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1 Le jeudi 15 janvier 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 LE TÉMOIN: ANTE MARKOVIC [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Markovic, merci d'être revenu
9 pour la poursuite de votre déposition. Inutile de prononcer une fois de
10 plus la déclaration solennelle. Vous l'aviez déjà prononcé auparavant. Il
11 vous reste trois heures de contre-interrogatoire. Nous aurons, bien
12 entendu, les pauses habituelles. Si à un moment quelconque vous souhaitez
13 une courte pause, n'hésitez pas à nous le dire, mais en règle générale,
14 nous avons la première pause après une heure et demie de débat.
15 Je répète, le contre-interrogatoire va durer encore trois heures. Ensuite,
16 il y aura des questions, sans doute, limitées de la part des amis de la
17 Chambre mais aussi de la part du bureau du Procureur. Il faudra, de toute
18 façon, terminer votre déposition aujourd'hui si nous avons bien compris.
19 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je dire quelques
21 mots avant ? Est-ce que cela est habituel ? Est-ce que cela est autorisé ?
22 Je suis resté débiteur à votre égard pour ce qui est d'une réponse à la
23 question qui m'avait été posée, à savoir, à la demande qui m'avait été
24 faite de réfléchir pour savoir où M. Milosevic avait établi son contrôle à
25 l'égard de certaines personnes pour procéder à des modifications de leurs
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1 opinions respectives.
2 Alors, étant donné que je n'ai pas de documentation qui serait une
3 documentation originale, je me suis référé à mes notes et à ma mémoire. Je
4 me suis donc remémoré de certains cas et je voulais vous les présenter.
5 En premier lieu, il s'agissait de M. Ivan Stambolic. Lorsque l'heure est
6 venue que M. Ivan Stambolic soit réélu aux fonctions qui avaient été les
7 siennes, M. Milosevic s'est entretenu avec moi aux fins de faire en sorte
8 que Stambolic ne soit pas proposé à une réélection éventuelle. Je me suis
9 entretenu à ce sujet avec mes collaborateurs au sein du gouvernement qui
10 étaient originaires de Bosnie-Herzégovine, en premier lieu Aco Mitrovic et
11 avec Gacic également. Les deux avaient été d'avis pour dire qu'Ivan
12 Stambolic s'était débrouillé si bien au nouveau travail qui était devenu le
13 sien que les opérateurs économiques le respectaient au plus et estimaient
14 qu'il faisait son travail de la meilleure des façons possible.
15 Une fois que M. Milosevic s'est entretenu avec ces hommes-là et une fois
16 qu'il a envoyé un courrier au Conseil exécutif fédéral, dans ce sens-là, à
17 savoir, aux fins de faire en sorte qu'Ivan Stambolic ne soit pas réélu et
18 pour dire que la Serbie n'était pas d'accord pour que ce soit fait, cela a
19 été signé au nom de M. Milosevic - les deux personnes intéressées ont
20 changé d'opinion et les deux m'ont persuadé ou essayé de convaincre qu'il
21 ne fallait pas permettre la réélection de M. Ivan Stambolic aux fonctions
22 de directeur général de la Banque yougoslave pour le développement et la
23 reconstruction. Indépendamment donc de ce qui a été fait, des pressions
24 exercées, et indépendamment du fait qu'Ivan Gacic ait été la personne qui,
25 à la 8e session du Comité central du parti de la Serbie, avait appuyé Ivan
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1 Stambolic et c'est la raison pour laquelle il a perdu sa fonction de
2 secrétaire générale de la Ligue des communistes de Yougoslavie,
3 indépendamment, donc du fait qu'il ait été ami proche et collaborateur
4 d'Ivan Stambolic, il a estimé qu'il fallait qu'il vote contre sa réélection
5 à ses fonctions de directeur général de cette Banque yougoslave chargé de
6 la coopération internationale, sur le plan économique.
7 Ce sont les exemples qui me sont revenus à la mémoire. Il y en a d'autres,
8 bien sûr, mais je dirais qu'ils ne sont pas de nature à me permettre la
9 présentation de leur exposé.
10 Il y a une chose que je voudrais encore dire.
11 La dernière fois que M. Milosevic, comme il l'a dit lui-même, s'était
12 présenté avec des feuilles jaunies de mon ex-cabinet et il y serait inscrit
13 tout ce que j'avais de fait pendant les trois années que j'ai passées à
14 Belgrade. Et il a dit avec plaisir que M. Markovic était donc censé nous
15 dire où est-ce que nous nous sommes rencontrés dans le courant de ces
16 années-là. J'ai feuilleté mes notes, et heureusement j'ai retrouvé un
17 renseignement disant que nous nous sommes rencontrés à la période que
18 j'avais indiquée auparavant. J'avais précisé que nous nous étions
19 rencontrés trois ou quatre semaines avant que je ne quitte Belgrade. J'ai
20 quitté Belgrade le 21 décembre et la réunion avec Milosevic s'est tenue le
21 21 novembre. Donc, cela correspond aux trois ou quatre semaines que j'avais
22 indiquées.
23 Ce que j'ai établi, également, c'est qu'il y avait eu une autre rencontre
24 avant celle-ci, un mois avant celle que je viens d'indiquer et qui a eu
25 trait de ma part au bombardement du palais du Ban à Zagreb où se trouvait
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1 M. Mesic et moi-même à ce moment-là et avec M. Tudjman. Et j'ai oublié de
2 le mentionner. M. Milosevic peut le vérifier puisque c'est lui qui a ces
3 documents. Moi, je ne les ai pas. Est-ce qu'il est vrai que nous nous
4 sommes réunis et il n'y ait probablement pas dit ce que nous avons discuté
5 mais il est probablement indiqué la date de notre rencontre.
6 Merci de m'avoir donné ce temps.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, merci. Monsieur Milosevic, à vous.
8 LE TÉMOIN: ANTE MARKOVIC [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur May. J'espère que le temps que
11 M. Markovic vient d'utiliser ne sera pas retranché du temps qui m'est
12 habituellement imparti.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le temps imparti à vous commence à
14 présent. Allez-y.
15 Contre-interrogatoire par M. Milosevic : [suite]
16 Q. [interprétation] Continuons. Je n'ai pas compris que ce renseignement
17 au sujet d'une réunion entre vous-même et moi-même, comme vous le précisez
18 le 21 novembre, que vous ayez pu le voir dans cet aperçu de vos
19 obligations. Vous dites que vous l'avez retrouvé dans certaines de vos
20 notes, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Tirons quelque chose au clair. Pour ce qui est de cet aperçu de vos
23 tâches, il n'y a pas de réunion.
24 R. Voyez donc dans vos notes, dans ce papier si le 21 novembre cela est
25 prévu.
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1 Q. Il s'agit de 1991. J'ai remis au Greffe cet aperçu des obligations qui
2 étaient les vôtres.
3 R. Vous ne les avez plus ?
4 Q. Je ne les ai plus. Je leur ai donné l'original et les photocopies ne
5 m'ont pas été restituées malheureusement. Mais cela ne change rien à la
6 chose et j'affirme que nous ne nous sommes pas rencontrés à la fin de
7 l'année.
8 R. Je maintiens que nous nous sommes rencontrés à la fin de l'année, cela
9 peut être vérifié dans ce papier. Je ne sais pas qui est-ce qui dispose de
10 ce document-là, voir, le bureau du Procureur peut-être mais il est facile
11 de vérifier que cette réunion a été fixée avec mon cabinet en date du 21
12 novembre. C'est quatre semaines avant que je ne quitte Belgrade.
13 Q. Bien. Vous êtes venu chez moi ou c'est moi qui suis venu chez vous ?
14 R. Je suis allé chez vous.
15 Q. Bien.
16 R. Je suis allé chez vous et je suis même resté deux heures et demie,
17 peut-être même trois heures.
18 Q. Cela diffère de ce que vous avez dit, parce que vous aviez précisé
19 qu'avant votre départ vous êtes venu un mois avant me voir.
20 R. Cela ne change rien. J'ai signé ma déclaration. Et j'y ai indiqué que
21 j'ai été chez vous trois ou quatre semaines avant que de quitter Belgrade.
22 Q. Bien. Continuons là où nous nous étions arrêtés la dernière fois. A
23 l'occasion de cette brève partie du contre-interrogatoire, nous avions
24 parcouru des faits qu'illustraient votre responsabilité pour la guerre en
25 Slovénie.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, je vous demanderais, Monsieur May,
2 pour ce qui est du sténogramme que nous avons pu voir à l'occasion de notre
3 session précédente, à savoir, celle du 27 août 1991 avec pour début à 11
4 heures. La première page commençant à un numéro ERN que l'interprète n'a
5 pas saisi. Et bien, ce sténogramme où l'on voit clairement la
6 responsabilité de M. Markovic pour la guerre en Slovénie, soit présenté ici
7 en tant qu'élément de preuve ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose à ce
9 sujet-là ?
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Laissez-nous d'abord
11 retrouver le document en question. Est-ce que vous l'avez retrouvé ?
12 Monsieur Nice, pouvez-vous nous aider, je vous prie ? Cela ne semble pas
13 être un document qui aurait été versé déjà. Mais nous avons reçu une copie
14 de la part de la main de l'accusé.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je ne peux pas vous donner cette copie à
16 présent. C'est la copie qui m'a été donnée par la partie adverse, et vous
17 pouvez la demander à la partie adverse. Parce que je voulais me servir de
18 certains éléments dans la poursuite de mon contre-interrogatoire. Et cela
19 n'a rien à voir avec la guerre en Slovénie.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment.
21 M. NICE : [interprétation] Peut-être je vais vous le donner plus tard, car
22 je ne sais si je peux vous le donner tout de suite.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Donnez-nous des détails, Monsieur
24 Milosevic.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la session de la présidence qui
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1 s'est tenue dans une composition élargie, et où il y avait comme personnes
2 présentes, nous autres qui étions représentants de la République, en date
3 du 21 août 1991. Il s'agit d'un sténogramme qui commence, la première page
4 commence avec un 00526082. Et ensuite, cela se termine avec un 6204 [sic].
5 C'est le document que nous avons parcouru la fois passée.
6 Et je voudrais vous rappeler qu'à la page qui est la page 264 [sic] page 6
7 du sténogramme, c'est le 005261037 [sic]. Le président de la Slovénie de
8 l'époque, Milan Kucan donc, dit en répondant à
9 M. Markovic : "Je n'ai à vous convaincre que vous n'allez pas trouver en
10 Slovénie d'autres personnes, y compris les deux personnes qui ont été
11 citées au niveau du gouvernement fédéral, qui reviendront au Conseil
12 exécutif fédéral pour y exercer leur fonction. Le Conseil exécutif fédéral
13 et le gouvernement fédéral." C'est le gouvernement fédéral qui est
14 considéré par la Slovénie comme étant celui qui avait commencé la guerre --
15 qui a commencé la guerre en Slovénie.
16 C'est ce que nous avons d'ailleurs cité auparavant. Et je voudrais en
17 raison des autres citations que je n'ai pas le temps de vous refaire, parce
18 que nous les avons parcourues auparavant. Je demanderais donc que ce
19 document soit versé au dossier comme un élément de preuve. Étant donné que
20 --
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Juste un moment. Chose par chose.
22 Monsieur le Procureur, est-ce que vous pensez pouvoir retrouver ce
23 document ?
24 M. NICE : [interprétation] Nous allons certainement le retrouver. Je ne
25 peux pas le faire tout de suite.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Certainement. Mais vous ne pouvez pas
2 faire de discours de cette longueur. Il faut demander à
3 M. Markovic s'il a des éléments, ou l'opportunité de voir le document pour
4 répondre. Il -- mieux serait peut-être de retrouver le document.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai retrouvé certaines pages, certains
6 numéros de page cités par l'accusé. Et cela se rapporte à pièce à
7 conviction 427, intercalaire 6, peut-être sur le bureau du Procureur,
8 pourrait-il vérifier.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Nous allons le faire. Peut-être
10 allons-nous verser ce document au dossier. Mais auparavant, il convient de
11 vérifier ce qui est dit.
12 Allez-y, Monsieur Markovic. Vous voulez dire quelque chose, n'est-ce pas ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. En tout état de cause, M. Milosevic
14 a extrait un détail de cette genèse des relations qui s'étaient créées à
15 l'époque. Les relations depuis le début de mon arrivée au gouvernement de
16 la Yougoslavie, et par la suite entre la Slovénie et la Croatie, et la
17 Slovénie et la Serbie, entre Milosevic et Kucan notamment, se sont
18 développées de façons très tendues.
19 Aux finales, la Serbie avait bloqué toutes les marchandises qui étaient
20 censées arriver en provenance de Bosnie vers la Serbie. Et avant la guerre,
21 elle avait bloqué toutes les relations économiques.
22 La Serbie a en outre organisé, et quand je dis la Serbie j'entends
23 Milosevic, a organisé le départ d'un groupe très important de personnes
24 très radicales, d'aller en Bosnie pour organiser des meetings d'avènements
25 du peuple de la Slovénie, à empêcher la chose.
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1 Ils ont donc constamment eu des conflits au niveau du Kosovo et de ce qui
2 se passait au Kosovo. Et c'est dans ce contexte-là, si l'on considère les
3 choses dans ce contexte pour ce qui est des événements survenus au moment
4 de la guerre en Slovénie, il apparaît avec clarté qu'il s'agit là d'un
5 aspect marginal de ce qui s'était passé jusque là. Du reste comme pour ce
6 qui s'était passé après cela, une fois que la décision a été prise de
7 retirer l'armée de la Slovénie. Et il convient de dire qui est-ce qui a
8 adopté cette décision, qui est-ce qui était tout de suite d'accord pour que
9 cette décision soit prise. Donc, je voudrais dire qu'il n'est pas vrai du
10 tout de dire que le Conseil exécutif fédéral a pris cette décision. Je
11 parle donc par cœur, parce que je n'ai pas les documents en question sous
12 les yeux. Mais il a été précisé que le secrétariat fédéral à l'Intérieur
13 qui était propriétaire de ces installations, allait organiser la
14 surveillance de ces installations en Slovénie, et que ce faisant, il allait
15 avoir recours à des unités dont disposait l'armée à la frontière. Donc,
16 c'étaient des unités frontalières.
17 Ce qui sorti des soldats en Slovénie, pour ce qui est de cette soi-disant
18 guerre Slovène, ce n'étaient pas des soldats qui étaient dans des casernes
19 frontalières, des postes frontières. Mais c'étaient des soldats qui étaient
20 sortis de leurs casernes, avec des canons, des chars. Par conséquent, c'est
21 quelqu'un d'autre qui prit la décision d'avoir recours à la force
22 militaire, et de faire sortir les soldats des casernes, pour y aller en
23 pleine tenue de combat. Cette décision-là, n'a pas été prise par le Conseil
24 exécutif fédéral. Elle ne pouvait pas être prise par celui-ci. Parce que si
25 cela pouvait être fait, la présidence fédérale n'aurait pas -- ne se serait
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1 pas donné tant de mal, et n'aurait pas tenu nième sessions pour prendre
2 décision d'avoir recours à l'armée. Cela n'a pas été pris comme décision.
3 On a estimé d'ailleurs que la présidence n'était pas capable de fonctionner
4 dans une telle situation. Et c'est la raison en autres, pour laquelle il
5 avait été demandé que cette présidence soit renversée. Et on est même passé
6 par moi pour essayer de renverser cette présidence, pour que j'aie les
7 fonctions, les attributions nécessaires pour faire cela. Et je ne voulais
8 pas. Mais cela m'avait été proposé pour Kadijevic.
9 Donc, ce dont est en train de parler M. Milosevic, pour ce qui est du
10 versement au dossier, je veux bien que ce soit versé. Parce qu'en finale,
11 lorsqu'il s'agissait de prendre des décisions pour ce qui est du retrait de
12 l'armée à partir de la Slovénie, cette décision a été prise en fait par
13 l'armée, par Milosevic et Kucan. Nous autres -- moi je n'avais pas droit de
14 vote à la présidence. Mais les autres membres de la présidence aussi
15 étaient très préoccupés par ce qui se passait. Et l'armée a été transférée
16 à ce moment-là, à partir de là vers la Bosnie-Herzégovine.
17 Je dois être tout à fait clair ici. J'ai été contre le fait que l'armée
18 soit retirée, et je voulais qu'elle soit dispersée le plus possible sur le
19 territoire. Parce qu'il y avait moins de possibilité de procéder à des
20 agressions sur certaines parties, donc, sans procéder à une concentration
21 des effectifs, mais cela n'était pas entre mes mains. Je ne pouvais pas
22 prendre de décisions à cet effet. Il n'y avait, en aucune façon, la
23 possibilité pour le Conseil exécutif fédéral de commander l'armée où que ce
24 soit. C'était les attributions uniquement de la présidence de Yougoslavie.
25 Alors de là à savoir avec qui Kadijevic, avec la présidence de la
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1 Yougoslavie, avait convenu pour faire en sorte que l'armée sorte des
2 casernes avec les chars mais officiellement cela n'a été publié nulle part.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Markovic, c'est précisément de cela qu'il s'agit. Pas même le
5 président de la présidence, M. Jovic, et la présidence ayant les
6 attributions afférentes à l'armée, n'avaient connaissance de votre
7 intervention en Slovénie. Par conséquent, ce que vous êtes en train de nous
8 relater aussi extensive et de façon tout à fait inutile est une
9 contrevérité, pure et simple. Et pour vous le démontrer, je vais vous citer
10 vous-même partant du même sténogramme dont j'ai parlé, je vais vous citer
11 vous, en personne. Il s'agit de la page 247 et cela porte le numéro ERN où
12 vous dites, le numéro ERN se terminant par 6140, et vous défendant des
13 accusations en disant que vous avez occasionné cette guerre en Slovénie et
14 je crois qu'il est même fait citation de votre décision. Vous dites vous-
15 même : "Le Conseil exécutif fédéral a décidé de l'exécution des
16 dispositions fédérales pour ce qui est du maintien des frontières fédérales
17 en Slovénie, " et cetera.
18 Et vous dites : "Qu'il s'agit de procéder à la réalisation, à l'application
19 de dispositions fédérales par les bons soins du secrétariat fédéral à
20 l'Intérieur. Et ce secrétariat fédéral à l'Intérieur établira une
21 coopération directe avec le secrétariat fédéral à la Défense pour procéder
22 à l'engagement des unités frontalières de la JNA pour sécuriser la
23 frontière de l'état et les passages frontières ainsi que les habitations,
24 les agglomérations dans le secteur frontalier."
25 Donc, votre décision à donner obligation à deux ministères fédéraux,
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1 l'Intérieur et la Défense nationale, d'intervenir en Slovénie, personne
2 d'autre n'avait été informé de la chose, y compris la présidence de la
3 RSFY.
4 R. Cela ne s'est pas passé ainsi. Vous avez bien donné lecture de cette
5 partie-là, de ce segment-là. La police yougoslave était censée s'assurer la
6 coopération des unités frontalières, celle qui était donc chargée de la
7 garde des postes frontières. Celle-là ne dispose ni de canons, ni de chars
8 et elle ne dispose que d'armes légères. Donc, c'est avec eux, avec ces
9 unités-là qu'ils étaient censés le faire.
10 Mais cela ne s'est pas fait du tout. Ni la police ni les unités
11 frontalières ont pris part. Ceux qui ont pris part à la chose, c'étaient
12 des chars et des canons et des unités qui étaient sorties de leurs
13 garnisons. Il est même arrivé des unités de Croatie, des unités qui se
14 trouvaient en Istrie, des unités qui se trouvaient à proximité de Zagreb.
15 Par conséquent, quelqu'un a forcément dû prendre cette décision. Il ne
16 s'agissait pas d'unités frontalières mais d'unités militaires originaires
17 de plusieurs garnisons. Nous savons que certains généraux avaient eu des
18 problèmes parce qu'ils avaient fait sortir des soldats et les ont fait
19 traverser 200 kilomètres pour les acheminer vers la Slovénie. Et excusez-
20 moi de le dire, mais cela n'a pas pu être pris comme décision par qui que
21 ce soit d'autre que si ce n'est que ceux qui avaient pleinement exercé le
22 contrôle sur l'armée. Et le plein contrôle de l'armée, c'était vous qui
23 l'aviez assumé, M. Milosevic.
24 Q. Ce n'est pas exact, Monsieur Ante Markovic. C'est vous qui étiez
25 premier ministre. C'est vous qui aviez passé sous votre contrôle, l'armée.
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1 Et pour ce qui est des communications avec le sommet militaire dans la
2 revue des obligations qui étaient les vôtres, il est facile de voir à
3 combien de reprises durant cette année 1991, vous avez eu des réunions avec
4 le commandement militaire et le commandement de la police et vous êtes
5 intervenu en votre qualité de personne qui avait les attributions de
6 l'affaire en votre qualité de président de ce gouvernement fédéral, de
7 premier ministre.
8 Donc, s'agissant de ce que vous avez dit au sujet des relations que
9 j'avais, à des relations tendues que j'avais eues --
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Un instant, je vous prie. Le témoin doit
11 avoir la possibilité de répondre à ces points très importants qui viennent
12 d'être avancés. Le témoin doit avoir la possibilité de réagir à ces
13 allégations.
14 Monsieur Markovic, vous avez entendu ce que dit l'accusé. Vous voulez peut-
15 être y répondre même brièvement.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, je ne dispose pas de tous les
17 documents dont dispose M. Milosevic, car je suis en ce moment dans une
18 position très infériorisée. Je n'ai pas accès à certains documents. Mais
19 une chose doit être tout à fait claire.
20 Si le gouvernement veut prendre une décision relative à l'emploi de
21 l'armée, il n'est pas nécessaire d'obtenir de nombreuses sessions du
22 gouvernement de la Yougoslavie et de faire votes des représentants de la
23 présidence sur l'emploi de l'armée destinée à apaiser la situation dans le
24 pays. La présidence discutait de très nombreuses reprises, y compris à huis
25 clos, au sujet de ce problème de l'état major et si le gouvernement avait
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1 pu décider sur ce point, personne ne se serait ennuyé en convoquant la
2 présidence. Donc, ceci est un mensonge pur et simple.
3 Nous n'avons pas eu la moindre chance dans toute cette affaire. Nous
4 n'avions aucune communication avec l'armée. S'il y avait eu communication
5 entre le gouvernement et l'armée, et notamment, le général Kadijevic qui
6 était responsable de l'armée et responsable devant le gouvernement, les
7 choses se seraient passées différemment, mais en réalité, en tant que chef
8 de l'armée, il était totalement soumis à la présidence. Le Conseil exécutif
9 fédéral n'avait rien à voir avec tout cela.
10 Je répète, et vous pouvez le vérifier des les documents originaux que la
11 seule fonction du général Kadijevic dans ce cas précis, c'est-à-dire du
12 chef de l'armée, consistait à appartenir à l'armée du point de vue de la
13 gestion financière administrative de celle-ci. Le gouvernement fédéral
14 n'avait aucune autre compétence particulière par rapport à l'armée.
15 Je dis, je répète que s'agissant de la Slovénie, les unités qui étaient
16 dans leurs casernes avec des canons, des chars et d'autres matériels sont
17 intervenues, y compris des unités venant des alentours de Zagreb et de la
18 Croatie. Quant au libellé de la décision du gouvernement fédéral, il
19 consiste à indiquer que des unités étaient déjà stationnées à la frontière
20 et que ce sont ces unités qui devaient être utilisées en même temps que la
21 police qui se servirait d'armes légères mais rien de tout cela a été mis en
22 œuvre. Que s'est-il passé ?
23 En mars 1990, des personnes en très grand nombre sont descendues dans la
24 rue pour formuler des menaces, les manifestants étaient plus de 100 000
25 contre M. Milosevic dans les rues, alors, qui est-ce qui a décidé cela ?
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1 Qui est-ce qui a décidé de lancer des chars pour arrêter ces manifestants ?
2 Qui pouvait prendre une telle décision de sanctions ? Les choses se sont
3 passées comme elles se sont passées ce qui a été fait une invasion. Qui
4 aurait pu permettre une telle invasion ?
5 Bien sûr, officiellement, M. Milosevic n'était pas en mesure de prendre une
6 telle mesure mais en réalité, il l'a prise. C'est lui qui est derrière tout
7 cela, il est derrière tout ce qui s'est passé à Sarajevo.
8 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Veuillez nous aider sur ce point de façon
9 à ce que les choses soient tout à fait claires. Et je vous demanderais de
10 bien vouloir répondre le plus brièvement possible.
11 Est-ce que vous aviez la moindre capacité de contrôle sur l'armée ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, aucune.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous aviez des communications
14 directes avec l'armée ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai dit que sur le plan administratif et
16 financier, j'avais des contacts avec l'armée. Mais sur tous les autres
17 plans, celle-ci était sous le commandement de la présidence de la
18 Yougoslavie.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Est-ce que vous étiez en mesure de faire
20 faire quoi que ce soit à l'armée ou de lui demander de faire quelque
21 chose ? Est-ce que l'armée aurait été prête à obtempérer ? Est-ce que vous
22 aviez le moindre contrôle sur l'armée ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Mon Dieu bien sûr que non.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Markovic, ce que vous
25 dites, peut-il trouver confirmation dans le système constitutionnel du
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1 pays ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Totalement. C'est tout à fait conforme à ce
3 que prévoie le système constitutionnel, et c'est tout à fait logique.
4 L'armée est financée par le budget yougoslave. Le budget yougoslave est
5 sous le contrôle du Conseil exécutif fédéral, et une rubrique du budget
6 concerne l'armée. Et c'est à ce niveau que se situe dans les faits le seul
7 rapport entre l'armée et le Conseil exécutif fédéral.
