Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 16 décembre 2003

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] J'en ai pour 30 secondes, Messieurs les Juges,

8 et ceci à huis clos partiel.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

10 partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 [Audience publique]

22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai été sollicité pour

23 ce qui était de placer au compte rendu d'audience pour dire qu'il n'y

24 aurait pas d'expurgation de quelque nature que ce soit en vertu de

25 l'Article 70. Merci.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons nous consulter entre nous.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai fait une erreur de

4 taille lorsque j'ai dit quelque chose à huis clos partiel, mais il n'est

5 point nécessaire de revenir à huis clos partiel pour le rectifier. J'ai dit

6 qu'à l'occasion de l'interrogatoire principal, j'aurais dû dire non

7 seulement interrogatoire principal, mais débats d'hier dans son ensemble.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour ce qui est de la Chambre, nous

9 n'avons rien contre le fait de publier cela devant le public.

10 Monsieur Milosevic, à vous.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, combien de temps me donnez-vous ?

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une heure et demie.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas sûr que cela suffira, Monsieur

14 May, mais je dois dire que j'essaierai de le faire.

15 LE TÉMOIN: WESLEY CLARK [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. MILOSEVIC : [interprétation] Dans la plus récente des déclarations que

18 j'ai reçue hier, je me suis penché dessus et, par rapport à ce que j'avais

19 obtenu auparavant, cela s'est trouvé diminué et réduit à 45 points ou

20 paragraphes, alors que la déclaration précédente en avait 131. La

21 restriction des questions à traiter a non seulement exclu la guerre, le

22 livre et la crédibilité du témoin, mais on s'est ramené à la possibilité de

23 traiter quelques sujets seulement. Enfin, ce sont des sujets qui méritent

24 quand même d'être débattus. Donc je vais procéder dans l'ordre.

25 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [Suite]

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1 Q. Paragraphe 2. [aucune interprétation]

2 Il est dit ici une phrase, Général Clark, que je ne comprends pas du tout

3 d'ailleurs. Je n'ai pas le texte en anglais et, en serbe, on y dit --

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ne recevons pas de traduction

5 anglaise. Pouvez-vous recommencer, je vous prie.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. J'ai dit : Général Clark, à l'Article 2, il y a quelque chose que je ne

8 comprends pas, et je voudrais que vous me l'expliquiez. Et juste une

9 remarque auparavant. Je crois que la réunion n'a pas eu lieu le 17 août,

10 mais plus tôt. Mais c'est une chose aisée à constater. Je crois que c'est

11 après cette réunion-là que vous avez fait un voyage à Sarajevo. Et c'est

12 suite à ce voyage-là, qu'il y a eu mort de certains membres de la

13 délégation. Mais c'est une question de fait, et je crois qu'il sera aisé

14 d'établir la situation de fait. Je ne puis l'affirmer, mais il me semble

15 que cela s'est passé un peu plus tôt vu le cours des événements.

16 Mais dites-moi maintenant, étant donné que j'aurais soi-disant dit, et ce

17 n'est pas exact parce qu'après je vous ai mis en communication avec

18 Karadzic et Mladic. Il y a une phrase qui dit : "Il procédera à une

19 livraison de Serbes." De quelle sorte de livraison aviez-vous parlé ? Quels

20 sont les Serbes que j'étais censé vous confier ?

21 R. Messieurs les Juges, la question de l'accusé consiste à dire qu'il

22 s'agissait là d'une façon de s'exprimer en langue anglaise, qui veut dire

23 que l'accusé avait demandé que nous nous entretenions avec lui parce que

24 lui était à même de faire aboutir à un accord avec les Serbes de Bosnie,

25 concernant les conditions de l'accord de paix que nous étions en train de

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1 négocier.

2 Q. Donc mes efforts en faveur de la paix, et les efforts que j'ai déployés

3 aux fins d'aboutir à cette paix, du reste c'est grâce à moi que ces efforts

4 ont porté leurs fruits à Dayton. Vous estimez au sujet de ces efforts-là

5 que c'est une livraison ou une sorte de chose de ce genre ?

6 R. Messieurs les Juges, je suis d'avis que Slobodan, à savoir, l'accusé,

7 avait été la force de motivation -- la force maîtresse au sujet de toutes

8 les questions, si ce n'est toutes les questions, du moins presque toutes

9 les questions en ex-Yougoslavie pour ce qui est de la période de paix et la

10 période de guerre. Et à l'occasion de la réunion concrète, il avait opté en

11 faveur d'une acceptation de son rôle de leader et du pouvoir qu'il avait

12 exercé à l'égard des Serbes de Bosnie. Je me suis exprimé ainsi pour faire

13 qu'il n'était pas le leader de seulement de l'état voisin, mais qu'il était

14 également le leader qui avait l'influence, la puissance, si ce n'est le

15 contrôle qu'il pouvait exercer à l'égard des Serbes de Bosnie. C'est ce que

16 j'avais dit.

17 Q. Mais la substance est erronée ici parce qu'il s'agit ici de mes efforts

18 à moi uniquement, et des efforts que j'avais déployés de façon persistance

19 qui visaient à aboutir à la paix. Ça avait été l'intérêt de la population

20 toute entière. Et sur ces questions-là, j'avais bénéficié du soutien de la

21 population toute entière. Nous sommes en train de parler des questions

22 afférentes à la paix, et pas d'autres choses. Dites-moi maintenant, je vous

23 prie, vous dites : "Milosevic nous a dit que la chose cruciale, c'était de

24 lui présenter les conditions de l'aboutissement à la paix, et que lui

25 veillerais à la tenue des élections ou du référendum."

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1 Général Clark, vous dites que j'ai dit : "Ils ne feront pas sourde oreille

2 à la volonté formulée par le peuple serbe". Mais vous n'ignorez pas le fait

3 qu'ils n'ont pas fait la sourde oreille, et qu'ils ont accepté ces

4 efforts. En a-t-il ainsi, Général Clark ou pas ?

5 R. Messieurs les Juges, je n'ai fait que relater ici ce qui avait constitué

6 mes souvenirs de cette entretien ou de cette conversation à l'occasion de

7 cette première rencontre avec Slobodan Milosevic. Et ici il ne fait qu'être

8 présenté devant le Tribunal -- devant la Chambre pour établir un fait, à

9 savoir qu'il avait placé soi-même en une position de leader qui était donc

10 celle de l'homme qui avait charge de tout ce qui se passait, et c'était un

11 rôle de leader qui n'avait pas semblé être normal à la lumière du droit

12 international parce qu'il s'agissait de pays distincts. Il y avait l'ex-

13 Yougoslavie et la Bosnie-Herzégovine, et lui avait affirmé qu'il avait

14 exercé un rôle prépondérant si ce n'est un contrôle à l'égard d'une des

15 parties au combat à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine. C'est la raison

16 pour laquelle nous avions pensé pouvoir dire qu'il allait livrer

17 l'acceptation des Serbes de Bosnie en d'autres termes.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, pour être tout à fait clair,

19 "livrer les Serbes de Bosnie", si l'on traduit cela à la lettre, et si j'ai

20 bien compris ce que vous nous dites, Général, vous vous êtes exprimé de

21 façon au figuratif.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Je n'avais certainement pensé à

23 une livraison physique, mais cela avait donné ou exprimé au figuré.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, c'est de cette façon-là que vous

25 avez relaté la teneur de ce qui s'était passé ?

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1 Oui, Monsieur Milosevic.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Général Clark, mon rôle, pour ce qui était d'aboutir à la paix, n'est

4 pas contesté. Alors, s'agissant de ce rôle prépondérant pour ce qui était

5 d'aboutir à la paix, vous le placez dans un contexte tout à fait autre. Le

6 comprenez-vous ou pas ?

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne comprends pas ce que signifie cette

8 question. Ce que le général a relaté est en relation avec vos propos et à

9 votre comportement. Pouvez-vous lui poser une question concrète ?

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Explique-moi, Général. Vous avez dit qu'un membre de la délégation

12 avait demandé à Milosevic, en raison de quoi les opinions -- les élections

13 en Serbie pourraient avoir des effets sur le peuple en Bosnie-Herzégovine,

14 ce qui est le peuple d'un pays autre. Or cela dit qu'ils ne prêteront pas

15 sourde oreille à ce que le peuple serbe aura dit.

16 Alors je vous réfère au texte précédent, paragraphe 101, à la page 22 : "Et

17 Milosevic avait parlé de la tenue d'élections. Il avait été interprété

18 qu'il s'agissait plutôt d'un référendum concernant la proposition de paix."

19 C'est ce que vous avez dit dans la déclaration précédente. Or, dans celle-

20 ci, vous dites que j'ai été interrogé par un membre de la délégation sur la

21 façon, de savoir comment les élections en Serbie influençaient sur le

22 peuple en Bosnie-Herzégovine.

23 Or Général, ne vous semble-t-il pas qu'il est clair ici que vous ne dites

24 pas la vérité. Comparé le paragraphe 101 de la déclaration précédente où

25 vous parlez de la même chose et avec ce que vous dites ici. Est-ce exact ou

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1 pas ?

2 R. Messieurs les Juges, je crois qu'il s'agit ici d'un problème qui peut

3 découler lorsque l'on traduit d'une langue, à partir d'une langue vers une

4 autre. La substance et je n'ai pas le texte sous les yeux mais en substance

5 pour ce qui est de ce paragraphe 101, je pense que c'est absolument la même

6 chose. Je ne me souviens pas de ce qui est dit dans le texte mais je me

7 souviens de la conversation qui s'est tenue il y a huit ans, à vrai dire,

8 mais je me souviens que le président Milosevic avait dit : "Donnez-nous vos

9 conditions à vous et nous allons tenir des élections." Et par la suite, en

10 nous expliquant ce qu'il avait sous-entendu par là, il s'est avéré qu'en

11 anglais, ils avaient compris référendum. Or, cela ne signifiait pas qu'ils

12 allaient élire quelqu'un à des fonctions quelconque à ces élections mais la

13 raison de sa tenue ou de son déroulement, c'était le fait d'approuver les

14 positions en question.

15 Et pourquoi cela est-il important ? Et bien, c'est parce que son rôle de

16 leadership ne concernait pas seulement les conditions de paix, il

17 s'agissait d'une manière générale d'un rôle prépondérant qui combinait une

18 stratégie de recours à la force, de recours à l'intimidation et stratégie

19 par laquelle il s'adressait à la communauté internationale pour viser à

20 aboutir à la paix. Donc, cela était une combinaison de comportement qui

21 avait été la sienne pendant toute cette période. Nous savions qu'il avait

22 cet habilité là et qu'il avait cette influence. Nous savions que son

23 influence ne se limitait pas seulement sur les insistances en faveur de la

24 paix mais qu'il avait une grande influence à l'égard des Serbes de Bosnie.

25 Personne n'avait pu dire avec précision l'ampleur de l'influence qu'il

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1 exerçait. Nous avions estimé que les succès réalisés par les Serbes avaient

2 été biffés par les actions militaires des Croates et des Musulmans de

3 Bosnie et ils s'étaient efforcés de garder ce qu'ils avaient obtenu en

4 aboutissant à des accords qui préserveraient le plus possible des

5 territoires qui avaient été détenus par les Serbes.

6 Cela avait été la motivation que nous avions pensé qui était la sienne. Et

7 compte tenu de ce fait-là, nous sommes adressés à lui. Nous lui avons

8 demandé s'il fallait le contacter lui ou les Serbes de Bosnie et il avait

9 dit de s'adresser à lui.

10 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, au paragraphe 101 de la

11 déclaration précédente, il y a un addendum à la déclaration rédigée partant

12 des notes que nous avons prises à l'occasion des conversations avec le

13 témoin mais cela n'a pas été une version qui avait été communiqué au témoin

14 pour qu'il puisse l'examiner. Et comme j'ai parlé de ce texte-là comme

15 étant un addendum, je crois qu'il convient d'expliquer la chose afin tout à

16 chacun comprenne.

17 La décision que vous avez adoptée en vertu des dispositions de l'Article 70

18 pour ce qui est du contre-interrogatoire de ce témoin-là ne se rapportait

19 pas à l'avenant mais à cette version abrégée en vertu de laquelle le témoin

20 a témoigné hier.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. S'il s'agit de parler de ce

22 document-là, il conviendrait de confier au témoin une copie de l'avenant en

23 question.

24 Allez-y, Monsieur Milosevic.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Très bien. Général Clark, comme je vous aurais soit disant dit qu'il

2 s'agissait de "me communiquer les conditions et que je veillerais à ce que

3 ces conditions soient agréées," dites-moi, je vous prie, combien de temps

4 les négociations ont-elles durées à Dayton ? Les négociations ont-elles,

5 oui ou non, durées trois semaines ?

6 R. Je voudrais clarifier les implications des entretiens qui ont eu lieu

7 avec l'accusé vers la date du 17 août, Messieurs les Juges.

8 Nous n'avons jamais eu l'impression que lui-même pouvait assurer

9 l'aboutissement à un accord entre les parties belligérantes sous les

10 conditions qui avaient été formulées. Mais il avait pris sur soi

11 l'obligation et il avait affirmé pouvoir le faire, à savoir, assurer

12 l'approbation des Serbes de Bosnie.

13 Q. Mais Général, n'y a-t-il pas eu des négociations intenses entre les

14 trois parties concernées à Dayton et ce n'est qu'à la fin qu'on a abouti à

15 un accord accepté par les trois parties en présence. Nous avions négocié à

16 Dayton. Les trois délégations ont bel et bien négocié à Dayton. Est-ce

17 exact, Général ?

18 R. Messieurs les Juges, ceci est exact.

19 Q. Vous souvenez-vous, Général, de la première réunion que nous avons eue

20 entre les délégations. Cela s'est passé le premier jour ouvrable. Nous

21 étions arrivés le soir d'avant et le premier jour ouvrable, nous étions

22 assis à une grande table. Il y avait toutes les délégations et il y avait

23 vous tous, vous autres et les représentants du groupe de contact également,

24 si mes souvenirs sont bons. Vous souvenez-vous de cette première journée-

25 là ? Vous souvenez-vous du début de ces pourparlers ?

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1 R. Je me souviens de cette réunion de départ lorsque nous avons entamé les

2 négociations à la table de conférence de Dayton.

3 Q. Et cette première journée, la délégation musulmane a proposé que la

4 Republika Srpska constitue quelque 30 et quelque 34 ou 35 % des territoires

5 de la Bosnie. Vous en souvenez-vous ?

6 R. Messieurs les Juges, je ne me souviens pas de ce point concret. La

7 raison c'est peut-être parce que je n'ai pas été présent pendant toute la

8 durée de la réunion vu qu'à l'époque, je ne prenais pas seulement part aux

9 activités qui avaient requis la présence de l'ambassadeur Holbrooke mais je

10 devais terminer l'annexe militaire avec la participation des autres pays de

11 l'OTAN. Ce qui fait que je ne me souviens pas de ce point spécifique. Il

12 faudrait que je puisse consulter quelques-unes de mes sources à moi pour

13 pouvoir le confirmer mais cela ne figure certainement pas dans ma

14 déclaration de témoin, donc, je ne pense pas en avoir témoigné.

15 Q. Mais partant de ce point de départ qui avait été celui des Musulmans à

16 l'occasion de cette première réunion et il y avait la présence de toutes

17 les délégations, la chose n'est pas difficile à constater. Et on a abouti à

18 51 par rapport à 49 %, cela a sous-entendu des débats difficiles, complexes

19 et longs qui ont duré trois semaines au total pour établir ou rétablir une

20 espèce d'équilibre qui pourra donner lieu aux accords de Dayton. Est-ce que

21 c'est bien ainsi que ça s'est passé, Général, ou pas ?

22 R. Messieurs les Juges, je me souviens certainement des discussions

23 pénibles et longues à Dayton. C'est un fait historique. Ces négociations

24 ont, en effet, duré assez longtemps. Il me semble qu'elles ont duré à peu

25 près trois semaines. Les choses sont claires. Et ce partage territorial qui

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1 est survenu ultérieurement entre la fédération de la Republika Srpska s'est

2 fait à peu près dans un rapport de 51 par rapport à 49 %.

3 Q. Donc, il n'a pas été aisé d'aboutir, en fin de compte, à la

4 satisfaction des intérêts des uns et des autres pour donc arriver à 51/49

5 si l'on compara la position initiale de la partie musulmane qui demandait,

6 qui réclamait quelque 30 [sic] à 35 % pour la partie serbe. Est-ce exact ou

7 pas, Général ?

8 R. Je pense que toute une série ou une grande quantité de personnes ont

9 oeuvré de façon ardue pour que l'on aboutisse à ces accords de Dayton.

10 Q. Très bien, Général, nous n'allons pas nous attarder davantage sur ce

11 point-là, mais c'est à Dayton qu'a évolué la position initiale des

12 Musulmans, donc 30, 34 ou 35 jusqu'à 51, il a été tracé un très grand

13 nombre de cartes. Je ne sais pas ce que signifie cette carte de Sarajevo.

14 Il a été dessiné des quantités innombrables de cartes. Vous auriez pu

15 apporter l'un quelconque de ces cartes et que signifie cette carte où il y

16 a deux lignes parallèles l'une à côté de l'autre ?

17 R. Messieurs les Juges, l'importance de cette carte est en corrélation

18 avec le rôle prépondérant de l'accusé pour ce qui est des sujets qui

19 concernaient l'ex-Yougoslavie. Il était à même de venir seul aux

20 négociations et de conduire à leur terme les négociations avec la

21 fédération. Il était à même de tracer lui-même ces lignes. Il n'a consulté

22 personne. Il pouvait tracer les lignes lui-même et ce que j'ai affirmé

23 c'est que cette ligne-là c'était une ligne qu'il avait tracée lui-même. La

24 ligne rouge que l'on voit ici et cela abonde dans le sens de l'assertion au

25 terme de laquelle il savait ce qu'il faisait et cela illustre bien

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1 l'autorité qui était la sienne.

2 Q. Mais quelle était la ligne que j'avais tracée, Général ?

3 Je n'ai pas compris. Je n'ai pas tracée les deux, l'une se passe ou se

4 situe en parallèle avec l'autre ?

5 R. Je me souviens que vous aviez pris un feutre et que vous aviez, je

6 crois, dessiné ce cercle sur le côté. Je ne m'en souviens pas au juste,

7 mais ce dont je me souviens c'est que vous aviez tracé cette ligne sur la

8 carte. Vous aviez conduit vous-même les négociations avec le Premier

9 ministre Silajdzic, et vous-même et lui-même vous trouviez devant cette

10 carte. Et c'est vous qui avez tracé cette ligne.

11 Q. Mais comment le savez-vous que je n'ai consulté personne ? Je me

12 souviens très bien des conversations que j'avais eues avec Krajisnik au

13 sujet du corridor à l'emplacement, au site de Gorazde. Je ne connaissais

14 pas ce territoire personnellement, et j'ai dû conduire des négociations des

15 plus ardues à ce sujet. Comment pouvez-vous savoir et comment pouvez-vous

16 dire, il n'a demandé son avis à personne, il n'a consulté personne ?

17 R. J'ai dit à l'époque où vous avez tracé cette ligne-là, vous n'aviez

18 consulté personne. Vous aviez eu des négociations avec Silajdzic et vous

19 n'avez consulté personne. Maintenant de là, à savoir ce qui s'est passé

20 avant cela, savoir avec qui l'accusé s'était consulté auparavant, je n'en

21 sais rien. Ce que je puis dire et/ou témoigner c'est ce que j'ai vue, c'est

22 à savoir qu'il était habileté à négocier sur ces lignes de séparation.

23 Q. Mais à la fin, le résultat de ce pourcentage 49/51 % était obtenu et il

24 est devenu incontestable. Mais avançons, puisqu'on va restreindre le temps

25 dont je dispose.

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1 Passons au point 3. Vous dites que certains membres de la délégation ont

2 quitté la salle pendant la pause, et que nous sommes restés seul dans la

3 salle, à savoir, Kruzel, Clark et Milosevic. Alors premier point, ceci

4 n'est pas exact. Votre délégation était très nombreuse et j'avais un

5 certain nombre de collaborateurs. Vous, vous aviez une dizaine d'hommes

6 avec vous, et moi, j'en avais deux ou trois. Alors si Holbrooke est sorti

7 de la salle, c'est autre chose. Il est peut-être allé aux toilettes. Mais à

8 aucun moment, nous ne sommes restés seul dans la salle, Kruzel, moi et

9 vous, parce que pourquoi est-ce que Kruzel serait resté avec vous pendant

10 la pause ? Ceci n'a aucun sens et ceci est contraire à la vérité.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez le témoin répondre à cette

12 allégation.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il y a eu une

14 pause. L'ambassadeur Holbrooke a demandé à se rendre aux toilettes. Je ne

15 peux pas dire ce qu'a fait chacun des membres de l'entourage de l'accusé

16 dans la pièce, mais l'accusé était assis dans un fauteuil en tête de table

17 et il est resté dans la salle en tout cas momentanément. Et lorsqu'il s'est

18 levé de son fauteuil pour s'éloigner un peu, je me suis approché de lui et

19 j'étais accompagné du secrétaire adjoint Joseph Kruzel. C'est une pause qui

20 a eue lieu juste après le moment où il a annoncé qu'il pouvait organiser un

21 référendum susceptible de garantir que les Serbes de Pale donneraient leur

22 accord aux conditions proposées pour un accord de paix. Donc j'ai

23 simplement continué à discuter avec lui. Et je lui ai dit : "Vous dites

24 avoir une grande influence sur ces personnes. Si vous aviez une telle

25 influence, comment avez-vous pu autoriser le général Mladic à tuer tous ces

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1 gens à Srebrenica ?" Il m'a regardé et m'a

2 dit : "Et bien, Général Clark, je lui ai dit de ne pas faire ce qui a été

3 fait, mais il ne m'a pas écouté, ou il ne m'a pas obéi."

