Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 2 septembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre tient rendre deux

6 ordonnances ce matin. La première concerne la requête émanant de l'accusé

7 aux fins de nouveaux examens médicaux. La deuxième concerne la commission

8 d'un conseil de la Défense. Je rendrai la décision de la Chambre de

9 première instance avec une opinion dissidente, qui est la mienne, suite à

10 la requête de l'accusé aux fins d'examens médicaux ultérieurs.

11 Sans contester toute conclusion faite dans les rapports, que ce soit du

12 cardiologue qui a été nommé par la Chambre de première instance et, suite

13 aux conclusions des débats qui ont porté sur la question quant à savoir si

14 le conseil doit être commis à l'accusé, l'accusé a demandé à la Chambre du

15 temps supplémentaire afin d'obtenir un avis d'un expert de Russie, de

16 Serbie ou de Grèce parce qu'il estimait que les conclusions du cardiologue,

17 en particulier, du professeur Tavernier, le privaient du droit de parole.

18 La seule raison, qui a été avancée pour conclure qu'il y a eu une

19 manipulation, était le fait que le professeur Tavernier était originaire de

20 Belgique, qui accueille le siège de l'OTAN. De l'opinion de la majorité des

21 Juges de la Chambre de première instance, cette décision ne fournit pas le

22 fondement pour considérer qu'il serait contraire aux intérêts de la justice

23 de rendre une décision en la matière qui concerne la commission d'un

24 conseil, en se fondant sur les documents qui sont dans la possession de la

25 Chambre de première instance. Ma position est que la formulation tardive de

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1 la requête constitue un défaut d'un point de vue procédural, mais que ceci

2 ne devrait pas empêcher l'accusé de contester les conclusions médicales sur

3 une question qui est aussi substantielle -- si fondamentale que son droit

4 de se défendre.

5 Telle est la décision rendue par la Chambre.

6 Quant à savoir ce qui en est de la commission du conseil de la Défense --

7 et je précise qu'une décision par écrit sera rendue très précisément -- je

8 dis comme suit.

9 Dans ses raisons qui motivent sa décision qui suit la requête, formulée par

10 l'Accusation concernant la commission d'un conseil de la Défense, en date

11 du 4 avril 2003, la Chambre de première instance, tout en considérant que

12 l'accusé avait le droit de se défendre lui-même, a considéré également, au

13 paragraphe 40, que le droit de se défendre n'est pas un droit absolu et

14 qu'elle réservait sa décision, ce qui figure au paragraphe 40. L'état de

15 santé de l'accusé a constitué un problème majeur pendant ce procès. Pendant

16 la présentation des moyens de l'Accusation, le procès s'est interrompu plus

17 d'une douzaine de fois à cause du mauvais état de santé de l'accusé. Nous

18 avons perdu, par conséquent, environ 66 jours d'audience.

19 La présentation des moyens de la Défense devait commencer le 8 juin et a

20 été reportée à cinq occasions, encore une fois à cause du mauvais état de

21 santé de l'accusé. La Chambre de première instance a demandé au Dr Van

22 Dijkman, qui était le médecin traitant de l'accusé, et au professeur

23 Tavernier de Belgique, qui était nommé par le Greffe en tant que

24 cardiologue et qui n'était pas impliqué précédemment dans le traitement de

25 l'accusé, d'examiner l'accusé et d'arriver à la conclusion, en se fondant

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1 sur toutes informations pertinentes concernant son état de santé dans le

2 contexte qui était de savoir si l'accusé pouvait se représenter. Il fallait

3 que ces médecins experts informent la Chambre de première instance sur

4 l'état de santé de l'accusé, à savoir s'il était en état de se représenter,

5 et quel serait l'impact probable sur le calendrier des audiences, s'il

6 continuait à se représenter. Les deux médecins ont fait état, dans le

7 rapport de conclusion, disant que l'accusé souffrait d'une hypertension

8 grave et que son état de santé était tel que son hypertension était

9 constituée potentiellement à risque pour sa vie et que son état était grave

10 et évolutif. Ils ont également considéré que l'une des raisons de son état

11 de santé était le fait qu'il ne suivait pas le traitement médical qui lui

12 était prescrit.

13 Les tests sanguins, qui ont été effectués, ont confirmé cette conclusion.

14 Il ressort clairement des rapports médicaux que l'accusé n'est pas

15 suffisamment en état de se défendre lui-même et qu'il ne devrait pas

16 continuer de se défendre lui-même, et que ceci provoquerait de nouveaux

17 reports d'audience.

18 La Chambre doit trancher si le droit, qui est précisé à l'Article 21 du

19 statut, à savoir, le droit de se défendre lui-même doit être restreint et,

20 si oui, compte tenu des circonstances de l'espèce, ce droit devait être

21 appliqué de telle sorte qu'un conseil devrait être commis à l'accusé pour

22 le défendre.

23 La Chambre estime sur la base de la jurisprudence du Tribunal et du statut

24 de ce Tribunal, ainsi qu'en se fondant sur le droit interne de nombreux

25 pays, que le droit d'un accusé de se représenter n'est pas un droit absolu

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1 et que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il est à la fois fondé

2 en droit de lui commettre un conseil, et il est aussi légitime de le faire

3 dans l'intérêt de la justice. Par conséquent, c'est que nous ferons.

4 Le devoir fondamental de la Chambre de première instance est de

5 s'assurer que le procès se passe, de manière équitable et rapide. La

6 préoccupation de la Chambre, se fondant sur les rapports médicaux, est

7 qu'il existe un danger réel que ce procès, non seulement se proroge de

8 manière non raisonnable, mais ce qui est pire, ne se conclut pas si

9 l'accusé devait continuer de se représenter lui-même sans être aidé par un

10 conseil. Par ailleurs, la Chambre est convaincue que, si un conseil est

11 commis à l'accusé, il est possible d'envisager des mesures afin de

12 s'assurer que ce procès se continue d'une manière qui à la fois équitable

13 et rapide.

14 Ayant décidé de commettre un conseil à l'accusé, le devoir de la Chambre

15 sera par la suite de s'assurer que le rôle joué par le conseil assigné est

16 conçu et articulé, de telle manière que le procès tout en étant rapide

17 protégera le droit fondamental de l'accusé à un procès équitable.

18 Telle est la décision rendue par la Chambre, comme je l'ai déjà précisé.

19 Nous allons fournir une décision par écrit rapidement.

20 Nous allons maintenant procéder à la deuxième étape, à savoir, nous allons

21 entendre les arguments des parties.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je vous l'ai dit hier,

25 j'avais et j'ai toujours la conviction que le fait de commettre un avocat

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1 s'inscrit en violation directe de mes droits. S'il vous plaît, apportez-moi

2 des réponses en relation à cette question, à cette conviction qui est la

3 mienne que je tiens à exposer très brièvement. Je me réfère à une pétition,

4 qui a été remise au président du conseil de Sécurité de la part d'une

5 centaine de juristes, émanant d'un grand nombre de pays, de trois

6 continents, laquelle contient tous les arguments dans tous leurs aspects,

7 les arguments vous montrant que vous ne pouvez pas agir de la sorte.

8 Je vous prie de m'apporter des réponses pour que je comprenne au moins

9 votre position, à savoir de comprendre de quelle manière vous essayez de me

10 priver de ce droit fondamental qui est le mien. Permettez-moi de vous

11 donner lecture juste de quelques citations.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous arrêter, Monsieur

13 Milosevic. Je n'entendrai pas ceci. La Chambre ne vous entendra pas. Nous

14 nous sommes penchés sur la question. Nous avons examiné la chose. Si vous

15 souhaitez contester la décision de la Chambre, vous avez des moyens qui

16 sont à votre disposition, mais je n'entendrai pas vos arguments sur ce

17 point.

18 A présent, nous allons poursuivre.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vous entendrai pas là-dessus.

21 Si vous souhaitez contester la décision de la Chambre, vous avez des moyens

22 qui sont à votre disposition pour agir, mais, à présent, nous ne vous

23 entendrons pas.

24 Nous allons passer au stade suivant.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je tiens à présenter ceci à la Chambre d'appel

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1 car j'exige que la Chambre d'appel se penche de toute urgence sur votre

2 décision qui est illégale, qui viole le droit international, qui viole

3 toutes les conventions sur les droits de l'homme. Vous -- au moment où je

4 dois faire exercice de mon droit à la Défense, vous avez pris la décision

5 de me priver de ce droit, et je pense qu'il s'agit là d'un scandale. Vous

6 ne pouvez pas me priver du droit de me défendre.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous arrêter. J'ai compris

8 que vous avez l'intention d'interjeter appel. Vous pouvez bénéficier de

9 l'assistance des Amici sur ce point et vous pouvez prendre des mesures

10 nécessaires, mais, pour le moment, nous allons nous pencher sur les

11 modalités qui portent sur la commission d'un conseil.

