Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 17 décembre 2003

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je demanderais au témoin de prononcer la

7 déclaration solennelle.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous asseoir.

11 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1619 [Assermenté]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mme Pack, avant le début de l'audition de

14 ce témoin, il y a quelques formalités à régler qui ne l'ont pas été hier.

15 D'abord, restitution de l'ouvrage du général Clark, qui n'a pas été versé

16 au dossier, donc en voici les trois exemplaires dont disposaient les Juges

17 qui ne seront pas conservés par eux.

18 Deuxième point. Les parties sont officiellement informées que, sous réserve

19 de dépôt de nouvelles écritures, nous devrions siéger le lundi 26 janvier.

20 La semaine qui commence le 26 janvier, nous siégerons lundi, mardi, et

21 mercredi.

22 On vient de me faire savoir que le prétoire était disponible ce jour-là.

23 Mais si l'une ou l'autre des parties souhaite s'exprimer sur cette

24 nouvelle, nous l'entendrons un peu plus tard dans la journée. Bien sûr,

25 cette question doit être réglée aujourd'hui, puisque c'est la dernière

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1 séance de la semaine.

2 Y a-t-il d'autres questions administratives à traiter ?

3 Mme PACK : [interprétation] Non, je ne crois pas, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le Greffe m'apprend également que le

5 procès-verbal, le compte rendu d'audience n'a pas été expurgé hier.

6 Mme PACK : [interprétation] M. Nice demande dix minutes pour traiter de

7 questions administratives à la fin de notre séance d'aujourd'hui, mais il

8 n'a rien à vous faire savoir dans l'immédiat.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Excusez-moi, Monsieur le

10 Témoin, de vous avoir un peu fait attendre. Nous allons maintenant

11 commencer.

12 Mme PACK : [interprétation] Je demanderais que l'on remette cette

13 déclaration écrite au témoin.

14 Interrogatoire principal par Mme Pack :

15 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous vu la page de garde de votre déposition

16 écrite, et les détails concernant votre vie personnelle, et vous

17 concernant. Donc les détails d'identité inscrits à cette première page

18 sont-ils exacts ?

19 R. Oui.

20 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de regarder la première page de

21 votre déclaration écrite en anglais. Et je vous demande si l'on trouve sur

22 cette première page de la version anglaise ainsi que sur la dernière votre

23 signature ?

24 R. Oui.

25 Q. Cette déclaration écrite est datée du 28 juin 1997, et je vous demande

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1 pour autant que vous puissiez, enfin dans la mesure où vous pouvez vous

2 appuyer sur vos souvenirs, donc si cette déclaration est exacte et

3 nécessite également quelques éclaircissements de détails à certains

4 endroits auxquels nous viendront un peu plus tard ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez eu la possibilité n'est-ce pas depuis que vous êtes à La Haye

7 de relire un exemplaire de votre déclaration écrite dans la langue que vous

8 parlez ?

9 R. Oui, je l'ai lu.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande la parole.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un problème dont j'aimerais vous aviser. Je

13 pense qu'il y a un problème de micro car je n'entends absolument rien de ce

14 que dit le témoin.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, nous allons voir ce qui se

16 passe. Un instant.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pack, je pense qu'il faut

18 consigner au compte rendu d'audience le pseudonyme du témoin.

19 Mme PACK : [interprétation] Le pseudonyme de ce témoin est

20 B-1619. Je le dis pour le compte rendu d'audience.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'entends l'interprète, mais pas le témoin.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons voir ce qui se passe sur le

23 plan technique. Vous pouvez peut-être vous rasseoir, Madame Pack.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'entends très bien l'interprète, mais je

25 n'entends absolument pas le témoin.

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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Procédons, je vous prie.

2 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

3 au dossier de la déclaration du témoin, datée du 28 juin 1997, en

4 application de l'Article 89 (F). Ce document a déjà fait l'objet d'une

5 décision antérieure des Juges de cette Chambre, en date du 9 décembre de

6 cette année, et j'en demande la conservation sous pli scellé.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Nous admettons le versement au

8 dossier de ce document, et nous demandons que lui soit attribuée la cote

9 suivante des pièces à conviction.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 620, Monsieur le Président.

11 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je vais lire la résumé

12 de la déposition du témoin. Le témoin musulman vient de Zepa dans la

13 municipalité de Rogatica. Il a témoigné du fait que, le 5 août 1995, après

14 la chute de Zepa, il a été envoyé avec huit amis dans la direction de

15 Priboj en Yougoslavie. A la frontière ou près de la frontière, ce groupe

16 d'hommes a rencontré 40 hommes en uniforme de camouflage bleu de la police,

17 et a dû se rendre. Les hommes en question venaient de Serbie. Le témoin

18 peut l'affirmer, compte tenu de l'accent qu'avaient ces hommes qui

19 portaient également les insignes des membres de la police de la République

20 de Serbie.

21 Ces policiers ont frappé le témoin et ses amis avant de les ligoter deux

22 par deux, et de les faire monter à bord d'un camion pour les emmener en

23 direction de Visegrad.

24 Arrivé au village de Klasnik à Visegrad, dans la municipalité de Visegrad,

25 le groupe a rencontré des Serbes locaux qui ont frappé le témoin et ses

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1 amis. Les Serbes de la région ont appelé Milan Lukic à la radio pour lui

2 demander de venir. Lukic est arrivé accompagné de sept ou huit collègues à

3 lui. Le témoin décrit le massacre de ses amis de la main de Lukic et des

4 ces hommes, alors qu'ils se dirigeaient de Klasnik vers Visegrad. Il décrit

5 ses conditions de détention et les interrogatoires qu'il a subis à

6 Visegrad, ainsi que son emprisonnement ultérieur dans la prison de

7 Rogatica.

8 Il a vu le général Mladic dans la prison de Rogatica à quatre reprises, la

9 dernière fois, se situant juste avant l'échange dont a bénéficié le témoin,

10 et ce jour-là, Mladic a plaisanté avec eux. Et quelques instants plus tard,

11 son état d'esprit a changé, son humeur a changé. Il a dit : "Il n'y aura

12 pas d'échange, il n'y aura d'échange qu'avec Allah," après quoi, il a

13 encore une fois changé d'humeur et a autorisé l'échange du témoin, mais en

14 disant que ce dernier n'aurait pas de deuxième chance.

15 Le 5 janvier 1996, un autobus est arrivé qui l'a emmené à Kula et le témoin

16 a finalement été échangé le 19 janvier 1996.

17 Monsieur le Président, j'ai quelques points à éclaircir avec le témoin.

18 J'aimerais que l'on soumette au témoin sa déclaration écrite en B/C/S et je

19 le renvoie au paragraphe 8.

20 Q. Monsieur le Témoin, y a-t-il un point que vous aimeriez expliciter dans

21 ce paragraphe. Vous dites que vous êtes allé dans le village de Podravanje

22 à Srebrenica pour acheter des vivres. Est-il vrai que vous soyez allé dans

23 ce village en personne, ou bien avez-vous reçu des vivres provenant de ce

24 village sans vous y rendre physiquement ?

25 R. En effet, je ne m'y suis pas rendu physiquement. Les vivres en question

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1 ont été apportés dans ce village, après quoi nous les avons achetées.

2 Q. Monsieur le Témoin, je vous renvoie maintenant au paragraphe 22 de

3 votre déclaration écrite.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il y avait un problème. Le français était

5 entendu sur le canal anglais. Le problème est désormais réglé.

6 Mme PACK : [interprétation]

7 Q. Vous décrivez donc, dans ce paragraphe, la façon dont vous vous êtes

8 rendu à la police de Serbie, ainsi que huit de vos amis. Pouvez-vous nous

9 dire de quel côté de la frontière avec la Serbie, donc du côté serbe ou du

10 côté serbe vous vous êtes rendus ?

11 R. Je ne saurais dire exactement où cela s'est passé. Nous nous sommes

12 trouvés encercler de tous les côtés lorsque nous étions aux abords de la

13 frontière. Nous étions encerclés du côté serbe et du côté bosniaque. Donc

14 je ne saurais dire exactement à quel endroit nous nous sommes rendus. Nous

15 nous sommes livrés.

16 Mme PACK : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin

17 intercalaire 2 de la série de pièces à conviction lié à ce témoignage.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais vérifier si l'accusé entend

19 les débats ? Sur quel canal suivez-vous les débats ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Sur le canal qui est utilisé habituellement

21 lorsque j'écoute une interprétation en serbe. Et normalement j'entends donc

22 l'interprète sur ce canal, et le témoin je l'entends en direct parce qu'il

23 est tout de même assez loin de moi. Il parla à voix basse, donc je ne

24 pourrais pas l'entendre sans les écouteurs et sans le micro qui se trouve

25 sur la table. Je ne sais pas si Me Tapuskovic a le même problème que moi,

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1 j'entends donc l'interprète mais pas le témoin.

2 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Peut-être, Monsieur le Témoin, pourriez-

4 vous vous rapprocher du micro. Je sais que vous êtes déjà assez prêt. Mais

5 dans ce cas, il faudrait peut-être que vous parliez un peu plus fort. Le

6 problème pourrait peut-être se régler de cette fin.

7 Mme PACK : [interprétation]

8 Q. Monsieur le Témoin, vous avez sous les yeux une carte qui est paraphée

9 par vous avec apposition de votre pseudonyme et datée du 15 décembre. Est-

10 ce que vous avez sur cette carte entouré d'un cercle associé à la lettre

11 majuscule A l'endroit approximatif de votre reddition ?

12 R. Oui.

13 Q. Et trouvons-nous le village de Stolac du côté serbe de la frontière

14 dans cette région ?

15 R. Stolac est une montagne, une colline.

16 Mme PACK : [interprétation] On trouve également cette zone dans la pièce à

17 conviction de l'Accusation 326, page 33, référence 2(E).

18 Q. Nous revenons maintenant au paragraphe 22 de votre déclaration écrite,

19 vous avez donc été attachés deux par deux, je parle de vous et de vos amis,

20 et je vous demande dans cet état où la police serbe vous a emmenés ?

21 R. La police serbe nous a emmenés dans une localité qui s'appelle Klasnik

22 qui se trouve dans la municipalité de Visegrad.

23 Q. Avec qui vous a-t-on laissés dans cette localité ?

24 R. On nous a remis aux Serbes locaux, donc probablement des Serbes qui

25 venaient de Visegrad ou qui habitaient à Visegrad.

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1 Q. Vous-même et vos amis ou bien vous-même ou vos amis ont-ils été emmenés

2 dans un poste de police à ce moment-là ?

3 R. Non. Il y avait là une espèce de camp, une espèce de lieu de détention

4 et on nous a simplement laissés à cet endroit. C'est là que travaillaient

5 des Serbes de la région qui était à Klasnik.

6 Q. Monsieur le Témoin, y avait-il un autre groupe d'hommes à Klasnik

7 lorsque vous êtes arrivés ?

8 R. Oui. Il y avait encore une vingtaine d'hommes en uniformes qui étaient

9 assis un peu à l'écart des autres, mais qui portaient les mêmes uniformes

10 et arboraient les mêmes insignes.

11 Q. Avez-vous pu déterminer d'où ils venaient ?

12 R. Ils étaient originaires de Serbie, car d'après leur accent. Et puis il

13 y avait l'uniforme qu'ils portaient, et pendant un moment ils ont parlé

14 avec un des prisonniers. Donc en surprenant cette conversation, j'ai pu

15 conclure au fait qu'ils étaient originaires de Serbie.

16 Q. Avez-vous, par la suite, appris de quel endroit précis ils venaient en

17 Serbie ?

18 R. Oui, j'en ai entendu parler. Cette unité en nombre assez limité venait

19 de Kraljevo. En effet, dans une conversation avec un des prisonniers, ils

20 se sont expliqués sur un certain nombre d'endroits qu'ils connaissaient et

21 de bâtiments, et en entendant cette conversation, j'ai même compris que le

22 frère d'un des soldats en question avait une espèce de café ou de

23 restaurant à moins que ce ne soit une boucherie à Kraljevo. Et le

24 prisonnier se souvenait de l'endroit parce qu'il y avait fait son service

25 militaire avant la guerre. Il était cantonné à Kraljevo.

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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l'uniforme que portaient ces hommes ?

2 R. Tous les hommes qui faisaient partie de ce groupe portaient le même

3 uniforme de camouflage. Ils avaient sur la manche de leur uniforme

4 l'insigne des Aigles blancs et je ne me rappelle pas leur avoir vu porter

5 un quelconque couvre-chef.

6 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

7 questions.

8 Mais j'aimerais ajouter un détail avant le contre-interrogatoire de ce

9 témoin. J'ai identifié ce qui figure au début du résumé écrit de la

10 déposition du témoin qui regroupe un certain nombre d'éléments

11 d'identification. Donc il y a deux éléments qui figurent au début de ce

12 texte et je demanderais que pour en traiter nous passions à huis clos

13 partiel.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous pouvons passer à huis clos partiel.

15 Mme PACK : [interprétation] Pas nécessairement maintenant, Monsieur le

16 Président, mais simplement au moment où ces questions se poseront.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non. Bien ce n'est pas nécessaire d'être

18 à huis clos partiel. Nous pouvons rester en audience publique.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

20 [Audience à huis clos partiel]

21 (Expurgée)

22 (Expurgée)

23 (Expurgée)

24 (Expurgée)

25 (expurgée)

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1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 [Audience publique]

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ne vous inquiétez pas, Monsieur May, je ne vais

10 pas mettre en danger le témoin de quelque façon que ce soit ? Je ne l'ai

11 encore jamais fait.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.

13 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

14 Q. [interprétation] Monsieur 1619, vous n'étiez pas encore majeur au

15 moment où la guerre a éclaté en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

16 R. En effet.

17 Q. J'entends vraiment très mal. Je vais essayer d'augmenter le volume au

18 maximum puisque Mme Pack ne s'exprime plus.

19 Monsieur le Témoin, c'est seulement en 1995 que vous êtes devenu majeur,

20 n'est-ce pas, et à la fin de cette année-là ?

21 R. Oui.

22 Q. Au paragraphe 16 de votre déclaration écrite, vous déclarez qu'au mois

23 d'août 1994, vous avez été mobilisé, et qu'après un entraînement de base,

24 vous avez été versé dans l'infanterie avant d'être versé plus tard dans les

25 rangs du peloton de défense anti- aérienne, peloton de roquette ? C'est

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1 bien cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Ceci dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Et bien, dites-moi, puisque vous avez été mobilisé alors que vous

6 n'étiez pas encore majeur, combien d'autres hommes mineurs ont également

7 été mobilisés dans les rangs de l'armée de Bosnie- Herzégovine ?

8 R. Je ne comprends pas la question que vous me posez. Vous pensez à toute

9 l'armée ?

10 Q. Je ne parle pas de la situation dans toute l'armée car je ne pense pas

11 que vous la connaissiez. Je parle de ce que vous connaissez, c'est-à-dire,

12 de la situation qui prévalait dans votre unité, dans le groupe dont vous

13 faisiez partie.

14 R. Je ne peux pas répondre précisément à cette question.

15 Q. Vous n'avez pas besoin de répondre précisément mais au moins de façon

16 générale. Au total, vous étiez combien de soldats ?

17 R. Cette brigade comptait 1 200 hommes à peu près et parmi eux, il y en

18 avait peut-être 50 ou 100 qui étaient de mon âge.

19 Q. Fort bien. Cela fait donc 10 % des effectifs de la brigade qui était

20 composée de ce qu'il est convenu d'appeler "des enfants", c'est-à-dire, des

21 hommes pas encore majeurs.

22 Mais dites-moi, êtes-vous au courant du fait qu'en 1993, grâce à une

23 résolution du conseil de Sécurité des Nations Unies, Zepa a été proclamée

24 zone démilitarisée et zone protégée comme un certain nombre d'autres

25 régions de Bosnie-Herzégovine ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et malgré cela, une unité particulière a été déployée dans le secteur

3 de Zepa et il y a même eu proclamation d'une mobilisation générale parce

4 que vous avez été mobilisé en 1994, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Paragraphe 3 de votre déclaration écrite, vous dites que la guerre a

7 commencé le 4 juin 1992 à Zepa. Et d'après ce que vous dites, une unité de

8 la JNA est arrivée dans la ville, une unité peu nombreuse qui justifiait sa

9 présence en disant qu'elle était venue livrer des vivres sur le mont Javor.

10 Ceci se passait en 1992, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Et puis le commandant local de votre groupe, pour autant que je le vois

13 dans votre déclaration écrite, parce que je n'ai pas d'autres

14 renseignements que votre déclaration, donc, le commandant local de votre

15 groupe se rend compte que les membres de la JNA se préparent à attaquer

16 alors que la JNA n'avait attaqué personne et décide, dans ces conditions,

17 de dresser contre ces hommes de la JNA une embuscade sur une portion très

18 étroite de la route avec des coteaux très escarpés sur les côtés, n'est-ce

19 pas, de chaque côté ?

20 R. Oui. Dans les villages qui entoure Han Pijesak, la JNA a tiré à partir

21 de chars et en utilisant d'autres armes. Donc, il n'y avait aucune raison

22 de penser que la JNA n'allait pas avancer encore davantage avec ces blindés

23 et ses hommes.

24 Q. Je ne vous parle pas de ce que vous avez entendu dire ou de

25 suppositions que vous avez faites. J'ai cru comprendre que vous disiez que

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1 la JNA était arrivée sur place mais elle ne vous a pas attaqué et vous avez

2 tout simplement dressé une embuscade sur la route avec des coteaux très

3 escarpés des deux côtés de la route, comme vous le dites vous-même.

4 R. Oui.

5 Q. Donc le premier conflit armé a, en fait, été constitué par cette

6 embuscade préparée par vous ?

7 R. Oui, le premier affrontement important.

8 Q. Donc, le premier conflit armé important a eu lieu lorsque, dans les

9 rangs de cette unité locale qui avait été créée à Zepa, vous avez dressé

10 une embuscade contre l'unité de la JNA qui se déplaçait sur la route. Et

11 que s'est-il passé à ce moment-là ? Vous n'aviez que 14 ans, n'est-ce pas ?

12 Dites-moi, comment pouvez-vous avoir quelque connaissance que ce soit de

13 cette situation et en qualité de quoi y avez-vous participé ?

14 R. Non. Je n'y ai pas participé mais je connais des gens qui étaient

15 présents à ce moment-là et qui m'en ont parlé.

16 Q. Est-il vrai que cette unité, dont vous faisiez partie et dont vous

17 parlez, était commandée par Avdo Palic ?

18 R. Non, pas au début mais plus tard.

19 Q. Il était donc commandant de la brigade, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, pas au début, mais ensuite, oui.

21 Q. Cette unité faisait partie d'un détachement plus grand qui avait porté

22 une appellation tout à fait autre, n'est-ce pas, Monsieur 1619 ?

23 R. Oui.

24 Q. Quelle est cette unité plus grande et comment s'appelait-elle ?

25 R. C'était la 28e Division.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois lire sur le compte rendu d'audience

2 parce que je ne vous entends pas.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Je vois. Vous dites 28e Division. C'est la division de Naser Oric,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui, en effet.

7 Q. Etant donné que vous venez témoigner, entre autres, au sujet de

8 l'attaque sur les membres de la JNA au moment où la guerre a commencé sur

9 le territoire de Srebrenica, vous souviendriez-vous de ce qui s'était passé

10 à l'occasion de cette attaque ?

11 R. Est-ce que vous pouvez répéter votre question ?

12 Q. Vous m'entendez bien, j'espère ?

13 R. Oui, mais je n'ai pas compris votre question. Est-ce que vous pouvez la

14 répéter ?

15 Q. J'ai dit, étant donné que vous êtes en train de témoigner au sujet de

16 cette attaque, de l'embuscade telle que nous l'avons décrite tout à

17 l'heure, au moment où la guerre a commencé sur le territoire de Zepa,

18 pouvez-vous me dire ce qui est arrivé à l'occasion de cette attaque ?

19 R. Je ne peux pas vous le dire puisque je n'ai pas pris part à cette

20 attaque, et je ne peux pas vous donner de détails.

21 Q. Vous n'êtes pas au courant de détails. Mais serait-il exact de dire que

22 dans l'embuscade qui a été organisée contre la JNA, il a été abattu 40

23 soldats de la JNA ?

24 R. Oui.

25 Q. Savez-vous, en sus de ces 45 soldats, il y en a encore un qui est

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1 considéré comme étant disparu ? Où a-t-on emmené les prisonniers qui

2 avaient été faits ?

3 R. Je n'en sais rien. Je ne suis pas du tout au courant des soldats

4 disparus.

5 Q. Il a été tué, à ce moment, 45 soldats de la JNA à l'occasion de cette

6 embuscade. Il en manquait encore 31. Ils ont été, donc, emmenés quelque

7 part. Vous devriez le savoir. C'était une petite localité. Vous devez

8 forcément savoir où est-ce qu'ils ont été emmenés ?

9 R. Je ne sais vraiment rien au sujet des 31 soldats.

10 Q. Bien. Si vous ne le savez pas, allons de l'avant.

11 Au paragraphe 5, vous dites que des gens à vous ont été en mesure de

12 repousser pratiquement toutes les attaques.

13 R. Ce paragraphe se rapporte à la journée de 1992, date à laquelle la JNA

14 est arrivée dans Zepa.

15 Q. Une brigade opérait dans le secteur déjà, celle que vous avez

16 mentionnée tout à l'heure, n'est-ce pas ?

17 R. Elle était en train de se constituer au début 1992 ce qui fait, qu'ici,

18 ce qui a le plus contribué à la réalisation de l'opération, c'était la

19 configuration du terrain.

20 Q. Donc, vous avez profité de la configuration du terrain. Vous avez

21 profité de la surprise. Vous avez créé une embuscade, ou monté une

22 embuscade et vous avez tué 45 soldats de la JNA. Combien d'hommes comptait

23 cette unité-là à ce moment-là ?

24 R. Je ne saurais vous le dire.

25 Q. Mais découle-t-il de ceci, de façon tout à fait claire, Monsieur 1619,

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1 le fait que ce ne sont pas les Serbes qui vous ont attaqué vous, mais c'est

2 vous qui avez attaqué la JNA et vous en avez abattu 45 des hommes de cette

3 JNA à l'occasion de cette toute première attaque ?

4 R. Je tiens à dire d'abord que nous avons été bloqué pendant un mois ou

5 deux. On nous a coupé l'électricité, et des villages à proximité de

6 Rogatica ont été incendiés. On nous pilonnait de temps en temps.

7 Q. Mais, étant donné que vous avez déclaré que vous étiez tout à fait à

8 même de défendre la région, il en découle que seulement deux villages ont

9 subi des incendies. C'est vous qui l'ai mentionné, Monsieur 1619. Vous avez

10 mentionné des incendies au niveau de deux villages seulement.

11 R. Il s'agit de deux villages qui se trouvaient sur la route de cette

12 unité. L'unité venait de Han Pijesak et c'est sur cette axe-là que les

13 villages en question se trouvaient.

14 Q. Mais, dans ces villages, aussi, il y a eu des attaques de lancer contre

15 cette unité ?

16 R. Non.

17 Q. Ça, vous le savez.

18 R. D'après les récits des réfugiés qui ont fui cette localité pour se

19 diriger vers Zepa.

20 Q. Bien. Savez-vous nous dire puisque c'est une chose que vous affirmez,

21 donc, vous devriez le savoir. Au mois de juin, il y a eu des attaques

22 synchronisées effectuées par vous, vos effectifs à vous sur les villages

23 serbes, Agorovici [phon], Simici, Presirici [phon], Kozici, Pijesko [phon],

24 Borac, Vraselica. Tout ceci, se sont des villages que vous devez forcément

25 connaître, n'est-ce pas ?

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1 R. J'ai entendu parler de Presirici et ils sont vers Rogatica. C'est assez

2 loin. Nous n'avions aucun contact avec eux. C'est tout à fait au fond, là-

3 bas.