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Général Clark, ceci est un mensonge notoire. D'abord parce que nous

6 n'avons jamais discuté de Srebrenica, et ensuite parce que pendant tout ce

7 temps, pendant toutes ces années, je n'ai jamais donné un ordre au général

8 Mladic. D'ailleurs je n'étais pas en capacité de le faire. Et troisièmement

9 --

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Le témoin ignore quels ordres

11 vous avez pu donner au général Mladic. Ce qu'il a dit dans sa déposition

12 c'est ce que vous-même avez dit au cours de cette réunion. Donc vous pouvez

13 l'interroger à ce sujet mais il ne peut pas répondre à ce que vous dites au

14 sujet de ce que vous avez éventuellement ordonné ou pas à Mladic.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord, Monsieur May, je n'étais pas en

16 position de donner des ordres au général Mladic.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez témoigner à ce sujet en temps

18 utile si vous le souhaitez, présentez des éléments de preuve à cet égard,

19 mais pour l'instant il importe que vous traitiez de ce dont traite le

20 témoin. Il ne peut pas parler de votre relation avec Mladic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Général Clark, voyez-vous aujourd'hui encore je crois fermement que le

23 général Mladic n'a, en aucun cas, donné l'ordre de fusiller des gens à

24 Srebrenica, que ceci a été l'action de mercenaires.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, écoutez, nous perdons du temps.

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1 Vous êtes en train de témoigner vous-même. Cela n'a pas d'importance à ce

2 stade de savoir ce que vous croyez ou ne croyez pas. Il y a une question

3 qui est en cause, à savoir, la conversation au sujet de laquelle le général

4 vient de témoigner. Alors concentrez-vous sur cette conversation.

5 Vous contestez ce que dit le témoin, vous dites que cela ne correspond pas

6 à la vérité. Si vous avez autre chose à alléguer, vous pouvez le faire,

7 mais la répétition ne sert à rien. Donc veuillez nous aider, je vous prie.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Très bien. Je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit mais le général

10 Clark se souvient qu'en tout cas nous avons discuté de Kosovo, et que je

11 lui ai dit ainsi qu'aux autres personnes présentes une vérité très

12 particulière, à savoir que selon la tradition militaire du peuple serbe la

13 plus grande honte qui peut exister dans l'armée selon la tradition

14 militaire du peuple serbe c'est de tuer un homme désarmé et qu'aucun membre

15 d'une armée serbe n'aurait pu faire une telle chose. Je suppose que vous

16 vous souvenez au moins de cela, Général ?

17 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me souviens de

18 discussions au sujet du Kosovo -- je crois que cela s'est passé le 19 ou le

19 20 janvier 1999. Il faudrait que je consulte le procès verbal pour me

20 souvenir de la date exacte, mais nous pouvons si vous le voulez poursuivre

21 le témoignage en l'absence de cette précision. En tout cas c'est cette

22 réunion que j'ai eue avec l'accusé en 1999.

23 Je ne me souviens pas du thème de la discussion précisément, mais je me

24 souviens que l'accusé a déclaré que la police spéciale de Racak ne pouvait

25 pas avoir massacré les Albanais parce que ces policiers n'auraient jamais

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1 fait une chose pareille. L'accusé m'a dit aussi qu'il y avait une enquête

2 en cours diligentée par lui, mais qu'il connaissait déjà les résultats de

3 cette enquête car il savait que ces hommes n'auraient pu faire une chose

4 pareille. Et l'incident en question est peut-être l'incident qui a été

5 abordé au sujet de la conversation à laquelle l'accusé fait référence, mais

6 c'est le seul souvenir que j'ai de quoi que ce soit qui est en rapport avec

7 ce genre de choses.

8 Q. Ecoutez, puisque vous ne vous souvenez pas, tant pis. Mais revenons à

9 Srebrenica.

10 Veuillez regarder cette déclaration dont j'ai déjà parlé tout à l'heure,

11 paragraphe 97, où nous lisons, et je lis intégralement, je cite : "Clark,

12 cependant, n'a pu prouvé aucun point précis permettant de croire que

13 Milosevic savait qu'il s'agissait d'un massacre et non d'une opération

14 militaire."

15 Donc, à ce moment-là, personne ne parlait de massacre quel qu'il soit,

16 Général. Je suppose que vous vous rendez compte de cela. Et, deuxièmement,

17 --

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ne parlons que d'une chose à la fois.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas utilisé le

20 mot "massacre" quand j'ai parlé à Milosevic, mais je me souviens de lui

21 avoir dit -- ou en tout cas de lui avoir demandé lorsque nous nous sommes

22 entretenus en dehors de la réunion. Pendant la pause, je me souviens de lui

23 avoir demandé : "Comment est-ce que vous avez pu permettre au général

24 Mladic de tuer toutes ces personnes ?" A ce moment-là, l'accusation de

25 massacre était bien connue grâce aux médias. On en parlait un peu partout

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1 dans le monde et ainsi très certainement qu'aux Nations Unies et en Europe.

2 Et lorsque j'ai regardé l'accusé dans les yeux, l'accusé parle très bien

3 anglais, il savait très bien quel était l'objet de ma question. Et il m'a

4 répondu en me faisant savoir qu'il était au courant du fait que ces

5 personnes étaient innocentes parce que, selon les mots qu'il a utilisés, il

6 m'a dit : "J'ai prévenu, j'ai averti le général Mladic qu'il ne fallait pas

7 faire ce qui a été fait, mais il ne m'a pas écouté. Il ne m'a pas obéi."

8 Donc il ne l'aurait pas prévenu de ne pas engager une telle opération

9 militaire automatiquement. Et lorsqu'il dit : "Il ne m'a pas écouté ou il

10 ne m'a obéi," à ce moment-là, je l'ai regardé dans les yeux. Il m'est

11 apparu très clairement qu'il comprenait exactement dans quel contexte je

12 lui posais la question que je lui posais. Il ne s'agissait pas d'un

13 avertissement destiné à empêcher toute consultation en vue d'une opération

14 militaire. Il s'agissait d'un avertissement destiné à empêcher que l'on

15 traite des civils comme ces civils ont été traités. Donc c'est l'impression

16 très ferme que j'ai acquise à l'issu de cette conversation.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Général Clark, les choses sont exactement à l'inverse de ce que vous

19 dites. La position de la Serbie et ma position propre pendant toute cette

20 époque était la suivante : car nous soutenions le plan du groupe de contact

21 de 1994 et nous insistions pour qu'il soit accepté, donc notre position

22 était qu'aucune opération militaire ne devait être lancée parce que cela ne

23 pourrait que nuire au processus de paix. Notre position générale était donc

24 tout à fait négative vis-à-vis de quelque opération militaire que ce soit.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je ne vous arrêterai pas de poursuivre.

Page 30493

1 Vous ne parlez que de généralités. Il est possible que cela ait été votre

2 position, mais l'inverse est également possible; cependant, en ce moment,

3 nous parlons d'une réunion bien précise, donc veuillez nous aider, Monsieur

4 Milosevic. Avez-vous parlé au général au sujet de Srebrenica durant cette

5 réunion ? Votre thèse est autre et ne nous intéresse pas en ce moment.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas du tout. Il n'y a eu aucune mention de

7 Srebrenica. Et je parle de façon générale, si vous le dites, mais je dis

8 qu'aucune opération militaire n'était la bienvenue à l'époque. Et par

9 pitié, nous n'avons discuté, en aucun cas, de tuerie de civils ou de quoi

10 que ce soit qui se rapproche de cela. Notre position catégorique c'est

11 qu'il fallait qu'aucune opération militaire ne soit lancée parce qu'en tout

12 état de cause, elle ne pouvait que nuire au processus de paix qui était en

13 cours.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général Clark, est-ce que vous avez pu

15 trouver ce paragraphe 97 auquel l'accusé fait référence ? Selon ce qui est

16 précisé dans ce paragraphe, vous n'avez pu donner aucune base permettant de

17 croire que Milosevic savait qu'il s'agissait d'un massacre plutôt que d'une

18 opération militaire. Ce passage a été écrit par l'Accusation dans le cours

19 de la préparation de votre déposition. Mais pouvez-vous le confirmer ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, tout ce que je peux confirmer, Monsieur

21 le Juge, c'est ce que j'ai discuté avec l'accusé pendant cet entretien. Je

22 suis allé voir Milosevic. Je lui ai posé la question suivante : "Si vous

23 avez une si grande influence sur ces Serbes, comment avez-vous pu permettre

24 au général Mladic que toutes ces personnes soient tuées à Srebrenica ?" Il

25 m'a regardé, il avait une expression très grave dans les yeux. Il a fait

Page 30494

1 une pause avant de répondre et il m'a dit : "Et bien, Général Clark, je

2 l'ai averti qu'il ne fallait pas que ce qui a été fait soit fait, mais il

3 ne m'a pas écouté. Il ne m'a pas obéi." Et c'est dans ce contexte et ceci

4 s'est passé dans le contexte de la grande publicité qu'avaient les

5 événements de Srebrenica, à l'époque.

6 Alors, je n'ai pas utilisé le mot "massacre", c'est vrai. Je n'ai pas, non

7 plus, parlé précisément de civils, mais il était tout à fait clair, compte

8 tenu du contexte dans lequel se situait cette conversation et du moment où

9 elle se situait que c'était cela que je voulais dire.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc ce passage n'est pas de votre main.

11 Vous n'en êtes pas l'auteur.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Le paragraphe 97 ?

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que, dans la conversation, le

15 Procureur m'a peut-être demandé de donner des détails. J'ai expliqué mon

16 point de vue au sujet de mon échange avec le président Milosevic et de la

17 façon dont il a reconnu ce qu'il a reconnu à ce moment-là, de façon très

18 claire. Et je me souviens d'avoir dit à la délégation plus tard ce qui

19 s'était passé, mais je considérais que c'était un aveu de la part de

20 l'accusé, qu'il avait une connaissance à l'avance de ce qui allait se

21 passer à Srebrenica. Et je ne pouvais pas dire s'il disait la vérité ou pas

22 lorsqu'il m'a affirmé avoir dit que ce qui a était fait ne devait pas être

23 fait et que l'autre ne lui avait pas obéi. Mais j'ai considéré qu'il

24 s'agissait d'une reconnaissance du fait qu'il était au courant, à l'avance,

25 de ce qui allait se passer à Srebrenica.

Page 30495

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

2 Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Général Clark, à l'époque de cette conversation prétendue, chacun

5 savait, et c'était écrit un peu partout dans les journaux, que l'armée de

6 la Republika Srpska avait pris Srebrenica, donc ce n'était pas un secret.

7 Tout le monde était au courant qu'ils s'étaient emparés de Srebrenica.

8 Ma réponse à toute question relative à cela -- et vous ne m'avez pas posé

9 une telle question -- ne relève pas des opérations militaires. Donc aucune

10 opération militaire quelle qu'elle soit ne devait avoir lieu car nous

11 étions opposés catégoriquement à une quelconque opération militaire

12 précisément parce qu'une telle opération ne pouvait que nuire au processus

13 de paix qui était en cours. Et donc c'était ce que nous préconisions, la

14 poursuite du processus de paix. Donc le contexte est totalement de ce que

15 vous dites et c'est la raison pour laquelle j'ai affirmé que vous déformiez

16 la vérité et que vous le faites délibérément, c'est tout à fait clair.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, avez-vous une quelconque raison,

18 Général, de ne pas vous rappeler cette conversation ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens très clairement de cette

20 conversation parce que c'était la première fois que j'avais un entretien en

21 tête à tête avec Milosevic. C'était notre première rencontre et, au début

22 de la réunion, pendant 30 minutes ou une heure et demie, c'était une

23 réunion où nous faisions connaissance. L'ambassadeur Holbrooke a parlé la

24 majorité du temps. C'était la première fois que je voyais l'accusé et je me

25 suis servi de la pause lors de cette réunion officielle pour avoir une

Page 30496

1 conversation avec lui parce que le massacre de Srebrenica était très frais

2 dans ma mémoire. J'essayais de me faire un avis sur la personnalité de

3 l'accusé sur l'influence et le contrôle qu'il exerçait éventuellement, et

4 c'est la raison pour laquelle je lui ai posée la question que je lui ai

5 posée.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, la réponse de M. Milosevic,

7 telle que vous rapportez, a été : "Et bien, Général Clark, je l'ai prévenu

8 qu'il ne fallait pas faire ce qui a été fait, mais il ne m'a pas écouté. Il

9 ne m'a pas obéi." Donc vous dites que ceci prouve qu'il était au courant à

10 l'avance. Mais est-ce que cela ne prouvait pas également que M. Milosevic

11 s'est dissocié de cet acte ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était le genre de réponse que j'en suis

13 venu à attendre de la part de l'accusé. Il a indiqué qu'il était au courant

14 à l'avance et, ensuite, il a été tenté de se dissocier, en évitant toute

15 responsabilité par rapport à cet acte. Mais ce qui gît derrière le souvenir

16 que j'en ai, c'est simplement ceci. Les soldats de la Republika Srpska

17 étaient formés par l'armée yougoslave. Ils recevaient leur moyen financier

18 de l'armée yougoslave. Leurs officiers, si je me souviens bien, étaient

19 payés par l'armée yougoslave. Le général Mladic --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, non.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a des dépositions à ce sujet. Nous n'avons

22 pas de temps pour parler de cela maintenant.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] N'interrompez pas. Vous aurez un peu plus

24 de temps, si vous le souhaitez.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le général Mladic avait été officier dans

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1 l'armée yougoslave, donc l'accusé était en train de reconnaître qu'il était

2 au courant à l'avance de l'opération. Je ne saurais dire s'il disait la

3 vérité en affirmant qu'il avait averti Mladic qu'il ne fallait pas faire ce

4 qui a été fait. Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce point.

5 Mais, si l'on examine toutes les circonstances de l'affaire, on voit qu'il

6 était au courant du fait qu'une opération militaire avait été associée à un

7 massacre, et qu'il reconnaissait, face à moi, qu'il était au courant à

8 l'avance de cela. Je ne sais pas s'il disait la vérité ou s'il disait le

9 contraire de la vérité, mais il a reconnu être au courant à l'avance, et

10 c'est la raison pour laquelle j'ai écrit ce que j'ai écrit dans mon

11 ouvrage. Mais, enfin, ce n'est pas cette raison qui est pertinente ici

12 aujourd'hui, mais, en tout cas, cette partie de la conversation a fait

13 grande impression sur mon esprit à l'époque. C'est cela qui est important.

14 C'était un signal pour moi qui prouvait -- qui m'a permis de mieux

15 comprendre la situation dans les Balkans et le rôle de l'accusé dans cette

16 situation.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

18 Milosevic.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Robinson.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Général Clark, savez-vous que personne en Serbie, en tout cas, personne

22 que je connaisse, ne savait à l'avance qu'une opération aurait lieu à

23 Srebrenica ou même qu'une telle opération était possible, notamment, en

24 raison du fait que c'était à l'époque que c'était une zone protégée par les

25 Nations Unies.

Page 30498

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce que les gens en Serbie savaient ou ne

2 savaient pas n'a aucune pertinence. Ce dont nous parlons ici, c'est de la

3 teneur de votre conversation avec le témoin et de ce que vous lui avez dit

4 au cours de cette conversation, c'est tout.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dis, Monsieur May, que moi-même et aucun

6 membre de la direction, notamment, n'aurait pu supposer qu'une opération

7 serait lancée contre une zone protégée des Nations Unies.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Vous pouvez présenter votre thèse en

9 temps utile. Vous pouvez citer à la barre des témoins qui présenteront des

10 éléments de preuve à cet égard, mais, pour l'instant, nous nous limitons à

11 la teneur de votre conversation avec le témoin et à ce que vous avez dit au

12 cours de cette conversation.

13 Alors, à moins que vous ayez de nouvelles questions à ce sujet, vous

14 pourriez passer à autre chose parce que, comme vous l'avez souligné à juste

15 titre, le temps dont vous disposez est limité, et il y a encore des

16 questions importantes à traiter.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je crois qu'il y a des questions

18 importantes à traiter, même si vous, Monsieur May, avez empêché que les

19 questions les plus importantes fassent l'objet de question de ma part.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Général Clark, vous mentionnez l'Uceka à plusieurs reprises, y compris

22 dans la toute dernière version de votre déclaration écrite. Vous évoquez

23 leur regroupement. Vous évoquez des opérations menées contre l'Uceka. Vous

24 évoquez le fait que l'Uceka existait, et cetera.

25 Vous dites dans votre déclaration écrite que j'aurais déclaré

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1 -- que je vous aurais dit que les membres de l'Uceka étaient des

2 meurtriers, des violeurs, des pilleurs, des gens qui mettaient le feu, des

3 terroristes. Vous souvenez-vous de cela ?

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que ceci est une référence à la

5 conversation qui a eu lieu en octobre 1998 ? J'aimerais que cela soit

6 clair. Je cherche le paragraphe.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 28.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est bien en rapport avec cette

9 conversation ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est en rapport cette conversation et avec

11 d'autres.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Donc, Général Clark, il n'est pas contesté que je vous aurais dit que

14 ces hommes étaient des violeurs, des pilleurs, des gens qui assassinaient,

15 qui mettaient le feu aux maisons, des violeurs. Est-ce que ceci était

16 clair ? Est-ce qu'il est clair que je vous ai dit cela ?

17 R. Vous m'avez dit cela en octobre 1998, et c'est l'expression que vous

18 avez utilisée. Vous l'avez dit en anglais d'ailleurs. Je m'en souviens très

19 bien. Vous avez dit que c'étaient des assassins, des violeurs, des

20 pilleurs, des tueurs de toute sorte.

21 Q. Et des terroristes aussi, n'est-ce pas ? Avant des terroristes.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir placer

23 cette photographie sur le rétroprojecteur. Ce sont des hommes en uniforme

24 de l'Uceka. Et je suppose que vous reconnaîtrez l'insigne que ces hommes

25 portent sur la manche; l'insigne de l'Uceka, que l'on voit sur la manche

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1 gauche de leur uniforme. Donc il ne fait pas de doute qu'il s'agit de

2 l'Uceka, n'est-ce pas ? Pouvons-nous aussi voir cette image ?

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci n'est pas nécessaire. Veuillez

4 enlever cette photographie, je vous prie. Madame l'Huissière, veuillez

5 rendre cette photographie à l'accusé.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, ces hommes qui portent l'uniforme

7 de l'Uceka, on voit ici un homme qui tient dans la main deux têtes coupées,

8 la tête de deux Serbes. Alors, est-ce que ces hommes étaient les alliés des

9 membres d'infanterie du général Clark sur le terrain ?

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous traiterons de cette question selon

11 les modalités pertinentes. La photographie n'est pas pertinente. Vous

12 pouvez citer à la barre des témoins en temps utile, et vous pouvez produire

13 ces photographies, à ce moment-là, si, au préalable, vous établissez leur

14 pertinence. Mais ici, nous nous occupons que des éléments de preuve de

15 façon générale.

16 Il a été contesté que vous auriez formulé ces commentaires à l'intention du

17 témoin.

18 M. NICE : [interprétation] Si la Chambre s'inquiète de la production de

19 cette photographie et de l'effet qu'elle pourrait avoir, puisque la

20 pertinence n'a pas été établie, les Juges pourraient réfléchir à la

21 possibilité d'expurger cette partie du compte rendu d'audience, mais la

22 décision appartient entièrement à la Chambre. Bien entendu, nous insistons

23 pas d'une quelconque façon sur la nature de cette décision.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous y réfléchirons.

Page 30501

1 Monsieur Milosevic, que vous efforcez-vous d'établir dans le cadre de la

2 déposition de ce témoin ? Parce que vous pouvez citer à la barre d'autres

3 témoins. Pour parler de l'Uceka, vous l'avez déjà fait d'ailleurs, je me

4 souviens très bien, de la teneur des contre-interrogatoires que vous avez

5 déjà menés sur cette question, mais il vous appartiendra d'établir la

6 pertinence de tout cela en temps utile. Je ne pense pas que nous puissions

7 avancer davantage dans cette voie aujourd'hui avec ce témoin.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Et bien, l'Uceka était un groupe terroriste, n'est-ce pas ? Ceci est-il

10 contesté ou pas ?

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il est possible que les Juges aient à se

12 prononcer sur ce point. Mais ce n'est pas un élément qui ressort de la

13 déposition du témoin.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin parle de mesures de répression prises

15 par l'Uceka. Or vous voyez de quels tueurs il est question. Voyez ici, j'ai

16 encore une autre photographie de groupes où on voit 15 hommes qui tiennent

17 des têtes coupées dans leurs mains. Ceci n'est pas pertinent non plus à vos

18 yeux, n'est-ce pas, Monsieur May ?

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En effet, vous avez tout à fait raison,

20 tout à fait raison. Vous pouvez citer des témoins à la barre à ce sujet en

21 temps utile. Pour l'instant, nous ne traitons que d'une partie de la

22 déposition faite par le général. Des éléments de preuve plus complets au

23 sujet du comportement de l'Uceka, vous pouvez les présenter en temps utile

24 s'ils sont pertinents. Mais le temps vous est compté et, si vous souhaitiez

25 interroger davantage ce témoin au sujet des conversations qu'il a eues.

Page 30502

1 Avez-vous -- vous pouvez le faire, bien sûr.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le général parle, de façon générale, de l'Uceka

3 et hier vous ne m'avez pas autorisé à soumettre cette photographie, où on

4 le voit lui avec les commandants de ces terroristes, comme trois

5 mousquetaires d'Artagnan à leur tête, en toute fraternité.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Général, vous avez effectivement commandé ces formations -- 0ces unités

8 d'hommes qui coupaient la tête aux Serbes, n'est-ce pas ? Est-ce que ceci

9 est contesté ?

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, le temps est très limité. Vous

11 ne respectez pas les consignes qui vous ont été données. C'est tout à fait

12 clair. Votre contre-interrogatoire doit se limiter à ce que le témoin a dit

13 au cours de l'interrogatoire principal. Le comportement de l'Uceka n'est

14 pas une question pertinente dans ce cadre. Ce que vous avez dit de l'Uceka

15 est très certainement pertinent. Vous avez posé des questions à ce sujet et

16 vous avez dit un certain nombre de choses. Vous les avez dites, ce que vous

17 avez dit au général à ce sujet est pertinent, et vous pouvez poursuivre,

18 bien sûr, dans ce sens. Mais, si vous contestez ce qu'a dit le témoin dans

19 sa déposition, vous devez en traiter avec lui comme vous l'avez fait ave le

20 général Naumann.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

22 demande l'autorisation des Juges de faire la clarté, de dire très

23 clairement que je ne commandais pas l'Uceka. Nous n'avons jamais aidé

24 l'Uceka, nous n'avons jamais donné d'ordres à l'Uceka. Nous n'avons aidé

25 aucune des formations de l'Uceka. J'ai rencontré les dirigeants des

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1 Albanais du Kosovo à Rambouillet dans le cadre d'efforts diplomatiques tout

2 à fait normaux allant dans un seul et même sens à savoir dans le même sens

3 qui était celui des rencontres que j'ai pues avoir les Serbes dans le cadre

4 des discussions de Dayton. C'est tout ce que j'ai à dire.

