Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 12 février 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous voulez

6 intervenir ?

7 M. NICE : [interprétation] Oui, très rapidement. Pouvons-nous passer à huis

8 clos partiel pour une question de procédure.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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8 [Audience publique]

9 M. GROOME : [interprétation] Nous appelons à la barre le général Morillon.

10 En l'attente de son arrivée, je demanderais une cote pour un classeur

11 contenant des pièces, en l'occurrence 35 intercalaires.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 648.

14 M. GROOME : [interprétation] Nous retirons trois de ces pièces se trouvant

15 dans le classeur, mais nous n'allons pas renuméroter les intercalaires, vu

16 le nombre de ceux-ci. Nous retirons les intercalaires 1, 3 et 31.

17 En application d'une ordonnance rendue par la Chambre, il y a deux

18 représentants du gouvernement français ici présents. Je vais vous donner

19 leur nom pour l'audition de l'audience. Il y a M. Olivier Barrat et M.

20 Daniel Warin. Ils sont assis derrière moi, et me communiqueront des notes

21 écrites si vous soulevez tel ou tel point.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous prenons acte.

23 [Le témoin est introduit des le prétoire]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

25 prononcer la déclaration solennelle.

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1 LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la

2 vérité et rien que la vérité.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie Monsieur, veuillez

4 vous asseoir.

5 LE TÉMOIN: PHILIPPE MORILLON [Assermenté]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

7 vous asseoir.

8 Vous avez la parole, Monsieur Groome.

9 Interrogatoire principal par M. Groome :

10 Q. [interprétation] Je vais d'abord demander que soit montré au témoin

11 l'intercalaire 2, de la pièce 648. Il s'agit d'une déclaration faite par le

12 général Morillon.

13 Mon Général, est-ce que vous êtes en mesure de me recevoir en français ?

14 R. Très bien.

15 Q. Je vais d'abord vous demander d'examiner ce document qui se trouve

16 devant vous. Est-ce là le résumé de votre déposition s'agissant des

17 événements qui se sont produits au cours du printemps 1993, ou plus

18 exactement 1992 et 1993 ?

19 R. Oui, votre Honneur, cela me paraît parfaitement conforme.

20 Q. Vous avez prononcé la déclaration solennelle. Je vous demande si ce

21 document est le reflet fidèle de ce qui s'est passé d'après ce que vous

22 savez ?

23 R. Autant que je m'en souvienne oui, votre Honneur.

24 Q. Est-ce que ce document comprend également les observations que vous

25 avez faites à l'égard des documents repris dans le classeur dont vous avez

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1 copie, ces documents étant énumérés au début de ce classeur.

2 R. Oui.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'a pas signé ce document, n'est-ce

4 pas ?

5 M. GROOME : [interprétation] Je vais demander au témoin de signer ce

6 document ici dans le prétoire, si vous le souhaitez.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il a donc lu cette déclaration en

8 anglais ou en français ?

9 M. GROOME : [interprétation] Je vais vérifier.

10 Q. Mon Général, même si vous témoignez dans votre langue maternelle qui

11 est le français, est-il exact que vous parlez et que vous lisez l'anglais ?

12 R. C'est exact, Monsieur le Juge.

13 Q. Avez-vous réexaminé ce document en anglais, et est-ce de ce document-ci

14 en anglais que vous dites qu'il est exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Je vais vous demander de signer la dernière page de ce document,

17 Monsieur.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Groome.

19 M. GROOME : [interprétation]

20 Q. Mon Général, dans ce document, il est dit qu'actuellement vous êtes,

21 notamment, membre du parlement européen. Il m'en fait état de vos états de

22 service à la FORPRONU, ceux qui nous intéressent particulièrement dans ce

23 procès. Le résumé est fait de vos fonctions à la FORPRONU. Votre service a

24 commencé en mars 1992, en tant qu'adjoint au commandant responsable de la

25 Croatie, poste que vous avez conservé et exercé jusqu'en septembre 1992.

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1 C'est alors que vous êtes devenu commandant de la FORPRONU pour la

2 Bosnie-Herzégovine, ceci jusqu'au 12 juillet 1993. Est-ce exact s'agissant

3 de vos fonctions au sein de la FORPRONU ?

4 R. Oui.

5 Q. Puis-je vous demander de relater aux Juges la nature de votre mandat

6 pendant votre service en Bosnie-Herzégovine ?

7 R. Oui, merci. Je crois que pour l'intelligence de la Cour, votre Honneur,

8 il est important, effectivement, de replacer les choses dans leur contexte.

9 Nous avions été mandaté par le conseil de Sécurité des Nations Unies en

10 exécution du plan Vance, y concernait uniquement une opération de

11 consolidation du cessez-le-feu installé en Croatie. Par conséquent, notre

12 mission consistait à permettre l'évacuation de l'armée fédérale des zones

13 qu'elle occupait sur le territoire de la Croatie en assurant par intérim la

14 protection des populations qui se trouvaient des ces zones de Krajina et de

15 Slavonie. Nous n'avions aucun mandat pour la Bosnie-Herzégovine.

16 Il avait été décidé à New York d'implanter l'état major de la FORPRONU et

17 son commandant, le général Nambiar, dans Sarajevo pour tout simplement se

18 trouver dans une capitale neutre pour éviter, puisque nous avions à nous

19 interposer, à régler, la consolidation du cessez-le-feu et à

20 l'établissement de la paix en Croatie. Il avait été décidé qu'il était

21 préférable de ne pas s'installer ni à Belgrade, ni à Zagreb pour ne pas

22 risquer d'être mis à quelque pression que ce soit de la part des deux

23 gouvernements impliqués directement à ce moment-là dans le conflit.

24 Sarajevo était considérée comme une capitale neutre, à mi-chemin entre les

25 deux et la décision avait été prise pour cette raison, d'installer le PC,

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1 l'état major alors que les forces, elles, devaient se déployer sur le

2 territoire de la Croatie.

3 Il y avait quand même une espérance secrète que la présence de cet état

4 major, la présence de Bérets bleus dans la ville de Sarajevo pourrait aider

5 à éviter, à empêcher un drame dont on sentait bien la menace à l'époque.

6 Mais nous ne disposions d'aucune force réelle autre que les secrétaires et

7 des officiers d'état major dans cette capitale, Sarajevo. Nous nous sommes

8 déployés à partir de la mi-mars. Quand le drame a commencé de se nouer à

9 début avril, nous nous sommes trouvés tout naturellement à la position

10 d'essayer et nous avons été sollicités pour jouer un peu les médiateurs.

11 Mais en particulier, il faut s'en souvenir parfaitement pour aider à

12 l'évacuation d'une partie des forces de l'armée fédérale qui se trouvait

13 bloquée dans Sarajevo de l'état major du général Kukanjac, commandant du

14 corps d'armée, et puis une école de cadets qui était à Marsal Tito, baraque

15 au cœur de la ville.

16 Les Serbes de Bosnie avaient fait prisonnier le président Izetbegovic à son

17 retour d'une mission à l'étranger et nous avons été emmenés tout à fait

18 naturellement à la demande de toutes les parties à tenter de jouer les

19 médiateurs pour permettre qu'en échange de la liberté du président

20 Izetbegovic, le général Kukanjac puisse évacuer la ville. C'est un des

21 rôles importants que nous avons eu à mener, parce que je dirais que le

22 général Nambiar a pris en charge à son corps défendant.

23 Q. Général --

24 R. Très rapidement, les choses n'ont cessé de se détériorer, vous le

25 savez, votre Honneur, si bien que nous nous sommes trouvés dans une

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1 position à laquelle nous n'avions plus de possibilité même de remplir la

2 mission qui nous était confiée sur la Croatie, c'est-à-dire, que nous

3 étions coupés à cause de la situation. Nous étions coupés --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, je vous remercie de

5 nous donner ces informations de contexte, c'est très utile. Mais permettez

6 à M. Groome de vous posez des questions plus précises.

7 M. GROOME : [interprétation]

8 Q. Vous venez de nous parler de ce rôle de médiateur, des médiations

9 auxquelles vous avez participé s'agissant des événements. Dans le cadre de

10 vos fonctions, est-ce que vous avez eu des réunions régulières avec les

11 chefs politiques et militaires de la région ?

12 R. Oui, en particulier. Tant que nous sommes restés à Sarajevo, en tout

13 cas, c'est-à-dire jusqu'à la mi-mai, puisqu'à la mi-mai nous avons dû, la

14 rage au cœur, abandonner provisoirement Sarajevo où nous n'avions plus

15 aucun moyen d'exercer notre commandement.

16 Q. Puis-je attirer votre attention sur la date du 30 mai 1992 ? Est-ce que

17 ce jour-là, vous avez rencontré l'accusé, M. Milosevic, à Belgrade à propos

18 précisément de ce qui se passait à Sarajevo ?

19 R. Oui. Nous avions, je le répète, été amenés à quitter Sarajevo à cause

20 de l'anarchie qui y régnait de l'impossibilité nous étions de commander, et

21 nous avons rejoint Belgrade à ce moment-là avec l'idée de nous déployer

22 alternativement à Belgrade et à Zagreb pour remplir le mandat qui nous

23 était donné par les Nations Unies. C'est tout à fait naturellement que le

24 30 mai, quelques jours après notre arrivée à Belgrade, une réunion s'est

25 tenue entre l'état major de la FORPRONU, le général Nambiar, commandant de

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1 la force, et le gouvernement et M. Milosevic.

2 Q. Puis-je vous demander de faire la synthèse des éléments discutés à

3 cette réunion en pensant plus particulièrement à ce qui a été dit à M.

4 Milosevic et à ce qu'il a dit aux délégués à la FORPRONU ?

5 R. Nous avons tout naturellement, c'est le point de la situation

6 dramatique à Sarajevo, et le général Nambiar a insisté sur la nécessité

7 absolue de faire cesser les bombardements sur la ville. M. Milosevic, comme

8 il est relaté dans le document dont la Cour a eu connaissance, a admis que

9 ces bombardements étaient inacceptables et il a précisé qu'il ferait tout

10 possible pour les faire cesser, pour mettre M. Karadzic et le général

11 Mladic dans l'obligation d'arrêter ces bombardements.

12 C'est le rapport qui est présenté dans la pièce dont la Cour dispose. Il me

13 paraît un reflet très fidèle de ce qui s'était dit à ce moment-là.

14 Q. Est-ce que M. Milosevic a dit ce qu'il allait faire pour permette

15 d'arrêter les bombardements à Sarajevo ?

16 R. Il a dit, comme c'est précisé dans le document numéro 4, --

17 M. GROOME : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 4, Messieurs les

18 Juges, la pièce 648.

19 LE TÉMOIN : Que le document rédigé par le général Nambiar lui-même, et je

20 sais quelle attention il portait aux détails.

21 M. Milosevic a dit qu'il ferait tout son possible, user de son influence

22 pour arrêter ce bombardement criminel et sanglant, et il a indiqué qu'il

23 dirait à Karadzic qu'il ne pourrait plus compter sur aucun appui de sa part

24 si ce bombardement ne cessait pas.

25 M. GROOME : [interprétation]

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1 Q. Lorsque M. Milosevic a dit que M. Karadzic ne pourrait plus compter sur

2 aucun appui de sa part s'il n'arrêtait pas les bombardements, d'après vous,

3 que signifiait cet appui apporté par M. Milosevic ?

4 R. Je crois qu'il faut éviter toute hypocrisie dans cette affaire. L'armée

5 des Serbes de Bosnie, c'était l'armée fédérale. Tout simplement, c'est-à-

6 dire que du jour au lendemain, l'armée fédérale, celle qui était aux ordres

7 du général Kukanjac dans sa caserne de Lukavica, en une nuit a été peinte

8 avec de nouveaux insignes, et est devenue officiellement l'armée des Serbes

9 de Bosnie, mais c'était bien la même force, c'était les mêmes matériels,

10 c'était les mêmes officiers. Une partie des appelés a été ramenée, il est

11 vrai en république fédérale, mais l'essentiel des forces était, bien sûr,

12 d'origine de là. Par conséquent, à la fois le matériel, le ravitaillement,

13 les munitions, le carburant, en fait, toute la logistique et l'armement

14 lui-même venait directement de l'armée fédérale, laquelle était toujours

15 soumise à l'autorité du président. Ce type d'assistance, quasiment directe,

16 était une évidence pour tout le monde, et pour nous bien sûr.

17 Q. Mon Général, dans ce document on parle de "sanglant et criminel,"

18 qu'est-ce que ça veut dire ces guillemets s'agissant du contexte dans

19 lequel s'établit ce document ?

20 R. C'est parce qu'on est tenu du souci du détail. C'était celui du général

21 Nambiar. Il a voulu bien marquer que c'était les propres termes employés

22 par le président Milosevic.

23 Q. Pourriez-vous en quelques phrases décrire aux Juges les conditions qui

24 prévalaient, la situation qui existait dans les enclaves orientales, dans

25 les enclaves est de la Bosnie-Herzégovine, au moment où vous avez pris vos

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1 fonctions en Bosnie-Herzégovine.

2 R. Je crois qu'effectivement que nous avions reçu mission en Bosnie, et

3 cela a été une mission qui m'a été confiée comme commandant des forces sur

4 le terrain d'aider à une opération; essentiellement d'aide humanitaire. Ils

5 étaient là pour assister l'HCR, Mme Ogata, dans sa mission qui consistait à

6 tout faire pour que les centaines de milliers d'habitants de la Bosnie,

7 réfugiés dans des enclaves où ils étaient soumis à un véritable siège,

8 n'ayant aucune ressource pour subsister puissent ne pas mourir de faim et

9 de froid. C'était le cas d'église assiégée, mais c'était le cas en partie

10 que liées effectivement des enclaves de l'est.

11 Dans ces enclaves, pour préciser, il y avait, il est vrai, une sécurité

12 plus grande qu'ailleurs. Ces enclaves étaient occupées en partie par des

13 forces musulmanes sous le commandement de Naser Oric, et qui menaient des

14 combats assez régulièrement. Si bien que les possibilités de ravitaillement

15 des populations de Sarajevo, et de l'ensemble de la Bosnie, on avait pensé

16 qu'elles pourraient passer à la fois, venir à la fois de Belgrade et de

17 Split par Mostar ont été considérablement gênées, et les Serbes nous

18 disaient que c'était à cause des combats qui s'y déroulaient.

19 La présidence à Sarajevo s'est plaint de façon régulière que les

20 populations enfermées dans ces enclaves étaient menacées infernal de sang,

21 et la tension s'est progressivement portée sur cette région, avec une

22 demande très forte de ma part, pour que les populations locales puissent y

23 être ravitaillées pour que les convois là comme ailleurs aient leur absolu

24 liberté de mouvement. Car c'était ma mission, c'était d'assurer la liberté

25 de mouvement des convois, et le passage des convois d'aide humanitaire.

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1 Q. Mon Général, excusez-moi. Dans votre déclaration il est question de

2 façon détaillée d'attaque menée par Naser Oric notamment à la veille du

3 Noël orthodoxe. Est-ce qu'à un moment donné vous avez eu une conversation

4 avec Naser Oric au cours de laquelle vous l'avez mis devant ce qu'il

5 faisait, et devant sa politique à l'égard des prisonniers, prisonniers fait

6 prisonniers pendant ces opérations.

7 R. Je n'ai rencontré Naser Oric que beaucoup plus tard au mois de mars,

8 lorsque je suis intervenu directement sur le terrain. Les actions dont vous

9 faites état sont une des raisons de l'aggravation considérable de la

10 situation dans cette région. A partir du mois de janvier effectivement,

11 Naser Oric était livré à des attaques la nuit sainte pour les Serbes du

12 Noël orthodoxe, et avait détruit des villages en massacrant tous les

13 habitants. Ceci avait créé un degré de haine extraordinaire dans la région,

14 et ceci avait amené aux gens de Bratunac en particulier, l'ensemble de la

15 population serbe à se révolter contre la simple idée, que l'on pourrait

16 continuer à part l'aide humanitaire, à aider la population qui était

17 présente là-bas. Naser Oric, je le répète, je ne l'ai vu qu'au mois de

18 mars, pas à ce moment-là.

19 Q. Mon Général, est-ce que M. Naser Oric vous a dit quoique ce soit à

20 propos de ce qu'il avait fait des prisonniers au cours de cette période ?

21 S'il l'a dit qu'est-ce qu'il vous a dit ?

22 R. Je crois que vous le retrouvez dans d'autres témoignages que le mien.

23 Naser Oric était un chef de guerre qui régnait par la terreur dans sa

24 région et sur la population elle-même. Il a, je crois, reconnu que c'était

25 les règles de cette affreuse guerre qu'il ne pouvait pas se permettre de

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1 faire des prisonniers. C'est dans mes souvenirs très précisément, ce

2 n'était même pas pour chercher une excuse. C'était un constat : Il ne

3 pourrait pas s'encombrer de prisonniers.

4 Q. Pour vous, qu'est-ce que cela voulait dire précisément ce qu'il vous

5 disait ?

6 R. Cela voulait dire que je n'ai pas été surpris quand les Serbes m'ont

7 emmené dans un petit village pour y constater l'évacuation des corps des

8 habitants qui avaient été jetés dans des fosses communes, et un petit

9 villages voisins de Bratunac. Cela m'a fait comprendre dans quel degré cet

10 engrenage infernal du sang et de la vengeance. Je crois Subotic a très bien

11 parlé dans son livre "Blood and Vengeance". Cet engrenage avait amené un

12 degré à une situation telle que j'ai été à même personnellement de craindre

13 que le pire se produise si les Serbes de Bosnie pouvaient pénétrer dans

14 l'enclave et rentrer dans Srebrenica.

15 Q. Dans votre déclaration, on trouve de façon détaillée les déplacements

16 que vous avez effectués à Srebrenica, les 10 et 11 mars 1993. Pourriez-vous

17 en quelques mots nous dire quelles étaient les conditions dans lesquelles

18 vivaient les gens à Srebrenica au moment où vous êtes entré dans la ville

19 cette fois-là ?

20 R. C'est vrai ils étaient des dizaines de milliers entassés dans les rues

21 par la neige, soumis au risque au moindre bombardement, d'être blessés et

22 tués par centaines, puisque au contraire d'autres villes de la Bosnie-

23 Herzégovine, Srebrenica ne disposait d'aucun abri réel, d'aucune cave

24 installée. Ils se nourrissaient des grains ramassés sous les arbres, une

25 des raison de -- Srebrenica -- informé que j'étais, de ce degré de misère,

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1 de famine dans lequel il était placé, étais de pouvoir mettre en place le

2 ravitaillement par air qui avait été décidé air drop pour larguer des

3 rations de survie sur cette région. C'est de fait ce que nous avons pu

4 faire.

5 Ils étaient, encore une fois, des milliers à converger toutes les nuits

6 longue file, avec essentiellement des enfants, des vieillards, des femmes.

7 Ils étaient nombreux à avoir été victimes des bombardements. Il y avait de

8 nombreux blessés. Il y avait un jeune étudiant en médecine qui, sur place,

9 opérait. Il avait obtenu confirmation de cette situation, mais c'est

10 effectivement ce que j'ai trouvé quand je suis arrivé sur place, un degré

11 de misère absolu avec un risque réellement de dizaines de milliers de

12 morts.

13 Q. Dans votre déclaration, vous parlez de cinq façons dont la République

14 de Serbie était impliquée dans les attaques menées sur Srebrenica et ses

15 environs. Pourriez-vous nous faire un bref commentaire de chacune de ces

16 cinq façons pour ce qui est des bombardements d'artillerie ?

17 Que saviez-vous à propos de la participation de l'artillerie de Serbie pour

18 ce qui est des bombardements de Srebrenica et des environs ? Ici, nous

19 parlons de l'intercalaire 8 de la pièce 648.

20 R. J'avais avec moi une petite équipe d'observateurs. C'est elle qui m'a

21 rendu compte du fait que lorsque l'offensive se poursuivait, qu'elle était

22 appuyée par des tirs qui provenaient d'au-delà de la Drina, donc, du

23 territoire de la République fédérale de Yougoslavie.

24 Par ailleurs, vous savez que nous avions pu constater des raids en deux

25 reprises d'avions non identifiés, sans signe apparent, qui étaient venus

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1 bombarder le front et là encore, à partir de la Serbie.

2 Enfin, m'ont été rapportées les pièces d'identité de plusieurs de, très

3 précisément, de deux soldats serbes, l'un milicien qui était domicilié dans

4 la République de Serbie et qui avait une autorisation pour se rendre, pour

5 circuler, pour se rendre dans la région de Srebrenica, et puis la carte

6 identité également d'un soldat serbe.

7 Voilà les quelques éléments qui appuient, effectivement, si vous voulez, la

8 conviction qui était la mienne que tout ce qui se passait dans la région,

9 avait le soutien de l'armée fédérale elle-même, de l'armée serbe. Encore

10 une fois, cela ne surprenait personne, puisque cette armée avait cause

11 commune avec celle des Serbes de Bosnie et celle de Mladic.

12 Q. Je vais vous demander d'examiner l'intercalaire 11 de la pièce 648. Je

13 voudrais vous en lire une partie, et vous demander de la commenter.

14 J'attends que ceci s'affiche à l'écran qui se trouve devant vous où vous

15 trouverez peut-être une copie papier de cette pièce.

16 Rapport des situations spéciales concernant Srebrenica, rapport établi par

17 le colonel Leentjes. Il est dit : "Qu'il y a des opérations de nettoyage

18 systématique de l'enclave de Srebrenica qui se poursuivent de façon

19 complète maintenant depuis le début du mois de mars et peut-être, depuis le

20 début du mois de janvier. Les Serbes procèdent au nettoyage ethnique d'un

21 village à la fois, d'abord par un pilonnage du village, puis par des

22 attaques avec des forces sur le terrain, des forces terrestres."

23 Voici ce que je vous demande. S'agissant de l'implication de la Serbie dans

24 ces événements, quels étaient les rapports ou le rapport entre ces

25 opérations de nettoyage ethnique dont parle le colonel Leentjes et

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1 l'implication des forces qui venaient d'au-delà de la Drina ?

2 R. Pour un minimum de soutien direct, ce que nous avons tenu d'appeler le

3 close air support de soutien aérien, le colonel Leentjes en avait constaté

4 lui-même les choses. Il en rend compte. Le colonel Leentjes, c'était le

5 chef de l'équipe d'observateurs qui était avec moi à Srebrenica.

6 Q. En réaction à ces événements, est-ce que le conseil de Sécurité des

7 Nations Unies a été avisé de la situation ? Est-ce qu'elle a formulé des

8 avertissements ainsi que des exigences à l'égard du gouvernement de la

9 Yougoslavie et de la République fédérale de Yougoslavie, afin que cesse ces

10 activités, afin de mener des enquêtes aussi sur ces allégations ?

11 R. C'est ce que j'avais demandé personnellement, et c'est ce qui a été

12 fait. Vous savez qu'il y avait de toute façon une interdiction de vol

13 imposé à l'ensemble de l'aviation serbe, donc le conseil de Sécurité a

14 confirmé sa demande pressante que la "no-fly zone" soit respectée.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Groome, où vais-je trouver ce

16 passage dans le document se trouvant à l'intercalaire 11 ?

17 Mme HIGGINS : [interprétation] Il s'agit du paragraphe 6, me semble-t-il.

18 M. GROOME : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge. Merci.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par conséquent, le système d'affichage

20 électronique a montré le mauvais passage.

21 M. GROOME : [interprétation] Nous allons essayer d'afficher le bon,

22 Monsieur le Juge.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Groome.

24 M. GROOME : [interprétation]

25 Q. Mon Général, pour ne pas perdre de temps, je vais faire l'impasse de

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1 plusieurs éléments et événements significatifs, notamment, le fait que vous

2 êtes resté à Srebrenica pendant tout un temps, le fait que vous n'avez pas

3 été autorisé à quitter Srebrenica de votre plein gré. Je ne vais pas parler

4 du fait que vous avez aidé à la déclaration de Srebrenica en tant que zone

5 protégée par les Nations Unies et le fait que vous avez délivré un ordre

6 pour qu'un convoi humanitaire puisse se frayer un passage vers Srebrenica.