4 Q. Mais savez-vous, qu'à l'époque où il y a eu ces attaques de lancer sur

5 ces villages, il a été tué des gens, un grand nombre de personnes ont été

6 tuées, leurs biens ont été pillés, les villages ont été incendiés. Et même

7 les monuments, les tombes dans les cimetières avaient été brisés. Donc

8 toute une série de villages à proximité immédiate de chez vous qui ont été

9 attaqués par vos forces à vous tout comme elles l'ont fait pour la colonne

10 de la JNA. Le saviez-vous ?

11 R. J'en entends parler par la première fois de votre bouche, mais à une

12 distance de 40 kilomètres ne saurait qualifié de proximité immédiate.

13 Q. Mais, attendez, vous avez déclaré que vous avez entendu parler d'un

14 village ou de deux villages. Je ne vous ai pas bien compris.

15 R. J'ai entendu parler du nom du village en question, mais je n'y suis

16 jamais allé, et je n'ai jamais entendu parler de ce que vous dites qu'il y

17 est survenu.

18 Q. Bon. Mais avez-vous connaissance du fait que l'homme que j'ai

19 mentionné, Avdo Palic ? Et, à son sujet, vous avez dit qu'il est venu par

20 la suite commandant, a lancé une attaque sur le village serbe de Borovina,

21 c'est également dans la municipalité de Han Pijesak en date du 7 août 1992

22 et il a personnellement tué, en sus des Serbes qui ont été tués là-bas,

23 lui-même, en a tué --

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais comment le témoin pourrait-il le

25 savoir ?

Page 30606

1 Savez-vous quoi que ce soit à ce sujet, Monsieur 1619 ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc, il n'y a aucune finalité à le lui

4 poser ce type de questions. Vous pouvez, bien sûr, présenter des éléments

5 de preuve en temps utile, mais il n'est point nécessaire et c'est une perte

6 de temps que de poser des questions au témoin au sujet duquel il ne sait

7 rien.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais vous savez d'avance qu'il n'en sait rien,

9 Monsieur May.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il a déjà dit qu'il n'en savait rien.

11 Continuez.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il avait dit que son commandant était Avdo

13 Palic. Il avait parlé d'une personne qu'il connaissait et que cette

14 personne est devenue commandant et je lui pose des questions au sujet des

15 activités de l'homme qu'il avait dit connaître.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous a répondu. Il vous a dit que ce

17 n'était pas le cas. Peut-être pourriez-vous lui poser des questions au

18 sujet des faits dont il a témoigné puisque vous souhaitez, probablement,

19 les réfuter, à savoir, le général Mladic, par exemple, le massacre de ses

20 amis. Vous pouvez contester ce qu'il a déjà dit.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] [Hors micro] Je ne peux pas obtenir de réponse

22 aux questions que je n'ai pas posées. Si le témoin répond qu'il ne sait

23 pas, alors, il a, à mon avis, répondu à la question qui lui est posée.

24 Alors, il connaissait cet homme et c'est la raison pour laquelle je lui ai

25 posé la question que j'ai posée.

Page 30607

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Enfin. Saviez-vous, Monsieur, que ces attaques sur les villages serbes,

3 qui ont duré jusqu'en printemps 1993, et, au paragraphe 13, vous indiquez

4 que les habitants de Zepa sont restés sans eau et sans électricité à

5 l'occasion du blocus de Zepa, début 1992. C'est bien ce que vous avez

6 déclaré, n'est-ce pas ?

7 R. En effet.

8 Q. Alors, de quel blocus de Zepa êtes-vous en train de parler début 1992

9 alors que vous avez déclaré, vous-même, que la guerre a commencé le 4 juin,

10 donc, la moitié de l'année, et ce, du fait de votre embuscade pour ce qui

11 est de cette colonne de la JNA où vous avez tué des soldats ?

12 R. J'ai dit que c'est là qui a eu le premier conflit de taille mais on

13 sait quand est-ce que les régions autonomes serbes ont commencé à se créer

14 et en début 1992, d'après ce que j'ai dit, tous les accès, toutes les

15 routes, toutes les lignes téléphoniques, les lignes d'approvisionnement en

16 électricité avaient été interrompues et il a commencé à arriver de Visegrad

17 et de Rogatica des réfugiés dès ce début 1992.

18 Q. Bien. Autrement dit, vous êtes resté combien de temps sans électricité,

19 sans eau, sans lignes téléphoniques et ainsi de suite ?

20 R. Depuis 1992 et par la suite.

21 Q. Mais quand 1992 ? Vous parlez 1992 mais.

22 R. Je ne peux pas vous donner de date précise. Je crois que c'était le

23 tout début de 1992.

24 Q. Le tout début de 1992, au tout début de 1992, il n'y a pas du tout eu

25 de conflit en Bosnie-Herzégovine. Le savez-vous pas ?

Page 30608

1 R. Pouvez-vous répéter votre question ?

2 Q. Savez-vous, disais-je, qu'au début de 1992, comme vous l'indiquez vous-

3 même, il n'y a pas du tout eu de conflit en Bosnie-Herzégovine, notamment,

4 pas dans la région où vous habitiez.

5 R. Pour autant que je le sache, avant cela, il y a eu des escarmouches,

6 des conflits sporadiques. Il y a eu des personnes tuées et je vous ai dit

7 aux alentours de Zepa, il y a eu des conflits sporadiques. Et déjà, il

8 était venu de Visegrad des réfugiés.

9 Q. Bien. Il n'est point nécessaire de parler de date dans ce cas-là parce

10 que vous n'avez pas, de toute façon, à connaître ces choses-là. Dites-moi,

11 Monsieur, vous n'êtes pas sans savoir qu'en sus de Zepa, la zone de

12 Srebrenica voisine avait été proclamée zone démilitarisée et zone protégée,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui, je suis au courant.

15 Q. Au paragraphe 16, vous indiquez qu'au mois de juin 1995, vous êtes

16 revenu à Zepa de Srebrenica et c'est là que vous avez une formation

17 militaire complémentaire, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. A Srebrenica, il y avait le commandement et il y avait le gros des

20 unités de cette 28e Division, n'est-ce pas ?

21 R. En effet.

22 Q. Et c'est là que se trouvait un centre d'entraînement où vous êtes allé

23 par la suite ? Combien de temps avez-vous passé à vous entraîner ?

24 R. Je pense que j'ai fait une 15 de jours là-bas.

25 Q. C'était cet entraînement militaire complémentaire, n'est-ce pas ?

Page 30609

1 R. Je crois que vous pouvez lire cela dans ma déclaration.

2 Q. C'était une formation à l'entraînement au sabotage et aux activités de

3 reconnaissance ?

4 R. Non, non. Il s'agissait d'un entraînement à la défense anti-aérienne.

5 Q. Bien. Donc tout cela, étant donné que vous avez fait un entraînement

6 là-bas, il y avait là le siège de la 28e Division, votre Brigade à Zepa, le

7 centre à Srebrenica, et tout ce temps donc les unités de la 28e Division se

8 trouvaient au sein de cette zone démilitarisée de Srebrenica et de Zepa,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Et bien, les limites des zones démilitarisées étaient inférieures à la

11 zone démilitarisée réelle ou plutôt à cet espace entre les deux zones.

12 Q. Mais saviez-vous que ces unités de la 28e Division en d'autres termes,

13 votre division, ont rasé complètement tous les villages serbes et ont

14 abattu toute la population serbe locale ?

15 R. Non.

16 Q. Dites-moi, qui était censé procéder à cette démilitarisation et aux

17 désarmements des effectifs qui étaient les vôtres ? Etaient-ce les membres

18 des Nations Unies qui se trouvaient là-bas ?

19 R. Oui.

20 Q. Au point 18, vous indiquez qu'en juillet 1995, après la chute de

21 Srebrenica, il y a eu une attaque sur Zepa, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Et la FORPRONU d'après vous n'a rien entrepris du tout ?

24 R. En effet.

25 Q. Expliquez-moi maintenant, je vous prie, comment se peut-il -- comment

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1 pouvait-il entreprendre quoi que ce soit puisque, dans le même paragraphe,

2 vous dites, vous-même, qu'à trois emplacements qui étaient les leurs, trois

3 sites qu'ils tenaient, vous leur aviez pris leurs armes et vous les aviez

4 chassés à l'intérieur de leur base ? C'est bien ainsi que ça c'est passé,

5 Monsieur 1619 ?

6 R. Et bien, parce que lorsque l'attaque sur Zepa a commencé pendant les

7 premières journées, ils s'étaient mis à l'abri dans leurs abris et ceux qui

8 étaient aux points de contrôle n'ont rien entrepris du tout. Ils n'ont même

9 pas informé les gens de ce qui ce passait. Donc nous avons conclut de ce

10 fait qu'ils n'allaient absolument rien faire du tout.

11 Q. Et vous leur avez confisqué leurs armes, vous les avez désarmés, vous

12 avez désarmé la FORPRONU et vous l'avez chassée vers leur base.

13 R. Nous ne les avons pas chassée. Il y avait là-bas leur officier et avec

14 leurs effets qu'ils voulaient emporter leurs effets personnels, ils ont été

15 conduits jusqu'à l'intérieur de leur base.

16 Q. Vous dites que vous les avez raccompagnés jusqu'à leur base, ce sont

17 vos propres termes dans la déclaration. Cela est un terme assez aimable,

18 vous les avez en fait désarmé la FORPROUNU et vous les avez escortés

19 jusqu'à leur base.

20 R. Oui, mais on ne les a pas chassés.

21 Q. Oui, vous les avez raccompagnés jusqu'à leur base. En fait, vous leur

22 avez saisi leurs armes. Vous ne les avez pas juste prises.

23 R. L'officier qui se trouvait là s'est concerté avec notre commandant et

24 ils sont tombés d'accord pour qu'ils s'en aillent -- et pour que ces armes

25 soient prises. Il n'y a pas eu recours à la force. Leur objectif était

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1 d'arriver à la base principale et d'attendre l'issue de la totalité des

2 événements.

3 Q. Mais serait-il exact de dire que les combats à proximité de Zepa ont

4 duré dix jours et que cela a pris fin suite à l'arrivée du Général Smith

5 qui a rétabli l'ordre là-bas, qui a donné l'ordre que les blessés, les

6 civils soient escortés vers l'extérieur de Zepa ?

7 R. Oui.

8 Q. Donc il est resté à Zepa juste des membres de l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine, n'est-ce pas ?

10 R. Oui. Sur les montagnes et sur les hauteurs au-dessus de Zepa.

11 Q. Donc tous sont partis sauf les membres de l'armée de Bosnie-

12 Herzégovine ?

13 Au paragraphe 20, vous dites qu'Avdo Palic, votre commandant de la brigade

14 locale, à ce moment-là, s'était rendu aux membres de l'armée de la

15 Republika Srpska ?

16 R. Il n'y avait pas que des membres de l'armée. Il y avait des civils

17 aussi, des hommes qui n'osaient pas rejoindre les convois et les camions.

18 Ils avaient peur. Il est resté donc un certain nombre d'entre eux avec les

19 soldats, mais, pour ce qui est du commandant, je peux vous apporter des

20 éclaircissements, je peux vous dire ce qui est arrivé au juste.

21 Q. Et bien, apportez-nous ces éclaircissements.

22 R. Lorsque les quelques derniers autobus quittaient Zepa sur la montagne

23 de Boksanica vers la sortie et en direction de Rogatica, c'est là que les

24 Serbes ont arrêté, ont stoppé ces civils. Ces civils sont sortis de Zepa,

25 mais à Boksanica ils ont été stoppés. Et comme je l'ai déjà dit dans ma

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1 déclaration, que vous avez lue, c'est là que lui s'est rendu.

2 Q. Pourquoi ce nombre déterminer d'hommes que vous avez mentionnés tout à

3 l'heure n'est pas parti avec les autres civils ou n'a pas osé accompagner

4 les autres civils pour être évacués de la région ?

5 R. Parce qu'ils avaient peur, ils avaient redouté qu'on ne les fasse

6 descendre des autocars comme cela était déjà arrivé à une 50 d'hommes que

7 j'ai retrouvés par la suite dans la prison. Ils faisaient descendre les

8 blessés et des personnes âgées de 50 ans qu'ils avaient soupçonnés d'avoir

9 fait partie de l'armée. En dépit de la présence de la FORPRONU, ils les

10 faisaient descendre.

11 Q. Bien. Mais serait-il exact de dire, Monsieur 1619, qu'Avdo Palic ne

12 s'est pas rendu ? Qu'il a été fait prisonnier plutôt à l'occasion des

13 combats avec les membres de la VRS ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Quel est le problème maintenant ? C'est lui qui

15 a un problème maintenant ? Mon micro est branché.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, continuez.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne s'est pas rendu à l'occasion des combats

18 parce qu'il a été signé un cessez-le-feu ces jours-là et il avait participé

19 aux négociations avec les membres de la FORPRONU, mais tout simplement les

20 Serbes l'ont emmené de la base de la FORPRONU en direction de Zepa.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Vous l'avez vu cela ?

23 R. Non. Mais son accompagnateur a été relâché et il est revenu en

24 direction des montagnes de Zepa et c'est lui qui a raconté ce qui s'était

25 passé et il avait été envoyé pour convaincre les autres de la nécessité de

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1 se rendre.

2 Q. Donc ils ont gardé Palic et ils ont renvoyé son accompagnateur jusqu'à

3 l'unité pour informer celle-ci qu'ils devaient tous se rendre, n'est-ce pas

4 ?

5 R. Oui.

6 Q. Bien. Vous m'avez apporté l'éclaircissement en question. Dites-moi, à

7 présent, vous avez transmis certaines informations au commandant adjoint,

8 au sujet du paragraphe 20. Vous dites que vous avez ouï dire qu'un membre

9 du Bataillon ukrainien avait demandé à parler avec Palic, et qu'il a été

10 tué à l'occasion d'une tentative de fuite. Vous avez transmis cela à

11 l'adjoint du commandant. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. J'ai entendu cette conversation au poste émetteur-récepteur.

13 Q. Comment s'appelait l'adjoint en question ?

14 R. Le commandant Ramo Cardakovic.

15 Q. Était-ce là l'un des hommes qui avaient été par la suite dans la forêt

16 avec le groupe dont vous faisiez partie vous-même ? Je ne vais pas

17 mentionner de noms aux fins de protéger votre identité, mais qu'est-il

18 advenu de lui, de cet homme, de cet adjoint ?

19 R. Je ne sais pas ce qui est arrivé là-bas parce que plus tard là-bas, il

20 y a eu un démantèlement de l'unité. Je ne sais pas ce qui s'est passé.

21 Q. Mais il n'est pas contester le fait qu'une fois le message arrivé, le

22 message disant qu'il fallait se rendre, ils ne se sont pas rendus. Ils ont

23 continué à se battre, n'est-ce pas ? En dépit de l'arrestation de Palic,

24 l'unité, elle, a continué à se battre, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, mais on attendait là-haut de voir ce que donneraient les

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1 négociations. Et pendant le cessez-le-feu, nous avons été attaqués.

2 Q. Mais voyons, à présent, une chose. Votre père qui avait fait partie des

3 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine, a décidé de passer en Serbie avec

4 les autres.

5 R. Il n'est pas vrai de dire qu'il avait été dans les rangs de l'armée de

6 la Bosnie-Herzégovine, mais il est exact d'affirmer qu'il a décidé de se

7 rendre en Serbie.

8 Q. Et vous, vous n'avez pas voulu vous rendre avec les autres. Vous ne

9 vouliez pas y aller avec lui. Mais avec plusieurs autres personnes, vous

10 êtes allé dans la forêt.

11 R. Oui.

12 Q. Et votre père est passé en Serbie ?

13 R. En effet.

14 Q. Mais il n'y est pas allé tout seul, n'est-ce pas ? Il y est allé avec

15 bon nombre d'autres hommes en Serbie ?

16 R. En effet.

17 Q. Combien étaient-ils avec lui à passer en Serbie ?

18 R. Je ne sais pas vous dire le nombre exact. Mais ils étaient plusieurs

19 centaines.

20 Q. En d'autres termes, quand on dit "quelques centaines," quand on le dit

21 en serbe, cela ne veut pas dire deux centaines, mais plusieurs centaines

22 d'hommes. Quand avez-vous dites-moi rencontré par la suite votre père à

23 nouveau ?

24 R. La première fois après cela, nous nous sommes revus en 1999.

25 Q. Bien. Où a-t-il séjourné tout ce temps, une fois qu'il est passé en

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1 Serbie et jusqu'en 1999, date à laquelle vous l'avez revu ?

2 R. Aux Etats-Unis d'Amérique.

3 Q. Combien de temps est-il resté en Serbie ?

4 R. Sept mois.

5 Q. Bien. Dites-moi, vous a-t-il relaté -- ou raconté qu'il avait été

6 traité en Serbie de façon civilisée, normale, qu'il n'avait pas été

7 malmené ? Vous a-t-il parlé de cela, du tout ?

8 R. Pour ce qui est de son cas à lui, c'est vrai, mais il y a eu des

9 comportements tout à fait autres.

10 Q. Mais, enfin, pour ce qui le concerne lui-même, et je pense qu'il n'est

11 sûrement pas le seul, il y a eu un traitement civilisé qui n'a pas inclus

12 des mauvais traitements ?

13 R. Oui. Sauf qu'il a été fait prisonnier.

14 Q. Il a dû être installé dans un centre d'accueil pour être envoyé là où

15 il souhaitait aller. Il est parti en Amérique. C'est bien cela ? C'est bien

16 cela, Monsieur 1619 ?

17 R. Il est parti en Amérique, cela est vrai, mais, d'après ce qu'il m'a

18 raconté, cela était fait par la Croix rouge et le HCR. Il n'avait pas

19 beaucoup le choix.

20 Q. Mais, attendez, l'UNHCR avait déterminé quelles étaient les

21 destinations en fonction des possibilités des différents pays, mais c'est

22 lui qui a choisi de quitter la Serbie, et personne ne l'a empêché de

23 quitter la Serbie. Vrai ou faux ?

24 R. Vrai.

25 Q. Et le fait d'avoir opter en faveur d'un départ vers les Etats-Unis,

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1 l'Australie, l'Allemagne, cela n'avait rien à voir avec les autorités de la

2 Serbie. Vous devez nécessairement le savoir. Dites-moi, je vous prie,

3 d'après ce que vous dites au paragraphe 21, et je ne vais pas énumérer tous

4 les noms qui y figurent, il n'y a pas lieu donc de passer à huis clos

5 partiel. Je sais que c'est un paragraphe qu'il ne faut pas lire. Mais, avec

6 un groupe de vos co- combattants, vous êtes resté là-bas, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Savez-vous puisqu'il y a ici un de vos camarades ? C'est le premier qui

9 est mentionné dans le paragraphe 21. Je vérifie encore une fois. Le voilà.

10 C'est la fin du paragraphe 21. Vous avez parlé d'un certain nombre de

11 personnes. Je ne vais pas dire combien il y en a, et puis il y a une liste

12 de noms. Il y a le premier nom qui figure ici. Donc le premier nom, nous

13 n'avons pas de passer à huis clos partiel. Savez-vous que cette personne,

14 le 28 août 1992, dans le village d'Okruglo, près de Rogatica, a arrêté une

15 voiture dans laquelle se trouvait Radenko Djelakovic [phon] et sa fille

16 Sonija, donc c'était un homme qui voyageait avec sa fille, et cet homme ici

17 les a tué tous les deux. Est-ce que vous le saviez ?

18 R. Non. Parce que je l'ai déjà dit. Il y avait des choses qui se passaient

19 autour de Rogatica, et je n'étais pas au courant.

20 Q. Vous avez passé pas mal de temps ensemble. Ce n'était un grand groupe.

21 Vous n'étiez pas nombreux. Et vous n'avez pas entendu parler de ce qu'il

22 avait fait ?

23 R. Tout d'abord, nous n'avons pas passé énormément de temps ensemble. Nous

24 étions ensemble pendant trois, quatre jours. Et c'est par hasard que le

25 groupe s'est formé dans les hauteurs, dans un contexte de désarroi

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1 généralisé. Donc les gens ont resté ensemble tout à fait par hasard, en

2 fonction des premiers qu'ils rencontraient. Donc je ne suis pas au courant

3 de cela.

4 Q. La quatrième personne de cette liste, après les parenthèses que nous

5 constatons, savez-vous qu'en 1992, dans le village de

6 Stitarevo, cette personne a également commis un meurtre. La personne tuée

7 s'appelait Nezdo Lindevic de Trsevina. Il a gravement blessé quelqu'un

8 d'autre. C'était à Trsevina.

9 R. Comme je vous ai déjà dit, nous étions ensemble tout à fait par hasard.

10 Je ne sais pas ce qui se passait dans d'autres villes. Cet homme vient d'un

11 endroit tout à fait différent. Donc je vous dis encore que ce groupe s'est

12 constitué tout à fait par hasard. Et nous n'avons pas vraiment eu le temps

13 de faire connaissance et de parler.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] De toute façon, même si ces allégations

15 sont vraies. Expliquez-moi leur pertinence.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est pertinent, Monsieur May. C'est pour vous

17 permettre de comprendre la situation dans cette région, dans cette zone

18 jusqu'à Bratunac. Si vous regardez la carte, vous verrez très clairement,

19 tous les villages ont été détruits par la 28e Division de Naser Oric. Tout

20 le monde a été torturé, tout a été incendié, tout le monde a été tué.

21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'était de la défense, ou est-ce qu'il a

22 une suggestion que cela donne lieu à une justification du massacre de ces

23 hommes ainsi que présenté par le témoin dans sa déposition ? C'est ce que

24 vous êtes en train de suggérer ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, bien sûr. Ce n'est pas justifié du

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1 tout, tout à Dieu. Un crime ne peut pas être justifié par un autre crime.

2 Je parle d'une situation dans laquelle vous voyez qu'elle a été l'origine

3 de ce conflit. Il y a eu une embuscade contre la JNA. Enormément de soldats

4 ont été tués. Il y en a 45 qui ont été tués lors de l'embuscade. Ensuite,

5 il y a eu l'incendie, en fait, tout a été incendié aux alentours et c'est

6 ce qui a donné lieu au conflit. Et puis ceux qui ont été prisonniers, bien

7 sûr, ont été tués. Mais, bien sûr, on ne peut pas le justifier. C'est

8 honteux.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Vous avez dit que ce groupe s'est constitué tout à fait par hasard et

11 littéralement vous ne connaissiez personne à l'avance ?

12 R. Il y en avait deux que je connaissais un tout petit mieux.

13 Q. Ces deux que vous connaissiez un peu mieux que les autres, je voudrais

14 savoir si vous étiez au courant des activités menées par le deux par

15 rapport à ce dont nous venons de parler.

16 R. Et bien, il y en avait un qui était encore plus jeune que moi, en fait,

17 et l'autre avait le même âge que moi. Quant aux autres, c'étaient des

18 hommes plus âgés. Donc, effectivement, j'ai passé plus de temps avec ces

19 deux.

20 Q. Mais vous faisiez partie, tous, de la même brigade, de la même unité,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Je vais maintenant poser une question en ce qui concerne de vos

24 parents, ce qui risque de vous identifier.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, Monsieur May, est-ce que nous pouvons

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1 peut-être passer en audience à huis clos partiel pendant un moment.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

3 partiel.

4 [Audience à huis clos partiel]

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19 [Audience publique]

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Je vais maintenant vous poser une question en ce qui concerne votre

22 traversée de la Drina en 1992 et vous avez traversé la Drina le 5 août

23 1995, n'est-ce pas ?

24 R. En 1995.

25 Q. Je m'excuse. C'était une erreur de ma part. En 1995, oui. Donc vous

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1 avez traversé la Drina le 5 août 1995 ?

2 R. La veille, la nuit du 4, oui.

3 Q. A quel endroit précisément est-ce que vous avez traversé la Drina ?

4 R. Puisque j'y suis allé une seule fois, ce jour-là, j'avoue que je ne le

5 sais pas exactement, mais je crois que cela s'appelle Brusnicki Potok.