5 Merci de m'avoir permis de faire consigner cela au compte rendu d'audience.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Fort bien, Général. Puisque ceci a un rapport avec votre déclaration

8 écrite, entre autres choses, je dirais que vous faites de la vérité de la

9 logique en affirmant cela car vous dites, au paragraphe 28, de votre

10 déclaration écrite, je cite : "Nous savons comment traiter ces Albanais,

11 ces meurtriers, ces violeurs, ces tueurs de toutes sortes. Nous avons déjà

12 eu à traiter avec eux par le passé." Et en parlant du passé, vous parlez de

13 1946.

14 Alors, Général, manifestement vous ne connaissez pas l'histoire --

15 l'histoire de la Deuxième guerre mondiale. Est-ce que vous connaissez le

16 contexte et je n'en ai pas encore parlé ? Mais je vais en parler

17 maintenant. Savez-vous qu'un grand nombre de membres des Unités

18 hitlériennes, qui étaient composées d'Albanais et qui avaient été écrasées

19 deux ans après la fin de la guerre dans les montagnes de Kosovo, notamment

20 à Drenica, étaient encore en train de tuer des gens et que l'armée

21 yougoslave a passé plus de deux ans à se battre contre ces hommes au Kosovo

22 après la fin de la Deuxième guerre mondiale. Il s'agissait de membres

23 d'Unités hitlériennes qui étaient restées dans les collines là-bas et la

24 guerre a continué pendant plus de deux ans dans le Kosovo. Voilà la vérité,

25 c'était un conflit d'intensité moindre, mais c'était un conflit.

Page 30504

1 Donc il est tout à fait erroné de dire que nous les avons encerclés en 1946

2 et tués jusqu'au dernier car voilà ce qui s'est encore passé deux ans après

3 la fin de la guerre.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une seule chose à la fois. Qu'êtes-vous

5 en train de dire au général ? Je vous le demande pour que nous puissions

6 mieux comprendre ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai dit au général ce qui s'était passé à

8 Drenica, compte tenu des agissements de quelques membres d'Unités

9 hitlériennes qui étaient encore présentes sur le terrain à cet endroit,

10 alors que la guerre s'était achevée depuis plus de deux ans. Ils faisaient

11 partie d'Unités SS, d'Unités hitlériennes, c'étaient des simples bandits et

12 des membres du baal --

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant. Occupons-nous de cette

14 question. Général, vous pouvez peut-être répondre à cette proposition de

15 l'accusé qui dit que la guerre s'est poursuivie pendant deux ans après sa

16 fin contre ces unités apparemment, contre des membres d'Unités

17 hitlériennes, qui faisaient partie des SS à Drenica, si j'ai bien compris.

18 Peut-être pourriez-vous nous aider à ce sujet ? Est-ce qu'il a dit quelque

19 chose de ce genre ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, je vais essayer de remettre cela dans

21 son contexte et de rentrer un peu dans les détails, Monsieur le Président.

22 Ce qu'il a dit c'était quelques instants après la signature, après la

23 conclusion de l'accord le 25 octobre, mais l'accord n'avait pas encore été

24 signé, donc c'était un moment de détente au cours de ces pourparlers. Il

25 s'est tourné vers moi et il m'a dit pour l'essentiel ce qui suit : "Les

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1 Serbes savent comment traiter ces gens-là," en assimilant les Albanais du

2 Kosovo à ceux qui avaient causé des problèmes après la fin de la Seconde

3 guerre mondiale et il a dit -- je me souviens très bien des mots qu'il a

4 utilisés : "Nous l'avons déjà faits par le passé." Je lui ai répliqué :

5 "Quand ?" Et il a répondu : "En 1946 à Drenica." Je lui ai demandé :

6 "Qu'avez-vous fait à ce moment-là ?" Et il a dit : "Nous les avons tués.

7 Nous les avons tués jusqu'au dernier." Et le général Naumann et moi-même

8 nous sommes regardés -- c'était un moment très plein d'émotions. J'ai vu

9 l'émotion sur son visage. C'était un moment très fort. Et nous avons

10 continué à regarder l'accusé qui a ajouté : "Bien sûr, nous n'avons pas

11 fait cela en une seconde, cela a pris plusieurs années." Mais le message

12 que j'ai entendu, c'est qu'il assimilait la résistance à l'intérieur du

13 Kosovo en 1998 à la situation qui a prévalu après la Seconde guerre

14 mondiale, en affirmant qu'il essaierait de régler le problème de la même

15 façon et ce, en dépit de la déclaration qui venait d'être élaborée et que

16 je m'apprêtais à emporter au siège de l'OTAN.

17 Donc, pour moi, ceci a été une indication très claire. Ceci m'a mis en

18 garde par rapport à son état d'esprit. J'ai également regardé les gestes

19 qu'il faisait lui-même, ainsi que les autres responsables qui avaient

20 assisté à ce moment d'émotions et ce que chacun a pu voir c'est de

21 l'irrationalité de la part de l'accusé qui ne participait pas, à ce moment-

22 là, à une quelconque discussion normale ou qui ne présentait aucun argument

23 rationnel. En effet, les personnes présentes nous ont donc regardés au

24 moment où il s'adressait, ainsi à moi et au général Naumann, comme s'ils

25 avaient déjà assisté à des scènes de ce genre et, comme si c'était la façon

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1 dont il se comportait avec ceux qui l'entouraient à tous moments.

2 Voilà ce que je dis dans ma déposition parce que je pense que c'est quelque

3 chose qui indique très clairement quel était l'état d'esprit et quels

4 étaient les motifs qui animaient les actions entreprises en Yougoslavie, à

5 l'égard des Kosovars, à l'automne de 1998. C'était une période où près de

6 300 à 400 000 personnes avaient déjà été chassées de chez elle et c'était

7 une période où le général Djordjevic m'avait expliqué qu'il ne restait que

8 deux semaines pour les tuer tous. Et, par la suite, après que j'ai entendu

9 Milosevic dire cela, j'ai eu le sentiment que je comprenais mieux les

10 moteurs qui motivaient les actes des Serbes.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Général Clark, n'est-il pas clair qu'il n'est pas question ici

13 d'Albanais, mais de terroristes qui, depuis des années, tuaient d'autres

14 Albanais -- d'ailleurs, plus d'Albanais que de Serbes, en fait. Il

15 s'agissait de terroristes, de tueurs par rapport à qui, dans quelque pays

16 que ce soit, dans quelque peuple que ce soit, des mesures seraient prises,

17 mesures que l'on prend à l'égard de terroristes, de tueurs, de violeurs, de

18 personnes qui torturent et qui assassinent. Voilà de quoi il était

19 question. Il n'était pas question d'Albanais. Je n'ai jamais parlé -- je

20 n'ai jamais mentionné le nom d'une nation lorsque je parlais de ces tueurs

21 -- des tueurs, ce ne sont que des tueurs. Des terroristes, ce sont des

22 terroristes, indépendamment de leur nationalité ou du peuple auquel ils

23 appartiennent.

24 Donc en l'espèce, nous parlions de terroristes et de tueurs et en 1946 --

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous devons nous arrêter là. Le témoin

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1 doit pouvoir répondre.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vais être très clair

3 par rapport au contexte dans lequel se situait cette discussion, et toutes

4 ces discussions se menaient en anglais car l'accusé parle et comprend bien

5 l'anglais. Donc, il savait très bien ce qu'il disait. Après avoir élaboré

6 la déclaration qui avait été élaboré, en fait, ce qu'il a montré c'est

7 qu'il ne tenait pas grand compte des promesses qu'il était sur le point

8 d'envoyer à l'OTAN car il m'a dit, je cite : "Nous avons déjà eu affaire à

9 eux par le passé. Nous savons ce qu'il convient de faire." Donc, il

10 assimilait les problèmes de 1998 avec les problèmes de 1946, et il laissait

11 entendre très clairement que les comportements seraient les mêmes,

12 c'est-à-dire, que l'on s'efforcerait de les tuer jusqu'au dernier pendant

13 quelques années. Et en fait, c'est exactement ce qui se passait déjà alors

14 que l'OTAN s'efforçait de mener des efforts diplomatiques pour résoudre les

15 problèmes.

16 Et je dirais que le contexte dont je parle n'est pas né en 1998, donc dans

17 les suites d'une guerre mais dans une volonté de répression d'une culture

18 particulière et que c'était de la part des hommes dont je parle, une

19 résistance désespérée.

20 Donc les motifs et la nature du problème qui existait en 1998 étaient, à

21 mon avis, très différents des motifs et de la nature du problème qui

22 existait en 1946. Donc, il m'a paru tout à fait extraordinaire d'entendre

23 l'accusé me dire qu'il traiterait le problème exactement de la même façon

24 et qu'il savait comment s'en occuper.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 30508

1 Q. Mais, Général, ceci est tout simplement contraire à la vérité. Vous

2 dites qu'une comparaison a été faite avec quelque chose qui s'était passé

3 avant, c'est-à-dire, en 1946, date à laquelle je n'avais que cinq ans.

4 Donc, je n'aurais pas pu m'exprimer en utilisant la première personne du

5 pluriel.

6 Et puis deuxièmement, Général, vous devez savoir que ce sont les services

7 de renseignements allemands, en fait, qui ont œuvré à la création de

8 groupes terroristes et équipaient l'Uceka. Et en tant que commandant de

9 l'OTAN, vous avez sans doute reçu des renseignements de la part de ces

10 services.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci est totalement dépourvu de

12 pertinence. Que vous ayez eu cinq ans ou pas n'a rien à faire dans

13 l'histoire. Ce qui importe, c'est ce que vous êtes censé avoir dit. Alors

14 la décision définitive appartient à la Chambre de première instance, à

15 savoir, est-ce que cet élément de preuve sera accepté en tant que tel ou

16 pas, mais il vous faut vous limiter à la conversation que vous avez eu avec

17 le témoin dans le cadre de cette interrogatoire.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je parlais de l'engagement de longue date de

19 certains groupes en faveur du terrorisme, en faveur des pilleurs --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, Non. Nous n'allons nulle part en

21 continuant de cette façon. Vous savez que le temps dont vous disposez est

22 limité. Avez-vous d'autres questions à poser ? Il vous reste 20 minutes

23 dans le temps qui vous a été imparti jusqu'à présent. Avez-vous d'autres

24 questions à poser au général ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous m'avez dit que vous m'accorderiez un temps

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1 supplémentaire, Monsieur May. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure.

2 Donc, je vous prie, ne parlez pas de 20 minutes.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Général, vous avez parlé de cet accord conclu en octobre qui a donc été

5 établi, que nous avons dit que nous allions respecter, et maintenant ce que

6 vous dites de la suite de l'entretien est totalement illogique. En effet,

7 nous avions conclu un accord et vous affirmez qu'immédiatement après la

8 conclusion de l'accord, je serais en train de dire que je n'allais pas le

9 respecter. Ceci est ridicule, contraire à la logique la plus élémentaire.

10 Vous avez situé mes explications dans un contexte, le contexte dont je

11 parlais c'était l'histoire des événements du Kosovo-Metohija et de Drenica,

12 en particulier. Mais vous, vous situez tout cela dans un contexte

13 totalement différent, et vous présentez la situation sous un jour

14 totalement différent. Donc, vous déformez le contexte. Ceci n'est-il pas

15 clair à vos yeux, Général ?

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pouvez-vous répondre à cette question,

17 Général, je vous prie ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais d'abord dire

19 que je ne crois pas que ce soit les services de renseignements allemands

20 qui aient œuvré à la création de l'Uceka. Je n'ai jamais eu aucun élément

21 me permettant de penser cela, et je doute profondément que cela soit

22 possible. Je souhaitais dire cela très clairement pour le compte rendu

23 d'audience au départ. L'OTAN, par ailleurs, n'avait aucun rapport avec

24 l'Uceka dans cette période.

25 Mais j'aimerais revenir à ma réponse à cette question pour que le contexte

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1 soit très clair. Ceci s'est passé après la période assez tendue des

2 négociations alors que nous allions boire un verre d'eau de vie, c'était un

3 dimanche, à midi et l'accusé était en train de se détendre. Il conversait

4 très librement avec les uns et les autres et puis tout d'un coup, il a

5 formulé ce que je dis qu'il avait dit. Et ceci nous est apparu comme un

6 moment d'émotion très intense aux vues des forces qui le motivait. C'était

7 de la pure passion. Et j'entends toujours sa voix au jour d'aujourd'hui. Je

8 me souviens que nous nous sommes paralysés en nous rendant compte que

9 l'homme qui venait d'apposer sa signature au bas d'un accord semblait, très

10 manifestement, absolument déterminé à éradiquer le problème de la

11 résistance en tuant tous ces hommes indépendamment de ce qui était écrit

12 dans la déclaration qui venait d'être élaboré. Il a dit : "Nous savons

13 comment nous occuper de ces gens. Nous l'avons déjà fait par le passé." Et

14 c'est le message que j'ai entendu. Je l'ai regardé, et je suis devenu très

15 inquiet au sujet de l'avenir au Kosovo parce que je voyais ce que je voyais

16 de l'accusé à ce moment-là.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous lui avez dit quelque

18 chose de particulier, Général, en réponse à cette réaction ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de ce que j'ai dit. Je

20 ne me souviens pas, non plus, si j'ai dit quelque chose ou pas. Je ne m'en

21 souviens tout simplement pas. Je me souviens simplement d'avoir été

22 totalement paralysé par cet excès d'émotion.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Très bien, Général. Nous nous connaissions déjà depuis un certain

25 temps. Vous avez dit que vous avez été frappé par ma manifestation

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1 d'émotion. Apparemment, je serais enclin à ce genre de comportements. Je

2 n'ai pas de souvenir moi-même que je l'ai fait. Vous n'aviez aucune

3 réponse. Nous venions de nous mettre d'accord sur justement cet accord.

4 Général, est-ce que vous vous moquez de la logique ? Que faites-vous ? Vous

5 participez à ce Tribunal qui est utilisé comme instrument de guerre.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons arrêter cela. C'est tout à

7 fait sans aucune pertinence. Ce sont vos remarques personnelles, et si vous

8 continuez de la sorte, nous allons réduire votre temps de contre-

9 interrogatoire.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite préciser la situation. Vous

11 en avez déjà parlé. Vous avez dit que la conversation a eu lieu en anglais.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, d'accord. Etant donné que ce n'est

14 pas la langue maternelle de l'accusé, il ne parle pas comme langue

15 maternelle l'anglais, est-ce que vous pouvez accepter la possibilité qu'il

16 se soit mal exprimé ou qu'il ait mal compris ou omis quelque chose ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, parce qu'à l'époque, je ne sais pas

18 quelle est sa maîtrise d'anglais actuellement, mais à l'époque, il parlait

19 couramment anglais. Il maîtrise très bien l'anglais. Il a peut-être un

20 accent mais sa maîtrise de la grammaire, du vocabulaire anglais, en langue

21 formelle, est très, très claire. Il savait très bien ce qu'il disait. Et

22 d'après mon souvenir de l'époque, au moment où il a fait ces remarques, les

23 autres sont revenus avec la feuille de papier que nous devions signer, ce

24 qui a mis à la conversation. Et d'ailleurs, la feuille en question et la

25 pièce qui a été montrée hier avec sa signature qui y figure là-dessus même

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1 si son nom n'était pas imprimé, et c'était à ce moment-là, la fin de notre

2 travail de la journée, et nous sommes partis. Mais cela m'a fait froid dans

3 le dos. J'ai compris son tempérament. J'ai compris ses intentions en ce qui

4 concerne le Kosovo.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, mon Général.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Général Clark, tout à l'heure vous avez dit que les autres qui étaient,

8 à savoir, des généraux de la police, de l'armée, en fait ont eu un

9 mouvement de recul lorsque je me suis exprimé. Mais vous dites que je

10 parlais anglais. Aucun d'entre eux ne parle anglais. Comment est-ce qu'ils

11 ont pu être choqués s'ils n'avaient pas compris ce que j'avais dit. Et il

12 n'y avait pas d'interprète pour leur expliquer ce que j'étais en train de

13 vous dire. Donc comment est-ce que vous expliquez cela, Général ? Pourquoi

14 est-ce que vous inventez cette histoire ? Je pense que c'est ridicule.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'est exprimé en anglais ?

16 M. MILOSEVIC : [interprétation] Oui, Milutinovic parle anglais

17 effectivement. C'est vrai.

18 R. Je pense que c'était sa voix émotive qui les a peut-être effrayés. Je

19 ne me rappelle pas qui était là, mais nous étions plusieurs présents au

20 moment où il a commencé à en parler.

21 Q. Très bien Général. Savez-vous qu'après la signature de cet accord au

22 mois d'octobre, il y a eu 470 attentats terroristes et 22 infractions de la

23 frontière entre octobre et décembre ? Ces faits se trouvent dans une lettre

24 envoyée par notre ministre des Affaires étrangères Jovanovic, Zivadin

25 Jovanovic à Kofi Annan, au mois de décembre 1998. Et dans cette lettre, il

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1 dit qu'il y a eu des centaines d'attentats terroristes, 244 personnes

2 avaient été tuées, 566 blessées. Et après la signature de l'accord, il y a

3 eu 470 attentats terroristes entre octobre jusqu'à la fin du mois de

4 décembre. Etes-vous au courant de cela ?

5 R. Je n'ai pas de connaissance spécifique en ce qui concerne cette

6 allégation. Je ne puis ni le confirmer, ni infirmer qu'il y ait lieu une

7 telle lettre, ou de tels attentats, ou incidents à Kosovo. D'après les

8 informations que j'avais reçues de sources fiables, il n'y avait aucune

9 indication de tels éléments. Ce que me disaient les informations que

10 j'avais reçues, c'était qu'il y avait des actions qui continuaient

11 concernant les Serbes, les militaires et les forces de police serbe, et

12 certains membres de la communauté Kosovar, et que même dans des zones où

13 vous avez dit déjà qu'ils allaient se retirer, que les actions

14 continuaient.

15 Q. Général Clark, ce dont vous parlez, les membres de la communauté

16 Kosovar, ce sont les hommes qui ont coupé les têtes, ces membres de

17 l'Uceka.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin ne traite pas de ces questions.

19 Je vous ai autorisé à poser la dernière question parce que je pensais que

20 c'était peut-être pertinente, mais je pense que maintenant il n'y a aucune

21 pertinence.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Très bien. Et bien dites-moi, Général, à votre avis, les membres de

24 l'Uceka qui figurent à la photo -- sur la photo, et d'autres d'ailleurs,

25 ils avaient besoin de tuer combien de civils, de soldats, de policiers pour

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1 que l'état puisse prendre des mesures pour contrer ces actions ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, revenons à la conversation

3 dont il s'agissait. Vous avez dit que M. Milosevic a

4 dit : "Vous savez, Général Clark, que nous savons comment traiter ces

5 Albanais, ces meurtriers, ces violeurs." M. Milosevic est en train de dire

6 qu'il parlait d'une situation liée à la Deuxième guerre mondiale, et qu'il

7 parlait de personnes qui perpétraient des actes illégaux.

8 Est-il possible que dans le contexte de la conversation, vous n'auriez

9 peut-être pas entendu une référence qui aurait été faite à "ces

10 Albanais," ce qui, d'après moi voudrait dire des civils, mais que cette

11 référence fut limitée aux "assassins, aux violeurs, et à ceux qui tuent

12 leurs propres compatriotes" ? Donc je voudrais savoir s'il est possible que

13 vous auriez entendu sa déclaration, mais sans avoir entendu la référence à

14 "ces Albanais ?"

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que l'intention de cette

16 déclaration a été très claire. Milosevic établissait un lien entre la

17 résistance de 1998; donc la résistance contre la répression par les Serbes,

18 un lien entre ce moment-là et les activités qui ont eu lieu en 1946. Et

19 implicitement, il disait qu'il allait les traiter de la même façon. C'est

20 ce qu'il avait à l'esprit. C'est ce qu'il était en train de dire. "Nous

21 savons comment traiter ces gens." C'est ce que j'ai compris comme message.

22 Je ne l'ai pas enregistré. Mais je me rappelle qu'il a dit : "assassins,

23 violeurs, et ceux qui tuent leurs propres compatriotes." C'est exactement

24 ce qu'il nous avait dit, à moi et à général Naumann. Il l'a dit en anglais.

25 Pour moi, il était très clair qu'il ne parlait pas des faits historiques

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1 tout simplement. Il disait qu'il y avait un lien entre ce fait historique

2 et la situation actuelle. C'est le message que j'ai entendu. Et c'est pour

3 cela que j'avais tellement d'inquiétudes que lorsque j'ai ramené cet accord

4 à l'OTAN, que l'accord n'aurait peut-être plus de signification.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc d'après vous, qu'il dise "ces

6 Albanais" ou pas, cela n'avait pas vraiment énormément d'importance. Cela

7 n'aurait pas fait la différence ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, vous avez raison.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question. Il aurait fallu tuer combien de

12 civils, de soldats et de policiers ? C'est-à-dire l'Uceka, aurait dû en

13 tuer combien pour que l'état puisse agir contre de tels actes de

14 terrorismes ? Puisque après tout, c'est évidemment ce qui était en train de

15 se passer.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en donnant ma réponse,

17 je vais parler de questions d'une très haute importance. Donc je souhaite

18 bien dresser le cadre.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais avant de le faire, Général, il faut

20 peut-être garder à l'esprit les différents paramètres qui ont été indiqués.

21 J'ai autorisé l'accusé à poser cette question simplement dû au fait qu'il y

22 avait eu une suggestion que ces accords n'étaient pas respectés. Et la

23 réponse qui a été donnée qui concernait la possibilité qu'il y ait eu une

24 implication dans des activités de terroristes.

25 Donc si vous pouvez, en donnant votre réponse, gardez à l'esprit ces

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1 paramètres.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avions des observateurs sur place. Nous

3 recevions des informations de ces observateurs, des hommes comme Sean

4 Burns. Et ces informations indiquaient qu'il n'y avait eu qu'un respect

5 partiel de l'accord du côté serbe. Et qu'il y avait toujours de temps à

6 autre des échanges de tirs de feu dans des régions autour de Malisevo ou

7 ailleurs. Et avec les généraux serbes, j'avais toujours des discussions à

8 ce sujet, et cela faisait partie d'ailleurs du plan de retrait graduel.

9 D'après les informations, il y avait aucune indication que les combats

10 intensifs se poursuivaient tels qu'indiqués par l'accusé. Nous n'avions

11 aucune information qui aurait pu confirmer une telle intensité de combats.