7 Je vais demander aux Juges de simplement lire votre déclaration écrite.

8 Passons, si vous voulez bien, à la date du 19 mars. Vous avez

9 personnellement escorté un convoi. Est-ce que vous-même, vous vous êtes

10 trouvé sous les tirs d'un poste de contrôle serbe de Bosnie ?

11 R. C'est exact. C'est un garde qui était placé à un carrefour et qui, au

12 moment où je rejoignais ce convoi qui avait été bloqué à plusieurs

13 reprises, a tiré une rafale de Kalashnikovs pour tenter de m'arrêter,

14 puisque j'étais tellement persuadé que c'était une question de vie et de

15 mort pour cette population que j'étais prêt, évidemment, à tout pour

16 obtenir ce premier passage, ce premier signe d'espérance, premier signe de

17 survie qui a été accueilli avec tant de soulagement par la population

18 lorsque ce convoi a enfin réussi à passer.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, puis-je vous demander

20 ceci. Est-ce que le garde qui a tiré sur vous, savait exactement qui vous

21 étiez, que vous faisiez partie de la FORPRONU, j'entends ?

22 LE TÉMOIN : Oui, votre Honneur. Je crois qu'il savait même que j'étais le

23 Général Morillon. J'étais connu à cette époque. J'étais connu dans toute la

24 Bosnie à coup sûr. C'était d'ailleurs très souvent très émouvant, parce que

25 là où je passais, là où j'arrivais personne que "général Morillon," et même

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1 ils ouvraient le passage, ouvraient les barrières. C'est pour cela que je

2 me rendais à Srebrenica. Cela a surpris beaucoup de gens, mais j'étais le

3 seul à pouvoir le faire.

4 Peut-être vous souvenez-vous, votre Honneur, de cette vison tout à fait

5 extraordinaire, pas du tout préparé. A ce moment-là d'un homme spontanément

6 venant me baiser les mains pendant que je sortais dans ma voiture. C'était

7 un Serbe, ce n'était pas un Bosniaque c'était un Serbe. C'était sur le

8 territoire de la Serbie.

9 Pour répondre à votre question, l'homme qui a tiré sur moi - mais il a tiré

10 en l'air, en fait, je ne serai pas là pour vous en parler - il savait qui

11 j'étais bien sûr.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. GROOME : [interprétation]

14 Q. Est-ce qu'à un moment donné la situation à Srebrenica est devenue

15 tellement désespérée que vous avez pris une décision, vous avez décidé

16 d'aller à Belgrade pour vous entretenir avec M. Milosevic à propos de ce

17 qui se passait à Srebrenica ?

18 R. Oui, je le savais depuis le départ que le seul qui pouvait m'aider dans

19 ce sauvetage désespéré c'était M. Milosevic. Je suis allé lui dire, et si

20 j'en ai le souvenir bien sûr très aigu, je suis allé lui dire : "Monsieur

21 le Président, il y a déjà une tache sur le drapeau de votre république.

22 C'était à Vukovar et croyez-moi, vraiment croyez-moi, si vous ne faites pas

23 tout pour m'aider à désarmer cette épouvantable bombe qui se trouve

24 aujourd'hui à menacer toute la population de Srebrenica à cause de degré de

25 haine qui s'y est développée, vous aurez une tache encore plus grave sur

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1 votre drapeau, et l'opinion publique mondiale ne le pardonnera pas au

2 peuple serbe."

3 Je crois que M. Milosevic a entendu ce message et effectivement il a

4 ensuite aidé à la mise en place de plan de paix qui progressivement a

5 permis de désamorcer cette bombe, au moins, et malheureusement,

6 provisoirement.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Groome, pourriez-vous

8 obtenir la date de la réunion.

9 M. GROOME : [interprétation]

10 Q. Vous souvenez-vous de la date de cette réunion dont vous venez de

11 parler ?

12 R. C'était le 25. Attendez. Très précisément, c'est la fin du mois de

13 mars.

14 Q. Veuillez examiner l'intercalaire 21 de la pièce 648. Est-ce qu'on

15 trouve là un mémo relatif à cette réunion ?

16 R. Oui, le 25 mars.

17 Q. Mon Général, avant de commencer à parler du fond même de la réunion,

18 vous avez dit qu'à votre avis, Milosevic était le seul capable de

19 désamorcer la situation. Pourriez-vous étoffer votre propos, et nous

20 donner, comment dire, des informations plus précises. Qu'est-ce qui vous a

21 amené à croire que c'était lui la seule personne en mesure de le faire ?

22 R. A ce moment-là, Mladic, qui était le seul à exercer véritablement le

23 pouvoir sur le territoire de la Republika Srpska, était encore capable

24 d'obéir aux ordres venus de Belgrade, et je le savais. Il est vrai que plus

25 tard que l'échec de la mise en œuvre du plan Vance-Owen, à un moment donné

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1 il a fait ce que je considérais comme un véritable coup d'état, et qu'à

2 partir de là il a échappé complètement, je crois, à tout contrôle. Là

3 Milosevic avait mis en route un processus s'appuyant sur un certain nombre

4 de chiens qui sont devenus enragés, et Mladic en était un. Mais à l'époque,

5 j'étais persuadé que le président Milosevic contrôlait encore Mladic, et le

6 résultat concret de cette action m'a prouvé que je n'avais pas tort.

7 J'avais dit d'ailleurs à la population de Srebrenica qui prétendait pendant

8 un bon moment me garder prisonnier -- en fait me garder non pas prisonnier,

9 mais me garder avec elle, parce qu'elle me considérait que j'étais une

10 espèce de bouclier qui tant que je serais présent protégerait de toute

11 attaque. Je leur avais dit, "Laissez-moi aller à Belgrade, parce que si

12 vous ne me laissez pas aller à Belgrade, je ne serai pas capable de mettre

13 en œuvre ce plan que je vous ai proposé pour évacuer vos blessés, pour

14 établir un corridor aérien, pour faire passer les convois dont vous avez

15 besoin pour survivre." De fait, c'est bien ce qui s'est produit.

16 Q. Général, vous avez votre déclaration, des rapports et des documents

17 officiels qui l'accompagnent, est-ce qu'ils montrent que ceux qui étaient

18 en partie directe avec la situation comprenaient la gravité de la situation

19 à Srebrenica. Pourriez-vous nous dire pour aider les Juges, pensez-vous que

20 vous leur avez passé le message pour ce qui est de la menace véritable qui

21 planait sur la population de Srebrenica, pour leur faire comprendre la

22 menace probable que cela présentait ?

23 R. Oui, j'ai pu dire et j'ai dit par le canal d'ailleurs des médias,

24 souvenez-vous qu'à l'époque passant par les radios amateurs où se passaient

25 les informations au monde entier, j'ai dit qu'il ne s'agissait pas de

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1 rumeur comme on en avait eu beaucoup pendant toute cette guerre. On avait

2 prétendu, par exemple, aux environs de Noël que dans l'enclave voisine de

3 Zepa, il y avait des actes de cannibalisme. C'était faux. On avait tendance

4 dans ce camp à amplifier les menaces, à les déformer. Ce n'était pas

5 forcément d'ailleurs de la désinformation systématique, c'était dans une

6 situation aussi difficile la rumeur crée la panique et l'organise.

7 J'ai dit, je m'en souviens parfaitement, et j'ai dit à

8 M. Milosevic, si on ne fait pas passer les convois, si on ne calme pas la

9 solution dans la perspective dans laquelle nous nous dirigions, à l'époque

10 tout le monde avait cette espérance de la mise en œuvre du plan Vance-Owen,

11 donc d'une très rapide démilitarisation, lever du siège de Sarajevo. C'est

12 de tout cela nous parlions. J'avais dit, à Srebrenica il va y avoir un

13 drame épouvantable, et cela va entraver tout le processus de paix. Il se

14 produira un drame épouvantable, et je le répète l'opinion publique mondiale

15 ne le pardonnera pas aux Serbes. Vous serez définitivement condamnés, vous

16 serez diabolisés. Voilà, ce dont j'avais l'intuition personnelle, et

17 malheureusement, deux ans plus tard et, croyez-moi, j'en suis toujours

18 hanté aujourd'hui. Deux ans plus tard, il a été prouvé que je n'avais pas

19 tord.

20 Q. Mon Général, pour que le dossier soit précis, qu'est-ce que vous

21 prévoyez comme tragédie épouvantable en 1993, qui malheureusement s'est

22 réalisé deux ans plus tard ?

23 R. J'avais peur effectivement que les Serbes donc j'avais pu constater,

24 les Serbes locaux, les Serbes de Bratunac, ces miliciens qui étaient là

25 veuillent le venger de tout ce qu'ils reprochaient à Naser Oric. Ce n'était

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1 pas seulement Naser Oric dont ils voulaient se venger. Ils voulaient venger

2 leurs morts, ils voulaient venger les morts du Noël orthodoxe. Ils étaient

3 enfermés dans ce cercle infernal du sang et de la vengeance, "blood and

4 vengeance". C'était cela malheureusement qui les animaient tous.

5 Pas seulement les hommes, les hommes, les femmes, toute la population avait

6 ce degré-là. Ce n'était plus la maladie de la peur qui a saisi l'ensemble

7 de la population de Bosnie-Herzégovine, la peur d'être dominé, la peur

8 d'être éliminé, c'était là vraiment la haine, comme il ne peut y en avoir

9 de plus aiguë qu'entre voisins, qu'entre frères.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous en train de dire, mon

11 Général, que ce qui s'est passé en 1995, était une réaction directe à ce

12 qu'a fait Naser Oric aux Serbes deux ans plus tôt ?

13 LE TÉMOIN : Oui, oui votre Honneur. J'en suis persuadé. Ce n'est pas pour

14 pardonner en quoi que ce soit, pour diminuer la responsabilité de ceux qui

15 ont commis ces crimes. Il y avait cette menace-là, ils en étaient

16 persuadés.

17 Si j'ai négocié cet expédient, c'est parce qu'il y avait la perspective de

18 la paix prochaine du plan Vance-Owen, en mars 1993. Sinon, je ne n'avais

19 pas eu cette espérance, votre Honneur, j'aurais procédé à l'évacuation de

20 la ville en fonction de ce risque. J'aurais procédé à cette évacuation au

21 risque d'être considéré comme prenant part moi-même à la purification

22 ethnique. Je ne l'ai pas fait simplement parce qu'à ce moment-là, j'avais

23 un très solide espoir, et je n'étais pas le seul. Karadzic lui-même,

24 Milosevic, ont signé à Athènes le plan Vance-Owen au mois de mai.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

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1 M. GROOME : [interprétation]

2 Q. Mon Général, est-ce que vous avez fait de votre mieux pour transmettre

3 de la façon la plus claire possible, les craintes que vous aviez à propos

4 de ce qui pourrait se passer à Srebrenica lors de la réunion que vous avez

5 eue avec M. Milosevic au mois de mars, le 20 mars et au cours des réunions

6 ultérieures que vous avez eues avec lui ?

7 R. Je pense qu'il pourra le confirmer. En tête-à-tête, très long tête-à-

8 tête que je n'oublierai jamais. J'ai tout fait pour le convaincre que la

9 menace était réelle. Je crois qu'il l'a compris.

10 Q. Je vous remercie, mon Général.

11 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Groome.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que l'accusé ne commence son

14 contre-interrogatoire, je dois manifester mon inquiétude quant à la façon

15 dont l'Accusation prépare la déclaration toma sulco [phon] du 89(F). Je

16 constate que l'intercalaire 2 est très différent de ce qui est présenté

17 comme étant une déclaration 89(F). La numérotation est différente par

18 rapport à ce qui s'est passé en janvier. Il y a beaucoup de paraphrases

19 pour des parties conséquentes de la déclaration. Il y a des phrases qui

20 sont insérées. Pourriez-vous apporter des éclaircissements ?

21 M. GROOME : [interprétation] Depuis le dépôt de l'original qui était un

22 projet de texte, le général a eu l'occasion d'examiner ce document. La

23 mouture initiale a été faite à la troisième personne. Ici, on a essayé

24 d'utiliser la première personne pour refléter de façon plus exacte les

25 termes du général. Il parle à la première personne pour prévoir ce qui

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1 devrait être son témoignage par rapport au document déposé au départ.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais savoir à quel moment cette

3 nouvelle mouture a été communiquée à l'accusé ?

4 M. GROOME : [interprétation] Juste avant le début de la déposition du

5 témoin, Monsieur le Juge.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que ceci devrait lui

7 porter grand préjudice, puisque la plupart des éléments importants ont été

8 fournis ici de viva voce. Ceci rend sa préparation, je parle de la

9 préparation de l'accusé très difficile. Ne l'oubliez pas.

10 M. GROOME : [interprétation] J'en tiendrai compte, Monsieur le Juge.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la

12 parole.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne perds pas de vue les

14 observations faites par M. Nice, tout au début, qui indique l'intention, la

15 présence d'une intention qui est celle de m'accorder très peu de temps pour

16 l'interrogatoire ou le contre-interrogatoire de M. Morillon. Il n'est pas

17 contesté que le général Morillon soit un témoin très important qui a été le

18 commandant de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine, et précisément à une

19 période critique. J'estime qu'il conviendrait de me faire bénéficier de

20 suffisamment de temps pour que le général Morillon nous aide à expliquer

21 bon nombre de choses. Je n'ai aucun doute pour ce qui est de le voir le

22 faire ici.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout à fait.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je vous

25 demanderais de me préciser si je puis, oui ou non, compter sur le reste de

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1 la journée d'aujourd'hui pour essayer d'étudier les opinions ainsi que le

2 témoignage présenté par le général Morillon.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons vous

5 donner deux heures, et en temps que de besoin, nous referons le point à la

6 fin de ces deux heures.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

8 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

9 Q. [interprétation] Mon Général, vous êtes arrivé à Sarajevo, comme vous

10 l'avez dit vous-même, et j'imagine que la chose n'est pas contestée, en

11 date du 13 mars 1992, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. D'après votre déclaration préalable, il est dit : "Qu'une fois arrivé à

14 Sarajevo, il est évident que la plupart de la population souhaitait un

15 apaisement de la situation mais, en même temps, il y avait une appréhension

16 de voir éclater un conflit des plus probables," n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Merci. Vers votre arrivée, il y a eu également l'arrivée du général

19 Satish Nambiar qui se trouvait être le commandant de la FORPRONU pour tout

20 ce territoire-là, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Le général Nambiar, à l'époque, a déclaré que la première des

23 personnalités qu'il avait rencontré en arrivant sur le territoire de l'ex-

24 Yougoslavie, se trouvait être un diplomate portugais, M. Jose Cutileiro qui

25 avait conduit les négociations visant à aboutir à une sortie, une issue de

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1 la crise en Bosnie-Herzégovine. Je crois que vous l'avez rencontré vous-

2 même dès votre arrivée en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas, mon Général ?

3 R. L'ambassadeur Cutileiro était le représentant du Portugal, qui exerçait

4 à l'époque la présidence de l'Union européenne. Comme tel, il avait été

5 effectivement chargé par l'Union européenne de tenter de trouver une

6 médiation et d'éviter le drame.

7 Q. Pour ce qui est de votre médiation au sujet des tensions survenues,

8 vous dites, je vous cite : "Cela a duré tout le temps suite à une

9 initiative du général Nambiar et suite à une initiative de Cutileiro. C'est

10 avec le général Nambiar et son personnel que ce sont réunis le président

11 Izetbegovic et Ejub Ganic du côté musulman, Karadzic et Mme Plavsic du côté

12 serbe." C'est ce que vous indiquez dans votre déclaration préalable.

13 Nambiar a tout de suite commencé à coopérer avec Cutileiro pour que ce qui

14 était d'apaiser la situation. Ai-je raison de supposer que vous y avez pris

15 également part, et que, très certainement, vous étiez au courant de toutes

16 ces activités-là ?

17 R. J'étais au côté, j'étais le second du général Nambiar. Je me souviens

18 parfaitement de cette arrivée. Si vous le permettez, M. Milosevic, à mon

19 souvenir, c'est effectivement lorsque nous avons, le premier jour,

20 rencontré le parlement de Bosnie, un discours du général Nambiar disant :

21 "Je suis ici pour vous aider à calmer les peurs. Je suis ici, moi, un

22 général indien avec un adjoint, un chef de cabinet pakistanais. Il y a ici

23 un général français avec un représentant, un diplomate allemand. Nous

24 sommes ici pour vous démontrer que la réconciliation est toujours

25 possible." C'est un moment émouvant, effectivement, parce qu'en réponse à

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1 ce discours, c'est un Serbe qui s'est levé dans l'hémicycle et qui a dit :

2 "Je suis Serbe, à côté de moi c'est un Musulman. C'est mon frère. Je ne

3 vois pas quelle idée, comment nous pourrions un jour nous trouver

4 confrontés l'un à l'autre." Ce désir profond de la population, souvenez-

5 vous, il a amené la marche, la marche silencieuse qui, à la veille du

6 drame, a tenté de faire lever les barricades. Malheureusement, cette foule

7 à son retour, elle a été mitraillée par les miliciens fous de Karadzic, à

8 partir de l'hôtel Holiday Inn. Tout le monde a vu ces images. C'est à

9 partir de là que le drame s'est noué. Bien sûr, j'ai un souvenir très

10 précis de tous ces événements.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, vous savez que nous

12 avons des contraintes de temps. Je vous serais gré de nous fournir des

13 réponses utiles, bien sûr, mais aussi concises que possible. Je vous en

14 remercie d'avance.

15 Monsieur Milosevic, veuillez poursuivre.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Mon Général, sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, Cutileiro est resté

19 connu par le fait qu'il y ait eu sous sa direction, l'élaboration d'un plan

20 que tous les représentants des parties en présence sur le territoire de

21 Bosnie-Herzégovine, et je parle de la période où vous vous trouviez déjà à

22 Sarajevo, à savoir, du 18 mars 1992, qui s'est vu signé par ces trois

23 parties. Je me souviens, cela constituait je pense, à votre avis également,

24 un événement des plus importants, n'est-ce pas, mon Général ?

25 R. Oui.

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1 Q. J'espère que vous vous souviendrez également du fait qu'une semaine

2 après, à savoir, le 25 mars, Alija Izetbegovic a retiré la signature qu'il

3 avait déjà apposée sur le plan de Cutileiro. Je suppose que vous vous en

4 souviendrez également de cela.

5 R. Oui, je n'étais pas directement impliqué dans l'événement, mais

6 effectivement, cela m'a été dit.

7 Q. Je suppose que vous vous souviendrez que l'ambassadeur des Etats-Unis,

8 M. Warren Zimmermann, avait suggéré à Izetbegovic la chose, et Izetbegovic

9 l'a d'ailleurs confirmé lui-même, à savoir que si le plan ne lui plaisait

10 pas, il n'avait qu'à retirer sa signature. J'espère que vous êtes au

11 courant de cela.

12 R. Je l'ai su encore une fois par la relation qui me l'a été faite. Je

13 n'ai pas participé directement à cet événement. Je l'ai su.

14 Q. Etant donné que vous aviez occupé une fonction très élevée à l'époque

15 en Bosnie-Herzégovine, vous trouviez en la position la plus élevée

16 s'agissant des représentants de la communauté internationale, vous devez

17 forcément savoir qu'avant ce plan, il n'y a eu aucun conflit. Le plan que

18 les trois parties en présence ont signé, avait été comme cela s'est avéré

19 par la suite, la dernière des chances possibles de sauver la paix et

20 d'éviter tout conflit, tout effusion de sang, n'est-ce pas, Général ?

21 R. Cutileiro était persuadé, effectivement, d'avoir obtenu par ce plan, la

22 manière de désamorcer la bombe. Malheureusement, il s'est avéré, bien sûr,

23 qu'il n'en était rien et je ne crois qu'il faille, qu'on puisse accepter

24 d'en faire porter la responsabilité au seul Alija Izetbegovic. Je crois que

25 l'ensemble malheureusement des trois responsables, Karadzic, Mate Boban,

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1 Izetbegovic, ont leur part de responsabilités dans l'échec même du plan.

2 C'est-à-dire, que cela a été un peu une illusion d'imaginer que ce plan

3 aurait des chances d'aboutir. C'est comme cela que je vois les choses.

4 Q. Nous, ici, nous ne parlons pas de cela, mon Général, de savoir ce qui

5 aurait été si, avec des si, mais le fait est que ni Karadzic, ni Boban

6 n'ont retiré leurs signatures de ce plan. Izetbegovic l'a fait en dépit de

7 la signature qu'il avait apposée. Je crois que la chose n'est pas

8 contestée. Vous vous souviendrez, mon Général, que ce plan avait sous-

9 entendu l'existence d'une Bosnie-Herzégovine indépendante. Les Serbes, les

10 Croates et les Musulmans avaient accepté une Bosnie-Herzégovine

11 indépendante, mais cantonnisée, n'est-ce pas ?

12 R. Exactement. J'ai le souvenir parfait, alors là très précis, d'avoir

13 rencontré moi-même en tête-à-tête l'ambassadeur Cutileiro et de lui avoir

14 dit combien il m'apparaissait dangereux de, sous ce prétexte, prononcer

15 trop vite l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. J'avais confiance déjà,

16 à ce moment-là, que le baril de poudre sur lequel nous étions assis, on

17 était en train d'en allumer la mèche. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas

18 seulement Izetbegovic qui, dans cette affaire était complètement réticent.

19 Je rappelle, Monsieur Milosevic, que ceux qui ont tiré sur la foule à

20 partir de l'hôtel Holiday Inn, cela je peux l'attester, ce sont les

21 miliciens de Karadzic. Il y avait l'illusion qu'un plan pourrait permettre

22 d'éviter le drame.

23 Q. Quand cela s'est-il passé ?

24 R. Dans cette période-là, malheureusement. Tout est allé très vite, et

25 vous le savez.

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1 Q. Quand les miliciens de Karadzic, comme vous dites, ont-ils ouvert le

2 feu sur des gens à Sarajevo ? Je n'en sais rien personnellement. Quand cela

3 s'est-il passé ?

4 R. Je crois que c'était le 4 avril ou le 6 avril. On retrouvera très

5 facilement les choses, puisque cette séance a été enregistrée. Après

6 effectivement, puisque c'est cela que vous voulez me faire dire. C'était

7 après l'échec du plan Cutileiro.

8 Q. Entendons-nous bien, mon Général. Certes, la raison de l'échec du plan

9 est claire. Vous savez certainement que la partie serbe s'était employée en

10 premier lieu, s'agissant de la Bosnie-Herzégovine, mais tout aussi bien

11 dans les autres régions de l'ex-Yougoslavie, était celle de sauvegarder la

12 Yougoslavie. Cela, vous devez vous en souvenir, n'est-ce pas ?

13 R. Parfaitement.

14 Q. Je suppose que vous savez que ces efforts visant à sauvegarder la

15 Yougoslavie, avaient été les seuls à être déployés conformément à la

16 constitution de la Yougoslavie et les constitutions des différentes

17 républiques faisant partie de cette Yougoslavie. Cela était également

18 conforme au plan international, à savoir, ce plan voyait la Yougoslavie

19 comme étant un état unifié. Elle avait bénéficié de sa souveraineté, de sa

20 légitimité. Cela avait été exprimé par la constitution yougoslave et par la

21 constitution des différentes républiques. Vous savez que cette intégrité,

22 cette souveraineté était parfaitement précisée par ces textes-là, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui, je sais aussi, Monsieur le Président, qu'un certain nombre des

25 républiques composant la fédération yougoslave, la Slovénie pour commencer,

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1 la Croatie ensuite, avaient déjà à ce moment-là consulté leur peuple par

2 référendum et décidé de leur indépendance. La fédération commençait

3 d'éclater et de fait, la contagion a gagné d'autres républiques après

4 celle-là.