6 Q. C'est ainsi que s'appelle cet endroit ?

7 R. Oui, effectivement. C'est l'endroit où nous avons traversé.

8 Q. Vous avez construit un -- ou utilisé un pont ou vous avez traversé à la

9 nage ?

10 R. Nous avons construit un radeau.

11 Q. Et vous avez traversé jusqu'à l'autre rive de la Drina, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Et c'est la Serbie qui se trouve de l'autre côté, de l'autre rive de la

14 Drina et non pas la Bosnie-Herzégovine ?

15 R. Pas partout, pas partout.

16 Q. Donc de l'autre côté de la Drina, en face de l'endroit que vous avez

17 mentionné, vous dites que vous avez été arrêté par les policiers de la

18 République de Serbie, n'est-ce pas ?

19 R. J'ai déjà dit que c'était quelque part près de la frontière.

20 Q. Bien, c'est justement de cela qu'il s'agit. Vous avez traversé la Drina

21 et puis de l'autre côté, en Serbie, c'est tout à fait normal que les

22 policiers de la République de Serbie gardent la frontière de leur côté,

23 donc vous avez traversé la Drina de façon illégale. Vous avez dit que vous

24 avez traversé, vous étiez plusieurs à traverser la Drina sur un radeau et

25 les policiers vous ont renvoyé. Ils ne voulaient pas vous accueillir,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. C'est vrai. Ils nous ont renvoyé.

3 Q. Et lorsque vous avez été renvoyés, ils ont traversé la Drina, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Encore une fois, ils n'ont pas retraversée la Drina. A l'endroit où

6 nous avons traversé la Drina, ce n'était pas la Serbie. Il aurait fallu

7 marcher pendant une demie journée pour atteindre la frontière.

8 Q. Monsieur le Témoin 1619, je ne souhaite pas que nous rentrions dans ces

9 détails maintenant mais vous avez dit, de toute façon, que les forces de

10 police de la République de Serbie, d'après vous, vous ont arrêté de l'autre

11 côté de la Drina, la Drina que vous aviez traversé de façon illégale et

12 puis, ils vous ont renvoyés. Ils vous ont raccompagné, c'est tout. Ils vous

13 ont mis entre les mains des autorités de votre côté, sur votre territoire

14 une fois que vous êtes illégalement passé en Serbie ?

15 R. Oui. Ils nous ont raccompagné jusqu'à Klasnik et nous ont mis entre les

16 mains des Serbes dans cet endroit.

17 Q. J'essaie de trouver le passage de votre déposition. J'ai vu quelque

18 part et maintenant je ne trouve plus l'endroit, mais j'ai vu que vous avez

19 dit qu'ils vous ont emmené au poste de police. Ils ne vous ont pas emmené

20 au poste de police, ils vous ont raccompagné, c'est cela ?

21 R. Ils nous ont emmené jusqu'à Klasnik, jusqu'à un camp, une base qui

22 appartenait aux Serbes locaux.

23 Q. Mais c'est l'endroit le plus proche où il y avait des autorités qui

24 vous ont repris. Et d'ailleurs, est-ce qu'ils sont retournés en Serbie

25 après cela ?

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1 R. Ils sont partis. Je ne sais pas où ils sont allés après.

2 Q. Donc, ils vous ont arrêté, ils vous ont raccompagné et puis ils sont

3 partis, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Ces hommes que vous avez vus, des policiers de la Serbie, ils ne vous

6 ont battu, ils ne vous ont pas malmené. Vous n'avez pas été blessés par

7 eux, n'est-ce pas ?

8 R. Non, non. Ce n'est pas vrai. Ils nous ont maltraité. Ils nous ont

9 obligé d'enlever nos chemises. Ils ont pris tous nos effets, de l'argent,

10 des bijoux, tout ce qu'on avait. Et c'est à ce moment-là qu'ils nous ont

11 emmené à Klasnik par la suite.

12 Q. S'il s'agit de policiers serbes, j'ai du mal à croire ce que vous avez

13 dit.

14 R. C'est votre problème.

15 Q. Dites-moi, est-ce que vous avez dit qu'ils portaient des insignes des

16 Aigles blancs sur leurs manches ?

17 R. Non. J'ai dit ça en ce qui concerne un autre groupe de soldats qui

18 étaient à Klasnik.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, Monsieur Milosevic, je

20 souhaite éclaircir quelque chose. Monsieur Milosevic, je ne sais pas si

21 vous pouvez me le dire, êtes-vous d'accord qu'il s'agissait de policiers

22 serbes qui ont pris ce groupe de personnes ? Je constate sur la carte que

23 même s'ils ont traversé la rivière, ce n'était pas la frontière. Donc vous

24 acceptiez que les policiers serbes se trouvent à l'intérieur de la Bosnie-

25 Herzégovine ?

Page 30623

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Je n'accepte pas que l'on puisse dire que

2 les policiers serbes se trouvaient à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine,

3 Monsieur Kwon. Je suis sûr que les policiers de la république de Serbie ne

4 se trouvaient que sur le territoire de la république de Serbie. Si vous

5 traversez la Drina, vous rentrez en Serbie de ce côté-ci, et en ce qui

6 concerne leur arrestation par la police de la république de Serbie et cela

7 n'a pu être possible que sur le territoire de la république de Serbie. Et

8 pour répondre à votre question, même si vous n'insistez pas que je vous

9 donne une réponse, je dirais que, de toute façon, si les policiers de la

10 république de Serbie avaient été là, ils les auraient emmenés à leur propre

11 poste de police, ils les auraient identifiés, ils les auraient traités de

12 façon appropriée en tant que réfugiés -- ou personnes déplacées.

13 Donc en ce qui concerne votre question de savoir si les policiers de la

14 république de Serbie se trouvaient sur le territoire de Bosnie-Herzégovine,

15 ma réponse est non, ils n'y étaient pas. Cela n'aurait pas été possible et

16 nous n'aurions pas risqué la vie de nos hommes en leur demandant de passer

17 l'autre côté où il y avait des combats. Il y avait un seul peloton de

18 polices, de notre police sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, et

19 d'ailleurs j'en avais informé Owen et Stoltenberg, et c'était à la station

20 Strpce. Et un train y avait été arrêté, des personnes avaient été

21 descendues du train. C'est d'ailleurs le chemin de fer Belgrade-Bar qui

22 part de Belgrade jusqu'à Bar, et qui ne couvre que quelques kilomètres. Et

23 d'ailleurs, il y a une petite gare qui s'appelle Strpce et qui normalement

24 est une gare où ce train ne s'arrêtait pas. Mais ce train a été arrêté, des

25 personnes ont été enlevées du train et tuées. Cela a été fait par des

Page 30624

1 paramilitaires et nous avons envoyé un peloton de polices pour sécuriser

2 cette gare.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous en avons entendu parler. Vous

4 pouvez poursuivre, Monsieur Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, il s'agissait d'une situation

6 exceptionnelle, et je l'avais notifié à Owen et Stoltenberg, et c'est une

7 question de sécuriser notre propre train qui traversait ce territoire sur

8 une distance de neuf kilomètres à peu près. L'intérêt était de protéger le

9 train contre des paramilitaires de la Republika Srpska et non pas contre

10 des unités musulmanes. Ils n'y étaient pas.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Dites-moi, s'il vous plaît -- et je vais remettre quelque chose parce

13 que je vois que je n'ai plus beaucoup de temps.

14 J'ai été un peu perplexe devant ce que vous avez dit. Vous avez dit que

15 vous avez été emmené à leur poste de police. Donc cela sous-entend un poste

16 de police serbe si vous étiez en Serbie. Mais en fait ils ne vous ont pas

17 emmené à leur poste de police si c'était véritablement des policiers

18 serbes. Et d'ailleurs s'il s'agissait de policiers serbes, ce n'était

19 possible que sur le territoire de Serbie. Donc on vous a emmené aux

20 autorités se trouvant sur le territoire de la république de Bosnie-

21 Herzégovine, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Et ensuite l'un des Serbes vous a dit, ils ont appelé

24 Milan Lukic, qui est arrivé par la suite peu de temps après et qui vous a

25 serré la main à vous tous, n'est-ce pas ?

Page 30625

1 R. Oui.

2 Q. Et c'est à cause de cela que vous pensiez que les bruits de couloir qui

3 couraient à son égard n'étaient pas vrais, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce qu'il vient de cette région ?

6 R. Je crois qu'il vient de la municipalité de Visegrad.

7 Q. Et ensuite vous dites que sept hommes de votre groupe ont été tués là

8 et que Milan Lukic a pris leurs uniformes et leurs bottes, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Il y a un problème avec des chiffres dirais-je parce qu'il semblerait

11 que vous étiez plus nombreux, mais peu importe.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Soyons clair. Vous étiez combien au

13 début, Monsieur le Témoin ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi-même et encore huit autres hommes.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. J'avais compris sur la base que vous aviez déjà dit qu'en total vous

18 étiez huit.

19 R. Moi-même et huit autres.

20 Q. Et puis ce dernier a été tué -- le huitième a été tué, vous avez dit.

21 Je ne vais pas donner les noms dans l'intérêt de votre protection, dans

22 l'intérêt de la protection qu'on vous a accordée. Et vous étiez le seul

23 qu'on a laissé en vie ?

24 R. Oui.

25 Q. Savez-vous si tous les autres ont été tués, pourquoi est-ce qu'on vous

Page 30626

1 a laissé en vie ?

2 R. Je ne sais pas.

3 Q. Qui a tué ces hommes ? Et pourquoi est-ce qu'il a pris leurs bottes et

4 leurs uniformes ?

5 R. Il faudrait poser la question aux personnes concernées.

6 Q. Et ceux qui étaient avec Milan Lukic, vous dites qu'il y avait un autre

7 homme qui portait le même nom de famille, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Oui.

10 Q. C'est bien un de ses parents ?

11 R. Je n'en suis pas sûr.

12 Q. Est-ce que cet homme était originaire de Visegrad ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans le paragraphe 26, et là j'ai besoin d'une clarification de votre

15 part. Vous dites qu'un policier à Visegrad vous a demandé si vous saviez

16 qui vous avait emmené jusque là, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Saviez-vous qui vous y avait emmené ?

19 R. Oui, je le savais.

20 Q. Pourquoi est-ce que vous avez dit que vous ne le saviez pas ?

21 R. J'avais peur. J'avais peur de dire quoi que ce soit et de dire que je

22 savais quoi que ce soit.

23 Q. Vous lui avez dit que vous ne le saviez pas, et ensuite il vous a dit

24 que personne ne vous ferait du mal. A quel moment, avez-vous pu identifier

25 cet homme, donc à quel moment est-ce que vous avez su que c'était Milan

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1 Lukic ? C'était au moment de votre capture ou à quel moment ? C'était à

2 Visegrad ou avant ?

3 R. Ce n'est pas lui qui nous a capturé. Lorsqu'il est arrivé, il s'est

4 présenté.

5 Q. D'accord, donc il est arrivé et il s'est présenté. C'est clair.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il vous reste encore deux minutes,

7 Monsieur Milosevic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais me dépêcher.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Vous parlez de Zoran Neskovic en disant que c'était le gardien de la

11 prison, et puis Vujic, qui vous a emmené à la prison de Rogatica. Est-ce

12 qu'ils étaient également originaires de la région ?

13 R. Oui, ils venaient de Rogatica.

14 Q. Et Kusic, vous mentionnez Kusic aussi. Il vient de la même région,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous étiez en uniforme, ceux d'entre vous qui avaient été

18 emprisonnés là ?

19 R. Quelle prison ?

20 Q. Lorsque vous étiez à la prison de Rogatica ou de façon générale,

21 lorsque vous avez été capturés, est-ce que vous portiez l'uniforme de

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Pas tous.

24 Q. Est-ce que vous-même, vous portiez un uniforme ?

25 R. Oui.

Page 30628

1 Q. Et cet homme qui était plus jeune que vous, il est également en

2 uniforme, n'est-ce pas ?

3 R. Je n'en suis pas sûr.

4 Q. Et la troisième personne qui est mentionnée, est-ce que cette personne,

5 cet homme est également membre de votre unité ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vous demande de m'expliquer la chose suivante : Vous avez dit qu'à

8 la cellule de la prison de Rogatica, il y avait un homme soûl qui est

9 arrivé en disant qu'il était général Mladic.

10 R. Oui. Je savais que c'était lui parce que je l'avais déjà vu auparavant

11 à la télévision. Donc je l'ai reconnu. Je savais que c'était lui.

12 Q. Dans le paragraphe 35, vous dites que Mladic vous a rendu visite trois

13 fois par la suite, le 17 novembre, le 18 décembre, et le 11 janvier, et à

14 chaque fois il était soûl. Est-ce vraiment possible que le commandant de

15 l'armée de la Republika Srpska vous rende visite à la prison de Rogatica à

16 plusieurs reprises et qu'à chaque fois il était ivre ? Cela me paraît peu

17 probable. Je vous demande de m'expliquer pourquoi vous avez tiré la

18 conclusion qu'il s'agissait bel et bien du général Mladic ? Qu'est-ce qu'il

19 recherchait ? Pourquoi est-ce qu'il venait vous voir dans votre cellule ?

20 Expliquez-moi pourquoi il est venu. J'ai du mal à y croire. C'est pour cela

21 que je vous demande de me l'expliquer.

22 R. Tout d'abord, il n'était pas un ami. Nous n'étions pas ami. Lorsqu'il

23 est venu me voir, à chaque fois, il y avait le commandant en chef de la

24 prison de Rogatica qui était là. Et visiblement, ils étaient amis. Et à

25 chaque fois il venait voir la prison ou le camp, et à chaque fois il y

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1 avait aussi la télévision qui était avec lui. Je ne sais pas pourquoi il

2 est venu spécifiquement dans ma cellule à chaque fois. Il faudrait lui

3 poser la question. Mais ce n'est pas moi personnellement qu'il voulait

4 voir. Il rendait visite à la prison, à l'installation. Il est venu dans la

5 cellule. Et je n'avais pas de mal à comprendre qu'il était ivre. Il

6 suffisait de le sentir et de voir comment il se comportait.

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Très bien. Vous avez eu vos deux minutes.

8 Maître Tapuskovic.

9 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

10 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez dit il y a un instant

11 que vous connaissiez Mladic parce que vous l'aviez vu à plusieurs reprises

12 à la télévision, n'est-ce pas ?

13 R. Oui. A la télévision, dans les journaux, et cetera. Oui, c'est cela.

14 Q. Mais je reviens là-dessus pour clarifier quelque chose. Parce qu'ici

15 dans le paragraphe 34 - et je vous invite à regarder ce passage en B/C/S -

16 vous dites : "Le 31 août, nous avons entendu énormément de bruit." Et

17 ensuite vous dites : "Et puis un homme est arrivé, est entré que je ne

18 connaissais pas, et qui était ivre. Il s'est présenté comme le général

19 Mladic."

20 Donc ce que vous dites dans la déclaration est différent. Vous avez dit ici

21 qu'il s'agissait de quelqu'un que vous ne connaissiez pas. Donc veuillez

22 expliquer ce qui s'est passé.

23 R. Lorsqu'il est entré dans la cellule, je ne l'ai pas reconnu

24 immédiatement. C'est seulement lorsqu'il a commencé à parler. A chaque fois

25 que quelqu'un est entré, j'ai dû baisser mes yeux, baisser ma tête. Je

Page 30630

1 n'osais pas regarder qui que ce soit droit dans les yeux. Mais dès qu'il a

2 commencé à parler, j'ai compris tout de suite de qui il s'agissait.

3 Q. Merci. Regardez, s'il vous plaît, les paragraphes 4 et 5. Vous parlez

4 des premières escarmouches, et vous parlez du 4 avril 1992. Et ensuite,

5 dans le paragraphe 5, vous dites que vous avez pu repousser les attaques.

6 Et ensuite que, suite à ces conflits, il y a eu un échange de cadavres.

7 J'aimerais savoir s'il y a eu des tués des deux côtés à cette époque

8 précoce ? Et ensuite vous avez parlé de l'échange de cadavres. J'aimerais

9 que vous expliquiez aux Juges, combien ont été tué, et combien de cadavres

10 ont été échangés ?

11 Q. Dans le premier cas, comme vous le voyez, il y a eu des tués en 1992.

12 Il y avait un autocar rempli de femmes et d'enfants détenus par les Serbes.

13 C'était des personnes de Rogatica, et non pas de Zepa. Et puis il y a eu

14 l'échange entre cet autocar de femmes et d'enfants contre les cadavres.

15 C'était des personnes qui n'avaient plus de famille. Enfin c'était des

16 cadavres que nos hommes ont pu trouver.

17 Q. C'était des cadavres, c'était qui ? C'était des tués musulmans ou des

18 victimes des deux côtés ?

19 R. Les cadavres de soldats serbes ont été échangés, ont été rendus aux

20 Serbes, et en échange ils ont rendu un autocar de femmes et d'enfants

21 capturés à Rogatica.

22 Q. Merci. Encore quelques points de clarification et c'est dans l'intérêt

23 de la compréhension des Juges. Et cela concerne les paragraphes 16 et 17. A

24 Srebrenica, à Zepa, vous avez été là pendant les événements critiques qui

25 ont eu lieu au mois de juin et juillet, n'est-ce pas ?

Page 30631

1 R. J'étais à Srebrenica comme je vous l'ai déjà dit pendant 15 jours. Je

2 ne souhaite pas me répéter. Et avant, juste avant ces événements, c'était à

3 cette époque-là, c'était relativement paisible.

4 Q. Mais vous étiez à Zepa lorsque tout s'est passé comme cela s'est passé

5 au mois de juillet. Vous étiez donc et à Srebrenica et à Zepa.?

6 R. Oui, oui.

7 Q. Donc vous apparteniez à cette unité. Et vous avez dit qu'il y avait

8 dans cette unité 1 500 hommes, n'est-ce pas ?

9 R. Peut-être un peu moins, 1 200.

10 Q. Et est-ce que tous les membres de cette unité militaire étaient armés ?

11 R. Non.

12 Q. Et il y en avait combien qui étaient armés ?

13 R. Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas.

14 Q. Et ceux qui n'étaient pas armés, que faisaient-ils ?

15 R. Les armes restées sur les lignes de front, et puis il y avait un

16 roulement, si vous voulez, en ce qui concerne ceux qui utilisaient les

17 armes sur les lignes de front. En ce qui concerne leurs activités, il n'y

18 avait pas d'activités particulières.

19 Q. Mais dans le paragraphe 16, au milieu du paragraphe, vous dites, et

20 c'est la question. Vous dites : "J'avais des activités, des responsabilités

21 normales, et ma position, j'étais posté sur les lignes de front devant les

22 positions des Nations Unies."

23 Est-ce que cela veut dire que même sur les lignes de front en direct, en

24 contact direct avec les représentants des Nations Unies, qu'il y avait des

25 hommes, des personnes qui n'étaient pas armées ?

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1 R. Voulez-vous bien répéter votre question ? Je n'ai pas compris.

2 Q. Regardez bien le paragraphe 16 : "Je remplissais des fonctions

3 normales. J'occupais un poste sur la ligne de front devant la position des

4 Nations Unies." Est-ce que dans ces positions sur les lignes de front, il y

5 avait des personnes qui n'avaient pas d'armes ?

6 R. Je ne puis pas vous donner une réponse précise.

7 Q. Que se passait-il sur les lignes de front ? Est-ce qu'il y a eu des

8 conflits ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vos unités sont allées au-delà de la zone démilitarisée ?

11 R. Seulement s'ils le faisaient -- c'était seulement à pied pour se rendre

12 à Srebrenica allez et retour.

13 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, expliquez aux Juges combien de victimes y

14 a-t-il eu de votre côté, parmi les combattants de votre côté pendant ces

15 dix jours de combat ?

16 R. Je ne puis pas vous donner un chiffre exact, car il régnait un chaos

17 généralisé par la suite.

18 Q. Vous ne pouvez pas nous dire donc exactement combien d'hommes de votre

19 unité, vos amis, vos co-combattants ont été tués sur la totalité des 1

20 500 ?

21 R. Je ne peux pas.

22 Q. Mais de façon approximative ?

23 R. Je ne voudrais pas faire une évaluation.

24 Q. Est-ce qu'il y a eu des victimes ?

25 R. Oui.

Page 30633

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

2 Mme PACK : [interprétation] J'ai encore quelques questions rapidement,

3 Monsieur le Président. Est-ce que vous voulez bien

4 mettre la carte sur le rétroprojecteur. Peut-on remettre un stylo au

5 témoin.

6 L'INTERPRÈTE : Correction : au lieu de "dresser une embuscade", "tendre une

7 embuscade et une embuscade est tendue".

8 Nouvel interrogatoire par Mme Pack :

9 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, si vous le pouvez, je vous

10 demanderais de reconnaître sur la carte qui est placée sur le

11 rétroprojecteur sur votre gauche et d'apposer un X à cet endroit, le lieu

12 où vous avez traversé la Drina. Si vous ne pouvez pas nous aider sur ce

13 point, veuillez nous le dire.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Merci, Monsieur le Témoin. On vous a interrogé au sujet de votre père

16 et d'un séjour qu'il a fait en Serbie. Et vous avez dit qu'avant de se

17 rendre aux Etats-Unis, votre père avait été maintenu

18 -- avait été gardé en Serbie pendant quelque temps. Savez-vous à quel

19 endroit il a été gardé en Serbie ?

20 R. Je ne sais pas exactement. C'est un camp. Je crois qu'il se trouvait

21 dans une localité dont le nom était Sljivovica. Mais je ne sais pas

22 exactement où ça se trouve en Serbie.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie. Je demanderais

24 au témoin de bien vouloir annoter sur la carte géographique, qui se trouve

25 à côté de lui, l'endroit où son père a traversé la Drina pour se rendre en

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1 Serbie s'il est en mesure de le faire.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Avant son départ pour la Serbie,

3 nous nous étions déjà, lui et moi, quitté depuis cinq jours. Donc, je ne

4 savais rien de lui à ce moment-là. Je ne savais même pas s'il était mort ou

5 vif [sic] ou quoi que ce soit d'autre.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

7 Mme PACK : [interprétation]

8 Q. Et, finalement, je vous demanderais si votre père avait la liberté,

9 s'il le souhaitait, de quitter l'endroit où il était gardé ou s'il était

10 gardé, en tant que prisonnier ?

11 R. Il était prisonnier. Il ne pouvait aller nulle part où il voulait

12 aller, même son courrier était censuré.

13 Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

14 questions pour ce témoin.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez verser la carte

16 géographique au dossier, Mme Pack ?

17 Mme PACK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Dans ce cas, il faut l'ajouter, en tant

19 qu'intercalaire, mais quel est le numéro de l'intercalaire à la pièce à

20 conviction 620 ?

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Intercalaire 3, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Intercalaire 3. Merci.

23 Monsieur le Témoin B-1619, ceci met un terme à votre déposition. Nous vous

24 remercions d'être venu au Tribunal pénal international pour déposer. Vous

25 pouvez maintenant vous retirer, mais il vous faudra, au préalable, attendre

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1 que les stores soient baissés.

2 Et nous suspendons l'audience pendant 20 minutes.

3 [Le témoin se retire]

4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 39.

5 --- L'audience est reprise à 11 heures 06.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je demande au témoin de prononcer la

8 déclaration solennelle.

9 M. WAESPI : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, je vous

10 prie, si me le permettez.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.

12 M. WAESPI : [interprétation] J'aimerais que nous passions à huis clos

13 partiel pour discuter des mesures de protection.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, asseyez vous, Monsieur le Témoin.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

16 [Audience à huis clos partiel]

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 30636

1 [Audience publique]

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

5 LE TÉMOIN: TÉMOIN B-1401 [Assermenté]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Waespi, c'est à vous.

8 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Interrogatoire principal par M. Waespi :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

11 R. Bonjour.

12 Q. J'aimerais que l'on vous soumette une feuille de papier sur laquelle

13 est inscrit votre nom.

14 M. WAESPI : [interprétation] Et, Monsieur le Président, il s'agit de la

15 dernière pièce à conviction de la liasse, intercalaire 11.