12 Nous avions des informations qui indiquaient que le côté serbe ne

13 respectait pas entièrement l'accord, et qu'il y avait toujours certaines

14 zones où il y avait des combats qui se poursuivaient.

15 Dans cet accord qui était l'annexe à un accord portant une autre date, il

16 devait y avoir aussi un cessez-le-feu accepté du côté albanais-kosovar, et

17 d'après mes souvenirs, les observateurs estimaient qu'aucun des côtés ne

18 respectaient complètement l'accord. Mais on ne peut pas dire que les

19 combats continuaient avec la même intensité telle que le suggère l'accusé.

20 En fait, ce qui se passait à l'époque c'est qu'il y avait eu une tentative

21 de trouver un règlement diplomatique, et Chris Hill, qui était ambassadeur

22 américain en Macédoine, avait été autorisé à rencontrer les différents

23 partis pour essayer de fonctionner comme médiateur pour trouver une

24 solution en ce qui concerne une division de responsabilité territoriale ou

25 une division de pouvoirs ou une autre façon de mettre fin au conflit, et

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1 tout ce qui se passait pendant cette période du mois de novembre. Je ne me

2 rappelle pas le détail de ces négociations actuellement. Je n'ai pas accès

3 aux faits mais c'était une période pendant laquelle on peut dire qu'il y

4 avait eu une réduction du niveau de violence. Il y avait donc une

5 possibilité, une opportunité pour trouver une solution diplomatique, si ça

6 aurait été possible si cela avait été l'intention des Serbes de trouver une

7 solution diplomate.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Général, vous parlez de "diplomatie", je pense que vous voulez dire ce

10 qui s'est passé à Rambouillet, n'est-ce pas ?

11 R. Quand je dis "diplomatie", Monsieur le Président, je parle des

12 rencontres impliquant Chris Hill et d'autres pendant la période octobre,

13 novembre, décembre 1998. C'était avant Rambouillet.

14 Q. Bien, c'est justement ce que je veux dire, Général, pendant cette

15 période en dehors des actions de la part des terroristes, il n'y avait

16 aucune répression qui a eu lieu sauf contre les terroristes. Je présume que

17 vous avez des informations là-dessus ? N'est-il pas vrai, Général ?

18 R. Monsieur le Président, d'après les informations que j'ai en ma

19 possession, les militaires et les forces de police serbe n'ont pas

20 entièrement respecté l'accord, c'est pour cela que la résistance albanaise

21 a continué et les tentatives diplomatiques n'ont pas eu effet. Il y avait

22 des plans qui visaient à trouver une solution au problème non pas par des

23 moyens diplomatiques -- d'ailleurs quand je dis plans, ce sont des plans

24 serbes, donc de trouver une solution par la force. Et pendant cette

25 période, il y a eu un échec de diplomatie qu a donné lieu au massacre de

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1 Racak, et par la suite il y a eu Rambouillet.

2 Q. Général, les activités de la force de police se limitaient

3 exclusivement au combat contre le terrorisme. Vous avez parlé du général

4 Djordjevic, et au paragraphe 21 vous dites que conformément aux

5 informations données par Djordjevic, leur intention avait été de détruire

6 toute la province, et vous essayiez de capturer 410 personnes. Et

7 Djordjevic aurait dit : "Nous avons besoin de 15 jours seulement pour les

8 tuer tous. Vous nous en avez empêchés. Pourquoi est-ce que vous nous avez

9 empêchés de le faire ?" Il est impossible que Djordjevic ait pu vous dire

10 une telle chose, Général. Et vous dites : "Ne comprenez-vous pas que vous

11 ne pouvez pas empêcher une telle chose par la force, surtout quand il

12 s'agit d'une action contre les civils ?" Et Djordjevic n'a pas répondu.

13 Djordjevic est un homme honorable, un général de police, disait toujours

14 que la police respectait à la lettre l'ordre qui a été donné de ne pas

15 tirer même contre l'Uceka, même s'il y avait un danger pour des civils qui

16 risquaient d'être blessés. Il a toujours fait en sorte que, et ce par le

17 truchement d'ordres --

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez que vous êtes ici pour poser

19 des questions. Vous pouvez poser une seule question avant la suspension

20 d'audience. Que voulez-vous demander ?

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Je vous invite à comparer ce que vous avez dit dans le paragraphe 21

23 que je viens de citer et le paragraphe 28 dans la déclaration plus longue

24 où on parle de Perisic qui a parlé du déploiement des forces de l'armée.

25 C'était des pourparlers techniques dans lesquels vous étiez impliqués,

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1 c'était des pourparlers militaires. C'était Holbrooke qui était responsable

2 des pourparlers politiques.

3 Et puis vous dites que : "Djordjevic a fait la même chose en ce qui

4 concerne le MUP. Et les deux ont mentionné des cartes pendant ces réunions.

5 Clark se rappelle la carte utilisée par Djordjevic, qui indiquait les

6 positions de l'Uceka." Les positions de l'Uceka étaient marquées, étaient

7 indiquées. "Et Clark fait des notes sur la base de la carte et pense que

8 les indications sont véridiques," ce qui veut dire que le général de la

9 police vous montrait une carte qui indiquaient les positions de l'Uceka et

10 vous estimez que la carte est correcte.

11 L'Uceka est une organisation terroriste, c'est quelque chose qui a été

12 confirmée par Ashdown, Gelbard, donc il y a eu confirmation de leur part

13 qu'il s'agissant de terroristes. Djordjevic vous indique les positions de

14 l'Uceka, vous pensez que la carte est correcte mais en même temps vous

15 croyez -- vous estimez que la police ne doit pas intervenir quand il s'agit

16 de personnes qui décapitent les gens. Donc vous pensez que la police ne

17 doit pas -- ne peut pas intervenir.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense qu'elle est incompréhensible

19 votre question.

20 Je pense que, Général, ce que l'on essaie de suggérer est que la

21 conversation mentionnée dans le paragraphe 21. Cela concerne "deux semaines

22 pour les tuer et puis vous nous avez arrêtés," je pense qu'il y a une

23 contestation de cela. Peut-être que vous pouvez répondre à cette question

24 spécifiquement en ce qui concerne Djordjevic ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, tout d'abord, je

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1 n'accepte pas ce qui est donné comme définition de l'Uceka en tant

2 qu'organisation terroriste. Je voudrais que ce soit indiqué dans le compte

3 rendu.

4 Deuxièmement, Djordjevic a dit exactement ce que j'ai dit verbalement et

5 dans la déposition, je pense qu'il s'agit ici d'une utilisation

6 proportionnée de force et le comportement et la nature des activités serbes

7 au Kosovo.

8 Pendant une période de dix ans, il y avait eu resserrement du contrôle

9 serbe de Kosovo. Il s'agissait d'une répression de la population

10 majoritaire exercée par la police, accompagnée d'éliminations sélectives --

11 M. MILOSEVIC : [interprétation] --

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez, attendez. Permettez au témoin

13 de terminer. Vous avez commencé -- votre question a été très longue.

14 Permettez au témoin de répondre -- de terminer sa réponse.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc accompagnée d'éliminations sélectives de

16 certains dirigeants des Albanais de Kosovo. Je leur avais demandé de

17 m'expliquer quelle était la situation en ce qui concerne l'éducation dans

18 leur propre langue, le fait qu'ils ne pouvaient pas occuper des positions

19 dans certaines organisations gouvernementales, et cetera, et cetera.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un mensonge.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il y avait une répression culturelle

22 systématique --

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un mensonge.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et cela a donné lieu à un mouvement de

25 résistance.

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1 La façon appropriée de faire face à la situation aurait été d'éviter la

2 force, comme j'ai essayé d'expliquer au général Djordjevic mais plutôt par

3 le truchement de dialogue et de retenu. Il suffit de regarder l'histoire

4 militaire pour comprendre que si vous utilisez la force pour essayer

5 d'empêcher les mouvements de ce genre qui bénéficient d'un soutien

6 populaire très large, cela ne marchera pas. Non seulement ce n'est pas

7 légal mais cela n'a aucun effet. Djordjevic n'avait aucune réponse à cela.

8 Il fonctionnait conformément aux instructions qu'il avait reçues.

9 Monsieur le Président, c'est très clair pour moi qu'à l'époque Djordjevic

10 bénéficiait de, comme dirais-je, l'approbation de l'accusé. L'accusé

11 l'estimait. Djordjevic semblait être un officier efficace. Il suivait des

12 ordres. Il indiquait les sites, les localisations mais suivait des

13 instructions très clairement. Et cette politique avait été conçue par

14 l'accusé. L'accusé était présent. Il est arrivé pendant les pourparlers

15 techniques et militaires la nuit du 20 octobre. Donc, on ne peut pas dire

16 qu'il était isolé, le dirigeant politique à distance. Il s'impliquait très

17 étroitement dans les différentes activités qui ont eu lieu. Et je pense

18 qu'il faut dire que ces activités étaient illégales et ont provoqué une

19 véritable catastrophe humanitaire. Entre 350 000 et 400 000 personnes ont

20 été expulsées de leurs maisons vers la fin de l'été et début de l'automne

21 1998 d'après les statistiques des observateurs. L'OTAN n'était pas là.

22 Donc, je n'avais pas accès direct à ma propre chaîne de commandement en ce

23 qui concerne les renseignements. Donc, j'ai obtenu ces informations

24 d'autres sources. Mais très clairement, il y avait un très grand problème

25 pendant l'été et l'automne 1998 suite aux activités des forces de l'armée

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1 de la police serbe.

2 Un des Albanais s'est approché de moi, il m'a dit que du haut des collines,

3 des montagnes qui surplombaient le Kosovo, il voyait les militaires serbes.

4 Il voyait l'artillerie qui est utilisé, dirigé contre les villages dans la

5 région de Drenica, et c'était déjà en avril 1998. Et cela ne fait pas

6 partie des activités policières normales.

7 Et je pense qu'il s'agissait de cela en fait. Vous faisiez utilisation

8 excessive de force, une utilisation illégale de force. Et ce qui a été dit,

9 c'est que cela rappelait 1946.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai regardé tout cela se dérouler, et ce qui

12 a donné lieu à la crise de 1999.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Nous allons lever l'audience. Nous

14 avons pris note que vous souhaitez obtenir un peu plus de temps et nous

15 allons le faire même si nous avons dépassé l'horaire. Donc, 20 minutes de

16 plus.

17 L'INTERPRÈTE : Remplacez "partie ballast" par "partie baal". Ensuite, au

18 moment où il est question de "communauté kosovar", remplacé par "Uceka". Et

19 puis lorsqu'il est question "de tueurs de toutes sortes" remplacez par

20 "assassins de leur propre compatriote."

21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 38.

22 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Combien de temps me donnez-vous encore,

25 Monsieur May ?

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vingt minutes.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela ne me suffira, mais je continuerai pour

3 tirer certains événements au clair.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Donc ici, dans ce paragraphe 28, de cette grande déclaration, vous avez

6 indiqué que Djordjevic vous avait indiqué les positions de l'Uceka et que,

7 dans une grande mesure, c'était exact. Puis vous dites que vous lui auriez

8 dit que les choses devaient se passer, mais vous devez savoir que ce n'est

9 pas l'armée et la police qui conduisent un dialogue. Le dialogue, c'est les

10 hommes politiques qui en sont chargés. Alors, pour ce qui est des réunions

11 avec Rugova [phon] et des autres personnalités politiques albanaises, il y

12 a eu des rencontres au niveau de Milutinovic, président de la Serbie, puis

13 de Sainovic, vice-premier ministre du gouvernement fédéral, puis d'autres

14 membres du gouvernement de la République de Serbie. C'étaient eux qui

15 étaient chargés de conduire les dialogues. Vous deviez le savoir, n'est-ce

16 pas, Général Clark ?

17 R. Messieurs les Juges, je le sais. Je sais qu'il y a eu des

18 conversations, des entretiens, mais ce qui avait été la force motrice

19 derrière le conflit, ça avait été les actions répressives de l'armée,

20 d'abord de la police et puis de l'armée, et cela avait été fait main sur la

21 main avec la direction serbe. Il y avait une politique de plus -- en plus

22 effectif de nettoyage ethnique, qui était appliqué dans la province au

23 détriment de la majorité des habitants.

24 Q. Le nettoyage ethnique au Kosovo a été perpétré à l'encontre des Serbes.

25 J'espère du moins que vous êtes au courant de la chose.

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1 Maintenant, pour ce qui est de la police et de ses activités à elle, je

2 suppose que vous serez d'accord avec moi pour dire que la police,

3 lorsqu'elle apprend, comme Djordjevic vous l'a expliqué, où se trouvaient

4 les positions de l'Uceka et si l'on dit que dans une maison il y a un

5 groupe de terroristes, la police a pour mission de les encercler et de les

6 arrêter. Alors, si on ouvre le feu sur la police, la police riposte et

7 ouvre le feu sur les terroristes.

8 N'est-ce pas ce que la police fait dans votre pays à vous aussi ?

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce qui est pertinent, c'est ce qui s'est

10 passé au Kosovo. Donc quelle est la question que vous posez ?

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. La question que je pose est celle de savoir s'il est clair que la

13 police, si elle intervient en vertu de la loi, or la police n'est censée

14 intervenir qu'en vertu de la loi lorsqu'elle a face à elle un groupe de

15 terroristes, de meurtriers, elle s'efforce de l'arrêter ? En est-il ainsi,

16 Général Clark, ou pas ?

17 R. Je pense que, pour répondre à votre question, il convient de mentionner

18 deux faits pertinents. Messieurs les Juges, il est tout d'abord clair que,

19 pendant plus d'une dizaine d'années, il y a eu des répressions

20 systématiques -- une répression systématique à l'encontre de la majorité de

21 la population au Kosovo. Cette répression avait été réalisée par la police

22 et cela avait été réalisé en vertu de différentes lois qui avaient été

23 promulguées à l'encontre de la population.

24 Et, deuxièmement, ce que je voulais dire c'est que la police et l'armée

25 avaient eu un recours excessif à la force. Ce qui n'a fait que motiver ou

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1 augmenter la motivation de la population à résister.

2 Je me souviens d'un incident particulier, tel qu'il m'a été relaté, cela

3 m'a été relaté par le président d'un pays voisin de la Macédoine. Il

4 s'agissait du massacre de la famille Jashari. La police armée lourdement

5 avait encerclée la propriété de cette famille et les rapports disent qu'il

6 y avait quelques 60 membres de la famille à l'intérieur de la maison qui

7 ont été tués. Cela a été repris par les nouvelles. Le président Gligorov,

8 qui avait bien connu la communauté albanaise, m'avait prévenu du fait qu'il

9 s'agissait précisément du type d'incidents que la population albanaise

10 n'allait simplement pas tolérés. Il s'agissait de meurtres de membres de

11 cette famille. La plupart n'étaient pas armée. Ils n'avaient pas résisté.

12 Ils ont tout simplement été abattus. Et c'est ce qui a incité la population

13 à résister.

14 Q. Mais le groupe des Jashari avaient été un groupe de meurtriers, la

15 police avait convié tout le monde à sortir. Et lui et ses complices étaient

16 censés se rendre. Lui a ouvert le feu sur la police et ses complices

17 également ont ouvert le feu en direction de la police. La police ne pouvait

18 pas savoir, étant donné qu'un certain nombre de civils avaient déjà quitté

19 la maison. Elle ne pouvait pas savoir s'ils étaient restés d'autres civils

20 dans la maison ou pas, étant donné qu'il y a un certain nombre de

21 survivants. Il est tout à fait clair que la police n'avait pas l'intention

22 à aucun point de vue de faire les choses au détriment des civils.

23 Et je voudrais vous demander une fois de plus si vous avez connaissance.

24 Est-ce que le général Djordjevic vous l'a précisé, ainsi que les gens de

25 son entourage, vous l'ont-ils précisé que c'étaient eux -- lui et eux --

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1 qui avaient pour ordre de ne pas ouvrir le feu sur les membres de l'Uceka

2 dans les occasions -- dans les circonstances où il pouvait y avoir

3 blessures de civils ou victimes parmi les civils. Le saviez-vous, Général

4 Clark, ou pas ?

5 R. Messieurs les Juges, je n'ai jamais entendu parler de cet ordre. Le

6 général Djordjevic n'a jamais mentionné l'ordre en question. Partant des

7 informations dont je disposais à partir de sources fiables, cet ordre en

8 fait n'avait pas été réalisé, étant donné que dans la province la police

9 avait ouvert le feu de façon indistincte, c'est-à-dire, quelle ne faisait

10 pas la distinction.

11 Q. Vous parlez de 1998, mais il n'y avait pas d'attaques à l'encontre de

12 civils par l'armée et la police. Vous le saviez, Général Clark, n'est-ce

13 pas ? Et, notamment, pour ce qui est de cet été. Et quand vous avez parlé

14 de Malisevo, vous saviez pertinemment bien qu'il y avait là-bas un QG de

15 l'Uceka, n'est-ce pas ?

16 R. Messieurs les Juges, je ne sais pas où se trouvaient les QG de l'Uceka.

17 Ce que je sais en vertu de ce que m'a dit le général Djordjevic, c'est que

18 Malisevo avait été le siège ou le centre de l'Uceka. Je n'ai pas d'autres

19 sources d'informations indépendantes qui corroboreraient. Ce que je sais

20 c'est que la police et l'armée étaient intervenues contre la population

21 civile en été 1998. C'est la raison pour laquelle 300 ou 400 000 personnes

22 avaient quitté leur logis. Je me souviens que les Albanais qu'ils pouvaient

23 voir depuis les montagnes albanaises que l'on ouvrait le feu à l'artillerie

24 sur les villages dans la partie occidentale de la province.

25 Q. Fort bien. On connaît bien leurs récits, mais vous aviez dit tout à

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1 l'heure que vous n'étiez pas d'accord pour que l'on porte au compte rendu

2 d'audience le fait que l'Uceka -- que l'armée de libération du Kosovo

3 aurait constitué une organisation terroriste.

4 C'est bien ce que vous avez dit tout à l'heure, n'est-ce pas, Général

5 Clark ?

6 R. Messieurs les Juges, je ne pense pas que l'Uceka, l'armée de libération

7 du Kosovo, soit une organisation terroriste.

8 Q. Bien. Mais, dites-moi alors, qui, en 1998, a commis ces

9 1 854 attaques terroristes et tuées des centaines de personnes et blessées

10 d'autres centaines de personnes, de civils, des policiers, des soldats ?

11 Qui l'aurait fait, en 1998, si ce ne sont pas les terroristes ? Qui

12 l'aurait fait, en 1998, si ce n'est pas les terroristes ?

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais interrompre les questions de

14 nature rhétorique. Où est la substance de votre question ?

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Qui a procédé à ces attaques, Général Clark, si eux-mêmes ne sont pas

17 des terroristes ?

18 R. Messieurs les Juges, je ne dispose pas de confirmation indépendante

19 concernant les informations afférant aux chiffres ou à l'envergure des

20 violences au Kosovo qui sont citées ici, mais, partant des entretiens que

21 j'ai obtenus, partant des informations qui m'avaient été accessibles à

22 l'époque, il y a eu un modèle de violence et d'intimidation qui avait été

23 d'habitude entamé par la police et les soldats en 1998. Il y avait un moule

24 d'intimidations ou d'actes d'intimidations et de violences à l'encontre de

25 la population civile et ils n'avaient de modalités de communication avec la

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1 police. Ils n'avaient pas de représentants à eux parmi la police. Ils

2 n'avaient pas fait confiance. Ils n'avaient pas foi en la police, étant

3 donné que cette police avait été l'instrument de la répression.

4 Il est donc compréhensible qu'ils aient souhaité se défendre eux-mêmes et

5 se protéger eux-mêmes. La plupart avaient tout simplement fui leur logis.

6 Certains ont essayé de résister par la force des armes. C'est ce qui a

7 constitué la tragédie dans cette situation. Mais la cause de la tragédie

8 réside dans la répression et dans l'usage excessif de la force, or c'est

9 l'accusé qui en a été responsable.

10 Q. Général Clark, puisque vous affirmez que ceux qui ont procédé à ces

11 attaques terroristes n'étaient pas des terroristes et quoi que plusieurs

12 résolutions du conseil de Sécurité parlent de terrorisme au Kosovo, vous

13 persistez à dire que ce ne sont pas des terroristes.

14 Répondez-moi, alors, à une question : est-ce que, dans votre campagne

15 préélectorale, il y a des financements de la part des Albanais, à savoir,

16 de l'Uceka ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il s'agit d'une question tout à fait

18 inappropriée et qui est tout à fait non pertinente.

19 Général, vous n'avez pas à répondre à ce type de questions.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je crois qu'il est important de répondre,

21 et ma réponse est non.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Dites-moi, je vous prie, Général, le New Yorker, daté du 17 novembre,

24 il y a eu une interview de publier avec vous, et il y est dit : "Le général

25 Shelton a été interrogé." C'était l'ex-chef du grand état major en 1999. On

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1 lui a demandé quand Clark avait été écarté de ses fonctions de façon peu

2 cérémonieuse, s'agissant du poste qui avait été le sien à l'époque, à

3 savoir, commandant suprême des forces alliées d'Europe.

4 Et voilà ce que Shelton a dit : "Je le connais depuis longtemps et je vais

5 vous dire pourquoi il a dû quitter l'Europe aussi vite. Cela était en

6 corrélation avec son intégrité et des éléments de caractère et c'est la

7 raison pour laquelle Wes n'obtiendra pas mon vote."

8 Donc, votre supérieur à vous parle de votre caractère, n'est-ce pas,

9 Général Clark ?

10 R. Messieurs les Juges, permettez-moi de tirer au clair certains éléments.

11 D'abord, Shelton n'a pas été mon supérieur. Il avait été le commandant du

12 Grand état major et je lui présentais des rapports. Je présentais également

13 des rapports au secrétaire général Solana à l'OTAN -- au conseil de l'OTAN.

14 Je voudrais dire ce qui suit : tout d'abord, il s'agit de remarques qui ont

15 été formulées à mon encontre et cela avait été dit par le secrétaire Cohen,

16 mon supérieur, après la campagne du Kosovo, le 1er décembre 1999. Il a

17 présenté ces remarques au centre des Etudes militaires en Allemagne. Il a

18 dit : "Qu'il voulait rendre hommage un monsieur qui était dans l'audience,

19 à savoir, le général Clark. Il a parlé des compétences, du

20 professionnalisme et de l'ingéniosité du général Wesley Clark." Le

21 secrétaire Cohen a continué, en disant : "Qu'il ne savait pas qui est-ce

22 qui avait eu un défi plus grand que celui que de rassembler 19 démocraties

23 et de conduire en même temps des opérations très importantes à une époque

24 très stressante. Je voudrais donc rendre hommage à son professionnalisme et

25 au travail exceptionnel qu'il a effectué en sa qualité de commandant

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1 suprême des forces alliées."

