

Page 30293

1 justifier les comportements de leur propre gouvernement ou de leurs propres

2 idées à eux, qui avaient été celles qui se fondaient sur une théorie de

3 complot pour procéder non seulement à des sécessions, mais procéder à la

4 commission de crimes

5 -- à la perpétration de crimes. A la présentation d'un côté, en tant que

6 victimes -- d'un côté, en tant que victimes, et d'autre côté, en tant que

7 criminels.

8 Il y a donc toute une série de choses que l'on peut remettre en question.

9 Je ne veux pas entrer dans les détails, mais j'estime qu'en aucune façon,

10 ce type d'éléments de preuve émanent de services, tels qui les présentent

11 ici, ne serait et ne devrait pouvoir être admis ici comme éléments de

12 preuve.

13 Et je voudrais ajouter encore autre chose, à savoir, vous avez été cité par

14 M. Kay et vous auriez dit que les écoutes de l'ennemi en temps de guerre

15 sont des choses normales. Cela n'a rien d'illégal. Je suppose, pour ma

16 part, que cela pourrait fort bien être vrai. Mais ici il s'agit, pour la

17 plupart des conversations interceptées, pour lesquelles j'affirme qu'elles

18 ont été montées de toute pièce et qu'elles ont fait l'objet de manipe, cela

19 a été fait en temps de paix et non pas en temps de guerre, ce qui prouve

20 une fois de plus qu'il s'agit d'un complot qui comportait toute une série

21 d'opérations placées au service des préparatifs, visant à faire en sorte

22 qu'il y ait conflit.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez la parole, Monsieur Nice.

25 M. NICE : [interprétation] Quelques points rapidement que j'aimerais

Page 30294

1 aborder en ce qui concerne les questions de procédure. Je pense que cela

2 vous intéressera de savoir que le résumé des conversations interceptées

3 nous ont été remises par Mme Rambe, de façon beaucoup plus rapide que

4 d'habitude. Nous les aurons certainement d'ici lundi et, si je puis vous

5 donner quelques échantillons, cela vous permettra peut-être de vous

6 préparer davantage car vous constaterez qu'en quatre lignes -- ce n'est pas

7 en une ligne -- c'est trois ou quatre lignes en général, quelque fois un

8 petit peu moins, et je crois que ceci met en lumière les éléments

9 essentiels. Et les premières 20 conversations, cela paraît peut-être un

10 petit peu irréaliste. J'évoque ceci car ces conversations téléphoniques

11 pourront montrer par catégories les quatre choses suivantes : les

12 associations de l'entreprise criminelle commune entre les différents

13 membres; la planification au plan politique; la planification au plan

14 militaire; ainsi que les exécutions. Et bien, que la Chambre ait exclue

15 dans sa décision récente portant sur les témoins et surtout eu égard à la

16 manière dont nous avons présenté ceci, cela exclut le rôle d'un expert. Un

17 expert ne peut pas analyser ce type de documents et, si la Chambre peut,

18 peut-être, réexaminer le dernier exemplaire, qui est un peu plus

19 conséquent, elle constatera peut-être qu'il est utile quelque fois de faire

20 venir un expert, de regrouper ces différents éléments sous la forme d'un

21 rapport avant d'exclure les parties qui y paraissent pertinentes au moins

22 pertinentes.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En fait, vous voulez dire que ce soit

24 fait par un expert ?

25 M. NICE : [interprétation] Oui, un expert, un témoin peut préparer un

Page 30295

1 rapport. Vous souvenez-vous, en fait, de la dernière application d'un des

2 témoins que nous avons préparée ensemble. Il y avait toute une série de

3 documents que nous avons analysé. Nous avons expliqué que le contre-

4 interrogatoire d'un tel témoin serait difficile. Quelqu'un qui aurait

5 préparé ceci et la Chambre a rejeté la demande faite par un tel témoin.

6 Mais si on regarde à sa version finale ou succincte, à savoir, à valeur

7 d'échantillon, la valeur de

8 -- si cela vaut comme présomption au cas prima facie, si on remet ceci dans

9 le contexte, ceci permet de comprendre les liens qui existaient entre les

10 parties et il serait important de voir ce rapport, et avant que

11 l'Accusation ne tire ses conclusions. Et cela viendrait d'un témoin qui

12 pourrait être contre-interrogé. Cela pourrait être assez utile.

13 Pour ce qui est de l'authentification à la lumière des observations faites

14 par M. Kay, ainsi que l'accusé, en premier lieu, le témoin a fait un compte

15 rendu de l'historique de toutes ces conversations téléphoniques

16 interceptées, à partir du premier jour jusqu'au dernier jour, avec tous

17 l'élément de référence, et a signalé qu'il était important d'évoquer la

18 chose suivante, lorsque je lui ai posé la question : "Oui ou non, vous

19 êtes-vous assuré que les exemplaires qui vous ont été fournis ou ont été

20 fournis au bureau du Procureur sont des exemplaires qui ont été certifiés

21 identiques aux originaux ?" Il a répondu, en disant : "Oui." Par

22 conséquent, ces documents, que nous avons retracés jusqu'au moment où des

23 exemplaires ont été fournis au bureau du Procureur, par conséquent, cet

24 aspect-là des choses, l'authentification des documents est quelque chose

25 qui a été établie sur la base des éléments de preuve fournis.

Page 30296

1 Je vais maintenant aborder le deuxième point qui concerne

2 l'authentification, à savoir, celui de la falsification ou création de

3 toute pièce. Au cours de contre-interrogatoire de l'accusé, la Chambre se

4 souvient peut-être que j'ai demandé à ce qu'il identifie les conversations

5 qu'il jugeait avoir été falsifiées. Il s'agissait du moment de ce contre-

6 interrogatoire où il adoptait -- ou acceptait certains transcripts de

7 conversations -- des questions de contexte. Il a refusé d'identifier

8 quelques passages que ce soit et, par conséquent, rien d'après

9 l'interrogatoire ne permet de supposer que l'on peut mettre en doute

10 l'authenticité de ces conversations téléphoniques à ce stade-ci. Mais, pour

11 finir, et c'est peut-être une dernière question, l'Accusation a identifié

12 un passage, la date était incorrecte en revanche. Mais, bien évidemment,

13 l'erreur de la date était due à quelque chose que le témoin avait signalé.

14 Il avait déjà remarqué cette -- je crois qu'il faut contraster ce point de

15 vue avec le suivant, à savoir si vous avez des transcripts de conversations

16 interceptées qui font valoir des incompatibilités ou des incohérences. Cela

17 suffirait peut-être à soulever ce doute qui ferait intervenir à ce niveau-

18 là, les différents scientifiques et autres personnes -- autres

19 spécialistes. Mais ceci n'a pas été demandé à ce stade-ci de la procédure

20 et cela me semble pas approprié. C'est ce que j'ai découvert -- c'est ce

21 que j'ai découvert dans les archives, c'est ce que j'ai fait. J'ai fourni

22 les exemplaires qui sont complets, que j'ai remis à la Chambre.

23 Et comme je crois que vous avez suggéré vous-même, Monsieur le Président,

24 les choses changeront peut-être lorsque les témoins

25 diront : "Et bien, effectivement, c'est bien moi. En partie, cela est vrai

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1 -- en partie, mais une partie a été falsifiée à dessein." A ce moment-là,

2 nous devrons faire face à une nouvelle situation, comme c'était dans le cas

3 dans l'affaire Kordic, mais je crois qu'il est trop tôt pour demander à ce

4 qu'un expert analyse et regarde toutes ces conversations téléphoniques, à

5 ce stade-ci de la procédure, si je puis je souhaiterais proposer.

6 Et je remercie M. Ruxton de l'avoir évoqué, puisqu'il s'agit d'une question

7 rhétorique. Si l'accusé devait poser la question à propos de tout et chaque

8 document, est-ce que nous devrions soumettre à l'examen d'un expert

9 l'ensemble des documents ? Je crois que la réponse est non.

10 Pour ce qui est de la question d'identification, je crois qu'il faut se

11 rappeler que certaines de ces conversations téléphoniques ont été acceptées

12 et reconnues par certains témoins dans ce prétoire à un stade avancé de

13 cette procédure et ont été fournies aux fins d'identification. Nous savons

14 que certaines de ces conversations téléphoniques ont été rendues publiques.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour les quelques minutes qui

16 me restent, je souhaite soulever un autre point.

17 Il s'agit du 89(E) et nous estimons qu'il est trop tôt pour parler de cela,

18 avec tout le respect que nous vous devons. L'idée que les documents

19 puissent être créés est quelque chose -- est un argument qui peut être

20 avancé assez facilement. Je ne dis pas que cela ne se produit jamais, mais

21 je crois qu'il est difficile de le prouver. Et, dans ce procès, hormis ce

22 qui a peut-être été entendu à propos des cassettes Spegelj, c'est connu le

23 différent qui existe à cet égard, je crois que le différent est de nature

24 différente. Mais nous n'avons aucun élément de preuve pour justifier cela.

25 Et le fait que l'on ait pu créer, monter de toutes pièces, est assez

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1 difficile à imaginer d'autant qu'il est difficile d'imaginer que des

2 éléments de preuve puissent être proposés par avance sans pour autant

3 qu'ils aient été trouvés ou qu'on ne puisse reconnaître qu'il y ait eu un

4 plan qui visait une intention malicieuse de ces dites cassettes. C'est que

5 nous sommes en audience publique, par conséquent, je fais attention.

6 L'autre point qui est important c'est celui de la légalité de ces

7 conversations, de ces écoutes téléphoniques, chose que nous avons avancé

8 dans nos conclusions, ainsi que dans l'affaire Brdjanin, et une réponse

9 fournie devant cette Chambre dans le cas de l'affaire Krajisnik datée --

10 c'est une réponse à l'Accusation, septembre 2002. Il s'agit bien de la

11 date. Pardonnez-moi, le 27 septembre 2002.

12 Et d'après l'arrêt dans le cas de l'affaire Brdjanin, qui, à mon sens, est

13 un arrêt qui est complet, au paragraphe 58, nous avons l'observation

14 suivante. A la dernière phrase de cet arrêt, nous pouvons lire, hormis

15 l'observation qui a été faite un peu plut tôt : "La Chambre souhaite

16 clairement indiquer que c'est au-delà de son mandat que de répondre à des

17 questions qui relèvent d'autres constitutions, de constitutions de pays

18 étrangers, ainsi que de répondre à des questions qui résulteraient de la

19 sécession de ces états. Et ceci ne peut pas être entrepris sur la base de

20 cette décision."

21 Cette observation signifie, bien sûr, que s'il y a un conflit ou une

22 différence entre l'accusé et la position du témoin -- est-ce que je peux

23 encore parler de ceci en audience publique ? Je crois que je peux -- que

24 tout ceci a été résolu de façon très satisfaisante par un arrêt de la loi

25 fédérale, à savoir, cela devait être régi par ce droit fédéral et ne sera

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1 pas accepté par le droit républicain. J'espère que j'ai réussi à résumer la

2 position de la Chambre. Je n'ai pas besoin d'en parler davantage.

3 Et pour ce qui est de la décision rendue dans le cas de l'affaire Brdjanin,

4 c'était un cas assez similaire, voir presque identique, il conclut, en

5 disant que la décision est publique.

6 M. NICE : [interprétation] "La Chambre considère -- ou a pris en compte les

7 conclusions de la Chambre en faveur de la légalité et estime que ces

8 arguments sont suffisamment recevables pour pourvoir l'accepter--" sans

9 pour autant tenir compte de l'autorisation et de l'amendement apportés aux

10 droits en Bosnie-Herzégovine. La deuxième position, les choses semblent

11 moins claires puisqu'il s'agit d'harmoniser l'amendement du droit, qui

12 avait pour but d'arroger l'Article 39 du droit des Affaires internes en

13 Bosnie-Herzégovine.

14 Il semble que ceci n'ait pas été conclu car la situation à l'époque était

15 proche du conflit armé. Il y a hormis cela la constitution fédérale de la

16 RSFY présentée par l'Accusation, qui aurait considéré que de telles

17 autorisations étaient légales. Et pour ces raisons, la Chambre estime qu'il

18 n'y a pas de raisons pour considérer que ces conversations ont été obtenues

19 de façon illégale. Par conséquent, il poursuit en précisant que la question

20 de la légalité est quelque chose qui ne se pose pas en la matière.