16 Q. Pouvez-vous confirmer, Monsieur le Témoin, que c'est bien votre nom qui

17 est inscrit sur cette feuille de papier ?

18 R. Oui, je pense que c'est mon nom.

19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] On vous demande, Monsieur le Témoin, de

20 façon à aider les interprètes dans leur travail, de vous rapprocher du

21 micro et de parler un peu plus fort.

22 Nous n'avons pas de cote pour l'ensemble de la liasse des pièces relatives

23 à ce témoin. Il serait bon d'affecter une cote à ce document.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, 621.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

Page 30637

1 M. WAESPI : [interprétation]

2 Q. Monsieur le Témoin, je ne suis pas sûr que la réponse que vous avez

3 faite a bien été confirmée -- a bien été consigné au compte rendu

4 d'audience. Avez-vous confirmé que votre nom était bien inscrit sur la

5 feuille qui vous a été montrée ? Pouvez-vous le dire à nouveau ?

6 R. Oui, c'était bien mon nom.

7 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Témoin. Vous avez, n'est-ce pas, témoigner

8 dans l'affaire Krstic le 13 avril 2000 ?

9 R. Oui.

10 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, nous proposons de

11 verser au dossier l'ensemble des documents qui sont soumis en application

12 de l'Article 92 bis.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

14 M. WAESPI : [interprétation] Avec votre permission, j'aimerais maintenant

15 lire un bref résumé de la déposition de ce témoin.

16 Le témoin est un Musulman de Bosnie qui n'avait que 17 ans lorsque

17 l'enclave de Srebrenica est tombée. De nombreux Musulmans de Srebrenica ont

18 cherché refuge dans la base des Nations Unies de Potocari, mais le témoin,

19 lui, s'est enfui vers les bois parce qu'il craignait pour sa vie.

20 Le témoin a rejoint une colonne composée de 1 000 à 2 000 Musulmans

21 désarmés, des hommes et a passé la nuit du 12 juillet 1995 dans les bois.

22 Le 13 juillet, après un pilonnage important, qui avait eu lieu pendant la

23 nuit, le témoin s'est rendu avec d'autres soldats serbes de Bosnie sur la

24 route de Bratunac-Konjevic Polje. Une voix leur avait dit par le moyen d'un

25 haut-parleur qu'ils seraient traités dans le respect des conventions de

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1 Genève s'ils se rendaient. Les hommes, qui étaient encerclés, ont été

2 contraints de marcher vers Bratunac jusqu'à une clairière située non loin

3 de Sandici. Sur la route, le témoin a vu un nombre important d'autocars qui

4 circulaient sur la route Bratunac-Konjevic Polje. A bord des autocars se

5 trouvaient des femmes et des enfants de Srebrenica qui avaient cherché

6 refuge à Potocari.

7 Près de 1 000 à 2 000 hommes ont finalement été rassemblés dans cette

8 clairière près de Sandici, sous la garde de soldats serbes de Bosnie. L'un

9 d'entre eux dit aux détenus que les soldats venaient de Serbie. Peu de

10 temps après, un autre groupe de soldats est arrivé et a forcé les hommes

11 détenus à applaudir et à chanter : "Longue vie au Roi, longue vie à la

12 Serbie." Plusieurs heures plus tard, cinq ou six camions sont arrivés dans

13 la clairière et les hommes ont été placés à bord de ces camions. Les

14 camions étaient surchargés, 100 à 200 hommes se trouvant à bord de chacun

15 d'entre eux. Ces hommes ont été conduits à Bratunac où on les a contraints

16 à passer la nuit, toujours à bord de ces camions surchargés sans aucun

17 aliment et avec très peu d'eau.

18 Le 14 juillet dans la matinée, les camions ont continué leur chemin vers la

19 ville de Bratunac et le témoin a pu voir que les habitants de la ville

20 regardaient passer le convoi depuis la fenêtre de leurs appartements. Les

21 camions ont poursuivi leur chemin jusqu'à Zvornik pour s'arrêter finalement

22 dans une localité répondant au nom de Petkovci. Après de 3 ou 4 heures de

23 l'après-midi, les hommes sont descendus du camion et ont été emmenés dans

24 l'école.

25 Une fois à l'intérieur de l'école, on a forcé les hommes à dire : "Ceci est

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1 un territoire serbe, il l'a toujours été, il le sera toujours." Et on leur

2 a également crié que Srebrenica avait toujours été et serait toujours un

3 territoire serbe. Les hommes ont été entassés dans les salles de classe de

4 l'école et enfermés dans des conditions, sans doute, pires encore que

5 celles qui existaient à bord des camions. Lorsqu'ils ont essayé d'ouvrir

6 une fenêtre, les soldats leur ont tiré dessus. Ils avaient si soif qu'ils

7 ont commencé à boire leur propre urine. De temps en temps, les soldats

8 arrivaient et demandaient aux hommes de certains villages et appelaient les

9 hommes de tels ou tels villages pour les emmener dans une autre pièce et

10 les frapper. A la tombée de la nuit, les prisonniers, qui se trouvaient

11 dans d'autres salles de classe, ont été rassemblés en groupes de trois à

12 cinq hommes et on a entendu des coups de feu devant le bâtiment de l'école.

13 Finalement, les soldats ont commencé à faire sortir les prisonniers

14 musulmans de l'école. Ils leur ont ligoté les mains et les ont fait monté à

15 bord d'un très grand camion, alors que le témoin quittait les locaux de

16 l'école. Il a senti sous ses pieds une substance particulière et il a vu un

17 tas composé de ce qu'il a pensé être des prisonniers tués devant l'école.

18 Le camion, à bord duquel le témoin a été placé, a voyagé pendant cinq à dix

19 minutes, après quoi, il s'est arrêté. On a fait descendre les hommes du

20 camion en groupe de cinq et, chaque fois, on a entendu des coups de feu.

21 Les hommes, qui sont restés à bord de l'autocar, c'est ce qui est écrit

22 dans le texte, ont essayé de ne pas descendre, sachant qu'ils seraient

23 exécutés. Certains criaient : "Donnez-nous de l'eau d'abord," et puis -- et

24 le témoin s'est senti très malheureux de devoir mourir, en ayant soif, et

25 il a essayé de se cacher parmi les autres hommes aussi longtemps qu'il a pu

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1 le faire comme chacun essayait de le faire d'ailleurs. Il essayait

2 simplement de gagner une minute ou deux.

3 Lorsque le témoin a finalement dû descendre de l'autobus, on lui a dit de

4 trouver une place à côté des soldats serbes et à ce moment-là il a vu de

5 nombreuses rangées de cadavres. Le témoin et les autres hommes sont arrivés

6 à un lieu découvert et les soldats leur ont donné l'ordre de s'allonger.

7 Les hommes ont essayé de s'allonger et les soldats ont, à ce moment-là,

8 ouvert le feu.

9 Le témoin a été touché au côté droit de la poitrine et il est resté,

10 gisant sur les soldats au moment où les soldats continuaient à aligner des

11 prisonniers avant de leur tirer dessus. Le témoin estime que cela a duré

12 pendant un temps situé entre dix minutes et une heure.

13 Le témoin était au sol saignant et, à ce moment-là, un autre groupe de

14 prisonniers a été exécutés non loin de lui, et il a été frappé une nouvelle

15 fois au pied gauche où à la jambe gauche.

16 Une fois que les tirs ont repris, le témoin a entendu les soldats qui

17 riaient et se moquaient des Musulmans morts. Et puis il a entendu quelqu'un

18 ordonné à un soldat d'inspecter les corps pour s'assurer que personne

19 n'avait survécu. Le témoin est resté silencieux au moment où un soldat --

20 ou une botte de soldat s'est trouvée juste à côté de son visage, et il a vu

21 ce soldat qui tirait un coup de feu dans la tête d'un homme gisant à côté

22 de lui. Une fois que les soldats sont partis, le témoin s'est échappé avec

23 un autre homme qui avait été blessé à la tête. Les deux hommes se sont

24 entraidés, ils se sont libérés de leurs liens avec leurs dents, des liens

25 qui enserraient leurs mains, leurs poignets, et ils ont grimpé une colline

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1 couverte d'arbres jusqu'à un endroit qui leur permettait d'avoir une vue

2 dégagée sur le barrage de Petkovci.

3 Le lendemain matin, depuis ce point où ils se trouvaient sur la colline,

4 ils ont vu une pelleteuse de couleur jaune qui ramassait les cadavres et

5 les chargeait à bord d'un tracteur ou d'un camion. Il a vu une pile, un tas

6 important de cadavres.

7 Après quatre jours de marche à travers les bois, le témoin et son compagnon

8 ont finalement atteint le territoire musulman et se sont retrouvés en

9 sécurité.

10 Avec votre permission, Monsieur le Président, j'aimerais interroger le

11 témoin, en lui posant simplement quelques questions.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez-y, Monsieur Waespi.

13 M. WAESPI : [interprétation]

14 Q. Monsieur le Témoin, nous avons entendu que vous vous étiez évadé avec

15 votre compagnon. Pouvez-vous dire aux Juges de cette Chambre, quelle était

16 l'importance de ce compagnon à vos yeux ?

17 R. Et bien, je n'aurais jamais essayé de m'enfuir. J'étais en train

18 d'attendre la mort tout simplement. Je souffrais beaucoup. Je pensais

19 qu'ils allaient bientôt appeler mon nom pour m'abattre.

20 Et je leur aurais été reconnaissant de me tuer parce que je souffrais

21 beaucoup. Donc si cet homme n'avait pas été là, je n'aurais jamais essayé

22 de faire ce que j'ai fait. Il est le seul qui sait combien je souffrais à

23 ce moment-là. Je ne pouvais même pas marcher. Donc il est parti d'abord

24 puis il est revenu me chercher, mais j'avais beaucoup de mal à marcher.

25 J'avais des douleurs très importantes.

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1 Lorsque cette botte d'un soldat s'est trouvée à côté de mon visage, j'ai

2 pensé ils vont me tuer maintenant et je souhaitais mourir parce que,

3 vraiment, je ne pouvais plus supporter. Mais je n'osais pas les appeler.

4 Q. Nous avons aussi entendu que vous aviez été blessé une deuxième fois,

5 puis une troisième fois. Pouvez-vous décrire ce qui s'est passé aux Juges

6 de cette chambre ?

7 R. Et bien, vous avez dit c'était un autocar. Mais, en fait, c'était des

8 camions à bord desquels nous nous trouvions et les tirs étaient vraiment

9 nourris. Il était tout à fait clair pour tout le monde que la fin était

10 arrivée. Donc les gens ne voulaient pas descendre de ces camions. Les

11 soldats serbes hurlaient, disant que nous devions descendre ou que, sinon,

12 ils allaient venir nous chercher. Mais nous nous cachions tous les uns

13 derrière les autres et, finalement, j'ai dû descendre.

14 Lorsque je suis descendu du camion, ils nous ont dit de choisir notre

15 emplacement. Je ne savais pas ce que signifiait le mot emplacement et au

16 fur et à mesure que j'arrivais plus près du lieu en question, je voyais ces

17 rangées de cadavres qui se trouvaient là. Tout s'est passé très vite. J'ai

18 pensé que j'allais bientôt mourir, que je n'allais plus souffrir. Et j'ai

19 pensé à ma mère qui ne saurait jamais où je me trouvais. Certains des

20 soldats ont dit que nous allions être abattus sur place et à ce moment-là

21 les coups de feu ont commencé.

22 Je sais simplement que j'ai été frappé sur le côté droit dans le bras

23 droit. Je ne me souviens vraiment pas du moment où j'ai été frappé ainsi.

24 J'ai senti l'odeur de la poudre. Il y avait des balles qui volaient un peu

25 partout, qui frappaient d'autres hommes et moi j'attendais simplement que

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1 la prochaine me frappe. Lorsque le tour de la dernière rangée est arrivé,

2 une balle m'a frappé à la jambe, c'est celle qui m'a fait le plus mal.

3 J'aurais aimé pouvoir hurler, mais je n'ai pas osé.

4 L'homme qui se trouvait à côté de moi geignait beaucoup. Il était en train

5 de mourir, et on l'entendait très fort. C'est peut-être pour cela que le

6 soldat ne m'a pas entendu. Il est arrivé et il a simplement tiré sur cet

7 homme, qui se trouvait à côté de moi, dans la tête de cet homme. Ils

8 utilisaient sans doute -- ils ont utilisé, sans doute, des balles

9 traçantes. J'ai encore une balle à fragmentation, en fait, en ma

10 possession, et deux éclats de ces balles m'ont atteint au cou et je me suis

11 dit : mon Dieu, pourquoi est-ce que je ne meurs pas tout de suite ?

12 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais maintenant vous interroger brièvement au

13 sujet de votre père. Est-ce qu'il était avec vous lorsque vous avez quitté

14 l'enclave pour vous rendre dans les bois ?

15 R. Au début, il était avec moi, mais plus tard nous nous sommes perdus --

16 je l'ai perdu, en fait. Je m'appuyais sur lui et, quand le chaos a

17 commencé, je l'ai perdu. Je me suis retrouvé tout seul.

18 Q. Est-ce que vous l'avez revu par la suite ?

19 R. Non, jamais.

20 Q. Est-ce que votre oncle était avec vous, à ce moment-là, également ?

21 R. Et bien, je l'ai retrouvé plus tard. En fait, je l'ai retrouvé à

22 plusieurs reprises et perdu à plusieurs reprises. Plus tard, je l'ai

23 retrouvé et, ensuite, il a sans doute été tué. Sa fille n'avait qu'un an, à

24 ce moment-là.

25 Q. Une dernière question. Nous avons entendu à votre sujet que vous ne

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1 souhaitiez pas vous rendre dans la base des Nations Unies de Potocari parce

2 que vous craigniez pour votre vie. Pouvez-vous expliquer aux Juges ce que

3 cela signifie ?

4 R. Et bien, en fait, lorsque l'attaque sur Srebrenica a commencé et même

5 avant cela, il est devenu très clair que la FORPRONU ne pouvait pas nous

6 protéger, et la FORPRONU, en fait, chantait l'air qui lui était imposé par

7 les Serbes, dirais-je. Donc j'étais tout près de la ligne -- tous près du

8 centre des endroits où se trouvait la FORPRONU, et j'ai vu que les Serbes

9 commençaient à tirer. Les hommes de la FORPRONU étaient contraints de

10 partir et cela se passait avant l'arrivée des réfugiés donc j'ai décidé de

11 ne pas aller à la base de la FORPRONU.

12 Je pensais que mes chances de survie étaient plus importantes si j'allais

13 vers la forêt et que, parmi ceux qui se dirigeaient vers la forêt, il y

14 aurait peut-être quelques survivants. Il y en a deux que j'ai vu partir

15 vers la base de Potocari et, plus tard, ils ont été tués tous les deux et

16 on a exhumés leurs cadavres, il y a un an, un nombre des membres de ma

17 famille, et je ne parle uniquement de ma famille la plus proche, qui sont

18 morts, aucun n'a survécu, tout le monde a été tué, qu'ils s'agissent de

19 personnes qui sont allées vers la forêt ou vers la base de la FORPRONU.

20 Q. Ma dernière question est la suivante : est-ce que vous êtes surpris de

21 ce qui vous est arrivé à vous et à vos compagnons en juillet 1995 ? Est-ce

22 que vous êtes surpris d'avoir dû vivre à Srebrenica dans cette enclave

23 pendant un certain temps en tant que réfugié ?

24 R. En fait, cela ne m'a pas surpris. C'est la même chose que ce qui s'est

25 passé en 1992, mais nous avions réussi à nous enfuir en 1992. Au début du

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1 mois de mai, l'armée a mis le feu à notre maison, et nous avons fui grâce à

2 l'aide de nos voisins. Cependant, c'était la même chose, notre exécution a

3 simplement été retardée. Je n'ai, sans doute, pas trouvé la mort moi-même.

4 Mais la plupart des Musulmans ont été tués. Mon père a été tué lui aussi.

5 Je ne dis pas cela à la légère, je dis cela en tenant compte de ce qui est

6 arrivé à mes voisins qui ont décidé de ne pas partir, de ne pas s'enfuir.

7 Ils ont tous été tués.

8 M. WAESPI : [interprétation] Merci. Monsieur le Président. Je n'ai plus de

9 questions.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que le témoin nous dise en

11 quelle année il est né. Et qu'il le fasse soit en audience publique, soit à

12 huis clos partiel.

13 M. WAESPI : [interprétation]Je préférerais le huis clos partiel.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

15 [Audience à huis clos partiel]

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 [Audience publique]

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est à vous.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

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1 Q. [interprétation] Monsieur 1401, vous avez fait plusieurs déclarations

2 au sujet des événements sur lesquels -- à propos desquels vous êtes venu

3 témoigné.

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez fait une première déclaration le 19 juillet 1995, au

6 commandement d'une brigade de Vitez auprès des instances des services de

7 Sécurité de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

8 R. Oui.

9 Q. Et une deuxième déclaration a été faite par vos soins auprès des

10 services de la Sûreté d'état à Tuzla en Bosnie-Herzégovine le 31 juin 1995,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Et pour finir, vous avez fait une déclaration en date du 12 et 13 août

14 1995, auprès des enquêteurs de ce Tribunal, puis ensuite, le 19 août 1996.

15 Puis vous avez fait des rapports d'informations datés du mois de mars [sic]

16 et du mois de juin [sic] 1999. Mais pour que nous nous orientions plus

17 facilement, nous pourrions dire que vous en étiez à votre troisième

18 déclaration.

19 R. Je ne sais pas combien j'en ai fait au juste. Mais si vous me donnez

20 les textes des déclarations, je pourrai vous confirmer si c'est bien la

21 mienne ou pas. Mais c'est à peu près le nombre de déclarations que j'ai

22 fait.

23 Q. Je ne doute pas du fait que ces déclarations aient été faites par vous,

24 étant donné que c'est la partie adverse qui m'a communiqué ces textes.

25 R. Alors, ça doit être ça.

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1 Q. Je crois que c'est bien cela, parce que cela porte leurs numéros de

2 référence.

3 Donc début juillet 1995, lorsqu'il y a eu des conflits à Srebrenica, vous

4 étiez mineur, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. C'est donc à ce moment-là que vous aviez vécu avec vos parents et avec

7 votre sœur à Slapovci, un hameau où il y avait des réfugiés.

8 R. Ça s'appelait Slapovici et pas Slapovci.

9 Q. Mais je connais très mal les noms de ces localités. Donc je puis me

10 tromper moi-même. Avec votre famille lorsque les conflits ont éclaté, vous

11 vous étiez dirigé vers Suceska, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Et vous vous êtes attardé au village de Viogor ?

14 R. Oui.

15 Q. Où il y avait beaucoup de gens qui s'étaient rassemblés et qui étaient

16 originaires de Srebrenica, n'est-ce pas ?

17 R. En effet.

18 Q. Dans cette troisième déclaration, je parle maintenant de la déclaration

19 que vous avez faite auprès des enquêteurs de ce Tribunal. Au deuxième

20 paragraphe, vous avez dit que votre père, à ce moment-là, vous avait dit

21 qu'il vous appartenait à vous de décider vous-même si vous vouliez partir

22 avec une colonne de femmes et d'enfants vers la base de la FORPRONU à

23 Potocari, ou alors de vous diriger avec les autres, autres hommes aptes au

24 combat, et essayer d'opérer une percée vers les territoires libres. C'est

25 bien ce que vous avez déclaré, n'est-ce pas ?

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1 R. En effet.

2 Q. Dans la première déclaration du 19 juillet et celle du 31 juillet 1995,

3 vous avez déclaré qu'à l'époque quelqu'un avait donné l'ordre que tous les

4 hommes en âge de combattre, ou plutôt que tous les hommes devaient se

5 diriger vers Jaglici et Susnjari, et continuer leur cheminement en

6 direction de Tuzla.

7 R. Est-ce que vous pouvez répéter votre dernière question ?

8 Q. Je voulais juste que nous constations une chose : Tout à l'heure, vous

9 avez confirmé ce qui figure dans la déclaration faite auprès des enquêteurs

10 de ce Tribunal, à savoir que votre père vous avait dit de décider vous-même

11 où il vous fallait aller.

12 R. Oui.

13 Q. Mais dans la première déclaration qui est celle du 19, et la deuxième

14 déclaration qui est celle du 31 juillet 1995, vous dites, je vous cite :

15 "Quelqu'un avait donné l'ordre que tous les hommes en âge de combattre

16 devaient se diriger vers Jaglici et Susnjari pour continuer le cheminement

17 en direction de Tuzla."

18 R. Je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'il y a de contesté ? Que voulez-vous

19 -- où voulez-vous en venir ?

20 Q. Je veux constaté si, comme vous le dites, dans la déclaration faite

21 auprès des enquêteurs -- je veux établir si vous avez décidé vous-même de

22 vous diriger là-bas, où était-ce là une chose que vous avez fait d'un ordre

23 comme cela est dit à la première page de la première des déclarations, vers

24 le milieu de la page. Quelqu'un a donné, dites-vous, l'ordre que tous les

25 hommes en âge de combattre, à savoir, tous les hommes devaient se diriger

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1 vers Jaglici et Susnjari, et continuer par la suite vers Tuzla.

2 R. Je vais vous expliquer. Je pense -- et je ne pense pas avoir dit que

3 quelqu'un avait donné des ordres stricts. Nous avons ouï-dire qu'il y avait

4 des ordres, qu'on avait donné des instructions disant que les hommes en âge

5 de combattre devaient se diriger là-bas. Ce que mon père a dit n'avait rien

6 à voir avec l'ordre. Il m'a dit que je pouvais décider moi-même. Je crois

7 que tout le monde était à même de décider s'il fallait aller vers Potocari

8 ou dans une direction autre. Nous avons donc entendu dire qu'il y avait eu

9 des ordres. Mais ce n'était pas si strict que cela. Chacun avait la

10 possibilité de décider de ce qu'il convenait de faire.

11 Q. Je ne vais certainement pas m'efforcer de vous porter quelque préjudice

12 que ce soit, étant donné que vous avez déjà beaucoup souffert. Je veux

13 juste établir les faits. Dans la deuxième déclaration vous dites, et je

14 vous cite : "A Viogor, un jour plus tard, ma mère et trois sœurs sont

15 allées vers Potocari, dans l'espoir de retrouver protection au camp de la

16 FORPRONU, et avec mon père Alija, suite à des ordres émanant du

17 commandement de l'armée de la Bosnie-Herzégovine." C'est ce qu'il dit,

18 "suite aux ordres émanant de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, avec les

19 hommes en âge de combattre, je me suis dirigé vers Susnjari. Et à Susnjari,

20 on nous a alignés. Il a été donc procédé à un alignement de quelques 15 000

21 hommes." C'est ce que vous avez déclaré, n'est-ce pas ?

22 R. Ce que je puis dire. On n'a pas fourni tous les détails au niveau de

23 cette déclaration. Il me faudrait encore deux ou trois pages pour vous

24 donner l'ensemble. Mais c'est -- j'ai répondu en fonction des questions qui

25 m'ont été posées par les enquêteurs. Je n'ai peut-être pas eu le souvenir

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1 de tous les détails sur le moment. Et peut-être, mais le souvenir était

2 trop frais, je n'ai pas eu souvenance de tous les détails.

3 C'est probablement l'armée de la Bosnie-Herzégovine qui a donné ce type

4 d'ordres. Ce n'est certainement pas les Serbes qui ont donné des ordres de

5 ce genre.

6 Q. Cela figure dans la deuxième des déclarations que vous avez fait, comme

7 on l'a constaté, auprès des instances du service de Sécurité à Tuzla, en

8 date du 31 juillet. Et vous dites là que suite aux ordres du commandement,

9 avec les autres, vous avez procédé à un alignement, et vous vous êtes

10 alignés. Il y avait là une unité militaire comptant 15 000 environ, n'est-

11 ce pas ?