2 C'est ce que Cohen avait dit lorsque j'ai été actif et lorsque j'ai donc

3 exercé ces fonctions et voici ce que le secrétaire Cohen a également

4 précisé : "Aux fins de préserver la liberté à la fin de ce siècle --"

5 Q. Mais c'est vous qui avez posé cette question.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, mais il a le droit de répliquer.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] "Il a été question d'un homme qui avait

8 compris la difficulté de l'époque, il s'agissait d'un héro de la guerre qui

9 avait la distinction -- la distinction du Vietnam et des gens qui avaient

10 combattus dans la Tempête du désert et qui avaient été impliqués dans les

11 négociations de Dayton --"

12 L'INTERPRÈTE : Si le témoin peut ralentir.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] "Donc, ce qui convient dire c'est qu'il

14 s'agissait d'un homme qui, sans passion aucune, disposait d'une force

15 incroyable et de dispositions incroyables. Les historiens parleront de ce

16 commandement passionné, qui avait été celui du général Wesley Clark, et

17 qu'ils diront que les hommes et les femmes, qui avaient été placés sous sa

18 commande, avaient réussi avec 38 autres nations, à apporter la paix en

19 Bosnie et au Kosovo.

20 Le secrétaire Cohen continue pour dire : "Que les services rendus par le

21 général Clark avaient atteint leur accomplissement. Il avait été présent

22 sur cette route boueuse des montagnes, il y a cinq ans, lorsque trois

23 américains avaient donné leurs vies pour essayer de mettre un terme à la

24 guerre. Il avait été à plusieurs reprises là-bas en essayant d'aider à la

25 réalisation des plans qui ont été tracés à Dayton et pour lesquels nous

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1 avions espéré qu'ils nous assureraient une paix durable."

2 Le secrétaire Cohen continue, en disant que : "Le général Shelton nous

3 avait rappelé les accomplissements historiques au sud," et il avait sous-

4 entendu là, les opérations au Kosovo. "Je vous dirais donc à tous ceux qui

5 êtes rassemblés ici aujourd'hui quoique vous ayez peut-être la tendance de

6 voir sous un éclairage négatif ce qui s'était passé au Kosovo, je dirais

7 donc que personne ne devrait douter des effets positifs de vos activités

8 face à un ennemi qui a donné naissance à un cauchemar humanitaire des plus

9 terrible. Vous avez donc soulagé les souffrances des civils.

10 Et "il y a un an seulement," le général Cohen continue, "pour indiquer que

11 les forces serbes avaient chassé pratiquement un million d'Albanais du

12 Kosovo. Vous avez entrepris ce qu'il fallait pour empêcher ce qui s'était

13 passé vu la fuite de presque un million d'Albanais."

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous devons maintenant écouter les

15 allocutions et les discours de M. Cohen ?

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Général, pourriez-vous

17 peut-être conduire à un terme ces interventions ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais, Monsieur le Président,

19 dire, c'est dire que les réflexions négatives au sujet de mon caractère et

20 de mon intégrité étaient inappropriées. Donc il n'y avait rien de négatif

21 de fait par mon collègue militaire dans le courant d'une campagne

22 politique. Je voudrais que cette déclaration soit versée au dossier et je

23 voudrais que l'on permettre de continuer parce que j'estime qu'il importe

24 beaucoup de contester une allégation de cette nature.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De combien de temps pensez-vous

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1 avoir besoin ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai besoin de 30 secondes si vous me

3 permettez de donner lecture à une vitesse normale.

4 Le secrétaire Cohen a remercié le général Clark de sa conduite, de son

5 leadership exceptionnel.

6 Je tiens aussi à ce que soit versé au dossier les remarques du président

7 Clinton lorsque l'on m'a attribué la médaille de la liberté. Il a dit que :

8 "Wesley Clark a compris les périls dans les Balkans. Il a joué là-bas un

9 rôle vital. Il a fait intervenir son expérience, en tant que stratège et

10 d'homme d'état à l'occasion de la campagne du Kosovo, sans que l'on ait

11 perdu une seule vie de soldat à nous. Au sommet de sa carrière militaire,

12 il a dû répondre à des défis --"

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais ralentissez.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] " -- c'est grâce donc au général Clark que

15 nous pouvons dire que la mission a été accomplie avec succès."

16 Messieurs les Juges, je voudrais que cette déclaration soit versée au

17 dossier, en tant qu'élément de nature à réputer ce que l'accusé a dit au

18 sujet de mon caractère.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons prendre cela en

20 considération.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Et je crois que j'ai d'autres documents en sus

22 que je voudrais faire verser au dossier et il s'agit de déclarations

23 émanant d'autres personnes aux Etats-Unis.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez encore cinq

25 minutes.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] En donnant lecture de ces discours

2 protocolaires, tout ce temps-ci.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous allez avoir du temps complémentaire

4 pour vous rattraper sur le temps utilisé par le témoin.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Général, puisque vous dites que ce que Shelton a dit n'est pas exact.

7 Ce n'avait rien à voir. Pourquoi alors avez-vous été écarté de vos

8 fonctions en Europe de façon prématurée ?

9 R. Messieurs les Juges, je voudrais répondre à cette question.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, allez-y.

11 R. Et bien très sincèrement, parce qu'il y a eu des divergences pour ce

12 qui est des points de vue politiques entre moi et le général Shelton.

13 J'avais estimé que les Etats-Unis et l'OTAN ne devaient pas permettre

14 encore un cycle de nettoyage ethnique dans les Balkans, nettoyage qui avait

15 été conduit par l'accusé. Et j'ai déployé des efforts importants pour

16 prévenir le gouvernement des Etats-Unis de ce qui allait se passer. J'ai

17 envoyé des recommandations politiques, et ces recommandations ont été

18 acceptées. Les Etats-Unis ont entrepris des mesures pour empêcher les

19 nettoyages ethniques.

20 Certaines personnes à Washington n'avaient pas été d'accord. Mais nous

21 l'avons fait. Et je suis très fier de ce que nous avons réalisé. Nous avons

22 sauvé un million et demi d'Albanais au Kosovo du nettoyage ethnique.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. C'est vous qui avez donné lieu à une catastrophe humanitaire générale.

25 Vous n'avez sauvé personne. Mais comme vous étiez commandant de l'OTAN,

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1 vous devriez savoir que les actes d'Helsinki, les actes finaux d'Helsinki,

2 autorisent un état explicitement à combattre le terrorisme sur son

3 territoire. Et aucun autre état n'a le droit de l'empêcher de se faire et

4 de s'ingérer. Or vous, vous vous êtes ingéré dans le conflit, et vous vous

5 êtes placé au côté des terroristes, Général Clark. Est-ce exact ou pas,

6 Général Clark ?

7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'OTAN a agi pour essayer

8 d'empêcher une quatrième guerre dans les Balkans. Nous l'avons fait en nous

9 fondant sur la diplomatie. Mais cette diplomatie, M. Milosevic a refusé

10 d'en tenir compte tant qu'elle n'a pas été soutenue par le recours à la

11 force. Comme je l'ai déjà dit devant les Juges, c'est moi qui ai permis ce

12 recours à la force, qui a produit une accalmie pendant laquelle la

13 diplomatie a pu intervenir. Mais on peut penser que l'accusé s'était déjà

14 lancé dans certains actes qui ne prévoyaient pas le recours à la

15 diplomatie. Au lieu de cela, il s'est efforcé d'imposer la solution qu'il

16 m'avait annoncé vouloir imposer dans la conversation qu'il a eue avec moi

17 au cours de cette réunion. C'était un effort destiné à les tuer tous. Et il

18 a eu lieu à partir de janvier 1999, date du massacre de Racak. Il a

19 combattu les efforts déployés par la communauté occidentale, à la recherche

20 d'une solution diplomatique pour régler le problème du Kosovo.

21 Et finalement, lorsqu'il n'y a plus eu aucun moyen disponible. L'OTAN s'est

22 engagé dans une opération militaire pour essayer d'empêcher une nouvelle

23 campagne de nettoyage ethnique. Et nous avons mis en œuvre une campagne

24 aérienne de 78 jours pour essayer d'empêcher le nettoyage ethnique, que

25 l'accusé et son gouvernement ont perpétré contre les Albanais du Kosovo. Et

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1 en fait, nous avons réussi à arrêter cela.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Votre dernière question, Monsieur

3 Milosevic.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. J'ai beaucoup de questions à poser au Général Clark. Mais puisque vous

6 parlez de Racak, Général, je vous demande si vous êtes au courant du fait

7 qu'à Racak se trouvait une unité de l'Uceka composée de plusieurs dizaines

8 d'hommes, et que son commandant est venu témoigné ici en disant que c'était

9 eux qui avaient ouvert le feu les premiers sur les policiers qui entraient

10 dans le village. Et que cette action de la police pénétrant dans le

11 village, a été annoncée à la mission de vérification. Et nous avons ici,

12 sur une cassette vidéo, deux véhicules de couleur orange de la mission de

13 vérification au moment où la police entrait dans Racak. Donc êtes-vous au

14 courant de tout cela ? C'est la question que je vous pose. Et je vous

15 demande également si cet affrontement était un affrontement opposant d'une

16 part la police, et d'autre part un groupe organisé de terroristes de

17 l'Uceka. Est-ce que vous savez cela ? Ce sont des éléments qui ont été

18 présentés ici de la façon la plus claire qui soit.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci ne rend pas entièrement compte de la

20 déposition que nous avons entendue dans ce prétoire. Il ne faut pas induire

21 le témoin en erreur à ce sujet. Mais vous pouvez bien entendu poser au

22 général.

23 La question qui vous est posée, Général, consiste à vous demander si vous

24 êtes au courant qu'il s'agissait d'un affrontement opposant d'une part la

25 police, et d'autre part un groupe organisé de terroristes à Racak? Est-ce

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1 que vous saviez cela sur la base des informations dont vous disposiez ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les informations que

3 j'ai reçues au départ, provenaient de l'ambassadeur Walker qui m'a fait

4 savoir qu'il s'était rendu sur le site, qu'il avait vu les gens, et qu'il

5 s'agissait d'un massacre. Que ces gens étaient des fermiers. Qu'ils ont été

6 abattus à bout portant dans un fossé. Qu'ils avaient été regroupés là aux

7 abords du village avant d'être massacrés. C'est l'information qu'il m'a

8 fournie. Cette information aurait pu faire l'objet d'une enquête de la part

9 du Tribunal pénal international. Et c'est en fait ce que l'OTAN avait

10 recommandé. C'est le message que le général Naumann et moi-même avons

11 rapporté à l'accusé. Et il a refusé d'autoriser qu'une enquête soit menée.

12 Au lieu de cela, il nous a dit que les choses n'avaient pas pu se passer de

13 cette façon. Il était certain de cela avant même toute enquête.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Maître Kay.

15 Questions de l'Amicus Curiae, M. Kay :

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, s'agissant des informations

17 présentées par le général Clark au sujet des réfugiés, j'aimerais confirmer

18 un point.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Dans votre ouvrage, vous dites ---

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez un instant. Nous vous avons

22 accordé un certain temps que vous avez utilisé. Nous allons réfléchir

23 maintenant à la question de savoir si vous pouvez poser d'autres questions.

24 A quelle page de l'ouvrage faites-vous référence ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je fais référence à la page 268 de la version

Page 30537

1 serbe de ce livre. Il est question du 3 avril, dixième jour de la guerre.

2 Et le général dit à cet endroit, je cite : "Selon les informations dont

3 nous disposons, 100 000 réfugiés d'Albanie et 50 000 de Macédoine -- il y a

4 eu 100 000 réfugiés d'Albanie et 50 000 réfugiés de Macédoine environ. Ce

5 qui fait un total un 150 000 réfugiés, le dixième jour de la guerre."

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons arrêter cela. L'Accusation

7 peut retrouver ce passage, et nous pourrons y revenir après les questions

8 posées par Me Kay. Nous verrons si c'est l'un des passages auquel vous avez

9 fait référence précédemment, et nous verrons cette question de votre part

10 est autorisée.

11 Maître Kay, vous avez la parole.

12 M. KAY : [interprétation]

13 Q. Général, pour en revenir à la dernière série de questions qui vous ont

14 été posées par l'accusé au sujet avant la question concernant Racak. Il est

15 permis de dire, n'est-ce pas, que le conseil de Sécurité des Nations Unies

16 n'a pas voté une résolution autorisant le bombardement de la Yougoslavie de

17 votre part ?

18 R. Monsieur le Président, c'est exact.

19 Q. Les résolutions qui ont été votées, auxquelles vous avez fait référence

20 sont la résolution 1160, 1199, 1239, et 1203. Dans ces résolutions, ---

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En quoi est-ce que cela découle de

22 l'interrogatoire principal ?

23 M. KAY : [interprétation] Cela ne découle pas directement de

24 l'interrogatoire principal, mais c'est une question qui a été abordée. Et

25 c'est sans doute une question qui est pertinente par rapport au problème de

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1 la légitime défense invoquée par l'accusé.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, mais vous savez que nous avons déjà

3 discuté longuement de cette question. Et ceci peut poser un problème

4 juridique.

5 M. KAY : [interprétation] Jamais -- je m'apprêtais à parler du document du

6 25 octobre auquel est annexée la déclaration. Peut-être pourrait-il être

7 utile aux Juges d'examiner cette question.

8 Q. Général, si nous regardons le document qui constitue la pièce à

9 conviction 94, intercalaire 3 à savoir, le procès-verbal de la réunion

10 tenue à Belgrade le 25 octobre 1998.

11 R. Oui.

12 Q. Comme on le voit clairement à la lecture de la page de garde de ce

13 document, de votre rencontre avec les représentants du gouvernement de

14 Serbie, a eu lieu sur la base des résolutions votées par le conseil de

15 Sécurité des Nations Unies, et plus particulièrement sur la base de la

16 résolution 1199, n'est-ce pas ? Vous pouvez le confirmer pour le compte

17 rendu d'audience.

18 R. C'est exact.

19 Q. Vous le confirmez donc.

20 R. Confirmé pour le compte rendu d'audience.

21 Q. Je vous prie, maintenant, de répondre à ce qui suit. Comme vous le

22 savez, des éléments de preuve ont été présentés devant cette Chambre, selon

23 lesquelles les résolutions votées, à savoir, les résolutions 1160 et 1199,

24 étaient une manifestation d'inquiétudes par rapport aux événements qui

25 étaient en cours au Kosovo en 1998. Pouvez-vous confirmer cela ?

Page 30539

1 R. C'est exact.

2 Q. Merci. Dans le cadre des efforts menés par la communauté internationale

3 pour réagir à certains de ces événements, vous-même, accompagné du général

4 Naumann, vous êtes rendus, en tant que représentants de l'OTAN, auprès du

5 gouvernement serbe pour discuter de ces questions qui préoccupaient le

6 conseil de Sécurité ?

7 R. C'est exact.

8 Q. A ce moment-là, en 1998, vous connaissiez l'historique du problème.

9 Vous saviez qu'il existait un groupe décrit par l'accusé ici, en tant que

10 groupe terroriste. Vous, vous n'admettez pas cette définition, mais vous me

11 permettrez peut-être d'utiliser cette expression car elle a été utilisée

12 très régulièrement ici, donc il existait l'Uceka qui agissait depuis 18

13 mois au Kosovo ?

14 R. C'est exact. J'avais entendu parler de cette organisation.

15 Q. Vous étiez au courant des inquiétudes que nourrissait le gouvernement

16 serbe par rapport aux agissements de l'Uceka dans une partie du territoire

17 relevant du gouvernement serbe. Vous étiez au courant du fait que le

18 gouvernement serbe souhaitait prendre des mesures pour empêcher que ces

19 événements ne fassent des victimes, du mal et des destructions.

20 R. C'est exact.

21 Q. Vous étiez également au courant du fait que les Nations Unies étaient

22 inquiets par rapport aux problèmes de la parité et s'inquiétaient également

23 de la façon dont la population de la région était traité, je veux parler

24 des Albanais du Kosovo et que les Nations Unies s'inquiétaient également de

25 la nécessité de maintenir une situation pacifique dans la province du

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1 Kosovo dans la mesure du possible.

2 R. C'est exact. Mais j'aimerais revenir un instant sur la question

3 précédente, qui portait sur l'inquiétude du gouvernement serbe, parce que

4 je n'aimerais pas que l'on pense que j'admets que l'inquiétude du

5 gouvernement serbe se limitait à la nécessité de prendre des mesures pour

6 empêcher que les événements ne fassent des victimes, du mal et des

7 destructions. Je n'avais pas le sentiment que c'était à cela que se

8 limitaient les préoccupations du gouvernement serbe. J'étais conscient du

9 fait que c'est ainsi que le gouvernement serbe pouvait décrire les choses,

10 mais je n'étais pas d'accord par rapport à cela à en juger par les actions

11 du gouvernement serbe que je constatais. Je ne pensais pas que ses

12 inquiétudes ou ses préoccupations se limitaient à cela.

13 Q. Fort bien. Vous avez des réserves au sujet de cette définition, mais

14 est-il permis de dire que vous reconnaissez qu'il existerait un problème

15 politique au Kosovo et que le gouvernement devait s'occuper de ce

16 problème ?

17 R. Je dirais que le gouvernement avait lui-même créé ce problème politique

18 et qui l'a traité par recours à la force plutôt qu'en essayant de le régler

19 par des voies politiques. C'est, à mon avis, le cœur même du problème.

20 Q. Si nous regardons maintenant la déclaration, qui a également été

21 discutée ici aujourd'hui, et je passe à la page 2, de l'intercalaire 3, de

22 la pièce à conviction 94.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au

24 paragraphe 1, de ce document, on voit qu'il est fait mention de la

25 résolution du conseil de Sécurité 1199 et que l'on part du fait que le

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1 terrorisme organisé a été vaincu au Kosmet et que toute action contre le

2 terrorisme a cessé à partir du 29 septembre 1998. Donc les autorités de la

3 République fédérale de Yougoslavie ont décidé entre autres mesures

4 d'entreprendre sur cette base une série d'actions qui, pour l'essentiel, se

5 résume à une tentative de rétablir une situation normale et pacifique dans

6 cette province qui relevait du contrôle et du pouvoir du gouvernement.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Vous serez d'accord là-dessus, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Au paragraphe 2, de ce document, il est dit ce qui suit, je cite :

11 "Afin d'encourager encore davantage le retour à la paix et à la normale,

12 les autorités de l'état de la République fédérale yougoslave réduiront la

13 présence et les effectifs des forces de sécurité sur l'ensemble du

14 territoire du Kosmet à des niveaux normaux." Ceci se passait avant le début

15 des actions terroristes, n'est-ce pas ?

16 R. C'est exact. Et dans une question précédente, j'ai pris la teneur de ce

17 document pour ce qu'elle était. Je ne l'ai pas interprété plus loin. Je

18 n'ai pas parlé de l'intention de l'accusé qu'il a exprimé devant moi. Je

19 n'ai pas parlé d'intentions sous-jacentes de la part de l'accusé alors

20 qu'il m'en avait fait part. J'ai simplement affirmé et confirmé ce que

21 contenait ce document.

22 Q. Examinons maintenant les objectifs mentionnés dans ce document. Il est

23 permis de dire, n'est-ce pas, que ce qui est déclaré ici devait être

24 réalisé. Et nous voyons à la lecture du document, qu'il exprime pour

25 l'essentiel la nécessité de retraits des forces pour qu'elle revienne à un

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1 niveau de temps de paix, notamment, s'agissant des armes lourdes. Je suis à

2 la page suivante à présent. Donc retour des effectifs de police à un niveau

3 normal en temps de paix, envoi d'unités supplémentaires avant février 1998,

4 qui doivent être retirées parce qu'à partir de février 1998, il était

5 considéré qu'une intensification des actions avaient eu lieu et que c'est,

6 à ce moment-là, que des équipements supplémentaires ont été emmenés au

7 Kosovo, n'est-ce pas ?

8 R. Oui. L'intensification des actions a eu lieu à ce moment-là ou à peu

9 près, au moment de l'attaque contre la famille Jashari.

10 Q. Oui.

11 R. Mais je ne puis préciser le moment exact où l'accumulation d'armements

12 s'est intensifiée, ni à quel moment les résultats de cette accumulation

13 d'armements se sont manifestés. Je ne le sais tout simplement pas.

14 Q. Donc l'idée, c'était de réduire l'escalade dans le cadre de ce qui a

15 été discuté dans ce Tribunal un certain nombre de fois, à savoir, le

16 cessez-le-feu du mois d'octobre 1998.

17 R. Oui.

18 Q. Si nous prenons la fin du document, nous voyons qu'il est également

19 fait mention au paragraphe 33, de la phrase suivante, je cite : "La

20 République fédérale de Yougoslavie a l'intention de respecter, sans

21 condition, la résolution 1199 du conseil de Sécurité des Nations Unies et

22 de mener les actions décrites ci-dessus. Elle fait appel à toutes les

23 autres parties pour qu'elle respecte également, sans condition, les termes

24 de cette résolution."

25 A cet effet, peut-on dire que la présence de l'Uceka ou des groupes

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1 terroristes qui agissaient à ce moment et dans ce sens-là ou pas ?

2 R. Effectivement.

3 Q. "La République fédérale de Yougoslavie demeure favorable à la recherche

4 de solutions pour tous les problèmes en suspens et tous les problèmes

5 doivent être réglés pacifiquement et en consultation avec le OSCE;

6 cependant, en tant que dernier recours et conformément au droit à la

7 légitime défense, les autorités de l'état se réserve le droit de répondre

8 de façon opportune et proportionnée à toute forme d'actions terroristes ou

9 de violations du droit qui risqueraient de mettre en cause, de mettre en

10 danger, la vie et la sécurité des citoyens et des représentants des

11 autorités de l'état."

12 A ce moment-là, donc, en octobre 1998, on pensait encore que l'état de

13 Serbie avait le droit de se défendre, donc d'exercer sa légitime défense,

14 ainsi que de répondre de façon proportionnée aux agissements terroristes ou

15 à toute violation du droit, n'est-ce pas ?