21 Par conséquent, dans ce cas avec les éléments de preuve qui vous ont été

22 soumis, il semble que l'on comprenne le terme de légalité -- la légalité

23 est clairement définie en vertu du droit fédéral et évoquée dans la

24 déclaration. Ceci couvre, effectivement, la période jusqu'au mois de mai

25 1992 quand, bien même, il y a eu un amendement de la loi, il y a eu pendant

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1 une année complète une période d'harmonisation. Après avril 1992, je crois

2 que, dans un argument avancé par l'Accusation dans le cas de l'affaire

3 Krajisnik, l'Accusation révèle que la position avait changé et qu'en état

4 de guerre cela justifiait une approche différente.

5 Je crois que nous pouvons ainsi adopter la position avancée dans le résumé

6 de l'affaire Krajisnik, et quelle soit très, très proche de notre résumé,

7 car vous n'avez peut-être pas ce document sous les yeux avant d'entrer dans

8 le prétoire aujourd'hui. Je vais, par conséquent, citer Krajisnik. Pour ce

9 qui est de la question de la légalité, toutes les conversations avant la

10 guerre étaient conformes avec le cadre constitutionnel, qui était conforme

11 à la constitution de la république. Les conversations ne peuvent pas être

12 exclues en vertu de l'Article 95 parce que les exigences de l'Article 95

13 n'avaient pas encore été ni établies, ni avancées. La recevabilité en vertu

14 du droit interne ne définit pas si, oui ou non, les éléments de preuve

15 devraient exclus, le versement au dossier d'éléments ne signifie pas pour

16 autant que la Chambre de première instance les acceptent ou accepte la

17 façon dont ces éléments ont été fournis. Il s'agit ici du -- mais -- la

18 Cour européenne des droits de l'homme -- la jurisprudence de la Cour

19 européenne des droits de l'homme ne -- avance que des éléments de

20 conversation interceptée, de façon illégale, doivent être exclus. Et

21 j'adopte la citation de M. Kay un peu plus tôt, lorsqu'il parle de

22 l'obtention de conversations interceptées, si on écoute l'ennemi, en tant

23 de guerre. Je crois qu'il ne s'agit pas ici de la conduite qui est décrite

24 à l'Article 95. Cela n'est pas antithétique, cela n'est pas antithétique,

25 et cela pourrait avoir des effets assez néfastes sur l'intégrité de la

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1 procédure.

2 En bref, des éléments de preuve authentiques, véritables, appropriés qui,

3 s'ils doivent être recevables, dans le cas qu'a prima facie sont légaux, et

4 quand bien même considéré comme illégal, on ne peut pas pour autant les

5 exclure.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je m'excuse de

8 demander la parole après M. Kay, mais j'aimerais obtenir deux minutes

9 d'argumentation complémentaire.

10 Je ne vais ajouter rien de nouveau par rapport aux questions qui ont déjà

11 été soulevées par Me Kay, mais j'estime qu'il convient de lire très

12 attentivement la déclaration d'un témoin de celui qui a témoigné ici, il y

13 a quelques jours, et qui est venu nous parler ici de la documentation

14 entière pour ce qui est des écoutes interceptées qui ont été constituées

15 donc en l'an 2000. Donc certaines écoutes en 1995 ont été communiquées au

16 bureau du Procureur. Elles ont été écourtées. Cela a été établi sans doute

17 aucun. Et ce n'est qu'en 2000, que cet établissement a élaboré une

18 documentation complète concernant ces écoutes interceptées. J'aimerais donc

19 que vous évaluiez de façon correcte ce qu'a dit ce témoin par rapport à ce

20 qu'il a fait dans son intervention professionnelle, alors que la

21 documentation n'a été constituée qu'en 2000, alors qu'avant cela les

22 éléments de preuve ont été pris par plusieurs établissements. Ce qui met en

23 doute fortement l'authenticité de ces éléments de preuve.

24 C'est tout ce que j'avais à dire à ce sujet. Merci.

25 M. NICE : [interprétation] Encore une chose. Lundi prochain, nous avons un

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1 témoin pour lequel vous souhaitiez une déclaration. Je pense disposer de la

2 mouture définitive sous réserve de quelques modifications de moindre

3 importance. Ce n'est pas un document signé. Vous savez que la façon de

4 rassembler toutes ces pièces n'est pas toujours simple. Vous voulez l'avoir

5 le plus tôt possible. Voulez-vous l'avoir avant la pause déjeuner ou avant

6 la fin de la journée ?

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maintenant, si possible.

8 M. NICE : [interprétation] Je veillerai à ce que vous en disposiez.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie.

10 Nous faisons maintenant une pause d'une heure et demie. Nous allons

11 reprendre juste après 14 heures.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 40.

13 --- L'audience est reprise à 14 heures 15.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

15 LE TÉMOIN: MEHMED MUSIC [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

18 Q. [interprétation] M. Nice m'a interrompu lorsque je voulais demander

19 vous poser la question, Monsieur Music, à vous. Dans votre paragraphe 2,

20 vous avez parlé de la date du 20 mai, après les combats qui auraient eu

21 lieu et c'est là qu'ils sont arrivés à votre maison. Et, au paragraphe 19,

22 vous dites que, le 15 mai, pilonnage du village, ils ont tiré sur votre

23 maison dix fois, mais ils n'ont pas touché. Et, dans la première

24 déclaration, paragraphe 2, vous dites que les deux Pragas étaient venus

25 pour encercler le village, avaient ouvert le feu en direction de la

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1 surplombant le village. Donc il s'agit là de déclarations différentes au

2 sujet de l'attaque qui a été lancée sur votre village et au sujet de quoi

3 vous êtes venu témoigner ici. Comment nous vous expliquez-vous cela ?

4 Pouvez-vous nous le dire ?

5 R. J'explique, en disant ce qui suit : ils ont d'abord testé pour voir si

6 nous allions répondre -- riposter aux provocations. Et je vous ai déjà dit

7 que nous avions creusé des tranchées pour les induire dans l'erreur et pour

8 faire en sorte qu'ils ne tirent pas en direction des maisons, donc il n'y

9 avait personne dans la forêt. Ils ont gaspillé leurs munitions. Nous avons

10 envoyé là-bas quelqu'un pour se promener, pour qu'ils aient l'impression

11 qu'ils y aient des gens, il y avait donc la forêt et là où il y a ma

12 maison, c'était à découvert. Nous partagions la route d'accès avec des

13 Serbes, qui étaient des voisins et qui ne pourraient plus jamais l'être.

14 Nous leur avions fait confiance, mais nous avions redouté des réservistes

15 de Blazuj. Nous les voyions sortir en direction de là où il y avait la

16 prison civile.

17 Q. Oui, mais, attendez. Laissez ça de côté. C'était une prison civile.

18 Vous dites qu'ils ont pilonné votre village, que vous ne pouviez pas quitté

19 votre maison à un tel point, ils avaient pilonné de façon intense.

20 R. Oui, bien sûr.

21 Q. Alors, ils ont pilonné la forêt ou le village ?

22 R. Tout d'abord, entre le 15 et 16, ils ont tiré en direction des maisons

23 puis, ensuite, lorsqu'ils ont voulu nous encercler, ils ont tiré en

24 direction de toute chose. Ils n'ont pas fait le tri pour savoir si c'était

25 ceci ou cela. Ils voulaient nous faire peur. Et, lorsque j'ai été

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1 emprisonné, je n'ai pas pu sortir de chez moi pendant à peu près une heure.

2 Et Tomislav Elcic, qui a travaillé avec moi pendant plus de 15 ans, avec

3 Elcic Milan.

4 Et quand ces tirs ont commencé, pour qu'ils ne s'entretuent pas, ils ont

5 cessé de tirer et ils nous ont chassé devant la maison de Alija Music.

6 Q. Bien. Mais ça, vous nous l'avez expliqué ça.

7 R. En effet.

8 Q. Donc la première, la deuxième et la troisième partie de ce que vous

9 avez raconté sont exactes ?

10 R. Bien sûr.

11 Q. Mais pourquoi, à aucun endroit de votre première déclaration, vous ne

12 parlez pas de pilonnage intense de votre village ? Vous parlez de combat et

13 d'encerclement avec ce que vous avez désigné comme étant des Chetniks.

14 R. Mais, écoutez, nous, avec nos fusils et les chars de l'autre côté, nous

15 ne pouvions rien faire.

16 Q. Mais moi, je ne vous pose pas cette question. Je vous demande pourquoi

17 vous ne parlez pas de pilonnage grave dans votre première déclaration ?

18 R. Comment, je n'en parle pas ?

19 Q. Mais trouvez-moi cela.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il ne vous suit pas. Je crois que ce qui

21 est dit n'est pas très clair ou n'est pas correct. Sa première déclaration

22 commence comme suit : "Immédiatement après la déclaration des hostilités

23 dans le village, le village a été bombardé de façon occasionnelle".

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il ne parle pas de pilonnage grave, qui aurait

25 fait, qu'il ne pouvait pas sortir de sa maison et ça, dans sa première

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1 déclaration, on ne le retrouve pas.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'agit d'un élément important.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que ce n'est pas le cas.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et si ce n'est pas le cas, je vous prie

5 de poursuivre, s'il vous plaît.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Mais aux paragraphes 23, 24, de votre deuxième déclaration, vous dites

8 que les pilonnages ont duré trois jours et après vous dites que les

9 Chetniks ont accédé au village de Musici de toute part. C'est ce que vous

10 avez dit.

11 R. C'est ce que j'ai dit. Je n'ai pas à vous le dire cinq fois.

12 Q. Vous n'avez pas à me dire cinq fois. Etant donné que ces pilonnages

13 intenses ont duré trois jours, dites-moi combien de villageois ont été tués

14 à l'occasion de ces pilonnages intenses.

15 R. Il n'y a pas eu de morts au cours des pilonnages parce qu'on n'osait

16 pas se déplacer.

17 Q. Donc, il n'y a pas eu morts ?

18 R. Le 20 mai seulement, il y a mes deux oncles qui ont été tués.

19 Q. Mais à l'occasion des pilonnages, personne n'a été tué.

20 R. Non.

21 Q. En dépit du fait qu'on ait pilonné le village entier et votre maison.

22 R. Ils ne pouvaient pas toucher ma maison parce que j'avais des arbres,

23 des fruitiers qui étaient tout autour de la maison et un verger autour. Et

24 plus bas, il y a eu un obus qui est tombé, mais c'est très mou, donc il n'a

25 pas explosé.

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1 Q. Au paragraphe 14, vous déclarez qu'avant cette attaque sur le village,

2 vous, Musulmans de Musici, vous êtes allés creuser des tranchées dans les

3 forêts autour de Musici.

4 R. Oui, on en a creusé.

5 Q. Et là, il y a eu des pilonnages sporadiques déjà, n'est-ce pas ?

6 R. On a pilonné en direction des tranchées en date du 15. C'est là qu'ils

7 ont commencé à pilonner vers la forêt, mais nous voulions qu'ils ne mettent

8 pas le feu aux maisons. Et nous n'étions en tout et pour tout qu'à peu près

9 25.

10 Q. Mais pourquoi avez-vous creusé des tranchées alors que vous aviez

11 essayé d'opérer une percée ?

12 R. On nous a pas laissé opérer cette percée parce que là où on nous

13 proposait d'aller, nous n'avions aucune chance de réussir. Il y avait déjà

14 30 civils qui avaient péri, ceux qui avaient essayé de traverser Igman,

15 tués ou égorgés.

16 Q. Au paragraphe 13, vous déclarez que vous n'avez rien fait, mais que

17 vous avez été très prudents. Vous étiez seulement 35 hommes et vous avez

18 patrouillé avec des fusils de chasse et non pas des fusils militaires.