8 Il n'y avait aucune communication entre le gouvernement et l'armée
9 s'agissant des effectifs militaires de leur déplacement, de l'endroit où
10 ces effectifs étaient stationnés, ou déployés. Tout ce qui concernait dans
11 les faits l'emploi de la force armée, relevait exclusivement des décisions
12 du gouvernement yougoslave. Et la présidence yougoslave a tenu un très
13 grand nombre de réunions pour décider s'il convenait ou pas de faire appel
14 à l'armée.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout ceci est écrit dans la
16 constitution, n'est-ce pas ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout absolument tout.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Markovic, c'est précisément là que se situe le problème. Il
20 n'est pas contesté n'est-ce pas, que la constitution prévoit que seule la
21 présidence yougoslave est en mesure de donner des ordres à l'armée. Mais
22 ici, ce dont nous parlons, c'est-à-dire, dans l'exemple de la guerre en
23 Slovénie, dont Kucan lui-même affirme qu'il en a été -- que celle-ci a été
24 causée par le Conseil exécutif fédéral. Il est manifeste que vous avez
25 abusé et usurpé de la fonction de premier ministre de Yougoslavie, en
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1 outrepassant les dispositions de la constitution. Parce que vous citez
2 vous-même, votre décision qui se trouve dans ce PV page 14 de réunions, où
3 on lit ce qui suit : "Dans la mise en œuvre de cette décision, le Conseil
4 exécutif fédéral va apporter sa coopération immédiate et directe au
5 ministre fédéral de la défense nationale, afin d'engager toutes unités
6 frontalières de la JNA."
7 Par conséquent, avec cette décision du gouvernement, vous engagez
8 directement le ministère de la Défense nationale, ainsi que le ministère de
9 l'Intérieur. Et vous ne les engagez pas sur un plan financier ou
10 administratif comme vous vous efforcez de le prétendre aujourd'hui, mais
11 bien au contraire. Vous parlez de l'emploi des unités de la JNA pour mettre
12 en œuvre cette décision qui est votre décision.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Donc, le fait que la constitution dise --
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le témoin doit avoir la possibilité de
17 répondre.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je vous prierais de ne pas couper
19 mon micro avant que j'aie terminé une phrase. Parce que ce que je disais --
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non. Je couperai votre micro chaque
21 fois j'aurai le sentiment que vous abusez -- que vous faites un mauvais
22 usage de ce micro. Notamment, en formulant des questions beaucoup trop
23 longues qui ne permettent pas au témoin de répondre. Le témoin doit avoir
24 la possibilité de répondre à vos questions.
25 Monsieur Markovic, vous avez la parole.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, vous devriez répéter ce que
2 j'ai déjà dit, à savoir que dans le PV de réunions, il est indiqué que j'ai
3 dit que la police qui est totalement compétente pour le faire, compte tenu
4 des compétences qui lui sont octroyées par le Conseil exécutif fédéral; et
5 bien, la police peut donc intervenir à la frontière slovène au nom du
6 gouvernement fédéral pour réaffirmer, réinstaurer le contrôle exercé par le
7 gouvernement fédéral dans un pays qui est toujours un pays unifié. Et
8 lorsque la police a fait son travail à la frontière, elle était autorisée à
9 utiliser certaines unités de l'armée pour ce faire, qui sont normalement
10 déployées dans le cadre de telles interventions.
11 Il n'a pas été fait mention d'engager des unités de l'armée à la frontière.
12 Mais ce qui est écrit, c'est que les unités stationnées à la frontière
13 auraient pu faire leur travail. Or, cela ne s'est pas fait parce que la
14 police n'est jamais parvenue à la frontière, et n'a pas eu la possibilité
15 de faire jonction avec les unités militaires stationnées à la frontière. Ce
16 qui s'est passé, c'est que l'armée est sortie de ses casernes et de ses
17 garnisons. Par ailleurs, certaines unités de Croatie ont été déplacées avec
18 des chars, et y compris un soutien aérien. Quelqu'un donc a pris une
19 décision à ce sujet. Qui a pris cette décision ? Je n'en sais rien. Je n'ai
20 même pas su ce qui s'est passé, parce qu'à 4 heures du matin, lorsque tout
21 ceci a eu lieu, j'ai été réveillé par Milan Kucan qui m'a appelé au
22 téléphone et m'a dit : "Des chars sont en train de faire mouvement sur le
23 territoire de la Slovénie." J'ai répondu : "C'est impossible. Pourquoi est-
24 ce que tu n'as pas appelé la présidence ?" Et Kucan m'a répliqué : "Je ne
25 peux pas atteindre la présidence au téléphone. Je ne peux parler à ses
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1 représentants. Je ne parviens plus d'ailleurs à trouver un langage commun
2 avec les représentants de la présidence. Mais je te demanderais d'essayer
3 de me mettre en rapport avec l'armée." Et ensuite, j'ai essayé de parler
4 avec Kadijevic.
5 Mais je dois ajouter une chose. Quelques jours plus tard, j'ai atterri en
6 avion avec quelques-uns de mes collaborateurs. Parce que tous, y compris
7 Mesic qui présidait la présidence, et le ministre des Affaires étrangères
8 qui était un représentant de Croatie, et qui m'a rencontré à l'aéroport, me
9 suppliait de ne pas aller à Ljubljana, disant que je serais arrêté si j'y
10 allais, et peut-être même tué. Cependant, je suis tout de même aller en
11 Slovénie pour mettre un terme à cette guerre insensée. Et je pense que j'ai
12 réussi à le faire.
13 Qui plus est, lorsque l'armée a pris la décision de bombarder Ljubljana,
14 j'ai appelé Kadijevic et je lui ai dit : "Il vous faudra dans ce cas, jeter
15 une bombe sur le ministre également, parce que je me rends à Ljubljana. "
16 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais intervenir sur
17 un ou deux points. Le pièce à conviction que l'accusé est en train
18 d'évoquer est la pièce 427, intercalaire 6. Effectivement, nous l'avons
19 examiné la dernière fois. Et je sais que je ne vous ai pas expliqué le
20 problème à l'époque. Mais le problème, c'est que ce document n'a été
21 traduit en anglais qu'en partie.
22 Les sujets dont traite l'accusé en ce moment, et qui ont été évoqués par
23 lui la dernière fois en effet, ont un rapport avec cette pièce à
24 conviction. Et si l'interrogatoire se -- il serait peut-être bon que
25 l'interrogatoire se termine sur une mise en garde de votre part, Monsieur
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1 le Président, à l'égard de l'accusé, concernant à lui dire que nous ne nous
2 occupions pas directement de la Slovénie, et qu'il pourrait peut-être
3 revenir à d'autres sujets. Car nous nous sommes arrêtés dans l'examen de
4 cette pièce à conviction, au point où nous en sommes arrivés aujourd'hui.
5 Et ce document n'est toujours que partiellement traduit en anglais. Et je
6 parle de la pièce à conviction 427, intercalaire 6.
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous sommes -- nous avons apparemment,
8 nous sommes apparemment allés un peu plus loin que cela. Merci de votre
9 aide les uns et les autres. Passons à autre chose.
10 Monsieur Milosevic vous avez la parole.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur Markovic, vous avez parlé d'armes lourdes, de tanks, et
13 d'autres armes lourdes. En quel endroit en Slovénie, la JNA
14 a-t-elle utilisé des chars ou de l'artillerie ? Quand est-ce que des chars
15 ou de l'artillerie ont servi à détruire ou à tuer, en Slovénie ? Pouvez-
16 vous citer un exemple précis de ce genre de chose ?
17 R. Je sais que plusieurs exemples de cela se sont produits. Il y a même
18 des photographies d'une unité blindée, qui se déplace dans les rues de
19 Slovénie. Des unités blindées accompagnées de canons et d'autres armes ont
20 encerclé l'aéroport de Ljubljana. Et il y en a eu également dans d'autres
21 villes. Alors que je me dirigeais vers Ljubljana --
22 Q. Monsieur Markovic, pourriez-vous être plus bref dans votre réponse.
23 L'aéroport de Ljubljana était un passage frontière, n'est-ce pas ? Et donc,
24 s'occuper de l'aéroport était conforme à votre décision, n'est-ce pas ?
25 R. Non.
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1 Q. Donc, il n'était pas question de s'emparer d'un passage frontière, le
2 seul aéroport de Slovénie se trouve à la frontière, il fallait simplement
3 le neutraliser. Et ceci s'est fait ailleurs également. C'est ce que vous
4 êtes en train de dire. Est-ce que quelqu'un a tiré à partir de ces chars ?
5 C'est ma question.
6 R. Oui. Ces chars ont servi à tirer. Il y a eu des morts, des victimes.
7 Pas beaucoup, mais il y en a eu.
8 Par ailleurs, lorsque je suis arrivé en Slovénie, j'ai trouvé un grand
9 nombre de jeunes conscrits dans des unités de blindés qui étaient
10 totalement sans préparation à se battre, qu'il n'avait ni eau ni vivre, qui
11 ne disposaient pas des fournitures de base, à savoir donc, de l'eau ou des
12 aliments et qui ne pouvaient absolument pas agir. C'étaient des jeunes gens
13 qui étaient totalement abandonnés. Et j'ai organisé tout ce qu'il fallait
14 pour qu'on leur livre de l'eau et des vivres.
15 Et à ce moment-là, je suis resté sur place un jour et une nuit. J'étais
16 accompagné d'un certain nombre de personnes, je n'étais pas seul, bien sûr.
17 Et j'ai essayé d'arrêter la guerre et de sauver toutes ces personnes et mes
18 efforts ont abouti à un résultat satisfaisant, un grand succès en fait.
19 Q. Monsieur Markovic, cette malheureuse guerre en Slovénie a été le
20 résultat de vos actions. Ceci est écrit noir sur blanc dans les décisions
21 prises par vous. Je ne vais pas vous poser de questions portant sur la
22 prétendue querelle que j'aurais eu avec Kucan. Je n'en ai jamais eu avec
23 Kucan.
24 Par exemple, dans ce même PV de réunion où on interroge Kucan, en page 243,
25 numéro ERN qui se termine par 521636, il dit, je cite : "Je ne suis pas
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1 responsable devant le premier ministre," il parle de vous, là, "qui
2 maintenant qu'il a perdu la guerre," lorsqu'il dit "il", il parle encore de
3 vous, je reprends la citation, "souhaite obtenir des succès dans toutes ses
4 actions." Ceci est en réponse au fait que vous avez préconisé l'adoption
5 d'un programme déterminé.
6 Et il dit, par ailleurs, je cite : "Trois propositions ont été faites avec
7 argumentation à l'appui," il indique qu'il donne son accord personnel à la
8 proposition de plan économique présentée par Slobodan Milosevic, et cetera.
9 Donc tout ce qui se passait à partir du début de cette malheureuse guerre,
10 lorsque le président de la Slovénie s'adresse à vous, c'est qu'il vous dit
11 ce qui a été fait en Slovénie. Il vous dit que chacun en Slovénie sait que
12 c'est vous qui avez provoqué la guerre. Quant aux diverses propositions qui
13 sont faites, il est d'accord avec celles que j'ai mentionnées et pas avec
14 votre proposition. Alors comment est-ce que cela correspond avec votre
15 histoire ?
16 R. Cela correspond de façon très simple. C'est M. Milosevic qui ferait
17 bien de répondre lui-même à cette question : Qu'est-ce qui s'était passé
18 avant ? Il est vrai que M. Milosevic a bloqué les transactions commerciales
19 entre la Slovénie et la Serbie. Est-il vrai que M. Milosevic avait coupé
20 toutes les relations économiques de la Slovénie avec l'extérieur dès 1990 ?
21 Est-il vrai également que M. Milosevic maintenait des relations avec la
22 Slovénie dans d'autres domaines, relations qui s'étaient considérablement
23 dégradées au sujet du Kosovo ?
24 Lorsque certaines unités sont arrivées de Slovénie, en fait, ce qui s'est
25 passé, c'est que les gens de Slovénie refusaient de se rendre au Kosovo.
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1 Comment est-ce que M. Milosevic a réussi à faire tout cela ?
2 Les choses se résument à quelque chose de très simple. M. Milosevic a
3 continué à maintenir des relations permanentes avec la Slovénie, relations
4 qui étaient très dégradées, très mauvaises car tous ses efforts avaient
5 pour but de pousser la Slovénie hors de la Yougoslavie sur des bases très
6 concrètes. Comment M. Milosevic peut-il expliquer cela ? Pourquoi M.
7 Milosevic a-t-il été d'accord si rapidement pour que l'armée sorte de
8 Slovénie alors qu'il n'y avait aucun document officiel qui le permettait ?
9 Q. Monsieur Markovic, si possible, nous essayerons de perdre un peu moins
10 de temps. En effet, M. May ne va pas vous demander de parler moins
11 longuement en ne faisant pas de discours. Mais puisque nous en sommes --
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez fort bien que nous avons
13 entendu déjà plus de 200 témoins, 285 en fait si je ne m'abuse qui ont reçu
14 un temps de contre-interrogatoire très long. Donc, il n'est pas juste que
15 vous critiquiez le témoin de cette façon.
16 Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May. Je pense que
18 l'importance de la protection que vous proposez au témoin est aujourd'hui
19 un fait de notoriété publique.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur Markovic, compte tenu de votre décision, celle que j'ai déjà
22 citée en citant des passages d'un PV de réunion, et que vous avez cité
23 également, comment pouvez-vous dire sur cette base que si l'on parle des
24 événements de Slovénie qui ont eu lieu sur la base de votre décision, vous
25 en auriez entendu parler uniquement de la bouche de Kucan et que vous n'en
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1 auriez rien su auparavant. C'est vous qui avez pris une décision. Votre
2 décision était en train d'être appliquée et vous prétendez vous étonner de
3 la mise en œuvre de cette décision alors que la personne dont dépendait
4 cette décision, c'est vous en personne. Est-ce qu'il y a la moindre logique
5 dans tout cela, Monsieur Markovic ?
6 R. Oui, il y en a. S'il est exact que j'ai dit ce que j'ai dit il y a
7 quelques instants, à savoir que le Conseil exécutif fédéral était
8 l'instance qui a pris cette décision, quelqu'un l'a prise, n'est-ce pas ?
9 Ça, c'est une réalité. Quelqu'un a bien dû prendre cette décision.
10 Quant à savoir dans quelle mesure vous étiez impliqué, je ne saurais le
11 dire, mais votre relation avec le général Kadijevic est bien connue. A
12 l'époque, il faisait déjà tout en accord avec vous.
13 Q. Ceci n'est pas vrai.
14 R. Le réel auteur de ces actes n'est pas ici. Le réel auteur de ces actes
15 n'est pas ici, n'est pas à la place que j'occupe. Le réel auteur est à la
16 place que vous occupez. Qui est-ce qui souhaitait discréditer le premier
17 fédéral qui était la seule personne ayant une certaine réputation positive
18 et encore quelque soutien dans le monde occidental ? C'était une chance
19 inespérée de le discréditer. Donc, c'est bien M. Milosevic qui est
20 responsable de tout cela. Il a fait cela par l'intermédiaire de M.
21 Kadijevic. Et ceci est en rapport avec les conclusions du Conseil exécutif
22 fédéral qui savait que les frontières pouvaient être protégées par la
23 police et qu'une unité d'hommes stationnés à la frontière pouvait apporter
24 son aide.
25 En fait, ce qui s'est passé, c'est une invasion de la Slovénie par les
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1 troupes qui étaient dans les casernes et ces troupes sont arrivées en
2 Slovénie, ont commencé à marcher sur les routes slovènes, ont même levé des
3 obstacles sur les routes. Et il y a eu des coups de feu échangés.
4 Malheureusement, peu de personnes ont été tués pour autant que je m'en
5 souvienne. Il y a eu 48 victimes au total mais pour moi, dès lors qu'un
6 seul homme perd la vie, c'est déjà un acte impardonnable. Aucun objectif ne
7 peut justifier ou expliquer la disparition ne serait-ce que d'une seule
8 victime.
9 Q. Monsieur Markovic, malheureusement des dizaines de soldats ont été tués
10 et il s'agissait, comme vous venez de le dire, de soldats tout à fait
11 innocents. Ils ont été tués dans la mise en œuvre de votre décision. Si
12 vous aviez souhaité vous discréditer vous-même en prenant cette décision,
13 je ne sais pas comment on peut établir un quelconque lien entre cette
14 décision et une autre personne que vous-même. Vous étiez président du
15 Conseil exécutif fédéral et chef de l'exécutif à l'époque où existait la
16 République fédérale socialiste de Yougoslavie, n'est-ce pas ?
17 R. Je dois répéter que ceci n'a rien à voir avec la réalité. Si quiconque
18 lit cette décision prise par le Conseil exécutif fédéral verra qu'elle
19 porte uniquement sur l'emploi de la police, et le recours aux unités
20 stationnées à la frontière, dont les effectifs étaient très peu nombreux.
21 Et il convient de se demander qui a ordonné à des chars et à des canons
22 d'arriver sur place ? Qui a ordonné l'ouverture des casernes ? Qui a
23 ordonné à l'armée de marcher à travers la Croatie jusqu'à la Slovénie ? Qui
24 donc ?
25 Lorsque M. Kucan m'a appelé, je n'avais aucune idée de ce qui se passait.
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1 Et après cela j'ai eu des conversations à ce sujet avec des membres du
2 gouvernement. J'ai également parlé de cela avec Veljko Kadijevic qui avait
3 également été attaqué lors d'une rencontre du gouvernement. On lui avait
4 dit qu'il agissait en dehors des ordres et sans autorisation. Mais qui lui
5 a permis de faire cela ? Il a répondu à cette question en disant qu'il
6 était de son devoir de défendre les frontières de la Yougoslavie, et que
7 personne ne pouvait lui dire ce qu'il devait faire à ce sujet.
8 Et la question que je pose c'est pourquoi il n'a pas agi de même ailleurs ?
9 Pourquoi a-t-il demandé l'agrément de toute la présidence. Donc quelqu'un
10 s'était bien mis d'accord avec lui pour cette intervention particulière.
11 Q. Et bien ou c'était vous.
12 R. Dieu me pardonne. Comment est-ce que cela aurait pu être moi ? A la
13 réunion du Conseil exécutif fédéral, il y a eu un débat public. Il s'est
14 exprimé à ce sujet et lui, ce n'est en aucun cas moi.
15 Q. Lorsque vous avez vu les conséquences de vos décisions, bien sûr vous
16 avez critiqué les conséquences d'une décision qu'en fait vous aviez prise
17 vous-même. Mais établissons certains faits, si cela est possible, Monsieur
18 Markovic.
19 Est-il exact que le 4 juillet 1991, un cessez-le-feu a été déclaré, et
20 qu'une décision a été prise, entre autres, de retourner à l'état de chose
21 initiale, c'est-à-dire de lever le siège des casernes de la JNA, de libérer
22 donc ces unités, de rendre ces moyens économiques à la JNA, de rétablir les
23 communications, de libérer les prisonniers ? Et qu'en dépit de tout cela,
24 les membres de la présidence de Macédoine, de Bosnie, Tupurkovski et
25 Bogicevic ont été chargés de mettre en œuvre cette décision, mais en dépit
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1 de tout cela vous avez donné votre accord pour que la direction de la
2 Slovénie n'applique cette décision dans la pratique, en tout cas la plupart
3 de ces décisions que je viens de citer. Vous souvenez-vous de cela ?
4 R. Je me souviens de cela mais je me souviens également que la présidence
5 yougoslave et vous-même, Monsieur Milosevic, aviez participé également à
6 cette réunion dont vous parlez, et Drnovsek y était présent également. Et
7 qu'à cette réunion il a été décidé que toutes les troupes de la Slovénie
8 devaient être transférées en Bosnie-Herzégovine sur la base d'un accord et
9 lorsque je dis toutes les troupes, cela implique également le matériel.
10 Q. Essayons d'accélérer un petit peu. Nous y viendrons à tout cela, mais
11 examinons un autre point maintenant, si vous le voulez bien. Vous souvenez-
12 vous d'autre chose ? Vous souvenez-vous qu'après -- que trois jours après
13 une réunion s'est tenue à Brioni. Je n'ai pas participé à cette réunion,
14 mais vous y étiez. Cette réunion s'est tenue en présence de trois ministres
15 de la Communauté européenne de l'époque, et une déclaration commune a été
16 signée qui stipule, entre autres, que les peuples de Yougoslavie sont les
17 seuls aptes à décider de leur avenir. Donc ceux ne sont pas les républiques
18 de la Yougoslavie mais les peuples de la Yougoslavie qui étaient censés
19 décider de leur avenir, et l'accord conclu à cette réunion a consisté à
20 décider de tenir des négociations. Dans cette déclaration, il est stipulé
21 que des mesures unilatérales ne doivent pas être prises, n'est-ce pas ?
22 R. Lors de cette réunion à laquelle vous faites référence, sur la base de
23 la proposition du Conseil exécutif fédéral que j'avais rédigé, une
24 proposition a été faite d'organiser un moratoire de trois mois. Dans la
25 réalité, ma première proposition proposait un moratoire de six mois.
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1 Cependant, on a estimé que cette proposition ne serait pas acceptée donc
2 nous avons réduit la durée du moratoire à trois mois.
3 Et durant ces trois mois nous étions censés appliquer toutes les décisions
4 que vous venez d'évoquer, Monsieur Milosevic. Ce moratoire de trois mois
5 devait nous donner la possibilité et donner la possibilité au pays de
6 résoudre ces problèmes sans recours à la guerre.
7 En fait, cette réunion que vous venez d'évoquer s'est tenue un mois après
8 la proposition faite par le Conseil fédéral exécutif, une proposition que
9 prévoyait le fonctionnement du pays pendant la durée du moratoire, et c'est
10 sur cette base que les débats se sont déroulés. Quant aux frontières, elles
11 ont été disputées dans ce cadre ainsi que le retrait des unités qui s'y
12 trouvaient.
13 En fait, le cœur de la proposition allait beaucoup plus loin que cela. Ce
14 qui était prévu c'était de ramener le pays à la situation existant par le
15 passé, à savoir, avant que certains représentants aient quitté l'assemblée,
16 donc il fallait que ces représentants reviennent à l'assemblée pour
17 participer à ces travaux, notamment les représentants slovènes et croates,
18 afin de rendre possible la prise de décisions dans quelque domaine que ce
19 soit. Si lorsque un représentant officiel prend des décisions de son -- à
20 sa guise et lorsqu'une assemblée décide à sa guise, il est possible de
21 prendre des décisions qui permettent une situation similaire qui a été
22 créée à l'assemblée de Tchécoslovaquie. Autrement dit, une décision de
23 division du pays en dehors de tout conflit armé. Nous prévoyons donc de
24 créer des conditions préalables qui pourraient permettre de créer une autre
25 Yougoslavie, mais avec le minimum de dégât. Cependant, ceci a été rendu
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1 totalement impossible en trois mois -- ceci a été totalement impossible en
2 trois mois.
3 Q. Fort bien, Monsieur Markovic. Votre réponse est oui, je suppose, à la
4 question que j'ai posée, parce que j'ai dit qu'en présence de ces trois
5 ministres européens, une déclaration avait été faite, et j'ai dit que c'est
6 vous qui aviez rédigé mis par écrit cette déclaration. Je suppose que votre
7 réponse est oui à cette question ?
8 R. J'ai fourni une réponse assez longue, car je répondais à la globalité
9 de la question.
10 Q. Fort bien, Monsieur Markovic. Est-il exact que la direction de la
11 Slovénie n'a pas rempli totalement ses obligations, en tout cas celles qui
12 étaient prévues dans cette déclaration ?
13 R. Oui, c'est exact, il est exact -- ceci est exact nonobstant le fait que
14 vous avez dit avant que vous étiez d'accord avec cette décision.
15 Q. Alors que je n'étais pas d'accord avec toute.
16 R. Hein, vous n'étiez pas d'accord avec cette décision.
17 Q. Suite de la question. J'ai dit que je n'avais jamais eu la moindre
18 querelle avec Kucan. Mais ici nous sommes dans une question tout à fait
19 différente. Je n'étais pas d'accord avec sa politique parce que je n'étais
20 pas d'accord avec la sécession.
21 R. Mais je ne souhaite pas qu'il apparaisse ici que seul les Slovènes sont
22 responsables de ce qui s'est passé. Vous aussi, vous l'êtes. Vous avez
23 demandé le moratoire et sa mise en œuvre de la façon suivante : Si les
24 choses ne se faisaient pas volontairement, nous les ferons par la force.
25 A plusieurs occasions au cours de la réunion, la chose a été soulignée. Je
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1 suis intervenu pour dire, "Ces pays --
2 Q. Mais vous parlez de quelle réunion ?
3 R. De la même que celle dont vous parlez il y a un instant.
4 Q. Et bien, voyons les choses de plus près. Qu'est-il écrit dans cette
5 décision ?
6 R. Malheureusement, je ne l'ai pas sur moi.
7 Q. J'ai dit que quelqu'un allait faire quelque chose par la force ?
8 R. Non, non. Jovic a dit qu'à plusieurs reprises, parce que moi j'étais
9 intervenu, j'avais demandé, "Est-ce que vous pensiez que par la force et
10 par des sanctions vous parviendrez à résoudre le problème ?" Et il a
11 répondu, "Ce qui va se passer s'ils refusent de payer -- c'est ce qui va se
12 passer s'ils continuent à refuser de payer leurs droits de douane, et
13 cetera." Alors Jovic a dit, "Continuez en tout cas les négociations." Et
14 j'ai répondu, "Mais vous parlez du recours à la force également."
15 Q. Ecoutez, je vous prie de répondre à mes questions, Monsieur Markovic.
16 Vous avez répondu à une d'entre elles. Et vous avez dit que vous
17 regrettiez. Mais vous ne semblez pas réellement prêt à répondre aux
18 questions.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, non, non. Ceci n'est pas un
20 commentaire justifié adressé au témoin. Posez-lui des questions en bonne et
21 due forme, mais essayez d'obtenir des réponses. Car ses commentaires ne
22 nous sont d'aucune aide.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, j'essaie simplement de révéler la
24 vérité. Malheureusement, la vérité est très puissante, et elle finit
25 toujours par l'emporter.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Est-il exact, Monsieur Markovic, qu'au cours des conflits en Slovénie,
4 44 membres de la JNA ont trouvé la mort. Il s'agissait de la famille de six
5 officiers. Il s'agissait de six sous-officiers et de 30 soldats et
6 conscrits, ainsi que d'un civil qui travaillait pour l'armée, et d'une
7 personne non identifiée. Est-il exact également, qu'il y a eu 184 soldats
8 blessés ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous souvenez-vous que les crimes les plus graves ont été commis contre
11 les soldats de la JNA, au moment où des formations paramilitaires créées
12 déjà en Slovénie, ont emmené avec elles des enfants d'officiers qui se
13 trouvaient dans cinq postes frontières, et ont menacé de les tuer, à moins
14 que leurs pères ne se rendent ? Et puis également, ces otages ont été
15 soumis à toutes sortes de pressions physiques, psychologiques qui, en fait,
16 étaient comparables à des tortures. C'est ce qui s'est passé. C'est ce qui
17 a été fait à des membres de la JNA. Vous souvenez-vous de cela ?