16 R. C'est exact. Et j'aimerais m'expliquer sur ce point parce que c'est une

17 déclaration, dont les termes ont été pesés avec le plus grand soin de la

18 part de l'OTAN. Avant son élaboration définitive, nous y avions beaucoup

19 réfléchi, donc, à moins de décider d'envoyer une force de maintien de la

20 paix de l'OTAN sur place, pour participer au conflit, nous n'étions pas

21 contre le droit à la légitime défense pour les autorités du pays. Mais la

22 formulation importante ici, c'est ce terme de "proportionnel". En d'autres

23 termes, l'idée était un retour à ce que vous venez d'évoquer. La province

24 devait revenir à un état de droit et les actions de la police devaient

25 revenir à la normale, et il fallait retirer les armes lourdes, arrêter le

Page 30544

1 recours aux armes lourdes contre la population. Donc c'est le mot

2 "proportionnel" qui est important dans cette phrase.

3 Q. A ce stade, bien sûr, cette déclaration était considérée comme

4 décrivant des objectifs qu'ils convenaient d'essayer de réaliser et on

5 pensait qu'un cessez-le-feu allait intervenir, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Cependant, pendant le cessez-le-feu, il est devenu apparent, n'est-ce

8 pas, que l'Uceka saisissait toutes les occasions pour reprendre des forces

9 et se réarmer ?

10 R. Je pense qu'en fait c'est un problème dans lequel les deux parties, à

11 savoir, l'Uceka et le gouvernement ont une part de responsabilité car en

12 fait ni les Serbes, ni l'Uceka n'ont entièrement respecté les intentions

13 exprimées à cette époque.

14 Q. Mais le problème ne résidait-il pas dans le fait que du point de vue

15 des Serbes pendant cette période, ils leurs étaient fait obligation de se

16 retirer et que leur adversaire, à savoir, la partie opposée était à cette

17 époque-là un adversaire qui était dans une grande mesure vaincue. Ce

18 n'était pas un adversaire très vigoureux, ni très puissant à cette époque,

19 à savoir, en octobre 1998, n'est-ce pas ?

20 R. Et bien, je pense qu'il peut y avoir une mauvaise perception des choses

21 ici, et vous établissez un parallèle qui à mon avis n'existait pas. Les

22 efforts déployés n'étaient pas destinés à aboutir à un cessez-le-feu au

23 terme duquel les parties en présence devaient maintenir leur rapport

24 militaire en l'état. Il n'était pas question d'instaurer une interruption

25 des combats ou un cessez-le-feu dans lequel des efforts diplomatiques

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1 pourraient être déployés pour aboutir à une solution politique du problème.

2 Tout cela n'avait rien à voir avec la présence ou l'absence de l'Uceka,

3 parce qu'il y avait une solution politique qui avait été trouvée pour

4 régler le problème.

5 L'Uceka donc n'avait plus de pertinence et avait perdu le soutien de la

6 population. L'Uceka tirait son soutien de la population précisément des

7 actions menées par l'armée et la police serbe. C'était son seul moyen de

8 défense contre un recours excessif à la force. Et en fait, ce qui s'est

9 passé c'est que les Serbes ont continué à recourir de façon excessive à la

10 force. Ils n'ont pas respecté les dispositions de l'accord qui leur

11 intimait de recourir à la force de façon proportionnée.

12 Q. Ceci peut dépendre des -- le point de vue sur ce fait peut dépendre des

13 dépositions qui seront entendues, et les Juges ont entendu pas mal de

14 témoignages à ce sujet. Je veux parler des événements survenus pendant

15 cette période. Et du point de savoir si l'Uceka était en train de se

16 réarmer et était la cause d'une réaction serbe. Ceci donc dépendra du poids

17 qui sera accordé aux dépositions. Mais vous ne disconvenez pas, n'est-ce

18 pas, du fait que l'Uceka était en train de se remettre, de reprendre ses

19 forces, de se réarmer et qu'elle s'est de nouveau équipée pendant cette

20 trêve des combats ?

21 R. Pour autant que je le sache, et je répète, Monsieur le Président,

22 Messieurs les Juges, que je ne connais pas toutes les dépositions qui ont

23 été présentées dans ce prétoire, je ne sais pas quels sont les

24 renseignements dont disposent les Juges, mais si je me souviens des

25 renseignements dont je disposais à l'époque, il y avait effectivement eu

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1 des victimes dans les rangs de l'Uceka et l'Uceka avait évacué ses

2 victimes. Elle avait reçu des renforts et s'était engagée dans certaines

3 actions limitées avec les moyens qui étaient les siens.

4 Q. Les résolutions du conseil de Sécurité, bien sûr, exprimaient une

5 préoccupation par rapport au problème global et condamnaient les deux

6 parties pour le fait, pour d'une part les actions entreprises par l'état

7 serbe mais aussi pour les actions entreprises par les terroristes de

8 l'Uceka. Vous êtes au courant de cela, n'est-ce pas ?

9 R. Je ne connais pas les termes exacts. Je n'étais pas au courant des

10 termes exacts qui ont été utilisés dans le document que j'ai sous les yeux,

11 mais je me souviens de ces événements de façon générale.

12 Q. J'ai des exemplaires des résolutions du conseil de Sécurité ici.

13 M. KAY : [interprétation] Et il est possible de vous les soumettre à ce

14 stade de nos débats. Monsieur le Président, peut-être cela pourrait-il être

15 fait.

16 Q. Mais revenons au contexte général de cette situation après octobre

17 1998, alors que vous étiez en train d'accumuler des forces autour de l'état

18 de Serbie.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez que nous avons arrêté l'accusé

20 sur ce point, et le témoin est venu ici pour traiter de questions

21 spécifiques et non pas de problèmes généraux. Comme vous l'avez dit à juste

22 titre, nous avons entendu de nombreuses autres dépositions sur cette

23 question.

24 M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je dis c'est que je

25 ne m'occupe pas des événements survenus après le 24 mars 1999, mais

Page 30547

1 j'essaie de redessiner le contexte dans lequel se trouvait l'état de Serbie

2 à l'époque -- donc de donner une idée de la situation dans laquelle était

3 l'état de Serbie. Il y avait des forces étrangères qui s'accumulaient aux

4 frontières du pays et qui manifestement amenaient à ces endroits des

5 équipements et des armes. Il y avait aussi accumulation d'armements de la

6 part de l'Uceka. Nous avons entendu des témoins à ce sujet, donc ce sont

7 des questions qui relèvent très clairement de la responsabilité d'un

8 gouvernement. Lorsque le gouvernement en question est critiqué pour ne

9 s'être pas retiré ou pour avoir pénétré à nouveau dans une province, il y a

10 ici des questions qui relèvent de la responsabilité d'un état et qui

11 peuvent éventuellement permettre à un état de prendre un certain nombre de

12 mesures pour défendre son intégrité territoriale.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Fort bien.

15 M. KAY : [interprétation]

16 Q. N'est-il pas exact, Général, que c'est bien l'image que nous devons

17 avoir en vue lorsque nous essayons de nous remémorer les événements

18 historiques survenus à partir d'octobre 1998 jusqu'à mars 1999, il y avait

19 accumulation d'armements de forces étrangères aux environs du territoire de

20 la république de Serbie et que ces forces étrangères étaient commandées par

21 vous ?

22 R. Je pense que c'est une image tout à fait incomplète. Vous donnez une

23 image d'une -- en monocolore d'une situation qui en fait était multicolore.

24 Alors replaçons les choses dans leur contexte, Monsieur le Président, si

25 vous me le permettez.

Page 30548

1 D'abord il y avait ces efforts qui étaient déployés depuis plusieurs années

2 pour empêcher la répression serbe contre les habitants du Kosovo, et qui

3 remontent à la première administration Bush, puisqu'en décembre 1992,

4 l'administration Bush avait émis ce qu'il est convenu d'appeler

5 l'avertissement de Noël, qui signifiait

6 -- qui impliquait une certaine menace de recours à la force contre les

7 forces serbes si elles provoquaient une catastrophe humanitaire au Kosovo.

8 Je ne me souviens pas de la formulation exacte de cet avertissement mais le

9 texte peut être retrouvé pour le dossier de ce procès.

10 Et il y avait eu pendant le même temps des efforts déployés pour mettre en

11 œuvre une solution diplomatique, c'est-à-dire réduire le niveau de

12 répression, la politique de répression mise en œuvre par le gouvernement

13 serbe au Kosovo qui avait provoqué la naissance d'une renaissance au Kosovo

14 -- un légitime défense dans la province et pour aucune autre raison. Donc

15 ceci c'était la situation de 1998 où une solution diplomatique était tentée

16 dans un effort de ramener les deux parties à une situation pacifique avec

17 restauration des droits civiques, et donc rétablissement d'une situation

18 dans laquelle deux populations pouvaient co-exister et vivre ensemble en

19 dehors de toute intimidation de la majorité par une influence répressive

20 mise en œuvre par la minorité.

21 Voilà donc l'objectif qui était recherché.

22 Quant aux instruments militaires qui ont été utilisés après octobre 1998, à

23 savoir, les frappes aériennes, et bien les forces aériennes ont été

24 redéployées à leurs niveaux normaux. Les avions sont retournés à leurs

25 bases. Ils ne sont pas restés à cet endroit. Et ce qui a été mis en place à

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1 partir de ce moment-là, c'est une mission de vérification dans la

2 coopération qui prévoyait que les avions ne pouvaient que survoler la

3 province du Kosovo. Ils rendaient compte à leurs bases qui coordonnaient

4 son travail avec la mission d'observation diplomatique du Kosovo sur le

5 terrain afin d'empêcher tout motif susceptible de provoquer une réescalade

6 de la violence. Et les Serbes disposaient d'officiers de liaison au QG des

7 opérations aériennes, donc c'était une opération menée en coopération avec

8 échange mutuel de renseignements.

9 Et si les questions d'accumulation de forces sur le terrain, et bien ces

10 forces terrestres étaient restées politiquement neutre, et serait resté

11 politiquement neutre si la partie serbe avait permis qu'une aide soit

12 fournie aux quelques observateurs qui étaient encore sur le terrain, et qui

13 avaient besoin d'aide. Donc ceci est une notion qui a été évoquée à

14 plusieurs reprises dans le cadre des discussions sur l'accord des nations

15 avec la partie serbe. Des débats nourris ont eu lieu à ce sujet entre

16 l'ambassadeur Walker et Sean Burns, ainsi que d'autres personnes au Kosovo

17 s'agissant des actions qu'il convenait de mettre en œuvre.

18 Il n'est pas question de dire que les forces en question étaient perçues

19 comme des forces susceptibles de combattre pour entrer au Kosovo ou en

20 Serbie, ou comme des forces qui menaçaient la souveraineté de la Serbie. Il

21 s'agissait uniquement d'une force dont l'action autorisée était une action

22 bien définie qui avait été expliquée et pleinement comprise par tous les

23 officiers de l'armée qui ont eu accès à ce dossier car ces forces n'avaient

24 aucune possibilité d'entrer en Serbie.

25 Q. Nous avons lu votre ouvrage, voyez-vous, et les Juges l'ont lu

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1 également.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ecoutez, nous devons garder le contrôle

3 sur la façon dont ce déroulent les débats.

4 Maître Kay, je vous rappelle quel est le rôle qui vous incombe dans ce

5 procès.

6 M. KAY : [interprétation] J'ai essayé de me rendre utile, Monsieur le

7 Président. J'ai essayé d'aider les Juges sur des points qui ont été évoqués

8 à juste titre par l'accusé.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il a disposé de trois heures et demie,

10 sinon quatre de contre-interrogatoire.

11 M. KAY : [interprétation] Mais il n'a pas insisté sur ce point, et j'ai

12 repris de très nombreux éléments évoqués par l'accusé. Mais j'essaie

13 actuellement de remplir mon rôle par rapport aux Juges avec le plus grand

14 zèle possible et en toute équité en évoquant toutes les questions qu'il

15 importe d'évoquer.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Jusqu'à maintenant aucune référence n'a

18 été faite au livre en dehors de ce qui a été dit par l'accusé. Vous avez

19 entendu notre décision. Nous ne voulons pas que cela soit cité comme pièce

20 à conviction étant donné que ce livre couvre un domaine très large.

21 M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, je n'allais pas reparler

22 du livre, mais je voulais simplement dire au témoin qui avait mentionné ce

23 qui se passait à l'époque, et j'allais lui dire que nous avions lu le

24 livre. Nous savions ce qu'il avait écrit là-dessus, et j'allais lui

25 présenter un résumé de la situation. C'est quelque chose qui ressort très

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1 clairement de ce qu'il a écrit en ce qui concerne les activités militaires

2 qui avaient lieu à l'époque.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que cela fait partie des pièces à

4 conviction mentionnées par l'Accusation ? Cela fait partie du passage ?

5 M. KAY : [interprétation] Oui, oui. Cela fait partie de ce qui est dit en

6 ce qui concerne le déploiement de l'OTAN. Cela concerne son rôle --

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, vous pouvez y faire référence.

8 M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas en mesure

9 de le faire aussi simplement. Je vous prie de m'excuser mais --

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez poser la question, bien sûr.

11 M. KAY : [interprétation] Si je pose la question et le Tribunal n'est pas

12 d'accord, vous pouvez l'ignorer, bien sûr.

13 Q. Ce que j'allais vous dire, Général, est la chose suivante : Vous avez

14 écrit sur le déploiement de ces forces dans la région pendant cette période

15 à partir du mois d'octobre jusqu'au mois de mars suivant jusqu'au début de

16 la campagne de bombardement.

17 R. Oui, tout à fait. Mais j'essaie de préciser que c'est une période qui

18 ne concerne pas uniquement le déploiement de la force. J'essaie de

19 comprendre votre raisonnement, votre analyse. Je dirais que -- j'essaie de

20 donner un tableau complet au Tribunal pour vous démontrer que l'OTAN a

21 déployé tous ses efforts ainsi que les états membres de l'OTAN, de

22 rechercher une solution diplomatique et pacifique à la situation.

23 Q. Je ne suis pas dans le désaccord avec ce que vous venez de dire et je

24 ne voudrais pas que le Tribunal méprenne là-dessus. Mais je vous parle ici

25 du contexte de ce qui s'est passé à l'époque aux Balkans. Et je parle aussi

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1 des problèmes auxquels la République serbe était confrontée, ce qui se

2 passait au-delà de ses frontières. Est-ce que vous me comprenez ?

3 R. J'essaie, et j'ai essayé d'expliquer que la force militaire au sol

4 n'était pas capable, et d'ailleurs tout officier militaire professionnel

5 aurait reconnu la situation de cette incapacité, c'est-à-dire l'incapacité

6 de menacer la Serbie. Quant aux forces aériennes, il n'y avait pas

7 d'armement. Et il y a avait une pleine coopération avec les Serbes en ce

8 qui concerne ce qui se passait aux alentours de la Serbie et ce qui

9 concernait les actions au-delà de ses frontières. Tout cela doit être

10 compris dans le contexte d'une recherche de solution diplomatique pour la

11 Serbie.

12 Q. Je n'ai pas beaucoup de temps donc je ne vais pas insister là-dessus.

13 Mais pour l'instant, je vais passer à 1995 -- à la période 1995. Est-ce que

14 vous me comprenez ? Et ce qui s'est passé à partir du 17 août 1995, lors de

15 notre première réunion quand nous quittons le Kosovo. Nous passons en

16 Bosnie.

17 Vous parlez de cette réunion qui a eu lieu le 17 août 1995. J'aimerais

18 savoir si avant cette réunion, vous n'avez pas eu de rôle important à jouer

19 dans le contexte du processus politique ?

20 R. Monsieur le Président, je ne suis pas sûr de bien comprendre cette

21 question. J'étais officier responsable de la politique dans les Balkans.

22 J'étais responsable de la coordination entre l'état major conjoint, le

23 département de Défense, la Maison blanche et son département responsable de

24 la politique dans les Balkans. Je m'étais déjà rendu à plusieurs reprises

25 dans les Balkans. Je suis allé à Sarajevo. J'avais eu des réunions avec

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1 Izetbegovic, le général Delic avec Silajdzic, le général Mladic. Au mois

2 d'août 1994, je me suis rendu encore une fois, plusieurs fois même, dans la

3 région. J'ai travaillé là avec les alliés européens. Donc je ne comprends

4 pas votre question. C'était si vous voulez, ma première réunion avec

5 Milosevic. Je ne l'avais pas rencontré auparavant.

6 Q. Je passe tout de suite à la question que je souhaite vous poser. Cela

7 concerne la conversation où vous avez parlé de Srebrenica dans votre

8 témoignage, et vous avez dit que cela vous démontrait comme si Milosevic

9 savait à l'avance ce qui allait se passer sous la responsabilité, comme

10 vous l'avez dit vous-même, du général Mladic. Et c'est là-dessus que je

11 souhaite poser une question car je ne sais pas si vous saviez que beaucoup

12 d'hommes politiques, et Lord Owen l'a déjà dit devant ce Tribunal, beaucoup

13 d'hommes politiques se sont préoccupés de la politique de la zone protégée

14 à partir de 1993. Etiez-vous au courant de cela ?

15 R. Oui, oui. Je le savais.

16 Q. Saviez-vous que les hommes politiques se préoccupaient de l'enclave de

17 Srebrenica, et se préoccupaient du potentiel qu'avait cette zone protégée

18 en ce qui concerne la possibilité de provoquer une situation chaotique pour

19 la région ?

20 R. Autant que je le sache, Lord Owen n'avait pas de rôle officiel à jouer

21 dans le contexte de la politique dans les Balkans, Monsieur le Président.

22 Il y avait une préoccupation depuis longue date au niveau des Nations Unies

23 souhaitant de mettre fin à la souffrance de la population dans ces

24 enclaves, et que cela faisait l'objet de discussion permanente. Il y avait

25 des préoccupations. Il y avait déjà eu une attaque sur une enclave. Je

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1 crois qu'elle s'appelait Zepa, quelques jours avant ce qui s'est passé à

2 Srebrenica. Et cela avait provoqué aussi des inquiétudes. Il n'y avait

3 aucun doute dans l'esprit des représentants de la communauté internationale

4 qu'il n'y avait pas de justification pour les Serbes de conduire des

5 attaques militaires contre ces positions humanitaires, que c'était

6 injustifié, ce n'était pas autorisé.

7 Q. Si nous pouvons peut-être nous concentrer sur cette question parce que

8 c'est quelque chose d'important et c'est quelque chose qui concerne

9 directement ce Tribunal : Etiez-vous au courant du fait que Lord Owen avait

10 des préoccupations en ce qui concerne le fait que le président Milosevic

11 avait averti le Dr Karadzic en 1993, lui disant de ne pas s'attaquer contre

12 Srebrenica ?

13 R. Non, je n'étais pas au courant de cela.

14 Q. Etiez-vous au courant du fait que Milosevic -- et cela a été dit

15 publiquement -- était tout à fait exaspéré et préoccupé en ce qui concerne

16 cette zone protégée ?

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est une question de point de vue,

20 enfin, je pense que l'accusé va soulever cette question. En ce qui concerne

21 ce qu'il aurait dit à Karadzic. Je suis sûr qu'il va le faire.

22 M. KAY : [interprétation] Nous avons déjà entendu des témoignages, mais

23 c'est quelque chose qui est présenté maintenant en tant que confession, si

24 vous voulez.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

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1 M. KAY : [interprétation] Que l'accusé savait à l'avance ce qui allait se

2 passer, il y a, maintenant, des preuves -- que je vous soumets des preuves

3 qu'il avait déjà émis en avertissement. Vous avez autorisé de donner

4 l'impression que l'accusé disait certaines choses à ce témoin, et je

5 soulève des questions maintenant en ce qui concerne les connaissances

6 éventuelles de la part du témoin, en ce qui concerne la situation générale.

7 Est-ce qu'il savait qu'il y avait des préoccupations exprimées en ce qui

8 concerne Srebrenica, les zones protégées, des avertissements donnés à

9 Karadzic, cela ne veut pas dire des avertissements à Mladic, c'est-à-dire,

10 de ne pas s'attaquer aux zones protégées.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ce sera à nous de voir, si la déclaration

12 a été faite et, ensuite, de l'interpréter, et de comprendre la

13 signification de cette déclaration. Je pense qu'il s'agit de cela après

14 tout.

15 M. KAY : [interprétation] Je m'excuse si je me trompe, mais je pensait si

16 le Tribunal se préoccupait de ces preuves aujourd'hui.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr. Tout à fait. Mais ce qui aurait

18 dit par quelqu'un à quelqu'un d'autre ne me paraît pas pertinent.

19 M. KAY : [interprétation] Et bien, s'il y a un avertissement qui a été

20 donné par quelqu'un, un avertissement important qui concerne quelqu'un

21 d'autre, je pense que cela démontre que la situation actuelle n'est pas du

22 tout celle donnée -- ou dont l'impression a été donnée par le témoin quand

23 il a parlé de l'impression qu'il avait en 1995.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-être que les deux choses ont été

25 dites ce sera à nous de déterminer les deux qui nous seront présentés et ce

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1 sera à nous de décider de la signification de l'importance attachée au

2 deux.

3 M. KAY : [interprétation] Oui, je comprends. Et je comprends maintenant que

4 le Tribunal a compris ce que je voulais dire lorsque j'ai posé ces

5 questions, et je dirais au Tribunal, que c'est tout à fait cohérent par

6 rapport au rôle que doit jouer l'ami de la Chambre.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que vous avez encore cinq

8 minutes.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce que

10 je pourrais peut-être répondre à cette question ?

11 D'après mon expérience en ce qui concerne le suivi de la situation aux

12 Balkans, quand je pense à ce que j'ai observé en ce qui concerne les

13 avertissements donnés par les différentes parties serbes, des uns et aux

14 autres, j'avais constaté que, dans chaque cas, il y avait une tendance à se

15 protéger par une expression d'avertissement, sachant qu'on allait pas

16 respecter ces avertissements, en donnant des consignes qui n'allaient pas

17 être suivies, et il le savait.