19 C'est ce que vous avez déclaré vous-même, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Regardez ce que vous avez déclaré au paragraphe 2, de votre première

22 déclaration. A l'arrivée au garage, j'ai été interrogé -- et vous énumérez

23 trois hommes qui vous avaient interrogé -- ils voulaient savoir quelles

24 armes étaient restées. Ils voulaient en savoir plus long au sujet de

25 l'approvisionnement en armes, l'acheminement. Ils voulaient savoir si Vahid

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1 Alilovic était venu et, en plus, des interrogatoires vous mentionnez

2 Mijatovic et Silanovic, et cetera, puis ils voulaient savoir quelque chose

3 au sujet d'un Browning qui serait resté au village. C'est bien cela ?

4 R. Lorsque nous avons été mis en détention, nous Bosniens, ils disaient

5 que nous avions un fusil mitrailleur ou un Browning ou un poste émetteur

6 récepteur ou que sais-je encore. Mais c'étaient leurs tactiques à eux. Si

7 jamais eu cela, je n'aurais pas été fait prisonnier, croyez-moi bien.

8 Q. Mais vous les aviez ces Brownings ou pas ? Est-ce que vous aviez ces

9 approvisionnements en armes ou pas ? Parce que vous dites que vous avez été

10 interrogé au sujet d'une mitrailleuse lourde et de certaines d'autres armes

11 et vous affirmez maintenant que vous n'aviez pas toutes ces armes-là,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Non.

14 Q. Bien. Dans votre deuxième déclaration, voyez-vous, vous vous êtes

15 souvenu tout à coup de quelque chose qui ne figure pas dans la première, à

16 savoir, les hommes à Arkan. Vous ne mentionnez pas les hommes à Arkan dans

17 votre première déclaration. Vous parlez des soldats de la JNA. Vous avez

18 parlé des Bérets rouges, mais comment se fait-il que vous ne vous soyez pas

19 souvenu ?

20 R. Mais si je n'ai pas vu quelque chose, je ne peux pas le déclarer.

21 Q. Mais comment vous avez déclaré la chose dans votre deuxième

22 déclaration ? Dans votre deuxième déclaration, vous parlez au côté des

23 soldats de la JNA, des Bérets rouges, des hommes à Arkan ?

24 R. Les hommes à Arkan venaient lorsque nous étions dans ces garages. Moi,

25 j'ai été emprisonné le 20 et le 22, je devais aller à Lukavica, dans les

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1 camps pour charger des munitions, des obus, et nous avions quitté le

2 garage, 14, d'entre -- nous avions quitté le garage et autant nous avions

3 quitté les entrepôts. Nous allions vers des entrepôts construits en béton

4 et on a pu voir que les gens avaient été passés à tabac. Il y avait un

5 certain Hasanovic Osman [phon] qui pleurait.

6 Q. Mais moi, je ne vous ai pas posé cette question-là, Monsieur Music.

7 Dans votre première déclaration, vous ne mentionnez pas les hommes à Arkan,

8 vous ne mentionnez pas les hommes de la JNA ou les Bérets rouges et, dans

9 la deuxième déclaration, que vous faites auprès des enquêteurs du bureau du

10 Procureur d'ici, vous parlez de la JNA, des Bérets rouges et des hommes à

11 Arkan. Comment se fait-il que, quelques années plus tard, vous ayez tout à

12 coup souvenir de ces hommes-là ?

13 R. C'était dans la salle, dans le garage de Lukavica.

14 Q. Mais c'est après cet échange que vous avez fait votre première

15 déclaration. Dans la première déclaration, vous ne les mentionnez pas. Dans

16 la deuxième déclaration, devant les enquêteurs du Tribunal, tout à coup,

17 vous vous en souvenez. Comment cela se peut ?

18 R. Il se peut que celui, qui a traduit, n'ait pas très bien traduit.

19 Q. On n'a pas bien traduit.

20 R. Certainement.

21 Q. Serait-il exact de dire, Monsieur Music, qu'Alija Dzeric et Adil Music

22 sont tombés au combat avec les Serbes locaux, le 20 mai, lorsqu'un Serbe a

23 réussi à jeter une grenade à main dans le garage à partir duquel ils

24 avaient résisté de façon importante ?

25 R. Ils avaient tirés avec un lance-roquette Zolja et je les ai vus. Ils

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1 ont laissé entendre que ses frères s'étaient entretués. Or ce n'est pas

2 exact.

3 Q. Mais ils s'étaient battus avec des Serbes locaux.

4 R. Ils sont tombés dans leur propre maison le 20 mai. De quel combat

5 parlez-vous ?

6 Q. Donc, il n'y a pas eu de combat ?

7 R. Et quel combat peut-il y avoir ? Ils n'avaient que des armes de chasse.

8 Comment voulez-vous qu'ils se battent contre des Pragas, des chars alors

9 que nous étions encerclés.

10 Q. Bien. Monsieur Music, c'est ce que vous affirmez dans les deux

11 déclarations. Vous avez été arrêté par Elcic Milan et Elcic Tomislav ?

12 R. Oui.

13 Q. Dans la première déclaration, vous dites lorsque vous avez été arrêté,

14 on a aussi arrêté Adil Music, Zaim Music et Miralem Music ?

15 R. Adil et Miralem, ils les ont emmenés dans ma maison et mon frère, il se

16 trouvait dans la maison d'au-dessus. Et il a été lui fusillé à Lukavica.

17 Alors il avait été chargé d'appeler mon frère qui ne se trouvait pas là,

18 lui était allé chercher des cigarettes. Nous n'osions pas aller à Hadzici

19 pour aller en acheter. Il y avait des postes de contrôle et on nous aurait

20 tué comme on en a tué tant d'autres.

21 Q. Mais dans votre deuxième déclaration, vous indiquez que dans votre

22 maison, il a été arrêté un certain Miro Isic. Où est-il dans la première

23 déclaration ? Pourquoi ne le mentionnez-vous pas ?

24 R. Ce n'est pas Miro, c'est Mirsad Isic. C'est un cousin. Il était venu

25 chercher son frère et cet homme.

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1 Q. Mais attendez, je ne vous parle pas de cela. Pourquoi ne le mentionnez-

2 vous pas dans votre première déclaration ?

3 R. Je l'ai probablement omis. Mais il y a cette déclaration qui dit qu'il

4 était venu me voir parce qu'il était venu voir son frère qui avait été

5 arrêté avec sept autres bosniens et emmenés à la caserne.

6 Q. Donc dans la première déclaration vous l'avez oublié. Vous avez oublié

7 de le mentionner ?

8 R. C'est cela.

9 Q. Bien. Vous avez été arrêté. On vous a emmené vers cette maison d'Alija

10 Music, et vous avez vu personnellement -- et vous énumérez toute une liste

11 de personnes. Je n'ai pas à vous donner lecture de la liste.

12 R. Vous n'avez pas à me la lire.

13 Q. Etaient-ce là des voisins à vous ?

14 R. Non. Ce n'étaient pas des voisins.

15 Q. Mais vous donnez leurs noms et prénoms à tous.

16 R. Ceux qui sont cités en premier, c'étaient des voisins. C'est ceux dont

17 on avait sauvé la famille dans la première guerre, enfin la guerre

18 précédente, et eux ils nous ont rendu la pareille en exécutant tous les

19 miens.

20 Q. Mais les autres ?

21 R. Ils sont du village de ma mère. Et je me rendais là-bas parce que nous

22 avions des terres là-bas. Je connaissais tous ces gens-là.

23 Q. Donc, ce sont, tous là, des gens que vous connaissiez qui sont de la

24 localité, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Mais c'est à l'occasion de l'emprisonnement.

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1 Q. Vous avez d'abord été détenu à Hadzici puis au garage de l'assemblée

2 municipale de Hadzici ?

3 R. Ils nous ont emmené à l'école pour nous fusiller. Les frères Milosevic,

4 c'étaient des jumeaux. Il y avait Duka qui travaillait à la librairie.

5 Q. Bon. On vous a détenu d'abord à l'école puis après au garage de

6 Radici ?

7 R. Oui. Ils nous ont emmené à Hadzici et on y a trouvé Bojidar Orvat

8 [phon], un Croate.

9 Q. Bien. Vous parlez d'un certain Momo Stanimirovic, Serovic [phon] Milos.

10 Eux deux étaient illégalement originaires de votre région à vous ?

11 R. Momo Stanimirovic est de Serbie. Son village est en Serbie. Je sais

12 pour sûr qu'ils avaient emmené Kasim Dermisevic et Sehic, il y a deux noms

13 de famille là. Et c'est lui qui a dit qu'il avait été tabassé. On lui a

14 donné à manger à la paille. Il ne pouvait pas bouger. Il avait été passé à

15 tabac par ces deux hommes.

16 Q. Vous connaissez leurs noms et prénoms. Mais ce Milos Cerovina, c'est

17 quelqu'un de votre région ?

18 R. Milos Cerovina ?

19 Q. Oui.

20 R. Ce Cerovina, il est de Cerovik. Et lorsqu'on nous a conduit au VC pour

21 nous battre --

22 Q. Mais attendez, je vous ai demandé s'ils étaient de votre région ?

23 R. Oui. Sa sœur a travaillé avec moi dans l'entreprise Coca Cola.

24 Q. Donc ils vous ont emmené vers une salle de sport, ces deux-là ?

25 R. Oui.

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1 Q. Au paragraphe 3, de votre première déclaration, vous dites que le chef

2 de cette salle de sport de la prison était un certain Momo Vujovic, et les

3 gardiens étaient Ignjatovic, Mihajlovic, Kuzman, Djokic, Krajisnik ?

4 R. Oui.

5 Q. Donc tous sans exception étaient originaires de la même région ?

6 R. Momo Vujovic a travaillé pendant 15 ans avec moi dans l'entreprise Coca

7 Cola.

8 Q. Attendez, je ne vous ai rien demandé de particulier. Mais c'étaient des

9 gens de la région, c'est tout ce que je vous demande ?

10 R. Le Djokic, il n'est pas de chez nous.

11 Q. D'où vient-il ?

12 R. Je ne saurais pas vous le dire.

13 Q. Bien. Mais quand vous parlez de ces événements, de cette salle de

14 sports à Hadzici, vous insistez pour dire que, parmi les personnes

15 présentes, vous avez reconnu un certain Fific et une certaine Ljilja qui

16 était enseignante ou prof de gym ?

17 R. Je ne les ai pas reconnus, mais c'est un Bosnien, Salihic, dont

18 j'ignore le prénom, qui a été détenu avec moi. Il avait été privilégié un

19 peu par ces gens-là, et c'est le seul à ne pas avoir été battu. Et on lui

20 disait qu'il était le seul valable, que le reste de la vermine devait être

21 exterminé.

22 Q. Donc ce Fific et la Ljilja que vous désignez comme étant des Chetniks ?

23 R. Il en est venu avec des cirages sur leurs figures et des gants, des

24 mitaines, que sais-je --

25 Q. Mais attendez, au paragraphe 14 [sic], vous les désignez comme étant

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1 des hommes à Arkan ?

2 R. C'est Momo qui nous a dit. Alors on lui a demandé, "Pourquoi les as-tu

3 laissé nous battre ?" Il y avait un collègue, Sohic Ibro, qui travaillait

4 dans l'entreprise Coca Cola lui aussi, qui disait, "Mais nous n'osons pas

5 nous opposer à eux pas plus qu'aux hommes à Seselj. Ils nous abattrons pour

6 sûr."

7 Q. Oui. Mais dans la deuxième déclaration, vous expliquez que vous ne

8 connaissiez pas Fific non plus. Et que c'est ce Fific qui lui a dit que

9 c'était des hommes à Arkan ?

10 R. Comment voulez-vous que je l'aie connu.

11 Q. Mais alors, attendez. Ces hommes à Arkan, ces Chetniks, tout ça, c'est

12 qui ces gens-là ?

13 R. Tout ça c'étaient des voyous qui ont fait ce qu'ils ont fait et

14 personne ne saurait imaginer ce qu'ils nous avaient faits. Je ne veux plus

15 me souvenir de tout ce qu'ils nous ont fait. Voilà ce que je peux vous

16 dire.