18 R. Je me souviens de la première chose, mais pas de la seconde.
19 Q. La première chose, oui. Les meurtres vous voulez dire, les blessés.
20 Bien. Dites-moi, à l'époque, vous étiez premier ministre, qu'avez-vous fait
21 pour que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice ? Avez-vous
22 fait le moindre effort dans ce sens ?
23 R. Encore une fois, je dirai que personne, pas même M. Milosevic n'a fait
24 le moindre effort pour arrêter la guerre.
25 Q. Ce n'est pas ce que je vous ai demandé.
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1 R. J'ai pris l'avion --
2 Q. Vous avez déjà parlé de cela, Monsieur Markovic.
3 R. Je dois pouvoir répondre. Vous m'avez demandé si j'avais fait quelque
4 chose.
5 Q. Je ne vous demande pas si vous avez fait quelque chose. Je vous
6 demande, si s'agissant de ces crimes qui ont été commis, en tant que
7 premier ministre fédéral, vous avez pris des dispositions pour que les
8 auteurs de ces crimes soient traduits en justice.
9 R. Encore une fois, je répéterai que je suis intervenu pour mettre un
10 terme à la guerre, et arrêté le bain de sang. Je dois dire objectivement
11 aujourd'hui, que mon voyage en Slovénie me mettait en danger de mort. Mais
12 je l'ai accompli.
13 Deuxièmement, si certaines personnes étaient censées punir les auteurs de
14 ces actes, il s'agissait des autorités judiciaires qui devaient les juger.
15 Mais il y a également des autorités militaires. Il y a des autorités
16 civiles. Tout dépend de la juridiction dont on dépend. Je ne me souviens
17 pas qu'un quelconque gouvernement dans le monde aurait juger ces hommes.
18 Q. Je n'ai pas souvenir de cela non plus. Mais de façon générale, ce genre
19 de chose est toujours placé apparemment sous ma responsabilité, même si je
20 ne représentais pas le judiciaire ou le législatif, et que je ne commandais
21 pas non plus l'armée.
22 Donc, est-ce que vous avez --
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous pouvez interroger le témoin en lui
24 demandant s'il a pris des dispositions. Mais je crois me souvenir que M.
25 Kucan a été interrogé sur ce même point, et qu'il a déjà déposé à ce sujet.
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1 Il a pu répondre. Peut-être le témoin pourrait-il nous dire s'il a quelque
2 chose à ajouter.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Markovic, vous souvenez-vous que lorsque nous parlions de la
5 Slovénie en 1989, 1990, 1991, plusieurs lois ont été adoptées
6 unilatéralement par la Slovénie qui sapait à la base l'ordre légal de la
7 Yougoslavie ? Par exemple, les amendements à la constitution votés en
8 Slovénie en 1989; puis la loi constitutionnelle destinée à apporter des
9 amendements à la loi sur la défense nationale; puis la loi destinée à
10 arrêter les procédures entamées dans le cadre des lois fédérales. En
11 d'autres termes, la Slovénie a annulé un certain nombre de lois fédérales.
12 Je citerai également la déclaration sur la souveraineté de la Slovénie, le
13 plébiscite sur l'indépendance et l'autonomie de la Slovénie, et puis toute
14 une série d'autres documents. Je ne souhaite pas les citer tous, parce que
15 cela nous prendrait trop de temps. Une page entière peut-être couverte de
16 la liste de tous ces documents que vous connaissez fort bien.
17 Le droit constitutionnel de l'époque, autorisait-il ce genre d'actions, ou
18 établissait-il que des actes de ce genre étaient contraires à la
19 constitution, et devaient donc être abrogés ? Vous souvenez-vous de cela ?
20 R. Oui. Je me souviens. Mais j'aimerais dire quelques mots dans le
21 contexte dont je me souviens.
22 En premier lieu, ce n'est pas la Slovénie en 1989 ou 1990 qui a pris ces
23 mesures. Elles ont été prises plus tard.
24 Q. Attendez un instant. Des amendements à la constitution ont-ils été
25 votés en 1989 ? Oui ou non.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez répondre le témoin dans un souci
2 d'équité.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Les élections en Slovénie ont eu lieu entre le
4 printemps et l'été 1990. Donc, ces actions ont eu lieu plus tard.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Je ne vous interroge pas au sujet des élections, mais au sujet des
7 amendements à la constitution.
8 R. Vous souvenez-vous du moment où la Serbie a bloqué les transactions de
9 la Slovénie avec l'extérieur ? Quand est-ce que les relations économiques
10 de la Slovénie ont été empêchées ? Quand est-ce que la Serbie ou plutôt
11 vous, personnellement, êtes intervenu dans les actions du fond monétaire
12 international pour vous en parlez, en fait, pour voler un demi milliard de
13 marks allemands ? Ne pensez-vous pas que ceci a eu un effet dans les autres
14 républiques ?
15 R. Monsieur Markovic, les relations entre les banques centrales de la
16 république et la banque centrale de Yougoslavie sont stipulées dans des
17 documents écrits. Il ne peut pas y avoir de vol à ce niveau. Dès que vous
18 franchissez la ligne, ceci se voit immédiatement. Vous admettrez que tout
19 ce qui se passe dans ce genre de relation est tout à fait transparent. Il
20 est impossible de faire dans le secret la moindre action financière à ce
21 niveau. Et puis, ces relations sont, à un certain moment dans le temps,
22 corrigées, ajustées, équilibrées, et cetera. Vous êtes économiste, vous
23 savez sûrement tout cela.
24 R. J'espère. Mais je sais également de la façon la plus claire qu'il soit
25 que vous avez pris une décision de prendre 18,2 milliards auprès de la
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1 banque centrale pour les donner à la banque de Serbie, et que vous n'aviez
2 absolument pas le droit de le faire. Vous n'aviez aucun droit d'agir ainsi.
3 Et en agissant ainsi, vous avez créé une diversion. En fait, on peut parler
4 de sabotage contre le système économique yougoslave.
5 Q. Monsieur Markovic, ne parlons pas de questions monétaires ici. Si
6 quelqu'un prend une décision d'acheter du blé, ce n'est pas un coût au
7 système monétaire. C'est quelque chose qui peut être régulé par la suite
8 par l'intervention des banques centrales et les banques des républiques.
9 C'est quelque chose qui se faisait fréquemment. Cela n'a rien à voir avec
10 les exagérations que vous proférer ici, en parlant d'une quelconque
11 incursion de la Serbie dans un domaine où elle n'aurait pas le droit de
12 s'ingérer, ou en parlant de vol de la part de la Serbie. Donc, ceci ne
13 correspond pas à la description que vous en faites.
14 R. Si vous pensez que 18,2 milliards de dinars c'est une petite somme, et
15 bien, puisque c'est le chiffre qui a été établi, d'ailleurs -- je vous le
16 demande, a-t-il établi ou pas ?
17 Q. Je ne suis pas absolument sûr du chiffre en question. Mais je sais que
18 les républiques, compte tenu des circonstances, en plusieurs fois franchi
19 la ligne, la ligne blanche. Plus tard, on a listé tout cela dans les
20 relations mutuelles entre les banques. Et ceci peut être établi très
21 facilement, parce qu'il y a eu toutes sortes de transactions monétaires qui
22 sont absolument transparentes.
23 Donc sur le premier point, ma réponse est évidente, et on peut retrouver
24 trace de tout cela dans les documents de la banque centrale. Rien de tout
25 cela n'est secret.
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1 R. Pas jusqu'à ce moment-là et plus à partir de ce moment-là, j'aurais la
2 fierté de le dire. Il n'y a plus jamais eu de vols de la part d'une
3 quelconque république et la République de Serbie n'a plus été autorisé à
4 voler, ou plutôt M. Milosevic n'a plus été autorisé a le faire.
5 D'ailleurs, ceci aurait pu être utile pour l'agriculture si ce que vous
6 dites est vrai. Si c'est simplement une émission primaire de devise, elle
7 aurait pu être utile pour l'agriculture, or dans ce cas l'argent de la
8 Banque national de Yougoslavie n'a pas été utilisé pour l'agriculture ou
9 pour quoi que se soit d'utile de ce genre. Tous les besoins normalement
10 étaient couverts par le budget.
11 Troisièmement, toutes décisions concernant les émissions primaires de --
12 devise devaient être prises par le conseil de la Banque national
13 Yougoslave. C'était le seul organe compétent pour de telles décisions.
14 Alors quand est-ce que ce conseil a autorisé le transfert sur votre compte
15 de 18,2 milliards, si vous le savez ?
16 Q. Bien sûr ces décisions dépendaient du conseil des gouverneurs et des
17 personnes d'autres. Ceci n'est pas contesté. Il n'est pas non plus contesté
18 que vous parliez de choses que le publique ne connaissait pas.
19 Pourquoi utilisez-vous des mots aussi laids que "vol," par exemple. Qu'est-
20 ce que vous êtes en train de dire ici ?
21 R. Merci de vous occuper de ma situation, mais ceci n'est pas vrai. Les
22 choses n'ont pas été connues du publique tant que je ne les ai pas
23 révélées, en réalité.
24 Q. Mais lorsque nous avons commencé à parler de cela, vous avez dit que
25 vous n'en aviez pas la moindre idée.
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1 R. Donc, ce que j'ai dit était tout à fait conforme à la vérité.
2 LE JUGE MAY : [interprétation] Je vais m'adresser particulièrement à
3 l'accusé. Il faut que vous permettiez à quelqu'un d'interpréter vos propos.
4 Nos interprètes ont un travail très difficile. Ils essaient de se maintenir
5 à flot, mais il faut leurs donner une chance.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur May. Je vais essayer de
7 parler plus lentement pour les interprètes, mais le temps file et M.
8 Markovic s'exprime très longuement sur certaines questions que je n'ai même
9 pas posées.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Monsieur Markovic, est-il contesté que la Cour constitutionnelle de la
12 Yougoslavie a abrogé les décisions prises par la Slovénie ? Répondez par
13 oui ou par non, je vous prie.
14 R. Oui, certaines d'entre elles, en effet, ont été abrogées.
15 Q. Est-il vrai que pendant votre -- la durée de votre mandat en Slovénie,
16 la constitution a été laissée de côté -- méprisée et qu'on a fait piétiner
17 le droit et la constitution de la RSFY.
18 R. Au début, pas du tout, mais par la suite, oui. Mais je souhaite dire
19 également que le Conseil exécutif fédéral avait proposé d'amender la
20 constitution pour créer des -- pour instaurer des relations différentes et
21 organiser des élections en Yougoslavie, mais le fait réel c'est que la
22 Serbie et la Slovénie pour deux raisons différentes ont empêchés cela.
23 Q. Ceci n'est pas vrai, mais nous y reviendrons plus tard également. Vous
24 dites que la décision de retrait de l'armée a été prise par la présidence.
25 Lorsque je dis retrait de l'armée, je veux dire retrait de l'armée du
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1 territoire slovène. Vous dites que cette décision a été prise par la
2 Présidence sous l'influence de Milosevic, c'est bien ce que vous dites.
3 Maintenant la question que je vous pose est la suivante : Qui a voté pour
4 le retrait de l'armée populaire de Yougoslave du territoire slovène ? Vous
5 souvenez-vous que cette décision a été prise par la Présidence, donc les
6 présidents des républiques n'auraient pas eu droit de vote. La Présidence,
7 tous les membres de la Présidence hormis Mesic ont votés pour le retrait de
8 l'armée hors du territoire de la Slovénie. Mesic a voté contre le retrait
9 de la JNA de la Slovénie.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Laissez une possibilité de répondre. Vous
11 parlez depuis une minute au moins.
12 Pouvez-vous répondre à la question, Monsieur Markovic ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le peux. Une réunion de la Présidence
14 se divisait en plusieurs parties, si vous me permettez de les d'écrire.
15 D'abord des débats sur -- les réunions -- cette réunion de la Présidence
16 s'est divisée en plusieurs parties, si vous me permettez de les décrire.
17 D'abord un débat sur le renforcement de la position de l'armée en Slovénie,
18 puis, si je me souviens bien, une proposition faite par M. Jovic sur la
19 possibilité de faire en sorte que l'armée se retire de Slovénie. Et cette
20 proposition a immédiatement été acceptée par l'armée. Ensuite, les débats
21 se sont prolongés plusieurs détails sur cette idée. Donc il était tout à
22 fait clair que certains officiers s'étaient mis d'accord sur le problème à
23 l'avance. Et finalement, en dehors de Kadijevic, il n'aurait sans doute pas
24 été très facile de faire accepter cette décision par les autres officiers.
25 Donc la décision de faire sortir l'armée de Croatie a été prise très
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1 facilement lors de la réunion.
2 Il est vrai que, M. Milosevic vient de le dire, que tout le monde a voté
3 sauf Mesic. Je pense que Tupurkovski n'a pas voté non plus.
4 Q. Tupurkovski et Bogicevic ont donné leur accord, convaincu qu'ils
5 étaient d'éviter un conflit.
6 R. J'ai dit que je n'étais pas d'accord mais que je n'avais pas le droit
7 de vote. Mon vote ne comptait pas lors de cette réunion.
8 Q. Comme vous le savez, je n'étais pas présent, et je ne suis pas membre
9 de la Présidence. Je parle donc sur la base des documents de l'époque. Par
10 conséquent, tous les membres de la Présidence hormis Mesic ont voté pour le
11 retrait de l'armée hors du territoire de la Slovénie, n'est-ce pas ?
12 R. Je répète : Pour autant que je le sache, Tupurkovski a voté contre.
13 Q. Fort bien. Ceci est très facile à vérifier. Si Tupurkovski avait voté
14 contre, ce qu'il n'a pas fait parce qu'il avait le sentiment que cette
15 décision permettait d'éviter le conflit armé, le vote aurait été de 6
16 contre 2. Par conséquent, il est clair que votre déclaration selon
17 laquelle cette décision de retrait de l'armée hors de la Slovénie a été
18 prise sous l'influence de Milosevic, est totalement sans fondement ?
19 R. Je ne peux pas admettre cela, parce que certaines choses se font en
20 coulisses, et c'est ce qui s'est passé ici. Tout était préparé avant la
21 réunion.
22 Q. Je vois. Donc, moi j'ai exercé une influence sur tous les membres de la
23 Présidence d'après vous, de sur suffisamment de membres de la Présidence à
24 l'exception de Mesic.
25 R. Je ne me souviens même plus si M. Bogicevic était à la réunion, mais je
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1 pense que M. Tupurkovski aussi a voté contre.
2 Q. Peu importe. Je ne vais pas vous poser des questions sur des choses
3 dont vous n'avez pas à souvenir.
4 Est-il vrai de dire que la JNA est partie de la Slovénie sans son matériel,
5 sans toutes ses armes, qu'elle a laissé toutes ses armes, tous son
6 armements en Slovénie ?
7 R. Ce n'est pas vraie.
8 Q. Il est tout à fait erroné de dire qu'elle a tout emporté.
9 R. Je suis d'accord avec vous. Elle n'a pas pu tout prendre, mais elle a
10 emporté tout ce qu'elle pouvait emporter.
11 Q. Mais ce que vous avez dit au paragraphe 13 de votre déclaration est
12 aussi erroné, à savoir que la JNA s'est retirée de la Slovénie pour aller
13 en Bosnie-Herzégovine. Elle s'est retirée de la Slovénie pour aller dans
14 toutes les autres républiques de la Yougoslavie, à l'exception de la
15 Croatie. Pourquoi ? Parce que les dirigeants de la Croatie, à l'époque,
16 s'opposaient a ce qu'il y est une partie de l'armée sur le territoire de la
17 Croatie, ce qui veut dire que les effectifs de la Slovénie sont partis en
18 Bosnie-Herzégovine, en Serbie, en Macédoine et au Monténégro.
19 Par conséquent, c'est de façon dispersée qu'il y a eu déploiement dans
20 toutes les autres républiques, n'est-ce pas, Monsieur Markovic ?
21 R. Non, ce n'est pas vrai. Il y a eu des unités assez petites de taille
22 qui sont allés en Serbie et en Monténégro, si je me souviens bien, mais il
23 n'y en a eu aucune en Macédoine. Au contraire. Le retrait de l'armée de
24 la Macédoine était en train de se préparer.
25 Q. Vous avez peut-être raison. Peut-être pas Macédoine mais dans les
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1 autres république, si.
2 R. Laissez-moi terminé. Personne n'est allé en Macédoine. Maintenant
3 quant à savoir si les effectifs sont partis en Serbie, je pense que ça a
4 été le cas. Certains se sont rendus également au Monténégro, mais
5 l'essentiel, le gros des troupes s'est rendu en Bosnie-Herzégovine. Il y a
6 beaucoup de preuves à l'appui de ce que j'avance.
7 Q. Je vous pose une question de principe. L'armée qui se retirait de la
8 Slovénie allait partir dans d'autre partie du territoire de la RSFY, là où
9 à l'époque la JNA était la seule force armée légale, n'est-ce pas ?
10 R. C'est vrai, mais en même temps elle était légale partout, pas seulement
11 en Bosnie-Herzégovine. C'était les forces armées légales. Alors pourquoi
12 est-ce que tous ces effectifs sont allés en Serbie ?
13 Q. Mais pourquoi en Serbie ? La Serbie et la RSFY n'étaient pas un seul et
14 même territoire.
15 R. Mais pourquoi est-ce que la Bosnie et la Herzégovine, ainsi que la RSFY
16 feraient partie du même territoire ?
17 Q. Mais les forces se sont rendues en Serbie aussi ?
18 R. Mais des petites unités, pas très importantes.
19 Q. Il sera facile de dire quelles sont les unités qui se sont rendues dans
20 tel ou tel territoire. Nous ne le faisons pas aujourd'hui. Ce que je veux
21 dire, c'est que l'armée s'est retirée pour aller dans d'autres parties de
22 la RSFY. Pour ce qui est de la Croatie, il n'y a pas eu déploiement de ces
23 groupes en Croatie. Cependant, il y avait des effectifs de la JNA en
24 Croatie à titre tout à fait légal.
25 R. Oui, sur place à titre légal. Mais les effectifs qui s'étaient trouvés
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1 en Slovénie ne sont pas rendus en Slovénie. C'est un fait. Il est aussi
2 établi que des unités plus petites sont allées en Serbie et Monténégro, et
3 que le gros des forces s'est rendu en Bosnie-Herzégovine. Parce qu'on
4 savait qu'une guerre se préparait en Bosnie-Herzégovine.
5 Q. Vous, le saviez-vous ? Peut-être. Puisque vous étiez le premier
6 ministre fédéral, et que la Bosnie-Herzégovine relevait de vos compétences.
7 Mais quant à dire que l'armée s'est rendue en Bosnie pour préparer la
8 guerre là-bas, là je ne suis pas du tout au courant.
9 R. Vous le saviez mieux que moi, parce que c'est vous qui avez organisé
10 une partie de cette guerre, de concert avec Tudjman.
11 Q. Nous allons revenir à ce point.
12 R. Oui, je suis impatient.
13 Q. Et ce que vous dites au paragraphe 24 de votre déclaration est aussi
14 erroné. A savoir que Boro Jovic aurait été consulté à propos de
15 l'intervention de la JNA en Slovénie. On en n'a jamais parlé, et il n'en a
16 jamais discuté avec vous. Jamais il n'a été consulté sur ce point.
17 R. Je ne sais pas s'il y a eu des consultations avec lui, et je n'en ai
18 pas d'ailleurs discuté avec lui. Je me suis contenté de dire que nous
19 avions discuté de cela plus tard, et qu'il occupait un poste et moi un
20 autre. Lisez le texte de plus près, vous pourrez le constater.
21 Q. Fort bien, Monsieur Markovic. Mais est-il contesté, non seulement vous
22 aviez des responsabilités de jure pendant toute cette période qui va de
23 1989 à 1991, puisque tout au long vous avez été premier ministre fédéral,
24 mais qu'outre cela, outre ces responsabilités de droit, vous aviez eu
25 plusieurs réunions. Vous aviez plusieurs activités au sein du gouvernement
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1 fédéral, avec tous les services gouvernementaux qui comptaient pendant
2 cette période. Donc de fait, vous avez exécuté ces fonctions en 1989, 1990,
3 1991. La dernière fois, je vous ai fourni cet emploi du temps pour l'année
4 1991. On pourrait trouver ces mêmes emplois du temps annuels pour les
5 autres années, pour 1989 et 1990. Ce qui veut dire que de droit et de fait,
6 vous étiez l'exécutif. Vous étiez à la tête de cette pyramide de l'exécutif
7 en RSFY, n'est-ce pas ?
8 R. Première chose, je vais vous demander gentiment, et je m'excuse auprès
9 des Juges de la Chambre si je tiens ces propos. Mais je voudrais avoir
10 copie de ces documents. Documents qui en fait m'appartiennent, mais que
11 vous détenez. J'en aurai peut-être besoin au moment où je décide d'écrire
12 mes mémoires. Mais je n'ai pas pu obtenir ces documents. C'est un fait. Mon
13 gouvernement, et quand je dis "mon gouvernement," c'est entre guillemets.
14 Je pourrais parler du conseil fédéral -- exécutif fédéral dont j'ai été le
15 président. Et je peux vous dire que mon gouvernement a bien fonctionné en
16 1989, ainsi qu'en 1990.
17 Q. Nous avons vu ce qui s'est passé en 1991.
18 R. Mais dès la fin 1990, des choses se sont passées déjà, qui ont
19 gravement compromis les compétences qui étaient déjà limitées, dont
20 bénéficiait le gouvernement fédéral nulle part en Europe. Vous ne trouverez
21 un gouvernement qui a des pouvoirs aussi limités, aussi modestes que ceux
22 dont disposait le gouvernement fédéral Yougoslavie. Alors que vous, puisque
23 vous avez des fonctions dans le système monétaire, lorsque vous vous êtes
24 emparé de 18,2 milliards de dinars, ce faisant le peu d'autorité qu'avait
25 le gouvernement fédéral, et qui se basait sur des personnalités davantage
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1 que sur des droits effectifs. Et bien, vous l'avez sapé. Vous avez
2 compromis ces pouvoirs déjà limités.
3 Indépendamment du fait que c'était moi qui occupait ce poste, et en dépit
4 du fait que j'ai eu de nombreuses communications avec d'autres personnes;
5 la vérité c'est que mes capacités, mon pouvoir était limité, d'un jour à
6 l'autre davantage. J'ai consacré l'essentiel de mes efforts a empêché la
7 survenue de la guerre et la dissolution de la Yougoslavie. Et j'ai fait le
8 tour de toutes les républiques pour y parvenir. J'ai été en République de
9 Slovénie. J'y ai tenu un discours bien connu, qui avait pour intention de
10 convaincre l'assemblée de revenir sur sa décision. Je suis allé parler à
11 l'assemblée de Croatie. Et jamais auparavant, je n'avais parlé de cette
12 façon-là à l'assemblée de Croatie. J'ai dit certaines choses importantes
13 que je ne vais pas répéter. Si vous voulez que je le fasse, je le ferai.
14 Mais j'ai demandé aussi avoir la possibilité d'intervenir, de prendre la
15 parole en République de Serbie. J'ai reçu un accord de principe pour ce
16 faire. Mais en fait, je n'ai pas eu l'occasion d'intervenir publiquement en
17 République de Serbie. Mais rétrospectivement, lorsque je repense à ces
18 événements, c'est un peu les actes de Don Quichotte. J'ai essayé de sauver
19 quelque chose qui n'était pas possible de sauver. Mais j'ai pu le faire en
20 tant qu'individu.
21 Q. Monsieur Markovic --
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons maintenant procéder à une
23 pause. Le témoin a demandé à voir certains documents. Il a le droit de les
24 voir. Veuillez à ce qu'il les obtienne. Je pense que nous les avons. Nous
25 avons maintenant une pause d'une demi-heure.
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1 Attendez, attendez, je termine. Qu'est-ce qui se passe, Monsieur
2 Milosevic ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May, je me souviens qu'il y a
4 plusieurs jours de cela, M. Nice vous avait demandé l'autorisation de
5 fournir au témoin cet emploi du temps annuel de l'année 1991, parce que le
6 témoin le lui avait demandé. Et vous avez donné cette autorisation à M.
7 Nice. Je ne sais pas pourquoi ce document n'a pas été remis. C'est peut-
8 être une omission de la part de M. Nice, ou peut-être que le témoin a
9 oublié de prendre ce document. Mais moi je me souviens parfaitement que la
10 requête vous a été formulée, et que vous y aviez fait droit, puisque c'est
11 un document qui passe en revue ses obligations, ses engagements au cours de
12 l'année 1991. Et manifestement, il a ce document.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons étudier la question. Mais
14 nous allons maintenant faire une pause, pause habituelle de 20 minutes. Je
15 pense -- merci à Mme la Greffière. Nous avons un document. Apparemment,
16 c'est une pièce de la Défense qui porte la cote 207. Il faudra remettre un
17 exemplaire de cette pièce au témoin, afin qu'il puisse l'examiner pendant
18 la pause.
19 Pause de 20 minutes.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
23 M. NICE : [interprétation] Si j'ai bien compris, M. Markovic n'a pas reçu
24 le document qu'il avait demandé et qui avait été autorisé par la Chambre.
25 Je ne sais pas pourquoi cela n'a pas été fait. Nous avons envoyé ce
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1 document. J'essaie de trouver la raison. Je m'excuse auprès de M. Markovic
2 s'il n'a pas reçu ce document.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
4 Poursuivez, Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Et j'espère que
6 M. Markovic va recevoir tôt ou tard ce document, ne serait-ce que pour
7 l'écriture ou la rédaction des ses mémoires.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Je voulais dire ceci cependant : Il n'est pas contesté, Monsieur
10 Markovic, qu'au moment où s'aggrave la crise yougoslave en 1989, lorsque la
11 Slovénie a adopté ses amendements en 1990 et en 1991, à cela s'ajoute le
12 fait qu'il y avait un armement, la création des premières unités
13 paramilitaires et les premiers heurts. Il n'est pas contesté que vous ayez
14 une idée tout à fait complète de la situation et des moyens qui étaient à
15 votre disposition, à savoir, les moyens que vous donnait l'état.