18 M. KAY : [interprétation]

19 Q. Saviez-vous -- aviez-vous entendu dire que, d'après M. Milosevic,

20 c'était une immense erreur de s'attaquer à Srebrenica, une erreur pour les

21 Serbes de Bosnie ?

22 R. J'ai entendu votre déclaration. Je ne puis pas vérifier la déclaration,

23 de façon indépendante, mais j'ai eu l'occasion d'observer l'accusé pendant

24 plus de 100 heures et j'ai suivi de très près son comportement pendant une

25 période de quelques années. J'ai compris que l'accusé était capable de dire

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1 énormément de choses qui lui était adroit et dans ses manœuvres d'une

2 position d'un rôle à l'autre sans aucun effort, en passant de celui qui

3 souhaite la paix, celui qui souhaite la guerre, l'homme de diplomatie. Donc

4 il pouvait présenter un visage différent à des personnes différentes à des

5 moments différents. Donc ce n'est pas à moi d'interpréter ces informations,

6 c'est au Tribunal d'en décider. Je ne prie que vous faire part des

7 informations que je vous offre, Monsieur le Président. Je les fais. Ce que

8 j'ai dit concerne un avertissement, qui avait été donné à Mladic, en ce qui

9 concerne ce qui allait se passer à Srebrenica, disant que Mladic n'avait

10 pas écouté, et comme je l'ai déjà dit, l'accusé parle très bien anglais.

11 Quand j'ai posé cette question, je ne parlais uniquement d'une attaque

12 militaire, ça sous-entendait aussi le massacre des civils qui étaient

13 présents. Sur le cite, Milosevic ne m'a dit qu'il était choqué. Il a dit,

14 "Je lui ai dit de ne pas le faire, mais il ne m'a pas écouté." C'était cela

15 qu'il m'a dit.

16 M. KAY : [interprétation] C'est au Tribunal d'interpréter ce qui a été dit.

17 Je dois m'en tenir là, Monsieur le Président, parce que je n'ai plus de

18 temps, mais il y a une question que je n'ai pas pu traiter dans le contre-

19 interrogatoire. Il s'agit d'un document qui n'existe qu'en B/C/S, il n'y a

20 pas de traduction anglaise. M. Tapuskovic va pouvoir traiter cette question

21 et, d'ailleurs, en présentant le contexte de cette question, cela ne

22 prendra que trois minutes. Cela concerne l'autorité de M. Milosevic en

23 1995, en ce qui concerne son rôle de dirigeant des Serbes. Je vous demande,

24 Monsieur le Président, de permettre à l'autre ami de la Chambre de traiter

25 cette question car je n'y puis pas le faire moi-même.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je dois tout d'abord

2 vous expliquer et d'ailleurs en huis clos [sic], si possible.

3 M. NICE : [interprétation] Nous avons fourni ce document à la condition que

4 ce soit traité en huis clos.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] L'audience en huis clos.

7 [Audience à huis clos partiel]

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24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

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1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice, tout d'abord, il y avait

6 une question que souhaitait soulever l'accusé. Cela concerne le livre, à la

7 page 234, et cela concerne les chiffres qui y sont donnés.

8 M. NICE : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Que voulez-vous demander en ce qui

10 concerne les chiffres ? Nous pourrions peut-être avoir une question là-

11 dessus.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, Monsieur May, hier, vous ne m'avez pas

13 permis de poser une question au témoin en ce qui concerne le rôle

14 prépondérant qu'il a joué dans la guerre, surtout dans le contexte de son

15 livre sur la guerre moderne.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela. Nous allons

17 en rester là. Vous pourrez poser une question concernant les chiffres, si

18 vous le souhaitez, car il s'agit d'une partie du livre qui a été indiquée

19 par le Procureur.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, il s'agit du dixième jour de la

21 guerre. C'est, enfin, le chiffre qui est indiqué à la page. On que le

22 dixième jour de guerre, 100 000 réfugiés en Albanie, 50 000 en Macédoine,

23 et cela contredit ce qu'a dit le témoin, qui disait qu'en 1998, il y avait

24 je ne sais pas combien de réfugiés.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons permettre au témoin de

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1 répondre à cette question spécifique, s'il le souhaite, mais c'est tout.

2 Général Clark.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais ma question est de savoir si cela

4 vous démontre clairement que les réfugiés étaient réfugiés, suite à leurs

5 bombardements et en raison de leur coordination avec l'Uceka.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Vous savez que vous n'avez pas le

7 droit de poser ces questions.

8 Général, l'accusé a posé la question. Si vous souhaitez répondre à l'une ou

9 l'autre de ces questions, vous pouvez le faire.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les chiffres indiqués

11 dans le livre, concernant ce jour-là, sont des chiffres intérimaires;

12 540 000 personnes ont été déplacées ou ont dû se réfugier. La phrase parle

13 de 50 000 ou de 100 000 personnes déplacées. Il y avait un total de 900 000

14 réfugiés externes, 500 000 personnes déplacées internes, qui vivaient donc

15 en dehors de leur foyer, qui se cachaient dans les forêts, et cetera. Ce

16 sont les chiffres que nous utilisions à l'époque. Il n'y a eu aucune

17 coordination avec l'Uceka pour déplacer ces personnes. C'était un exode qui

18 a été planifié, organisé par les Serbes eux-mêmes, soit parce qu'ils ont

19 physiquement mis ces personnes à bord des trains ou des bateaux pour les

20 déplacer vers le sud, en Macédoine, ou par un encerclement de village et

21 par des menaces pour provoquer la fuite de ces personnes.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Nice.

23 [Nouvel interrogatoire par M. Nice]

24 Q. interprétation] Tout d'abord, en ce qui concerne ce qui a été lu par le

25 témoin, et la suggestion qu'il a faite en ce qui concerne le général

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1 Shelton, j'ai des exemplaires de ces documents dont je demanderais le

2 versement.

3 M. LE JUGE MAY : [aucune interprétation]

4 M. NICE : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que le plus simple serait de les

6 -- verser les dossiers ensemble avec la même cote.

7 M. NICE : [interprétation] Et toujours en ce qui concerne le même sujet --

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez une minute, nous allons leur

9 donner une cote.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cote 618, Messieurs les Juges.

11 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, toujours en ce qui

12 concerne le même sujet, l'accusé [sic] a dit qu'il y avait des éléments

13 supplémentaires qu'il souhaitait rendre disponibles au Tribunal. Comme vous

14 le savez bien, nous avons eu la possibilité de discuter de certains

15 documents avec son avocat qui est ici à La Haye pour l'aider, et je pense

16 qu'il y a des arrangements en cours pour pouvoir produire un document

17 supplémentaire. Je ne sais pas si le général est en mesure de nous en dire

18 plus.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres informations pour

20 l'instant.

21 M. NICE : [interprétation] Peut-être que le Tribunal est déjà au courant,

22 mais je vais revenir là-dessus à la fin de mes questions supplémentaires.

23 Je vais passer à mes questions maintenant.

24 Q. Général, en ce qui concerne l'accord, ce qu'il est convenu d'appeler

25 l'accord du patriarche, nous ne l'avons pas vu aujourd'hui, dans sa forme

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1 d'origine, mais sous forme représentée dans le compte rendu d'audience. Et

2 ça concerne tous les Serbes proéminents, et c'est quelque chose qui a été

3 signé en août 1995, lorsque la délégation serbe unifiée devait composer --

4 être composée de trois membres de la Republika serbe [sic] et trois membres

5 de la République fédérale de Yougoslavie avec l'accusé qui aurait la voix

6 prépondérante, n'est-ce pas ?

7 R. C'est cela.

8 Q. En fonction de ce que vous avez constaté à Dayton, et surtout en ce qui

9 concerne le fonctionnement de l'accord, j'aimerais savoir si vous avez

10 constaté que l'accusé agissait en dehors de ou sans la connaissance des

11 représentants de la République serbe [sic]? Est-ce qu'il vous en aurait

12 parlé ?

13 R. Oui, oui. Il y avait toute une série de plaintes de la part de la

14 délégation de la République Srpska pour dire qu'ils n'avaient pas été

15 consultés. Et puis il y avait eu un incident spécifique dont j'avais

16 entendu parlé, où l'accusé disait que -- ou expliquait qu'il ne signerait

17 pas l'accord à Dayton ou parafé l'accord, et spécifiquement que M.

18 Krajisnik ne le ferait pas car, jusque-là, il n'avait pas encore eu

19 l'occasion de voir l'accord -- la carte qui, disait-on, donnait à l'autre

20 partie la ferme qu'il avait près de Sarajevo. Et je le cite, en le disant.

21 Q. Alors, la carte, qui est -- d'ailleurs, il a été étonné de le

22 consulter, donnerait la ferme de Krajisnik, c'est cette carte-ci ?

23 R. Oui, c'est cela.

24 Q. C'est la carte que nous avons devant le Tribunal.

25 R. Et vous voyez les lignes qui ont été tracées sur cette carte.

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1 Q. Et vous avez probablement déjà vu cela, mais j'aimerais avoir une

2 confirmation de votre part. Il y a une ligne hachée, à l'ouest la ligne

3 rouge verticale supplémentaire avec un demi-cercle tracé dessus. Cette

4 ligne était plus à l'est. Cette ligne-là qui donnerait du territoire détenu

5 par les Serbes, et donc avec un changement de -- par rapport à la position

6 précédente.

7 R. Oui, c'est cela.

8 Q. Et vous dites que c'est l'accusé qui a tracé cette ligne-là au moins ?

9 R. C'est ce dont je me souviens.

10 Q. Sans parler de qui que ce soit, Krajisnik, sa ferme ou quelqu'un ou

11 quelque chose d'autre.

12 R. Oui, c'est ce que j'avais compris.

13 Q. On a contesté votre déposition -- votre témoignage, surtout en ce qui

14 concerne ce qu'aurait dit l'accusé. Général, est-ce que vous pouvez peut-

15 être nous expliquer comment vous avez noté ces éléments ? Comment se

16 trouve-t-il que ces éléments se trouvent dans votre livre, et comment vous

17 avez informé ce Tribunal de ces éléments? Est-ce que vous avez pris des

18 notes à l'époque ?

19 R. J'ai pris des notes. J'ai participé à la plupart de ces réunions avec

20 l'accusé. J'occupais la position numéro 2 au sein de la délégation. Je n'ai

21 pas participé à absolument toutes les réunions, mais à la plupart de ces

22 réunions en occupant la position numéro 2, et j'ai pris des notes pendant

23 les discussions entre l'accusé et le chef de délégation.

24 Q. Vous faites référence à ces notes, n'est-ce pas, entre autres, lorsque

25 vous avez commencé à rédiger votre livre, "Waging Modern War" ?

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1 R. Oui. J'ai utilisé ces notes.

2 Q. Vous avez utilisé vos notes dans la rédaction de votre livre. Je pense

3 que cette question a déjà été posée, mais j'aimerais la reposer et savoir

4 s'il y a des détails qui ne seraient pas corrects, en ce qui concerne ce

5 que vous racontez dans "Waging Modern War" ?

6 R. Non, ce n'est pas le cas.

7 Q. Et, en particulier, en ce qui concerne ce que vous dites au paragraphe

8 4, de votre version abrégée du témoignage, est-ce que l'on voit la page

9 325, de votre ouvrage, une prévision de ce qui allait se passer, et là vous

10 parlez de l'ancien Procureur, Louise Arbour -- quatrième ligne ou sixième

11 ligne : "Je lui ai dit que je serais tout à fait d'accord pour témoigner

12 et, entre autre, pour parler de la façon dont Milosevic a avoué qu'il avait

13 connaissance à l'avance de certains des plans du général Mladic en ce qui

14 concerne Srebrenica." Et s'agit-il de ce qui figure dans le paragraphe 4 ?

15 R. Oui, c'est cela.

16 Q. Vous avez indiqué également ce qui figure au paragraphe 4, dans la

17 version plus longue de la déposition potentielle, qui est décrite sous

18 forme d'annexe. Et ceci a été repris lors de la réunion avec des avocats du

19 bureau du Procureur, M. Groome et M. Shin, et ensuite la version a été

20 abrégée. Nous avons la version abrégée. Est-ce que cela a été fait avant

21 que nous vous rendiez à La Haye ?

22 R. Oui, c'est le cas.

23 Q. A La Haye, est-ce qu'on vous a montré un document venant de la Croatie

24 qui est le résumé de la réunion qui a eu lieu entre vous-même, Holbrooke,

25 et le président Tudjman ?

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1 R. Oui, on m'a montré ce document, je l'ai examiné.

2 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, le Tribunal se souviendra

3 sans doute qu'au début de témoignage, j'ai dit qu'il y avait un document

4 qui avait été partiellement et à l'origine versé au dossier conformément à

5 l'Article 68, et qui ensuite a été retiré, et ensuite re-soumis et le

6 Tribunal, et le Tribunal se souviendra que j'ai recommandé à l'accusé

7 d'examiner de nouveau ce document. Et c'est -- maintenant, c'est de ce

8 document que je vous parle, c'est un document qui a été donné au Procureur

9 en réponse à une requête, une demande d'assistance qui a été formulée au

10 gouvernement de la Croatie aux alentours du 17 juillet de l'année dernière.

11 J'aimerais qu'une copie -- qu'un exemplaire de ce document soit présenté au

12 témoin.

13 Q. Avant de regarder ce document, Général, est-ce que cela cadre avec

14 votre résumé de la réunion concernée ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous vous rappelez le détail de tous ces événements ?

17 R. Je ne me rappelle pas de tout le détail de la réunion.

18 Q. Très bien.

19 M. NICE : [interprétation] Vous verrez, Messieurs les Juges, qu'il y a un

20 certain nombre de passages qui donne une idée de --

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Avant de le faire, je pense que cela --

22 cette question est posée de suite au contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

23 M. NICE : [interprétation] Oui, absolument. Je crois que la chose la plus

24 simple que vous nous rappeliez que la question posée par l'accusé incluait

25 entre autre une suggestion. Il disait qu'il n'y avait pas eu mention de

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1 Srebrenica, dieu nous en préserve de parler de massacre de Srebrenica.

2 Nous allons constater l'admissibilité du document, je pense qu'il y a

3 beaucoup de raisons pour lequel ce document doit être considéré comme

4 admissible.

5 Je vous fais référence aux passages les plus pertinents et, si vous voulez

6 bien aller à la page 9, en bas à droite, et un passage assez long, si vous

7 commencez à la page 7, vous allez voir que c'est l'ambassadeur Holbrooke

8 qui parle.

9 Q. [aucune interprétation]

10 R. [aucune interprétation]

11 Q. Il dit la deuxième question sur laquelle nous nous sommes concentrés

12 avec Milosevic en dehors de son problème par rapport à la reconnaissance et

13 la question la plus difficile pour nous, c'est de déterminer qui s'exprime

14 au nom des Serbes de Bosnie. Il a beaucoup parlé de Mladic et de Karadzic

15 et de toutes ces autres personnes et il a dit de lui : "Qu'il était un fou

16 furieux à l'esprit fêlé." Ensuite, il y a une interruption dans

17 l'enregistrement, mais, s'agissant de ce que Srebrenica et de Zepa, il nous

18 a dit : "Je ne sais pas si c'est vrai ou pas, Monsieur le Président, mais

19 nous pouvons que vous transmettre ces renseignements." Il nous a dit qu'il

20 essayait -- qu'il avait essayé d'empêcher les événements de se produire. Il

21 pensait que c'était une honte. Lorsque nous lui avons dit qu'il s'agissait

22 de crimes de guerre commis à Srebrenica, il a effectivement confirmé, il a

23 dit : "Je le sais." En fait, ce n'était pas la question qui était en

24 discussion. Nous avons simplement parlé avec des responsables de

25 l'ambassade américaine.

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1 Général Clark, est-ce que cette partie de la conversation concorde avec le

2 souvenir que vous avez de ce qui s'est passé au palais de Tudjman ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous avez --

5 R. De façon générale.

6 Q. Est-ce que vous avez appelé l'attention d'autres membres de votre

7 délégation sur ce que l'accusé vous avez dit en présence d'une autre

8 personne qui malheureusement est aujourd'hui décédé ?

9 R. Pour autant que je m'en souvienne, oui.

10 Q. Passons maintenant à la page suivante, nous voyons donc -- non,

11 excusez-moi, c'est en bas de la page 9. Nous voyons, au bas de la page 9,

12 qu'interrogé au sujet de ces rapports avec Karadzic et Mladic, vous avez

13 dit que vous pouviez dire quelques mots à ce sujet et en haut de la page

14 dix, l'ambassadeur Holbrooke reprend la parole en déclarant : "Nous

15 discuterons de Perisic dans un instant. Là, c'est beaucoup moins clair, je

16 lui a -- j'ai demandé à qui Mladic était subordonné, qui lui donnait des

17 ordres, et il a répondu : 'Je ne sais pas si c'est vrai ou pas. Quelques

18 fois, j'ai une influence sur lui pour des questions limitées et quelques

19 fois, je ne peux exercer aucune influence sur lui. A Srebrenica, il affirme

20 qu'il n'était -- qu'il n'a rien eu à voir avec ce qui s'est fait là-bas,

21 qu'il a essayé de l'arrêter.' Cependant, les événements qui ont eu lieu --

22 compte tenu des événements qui ont eu lieu, je ne l'exonère pas de toute

23 responsabilité."

24 Alors, vous souvenez-vous ? Nous avons déjà parlé de la conversation de

25 l'accusé au sujet de Srebrenica et de sa connaissance des faits au

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1 préalable. Savez-vous quelle était sa position par rapport à Perisic ? Est-

2 ce que ce procès-verbal vous rafraîchi la mémoire ?

3 R. Sur la question précise que vous avez posée, n'est-ce pas, à savoir

4 est-ce que Perisic était au courant de Srebrenica ?

5 Q. Oui.

6 R. Je n'en ai jamais discuté avec Perisic.

7 Q. Donc, c'est Holbrooke qui vous dit simplement ce qu'il pense ?

8 R. C'est Holbrooke qui me dit ce qu'il pense, mais je pense qu'il dit :

9 "Oui." Il dit : "Nous discuterons avec Perisic dans un instant." Donc,

10 selon mon interprétation, cela porte sur Milosevic et pas sur Perisic.

11 Q. Merci beaucoup. Pour être tout à fait complet devant les Juges, le

12 document n'est pas très long à lire, mais les Juges ont beaucoup, beaucoup

13 de documents à parcourir, donc passons à la page 12, où nous voyons que ça

14 se situ au milieu de la page. On vous propose de parler de Mladic. Vous

15 dites : "Vous m'avez demandé de parler de Perisic et je l'ai fait." Vous

16 n'êtes jamais allé plus loin en expliquant quoi que ce soit que Perisic

17 aurait dit au sujet de Srebrenica, donc nous avons tout cela au procès-

18 verbal, des propos de l'accusé au sujet de Srebrenica. Est-ce que c'est ce

19 que vous diriez du procès-verbal en question, Général Clark ?

20 R. Oui.

21 Q. [aucune interprétation]

22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a certaines autres

23 choses dans ce document, mais il me faudrait un peu plus du temps et je

24 sais que nous sommes pressés par le temps.

25 Je demande le versement au dossier de ce document. A notre avis, cela est

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1 possible car cela s'appuie très clairement sur la déclaration écrite du

2 témoin.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense que c'est le document auquel il

4 faisait référence, Me Tapuskovic.

5 M. NICE : [interprétation] Non, c'est un autre document.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ah, c'est un autre document.

7 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, nous n'avons pas le document de

8 M. Tapuskovic, en anglais. Ce n'est pas sa faute, la date est celle du 18

9 août. Me Tapuskovic parle du document beaucoup plus tardif.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous admettons donc celui-ci

11 au dossier et il recevra la cote suivante.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 619, Monsieur le Président.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous en prie.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir la cote ?

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 619, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Maître Tapuskovic, vous avez la

18 parole.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce document que j'ai cité date du 31 août

20 1995.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Merci.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Général, il y a eu une référence au passage à des protestations ou à

24 des affirmations de l'accusé à votre encontre, si on peut les qualifier

25 ainsi. Et une référence au passage à un incident lié au couvre-chef de

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1 Mladic. Est-ce qu'il y autre chose que vous aimeriez ajouter pour le compte

2 rendu d'audience ou est-ce que nous en resterons là ?

3 R. Et bien, j'ai rencontré Mladic pour essayer de comprendre ses

4 positions. On m'avait conseillé de le faire. C'était mes collègues

5 militaires qui avaient conseillé cela à l'ambassadeur Redman. Il a dit bien

6 sûr il faut voir les deux parties pour obtenir leurs points de vue. Donc

7 j'ai recueilli le point de vue des deux parties notamment grâce à ma

8 rencontre avec Mladic.

9 Q. [aucune interprétation]

10 R. Je pense que c'était une façon tout à fait opportune d'agir. Je

11 n'essayais pas de provoquer un incident qui aurait pu être déplaisant, si

12 Mladic avait donné -- mais j'essayais d'être utile parce qu'il aurait été

13 utile que Mladic accepte d'appuyer, de signer le plan de paix du groupe de

14 Contact, ce qu'il n'a pas fait.

15 Q. Vous avez fait observer, Général, que l'accusé était sans doute disposé

16 à poursuivre les combats pour préserver une part aussi importante que

17 possible du territoire déjà obtenu par les Serbes. Et vous avez également à

18 plusieurs reprises parlé de sa capacité à mener des négociations pour la

19 paix, donc de passer facilement de négociations pour la guerre -- donc de

20 passer rapidement de négociations pour la paix à des négociations pour la

21 guerre.

22 Compte tenu du fait que vous avez eu en face de vous l'accusé pendant des

23 centaines d'heures, et que vous aviez déjà constaté un certain nombre de

24 choses au préalable, est-ce qu'il y a eu, à votre avis, contradictions

25 entre son attitude face à la guerre ou face à la paix ? Et est-ce que vous

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1 avez vu un fil conducteur dans ce qu'il essayait d'obtenir ?

2 R. Je crois qu'il y avait un fil conducteur dans le comportement de

3 l'accusé qui correspondait aux objectifs -- que l'on a coutume d'écrire

4 sous le terme global de Grande Serbie. Est-ce qu'il se serait agi d'une

5 entité politique ou pas, ça c'était encore assez peu clair, mais l'idée

6 c'était de défendre le peuple serbe et de s'exprimer en son nom, que ce

7 soit en temps de paix ou en temps de guerre. Et manifestement à ce stade,

8 nous étions dans des négociations, l'entité était en train de s'effondrer

9 donc il était dans son intérêt en 1995 de rechercher la fin des combats

10 avant que les termes d'un accord lui soient plus défavorables.

11 Q. Est-ce que des négociations ont eu lieues et publiquement en faveur de

12 la paix, et est-ce, qu'à votre avis, il appuyait ces négociations, quels

13 étaient les dirigeants qu'il soutenait ?

14 R. En effet.

15 Q. Mais derrière les objectifs affirmés, qu'y avait-il de sous-jacent ?

16 R. Effectivement, il m'apparaissait qu'il y avait quelque chose de sous-

17 jacent derrière.