17 Q. Bon. Mais dites-moi, dans votre première déclaration, vous n'avez pas

18 fait état des hommes à Arkan. Est-ce que quelqu'un vous a laissé entendre

19 qu'il s'agissait d'hommes à Arkan en effet ?

20 R. Je vous ai dit la première fois, le 22 mai, lorsque je suis revenu, ils

21 ont tabassé Adem Nuhanovic [phon], son fils, Mujanovic [phon]. Adem est

22 décédé. Son fils de nos jours est une personne malade. Il a du mal à

23 survivre à tout cela. Le jeune de 16 ans --

24 Q. Monsieur Music, je vous ai demandé qui est-ce qui vous a laissé

25 entendre que c'étaient des hommes à Arkan ?

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1 R. Les gardiens.

2 Q. Ah, ce sont les gardiens ?

3 R. Non, ce ne sont certainement pas eux qui ont dit, "Nous sommes des

4 hommes à Arkan."

5 Q. Dites-moi combien de temps êtes-vous resté à Lukavica ?

6 R. Je suis resté à Lukavica depuis le 22 à 13 heures 00. Nous avons passé

7 la nuit là-bas.

8 Q. Mais pourquoi ne parlez-vous pas de cette caserne Slavisa Vajner Cica à

9 Lukavica ?

10 R. Comment, je ne le mentionne pas.

11 Q. Je ne l'ai pas vu. Peut-être me trompe-je, mais dans votre première

12 déclaration, je ne trouve nulle part de casernes Slavisa Vajner Cica ?

13 R. Je n'étais pas seul. Il y avait 280 personnes.

14 Q. Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je ne vous demande

15 pourquoi vous ne parlez pas de cette caserne et pourquoi vous ne parlez pas

16 de ces soldats dans votre première déclaration ? Et de quelle date

17 s'agissait-il quand vous avez été emprisonné là-bas ?

18 R. Le 22 juin 1992.

19 Q. 22 juin.

20 R. Oui.

21 Q. Etait-ce les membres de l'armée de la Republika Srpska ou de la JNA, le

22 22 juin ?

23 R. Le 22 juin ?

24 Q. Oui.

25 R. C'étaient des membres de l'armée de la JNA en présence des hommes à

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1 bérets qui étaient venus de Serbie.

2 Q. Bien, bien. Paragraphe 75 de la deuxième déclaration, vous dites : Le

3 22 juin qu'il y avait des soldats de la JNA dans cette caserne qui se

4 trouve à Lukavica, à proximité de Sarajevo. Et au paragraphe 75 de cette

5 deuxième déclaration, vous décrivez les mauvais traitements auxquels vous

6 avez été soumis, et ainsi que votre père Miralem ?

7 R. Ça s'est passé le 23 juin au matin.

8 Q. Bien. Mais ça vous ne le mentionnez nulle part dans la première

9 déclaration.

10 R. Comment, comment je ne le mentionne pas ? C'est une chose que je ne

11 pourrai jamais oublier.

12 Q. Pouvez-vous me montrer dans cette première déclaration où est-ce qu'il

13 en est question ?

14 R. Je ne sais plus où se trouve cette première déclaration.

15 Q. C'est précisément parce que je ne peux pas la trouver. J'ai cette

16 première déclaration. Vous ne mentionnez aucun mauvais traitement.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être pourrais-je

18 vous aider. Il s'agit de la version de la déclaration du 18 avril,

19 paragraphe 5, version anglaise. Et pour ce qui est de la version serbe,

20 page 3, Monsieur Music, dernier paragraphe.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. C'est la deuxième déclaration.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Qu'est-ce que vous avez dit tout

24 à l'heure.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Là où vous avez dit qu'il pouvait s'agir

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1 de votre frère, c'est la page 3, dernier paragraphe, là où il est question

2 de personnes qui ont été mises de côté, tout comme vous, se situait à cet

3 endroit là.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais ça n'y figure pas. Je dois avoir

5 oublié.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Bon, écoutez, ne perdons pas de temps. Cela peut être constaté à partir

8 de la lecture du texte.

9 Et vous déclarez qu'on vous avait injurié, qu'on vous avait tapé, qu'on

10 vous avait frappé. C'était des officiers qui vous avaient frappé. Il y en

11 avait un qui portait un couvre-chef de la Lika, parce que vous aviez

12 reconnu l'écusson de la Lika.

13 R. J'ai fait mon service à Pantelej Bubanj à Serbie pendant 18 mois.

14 Q. Attendez. Vous devez savoir quand même où se trouve la Lika ?

15 R. Je sais. Je parle le serbo-croate. Je sais comment parler en Serbie. Il

16 m'a injurié tout ce que j'avais comme famille --

17 Q. Mais attendez. Moi, je vous demande, vous dites qu'il était de la Lika,

18 et qu'il portait un couvre-chef de la Lika. Est-ce qu'il parlait comme on

19 parle en Serbie ou est-ce qu'il parlait comme on parle en Lika ?

20 R. Il était à 1 000 % de la Lika. Il y en avait un qui était monténégrin,

21 un officier.

22 Q. Donc il n'était pas de la Lika ?

23 R. Il ne m'a pas dit d'où il venait. Moi, je n'osais pas lui demander.

24 Q. Mais cet écusson, c'est de la Lika que vous avez dites-vous reconnu. De

25 quoi a-t-il l'air ?

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1 R. C'est un détail.

2 Q. Mais dites-nous de quoi a l'air cet écusson ?

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais il vient de vous le dire.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Mais cet homme qui portait ce couvre-chef de la Lika et avec cet

6 écusson de la Lika, à quelle armée appartenait-il ? Pouvez-vous me le dire

7 cela ?

8 R. Je sais qu'il avait été le commandant des Bérets rouges et c'est tout

9 ce que je sais. Il m'a donné un coup de pied au derrière, il m'a injurié ma

10 mère de balija, comme on dit en Serbie. Et il m'a interrogé, et il a parlé

11 le dialecte ékavien. Ils ont travaillé cinq ans en Allemagne avec moi, ces

12 gens de Serbie. Je reconnais leur parler. Je n'ai aucune raison de vous

13 mentir. Je n'ai pas dit qu'ils étaient venus d'une région que je ne

14 connaissais pas ?

15 Q. Attendez. Dans votre deuxième déclaration, vous parlez de soldats de la

16 JNA, paragraphe 79, 80, 82.

17 R. Après nous avoir tabassé, il est arrivé des soldats et ils nous ont

18 demandé, "Qui est-ce qui nous avait passé à tabac ?" Alors nous leur avons

19 dit que c'était ceux qui se trouvaient devant, et quand on était tout

20 couvert de sang, ils nous disaient, ils nous injuriaient, "Qui est-ce qui

21 vous a tabassé ?" Puis ceux-ci partis, ils en venaient d'autres.

22 Et j'ai passé trois nuits dans la caserne à Lukavica.

23 Q. Bien, ces soldats que vous mentionnez-là, ils ne vous ont pas battu,

24 eux ?

25 R. Les soldats ne nous ont pas battu. Ce sont les Bérets rouges qui nous

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1 ont battu.

2 Q. Attendez. Comment se peut-il ? Ils étaient avec des soldats. Les

3 soldats ne vous battaient pas, mais eux vous battaient. C'est ce que vous

4 voulez nous dire ?

5 R. Oui. Il y avait mon frère qui avait été battu. Il était à moitié mort.

6 Je l'ai porté sur mes bras.

7 Q. Bien. Mais dites-moi, je vous prie : Etait-ce là des soldats de la JNA,

8 des soldats de la JNA qui ne vous avaient pas battu, ou alors c'était des

9 soldats de l'armée de la Republika Srpska ?

10 R. Il y avait des soldats de la JNA partout dans les couloirs, et ils nous

11 surveillaient, et ils laissaient passer les hommes avec les -- qui

12 portaient des bérets et des hommes à Arkan. Et ils n'osaient pas les

13 retenir. Alors, c'était une espèce de stratagème ou d'astuce. Ils étaient

14 en train de jouer un petit jeu. Il y en avait qui nous tabassaient,

15 d'autres qui étaient, soit disant, en train de nous sauver.

16 Q. Les uns vous tabassaient, les autres vous sauvaient.

17 R. Comme vous au Kosovo.

18 Q. Monsieur Music, au paragraphe 117, vous dites que vous avez été membre

19 d'une commission chargée des échanges de prisonnier pour la municipalité de

20 Hadzici ?

21 R. Oui.

22 Q. En travaillant dans cette commission, je suppose que vous avez pu

23 recueillir un grand nombre de données, au sujet des personnes emprisonnées

24 et des personnes échangées. Vrai ou faux ?

25 R. Je ne vous aurais pas parlé de renseignements.

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1 Q. Possédez-vous ces renseignements-là ?

2 R. Je ne suis pas habilité à vous les communiquer.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il ne vous reste plus

4 que cinq minutes.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas besoin de ces cinq minutes,

6 Monsieur May.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Je voudrais savoir, Monsieur Music, comment fait confiance aux

9 renseignements de cette commission là ou aux données de cette commission

10 alors que vous avancez ici tant de choses contradictoires dans les quelques

11 déclarations que vous avez faites ?

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci est un commentaire pur et simple. Le

13 témoin n'a pas à répondre à ce type de commentaire. Avez-vous autre chose à

14 lui demander ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai rien d'autre à lui poser comme

16 question. Je vous remercie, Monsieur May.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur les Juges.

18 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

19 Q. [interprétation] Monsieur Music, si vous pouvez nous apporter une autre

20 explication, j'aimerais que vous le fassiez. Je parle de la déclaration du

21 18 avril. Si je vous ai bien compris tout à l'heure, vous avez dit que dans

22 ces déclarations-là il n'y a pas d'Arkan, il n'est pas question d'hommes à

23 Arkan et de Bérets rouges parce que cela n'a pas été bien traduit. C'est

24 bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

25 R. Le 18 avril ?

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1 Q. Oui.

2 R. Mais je ne sais pas pourquoi vous parlez du 18 avril.

3 Q. Le 18 avril 1993, vous avez fait une première déclaration. C'est très

4 rapproché des événements que vous avez décrits.

5 R. Oui.

6 Q. Et en date du 18 avril 1993, dans toute la déclaration à aucun endroit

7 il n'est question ni des hommes à Arkan, ni des Bérets rouges. Des choses

8 plus intéressantes encore, vous n'avez mentionné nulle part les membres de

9 l'armée populaire yougoslave. Vous n'avez parlé que de Chetniks. Regardez,

10 par exemple, la page 3, à 12 reprises vous parlez de Chetniks, mais vous

11 n'avez jamais nulle part mentionné les soldats de la JNA, les hommes à

12 Arkan, ni les Bérets rouges. Comment pourriez-vous expliquer cela à

13 l'intention des Juges ? Donc le 18 avril 1933 vous n'avez absolument pas

14 mentionné une chose pareille.

15 R. Je ne vous ai pas mentionné le 12 avril non plus, le 12 avril 1992,

16 lorsqu'il est arrivé 52 semi-remorques de Serbie. Il y avait deux chars,

17 deux véhicules de combat et deux blindés. Ils sont passés par Hadzici au

18 travers de l'établissement chargé des révisions mécaniques. Ils sont passés

19 par un portail, ils sont sortis par l'autre. Ils sont allés vers Crnovica

20 [phon] --

21 Q. Mais --

22 R. Un moment --

23 Q. Mais moi, je ne vous ai pas posé la question.

24 R. Je ne l'ai pas dit mais personne -- personne ne pouvait s'y opposer.

25 Ils disaient qu'ils faisaient ce qu'ils voulaient.

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1 Q. Monsieur Music, je m'excuse, je n'ai pas beaucoup de temps. Vous avez

2 fait ces déclarations devant les autorités de la Bosnie-Herzégovine. Ce

3 sont des déclarations que vous avez faites auprès des services de sécurité

4 de la Bosnie-Herzégovine. Vous leur aviez relaté ce que vous avez vécu. A

5 aucun endroit vous n'avez mentionné ni les hommes à Arkan, ni les Bérets

6 rouges, ni les membres de la JNA. A aucun endroit littéralement vous ne les

7 avez pas mentionné cela.

