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1 Le mercredi 24 novembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois que
7 vous nous avez indiqué que vous aviez encore une question à poser au
8 témoin. Me trompais-je ou avez-vous fini ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'avais encore une question à poser pour
10 en terminer avec mon interrogatoire principal de ce témoin.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne reçois pas d'interprétation de
12 vos propos.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous n'avez pas d'interprétation ? Moi non
14 plus.
15 L'INTERPRÈTE : Vous nous entendez maintenant ?
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
17 LE TÉMOIN : LEONID IVASOV [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
20 Q. [interprétation] Général Ivasov, nous avons entamé hier un sujet portant
21 sur la réunion où vous étiez avec Chernomyrdin, Atasari et toute la
22 délégation russe, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous vous souvenez du fait qu'on nous a garanti la souveraineté, notre
25 intégrité territoriale aussi bien, et il a été question de l'acheminement
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1 de forces de maintien de la paix des Nations Unies, qui étaient censées
2 garantir la sécurité de tous les citoyens au Kosovo ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous souvenez-vous du fait que, s'agissant de ce sujet-là, étant donné
5 que notre pays n'a pas été vaincu dans cette guerre, nous avons soulevé
6 cette question avec votre délégation toute entière, présidée par
7 Chernomyrdin, en disant que nous ne pouvions pas nous mettre d'accord pour
8 que ces forces-là soient acheminées en partant du chapitre VII de la charte
9 des Nations Unies, qui sous-entend le recours à la force ?
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
11 M. NICE : [interprétation] C'est une question directrice.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je ne pense pas que ce soit
13 pertinent mais si c'est la seule question, je crois que vous en avez
14 terminé avec votre interrogatoire principal.
15 Monsieur Nice, à vous.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Attendez. Je n'ai pas encore posé ma question.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez poser la question de
18 façon à ce qu'elle ne soit pas directrice, et à ce qu'elle soit pertinente.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est très pertinent, très pertinent vraiment.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Est-il exact de dire, Général Ivasov, que Chernomyrdin, en sa qualité
22 d'émissaire du président Yeltsin, et en sa qualité de représentant de la
23 Russie, ne nous a-t-il pas garanti au nom de la Russie et du président
24 Yeltsin le fait que la résolution ne serait pas adoptée en vertu de
25 l'application du chapitre VII de la charte, et qu'au cas où l'on
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1 s'efforcerait de l'adopter en vertu de ce chapitre-là, la Russie allait
2 opposer un veto ?
3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question tout à
4 fait directrice. Il faut forcément qu'à un moment donné --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous dites vrai.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Indépendamment du fait de voir cette
7 question suggestive, j'estime que cette question est tout à fait dénouée de
8 pertinence. Cela met un terme à votre interrogatoire principal, Monsieur
9 Milosevic.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai déjà décidé.
12 Monsieur Nice, commencez votre contre-interrogatoire.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic. Nous ne
15 pouvons pas vous entendre. Votre interrogatoire principal a pris fin. M.
16 Nice va commencer maintenant son contre-interrogatoire.
17 Contre-interrogatoire par M. Nice :
18 Q. [interprétation] Général Ivasov, vous avez présenté un nombre assez
19 important d'allégations générales, hier. Il a été dit que vos propos sont
20 allés à l'encontre des Etats-Unis d'Amérique, de l'OTAN, et il me semble
21 également de la Grande-Bretagne. Ce que je voudrais vous faire comprendre,
22 c'est que je n'ai aucun intérêt à défendre les Etats-Unis ou l'OTAN, voire
23 encore la Grande-Bretagne. Si certaines de ces allégations se trouvent
24 être pertinentes pour ce procès, et s'il s'avère qu'elles sont véridiques,
25 il est préférable de les entendre dans le courant de ce procès. Me
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1 comprenez-vous ?
2 R. Oui, je vous comprends.
3 Q. Je voudrais aussi que vous compreniez qu'il ne fait pas partie de mes
4 tâches de m'attaquer à votre témoignage pour dire qu'il n'est pas fiable,
5 ou qu'il n'est pas conforme à la vérité. Mon devoir consiste simplement à
6 mettre à l'épreuve votre témoignage, et c'est ce que je me propose de
7 faire. Le comprenez-vous bien ?