12 Monsieur Nice, vous allez être le premier à prendre la parole.

13 M. NICE : [interprétation] Compte tenu des circonstances que vous avez

14 résumées, Monsieur le Président, et s'agissant des modalités de la

15 commission d'un conseil et, bien sûr, il s'agit d'aspects qui ont été

16 présentés, qui seront plus développés plus en détails dans la décision à

17 laquelle vous vous êtes référé, nous avons déjà abordé ceci dans nos

18 écritures, mais, très brièvement, je vais résumer ceci. J'ai réfléchi,

19 depuis hier, sur la nécessité qui est de savoir s'il y a des modifications

20 nécessaires compte tenu de la nature publique de cette audience et compte

21 tenu de l'intérêt public, il serait peut-être utile d'expliquer brièvement

22 quelles ont été, depuis toujours, nos propositions et comment elles

23 correspondent, en fait, de manière très proche, comme je l'ai déjà précisé

24 hier, comment elles correspondent aux modalités qui sont appliquées dans le

25 droit interne lorsqu'il s'agit, dans certaines circonstances, d'imposer un

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1 conseil.

2 Si vous me le permettez, je souhaiterais me référer à l'annexe B de notre

3 première écriture, qui date du 26 juillet, qui porte sur la question. La

4 Chambre se rappellera peut-être que, dans nos propositions, nous avons

5 remplacé le terme "commission" lorsque c'était approprié ou lorsque la

6 Chambre serait activement appliquée dans la gestion de la présentation des

7 moyens de l'accusé. Dans ces circonstances-là, si tel est le cas, un

8 conseil commis aurait toute la discrétion eu égard à la présentation des

9 moyens de la Défense en identifiant les témoins qu'il convient de préparer,

10 de citer et de présenter. Mais ce conseil commis devrait avoir la liberté,

11 et probablement il devrait être encouragé à débattre de tous les aspects la

12 préparation des moyens de la Défense avec cet accusé. Mais cette

13 commission, néanmoins, puisqu'il s'agit de la commission d'un conseil par

14 la Chambre, devrait se faire de telle sorte que la relation essentielle se

15 passe entre le conseil et la Chambre.

16 Depuis le début, ce que nous avons suggéré c'est qu'il était

17 souhaitable que l'un des Amici devienne le conseil commis. J'attire votre

18 attention sur les modalités de l'engagement des Amici. Ceci nous invite à

19 remonter au mois d'août 2001. Ces modalités ont déjà connu des

20 modifications, compte tenu du contexte évolutif de l'espèce. Il y a eu leur

21 nomination initiale par une ordonnance du 30 août 2001, qui consistait à

22 dire qu'entre autre chose, ils devaient intervenir lors du contre-

23 interrogatoire des témoins, et cetera, mais aussi d'agir de toute manière

24 lorsque le conseil désigné considérait qu'il était approprié d'agir afin de

25 s'assurer que le procès se déroule de manière équitable. Par conséquent,

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1 suite à une requête qui a été formulée par les Amici, à savoir que le rôle

2 qu'ils jouaient, vers la fin de la présentation des moyens de preuve de

3 l'Accusation et vers le début de la présentation des moyens de la Défense,

4 soit précisé davantage, ils ont laissé entendre très clairement l'intention

5 de continuer à aider la Chambre. Une ordonnance a été rendue le 27 juin,

6 l'ordonnance par laquelle a été nommé M. McCormack. Mais il y a aussi une

7 ordonnance du 6 octobre 2003 qui se penche sur toute une série d'autres

8 affaires procédurales, mais où il dit qu'à la lumière du l'état de santé de

9 l'accusé et le fait qu'il est souhaitable que les Amici Curiae aident

10 davantage l'accusé, qu'on donnait l'autorisation aux Amici de recevoir

11 toute information de la part de l'accusé qu'ils souhaitent le faire et

12 d'agir de toute manière pour protéger les intérêts de sa Défense. C'était,

13 de toute évidence, une ordonnance avec laquelle ils ont considéré qu'ils

14 pouvaient se conformer et c'est ce qu'ils ont fait. Nous avons vu les

15 écritures qu'ils ont présenté par la suite, et ils ont dit qu'ils ont eu la

16 possibilité de communiquer avec l'accusé, même s'ils ont précisé, de

17 manière tout à fait claire, et ceci est important à la lumière d'une

18 éventualité de leur nomination en tant que conseil. Ils ont fait savoir,

19 tout à fait clairement, je pense, que c'était le 13 août dernier, qu'à

20 aucun moment, ils n'ont représenté l'accusé et ils n'ont reçu

21 d'instructions de sa part. Par conséquent, ils ont gardé toute

22 l'indépendance nécessaire pour qu'ils puissent faire la nomination qu'ils

23 souhaitaient.

24 Je reviens à notre annexe B, encore une fois. Le terme qui est

25 utilisé ici est "le conseil commis", et à la page 2, il est avancé que le

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1 conseil, une fois qu'il serait commis, devrait recevoir des instructions de

2 la Chambre afin d'identifier des témoins qui doivent être cités et de

3 prendre des dispositions concernant leurs dépositions dans le prétoire.

4 Bien entendu, ceci peut être modifié, de manière significative, puisque

5 nous savons que toute une série de témoins choisis par l'accusé ont fait

6 l'objet de mesures qui ont été prises afin de les faire venir ici pour

7 l'audience qui devrait commencer mardi prochain. Une partie de notre

8 proposition pourrait être adaptée à ceci, aux évolutions qui sont

9 intervenues entre-temps.

10 Sous-paragraphe B, page 2, c'est un point que j'ai fait hier, nous

11 avons dit qu'on ne s'attendrait pas, de la part du conseil commis, qu'il

12 mène une enquête dans le cadre des moyens de la Défense parce qu'il n'est

13 pas nécessaire, en l'espèce. Ceci n'est pas nécessaire, compte tenu de leur

14 implication jusqu'à présent. Tout le monde sait ce que l'accusé cherche à

15 présenter par la voie de sa Défense, et il y a un volume considérable de

16 documents qui est déjà à la disposition des parties en présence et, en

17 particulier, à la disposition des Amici Curiae, au sujet des témoins que

18 l'accusé souhaite citer. Un conseil qui serait commis devrait être prêt à

19 traiter les témoins au moment où ils arrivent, des témoins qui avaient déjà

20 été identifiés.

21 Nous insistons auprès de la Chambre pour qu'elle exige que le conseil

22 commis -- et je me réfère aux dispositions de l'Article 89(F) -- il

23 intervient dans la présentation des éléments pendant l'interrogatoire

24 principal, et ce pour deux raisons distinctes. Tout d'abord, l'Article

25 89(F) nous permet de présenter des éléments de preuve pendant

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1 l'interrogatoire principal par écrit. La première raison en est que cela

2 nous permet de gagner du temps, et le temps a une importance considérable.

3 Mais la deuxième disposition est que l'Article 89(F) permet à toutes les

4 parties, y compris l'accusé, de présenter des éléments par avance, les

5 éléments qu'il souhaite présenter à la Chambre. Je viendrai à l'importance

6 de ceci plus tard. Il serait très important d'avoir la présentation des

7 éléments de preuve par voie écrite pour cette deuxième raison.

8 Il est possible de prendre des mesures afin de s'assurer que l'accusé

9 ne passe pas plus de temps que son état de santé ne lui permet dans le

10 cadre de la préparation des témoins. Ceci concerne les premières

11 recommandations que nous avons faites, donc pour la première partie du

12 travail d'un conseil.

13 Je passe maintenant à la question qui est de savoir ce qui se passerait

14 immédiatement après la commission d'un conseil, à savoir, il conviendrait

15 de rappeler à l'accusé son droit de se faire représenter par un conseil de

16 son propre choix et il devrait savoir

17 -- ou il pourrait être informé des limites de sa capacité de préparer des

18 témoins. Il faudrait l'encourager à se servir -- à bénéficier des services

19 d'un conseil de son propre choix dans tous les aspects de la préparation et

20 de la présentation de ses moyens.