16 R. Il n'est pas contesté que le Conseil exécutif fédéral dispose d'un
17 arsenal de moyens et de pouvoirs, mais c'était un arsenal tout à fait
18 limité. Et dans chaque domaine afférent, de façon directe ou indirecte à
19 l'armée, ce qu'on appelait la défense, le gouvernement fédéral n'avait pas
20 la moindre compétence.
21 Q. Très bien. Puisque je n'ai que très peu de temps à ma disposition, je
22 vais vous fournir ce survol de vos activités de 1989, cet emploi du temps
23 similaire à l'emploi du temps de l'année 1991, mais aussi ce calendrier de
24 vos activités pour l'année 1990. Comparez l'année 1989 à l'année 1990 ainsi
25 qu'à l'année 1991. Vous pouvez constater que la méthode de travail est la
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1 même et que les méthodes de communication avec tous les agents importants,
2 avec tous les facteurs relevant du gouvernement fédéral, étaient les mêmes,
3 que soit pour la police, l'armée ou tous les autres services. Je n'ai pas
4 le temps de parcourir toutes vos activités d'alors.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je vais demander le versement de ces
6 documents, Monsieur May. Ce sont des originaux, et j'aimerais que des
7 copies soient faites aussi pour le document de 1991 que j'ai déjà fourni.
8 Et je ne m'oppose pas du tout à ce que M. Markovic reçoive copie de ce
9 document, car je suis sûr que ceci lui sera très utile au moment où il va
10 rédiger ses mémoires.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. [aucune interprétation]
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si vous voulez verser ces documents
15 maintenant, nous allons voir ce qu'il en est. Un instant, s'il vous plaît,
16 Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà l'emploi du temps de 1989 et de 1990.
18 Pour ce qui est de 1991, vous l'avez déjà.
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Voici ce que je vais faire. Monsieur
20 Nice, veuillez examiner ces documents qui ne sont pas en anglais, mais vous
21 pourrez peut-être nous donner une idée pour nous dire si vous vous opposez
22 à leur versement.
23 M. NICE : [interprétation] Volontiers.
24 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, poursuivez.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Ceci nous montre qu'en 1989 et en 1990 ainsi qu'en 1991, vous avez eu
2 régulièrement des réunions avec la police, l'armée, la présidence, avec des
3 membres de votre gouvernement, avec des représentants officiels des
4 diverses républiques, avec des délégations de républiques y compris celle
5 de la Slovénie, de Serbie, de la Croatie, de la Macédoine, de la Bosnie-
6 Herzégovine, de Monténégro, et ainsi de suite. Il est donc incontesté qu'en
7 l'espace de trois ans, vous avez détenu des pouvoirs exécutifs en
8 Yougoslavie au moment où se déroulaient ces événements. Je suppose que vous
9 n'allez pas contester mes dires.
10 R. Merci de montrer que j'ai été très actif au cours de cette période.
11 J'ai eu des activités, mais qui ne signifie pas que je disposais d'un
12 pouvoir véritable dans mes actions.
13 Vous avez qualifié mon travail comme étant un travail de négociateurs.
14 J'avais mes propres méthodes pour essayer d'arriver à une solution, pour
15 essayer d'éviter un conflit et la désintégration de la Yougoslavie. A cette
16 fin, j'ai mis en œuvre toutes les forces qui étaient à ma disposition. J'ai
17 fait des visites. J'étais à la recherche de personnes qui étaient prêtes à
18 m'aider.
19 Q. A propos de l'armée, vous dites que vos seules compétences se
20 limitaient aux questions financières et administratives. Maintenant, je
21 vais vous montrer un document que j'ai reçu de la partie adverse,
22 cependant, c'est un extrait d'un sténogramme, document que je n'ai pas reçu
23 la totalité. Le chiffre ERN est 01024563, et ce document nous montre que le
24 général Kadijevic vous informe, par exemple, du nombre de blessés ou de
25 morts en Slovénie, des conflits interethniques et des activités d'armement,
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1 notamment. Et puis, il parle des pertes subies en Slovénie, 44 tués, 144
2 blessés. Ante Markovic dit : "D'abord vous avez dit qu'il s'agissait de 298
3 personnes en tout." Kadijevic dit : "Conflits interethniques et d'autres
4 conflits en Yougoslavie, la totalité des pertes, 298, ne serait-ce que pour
5 cette année." Markovic répond : "Mais combien y a-t-il eu de blessés ?"
6 Réponse de Kadijevic : "472, total 770 et il y a eu d'autres combats." Et
7 il parle du Kosovo, de la Macédoine du nord, du Sandzak. Et il apparaît
8 ainsi clairement que vous discutez de la situation en matière de sécurité
9 avec le ministère de la Défense. Et ces emplois du temps font état de
10 diverses réunions où vous discutez de la sécurité, des activités de l'armée
11 de la police et pas seulement du financement, des aspects financiers.
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, me permettez-vous
13 de vous aider. Ce document a été versé par le truchement de M. Mesic. C'est
14 la pièce 328, intercalaire 16. Ce qu'on est en train de montrer maintenant
15 au témoin se trouve dans ce document. Il est possible de voir ce texte.
16 M. NICE : [interprétation] Puisque nous avons fait une interruption, je
17 vous précise que nous n'avons aucune raison de poser une objection à ces
18 documents si, effectivement, ces documents sont ce qu'ils apparaissent
19 être. Il faudrait fournir un exemplaire, une copie au cours de la pause
20 pour vous rappeler de mon objection déjà formulée précédemment. Nous nous
21 étonnions de la façon dont ces documents étaient parvenus à l'accusé alors
22 que nous et le témoin ne l'avions pas. Ces documents sont ce qu'ils sont. A
23 vous de décider si ces documents ont valeur des pièces à conviction.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] En temps utile, lorsque nous en aurons le
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1 loisir, nous donnerons la possibilité au témoin d'examiner ces documents
2 mais pour le moment, n'interrompons pas le contre-interrogatoire et son
3 déroulement.
4 Poursuivez.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Je viens de vous faire une citation d'un extrait des documents que j'ai
7 reçus de la partie adverse. Je pense que c'est un document authentique. Il
8 est possible de voir que M. le général Kadijevic vous fait rapport de tous
9 ces événements dont vous discutez avec lui. Il ne fait pas l'ombre d'un
10 doute que vous parlez du financement de l'armée ou d'autre chose qui serait
11 le panage du gouvernement fédéral. Vous discutez tout simplement
12 d'activités militaires, n'est-ce pas ?
13 R. En premier lieu, je précise que je ne dispose pas de ce document. En ce
14 qui concerne ce document, il m'est impossible de fournir un avis.
15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense pouvoir
16 vous aider une fois de plus. C'est une autre pièce que celle-ci déjà versée
17 au dossier. Elle existe dans la langue que comprend M. Markovic. Je peux
18 lui en donner un exemplaire.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous dire que je n'ai pas besoin de ce
20 document maintenant. Je n'ai pas le temps de l'examiner, de l'étudier ici
21 même. Manifestement M. Milosevic, lui, il a déjà étudié le document. Mais
22 je peux répondre sans examiner ce document.
23 Il est logique que le président d'une instance tel qu'un gouvernement
24 discute avec ses ministres d'éléments, de questions relevant de leurs
25 compétences. Et j'ai bien eu de telles discussions avec tous les ministres.
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1 Si M. Milosevic reste constant, il admettra que j'ai eu des discussions
2 avec d'autres ministres bien plus souvent qu'avec M. Kadijevic à propos de
3 son domaine de compétence.
4 Autre chose, au sein de la présidence de la Yougoslavie, il existe un
5 secteur responsable de la sécurité. Il se compose de représentants de
6 diverses institutions dont les représentants du gouvernement fédéral. Il y
7 a des séances d'informations qui se tiennent là aussi dans ce secteur afin
8 de préparer les réunions du cabinet fédéral qui va discuter de ces
9 questions de sécurité.
10 Il est aussi logique qu'un premier ministre s'intéresse à l'évolution de la
11 récolte, à la situation en matière de tourisme, la question des biens de
12 premières nécessités, des matières premières plus exactement, des questions
13 d'émissions, des questions financières, des problèmes rencontrés par les
14 banques et d'autres sujets, y compris les sujets qui sont en rapport avec
15 l'armée.
16 Je ne vois pas comment un haut représentant est supposé gérer ses activités
17 sans être informé de ces questions-là. Et ça c'est une chose. Et c'est
18 autre chose que d'avoir un contrôle et un commandement direct sur telle ou
19 telle chose.
20 S'agissant de l'armée, les choses sont très bien définies dans la
21 constitution. Je propose de ne pas perdre davantage de temps sur cette
22 question. L'armée relève de la compétence de la présidence de la
23 Yougoslavie en vertu de la constitution.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Ça, c'est vrai. Je me contente de dire que là vous discutez d'activités
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1 militaires avec le ministre de la Défense et pas de choses qui sont
2 uniquement de votre compétence.
3 R. Mais ça ne veut pas dire que je prends des décisions d'ordre militaire.
4 Je reçois simplement des informations sur ce qui se passe et ça c'est
5 logique. On m'informe en ma qualité de premier ministre mais pour ce qui
6 est de la prise de décisions, grand dieu, non. Là, vous ne faites que des
7 insinuations de la façon dont vous présentez les choses.
8 Q. J'ai dit ce que j'ai dit à propos du rôle que vous avez joué dans la
9 guerre de Slovénie. Je ne vais pas y revenir.
10 Mais parlons d'autre chose. Pour ce qui est de Dubrovnik, Hrvoje Kacic fait
11 un rapport le 1er octobre 1991, chiffre ERN qui se termine par les chiffres
12 75129. Nous tous, nous avons été présent à cette conférence de La Haye;
13 vous, les représentants de toutes les républiques, les membres de la
14 présidence de Yougoslavie, tout le monde y était. On parle de problèmes
15 ayant surgi à propos de Dubrovnik et on dit : "Si vous ne pouvez pas parlez
16 à Jokic qui a remplacé Djurovic, qui a été tué et qu'auparavant était le
17 commandant, ici, à La Haye, ils ont Kadijevic et le premier ministre de la
18 Yougoslavie, Ante Markovic."
19 Donc, en ce qui concerne les événements de Dubrovnik, même ceux qui étaient
20 aux postes de responsabilités en Croatie vous mettent à l'avant-plan. Ils
21 disent, je cite : "Vous avez, ici, à La Haye Kadijevic et le premier
22 ministre Ante Markovic et ils se reposent sur vous pour que vous trouviez
23 une solution à ces problèmes."
24 Ensuite, on fait référence aux représentants officiels du Monténégro
25 puisque ceux-ci -- je parle de Dubrovnik, se trouve tout près du Monténégro
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1 -- on ne fait pas référence à la Serbie. Quel serait votre commentaire ?
2 R. Tout d'abord, je n'ai pas non plus ce document-là. Je ne sais pas ce
3 qu'il dit. Il m'est impossible dès lors de vérifier si ce que vous dites
4 est bien ce qui a été dit à ce moment-là ou si c'est différent mais c'est
5 un fait. Il y a eu une guerre là-bas à Dubrovnik mais aussi à Vukovar et
6 dans d'autres parties de la Croatie. Et cette guerre, c'est quelque chose
7 où le premier ministre fédéral Ante Markovic n'a rien à voir, lui il a fait
8 l'impossible pour empêcher cette guerre. Et c'est précisément à cette
9 réunion Monsieur Milosevic tel que vous l'avez mentionné je vous ai demandé
10 ceci, j'ai dit, "Est-ce que vous voyez ce qui se passe à Vukovar, est-ce
11 que vous voyez qu'on est en train de bombarder Dubrovnik." Et il m'a
12 répondu est-ce que vous êtes fou, qui aurait la folie de bombarder
13 Dubrovnik ?
14 Q. Qui a dit cela ?
15 R. C'est ce qu'il a dit, c'est de la folie. Et j'ai répondu : "Et bien
16 allons voir Tudjman." Et j'ai dit à Tudjman qui était présent il avait son
17 entourage, dont Saronjic et j'ai dit à Tudjman "je parle à Milosevic du
18 pilonnage, du bombardement de Dubrovnik et il me dit que ce n'est pas vrai
19 que Dubrovnik n'est pas en train d'être bombardé", finalement j'ai consigné
20 par écrit ce que Tudjman m'a dit Milosevic dit : "Que la ville n'était pas
21 pilonnée sinon que je ne saurai", or il y a des photos qui montrent que
22 Dubrovnik a été bombardée, il y a même un petit film à ce propos.
23 Q. Jamais, je n'ai dit que j'aurais su s'il y avait eu bombardement, Je
24 dis; "Qui aurait la folie, la témérité de faire une telle chose ?"
25 R. Mais il y a des images qui le montrent, vous avez dit: "Qui aurait la
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1 folie de le faire", mais vous avez aussi ajouté "si c'était vrai je le
2 saurais."
3 Q. Je me suis contenté de citer une phrase du rapport de Hrvoje Kacic, le
4 chiffre ERN se termine par 7529, je ne sais pas si vous l'avez sous les
5 yeux, ceux qui l'ont sous les yeux peuvent comparer. Voici la phrase " s'il
6 n'est pas possible de parler avec Jokic qui est venu remplacer Djurovic
7 lequel a été tué vous avez ici à La Haye, Kadijevic et le premier ministre
8 Markovic."
9 R. Mais de quelle façon ou en quoi Hrvoje Kacic aurait-il été compétent,
10 vous auriez pu citer n'importe qui. Qui était ce Kacic.
11 Q. Je suppose que c'était un représentant officiel de la Croatie, qui
12 espérait que vous pourriez résoudre le problème.
13 R. Mais il aurait mieux fait de se fier à vous, parce qu'il aurait pu
14 avoir plus de chance de trouver une solution.
15 Q. Ici je le cite et vous savez mieux que moi qui est ce Kacic.
16 Voyez ce qui est dit plus loin comme le dit Spegelj et je suppose que vous
17 savez qui sait Spegelj, vous jouiez en fait un double jeu, voici ce que
18 Spegelj dit à Vladimir Jagar, non seulement vous avez donné à Spegelj des
19 données, des informations disant que vous n'aimiez pas la Serbie et que
20 vous ne quitteriez la Serbie que quand vous auriez le contrôle, il s'agit
21 du chiffre ERN 0112475, il est dit ceci : "Spegelj m'a dit qu'il avait un
22 homme à Belgrade qui dit pouvoir l'arrêter, il dit que l'armée a
23 l'intention de l'arrêter, Spegelj dit qu'il tient ces informations de Ante
24 Markovic qui du coup lui a conseillé de quitter Belgrade, faute de quoi
25 l'armée allait l'arrêter."
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1 Donc au lieu d'empêcher qu'il y ait un transport illégal d'armes dans
2 lequel Spegelj était impliqué, vous l'avez appelé par téléphone et vous
3 l'avez averti qu'il devrait prendre la fuite avant d'être arrêté par
4 l'armée pour cette livraison d'armes illégales.
5 R. Vous pouvez me dire à quel moment ça s'est passé ?
6 Q. J'espère que oui, il s'agit du PV du 18 février 1991.
7 R. Il fut un temps où il n'y a pas eu de communication du tout par
8 téléphone entre la Croatie, et la Serbie donc entre Belgrade et Zagreb, et
9 très souvent je me suis entretenu en passant par Sarajevo ou par un autre
10 établissement, une autre institution. S'agissant de M. Spegelj je puis dire
11 que je ne l'ai ni vu et je me suis encore moins entretenu avec lui à cette
12 époque-là, je n'avais rien à voir du tout avec Spegelj je n'avais pas
13 besoin d'avoir quoique ce soit à faire avec Spegelj.
14 Q. Bien je vais vous donner une citation, une brève citation de la page
15 211458 [sic] et on y dit : "A cette réunion quelqu'un a demandé à Spegelj
16 quelle est la situation avec Ante Markovic ?" Et à son sujet lui Spegelj a
17 dit Ante Markovic (président du Conseil exécutif fédéral) est une personne
18 qui joue sur deux cartes, il aime le pouvoir il a dit lui Markovic ne peut
19 pas sentir Milosevic et la Serbie, et tant qu'il n'aura pas détruit
20 Milosevic et la Serbie il ne quittera pas Belgrade."
21 R. Mais qu'est-ce que j'ai à voir avec ce que pense et ce que dit M.
22 Spegelj. Qu'est-ce que j'ai à voir avec cela, je n'ai rien à voir du tout
23 avec si quelqu'un de tout à fait banal Petar Petrovic pouvait dire M.
24 Slobodan Milosevic déteste Markovic ou ceci ou cela, mais cela n'a rien à
25 voir du tout. Ce n'était pas quelqu'un de proche de moi, je ne le
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1 fréquentais pas je n'ai jamais été avec Spegelj pour qu'il puisse connaître
2 lui mes opinions. Il a peut-être fait des constructions parce qu'il avait
3 besoin d'affirmer une chose pareille mais cela n'avait rien à voir du tout
4 avec moi et je pense qu'il y a bon nombre d'autres arguments qui disent
5 suffisamment ce qu'a fait un tel ou un tel autre ou ce qu'avait prôné l'un
6 ou l'autre. Je crois que c'est clair.
7 Q. Donc vous affirmez que ce qu'a dit Spegelj et qui porte sur les
8 évaluations, les attitudes que vous étiez -- que vous aviez à l'égard de la
9 Serbie et de moi-même ne sont pas des choses exactes.
10 R. Ce n'est pas exact.
11 Q. Bien je vais vous poser une autre question. Étant donné qu'il était
12 question, et il a été question ici de l'existence d'un plan afférent à la
13 grande Serbie, d'ailleurs vous le dites vous-même, et d'après l'opinion de
14 la partie adverse, il semblerait que les choses étaient contrôlées pour ce
15 qui était des conflits, je voudrais vous montrer ici, ce que vous déclaré
16 vous-même à la session de la présidence au mois de juillet 1991. Il s'agit
17 d'un sténogramme assez volumineux je n'étais pas présent moi-même à la
18 réunion en question, mais je vais vous donner une citation de la page 61 de
19 ce sténogramme, ERN 02017795 Ante Markovic dit --
20 M. NICE : [interprétation] Avant que de le faire de le faire je tiens à
21 dire que l'accusé sait très bien que nous ne sommes pas en mesure de
22 retrouver le document en partant de ce ERN et il s'agit notamment de
23 documents qui lui ont été communiqués en vertu de l'application des
24 dispositions de l'Article 68 du règlement, donc nous ne savons pas dire si
25 ces documents correspondent à la vérité ou pas, il serait donc utile à
Page 30879
1 l'intention du témoin de pouvoir ne serait-ce que voir le document.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien sûr, je comprends parfaitement que
3 vous n'êtes en mesure de retrouver les documents cités par l'accusé sur le
4 champs, mais étant donné que nous avons un accusé qui se défend lui même,
5 les choses se sont faites assez bien sommes toute jusqu'à présent, il est
6 logique qu'il va citer des choses partant de document assez volumineux, et
7 nous devons en tout état de cause garder à l'esprit le fait qu'il se défend
8 lui-même, donc nous allons lui demander de donner citation. Quel est le
9 document que vous voulez citer à l'intention du témoin Monsieur Milosevic.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de note sténographiée de la session
11 de la présidence de la Yougoslavie tenue le 12 juillet 1991, à midi trente.
12 On dit que la reproduction est strictement interdite, que le document est
13 strictement confidentiel. M. Nice a ce document moi je ne l'avais pas bien
14 entendu.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Où se tenait cette réunion ?
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Je crois que ceci s'est tenu à Belgrade, on dit après utilisation
18 restituée au secrétaire général de la présidence de la RSFY. On dit
19 présidence de la RSFY Stjepan Mesic et ainsi de suite, et je vous cite ce
20 que dit -- ce qui est dit Mesic était en train de présider il dit Ante :
21 "Nous avons constaté qu'en réalité les choses se déroulent de façon de plus
22 en plus autonome que c'est plus d'eau en ras de marais et que les choses
23 échappent au contrôle. Et le fait que cela échappe au contrôle se passe au
24 niveau de tous les segments, non seulement pour ce qui est des conflits
25 mutuels mais de la création d'unité déterminer qui commence à exercer des
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1 fonctions autonomes. Mais cela se situe au niveau économique et social.
2 L'érosion se fait de plus en plus profonde", et cetera.
3 Par conséquent, vous dites vous-même que les choses ressemblent de plus en
4 plus à un ras de marais. Et qu'elles ne peuvent plus être contrôlées.
5 Et à la page suivante vous dites --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, nous ne pouvons pas traiter de ces
7 questions de cette façon-là. Il est difficile pour le témoin de fonctionner
8 de cette façon. Je vais demander au témoin s'il s'en souvient et jusqu'à
9 présent, sa mémoire s'est avérée exceptionnelle. Nous allons donc lui
10 demander, s'il s'en souvient et s'il est en mesure de répondre pour gagner
11 du temps.
12 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois qu'il s'agit de la
13 pièce à conviction 328, intercalaire 16, c'est un document qui a été
14 produit pour identification et qui n'a été versé pour identification qu'en
15 B/C/S mais qui n'a pas été traduit. C'est un document volumineux.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien, mais demandons d'abord au témoin
17 s'il s'en souvient ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en souviens, mais les choses se sont
19 passées différemment que le dit M. Milosevic. Il s'agit d'une appréciation
20 d'un processus qui était survenu à l'époque et qui avait été initié
21 d'ailleurs. Il est vrai de dire que dans ces documents que j'avais rédigés
22 à l'intention du bureau du Procureur que j'avais précisé que M. Milosevic
23 n'avait jamais devant moi défendu la thèse de la grande Serbie. Je l'ai
24 écrit ça. Mais j'ai également écrit que du fait, il avait oeuvré en faveur
25 d'une telle chose, mais il n'a jamais prôné cela.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. [interprétation] Bien.
3 R. [aucune interprétation]
4 Q. Bien, vous dites que les choses se passent comme un ras de marais et
5 puis à la page suivante vous dites que les choses échappent au contrôle
6 tant au gouvernement des républiques et cela fait que des particuliers qui
7 ont de l'autorité d'habitude ne sont pas en mesure de maîtriser les
8 événements. Donc vous parlez d'une érosion générale qui était survenue.
9 N'est-ce pas, Monsieur Markovic ?
10 R. Oui, je voudrais savoir de quelle période vous êtes en train de parler.
11 Quelle est la période du temps qu'il faudrait prendre en considération.
12 Mais si vous extrayez une citation cela peut rester en l'air, et n'être
13 encore en relation avec rien du tout. Donc, je ne sais pas du tout de quoi
14 il était question et à quels propos cela avait été dit, je ne voudrais pas
15 -- je ne pourrais vous apporter de réponse, réponse concrète. Si je pouvais
16 avoir l'opportunité d'étudier, je pourrais étoffer mes propos.
17 Je m'en souviens qu'il en avait été question, il avait été question de
18 cela, sur le plan de ce qui se passait globalement en Yougoslavie.
19 Q. Bien, Monsieur Markovic, je vous ai dit qu'il s'agissait de la session
20 de la présidence datée du 12 juillet 1991. Mais je ne vais pas vous
21 fatiguer davantage avec les citations de cette réunion. Je dirais seulement
22 encore, qu'il y a une question qui se rapporte à des choses que vous auriez
23 dite, mais je ne veux pas que vous commentiez du point de vue -- d'un point
24 de vue quelconque mais d'un point de vue que vous avez cité tout à l'heure.
25 Et je précise que j'ai cité ce que vous avez dit, je n'ai pas tiré de
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1 conclusions pour ma part. Donc, un peu plus loin, vous dites ce qui suit :
2 "D'après nous, il y a une question centrale qui se pose et qui est l'une
3 des question fondamentale parmi les questions qui se posent dans le pays."
4 Il s'agit des rapports entre les Serbes et les Croates, à savoir, la Serbie
5 et la Croatie.
6 Donc, votre position est-elle claire, et je croyais pour ma part également
7 et je crois que c'était là le rapport central, crucial, c'était la question
8 cruciale du pays, c'était la relation entre les Serbes et les Croates ?
9 R. Est-ce que je peux répondre ? A plusieurs reprises, j'ai avancé cette
10 opinion. Entre autre, je crois que cela nous prendrait bien trop de temps.
11 Je ne peux pas vous relater quelle avait été la première rencontre que
12 j'avais eue Tudjman et moi, nous ne connaissions pas jusqu'au là, nous nous
13 étions rencontrés sur proposition de sa part dans mes locaux à Zagreb en ma
14 qualité de premier ministre, j'avais un bureau à Zagreb et nous nous sommes
15 entretenu pendant plus de deux heures.
16 La conclusion ou plutôt les cinq conclusions tirées avaient été les
17 suivantes ou plutôt l'une de ces conclusions avait été la suivante :
18 Négocier avec les Serbes de Croatie en Croatie et non pas en passant par la
19 Serbie et Milosevic.
20 Et deuxièmement, quand j'ai pris la parole au parlement de la république de
21 Croatie, au [imperceptible], je crois que ça s'est passé fin mai, début
22 juin mais en tout état de cause avant la prise de décision et à cette
23 occasion-là, j'étais allé intervenir, je suis allé intervenir pour empêcher
24 la prise de certaines décisions qui avaient été préparées au parlement de
25 la Croatie. J'avais tenu donc un grand discours et entre autre j'ai dit la
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1 même chose. Et je l'ai dit pour la Bosnie-Herzégovine, je leur ai dit que
2 les Serbes devaient faire l'objet de négociation en Croatie mais ils n'ont
3 pas à passer par Milosevic et la Serbie. J'avais estimé donc que c'était
4 une condition a sine qua non.
5 Q. Mais c'est précisément ce que vous dites s'agissant de sine qua non. Et
6 c'est ce que j'ai affirmé moi-même, à savoir que les relations entre les
7 Serbes et les Croates étaient cruciales et vous avez dit vous-même que
8 c'était une question de relation entre la Serbie et la Croatie.
9 R. Bien, mais après vous vous êtes bien entendu Tudjman et Milosevic à
10 Karadjorjevic, vous êtes très bien entendu tous les deux comment vous
11 alliez partager la Bosnie-Herzégovine entre vous.