5 Q. Pour ne pas élargir le sujet pour les raisons qui viennent d'être

6 mentionnées par le Juge Robinson, en raison des limites de temps,

7 j'entends. Nous sommes d'accord pour dire, et vous le savez fort bien, que

8 l'objectif primaire et premier de la partie serbe était celui de

9 sauvegarder la Yougoslavie. Serez-vous d'accord avec moi pour dire que

10 l'acceptation serbe du plan Cutileiro y prévoyait une Bosnie indépendante

11 constituait une concession des plus grande de la part de la partie serbe,

12 précisément aux fins de préserver la paix. Parce que si quelqu'un voulait

13 préserver la Yougoslavie, et au travers des agissements qui ont eu lieu au

14 travers de cette conférence internationale, vient à accepter une

15 Bosnie-Herzégovine indépendante, vous admettrez que c'est une grosse

16 concession que les Serbes ont faite pour sauvegarder la paix en Bosnie-

17 Herzégovine, en se disant que les trois peuples en présence seront sur pied

18 d'égalité en vertu de l'énoncé de ce plan. N'est-ce pas, mon Général ?

19 R. Cette démonstration, si par ailleurs je n'avais pas été témoin du

20 déploiement à l'avance d'un certain nombre d'événements dans les forêts à

21 Pale et tout autour, qui se préparaient pour l'action qui malheureusement

22 s'est déclenchée très vite, Ne me faites pas dire que la bonne foi de

23 Karadzic était totale dans cette affaire, je vous ne le dirai pas. Karadzic

24 était partisan fou de cette parabole, puisque trois frères se disputaient

25 sur leur territoire. Il fallait leur donner à chacun leur propre

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1 territoire. Il était partisan fou avec malheureusement la plupart de ses

2 partisans de la purification ethnique à laquelle viscéralement il a été

3 toujours opposé.

4 Q. Bien. C'est votre opinion, mais cela n'a pas été ma question. Avez-vous

5 connaissance du fait que les efforts déployés par la partie serbe, après le

6 retrait de la signature d'Izetbegovic, avaient eu pour objectif la

7 continuation de ces processus de négociation pour aboutir à un accord de

8 paix. Il y a toute une série de lettres de Karadzic adressées à Cutileiro

9 et Carrington, et cetera, demandant à poursuivre les processus de Lisbonne.

10 Je suppose que vous vous en souviendrez. Vous receviez toutes ces

11 informations-là sur votre bureau en votre qualité de commandant des forces

12 armées sur le territoire de la Bosnie.

13 R. Oui, bien sûr, j'ai rencontré Lord Carrington.

14 Q. Bien. Dites-moi, vous vous souviendrez que ces négociations se sont

15 poursuivies à Lisbonne, mais c'est vers la fin du mois de mai 1992, et je

16 parle du mois de mai 1992 déjà, que la partie musulmane a abandonné les

17 négociations. C'est la deuxième fois que les efforts de négociation et de

18 médiation de Cutileiro échouaient en raison de l'attitude négative adoptée

19 par la partie musulmane. Vous vous en souviendrez, mon Général ? Le

20 prétexte ou l'excuse avait été cet obus de mortier qui était tombé parmi

21 les gens qui faisaient la queue pour le pain.

22 R. Oui, mais Sarajevo et d'autres villes étaient déjà enfermées, soumises

23 à un siège. Je vois très bien ce que vous souhaitez dire pour défendre la

24 position de Karadzic. Très sincèrement, je ne pense pas que ce soit

25 recevable, parce que je crois que malheureusement, c'est lui qui disposait

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1 de la force, et pas Izetbegovic, à ce moment-là.

2 Q. Mon Général, il y avait trois parties en train de négocier. Karadzic

3 représentait l'une des parties en présence, cela vous ne l'ignorez pas.

4 Pour qu'il y ait accord de trois parties, il faut que les trois soient

5 d'accord. L'accord de la partie serbe n'avait pas été contesté. Du moins,

6 je suppose que personne ne saurait le nier, n'est-ce pas, mon Général ?

7 R. Probablement, ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question. Voyez M.

8 Cutileiro lui-même, si cela n'a pas été déjà fait. Je ne nie pas que dans

9 cette affaire la présidence bosniaque, le président Izetbegovic, ait été

10 amené à renoncer à la négociation, encore une fois, parce qu'à l'époque --

11 mais je ne prends pas la défense de qui que ce soit là-dedans. Moi, j'étais

12 là pour essayer de calmer les peurs. Malheureusement, cette maladie de la

13 peur, elle a continué de croître et d'embellir à cause de ceux qui, comme

14 vous à l'époque, rappeliez les démons des terreurs ancestrales, rappeliez à

15 longueur de journée, dans vos émissions officielles, les massacres du

16 passé. Cette maladie de la peur elle s'est développée. Elle régnait, oui, à

17 Sarajevo. Elle régnait à Sarajevo. Elle régnait à la présidence. Il y avait

18 une peur à ce moment-là, j'ai été le témoin qu'à la faveur de cette

19 cantonisation de ce plan, en fait les Serbes n'imposent leur domination.

20 C'était la maladie pour certains, la peur d'être dominés.

21 Les Serbes qui étaient dans les collines, Monsieur Milosevic, autour de

22 Sarajevo, ils n'y étaient pas pour dominer la plupart d'entre eux. Je l'ai

23 dit et je l'ai écrit. Ils y étaient parce qu'on leur avait dit que s'ils

24 n'y allaient pas, leur femme allait porter le voile islamique. Ce sont ceux

25 qui ont pris cette responsabilité-là de déclencher la peur, qui sont

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1 coupables, et Karadzic en était bien sûr. Quand je suis allé à Pale et

2 qu'on m'a dit que les lions du zoo de Sarajevo étaient nourris par les

3 bébés serbes, quand on m'a dit que toutes les femmes serbes dans Sarajevo

4 étaient dans les bordels de l'armée bosniaque, cela a été le moyen

5 d'exacerber la peur. Ce sont ceux qui ont déclenché cette peur-là qui sont

6 coupables à mes yeux, et Karadzic en était.

7 Q. Bien, mon Général. Je vous demanderais si possible de vous centrer sur

8 la teneur de mes questions.

9 J'ai encore quelques questions, étant donné votre présence dès le début,

10 ces questions se rapportent au début des conflits armés. Parce qu'il

11 convient de ne pas perdre de vue les faits, tout en respectant vos opinions

12 sur les uns et les autres. J'essaierai de mettre en exergue des faits. Vous

13 avez dit que ce n'est qu'en avril que la crise, les combats et les

14 pilonnages ont commencé, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Bien. Avez-vous connaissance du fait que la crise dès le mois de mars,

17 avait emporté des dizaines de vies humaines, notamment de vies de Serbes ?

18 Le saviez-vous cela ? Répondez-moi, je vous prie, par un oui ou par un non,

19 tout simplement.

20 R. Nous n'avions pas de certitude aucune. Nous avions entendu les rumeurs.

21 Il y en a eu tellement, Monsieur le Président, tellement. C'est parce que

22 nous n'étions pas présents pour constater, nous ne pouvions pas avoir de la

23 certitude. On m'a dit qu'à Zepa, par exemple, il y avait des actes de

24 cannibalisme qui s'étaient produits. Partout de part et d'autre dans

25 l'affolement, il y a eu des informations, et souvent de fausses

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1 informations.

2 Q. Possible, c'est possible. Il est certain qu'il y a eu des informations,

3 mon Général. Je ne le conteste certainement pas. Vous êtes arrivé le 13

4 mars, vous êtes arrivé à cette date. Quelques jours avant la première

5 victime, la première des personnes tuées en plein centre de Sarajevo,

6 c'était un Serbe qui a été abattu à un mariage. Cela n'a pas été une

7 rumeur, cela a été un événement qui s'est produit à Sarajevo même. Cela

8 s'est produit sous le portique de l'église orthodoxe. Les Serbes ont été

9 très bouleversés. Ils ont compris que cela avait constitué un message à

10 leur intention, en dépit de votre volonté, en dépit de la constitution de

11 la Yougoslavie et de la Bosnie. Ils ont dit : "Nous sommes prononcés en

12 faveur de l'indépendance. Maintenant, nous pouvons d'ores et déjà commencer

13 à vous abattre. Ils ont commis un meurtre, le meurtre d'un Serbe, n'est-ce

14 pas, Général ?

15 R. Oui, le Serbe en question, d'après ce que j'en sais, c'était

16 effectivement pendant un mariage. Il y avait un drapeau serbe qui

17 accompagnait ce mariage. Je suis d'accord avec vous que cet événement s'est

18 produit avant le mois d'avril, et qu'il a contribué à la maladie de la

19 peur.

20 Q. Dites-moi, mon Général, je vous prie, je suppose que vous êtes au

21 courant, du moins j'espère que vous devriez l'être, à savoir que ce que

22 l'on a convenu d'appeler la Ligue patriotique qui a été l'aile armée du

23 parti à Izetbegovic, du Parti du SDA pour être plus précis, a été créée à

24 Sarajevo dès le 31 mars 1991, un an avant tout conflit, le 31 mars 1991 et,

25 soit dit en passant, la fête de la Ligue patriotique, la fête officielle de

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1 la Ligue Patriotique en Bosnie-Herzégovine. La chose n'est pas contestable

2 du tout.

3 Saviez-vous que cela a été, après la Deuxième Guerre mondiale et

4 l'expérience à Hitler, la première des armées du parti qui a fait son

5 apparition et qui a été créée en date du 31 mars 1991 déjà ? Le saviez-vous

6 cela ?

7 R. Je suis arrivé à Sarajevo aux environs du 13 mars. J'ai rencontré un

8 bosniaque à la présidence qui m'a dit : "Je suis le ministre de la Défense

9 d'une armée bâtie qui n'a pas de soldats. Il y avait des milices mais, ceux

10 que j'ai vus à l'œuvre, c'étaient quelques voyous, Juka, le fameux Juka.

11 C'est un petit dealer qui habitait juste en face de ma résidence. J'ai

12 constaté, par contre, combien les milices de Karadzic étaient solides,

13 armées et nombreuses, et déployées dans les bois.

14 Je comprends très bien que vous souhaitez, dans cette affaire, faire

15 apparaître les Serbes comme à leur corps défendant. Tous étaient à leur

16 corps défendant. Tous étaient soumis à cette peur d'être dominés, à cette

17 peur d'être éliminés. Ceux qui ont rappelé les démons des terreurs

18 ancestrales, ont ranimé systématiquement les démons des terreurs

19 ancestrales. Ceux-là ont déchaîné toutes ces forces.

20 Q. Le déchaînement de ces passions n'a pas été une bonne chose. Nous

21 n'avons pas, nous, contribué au déchaînement de ce type d'activité en

22 provenance de Serbie. Vous vous souviendrez. Vous venez de mentionner un

23 voyou, leurs généraux musulmans, y compris le commandant de l'état major,

24 en parle dans leurs livres. Ils sont tous en train d'écrire leurs livres. A

25 l'époque que vous décrivez vous-même, vous dites qu'ils n'avaient pas

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1 d'armée, eux, ils affirment qu'ils avaient 120 000 hommes en armes. C'est

2 Sefer Halilovic, leur commandant de l'état major, qui l'a dit dans son

3 livre. Il se vante de cela, et d'autres encore le disent dans leurs livres.

4 Si vous vous penchez sur tout cela, je pense que vous n'allez pas continuer

5 à croire ce que vous aviez cru à l'époque. Ne perdons pas notre temps.

6 Vous avez connaissance des noms. Vous venez de mentionner celui de ce

7 voyou, de ce criminel, Juka Prazina, qui avait constitué une espèce de

8 force ou d'unité paramilitaire sous le commandement d'Alija Izetbegovic.

9 Vous vous souvenez du nom de Ramiz Delalic, je pense, qui, lui aussi avait

10 commandé une espèce de formation paramilitaire. On sait pertinemment que

11 c'est lui qui a tué l'homme dont on a parlé tout à l'heure, mais il n'y a

12 pas eu procès. C'est lui qui avait établi, enfin, qui avait entretenu des

13 relations avec la présidence de Bosnie-Herzégovine --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez le témoin répondre.

15 LE TÉMOIN : Juka, à l'époque où il a commencé de sévir, et n'obéissait en

16 aucune façon à qui que ce soit, pas davantage à Ejub Ganic que je voyais

17 tous les jours, le président Izetbegovic. Il n'était pas du tout, à ma

18 connaissance, autre chose qu'un voyou. Vous savez qu'il a péri dans un

19 parking de Bruxelles pour avoir, je crois, détourné trop d'argent. Il a eu

20 la fin qu'il méritait.

21 Pour le reste, vous dites qu'Halilovic prétendait disposer de 120 000

22 hommes. Ce n'est pas vrai. Il avait, vous savez bien dans cette Bosnie-

23 Herzégovine, préparé quelque Défense territoriale, mais les vraies forces

24 existantes, c'était le JNA. L'armée fédérale a disposé des seules armes

25 lourdes. Il y avait, oui, des milices sûrement, encore une fois qui,

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1 spontanément, malheureusement, ont été entraînées dans son engrenage

2 infernal.

3 Je ne condamne personne, moi, vraiment dans cette affaire. Je ne condamne

4 personne.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, avez-vous une

6 estimation du nombre d'hommes sous le commandement de Halilovic ?

7 LE TÉMOIN : Au départ là, au mois de mars dont nous parlons, ces quelques

8 policiers, il y avait pratiquement rien. En tout cas, je n'ai jamais

9 constaté qu'il existe quelque force vraiment organisée que ce soit, pas du

10 tout une armée. Des milices qui se sont progressivement à la faveur du

11 siège, organisées, qui ont été encadrées par d'ailleurs, des officiers à

12 provenir de la JNA. Il n'y avait pas que des Bosniaques musulmans dans

13 l'encadrement. Au départ, je crois que réellement la partie musulmane

14 n'était pas réellement détentrice de la force. C'est une appréciation

15 personnelle.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, continuez, je

17 vous prie. Oui, nous sommes arrivés à l'heure de la pause.

18 Mon Général, nous allons faire une pause de 20 minutes à présent. Pendant

19 cette pause, vous êtes sollicité de ne parler à personne de votre

20 témoignage.

21 Nous levons la séance.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

23 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

25 poursuivre.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Mon Général, deux semaines après votre arrivée en Bosnie-Herzégovine, et

3 je dirais que c'est précisément le 26 mars 1992, j'imagine que vous vous

4 souviendrez d'un grand massacre perpétré à l'encontre de la population

5 serbe dans le secteur de Bosanski Brod, dans le village de Sijekovac,

6 massacre où il a été tué des familles entières. Vous en souvenez-vous ?

7 R. Je me souviens de l'événement tel qu'il nous a été rapporté. Nous

8 n'avons pas été témoin. Il y a eu des massacres malheureusement à partir du

9 moment cet engrenage du sang et de la violence a commencé de prendre à

10 travers tout le pays, mais le 26 mars, je me souviens que la presse avait

11 relaté ce massacre. Je n'ai pas été témoin.

12 Q. Bien. Tout ceci se situe dans le contexte des pertes et souffrances

13 subies par les civils serbes avant qu'il n'y ait eu conflit mutuel de

14 quelle que nature que ce soit entre les parties en présence. Mais ne savez-

15 vous qu'entre le 3 et 6 avril 1992, lorsque les troupes de la République de

16 Croatie ont fait irruption à Kupres, il a été tué 56 Serbes, au pallier de

17 leur porte pratiquement. Cela faisait partie de votre zone de

18 responsabilité, donc j'imagine que vous devez forcément vous en souvenir ?

19 R. Le contingent mis à notre disposition a débarqué à Rijeka le 4 avril.

20 Avant cela, nous étions à l'état major, et la force mais nous dit, à

21 Sarajevo nous ne disposions de personne, vous le savez Monsieur Milosevic.

22 Le contingent arrivait le 4 avril à Rijeka, et je les accueillais sur

23 place.

24 Q. Je ne veux pas m'aventurer en profondeur dans l'étude du sujet, mais

25 vous étiez présent à l'époque où ces massacres ont été commis. J'imagine

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1 que vous en souvenez forcément.

2 R. Malheureusement, il y a eu tellement de massacres sur l'ensemble de ce

3 territoire. Oui, je m'en souviens.

4 Q. Vous souvenez-vous à la date du 4 avril, date à laquelle les vôtres

5 sont arrivés, et que vous les avez accueillis à Rijeka, qu'il y a eu des

6 Serbes du village de Barica et Kostres abattus par des Musulmans, des

7 villageois du village musulman de Korace. Il a été tué 117 Serbes, parmi

8 lesquels des femmes, des vieillards, des enfants. Vous en souvenez-vous de

9 cela ?

10 R. Très honnêtement, non, Monsieur Milosevic.

11 Q. Bien, mon Général. Peut-on dire que les actes formalisant l'état de

12 guerre ont été adoptés ou promulgués en 1992. D'abord c'est la présidence

13 de Bosnie-Herzégovine en l'absence des membres serbes, les représentants

14 serbes, Nikola Koljevic et Bijeljina Plavsic, et en l'absence de l'un de

15 ces membres musulmans, M. Fikret Abdic a déclaré ou proclamé une

16 mobilisation.

17 Puis le 8 avril, il y a eu proclamation d'un danger de guerre imminent, et

18 suppression de l'existence de cet état major de la Défense territoriale et

19 création d'un QG de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine. Vous en

20 souvenez-vous ? Répondez-moi, je vous prie, par un oui ou par un non.

21 R. Oui.

22 Q. Avant cela, je viens de vous citer plusieurs exemples dont vous avez eu

23 souvenance, vous-même. Bon vous n'avez pas eu souvenance de l'un des cas,

24 mais avant que la guerre ne soit formalisée, il y a eu déjà des dizaines,

25 voire des centaines de Serbes tués en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que, dans

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1 cette même période, les Serbes auraient tué qui que ce soit ? Avez-vous

2 quel qu'exemple que ce soit à me citer ?

3 R. La rumeur, bien sûr, puisque encore une fois nous n'avions personne sur

4 le terrain, personne déjà à Sarajevo. Je vous répète, me demandez dans ces

5 conditions ce qui a pu se passer à travers tout le territoire de l'ancienne

6 Yougoslavie, et en particulier de la Bosnie-Herzégovine, je ne peux le

7 faire. Je ne peux vous dire que j'en ai eu connaissance que lorsque les

8 journalistes eux-mêmes en ont rendu compte. Je n'ai pas eu d'hommes sur le

9 terrain, nulle part présent pour constater et me rendre compte, rendre

10 compte au général Nambiar de ces événements-là.

11 Je comprends la démarche qui est la vôtre, démontrer que les Serbes dans

12 cette affaire n'ont fait que répondre et se défendre. C'est une méthode que

13 j'ai entendue développer pendant tout le temps où j'étais présent, y

14 compris à la fin au moment de Srebrenica. Tout le monde me disait mais

15 "Nous n'attaquons pas," pendant tout le temps où j'ai été présent en

16 Bosnie. J'ai toujours eu affaire à des gens qui me disaient, "Je veux la

17 paix. Je veux la paix." Je peux citer Koljevic, c'était un de ceux qui à

18 coup sur probablement avait ce désir sincère.

19 Karadzic, lui-même, a prétendu souvent qu'il voulait la paix, et quand

20 je lui disait dans ce cas, "Mettez vos généraux au pas."

21 Dans cette affaire encore une fois nous avons eu l'infernal engrenage, de

22 cette solidarité dans l'œuvre de mort entre les membres de chacune des

23 communautés. C'est la seule chose dont je puis témoigner.

24 Q. Fort bien, mon Général. Vous avez indiqué dans votre déclaration

25 préalable qu'à votre retour à Sarajevo, une fois la Bosnie-Herzégovine

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1 reconnue, vous aviez remarqué la présence de formations armées à Karadzic

2 dans la ville. Alors, dites-moi, pour ce qui est de l'existence de cette

3 ligue patriotique à Izetbegovic depuis mars 1991, et s'agissant des Serbes

4 tués à Sarajevo et à l'extérieur de Sarajevo, cela ne vous en dit-il pas

5 suffisamment long au sujet de l'existence de forces armées ou d'hommes en

6 armes du côté musulman ? Comment se peut-il alors que vous n'ayez pas

7 remarqué cela ?

8 R. Les hommes en armes, je l'ai dit, je ne l'ai pas nié, et j'ai constaté

9 que l'environnement de Karadzic quand je suis arrivé, était constitué d'un

10 certain nombre de Rambo complètement fous, peut-être de peur d'ailleurs, en

11 tout cas incontrôlable et qui était dans Sarajevo. Cela était avant que la

12 déclaration du 8 avril ou l'état de guerre, et cetera. Les postes de police

13 ont commencé à se séparer à ce moment-là. Les Serbes sont partis de leur

14 côté. Karadzic avait rassemblé dans les forets autour de Pale un certain

15 nombre de ses partisans venus des radicaux de Serbie.

16 J'en étais informé là parce que j'avais des patrouilles qui passaient dans

17 ce secteur. Voilà ce que j'ai vu sur le terrain.

18 Q. Mon Général, étant donné que cette Ligue patriotique d'Izetbegovic a

19 été créée un an avant cela, comment se peut-il que vous n'ayez pas vu ces

20 hommes-là ? Vous ne parlez que d'hommes à Karadzic.

21 R. Oui, mais je ne peux vous dire que ce que j'ai vu sur le terrain.

22 Q. Bien, bien. Allons de l'avant pour gagner du temps. Vous avez indiqué

23 qu'au moment de votre arrivée à Sarajevo, la JNA se trouvait installé dans

24 la caserne Marsal Tito. Vous précisez, je vous cite : "Je crois bien que la

25 JNA sous le commandement du général Kukanjac a véritablement essayé

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1 d'influer sur la nécessité pour toutes les parties de s'abstenir, mais elle

2 ne cachait pas ses sympathies pour la cause des Serbes de Bosnie."

3 Il n'est pas contesté que la JNA ait joué un rôle d'élément de

4 stabilisation, de facteur stabilisateur dans cette Bosnie-Herzégovine au

5 moment où vous êtes arrivé.

6 R. Elle l'a tenté de le faire. Vous avez raison.

7 Q. En votre qualité de soldat de carrière, vous nieriez pas qu'il fait

8 partie de l'éducation de tout soldat de carrière le patriotisme et l'amour

9 de son pays. N'est-il pas logique pour ce qui est des sympathies des Serbes

10 de Bosnie, n'est-il pas logique de voir ces militaires de la JNA à avoir

11 des sympathies pour ceux qui s'employaient en faveur de la préservation du

12 pays parce qu'au moment où vous êtes arrivé, ce pays c'était encore la

13 Yougoslavie. Est-ce contesté ou pas ?

14 R. Non, non. Je le dis d'ailleurs, je l'ai écrit.

15 Q. Bien. N'y a-t-il pas eu sécessionnistes de républiques variées qui ont

16 entamé la réalisation de leur plan de sécession en s'attaquant précisément

17 à la JNA, d'abord verbalement, puis ensuite dans la réalité des faits ?

18 R. Cela s'est produit après la déclaration de l'indépendance. Vous le

19 savez, Monsieur Milosevic. A partir de là, effectivement, un engrenage

20 s'est mis en place, une tentative de pénétration des chars de la JNA dans

21 Sarajevo, des combats dans la ville elle-même. Puis, cet engrenage que vous

22 aviez connu aussi abouti en Slovénie, en Croatie, les casernes encerclées,

23 une nécessité de tenter effectivement de redonner sa liberté de mouvement.