8 R. Cela n'est pas possible.

9 Q. Regardez la déclaration que vous avez faite le 16 juin au bureau du

10 Procureur. Quelle année ? Nous ne le savons pas.

11 Regardons maintenant le paragraphe 17. Vous dites ici que le

12 8 mai vous avez vu quelques personnes, ou plutôt, quelques personnes vous

13 ont dit qu'ils avaient vu des chars et ensuite on a entendu des fusillades,

14 on vous a tiré dessus et vous avez -- on a dit que l'on a utilisé des

15 balles traçantes. Et dans votre déclaration, vous dites

16 -- de qui s'agissait-il ?

17 R. Et bien, il s'agissait des chars de la JNA. S'il y avait des chars je

18 -- si j'avais un char moi-même, je ne serai pas ici.

19 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges, s'il vous plaît ? Comment se fait-il

20 que vous parlez ici au bureau du Procureur et vous parlez de chars de la

21 JNA, chose que vous n'avez jamais évoqué avant ?

22 R. Ecoutez, je ne souhaite pas me souvenir de tout ceci. Il y a des gens

23 qui ont oublié même lorsqu'ils ont été détenus, et lorsqu'ils sont sortis,

24 et lorsqu'ils étaient en prison on leur a demandé quel était le nom de leur

25 femme, qu'ils ne s'en souvenaient pas. Ils n'avaient rien à manger, ils

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1 avaient perdu toute la mémoire, ils étaient en condition déplorable.

2 Q. Regardez le paragraphe 85 [sic], s'il vous plaît. Vous décrivez au

3 bureau du Procureur tout ce qui portait ou concernait votre frère. Miralem,

4 c'est votre frère, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Et vous dites : "En passant dans ce couloir, j'ai vu un homme qui

7 gisait par terre. On m'a demandé de le soulever. J'ai constaté que c'était

8 mon frère Miralem. Je l'ai déposé dans une chambre et nous avons transporté

9 dans cette pièce. Est-ce que c'est ce que vous avez dit ? Est-ce

10 qu'effectivement, les choses se sont passées ainsi ?

11 R. Oui.

12 Q. Regardez votre déclaration du 18 avril, s'il vous plaît. Au paragraphe

13 5, en anglais, s'il vous plaît.

14 Vous dites, dans ce paragraphe, vous ne faites mention de votre affaire

15 nulle part. Et vous ne parlez pas d'officier, vous parlez de Chetnik, dont

16 le surnom était Crni Mrak, nuit noire, et lui vous a passé à tabac. Comment

17 pouvez-vous expliquer cela ? Comment se fait-il que vous n'ayez jamais fait

18 mention de votre propre frère dans votre déclaration ? Car son propre frère

19 était quelqu'un que l'on ne peut pas oublier, en particulier, s'il a été

20 tué.

21 R. Mon propre frère était mort à ce moment-là lorsque j'ai été passé à

22 tabac, et je devais garder les mains derrière le dos. Nous étions tous

23 couverts de sang. Et il était plus lourd que moi, il pesait plus de 100

24 kilos. Il me dépassait d'une tête et je n'ai jamais su ce qu'il advenu de

25 lui. On les a emmenés sans doute à Pale, et ils les ont brûlés.

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1 Q. Vous n'êtes pas obligé de m'expliquer ceci. Bien sûr qu'il s'agit de

2 votre frère, mais, le 18 avril, lorsque les services de la Sécurité vous

3 ont interrogé, vous n'avez pas évoqué cet événement tragique, à savoir que

4 vous avez perdu votre frère à ce moment-là. Comment arrivez-vous à

5 expliquer cela ?

6 R. Ecoutez, je n'ai pas dit qu'il est mort là sur le champ. Par la suite,

7 nous avons entendu parler de cela au camp. Ce n'est pas quelque chose que

8 j'ai vu de visu.

9 Q. Mais ceci ne figure pas dans votre témoignage non plus.

10 R. Mais je ne sais pas où ils l'ont emmené. Le 23 au matin, ils nous ont

11 passé à tabac et 47 personnes ont été emmenées. Je faisais partie de ces

12 47.

13 Q. Très bien. Juste un dernier point, car il me reste que très peu de

14 temps. Je souhaite que les Juges évalue la situation. Vous avez parlé de

15 Ljilja.

16 R. Oui.

17 Q. C'était quelqu'un qui donnait des leçons à vos enfants, à l'école

18 technique. Elle donnait des cours de musique.

19 R. De musique.

20 Q. Très bien. Alors, lorsque vous parlez de -- au paragraphe 3, dans la

21 version anglaise, vous constaterez que le premier paragraphe se trouve à la

22 page 3. Alors, lorsque vous parlez de Ljilja, le professeur de musique qui

23 travaillait à Hadzici, vous dites que Ljilja est évoqué souvent car,

24 lorsque les détenus s'affalaient sur le sol à la suite des passages à

25 tabac, leur sautait dessus. Vous souvenez-vous de cela ?

Page 30324

1 R. Ceci s'est passé devant moi, sous mes yeux. Elle a sauté sur un homme

2 qui avait 70 ans, et cet homme pleurait. C'était un spectacle abominable.

3 Est-ce qu'on leur avait donné de la drogue ou de la boisson, je ne sais pas

4 ce qu'ils avaient. Ils avaient des couteaux. Ils avaient de fusils. Ce

5 qu'ils ont fait était absolument incroyable. Ils ont fait marcher un homme

6 autour de cette salle, et lui ont demandé d'insulter sa mère turque.

7 Q. Je comprends fort bien. Lorsque vous avez fait cette déclaration, il y

8 a cinq ans, vous n'avez rien dit de plus. Vous avez dit : "Je l'ai reconnu

9 parce qu'elle avait -- elle enseignait la musique à mes enfants à l'école

10 technique. Et je l'ai vu enlevé les pantalons d'un homme." Je ne souhaite

11 pas répéter ici. Il s'agit de relations sexuelles avec un autre homme. Je

12 ne souhaite pas rentrer dans ceci. Il s'agit en fait de moralité publique.

13 Et pourquoi ceci s'est-il passé ? Est-ce vrai ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourquoi n'avez-vous pas déclaré ceci la première fois ? Et pourquoi

16 avez-vous entendu parler de cela beaucoup plus tard ? Et d'autres témoins

17 l'ont évoqué. Comment se fait-il que vous n'ayez jamais fait référence à

18 cela ?

19 R. Ecoutez, comment pouvez-vous dire que ce voisin est encore en vie.

20 Comment savez-vous -- et comment les choses - à quoi cela ressemblerait si

21 je devais parler de tout cela ? Vous comprenez cela ?

22 Q. Pourquoi l'a-t-elle forcé à agir ainsi ?

23 R. Elle souhaitait lui trancher la gorge.

24 Q. Mais vous n'avez jamais évoqué ceci plus tôt. "Ensuite elle a enlevé

25 les pantalons de cet homme." Et, bien sûr, maintenant, je vais dire, et M.

Page 30325

1 le Juge peut lire de même.

2 R. Très bien.

3 Q. Vous n'avez jamais évoqué ceci plus tôt. Pourquoi l'évoquez-vous

4 maintenant ? Pouvez-vous expliquer, s'il vous plaît ?

5 R. Je dois vous l'expliquer. Ecoutez, tout est contenu dans ma déclaration

6 et c'est aux Juges d'en décider. Ce n'est pas à moi d'en décider.

7 Q. Très bien.

8 Mme PACK : [interprétation] Question supplémentaire très courte.

9 Nouvel interrogatoire par Mme Pack :

10 Q. Monsieur Music, nous avons avancer que, dans l'interrogatoire de M. --

11 les questions posées par M. Tapuskovic et l'accusé, qu'au mois de juin

12 1997, la déclaration que vous avez faite à propos des hommes d'Arkan, à

13 propos des Bérets rouges, et des chars de la JNA, et même de la mort de

14 votre frère, est-il vrai que vous avez parlé de tous ces éléments au mois

15 de juin 1997 ?

16 R. Ecoutez, je n'ai jamais fabriqué ceci de toute pièce.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, je n'ai jamais rien fabriqué de toute pièce.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. C'était, effectivement, la question

21 qui vous a été posée.

22 On vous a demandé si vous avez fabriqué de toute pièce les éléments de

23 preuve, Monsieur Music. Est-ce que vous pourriez répondre, s'il vous

24 plaît ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

Page 30326

1 Mme PACK : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

2 Président.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Music, ceci termine votre

4 témoignage. Nous vous remercions d'être venu vous rendre au Tribunal pour

5 témoigner. Vous êtes libre de repartir.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il nous reste peu de temps, mais nous

9 allons voir ce que nous pouvons dans cet intervalle de temps. Nous allons

10 essayer de couvrir le plus de choses possibles. Et plus nous arriverons à

11 entendre rapidement mieux ça vaudra.

12 M. AGHA : [interprétation] L'Accusation souhaite appeler le témoin suivant,

13 B-1770. Il s'agit d'un témoin pour lequel nous avons demandé des mesures de

14 protection. Si je puis demandé à ce que les stores soient baissés, s'il

15 vous plaît.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous pouvons entendre ce témoin jusqu'à

17 15 heures 40, pas davantage.

18 M. AGHA : [interprétation] Ecoutez, de toute façon, personnellement, je

19 n'aurai pas besoin de beaucoup de temps, mais le témoin devra peut-être

20 venir. J'espère que -- en tout cas, nous allons voir ce que nous pouvons

21 faire.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous voulez bien faire la déclaration

24 solennelle, Monsieur le Témoin, s'il vous plaît.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

Page 30327

1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1770 [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

5 Interrogatoire principal par M. Agha :

6 Q. [interprétation] Témoin B-1770, avez-vous fait une déclaration au

7 préalable, le 13 mars 2002, au bureau du Procureur, document que vous avez

8 sous les yeux et qui a été signé par vous-même ?

9 R. Oui, oui, absolument.

10 Q. S'agit-il bien de votre nom sur la première page de cette déclaration ?

11 R. Oui.

12 M. AGHA : [interprétation] Est-ce que je peux demander à la Chambre que ce

13 document soit versé au dossier en vertu de l'Article 89(F) et que nous lui

14 donnions une cote, s'il vous plaît.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Numéro de cote, s'il vous plaît.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le 616, Monsieur le Président, sous

17 scellé.

18 M. AGHA : [interprétation] Merci. Nous avons un résumé de la déclaration de

19 ce témoin, mais je vais passer rapidement dessus de façon à ce que nous

20 puissions avancer.

21 En substance, ce témoin est bosnien. Il s'est rendu à Srebrenica en 1993,

22 où Srebrenica était bombardé du côté de la Drina par les Serbes et il s'est

23 ensuite déplacé en direction de l'enclave de Zepa. Après la prise de

24 l'enclave de Srebrenica et de Zepa, en juillet 1995, par les forces serbes,

25 il est entré en Serbie à la nage en traversant la Drina. Une fois arrivée

Page 30328

1 sur l'autre rive, il a été arrêté par les soldats de la VJ, emmené dans un

2 centre de Détention et a passé environ six mois dans le dernier camp de

3 détention. Pendant son temps de détention, il n'a pas reçu suffisamment

4 d'aliments, de nourriture, d'eau, a subi des mauvais traitements et a été

5 passé à tabac.

6 Voici pour l'essentiel, la déclaration de ce témoin. Et j'en ai terminé

7 avec l'interrogatoire principal, Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si nous pouvions essayer de terminer avec

10 ce témoin aujourd'hui, Monsieur Milosevic, ça serait parfait. Si tel n'est

11 pas le cas, nous devrions suspendre la séance.

12 Poursuivons. Nous allons voir comment nous allons procéder.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais faire en sorte que ce contre-

14 interrogatoire soit très efficace.