12 Q. Ce n'est pas exact, mais en y reviendra tout à l'heure. Je voulais
13 qu'on tire d'abord au clair le fait que vous étiez d'avis également que la
14 question cruciale dans notre pays c'était la relation ente les Serbes et
15 les Croates, à savoir, entre la Serbie et la Croatie. Etant donné qu'ici,
16 l'on a présenté la chose sous une lumière déformée. Je suis -- je me
17 félicite du fait que vous avez expliqué la chose de la même façon que moi.
18 Monsieur Markovic, vous nous avez dit que j'avais voulu tout placer sous le
19 contrôle de l'armée, que je contrôlais l'armée, que je contrôlais les
20 membres de la présidence. Donc dans ce sténogramme, voilà ce que dit l'un
21 des membres de cette présidence que vous affirmez que j'avais contrôlé, et
22 il était originaire de Vojvodine, membre de la présidence, donc originaire
23 de Vojvodine, M. Jugoslav Kostic, Jugoslav Kostic dit ce qui suit : "Je ne
24 suis pas disposé à voter pour une solution qui donnerait les mains libre à
25 l'armée pour ce qui est de conforter les frontières de l'état", et ainsi de
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1 suite.
2 Par conséquent, il apparaît clairement que la Serbie et ce que vous aviez
3 désigné comme étant le bloc serbe, n'avait pas été favorable au fait de
4 donner, à la possibilité de donner la carte blanche à l'armée pour ce qui
5 est des frontières de l'état. Et quand il en ajoute que : "S'agissant des
6 frontières de la République de Slovénie --"
7 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Interrompant juste un moment. Il est
8 impossible pour le témoin de répondre à une question qui est aussi
9 longuement présentée. Nous vous avons donné des coups des franches pour ne
10 pas vous interrompre et pour gagner du temps, mais il faut être équitable à
11 l'égard du témoin, il faut qu'il puisse répondre.
12 Monsieur Markovic, pouvez-vous brièvement répondre à ce qui vient d'être
13 dit ici.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très intéressant de noter que M.
15 Milosevic n'a extrait qu'un élément tout à fait fragmentaire illustrant les
16 relations entre l'armée et la Serbie et qui parle des relations au sein de
17 la présidence de Yougoslavie. Mais il est tout à fait notoire et je crois
18 qu'il est inutile de le démontrer, à savoir, que la présidence de
19 Yougoslavie qui est également le commandant suprême et qui est l'instance
20 qui avait commandé l'armée. Il y avait deux groupes, dans un groupe, il y
21 avait la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine. Et
22 dans l'autre groupe, il y avait la Serbie, la Vojvodine, le Kosovo et le
23 Monténégro. Et cela donnait un rapport quatre sur quatre.
24 Et combien de réunions avons-nous eu rien que pour avoir la majorité ?
25 C'est Kostic avait voté de cette façon-là, la chose aurait penché d'un
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1 côté, mais le fait est que nous avons tenu autant de sessions et même dans
2 des installations appartenant à l'armée où il faisait même très froid. On
3 nous demandait, on demandait de briser la volonté de Bogicevic, afin qu'il
4 vote en faveur de l'utilisation de l'armée, du recours à l'armée, pour que
5 les militaires résolvent la situation en Yougoslavie. Et cela n'a pas
6 marché. Bogicevic, quoi qu'étant Serbe d'origine, a été condamné en tant
7 que traître.
8 Donc, cet exemple utilisé par M. Milosevic ne signifie absolument rien du
9 tout. On dit bien qu'une hirondelle n'apporte pas le printemps.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Le même proverbe est utilisé chez nous aussi bien qu'en Allemagne.
12 R. Oui. J'ai étudié l'allemand.
13 Q. Bien. Mais le fait de qualifier cela de bloc serbe, cela n'existait
14 pas. Parce que Kostic s'était opposé à la possibilité de donner des
15 [imperceptible] à l'armée pour que celle-ci occupe les frontières
16 yougoslaves.
17 Mais je ne vais pas m'attarder davantage sur les sténogrammes en question.
18 Puisque mon temps est plus que limité. Je vous demanderais de répondre de
19 la façon la plus brève aux questions que je vous pose.
20 Serait-il exact de dire qu'à l'époque, pendant la plus grande partie de
21 votre mandat, seules la Slovénie et la Croatie s'étaient opposées à la
22 recherche d'une solution constitutionnelle, en partant de la réforme de la
23 constitution existante ?
24 R. Oui. Le Conseil exécutif fédéral avait demandé une réforme de la
25 constitution fédérale.
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1 Q. Mais justement, c'est ce que je suis en train de dire. Seules la
2 Croatie et la Slovénie s'étaient opposées à la recherche d'une solution
3 constitutionnelle partant de la révision de la constitution existante.
4 R. Ce n'est pas exact. Quand on a parlé de réforme en date du 18 décembre
5 1989, j'ai présenté un certain nombre d'éléments. Et le Conseil exécutif
6 fédéral avait dit que le point de départ de ces réformes et la continuation
7 des réformes entamées, exigeait de procéder à une révision de la
8 constitution yougoslave. Cette révision ou cette réforme devait permettre
9 de tenir des élections sur le territoire entier de la Yougoslavie. Ces
10 modifications constitutionnelles ont été empêchées par les délégués de la
11 Slovénie et de la Serbie. Les délégués, les députés de la Croatie, avaient
12 voté en faveur de la chose.
13 Q. Ce n'est pas exact que de dire que les délégués de la Serbie avaient
14 empêché la chose. Vous souvenez-vous du reste du fait, que la présidence de
15 la Yougoslavie, sans parler du Conseil exécutif fédéral à la tête duquel
16 vous vous trouviez, dans la moitié de 1989, il y avait eu une initiative
17 visant à modifier la constitution de la RSFY ?
18 R. Mais la modification de la constitution de la RSFY avait été entamée en
19 1996, époque à laquelle mon gouvernement n'avait pas été mis sur pied. Et
20 j'avais fait partie de cette commission chargée de rédiger des
21 modifications constitutionnelles. Nous avions déjà travaillé depuis deux
22 ans. Et certaines réformes avaient déjà été faites.
23 Des réformes ultérieures qui avaient été demandées par la présidence
24 notamment.
25 Q. En 1989.
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1 R. Egalement en 1989. Et à la fin de cette année 1989, le Conseil exécutif
2 fédéral avait demandé des modifications telles qu'il les envisageait, mais
3 non pas telles que les envisageait la présidence de la RSFY. Par
4 conséquent, ces modifications demandées par le Conseil exécutif fédéral
5 avaient rassemblé une grande majorité. Mais ceux qui concernaient des
6 élections pluripartites sur le territoire de la Yougoslavie, il n'y avait
7 pas eu l'assentiment des représentants de la Slovénie et de la Serbie.
8 Q. Les représentants de la Serbie avaient été favorables à la tenue
9 d'élections pluripartites. Et vous souvenez-vous que le 28 mai 1990, à
10 l'assemblée fédérale, il y a eu une initiative demandant que le droit à la
11 sécession soit réglementé par une loi, pour éviter toute tension ou la
12 survenue du cahot. Donc, nous avions demandé que la chose soit réglementée
13 par l'adoption d'une loi.
14 R. Oui.
15 Q. Vous souvenez-vous du fait que le parlement fédéral, ayant sa session
16 le 28 mai 1990, avait appuyé le droit à l'autodétermination y compris le
17 droit à la sécession ?
18 R. Oui. Et ce n'est que là que l'on a adopté une loi qui a permis de tenir
19 des élections pluripartites sur le territoire de la Yougoslavie.
20 Q. Bien. Mais vous souvenez-vous que le concept fondamental de cette
21 proposition, avait été le fait d'assurer la protection des droits
22 individuels, des droits de l'homme, et de procéder à la solution pacifique
23 de tous les litiges, d'assurer la légalité en droit de tous les peuples
24 yougoslaves, et que tout ceci avait été intégré à cette proposition émanant
25 de la présidence ? Comme vous le savez.
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1 R. C'est ainsi que ça s'est passé. Mais les documents que nous adoptions,
2 n'avaient pas d'importance pour ce qui était écrit, mais pour ce qui était
3 appliqué. Et pour ce qui est de l'application, Dieu nous en garde.
4 Q. Mais vous souvenez-vous de cette procédure très ample pour ce qui est
5 des propositions présentées à l'assemblée fédérale par quatre républiques
6 et deux provinces, pour ce qui est du réaménagement constitutionnel de la
7 Yougoslavie ? Et cela s'est fait de sorte à voir quatre républiques et deux
8 provinces présenter une proposition ou un projet de réaménagement. Et la
9 Slovénie et la Croatie avaient proposé une variante de confédération. Il
10 n'y a pas eu d'accord pour faute de consensus. Mais ce n'était pas la
11 Serbie qui était dans un autre concept. Et seul, le rapport des forces
12 était de six par rapport à deux, n'est-ce pas, Monsieur Markovic ?
13 R. La discussion dont vous êtes en train de parler, Monsieur Milosevic, se
14 déroulait aux réunions des présidents des présidences des différentes
15 républiques et provinces. Et vous déménagiez d'une ville à l'autre. Et
16 entre vous, vous discutiez de cette chose, de cette question. Nous avons
17 été exclus, nous autres. Parce que vous étiez, de fait, de facto, au
18 pouvoir. C'étaient les républiques qui avaient le pouvoir, et pas les
19 institutions fédérales.
20 Personne des institutions fédérales n'avait été présent à ces réunions. Et
21 c'est là qu'il y a eu cette division, cette scission. Je pense que le
22 représentant de la Croatie ou de la Slovénie avait à une occasion, proposé,
23 je ne me souviens plus qui c'était, avait proposé donc, de procéder à la
24 mise en place d'une confédération. Vous avez dit, et cela pourrait vous
25 inculper, vous avez dit : "Malo Morgen." Ça veut dire "mon œil" en
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1 traduction libre de l'interprète.
2 Q. Je ne parle pas l'allemand. Mais en Serbie, il est plutôt habituel de
3 dire "cause toujours."
4 R. De toute façon, il y avait deux conceptions en présence. Une solution
5 souple confédérale, et l'autre que vous preniez vous-même, qui ne
6 permettait actuellement aucune recherche de solution à l'extérieur de la
7 fédération.
8 Q. Monsieur Markovic, ma question avait tout de même été précise. J'ai
9 parlé du parlement fédéral. Je n'ai pas parlé des réunions qu'avaient
10 tenues les présidents des républiques. Parce que vous venez de répondre en
11 disant que c'étaient les présidents des républiques. Et vous avez pensé à
12 moi, n'est-ce pas ?
13 R. Oui. Vous nous aviez exclus, nous autres.
14 Q. Mais moi, je vous ai posé la question de savoir si, à l'assemblée
15 fédérale, quatre républiques et deux provinces avaient proposé, oui ou non,
16 un projet de réaménagement constitutionnel. Donc, le rapport des forces
17 était de six pour deux au niveau de ce parlement fédéral. En est-il ainsi
18 ou pas, Monsieur Markovic ?
19 R. Pour autant que je me souvienne, cela n'a jamais été présenté à
20 l'assemblée fédérale.
21 Q. Moi, j'ai dit qu'il y a eu une proposition.
22 R. J'ai dit que cela n'a jamais été présenté.
23 Q. Bien, Monsieur Markovic, la chose est facilement vérifiable.
24 R. Certainement.
25 Q. Mais en 1990, n'est-il pas vrai de dire que des faits nets viennent
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1 nous illustrer une assertion, à savoir que les activités liées à la
2 sécession ont été entamées par la Slovénie et la Croatie. Et que la
3 création de l'armée a été entamée là-bas, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne pourrais pas répondre par l'affirmative. Cela est vrai pour la
5 Slovénie. Cela n'est pas vrai pour la Croatie, pour autant que je le sache.
6 Et d'autre part, cela faisait partie de relations mutuelles, relations au
7 sein desquelles vous aviez déjà fait preuve d'une tendance, à savoir, celle
8 de régner sur le pays entier. Et cela est illustré par votre percée dans le
9 système monétaire du pays. Vous aviez, vous-même, bloqué le passage des
10 marchandises provenant de Slovénie. Vous aviez envoyé des gens pour
11 organiser l'avènement du peuple à Ljubljana. Et en quelque sorte, vous
12 aviez participé à la prise des décisions en Slovénie. Vous avez bousculé la
13 Slovénie pour qu'elle prenne les décisions qu'elle a prises.
14 Q. Monsieur Markovic, si une partie ou des personnes voulaient partir du
15 Kosovo pour demander, réclamer une solidarité de la part des Slovènes avec
16 leurs souffrances au Kosovo, cela n'avait pas été organisé par la Serbie.
17 Vous le savez pertinemment bien. Maintenant, pour ce qui est des relations
18 entre la banque centrale et les banques centrales des républiques et des
19 provinces, cela ne relevait pas des attributions du président de la
20 présidence d'une république ou des présidents des républiques. Cela faisait
21 partie des attributions des banques centrales. Alors, vous êtes très
22 sensible pour ce qui est du fait de n'avoir pas eu des attributions sur
23 certains plans. Mais vous n'êtes pas très sensible pour ce qui est
24 d'attribuer à quelqu'un d'autre des compétences qu'il n'avait pas.
25 R. Mais qui avait pu empêcher l'achat de certaines marchandises en
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1 Slovénie par des entreprises en Serbie ? Cela n'a pas été fait par des
2 banques.
3 Q. Il n'y a pas eu de décision administrative de la part de la Serbie. Il
4 y avait eu une révolte des citoyens en raison de cette attitude à l'égard
5 du Kosovo, et en raison de l'attitude adoptée là-bas à l'égard de ces gens
6 qui avaient souffert au Kosovo, et qui voulaient s'adresser à l'opinion
7 publique en Slovénie, et leur dire la vérité, les souffrances qu'ils
8 avaient vécues là-bas.
9 R. Cela avait été organisé spontanément, n'est-ce pas ?
10 Q. Cela avait été en partie, spontané. Mais ça n'avait rien à voir avec
11 les mesures prises par l'état, par la république. Et cela n'avait rien à
12 voir avec l'administration. Cela avait été une attitude généralisée
13 d'indignation à l'égard de l'attitude prise vis-à-vis du Kosovo.
14 R. Mais pourquoi n'avez-vous pas empêcher ce blocus des achats de
15 marchandises en Slovénie ?
16 Q. Revenons maintenant, Monsieur Markovic, si vous le voulez bien aux
17 relations en 1989 et 1990, pour ce qui est de la sécession de la Slovénie
18 et de la Croatie. Vous avez été informé du fait que vers la mi-1990, il y a
19 eu des réunions entre le HDZ et le parti Demos en Slovénie, pour harmoniser
20 la tactique à adopter à l'égard de la JNA. Vous vous en souviendrez ? Je
21 crois que Vasiljevic a confirmé la chose. C'est lui qui avait, à l'époque,
22 été chef des services de Sécurité militaire.
23 R. Non. Je ne suis pas au courant de réunions de ce type.
24 Q. Vous n'aviez pas reçu d'informations à ce sujet ?
25 R. Non. Je n'ai pas reçu d'informations à ce sujet. Je sais qu'à l'époque,
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1 le HDZ avec Tudjman à sa tête, avait constitué son pouvoir en Croatie. Et à
2 l'époque, il ne pouvait, à mon avis, pas fonctionner de cette façon-là.
3 Mais je ne sais pas ce que le HDZ faisait. C'était un parti, ça ne
4 m'intéressait pas. Moi, ce qui m'intéressait, c'est ce que faisaient les
5 institutions de l'état.
6 Q. Bien. Mais dites-moi, serait-il exact de dire si oui ou non, en début
7 d'octobre 1990, il y a eu un [imperceptible] des activités afférentes à
8 l'armement illégal d'unités en Croatie. Il en allait de même en Slovénie.
9 Et je crois que vous vous en souviendrez.
10 R. Je ne sais pas.
11 Q. Et vous savez que la JNA a découvert quatre [sic] canaux d'armements ou
12 de contrebande d'armes ?
13 R. Je dois dire que pour ce qui est de certains indices relatifs à
14 l'armement de la Slovénie, j'en avais disposé. Pour ce qui est de
15 l'armement en Croatie, ce qu'a été confisqué par l'armée avec le film avec
16 Spegelj et le transport des Kalashnikovs en provenance de Hongrie, je l'ai
17 appris quand cela a été diffusé, au moment de la diffusion à la télévision.
18 Le général Kadijevic ne m'avait absolument rien dit à ce sujet.
19 Q. Bien.
20 R. Et nous lui avons demandé à une session, pourquoi il n'avait pas
21 informé le Conseil exécutif fédéral de la chose, étant donné qu'il
22 s'agissait de fonctions militaires. Et il devait notamment informer la
23 présidence. Mais il aurait pu nous informer, nous aussi, pour que nous le
24 sachions. Et non seulement, et ce n'est pas pour que nous puissions donner
25 des ordres, mais pour être informés tout simplement. Il ne l'a pas fait.
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1 Q. Mais dites-moi, à l'époque où vous étiez au pouvoir, n'y a-t-il pas eu
2 une décision prise par le gouvernement croate pour ce qui est de la
3 création de ce Corps de la garde nationale ? C'était en juillet 1990.
4 R. Oui.
5 Q. Et en même temps, il a été pris la décision de retirer l'armement des
6 armes des polices dans les municipalités à majorité serbe dans la Krajina.
7 Et c'est ce qui a donné lieu à des conflits ?
8 R. Non. Il y a une genèse à citer, à raconter. La majeure partie de ces
9 armes avait déjà été restituée à l'armée. Et le gouvernement précédent dans
10 la Croatie, avait procédé à cette activité-là. C'est ce qui avait trait aux
11 instances de la défense populaire. Alors, on a exigé à l'armée de restituer
12 cela à la Défense territoriale. Cela n'a pas été fait.
13 Q. Mais vous étiez premier ministre lorsque les Serbes n'ont plus fait
14 partie en tant que peuple intégrant de la constitution de la Croatie.
15 Quelle avait été votre réaction ?
16 R. Contrairement à vous, qui n'êtes pas intervenu pour réagir à ce que
17 faisait les Serbes en Croatie, moi, j'ai réagi à ce que faisaient les
18 Croates.
19 Q. Mais c'était votre devoir.
20 R. Et votre devoir aussi existait. Mais en tout cas, j'ai demandé qu'au
21 parlement croate, je n'ai pas le document sur moi, mais j'ai demandé que la
22 question soit portée devant le parlement croate. Et j'ai pris la parole
23 pendant une durée assez longue, pour dire ce qu'il convenait de faire, pour
24 mettre un terme à tout cela. Et j'ai dit les choses très clairement en
25 énumérant un certain nombre de choses. J'ai d'abord parlé du revanchisme.
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1 Ensuite, j'ai dit qu'il fallait qu'il y ait démilitarisation, qu'il fallait
2 s'asseoir autour d'une table, qu'il fallait arrêter les actions de l'armée,
3 et cetera.
4 Q. La question que je vous posais consistait à vous demander quelle a été
5 votre réaction lorsque les Serbes ont été écartés. Donc, il n'a plus été
6 fait mention des Serbes dans les mêmes termes dans la constitution croate.
7 Vous étiez président de la présidence de Croatie pendant un certain temps.
8 Vous connaissez la constitution de la Croatie qui définissait la Croatie en
9 tant qu'état du peuple, état habité par le peuple croate, le peuple serbe
10 et les autres. Quelle a été votre réaction ?
11 R. Ma réaction a consisté à dire que c'était une mauvaise chose.
12 Q. Et quelle a été votre réaction lorsque la police a fait incursion à
13 Pakrac, Plitvice, Borovo Selo et lors de tous les incidents qui ont eu lieu
14 à ce moment-là ? Quelle a été votre réaction ? Vous étiez premier ministre
15 fédéral.
16 R. Tout cela s'est passé par l'intermédiaire de l'armée qui relevait de la
17 responsabilité de la présidence de Yougoslavie. On peut poser la question
18 de savoir quelle a été la réaction du Conseil fédéral également, lorsque
19 les Serbes ont attaqué des villages croates. Il y a eu des exemples de ce
20 genre également.
21 Q. Cela ne faisait pas partie de vos responsabilités. Donc, c'était
22 uniquement la responsabilité de l'armée. Je vous remercie de votre réponse.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez bien que les interprètes ont
24 un travail très difficile à accomplir. Nous sommes sous la pression du
25 temps. Les interprètes font un merveilleux travail, compte tenu des
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1 difficultés qu'ils ont à affronter; notamment, devant ces réponses très
2 longues de l'accusé et du témoin. Mais vous parlez la même langue. Donc, ne
3 créez pas de difficultés supplémentaires aux interprètes. Permettez-leur de
4 faire leur travail correctement.
5 Quand à vous, Monsieur Milosevic, vous devriez également penser un peu au
6 temps. Vous ne laissez du temps à personne, en fait.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur Markovic, je vous prie, répondez plus brièvement que vous ne
9 le faites, parce que je dispose de très peu de temps.
10 L'accord conclu entre la direction de la Slovénie et de la Croatie sur les
11 actions conjointes à mener à l'égard de la JNA, en date du 20 janvier 1991
12 et avant cela en date du 6 janvier 1991, vous savez que les ministres de la
13 Défense se sont rencontrés pour se mettre d'accord sur une action
14 coordonnée à l'égard de la JNA. Vous souvenez-vous de cela ? Oui ou non.
15 R. Je ne m'en souviens pas. Mais je me souviens que l'armée, ou plutôt
16 l'état major fédéral préparait une attaque sur la direction de la Croatie
17 et de la Slovénie. C'est ce dont je me souviens.
18 Q. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu attaque de la part du QG et de
19 l'armée.
20 R. Je n'ai pas dit qu'il y a eu attaque, j'ai dit qu'il y a eu préparation
21 à l'attaque. J'ai dit cela clairement. Et ceci figure noir sur blanc dans
22 mon rapport au bureau du Procureur.
23 Q. Est-il vrai que l'Article 5 de la constitution de la RSFY prévoyait que
24 les frontières ne pouvaient pas être modifiées sans l'accord de toutes les
25 républiques et de toutes les provinces ?
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1 R. Exact.
2 Q. Serait-il vrai que l'armée populaire yougoslave était absolument pro-
3 yougoslave ?
4 R. Et bien cela dépend du point de vue où on se place.
5 Q. Ecoutez, est-ce vrai ou pas ?
6 R. Pendant un certain temps, cela a été vrai, peut-être jusqu'à la fin de
7 1990, après cela -- l'armée est devenue de plus en plus pro-serbe.
8 Q. Est-il vrai que la JNA qui était multiethnique à cette époque qui en
9 tout cas avait une direction où toutes les appartenances ethniques étaient
10 représentées, étaient sur le point à ce moment-là, d'intervenir
11 militairement pour préserver l'existence à Yougoslavie ?
12 R. Contre qui ?
13 Q. Contre quiconque qui avait l'intention de nuire à l'unité de la
14 Yougoslavie, c'est ce que -- c'est la façon dont j'ai compris les choses.
15 Et c'est ce que vous avez dit il y a un instant.
16 R. A partir de la fin de l'année 1990, l'armée a commencé à agir de plus
17 en plus pour soutenir la politique serbe.
18 Q. Fort bien. Dans ce cas je ne vous interrogerais pas à ce sujet car
19 vous donnez des qualificatifs mais vous ne répondez pas aux questions.
20 Dites-moi je vous prie que faisiez-vous en qualité de numéro 1 de
21 gouvernement serbe lorsque par le biais des passages frontières, un
22 trafique d'armes illégal a commencé, cela faisait partie des compétences
23 qui étaient les vôtres. N'est-ce pas ?
24 R. Je n'étais pas au courant de ce trafique, j'ai commencé, a en être
25 averti lorsque l'armée a rendu la chose publique. A ce moment-là
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1 d'ailleurs, une sessions de la présidence s'est tenue, la présidence a
2 communiqué à ce sujet avec le Conseil exécutif fédéral, il est possible
3 d'ailleurs qu'à la fin du mois de janvier 1991, si je ne m'abuse, il y a eu
4 une séance en bonne et du forme de la présidence pour débattre de cette
5 question pour la première fois. D'ailleurs lorsque vous êtes intervenu
6 auprès du fonds monétaires International pour prélever 18,2 milliards de
7 dinar, nous n'avions aucun moyen pour réagir, nous n'avions pas les moyens
8 en questions.
9 Q. Ceci est inexact. Mais je ne peux pas revenir cent et cent fois sur
10 cette question du fond monétaire International dont vous ne cessez de
11 parler.
12 Vous vous souvenez que c'est précisément dans ce climat, donc sous la
13 pression exercée par la communauté internationale que Stipe Mesic qui
14 s'était déjà déclaré en tant que séparatiste devait être élu président de
15 la présidence ?
16 R. Stipe Mesic devait automatiquement être nommé au poste de président de
17 la présidence car c'est ce que prévoyait la constitution qu'indiquait
18 clairement dans quelles conditions les présidents de la présidence se
19 relevaient les uns les autres. Vous avez empêché que Mesic devienne
20 président de la présidence, et la présidence est restée 95 jours sans
21 président -- 45 jours sans président. Ce qui signifie que pendant 45 jours
22 l'armée s'est trouvée privé de son commandant.
23 Q. Monsieur Markovic, lorsque vous employez le "Vous", je ne sais pas à
24 qui vous parlez exactement. Mais au vote secret, les membres de la
25 présidence ont refusé de le nommer au poste de président de la présidence
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1 car il avait déjà fait savoir très publiquement et très clairement sa
2 volonté d'être le dernier président de la présidence yougoslave. Il avait
3 fait savoir sa volonté de démanteler la Yougoslavie.
4 R. C'était --
5 Q. Ceci est inexact ou pas ? C'était la question que je vous pose.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous avez donné la possibilité au témoin
7 de répondre.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me vois contraint de dire que la
9 présidence se composait de huit membres, quatre d'entre eux étaient
10 totalement favorables à la Serbie, parce qu'il y avait la Serbie, la
11 Vojvodine et le Kosovo, ainsi que le Monténégro qui avait une partie liée
12 avec la Serbie. Donc chaque fois qu'un vote se produisait, il était
13 toujours possible pour vous d'avoir un résultat de quatre par rapport à
14 trois. Mais Mesic a été un cas tout à fait exceptionnel parce qu'il n'y a
15 jamais eu vote sur la question de l'attribution des postes du président de
16 la présidence à Mesic. En effet, c'est une procédure qui devait se dérouler
17 automatiquement, c'est ce que prévoyait la constitution. Mesic aurait dû
18 automatiquement relever à ses fonctions Jovic, comme Jovic l'avait fait
19 pendant Drnovsek précédemment.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur Markovic, je vous ai demandé s'il est vrai que même avant que
22 Mesic soit candidat au poste de président de la présidence. Il avait fait
23 savoir très clairement et ouvertement qu'il voulait être le dernier
24 président de la présidence. Et il avait dit, il avait dit que très -- à de
25 très nombreuses reprises, qu'il avait en tête le démantèlement de la
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1 Yougoslavie. Ceci je pense n'est pas contesté non plus ?