21 Nous estimons que ses propres collaborateurs sont ceux qui seraient

22 raisonnables pour lui de nommer. Comme l'a conseillé hier M. le Juge Kwon,

23 je m'inscris tout à fait dans cette option-là. Nous savons, grâce à des

24 journaux et à des articles de journaux, que ses collaborateurs sont presque

25 entièrement en mesure, en position aujourd'hui d'agir déjà comme des

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1 conseils de la Défense. L'un d'eux l'a d'ailleurs déclaré, en disant que

2 ceci -- que son rôle diffère que -- de manière très insignifiante du rôle

3 qui est celui habituellement d'un conseil de la Défense.

4 Si l'accusé décidait d'accepter ce qui nous paraît raisonnable, il serait

5 en mesure de mener sa propre défense par l'intermédiaire de ses conseils,

6 en citant les témoins qu'il souhaite citer à partir de mardi prochain. Le

7 rôle de ce conseil se rapprocherait, à ce moment-là, du rôle d'un conseil

8 "stand-by". C'est un terme qui a été utilisé dans une autre affaire lorsque

9 le problème s'est posé devant cette même instance.

10 Compte tenu de la situation de l'espèce, si l'accusé choisissait de

11 nommer un conseil et de nommer l'un de ses collaborateurs en tant que

12 conseil, il n'y aurait probablement pas lieu que le conseil interroge les

13 témoins. L'accusé pourrait agir entièrement en ayant tout le contrôle de la

14 situation par l'entremise de son conseil.

15 Cependant, si la Chambre prenait cette décision, l'accusé pourrait se

16 voir autoriser à la fin de l'interrogatoire principal ou au stade de

17 l'application de l'Article 89(F), donc des déclarations en application de

18 l'Article 89(F). Il pourrait avoir l'autorisation de préciser les points

19 pour lesquels il estime qu'ils n'ont pas été couverts et au sujet desquels

20 il tient à interroger, personnellement, le témoin. Il faudrait que ce soit

21 une liste limitée de questions. C'est au moment des questions

22 supplémentaires que des questions comparables pourraient se poser où

23 l'accusé pourrait demander encore une fois l'autorisation d'interroger lui-

24 même.

25 Je tiens à souligner la valeur réelle de cette méthode pendant

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1 l'interrogatoire principal en application de l'Article 89(F) puisqu'il y

2 aura une information préalable de l'accusé au sujet du champ couvert.

3 C'est en substance la proposition qui est la nôtre. Si la Chambre

4 rappelle à l'accusé son droit de nommer son propre conseil ou l'encourage à

5 le faire et s'il refuse, mais si ses collaborateurs lui restent accessibles

6 et s'ils sont présents dans le prétoire, à partir de ce moment-là, il sera

7 possible pour l'accusé de revenir sur sa position à un moment ultérieur du

8 procès. La Chambre souhaitera peut-être même de l'inviter à le faire à un

9 moment ultérieur, à réexaminer sa position. Mais, si l'accusé refuse toutes

10 les invitations à nommer son propre conseil, la conduite de l'affaire sera

11 entre les mains du conseil commis. A partir de ce moment-là, la Chambre

12 souhaitera peut-être procéder à prendre d'autres mesures. Je pense que j'ai

13 présenté, de manière exhaustive, ce que nous envisageons comme solution. Il

14 se peut que j'en aie oublié quelques-unes.

15 Quelques exemples : si un conseil commis est en charge de l'affaire,

16 il souhaitera sans doute identifier les témoins à être cités. Nous avons la

17 liste avec les noms des 50 premiers témoins de l'accusé, mais, à un stade

18 ultérieur, pendant la présentation des moyens de la Défense, peut-être que

19 la série suivante, le groupe suivant de témoins devrait identifier. C'est

20 quelque chose que ce conseil pourrait faire et il pourrait présenter ses

21 conclusions à la Chambre. C'est quelque chose qui pourrait se faire dans le

22 prétoire et par écrit aussi. Pour ce qui est de la position de

23 l'Accusation, ceci peut se faire aussi ex parte sans aucun problème. De

24 cette manière-là, il pourrait être invité à contribuer dans toute la mesure

25 du possible à l'identification des témoins à être cités. Nous avons dit

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1 dans notre première écriture que ce genre d'exercice ferait tout à fait

2 l'objet de l'examen de la Chambre et se passer sous la direction de la

3 Chambre. Elle pourrait savoir jusqu'à quel point l'accusé participe ou ne

4 participe pas.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si l'accusé n'était pas d'accord

6 avec cette liste de témoins, que se passerait-il ?

7 M. NICE : [interprétation] Compte tenu des sources sur lesquelles je me

8 suis fondé à la lumière de la nécessité pour ce conseil de s'acquitter des

9 obligations qui seraient les siennes, sa décision devrait être la décision

10 finale. Bien entendu, ce conseil souhaiterait prendre en considération les

11 arguments avancés par l'accusé, et il devrait peut-être se conformer à la

12 décision de la Chambre sur les témoins qui devront être cités.

13 Comme je l'ai déjà dit, encore une fois, ceci peut se faire ex parte et

14 ceci peut se faire aussi en la présence de l'Accusation, mais certainement

15 avec l'exclusion du public. Je pense qu'en dernière instance, le conseil

16 doit avoir ce droit. Bien entendu, que ce soit à partir de maintenant ou à

17 partir d'un stade ultérieur, ceci s'applique si l'accusé décide d'agir par

18 l'entremise de son propre conseil et d'avoir entièrement le contrôle de la

19 liste des témoins. Ceci lui est permis d'être impliqué dans toute la mesure

20 du possible et au maximum au procès et garantit ses droits, les droits de

21 présenter ses propres moyens par l'intermédiaire de son propre conseil.

22 Très brièvement, je tiens à revenir à deux passages de notre deuxième

23 écriture du 19 août 2004, où nous présentons la pratique judiciaire qui est

24 celle de l'Ecosse, eu égard à cette catégorie de délits et de crimes où un

25 conseil peut être imposé lorsqu'un accusé ne l'accepte pas.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut faire observer, Monsieur Nice,

2 que cette procédure précise n'a jamais été appliquée et que pour l'instant

3 elle est très théorique. En fait, elle n'est pas seulement théorique, elle

4 est également controversée.

5 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons fait des

6 recherches dans les sources du droit écossais. A ce jour, bien sûr, c'est

7 un problème controversé. Je pense que différents problèmes ont pu être

8 définis en la matière. J'ai fait des recherches dans mon rapport, dans le

9 rapport que j'ai reçu, et j'ai vérifié les conditions à remplir. Les

10 commentaires dans ces conditions en fait l'objet.

11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en tout état de cause,

12 j'aimerais vous renvoyer au paragraphe 57 de nos deuxièmes écritures. Le

13 procès pour violence sexuelle et la loi sur la présentation des éléments de

14 preuve en Ecosse, permettent, à mon avis, d'imposer ou en tout cas

15 d'inciter un accusé à nommer un conseil pour le défendre. S'il refuse de

16 nommer un tel conseil, je pense que c'est le mot qui est utilisé dans le

17 droit écossais, un conseil lui est commis d'office au cas où il refuse d'en

18 donner le nom.

19 Les dispositions en question rendent impossible à l'accusé, dans le

20 droit écossais, de refuser la nomination d'un conseil pour le défendre, et

21 exige que quelqu'un soit représenté pour le défendre sur la base des

22 instructions fournies par l'accusé, le cas échéant. Si ces instructions ne

23 sont pas données par l'accusé ou si ces instructions sont données de façon

24 impropre ou pervertie, le conseil est autorisé à agir dans le meilleur

25 intérêt de l'accusé.

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1 Dans les mêmes écritures, j'aimerais vous renvoyer à la page 14, paragraphe

2 36. Vous trouverez les mêmes dispositions du droit écossais selon

3 lesquelles un système doit permettre d'enregistrer les décisions qui sont

4 faites sous le contrôle de la Chambre de façon à ce que la défense de

5 l'accusé soit assurée dans les conditions prévues. C'est ce qui est

6 proposé. Nous arguons du fait que le caractère adapté de la Défense résulte

7 du niveau de préparation de l'accusé qui, bien entendu, ne peut être

8 considéré comme une base de pourvoi en appel si cette préparation n'est pas

9 suffisante.