15 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

16 Q. [interprétation] Monsieur B-1770, dans votre déclaration, vous dites

17 que vous avez décidé de témoigner parce que vous étiez très en colère

18 lorsque vous avez entendu dire que j'ai déclaré devant ce Tribunal que nous

19 avions sauvé entre 800 et 900 Musulmans. Et je suppose que vous entendez --

20 vous parlez de cette brigade qui a traversé la Drina à la nage et qui ont

21 été pris en charge par nos autorités, les autorités serbes. Est-ce que

22 c'est cela qui vous a mis en colère.

23 R. Je n'étais pas en colère. J'étais profondément indigné car je sais

24 exactement comment nous avons été accueillis de l'autre côté et comment

25 nous avons été traité dans ce camp, nommé Mitrovica.

Page 30329

1 Q. Le fait que nos autorités ont accueilli votre brigade, je crois que

2 votre brigade comprenait quelque 800 personnes, si mes souvenirs sont

3 exacts, et c'est quelque chose de différent. Vous avez fait votre

4 déclaration le 11, 12 et 13 mars 2002. Et moins d'un mois avant, la

5 procédure a été lancée devant ce Tribunal à propos du Kosovo et de la

6 Bosnie-Herzégovine. Comment se fait-il que vous ayez entendu ces éléments

7 de preuve et que vous ayez eu connaissance de ma déclaration à ce moment-

8 là ?

9 R. J'ai lu quelque part votre déclaration qui précisait qu'il y avait

10 quelque 800 à 900 personnes à l'enclave de Zepa, qui avaient été sauvées.

11 Et je sais que vous avez parlé d'un centre d'accueil.

12 Q. Est-ce que ceci a été établi parce que de l'ensemble de la presse

13 internationale a rendu visite aux hommes de cette brigade et tout ce qui a

14 été déclaré -- a été déclaré en présence des représentants de la presse

15 internationale ? Comment est-ce que possible que vous soyez indigniez le 11

16 mars, alors que les poursuites judiciaires n'ont été lancées qu'à propos du

17 Kosovo, aucune mention n'avait été faite à ce moment-là de Zepa ou de la

18 Bosnie ?

19 R. J'ai entendu votre déclaration à la télévision et vous avez dit et

20 stipulé que vous aviez sauvé la vie de 800 à 900 personnes, y compris moi-

21 même. Mais je sais exactement quel genre de sauvetage il s'agissait.

22 Q. C'est exactement la question que je vous pose. Comment étiez-vous au

23 courant, avant le 11 mars, alors que les poursuites devant le Tribunal ne

24 concernaient que le Kosovo ?

25 R. On parlait beaucoup de Srebrenica, à ce moment-là.

Page 30330

1 Q. Ecoutez. Nous allons mettre ça de côté. C'est relativement facile à

2 établir. Vous souvenez vous, peut-être, à quel moment j'ai fait cette

3 déclaration, entre cette déclaration-là, la mienne et votre état

4 d'indignation ?

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée), à ce moment-là, et ils m'ont dit que vous ne pouvez

8 faire cela que si vous vous rendez sur place. Ils m'ont donné le numéro de

9 téléphone du Tribunal et j'ai demandé à témoigner devant ce Tribunal.

10 Q. Cela ne pouvait pas être votre mobile car on ne parlait pas de la

11 Bosnie à ce moment-là. Néanmoins, c'est la première raison que vous avez

12 alléguée.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, Monsieur Milosevic. Ne perdons

14 pas de temps. Le témoin a donné ces raisons déjà et fourni des explications

15 à ce propos.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Alors j'espère que ceci n'est pas

17 contesté. Je pense que cette explication ne peut pas être véridique.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Bon, c'est le deuxième mobile que vous allégué qui m'intéresse et si

20 d'une décision, vous avez été amené à témoigner. Ici, vous dites que vous

21 n'avez pas la liberté de circuler. Vous ne pouvez pas retourner à l'endroit

22 où vous habitiez ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Monsieur 1770, où habitez-vous habituellement et habitiez-vous au

25 moment où vous avez fait ces déclarations aux enquêteurs en mars 2002 ?

Page 30331

1 (expurgée)

2 (expurgée) qui ne vous autorisait

3 pas à rentrer chez vous ? Pourquoi votre liberté de mouvement était-elle

4 ainsi limitée ?

5 R. Vos co-combattants, les personnes qui y vivaient, les personnes qui

6 m'ont chassées.

7 Q. Donc, après la guerre, vous n'avez pas pu rentrer chez vous, dans votre

8 ville natale ?

9 R. Non. Je ne suis pas rentré. Je n'osais pas et, encore, je n'ose pas

10 encore aujourd'hui.

11 Q. Pourquoi ?

12 R. Parce que j'ai connu et j'ai éprouvé et traversé des moments

13 extrêmement difficiles pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Et j'en

14 subie encore les conséquences et certaines personnes sont à des postes

15 qu'ils ne devraient pas occuper.

16 Q. J'essaie de comprendre votre motivation ici. Il me semble que votre

17 motivation profonde ne correspond pas à ce qui est déclaré -- à ce que vous

18 déclarez ici. Est-il vrai que vous êtes retourné en Bosnie en août 1996 ?

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

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23 (expurgée)

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25 (expurgée)

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1 (expurgée)

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17 (expurgée)

18 Q. Est-ce que j'ai raison de dire que je crois que vous avez été forcé à

19 cela ? Vous n'avez pas accepté ce poste de votre plein gré ? On vous a

20 nommé à ce poste, on vous a demandé de le faire ?

21 R. Non. Ecoutez, j'avais besoin d'argent. Je n'avais pas d'emploi à ce

22 moment-là, j'avais besoin de gagner de l'argent pour subvenir aux besoins

23 de ma famille.

24 Q. Vous savez peut-être vous a-t-on nommé à ce poste parce que, par

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine, vous avez été déclaré déserteur parce qu'en

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1 juillet 1995, vous avez déserté, vous êtes allé vous réfugiez en Serbie ?

2 R. Je ne suis pas un déserteur. J'ai été chassé. Nous avons tous été

3 chassés de l'enclave de Zepa, de l'enclave de Srebrenica. Nous n'avons

4 jamais été traités comme des déserteurs.

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 R. Oui. Il s'agit de l'année 1999.

10 Q. Ensuite, un ordre d'éviction, on vous a demandé de quitter la maison

11 dans laquelle vous viviez ?

12 R. Oui. J'ai reçu cet ordre d'expulsion et je devais vivre dans cette

13 maison abandonnée. Je n'avais pas d'autres lieux où me rendrent, hormis la

14 Republika Srpska, endroit où je n'osais pas me rendre.

15 Q. Mais il s'agit de la région qui était sous le contrôle de la fédération

16 de la Bosnie-Herzégovine, autrement dit, ce ne sont les Musulmans qui vous

17 ont chassé.

18 R. Non, ce ne sont pas les Musulmans, mais les règlements.

19 Q. Et, ensuite, en l'an 2000, vous avez demandé l'asile politique et vous

20 avez quitté la Bosnie-Herzégovine. Est-ce exact ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Vous et votre famille vous n'avez pas quitté la Bosnie-Herzégovine à

23 cause des Serbes, mais à cause de l'attitude de vos propres autorités à

24 votre égard ?

25 R. Monsieur, étant donné que je viens d'une ville qui s'appelle Bijela et

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1 qui fait partie de la Serbie maintenant, anciennement en Bosnie-

2 Herzégovine, j'ai été chassé après tout ce que j'ai vécu à cet endroit-là,

3 avec ce gouvernement-là, et pendant la guerre, je tremble simplement à

4 l'idée de retourner dans cette région. Mon propre enfant a été tué et je ne

5 sais même pas où il est enterré.

6 Q. Ecoutez, je suis désolé de l'apprendre, Monsieur, mais vous n'avez pas

7 véritablement été chassé de votre maison sur le territoire de la Republika

8 Srpska, ce que vous appelez une entité serbe. C'était sur le territoire de

9 la fédération que se trouvait votre maison, n'est-ce pas ?

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23 (expurgée)

24 R. L'autre raison c'est que je ne peux pas retourner vivre dans ma maison.

25 Je ne peux pas retourner à l'endroit où je vivais et où je travaillais.

Page 30335

1 Q. Mais vous aviez le droit d'habiter en Bosnie-Herzégovine ?

2 R. En Bosnie-Herzégovine, oui.

3 Q. Au paragraphe 73, vous dites que vous ne pouvez pas retourner dans la

4 municipalité de Zepa à Luka ?

5 R. C'était dans la municipalité de Srebrenica, mais cela était rattaché à

6 l'enclave de Zepa. Et j'avais peur, très peur.

7 Q. Et la raison c'est parce que vous aviez peur ?

8 R. Très peur.

9 Q. Très bien. Pourquoi n'êtes-vous pas -- ne vous êtes-vous pas rendu dans

10 une autre ville de la fédération de Bosnie-Herzégovine, en dehors de la

11 Republika Srpska ?

12 R. Les accords de Dayton avaient pour objet d'empêcher toute forme de

13 purification ethnique et j'étais un co-détenu dans un camp. J'ai eu de très

14 mauvaises expériences dans ce camp, cela faisait 34 ans que je vivais

15 assiéger. Il y a les mêmes troupes qui nous avaient expulsées, qui sont

16 toujours sur les lieux. Ils nous traitaient comme du bétail. L'idée de

17 rentrer me fait trembler tout simplement.

18 Q. Très bien. Vous prétendez que vous êtes une personne qui a été

19 expulsée. Vous dites que vous avez passé un certain temps dans des camps en

20 Serbie. Vous dites que vous avez été blessé parce que vous étiez en

21 mission. C'était une mission très importante et vous avez accompli cette

22 mission au nom de votre état. Et vous dites que vous ne pouvez pas rentrer

23 dans votre propre pays ?

24 R. J'ai déjà donné mes raisons.

25 Q. Il s'agit des tous premiers paragraphes de votre déclaration. Vous

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1 décrivez la situation générale à Srebrenica, à Zepa, à Luka, où vous avez

2 vécu jusqu'en 1995. Et vous décrivez de différentes manières vos

3 appréhensions et vos craintes eu égard aux Serbes ?

4 R. C'est exact. Radovan Karadzic court toujours.

5 Q. Bon, très bien. Dites-moi, s'il vous plaît, vous qui aviez si peur des

6 Serbes en Bosnie, vous dites que des choses terribles se sont produites à

7 cet endroit-là, et bien, évidemment, la guerre est une chose épouvantable.

8 Mais comment se fait-il que vous avez décidé de vous rendre en Serbie pour

9 y trouver refuge et protection ?

10 R. Ecoutez, Monsieur, j'ai pris cette décision avec un autre homme qui

11 travaillait dans une entreprise en Serbie et nous avons décidé ensemble de

12 traverser par la Macédoine incognito.

13 Q. Est-ce que vous êtes en train de dire que vous n'avez pas traversé à la

14 nage la Drina avec le reste de la brigade ?

15 R. Non, il ne s'agissait pas d'une brigade. Il s'agissait d'hommes, de

16 femmes et d'enfants.

17 Q. Par conséquent, vous ne faisiez pas partie de cette brigade qui a été

18 accueillie par nos autorités lorsque vous avez traversé la Drina à la

19 nage ?

20 R. Si tel avait été le cas, j'aurais été au camp de Slobovica, au camp de

21 Mitrovo Polje, nous allons pouvoir établir cela.

22 Q. Nous allons pouvoir établir cela au paragraphes 22, 23, nous pouvons

23 donner les raisons pour lesquelles vous avez décidé de quitter l'enclave de

24 Zepa pour vous rendre directement en Serbie, où je vous ai précisé que

25 c'était l'endroit où vous nous avez dit que vous vous sentiez le plus

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1 menacé. Et dites-moi, s'il vous plaît, les forces de Bosnie-Herzégovine à

2 Zepa, étaient-ce une armée importante ou pas lorsque vous avez décidé de

3 partir ?