12 R. Ces déclarations sont exactes. Ce que vous venez de dire est exact.

13 Dans certaines des déclarations, il y a plus de détails que dans d'autres.

14 Mais c'est la vérité. Nous avons donc entendu dire qu'il y avait des ordres

15 émanant du commandement. Je n'ai pas reçu de papiers -- d'ordres par écrit,

16 mais j'ai dit que nous avions entendu dire que des ordres avaient été

17 donnés.

18 Q. Mais on vous a dit de vous alignés là ?

19 R. Cela ne s'est pas passé de façon aussi automatique et aussi aisée. Il y

20 avait un grand nombre de civils là. Vous avez l'air de vouloir dire que

21 c'était tous des soldats. Or, il n'en n'est pas ainsi.

22 Q. Je ne veux pas le dire, Monsieur 1401. J'essaie seulement de déterminer

23 ce qui est exact ici. Donc, on a procédé à un alignement et vous étiez

24 15 000 à vous être aligné là, n'est-ce pas ?

25 R. En ma qualité de civil, moi-même et bon nombre d'autres personnes

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1 avaient décidé d'aller là-bas aussi. Mais une fois qu'on s'est aligné ou

2 que les autres se sont alignés, il est resté, au bout de compte, les

3 civils. Les soldats ne nous ont pas laissé les accompagner. Peut-être n'ai-

4 je pas indiqué tous les détails mais les soldats ne voulaient pas qu'on

5 aille avec eux. Ils voulaient qu'on reste au bout de la file. Il y a eu des

6 tas de gens, il y a eu des pilonnages et c'était chaotique. La situation

7 était des plus difficile. J'avais perdu mon père, je l'avais retrouvé, puis

8 je l'ai reperdu. Nous avons essayé, moi et d'autres, avons essayé

9 d'accompagner les soldats mais ils nous ont chassé. Ils nous ont dit de

10 nous en aller.

11 Q. Oui, je comprends. Mais attendez que nous tirions les choses au clair.

12 Avant vous, il y a témoin de la même région qui est venu témoigner, qui a

13 été mobilisé dans l'armée de la Bosnie-Herzégovine et qui, lui aussi, avait

14 été mineur. Alors avez-vous été membre de l'armée de la Bosnie-Herzégovine

15 ou pas ?

16 R. J'aurais été heureux d'avoir été membre. Si j'avais eu des armes peut-

17 être cela ne me serait pas arrivé. Peut-être serais-je tombé au combat dans

18 une forêt, mais ce que j'ai vécu ne serait pas arrivé.

19 Q. Donc, vous vous êtes associé à une colonne de soldats, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, nous nous sommes associés à eux.

21 Q. Combien étiez-vous civils à avoir rejoint cette colonne militaire ?

22 R. Il est difficile d'évaluer le nombre des civils. Il y avait beaucoup de

23 personnes. Il y avait beaucoup plus de civils que de soldats d'après les

24 armes que les uns portaient que d'autres ne portaient pas. Les uns, donc,

25 étaient simples civils.

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1 Q. Mais votre père avait-il été membre de cette 284e Brigade de l'armée de

2 Bosnie-Herzégovine ou pas ?

3 R. Je vais vous expliquer. Mon père a fait partie de cette brigade jusqu'à

4 la démilitarisation de Srebrenica. Lorsque Srebrenica a été démilitarisé,

5 il n'a plus été soldat. Il a peut-être été soldat sur le papier, mais il

6 n'avait plus d'arme. Lorsque les conflits ont commencé, lorsque l'attaque

7 de Srebrenica a commencé, il avait été avec ma mère et mes sœurs. Il n'est

8 jamais allé sur la ligne. Voilà le type de soldats que ça avait été.

9 Q. Fort bien. Qui avait été son commandement ? Qui avait commandé la 284e

10 Brigade ?

11 R. Je ne le sais pas qui avait commandé. Je ne sais quelle brigade

12 c'était. J'ai eu souvenance de ce chiffre, de ce numéro et j'ai cru me

13 souvenir que c'était cette 284e mais je ne sais plus, ni qui était ce

14 commandant, ni où elle se trouvait au moment où la zone a été

15 démilitarisée.

16 Q. Je comprends cela parfaitement. Mais pour autant que je le sache,

17 quoique ce cela ait été une zone protégée déclarée comme étant

18 démilitarisée, il y avait là une division, une 28e Division de Naser Oric

19 ou demeurant, qui est restée là à Srebrenica, n'est-ce pas ?

20 R. Peut-être cela a-t-il été le cas. Je ne peux pas vous en parler en long

21 en large. Je vous dirai ce que j'en sais seulement.

22 Q. Mais c'est ce que je vous demande. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

23 R. J'ai ouï-dire mais je n'ai pas vu de soldats agir.

24 Q. Bien. Dites-moi, je vous prie, --

25 R. Puis-je ajouter autre chose, je vous prie ? Cette 28e Division, après

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1 la démilitarisation, a peut-être, sur le plan formel, continué d'exister.

2 Ils avaient été, de toute façon, condamnés à la perte après la

3 démilitarisation et à la confiscation des armes, cela avait été plutôt

4 formel que réel. Cela n'avait pas été une unité apte à défendre quoi que ce

5 soit. C'est ce qui fait --

6 Q. Mais dites-moi, cette colonne qui s'était alignée et qui s'était

7 dirigée dans une direction avait pour objectif d'arriver à Tuzla, d'opérer

8 une percée jusqu'à Tuzla, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, c'est cela.

10 Q. Dans votre première déclaration tout comme dans votre deuxième

11 déclaration, vous indiquez que la colonne à proximité du village de

12 Kamenica est, comme vous le dites, tombée dans une embuscade, embuscade

13 organisée par des effectifs ou des unités serbes ?

14 R. Est-ce que vous pouvez répéter ?

15 Q. Dans vos deux déclarations, la première et la deuxième, vous indiquez

16 qu'à proximité du village de Kamenica, la colonne est tombée dans une

17 embuscade, embuscade dressée par des unités serbes, n'est-ce pas ?

18 R. Juste un moment. Il n'y a pas suffisamment de détail ici dans la

19 déclaration. Je vais ajouter quelque chose qui n'y figure pas.

20 La colonne ne se déplaçait pas si facilement. Les pilonnages avaient

21 commencé bien avant cela et il y a eu beaucoup de morts. Il y a beaucoup de

22 gens qui étaient devenus fous. Et cette colonne n'est pas tombée dans une

23 embuscade comme cela, à l'impromptu. Cela est arrivé bien plus tard.

24 Q. Attendez. Vous dites que la colonne avait été interrompue, qu'elle

25 s'était scindée en deux parties et qu'il y a eu un grand nombre de

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1 personnes qui sont tombées et qu'il y a eu beaucoup de blessés graves, de

2 grièvement blessées et il y a eu beaucoup de gens qui avaient paniqué.

3 "J'avais ainsi perdu mon père et je suis resté avec Asim [sic][phon]

4 Dzemal." Là, il y a eu des escarmouches au niveau de la localité de

5 Siljkovici. Entre parenthèses, on dit Kamenica. C'est votre déclaration qui

6 le dit.

7 R. Oui.

8 Q. Et là, il y a eu division de la colonne. Il y a eu un grand nombre de

9 morts et de blessés et une grande panique.

10 R. Oui, mais je voudrais ajouter autre chose. La déclaration est une

11 version abrégée. Je vais vous étoffer mon propos. La colonne s'est déplacée

12 fort peu, et il y a eu pilonnage, pilonnage incessant, ce qui fait que la

13 colonne s'est déplacée, mais elle a ramassé, chemin faisant, des blessés

14 tant qu'il y en avait encore assez peu. Puis, le pilonnage s'est

15 intensifié. On n'a plus pu ramasser tout le monde. J'ai pu voir que la

16 colonne a été coupée.

17 Q. Et il y a eu là combat entre les unités serbes et vos unités à vous qui

18 se trouvaient dans cette colonne, n'est-ce pas ?

19 R. Nous avons entendu devant des tirs tout le temps. Il y avait beaucoup

20 d'obus qui tombaient à gauche et à droite. Il y a eu beaucoup de morts. Et

21 plus loin, il y avait des conflits. Lorsque je suis arrivé, par la suite,

22 j'ai vu qu'il y avait beaucoup de gens tués.

23 Q. C'était là qu'il y avait eu les combats. Vous êtes arrivé sur le champ

24 de bataille après ?

25 R. Nous sommes arrivés lorsque l'armée est passée, et nous, nous sommes

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1 restés, les civils, nous étions à la traîne. Je me souviens que lorsque

2 l'on voulait rejoindre des soldats, ceux qui avaient des armes -- ceux qui

3 suivaient les soldats voulaient prendre les soldats. Les soldats les

4 chassaient de là. Et il y avait beaucoup de blessés. Les soldats ne

5 voulaient pas que nous allions avec eux parce que les soldats ne pouvaient

6 pas continuer à avancer. Et il y avait tant d'obus qui tombaient là-bas. Il

7 y avait beaucoup de blessés. Il y en avait beaucoup qui gémissaient, qui

8 hurlaient, et cetera.

9 Q. Donc, les soldats sont passés et ils vous ont laissé derrière, n'est-ce

10 pas ?

11 R. Ils sont restés pour se sauver eux-mêmes parce que s'ils nous avaient

12 pris tous, personne n'aurait réussi à s'en sortir. Personne n'aurait

13 survécu.

14 Q. Donc, à l'occasion de cette percée, il y a eu un grand nombre de morts,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui, un grand nombre de morts. Lorsque je suis arrivé là-bas, j'ai vu

17 beaucoup de morts. Mais avant, encore, il est resté beaucoup de cadavres

18 dans la forêt, beaucoup de gens blessés qui ne pouvaient être aidés par

19 personne. Lorsque j'ai vu un jeune homme qui avait été tellement blessé,

20 qui pleurait, qui gémissait, qui demandait à ce qu'on ne le laisse pas,

21 mais personne ne prêtait attention. Il tombait des obus de toute part. Et

22 on s'attendait à être touché à chaque moment nous-mêmes.

23 Q. Je comprends cela. En terme pratique, la majeure partie, la partie

24 militaire de la colonne a opéré une percée. Certains sont morts. Ceux qui

25 ne sont pas morts ou qui n'ont pas été blessés ont continué et ils vous ont

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1 laissé derrière eux. C'est bien cela ? Je veux dire qu'ils ne pouvaient pas

2 vous emmener ?

3 R. Peut-être pas la majorité. Il y en a eu plus de blessés que de morts.

4 Une partie des militaires avait été coupée et peut-être une partie

5 seulement avait affronté les Serbes. Une autre partie a été brisée. La

6 majeure partie, elle, était déjà arrivée jusqu'à la ligne des territoires

7 libres à Zvornik. Ils avaient déjà réussi à opérer cette percée. Quand vous

8 avez 15 000 hommes en colonnes par un pratiquement, c'est une colonne

9 énorme.

10 Q. Je comprends. Donc la partie, qui avait été plus proche de la ligne, a

11 réussi à opérer cette percée; celle, qui n'était pas plus près de cette

12 ligne de séparation, n'a pas pu opérer de percée. C'est bien ainsi que ça

13 s'est passé ?

14 R. Je vais vous dire. Ils s'avançaient -- la colonne s'avançait et, s'ils

15 étaient 15 000, il y en avait peut-être 1 000,

16 2 000, voir 3 000, qui étaient armés et qui étaient devant, et la plupart

17 étaient restés en arrière. Les soldats sont passés et ont opéré une percée.

18 Ceux qui sont tombés sur la ligne, c'étaient des soldats, mais les autres

19 c'étaient des civils. Peut-être y en avaient-ils quelques uns à avoir une

20 arme, mais --

21 Q. Mais, étaient-ils plus du 3 000 soldats ou moins, comme vous le dites

22 vous-même tout à l'heure ?

23 R. Je n'ai pas dit 3 000. J'ai dit 1 000, 2 000, 3 000. Je ne pense pas

24 qu'il y en ait eu plus. Peut-être sur papier, il y avait sur le papier, y

25 avait-il plus de soldats du type de mon père. Ils étaient plus nombreux

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1 peut-être encore, mais on ne pouvait pas véritablement dire que c'était des

2 soldats.

3 Q. Je veux seulement établir les faits, donc vous estimez qu'ils ne

4 pouvaient être plus de 3 000 hommes en armes ?

5 R. Je ne pense pas.

6 Q. Vous ne pensez pas qu'il y ait eu plus de 3 000 hommes en armes ?

7 R. C'est cela.

8 Q. Et sur le papier, il y en avait plus, mais cela n'était pas visible sur

9 les lieux lorsque la colonne se déplaçait on ne pouvait pas savoir qui

10 était soldat.

11 R. Après la démilitarisation, on n'a peut-être pas biffé tous les noms des

12 listes militaires. Ils étaient peut-être sur le papier membres de la 28e

13 Division, mais ce n'était pas une armée véritable.

14 Q. Donc selon vous ils n'étaient pas plus de 3 000 en armes dans cette

15 colonne ? Bien.

16 R. Peut-être même moins.

17 Q. Bien puisque vous nous dites qu'à cette occasion-là, il y a eu beaucoup

18 de gens qui sont tombés, qui sont morts. Il y a eu beaucoup de gens qui ont

19 paniqués. Je voudrais que nous nous penchions dans la première déclaration,

20 celle du 19 juillet. La description que vous donnez de ce qui s'est passé

21 par la suite, vous dites : "Dans la forêt, où j'étais avec d'autres

22 personnes, j'y suis resté un jour et une nuit. Puis pendant tout ce temps-

23 là, les Chetniks ont pilonné cette région avec de Pragas et autres armes.

24 Ce jour-là, les gens ont commencé à se disputer entre eux, à s'entretuer.

25 Les uns voulaient se rendre, les autres ne voulaient pas se rendre.

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1 C'est bien ainsi que ça s'est passé ?

2 R. Je dois étoffer quelque peu ce récit. Cette colonne, ces soldats

3 étaient bien loin, peut-être 10 ou 15 kilomètres devant nous, même 20

4 kilomètres. Nous nous étions restés à la traîne et nous avons été

5 encerclés. Je suppose que nous étions encerclés parce que nous n'osions

6 aller nulle part. Et les soldats utilisaient des portes voix pour nous

7 demander de nous rendre. Auparavant, on nous avait tout le temps pilonné.

8 Il y avait beaucoup de gens et, lorsqu'ils ont commencé à nous interpeller

9 avec des portes voix et demander que nous nous rendions, en nous disant que

10 nous allions être traités, on nous disait : "Vous allez être traités

11 conformément aux conventions de Genève et, si vous ne vous rendez pas, vous

12 serez abattus." Les pilonnages avaient, à ce moment-là, cessé et certains

13 ne voulaient pas y aller. Certains voulaient -- c'était chaotique. Le chaos

14 était général. Il y avait beaucoup de blessés. Il y avait beaucoup de gens

15 qui étaient en train de mourir. Bon nombre de personnes hallucinaient déjà.

16 On voyait qu'ils étaient à demi-fous ou fou et qu'ils criaient, qu'ils

17 gesticulaient.

18 Q. Mais ça c'est la conséquence des conflits.

19 R. C'est la conséquence des conflits. Lorsque les Serbes nous ont convié à

20 nous rendre, les gens, qui ne voulaient pas, s'étaient tués eux-mêmes. Ils

21 n'étaient pas nombreux. Ils étaient en minorité. J'ai vu peut-être un,

22 deux, trois, quatre de ce genre.

23 Q. Mais vous nous avez dit qu'ils ont commencé à se disputer et à

24 s'entretuer entre eux. Il y a eu donc des conflits entre ces gens-là ?

25 R. Ils ont commencé à se disputer. Quand je dis qu'ils commençaient à

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1 s'entretuer, ils ne s'entretuaient pas l'un, l'autre, mais ils se tuaient

2 eux-mêmes pour ce qui est de certains. Certains se tuaient eux-mêmes, se

3 suicidaient.

4 Je n'ai pas vu moi quelqu'un tuer quelqu'un d'autre.

5 Q. Attendez, je vous contre-interroge partant des documents écrits, qui

6 m'ont été communiqués par la partie adverse. En page 2, de cette

7 déclaration, que je vous ai citée tout à l'heure, vous

8 dites : "Dans la forêt, où je me trouvais avec les autres personnes, nous y

9 sommes restés un jour et une nuit et, pendant toute cette durée, les

10 Chetniks ont pilonné le secteur avec des Praga, des PAM et d'autres armes,

11 et puis les gens ont commencé à se disputer et à se tuer. Les uns voulaient

12 se rendre, les autres ne voulaient pas se rendre et, à un moment donné, une

13 colonne s'est dirigée vers le village de Sandici. Et, avec cette colonne,

14 il y avait moi-même et mon cousin."

15 C'est à ce sujet-là que je vous pose des questions.

16 R. Qu'est-ce que vous me demandez ?

17 Q. Dans votre deuxième déclaration, vous dites : "A Kamenica, il y a eu

18 beaucoup de morts et beaucoup ont été blessés par éclats d'obus. Un certain

19 nombre de personnes s'étaient déjà suicidées." Est-ce bien exact ?

20 R. C'est exact. Je vais ajouter autre chose. Une partie avait décidé de se

21 rendre. Nous étions dans la forêt. Nous ne voyons pas où nous étions. Nous

22 ne savions même pas où nous étions. Nous étions perdus. Et la journée

23 d'avant et la nuit entière jusqu'au matin, les pilonnages ont duré. Et

24 c'est là que les gens ont été tués et il y a eu des combats et des tirs.

25 Le matin, il y avait une accalmie, nous avons marché sur des blessés et sur

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1 des morts. Et quand on a commencé à nous convier à nous rendre jusqu'à

2 trois heures, les gens ne voulaient pas --refusaient de se rendre, donc

3 ceux, qui avaient rejoint la colonne, certains avaient fui. J'ai vu un,

4 deux ou trois cas de personnes qui s'étaient tuées elles-mêmes. C'était

5 tout ce que j'avais vu, mais c'était un nombre relativement faible par

6 rapport aux autres qui étaient morts ou qui étaient blessés. Un bon nombre

7 était resté dans la forêt.

8 Q. Mais ça je le comprends. Mais il y a eu des règlements de compte entre

9 les gens qui étaient là parce que vous dites que certains s'étaient

10 entretués ?

11 R. Dites-moi le passage exact ? Où dit-on qu'ils s'étaient entretués ?

12 Quelle déclaration est-ce ?

13 Q. Il s'agit de la première déclaration que vous avez faite. En page 2, au

14 sommet de la page, tout en haut de la page, dans la ligne 4, vous dites, je

15 cite les mots : "Entre eux, ils ont commencé à se disputer et à

16 s'entretuer."

17 R. Je n'arrive pas à trouver --

18 Q. Mais, écoutez, page 2, c'est assez dense comme texte, il n'y a pas

19 d'espace entre les lignes, c'est ce que vous dites ?

20 R. Je voulais dire qu'ils se disputaient entre eux, mais qu'ils ne

21 s'entretuaient pas. Peut-être se seraient-ils entretués si ça avait

22 continué.

23 Q. Moi je vous ai donné lecture de ce qui est dit ?

24 R. Vous voulez me convaincre d'une chose, mais je comprends la langue, je

25 pourrais considérer que la phrase est plutôt ambiguë.

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1 Q. Expliquez-moi une chose. Vous avez indiqué que les soldats étaient

2 partis de là-bas, étaient allés de l'avant et que, dans la forêt, il est

3 resté des gens qui ont rejoint les soldats qui les accompagnaient. Donc

4 s'ils avaient tiré eux-mêmes, ils devaient forcément avoir des armes ? Est-

5 ce que vous aviez vous-même des armes parmi la partie de la colonne où

6 dites-vous qu'il s'agissait de civils ?

7 R. Je vous l'ai déjà dit, les soldats étaient pratiquement tous passés.

8 Lorsque la colonne a été coupée, il n'y avait pratiquement que des civils,

9 peut-être y avait-il un bout de la colonne militaire, la fin de cette

10 colonne, mais je ne l'ai pas vu moi des soldats serbes. Ils ont tellement

11 pris le nez que je n'ai jamais, jamais, je n'ai connu de pilonnages plus

12 intenses.

13 Q. Je comprends cela mais ce que vous appelez "soldats", c'était une

14 colonne et en pratique, conformément aux ordres qui avaient été donnés,

15 c'étaient des hommes en âge de combattre et parmi vous, il y en avait peu à

16 avoir des armes ?

17 R. Peut-être était-ce envisagé ainsi au départ mais les soldats sont

18 partis, sont allés de l'avant. Nous avons peut-être même été déçus. Nous

19 avons été laissé à la traîne. Et lorsque l'armée serbe a coupé la colonne,

20 il n'est pratiquement resté que des civils. L'armée était déjà passée

21 jusqu'aux lignes de l'avant. Il en est peut-être resté quelques-uns qui ont

22 été tués lorsque la colonne a finalement été coupée. Il en est peut-être

23 resté une partie.

24 Q. Mais moi, je vous demande, parmi ceux qui étaient restés lorsque le

25 gros de l'armée s'en est allé, parmi ceux qui étaient restés, combien de

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1 gens y avait-il en armes ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Peut-être en ai-je vu

3 quelques-uns avec des armes mais eux ne se sont même pas rendus. Ils se

4 sont enfuis. J'ai vu des gens qui ne voulaient pas aller se battre mais qui

5 ont fui. Ils ne voulaient pas, non plus, se rendre. Ils avaient pris

6 d'autres chemins dans la forêt. Peut-être ne nous sommes nous pas tous

7 rendus, peut-être est-il resté une partie des gens qui ne se sont pas

8 rendus.

9 Q. Mais attendez. Je vois dans la déclaration que vous avez faite auprès

10 des enquêteurs de ce Tribunal, vous ne dites rien pour ce qui est des

11 suicides, des conflits entre les gens ou les membres de cette armée de la

12 Bosnie-Herzégovine. Avez-vous mentionné la chose ou est-ce que ce sont eux

13 qui ont omis la chose ? Je suppose que vous leur avez dit la même chose que

14 ce que vous avez dit dans les deux premières déclarations.

15 R. Les deux premières déclarations que vous mentionnez et vous insistez

16 dessus, je les ai faites tout de suite après. Et à la déclaration aux

17 enquêteurs de ce Tribunal, je les ai faites bien plus tard. Je n'ai peut-

18 être pas pu me souvenir de tous les détails. Alors, vous insistez sur le

19 fait qu'ils s'étaient entretués. Je n'ai pas dit la chose ainsi. C'est

20 ambigu. Ils avaient commencé à se disputer entre eux et à se tuer eux-

21 mêmes, donc, à se suicider. Donc, selon votre scénario à vous, il pourrait

22 peut-être être compris que nous nous étions entretués.

23 Q. Mais vous nous avez dit, vous-même, qu'un grand nombre de personnes

24 étaient tombées à l'occasion de cette tentative de percée.

25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je crois que nous avons épuisé ce sujet.

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1 Vous n'arrêtez pas d'y revenir sans cesse.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je puis ajouter encore quelques

3 détails ?

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Allez-y.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne pouvons pas qualifier cela de percée,

6 en réalité. Lorsque l'armée serbe a coupé la colonne, il est resté

7 pratiquement pour la plupart des civils. J'ai reconnu les cadavres de bon

8 nombre de mes voisins. L'armée était déjà passée. Eux, ils n'ont fait

9 qu'encercler des civils. Il y avait peu ça et là des soldats qui avaient

10 été dissociés de la colonne.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Mais attendez. Ils ne pouvaient pas savoir que vous étiez des civils.

13 Vous faisiez partie d'une colonne qui s'était battue contre eux. Comment de

14 loin pouvaient-ils savoir que vous n'étiez pas des soldats. Vous étiez des

15 hommes en âge de combattre. La colonne s'était battue contre cette colonne

16 et ils vous ont convié à vous rendre en disant qu'ils allaient vous traiter

17 conformément aux conventions de Genève.

18 R. Par la suite, vous pouvez le comprendre comme vous voulez. Je ne sais

19 ce qu'ils pensaient de nous. Ils avaient planifié de nous abattre.