10 Je cherche un passage, Monsieur le Président, donnez-moi une minute.

11 Pour répondre à l'observation du Juge Bonomy, je suis tout à fait prêt à

12 accepter un correctif, le cas échéant. Je crois comprendre que ce qui était

13 recherché dans cette loi, qui n'est pas une loi statutaire, est une

14 reconnaissance d'une situation concrète. Je me trompe peut-être, mais je

15 crois comprendre -- et on me l'a d'ailleurs dit -- que telle est la

16 position de l'association des juristes, qui a été sollicitée pour amender

17 le code existant en Ecosse afin d'inclure les recommandations que je viens

18 de vous citer, Monsieur le Président, sans aller plus loin que cela.

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voilà les observations

20 que je souhaitais faire. Elles ne modifient pas, de façon significative,

21 les recommandations émanant de l'Accusation ou les arguments que nous avons

22 déjà soumis à la Chambre, mais je pense qu'elles peuvent aider à les

23 exposer en public de façon à ce que les choses soient parfaitement

24 comprises et qu'il n'y ait aucune déformation des objectifs poursuivis.

25 Nous souhaitons un procès en bonne et due forme, un procès équitable,

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1 où l'accusé pourra avoir toute possibilité d'abord de nommer un conseil de

2 façon à conduire dans les meilleures conditions possibles tous les aspects

3 du procès avec, bien sûr, intervention du conseil selon le pouvoir

4 discrétionnaire qui est le sien.

5 Deuxièmement, nous souhaitons également que, si l'accusé refuse la

6 commission d'un conseil, il puisse néanmoins participer à la conduite de sa

7 défense, de façon significative, et sans s'opposer toutefois aux efforts

8 déployés pour tenter de lui apporter l'aide nécessaire. Puis-je maintenant,

9 si vous me le permettez, aborder deux autres points ?

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, dans vos

11 arguments d'hier, vous vous êtes montré très critique de la proposition des

12 Amis de la Chambre, quant à la façon dont pourrait fonctionner un conseil

13 commis dans ces conditions. Aujourd'hui, pourriez-vous, je vous prie,

14 rendre les choses plus claires ? Je n'ai pas bien suivi vos propos d'hier.

15 Je vous serais reconnaissant si vous pourriez nous dire dans quelle mesure

16 les propositions des Amis de la Chambre concordent avec les propositions

17 que vous venez de faire ?

18 M. NICE : [interprétation] Ce qui me préoccupe dans les propositions des

19 Amis de la Chambre, c'est si je les ai bien comprises, et je suis prêt à

20 accepter une correction, le cas échéant, qu'en s'efforçant d'aider

21 l'accusé, ils ont fini par se trouver si proches de lui qu'ils risquent

22 éventuellement de se transformer en conseil de l'accusé plutôt qu'en amis

23 assignés à une assistance aux Juges de la Chambre. En tant que conseil de

24 l'accusé, ils pourraient exprimer des points de vue qui, au cas où ils ne

25 seraient pas en accord avec ceux de l'accusé risqueraient de les placer

Page 32372

1 dans une situation assez embarrassante sur le plan professionnel et de les

2 empêcher de poursuivre leur travail.

3 Voilà notre seule et unique préoccupation.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une des dispositions du droit écossais

5 consiste à dire qu'un conseil commis, dans les conditions qui viennent

6 d'être évoquées, est tenu, n'est-ce pas, d'agir dans l'intérêt de

7 l'accusé ? Est-ce que cela vous pose un problème ?

8 M. NICE : [interprétation] Je suppose que c'est toujours le cas. Il est

9 toujours question "des meilleurs intérêts de l'accusé."

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La loi britannique est différente. Je

11 crois comprendre que dans la pratique, il y a quelques nuances, mais un

12 critère existe pour juger, de la façon dont le procès est mené par un

13 conseil commis dans ces conditions. J'aimerais savoir dans quelles mesures

14 ce critère vous pose problème. Deuxièmement, si ce critère existe bel et

15 bien, ne prévoit-il pas précisément le type de coopération qui a été décrit

16 dans ces arguments par Me Kay ?

17 M. NICE : [interprétation] Je pense que nous avons toujours évoqué la

18 nécessité d'une bonne communication entre le conseil qui serait affecté à

19 l'accusé et l'accusé. Ceci ne doit pas être le cas uniquement au début du

20 procès, mais pendant toute la durée de celui-ci. C'est à l'accusé qu'il

21 appartient de décider si une telle communication sera possible ou pas.

22 Si nous partons de l'hypothèse que cette communication est possible, je

23 pense qu'il existe un risque de problème dans la définition du meilleur

24 intérêt de l'accusé dans le cadre de cette communication entre l'accusé et

25 le conseil qui lui sera commis. Soyons très clair à ce sujet. Dans nos

Page 32373

1 arguments, nous avons dit à plusieurs reprises que dans ses propos dans le

2 prétoire, l'accusé s'adresse principalement au public et ne fonctionne pas

3 avant tout dans un cadre juridique, et le public auquel il s'adresse, n'est

4 pas constitué des Juges de cette Chambre. Le conseil commis par la Chambre,

5 qui s'efforcera d'agir dans le meilleur intérêt de l'accusé, doit

6 satisfaire les intérêts de l'accusé dans le prétoire, ce qui signifie qu'il

7 devra citer à la barre des témoins qui, dans la mesure du possible, auront

8 pour tâche de contredire les arguments juridiques qui constituent des

9 accusations à l'égard de l'accusé. Avec cette nuance, nous disons que nous

10 n'hésitons absolument pas à dire que le jugement du conseil doit être

11 considéré comme le plus adapté, et que la définition des meilleurs intérêts

12 de l'accusé est une question qui est directement posée aux Juges de la

13 Chambre. Si le problème se pose au cours du procès, la définition du

14 meilleur intérêt de l'accusé incombe à la Chambre en dernière analyse.

15 Maintenant, en cas de problème sur ce plan, je préfère de ne pas

16 parler de "conflit d'intérêt" pour des raisons manifestes. Mais, au cas où

17 il y aurait conflit de position entre le conseil commis à l'accusé et

18 l'accusé lui-même, parce qu'évidemment, si ces deux personnes ont le même

19 jugement sur le plan juridique, tout va bien, mais il est possible qu'ils

20 aient un jugement différent, quant aux témoins qu'il convient de citer à la

21 barre. Au moment où ce problème surgira, là je m'écarte un peu des exemples

22 de droit interne. Mais, s'il y a vraiment une décision radicale à prendre

23 au sujet de la défense d'alibi, par exemple, au sujet du fait d'invoquer ou

24 de ne pas invoquer une défense d'alibi, ou au sujet du fait de citer à la

25 barre l'épouse de l'accusé ou pas, ceci est possible dans le droit interne.

Page 32374

1 A l'étape où nous en sommes, il ne semble pas y avoir de difficulté

2 importante, quant à l'éventualité que la question se pose, mais, bien

3 entendu, le critère à appliquer sera toujours le même si la question se

4 pose, à savoir qu'il conviendra de prendre en compte le meilleur intérêt de

5 l'accusé du point de vue du procès auquel nous participons et de son

6 achèvement et du point de vue des sources qui fondent l'avis du conseil et

7 qui devront être prises en compte pour une quelconque décision en la

8 matière, bien sûr, nous avons proposé qu'un compte rendu d'audience

9 exhaustif soit disponible qui aidera l'accusé à préparer cette coopération

10 avec son conseil dans les meilleures conditions possibles. Il faudra

11 également qu'il puisse être consulté aux diverses étapes du procès. Mais

12 j'en reviendrai plus tard comme je l'ai déjà dit précédemment.

13 La deuxième étape du processus est évidemment celle de l'appel. Mais il me

14 vient à l'esprit que la Chambre pourrait avoir, s'agissant de l'aide à

15 apporter de la part d'un conseil à ce stade de la procédure, une position

16 qui évoluera au moment où l'affaire en l'espèce arrivera à son terme, selon

17 l'existence ou pas pendant le procès de désaccord ou de divergences de vue

18 entre le conseil affecté à l'accusé et l'accusé, divergences de vue qui, à

19 ce moment-là, seront enregistrées dans un compte rendu officiel et que la

20 Chambre pourra relire pour se prononcer, de façon définitive, sur

21 l'importance de ces divergences et sur la solution à leur apporter. Le

22 conseil ne sera pas le seul à décider si, oui ou non, il convient

23 d'entendre des témoins supplémentaires, par exemple, au stade de l'appel.