24 Nous avons vécu tout cela. Cela en tout cas, pour Sarajevo, je peux en

25 attester.

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1 Q. Bien. En répondant à l'une des questions dans votre déclaration,

2 question qui vous avait d'ailleurs été posée et qui s'énonce comme ceci,

3 quand, à votre avis, le siège de Sarajevo a-t-il commencé et pourquoi ?

4 Vous avez répondu : "Je crois bien que cela s'est passé le 2 mai 1992,

5 suite au fait de voir le commandement et les cadets de la JNA encerclés

6 dans la caserne de Marsal Tito alors que la JNA, elle, s'était efforcée de

7 les sortir de là." Ce sont vos propos.

8 Il semblerait que la version médiatique pour ce qui est de savoir qui a

9 encerclé qui, n'est pas tout à fait exacte. D'abord, on a encerclé les

10 membres de la JNA, et le siège de Sarajevo n'a été, en fait, que la

11 réaction à ce qui s'était passé précédemment, n'est-ce pas Général ?

12 R. Initialement, oui. Mais malheureusement, à partir du moment où je suis

13 revenu sur le terrain et où j'ai tout fait pour rencontrer Karadzic en

14 tête-à-tête pour faire lever le siège de Sarajevo en lui disant qu'il

15 fallait la porte ouverte à Ilidza, qu'il fallait que je m'installe à

16 Ilidza. Là, à partir de ce moment-là, ce n'est pas initialement, j'en

17 conviens, c'est en septembre, octobre. Le siège de Sarajevo a été maintenu

18 et je crois sincèrement que Karadzic aurait souhaité qu'il soit levé, mais

19 Mladic s'y est opposé, bien sûr.

20 Q. Bien. Après l'aboutissement à un accord portant votre aide de Bosnie-

21 Herzégovine et acheminement vers la RFY pour ce qui est des membres de la

22 JNA qui n'étaient pas originaires de la Bosnie, et pour ce qui est du

23 matériel également, vous n'ignorez pas que les effectifs musulmans ont

24 entravé ce déplacement. Vous savez qu'il y a eu attaque sur cette colonne

25 militaire dans la rue Dobrovoljacka de Sarajevo. Cela, vous devez forcément

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1 vous en souvenir ?

2 R. Cela était un des drames que j'ai vécu sur place et dont nous avons

3 tous soufferts de ne pas pouvoir l'empêcher, mais nous n'en avions pas les

4 moyens. Nous avons tout tenté en négociations pour permettre que les choses

5 se passent différemment. Il y a eu des massacres.

6 Q. La JNA était en train de se retirer. Les effectifs musulmans l'ont

7 attaquée et ont perpétré un massacre à l'encontre de soldats qui essayaient

8 de se retirer et qui, en vertu de l'accord établi, étaient censés se

9 diriger vers la Yougoslavie. Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ?

10 R. Vers Lukavica.

11 Q. Bien. Mais vous n'ignorez pas le fait qu'il y a eu plusieurs attaques

12 de réaliser ou de lancer sur les colonnes et les casernes de la JNA. Vous

13 savez, par exemple, que le 15 mai 1992, à Tuzla, lorsque la JNA se retirait

14 de Tuzla, il y a eu une embuscade de posée et qu'un grand nombre de

15 personnes ont été tuées. Pour ce qui est d'Hasan Efendic, qui était

16 commandant du QG de la Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine, et je

17 suppose qu'il était informé, lui, a écrit dans son livre qu'il a été tué

18 160 membres de la JNA et qu'il y a eu 200 blessés parmi les hommes de la

19 JNA, et eux ne faisaient que ce retirer conformément à l'accord auquel ils

20 avaient abouti. Vous devez en avoir eu vent ? Pouvez-vous nous dire quelque

21 chose à ce sujet-là ?

22 R. Je ne vais pas prendre la défense de ceux qui, dans ces moment-là, ont

23 contribué de quelque côté que ce soit, qui ont contribué à la très rapide

24 anarchie qui régnait sur l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine. J'ai comparé

25 ce processus à ce qui s'était passé au Liban. On avait parlé au Liban de

Page 32000

1 balkanisation, et sur l'ensemble de la Bosnie, on a parlé de libanisation à

2 l'époque. Chacun s'est institué en seigneur de la guerre. Chacun, je dis,

3 chacun parce que c'était vrai de toutes, malheureusement, chacun s'est

4 enfermé derrière ces barricades.

5 A l'intérieur des territoires qu'ils contrôlaient, il y a un certain nombre

6 de, je le répète, de seigneurs de la guerre, ont commencé à régner dès

7 cette époque par la terreur. Alors, il y a eu des abominations, j'en

8 conviens. Entre autres, les attaques contre les forces qui se repliaient

9 ont effectivement eu lieu. Cela dit, ces attaques étaient contre des

10 soldats, c'était un état de guerre civile. Il y a eu d'autres massacres,

11 malheureusement, et vous le savez, dans la même époque. Ainsi se sont

12 commis à l'égard de population civile désarmée.

13 Q. C'est bien ce que je vous ai cité. C'étaient des massacres contre la

14 population serbe. Je vais vous parler, à présent, étant donné que vous avez

15 été commandant de la FORPRONU en Bosnie et je suppose ou, plutôt, je ne

16 doute pas du fait que la FORPRONU a constitué une source d'information en

17 provenance du terrain à l'intention des hauts fonctionnaires des Nations

18 Unies. J'imagine que les rapports présentés par le secrétaire général, M.

19 Boutros-Ghali au sujet de la situation se basaient sur vos rapports à vous,

20 n'est-ce pas, Général ?

21 R. Ceux de l'état major dans son ensemble, du général Nambiar en

22 particulier, et à partir du moment où j'ai assumé, moi, le commandement en

23 Bosnie-Herzégovine, à partir du mois d'octobre, sur mes propres rapports,

24 oui.

25 Q. Je suppose que vous n'ignorez pas qu'en date du 30 mai, Boutros-Ghali

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1 s'est adressé au conseil de Sécurité avec un rapport concernant

2 l'application de la résolution 527. Ce rapport parle du retrait de la JNA

3 de Bosnie-Herzégovine, de l'attitude de l'armée de la Republika Srpska à

4 l'égard des autorités de Belgrade, et dit que cela n'est pas, et il est dit

5 que cela n'est pas sous le contrôle de Belgrade, et il parle de la présence

6 de l'armée croate sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Vous en

7 souvenez-vous ?

8 R. Oui. Il s'agit toujours du 30 mai 1992 - il faut préciser les choses

9 pour la Cour, je pense - c'est-à-dire, du début du processus. Mais je ne

10 nie pas que ce rapport ait pu provenir des renseignements fournis par

11 l'état major du général Nambiar du processus à la date que vous avez citée.

12 Nous avions quitté la Bosnie-Herzégovine, tout de même il faut le préciser.

13 Mais malheureusement, nous n'avions plus à Sarajevo qu'une petite unité

14 élémentaire qui était restée dans Sarajevo.

15 Q. Mon Général, la date du rapport du secrétaire général est celle du 30

16 mai, mais je suppose que les renseignements par vos soins devaient

17 forcément lui parvenir avant la date du 30, avant la date du rapport.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il y a quelques jours,

19 lorsque nous avons entendu ici avant-hier, M. Arria, le diplomate

20 vénézuelien, il a dit qu'il n'avait pas vu ce rapport, et il a dit qu'il

21 n'y avait pas de numéro sur le rapport, et ainsi de suite. Je ne veux pas

22 perdre trop de temps, mais j'ai ici un exemplaire avec le numéro du

23 rapport, parce que cela se trouvait en haut. On dit conseil de Sécurité, à

24 l'intention d'une distribution générale. On dit S/249, 30 mai 1992,

25 "version originale en anglais." C'est le rapport en question où il est dit

Page 32002

1 que la JNA s'était retirée de la Bosnie-Herzégovine, que l'armée de la

2 Republika Srpska n'était pas sous le contrôle de Belgrade, et que l'armée

3 croate se trouvait en Bosnie-Herzégovine.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Je suppose que ce sont là des constations qui sont faites à partir de

6 vos rapports à vous, Général Morillon, et c'est ainsi qu'elles ont abouti

7 dans le rapport présenté par le secrétaire général, M. Boutros-Ghali.

8 R. Ce que j'ai pu constater c'est que, du jour au lendemain, les unités

9 que j'avais vues avec l'étoile de la JNA à Lukavica ont été repeintes avec

10 les insignes de la Republika Srpska. Nous n'avons pas quand même été dupes

11 complètement de cette affaire. Tout l'armement lourd resté a été transféré.

12 Colonel Mladic - était encore colonel, je crois, ou venu d'être nommé

13 général - arrivait de Knin. Il appartenait encore à la JNA. Donc, ce

14 rapport dont vous faites état, je ne le mets pas en cause personnellement.

15 Moi, ce que j'ai vu sur le terrain, c'est effectivement que par un coup de

16 baguette magique, la JNA qui devait se retirer a transféré la totalité

17 pratiquement de ces matériels, à ce qui est devenu l'armée des Serbes de

18 Bosnie dans cette période-là, à partir du moment où le général Kukanjac

19 ayant été évacué, a été relevé de son commandement. C'est tout ce que j'ai

20 pu dire.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je pense que ce

22 rapport a déjà été versé au dossier. Je m'en informe auprès de la greffière

23 d'audience.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce de la Défense 91.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Vous savez très bien, mon Général, que la JNA s'était retirée et ceci

2 s'est fait lorsque la Bosnie-Herzégovine est reconnue en tant que pays

3 indépendant, et les citoyens de la Bosnie-Herzégovine qui faisaient jusque-

4 là partie de la JNA sont purement et simplement restés en Bosnie-

5 Herzégovine, et l'armée de la Republika Srpska a été créée quant à elle en

6 date du 15 mai. En a-t-il véritablement été ainsi ou pas, mon Général ?

7 R. Oui. Selon les dires, je répète qu'il y a eu un certain nombre des

8 appelés appartenant à la JNA qui ont rejoint en camion, en abandonnant leur

9 matériel à Belgrade et la République de Yougoslavie. Mais les cadres

10 n'étaient pas tous nés en Bosnie. Vous le savez bien. Il était un certain

11 nombre de volontaires a demandé à rester. C'est tout ce que je peux dire.

12 Q. Certes. Mais dans le rapport de Ghali, je ne vais plus le citer parce

13 que nous n'avons vraiment pas beaucoup de temps, il dit, "les acteurs

14 indépendants qui ne sont pas apparemment sous le contrôle de la JNA."

15 R. Vous l'avez dit, apparemment.

16 Q. Oui, c'est ce qu'affirme Ghali. C'est ce qui avait semblé être le cas.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Groome, est-ce que vous

18 connaissiez la teneur de ce rapport ?

19 M. GROOME : [interprétation] Je suis à sa recherche, Monsieur le Président.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Ce rapport avec la résolution porte un numéro, si cela peut vous être

22 utile. Je puis le mettre à votre disposition, mais allons de l'avant.

23 Mon Général, saviez-vous que le président de l'époque au conseil de

24 Sécurité, le diplomate autrichien, Peter Hohenfellner, a retenu ce rapport

25 présenté par Boutros-Ghali. Il a attendu que la session du conseil de

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1 Sécurité prenne fin pour attendre que des sanctions soient prononcées, vu

2 que l'on avait avancé des faits qui étaient contraire à ce qui était dit

3 dans le rapport. En savez-vous quoique ce soit, et si ce n'est pas le cas,

4 dites-le-nous tout simplement.

5 R. Je n'en ai pas le souvenir en tout cas.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pour faire

7 preuve d'équité envers le témoin, il faudrait lui soumettre le rapport et

8 la partie que vous citez.

9 M. GROOME : [interprétation] J'ai retrouvé une copie, Monsieur le

10 Président.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez

12 remettre ce rapport au témoin.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais voilà, je vais fournir moi-même un

14 exemplaire au Général.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quels sont les paragraphes

16 pertinents de ce rapport sur lesquels vous vous fondez pour faire cette

17 affirmation ?

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Bien, voyez le paragraphe 3, dis-je, puis les paragraphes qui font

20 partie du paragraphe 5, ou (a) et (b). Il y est question du retrait de la

21 JNA, retrait de Bosnie-Herzégovine.

22 Puis le paragraphe 8, qui parle et qui dit étant donné que les

23 représentants de la JNA de Belgrade étaient en train de négocier avec la

24 présidence de la Bosnie-Herzégovine au sujet de ce retrait, il était devenu

25 clair que leur propos n'engageaient pas l'armée, à savoir, l'armée de la

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1 Republika Srpska.

2 Puis le paragraphe 10, qui nous relate le fait que l'armée croate se

3 trouvait à présent en Bosnie. Cela n'était pas mis en doute indépendamment

4 de ce que disaient les médias.

5 Les choses ne sont pas contestées, c'est ce qui figure au rapport. La chose

6 est facilement vérifiable.

7 Je vous demande ce qui suit, n'est-il pas évident, mon Général, que la

8 teneur de ce rapport de Ghali ne comporte en rien des justifications de

9 mise en place de sanctions à l'égard de la Yougoslavie ? Peut-être à

10 l'égard de la Croatie étant donné que l'on affirme ici que l'armée croate

11 se trouvait en Bosnie et que l'autre armée se retirait. Les choses étaient

12 claires du moins pour ce qui concerne ce rapport-ci ?

13 R. Monsieur Milosevic, j'étais à ce moment-là, probablement en train de

14 rejoindre difficilement Belgrade. Nous étions dans Sarajevo, enfermés. Tout

15 ce qui est dans ce rapport et que je viens de regarder conforme à la

16 réalité dont nous avons déjà parlé longuement, toute cette période qui a le

17 siège Marsal Tito "barracks", et cetera, et cela effectivement, il se

18 retrouve sous la plume du secrétaire général des Nations Unies, comme

19 reflet fidèle de que ce que nous avons vécu.

20 Pour le reste, je ne peux rien vous dire. Je ne peux rien vous dire.

21 J'étais évidemment très loin de New York. Nous n'avons absolument pas été

22 associé à ce moment-là aux discussions à l'intérieur du conseil de

23 Sécurité. Si vous voulez me faire dire que dans cette affaire la JNA

24 n'était plus concernée, officiellement, elle ne l'était pas. C'est pourquoi

25 dans ce qui est écrit sous la plume du secrétaire général des Nations

Page 32006

1 Unies, Boutros Boutros-Ghali, il y a, apparemment, mais je ne peux pas vous

2 en dire davantage. Apparemment, l'armée de la Republika Srpska n'était plus

3 sous le contrôle de Belgrade. En réalité, nous savions bien que Belgrade

4 continuait, bien sûr, à avoir autorité sur Mladic. Il faut dire les choses

5 comme elles sont. Cela, j'en suis persuadé. Ce que j'ai dit tout à l'heure,

6 je pense, a servi à l'intelligence de la Cour à cet égard.

7 Q. Mon Général, en aucune façon Belgrade ne pouvait ordonner quoi que ce

8 soit au général Mladic. C'est ce qui est dit dans la citation de notre

9 conversation datant de l'époque de Srebrenica, où je m'étais efforcé

10 d'aider à apaiser la situation. Je suppose que cela, au moins, n'est pas

11 contesté. Je me réfère ici à l'intercalaire 21, où vous parlez de la

12 rencontre que vous avez eue avec moi. Je vais vous citer rien qu'une chose.

13 Paragraphe 5, au bout.

14 "En dépit du fait qu'il a manifesté de façon inhabituellement directe la

15 nécessité d'appuyer les demandes des Nations Unies, Milosevic a déclaré

16 qu'il était dans l'impossibilité de donner des ordres à l'armée des Serbes

17 de Bosnie."

18 Pour finir, au paragraphe 7, parce qu'ici l'on extrait sélectivement

19 différentes constations au paragraphe 7, dernière phrase de la page, il est

20 dit : "Le nouveau rôle joué par Milosevic en tant qu'artisan de la paix

21 décisif et honnête était très apparent."

22 Par conséquent, étant donné que vous avez parlé des efforts de faire mettre

23 un terme à ces événements qui s'annonçaient tragiques à Srebrenica, il

24 demeure clair que de notre côté, il a été fait recours à toute l'influence

25 politique à notre disposition pour y aboutir. Est-ce contesté ou pas,

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1 Général Morillon ?

2 R. Monsieur Milosevic, nous passons brutalement du 30 mai 1992 au mois de

3 mars 1993. Le 30 mai 1992, vous avez vu, vous-même, le document qui rend

4 compte de notre rendez-vous avec vous. C'était le général Nambiar qui le

5 présidait et nous venons de le présenter, d'en à la Cour. Dans ce document,

6 vous dites que vous allez exercer toutes les pressions possibles à votre

7 disposition pour faire cesser les bombardements sur Sarajevo.

8 Je ne vous suivrai pas dans cette tentative de votre part de refuser vos

9 responsabilités. Vous aviez la possibilité, je le répète et je le dis

10 devant vous, et c'est pour cela que je me suis rendu à Belgrade. Vous aviez

11 la possibilité jusqu'au moment où Mladic a échappé vraiment, définitivement

12 à votre autorité, c'est-à-dire, au moment où il a refusé le plan Vance-

13 Owen, en mai, vous aviez la possibilité d'agir sur lui. C'est

14 incontestable, et c'est pour cela que je me suis rendu à Belgrade pour vous

15 demander de m'aider à la mise en œuvre du plan. C'est vous qui m'avez

16 permis de rencontrer Mladic à Belgrade. A ce moment-là, Mladic refusait de

17 me voir, et c'est parce que je vous l'ai demandé qu'on a pu le voir. Voilà

18 ce que j'ai vécu moi, et dont j'atteste ici.

19 Q. Bien sûr. J'ai servi de médiateur. J'espère que vous n'allez pas nier

20 le fait que j'ai été un médiateur qui a connu du succès, parce que les

21 choses ont connu un terme, n'est-ce pas ?

22 R. Oui. Je le disais dans cette pièce que vous avez citée.

23 Q. Par conséquent, cette influence, que je pouvais exercer et c'était une

24 influence politique, a été mise à profit pour faire mettre un terme ou

25 stopper tout effusion de sang. Je crois que la chose n'est pas contestée,

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1 n'est-ce pas, mon Général ?

2 Revenons maintenant au 27 novembre 1992, réunion avec les représentants

3 serbes et croates --

4 R. [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, un instant. Nous voulons

6 une réponse --

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le témoin a répondu en

8 français en disant "oui".

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas couché sur papier

10 dans le compte rendu d'audience la réponse. Vous ne le contestez pas,

11 Général. C'est bien "oui" que vous avez dit, n'est-ce pas ? Ceci n'apparaît

12 pas dans le compte rendu d'audience.

13 LE TÉMOIN : A propos du rôle de médiation qui a été celui de président

14 Milosevic lorsque je me suis rendu auprès de lui à Belgrade, c'est exact

15 qu'après cette rencontre avec lui et enfin, j'ai pu mettre en œuvre la

16 totalité du plan qui était le mien. Ceci, à mes yeux, prouve bien combien,

17 à l'époque, pas seulement par médiation politique, mais M. Milosevic avait

18 autorité sur Mladic et sur l'armée des Serbes de Bosnie.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Fort bien. Les efforts et l'influence politique que j'ai exercés pour

22 stopper les effusions de sang, constituent probablement à présent, une

23 espèce de facteur négatif dans tout cela. Nous y reviendrons, mon Général.

24 Dans le rapport du 27 novembre 1992, avec les représentants serbes et

25 croates, donc le 26 et le 27, vous avez adressé cela au commandement de la

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1 FORPRONU à Zagreb. Au point 2, vous dites : "Pour répondre à votre demande,

2 reprise au A, pour savoir si le général Bobetko a admis la présence de

3 forces croates en Bosnie-Herzégovine, a admis la présence de forces

4 croates.

5 "A.Le général Bobetko, a souvent fait référence à un retrait des forces

6 croates seulement au moment où le territoire croate ne serait plus attaqué

7 et seulement au moment où il y aurait garantie de ses frontières et de son

8 territoire par la communauté internationale.

9 "B.En réponse à une question posée directement, il a refusé d'admettre

10 qu'il avait la moindre présence d'effectifs en Bosnie-Herzégovine.

11 "C.Il y a là une incohérence manifeste qui n'a pas été perçue alors que

12 c'était manifeste pour toutes les parties. On savait que le général Bobetko

13 avait des effectifs en Bosnie-Herzégovine, mais il n'était prêt à discuter

14 de détails pratiques pour arriver à la paix. Il n'était pas prêt à

15 reconnaître officiellement la présence de ses effectifs sur le territoire."

16 Six mois après le susmentionné rapport de Boutros-Ghali disant que l'armée

17 croate se trouvait là-bas, l'armée croate exerce encore ou a gardé encore,

18 sous son contrôle, une partie de la Bosnie-Herzégovine. En a-t-il ainsi ou

19 pas, mon Général ?

20 R. Oui. Je l'ai dénoncé. J'étais présent pour conserver, et cela n'a

21 jamais été facile, l'impartialité la plus totale. J'ai dit que nous avions

22 des éléments qui nous font accroire que l'armée croate était toujours

23 présente en partie. Elle avait la même réponse qui est la vôtre

24 aujourd'hui, qui est celle de dire : "Mais pas du tout, ce sont les forces

25 de Mate Boban. C'est le HDZ, et cetera." Si vous voulez me faire dire que

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1 dans cette affaire, il n'y a pas que les Serbes qui ont été responsables,

2 alors, je l'ai dit depuis le début. J'ai refusé même qu'on diabolise les

3 Serbes, et j'en ai témoigné partout. J'ai dit que la plupart de ces hommes

4 et de ces femmes étaient de bonne foi, des hommes et des femmes de bonne

5 volonté qui avaient été entraînés, malgré eux, dans l'œuvre de mort qui a

6 déchiré la Bosnie pendant quatre longues années. Ce sont ceux qui les ont

7 entraînés dans ce drame qui, à mes yeux, sont condamnables. Il y a en avait

8 à Zagreb, bien sûr, comme à Belgrade et comme, si c'est cela que vous

9 voulez me faire dire, à Sarajevo.

10 Q. Bien, mon Général, s'il vous plaît --

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Monsieur Groome, est-ce que

12 nous avons ce rapport dans nos intercalaires ?

13 M. GROOME : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, il s'agit là du 27 novembre

15 1992. C'est adressé au commandement de la FORPRONU à Zagreb, R006447. On

16 indique les points en répondant à votre demande, référence, et cetera, et

17 cetera, ce que j'ai déjà cité.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si je puis vous

19 aider ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Tout ce que M. Milosevic vient de citer au

22 témoin, le général Morillon, constitue en fait, quelque chose de communiqué

23 en vertu de l'Article 66. Je suppose que c'est ce que M. Milosevic a sous

24 les yeux. Tous ces renseignements figurent et constituent des questions et

25 réponses de février 1999, dires du général Morillon devant la Cour suprême

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1 à Paris. Je crois que toutes ces données figurent là-bas, et il y existe

2 une version en français et une version en anglais. Cela nous a été

3 communiqué il y a pas mal de temps déjà. Je crois que M. Milosevic se

4 réfère précisément à ce texte-là.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Tapuskovic. Ceci nous

6 aide beaucoup. L'Accusation va pouvoir le trouver, ce document.

7 M. GROOME : [interprétation] Nous sommes en train de trouver un exemplaire.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Fort bien. Dans cette déclaration-là et je vous cite, mon Général, vous

10 dites vous-même, entre autres : "Toutes les parties comprenaient, à

11 l'évidence, que le général Bobetko disposait d'unités en Bosnie-

12 Herzégovine." Vous expliquez par la suite, qu'il s'agit de la région de

13 Bosnie-Herzégovine, au nord de Dubrovnik. Dites-moi, mon Général, combien

14 d'effectifs avait la République de Croatie là-bas, combien étaient-ils en

15 tout et pour tout dans cette période-là en Bosnie-Herzégovine ?