20 Q. Je ne sais pas ce qu'ils avaient planifié. C'est une chose à

21 déterminer, à établir par la suite. Mais dites-moi, étant donné que vous

22 avez -- juste une chose, juste une chose. Je vais vous poser une question

23 concrète. Est-ce que cela se passe en date du 12 juillet ?

24 R. Peut-être devrais-je ajouter autre chose encore ? Pendant que l'armée

25 est passée, il n'y a pas eu de conflit. On voyait très clairement. Il y a

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1 des prés juste après la forêt et vous voyez très bien, à ce moment-là, s'il

2 s'agissait de militaires ou de civils. Les Serbes n'ont pas tué ceux qui

3 sont allés avant les autres. C'est seulement avec l'arrivée des autres

4 qu'ils ont coupé la colonne et commencé à tuer les uns et les autres. Mais

5 l'armée était déjà passée.

6 Q. Etes-vous en train d'essayer de nous dire qu'ils ont permis à l'armée

7 de passer sans se battre et ensuite ils ont commencé à se battre contre

8 vous et à tuer, à vous tuer ?

9 R. Et bien, à ce moment-là, il y aurait eu un conflit s'ils l'avaient fait

10 et ils risquaient de se faire tuer également. C'est ce que j'ai constaté de

11 toute façon.

12 Q. S'agissait-il du 12 juillet ? Je vous pose la question parce qu'il y a

13 eu d'autres témoins qui ont témoigné devant ce Tribunal. Donc, je voulais

14 tout simplement établir la date. S'agissait-il du 12 juillet ?

15 R. Le 11, nous sommes partis. Nous avons passé la nuit dans la forêt et le

16 lendemain, le 12, ils ont appelé --

17 Q. Puisque vous avez passé un jour et une nuit dans la forêt, le

18 lendemain, c'est-à-dire, le 13 juillet, n'est-ce pas, vous étiez là avec

19 encore 600 membres de votre groupe sur la route entre Kasaba et Bratunac.

20 Vous vous êtes rendus, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous dites dans votre première déposition que : "Nous sortions sur la

23 route et les Chetniks ont placé des chars transporteurs et nous sommes

24 arrivés sur la route, les mains en l'air. Les Chetniks ont pris tout ce

25 qu'ils nous appartenaient; de l'argent, des fusils, et cetera." Est-ce que

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1 vrai ? C'est ce qui est marqué ici.

2 R. Oui.

3 Q. Dans votre deuxième déposition, vous dites : "Qu'après avoir passé une

4 journée et une nuit dans la forêt, nous nous sommes rendus sur la route et

5 nous avons vu des Chetniks sur le pont avec des chars, des transporteurs et

6 ils nous ont ordonné de lever nos mains, de lâcher les grenades, les

7 pistolets et les deutsche Marks que nous avions. Sinon, nous allions être

8 tués. Et nous avons tous obéi à cet ordre."

9 Donc, suivant leur ordre, vous avez rendu vos armes. Cela veut dire que

10 vous aviez des armes.

11 R. Oui. C'est ce que disaient les soldats. Les soldats disaient que ceux

12 qui avaient des armes devaient les rendre ou qu'il s'agisse de couteaux, de

13 rasoirs. Mais personne n'avait d'armes. Je n'ai vu personne avec des armes.

14 Q. Donc, rendre des armes que vous n'aviez pas ?

15 R. Attendez, attendez.

16 Q. Vous les avez rencontré, ils vous ont demandé ou ils ont ordonné de

17 vous rendre et de rendre vos armes et vous dites que vous n'aviez pas

18 d'armes. C'est cela ?

19 R. La même chose s'est produite dans mon village en 1992. Encore une fois,

20 on demandait à ce que les gens rendent leurs armes. Ils demandaient tout le

21 temps qu'on rende les armes sans en avoir la moindre raison. Peut-être

22 qu'ils avaient peur qu'il y avait des personnes qui avaient des pistolets

23 dans leurs poches, dans leurs sacs. C'est ce qu'ils craignaient.

24 Q. Donc, c'est ce qu'ils craignaient. Ils ne voyaient pas si vous aviez

25 des armes oui ou non. Mais c'était de plein jour, ne voyaient-ils pas si

Page 30666

1 vous aviez des armes oui ou non ?

2 R. Ils ont dit que nous devions laisser toutes nos affaires, de l'argent.

3 Ils nous ont dit : "On ne veut même pas trouver de rasoirs en votre

4 possession." Peut-être qu'ils craignaient qu'il y avait un pistolet dans la

5 poche d'une veste, d'un manteau. Mais je ne voyais personne portant un

6 fusil.

7 Q. Je n'insiste pas que vous disiez quelque chose que vous n'avez pas vu.

8 Je voudrais que vous me disiez maintenant si vous savez que dans les rangs

9 de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, dans cette région, il y avait

10 énormément de mineurs qui avaient été mobilisés ?

11 R. Je souhaite rajouter quelque chose avant de répondre à cette question,

12 rajouter quelque chose par rapport à la question précédente.

13 Je vous ai déjà dit que certains soldats dans la forêt qui portaient des

14 fusils sont partis tout simplement s'en se rendre. Je ne sais pas peut-être

15 qu'il y en avait un ou deux. Mais je n'ai vu personne comme cela, avec moi,

16 près de moi là où j'étais.

17 Q. D'accord. Dites-moi si vous savez combien de mineurs ont été mobilisés

18 dans l'armée de la Bosnie-Herzégovine ?

19 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas s'il y en avait. Je ne sais combien il y

20 en avait. Peut-être qu'il n'y en avait pas, peut-être qu'il y en avait. Je

21 ne le sais pas.

22 Permettez-moi de rajouter encore une chose. Personne n'a été obligé à se

23 joindre à l'armée parce que les gens n'avaient pas d'armes. Même des

24 majeurs en âge de servir au sein de l'armée n'avaient pas d'armes. Il y en

25 a qui aurait aimé faire partie de l'armée. Je l'aurais souhaité moi-même.

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1 J'aurais eu plus de chance de survie.

2 Q. Je vais essayer de parcourir ces questions le plus rapidement possible.

3 Dites-moi, s'il vous plaît, puisque nous avons dit au début que vous étiez

4 15 000 après l'alignement. Et puis, il y a eu le conflit. Il y a eu la

5 percée, les coupures de la colonne par l'armée, vous étiez plusieurs à

6 rester derrière. Et pendant cette percée, il y a eu combien de tuer d'après

7 vous ? Des 15 000 au début, combien ont été tués ?

8 R. Ils n'ont pas tous été tués là. Je n'ai pas vu toutes les personnes qui

9 ont été tuées. Donc il s'agit d'une estimation tout à fait approximative.

10 J'en ai vu 500. Y avait quelqu'un qui gisait par terre près d'un arbre et

11 quelqu'un qui avait perdu son visage, enfin -- disons à peu près 500. Je ne

12 sais pas. Je n'ai pas regardé partout dans la forêt. Je n'ai vu qu'une

13 partie de la forêt.

14 Q. Oui, mais dans la partie de la forêt où vous étiez pendant cette

15 percée, vous avez dit qu'il y avait environ 500 hommes qui ont été tués,

16 c'est cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Et cela concerne la partie de la forêt que vous avez vue vous-même ?

19 R. Oui. Parce que je sais que je marchais sur des cadavres. Il y a eu

20 tellement de tuer, des victimes de mortiers, d'obus, on voyait des

21 personnes qui avaient perdu leurs visages, leurs mains.

22 Q. Vous dites que des soldats vous ont pris prisonniers. Ils se sont

23 présentés. Ils ont dit qu'ils venaient de la Serbie ? C'est cela --

24 R. Oui.

25 Q. C'est comme cela que je l'avais compris, donc, basé sur le résumé. Ils

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1 se sont présentés, ils ont dit qu'ils venaient de la Serbie.

2 R. Oui, c'était lorsque nous avons été alignés. Ils ont pris nos affaires

3 et puis nous avons parcouru deux, trois kilomètres en courant, je ne sais

4 pas, les mains dans l'air. Nous sommes arrivés dans un pré où il y avait un

5 char, il y avait beaucoup de soldats. Je n'étais pas le premier à arriver

6 sur les lieux. Ils y en avaient qui étaient déjà arrivés et puis ils y

7 avaient probablement des personnes qui y avaient été auparavant. Il y avait

8 un village musulman qui avait été incendié, je ne sais pas, juste avant.

9 Q. Un moment, s'il vous plaît.

10 R. Nous sommes arrivés au préalable et il y avait des soldats qui se

11 trouvaient devant. J'ai bien entendu ce qu'il a dit. Il avait quelque chose

12 sur sa tête et il a dit : "Nous sommes de la Serbie." Il était très fier de

13 lui-même. Et d'ailleurs il a commencé à nous faire un discours. Il

14 commençait à faire le malin.

15 Je me rappelle certaines parties de cela mais j'avoue que je n'ai pas tout

16 écouté. J'avais la tête baissée.

17 Q. Je comprends bien, Monsieur 1401. Lorsqu'on a lu votre déposition, j'ai

18 entendu que les soldats vous ont obligé à chanter Vive le Roi, n'est-ce pas

19 ?

20 R. Lorsque ce soldat a fait son discours -- il y avait des blessés qui se

21 trouvaient là devant, j'étais plus petit, donc je ne les voyais pas bien,

22 mais plus tard, j'étais en train de monter à bord le camion, je les ai --

23 je ne les ai pas vus, il a dit : "Vous voyez les camarades, vos camarades ?

24 Vous auriez dû vous rendre. Vous allez être échangés lorsque vos autorités

25 vont le demander. Vous allez être conduits au hangar à Bratunac." Et se

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1 moquant de nous, il a dit : "Vous n'allez pas mangé ce soir." C'était

2 ridicule. Il y avait eu tellement de morts déjà et il y avait une telle

3 peur, et il disait qu'on allait pas mangé le soir." Il riait, il se moquait

4 de nous, il savait très bien ce qui nous attendait.

5 Et ensuite nous nous sommes allongés par terre et nous devions chanter

6 "Vive le Roi." Le bruit a résonné dans la vallée, nos mains étaient dans

7 l'air -- je n'ai pas fini.

8 Q. Vous n'avez pas besoin de me donner tout le détail mais ne pensez-vous

9 pas que ça n'a pas pu être des soldats serbes qui vous ont demandé de

10 chanter "Vive le Roi" ? Des soldats de Serbie ?

11 R. Je ne puis pas vous dire qu'il s'agisse oui ou non de soldats de

12 Serbie. Mais le fait est que les soldats l'ont dit et le fait est c'est ce

13 que nous avons chanté pendant qu'ils étaient probablement en train de tuer

14 les blessés, car j'ai vu des soldats par la suite qui tiraient sur la

15 maison. Et mon oncle qui y était a dit qu'il manquait un homme,

16 probablement un homme qu'ils avaient emmené. Donc ils ont probablement tué

17 les blessés là-bas.

18 Q. D'accord vous venez de confirmer les soldats. Vous pensez qu'il

19 s'agissait de soldats de Serbie, ils vous ont dit de chanter "Vive le Roi."

20 R. Non, je ne pensais rien du tout. Les soldats ont dit : "Nous sommes de

21 la Serbie." Je l'ai entendu.

22 Q. Tout d'abord, il l'a dit et ensuite il vous a obligé de chanter "Vive

23 le Roi." Dites-moi maintenant, vous avez été transféré de Kamenica par

24 camion, et vous avez dit lors de la déposition que vous avez faite aux

25 enquêteurs du Tribunal que vous avez été transféré à Bratunac, et vous avez

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1 passé une nuit à bord les camions, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Et sur les camions c'était marqué Tuzlatrans. Donc ce n'était pas

4 possible qu'il s'agisse de personnes de Serbie.

5 R. Non, non. Ce n'était pas sur tous les camions, c'était sur un des

6 camions. Cela ne veut pas dire qu'on allait à Tuzla. Enfin c'était un

7 camion qui appartenait à une société. C'était par hasard que ce camion se

8 trouvait là.

9 Q. Et ensuite de Bratunac, ils vous ont transféré de nouveau par camion

10 pour vous amenez à un endroit et vous avez dit dans votre déposition aux

11 enquêteurs que vous ne saviez pas où cela se trouvait. Mais vous savez

12 qu'il s'agissait d'une école. C'est ce que vous avez dit dans votre

13 déposition aux enquêteurs : "Ils nous ont transféré quelque part, nous ne

14 savions pas où." Et dans la première déposition du 19 juillet 1995, vous

15 dites : "Que le lendemain, il nous ont conduit par camions à Zvornik et à

16 Karakaj et Konjevic Polje. Et après apparemment, Tuzla. Et j'étais caché

17 par une bâche, sous une bâche et j'ai vu qu'ils nous ont emmenés à une

18 école de Petkovci." Je cite votre deuxième déposition.

19 Donc, comment cela se fait-il que dans l'autre déposition vous avez dit :

20 Qu'à travers la bâche, vous voyez qu'il y avait, vous voyez bien l'école de

21 Petkovci et vous aviez dit, par la suite, aux enquêteurs que vous ne saviez

22 pas où l'on vous a emmenés.

23 R. Un moment. Je vais expliquer. En fait nous ne savions pas où l'on nous

24 emmenait et je ne savais pas qu'il s'agissait d'une école, nous étions

25 devant l'école, mais en entrant dans l'école, j'ai vu qu'il s'agissait

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1 d'une école. Donc par la suite, lorsqu'on m'a emmené à l'intérieur, j'ai vu

2 qu'il y avait des tableaux noirs où on écrit pour les enfants. J'ai vu des

3 bureaux. J'ai vu que c'était une école.

4 Q. Je souhaite vous poser la question suivante : Vous avez dit lors de

5 votre déposition de juillet 1995, qui vous emmenait --

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que cela a une importance

7 quelconque, le fait qu'il s'agisse d'une école ? Je ne pense pas que l'on

8 conteste qu'il s'agisse d'une école.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais il ne s'agit pas de cela, Monsieur

10 May. Dans la déposition faite aux enquêteurs par la suite, beaucoup plus

11 tard, il dit, et je cite la page 7, paragraphes 1 à 5, qu'il n'était pas en

12 mesure de dire où se trouvait l'école. Et dans l'autre déposition, il avait

13 déjà dit qu'il s'agissait de l'école de Petkovci, donc je cite ce que dit

14 le témoin lui-même.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle déposition ?

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] -- permettez au témoin d'éclaircir ce

17 point ?

18 Vous pouvez répondre sans consulter votre déposition, Monsieur le Témoin.

19 Dites-nous tout simplement à quel moment est-ce que vous avez appris qu'il

20 s'agissait d'une école, et une école se trouvant à Petkovci ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Une fois que nous étions entrés à l'intérieur

22 de l'école. Avant, nous ne le savions pas qu'il s'agissait d'une école,

23 mais dès que nous sommes entrés à l'intérieur, nous avons vu des tableaux

24 noirs, des choses écrites là-dessus. Et peut-être qu'il y avait des gens

25 qui l'avaient dit aussi. Il y avait des choses qui étaient inscrites aux

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1 tableaux noirs. Et donc une fois entrez la dedans, nous savions que c'était

2 une école.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons faire la suspension

4 d'audience. Mais tout d'abord, je voudrais éclaircir ce point. A quel

5 moment est-ce que vous avez appris que l'école était à Petkovci ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est ce qui

7 est marqué ici. Je ne sais pas si je l'ai su tout de suite, mais je m'en

8 suis souvenu maintenant. Lorsque nous nous sommes enfuis, lorsque nous

9 avons atteints le territoire libre, les gens disaient où on avait été.

10 Lorsqu'on passait par les villages, on a dit c'était peut-être ici ou là.

11 Mais lorsque nous sommes entrés dans cet endroit, nous savions que c'était

12 une école. Nous parlions aux gens et qui disaient c'était probablement

13 Petkovci. Et par la suite, j'y suis allé avec les enquêteurs, et je puis

14 confirmer que c'était bel et bien l'endroit.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience pendant

16 20 minutes. Monsieur le Témoin 1401, je vous demande de ne parler à

17 personne en ce qui concerne votre témoignage avant la fin du témoignage, y

18 compris le Procureur.

19 Je souhaite attirer l'attention du Procureur au fait que nous ne pouvons

20 pas dépasser nos horaires d'aujourd'hui. Il nous reste peut-être dix

21 minutes de contre-interrogatoire en ce qui concerne ce témoin. Donc je ne

22 sais pas si vous souhaitez commencer le témoignage suivant afin de

23 respecter les horaires.

24 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons des

25 questions administratives à traiter conformément à l'Article 92 bis. Je

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1 pense que ce serait peut-être la meilleure façon de procéder.

2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Et M. Nice avait également des

3 questions qu'il souhaitait soulever.

4 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voilà ce que nous allons faire, et si

6 nous arrivons à terminer un peu plus tôt, je ne pense qu'il y aura la

7 moindre objection.

8 Nous allons suspendre l'audience pendant 20 minutes.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Milosevic, il vous reste encore

12 dix minutes.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ferai de mon mieux de terminer mon contre-

14 interrogatoire d'ici dix minutes, Monsieur May.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur 1401, je vais vous lire quelque chose de votre déposition

17 parce qu'en fait, ce qui est important ici n'est pas l'école, mais

18 Petkovci, et c'est pour ça que je voulais poser cette question. Vous dites,

19 dans votre déposition du 31 juillet, à la page 2 : "J'ai vu d'en dessous de

20 la bâche qui nous avait emmené à une école à Petkovci."

21 Donc vous étiez sous la bâche, et vous avez vu que vous étiez à une école

22 de Petkovci. Et dans la déposition que vous avez fait aux enquêteurs, vous

23 n'avez pas pu identifier l'école.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je pense qu'il a déjà expliqué qu'il

25 s'agit d'information qu'il a obtenue par la suite.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, l'école de Petkovci est

2 mentionnée dans la déposition du 31 juillet, et la déposition faite en

3 présence des enquêteurs porte la date -- une date ultérieure, 12 jours plus

4 tard. Donc, dans la déposition qu'il a fait le 31 juillet -- et je lui ai

5 cité précisément -- qu'il a constaté qu'on les avait emmenés à l'école de

6 Petkovci et, 12 jours plus tard, il ne savait plus où on les avait emmenés.

7 Ce que vous dites aurait été tout à fait logique si ça avait été dans

8 l'ordre inverse, mais, 12 jours plus tard, dans la deuxième déposition,

9 tout d'un coup il ne sait plus où ils avaient été emmenés.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Est-ce que vous pouvez l'expliquer, Monsieur le Témoin ?

12 R. Je peux. Une fois que nous avions atteint le territoire libre, c'est

13 avant d'avoir fait la moindre déposition, des gens parlaient de l'endroit

14 où nous étions. Je savais avec certitude que nous avions été à Petkovci, et

15 je dis sur la base de ce que disaient les gens. Par la suite, quand j'ai

16 fait la déposition, je ne l'ai peut-être pas mentionné parce que ce n'était

17 pas quelque chose que je savais. Il s'agit d'information que j'ai reçue de

18 la part d'autres et celui qui, comme moi, a survécu, peut-être qu'il le

19 savait, peut-être que nous en avions parlé sur le chemin, mais cela remonte

20 déjà à pas mal de temps, et je n'en suis plus sûr. Et puis, par la suite,

21 il y a eu les dépositions, donc j'ai peut-être dit que l'on nous a emmenés

22 à une école, mais les gens disaient que l'école se trouvait à Petkovci.

23 Donc que peut-être, dans une des dépositions, je ne l'ai pas mentionné et,

24 dans l'autre, je l'ai mentionné, mais l'autre survivant en sait beaucoup

25 plus en ce qui concerne cette école et j'en ai parlé avec lui, mais je ne

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1 me rappelle pas tout le détail.

2 Q. Je ne souhaite pas vous ennuyer plus avec ces questions, mais vous avez

3 quand même dit qu'en dessous de la bâche, vous avez vu qu'on vous a emmenés

4 à une école de Petkovci.

5 R. Où est-ce que l'on dit cela ?

6 Q. Regardez votre déposition du 31 juillet, 12 lignes à partir du haut de

7 la page, et je vais vous lire la phrase entière : "J'ai vu d'en dessous de

8 la bâche, qu'ils nous avaient emmenés à une école de Petkovci." C'est ce

9 qui figure à la douzième ligne, en partant du haut de la page -- de la

10 deuxième page, et c'est la déposition du 31 juillet, 12 jours plus tard,

11 vous parliez aux enquêteurs, et vous ne savez plus, à ce moment-là, où on

12 vous a emmenés, et très clairement, l'on dit Petkovci. "D'en dessous de la

13 bâche, j'ai vu qu'ils nous ont emmenés à l'école de Petkovci."

14 R. C'est marqué une école et non pas l'école.

15 Q. Oui. Mais c'est bien marqué Petkovci.

16 R. Oui. Mais sur la base d'autres informations. Je ne puis pas vous donner

17 les informations en ce qui concerne toutes les dates.

18 Q. Peu importe. Je pense que vous avez donné suffisamment d'explications.

19 R. Je n'étais peut-être pas sûr à 100 %. J'ai dit aux enquêteurs que

20 c'était une école. J'ai tout dit.

21 Q. J'espère que tout ce que vous dites là est clair pour tous ceux qui

22 vous ont écouté.

23 Maintenant, dites-moi, vous êtes arrivés à l'école et, conformément à ce

24 que vous avez dit aux enquêteurs, c'était le 14 juillet, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 30676

1 Q. Le lendemain, le 15 juillet, vous avez survécu à l'exécution que vous

2 avez décrite, n'est-ce pas ?

3 R. C'était la nuit en fait. Je ne sais pas si c'est le 14 ou le 15. Je ne

4 sais pas si c'était avant ou après minuit. C'était pendant la nuit.

5 Q. Cette exécution que vous décrivez,

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je ne sais pas si je peux

7 mentionner le nom d'une autre personne qui a survécu. Il faut peut-être

8 passer en huis clos partiel.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 [Audience publique]

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Dites-moi, je n'ai plus beaucoup de questions à vous poser. Savez-vous

24 qui était responsable de l'exécution à laquelle vous avez survécu ?

25 R. Je n'en suis pas sûr.

Page 30677

1 Q. Pouvez-vous nous donner une description quelconque des personnes qui

2 vous ont exécutés vous et les autres, ou qui vous ont tiré dessus ?

3 R. Je ne me rappelle pas tous les détails. C'était probablement de l'armée

4 serbe de Bosnie, mais je ne peux pas le confirmer. Je me rappelle un détail

5 devant l'école ils nous ont tirés des camions. On nous a passés à tabac

6 devant l'école. Tout le monde devait se tenir debout pour être frappé et

7 l'homme devant moi attendait son tour d'être battu avec des crosses de

8 fusils. Et le soldat lui a dit : "Est-ce que tu me connais ?" Il a dit la

9 chose suivante : "Bien sûr, que je connais, frère." Et le soldat a dit :

10 "Qui est-ce que tu connais ?" Il l'a frappé avec son fusil. Il l'a frappé

11 au ventre et, enfin, ils ont commencé à le passer à tabac, comme s'il

12 n'était pas censé le connaître. Et j'ai entendu dire que cet homme venait

13 de Zvornicka Kamenica et ils avaient été collègues de par le passé.

14 Q. Vous dites qu'à cette occasion, vous avez entendu dire que l'un des

15 hommes s'appelait Jovo. Avez-vous entendu d'autres prénoms ou noms de

16 famille d'autres personnes qui étaient présentes ? La seule chose que j'ai

17 réussie à identifier était que vous avez entendu quelqu'un qui s'appelait

18 Jovo. Est-ce que vous vous rappelez d'autres noms, prénoms ou noms de

19 famille ?

20 R. Je ne puis vous donner aucun nom. Je ne connaissais personne. Il y

21 avait probablement des gens qui ont reconnu les soldats, là où on a tiré

22 des coups de feu. C'était pendant la nuit. Je pense que vous ne pourrez

23 jamais comprendre la situation. Ce que l'on ressent lorsqu'on vous sort

24 pour être exécuté. J'ai retenu ce nom uniquement. Il y en avait d'autres

25 que j'ai entendus, mais je ne m'en souviens pas.