24 Venons à des aspects particuliers. Si, au cours de l'affaire, il devient

25 manifeste que le conseil, affecté à la défense de l'accusé, a exclus

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1 certains éléments de preuve dont l'accusé souhaitait disposer, à la fin du

2 procès, lorsque la Chambre repassera en revue l'ensemble de la procédure,

3 les Juges pourront éventuellement se dire : "Nous admettons qu'il y a une

4 divergence à ce niveau et, puisque nous n'entendons pas contester la

5 démarche suivie par le conseil, nous pouvons néanmoins, le cas échéant,

6 décider que quelques éléments de preuve supplémentaires sont nécessaires."

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a une différence

8 substantielle entre un conseil qui agit dans le sens des meilleurs intérêts

9 de l'accusé uniquement et un conseil qui agirait dans le sens des meilleurs

10 intérêts de l'accusé, ainsi que dans le sens des meilleurs intérêts de la

11 justice ?

12 M. NICE : [interprétation] J'ai sans doute eu tort de ne pas réfléchir à ce

13 problème jusqu'à présent, notamment, au vu des arguments développés par

14 l'Accusation en faveur de l'affectation d'un conseil dans les systèmes

15 judiciaires de droit germano-européen.

16 Mais vous venez d'envisager deux aspects dans l'affection du conseil. Bien

17 sûr, un conseil a pour tâche de représenter son client. Cette tâche peut

18 être principalement défensive dans un système de procédure contradictoire,

19 mais il a également pour devoir de défendre les intérêts de la justice, ce

20 qui se manifeste principalement par le respect des règles et le fait de

21 veiller à ce qu'il n'y ait aucune violation intentionnelle ou non de ces

22 règles. Mais le Tribunal, bien sûr, est en droit d'interpréter la chose

23 d'une façon assez large, non pas pour résoudre un conflit éventuel, mais

24 pour défendre la vérité.

25 Cependant, si je puis me permettre, je pense qu'il serait très difficile de

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1 donner des instructions dans ce sens à un conseil commis à l'accusé car, si

2 ce conseil devait penser que telle ou telle chose n'est pas dans l'intérêt

3 de l'accusé et qu'il conviendrait d'entendre des témoins uniquement dans

4 l'intérêt de la justice, je pense qu'il éprouverait de grandes difficultés

5 à prendre cette décision. Peut-être ne convient-il pas d'ennuyer le conseil

6 de la Défense, en lui affectant une telle tâche dont l'importance est peut-

7 être trop grande, et il serait préférable que la Chambre détermine quels

8 sont les témoins à entendre ?

9 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais j'aimerais

10 revenir à ma proposition initiale.

11 Si une divergence de vue survient entre le conseil et l'accusé, au sujet

12 d'une catégorie d'éléments de preuve qui n'aurait pas été prise en

13 considération, mais que la Chambre considère nécessaire pour une bonne

14 administration de la justice, j'ai parlé d'embarras tout à l'heure, ce

15 n'est peut-être pas le mot le plus adapté, mais, en tout cas, cela créerait

16 un problème pour le conseil, et il pourrait se faire que la Chambre décide

17 d'appeler le témoin à la barre de sa propre initiative, en remplissant,

18 elle-même, le deuxième volet de l'instruction dont j'ai parlé tout à

19 l'heure.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comme vous le dites, en tant

21 que représentant du Tribunal, le conseil aura toujours cela à l'esprit

22 néanmoins.

23 M. NICE : [interprétation] En tant que représentant du Tribunal, en tant

24 que représentant judiciaire. Il y a tout de même des limites aux tâches qui

25 peuvent demander à un conseil de la justice, mais, bien sûr, c'est un

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1 devoir qui incombe également à l'accusé.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. NICE : [interprétation] J'ai quelques points de détail à évoquer à

4 présent. Je dois le faire, en tout cas, à un moment ou à un autre. Je sais

5 que c'est à vous qu'il appartient de décider des modalités de nos débats,

6 mais revenir sans cesse sur le même sujet n'est peut-être pas la meilleure

7 solution. Permettez-moi, je vous prie, d'en parler à présent, à moins que

8 vous ne souhaitiez que je le fasse plus tard.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est une question liée à

10 ce qui vient d'être discuté ?

11 M. NICE : [interprétation] D'une certaine façon, oui. En tout cas, l'un des

12 points que je voulais évoquer, oui. Les autres peuvent être traités plus

13 tard.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

15 M. NICE : [interprétation] Le deuxième point que je souhaitais évoquer

16 c'est l'ordonnance de la Chambre quant au fait de savoir si l'accusé va

17 déposer lui-même dans le cadre d'une déclaration solennelle, bien entendu,

18 ainsi que la longueur d'une éventuelle déposition de sa part.

19 Manifestement, il faut traiter de cette question, mais, sur le fond, ce qui

20 me préoccupe le plus c'est le temps qui lui sera assigné. Je veux parler du

21 temps qui sera consacré à l'examen de l'acte d'accusation d'une part et à

22 la présentation des éléments de preuve de l'autre. Un conseil, bien

23 entendu, s'il peut négocier avec l'accusé ou même s'il est dans

24 l'impossibilité de le faire, si l'accusé à décider de nommer son conseil,

25 doit décider combien de temps il consacrera à l'examen du volet Croatie, du

Page 32378

1 volet Bosnie et du volet Kosovo de l'acte d'accusation, et quels seront les

2 témoins qu'il citera à la barre pour chacun de ces volets. Dans nos

3 écritures, nous rappelons à la Chambre les difficultés qui posent en

4 matière de temps, et nous parlons des problèmes que peut poser le contre-

5 interrogatoire au cours duquel l'accusé, à notre avis, a mal fait usage du

6 temps qui lui était imparti en n'invoquant toujours des questions

7 pertinentes et en faisant perdre du temps à la Chambre.

8 En l'espèce, la Chambre a dit clairement que 150 jours seraient

9 disponibles à la Défense pour présenter ses moyens et que, plus tard, il

10 pourrait éventuellement lui être assignés 150 jours supplémentaires. Il est

11 important, je crois, que le conseil se rende bien compte que les éléments

12 de preuve doivent concerner les trois volets de l'acte d'accusation.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez de 150 jours. C'est le

14 temps dont a disposé l'Accusation.

15 M. NICE : [interprétation] Oui. Mais je parle ici du point de vue du

16 conseil. C'est une limite pour lui. Vous avez tout à fait raison de le

17 souligner.

18 La répartition du temps est importante et ce, dès le début de la

19 présentation des moyens de la Défense. Comme le sait la Chambre, nous

20 insistons toujours pour que les éléments de preuve soient pris en compte,

21 de façon chronologique : Croatie, d'abord; suivie de Bosnie; puis du

22 Kosovo, pour les raisons évoquées dans nos écritures, que je n'ai pas

23 besoin de répéter ici. Les documents en question sont des documents qui

24 appartiennent au domaine public.

25 Je vois que, dans la liste des témoins prévus par l'accusé, il semble

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1 que le volet Kosovo viendra en premier. Il appartient à la Chambre, après

2 discussion avec le conseil éventuellement, de décider si l'ordre d'audition

3 des témoins doit être maintenu ou modifié.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez que l'on aborde,

5 d'abord, la Croatie; ensuite, la Bosnie; puis le Kosovo.

6 M. NICE : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que la Chambre a déjà

8 demandé une présentation chronologique des moyens de preuve, mais qu'elle a

9 laissé à l'accusé le soin d'en déterminer l'ordre.

10 M. NICE : [interprétation] Je pense que l'ordonnance de la Chambre

11 consistait à dire qu'il fallait une présentation ordonnée, dès le début de

12 la présentation des moyens de la Défense, qu'il fallait que les différents

13 volets de l'acte d'accusation soient pris en compte les uns après les

14 autres, mais que rien n'était dit quant à l'ordre précis qu'il convenait de

15 suivre. Les écritures sont publiques, la chose est sans doute tout à fait

16 claire.

17 Les raisons qui requièrent une présentation chronologique sont, entre

18 autres, l'état de santé de l'accusé et l'éventualité que le procès

19 s'interrompt plus tôt que prévu si l'historique de la présentation des

20 moyens est chronologique, ce qui convient au déroulement du procès sur le

21 plan juridique, mais permet également d'aborder, en priorité, le cœur même

22 de l'affaire puisque le volet bosnien peut être considéré comme le cœur de

23 l'affaire, permet donc de prendre en compte d'abord les charges les plus

24 importants qui pèsent sur l'accusé. Tout cela, ce sont des raisons qui

25 justifient la position de l'Accusation selon laquelle il est infiniment

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1 préférable d'assister à une présentation chronologique des moyens de la

2 Défense.

3 La présentation en priorité des moyens relatifs au Kosovo a été

4 préparée déjà, mais les premiers témoins --

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien sûr, c'est à la Chambre de première

7 instance qu'il appartient de se prononcer sur ce point. Nous avons laissé

8 cette latitude à l'accusé.