16 R. Je ne peux pas vous dire de chiffres, parce qu'encore une fois, il

17 s'agissait dans la présentation qu'en a fait les Croates eux-mêmes, de

18 protéger Dubrovnik. C'était effectivement cette zone tout à fait au nord, à

19 partir de laquelle ils prétendaient, encore une fois, assurer leur défense.

20 Combien ils étaient, je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas.

21 Nous avions des relations dans cette région de Dubrovnik au moment du

22 retrait de la JNA, au moment où nous avons négocié avec précisément

23 Bobetko, tous, le retrait. Nous avons eu quelques observateurs déployés,

24 mais pas qui puissent me fournir des éléments chiffrés sur le volume des

25 forces. Je ne dis pas du tout qu'il y ait eu, effectivement, des forces

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1 croates présentes pendant toute la durée de cette crise.

2 Q. Bien. Il existe des renseignements à ce sujet si vous n'arrivez pas à

3 vous en souvenir, on les retrouvera. Vous citez dans votre déclaration des

4 membres de forces armées originaires du Sandzak qui s'étaient disposés

5 autour de l'aéroport. Ces forces-là étaient contrôlées par la présidence,

6 donc, par Izetbegovic. Vous savez que ce qui est désigné par Sandzac, c'est

7 une région dans la Serbie où il y a une forte concentration de population

8 serbe. J'imagine que vous le savez --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic ?

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, pour ne pas attendre

11 que le Procureur retrouve la chose, j'ai ici la déclaration complète en

12 langue française qui peut être mise à la disposition du général Morillon

13 afin qu'il sache de quoi on est en train de parler.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez lui communiquer.

15 LE TÉMOIN : Je vois parfaitement, votre Honneur, de quoi il s'agit. Bien

16 sûr, au mois de novembre, c'était cette négociation en cours pour le

17 retrait de la JNA de la côte Dalmate et de la région de Dubrovnik. Je ne

18 conteste pas ce que vient de dire M. Milosevic à cet égard.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne contestez pas ces dires ?

20 Vous avez quand même le rapport sous les yeux au cas où vous en auriez

21 besoin.

22 LE TÉMOIN : Nous parlions du Sandzac, Monsieur Milosevic.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Bien. Puisqu'il s'agit d'une région en Serbie, il y avait bon nombre de

25 volontaires originaires du Sandzac dans les rangs de l'armée des Musulmans

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1 de Bosnie. Pouvez-vous nous dire, Monsieur Morillon, combien de Musulmans

2 de Serbie avaient combattu aux côtés de l'ABiH dans la période où vous

3 étiez là-bas. Vous mentionnez ceux qui se trouvaient autour de l'aéroport

4 de Sarajevo et ainsi de suite.

5 R. On les appelait les Sandzaki. Il y avait des unités qui étaient de

6 l'ordre des milices, probablement plusieurs centaines, mais pas beaucoup

7 davantage. Les Sandzaki étaient surtout aussi déployés dans la région de

8 Srebrenica. Vous le savez, Monsieur Milosevic. Combien ? Je ne peux vous

9 dire. Je n'ai jamais compté. Nous savions qu'il y avait parmi ceux qui se

10 sont affrontés, y compris parfois en nous prenant pour cible, quand nous

11 nous trouvions pris entre les feux, cela a été le sort pratiquement

12 permanent de nos Casques bleus, il y avait des Sandzaki. Il y a eu, ensuite

13 plus tard, et vous allez probablement en parler, des Moudjahiddines, oui.

14 Q. Dites-moi, avez-vous connaissance de la participation des étrangers

15 dans ce qu'il avait été convenu d'appeler l'ABiH, notamment, ceux qui

16 étaient plutôt intégristes et qui provenaient de pays variés ? C'étaient

17 des Moudjahiddines, des combattants du djihad.

18 R. Ils ont été à l'œuvre essentiellement dans la région de Vitez. Il y

19 avait là la valeur d'une brigade. Encore une fois, on n'a jamais pu les

20 compter. Oui, je les ai vus à l'œuvre. C'était peu de temps avant que je

21 quitte le territoire. Ils n'ont vraiment été présents en nombre et actifs à

22 ma connaissance qu'à partir de l'année 1993. Ils n'étaient pas là au départ

23 de l'action, des événements.

24 Q. Ce n'est qu'à compter de 1993.

25 Je dispose ici, bien sûr, vous ne pouviez pas le savoir à l'époque, mais je

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1 dispose ici, par exemple, d'un acte d'accusation dans un procès Etats-Unis

2 contre Zacarias Moussaoui, devant un tribunal local de la Virginie de

3 l'est. Parce qu'il avait procédé à la commission d'actes terroristes où il

4 était question de l'Al Qaeda qui fonctionnait au travers de groupes dans

5 différents pays, y compris la Bosnie. --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête, car je vous demande

7 la pertinence de tout cela.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, la pertinence, Monsieur Robinson, est la

9 suivante : A l'époque, Al Qaeda intervenait et présente en Bosnie-

10 Herzégovine. C'est ce qui est dit ici. J'ai ici un document original, le

11 district de Virginie qui fait état d'un acte d'accusation, de conspiration

12 en vue de commettre des actes de terrorisme traversant les frontières ou

13 franchissant les frontières internationales, avec comme toile de fond Al

14 Qaeda. Au point 4, on dit qu'Al Qaeda fonctionnait aussi bien de façon

15 indépendante que par le biais de certaines organisations terroristes qui

16 opéraient sous son égide. Il y avait parmi ces groupes la jihad islamique,

17 le groupe islamique, et cetera.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De l'avis de la Chambre, ceci n'a

19 pas suffisamment de pertinence. Passez à un autre sujet, s'il vous plaît.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Robinson.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Vous avez parlé du siège de Sarajevo suite au siège de la caserne

23 Marsal Tito. Il n'y avait pas eu de volonté d'assiéger Sarajevo, cela a été

24 plutôt une réaction provoquée par l'autre partie, n'est-ce pas ?

25 R. Initialement oui, mais quand je suis revenu sur le terrain, et c'est de

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1 cela qu'il faut parler quand même à partir du moment où les

2 responsabilités, un mandat m'a été donné pour la Bosnie. La première

3 démarche que j'ai faite en arrivant c'est de rencontrer Karadzic et de lui

4 dire, M. le Président, si vous souhaitez, comme vous le dites, la paix,

5 parce que vous savez bien que tout le monde prétendre vouloir la paix, il

6 faut lever le siège de Sarajevo. Je suis arrivé au mois d'octobre avant de

7 décider de m'installer dans Sarajevo même, en lui proposant de m'installer

8 à Ilidza, dans ces hôtels bosniaques qui étaient là aux portes, en lui

9 disant si vous me laissez me mettre là, alors vous aurez donné à l'évidence

10 la preuve que vous acceptez la levée du siège de Sarajevo.

11 Karadzic n'a pas -- quand je l'ai rencontré comme cela il était préparé,

12 Mladic s'y est opposé. Ne partons pas de simplement et toujours de ce qui

13 s'est produit à l'origine. Je suis ici pour témoigner de ce que j'ai vécu

14 dans mon commandement.

15 Q. Je propose exactement la même chose. C'est la raison pour laquelle je

16 vous demande ce qui suit : Dans votre déclaration vous dites que les Serbes

17 avaient plus d'armements lourds, et que les Musulmans étaient avantagés

18 pour ce qui est de leur nombre et de leur effectifs en infanterie. C'est ce

19 que vous avez constaté vous-même. Vous indiquez vous-même qu'Izetbegovic

20 était parfaitement conscient des dangers provenant de la levée du siège

21 pour sa présidence à lui.

22 R. Oui, mais ce n'était pas Izetbegovic qui s'était opposé à la levée du

23 siège. C'est Karadzic et Mladic. Ne renversons pas l'ordre des facteurs.

24 Izetbegovic était conscient du fait que si le siège de Sarajevo était levé,

25 il y aurait une hémorragie totale, et que tout le monde dans les conditions

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1 qui étaient les leurs n'aurait qu'une idée, je crois qu'ils avait raison,

2 de fuir cette ville, compte tenu de la façon dont les malheureux qui

3 étaient enfermés y vivaient et terraient comme des rats.

4 Bon, celui qui est responsable, et cela ne me faites pas dire le contraire,

5 du maintien du siège ce n'est pas Karadzic, c'est Mladic.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande au juriste de la Chambre

7 de s'approcher.

8 [La Chambre de première instance et le juriste concertent]

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Je ne cherche pas à vous pousser à nous dire quoique ce soit, mon

11 Général. Je vous pose des questions. A vous de répondre comme bon vous

12 semble.

13 Dans le livre de Lord Owen, qui comme vous le savez a longtemps pris part

14 aux négociations, nous dit : "A Sarajevo, il devenait de plus en plus clair

15 qu'il y avait deux sièges de la ville en fait, l'un des sièges était celui

16 des Serbes de Bosnie avec tirs d'obus, tirs de tireurs isolés, et le

17 deuxième siège était celui du gouvernement bosniaque qui empêchait le

18 départ de sa population par des blocus intérieurs et des complications

19 bureaucratiques. L'on a interdit le départ des hommes en âge de combattre

20 et aux femmes de 18 à 60 ans, parce qu'on en avait besoin pour la défense

21 de la ville, mais leur principale raison était autre. Le siège et la

22 propagande afférente engendraient les sympathies du reste du monde, et

23 c'était leur arme de propagande la plus efficace pour faire prendre

24 participer les américains à la guerre parce qu'ils ne voulaient pas que le

25 siège s'affaiblisse."

Page 32017

1 Je cite Lord Owen dans son livre. Dans cette citation, il est clair à

2 partir de cette citation que ce ne sont pas les forces serbes qui

3 empêchaient les gens de partir de Sarajevo. Si cela avait été le cas, il

4 n'y aurait pas eu besoin d'interdiction de la part du gouvernement ou de

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Celle-ci serait devenu tout à fait sans

6 effet et sans justification aucune, mon Général ?

7 R. Je ne nie pas ce que Lord Owen a pu écrire. Il a dû répondre puisqu'il

8 a témoigné à cette Cour. Moi, ce que j'ai vécu c'est que j'ai pris la

9 responsabilité à Sarajevo au terme d'un accord qui avait été passé avec les

10 forces serbes, et en m'engageant à ce que le territoire que l'aéroport qui

11 avait été laissé à notre disposition puisse être utilisé, puisse être

12 traversé, et cetera.

13 Je répète que celui qui s'est opposé vraiment à la levée du siège de

14 Sarajevo, lorsque j'ai fait cette proposition de m'installer à Ilidza,

15 c'est Karadzic, et sous l'influence du général Mladic. Il n'y en a pas eu

16 d'autres.

17 Que les Bosniaques aient utilisé la présence de cette population pour

18 garder, comme vous venez de le dire, l'attention du monde fixée sur leur

19 situation, de la même façon ils ont empêché aussi l'évacuation de

20 Srebrenica. Si c'est cela vous voulez me faire dire, oui. Ils se refusaient

21 à admettre, en tout cas officiellement, la purification ethnique. Voilà

22 comment les choses ont été vécues.

23 Mais j'ai tenté de convaincre Karadzic qu'il était de son intérêt

24 précisément pour contrebattre cette propagande, qu'il aurait été de son

25 intérêt de lever le siège. Je lui ai dit à maintes reprises, combien en se

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1 faisant il donnait de l'eau --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, mon Général. Nous avons

3 suffisamment sauté cette question de savoir qui soutenait la levée du

4 siège. Veuillez passer à un autre sujet, Monsieur Milosevic.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Mon Général, dans votre déclaration, vous faites état d'un accord

7 portant liberté de déplacement de civil dans le secteur de Sarajevo conclu

8 en date du 13 décembre 1992, à l'aéroport dans le cadre des activités des

9 groupes de travail mixtes militaires. En corrélation avec un accord qui

10 prévoyait l'existence de trois corridors pour les civils dans Sarajevo sous

11 le contrôle de la FORPRONU. Vous dites que : "La présidence a hésité à

12 accepter cet accord qui garantissait la liberté de déplacement à

13 l'intention d'un individu, après que les Serbes l'aient accepté et qu'ils

14 aient été rejoints par les Croates."

15 Or, cette constatation que vous faites confirme ce que nous a dit Owen.

16 Or, vous dites vous-même : "Pas plus de mille ou quelques milliers de

17 personnes ont été évacuées suite à la signature. Il y a eu une vingtaine

18 d'autocars de Serbes et de Croates, et si mes souvenirs sont bons, il y

19 avait un peu de Slovènes également. Les Serbes ont été évacués via

20 Lukavica, avec quelques Croates. Mais la présidence, elle n'a pas permis à

21 un seul Musulman de quitter Sarajevo."

22 Ce sont vos propos à vous. Ils avaient d'évidence besoin d'un moyen de

23 propagande, et ils ont sacrifié les membres de leur propre population à des

24 fins de propagande. Vous dites que la présidence n'a laissé aucun Musulman

25 quitter Sarajevo.

Page 32019

1 R. Nous n'avons pas dit cela comme ça. En tout cas, je me souviens

2 parfaitement de ces négociations difficiles, et comme toutes celles que

3 j'ai eu à mener pendant tout le temps de ma présence, et de l'évacuation

4 que cela a permis des Slovènes, vous avez parfaitement raison, entre

5 autres, de l'évacuation des Serbes qui le souhaitaient le faire.

6 Je ne nie pas. Je donne acte du fait qu'il n'était pas dans l'intérêt de la

7 présidence bosniaque d'Izetbegovic de laisser la ville se vider

8 complètement de sa substance. Si c'est cela que vous voulez dire, j'en suis

9 d'accord.

10 Q. Certes. Comme vous dites que ce n'est pas ce que vous avez dit

11 exactement, croyez-moi que je vous ai cité avec la plus grande des

12 précisions. C'est ce qui est écrit sur cette page R0184012 de votre

13 déclaration. Au sommet même de la version serbe, il y a une phrase :

14 "Toutefois, la présidence n'a permis à un seul Musulman de quitter la ville

15 de Sarajevo." La citation, plus large, je vous la fais tout à l'heure.

16 R. A ce moment-là, quand nous avons ouvert ces corridors, c'était à la

17 demande de la partie serbe essentiellement, effectivement, le siège n'a pas

18 été levé. Il a continué d'avoir autour de Sarajevo et dans les collines des

19 gens qui servaient des batteries, et c'étaient des Serbes. Voilà ce qui

20 s'est produit réellement. Je pense que c'était une erreur politique grave

21 de la part de Karadzic de ne pas comprendre combien il aurait fallu ouvrir

22 la porte. Je lui ai dit la porte à ouvrir, c'est celle d'Ilidza. Je lui

23 avais proposé de faire une espèce de Vatican à Ilidza, que ce soit sous le

24 drapeau de l'ONU et de façon à ce qu'effectivement nous puissions, nous,

25 régler les choses. Cela n'a pas pu se faire, ce n'est pas --

Page 32020

1 Q. Mon Général, je vous prie, c'est une question autre. Je ne veux pas en

2 parler à présent.

3 Dans votre déclaration, vous faites état de ce que vous avez déclaré à

4 Paris, à savoir, les moyens extrêmes auxquels a eu recours la présidence

5 d'Izetbegovic au sujet de la population, je vous cite : "L'objectif de la

6 présidence depuis le début même avait été d'assurer une intervention des

7 forces internationales à son propre profit. Cela a constitué l'une des

8 raisons pour lesquelles ils n'ont jamais été enclins aux négociations. A ce

9 moment-là, en même temps, les Serbes étaient disposés à négocier parce

10 qu'ils estimaient qu'ils gagnaient. A chaque fois qu'il y avait signature

11 d'un accord au sujet des corridors humanitaires, les problèmes venaient du

12 côté de la présidence. Pour finir, les corridors ont été acceptés. Le début

13 de l'application ou de leur existence devait se résumer ou se traduire par

14 le retrait des armes lourdes vers 13 heures de ce jour. Mais ce jour-là, on

15 a pilonné ma résidence à Sarajevo. Les obus ont été tirés par des effectifs

16 bosniens. Cela est certain."

17 Ce sont vos propos à vous : "La position de la présidence était des plus

18 délicates. Soit ils étaient battus sur le champ de bataille, et sur le plan

19 stratégique du point de la vue de la guerre, il était jugé normal de voir

20 la présidence rejeter la possibilité de faire un grand pas en faveur de la

21 paix." Ils vous ont pilonné votre résidence au moment même où il devait y

22 avoir mise en œuvre de la paix. Ils ne voulaient pas faire ce pas au profit

23 de la paix. Tout ceci --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, cela fait un

25 bout de temps que vous parlez sans vraiment poser de question au témoin.

Page 32021

1 Posez-lui une question maintenant.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur

3 Robinson. J'ai parlé pendant un bon moment mais je n'ai fait que citer les

4 dires du général Morillon.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Pouvons-nous conclure partant de la présidence de Bosnie-Herzégovine,

7 présidée par Alija Izetbegovic, était disposé au recours, à des mesures des

8 plus radicales comme celles-ci, je vous cite : "pour réaliser des objectifs

9 qui leur étaient stratégiques" ?

10 R. Monsieur Milosevic, c'était de bonne guerre. Izetbegovic, à ce moment-

11 là, était complètement acculé. Il avait perdu. Il avait perdu. Mladic avait

12 réalisé pratiquement la quasi-totalité de ses objectifs. Il n'a pas réussi

13 à pénétrer dans Sarajevo, à le couper en deux, comme ils en avaient

14 l'intention pour en faire la capitale. Izetbegovic n'avait pas d'autres

15 ressources à ce moment-là, à mon avis. Mais je ne porte pas de jugement que

16 de se défendre avec tous les moyens dont il disposait et il n'était pas,

17 effectivement, en position de gagner stratégiquement une bataille.

18 Souvenez-vous que lorsque le plan Vance-Owen a failli être mise en œuvre,

19 que vous l'aviez accepté, Mladic, lorsqu'il a fait son véritable putsch au

20 parlement de Pale, a montré deux cartes, une qui montrait la conquête du

21 territoire qu'il avait réussi par le sang et la sueur de ses soldats et

22 l'autre qui était la carte correspondant au plan Vance-Owen et qui était

23 évidemment moins importante.

24 A l'époque dont nous parlons, et moi, je faisais tout à l'époque, comme le

25 mandat m'en était donné pour tenter de mettre en place les moyens d'une

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1 paix. Si vous voulez me faire dire qu'il n'était pas de l'intérêt

2 d'Izetbegovic de céder, j'en suis d'accord.

3 Q. Il a, en fait, refusé la paix.

4 R. Il a refusé la défaite, il a refusé l'abdication. Il a refusé --

5 Q. Bien. Mais l'incident en question, l'incident du pilonnage de votre

6 résidence et vous dites à ce sujet qu'il est tout à fait certain que cela a

7 été fait par des effectifs musulmans, c'était certain, est-ce que la partie

8 musulmane a essayé d'attribuer l'incident, en temps que tel, à la partie

9 serbe ? Vous en souvenez-vous ?

10 R. Au fond, ils n'ont même pas tenté parce que j'ai apporté la

11 démonstration par l'analyse des cratères que les coups venaient d'une

12 partie sous contrôle musulman.

13 Monsieur Milosevic, puisque nous parlons de toute cette période, peu de

14 temps après, je recevais un sénateur américain qui m'a demandé : "[en

15 anglais] Where are the good guys ?" Et je lui ai dit, ici, il n'y a pas,

16 malheureusement, il n'y a pas des "good guys", c'est les "bad guys". Tous

17 sont des "bad guys". Enfermés dans ce cycle infernal, ils n'avaient pas

18 d'autres ressources de tout côté. Le courage ne jette pas la pierre aux

19 exécutants dans cette affaire. Ils n'avaient pas la possibilité d'agir

20 différemment. Voilà tout ce que je peux dire. A l'époque où j'ai été

21 bombardé, effectivement, --

22 Q. Bon. Outre les raisons de propagande, y avait-il des raisons militaires

23 à se mettre en porte-à-faux par rapport aux positions adoptées par cette

24 présidence musulmane et Izetbegovic ? Y avait-il en sus de ces raisons de

25 propagande, des raisons militaires ?

Page 32023

1 R. Oui. J'étais là. C'est à peu près le seul territoire qui était vraiment

2 sous leur contrôle avec Tuzla. C'était dans une situation moins dramatique.

3 Mais c'était symbolique. Le monde entier, vous avez raison, avait les yeux

4 fixés sur Sarajevo. Izetbegovic ne pouvait pas, je le crois sincèrement,

5 laisser Sarajevo se vider de sa substance. Si c'est cela que vous voulez

6 dire, vous avez raison.

7 Q. Mon Général, je vous prie de nous limiter aux faits. Nous n'avons pas

8 beaucoup de temps. Alors si cette image afférente à la ville victime --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, puisque vous

10 parlez du temps, nous allons faire une pause à 12 heures 15, et lorsque

11 nous reprendrons, il vous restera 12 minutes.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense que ce témoin-ci

13 est un témoin des plus importants. Je vous ai déjà présenté une requête

14 consistant à m'autoriser à le contre-interroger jusqu'à la fin de la

15 journée de travail d'aujourd'hui. Comme je puis le voir, le général

16 Morillon me semble être en très bonne forme et ne posera pas difficulté, me

17 semble-t-il à rester ici jusqu'à deux heures moins le quart.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, hélas, ce n'est

19 pas parce que le général est en forme qu'il nous faudra continuer. Lorsque

20 les deux heures seront passées, nous verrons ce qu'il en est.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic fait référence à une

22 déclaration mais ce n'est pas la même que celle que nous avons sous les

23 yeux, n'est-ce pas ? C'est une autre déclaration au préalable.

24 M. GROOME : [interprétation] C'est en fait le procès verbal d'un

25 interrogatoire effectué à Paris en 1999. Si vous le voulez, vous pourrez

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1 l'avoir.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que le témoin devrait en

3 disposer. Monsieur Milosevic, avez-vous l'intention de demander le

4 versement au dossier de cette pièce ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais j'ai supposé ce qui a accompagné la

6 déclaration orale du général Morillon figurait ensemble avec le document

7 qu'on m'a communiqué. Cela figure à la page ERN0184013.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est bon. Effectivement, les Juges

9 voudront en disposer.

10 M. GROOME : [interprétation] J'en ai copie. Mais si vous m'accordez

11 quelques minutes, je vérifierai que nous avons l'intégralité du texte.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

13 Milosevic.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kwon.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Alors si toute cette image, mon Général, Monsieur Morillon, image de

17 ville victime a contribué à la détérioration de l'image des Serbes sur le

18 plan international, ce n'est pas contesté, mais peut-on dire que les Serbes

19 n'avaient pas intérêt à assiéger Sarajevo, bien au contraire, si vous

20 prenez en considération leurs intérêts véritables ?

21 R. Oui. Malheureusement, ils ne l'ont pas compris.

22 Q. Oui, mais je me propose de vous poser plusieurs questions à ce sujet.

23 Ce peut-il, en votre qualité de général d'expérience, se peut-il qu'il ait

24 dû assiéger cette ville. Pour être plus clair, à Sarajevo, l'armée

25 bosnienne avait un premier corps d'armée qui se trouvait au centre-ville

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1 même. Les Serbes, eux, avaient le Corps de Sarajevo-Romanija de l'armée de

2 la Republika Srpska, qui avait son QG à Lukavica. L'une et l'autre des

3 parties en présence avait un corps d'armée, soit à Sarajevo, soit autour de

4 Sarajevo. Cela vous le savez, n'est-ce pas, mon Général ?

5 R. Oui. Ils se sont affrontés périodiquement autour.

6 Q. Il y avait un corps face à l'autre. Si les Serbes avaient retiré par

7 quelque hasard leur armée qui se trouvait autour de Sarajevo, notamment,

8 pour aller vers les parties de Sarajevo qui étaient sous contrôle serbe,

9 qu'aurait fait l'armée musulmane ?