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1 Q. Savez-vous combien de personnes ont été tuées lors de cette occasion,

2 d'après ce que vous nous avez dit ?

3 R. C'est difficile à apprécier parce que moi je rampais sur des cadavres.

4 C'était la nuit. Et quand nous sommes descendus dans ce fossé, nous nous

5 sommes libérés de nos liens et c'est seulement le lendemain matin, à partir

6 du moment où nous nous sommes trouvés de l'autre côté de la colline, que

7 nous avons vu la pelleteuse qui chargeait des cadavres sur un tracteur.

8 L'homme, qui a survécu et qui était avec moi, est plus au courant de tout

9 cela parce que moi j'avais terriblement mal, j'étais blessé. Je souffrais

10 et je sais qu'il y avait beaucoup de cadavres puisqu'on a utilisé une

11 pelleteuse pour les charger. Je pense que, dans un autre procès, j'ai dit

12 où cela se trouvait, mais il m'est difficile de dire combien il y avait de

13 cadavres exactement.

14 Q. Mais vous devez avoir une impression à ce sujet, en tout cas, au sujet

15 du nombre de cadavres qui se trouvaient dans le camion ?

16 R. Mais cela ne veut pas dire qu'il y a eu qu'un seul camion dont les

17 passagers ont été exécutés.

18 Q. Est-ce que vous avez vu d'autres camions ?

19 R. Je ne voyais pas s'il y avait un camion devant le nôtre à partir de

20 l'école. Derrière nous, un tracteur ou un camion est arrivé parce que nous

21 ne voyions pas bien. C'était la nuit. On voyait beaucoup moins bien la nuit

22 et, lorsqu'ils sont arrivés à l'endroit en question, nous avons entendu des

23 coups de feu. Nous ne savions pas si on tuait des gens ou si on faisait

24 autre chose, mais, en tout cas, l'intensité des coups de feu n'était pas la

25 même qu'au moment où moi, on m'a tiré dessus.

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1 Q. J'essaie d'établir une donnée chiffrée. Est-ce que vous pouvez nous

2 aider en nous disant combien de personnes ont été exécutées, pour autant

3 que vous le sachiez ce jour-là ?

4 R. C'est très difficile à dire. Je sais que la plupart des gens, qui

5 étaient dans l'école, ont été tués. Ça, on l'a vu. Je ne sais pas combien

6 il y avait de salles de classe, qui étaient occupées par des hommes

7 détenus, mais, quand on les a fait sortir, ils ont sans doute tous été tués

8 parce qu'on entendait les autres dire : "Sortez, dix par dix," et puis on

9 entendait des coups de feu. Et ma salle de classe était la dernière. Je ne

10 sais pas si elle correspondait au dernier camion.

11 Q. Combien d'entre vous se trouvaient dans cette salle de classe ?

12 R. La salle de classe était pleine. La même chose pour le camion, mais je

13 n'en suis pas sûr. Je ne sais pas s'il était plein. Nous étions tous assis

14 les uns sur les autres.

15 Q. Je vois. Vous ne pouvez pas répondre à cela non plus. Et bien, dites-

16 moi, puisque vous dites que vous avez découvert l'existence de cette

17 exécution, vous avez déjà dit dans votre déposition qu'elle eu lieu à

18 Brnjice Djulici. Je m'excuse si je prononce mal les noms propres, mais

19 c'est bien cela, n'est-ce pas ?

20 R. Je n'étais pas de Karakaj. J'allais à Glinica et je savais qu'il y

21 avait là-bas un barrage et un cours d'eau, mais je ne saurais dire

22 exactement où il se trouvait. Et je suppose, en tout cas, ce n'était pas

23 une certitude, mais, plus tard, quand on est passé de l'autre côté, en

24 territoire libre, et qu'on s'est mis à parler ensemble, cet homme et cette

25 femme, que nous avons vus, nous ont dit cela.

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1 Q. Témoin 1401, ma question consistait à vous demander quand vous avez

2 découvert cela. Donc vous avez appris cela lorsque vous êtes passé en

3 territoire libre, n'est-ce pas ?

4 R. Nous n'en avons pas parlé. Peut-être que cet homme, qui a survécu avec

5 moi, savait cela avant, mais moi, c'était une supposition et, plus tard,

6 j'ai découvert que c'était exact, mais c'était avant de faire ma

7 déclaration.

8 Q. Je vous demande quand vous avez découvert l'endroit où cela s'est

9 passé ?

10 R. Quand je suis passé de l'autre côté.

11 Q. Quand vous êtes passé en territoire libre ?

12 R. Oui.

13 Q. Fort bien. Maintenant dites-moi, je vous prie, si vous saviez, avant

14 que les enquêteurs ne vous amène à cet endroit si vous auriez donc su

15 reconnaître cet endroit, ou bien, est-ce que vous avez reconnu l'endroit

16 quand on vous a emmené à cet endroit ?

17 R. J'ai supposé que c'était là que cela s'était passé. Des gens, plus

18 tard, m'ont dit : "C'est au niveau du barrage près de Karakaj à Djulici."

19 Et, plus tard, j'y suis allé avec les enquêteurs pour confirmer que c'était

20 bien l'endroit en question.

21 Q. Est-ce que c'est là que se trouve l'école de Petkovci ?

22 R. Non, pas si près que cela. Petkovci, c'est un autre village. Je ne

23 connaissais pas Petkovci.

24 Q. Et si on vous tient prisonnier dans l'école de Petkovci et qu'on vous

25 emmène quelque part pour vous exécuter, vous étiez donc devant l'école de

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1 Petkovci ?

2 R. Ils nous ont emmené à bord d'un camion jusqu'au barrage.

3 Q. Je vois. Donc ils vous ont emmené à bord d'un camion depuis Petkovci

4 jusqu'au barrage et vous avez appris à quel endroit cela se trouvait

5 lorsque les enquêteurs vous y ont emmené pour le reconnaître, n'est-ce pas

6 ?

7 R. Vous ne cessez de dire cela et je vous dis toujours la même chose. Je

8 supposais que c'était le barrage près de Karakaj et, plus tard, d'autres

9 personnes m'ont dit, quand nous sommes passés de l'autre côté dans le

10 territoire libre, quand nous avons atteint un village, on nous a dit qu'on

11 avait été là-bas et l'endroit a été décrit. On nous a dit où c'était. Plus

12 tard, j'y suis allé pour confirmer cela avec des enquêteurs et j'ai

13 confirmé que c'était bien là. C'était peut-être un autre nom. Je ne sais

14 pas le nom exact, mais ils m'ont emmené à cet endroit.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ceci doit être votre dernière question,

16 Monsieur Milosevic. Vous avez dépassé le dix minutes qui vous était

17 imparti.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. J'ai compris ce que vous avez dit, Monsieur le Témoin, signifiant que

20 vous aviez été blessé. Vous l'avez expliqué, dans votre première

21 déclaration du 15 juillet. Vous avez dit que vous aviez été blessé à

22 l'estomac et, dans votre deuxième déclaration, vous dites avoir été blessé

23 à la poitrine, avant-bras droit et main droite. Où est-ce que vous avez été

24 blessé exactement ?

25 R. J'ai été blessé sur le côté -- vous pouvez prendre cela comme vous

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1 voulez. J'ai été blessé au bras droit. Vous pouvez appeler cela le côté

2 droit de la poitrine ou vous pouvez l'appeler comme vous le voulez. Mais

3 les enquêteurs ont examiné la chose de très près. Ils se sont penchés sur

4 les documents et les radiographies. Mais vous, vous pouvez l'appeler comme

5 vous voulez. En tout cas, vous pouvez regarder les radiographies aussi.

6 Q. Vous avez dit dans votre première déclaration que vous aviez été blessé

7 à l'estomac. Par la suite, vous avez parlé de la poitrine, c'est la raison

8 pour laquelle je vous interroge parce que j'ai simplement à ma disposition

9 ce classeur avec des photographies. Je n'ai pas eu le temps de regarder

10 cela en détail. C'est pour cela que je demandais de m'expliquer la chose.

11 R. Je ne sais pas si c'est vraiment important de savoir si j'ai été blessé

12 à l'estomac ou à la poitrine. Mais, en tout cas, c'était du côté droit du

13 corps.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, d'abord je voudrais

16 attirer votre attention sur le fait que les déclarations, qui ont

17 mentionnées par M. Milosevic, à l'intention du témoin, ont toutes été

18 traduites en anglais. Mais mis à part les deux déclarations qu'il a citées,

19 les déclarations faites auprès des enquêteurs, je vais traiter d'éléments

20 qui ont fait l'objet de son témoignage. Mais il y a une autre déclaration,

21 qui a été faite auprès d'un Juge d'instructions à Tuzla, et ce sont les

22 Juges d'instructions qui ont été le plus qualifiés pour ce qui est de ce

23 type de déclaration. Elle est datée du 24 juillet.

24 Ce document porte une référence 348/95 et cela a également été traduit en

25 anglais.

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1 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

2 Q. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de cette déclaration, que vous

3 avez faite auprès des enquêteurs en 1995, a été signé par vos soins et vous

4 souvenez-vous de ce que vous avez déclaré à ce moment-là ? Je voudrais vous

5 en parler.

6 R. Je me souviens d'avoir fait une déclaration auprès du Juge

7 d'instruction. Je ne me souviens plus de la date. Je ne me souviens même

8 plus de l'année.

9 Q. Mais ici, on dit : le 24 juillet 1995.

10 R. Et bien, au moment où je l'ai faite, je l'ai signée.

11 Q. Je vous demande de tourner la première page, et c'est là que ça

12 commence et il y a plusieurs pages. Alors, je me propose de vous donner

13 lecture de cette page 1, qui figure -- qui est sous vos yeux. Alors,

14 serait-il exact de dire que vous avez déclaré au Juge d'instruction, à

15 l'époque : "Nous avons ouï dire que la FORPRONU s'était retirée de la côte

16 qui était la sienne en direction de Srebrenica." Vous souvenez-vous de vos

17 dires ?

18 R. Oui, c'est exact. C'est ma déclaration à moi.

19 Q. En effet. Plus loin, vous dites que vous vous êtes dirigé vers le

20 village de Viogor. Ça, vous l'avez expliqué, je ne vais pas revenir dessus.

21 Puis vous dites ensuite : "Là, nous avons entendu que les membres de notre

22 armée ont repoussé les Chetniks vers les positions de départ et aussitôt

23 après, les nôtres s'étaient retirés une fois de plus, à savoir que c'est

24 les nôtres qui ont été repoussés vers les positions de départ." Donc, y a-

25 t-il eu des conflits et y a-t-il eu là des victimes, des blessés, que sais-

Page 30684

1 je ?

2 R. Je vais ajouter quelques détails, c'est exact.

3 Q. C'est bien exact.

4 R. Oui, je vais ajouter autre chose. Là où nous sommes arrivés, ça se

5 trouve à dix ou quinze kilomètres de l'endroit où il y a eu des combats. Il

6 s'agit d'un haut plateau dans les collines. C'est très loin de là, mais là

7 où nous étions nous, il n'y a pas eu de combats.

8 Q. Bien. Mais ce qui est dit ici c'est ce qui s'est passé, c'est ce que

9 vous avez entendu dire.

10 R. Redonnez-moi lecture.

11 Q. "Nous avons appris là que les membres de notre armée ont repoussé les

12 Chetniks vers les positions initiales et qu'aussitôt après une autre

13 s'était retirée, à savoir, avait été repoussé vers leurs positions de

14 départ à eux."

15 R. Mais ce que nous avons entendu de la bouche des soldats, cela ne se

16 rapportait pas à nous, cela se rapportait à la route entre Zeleni Jadar et

17 Srebrenica.

18 Q. Oui, mais il y a eu des combats entre les membres de l'armée de la

19 Bosnie-Herzégovine qui ont repoussé les Chetniks, comme vous le dites vous-

20 même, et qui ont pris leurs positions et qui ont été repoussés à leur tour.

21 R. C'est ce que nous avons entendu dire.

22 Q. Quelques phrases plus loin vous dites : "Au matin, nous avons entendu

23 les soldats diraient que l'on s'attendait à un bombardement de la part des

24 avions du pacte de l'OTAN contre l'armée serbe et les chars, les nôtres ont

25 planifié au cas où cela arriverait d'entreprendre des actions à l'opposé

Page 30685

1 pour récupérer des positions qui avaient été perdues." Donc c'est ce que

2 vous avez entendu dire de la part ou de la bouche des ressortissants de la

3 Bosnie-Herzégovine s'agissant des choses qui allaient arrivées.

4 R. La déclaration est claire et on n'a pas pu mettre à l'intérieur tous

5 les détails. J'ai fait cette déclaration pendant deux ou trois heures.

6 Q. Mais c'est exact.

7 R. Personne n'est venu nous dire qu'il en était ainsi. Nous avons entendu

8 dire cela et c'est --

9 Q. Vous enchaînez ça vous en avez témoigné. Vous dites : "J'ai vu les

10 avions du pacte de l'OTAN survolées et jetées des obus et que ces obus

11 tombaient à côté."

12 R. C'était loin. Je ne pouvais pas voir les obus. Je pouvais voir la fumée

13 des explosions.

14 Q. Mais les bombes vous ne les avez pas vues.

15 R. Mais je ne pouvais pas les voir, c'était loin.

16 Q. Est-ce que vous pouviez les entendre ?

17 R. On entendait les explosions et les explosions des obus d'artillerie. On

18 ne pouvait pas faire la distinction.

19 Q. Mais vous avez été très explicite --

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, ralentissez pour que

21 les interprètes puissent vous suivre.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

23 Q. Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que vous aviez vu cela de vos yeux.

24 R. Oui, j'ai vu la fumée provenant des emplacements où étaient tombées les

25 bombes, mais je n'ai pas vu les bombes elles-mêmes.

Page 30686

1 Q. Descendez un peu plus bas dans le texte, je ne vais pas revenir sur ce

2 que vous avez déjà raconté. Mais à un endroit vous avez dit que la colonne,

3 qui avait été alignée suite à des ordres émanant du commandement de l'armée

4 de la Bosnie-Herzégovine, avait rassemblé là quelques 15 000 personnes. Et

5 en une phrase, vous

6 dites : "Nous avons traversé la ligne des Chetniks," et là vous dites -- je

7 ne pouvais pas lire -- "Buglic" ou --

8 Buljim --

9 Q. Oui, justement. C'est à cet endroit-là que vous avez traversé la ligne

10 des Chetniks. Est-ce que cela signifie que vous avez opéré une percée des

11 lignes de Chetniks et que vous êtes passé

12 --

13 R. En réalité, c'est là qu'à peu près, que se trouvait la ligne de

14 démarcation, mais j'ai dit que l'armée serbe ne s'était pas battue contre

15 les membres de notre armée. Notre armée était déjà passée.

16 Q. Mais vous dites que vous avez traversé la ligne des Chetniks.

17 R. Oui, il y avait des tranchées. Le fait est là que les Chetniks avaient

18 des positions qui se trouvaient là.

19 Q. Et vous dites que vous êtes arrivés à Kamenica appartenant au village

20 Pobudje, municipalité de Bratunac. Et vous dites que vous êtes tombé sur

21 une embuscade des Chetniks, c'est ainsi que ça s'est passé ?

22 R. Quand il y a tant de gens 5 000 ou 2 000 personnes qui sont devant

23 vous, je n'ai pas suivi cela en ayant une vue aérienne.

24 Q. Oui, mais vous avez été clair. Confirmez ce que vous avez fait rédiger

25 ici ?

Page 30687

1 R. Où est-ce que l'on a fait rédiger cela ? Quelle page -- de quelle page

2 êtes-vous en train de parler ?

3 Q. Fin de la première page. Tout se trouve dans la première page. Vous

4 parlez du nombre de personnes qui avaient dans la colonne. Vous dites que

5 vous avez traversé la ligne des Chetniks à tel et tel endroit, et que vous

6 êtes tombé sur une embuscade ?

7 R. Je crois que la déclaration est résumée. Il n'y a pas tous les détails.

8 J'ai fait des déclarations auprès des enquêteurs pendant deux jours. Et ici

9 ça a duré quelques deux heures. Donc cela a été abrégé. Il n'y a pas tous

10 les détails. Qu'est-ce qui n'est pas clair ?

11 Q. Mais je crois que tout est clair. Je crois que vous devriez dire aux

12 Juges si ça s'est passé ainsi ou pas. Il faudrait que vous nous indiquiez

13 aussi le fait suivant, vous avez dit que vous aviez vu 300 à 400 personnes

14 qui avaient été tuées. C'était avant que d'avoir été fait prisonnier vous-

15 même ?

16 R. Laissez-moi vous dire quelque chose avant. Le fait est que les lignes

17 serbes se trouvaient autour de Srebrenica. Nous n'avions pas d'autoroutes

18 pour suivre une autoroute. Et c'est là que se trouvaient ces positions,

19 donc je ne vois rien de contestable. Et il y avait des -- nous avons passé

20 ces lignes. Il y avait des tranchées. Mais l'armée serbe était déjà partie

21 de là.

22 Q. Mais n'avez-vous pas dit tout à l'heure qu'en parlant des gens qui

23 avaient péril, ce que je voudrais savoir c'est si gens ont péril avant que

24 vous n'avez été fait prisonnier vous-même ?

25 R. Oui, en effet.

Page 30688

1 Q. Bien. Autre chose à présent. Dans la déclaration que vous avez faite en

2 date du 12 et 13 août 1995, à savoir, quelques jours seulement après avoir

3 fait ces déclarations, vous avez répondu à des questions des enquêteurs. Et

4 en page 9, vous dites -- dernière phrase, page 9 -- "Par la suite, j'ai vu

5 que j'avais plusieurs blessures au bras droit et au cou, je ne sais pas si

6 ce sont des fragments de balles qui m'ont touchés ou des cailloux." C'est

7 ce que vous avez déclaré ?

8 R. Oui.

9 Q. Et tout à l'heure, en répondant aux questions qui vous avaient été

10 posées par le Procureur, vous dites que vous avez été touché au pied

11 gauche. C'est bien ce que vous avez déclaré ?

12 R. Juste un moment.

13 Q. Et vous avez dit que vous avez été blessé, par la suite, encore deux

14 fois. Mais vous avez parlé du pied gauche.

15 R. Je vais vous expliquer. Un moment. Tout ceci s'est passé dans le

16 courant de la nuit. Ils ont probablement utilisé des munitions en

17 fragmentation. J'ai du côté droit -- dans le droit et dans mon pied gauche,

18 des blessures.

19 Q. Monsieur le Témoin, j'ai beaucoup de considération pour ce que vous

20 avez dit dans votre témoignage. Je voulais expliquer aux Juges qu'il est

21 difficile d'expliquer de plusieurs façons les choses si on ne le fait pas

22 en -- d'une seule et même façon parce que, dans la déclaration que vous

23 avez faite auprès des enquêteurs du Tribunal, et je vous demande de vous

24 référer à la page 3, vous dites que vous avez été blessé par une rafale de

25 Chetniks dans la partie droite de votre poitrine et au bras droit. Comment

Page 30689

1 se peut-il que vous expliquiez d'autant de façons différentes les blessures

2 que vous avez subis ? C'est ce que je voudrais que vous nous expliquiez.

3 R. Juste un moment. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que je prononce

4 la même phrase dans toutes mes déclarations.

5 Q. Merci.

6 R. Je n'ai pas terminé. J'ai été touché par des balles -- par des

7 munitions à fragmentation. On a vu des radios et je sais qu'il y a eu des

8 tirs par rafales, ça je le sais, des munitions à fragmentation ont été

9 utilisées. Et c'est après une fois que les radios ont été faites, que nous

10 avons constaté qu'il s'agissait de munitions à fragmentation.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois que ces

12 trois déclarations, qui ont toutes été traduites en anglais, devraient être

13 versées au dossier parce qu'elles peuvent revêtir de l'importance pour ce

14 qui est de la véracité des dires du témoignage de ce témoin.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suis en train de parler pour moi-même

16 et, en présence de ce témoin pour qu'il l'entende lui-même. Je ne suis pas

17 aidé par les divergences dans différentes versions. Il peut s'avérer de

18 façon -- et qu'après ces événements traumatisants, le témoin ait pu donner

19 une version, puis une autre version, par la suite, quelque peu différente.

20 Je crois que personne ne saurait contester le fait que ce témoin a été

21 blessé. Nous en avons vu des photos le confirmant. Mais nous allons verser

22 au dossier ces déclarations.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges. En deux mots, je vous

24 prie, je voulais juste vous faire la somme de ce que j'ai fait comme

25 travail. Je crois que c'est la façon dont il convient de faire ce travail.

Page 30690

1 Ce sont des choses qu'il convient d'étudier de façon très attentive. J'ai

2 beaucoup de considérations pour les atrocités vécues ou subies par

3 quiconque et nous ne pouvons pas nous attendre à ce les choses soient

4 expliquées d'une façon absolument exacte. Mais ce renseignement, là où on a

5 été blessé, les endroits où on a été blessé, ne peut être relaté de façon,

6 à chaque fois, différente ou divergente, les unes par rapport aux autres.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voulais juste dire, à moins que

8 vous n'ayez l'intention de laisser entendre, que cet événement n'est pas

9 survenu et que ce monsieur, s'il n'a pas été blessé du tout, dites-nous

10 quelle est la finalité de ce contre-interrogatoire pour ce qui est de

11 savoir s'il est blessé au ventre, dans le thorax, du côté gauche ou du côté

12 droit, à moins que vous n'affirmiez que l'événement, en tant que tel, n'a

13 pas eu lieu et qu'il est en train de nous mentir ? Et si c'est le cas,

14 dites-le clairement, devant lui.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, je n'ai pas à

16 vous expliquer, je ne sais combien de fois. Il est certain qu'il vous

17 appartiendra à vous d'en juger.

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Vous devriez pouvoir

19 l'expliquer. Je vais vous interrompre. Est-ce que vous êtes en train de

20 dire au Juge que vous traitez de la question d'une façon que je considère

21 être nécessaire.

22 Mais je crois qu'il n'est point nécessaire de continuer avec cette

23 polémique. Vous avez entendu ce que nous avions à dire et ce type de

24 contre-interrogatoire ne nous aide pas, et pas même M. Milosevic n'a

25 affirmé que le témoin, ici présent, n'ait pas été blessé du tout. Et je ne

Page 30691

1 pense pas qu'il soit convenable que vous laissiez entendre cela pour votre

2 part.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne veux pas polémiquer, mais si, à

4 chaque témoin qui vient ici, il faut a priori accepter tout ce qu'il dit,

5 je crois que le contre-interrogatoire n'est pas nécessaire. Je crois ne pas

6 devoir intervenir. Je vais, pour ma part, confier la tâche à Me Kay. A

7 moins de continuer, je vais continuer comme j'ai fait jusqu'au présent. Je

8 traite des documents. Je souligne les éléments contradictoires qui existent

9 dans les témoignages de ce témoin. Et, si je ne peux pas faire cela, en ma

10 qualité de personne qui a fait cela toute sa vie durant, à l'avenir,

11 j'éviterai de contre-interroger ce type de témoin.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, il n'y a aucune

13 raison pour vous d'être offensé. J'ai, de par le passé, été aidé par votre

14 contre-interrogatoire, mais cela n'a pas été le cas cette fois-ci, et je

15 vous ai expliqué pourquoi.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, les trois

18 déclarations, qui seront versées au dossier, constitueront la pièce à

19 conviction numéro 26.

20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi, vous voulez

21 demander quelque chose ?

22 M. WAESPI : [interprétation] Juste au sujet de ces pièces à conviction, je

23 voudrais dire qu'elles devraient être sous scellés.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr.

25 M. WAESPI : [interprétation] J'ai encore une question à poser au témoin.

Page 30692

1 Nouvel interrogatoire par M. Waespi :

2 Q. M. Milosevic a contesté quelque chose au sujet des dires d'une personne

3 à Sandici, laquelle avait dit qu'elle était de Serbie. Dites-nous,

4 Monsieur, êtes-vous bien certain que c'était là les propos qu'il avait

5 proféré et pourquoi vous êtes sûr qu'il avait dit cela ?