18 Q. On vous a promis à un certain moment une enquête au sujet de Racak.

19 Est-ce que vous avez jamais vu les résultats d'une telle enquête ?

20 R. Je n'ai jamais vu les résultats d'une telle enquête, mais je dois

21 avouer qu'une fois que l'accusé m'a dit qu'il savait quel serait le

22 résultat de l'enquête, cela m'aurait de toute façon été impossible. Il ne

23 semblait pas qu'il y avait la moindre utilité à examiner les résultats

24 d'une telle enquête. Je me rappelle qu'une enquête indépendante a été menée

25 par un groupe finlandais, si je ne m'abuse, dont les conclusions semblaient

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1 correspondre aux observations faites d'emblées par l'ambassadeur Walker.

2 Q. Mais rien n'est venu de l'accusé.

3 R. Je ne me souviens pas d'avoir rien vu venir de la part de l'accusé.

4 Q. On vous a demandé s'il était de notoriété publique en Europe et dans le

5 monde grâce aux médias -- qu'un massacre avait eu lieu. Je pense que c'est

6 un ami de la Chambre qui vous a posé cette question. Admettez-vous que le

7 massacre était connu de tous ? Ou plutôt, excusez-moi, c'est vous qui aviez

8 dit cela.

9 R. A Racak.

10 Q. Oui. Dans ce cas, je retire ma question et je passe à autre chose parce

11 que j'ai sans doute noté quelque chose d'erronée.

12 Répondant à une question d'un ami de la Chambre, vous avez parlé du recours

13 disproportionnel de la force de la part des Serbes contre l'Uceka. Est-ce

14 que -- je vous demande quelles étaient de façon générale les sources qui

15 vous ont permis de vous former ce jugement ?

16 R. C'était des sources fiables provenant des services de renseignements

17 américains ainsi que des rapports recueillis sur le terrain de la mission

18 d'Observation qui s'y trouvait.

19 Q. Pendant cette période, est-ce que vous receviez ces rapports ?

20 R. A partir du printemps 1998 et jusqu'au début des opérations plus

21 intensives en mars 1999, oui.

22 Q. Est-ce que vous vous êtes formé votre avis -- est-ce que vous estimiez

23 que vous aviez un avis conforme à cela ou est-ce que vous avez estimé de

24 voir réviser votre jugement en raison d'un recours à la force de la part de

25 l'Uceka de temps en temps ? Si vous pouvez vous en souvenir, pourriez-vous

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1 expliquer de quelle façon vous avez pu, dans quelles mesures vous pouviez

2 vous fonder sur votre jugement et en définitive agir en fonction de ce

3 jugement ?

4 R. J'ai continué à recueillir des informations détaillées sur l'Uceka. Je

5 n'ai jamais reçu d'informations très détaillées en fait. Mon collègue russe

6 au quartier général m'a dit que je devais faire attention à l'Uceka. Il m'a

7 dit que cette organisation était reliée à différentes autres organisations

8 internationales. Il a essayé de dire que les Tchétchènes et d'autres les

9 appuyaient. Je lui ai demandé de me fournir des renseignements à ce sujet

10 mais les renseignements qu'il m'a fournis ne m'ont pas apporté de réponses

11 et étaient insuffisants pour corroborer une telle accusation. Il ne m'a pas

12 non plus fourni de renseignements d'une importance suffisante pour avérer

13 que des forces avaient été déployées en grand nombre.

14 Donc je n'ai jamais eu une idée très claire de l'importance exacte de

15 l'Uceka mais après le début des actions le 19 ou le 20 mars, il m'est

16 apparu clairement que l'Uceka disposait de capacités physiques très

17 réduites.

18 Q. Merci beaucoup, les amis de la Chambre vous ont posé une question quant

19 à une connaissance préalable du danger qui menaçait les zones protégées par

20 les Nations Unies, et c'était une question sur laquelle je voulais revenir

21 précédemment au moment où j'ai parlé d'une note erronée de ma part. Le

22 danger qui aurait fait l'objet d'une connaissance préalable de la part de

23 quelqu'un aurait été connu de qui ?

24 R. Et bien cela porte sur une série de discussions très complexes, et je

25 n'occupais pas les fonctions que j'ai occupées plus tard au moment où les

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1 zones protégées ont été créées. Franchement, ces zones ont constitué un

2 problème sur tous les plans pour les Nations Unies parce que celles-ci

3 n'étaient pas capables de les défendre, n'avaient pas mandat pour se faire

4 et n'avaient pas la possibilité compte tenu de l'influence qui était la

5 leur de déployer des armes pour protéger ces zones. Et puis l'ordre a été

6 donné à un certain moment de désarmer les hommes qui se trouvaient à

7 l'intérieur de ces zones protégées mais la réelle volonté de le faire

8 n'existait pas. Donc une réelle volonté de désarmements n'était pas

9 présente puisque c'est aux Nations Unies qu'il aurait fallu protéger ces

10 zones par la suite. Donc c'est un de ces artifices des processus de paix

11 qui font couler beaucoup d'encre et finalement ce sont des lieux sont

12 devenus de symboles du fait que la population musulmane de Bosnie pouvait

13 encore être présente sur le territoire situé à l'est de la Republika Srpska

14 alors que les Serbes avaient déjà commencé le nettoyage ethnique en 1992 et

15 ne l'avait pas terminé à l'été 1995.

16 Q. Me Kay vous a interrogé au sujet de ce que Lord Owen avait dit en 1993.

17 Lord Owen a expliqué que l'accusé connaissait le risque de violence

18 importante par rapport aux Serbes de la part des non-Serbes qui habitaient

19 dans ces lieux. Est-ce que ce genre de dangers était présent dans l'esprit

20 des représentants de la communauté internationale ?

21 R. Et bien, c'était très certainement le danger qu'ils avaient à l'esprit.

22 Q. Sur la base de ce qu'a dit Me Kay dans les questions qu'il vous a

23 posées et compte tenu de votre expérience des rapports avec l'accusé, est-

24 ce que c'est quelque chose qui aurait pu -- est-ce que ce danger que

25 couraient les Serbes aurait pu être une base des renseignements dont

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1 disposait l'accusé à l'époque, donc la violence à laquelle les Serbes

2 étaient exposés dans ces zones de la part des non-Serbes ?

3 R. Oui, je pense. Il y avait aussi l'atmosphère qui régnait à l'époque que

4 je rappelle. On pensait que les Serbes n'oseraient pas attaquer une zone

5 protégée par les Nations Unies. Et à l'été 1995, je me souviens que ces

6 attaques ont commencé sur Zepa et plus tard sur Srebrenica, et qu'il y en

7 avait encore beaucoup au sein de la communauté internationale qui pensaient

8 que cela ne se produirait pas.

9 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que j'en suis

10 pratiquement aux fins de mes questions, sauf s'agissant de ce qui a été dit

11 du général Shelton, dont nous parlerons avant le départ du témoin du

12 prétoire. Je voudrais simplement vérifier auprès de mes collègues s'il y a

13 des questions qu'ils souhaitent poser. Non. Ce sera tout pour les questions

14 supplémentaires. Je crois comprendre qu'on recherche encore un document. Je

15 n'en sais pas beaucoup plus. Je sais que le témoin doit partir à 13 heures

16 45, et je pense qu'il pourrait avoir quelque chose à dire sur le sujet qui

17 est évoqué dans ce document.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais

19 simplement une pause de cinq minutes pour aller vérifier et voir où se

20 trouve ce document qui se trouve dans la masse de documents que j'ai en ma

21 possession.

22 Je vous remercierais de m'accorder cette pause.

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En fait, il y a encore une ou deux

24 questions administratives dont nous aimerions parler. Nous n'avons pas

25 besoin de suspendre l'audience avant 13 heures 45, de toute façon.

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1 Général, cela vous conviendrait-il si nous traitions maintenant de quelques

2 questions administratives pour revenir sur les questions qui vous

3 intéressent quand vous serez prêt ?

4 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, en dehors d'une question

5 administrative que je dois évoquer en présence du témoin, il y en a une

6 autre pour laquelle je n'ai pas besoin de publicité. Puis-je en parler

7 maintenant ?

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

9 M. NICE : [interprétation] Des témoins tels que le général Clark, Klaus

10 Naumann et Lord Ashdown sont, bien sûr, soumis à un intérêt très important

11 de la presse lorsqu'ils quittent le prétoire. Et inévitablement, ils

12 doivent parler de ce qui s'est passé ici. Il faut être réaliste à ce sujet.

13 Ce sont des personnalités publiques.

14 Donc en l'espèce contrairement à ce qui s'est passé pour les deux autres

15 témoins dont je viens de donner les noms, qui ont parlé aux représentants

16 de la télévision, les éléments de la déposition ne sont pas publiés au

17 moment où ils sont présentés. Il y a d'abord une séance d'expurgation qui

18 est prévue un peu plus tard cette semaine avant la diffusion au public.

19 Cependant, le témoin et ses représentants savent bien qu'aucune objection

20 n'a été soulevée à l'égard de l'intégralité de ce qui a été dit hier dans

21 sa déposition, donc du compte rendu d'audience, et de la diffusion à la

22 télévision. Et je sais que le témoin aimerait beaucoup savoir s'il peut

23 s'exprimer vis-à-vis des médias immédiatement, ou s'il doit attendre

24 quelque temps.

25 Le bureau du Procureur ne peut pas répondre à cette question. Il y a des

Page 30580

1 ordonnances de la Chambre à prendre en compte; questions très importantes.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quel est votre point de vue pour

3 commencer le débat ?

4 M. NICE : [interprétation] Notre point de vue préliminaire, c'est que

5 l'ordonnance de la Chambre telle qu'elle est, restreint la possibilité de

6 publication et de discussion, tant que le compte rendu d'audience intégral

7 n'est pas publié, mais nous n'avons là-dessus qu'un point de vue

8 préliminaire. La pression qui pèse sur le témoin est importante. Et il est

9 appelé à -- il est invité à parler du contenu du compte rendu d'audience.

10 Et bien sûr, on ne sait pas au départ si ce qu'il a dit hier ou aujourd'hui

11 fera l'objet d'expurgation, donc on peut comprendre également qu'il faut

12 lui apporter une réponse.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous réfléchirons à la question, mais en

14 attendant, vous avez des consignes.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous sommes d'avis qu'il faut respecter

17 pleinement les dispositions légales, et que la question ne peut pas être

18 discutée tant que le compte rendu d'audience n'est pas publié. Lorsque cela

19 sera fait, et malheureusement je ne sais pas quand cela sera fait, mais,

20 Général, le Procureur pourra vous en informer, et vous saurez quand le

21 compte rendu sera rendu public.

22 M. NICE : [interprétation] Le Greffe pourra nous le dire. Je ne souhaite

23 pas remuer le couteau dans la plaie, mais je croyais comprendre que ce

24 serait jeudi.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

Page 30581

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je m'exprimer ?

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais demander l'autorisation de la Chambre

4 de m'exprimer. Non seulement sur les détails, mais sur les questions plus

5 générales au sujet de l'atmosphère qui règne dans le tribunal, des

6 procédures mises en œuvre, de l'avenir, et cetera, et du comportement des

7 uns et des autres, et d'un certain nombre de questions très générales,

8 parce que je ne vois pas comment je pourrais sortir de ce prétoire en

9 gardant un mutisme total. Je l'ai déjà dit hier, je ne peux pas sortir

10 d'ici dans ces conditions. Je suis une personnalité publique comme l'est le

11 général Naumann ou

12 M. Ashdown. Mais avec le respect que je dois à l'interprétation du

13 Procureur, je dirais que je suis aujourd'hui un candidat politique au poste

14 le plus important des Etats-Unis. Nous sommes donc à un moment

15 extraordinairement important sur le plan historique, moment où Saddam

16 Hussein vient d'être capturé. Et des efforts intenses sont menés pour

17 déterminer quel sera le Tribunal pénal international qui pourrait être mis

18 en place pour le juger. Il s'agit d'un chef d'état qui fait face à ses

19 juges, vous le savez bien. Donc c'est un moment qui est particulièrement

20 sensible. Et ce caractère délicat est lié directement à la nature du

21 Tribunal où nous nous trouvons aujourd'hui. Nous parlons devant l'opinion

22 mondiale, et je ne vois pas comment je pourrais garder le silence complet

23 en sortant de ce prétoire.

24 Donc je demanderais qu'il me soit autorisé de parler de certaines questions

25 générales relatives au Tribunal sans rentrer dans les détails, et sans

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1 autoriser un quelconque dialogue entre moi et un interlocuteur. La majorité

2 de ces questions sont déjà mentionnées d'ailleurs dans mon ouvrage qui est

3 bien connu du public.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous ne pouvons pas répondre

6 définitivement donc il ne s'agit pas d'une ordonnance générale qui

7 reviendrait sur l'ordonnance d'origine, mais, Général, bien sûr, nous vous

8 accordons l'autorisation de parler de généralités dans les limites de ce

9 que vous venez de décrire.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Merci

11 beaucoup.

12 M. NICE : [interprétation] Le témoin pourrait peut-être souhaiter une pause

13 de cinq minutes. Et je l'assure, en tout cas, que je n'ai établi aucune

14 comparaison directe entre lui et le général Naumann ou M. Ashdown. En tout

15 cas, je n'avais aucune intention de me montrer -- de réduire ses qualités

16 lorsque j'ai parlé de cela. Je cherchais simplement à déterminer quels

17 étaient les droits dont il bénéficiait, et à dire qu'il ne fallait pas

18 qu'il soit réduit.

19 Mais peut-être pourrait-il s'exprimer encore quelques minutes.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Général, vous voulez la parole.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je remercie le Procureur ainsi que les

22 Juges.

23 [Le témoin se retire]

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une question administrative. On nous a

25 demandé de nous prononcer sur la pièce à conviction évoquée par Me Kay --

Page 30583

1 les pièces à conviction évoquées par Me Kay. Je veux parler des résolutions

2 des Nations Unies 1160, 1239, et 1203. Me Kay les a sans doute en sa

3 possession, et peut en demander le versement au dossier.

4 M. KAY : [interprétation] Oui, je les ai ici.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce C25, Monsieur le Président.

6 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, à un moment donné, j'ai

7 mentionné le fait que toutes ces résolutions devraient peut-être être

8 placées dans une espèce de "bibliothèque," et je crois que cela a été à

9 l'origine de soupirs auprès des juges et des autres personnes présentes.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-être pas une bibliothèque, mais une

11 collection peut-être, oui.

12 Mais il y a une autre question à traiter, à savoir, une ordonnance du

13 Greffe qui avait été soulevée par l'accusé.

14 Vous voulez dire autre chose, Monsieur Nice ?

15 M. NICE : [interprétation] Je voulais soulever une autre question, qui

16 n'est pas en relation avec ce qui vient d'être dit, mais qui est en

17 corrélation avec l'accusé. L'accusé à un moment donné avait montré une

18 photographie des atrocités perpétrées par des membres de l'Uceka. Il se

19 peut qu'il ait en sa possession d'autres photographies et il se pourrait

20 que ces photographies soient mises à la disposition du bureau du Procureur

21 par ses soins. Il devrait savoir que le bureau du Procureur ici est présent

22 et l'accusé peut s'en rendre. Le Procureur en chef est présent et conduit

23 des enquêtes à l'encontre de toutes les parties en présence, et il est

24 certain que tous les éléments de preuve qui pourraient être présentés

25 risquent d'être utiles. Peut-être cela n'est-il pas pertinent pour

Page 30584

1 l'affaire qui est traitée ici, mais, au cas où il le souhaiterait, il

2 pourrait nous communiquer ces documents et cela s'avérerait fort utile pour

3 ce qui est du bureau du Procureur dans les enquêtes qu'ils co-diligentent à

4 l'encontre des auteurs de crimes issus des rangs de l'Uceka.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, je crois que l'accusé a entendu

6 ce que vous avez dit,

7 M. NICE : [interprétation] Mais ce n'est pas en corrélation avec les

8 ordonnances du Greffe.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, je prends bonne note. Il s'agit

10 de la résolution du conseil de Sécurité qui se trouve au classeur 547.

11 Peut-être cela pourra-t-il être organisé un peu mieux ? Mais toujours est-

12 il que l'accusé a certes entendu ce que vous venez de dire, Monsieur Nice,

13 et vous avez parlé de la présence du Procureur.

14 Oui, vous vouliez vous-même parler de l'ordonnance du Greffe.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais me référer à ce que M. Nice vient de

16 dire, à savoir qu'eux soi-disant, en train de conduire des enquêtes à

17 l'encontre de tous les crimes. Alors, vous avez la photographie où Clark,

18 Hashim Thaci et Ceku étaient ensemble. Ce sont eux qui avaient commandité

19 tous ces crimes. Et j'ai donné le nom de la personne qui avait tenu ces

20 têtes -- j'ai donné les noms des Serbes que l'on avait décapités. Et j'ai

21 présenté les photographies que je voulais lui montrer ici parce que ce sont

22 ses alliés à lui, c'étaient les gens que lui fréquentaient.

23 Malheureusement, vous ne diligentez pas -- vous ne diligentez,

24 malheureusement, des enquêtes sur ces crimes-là.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez entendu ce que le bureau du

Page 30585

1 Procureur a dit à ce sujet au cas où vous leur communiqueriez ces

2 documents, la chose serait enquêtée leurs soins. Maintenant il vous

3 appartient à vous de décider si vous allez leur communiquer les pièces en

4 question.

5 Le temps nous est très limité. Est-ce que vous voulez soulever des

6 questions afférentes à ce qu'a dit le Greffe ou vous voulez que nous en

7 parlions demain.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai soulevé la question dès hier. Je n'ai rien

9 à ajouter. Vous avez vu cette ordonnance. Il m'est interdit de recevoir des

10 visites, il m'est interdit de communiquer par téléphone. Par conséquent,

11 j'ai demandé de votre part la suppression de cette ordonnance. J'estime que

12 cela est tout à fait contraire aux droits de l'homme les plus élémentaires

13 qui sont également les miens.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Le Greffe a prévu une procédure en

15 cas de plaintes de cette nature, à savoir qu'il s'agit pour vous de vous

16 adresser par écrit et c'est le président qui devra décider à ce sujet. Donc

17 il y a une procédure de prévue qu'il vous conviendra de suivre.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je n'ai pas l'intention de

19 m'adresser par écrit à qui que ce soit. Je me suis cette fois-ci adressé à

20 l'opinion publique. J'ai signalé qu'il y a une violation grave de mes

21 droits de l'homme et à vous de faire ce que bon vous semblera.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Vous n'allez pas à présent abuser de

23 la procédure de ce tribunal pour obtenir des discours.

24 Monsieur Nice, nous n'avons plus que peu de temps. Le témoin n'est pas dans

25 le prétoire.

Page 30586

1 M. NICE : [interprétation] Et bien, je vais envoyer -- je vais dépêcher un

2 courrier pour aller le chercher. Ce sera en l'occurrence M. Shin qui

3 pourrait le faire.

4 Nous avons ici à notre disposition un document qui provient des Etats-Unis

5 d'Amérique. Je ne sais pas si le témoin souhaitera la communication de ce

6 document-là également. Je ne sais pas si cela fait partie de ce qu'il avait

7 entendu lorsqu'il disait qu'il avait d'autres pièces qu'ils pourraient

8 présenter à l'appui de ce qu'il avait dit. Donc nous allons attendre son

9 retour.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 M. NICE : [interprétation]

12 Q. Général Clark, j'ai ici un document qui nous a été envoyé par

13 télécopieur, peut-être est-ce là le document que vous vouliez montrer aux

14 Juges de la Chambre ? Si vous le désirez, je puis vous le présenter, vous

15 pouvez en prendre lecture et cela pourrait devenir par la suite une pièce à

16 conviction.

17 R. Soit, mais je n'ai pas encore vu le document.

18 Q. Peut-être pourriez-vous et devriez-vous d'abord vous pencher dessus ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous demande de

20 m'autoriser à lire ceci pour les besoins du compte rendu de l'audience.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une déclaration de l'ancien président,

23 Bill Clinton, je cite : "Contrairement à M. Milosevic, le Général Wesley

24 Clark a mené la politique des alliés de l'OTAN destinés à mettre un terme

25 au nettoyage ethnique massif au Kosovo, afin de rétablir l'intégrité

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1 territoriale, avec la plus grande détermination." Je demande que cette

2 déclaration soit consignée au compte tendu d'audience.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la date de cette

4 déclaration ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] La date est celle du 16 décembre 2003.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois très bien.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous attendons la cote suivante puisque

8 ce sera une pièce à conviction.

9 M. NICE : [interprétation] Est-ce que cela peut faire partie des mêmes

10 documents qui ont déjà été --

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 617, intercalaire 7, Monsieur le

12 Président.

13 M. NICE : [interprétation] Il y a une question technique que nous réglerons

14 lorsque sera déterminé le sort qu'il convient de réserve à l'ouvrage

15 intitulé, "Conduite moderne de la guerre", à savoir, est-ce que cet ouvrage

16 deviendra pièce à conviction ou pas. Au cours du témoignage oral, la

17 question a déjà été abordée, mais la décision appartient aux Juges de la

18 Chambre.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez quelques minutes encore,

21 Monsieur Milosevic.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous ne m'avez pas donné la possibilité

23 d'interroger le témoin sur les crimes qu'il a perpétrés lui-même. Et vous

24 êtes en train de verser au dossier une certaine lettre --

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Nous n'allons certainement pas

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1 écouter cela. Vous savez très bien que ceci constitue un abus de la

2 procédure.

3 Nous avons déjà décidé auparavant qu'il ne sera pas procédé au versement,

4 au dossier de ce livre s'il y a un témoignage viva voce. Or nous avons eu

5 précisément ce type de témoignage, par conséquent, à moins qu'il n'y ait

6 des modifications au sujet desquelles vous serez tenues au courant, les

7 choses demeureront-t-elles quelles sont.

8 Y a-t-il quelque chose d'autre à ajouter ?

9 M. NICE : [interprétation] Non, merci.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Général, nous nous excusons de vous avoir

11 retenu plus longtemps que prévu. Nous vous remercions d'être venu témoigner

12 devant le Tribunal international, et disons que vous pouvez vous retirer.

13 Merci.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me félicite

15 d'avoir eu l'opportunité de présenter mes informations et les points de vue

16 que j'avais devant cet éminent Tribunal.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons lever l'audience maintenant,

18 et continuer demain matin à 9 heures.

19 --- L'audience est levée à 13 heures 47, et reprendra le mercredi 17

20 décembre 2003, à 9 heures 00.

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