10 Je tiens à préciser que je souhaite citer Lord David Owen dans son livre

11 qui dit à ce propos : "J'ai répondu que lorsqu'il était question de lever

12 du siège, Juppe n'a pas raison. Il a par trop simplifié la situation. Les

13 parties de Sarajevo qui se trouvent être sous contrôle des Serbes, comme

14 Grbavica, ne restitueront pas leurs armes lourdes, si par voie de

15 négociations, ils ne leur auraient pas donner des garanties, des assurances

16 de la part des Nations Unies, à savoir que l'infanterie plus nombreuse des

17 Musulmans ne les écraseraient pas. Ce n'est que moyennant négociations que

18 l'on pourrait lever les obstacles, les tireurs isolés et les pièces

19 d'artillerie. L'enlèvement des pièces lourdes ne suffit pas à lever le

20 siège."

21 Je cite donc Lord Owen. Disons qu'il s'avère que les forces assiégées en

22 Sarajevo ne pouvaient pas s'éloigner parce que cela aurait permis une

23 offensive depuis Sarajevo, une offensive lancée par un corps d'armée. Est-

24 ce que c'est ainsi que vous avez vu les choses, de façon analogue, à celles

25 qui ont été présentées par Lord Owen ?

Page 32026

1 R. Lord Owen n'était pas présent à Sarajevo quand j'y étais, mais il m'a

2 rendu visite régulièrement. Par la connaissance de tous les éléments, il

3 est évident que dans les négociations auxquelles nous nous sommes livrées

4 pour essayer de tracer ces corridors, pour essayer, enfin, d'aboutir à la

5 levée du siège de Sarajevo, c'est ce dont nous parlons, des garanties

6 auraient dû être données, devaient être données pour accompagner cette

7 demande, livraison des armes lourdes, que par la communauté internationale.

8 Que cela ne serait pas l'occasion pour les Bosniaques de se livrer à des

9 offensives ou à des attaques sur la partie Grbavica, par exemple, ou à

10 Ilidza que vous avez cité.

11 Malheureusement, je dois dire ici que j'ai obtenu d'une façon régulière,

12 des annonces de bonne volonté, des décisions de cessez-le-feu, d'armistice,

13 et cetera. Elles ont toujours été remises en cause et c'était, du fait, de

14 tous les côtés.

15 Pour répondre à votre question, si la levée du siège avait eu lieu comme

16 nous y efforcions de le préparer, c'était dans la perspective de la mise en

17 œuvre du plan Vance-Owen. C'était dans la perspective de la

18 démilitarisation de Sarajevo. Cette démilitarisation, elle passait par une

19 démilitarisation des forces bosniaques elles-mêmes, pas seulement par la

20 répression des armées.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un grand merci, mon Général.

22 Monsieur Milosevic, vous avez cité un extrait de l'ouvrage de Lord Owen qui

23 a été versé au dossier. Ce faisant, vous avez dit, et je pense que ce n'est

24 pas apparu au compte rendu d'audience, vous avez dit qu'il aurait dit que

25 quelqu'un n'a pas raison et a par trop simplifié la situation. Qui était ce

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1 monsieur dont on a parlé. Pourriez-vous nous donner la page et le nom ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] La page, c'est 20429. Le livre s'appelle

3 "Odyssée des Balkans", et la citation commence par : "J'ai répondu en

4 disant que lorsqu'il s'agissait de lever du siège, Juppe, qui était

5 ministre des Affaires étrangères, n'avait pas raison…".

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends, Juppe.

7 Poursuivez.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Sur le secteur de Sarajevo, du point de vue militaire il y avait un

10 corps d'armée face à un autre corps d'armée, et la ligne que suivait le

11 siège était la ligne de front mise en place entre ces deux corps-là, n'est-

12 ce pas, Général ?

13 R. Le corps d'armée, armée de, essentiellement, de Kalashnikovs et de

14 quelques RPG et puis, en face, un corps d'armée qui disposait de toutes les

15 armes lourdes qui lui avait la JNA.

16 Q. Bien. S'agissant du fait de savoir s'ils avaient des armes lourdes à

17 Sarajevo, il y a des renseignements afférents. Je ne veux pas perdre mon

18 temps là-dessus. Est-il exact de dire que les forces musulmanes ont mis à

19 profit tout cessez-le-feu pour creuser des tranchées et déplacer leurs

20 positions vers l'avant en direction des positions serbes ? Avez-vous

21 remarqué ce phénomène-là, mon Général ?

22 R. C'est en tout cas, le procès qui leur a été fait. Non, je crois que les

23 lignes de front n'ont guère bougées pendant toute la durée de la période où

24 j'y étais présent, en tout cas.

25 Q. Mais savez-vous, mon Général, que c'est précisément les membres du

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1 Corps Sarajevo-Romanija de l'armée de la Republika Srpska, ces soldats qui

2 tenaient la ligne de front autour de Sarajevo, dans la plupart des cas

3 c'étaient précisément des habitants de la région, des villageois issus de

4 villages à proximité de Sarajevo et alors des habitants de Sarajevo qui

5 avaient fui la ville ? Ils se relayaient par équipe pour garder les

6 positions et rentraient pendant que les uns veillaient, d'autres rentraient

7 chez eux dans leurs maisons respectives.

8 J'ai ici une carte qui a été élaborée partant de renseignements ou de

9 données de 1981. Si vous le souhaitez, je puis vous la montrer. Je l'ai

10 déjà montré ici pour dire que pratiquement tout ce qui entoure le centre de

11 Sarajevo, était habité par les Serbes, par une population serbe. Les Serbes

12 sont ici présentés en bleu. Ils vivaient là. Ils ne sont pas venus

13 d'ailleurs pour assiéger Sarajevo. Ils avaient pris position devant chez

14 eux. Ils étaient campés devant chez eux. Le saviez-vous, mon Général, ou

15 pas ?

16 R. Je n'étais pas tout seul. J'ai vu arriver un certain nombre de Serbes

17 encore une fois, qui eux, par solidarité que je comprends, avec leurs

18 frères, sont venus contribuer à cette lutte. J'ai dit tout à l'heure que

19 les Serbes qui étaient dans les collines autour de Sarajevo n'y étaient pas

20 par volonté de dominer, ils y étaient par peur. S'ils n'y allaient pas

21 leurs femmes allaient porter le voile islamique. Ce sont ceux qui ont

22 répandu cette peur-là. Ce sont eux qui ont prétendu que les lions du zoo de

23 Sarajevo étaient nourris par des bébés serbes. Ce sont ceux-là qui sont

24 responsables de tout ce qu'a vécu cette malheureuse population serbe, qui

25 sont responsables pour finir. Je pense là à Mladic quand il s'est opposé à

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1 la mise en œuvre du plan Vance-Owen, qui pour finir ont été obligés de

2 quitter leur ville Ilidza, Grbavica, partout, qui aujourd'hui rêvent de

3 revenir dans leurs racine, dont j'espère que la communauté internationale

4 d'ailleurs les aidera à y revenir.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, mon Général. Je pense que

6 l'heure est venue de faire une pause.

7 Monsieur Milosevic, nous avons étudié la question. Après la pause, vous

8 aurez encore 30 minutes, et les amis de la Chambre auront dix minutes.

9 Nous faisons maintenant une pause de 20 minutes.

10 Mon Général, rappelez-vous que vous n'êtes pas censé discuter de la

11 substance de votre déposition avec qui que ce soit au cours de la pause.

12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

13 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

15 poursuivre.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. La Chambre vient de me donner une demi-heure seulement je vais être le

18 plus concis possible pour parler.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je dois vous arrêter, car nous ne

20 recevons pas l'interprétation. Est-ce qu'il y a un problème, Madame la

21 Greffière ?

22 Oui, maintenant, nous recevons l'anglais.

23 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Général Morillon, M. Robinson m'a donné juste une demi-heure de plus.

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1 Je vais essayer d'être le plus concis possible, pour me référer à certaines

2 de vos constatations à vous, que j'aimerais voir confirmer ici.

3 Vous avez dit en effet, en parlant des effectifs bosniens qui s'étaient

4 retirés avant la chute de Srebrenica. Naser Oric avait quitté l'enclave une

5 semaine avant la chute de l'enclave. Il avait suffi que ses forces fassent

6 sauter la route pour que les blindés ne puissent accéder à Srebrenica. Je

7 vous cite. Je cite ici: "Vous estimez que Mladic était tombé dans un piège

8 à Srebrenica. Il s'attendait à une résistance qu'il n'a pas trouvée. Il ne

9 s'attendait pas à ce qu'il les massacre, mais il a sous-estimé complètement

10 la haine accumulée. Je ne crois pas qu'il ait donné l'ordre des massacres.

11 Je ne le sais pas, c'est une opinion personnelle."

12 Je partage votre opinion, Général Morillon, puisque vous l'avez présentée

13 officiellement en public devant les députés de l'Assemblée nationale en

14 France. J'imagine que vous avez ouvertement parlé des convictions qui

15 étaient les vôtres, n'est-ce pas, mon Général ?

16 R. Oui. Pour la Cour et pour l'intelligence de la Cour, il s'agit de la

17 chute de Srebrenica, la chute finale en 1995, alors que j'avais quitté le

18 territoire depuis plus de deux ans.

19 Q. Certes. Votre expérience avec le général Mladic datait depuis assez

20 longtemps. En parlant devant le parlement français, on vous a posé des

21 questions, et vous dites : "Je suis convaincu que la population de

22 Srebrenica a été la victime d'une raison d'état d'intérêt supérieur, d'un

23 intérêt supérieur qui résidait à Sarajevo et à New York, mais certainement

24 pas à Paris. Si j'avais pu évacuer tous ceux qui avaient demandé d'être

25 évacués au moment où je suis intervenu à Srebrenica, nous aurions

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1 certainement sauvé bon nombre de vies humaines."

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic,

3 M. Groome voudrait intervenir.

4 M. GROOME : [interprétation] Les représentants du gouvernement français

5 veulent me consulter. Pourrions-nous passer à huis clos partiel, et me

6 donnez-vous un instant pour les entendre, et je m'adresserai à vous.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais soyez rapide.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

9 [Audience à huis clos partiel]

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 [Audience publique]

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Merci. Je dispose ici de ce rapport à l'Assemblée nationale pour

18 information, et je sais qui a présidé cette audience. Je suis certain que

19 le général Morillon doit forcément s'en souvenir très bien. C'est un

20 document tout à fait public, je ne suis pas sorti des cadres de ce document

21 public.

22 Vous y dites: "Les autorités d'Izetbegovic ont été celles qui s'étaient

23 opposées à l'évacuation vers Tuzla de tous ceux qui avaient demandé à

24 quitter, et ils étaient nombreux. J'ai indiqué que Naser Oric, à mon avis,

25 s'était plié aux ordres provenant de Sarajevo et a quitté la zone, en si

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1 conformant. Je ne vais pas dire qui a généré ce drame, mais cela a été fait

2 par la présidence, par Izetbegovic. Parce que Naser Oric a obéi à

3 Izetbegovic. Naser Oric a obéi à Sarajevo à la présidence. Si je dis que

4 Mladic est tombé dans un piège, je dis que c'est un piège délibéré, mais

5 non pas pour critiquer Izetbegovic. A mon avis, il n'avait pas d'autres

6 moyens d'engendrer ce qu'il avait souhaité engendrer, à savoir, voir la

7 communauté internationale se ranger de ton côté.

8 En a-t-il été ainsi, Général Morillon, ou pas ? Il s'agissait de susciter

9 des réactions de la part de la communauté internationale à l'encontre des

10 Serbes. En a-t-il été ainsi ou pas ?

11 R. Monsieur Milosevic, à coup sûr, le vrai responsable c'est celui qui a

12 déclenché l'offensive, c'est Mladic. C'est Mladic qui deux ans auparavant

13 avait fait échouer le plan. Il ne faut pas renverser les facteurs. J'ai dit

14 tout ce que vous venez de dire. Je reste persuadé que le véritable

15 responsable de tous les malheurs, pas seulement de la population de

16 Srebrenica, mais de tous les malheurs du peuple serbe à partir de 1993,

17 c'est Mladic. Je n'ai pas dit autre chose. Merci.

18 Q. Fort bien. En répondant à l'une des questions d'une mission

19 parlementaire, M. Pierre Brane, pour expliquer le massacre terrible vous

20 dites : "La haine accumulée, il y a eu des décapitations. Il y a eu des

21 massacres terribles, horribles perpétrés par les effectifs de Naser Oric

22 dans tous les villages avoisinants. Lorsque je suis allé à Bratunac,

23 lorsque je suis allé intervenir, j'ai senti la chose."

24 Je suppose que cela non plus n'est pas contesté, Général Morillon.

25 R. Bien sûr que non. Je l'ai redit tout à l'heure dans la première partie

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1 de cette audition. C'est parce que j'étais convaincu de ce degré de haine,

2 que j'ai cru devoir agir à l'époque où je l'ai fait deux ans auparavant.

3 Q. Savez-vous qu'au début 1993, dans le cadre de leur offensive, les

4 effectifs de Oric sont arrivés jusqu'aux frontières de la Yougoslavie,

5 jusqu'à la Drina. Ils ont tiré sur le territoire de la Yougoslavie en

6 mettant en péril la centrale hydro-électrique de Bajina Basta. Elles ont

7 également pilonné les régions frontalières du côté de la Yougoslavie ?

8 R. Si nous faisons le procès de Naser Oric, je crois savoir qu'il est

9 aujourd'hui à la disposition de la Cour. Je sais tout ce que vous venez de

10 dire. Je sais aussi d'ailleurs qu'il provenait de l'autre côté de la Drina,

11 il était Sandzaki si ma mémoire est bonne. Il a même été votre garde du

12 corps, Monsieur Milosevic.

13 Q. Très bien. Vous enchaînez pour dire qu'il y a eu des activités à

14 Srebrenica, où un rôle de mise en scène important a été joué par la

15 présidence de Sarajevo, et vous dites : "Il me semble que je suis arrivé à

16 Srebrenica dans la nuit du 13 ou 14 mars. J'ai été bloqué le 14 mars dans

17 l'après-midi. Par la suite, j'ai constaté que cela s'est fait suite à des

18 ordres de la présidence." Vous enchaînez, vous dites : "J'ai été bloqué à

19 Srebrenica par des manifestations de femmes. Maintenant, je sais que c'est

20 de Sarajevo qu'est venu l'ordre de me retenir pour ce qui est de

21 l'accomplissement de l'itinéraire que je m'étais fixé."

22 La mise en scène venait de la présidence à Sarajevo, n'est-ce pas, Général

23 Morillon ?

24 R. Oui, mais les malheureuses femmes qui étaient là, elles étaient là en

25 train de risquer leur vie et celle de leurs enfants. Ce n'était pas du

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1 cinéma, croyez-moi. C'était un drame épouvantable auquel j'ai été

2 confronté, que je n'oublierai jamais. Voilà tout ce que j'ai pu dire.

3 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ces personnes n'ont pas fait du

4 cinéma, elles ont été manipulées c'est tout. Je vous cite plus loin, vous

5 dites : "J'ai informé Belgrade aussi. Je suis allé Milosevic, et je lui ai

6 dit : "Voilà ce qui va se passer. Il m'a aidé. Le fait d'avoir gagné une

7 bataille, c'était grâce à la position adoptée par Milosevic. New York aussi

8 était au courant." En a-t-il été ainsi Général Morillon ? Vous ai-je cité

9 avec précision ?

10 R. Oui, cela correspond exactement à ce que j'ai dit tout à l'heure en

11 réponse aux questions qui m étaient posées par le Procureur.

12 Q. Je vais vous citer encore : "C'est la raison pour laquelle pendant que

13 j'étais à Srebrenica, je me suis adressé aux Serbes. Je leur ai dit que

14 j'étais là à cause d'eux. Voilà les conditions que j'ai posées aux Serbes.

15 J'ai parlé de démilitarisation, ouverture d'un corridor aérien pour la

16 fourniture de l'aide humanitaire et des observateurs. J'ai réussi à

17 accomplir ma mission grâce au soutien de Milosevic. Lorsque je l'ai vu pour

18 la première fois, c'était précisément pour parler de ce plan là." Vrai ou

19 faux ?

20 R. Oui, je l'ai dit tout à l'heure.

21 Q. Vous avez répondu à une autre question d'un député au parlement à

22 l'Assemble nationale, à savoir, l'amitié et l'alliance franco serbe de la

23 première, et ils auraient pu dire la Deuxième et la Première guerre

24 mondiale, aussi bien, avait écarté des objections formulées concernant la

25 partialité des forces françaises. Vous avez dit : "Si tant est que nous

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1 avons pu laisser cette impression-là, c'est que de règle lorsque nous

2 obtenions l'accord des Serbes sur une question, il n'y avait qu'un seul

3 niveau où il s'agissait d'obtenir l'accord, c'était Mladic, et il tenait

4 parole, ce que ne faisait pas les autres." En répondant à une question de

5 la mission parlementaire de l'assemblée française, M. François Loncle, vous

6 avez dit : "Il a dit, "qui d'autres ?" Vous avez dit : "Les Bosniens et les

7 Croates, dans une mesure quelque peu moindre." En a-t-il été réellement

8 ainsi, mon Général ?

9 R. C'est là encore dans le contexte d'expliquer pourquoi parfois les

10 forces françaises ont été perçues comme trop indulgentes à l'égard des

11 Serbes. Je suis un général français. Je n'oublie pas la statue qui est à

12 Belgrade, "Aimons la France, comme elle nous a aimés." Je suis un général

13 français qui sait aussi, Monsieur Milosevic, qu'avant vous, il y avait un

14 pacte de réconciliation installé par Tito. Si Tito est encore vénéré à

15 travers le territoire de l'ensemble de la Yougoslavie, c'est à cause de cet

16 engagement. Je sais aussi que ceux qui avec vous, derrière vous, ont excité

17 le patriotisme, le nationalisme extrême et jeter les gens les uns contre

18 les autres, ceux-là sont les vrais coupables, pas ceux qui ont été ensuite

19 les instruments de ces abominables crimes qui ont marqué l'ensemble pendant

20 toute la durée des combats.

21 Voilà pourquoi j'ai continué de dire partout qu'il ne fallait pas

22 diaboliser les Serbes, surtout pas, mais qu'il convenait de juger ceux qui

23 les ont amenés dans cette impasse, dans ce drame.

24 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Dans votre témoignage

25 devant cette mission parlementaire de l'Assemblée nationale française, vous

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1 avez exprimé votre opinion sur la nature de la guerre en

2 Bosnie-Herzégovine. Le député Marie-Hélène Aubert, vous a demandé ce qui

3 suit : "Pensez-vous ou pas qu'il y ait eu des agresseurs et des victimes de

4 l'agression, et pensez-vous qu'il fallait défendre les victimes de

5 l'agression ?" Vous avez

6 répondu : "Non. J'ai été présent. J'ai vécu la crise depuis ces débuts

7 avril 1992. Je me suis toujours refusé à penser qu'il y a eu des agresseurs

8 et des victimes de l'agression. C'est la raison pour laquelle les Bosniens

9 m'ont longtemps fait des reproches."

10 En a-t-il été ainsi, Général Morillon ?

11 R. Bien, il faut comprendre que la mission qui était la mienne, j'en

12 discutais encore la semaine dernière dans un séminaire du rôle des soldats

13 de la paix. Elle était de ne pas prendre partie. Je devais me montrer

14 impartial, et du coup, comme je refusais d'être l'ennemi de quiconque, vous

15 connaissez bien cette idée que l'ami de mon ennemi, c'est mon ennemi. J'ai

16 été considéré par tous, par les côtés comme étant un obstacle, un

17 adversaire. Mladic passait son temps à me dire : "Qu'est-ce que vous

18 faites-là ? Laissez-moi régler mes comptes avec mes Tuci, [phon] et arrêtez

19 de vous mettre en travers de ce qui devrait être le sort de cette Bosnie."

20 Voilà pourquoi. Encore une fois, ma mission me l'a imposé, j'ai refusé de

21 condamner personne. J'ai refusé de désigner. J'ai désigné systématiquement,

22 à chaque fois, ceux qui violaient leurs engagements. Je l'ai fait à l'égard

23 des Serbes, comme je l'ai fait à l'égard des Bosniaques, comme je l'ai fait

24 à l'égard des Croates, chaque fois que c'était nécessaire. Je l'ai fait

25 dans mes rapports. Je l'ai fait dans mes contacts avec les médias. Je l'ai

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1 fait chaque fois que c'était nécessaire.

2 Q. C'est précisément à ce sujet-là que vous dites, en parlant d'agression

3 et de victimes d'agression, vous dites : "Non, j'étais présent là-bas. J'ai

4 vécu la crise depuis ses débuts, et je me suis toujours refusé à penser

5 qu'il y avait des agresseurs et des victimes. C'est la raison pour laquelle

6 les Bosniens m'ont longtemps reproché la chose."

7 Je vous demande de nous expliquer. Pensez-vous, comme bon nombre

8 d'intervenants internationaux l'on remarqué en temps utile plus ou moins,

9 en Bosnie-Herzégovine, ainsi que dans d'autres régions de la Yougoslavie,

10 qu'il s'était agit d'une guerre civile qui a été occasionnée par la

11 reconnaissance prématurée de l'indépendance de certaines républiques qui a

12 donné lieu à un chaos véritable ?

13 R. C'est l'histoire qui le dira. Notre actuelle présence devant la Cour

14 contribuera, je l'espère, à éclairer l'histoire. Je pense que ce drame,

15 encore une fois, est né du souvenir qui a été entretenu des atrocités du

16 passé, qui réveille des démons des terreurs ancestrales. Vous êtes de ceux

17 qui sont responsables d'avoir semé cette peur, d'avoir armé, d'avoir dressé

18 des chiens qui se sont ensuite déchaînés, qui ont fini par être enragés, et

19 par échappé à votre direction. C'est ma conviction très profonde, Monsieur

20 Milosevic.

21 Q. Avez-vous un exemple quel qu'il soit, Général Morillon, où j'aurais

22 moi-même contribué à semer la peur ou la haine interethnique dans l'ex-

23 Yougoslavie, ou alors le gouvernement de la Serbie, le gouvernement de la

24 Yougoslavie ? Nous nous employions en faveur de la préservation de cette

25 Yougoslavie. Nous étions favorables à l'égalité en droit des ethnies en

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1 présence et la Serbie, à savoir, la République fédérale de Yougoslavie est

2 restée au cours de ces dix dernières années, la seule où il n'y a pas eu

3 modification de la structure ethnique de sa population. Cela, au moins, je

4 pense que vous le savez ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une question presque

6 intrépide, une sacrée allégation. Vous voulez vraiment formuler cette

7 question ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien sûr. C'est une vérité des plus

9 élémentaires.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord, que le témoin réponde.

11 LE TÉMOIN : J'ai suivi le démarrage du drame à la disparition de Tito. On a

12 vu se multiplier ces prises de positions. Nul doute que vous avez été

13 partisan de la Grande Serbie. C'était peut-être du patriotisme, mais c'est

14 une des origines. C'est la seule, de cette maladie de la peur, la peur

15 d'être dominé, la peur d'être éliminé. Parce que les malheurs de la

16 Yougoslavie viennent de là. Je ne peux pas vous en dire davantage.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Bien. Mon Général, en quelque sorte, vous avez dit que l'armée de la

19 Republika Srpska avait été placée sous le contrôle de Belgrade. Bien

20 entendu, je le conteste, puisque c'était une armée autonome. Vous dites

21 vous-même dans cette déclaration que vous avez faite, je répète que :

22 "Mladic ne recevait des ordres de personne si ce n'est de lui-même. Ce

23 fait-là, il ne le dissimulait guère." Il avait été le commandant de son

24 armée. Il avait sa direction politique à lui et l'on ne saurait -- ou

25 plutôt, donnez-moi quelque exemple que ce soit de pressions exercées à

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1 partir de Belgrade, si ce n'est les pressions qui visaient à rétablir la

2 paix et à un apaisement de la situation et dont vous auriez souvenance.