6 R. Vous voulez dire si c'est bien les propos de ce soldat ? C'est bien

7 votre question ?

8 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait là-bas un soldat qui vous a dit et je

9 vous cite, il aurait dit : "Nous sommes venus de Serbie." Or, M. Milosevic

10 vous a posé des questions à ce sujet. Or, je voudrais que vous nous disiez

11 est-ce que c'est bien ce qu'il a dit ?

12 R. Oui, c'est ce que ce soldat a dit. Je vais citer une fois de plus :

13 "Nous sommes de Serbie." Et il a continué à dire que nous allions aller à

14 tel endroit, qu'il ne fallait pas faire ceci et que nous n'allions pas

15 avoir à dîner. Ça, c'est une chose qui m'est restée en mémoire. C'était ces

16 propos.

17 M. WAESPI : [interprétation] Ce sera tout, Monsieur le Président.

18 Questions de la Cour :

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur 1401, vous aviez 17 ans

20 lorsque tout ceci s'est passé. Vous êtes resté sans père, vous avez perdu

21 votre père et je voudrais vous poser la question suivante : comment avez-

22 vous survécu au fil de ces huit ans écoulés ? Qu'est-ce que vous faites

23 maintenant ? Est-ce que ceci a affecté votre éducation ? Comment avez-vous

24 fait pour survivre au cours des huit ans écoulés ?

25 Et je voudrais que nous passions à huis clos partiel.

Page 30693

1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

2 [Audience à huis clos partiel]

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 [Audience publique]

18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur le Témoin 1401, merci d'être

19 venu au Tribunal pour témoigner. Je suis navré et je ne suis pas surpris de

20 voir que ceci ait été une expérience troublante, mais votre témoignage a

21 été donné tel qu'il l'a été vécu. Nous vous sommes reconnaissants d'être

22 venu. Vous pouvez rentrer chez vous à présent, mais attendez avant de

23 sortir que les stores soient baissés.

24 Laissez repartir le témoin.

25 [Le témoin se retire]

Page 30694

1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Une autre question se pose. Depuis peu,

2 en effet, on vient de nous demander que soient consigné au compte rendu

3 d'audience les actes des dernières déclarations écrites de ce témoin.

4 Madame la Greffière, vous pouvez peut-être nous aider sur ce point.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La pièce à

6 conviction de la Chambre numéro 25 sera conservée sous pli scellé. Je le

7 dis pour le compte rendu d'audience. L'intercalaire 1 est la déclaration du

8 témoin, en date du 31 juillet 1995; l'intercalaire 2 est la déclaration,

9 datant du 19 juillet 1995; et l'intercalaire 3, Monsieur le Président,

10 c'est la déclaration, datant du 24 juillet 1995. Toutes seront conservées

11 sous pli scellé.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction de la

13 Chambre numéro 26.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

15 Juge. Effectivement, il s'agit de la pièce de la Chambre numéro 26.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Question suivante. Il s'agit de la

17 discussion sur la recevabilité du livre, dont le général Clark est

18 l'auteur, pièce à conviction 617. Nous disons actuellement, de la façon la

19 plus claire, qu'il soit que ce livre ne sera pas versé au dossier. Et

20 l'intercalaire 4, de la pièce à conviction, ne sera pas versé non plus,

21 donc ni l'intercalaire 3, qui est le livre en tant que tel, ni

22 l'intercalaire 4, n'est admis, pas plus que l'extrait du livre et le

23 tableau où il est question de ce livre.

24 On nous a demandé l'admission de l'article du New Yorker, auquel la Défense

25 a fait référence. Il s'agirait d'une pièce à conviction de la Défense. Elle

Page 30695

1 a été remise, mais il nous faut encore l'examiner avant de nous prononcer

2 sur son sort.

3 M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Nous allons maintenant -- nous

5 allons traiter de cet article après la pause. Vous disposez de cet article,

6 Monsieur Nice, n'est-ce pas ?

7 M. NICE : [interprétation] Oui. Nous l'avons reçu, Monsieur Groome. Nous

8 l'avons, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] C'est l'article dans sa version

10 intégrale. Vous avez peut-être un point de vue à exprimer à ce sujet.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Apparemment, le souhait de verser ce

13 document au dossier a été exprimé, mais peut-être pouvez-vous nous en dire

14 un petit peu plus sur la position du Procureur à cet égard.

15 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, l'extrait auquel je

16 pense, et je pense que cet extrait, que ce passage a été admis, donc versé

17 au dossier. C'est le commentaire du général Hugh Shelton. Il porte sur la

18 crédibilité du témoin et donc va plus loin qu'un élément de preuve courant.

19 Ensuite, il a été question de demander le versement au dossier d'éléments

20 de preuve, qui n'ont qu'un lien très discutable avec la crédibilité du

21 témoin et, dans ce cas, le Procureur déclare que le versement au dossier de

22 ces pièces n'est pas indispensable. Il s'agit de documents qui s'appuient

23 sur des renseignements en notre possession. Il a été dit que le contexte,

24 dans lequel se situent les commentaires du général Shelton, n'est pertinent

25 que, si les Juges, après mûres réflexions, estiment que ces le cas, donc

Page 30696

1 nous pourrons revenir devant vous, si vous le souhaitez ultérieurement.

2 Mais, en tout cas, dans certains éléments de preuve, on s'écarte de plus en

3 plus de la question du comportement de l'accusé, et donc de la crédibilité

4 du témoin.

5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] La seule partie, dont il était question,

6 c'était le commentaire du général Shelton. En page 2, je vois que cet

7 article semble devenir beaucoup plus général dans ce qu'il dit du témoin.

8 Il semble donc qu'il aille beaucoup trop loin, qu'il soit de portée trop

9 vaste.

10 Bien. Ce qui est proposé, c'est d'admettre le passage dont il a été

11 question. Je pense que ceci convient très bien. Il s'agit d'un commentaire

12 que nous avons entendu et nous avons d'ailleurs admis d'autres pièces en

13 réponse à ce commentaire.

14 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons donc admettre ce passage --

16 le paragraphe en question qui porte sur le général, à la retraite, Shelton.

17 Je demande l'enregistrement par le Greffe à des fins d'identification.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, pièce à

19 conviction de la Défense 223.

20 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, sur décision du 23

21 novembre 2003 de la Chambre, les comptes rendus d'audience et pièces à

22 conviction liés à sept témoins, qui ont témoigné devant le Tribunal sur les

23 événements de Sanski Most, ont été versés au dossier sans contre-

24 interrogatoire. L'ordre des comptes rendus expurgés de ces témoins vous a

25 été donné. Les passages qui portent sur la JNA ont été exclus. Donc les

Page 30697

1 comptes rendus expurgés ont été soumis le 1er décembre 2003. Et le

2 Procureur, au stade où il en est actuellement, aimerait demander

3 officiellement le versement au dossier de cette liasse de documents, en

4 application de l'Article 92 bis, pour des témoins de la Chambre.

5 La première liasse est relative au témoin Begic. Il ne s'agit pas d'un

6 témoin protégé, mais il a été évoqué dans les écritures de l'Accusation

7 sous le pseudonyme de B-1042, et puis j'ajoute qu'il s'agit d'une liasse de

8 sept pièces à conviction, dont aucune ne doit être conservée sous pli

9 scellé.

10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cote suivante, je vous prie.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, numéro 622.

12 M. GROOME : [interprétation] Le témoin suivant, Monsieur le Président, est

13 le témoin B-1044. L'Accusation demande le versement au dossier d'une liasse

14 de huit pièces à conviction constituées donc d'intercalaires, et demande

15 que seuls les intercalaires 1, 2, 3, 4, et 7, ainsi que 8, soient conservés

16 sous pli scellé.

17 Il s'agit de comptes rendus d'audience qui étaient déjà conservés sous pli

18 scellé dans d'autres affaires. Le Procureur demande qu'il le soit également

19 dans la présente.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 623, Monsieur le Président,

21 partiellement sous pli scellé.

22 M. GROOME : [interprétation] S'agissant du témoin ---

23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais il

24 y a aussi tous les témoignages sur Sanski Most, n'est-ce pas ?

25 M. GROOME : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

Page 30698

1 S'agissant du témoin B-1088, nous avons un classeur de pièces à conviction

2 séparé par des intercalaires. Et le Procureur en demande le versement au

3 dossier avec conservation sous pli scellé.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 624 conservation sous pli

5 scellé.

6 M. GROOME : [interprétation] S'agissant du témoin suivant, le témoin, Sakib

7 Mujic, qui n'est pas un témoin protégé, mais est mentionné sous le

8 pseudonyme B-1377 dans les écritures du Procureur, nous avons associé à lui

9 ce classeur de trois pièces à conviction, qui peuvent toutes être versées

10 au dossier, en tant que pièce publique.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 625, Monsieur le Président,

12 M. GROOME : [interprétation] Témoin suivant, B-1611, classeur de six pièces

13 à conviction, séparés par des intercalaires. Le Procureur en demande le

14 versement au dossier et la conservation intégrale sous pli scellé.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 626, conservation sous pli

16 scellé.

17 M. GROOME : [interprétation] Témoin suivant, il s'agit d'un certain Besim

18 Islamcevic, qui n'est pas un témoin protégé. Toutes les pièces à ce témoin

19 peuvent être conservées publiquement.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 627.

21 M. GROOME : [interprétation] Enfin, dernier témoin de Sanski Most, le

22 Témoin B-1684, classeur de trois pièces à conviction. Le Procureur exige --

23 ou demande que les intercalaires 1 et 3 soient conservés sous pli scellé.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 628, partiellement sous pli scellé.

25 M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, outre la décision de la

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1 Chambre du 9 décembre 2003, qui déclare que les déclarations de trois

2 témoins sont recevables, en application de l'Article 92 bis (C) du

3 règlement, nous demandons le versement au dossier, en tant que pièces

4 publiques, des pièces suivantes. D'abord, la déclaration d'Ivan Rastija. Ce

5 sont donc des pièces distinctes, Monsieur le Président, dont l'Accusation

6 demande le versement au dossier.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les pièces à conviction d'Ivan Rastija

8 constitueront la pièce 629.

9 M. GROOME : [interprétation] Pièce suivante. La déclaration de Bosko Brkic.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 630, Monsieur le Président.

11 M. GROOME : [interprétation] Et pour finir la déclaration de Stana Albert.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 630.

13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

14 M. NICE : [interprétation] Quelques questions si vous permettez, Monsieur

15 le Président. De la part de la version 7 du calendrier d'audition des

16 témoins. J'aimerais que ce document soit distribué. Il est aussi actuel que

17 possible. Nous devrons réviser l'ordre d'audition de deux témoins que nous

18 n'avons pas pu entendre cette semaine. Les deux premières semaines donc de

19 l'année prochaine si je ne me trompe pas, les débats reprendront le 13,

20 donc les deux premières semaines seront très certainement consacrées à

21 l'audition d'un certain nombre de témoins. Mais il peut y avoir un peu de

22 temps libéré si la demande, la requête aux fins de verser au dossier des

23 déclarations 92 bis sans contre-interrogatoire est acceptée. Et puis les

24 trois dernières semaines seront consacrées à un certain nombre

25 d'ajustements en fonction des glissements qu'il peut y avoir dans la durée

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1 de telles ou telles auditions, comme cela a été le cas le mois dernier.

2 Vous verrez qu'il y a encore des témoins dont les noms n'ont pas été

3 introduits dans le calendrier. Nous reviendrons sur ce point en temps utile

4 au début de l'année prochaine. J'espère qu'en tout cas ce document vous

5 sera utile à défunt de planification.

6 Et puis deuxième document dont je demande la distribution, il se compose de

7 deux feuilles de papier, donc l'un est destiné à tout le monde dans le

8 prétoire et l'autre est un document ex parte. On y voit -- les efforts

9 déployés par l'Accusation pour obtenir un expert en droit constitutionnel

10 dans la partie Kosovo, dans le volet Kosovo du procès. J'aimerais que la

11 première version soit distribuée à chacun dans le prétoire et en tout cas à

12 l'accusé, aux amis de la Chambre.

13 Donc vous voyez que cela correspond tout à fait aux documents qui sont en

14 la possession de l'accusé, mais nous avons ici une version ex parte où

15 simplement les noms sont ajoutés de façon à ce que les Juges puissent se

16 rendre compte que nous n'avons pas pu consulter les experts concernés pour

17 leur demander s'ils souhaitaient que leurs noms soient rendus publics ou

18 pas. En tout cas vous verrez cette liste qui se compose de trois parties.

19 D'abord les experts contactés en ex-Yougoslavie entre septembre et décembre

20 2003. Et puis la troisième partie du document est consacrée à des experts

21 juridiques qui ne se trouvent pas dans l'ex-Yougoslavie, et ensuite l'autre

22 partie du document concerne les contacts que nous avons pu avoir dès le

23 début de l'année 2002.

24 Nous sommes face à un dilemme, à savoir que malgré tous les efforts

25 déployés par nous, nous ne semblons pas aboutir à un résultat satisfaisant.

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1 Les raisons sont stipulées dans le document, dans la colonne Commentaires.

2 Vous m'avez déjà entendu dire qu'apparemment la peur régnait, les motifs

3 ont été évoqués en public, vous les voyez indiquer dans le document.

4 Pour le moment -- nous considérons qu'il existe la possibilité d'obtenir la

5 présence d'une personne, donc d'un expert, mais qui ne vient pas de l'ex-

6 Yougoslavie.

7 Et étant donné l'aspect un peu particulier de la question, nous pensons que

8 la Chambre pourrait gagner beaucoup à entendre un expert de l'ex-

9 Yougoslavie pour traiter de cette question. Donc vous verrez à la lecture

10 de la deuxième feuille que des experts juridiques ont été contactés hors de

11 l'ex-Yougoslavie. Le numéro 5 a exprimé un certain intérêt mais j'insiste

12 il ne vient pas de l'ex-Yougoslavie. Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges, nous avons essayé avec l'autorisation de la Chambre, d'intensifier

14 notre insistance auprès des personnes que nous invitions à venir à la barre

15 en disant que les Juges de la Chambre étaient prêts à émettre une

16 injonction contraignante au cas où aucun témoin ne pourrait être trouvé. Ou

17 peut-être s'il ne s'agissait pas d'une injonction, en tout cas, d'une

18 invitation des Juges à venir apporter l'aide à l'expert pour qu'il vienne

19 leur apporter son aide. Nous ne parlions encore en termes clairs d'une

20 injonction absolue. Nous en sommes donc restés là. Nous avons essayé de

21 trouver une autre solution - et je dis cela avec une certaine difficulté -

22 parce que la Chambre pourrait réexaminer sa position sur l'expert. La

23 question qui se pose est : Est-ce que nous devons entendre quelqu'un qui

24 vient de l'extérieur, de l'ex-Yougoslavie ? Est-ce que cet expert pourra

25 être utile en quoi que ce soit de l'avis des Juges de la Chambre si l'on

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1 tient compte du fait qu'un rapport a déjà été fourni sur cette question et

2 que c'était vraiment un expert qui s'exprimait dans ce rapport.

3 Monsieur le Président, je ne sais pas si vous comprenez bien notre position

4 en ce moment, et si vous avec pu y réfléchir. Nous pourrions y revenir

5 peut-être l'année prochaine. Mais en tout cas, nous avons tenu compte des

6 observations de Monsieur le Juge Robinson, qui a dit que pour que les Juges

7 puissent se faire un jugement pleinement fondé sur des questions aussi

8 pertinentes, il était important d'entendre un expert. Nous savons que c'est

9 important. Nous l'avons bien compris.

10 Il est possible que je sois un peu naïf mais je pourrais présenter la chose

11 sous un angle un peu différent. Peut-être que le lieu d'où vient l'expert

12 n'est pas si important que cela, et que vous souhaitiez entendre quelqu'un

13 d'où qu'il vienne.

14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous poursuivrez vos efforts pour trouver

15 un expert, n'est-ce pas ?

16 M. NICE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Même d'une région située hors de l'ex-

18 Yougoslavie.

19 M. NICE : [interprétation] Même de l'extérieur de l'ex-Yougoslavie. Nous

20 devons encore nous prononcer sur l'opportunité d'inviter ou pas le numéro 5

21 de la deuxième liste à préparer un rapport, mais nous avons des réserves

22 sérieuses à son sujet, c'est-à-dire au sujet de l'audition d'un témoin qui

23 ne serait pas natif de Yougoslavie pour traiter de cette question.

24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je sais que le temps est contre nous,

25 mais nous en parlerons rapidement. Je ne suis pas sûr de bien suivre votre

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1 point de vue.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous pouvons vous dire qu'en tout cas,

4 nous n'avons aucune intention de changer d'avis du côté des Juges.

5 M. NICE : [interprétation] Non, non, bien sûr.

6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donc je pense qu'une partie de votre

7 argument est éliminée d'emblée. Nous n'enlèverons jamais rien à un document

8 qui a été déposé, mais nous aimerions entendre une personne, un expert

9 indépendant même s'il est de la région, d'une région située hors de l'ex-

10 Yougoslavie pour mieux comprendre.

11 M. NICE : [interprétation] Bien. Nous ferons savoir cela au numéro 5.

12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais le temps, bien sûr, est le critère,

13 est un critère très important.

14 M. NICE : [interprétation] Oui, absolument. Et vous verrez que nous avons

15 déployé les efforts extra ordinaires pour régler ce problème difficile.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.

17 M. NICE : [interprétation] Encore quelques petites choses. Je sais que nous

18 n'avons plus qu'une minute.

19 Des documents à case du genre de ceux que nous fournissons périodiquement

20 parmi nos documents informatiques, nous savons que la Chambre aime beaucoup

21 les utiliser. Donc nous avons rajouté des versions actualisées pour chacun

22 qui seront distribuées à la fin de l'année qui devraient répondre aux

23 besoins de chacun. Nous essayons de fournir les documents aux amis de la

24 Chambre également pour présenter une version du document à case croate qui

25 sert de base à certaines dépositions. Je crois comprendre que le travail

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1 est en cours. Nous répondrons à d'autres demandes. Et si possible, nous

2 aimerions fournir une version standard de ce document en janvier, si chacun

3 pense qu'il peut être utile.

4 Il n'y aura pas d'autres rapports en application de l'Article 68. Au

5 départ, on pensait rendre un rapport parce que nous pensions que les

6 éléments de preuve seraient tous présentés mais malheureusement, le dernier

7 rapport en vertu de l'Article 68 n'a pas encore été présenté. Il sera à la

8 fin des éléments de preuve de l'Accusation.

9 Des écoutes téléphoniques annotées de la façon que la Chambre connaît et

10 selon les exigences de la Chambre, nous sommes en cours de travail sur ce

11 point. Nous avons diverses options. L'une consisterait à attendre les

12 écoutes venant de Croatie, attendre que celles-ci soient versées au dossier

13 et que le témoin ait été cité à la barre pour présenter un tableau global.

14 Et une autre solution consisterait à présenter les écoutes téléphoniques

15 disponibles jusqu'à présent à la mi-janvier environ.

16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je préfèrerais la deuxième solution.

17 M. NICE : [interprétation] Fort bien, ça serait fait. Ensuite, ces écoutes

18 vous seront soumises dans un ordre chronologique ou par un thème. Nous

19 verrons, il y en a plus de 200, et nous sommes en train de travailler à

20 établir leur pertinence et vous pourrez donc les regrouper d'une façon qui

21 vous sera utile dans votre travail par la suite.

22 Ceci nous ramène au sujet de l'analyse de ces documents. Vous constaterez

23 sur le calendrier des témoins que nous avons déplacé un témoin en dessous

24 de la ligne de façon à ce qu'il ne figure pas dans le corps du tableau.

25 Donc, c'est un témoin au sujet duquel nous prendrons notre décision, nous

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1 n'avons pas encore pris une décision définitive, car Mme Tromp doit être

2 consultée. Pour l'instant, sa demande a été rejetée par la Chambre mais si

3 à un moment ou à un autre la Chambre pense que cela pourrait l'aider

4 d'entendre une analyste ou les arguments que ceci peut présenter, ceci

5 permettrait peut-être de reprendre le calendrier et de le modifier en

6 accordant le temps qu'il restera à l'audition de ce témoin.

7 Vous avez déjà la liste des pièces à conviction, segmentée, élément par

8 élément. Vous savez combien il y a de pièces. C'est ce que nous souhaitions

9 vous fournir. Ceci a été fait. Nous nous étions engagé à fournir une liste

10 des pièces à conviction que l'Accusation entend produire au cours du

11 procès. Donc, l'enquêteur O'Donnell sera la source d'un certain nombre de

12 pièces. Nous ne voulons pas ennuyer la Chambre, ou l'accusé, ou les amis de

13 la Chambre en exagérant le nombre de documents, le volume qui leur est

14 soumis, mais nous mettrons donc de côté les témoins qui nous semblent moins

15 intéressant. En tout cas, nous vous donnerons des documents de travail qui

16 vous permettront de travailler efficacement, et ce, à partir du début de

17 l'année prochaine.

18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a encore un point

19 important. Le logiciel de tracer des cartes, dans d'autres Chambres il a

20 été utilisé aussi bien par les Juges que par les parties. Je pense qu'une

21 décision collective pourrait être prise quant à leur utilisation. Je pense

22 que le résultat est toujours meilleur lorsque plusieurs personnes

23 réfléchissent à un problème et en définisse les divers éléments, donc la

24 Chambre et les parties peuvent avoir intérêt à intervenir ensemble. Nous

25 avions prévu cela dès le début, vous vous en souviendrez. En tout cas,

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1 Monsieur le Juge Kwon se souviendra peut-être de cela car je pense qu'il

2 est peut-être plus familier avec l'utilisation de ce logiciel.

3 Nous espérions que la liste des questions évoquées dans ce logiciel

4 pourrait être très rapidement établie. Cela n'a pas été le cas, mais nous

5 siégions en janvier et nous vous ferons connaître par voie d'écritures les

6 modifications apportées à la liste.

7 Je ne sais pas si cela est utile. Je ne sais pas si les amis de la Chambre

8 estimeront que c'est utile pour l'accusé ou ses associés. Mais l'accusé est

9 également invité, ainsi que ces associés, par le biais des Juges de la

10 Chambre, a contribué à ce travail. Nous devons dire que nous pensons que

11 cela pourrait être utile pour lui d'identifier un ou deux des points que ce

12 logiciel permet d'identifier qui ne l'ont pas encore été avec les documents

13 que nous avons utilisés jusqu'à présent et que nous lui avons communiqué.

14 Donc, voilà les questions administratives que je tenais à vous soumettre.

15 Avec votre indulgence, je dirais que je souhaitais m'exprimer également sur

16 d'autres questions, mais c'est donc le dernier jour de M. Atahi dans ce

17 prétoire. Il était, hier, présent dans le prétoire également. Je dirai

18 qu'il a été un compagnon de travail merveilleux dans la présente affaire et

19 dans d'autres affaires jugées précédemment où il a travaillé pour les

20 Juges. Je vous informe également que Mme Wee, qui se trouve dans le

21 prétoire aujourd'hui, retourne en Australie et que tout ceux qui

22 connaissent le lot de travail des assistants du Procureur dans les

23 prétoires et qui a vu ce qu'elle a fait depuis trois ans, environ, c'est

24 une contribution importante. Elle a apporté au travail très noble de ce

25 Tribunal.

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1 Je regrette de devoir perdre ces deux collaborateurs et je leur souhaite,

2 je leur fais tous mes meilleurs vœux pour l'avenir.

3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je suis sûr que ces remarques seront

4 reçues avec satisfaction et que les deux personnes concernées les méritent

5 amplement.

6 Nous suspendons jusqu'au mois de janvier.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Jusqu'au 13, un mardi.

8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Jusqu'au mardi, 13 janvier.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 51 et reprendra le mardi 13 janvier

10 2004, à 9 heures 00.

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