9 M. NICE : [interprétation] Je pense, en effet, que c'est le cas.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Du point de vue de l'acte d'accusation,

11 le volet Kosovo précédait les deux autres volets, et l'Accusation, dans la

12 présentation de ses moyens, a commencé par le Kosovo. Je pense que c'est à

13 la Défense de décider de la chose.

14 M. NICE : [interprétation] Comme vous voudrez, Monsieur le Juge. C'est un

15 peu par hasard que l'acte d'accusation commençait par le volet Kosovo.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est une observation générale que je

17 m'apprête à faire, mais les écritures de l'Accusation partent de l'argument

18 que je vais développer à présent. La discussion, quant à l'affectation d'un

19 conseil, est due uniquement à l'état de santé de l'accusé et pas au fait

20 qu'il aurait eu une attitude de refus de coopération sur le plan juridique

21 avec le Tribunal. Nous ne perdons pas cela de vue.

22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bien

23 sûr la décision en la matière reflétera la position des Juges sur le plan

24 professionnel, mais elle aura une influence sur des questions très

25 concrètes et elle requerra, inévitablement, du conseil qu'il se prononce

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1 également sur les éléments pertinents et ceux qui ne le sont pas. C'est

2 pourquoi j'ai évoqué la question.

3 Mais, Monsieur le Président, la répartition du temps, c'est une

4 expression théorique. J'ai d'autres arguments à avancer qui pourraient

5 éventuellement vous convaincre. En tout cas, la répartition en tant que

6 telle me parait importante.

7 A moins que vous ne souhaitiez que j'aborde d'autres points, j'en ai

8 terminé, et je pourrai revenir sur les autres points plus tard.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

10 Maître Kay.

11 M. KAY : [interprétation] Compte tenu du fait que la Chambre a indiqué hier

12 que, s'agissant des modalités, et je vous rappelle le document que j'ai

13 rédigé au cours de la nuit quant à l'ordre de présentation des moyens

14 éventuels. J'aimerais le remettre à la Chambre aujourd'hui.

15 Les projets de texte élaborés à ce jour peuvent être considérablement

16 améliorés, et j'appelle la Chambre de première instance à accepter un ordre

17 contraire à celui qui est proposé par l'Accusation, à savoir que l'accusé

18 soit autorisé à bénéficier d'un certain nombre de jours pour procéder à la

19 nomination de son conseil ou de ses conseils et en donner le nom ou les

20 noms au Greffe.

21 Il y a une phrase dans mes écritures que je vous cite : "Par la

22 suite, l'accusé pourra nommer un nouveau conseil, s'il le décide, afin de

23 le représenter." Ceci peut être une question importante si la personne

24 choisie par le conseil n'est pas disponible à tel ou tel moment pour

25 commencer à le représenter à la date prévue. Il faut que l'option en

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1 question soit ouverte.

2 Avant de poursuivre, je vous rappellerai que, lorsque j'ai rédigé mes

3 écritures, je m'en suis tenu, bien sûr, au code d'éthique des conseils, et

4 ceci a un rapport avec un certain nombre de questions déjà évoquées par les

5 Juges de cette Chambre. Par exemple, à l'Article 10 de ce code, il est

6 question de compétence, d'intégrité et d'indépendance des conseils. Je cite

7 : "Dans leur travail de représentation, les conseils sont tenus d'agir avec

8 la plus grande compétence, avec la plus grande habileté. Dans le respect de

9 l'honnêteté et de la loyauté, ils sont tenus d'exercer leur jugement

10 professionnel de façon indépendante, et de fournir des conseils honnêtes

11 sans jamais être influencés par quiconque. Ils sont tenus de préserver leur

12 intégrité, ainsi que celle de leur profession, sans jamais permettre le

13 moindre compromis par des pressions extérieures sur leur indépendance, leur

14 intégrité et les normes qu'ils sont tenus de respecter."

15 S'agissant des meilleurs intérêts, tel que définis par le conseil,

16 l'Article 11 du code d'éthique des conseils indique que : "Ceux-ci sont

17 tenus de représenter leur client de façon diligente et prompte afin de

18 défendre les meilleurs intérêts de celui-ci." Il y a également des

19 dispositions qui traitent de la communication, de la confidentialité.

20 L'Article 14, qui traite du conflit d'intérêt susceptible de survenir en

21 rapport avec le meilleur intérêt de l'administration de la justice, je cite

22 : "Le conseil est tenu de faire preuve de loyauté vis-à-vis de son client,

23 mais il est toujours tenu d'agir avec indépendance dans l'intérêt de la

24 justice vis-à-vis du Tribunal et il est tenu de placer les intérêts de la

25 justice avant ses propres intérêts ou ceux de quelque autre personne,

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1 d'organisation ou Etat."

2 Un conseil qui comparait en tant que conseil de la Défense ici -- et

3 ceci inclut les Amis de la Chambre -- est lié par le code de conduite des

4 avocats. S'agissant de la situation particulière dans laquelle nous sommes

5 ici, la Chambre pourrait dire, de façon très précise, un certain nombre de

6 choses supplémentaires, mais il est nécessaire de ne pas perdre de vue ce

7 code de conduite des avocats qui s'applique en tout état de cause.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un exemple, tout à fait clair,

9 Monsieur Kay, c'est le problème du conflit d'intérêt, je pense, car, si le

10 conflit d'intérêt défini par M. Nice devait survenir, il faudrait que vous

11 soyez protégé contre une quelconque protestation par rapport au rôle qui

12 vous a été affecté puisque vous n'avez pas été nommé par un client.

13 M. KAY : [interprétation] Oui. La question des témoins se pose également :

14 un bon nombre de conseils de la Défense auditionnent des témoins, qui ont

15 été choisis par leurs clients et que même ils n'auraient peut-être pas

16 décidé de citer à la barre. Une partie de l'habileté et de l'art d'un

17 conseil consiste à concilier les deux choses. Il y a un équilibre à faire

18 valoir et pour ceci, il faut que le conseil fasse intervenir son jugement

19 dans le cadre du pouvoir discrétionnaire qui est le sien.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. KAY : [interprétation] C'est un problème de pouvoir discrétionnaire et

22 de jugement de la part du conseil.

23 Au paragraphe 2 --

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant que vous poursuivez, j'aimerais

25 vous poser une question au sujet de la situation générale d'un conseil

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1 assigné dans les conditions dans lesquelles nous sommes. Est-ce que vous

2 estimez nécessaire de définir plus en détails les obligations qui sont les

3 siennes, plus en détails que cela n'est fait dans le code d'éthique des

4 avocats sur lequel vous venez d'appeler l'attention des Juges de la Chambre

5 s'agissant de la définition des meilleurs intérêts de l'accusé ou du

6 client ? Il a été question des intérêts généraux de la justice, mais je

7 pense que ceux-ci sont parfaitement servis en réalité lorsque le conseil

8 agit dans les meilleurs intérêts de l'accusé.

9 M. KAY : [interprétation] Absolument. C'est la raison pour laquelle je

10 viens d'évoquer le code de conduite des avocats. Dans les écritures que

11 j'ai rédigées cette nuit, je n'allais pas plus loin que ce code de conduite

12 qui nous lie tous. En fait, les collaborateurs de l'accusé sont également

13 liés par ce code de conduite. Toute personne intervenant en l'espèce est

14 soumis à ce code de conduite, et nous devons ne pas perdre cela de vue,

15 notamment les dispositions du paragraphe 2, que je cite : "Le conseil nommé

16 par l'accusé est tenu et a la capacité de représenter celui-ci en tant que

17 conseil au cours des débats." En tant que conseil, cela signifie que cette

18 personne est liée par le code de conduite des avocats.