2 R. La deuxième partie est contestée, la première --
3 Q. Vous avez mis en garde contre le danger des guerres civiles, vous avez
4 parlé devant le parlement croate de cela, c'est vrai. Mais c'était le 24
5 juin 1991. N'est-ce pas, Monsieur Markovic ?
6 R. Oui, au début du mois de juin.
7 Q. Moi, j'ai la date ici sous les yeux, le 24 juin. Cette séance du
8 parlement croate a été retransmise en directe à la télévision. Et vous
9 savez fort bien qu'à l'époque en Croatie, les trafiques d'armes avaient
10 déjà commencé. Certains s'armaient illégalement depuis le début de 1990.
11 Des conflits se préparaient dans ces régions où les Serbes étaient en
12 danger. Alors comment se fait-il que votre réaction était si tardive
13 puisqu'elle n'a eu lieu qu'au mi 1991 au moment où vous avez parlé de ce
14 danger devant le parlement croate.
15 R. Malheureusement, je ne peux que répéter la réponse que j'ai déjà fait
16 pour expliquer cela.
17 Ma première rencontre avec Tudjman s'est déroulée à Zagreb, ma famille
18 résidait en effet à Zagreb, moi je travaillais à Belgrade et je rendais
19 visite à ma famille le week-end. Et donc j'ai rencontré Tudjman ce jour-là,
20 ne nous étions jamais rencontrés jusqu'à ce jour, il m'a demandé si je
21 pouvais rester Zagreb jusqu'au lundi, j'ai dit que je ne pouvais pas. Donc,
22 nous nous sommes rencontrés le dimanche soir à Zagreb. Je ne veux pas
23 renter dans les détails pour gagner du temps.
24 En tout cas, la conclusion tiré par moi, c'est que nous étions -- nous
25 avions la possibilité de collaborer.
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1 Mais ce, à condition que des discussions aient lieu avec les Serbes de
2 Croatie, à condition qu'on ne touche pas à la Bosnie-Herzégovine, à
3 condition que les trafiques d'armes cesse, à condition que ces dispositions
4 soient acceptées sans demande de compensation.
5 Donc, mais mes propositions ont commencé par là et je les ai répétées à de
6 nombreuses fois qui se sont déroulées par la suite.
7 Une fois que la décision du printemps 1991 a été prise, j'ai demandé au
8 parlement croate et au parlement de la Serbie la permission de traiter de
9 cette question. En effet, ce n'était pas mon droit plein et entier sur le
10 plan légal. Mais en tout cas les deux assemblées, les deux parlements m'ont
11 donné la parole et je me suis donc exprimé. Vous, vous ne m'avez rien
12 demandé d'ailleurs. Je n'ai pas pu m'exprimer avec votre autorisation.
13 Q. Ecoutez, vous ne m'avez rien demandé, et puis cela n'aurait pas été un
14 problème pour vous de vous exprimer devant le parlement serbe.
15 R. Ceci n'est pas vrai.
16 Q. Mais je vous en prie dites-moi autre chose. Est-il vrai que de
17 nombreuses casernes manquaient de tout à l'époque et attendaient la JNA
18 pour être sauvées ?
19 R. Non.
20 Q. Est-il vrai que dès que le gouvernement a changé en Croatie, les Serbes
21 de Croatie ont vu toute mention faite à eux supprimée de la constitution
22 croate. En tout cas sur le plan national, leur situation s'est dégradée ?
23 R. Ceci est vrai, je n'ai jamais été d'accord avec cela et je n'avais pas
24 le droit de voter.
25 Q. Fort bien. Mais est-il vrai que les Serbes avaient de bonnes raisons
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1 d'avoir peur ?
2 R. On peut le dire, oui.
3 Q. Fort bien. Est-il vrai que les Serbes vivaient au côté des Croates,
4 vivaient parmi les Croates et qu'ils ont été à ce moment-là victimes de
5 mauvais traitement qu'ils espéraient que les tribunaux leur rendent justice
6 car c'était les institutions judiciaires à laquelle ils pouvaient
7 s'adresser et que celle-ci s'est montrée discriminatoire ?
8 R. Voyez-vous, vous tirez des conclusions de quelque chose qui fait déjà
9 partie de l'histoire. Nous pourrions parler d'autre chose, pourquoi n'y a-
10 t-il pas eu des réunions avec les Serbes de Croatie et pourquoi les cchoses
11 sont simplement passées par vous et par les Serbes de Serbie.
12 Q. Nous pourrions avoir organisé -- il aurait pu y avoir des négociations
13 entre Knin et Zagreb et nous serions intervenus en tant que médiateurs,
14 mais c'est ce que nous avons d'ailleurs essayé de faire, nous en montrerons
15 des preuves par la suite.
16 Vous dites au paragraphe 15 que je vous aurais dit que nous ne pouvions pas
17 laisser les Serbes sans protection, je suppose qu'il était clair à vos yeux
18 que les Serbes étaient sans défense en Croatie, sans protection.
19 Alors en tant que président de la Serbie je vous demande, vous le premier
20 ministre de la fédération si vous auriez -- si vous pensez que vous auriez
21 dû laisser ces gens dans la situation de danger dans laquelle ils se
22 trouvaient sans la moindre protection, est-ce qu'il n'était pas clair à vos
23 yeux que votre devoir consistait à vous occuper d'eux, qu'est-ce qu'il y a
24 de bizarre là ?
25 R. D'abord en tant que premier ministre fédéral je ne parle pas uniquement
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1 en tant que Croate, mais en tant qu'être humain. Et j'ai essayé d'agir
2 pendant toute cette période en cette qualité d'être humain. Par conséquent,
3 vous ne pouvez pas présenter les choses comme vous le faites, en ayant
4 l'air de dire que j'aurais dû agir en tant que représentant croate. J'étais
5 censé agir en tant que président d'une institution yougoslave ce qui était
6 effectivement le poste que j'occupais et j'insiste une nouvelle fois pour
7 dire que malheureusement je n'avais aucun pouvoir, pas plus d'ailleurs que
8 le gouvernement fédéral sur l'armée. Donc sur ce plan là nous n'avions
9 aucun moyen d'intervenir, nous avions fait un certain nombre de
10 propositions, nous avions envoyé des représentants différents membres du
11 cabinet incluant Markovic et d'autres pour rencontrer -- pour discuter au
12 niveau du gouvernement le vice-premier ministre et d'autres mais ils ont
13 essayé de résoudre les problèmes de budget, de transaction de
14 d'approvisionnement, de communication d'obtention normale des denrées dans
15 les citoyens avaient besoin, de la gestion -- ils ont essayé de rétablir la
16 gestion normale des affaires, et cetera.
17 Q. Ecoutez ne parlez pas de transaction et d'approvisionnement normaux.
18 Vous dites à un autre moment dans ce même texte je cite : "Les républiques
19 s'attribuaient elles-mêmes des recettes en provenance de diverses
20 transactions qui étaient censées aller au budget fédéral."
21 R. C'est exact.
22 Q. N'est-il pas exact que plusieurs républiques ont arrêté de verser leur
23 dû au budget fédéral à ce moment-là ?
24 R. Il est vrai que la Slovénie a cessé de payer ce qu'elle devait au
25 budget fédéral, elle a cessé y compris de payer tout ce qui était droit de
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1 douane, pour le passage de produit à la frontière pour le paiement
2 autrement dit de ces exportations à la frontière. Ça c'est vrai mais lors
3 de la session -- lors de la réunion dont je parlais, j'ai dit que la
4 Croatie avait payé ce qu'elle devait et Greguric a pris la parole et a dit
5 qu'il n'y aurait pas versement de l'argent dû à l'armée parce qu'elle
6 menait une guerre sur le territoire de la Slovénie et la Macédoine, elle a
7 payé ce qu'elle devait, Bosnie-Herzégovine également mais la Serbie ne l'a
8 pas fait. Regardez le PV de cette réunion vous constaterez ce qu'il en est.
9 Q. J'affirme que la Serbie a payé tout ce qu'elle devait au budget
10 fédéral, et que des exigences ont été présentées pour que les sommes
11 versées à l'armée soient augmentées compte tenu du fait que d'autres
12 républiques ne payaient pas ce qu'elles devaient. Des exigences ont été
13 adressées à la Serbie, d'autre part pour qu'elle arrête de payer elle
14 aussi.
15 R. Non cela n'est pas vrai et si j'avais le document je pourrais vous le
16 prouver. Lors de la réunion que vous avez citée à plusieurs reprises, dans
17 le PV il est écrit très clairement ce que je viens de dire. J'ai énuméré
18 tous ceux qui payaient et tous ceux qui ne payaient pas, et j'ai dit que la
19 Serbie faisait partie de ceux qui payaient. Vous pouvez retrouver ce
20 document.
21 Q. Bien sûr nous pouvons le retrouver et vous pouvez le retrouver
22 également. Nous parlions des institutions financières, vous avez dit vous
23 avez parlé de la banque chargée de la coopération internationale, vous avez
24 parlé d'Ivan Stambolic également. Vous savez fort bien Monsieur Markovic
25 qu'à l'époque il était chef de ce bureau et il occupait ce poste à ma
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1 demande. En d'autres termes il m'a prié de bien vouloir le nommer à ce
2 poste, et j'ai accompli cela en accord avec Branko Mikulic qui était alors
3 premier ministre, parce que ce n'était pas vous à l'époque. Branko Mikulic
4 le premier ministre avant vous était responsable et il a pu agir comme il
5 l'a fait parce qu'il était un candidat représentant la Croatie.
6 R. Est-ce que vous m'avez jamais demandé d'intervenir ?
7 Q. Pas que je m'en souvienne. Mais il est possible que je vous l'aie
8 demandé également, que je vous ai demandé d'appuyer sa nomination à ce
9 poste même si les choses ne se sont pas passées comme vous l'avez décrit.
10 Branko Mikulic à cette époque n'était plus en Serbie ça c'est vrai, cela a
11 été fait à ma demande j'étais d'accord pour qu'il obtienne ce poste. Est-ce
12 que vous l'admettez ?
13 R. Je peux vous dire simplement quelques mots au sujet d'une conversation
14 téléphonique que nous avons eue.
15 Q. Vous pouvez dire ce que vous voulez dire mais le fait est là et la
16 réalité c'est qu'à l'époque Branko Mikulic était premier ministre, ce
17 n'était pas vous le premier ministre.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Il semble qu'il y a des difficultés avec
19 le micro, car il ne fonctionne pas lorsqu'il est censé fonctionner, c'est-
20 à-dire que l'accusé lorsqu'il parle trop longuement devrait pouvoir être
21 coupé.
22 Monsieur Markovic si vous souhaitez répondre bien sûr vous pouvez le faire,
23 pour décrire la situation telle que vous la voyez vous ne devriez pas être
24 soumis à des pressions de tant de la part de l'accusé, donc si vous
25 souhaitez répondez.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup. Je voulais dire parce que je
2 m'en souviens très bien qu'à l'époque j'ai été appelé au téléphone par M.
3 Milosevic qui m'a demandé de bien vouloir faire en sorte que M. Ivan
4 Stambolic soit nommé à un poste en dehors de la Serbie, parce que pour
5 diverses raisons il n'était pas bon pour lui de rester en Serbie.
6 D'ailleurs c'était mieux pour lui et mieux pour nous. Il m'a demandé
7 également si je pouvais parler à M. Ilija Marjanovic, qui était directeur
8 général de JUBMES à l'époque,
9 c'est-à-dire de la banque yougoslave chargée de la coopération économique.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Il n'était que candidat à ce poste.
12 R. Non il était directeur général de JUBMES cela est facilement
13 vérifiable. Il m'a donc demandé si je pouvais parler à M. Ilija Marijanovic
14 pour lui demander de bien vouloir céder son poste à M. Stambolic. J'ai
15 appelé Stambolic je lui ai expliqué la situation, pardon excusez-moi j'ai
16 appelé le directeur général je lui ai expliqué la situation, et je lui ai
17 demandé d'accepter d'être remplacé à son poste par Stambolic. Ce qui a eu
18 lieu effectivement Stambolic est devenu donc directeur général de JUBMES et
19 l'ancien directeur est devenu son adjoint.
20 Mais ce n'est pas la fin de l'histoire, parce que une fois qu'Ivan
21 Stambolic qui n'avait jamais fait ce travail par le passé a fait ce qu'il
22 avait à faire, et il a très bien fait son travail il a beaucoup contribué
23 au développement de cette banque chargée de la coopération économique
24 internationale, jusqu'au moment où son mandat est arrivé à son terme.
25 M. Milosevic m'a parlé une nouvelle fois en ce moment-là en tête à tête, il
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1 m'a demandé de ne pas soutenir la réélection de M. Stambolic. J'ai écrit
2 une lettre au gouvernement fédéral où je disais excusez-moi, il a écrit une
3 lettre au gouvernement fédéral où il demandait au gouvernement de ne plus
4 soutenir M. Stambolic au moment de sa réélection. Moi je n'étais pas
5 d'accord avec cette position il y avait deux membres du cabinet qui étaient
6 d'accord avec le contenu de la lettre, même s'il s'agissait d'amis
7 personnels de M. Stambolic. Je suis allé devant le parlement et j'ai dit
8 que je soutenais
9 M. Stambolic, après quoi M. Milosevic a cessé de communiquer avec le
10 gouvernement fédéral et avec moi en tant que premier ministre pendant
11 plusieurs mois.
12 Q. Ceci est totalement inexact c'est contraire à vérité. Coupure du micro.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Que se passe t-il avec le micro.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] J'ai coupé le micro effectivement parce
15 que l'heure de la pause est arrivée, le témoin doit avoir la -- de
16 répondre.
17 Monsieur Milosevic, vous disposez encore de 25 minutes pour la fin de votre
18 contre-interrogatoire.
19 M. NICE : [aucune interprétation]
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
21 M. NICE : [interprétation] Je sais que Me Tapuskovic va revenir sur cette
22 question. L'accusé a posé de nombreuses questions au témoin sur cette
23 question. Nous avons découvert le document dont nous parlions tout à
24 l'heure, qui est un document très long, et dont nous avons la traduction
25 anglaise. J'ai annoté les intercalaires donc je pense que l'accusé souhaite
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1 les aborder avec -- enfin, donc je pense qu'ils ont fait l'objet des
2 questions posées par l'accusé au témoin. Nous reverrons tout cela pendant
3 la pause. Cela nous permettra peut-être de gagner du temps.
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, il serait bon que le témoin voie ce
5 document également.
6 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais aller à huis
7 clos partiel pour une minute. Rien à voir avec le témoin; des questions
8 administratives. Mais je préférais que nous en parlions maintenant qu'à la
9 fin de l'audience d'aujourd'hui.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien.
11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
12 [Audience à huis clos partiel]
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23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, poursuivez.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur May.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur Markovic, vous avez entendu dire qu'on m'a accordé uniquement
4 25 minutes de plus. Répondez de façon concise, car j'ai encore beaucoup de
5 questions à vous poser. Enfin, terminons-en d'Ivan Stambolic.
6 Je suppose qu'il n'est pas contesté que Stambolic est devenu président de
7 la banque yougoslave des relations économiques internationales en 1987 sur
8 mon intervention. J'ai dit que j'étais intervenu, alors, auprès de Branko
9 Mikulic, qui était alors premier ministre. Et vous dites que je suis
10 intervenu auprès de vous également. Mais est-il contesté qu'il ait été
11 nommé sur mon intervention ?
12 R. Non.
13 Q. Donc, c'est sur mon intervention qu'il a été nommé à ce poste. Ceci
14 étant puisque vous étiez ami, comme vous le dites, savez-vous qu'il est
15 resté à ce poste jusqu'en 1998 au moment où il a pris sa retraite ?
16 R. Je le sais. Mais il est aussi notoire que vous m'avez demandé à moi de
17 veiller à ce qu'il soit démis de ses fonctions. Vous avez écrit une lettre
18 officielle au Conseil exécutif fédéral pour ne pas soutenir le
19 renouvellement de son mandat, mais plutôt pour qu'on soit à la recherche
20 d'une autre personne.
21 Q. Je ne sais pas ce qu'il en est de ces questions d'affectation de
22 personnel. Mais n'est-il pas clair qu'il est resté à ce poste jusqu'en
23 1998 ?
24 R. Oui mais pas grâce à vous, grâce à moi. C'est moi qui suis allé à
25 l'assemblée de la banque, et c'est en mon nom et au nom du Conseil exécutif
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1 fédéral que j'ai appuyé sa réélection. Et il a bénéficié d'un grand nombre
2 de voix au moment de cette réélection. De fait, beaucoup de Serbes se sont
3 prononcés en sa faveur, alors que ces personnes avaient reçu pour
4 instruction de ne pas voter pour lui. Certains sont même partis, ont quitté
5 la réunion pour ne pas devoir voter.
6 Q. Oui, mais en 1987, ce n'est pas sur votre initiative qu'il a été nommé.
7 R. Je ne peux pas parler du moment où je n'étais pas premier ministre.
8 Q. Mais il est resté sept ans de plus à ce poste jusqu'en 1998, pas sur
9 votre initiative.
10 R. Il est resté quatre ans de plus. C'est grâce à mon initiative et contre
11 vous qu'il a été réélu.
12 Q. Et puis il est resté jusqu'en 1998.
13 R. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.
14 Q. Mais qu'est-ce que ceci a à avoir avec quoi que ce soit. Ivan Stambolic
15 et la guerre en Croatie, en Bosnie, la guerre au Kosovo ? Or, c'est bien là
16 l'objet de votre déposition. Est-ce que c'est la partie adverse qui vous a
17 dit d'en parler, ou est-ce que vous avez pris vous-même cette initiative ?
18 R. Au cours des auditions relatives aux questions vous afférant, il a été
19 question de M. Stambolic. Et j'ai dit ce que j'ai dit.
20 Q. Je vous remercie infiniment. Donc, c'est la partie adverse
21 qu'intervient, qui s'est mise dans des questions qui ne la concernent pas.
22 Ils ne permettent pas d'intervenir dans les élections en Serbie, mais eux
23 vous parlent d'Ivan Stambolic.
24 M. NICE : [interprétation] Je dois protester. Vous savez que cette question
25 était tout à fait correcte dans le cadre de la déposition de ce témoin, et
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1 il a répondu aux questions qui lui ont été posées.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Fort bien. Passons à autre chose. Ici, j'ai sous les yeux un article de
4 presse de Croatie. Je vais chercher la date précise de la parution. Il
5 s'agit du Feral Tribune, 8 novembre 2003. Ceci est un rapport --
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette
7 question ? L'Accusation a tout à fait le droit de soulever une objection,
8 effectivement. C'est le genre d'objections que vous élevez. Mais quel est
9 le rapport ? Puisque ce témoin parle de choses qui se sont déroulées il y a
10 dix ans. C'est là-dessus que porte sa déposition.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis passé à un sujet différent, Monsieur
12 May. Un sujet évoqué par le témoin dans le cadre de l'interrogatoire
13 principal. Il a dit qu'il s'était trouvé en péril à Belgrade, que sa vie
14 était en danger, qu'il dormait avec une arme sous l'oreiller.
15 Ici, j'ai une entrevue -- un entretien qu'il a accordé ou qu'il a eu avec
16 Suvar, un homme politique croate, qui lui aussi a occupé des fonctions à
17 l'époque à Belgrade. Il dit ceci : "Auparavant, j'ai vécu également à
18 Belgrade, et j'ai été l'objet de beaucoup d'accusations et de menaces. Et
19 aussi lorsqu'Ante Markovic, ainsi que Milosevic et Kadijevic en fait,
20 cassaient la galette au moment où la constitution serbe était adoptée. Je
21 ne me sentais pas moi en danger physiquement. Et je ne pense pas que la vie
22 de M. Markovic aurait été, non plus, en danger."
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Donc, vous avez ici Stipe Suvar qui ne se sentait pas du tout en péril.
25 Et vous, vous viviez dans la résidence du premier ministre fédéral, gardée
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1 par une police en tenue. Et vous affirmez que vous étiez physiquement en
2 danger à Belgrade ?
3 R. Impossible de répondre à cette question. En effet, qu'est-ce qui
4 habilite Stipe Suvar à dire ce que moi j'ai vécu ? Une première chose,
5 c'est qu'à l'époque, Suvar n'était pas à Belgrade. Il avait quitté Belgrade
6 bien avant. Il n'aurait pu rien savoir à propos de ce que je vivais.
7 Moi, c'est moi seul qui sais comment, dans quelles circonstances je vivais
8 à ce moment-là. Au cours des derniers mois de ma vie à Belgrade, quand je
9 partais de la maison, jamais je n'utilisais le même trajet pour aller au
10 travail. Pour ce qui est des gens qui me surveillaient, vous savez beaucoup
11 de gens ont été tués par des gens qui les surveillaient.
12 Q. Mais qui est-ce qui a été tué ?
13 R. Je ne parle pas nécessairement de la Yougoslavie. Je dis que de par le
14 monde beaucoup de gens ont été assassinés par des gens qui étaient censés
15 les protéger, les surveiller.
16 Q. Mais ici, on parle de Belgrade 1989, 1990, 1991 lorsque vous craigniez
17 pour votre vie, qui est-ce qui a été tué à ce moment-là ?
18 R. Je n'ai pas parlé de 1989, 1990 ou 1991. J'ai parlé des derniers mois
19 de mon séjour à Belgrade, et j'ai dit la vérité.
20 Q. Avez-vous le moindre exemple de quiconque qui aurait menacé, qui vous
21 aurait menacé ?
22 R. Mais bien sûr. Les manifestations on été organisées contre moi. Les
23 gens étaient opposés à moi.
24 Q. Je vois, des manifestations. Et puis Suvar parle aussi d'autre chose
25 dans cet article. Il parle de ce projectile qui aurait été lancé sur Banski
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1 Dvori, le palace du Ban [phon]. Personne n'a jamais pu photographié un seul
2 cratère, n'en a vu un. Il était de notoriété publique que ceci a été monté
3 de toute pièce, et que personne n'avait pris ce palais pour cible à force
4 ripa [phon] un avion de la JNA. Il dit qu'aux vœux [phon] de tout ce qui se
5 passait jusqu'à présent, on voit qu'un avion de la JNA qui était parti de
6 Bihac avait tiré sur la résidence de Spegelj qui était à Tuskanac. On avait
7 tiré sur sa résidence. Il était ministre de la Défense. Donc, ce missile
8 était tombé sur cette résidence. Mais on n'avait pas tiré sur le palace de
9 la résidence.
10 R. Ecoutez, je peux vous dire qu'une polémique avec M. Stipe Suvar ne
11 m'intéresse pas. Comment peut-il dire quoi que ce soit à ce propos ? Il
12 n'avait aucune voie d'accès. Il aurait pu inventer n'importe quoi, que
13 c'était les Américains qui avaient bombardé le palais. Moi, ce que je peux
14 dire ici, n'a rien à voir avec Stipe Suvar. Il ne m'intéresse pas le moins
15 du monde. Mais je peux vous dire ceci. Moi, je me trouvais à Zagreb entre
16 le 5 et le 10 octobre, pour des raisons purement personnelles. Et c'est à
17 ce moment-là qu'est né mon premier petit-fils. Et j'ai essayé de trouver un
18 moyen d'aller à Zagreb. A l'époque, toutes les voies d'accès et de
19 communications entre Belgrade et Zagreb étaient coupées. Je suis donc passé
20 par l'Autriche.
21 A mon arrivée à Zagreb, Tudjman m'a appelé, a demandé à me rencontrer. Il
22 avait appris que je me trouvais à Zagreb. Il voulait me parler à propos de
23 l'idée du moratoire. A ce moment-là, les relations en Yougoslavie, en ex-
24 Yougoslavie étaient censées être réglées sans effusion de sang. Et il
25 voulait en discuter avec moi pour me dire que je devais parler avec Stipe
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1 Mesic, afin qu'il puisse rentrer à Belgrade. M. Mesic, M. Tudjman et moi-
2 même, nous nous sommes rencontrés pour en discuter. Et nous nous sommes mis
3 d'accord sur certaines questions. Notamment que Mesic devait rentrer à
4 Belgrade, que les ministres aussi devaient rentrer à Belgrade, et que
5 certains des membres de l'assemblée fédérale le fassent aussi. Nous nous
6 sommes accordés à dire que Kucan devait être appelé. Tudjman a voulu
7 l'appeler. Et c'est à ce moment-là que le projectile a explosé. J'étais
8 présent. J'étais sur les lieux, là où il y a eu cette explosion.
9 Un de ces projectiles a explosé dans la salle à manger même où, quelques
10 secondes à peine auparavant nous avions déjeuné. Et là, il y avait des
11 traces, des cratères. La porte avait été arrachée, l'escalier aussi. Nous
12 avons essayé de sortir par tous les moyens possibles.
13 Dans d'autres lieux, proche de ce bâtiment, on a vu d'autres cratères
14 jusqu'à Dubravkin Put.
15 Q. Donc là, maintenant nous avons un autre journal, du mois d'octobre 1993
16 [sic]. Il s'agit d'Hrvatska Ljevica. Et on parle de cette histoire
17 concoctée de toutes pièces. Qu'il n'y avait pas eu d'attaque de Banski
18 Dvori, et que tout expert militaire aurait pu le voir. On voit clairement
19 des photographies. Le lustre dans le bureau de Tudjman n'est pas touché --
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendez, nous allons vérifier pour voir
21 si le témoin peut parler de cet article de presse.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas au courant. Je ne sais pas qui
23 est l'auteur de cet article, qui en a la compétence.
24 M. Milosevic se sert d'éléments sans aucune pertinence.
25 Il est établi qu'il y a eu sept ou huit projectiles qui ont été tirés, et
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1 qu'un homme a même été tué.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Où a-t-il été tué, cet homme ?