3 R. Nous revenons sur la première partie de cette audience. Mladic,

4 effectivement, en Bosnie-Herzégovine, n'obéissait à personne qu'à lui-même.

5 Il avait, en tout cas, certainement pas à Karadzic. J'ai dit tout à l'heure

6 aussi, que lorsque je me suis rendu à Belgrade au moment où je voulais tout

7 faire pour sauver la population de Srebrenica, c'est parce que je savais

8 que vous, vous, il vous obéissait encore et à vous seul.

9 Il a cessé de le faire. Il vous a complètement échappé à mes yeux après

10 avoir refusé le plan Vance-Owen. Jusque là, la preuve, c'est effectivement

11 que grâce à vous, j'ai pu le rencontrer, le rencontrer à Belgrade. Merci.

12 Q. J'imagine que c'est sous mon égide que la réunion a eu lieu précisément

13 pour être placé au service de la paix, Général Morillon ? Vrai ou faux ?

14 J'essaie de vous aider à trouver un langage commun.

15 R. Je n'en disconviens pas.

16 Q. Bien. A présent, quelques mots seulement au sujet de renseignements

17 dont nous disposons et d'affirmations au terme desquels il y a eu plusieurs

18 massacres de commis par les effectifs d'Alijas Izetbegovic à l'égard de sa

19 propre population. En avez-vous connaissance ?

20 Pour vous rafraîchir la mémoire, ou pour peut-être vous apporter un

21 fondement, il y a citation d'un document des Nations Unies qui dit :

22 "fusion restreinte", 6 février 1994, la FORPRONU Zagreb, adressé à New

23 York, Nations Unies. "Il est important d'attacher le plus grand soin, étant

24 donné que la FORPRONU est pratiquement à 100 % certaine que les Bosniens,

25 au moins à deux reprises, au cours des 18 derniers mois, ont été à

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1 l'origine de pilonnage et ont provoqué des pertes à Sarajevo."

2 Avez-vous connaissance de ce rapport et quelles sont les deux situations

3 précédentes où les Musulmans ont ouvert le feu sur leurs propres citoyens ?

4 R. Vous l'avez cité, ce document en date de février 1994. J'avais quitté,

5 j'avais été relevé de mon commandement depuis huit mois. J'ai --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, si vous n'êtes pas en

7 mesure de répondre à la question, dites-le simplement.

8 LE TÉMOIN : Je ne vais pas m'esquiver là-dessus.

9 Lorsque nous parlions tout à l'heure du bombardement dont j'ai été l'objet,

10 sur ma résidence au mois de Noël 1992, j'ai dit que les tirs venaient des

11 lignes bosniaques. J'ai dénoncé d'autres occasions où, effectivement, nous

12 avions cette impression. Il faut dire qu'encore une fois, ne renversons pas

13 les choses. Si Sarajevo n'avait pas été enfermé dans ce cercle infernal, si

14 Sarajevo n'aurait pas été privé d'eau, d'électricité, de tous les moyens de

15 survivre, si Sarajevo n'avait pas été bombardé à longueur de jours et de

16 nuits par les canons qui dominaient à partir de Lukavica et des hauteurs,

17 les Bosniaques n'auraient pas pu se livrer à cette affaire.

18 Il y a eu des cas effectivement, probablement, car la preuve n'en a jamais

19 été vraiment apportée, par provocation des tireurs pourraient avoir commis

20 des attentats contre leur propre population, mais c'est dans un contexte

21 encore une fois les pires de ce qui a plus profond au cœur de l'homme était

22 déchaîné, et je crois que ce soit la responsabilité de ceux quand même qui

23 étaient enfermé, pas seulement d'eux en tout cas.

24 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation] Monsieur Robinson, combien de temps me

25 reste-il ? Je ne voudrais que vous m'interrompiez en plein milieu de ma

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1 question.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Encore à peu près cinq minutes.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Mon Général, savez-vous que pour ce qui est du massacre des gens qui

6 faisaient la queue pour acheter du pain dans la rue Vasa Miskin, en mai

7 1992 - savez-vous, vous étiez commandement de la FORPRONU à l'époque - a

8 été mis en scène pour provoquer une réaction de la Communauté

9 internationale, et peu de temps après il y a eu adoption de la résolution

10 du conseil de Sécurité 757 qui a introduit ou mise en place des sanctions à

11 l'encontre de l'Yougoslavie. Avez-vous connaissance de la chose ou pas ?

12 R. De la façon dont elle a été interprétée, oui, avec l'idée qu'il faut

13 chercher à qui profite le crime. Il a eu l'attaque sur le marché de

14 Markale. Cela dit, on n'a pas eu de preuve jamais établie. On a été en

15 mesure de se poser la question, et les Serbes ont toujours dit et affirmé

16 depuis le départ que c'étaient pas eux qui étaient à l'origine, mais je ne

17 peux pas vous dire moi, qui a tiré dans ces conditions. Je n'écarte pas

18 l'hypothèse que cela pu être des Bosniaques, mais en tout cas, je n'en ai

19 aucune évidence et puis encore une fois Sarajevo à ce moment-là a été quand

20 même enfermé dans --

21 Q. Bien. Mais je suppose que vous allez vous souvenir d'un article du

22 journal "Independent", de New York. Il s'agit de la date du 22 août 1992,

23 où on dit : "Des hauts responsables et de la hiérarchie militaire

24 occidentale pensent que certains des massacres les pires qui soient arrivés

25 à Sarajevo ou notamment 16 personnes ont été tuées dans une ville de

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1 personnes faisant la queue pour le pain ont été le fait surtout de

2 défenseurs musulmans, et non pas des assaillants serbes, et ceci était un

3 moyen utilisé pour gagner la guerre de propagande, et pour se gagner la

4 sympathie et provoquer une intervention militaire. Cet avis a été exprimé

5 dans des rapports confidentiels diffusés notamment au QG des Nations Unies

6 à New York et pour ceux, lors d'un briefing politique aux preneurs de

7 décisions américains…"

8 Je n'ai pas le temps de citer le reste, mais avez-vous pu recueillir des

9 informations de quelques natures que ce soit à ce sujet-là ?

10 R. C'était un article de journal, cet état de rumeurs. Des rumeurs il y a

11 en eu, il en avait tous les jours. J'ai eu connaissance de cette hypothèse-

12 là, mais je n'ai jamais eu le moyen de la vérifier dans quoi que ce soit.

13 Je ne suis, en tout cas, certainement pas de ces officiers supérieurs

14 occidentaux qui ont cru comme argent comptant ces accusations-là.

15 Q. Je vais vous donner une lecture --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci va être votre dernière

17 question.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Le commandant des forces, Satish Nambiar, a dit, et moi je vais vous

21 demander si vous partagez cette opinion ou pas. " En décrivant les Serbes

22 comme étant des gens mauvais, le mal, et tout le reste des autres comme les

23 bons, cela n'a pas seulement été quelque chose de contre productif,

24 c'était, en outre, quelque chose de malhonnête. Mon expérience m'a montré

25 que toutes les parties étaient coupables, mais que seul les Serbes ont

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1 admis qu'ils n'étaient pas des anges, alors que les autres insistaient pour

2 dire qu'eux étaient des anges. Ayant sous mes ordres 28 000 hommes et étant

3 en contact constant avec le Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations

4 Unies et avec les représentants officiels du CICR, nous n'avons été témoin

5 d'aucun génocide, si ce n'est qu'il y a eu des massacres et des tueries de

6 part et d'autre, chose typique lorsque vous avez un conflit qui se présente

7 dans de telles conditions."

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous avez suffisamment

9 donné d'informations pour faire valoir votre argument. D'où vient cette

10 déclaration ? Dites-le nous ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, c'est une déclaration de la part d'un

12 chef de l'institut à New Delhi. C'est le général Nambiar et c'est datée du

13 12 avril 1999. Après toutes les expériences --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci. Un commentaire, mon

15 Général ?

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Institut des Nations Unies ou des Services unis d'Inde --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous commenter ceci ? Ce sera

19 la fin du contre-interrogatoire, mon Général.

20 LE TÉMOIN : Général Nambiar, dont j'apprécie sa qualité d'expérience, la

21 culture, n'a fait que dire là ce que je n'ai cessé de répéter depuis le

22 début : Il ne faut pas diaboliser les Serbes dans cette affaire. Il n'y

23 avait pas d'un côté des "good guys" et c'est l'autre côté des "bad guys".

24 Tous ceux qui ont été entraînés dans ce tourbillon par solidarité dans

25 l'œuvre de mort --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, mon Général. Merci.

2 Maître Tapuskovic, vous avez la parole.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je vais

4 essayer d'aborder le plus grand nombre de sujets possibles, vu le peu de

5 temps qui m'est imparti.

6 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

7 Q. [interprétation] Mon Général, j'ai très peu à ma disposition. Je vais

8 vous demander de me fournir des réponses brèves. Mais j'aimerais vous

9 montrer ici un seul paragraphe qui vient de la déclaration que vous avez

10 fournie aux enquêteurs du Tribunal. Il s'agit du paragraphe 45. Si j'ai

11 bien compris ce paragraphe, vous l'avez mentionné sans l'expliquer, vous

12 avez rencontré Oric en une occasion, n'est-ce pas ? Oui ou non ?

13 R. M. Oric en plusieurs occasions; une fois à Konjevic Polje, juste avant

14 et ensuite à Srebrenica.

15 Q. Merci. Voici ce que dit le paragraphe 45 de votre déclaration : "Naser

16 Oric, chaque nuit, lançait des raids sur les villes serbes en dehors de la

17 ville. Lorsque le général Morillon s'est opposé à ses actions, il a répondu

18 que c'était la seule façon qu'il avait à sa disposition de tenir des armes

19 et des munitions. Il a admis qu'il a tué les Serbes de Bosnie chaque nuit."

20 C'est bien ce qui est dit dans votre déclaration que ce sont ses propres

21 dires à lui, que c'est lui qui vous a rapporté cela ?

22 R. Chaque nuit, sûrement pas, si ce point émis-là, mais pour le reste,

23 oui.

24 Q. Il est dit ici littéralement : "Qu'il a confessé avoir tué. Il a admis

25 avoir tué des Serbes de Bosnie à chaque nuit," je comprends l'explication

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1 que vous venez de donner.

2 Dans la déclaration ou plutôt dans ce qui va devenir une pièce, c'est votre

3 déclaration que vous avez fournie aussi ici, il est dit à un endroit :

4 "Oric a dit," et là je vous cite, "que c'était là les règles du jeu et que

5 dans ce type de guerre partisane, il lui était impossible de faire des

6 prisonniers." Est-ce que ce sont bien les termes que vous avez prononcé ou

7 pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Lorsque vous avez parlé du mois de mars et du mois d'avril 1993 dans

10 votre déclaration, paragraphe 3, plus exactement, il est dit : "Le règne de

11 Naser Oric a impliqué qu'il connaissait parfaitement la zone tenue par ses

12 forces. J'ai eu l'impression qu'il respectait, qu'il appliquait des

13 instructions politiques données par la présidence." Est-ce que c'est exact

14 cela ?

15 R. Oui. En fait, je ne vois pas l'origine de la question. Naser Oric

16 obéissait. Naser Oric était un chef de bande. Il menait une guerre de

17 guérillas dans l'enclave mais il se reconnaissait lui-même combattant au

18 service de la présidence.

19 Q. Je me contente de vous citer puisqu'au paragraphe suivant, dernière

20 phrase, vous ajoutez : "Le fait qu'il m'ont détenu comme prisonnier à

21 Srebrenica avait été orchestré par Sarajevo." Est-ce que c'est exact ?

22 R. Au départ, je ne l'ai su qu'après. Mais en tout cas, ce que je veux

23 dire aussi, ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que cette malheureuse

24 population était totalement terrorisée et qu'elle l'a considérée et cela,

25 ce n'est pas du cinéma, que j'étais le seul moyen, le seul bouclier pour la

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1 préserver par ma présence des attaques et des bombardements.

2 Q. Merci. Paragraphe 9 de votre déclaration, vous avez une réunion le 15

3 mars à Bratunac. Vous avez rencontré Mladic et vous dites, ceci portait sur

4 Srebrenica, vous dites : "Mladic voulait qu'Oric se rende avec tous ses

5 effectifs. Il a dit que lui, arrêterait tout s'ils se rendaient et s'ils

6 livraient toutes leurs armes. Moi, j'ai refusé et je lui ai transmis le

7 plan que je venais de décrire qui revenait à une démilitarisation de toute

8 la zone, à l'application des mesures prévues pour Sarajevo compte tenu du

9 plan Vance-Owen."

10 Est-ce que la démilitarisation impliquait que tous les hommes armés de

11 l'enclave soient privés de leurs armes ? Combien de soldats armés y avait-

12 il, à votre connaissance, dans l'enclave ?

13 R. Combien ? J'en sais rien. Mais, en tout cas, l'accord prévoyait

14 effectivement que tous ceux qui ne voudraient pas déposer les armes,

15 devraient quitter l'enclave de la même façon que l'accord prévoyait mais

16 c'était en cas d'application du plan Vance-Owen que les Serbes desserraient

17 leur pression, leurs étaux autour de Srebrenica et progressivement, on

18 donnerait vie aux villages environnants. Rien de tout cela ne s'est passé.

19 Vous le savez bien à cause de l'échec du plan Vance-Owen.

20 Q. Merci. Je veux gagner du temps. Je vais vous lire une phrase que vous

21 avez prononcée devant la commission parlementaire. "Deux milles à 3 000

22 femmes et enfants. Ce sont les autorités de Izetbegovic qui se sont opposés

23 à ce qu'on l'on évacue tous ceux qui le demandaient. Ils étaient nombreux,

24 vers Tuzla." Est-ce que c'est exact ?

25 R. Encore une fois, il faut comprendre que l'objectif de l'offensive

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1 précédent l'application du plan était de se livrer à la purification

2 ethnique, donc, d'évacuer toute la population d'origine musulmane. Je n'ai

3 pas pu le faire parce que j'aurais été accusé moi-même de coopérer à cette

4 purification ethnique mais c'était l'objectif de Mladic, à tous les coups,

5 bien sûr.

6 Q. Mais pour des raisons humanitaires, à coups sûrs, on aurait dû

7 autoriser les gens à aller où ils voulaient. S'ils voulaient aller à Tuzla,

8 comme vous le dites, pour avoir une vie plus aisée. Est-ce qu'il n'était

9 pas plus important de sauver leurs vies s'ils pouvaient aller dans une

10 région où ils pouvaient manger et boire plutôt que de rester là ? Pourquoi

11 est-ce que c'était nécessaire ?

12 R. Aujourd'hui, après le drame qui s'est produit deux années plus tard, si

13 vous souhaitez que je vous dise, que je regrette qu'on n'ait pas évacué la

14 population, j'en suis d'accord. Cela veut dire, encore une fois, que

15 l'objectif était de nettoyer cette zone pour ne plus y laisser de

16 Musulmans, et cela était la purification ethnique. Toute la communauté

17 internationale a été, depuis toujours, opposée à la mise en œuvre de cette

18 politique dans tout ce qu'elle avait d'inacceptable pour l'être humain,

19 privé de ces racines, arraché au sol qui l'a vu naître, interdit de

20 continuer dans la culture dans laquelle il a été élevé. Cela était le drame

21 et ceux qui ont prôné cette politique-là, aujourd'hui à mes yeux, restent

22 les plus grands responsables du drame qui a été vécu.

23 Q. Je dispose de très peu de temps. Je vais donc en terminer. Je fais

24 référence à ce même document dont dispose les Juges. Paragraphe 7 dudit

25 document, nous parlons là de janvier 1993, il est fait référence à la chose

Page 32048

1 suivante : "On donne la cote d'un document, on dit qu'un obus de mortier de

2 82 millimètres a été tiré de l'hôpital Kosevo et qu'un officier britannique

3 a été tué le 19 janvier du fait du pilonnage de l'aéroport de Sarajevo, le

4 16 janvier. Voici ma question, est-il exact de dire que les autorités

5 bosniennes se sont souvent servies de mortiers à proximité de l'hôpital de

6 Kosevo ?"

7 Répondez ceci, et je vais la lire lentement : "Je reconnais mon écriture.

8 Nous avons vu un mortier-là. Ils étaient préparés à provoquer une réaction

9 des Serbes. C'est ce qu'ils faisaient tout le temps. Je sais que certains

10 observateurs onusiens ont vu ce mortier à Kosevo. Il était très fréquent

11 qu'ils se servent de mortiers à Kosevo pour faire des provocations."

12 Est-ce que c'est bien comme cela que ça s'est passé, la façon dont vous le

13 décrivez ici ?

14 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

15 LE TÉMOIN : Oui, mais je l'ai dénoncé dès ce moment-là.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Groome, vous avez des

18 questions supplémentaires ?

19 M. GROOME : [interprétation] Quelques-unes.

20 Nouvel interrogatoire par M. Groome :

21 Q. [interprétation] Revenons, si vous le voulez bien à l'instant, à

22 l'intercalaire 4 de la pièce 648.

23 Monsieur Milosevic a contesté ce que vous aviez dit à propos du retrait des

24 militaires qui avaient laissé derrière eux, l'armement, le matériel, au

25 contrôle des militaires. Revenons à cet intercalaire 4, ce document vous

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1 l'avez vu : "Lorsque MacKenzie lui a demandé ce qu'il pensait de la JNA et

2 du retrait, Milosevic a dit qu'il leur avait dit dès le début de laisser

3 ces sacrées armes derrière eux." Est-ce qu'effectivement, on retrouve ceci

4 dans votre rapport, plus exactement, il s'agit de la note du général

5 Nambiar.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] La question est posée de façon incorrecte parce

8 que si vous vous penchez sur le document lui-même, celui-ci se rapporte et

9 on y lit clairement que j'ai été notamment préoccupé par la nécessité de

10 faire revenir nos enfants vers la Serbie. Comme la demande du gouvernement

11 de Bosnie était celui de laisser les armes parce que l'armée ne voulait pas

12 les laisser, étant donné que l'armée des Bosniaques allait s'en emparer,

13 j'ai accordé la priorité aux vies de nos enfants. J'ai dit : "Rendez-nous

14 nos enfants et gardez toutes ces armes," parce que quelqu'un soit tué à

15 cause d'un canon ou d'un mortier. Nous ne voulons pas avoir des soldats de

16 tués, qui se trouvaient là-bas pour cela. Il ne s'agissait pas d'abandonner

17 des armes là-bas à quiconque --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

19 Nous avons maintenant le contexte de cette précision. Veuillez répondre

20 maintenant à la question, mon Général.

21 M. GROOME : [interprétation]

22 Q. Quel est le souvenir que vous avez de cette partie-là de la réunion ?

23 R. Je ne peux que confirmer ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est que

24 l'ensemble du rapport, il faut lire l'ensemble du rapport, et pas

25 s'attacher seulement à un paragraphe, reflète à mes yeux parfaitement

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1 l'ambiance qui n'a cessé de régner le 30 mai dans cette rencontre avec M.

2 Milosevic.

3 Q. Plus tard, un peu plus loin dans tout ce document, la Chambre dispose

4 de la totalité du document. Vous avez dit ici que Milosevic avait dit que :

5 "S'il continuait ici," en parlant du bombardement de Sarajevo, "il ne

6 devait s'attendre à aucune assistance." Pour vous, cette assistance était

7 en partie militaire. Que pensez-vous qui se serait passé à Sarajevo en

8 Bosnie, si

9 M. Milosevic avait retiré l'appui qu'il fournissait à l'époque ?

10 R. Je ne peux pas vous suivre sur cette hypothèse, parce que ce n'est pas

11 le cas qui s'est produit, en fait. Avec la certitude que nous avions, que

12 l'armée des Serbes de Bosnie recevraient et continueraient de recevoir un

13 appui de la part de ses frères restés dans l'armée yougoslave, cela a

14 contribué effectivement à la position forte qui était celle de Mladic.

15 C'est tout ce que je peux dire. Qu'en aurait-il été autrement, je n'en sais

16 rien.

17 Q. Je vous remercie

18 M. GROOME : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

19 Merci, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, nous vous remercions de

21 venir en qualité de témoin. Votre déposition est terminée. Vous pouvez

22 désormais vous retirer. Ceci ne vous concerne pas mon Général, vous pouvez

23 quitter le prétoire.

24 [Le témoin se retire]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parlons maintenant des pièces à

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1 verser au dossier, document dont on a souvent fait référence. Il y a,

2 notamment, ce document qui montre l'audition du général devant le Tribunal

3 français.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de la Défense

5 242.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On a fait référence à un autre

7 rapport.

8 M. GROOME : [interprétation] Je pense que ceci est déjà une pièce du

9 dossier, la pièce D-91. C'est le souvenir que j'en ai.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. S'il s'agit du même

11 rapport fort bien, moi, je pensais qu'il y en avait un autre.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

14 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Votre micro n'est pas branché, nous

16 ne recevons pas d'interprétation, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous recevez la traduction maintenant ?

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cela rapporte également au rapport

20 d'information, ce témoignage du général Morillon devant la commission

21 parlementaire de l'Assemblée nationale française. Parce que j'ai cité

22 plusieurs fragments de ce texte.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est autre chose. C'est autre

24 chose que la comparution du témoin devant un Tribunal. Il faudrait

25 également verser ce document au dossier. Est-ce que nous avons une cote ?

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1 Apparemment, il s'agit du même document. Nous allons nous enquérir de la

2 chose. Nous y reviendrons plus tard.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais attirer votre attention pour les

6 besoins du compte rendu d'audience, notamment. Lorsque je suis intervenu

7 tout à l'heure à l'occasion d'une question posée par M. Groome, cela se

8 rapportait à l'intercalaire 4. Dans la ligne d'après, juste dans la ligne

9 d'après qui suit la citation arrachée de son contexte par M. Groome, il est

10 dit : "Il a ajouté que --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons

12 terminé l'audition de ce témoin. Il n'est pas maintenant approprié de

13 revenir là-dessus.

14 Monsieur Nice.

15 M. NICE : [interprétation] Rappelez-vous, le témoin suivant a fait l'objet

16 d'une requête déposée ce matin. Vous allez peut-être vouloir prolonger la

17 durée de l'audience. Je ne sais pas si vous avez eu le temps d'y réfléchir.

18 Il s'agit du témoin B-235.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui --

20 M. NICE : [interprétation] C'est M. Groome qui va interroger le témoin. Il

21 dit que l'interrogatoire principal va durer une demi-heure.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si c'est le cas, cela voudra dire

23 que le contre-interrogatoire va durer une heure et demie. Rappelez-vous, je

24 vous ai donné une réponse. C'est que nous allons essayer de tenir compte de

25 votre demande dans la mesure du possible, dans la mesure où ceci ne va pas

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1 compromettre la qualité et l'équité de la procédure.

2 Pour que ce procès soit équitable, il faut notamment tenir compte de la

3 santé de l'accusé. Hier, nous avons reçu un rapport médical qui se

4 terminait par un conseil donné aux Juges. Il était conseillé d'en revenir

5 aux audiences plus courtes, celles qui se terminent à 13 heures 45.

6 Cependant, la Chambre ne s'est pas totalement conformée aux conseils donnés

7 par les médecins. Nous avons dit que pour ce qui est de cette semaine-ci,

8 nous allions revenir au régime d'audience plus court, et que la semaine

9 prochaine, mercredi et jeudi, nous aurions des journées d'audience plus

10 longues.