19 Au paragraphe 3 -- parce qu'il y a ici un problème un peu hybride que la

20 Chambre ne perd jamais de vue -- compte tenu du fait que l'accusé

21 souhaitait se représenter lui-même, nous disons que l'accusé pourrait

22 continuer à être autorisé à se défendre lui-même au cours du procès,

23 notamment, dans le domaine de l'interrogatoire des témoins de la

24 présentation de ses moyens de preuve et des arguments qu'il souhaite

25 développer devant la Chambre de concert avec le conseil qui lui aura été

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1 commis. Je pense, ici, qu'il peut y avoir une amélioration à la situation

2 actuelle, à savoir, une amélioration qui irait un peu davantage dans le

3 sens des propositions faites jusqu'ici par les Amis de la Chambre, c'est-à-

4 dire que, si des détails ou des arguments supplémentaires doivent être

5 portés à l'attention de la Chambre de première instance selon l'accusé,

6 s'il a des arguments à développer lui-même en sus de ce qui a déjà été dit

7 par son conseil, j'ai utilisé l'expression de "concert" tout à l'heure, et

8 je pense qu'elle s'applique. L'affection d'un conseil ne signifie en aucun

9 cas que celui-ci a la primauté sur l'accusé. Il faut qu'il y ait toujours

10 la possibilité de choix entre le point de vue du conseil nommé, le point de

11 vue de l'accusé dans la structuration de la thèse de la Défense.

12 Cependant, au paragraphe 4, je vois qu'il est question de la situation où

13 l'accusé ne nommerait pas un conseil, dans ce cas, le Greffe du Tribunal

14 lui commet un conseil, qui dans le cas où l'accusé serait incapable ou ne

15 souhaiterait participer aux débats, serait responsable de la présentation

16 des moyens de preuve de la Défense, et cette situation est développée plus

17 avant dans le texte. "Au cas où l'accusé ou toute personne agissant en son

18 nom est défaillant," -- et par cela, je veux dire qu'il ne travaillerait

19 pas dans le sens de sa défense -- "qu'il n'y aurait pas coopération avec le

20 conseil de l'accusé et qu'il n'y aurait pas citation à la barre des témoins

21 nommés par le conseil commis à l'accusé ou par l'accusé lui-même, dans ce

22 cas, le conseil commis d'office peut citer à la barre des témoins qu'il

23 considère pertinents en l'espèce."

24 Le premier élément en prendre en compte, c'est la liste des témoins

25 présentés par l'accusé, qui est donc soumise à la Chambre. J'ai ici un

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1 point de vue qui est un peu différent de celui de l'Accusation qui, pour sa

2 part, pense que le conseil peut lui-même déterminer tous les noms qui

3 figureront sur ses listes. A mon avis, cela n'est pas dans le meilleur

4 intérêt de la justice. Il faut ne pas perdre de vue les caractéristiques de

5 l'espèce. Nous sommes actuellement au stade de la présentation des moyens

6 de l'accusé, et quel que soit le conseil qui sera commis, le conseil en

7 question n'est pas l'accusé. Je pense que quelle que soit la personne

8 choisie, il faudra qu'il y ait consensus en la matière entre ce conseil et

9 l'accusé, c'est ce que stipule paragraphe que je cite.

10 Le paragraphe 6, au cas où les témoins présentés par l'accusé ne coopèrent

11 pas avec le conseil de la Défense, ce conseil peut demander une ordonnance

12 à la Chambre de première instance pour les contraindre à se présenter dans

13 le prétoire ou à coopérer avec la Chambre, le cas échéant. Il y a là une

14 certaine latitude pour le conseil dans la liste de 1 600 noms qui a été

15 fournie.

16 Paragraphe 7, le conseil nommé est tenu de préparer la présentation des

17 témoins et la conduite de la présentation des moyens de la Défense au cas

18 où il n'y ait pas coopération avec lui de la part de l'accusé ou des

19 personnes agissant en son nom, de façon à ce que le procès puisse se

20 poursuivre. Ceci résulte en grande partie de la décision de la Chambre

21 quant au caractère rapide requis pour le procès et cela justifie la

22 décision de la Chambre, rendue aujourd'hui.

23 Le Greffe fournira le financement destiné à payer le conseil ainsi que les

24 membres de l'équipe de la Défense et leur permettre d'accomplir leur

25 travail. Si le désir en est exprimé ou si la nécessité survient, le conseil

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1 choisi par l'accusé devra obtenir l'aide nécessaire sur le plan des moyens

2 financiers.

3 Ce système fonctionnera si l'accusé garde toujours la possibilité

4 d'exprimer le premier choix et si le conseil respecte bien le code de

5 conduite des avocats qui comparaissent devant ce Tribunal. L'ordonnance de

6 la Chambre permettra au conseil de travailler de concert avec l'accusé. Le

7 conseil, commis sur la base du nom proposé par l'accusé, est une solution

8 de dernier recours et il faudra que le travail soit conçu dans le cadre

9 d'une coopération.

10 S'agissant de la personne qui sera affectée à la Défense de l'accusé,

11 l'Accusation a proposé les Amis de la Chambre. Mme Carla Del Ponte a

12 proposé hier que les collaborateurs de l'accusé soient choisis ou que

13 d'autres personnes soient nommées. Tout cela dépendra des dispositions que

14 prendre le Greffe, mais il convient d'accorder la plus grande attention à

15 cette question.

16 Au nom des Amici, nous disons que nous sommes dans la présente affaire

17 depuis trois ans, et que le Greffe prendra les dispositions

18 -- la position qu'il souhaite, s'il souhaite que nous remplissions ces

19 fonctions. Cela consistera pour nous en un rôle assez nouveau, en une

20 fonction tout à fait différente de celle que nous exercions en tant qu'Amis

21 de la Chambre. L'Accusation ne doit pas partir du principe que ceci est une

22 obligation pour nous. Nous ne participons pas à ce procès en tant que

23 parti. D'ailleurs, au fil du procès, le rôle joué par les Amici a déjà

24 considérablement évolué.

25 De temps en temps ce rôle a été réduit, de temps en temps accru. A

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1 l'issue de la présentation des moyens de l'Accusation, chacun a pu se

2 rendre compte que nous avons rendu des services assez importants à la

3 gestion de cette affaire. Finalement, c'est le Greffe qui fera connaître sa

4 décision en la matière.

5 S'agissant de la façon dont le conseil travaillera, il faudra que

6 soit fourni, bien entendu, un document exposant la stratégie de ce conseil

7 à l'intention du Greffe dans lequel le conseil dira de quelle façon il

8 aborde la préparation de la présentation de ses moyens, et quels sont les

9 témoins envisagés. Je crois que la question n'a pas besoin d'être examinée

10 par la Chambre à ce stade. Nous parlons ici simplement de l'application

11 générale du système qui vient d'être établi de façon à ce que chaque étape

12 puisse être franchie dans les meilleures conditions dans l'intérêt de

13 l'accusé, notamment.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Kay, merci beaucoup pour ce que

16 vous venez de dire. J'aimerais vous poser une question générale à présent.

17 La Chambre a décidé et a annoncé qu'un conseil serait affecté à l'accusé,

18 mais diverses modalités existent pour ce faire. Peut-être serait-il

19 envisageable plutôt que de nommer un conseil de la Défense en bonne et due

20 forme, d'étendre un peu le rôle joué par les Amis de la Chambre. Vous ne

21 serez pas nécessairement concerné en personne, Maître Kay.

22 Les Amis de la Chambre jouent depuis le début un rôle assez similaire à

23 celui d'un conseil de la Défense. La question qui se pose est peut-être une

24 question de vocable, mais, si la Chambre décidait de redéfinir le rôle des

25 Amis de la Chambre en l'élargissant afin qu'il permette aux Amis de la

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1 Chambre de défendre activement l'accusé, quelle serait votre position sur

2 ce point ?

3 M. KAY : [interprétation] D'abord, je voudrais en appeler à vous pour

4 fournir à l'accusé l'opportunité de nommer un représentant.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Cette option demeure ouverte à

6 l'égard de l'accusé pour qu'il nomme lui-même en premier lieu son conseil.

7 M. KAY : [interprétation] Oui. Si formellement l'on procède ainsi, il

8 convient de dire que cela implique pour ce qui est de la Chambre de

9 première instance, une analyse plus attentive des droits de l'accusé que

10 cela n'a été le cas dans les consultations de la Chambre.