4 R. Je ne sais pas. Je ne m'y trouvais pas.

5 Q. Pourquoi avez-vous décidé de fuir en Serbie alors que vous fuyez les

6 Serbes et que vous laissiez derrière vous votre famille, votre femme et

7 trois enfants, s'il n'y avait pas de Serbes à Zepa à ce moment-là ?

8 R. Si, si, ils sont arrivés, ils ont brûlé les villages environnants. Ils

9 sont arrivés, ils ont emmené les femmes et les enfants, et nous, nous

10 sommes restés sans aucune défense, à leur merci. C'était une zone protégée

11 des Nations Unies. Les gens n'étaient plus armés même ceux qui, auparavant,

12 avaient eu des armes. J'ai rencontré des gens qui avaient survécu à la

13 tragédie de Srebrenica, qui rentraient, qui partaient du territoire libre

14 de Tuzla. Ils m'ont relaté les choses épouvantables auxquelles ils avaient

15 survécu. Moi, je n'avais pas du tout pensé à aller dans ce territoire

16 libre.

17 Q. Qui est-ce que fuyez, les Serbes ou la possibilité d'être mobilisé dans

18 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

19 R. J'ai essayé d'échapper aux criminels, aux brigands, mais c'étaient des

20 Serbes, ceux-là.

21 Q. Vous auriez pu partir dans diverses directions, pourtant, vous en avez

22 choisi une et c'était un territoire à l'inverse de beaucoup d'autres qui

23 était contrôlé par les Serbes. Auriez-vous pu aller ailleurs ?

24 R. Non, pas à l'époque.

25 Q. Paragraphe 24, vous dites ceci, je vous cite : "J'ai décidé de partir

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1 pour qu'au moins l'un d'entre nous ait une chance de survivre."

2 R. Mais j'étais avec mes trois frères. Et les survivants de Srebrenica

3 m'ont raconté tous les périls qui nous attendaient. Et je me suis dit qu'il

4 était préférable de se séparer pour qu'au moins certains d'entre nous

5 survivent. J'étais à 99 % sûr que tous, nous allions être tués.

6 Q. Vous vouliez survivre, certains d'entre vous. Pourtant vous, vous aviez

7 une femme et trois enfants.

8 R. Je pense que c'est le 25 qu'ils ont été transportés en territoire

9 libre.

10 Q. Donc ça, ça s'est passé avant que vous ne preniez la décision de fuir

11 en Serbie ?

12 R. Exact.

13 Q. Savez-vous que ce groupe important de combattants de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine, ils étaient en tous 840, à aller se réfugier en Serbie, que ce

15 groupe, disais-je, était poussé par la volonté d'éviter de combattre

16 davantage dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

17 R. Nous avions pour objectif de rester en vie, de trouver la paix quelque

18 part.

19 Q. Fort bien. A bien des endroits de votre déclaration, vous évoquez des

20 tortures qui vous ont été affligées en Serbie.

21 R. Exact.

22 Q. J'affirme que c'est carrément impossible. Mais dites-moi ceci, au

23 moment où le conflit a commencé dans votre région, vous disiez que vous

24 pesiez quelque chose comme 85 ou 90 kilos -- c'est au paragraphe 5, me

25 semble-t-il -- et puis vous dites que, le 2 août 1995, au moment où

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1 apparemment vous avez été arrêté en Serbie, vous pesiez 96 kilos.

2 R. A peu près.

3 Q. Oui, paragraphe 35, page 5, vous dites que vous avez perdu, pendant

4 votre détention en Serbie, de 30 à 35 kilos.

5 R. Exact.

6 Q. Monsieur le Témoin 1770, on vous donne un laissez-passer vous

7 permettant de voyager, document délivré par le haut représentant des

8 réfugiés à Srebrenica. On trouve votre photographie à l'intercalaire 2. Je

9 ne vais pas demander qu'elle soit posée sur le rétroprojecteur puisque vous

10 êtes un témoin protégé, mais j'attire l'attention de tous ceux qui

11 disposent des documents à l'intercalaire 2. Manifestement, vous, Monsieur

12 le Témoin, vous n'avez pas cette photo.

13 R. Si, si, je l'ai.

14 Q. C'est bien vous qu'on voit là sur cette photo ?

15 R. Oui, j'avais mon passeport en poche.

16 Q. Voici ce qui est dit ici, aux représentants des réfugiés, Nations

17 Unies, un certificat de voyage provisoire.

18 R. Oui.

19 Q. On y voit votre nom, on parle du "Bureau du chef de la mission en

20 Yougoslavie," on donne toutes vos coordonnées personnelles et est également

21 apposé votre photo.

22 R. Exact.

23 Q. Et vous avez ce document en poche ?

24 R. Oui.

25 Q. Et bien, si vous l'avez, examinez-le. Puisque cette photo, elle a été

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1 prise début décembre 1995 ?

2 R. Exact. Enfin, je ne sais pas exactement.

3 Q. Je suppose qu'elle a été prise au moment où ce document vous a été

4 délivré vers le 8 décembre 1995.

5 R. Exact.

6 Q. Si l'on voit cette photo et les renseignements concernant votre taille,

7 tout qui se trouve dans ce document, il est facile de calculer avec

8 exactitude votre poids, à l'époque, au moment où cette photo a été prise.

9 Et moi, pour moi, je ne vois pas le visage d'un homme émacié, affamé. Je

10 vois une personne assez bien en chair.

11 R. Lorsque les gens de la Croix rouge m'ont pesé, j'ai dit que j'avais

12 perdu beaucoup de poids, et je pesais, à ce moment-là, quelque chose comme

13 50 kilos. Une des personnes présentes m'a dit : "Ne t'en fais pas, on va

14 t'engraisser." Et c'est bien ce qui s'est passé. L'aide humanitaire est

15 arrivée. Nous avons eu des rations un peu plus importantes, on nous donnait

16 des biscuits du type des rations militaires par jour. Et après, j'étais

17 surpris de voir combien de poids j'avais pris.

18 Q. Vous affirmez que d'abord on vous a affamé, vous avez perdu beaucoup de

19 poids et puis qu'après, vous avez repris ce poids avant de recevoir ce

20 laissez-passer. C'est ça ?

21 R. Oui.

22 Q. Mais savez-vous que feu, le président Izetbegovic, votre président, a

23 dit, lorsque vous tous -- toute la brigade -- vous aviez pris la fuite en

24 Serbie. Manifestement, vous n'étiez pas là parce que vous êtes parti avec

25 d'autres vers Skopje -- il a dit qu'il fallait vous livrer à leur état, à

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1 leur autorité.

2 R. Je ne savais pas que celui, qui était alors le président Izetbegovic,

3 avait demandé qu'on rentre car on n'avait pas de moyens de communication,

4 ni journaux, ni radio. On n'osait même pas regarder autour de nous dans les

5 locaux. On était à fortiori pas autre chose.

6 Q. De toute façon, ça ne va pas poser de problèmes. On parle de 840

7 personnes, n'est-ce pas ?

8 R. Ils étaient, en fait, 950. Il y avait 800 à peu près à Sljivovica, les

9 autres étaient dans les autres camps.

10 Q. Donc vous, vous étiez au mont Tara ?

11 R. On est passé par là.

12 Q. Il y a une rivière Drina -- qui a traversé la rivière à la nage et tout

13 le Corps diplomatique est allé le voir le lendemain.

14 R. Vous parlez d'un Corps diplomatique ? Vous parlez de quoi ?

15 Q. Je parle des diplomates accrédités à Belgrade d'une dizaine

16 d'ambassades.

17 R. C'est vrai. On a reçu leur visite. Ils sont venus avec des matraques.

18 Vraiment, ça a été une sacrée partie.

19 Q. Donc Izetbegovic était au courant de votre traversée à la nage. Et moi,

20 j'ai dit que vous pouviez quitter la Serbie pour aller où vous vouliez.

21 R. Je ne sais pas ce que vous avez déclaré, Monsieur. Je ne sais pas si

22 quelqu'un était à notre recherche. Ici, je pense au gouvernement de Bosnie-

23 Herzégovine. Je sais seulement ce qu'on a appris ou ce qu'on a vécu. On

24 n'était pas du tout informé. On n'avait pas le droit d'avoir la moindre

25 information, pas le droit de voir mon neveu qui était tout petit et qui

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1 était à l'autre camp.

2 Q. Mais savez-vous que tous ces hommes -- je n'en ai pas la liste, c'est

3 une liste établie à l'époque par les organisations internationales -- mais

4 savez-vous que toutes ces personnes, qui se trouvaient alors en territoire

5 de Serbie -- qui étaient venu en territoire de Serbie. Ils se sont toujours

6 trouvés sur la tutelle de la Croix rouge internationale. Il n'y pas eu une

7 seule plainte officielle que ce soit à propos du traitement qui vous avait

8 été réservé à vous, ou aux autres Musulmans qui faisaient partie de ce

9 grand groupe. Si je me souviens bien, ce sont 840 hommes qui ont traversé

10 la Drina à la nage.

11 R. Moi je trouve, ce que vous dites, ridicule. En fait, c'était horrible.

12 Vous avez un mineur, il avait 15 ans je pense, il est mort dans ce camp où

13 moi je me suis trouvé.

14 Q. Mais vous dites, au paragraphe 41, que les autorités serbes ont amené

15 des représentants de la Croix rouge internationale à votre pièce même.

16 R. Exact.

17 Q. Pour montrer qu'ils s'occupaient bien de vous ?

18 R. Oui. C'était une salle équipée. Il y avait des lits qu'on montrait à la

19 Croix rouge et au Haut commissariat aux réfugiés.

20 Q. Donc ils se sont déplacés librement dans les autres pièces ?

21 R. Et bien, pendant -- trois mois plus tard --

22 Q. Non, non. On le voit dès le premier jour. Ça se voit dans l'article --

23 alors, est-ce que ceci aurait été caché aux membres du CICR tous ces coups

24 -- ces mauvais traitements ? Ceci n'a jamais été établi par les membres du

25 CICR. Alors, comment est-ce qu'on aurait pu cacher à vous, vous tous ?

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1 R. Exact. Ils n'ont pas pu vraiment aller à Sljivovica pendant trois mois,

2 je pense.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez d'un incident où 840

4 personnes -- et vous en avez parlé lors de votre déclaration liminaire du

5 18 février 2002. Ici vous parlez du motif poussant le témoin à agir. Il se

6 peut que le témoin ait fait référence à ça. Vous dites que vous n'auriez

7 pas pu mentionner ceci, parce qu'à ce moment-là, c'était le volet Kosovo du

8 procès.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, ce qui compte, écoutez, c'est ce

10 que je dis. Je dis la vérité, à savoir qu'on a sauvé ces 840 hommes et

11 qu'on a pris bon soin d'eux en Serbie.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Pourriez-vous me donner le nom -- le nom de famille, un grade d'une

14 unité, que ce soit le MUP ou l'armée de Yougoslavie, le MUP de Serbie, le

15 nom d'une quelconque personne qui vous aurait d'après vous maltraité, ou

16 qui se serait comporter d'une façon qui n'aurait pas été digne ?

17 R. Ils ne se sont jamais présentés. Quand on sortait pour le petit

18 déjeuner, il fallait franchir cette haie et ils nous donnaient des coups de

19 crosse de fusil. Et on recevait ces coups le matin, le soir aussi. La nuit,

20 ils citaient notre nom, ils venaient sur le pas de la porte, faisaient

21 l'appel de noms ou, s'ils voyaient quelqu'un qui était physiquement un peu

22 plus capable, et bien, ils faisaient sortir cet homme. Ils se mettaient à

23 deux ou à trois pour le battre dans le couloir et puis ces hommes étaient

24 emmenés à l'étage inférieur par vos hommes à vous. Je me souviens de Vlado

25 Karadza et de Slavenko. Slavenko, c'était un militaire. Au cours des

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1 premiers mois, il a été sans cesse autour de nous.

2 Q. Vous voulez dire que c'est quelqu'un qui vous a frappé ?

3 R. Tout à fait.

4 Q. Très bien. Maintenant vous venez de donner un nom. Ceci pourra aisément

5 être corroboré. Tout ce qui est en rapport avec cette brigade musulmane,

6 c'est clair comme de l'eau de roche de toute façon.