4 R. Ces obus ont touché le bâtiment, deux d'entre eux.
5 Q. Est-ce que quelqu'un a été tué dans ce bâtiment-là ?
6 R. Puis, de l'autre côté de la rue Visoka, il y a eu un obus, et aussi
7 dans la rue qui s'appelle Dubravkin Put. Il faut vivre ce genre de chose
8 pour savoir l'effet que ça a. Et maintenant, vous me demandez de discuter
9 de gens qui auraient pu écrire n'importe quoi à ce propos, qui n'était pas
10 au courant. C'est tout à fait dénué de bon sens.
11 Il demeure que le général Tus, qui, pendant des années avait été lui-même
12 un pilote, et qui commandait les forces aériennes yougoslaves. Et bien que
13 le général Tus a estimé que ces obus avaient été largués par un avion
14 précis à une altitude précise, et que seuls trois pilotes en Yougoslavie
15 auraient été capables de le faire. Le général Tus est expert en la matière,
16 ce qui n'est pas le cas de gens qui écrivent n'importe quoi.
17 Q. Je vous lis la dernière phrase : "Il se peut que Markovic, en personne,
18 n'ait pas été au courant de ce stratagème qui devait être mis en place pour
19 l'opinion publique yougoslave et internationale." Puisqu'il n'y a pas eu de
20 tirs. Vous dites qu'il y a eu des tirs, mais personne n'a été tué. C'est
21 bien cela, Monsieur Markovic ?
22 R. Il y a eu des tirs, et il y a eu des blessés. Je ne peux pas vous dire
23 qui précisément, mais je sais qu'un homme a été tué. J'en suis certain. Et
24 je sais que d'autres ont été blessés. Je n'avais pas pour mission de
25 m'occuper de cela. Moi, j'avais été la victime de ce bombardement.
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1 Et je ne pense pas qu'il aurait été crédible que Tudjman se bombarde lui-
2 même.
3 Q. Mais on n'a pas bombardé ce palais, Banski Dvori, comme vous le dites.
4 R. Je ne suis pas compétent pour entrer dans ce genre de polémique.
5 Demandez-le à quelqu'un d'autre. L'auteur de cet article n'est, à coup sûr,
6 pas compétent. N'importe qui peut raconter n'importe quoi. Je m'étonne que
7 vous utilisiez ce genre d'arguments.
8 Q. Mais c'est un journal croate.
9 R. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? On écrit n'importe quoi dans les
10 journaux.
11 Q. Mais c'est vrai, c'est vrai. On dit n'importe quoi dans les journaux.
12 Autre chose intéressante ici, on dit que l'appui le plus important dont
13 bénéficiait M. Markovic, c'était celui du Grand état major. Et Kadijevic,
14 vers la fin 1990, aurait suggéré que c'est vous, en tant que premier
15 ministre légalement élu, après le coup d'état militaire, qui auriez dû
16 devenir président du pays, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Donc, dans une même page, on a des choses inexactes et d'autres
19 questions exactes.
20 R. Parce que ça, ça vient de quelque chose que j'ai dit moi-même.
21 Jusqu'alors, personne ne le savait, si ce n'est que Kadijevic et moi-même.
22 Et si quelqu'un a écrit à ce propos, c'est parce que je lui ai passé
23 l'information. Et c'est vrai, Kadijevic est venu me voir. Il avait un plan
24 élaboré au Grand état major qui visait à arrêter les dirigeants de Serbie
25 et de Croatie, et qu'il fallait faire de façon séparée de la présidence.
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1 Et puisque celle-ci avait été mise de côté, ce poste devrait être occupé
2 par quelqu'un d'autre. J'ai répondu, je me dis : "Et quelle est la place de
3 Milosevic ou d'autres personnes dans tout ceci ?" Il a dit : "Il est le
4 seul qui lutte pour la Yougoslavie, et le seul qui soutienne ceci".
5 Q. Donc moi, je suis le seul a lutté pour la Yougoslavie ?
6 R. Et vous êtes le seul qui soutienne le reste de ces hommes.
7 Q. Donc, pourquoi ne les a-t-il pas arrêtés ?
8 R. Parce qu'il n'avait pas suffisamment de soutien politique.
9 Q. Donc, je ne l'ai pas soutenu politiquement non plus ?
10 R. Il aurait pu le faire s'il avait voulu. M. Markovic, lui, aurait pu le
11 faire s'il avait voulu. Sauf que M. Markovic était censé être votre outil,
12 l'outil de M. Kadijevic. L'arme de M. Kadijevic pour les arrêter, ces deux-
13 là.
14 Q. Vous dites que nous n'étions pas en bons termes, et pourtant vous étiez
15 censé être mon arme.
16 R. Qui n'était pas en bons termes ?
17 Q. Vous et moi.
18 R. Peu importe. Il est intéressant que j'étais supposé vous servir d'arme,
19 d'outil pour pouvoir régner sur toute la Yougoslavie.
20 Q. D'accord. Fort bien, Monsieur Markovic. Et c'est très intéressant,
21 construction, architecture des événements très intéressante.
22 Dites-moi, puisque j'ai cité là cet article de Suvar, il y a une question
23 qui se pose ici, et j'aimerais vous la poser. Vous affirmez que Tudjman et
24 moi-même, nous nous sommes mis d'accord à Karadjordjevo pour séparer, pour
25 diviser la Bosnie, n'est-ce pas ?
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1 R. Ce n'est pas moi qui l'affirme. Vous deux, vous me l'avez confirmé.
2 Q. Il n'est pas vrai que j'aurais confirmé ceci. Quant à savoir si Tudjman
3 n'a jamais tenu de tels propos, ça c'est une autre paire de manches.
4 Nous avons ici un PV de réunion, réunion de Tudjman avec ses collaborateurs
5 les plus proches. Et il commente la déposition de (expurgé)
6 (expurgé) en disant que ce sont des mensonges flagrants. C'est ce qu'il dit
7 à ses collaborateurs les plus proches. Pourquoi pensez-vous qu'il me dirait
8 quelque chose de différent, ce qu'il ne dit même pas à ses collaborateurs
9 les plus proches.
10 R. Je ne peux pas vous dire ce qu'il a dit à autrui. Ce que j'ai -- moi,
11 j'ai mes notes personnelles d'une réunion avec M. Tudjman et avec M.
12 Milosevic à propos de Karadjordjevo et de la répartition de la Bosnie-
13 Herzégovine.
14 Q. C'est tout à fait faux. Ce que Tudjman aurait pu vous dire, ça je ne le
15 crois pas. Après tout nous avons apporté un démenti public, mais ce qui est
16 certain ce que je n'ai jamais dit une telle chose. Et voici ce que Stipe
17 Suvar dit parce que le journaliste lui pose la question suivante :
18 "Milosevic et Tudjman aurait confirmé à Markovic qu'ils s'étaient mis
19 d'accord pour la division de la Bosnie." Il répond : "Tout à fait. Mais
20 Markovic n'avait pas à attendre 12 ans pour dire cette histoire." Pourquoi
21 avez-vous attendu 12 ans pour relater ce que nous, Tudjman et moi-même
22 aurions dit apparemment à propos de cet accord ?
23 R. Lorsque le Procureur m'a demandé de venir déposer ici, j'ai dit tout ce
24 que j'avais. Auparavant, je n'étais pas intervenu. Si j'ai pris la parole,
25 c'est parce que le Tribunal de La Haye m'avait demandé de venir en qualité
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1 de témoin. C'est seulement à ce moment-là que je me suis prononcé sur cette
2 question.
3 M. LE JUGE MAY : [interprétation] L'audience va bientôt se terminer, il
4 vous reste cinq minutes, Monsieur Milosevic. Et puis nous allons répartir
5 la dernier heure -- la dernière demi-heure entre les amis de la Chambre et
6 le Procureur.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Que puis-je faire en cinq minutes. Enfin, de
8 toute façon cette histoire de la répartition de la Bosnie c'est tout à fait
9 faux et puis ces conversations secrètes et le procès-verbal qui ont été
10 faits aussi.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Mais vous avez dit qu'il y avait deux points à l'ordre du jour de la
13 réunion que j'aurais eu avec Tudjman, la diffusion de la Bosnie et la
14 démission de Ante Markovic. Comment dire, n'attachez-vous pas trop
15 d'importance à votre personne. Est-ce qu'on aurait discuté de votre
16 démission ? Qu'est-ce que ça pouvait bien me faire ?
17 R. En tout cas, moi je n'ai pas discuté, c'est vous deux qui attachaient
18 cette importance à ma personne et vous m'avez dit, Monsieur Milosevic, que
19 c'était une proposition émanant de M. Tudjman, pas de moi. Et je n'avais
20 aucune raison de ne pas être d'accord. Et je pense que vous avez même mis
21 une date butoir à cette démission.
22 Q. Ce n'est pas vrai.
23 R. On m'a dit que c'était votre proposition mais qu'elle va être reportée
24 pendant un certain temps. Je me souviens même des détails.
25 Q. Moi aussi je me souviens de détails.
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1 R. Non, non, vous avez un problème d'amnésie maintenant.
2 Q. Non, non, je n'ai jamais souffert d'amnésie mais il vous arrive
3 d'utiliser le livre de Boro Jovic. Vous allez peut-être trouver ce détail
4 dans ce livre également.
5 Votre démission, c'était une question qui concernait Tudjman pas moi. Ce
6 n'est pas que je pense que ce soit Tudjman qui l'ait soulevée, mais il
7 était le chef de la Croatie, et vous, vous étiez de Croatie. Il ne me
8 revenait pas --
9 R. Désolé de vous interrompre, mais il n'incombait pas à Tudjman de dire
10 quoi que ce soit, parce que je n'ai pas été élu à partir de critères
11 républicains parce que j'étais de tel ou tel république à mon poste au
12 gouvernement fédéral. C'était le seul poste qui ne relevait pas de ces
13 critères.
14 Q. Au contraire, on a fait l'impossible pour avoir un premier ministre
15 d'une autre République, il y a même une anecdote. Tudjman m'a dit, bien sûr
16 à Karadjordjevo, parce que là personne n'a pas pensé à parler de vous. Mais
17 je lui ai demandé quel poste il donnerait à Ante Markovic, il m'a dit
18 puisqu'il est électricien, je vais lui dire de réparer les fusibles. Et
19 voilà ce que dit Borovic
20 R. Non, notre représentant officiel de Croatie au moment des élections en
21 Croatie en 1990, il s'appelle Djodan. Et il y a d'ailleurs un texte à ce
22 propos, il a dit que : "Ante Markovic ne devrait pas s'occuper de
23 politique. C'est un ingénieur électricien qu'il s'occupe d'électricité et
24 des fusibles."
25 Q. Fort bien, Monsieur Markovic, est-il vrai que vous avez constitué un
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1 parti politique de réformateurs, mais c'est seulement après la tenue des
2 élections pluripartite en Croatie.
3 R. Exact. Je l'ai établi au moment où j'étais autorisé à le faire en
4 application de la loi yougoslave. Cette loi yougoslave a été adoptée en
5 juin 1990. Et c'est seulement après que j'ai été autorisé à le faire.
6 Le Conseil exécutif fédéral a fait des propositions fin 1989, et j'ai
7 proposé une modification de la constitution afin qu'on puisse avoir des
8 élections de plusieurs partis dans toute la Yougoslavie. Et comme ça
9 n'avait pas été le cas, je ne pouvais pas avoir des élections en Croatie ou
10 en Slovénie puisque la Croatie et la Slovénie ont tenu des élections avant
11 l'adoption de cette loi en question.
12 Q. Mais votre parti de réformateurs a bien participé aux élections en
13 Serbie et en Bosnie-Herzégovine et dans d'autres républiques. Je suppose
14 que vous n'alliez pas contester cela ?
15 R. Non, non, plutôt le contraire, bien sûr nous avons participé.
16 Q. Et vous avez subi un échec total au cours de ces élections ?
17 R. Pas vrai non plus, c'était un échec partiel.
18 Q. Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
19 R. Par exemple, il y avait 29 sièges à l'assemblée de Macédoine, ce n'est
20 pas une défaite, une défaite complète. Si vous avez été parlementaire, élu
21 en Bosnie-Herzégovine, ce n'est pas une perte totale.
22 Q. Combien de parlementaires avez-vous obtenu en Serbie, à l'assemblée
23 serbe ?
24 R. Aucun.
25 Q. Vous dites avoir été très populaire, vous dites que nous étions jaloux
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1 du fait de votre popularité. Comment se fait-il que vous n'ayez pas
2 remporté un seul siège ?
3 R. Mais vous avez rendu les élections impossibles à ce moment-là.
4 Q. Mais vous avez participé aux élections en Serbie, aux premières
5 élections, vous faisiez partie --
6 R. Excusez-moi, mais les élections n'ont été autorisées qu'après
7 l'adoption de la loi vers la fin du mois de juin 1990, 25 juin à peu près,
8 me semble-t-il. C'est seulement après qu'il a été possible de le faire
9 avant ce n'était pas possible.
10 Q. Mais ceci ne fait que confirmer le fait que nous en Serbie, nous avons
11 eu des élections pluripartites conformément à la loi après modification de
12 la constitution, après l'introduction d'un système pluripartites.
13 R. Oui.
14 Q. Et puis, vous avez participé aux élections conformément à la loi
15 fédérale et conformément à la constitution de Serbie modifiée ?
16 R. Je n'ai pas participé, se sont les gens qui sont de Serbie, qui ont
17 participé. Ceux qui ont organisé l'alliance de réformateurs de Serbie.
18 Q. Fort bien.
19 M. KAY : [interprétation] Je pense que ceci mais un terme à votre contre-
20 interrogatoire. Il vous reste le temps de deux questions.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Très bien. Monsieur Markovic, puisque vous nous avez parlé d'un grand
23 programme de réforme qui aurait été le vôtre, serait-il exact de dire qu'il
24 a expliqué qu'il y avait beaucoup de devise en réserve et selon le taux de
25 change qui n'était pas réaliste et qui était adopté par vous-même a conduit
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1 à l'anéantissement de ces réserves en devise à titre entier.
2 R. Ce n'est pas exact du tout. Cela était fait par ceux comme vous qui ont
3 pillé de la banque nationale les 18,2 milliards de dinar.
4 Q. Mais, il n'avait pas été privé de devise.
5 R. Oui, mais ceux qui avaient obtenu le dinar pouvaient s'acheter des
6 devises. Du moins ça c'était clair.
7 Q. Ecoutez s'il vous plaît, n'est-il pas exact de dire que vous aviez
8 gonflé les réserves en devise en y mettant tout ce qui avait. Et ces
9 montants des réserves en devises fait figure par la suite dans les
10 négociations de la soit disant succession et ces réserves de devises
11 avaient par la suite exigé à la Serbie, et à la Monténégro. Comme ça
12 n'existait pas, on a confisqué les réserves en or que la Serbie avait versé
13 et stocké dans les fonds alors qu'elle était Royaume de Serbie. Je crois
14 que vous, vous devriez connaître ces faits et ces vérités.
15 R. Le fait que les réserves en devises avaient été suivies et contrôlées
16 par la banque nationale de Yougoslavie, cela n'avait pas été fait par le
17 gouvernement. Et les rapports dont il est question, sont des rapports
18 présentés à titre publique ou à titre interne par la banque nationale de
19 Yougoslavie.
20 Q. Bien.
21 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Le temps est révolu. Nous devons partager
22 comme je l'ai déjà dit le temps restant entre les amis de la Chambre et
23 l'Accusation. Par conséquent, vous avez, Monsieur Tapuskovic, quelques 15
24 minutes.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, dans cette multitude
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1 de choses qui figurent dans le résumé, je vous demanderais de me permettre
2 de tirer au clair quelques questions encore au sujet du paragraphe 45 où il
3 est question des paramilitaires, et paragraphes 37, 38, 39. A leur sujet je
4 m'attarderais sur ces questions et je me limiterais aux questions qui n'ont
5 été pas encore entamées. Je me propose de commencer par les paragraphes 37,
6 38 et 39. Monsieur Markovic je vous demanderais s'agissant de toutes les
7 choses que je vous mentionnerais, et que je vous présenterais par écrit je
8 vous dirais au sujet de M. Mesic comme on l'a précisé dans la journée
9 d'aujourd'hui, il s'agit de la pièce à conviction 328, international 16.
10 J'ai une version B/C/S et j'ai surligné les choses que j'ai l'intention de
11 vous montrer.
12 Questions de l'Amicus Curiae, M.Tapuskovic :
13 Q. [interprétation] Je voudrais que vous vous penchiez tout d'abord sur la
14 page 74. Comme je l'ai dit tout à l'heure je parle de la page 74, et en
15 version anglaise il s'agit de la page 62 paragraphe 3, version anglaise
16 donc c'est page 62 et je précise à l'intention de M. le Procureur.
17 Vous l'avez retrouvé ?
18 R. Oui.
19 Q. Voyez-vous c'est ce que vous avez dit aujourd'hui pour ce qui est des
20 attributions et du fonctionnement j'ai déjà indiqué que le fait est que la
21 présidence après le 15 mai, donc jusqu'à aujourd'hui et nous parlons du 1e
22 juillet, l'aide de la Troïka n'a pas fonctionné, la présidence n'a donc pas
23 fonctionné durant une période de temps qui avait connu des événements
24 dramatiques pour la destinée du pays, c'est ce que vous avez indiqué ici,
25 n'est-ce pas ?
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1 R. En effet.
2 Q. Et en page 75 dernier paragraphe vous avez dit de façon absolue la
3 présidence je précise qu'il s'agit de la page 63 de la version anglaise.
4 "Donc de façon absolue la présidence doit siéger en continuité comme cela
5 est fait par le Conseil exécutif fédéral, il n'y a pas de journée où nous
6 nous ne réunissons pas, parce que tous les jours il se passe quelque chose
7 de nouveau, et il convient de nous concerter." C'est bien ainsi que ça
8 s'est passé Monsieur, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Si je vous parle de choses qui étaient notoirement connues, je vous
11 demanderais de nous dire si vous avez suivi les événements de cette date
12 critique entre le 24 et 26 juin, ne savez-vous pas que la Croatie a
13 proclamé son indépendance en date du 25 tout comme l'assemblée de la
14 Slovénie ?
15 R. Oui.
16 Q. Saviez-vous que la Slovénie avait décidé de prendre sur soi toutes les
17 attributions de la fédération pour ce qui est de la frontière slovène vers
18 l'Autriche, l'Italie et la Hongrie et de mettre, d'ériger une frontière
19 d'état vers le reste de la Yougoslavie, donc vers la frontière croate,
20 n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-il exact de dire que la Slovénie ce jour-là, a déjà mis en œuvre
23 ces décisions ?
24 R. Je ne sais pas si c'est le même jour, mais en principe oui je ne suis
25 pas sûr si pour ce qui est de savoir si -- de dire si elle a pu le faire en
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1 un seul jour, mais ces décisions allaient en ce sens.
2 Q. Et ce jour-là le parlement de la République fédérative socialiste de
3 Yougoslavie sans les délégués de la Slovénie et de la Croatie n'a-t-il pas
4 conclu que les décisions de la Croatie, et de la Slovénie étaient
5 anticonstitutionnelles, et n'a-t-elle pas demandé aux instances fédérales
6 compétentes de rétablir la situation initiale ?
7 R. Oui.
8 Q. Donc vous, Conseil exécutif fédéral, n'avez-vous pas ce jour-là adopté
9 une décision et un ordre, n'est-ce pas ?
10 R. De quelle date parlez-vous, je ne sais pas où ça se trouve ? Quelle
11 page ?
12 Q. Moi je vous demande si vous aviez adopté deux décisions ce jour-là.
13 Voyez-vous ici M. Markovic je n'ai pas pu procéder à une enquête de ma
14 part, mais j'ai le livre publié par le ministre de la Défense, de l'époque.
15 Et dans son livre les deux décisions sont publiées, décisions dont il a été
16 question aujourd'hui j'ai ces textes de décision en photocopie, je vous
17 demande de vous pencher sur le livre, sur les photocopies de ces décisions
18 et de nous dire si ce sont ces décisions là qui ne sont pas signées ici,
19 mais si ce sont bien les décisions que vous avez prises ce jour-là ?
20 R. Montrez-les moi, je vais voir.
21 Q. Les décisions ne sont pas longues, l'une se situe sur une page et
22 l'autre n'occupe que la moitié d'une page. Sont cela les décisions que vous
23 aviez signées à l'époque, là elles ne sont pas signées bien sûr mais.
24 R. Nous avons adopté ces décisions et signé s'agissant de l'ordre par
25 contre je ne me souviens pas qu'il y en ait eu et qu'il y en ait eu un de
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1 signe de ma part. Cet ordre n'est pas signé par moi-même ça j'en suis
2 certain.
3 Q. Donc vous affirmez que l'ordre ---
4 R. Je ne me souviens pas de cela, je me souviens de la décision et elle a
5 été adoptée tel que rédiger ici.
6 Q. Dans cet ordre il est écrit --
7 R. J'ai vu ce qui est écrit.
8 Q. Il s'agit d'un ordre interdisant la mise en place de passage frontière.
9 R. J'ai lu cela Monsieur je vous ai dit que je ne m'en souvenais pas.
10 Q. Mais savez-vous que l'on avait dit que le secrétariat fédéral à
11 l'intérieur, et le secrétariat fédéral à la Défense nationale allaient
12 procéder à la réalisation de cette décision ou de cet ordre.
13 R. Si je ne me souviens pas de l'ordre, je ne peux pas me souvenir de ce
14 détail non plus.
15 Q. Mais vous souvenez-vous du livre qui a été rédigé par le ministre de la
16 Défense de Slovénie, M. Janez Jansa
17 R. Je n'ai pas lu ce livre.
18 Q. Bien.
19 R. Je n'ai pas eu le temps de le lire non plus.
20 Q. Mais vous n'avez pas le à le lire. Savez-vous que le 22 juin, il s'est
21 tenu une réunion entre Tudjman et Kucan et les représentants au sommet des
22 deux républiques disant que les frontières devaient être prises
23 immédiatement après les proclamations de l'indépendance respective. Et
24 comme cela n'a pas fait l'objet d'un accord général, il y a eu concertation
25 entre Tudjman et Kucan disant de ne pas laisser passer l'armée par ces
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1 territoires, si ces territoires venaient à être saisis par les forces
2 croates et slovènes.
3 R. Je ne suis pas au courant de cet accord.
4 Q. Mais la décision que vous reconnaissez avoir signé a été prise le 26 au
5 matin vers 4 h du matin, pour être précis donc cette décision l'avez-vous
6 adopté vers 4 h du matin ? Celle que vous avez signée le 26 juin, l'avez-
7 vous adoptée à 4 h du matin ?
8 R. La décision a été prise le 25 juin c'est ce qu'on dit, c'est ce qui est
9 écrit.
10 Q. Pas le 26 ?
11 R. On dit le 25.
12 Q. Oui on dit le 25 mais ça n'a pas été signé le 25. Est-ce que le livre
13 précise à titre exact que : "Le 26 juin à 12 heures 10, il est arrivé une
14 télécopie de Joze Slokar" qui était membre du Conseil exécutif fédéral à
15 l'époque, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 Q. Donc membre du Conseil exécutif fédéral à l'intention de Milan Kucan,
18 qui parlait de deux décisions adoptées par le Conseil exécutif fédéral à
19 l'occasion d'une session nocturne qui a duré jusqu'à 3 h 30 du matin. Et
20 nous avions l'intention officielle d'ores et déjà sur la table, est-il
21 exact de dire que cette décision a été prise très tôt dans la nuit le
22 matin ?
23 R. Cela se peut je ne me souviens pas je sais que le document parle de la
24 date du 25, et je ne vois pas pourquoi cela est important.
25 Q. Cela est important parce que dans la déclaration que vous avez faite
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1 auprès du bureau du Procureur, au paragraphe 37 vous indiquez que vous êtes
2 entretenu avec Kucan, le 26 au matin, or, ce matin-là, vous l'aviez déjà
3 adopté cette décision et l'action militaire n'a été lancée que la nuit
4 d'après. Et donc, vous n'avez pu vous concertez que le lendemain. Enfin,
5 l'action militaire ne pouvait prendre que la nuit d'après.
6 R. Je ne sais pas si c'est cette date ou celle d'après, mais le fait est
7 que Kucan ne l'a pas nié non plus, et cela a été enregistré. J'ai demandé à
8 ce que ce soit enregistré lorsqu'il m'a appelé. Donc, il m'a appelé le
9 matin à 4 heures 3 minutes. Il m'en a parlé et j'ai enregistré dans toutes
10 mes notes que l'attaque a eu le 26 et peut-être même le 27. Je ne peux pas
11 vous le garantir à 100 %, mais je crois que cela n'est pas important.
12 Q. Cela est très important, parce que le 26, il n'y a pas eu de conflit du
13 tout sur le territoire de la Slovénie. Cela ne s'est passé que la nuit
14 d'après.
15 R. Alors, ça s'est passé la nuit d'après.
16 Q. Donc, c'est le 27.
17 R. Si vous le dites, je veux bien. Il faudrait que je réexamine toutes mes
18 notes pour pouvoir le confirmer pour de bon.
19 Q. Bon. Si cet ordre précise qu'il s'agissait --
20 R. Je vous ai déjà dit, je vous en prie, l'ordre en question, je ne m'en
21 souviens pas et vous me faites revenir sur l'ordre.
22 Q. Je ne vous fais pas revenir sur l'ordre seul. Regardez ce qui est donné
23 dans cette décision.
24 R. Je l'ai lu. Ne perdez pas de temps.
25 Q. Il faut que je perde mon temps. Point 3, alinéa 3, vous l'avez signé ça
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1 -- "Si aux passages frontières vous faites face à la résistance physique ou
2 autre, les employés du secrétariat fédéral sont tenus d'aider
3 l'organisation ou l'établissement fédéral."
4 Est-ce que cela sous-entend l'usage, le recours à la force ?
5 R. Il s'agit du secrétariat à l'Intérieur et non pas du secrétariat à la
6 Défense nationale. Donc, nous parlons ici de la police parce que l'article
7 précédent dit : "Le secrétariat fédéral à l'Intérieur," et dans l'énoncé
8 suivant, il est dit en abrégé : "Le secrétariat fédéral," si vous l'avez
9 lu, vous avez pu le remarquer.