11 Si l'idée est d'élargir le rôle des Amis de la Chambre afin que ceux-

12 ci accomplissent également un rôle de conseil, ceci constituerait de faire

13 en sorte que le rôle des Amis de la Chambre soit celui qui consisterait à

14 continuer à fournir une assistance à l'intention de l'accusé. L'extension

15 du rôle des Amis, quoique ceci constituerait un rôle différent par rapport

16 à celui qui a été le nôtre jusqu'à présent et la différence, serait celle

17 de présenter de façon différente la défense de l'accusé au cas où celui-ci

18 ne serait pas en mesure d'être présent dans le prétoire. Ceci dans les

19 circonstances et conditions qui seraient considérées comme étant

20 appropriées par la Chambre de première instance aux fins de faire en sorte

21 que le procès soit poursuivi. Cela requiert une reconsidération

22 considérable du rôle des Amis en termes de ressources, d'organisation. Si

23 l'on se dirige vers une réalisation ou une préparation parallèle pour être

24 prêt à toutes les éventualités, cela ferait que les Amis de la Chambre

25 seraient amenés à œuvrer de façon à assurer la poursuite du procès.

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1 Comme je le comprends moi-même, l'un des objectifs, comme je l'ai dit

2 d'ailleurs hier, est celui d'alléger le fardeau de la tâche qui pèse sur

3 l'accusé, parce que, comme je l'ai dit hier, dans tous les procès, les

4 chefs d'équipe partagent les responsabilités. Vous avez pu le constater que

5 vous ne pouvez pas en personne vous entretenir avec tous les témoins,

6 chaque témoin, interroger chaque témoin, procéder à des enquêtes, et ainsi

7 de suite. Vous avez besoin d'aide. Un procès de cette envergure, et

8 d'habitude les procès ne sont pas de cette envergure-là, vous le

9 reconnaîtrez vous-même. Par conséquent, il s'agit ici d'apporter une aide à

10 l'intention de l'accusé afin que celui-ci puisse continuer à se représenter

11 à lui-même devant ce Tribunal.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans la situation dans laquelle vous

13 vous trouvez en ce moment-ci, en votre qualité d'Amis de la Chambre, vous-

14 même et vos collègues, quelle est la façon dont vous faites lecture du code

15 du comportement professionnel des conseils devant ce Tribunal, alors que ce

16 code a été rédigé ayant à l'esprit la présence d'un client ?

17 M. KAY : [interprétation] Oui, en effet. En notre qualité d'Amis, nous nous

18 comportons dans l'esprit du code. Nous avons à l'esprit le code de

19 comportement de nos Chambres respectives, et l'intention est de faire en

20 sorte que les deux codes soient appliqués en parallèle, et s'appliquent

21 également à nous les dispositions qui figurent dans l'ordonnance portant

22 nomination de nous-mêmes.

23 Nous avons cela à l'esprit en priorité. Lorsque nous intervenons, nous nous

24 appuyons sur la nécessité de partir du fait d'où est-ce que nous dirons

25 l'autorité qui est la nôtre pour affirmer telle ou telle autre chose.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

2 M. KAY : [interprétation] Merci aussi.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quels sont vos

4 arguments en la matière ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, un minimum fondamental des

6 droits qu'un accusé a en vertu du statut de Rome, en vertu des statuts qui

7 sont les vôtres, c'est celui de se défendre lui-même. Ici dans le cas, ou

8 plutôt au fil des deux années écoulées, on a présenté tout un raz-de-marée

9 de manipulations et de mensonges.

10 Maintenant, que l'heure est venue de présenter la vérité, vous me privez de

11 ce droit.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai coupé le micro, Monsieur

13 Milosevic. Je ne veux pas vous écouter du tout si vous parlez de la

14 question de la commission d'un conseil. La question a été débattue et elle

15 a fait l'objet d'une décision. Vous avez fait entendre que vous alliez

16 prendre des mesures à ce sujet et vous en avez le droit.

17 Nous sommes en train de parler de modalités de commission d'un

18 conseil. C'est à ce sujet-là que vous devez vous adressez à nous. Si vous

19 n'avez pas d'arguments à présenter, qu'il en soit ainsi. Je vous demande de

20 vous concentrer sur les modalités de la commission d'un avocat.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, vaquez à cette question.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si je comprends bien, vous n'avez

23 aucun argument à présenter à ce sujet-là, Monsieur Milosevic.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 L'heure est venue de faire la pause. Nous allons faire une pause d'une

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1 demi-heure. Nous allons reprendre nos travaux à

2 11 heures.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

4 --- L'audience est reprise à 11 heures 35.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais présenter à présent, la

6 décision prise par la Chambre pour ce qui est de la première phase de la

7 question de nomination d'un conseil.

8 Conformément à la décision de la Chambre de commettre un conseil, le Greffe

9 est instruit de nommer un conseil pour l'accusé. Tout d'abord, le Greffe

10 devrait prendre soin d'assurer la nomination de M. Kay et de Mlle Higgins.

11 Le Greffe prévoira le financement approprié pour la création d'une équipe

12 qui serait à même d'accomplir sa mission. Le professeur McCormack

13 conservera son rôle d'Ami de la Chambre, vaquant aux questions en matière

14 de droit international.

15 Il est prévu un délai de sept jours pour ce qui est de cette commission, ou

16 plutôt nous n'avons pas accepté le délai de sept jours suggéré pour ce qui

17 est de la commission d'une équipe de conseil en dépit de la position du

18 Juge Kwon disant que les conseils à commettre devraient provenir des rangs

19 de ses associés, nous n'avons pas accepté de le faire.

20 Nous ménageons à l'accusé la possibilité de s'adresser à la Chambre de

21 première instance à une phase ultérieure, pour présenter une requête

22 raisonnable lui permettant de désigner son conseil à lui.

23 Le Greffier informera la Chambre de première instance d'ici

24 1 heure demain après-midi pour ce qui est de savoir ce qui a été fait au

25 sujet de la commission des conseils.

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1 Après avoir reçu leur rapport, la Chambre de première instance donnera des

2 instructions pour ce qui est des modalités suivant lesquelles il sera

3 procédé à la conduite du procès, et le procès est prévu pour ce qui est de

4 son démarrage, en date du 7 septembre.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les modalités qui seront adoptées

7 vont être conformes aux principes généraux présentés par les écritures

8 présentées par Me Kay.

9 M. NICE : [interprétation] Si la Chambre en a fini avec cette question,

10 j'ai une question tout à fait distincte que je voudrais soulever

11 brièvement. Il s'agit d'un mémorandum qui a été distribué à toutes les

12 parties en présence ainsi qu'aux Juges de la Chambre. Avec votre

13 permission, je tiens à vous informer de quoi il en retourne. Cela ne

14 prendra pas beaucoup de temps.

15 Avec votre permission, il s'agit ici d'une citation qui a été faite par

16 l'accusé dans ses propos liminaires en attribuant la citation à l'ex-

17 président des Etats-Unis, le président Clinton. Je pense que tous les

18 journaux qui publieront cela, notamment dans la région concernée, devraient

19 également publier le rectificatif et lui attribuer toute l'importance qui a

20 été attribuée à ce qui a été dit dans le courant des propos liminaires.

21 Par conséquent, ce que l'accusé a attribué comme propos au président

22 Clinton pour ce qui est de ses dires du 24 mars 1999, est ce qui suit :

23 "Les Serbes ont non seulement occasionné la Première guerre mondiale, mais,

24 sans eux, il n'y aurait pas eu d'holocauste non plus."

25 Ce que l'ex-président Clinton a dit, dans son allocution, figure dans

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1 le mémorandum que nous avons fait distribué. Cela s'énonce comme suit :

2 "Sarajevo, la capitale de la Bosnie voisine, est l'endroit où a commencé la

3 Première guerre mondiale. La Deuxième guerre mondiale et l'holocauste se

4 sont également abattus sur cette région."

5 Les Juges de la Chambre verront dans quelle mesure il y a divergence

6 entre ce qui a été dit hier et l'original.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que

8 vous acceptez ce rectificatif ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vérifierai cette citation. Il y a une

10 erreur au niveau de la collecte de la documentation pour ce qui est de la

11 date. Je ne pense pas qu'il y ait erreur du point de vue de la citation

12 elle-même. Je vérifierai en tout état de cause ce qui se trouvera être

13 vrai. Je ne verrais pas d'inconvénient à ce que soit la version à publier.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La transcription a pris note

15 de ce qu'a dit le Procureur. Nous allons attendre votre vérification pour

16 la version qui sera la vôtre. Entre temps, la transcription sera corrigée

17 par ce qui vient d'être dit par le Procureur.

18 Avez-vous d'autres questions à poser ?

19 Si ce n'est pas le cas, nous levons l'audience.

20 --- L'audience est levée à 11 heures 42 et reprendra le mardi 7

21 septembre 2004, à 9 heures 00.

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