7 Mais dites-moi ceci. Est-ce que vous avez subi un traitement ou des examens

8 médicaux après avoir quitté la Serbie, un bilan pour voir s'il y avait des

9 traces, des séquelles de ces soi-disant passages à tabac que vous auriez

10 subis en Serbie ?

11 R. Des gens du CICR nous ont parlé, mais on n'a pas été examiné.

12 Q. Et c'est au moment où ils sont venus vous voir, lorsque vous étiez en

13 Serbie ?

14 R. Dans un camp en Serbie.

15 Q. Oui. Vous étiez sous la surveillance, sur la tutelle constante du

16 CICR ?

17 R. Non. Ils venaient nous voir deux fois par mois.

18 Q. Et chaque fois, vous les avez vus, et ils vous ont vus ?

19 R. Ils nous ont emmené des messages. Ils nous faisaient sortir quelquefois

20 de la pièce, dans le couloir. Ils nous donnaient des messages, aussi du

21 tabac.

22 Q. Ils vous apportaient des lettres et des cigarettes ?

23 R. Oui, des lettres. Mais il y avait beaucoup de choses qui avaient été

24 biffées. Ceux, qui étaient les censeurs, avaient biffé des choses des

25 lettres.

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1 Q. Et est-ce que quelqu'un du CICR aurait constaté qu'il y avait eu

2 mauvais traitement ou malnutrition en Serbie ?

3 R. Croyez-moi, je ne leur ai pas posé la question. Je pense que, s'ils ont

4 bien fait leur travail, ils ont dû le constater.

5 Q. Avez-vous la moindre once de preuve à l'appui de ce que vous avancez ?

6 R. Mais de quoi ?

7 Q. Mais ici, vous affirmez avoir été maltraités.

8 R. J'ai beaucoup de preuves.

9 Q. Mais quel genre ?

10 R. Et bien, par exemple, il y a un homme qui a suffoqué, au moment où il

11 allait en camion vers le camp de Sljivovica. Il n'y avait pas assez d'air.

12 Il était sous la bâche.

13 Q. Monsieur le Témoin 1770, savez-vous de cet incident que vous mentionnez

14 ici; on a beaucoup d'enregistrements vidéo, et on a aussi des observations

15 directes du Corps diplomatique de Belgrade, auxquelles s'ajoutent des

16 rapports des organisations internationales humanitaires. Il n'y a rien dans

17 tout cela de ce que vous dites ici.

18 R. Mais il y a des preuves. Je crois que c'est votre télévision à vous, la

19 télévision de Serbie, qui a fait une émission. Quelqu'un a dû lire une

20 lettre de remerciement qui vous était adressée. C'était vraiment pitoyable.

21 Il devait dire que vous étiez si noble.

22 Q. Donc vous voulez dire qu'on ne vous a pas accueillis, on ne vous a pas

23 sauvés. On ne vous a pas nourris, mais qu'on vous a frappés.

24 R. Exactement. C'était un camp, un camp de tortures.

25 Q. Fort bien. Il est excellent que vous le disiez, parce qu'il y a

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1 tellement de documents à ce propos. Encore une chose, qui est l'auteur de

2 ce rapport consacré aux réfugiés qui se sont enfuis après la chute de Zepa

3 en Serbie ? Il y a un rapport portant sur des réfugiés qui ont pris la

4 fuite en Serbie après la chute de Zepa, n'est-ce pas ? C'est le comité

5 Helsinki de Sandzak.

6 R. Je ne sais pas, je ne sais d'où ça vient.

7 Q. Vous ne savez pas d'où ça vient. Alors, je ne vous poserai pas de

8 questions.

9 Le 9 décembre 2001, vous fournissez une déclaration à Bjorn Johnson en

10 Suède. C'est bien cela ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Ou bien, Johnsson. Enfin moi, je ne connais pas bien les noms de

13 famille, les patronymes suédois.

14 R. Ce monsieur, c'était vraiment un type bien.

15 Q. "Au cours de l'entretien qui s'est tenu au Bureau d'immigration à

16 Gothenburg," -- je ne donne pas votre nom qui figure ici dans ce document -

17 - "vous n'avez pas fait mention de ces événements. Vous dites que vous avez

18 été dans un camp, dans des camps, et puis aux Etats-Unis." C'est bien ce

19 qui est écrit ici dans ce qui est un rapport rédigé par ce type bien comme

20 vous le dites. Vous n'avez pas relaté les événements que vous mentionnez

21 ici. Vous avez simplement établi que vous aviez été dans un camp et puis

22 aux Etats-Unis.

23 R. Oui. Parce que j'ai une carte d'identité d'un camp et aussi une carte

24 d'identité de la Croix rouge. Ils n'ont pas demandé d'autres explications,

25 ça leur a suffi. Je parle ici du certificat du Haut commissariat aux

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1 réfugiés.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, une chose seule. Je vais

3 respecter les délais que vous avez imposés.

4 M. MILOSEVIC: [interprétation]

5 Q. Ici nous avons un numéro ERN. Dans cette page, nous parlons de ce

6 document de M. Johnsson : "Comme il n'a pas pu transférer sa famille aux

7 États-Unis, il est rentré en Bosnie, il a été blessé par shrapnel, éclats

8 d'obus dont là il y a eu la famille a pris la fuite," -- il y a eu -- ici

9 on a biffé quelque chose, on a expurgé quelque chose et on voit --

10 "septembre 2000." Donc il est constaté que vous échappiez que vous preniez

11 la fuite devant quelque chose au sein de la fédération. Quoi ?

12 R. C'est exact, c'est tout à fait exact. On voit que j'ai quitté la

13 fédération pour les raisons suivantes : impossible de penser à rentrer dans

14 la république serbe où je vivais avant la guerre, je n'oserais pas y mettre

15 les pieds, mais, maintenant, il y a des lois en Bosnie-Herzégovine, qui

16 disent que les gens ayant vécu en Republika Srpska avant la guerre, s'ils

17 avaient perdu leur statut ou si elle n'est inscrite dans la fédération

18 devait rentrer en Republika Srpska, mais je n'avais pas le choix je

19 n'oserais pas y aller, donc je devrais fuir.

20 Q. Donc vous n'avez rien dont vous vouliez fuir à la fédération ?

21 R. Rien. Je vous remercie Monsieur le Témoin.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais vraiment essayer d'en terminer en

23 quelques minutes.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Signe affirmatif du président.

25 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

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1 Q. [interprétation] Paragraphe 26, vous fournissez une explication, mais,

2 si je vous ai bien compris, vous dites avoir été chassé de Bosnie, que

3 c'est contre volonté que vous étiez parti ?

4 R. Republika Srpska.

5 Q. Paragraphe 26, vous dites : "Que nous six, nous avions décidé de

6 traverser. Il y avait Alija Beganovic, son neveu, Jasmin, qui avait six ou

7 huit ans à l'époque, je ne sais plus comment les trois autres

8 s'appelaient."

9 R. Oui.

10 Q. Donc vous étiez six à décider de traverser la Drina à la nage ?

11 R. Oui.

12 Q. Regardez maintenant le paragraphe 67 : "C'est le sigle CICR a commencé

13 à nous parler en décembre. Ils nous ont demandé où on voulait aller, et

14 j'ai dit le plus loin possible, le plus vite possible. Les représentants du

15 CICR ne m'ont jamais rien dit parce que je ne pense pas qu'ils aient jamais

16 vérifié ces papiers. Le premier groupe environ 200 sont allés en Australie,

17 le deuxième groupe de 120 est parti pour les Etats-Unis, le troisième et

18 dernier groupe, je ne suis pas trop sûr, mais je crois qu'ils sont partis

19 en France." Par conséquent, n'importe qui pouvait aller où il voulait

20 personne ne vous en aurait empêché ?

21 R. Avec l'aide du Haut commissariat aux réfugiés et avec l'aide de la

22 Croix rouge dans les pays tiers, c'était des gens qui voulaient entrer en

23 Bosnie-Herzégovine, mais ça leur était impossible. C'est ce que les chefs

24 au camp ont dit. Je n'osais même pas y penser, personne ne pourra rentrer.

25 Q. Mais vous êtes allé là où vous vouliez ?

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1 R. Pourquoi est-ce que j'ai dit le plus loin possible et le plus vite

2 possible ? Je voulais partir -- quitter cette vie, abandonner cette torture

3 le plus vite possible.

4 Q. Mais de Serbie vous avez été autorisé à aller où vous voulez ?

5 R. Mais qui m'a donné l'autorisation ?

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

7 M. AGHA : [interprétation] Rapidement, s'il vous plaît, je voudrais poser

8 une seule question au témoin.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous en prie.

10 Nouvel interrogatoire par M. Agha :

11 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, l'accusé -- l'Ami de la Chambre

12 ont laissé entendre que les personnes, qui avaient traversé la Drina à la

13 nage, avaient été accueillies d'ailleurs fort bien en Serbie. A-t-il été

14 dit et avaient eu la liberté de partir où ils voulaient. Personne ne peut

15 confirmer que corroborer ce que veut dire, mais je vous renvoie à

16 l'intercalaire 3, qui est votre déclaration préalable. En fait, c'est

17 l'intercalaire 4. Il s'agit ici d'un extrait d'un rapport du comité

18 Helsinki pour les droits de l'homme, versé en annexe à votre déclaration

19 préalable. Veuillez être bref, mais pourriez-vous lire les trois points ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il a déjà répondu, il a dit qu'il ne

23 connaissait pas ce document.

24 M. AGHA : [interprétation] Mais c'est en fait dans sa déclaration.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais au cours du contre- interrogatoire,

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1 le témoin a dit ne pas connaître ce rapport. Enfin, vous pouvez quand même

2 poser une question, puisque vous avez le droit de poser des questions

3 supplémentaires.

4 M. AGHA : [interprétation] Veuillez lire cet extrait.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne suis pas sûr de la procédure. Etes-

6 vous au courant ? Connaissez-vous ce document ou pas ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait un avocat qui m'a montré ce

8 document, et l'avocat m'a demandé si je connaissais les gens de cette

9 liste. Il m'a dit que je devais indiquer ceux que je connaissais par des

10 noms -- des gens que je connaissais. C'est ce que j'ai fait d'ailleurs.

11 J'ai indiqué ceux qui étaient des parents à moi je connais pas mal de gens,

12 ils sont tous en vie ils peuvent venir vous parler comme je le fais

13 maintenant.

14 M. AGHA : [interprétation]

15 Q. Et que dit ce rapport à propos de l'endroit où ces personnes se

16 trouvaient ? Ou à propos d'elles.

17 R. C'est une liste d'hommes qui se sont trouvés à Sljivovica et Mitrovo

18 Polje, les deux camps qui existaient en 1995, c'est-à-dire, que ces gens

19 n'ont pas passé beaucoup de temps à Sljivovica ou, du moins, ils n'ont pas

20 été portés à l'attention de la Croix rouge à temps, et quelqu'un du comité

21 Helsinki a dressé cette liste, mais je ne sais pas qui. Moi on m'a

22 simplement demandé de souligner le nom des personnes que je connaissais

23 personnellement. J'en connaissais pas mal puisque on a été ensemble.

24 M. AGHA : [interprétation] C'est tout ce que je voulais savoir. Je crois

25 que la liste se passe de commentaire, Messieurs les Juges. Je vous

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1 remercie.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin B-1770, ceci met un

3 terme à votre déposition. Merci d'être venu déposer au Tribunal pénal

4 international. Vous pouvez désormais disposer. Je vais, cependant, vous

5 demander d'attendre un peu le temps que l'on baisse les stores.

6 Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à l'espace de

8 deux minutes à huis clos partiel ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, mais soyez bref, s'il vous plaît.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez, Monsieur le Témoin, un instant,

11 s'il vous plaît. Nous allons passer à huis clos partiel.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

13 [Audience à huis clos partiel]

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23 --- L'audience est levée à 15 heures 49 et reprendra le lundi 15 décembre

24 2003, à 9 heures.

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