11 Maintenant, vous nous demandez ceci, qu'en dépit de tout ce que je viens de

12 dire, nous essayons quand même de terminer le prochain témoin cet après-

13 midi. Nous, nous serions prêts à le faire en tant que Chambre de première

14 instance, que si l'accusé est en mesure de le faire. Je me tourne vers

15 l'accusé. Est-ce que vous êtes en mesure de siéger plus longtemps

16 aujourd'hui, d'avoir une audience plus longue ? Ce qui devrait représenter

17 d'après nous, d'après nos calculs, je me tourne vers le Juge Kwon, à peu

18 près 2 heures si on faisait une pause. Soyons clair. C'est l'accusé qui

19 doit décider ici, vu le contexte dressé par le rapport médical que nous

20 avons reçu.

21 Vous avez entendu ce que je viens de dire, Monsieur Milosevic.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il vous appartient à vous d'en décider,

23 Monsieur Robinson. Je ne veux pas participer à cette décision.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne revient pas à la Chambre de

25 statuer, la Chambre a déjà dit qu'elle voulait respecter les conseils

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1 prodigués. Je vais en discuter avec mon confrère.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, la Chambre a déjà, en

4 partie, failli à l'obligation de tenir compte du conseil donné par la

5 Chambre. Nous ne pouvons pas ignorer ce conseil. Nous avons décidé, puisque

6 l'accusé dit qu'il ne veut pas commenter cette décision, nous avons décidé

7 qu'il n'était pas possible de prolonger aujourd'hui l'audience après 14

8 heures.

9 M. NICE : [interprétation] Puis-je discuter avec M. Groome ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

12 M. NICE : [interprétation] Si c'est le cas, nous n'allons pas appeler à la

13 barre le témoin B-235 pour les raisons de sécurité invoquées ce matin, mais

14 le témoin Soldal. Son audition durera peu de temps. Pour autant que le

15 contre-interrogatoire ne soit pas trop long.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. 20 minutes.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour autant, bien sûr, que l'accusé soit

18 prêt à contre-interroger M. Soldal. Peut-être qu'il considère que c'est un

19 témoin qui intervient pour combler une lacune. Vous êtes prêt à contre-

20 interroger M. Soldal, Monsieur Milosevic ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne l'ai pas. J'ai reçu votre décision, au

22 terme de laquelle il était censé nous apporter des informations

23 complémentaires. Lui, n'était prévu que pour une vingtaine de minutes.

24 C'est du moins ce qu'on m'a dit à moi.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans l'attente du témoin, pourrions-nous

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1 aborder des questions d'ordre administratif. Par exemple, le calendrier des

2 audiences de la semaine prochaine.

3 M. NICE : [interprétation] Oui, l'une ou l'autre chose peuvent être

4 évoquer. Je peux vous apporter confirmation du fait que le témoin sur

5 lequel planait une certaine incertitude, nous n'étions pas sûrs de

6 l'appeler ou pas à la barre, ce témoin de sexe féminin ne sera pas cité.

7 Rappelez-vous, Messieurs les Juges, j'ai déposé une requête relative à M.

8 Bildt. Nous attendons une décision. Nous avions dit que mardi était la

9 seule journée au cours de laquelle, enfin, lundi, mardi ou vendredi, seules

10 journées auxquelles il pouvait comparaître. J'ai confirmé qu'il pourrait

11 être disponible mardi. Il s'agit de lui. Nous avons préparé une liste des

12 témoins pour remplir deux journées d'audience, partant de l'hypothèse que

13 M. Bildt n'est pas compris dans ces deux journées. Il faudra changer d'avis

14 si la Chambre décide d'avoir une audience mardi.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Apparemment, on nous dit qu'il n'y a

17 pas de prétoire disponible l'après-midi mardi. Aucun prétoire n'est

18 disponible mardi après-midi. La Chambre a l'intention d'appeler M. Bildt en

19 tant que témoin de la Chambre.

20 M. NICE : [interprétation] Très bien. La déclaration concernant le témoin

21 qui entre dans le prétoire, M. Soldal, tombe sous le coup de l'Article

22 89(F). Je n'aurais qu'une question supplémentaire à lui poser. Vous vous

23 souviendrez du nom de ce témoin dont il parle. Je pense qu'il s'agissait

24 d'un témoin protégé, le témoin, C-48.

25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de

2 prononcer la déclaration solennelle.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

6 LE TÉMOIN: TORE SOLDAL [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 Interrogatoire principal par M. Nice :

9 Q. [interprétation] Votre identité.

10 R. Tore Soldal.

11 Q. Est-ce que vous êtes enquêteur du bureau du Procureur ?

12 R. Oui.

13 Q. Au TPY ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous êtes-vous occupé d'un témoin qui a ensuite déposé sous le

16 pseudonyme C-48 ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous l'avez interrogé en mai 2002 et en juin 2002 ?

19 R. Exact.

20 Q. Dans le cadre de ces interrogatoires, est-ce que ce témoin a fait état

21 d'un journal ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez vérifié auprès d'un interprète

24 si dans ce journal, il y avait des questions dont il parlait ?

25 R. Oui. Lorsqu'il a quitté la pièce, nous en avons discuté avec

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1 l'interprète.

2 Q. Est-ce que ses dires semblaient concorder avec les rubriques du

3 journal ?

4 R. Oui.

5 Q. Il a déposé plus tard, ici, en avril 2003. Est-ce que suite à mes

6 instructions, vous êtes allé voir sa mère ?

7 R. Oui.

8 Q. Nous ne mentionnons pas de nom pour des raisons manifestes. Est-ce

9 qu'on avait empêché sa mère de téléphoner à son fils ?

10 R. Le fils lui a dit qu'il ne fallait pas qu'il soit en contact, puisqu'il

11 allait déposer ici en tant que témoin.

12 Q. Vous avez parlé avec sa mère. Est-ce qu'elle a confirmé l'existence de

13 ce journal ? Est-ce qu'elle a expliqué qu'il avait été détruit ?

14 R. Oui.

15 Q. Ceci n'est pas couvert par votre déclaration. Est-ce que plus tard,

16 vous avez vérifié les déplacements enregistrés de l'accusé pour cette

17 période particulière, dont parlait le témoin C-48 dans sa déposition ?

18 R. Oui, avec un analyste de l'équipe.

19 Q. Un instant, s'il vous plaît, puisque le juriste de la Chambre

20 s'entretient avec un Juge.

21 R. Avec l'aide d'un analyste de l'équipe, j'ai fait une recherche dans

22 toutes nos bases de données pour avoir des informations à propos de

23 l'accusé en ce qui concerne mars 1993.

24 Q. Vous l'avez fait, du fait que le témoin C-48 avait évoqué cette période

25 de temps, et concernait le lieu où se trouvait l'accusé. L'accusé avait dit

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1 au cours du contre-interrogatoire, que ses mouvements allaient être

2 répertoriés.

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous avez trouvé des informations ?

5 R. Oui. Nous avons trouvé plusieurs réponses pour le mois de mars, mais

6 aucune qui corresponde à l'incident dont avait parlé le témoin.

7 Q. Vous parlez de réponses positives. Est-ce qu'il y avait des indications

8 relatives aux mouvements de l'accusé qui sont en contradiction avec les

9 dires du témoin ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce qu'il y a une période de plusieurs journées pour lesquelles il

12 n'y avait pas consignation ou référence aux mouvements de l'accusé ?

13 R. Cela, je dois vérifier les recherches que j'ai effectuées.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous regardez comme

15 document ? Est-ce que c'est un rapport relatif aux recherches que vous avez

16 effectuées ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. NICE : [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

20 LE TÉMOIN : [interprétation] 8 mars, nous avons découvert que l'accusé

21 avait eu une réunion avec une délégation russe, une délégation de

22 parlementaires; 11 mars, il a fait un discours à la RTS, la télévision

23 serbe à propos du plan Vance-Owen; 12 mars, réunion au Conseil suprême de

24 la Défense; le même jour, il a également rencontré des parlementaires

25 grecs; vers la mi-mars, il s'est rendu à un lieu appelé Prijepolje au sud

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1 de la Serbie; le 15 mars, il a rencontré le général Morillon, qu'il a

2 rencontré également le 26 mars.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous voulez

4 intervenir ?

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai compris, et

6 d'après ce que je comprends, pour ce qui est des raisons de la citation de

7 ce témoin, il n'avait pas à prêter de ces questions-là du tout. Il devait

8 parler du journal, l'existence ou pas de ce journal. Il nous parle des

9 déplacements de l'accusé, chose dont ne peut venir nous témoigner ce

10 témoin-ci.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice. C'est ce que

13 nous avions cru comprendre que son témoignage se borderait à la question du

14 journal.

15 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Pas d'autres questions à ce

16 témoin.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puisque nous avons déclaré sa

18 déclaration recevable en application du 89(F), je crois qu'il faut la

19 verser au dossier.

20 M. NICE : [interprétation] [aucune interprétation]

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 649.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, bornez-vous dans

23 votre contre-interrogatoire aux questions relatives au journal. Puisque ce

24 qui n'avait pas trait à ce journal dans l'interrogatoire principal, ne sera

25 pris en compte par les Juges.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le témoin dont le journal

2 supposé a été vérifié par le présent témoin qui travaille pour M. Nice, a

3 affirmé quelque chose d'absurde, à savoir, comment d'après ses

4 affirmations, les affirmations de ce témoin-là, qu'il aurait consigné, soit

5 disant, dans un journal, c'est qu'en fait, j'étais allé au Casino Royal de

6 Novi Sad avec d'autres officiels à un moment donné --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne faites pas de discours, posez des

8 questions.

9 Contre-interrogatoire par M. Milosevic :

10 Q. [interprétation] Monsieur Soldal, il y a un instant, en réponse à une

11 question posée par M. Nice, qui vous a demandé si vous aviez pu établir

12 quoi que ce soit qui correspondrait aux événements dont a parlé ce fameux

13 témoin. En fait, c'était un serveur dans cet endroit. Vous avez répondu que

14 vous n'aviez pas été en mesure d'établir quoi que ce soit. C'est bien cela,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Vous avez eu trois entretiens avec ce témoin, chacun durant cinq

18 heures. Vous dites que ce témoin n'avait de cesse de faire référence à une

19 espèce de cahier dont vous dites que c'était son journal. A en juger par

20 vos dires à vous, ce cahier, il l'avait tout du long sous les yeux au cours

21 de ses interrogatoires ?

22 R. Exact.

23 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque, au cours de ses auditions, vous lui

24 avez demandé à voir ce journal ou à vous autoriser à le regarder, à le

25 photocopier ? A en juger par votre rapport, vous ne l'avez pas fait une

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1 seule fois.

2 R. Je lui ai demandé à voir ce journal après qu'il eut signé la

3 déclaration préalable.

4 Q. Monsieur Soldal, il vous a dit qu'il ne l'avait pas, parce que sa mère

5 l'avait détruit. C'est bien cela ?

6 R. Oui, c'est après qu'il soit venu ici à La Haye.

7 Q. Etant donné que beaucoup de vos témoins, enfin, les témoins de la

8 partie adverse pour laquelle vous travaillez, semblent sortir d'un chapeau

9 des journaux intimes, des cahiers de notes, documents qui me sont remis en

10 tout ou en partie. Comment se fait-il que s'il avait vraiment eu un

11 journal, que vous ne l'ayez pas pris, en tout cas, photocopié. Puisque vous

12 avez consacré à trois reprises, cinq heures à l'interroger ?

13 R. Je n'avais pas le droit de prendre quoi que ce soit. Je n'ai pas le

14 droit de prendre quoi que ce soit à un témoin. J'ai demandé à voir ce

15 journal après avoir terminé l'audition. J'ai demandé à voir ce journal

16 après que ce témoin soit venu déposer ici à La Haye.

17 Q. Dites-moi, puisque selon vos dires, il est sorti quelques instants, et

18 vous avez examiné discrètement ce journal. Quels sont les souvenirs que

19 vous en avez ? Qu'est-ce qui avait d'écrit dans ce journal ?

20 R. Au jour d'aujourd'hui, je ne me souviens pas du sujet dont nous

21 parlions lorsque j'ai jeté un coup d'œil à ce journal. Tout ce dont je me

22 souviens, c'est que les sujets dont nous parlions à ce moment-là, étaient

23 couverts dans le journal.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Soldal, vous dites n'avoir

25 aucune autorité, aucun pouvoir pour prendre quoi que ce soit à un témoin.

Page 32062

1 "Ils ont demandé le journal après avoir terminé l'entretien ou l'audition,

2 et après qu'ils soient venus à La Haye." C'est qui ce "ils" ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi-même et l'enquêteur qui était avec moi.

4 C'est nous qui avons demandé à obtenir ce journal. Nous avons rencontré le

5 témoin après qu'il soit venu ici à La Haye pour déposer. J'étais avec un

6 analyste cette fois-là, et j'ai demandé à voir ce journal.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez dire que c'est une

8 pratique courante dans le cadre d'un interrogatoire. Si quelque chose

9 apparaît dans le cadre d'un interrogatoire, et vous, en tant qu'enquêteur,

10 vous pensez que cela risque d'être une pièce pertinente. Est-ce que c'est

11 la pratique de demander ce document ou cette pièce ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai demandé après avoir terminé

13 l'audition, après que le témoin eut signé sa déclaration, et effectivement,

14 c'est pratique courante de demander les documents dont le témoin s'est

15 servi au cours de l'audition.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Poursuivez, Monsieur

17 Milosevic.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Vous avez réussi à voir combien de pages du journal en ce court espace

20 de temps ?

21 R. Seules les pages qui étaient ouvertes au moment où il est sorti de la

22 pièce.

23 Q. Deux pages. Il était serveur. A en juger par ses propres dires, je ne

24 me suis jamais trouvé dans ce lieu, je ne sais pas. A en juger par ce qu'il

25 dit dans sa déclaration, est-ce qu'on ne voyait pas peut-être des recettes

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1 de cuisine, qu'est-ce qu'on en sait ?

2 R. Je ne peux vous le dire, parce que je n'ai vu que deux pages du

3 journal.

4 Q. Les deux pages qui étaient ouvertes, là où le journal était ouvert.

5 R. Exact.

6 Q. Qu'est-ce qu'on trouvait sur ces deux pages ? Dites-le moi ?

7 R. Je viens de vous dire que je ne me souviens pas.

8 Q. Vous ne vous souvenez même pas de cela. Très bien. Maintenant, vous

9 dites que vous avez demandé à obtenir ce journal après qu'il eut signé la

10 déclaration. Est-ce que c'est la pratique habituelle, une fois que

11 quelqu'un a signé une déclaration, vous demandez à obtenir le document

12 auquel le témoin, cette personne-là a fait référence ?

13 R. Oui.

14 Q. En ce même paragraphe, vous dites que lorsque ce témoin est venu à La

15 Haye, il vous avait dit qu'il n'avait pas emporté, emmené ce journal, qu'il

16 était très probable, d'après vous, que c'était sa mère qui l'avait

17 détruit ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous lui avez demandé de vérifier si c'était bien le cas, si

20 sa mère l'avait détruit ? Il aurait pu téléphoner à sa mère pour le savoir.

21 R. Il nous a dit qu'il ne voulait pas être en contact avec sa mère, tant

22 qu'il ne se sentait pas suffisamment en sécurité. J'ai insisté pour qu'il

23 appelle sa mère.

24 Q. Monsieur Soldal, vous n'allez pas me dire que ce serveur de ce café

25 était une personnalité tellement importante, que s'il passait un coup de

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1 fil à sa mère, il risquait sa vie, alors qu'il ne disait rien. Pourquoi

2 toutes ces histoires, pourquoi gonfler toutes ces histoires ?

3 R. C'est de cette façon-là qu'il a décrit la situation, et nous n'étions

4 pas en désaccord avec lui.

5 Q. C'est seulement lorsque le témoin est rentré à Novica qu'il vous a fait

6 savoir que sa mère avait détruit le journal et d'autres documents pour des

7 raisons de sécurité.

8 R. J'ai parlé à la mère. Elle était chez elle.

9 Q. Savez-vous quels étaient ces autres documents ? Vous dites qu'elle a

10 détruit le journal et d'autres documents. Quels étaient ces autres

11 documents ? Qu'est-ce qu'un serveur de café pourrait avoir comme

12 documents ?

13 R. Elle m'a dit qu'il était du genre à tout conserver, à conserver tous

14 les documents qu'il en ait besoin ou pas. Lorsqu'elle avait fait le ménage

15 dans sa partie de la maison, parce que sa sœur avait emménagé dans la

16 maison.

17 Q. Elle a conservé des reçus, par exemple, des nettoyages à sec, des

18 billets d'autobus, les comptes de supermarché. Est-ce que vous avez essayé

19 de déterminer quelle était la nature de ces autres documents ?

20 R. J'ai demandé si c'étaient des documents qui risquaient de nous

21 intéresser. Elle a dit que c'étaient simplement des documents personnels.

22 Des reçus, par exemple.

23 Q. C'est ce que je suppose, bien sûr. Des factures, des reçus, des

24 tickets. Qu'est-ce qu'un serveur pourrait avoir d'autres.

25 Dites-moi, si vous avez pu établir qu'effectivement, il avait dit à sa mère

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1 de détruire le journal, lui avez-vous demandé à quel moment, cela s'était

2 fait ?

3 R. D'après ce qu'a dit la mère, ils avaient détruit le journal, ils

4 avaient le nettoyage de l'appartement, et ils avaient détruit tous les

5 autres documents juste après son départ.

6 Q. Parfait. Puisque la question du journal a été évoquée au moment du

7 contre-interrogatoire, M. Nice, a envoyé un enquêteur à Novi Sad, pour

8 qu'il s'entretienne avec sa mère pour apprendre les circonstances dans

9 lesquelles ce journal avait été détruit.

10 R. Excusez-moi. Pourriez-vous répéter la question ?

11 Q. Je vous disais que puisque le sujet du journal avait été soulevé au

12 moment du contre-interrogatoire, même si ce sont des absurdités, mais enfin

13 voyons. M. Nice, vous a dépêché à Novi Sad pour que vous parliez à sa mère,

14 plus tard, pour voir si ce qui avait été dit à propos du journal était

15 exact.

16 R. Exact.

17 Q. En d'autres termes, même M. Nice, avait douté de la véracité des

18 allégations formulées par ce témoin.

19 M. NICE : [interprétation] Remarque très peu sage.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous en tenons compte. Elle

21 n'avait pas lieu d'être.

22 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Fort bien. Est-il exact de dire que suite à la recherche que vous avez

25 effectuée, ce témoignage déjà douteux de ce témoin était encore davantage

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1 entaché de soupçons et de doutes, puisque vous n'avez rien trouvé que vous

2 cherchiez ?

3 R. C'est exact. Je n'ai pas trouvé le journal.

4 Q. Très bien. Je pense que cela suffit. Inutile de perdre davantage de

5 temps.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Encore une question, une phrase plus

7 exactement.

8 Questions de l'Amicus Curiae, M. Tapuskovic :

9 Q. [interprétation] Monsieur Soldal, ici à un moment donné, vous dites

10 ceci, je vous lis la phrase. Je vous demande une seule explication à

11 l'intention des Juges. Vous dite : "A un moment donné au cours de

12 l'audition, tel et tel a quitté la pièce, et j'ai saisi l'occasion pour

13 examiner son journal avec l'aide de mon interprète. C'est exact ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourquoi est-ce que c'était nécessaire ? Vous avez passé beaucoup

16 d'heures avec cet homme. Est-ce qu'il vous a empêché d'une quelconque façon

17 d'examiner ce document ? Est-ce que vous lui avez l'autorisation de le

18 faire ?

19 R. Je n'ai pas demandé à voir le journal pendant l'audition.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

21 M. NICE : [interprétation] Quelques questions supplémentaires.

22 Nouvel interrogatoire par M. Nice :

23 Q. [interprétation] Est-ce qu'il est courant ou inhabituel que des gens

24 aient un journal, d'un genre ou d'un autre ?

25 R. Il est très courant qu'un témoin se serve d'un journal.

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1 Q. Vous avez interrogé cette personne chez lui. Est-ce qu'il y avait une

2 photocopieuse vous permettant de photocopier ce journal ?

3 R. Non. Non. On était à deux heures de route d'un bureau.

4 Q. On vous avait demandé à avoir ce journal à la fin de l'interrogatoire,

5 mais il n'y avait pas de moyen de photocopier ce journal, donc il l'a

6 conservé.

7 R. Exact.

8 Q. Plus tard, il vous a fourni des extraits de journal. Je pense que nous

9 en avons entendu parler dans le cadre de sa déposition.

10 R. Exact.

11 Q. On a essayé de veiller à ce qu'il n'y est pas de contact entre le fils

12 et la mère. Est-ce que vous auriez vu des indices selon lesquels il y a eu

13 des contacts ou pas ?

14 R. Non. Non. Elle était très nerveuse quand je me suis présenté. Elle m'a

15 demandé s'il s'était passé quelque chose, si son fils avait eu quelque

16 chose.

17 Q. Vous l'avez interrogé, elle vous a expliqué comment elle avait détruit

18 ce journal. Est-ce qu'elle vous a aussi expliqué qu'elle avait vu ce

19 journal pendant que son fils travaillait au casino ?

20 R. Oui. D'après son mari et elle-même, il avait un sentiment très négatif

21 à propos de ce journal, car tous deux pensaient qu'il parlait de choses qui

22 risquaient de menacer sa sécurité.

23 M. NICE : [interprétation] Pas d'autres questions.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Ceci met fin à

25 votre déposition. Monsieur Soldal, vous pouvez maintenant vous retirer.

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1 Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

3 [Le témoin se retire]

4 M. NICE : [interprétation] Je vais demander le versement sous pli scellé de

5 sa déclaration.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.

7 M. NICE : [interprétation] Nous allons bientôt lever l'audience. Je me

8 rends compte que vous avez eu l'obligeance de nous donner un délai

9 supplémentaire pour ce qui est de la présentation des documents jusqu'à

10 vendredi. Je devais me consacrer à ces documents, mais j'ai dû m'occuper

11 d'autres questions très essentielles. Est-ce que nous pourrions avoir un

12 délai supplémentaire ? Je pense que nous allons seulement commencer les

13 audiences mercredi. Est-ce que nous pourrions bénéficier d'un délai

14 supplémentaire couvrant jusqu'à mardi.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mardi.

16 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

17 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, auriez-vous

19 l'amabilité de faire en sorte de me faire connaître l'ordre de comparution

20 du reste des témoins ?

21 Quel est le calendrier prévu pour mercredi ?

22 M. NICE : [interprétation] Volontiers. Nous allons avoir le retour de

23 Brunborg qui va terminer sa déposition. Ensuite, viendra le témoin B-235.

24 Pour le moment, nous prévoyons mercredi le témoin C-1250,

25 M. Coo, M. O'Donnell, pas nécessairement dans l'ordre que je viens de

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1 donner, mais ce sont ces trois témoins que nous prévoyons. S'il y a des

2 modifications, nous en aviserons sur le champ.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous travaillez peut-être à la question,

4 mais j'ai cru comprendre qu'il y a plusieurs déclarations préalables qui

5 avaient été admises sans contre-interrogatoire, mais qui n'avaient pas

6 encore été fournies.

7 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Mon assistante, Mme Dicklich et

8 notre équipe tout entière sont vraiment surchargées de travail. Il y a eu

9 un certain retard accusé dans la signification de documents. Vous savez

10 qu'à ce stade du procès, nous sommes vraiment débordés, et que nous n'avons

11 oublié ceci.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Aujourd'hui, nous fêtons le deuxième

13 anniversaire de ce procès.

14 --- L'audience est levée à 14 heures 06, et reprendra le mercredi 18

15 février 2004, à 9 heures 00.

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