10 Q. Bien sûr que je l'ai remarqué, Monsieur Markovic. Dites-nous, qui est-
11 ce qui a été le premier à ouvrir le feu ? Est-ce que le commandant de la
12 Défense territoriale a donné l'ordre d'ouvrir le feu sur l'armée ou est-ce
13 que ce sont les soldats ? Et qui est-ce qui a été donc le premier à tirer
14 dans ces événements du 27 ?
15 R. Je ne sais pas. C'est difficile à dire mais ce qui m'est parvenu, c'est
16 que l'armée est sortie des casernes et est allé avec des chars et avec des
17 canons et je ne sais trop avec quels types d'armes encore et ils sont allés
18 en Slovénie. C'est ce que j'ai appris pour ma part de la bouche de Milan
19 Kucan. C'est ce que le général Kadijevic m'a confirmé, par la suite,
20 lorsque je lui ai posé la question. Et à la session du Conseil exécutif
21 fédéral, je lui ai demandé : "Qui est-ce qui t'as autorisé ?" Il m'a dit :
22 "Personne. Nous avons décidé nous-même de le faire."
23 Q. Monsieur Markovic, paragraphe 38, vers la moitié du paragraphe, vous
24 avez dit ce qui suit : "L'action de l'armée en Slovénie a été réalisée avec
25 l'approbation de Borislav Jovic qui était l'homme lige de Milosevic. Mais
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1 cet ordre-là, vous l'avez signé de votre plein gré. On ne vous a pas
2 obligé.
3 R. Mais ce n'est pas un ordre d'utilisation de l'armée en Slovénie. C'est
4 tout à fait autre chose. Ici, il est question seulement de la frontière et
5 des fonctions de la police ainsi que des fonctions des unités frontalières.
6 Moi, je n'ai pas de preuve pour dire que c'est Jovic mais le fait est que
7 les conversations entre Jovic et moi-même n'ont fait qu'abonder dans le
8 sens de l'affirmation au terme de laquelle il était au courant, lui-même.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, je me crains fort
10 que votre temps ne touche à sa fin.
11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous prie, Messieurs les Juges, de me
12 laisser quelques minutes. Je promets de terminer le plus vite possible.
13 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Malheureusement, nous ne pouvons pas
14 parce qu'il nous fallait accorder à l'accusé suffisamment de temps mais il
15 faut que les autres, aussi, puissent bénéficier de leur temps.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela vous sera très utile. Cela concerne
17 les unités paramilitaires.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non, je suis désolé. Si vous souhaitez
19 nous le présenter par voie écrite, faites-le. Mais le temps est limité. Il
20 faut que nous soyons équitable. Nous avons dit 15 minutes et c'est tout.
21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais c'est la clé du problème qui avait
22 été soulevé à l'époque.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Non.
24 Nouvel interrogatoire par M. Nice :
25 Q. [interprétation] L'accusé a mis l'accent sur votre rôle dans les
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1 événements de Slovénie, et nous en avons parlé dans le courant de
2 l'interrogatoire principal. Il en est question dans la pièce à conviction
3 87, intercalaire 6. Malheureusement, nous n'avons qu'une photocopie mais je
4 vous demanderais, à présent, que la version anglaise soit placée sur le
5 rétroprojecteur et de vous présenter ces pages-ci sous les yeux pour que
6 nous puissions parcourir la question assez rapidement.
7 L'intercalaire figure au 427. Il s'agit donc de l'intercalaire 6. Ce n'est
8 pas facile à trouver mais on va le mettre sur le rétroprojecteur.
9 Monsieur Markovic, on voit au bas de la page 2, le texte suivant, c'est ce
10 que je souhaite dire, un peu plus bas, voilà. Ce que je voudrais dire,
11 c'est que : "Les institutions qui ont des obligations internationales et
12 qui assument des responsabilités ne sauraient effectuer, accomplir leurs
13 attributions. Et étant donné qu'il s'agit d'une guerre entre le Conseil
14 exécutif fédéral de la Slovénie, je dirais que c'est un mensonge absolu
15 parce que le Conseil exécutif fédéral n'a jamais pris de décisions de ce
16 type.
17 S'agissant de la décision qui a été prise par le Conseil exécutif fédéral,
18 je dirais que les membres du Conseil exécutif fédéral issu de la Slovénie
19 ont pris part à la prise de décisions et ce sont les membres mêmes qui ont
20 présenté leurs démissions. La décision a été prise après que la Slovénie
21 ait occupé les frontières de façon unilatérale ainsi que les postes
22 douaniers tout comme les contrôles aériens. Le Conseil exécutif fédéral a
23 pris la décision de faire en sorte que les dispositions fédérales soient
24 directement appliquées pour ce qui est de ces frontières usurpées sur le
25 territoire de la république de Slovénie."
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1 Et je donne lecture de la suite : "Aux fins de la mise en application des
2 dispositions fédérales pour ce qui est du territoire, des frontières et de
3 déplacements dans les secteurs frontaliers de la république de Slovénie et
4 pour ce qui est de rendre possible la réalisation des obligations de la
5 République socialiste fédérative de Yougoslavie pour ce qui est des
6 transports et communications, pour ce qui est des déplacements, des
7 personnes au travers des frontières. Le secrétariat fédéral de l'Intérieur
8 va se charger de la réalisation du contrôle des traversées des frontières.
9 Tout en veillant à l'exécution des règlements fédéraux pour ce qui est du
10 franchissement des frontières étatiques, le secrétariat fédéral de
11 l'Intérieur va établir une coopération directe avec le secrétariat fédéral
12 à la Défense."
13 En quelques mots, est-ce que ça veut dire que vous commandiez l'armée ou
14 que vous preniez des mesures pour obtenir la collaboration de l'armée et
15 pour veiller à ce qu'il y ait respect des frontières ?
16 R. Et bien, je dirais très clairement que nous avons adopté des
17 conclusions aux termes desquelles le secrétariat fédéral de l'Intérieur
18 était censé assurer tout ce qui avait trait aux frontières de la
19 Yougoslavie. Conformément à ce fait, il a été donné l'approbation au
20 secrétariat fédéral de procéder à des communications avec le secrétariat
21 fédéral à la Défense nationale aux fins d'engager des unités frontalières
22 de la JNA parce qu'il s'agissait des passages de frontières, non seulement
23 --
24 Q. Je vous interromps car nous n'avons que 10 minutes.
25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous
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1 trouverez aux paragraphes 158 et 161, 162 et 163 de la constitution de
2 1974, les limites imposées au pouvoir de l'armée. C'était la question du
3 Juge Robinson.
4 Q. Beaucoup de questions vous ont été posées à propos de la Slovénie. On a
5 laissé entendre que vous étiez partie prenante à l'utilisation de l'armée.
6 Je pense qu'il faudra revenir sur ces éléments par le truchement d'un
7 expert militaire. Mais dites-nous trois choses : Si les éléments de preuve
8 montrent que la JNA, le
9 mi-juin, a fourni des bombes à fragmentations dans le secteur de Slovénie,
10 Trebinje, en Slovénie, à Trebinje plus exactement. Est-ce que vous avez eu
11 quoi que ce soit à voir avec ça ?
12 R. Dieu m'en garde. D'abord Trebinje, en fin de compte, se trouve très
13 loin de la Slovénie.
14 Q. Fort bien. Fort bien. Une toute petite ville, Trebinje en Slovénie. Si
15 la 140e unité de la JNA a quitté la garnison Tito le 2 juillet 1991, et a
16 tiré sur Gornje Vas une petite de Slovénie, est-ce que vous aviez quoi que
17 ce soit à voir avec cette action ?
18 R. Mais comment pouvais-je avoir quoi que ce soit à voir avec ? Rien du
19 tout.
20 Q. Examinons maintenant deux conversations interceptées. Très rapidement,
21 elles sont déjà versées au dossier. Je vais vous fournir une copie en
22 anglais pour le rétroprojecteur. Madame l'Huissière, la version en B/C/S
23 sera remise au témoin. La première conversation se trouve à l'intercalaire
24 9 de la pièce 163 [sic]. La question
25 sous-jacente est celle-ci : L'accusé avait-il les intentions qu'il affirme,
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1 à savoir qu'il voulait maintenir la Slovénie dans la Yougoslavie fédérale ?
2 Bien sûr, on n'a pas encore déterminé si ces conversations sont recevables
3 mais c'est une conversation qu'intervient entre Karadzic et Milosevic, le
4 17 juin. On voit que Karadzic parle de la Croatie et de la Slovénie, milieu
5 de la page, la première page. Et puis, Milosevic dit : "Tu vois qu'ils
6 veulent sortir … Et ils sont en train de faire ces choses exactement comme
7 nous l'avons planifiées." "Oui, tout à fait." "Exactement comme nous
8 l'avons planifié." Karadzic
9 dit : "Tout ce que je crains, c'est que lui, " donc, je pense qu'on parle
10 de vous ici, "c'est que l'armée le soutienne et que si on propose quelque
11 chose, il va s'y opposer de façon radicale. Et il voudra les imposer de
12 façon symétrique là où elle devrait ou ne devrait pas être imposée."
13 Et puis suivant, la conversation suivante, troisième page, on voit : "Oui,
14 les choses se passent exactement comme prévu, comme nous l'avions prévu."
15 Karadzic dit : "Oui." "Nous allons voir comment cette fédération va faire
16 ceci ou cela." Karadzic : "Oui, ce sera intéressant. Tu vas rencontrer
17 Markovic ce soir."
18 Conversation interceptée suivante, il s'agit de la pièce 353, intercalaire
19 28. Il suffira d'examiner le bas de la première page au milieu de la
20 première page, on voit que le sujet de la conversation de Karadzic avec
21 l'accusé, c'est la Slovénie et la Croatie. C'est tout à fait au milieu de
22 l'écran. Maintenant, bas de page, Madame l'Huissière, tout à fait au bas de
23 la page.
24 "C'est clair, " dit l'accusé. "Il faudrait leur permettre de se séparer."
25 Karadzic, lui dit : "Oui."
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1 C'est la page suivante, Madame l'Huissière.
2 Accusé : "Il ne reste plus qu'une question, celle de la désintégration
3 conformément à nos volontés."
4 Six lignes plus loin, l'accusé dit : "Il ne faut l'attendre, non. En ce qui
5 concerne la Slovénie, je vais laisser tomber tout de suite." Karadzic dit :
6 "Oui." L'accusé : "Qu'ils partent maintenant et les autres aussi après
7 avoir réglé la question des frontières avec nous," et il parle d'autre
8 chose.
9 Dites-nous ceci, Monsieur le Témoin : A l'époque, étiez-vous au courant des
10 véritables intentions de l'accusé pour ce qui est du maintien de la
11 Slovénie et de la Croatie au sein de la fédération ou plutôt de sa volonté
12 de les laisser partir ?
13 R. En tout état de cause, pour ce qui est de la Slovénie, il était évident
14 qu'il voulait lâcher la Slovénie. Pour ce qui est de la Croatie, étant
15 donné qu'il y avait une partie de la population serbe là-bas, je ne peux
16 pas dire qu'ils étaient disposés à le faire. Mais il est un fait que j'ai
17 réécouté une partie de ces conversations interceptées au téléphone entre M.
18 Karadzic et M. Milosevic, c'est un fait, c'est vrai. Et j'ai reconnu
19 entièrement leurs voix respectives. C'est ce qui ce sont dits l'un à
20 l'autre.
21 Q. Je me suis trompé au niveau de la cote. Je pense que c'était
22 l'intercalaire 30 ou de la pièce 353 ou encore c'est la conversation
23 interceptée 15 de la pièce 313 [sic].
24 M. NICE : [aucune interprétation]
25 Q. Plusieurs questions vous ont été posées à propos des recettes. Il y a
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1 une pièce à cet égard dans le dossier, Monsieur Jovic en application du
2 89(F), il s'agit de la pièce 596, intercalaire 1.
3 M. NICE : [interprétation] Et je vais demander à Mme l'Huissière de passer
4 sur le rétroprojecteur, le paragraphe 45. Tout à fait au bas de la page,
5 paragraphe 45, s'il vous plaît.
6 Q. Des preuves ont été apportées dans ce sens : Le 8 janvier, au cours
7 d'une conversation avec Radmilovic, Jovic l'a critiqué pour tout ce qu'il
8 faisait au niveau d'émission primaire de devises et des recettes
9 appartenant à la fédération. Il a expliqué que sans cela, eux, le SDS [sic]
10 aurait perdu les élections car plus de la moitié des républiques n'auraient
11 pas reçu de salaires ni de retraite. Il a dit qu'Ante - vous donc - étiez
12 absolument abasourdi du fait que vous n'étiez pas encore en banqueroute
13 mais nous l'avons trompé. Milosevic évitait manifestement de m'informer
14 parce que je n'aurais pas pu justifier cela en tant que président de la
15 RSFY. Vers la fin de notre conversation, Milosevic est apparu et Stanko a
16 dit : "Défends-moi des critiques formulées par le président de la
17 présidence de la RSFY." C'est sur quoi Milosevic a dit : "Je vais te
18 défendre pour avoir pris l'argent mais pas pour avoir proposé l'adoption de
19 lois et de résolutions permettant l'exécution de cette mesure."
20 Vous avez ici une preuve montrant ce que dit Jovic à propos de ces
21 détournements de fonds. C'est exact ou pas ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Stambolic et sa nomination ainsi que sa démission, est-ce que ceci se
24 passait au moment où l'accusé était président de Serbie ?
25 R. Non.
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1 Q. L'accusé, par la suite, a voulu le faire sauter de son poste.
2 Pourquoi ?
3 R. Il voulait qu'il soit révoqué. D'abord, il l'a limogé politiquement de
4 ses fonctions qui étaient celles de président de la présidence de Serbie et
5 ensuite, il a veillé à le caser ailleurs à l'extérieur de la Serbie pour
6 que celui-ci ne le gêne pas.
7 Q. Tout à la fin du contre-interrogatoire, une question vous a été posée à
8 propos de Karadjordjevo, de la réunion et de la discussion que vous en
9 aviez eue avec l'accusé. L'accusé a affirmé aux Juges qu'il se souvenait
10 parfaitement de l'incident. Pourtant, il n'a refusé de vous soumettre le
11 souvenir qu'il en avait de cette réunion. Au lieu et place de cela, il vous
12 a posé une question à propos de votre formation initiale en tant
13 qu'ingénieur électricien. Vous n'avez donc pas été contesté.
14 La description que vous avez faite de la réunion de Karadjordjevo change-t-
15 elle suite aux questions qui ont été posées, à la description qu'en a
16 faites l'accusé ? Est-ce que vous maintenez vos propos initiaux ?
17 R. A 100 %
18 Q. Un instant --
19 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Que voulez-vous dire, Monsieur
20 Milosevic ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois avoir clairement dit que cela est une
22 contrevérité absolue, à savoir, affirmer qu'à Karadjordjevo, il y a eu un
23 entretien entre Tudjman et moi concernant le partage de la Bosnie et il est
24 tout à fait inexact de dire que j'en ai parlé à Ante Markovic. Donc, les
25 deux choses sont fausses. Je l'ai dit et en dépit de tout ceci, M. Nice
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1 affirme ici que je n'ai pas contesté la chose.
2 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Fort bien. Nous vous avons entendu.
3 M. NICE : [interprétation] Encore deux points pour terminer.
4 Q. A propos de Bogicevic, vous avez dit qu'on l'avait prêté pour qu'il
5 vote d'une certaine façon dans une pièce où l'armée intimidait les gens.
6 M. NICE : [interprétation] Nous avons un bref extrait venant du film
7 intitulé "Mort de la Yougoslavie." Je ne sais pas si vous avez vu ce film,
8 Monsieur le Président, mais j'aimerais que cet extrait soit brièvement
9 diffusé.
10 [Diffusion de cassette vidéo]
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. NICE : [aucune interprétation]
13 Q. [aucune interprétation]
14 R. C'est précisément cette session qui a eu lieu à ce moment-là. Il n'y
15 avait personne d'autre de présent. Je n'y ai pas pris part -- je n'ai pas
16 participé non plus indépendamment de ma fonction. Et c'est là que l'on a
17 exercé des pressions, pour que la décision soit prise de proclamer un état
18 d'urgence dans le pays. L'état d'urgence permettrait à l'armée d'avoir les
19 coudées franches. Et cela ne s'est pas fait, parce que Bogic Bogicevic,
20 indépendamment du fait qu'il était Serbe, et il représentait là-bas la
21 Bosnie-Herzégovine et votait contre la chose. Et Tupurkovski a lui aussi
22 voté contre.
23 M. NICE : [interprétation] Cet extrait fait sept minutes. Vous pourrez en
24 disposer, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] A un autre moment.
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1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. Vous voyez qu'effectivement, vous avez des gens qui portent le manteau,
3 parce qu'il faisait froid dans la pièce. Parlons ici maintenant de l'offre
4 que vous a fait Kadijevic. Vous avez parlé du plan qu'il avait à arrêter
5 les dirigeants de deux états. De quel état ? Quels étaient les états dont
6 il proposait d'arrêter les dirigeants ?
7 R. Il proposait d'arrêter Franjo Tudjman et ses collaborateurs, ainsi que
8 Milan Kucan avec ses collaborateurs à lui.
9 M. NICE : [interprétation] Merci. Vous avez la page 23 dans
10 13:03:22; on parle ici de la Croatie et de la Serbie. Je pense que le
11 témoin s'est mal exprimé, et qu'il n'y a pas eu d'erreur commise par la
12 sténotypiste. Puisque le témoin a répété ici, qu'il s'agissait de la
13 Slovénie et de la Croatie.
14 J'en ai terminé. Il y a une question que je voudrais aborder à huis clos
15 partiel qui n'est pas en rapport avec ce témoin, et qui prendra trois
16 [sic]secondes.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Attendons que le témoin termine sa
19 déposition, puisqu'il a fait preuve d'une énorme patience.
20 Monsieur Markovic, nous allons maintenant vous laisser partir.
21 Nous allons revenir à la question des pièces dans un instant. M.
22 Tapuskovic, pour le moment nous allons autoriser le témoin à se retirer
23 pour qu'il n'ait pas à attendre davantage.
24 Monsieur Markovic, merci d'être revenu dans ce prétoire et d'avoir terminé
25 votre déposition aujourd'hui. Déposition maintenant terminée, avec les
Page 30941
1 remerciements des Juges.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
3 [Le témoin se retire]
4 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Nous allons aborder maintenant les
5 questions qu'il nous faut examiner. Commençons par la question des pièces.
6 Deux sujets dans ce cadre; l'accusé me
7 semble-t-il nous a remis des documents. L'Accusation pourra examiner ces
8 documents au cours de la pause, mais vous ne prévoyez pas d'objection.
9 M. NICE : [interprétation] Non. Apparemment ce sont des originaux. Ce sont
10 les emplois du temps.
11 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons donner la
12 cote suivante, cote deux pièces de la Défense.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] L'emploi du temps 1989 sera la pièce de
14 la Défense 223 -- 224. Et l'emploi du temps de 1990 portera la cote de la
15 Défense 225.
16 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit de ces deux
18 documents-ci. Le premier des documents porte décision sur l'accomplissement
19 des dispositions fédérales, pour ce qui est de la traversée des frontières
20 internationales de la Yougoslavie sur le territoire de la Slovénie. Et la
21 décision, d'après M. Markovic, a été signée. Nous ne l'avons pas, la
22 version signée.
23 Et l'autre, au sujet de laquelle il n'a pas souvenance d'avoir signée, il
24 s'agit d'un ordre portant sur l'établissement de passage frontière à
25 l'intérieur du territoire de la RSFY.
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1 Je crois que les deux documents sont très brefs. L'un prend une page et
2 demie, et l'autre la demie d'une page. Et je pense que cela pourrait être
3 versé avec une cote d'identification, pour être traduit et pour être
4 utilisé avec l'intention de se procurer les originaux des documents en
5 question.
6 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui. Cote suivante pour les amis de la
7 Chambre.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 27.
9 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Cote provisoire aux fins
10 d'identification.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur May.
12 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être avez-vous omis une chose. En sus des
14 deux pièces à conviction que vous venez de verser au dossier, et qui
15 portent sur les activités de M. Markovic en 1989 et 1990, j'ai fourni
16 quelques autres documents également, qui ont des numéros ERN et qui m'ont
17 été confiés par la partie adverse. Je m'en suis servi pour contester
18 certaines allégations de M. Markovic. Nous avons donc une partie du
19 sténogramme avec le numéro 01024565 [sic], si l'interprète a bien entendu.
20 Il s'agit d'un rapport du général Kadijevic à l'intention du chef
21 gouvernement M. Markovic, concernant la Slovénie et concernant les pertes,
22 les foyers de crises, et ainsi de suite. Donc, ce sont des questions
23 militaires. Je propose que cela soit également versé au dossier en tant
24 qu'élément de preuve.
25 Ensuite, nous avons ici un rapport présenté par Kacic avec un numéro
Page 30943
1 0107159, [sic] où je n'ai fait que citer une phrase, et qui dit : "Si vous
2 ne pouvez pas vous entretenir avec Jokic, vous avez à La Haye, Kadijevic et
3 le premier ministre Markovic. Il était question de Dubrovnik. Il avait été
4 placé au premier plan, comme étant la personne censée intervenir."
5 Le troisième document, est une déclaration de M. Jagar qui porte un
6 1010112475, [sic] où il est question de ce qui a été dit au sujet d'Ante
7 Markovic jouant sur deux tableaux, et disant qu'il ne quitterait pas
8 Belgrade avant d'avoir détruit la Serbie et Milosevic. Et il s'agit d'un
9 ERN que l'interprète n'a pas entendu. Je propose donc que cela soit versé
10 comme élément de preuve.
11 Et pour finir, je voudrais verser au dossier un sténogramme de la session
12 de la présidence de la Yougoslavie, que j'ai cité en citant les propos de
13 Markovic notamment, qui avait parlé des événements qui avaient pris
14 l'allure d'un raz-de-marée, qui échappaient au contrôle dans tous ces
15 aspects. Et il disait que plus personne n'était en mesure de contrôler les
16 événements. J'ai cité également ce qu'a dit le membre de la présidence de
17 la Vojvodine,
18 M. Jugoslav Kostic, qui avait refusé de voter la possibilité de donner des
19 coudées franches, cartes blanches à l'armée. C'est un grand sténogramme.
20 J'ai surligné les passages dont j'ai parlé. Je propose donc que ces quatre
21 pièces à conviction soient également versées au dossier.
22 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Vous savez que nous n'avons que peu de
23 temps, alors quelle est la date de ce dernier document ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 12 juillet 1991.
25 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Remettez-nous tout d'abord ce document.
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1 M. NICE : [interprétation] Puis-je relever deux choses. Vous savez que le
2 témoin n'avait pas reçu le document, mais en avait quand même parlé.
3 Et deuxième chose je ne sais pas si ceci est utile suivant le contexte,
4 mais nous n'avons pas eu l'occasion de les voir, ces documents.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Pour l'instant, puisque nous avons peu de
6 temps, nous allons les verser à titre provisoire, et nous allons veiller à
7 ce qu'il n'y ait pas doublon. Sans doute qu'avec un peu de temps ce sera
8 plus simple de tirer ceci au clair. Une à la fois s'il vous plaît.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le PV parlant du
10 général Kadijevic, ce sera la pièce de la Défense 226, cote provisoire. Le
11 rapport sera la pièce de la Défense 227, cote provisoire.
12 La déclaration de Jagar, c'est la pièce de la Défense 228, cote provisoire,
13 et nous avons la pièce 229. C'est le PV, les notes sténographiques.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
15 M. NICE : [interprétation] Nous avons ce bref extrait qui vient du film
16 "Vie et mort de la Yougoslavie." Est-ce que je peux en demander le
17 versement ?
18 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Tôt ou tard, il faudra se prononcer,
19 statuer sur ce document. Est-ce qu'on ne l'a pas déjà versé au dossier ?
20 Est-ce qu'il n'a pas été déclaré recevable ?
21 M. NICE : [interprétation] Non. Les discussions se poursuivent. Il n'y a
22 pas eu versement officiel.
23 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Et bien, donnons une cote provisoire à
24 cet extrait-ci.
25 M. NICE : [interprétation] Mais à l'instar du reste, cet extrait reprend
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1 des images de l'époque émaillées de commentaires. Ce qui est intéressant de
2 voir, qu'on a photographié la réunion. On voit donc le vote et les gens
3 emmitouflés dans leurs manteaux, avec ci et là des commentaires de Mesic et
4 de Tupurkovski. Mais on pourra peut-être avoir une cote provisoire.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Ça fait combien de temps ?
6 M. NICE : [interprétation] Sept minutes. Le programme, ce sont en fait
7 trois programmes télévisés, trois heures en tout. C'est un document des
8 plus intéressant, si vous me le permettez de le dire, où on a beaucoup
9 d'interviews de l'époque.
10 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Demain, avant de revenir à huis clos
11 partiel, qu'en serait-il ?
12 M. NICE : [interprétation] Tout d'abord, je prendrai le témoin à huis clos
13 partiel, nous le terminerons.
14 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Si c'est le cas, si ça ne pose pas de
15 problèmes, nous aurons le témoin que nous avons déjà commencé.
16 M. NICE : [interprétation] Oui. Et nous avons un autre témoin qu'intervient
17 en tant qu'expert. Je ne sais pas quelle sera la qualité accordée à sa
18 déposition. Et nous avons le temps d'un autre témoin qui ne prendra pas
19 beaucoup de temps, que nous pourrions avoir en fin d'audience.
20 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Mais nous avons déjà commencé un certain
21 témoin. Il faut le terminer. Et puis, nous reviendrons peut-être sur ce
22 témoin qu'il faudra examiner demain, ou alors il faudra qu'il soit prêt à
23 revenir mardi suivant, mardi prochain.
24 M. NICE : [interprétation] Oui. J'espère que nous pourrons l'avoir demain.
25 Pouvez-vous nous rapidement passer à huis clos partiel.
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1 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Bien. Nous allons enregistrer la séquence
2 très courte qui a été diffusée aujourd'hui, uniquement.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, pièce à
4 conviction 635.
5 M. LE JUGE MAY : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
8 (expurgé)
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21 (expurgé)
22 --- L'audience est levée à 14 heures et reprendra le vendredi 16 janvier
23 2004, à 9 heures 00.
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