8 R. Oui, tout à fait.
9 Q. Il n'y a aucune erreur possible à ce sujet. A la lumière des questions
10 nombreuses que vous a posées l'accusé, vous, Général Ivasov, puisque vous
11 venez d'un pays qui a longtemps été communiste, vous comprendrez que les
12 normes qui seront utilisées pour mettre à l'épreuve votre témoignage sont
13 les mêmes que celles qui ont été appliquées pour ce qui est du témoignage
14 d'un villageois albanais du Kosovo le plus ordinaire. Vous ne vous attendez
15 pas à ce que nous procédions de façon autre, n'est-ce pas ? Vous ne vous
16 attendriez pas à une façon de procéder différente, n'est-ce pas, Général ?
17 R. Je proteste pour le fait d'avoir insinué ou laisser entendre que mon
18 pays, ayant vécu ou connu une période socialiste, et une approche autre, je
19 ne pense pas que cela laisse entendre que nous allons peut-être manquer
20 d'objectivité. Je crois que cela n'est pas acceptable.
21 Q. Vous avez observé hier --
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Attendez un moment. Je n'ai pas pu
23 comprendre cela comme étant un reproche. J'ai compris que l'on avait
24 souligné un principe du communisme où tout un chacun était traité sur un
25 pied d'égalité.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que le conflit entre le capitalisme
2 et le communisme ne fait pas l'objet de nos débats en cette audience.
3 M. NICE : [interprétation]
4 Q. Mon Général, vous nous avez dit hier, en page 12 de ce compte rendu
5 d'audience tel que je l'ai noté ici, et je pense que vous réaliserez, non,
6 non. Je vais revenir au tout début, au cas où quelqu'un, qui est en train
7 de suivre à présent le procès et qu'il ne l'aurait pas hier, je dis ce qui
8 suit.
9 Vous avez présenté une thèse claire disant que les Etats-Unis d'Amérique
10 avait un plan conçu d'avance ou prémédité pour détruire l'ex-Yougoslavie.
11 Est-ce que c'est exact ?
12 R. C'est exact.
13 Q. Vous nous avez dit hier, en page 12, que vous vous êtes fondé sur des
14 sources d'information variées ainsi que sur des analyses. Avez-vous obtenu
15 ces analyses dans leur ensemble de la part de vos subordonnés, ou est-ce
16 que vous avez, partant de matériel ou d'une documentation non traitée, vous
17 avez réalisé vos analyses vous-même ?
18 R. J'ai réalisé mes analyses moi-même en obtenant d'énormes quantités
19 d'information, et ces informations ont indiqué que depuis janvier 1998 --
20 Q. Nous en parlerons plus en détail un peu plus tard. Revenons à ce que
21 vous avez dit tout à l'heure. Vous avez réalisé vos analyses vous-même.
22 R. Oui. J'ai réalisé mes analyses en personne. Les analyses ont également
23 été faites par des départements plutôt étoffés en personnel au niveau du
24 ministère de la Défense, au niveau du ministère des Affaires étrangères, au
25 niveau de l'état-major et autres services spécialisés, ce qui fait que les
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1 conclusions faites ont été des conclusions communes à tous ces centres.
2 Q. Général, en substance, partant de ce que vous venez de dire, vous
3 devriez être à même de nous dire exactement, de quel type d'information non
4 traitée il s'est agi pour ce qui vous a servi à tirer vos conclusions,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Je suis disposé à vous l'expliquer.
7 Q. La question est tout à fait simple. Etes-vous à même de nous dire si
8 cette matière première sur laquelle vous vous êtes fondé est celle qui
9 vous a permis de tirer une conclusion concernant le plan des Etats-Unis
10 d'Amérique, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Je crois répondre par l'affirmative.
13 Q. Merci. Je crois comprendre que votre réponse est celle de dire qu'il y
14 a eu un niveau intermédiaire de collecte d'information de la part de ceux
15 qui ont réalisé des analyses pour vous. Je voudrais avoir une réponse pour
16 ce qui est de ce qui suit : s'agit-il d'analyses disponibles pour cette
17 Chambre ou est-ce que cela peut être fourni par la Russie ?
18 R. Oui, cela peut être fourni par la Russie.
19 Q. Pourquoi n'avez-vous pas amené cela avec vous ?
20 R. J'ai amené avec moi des éléments qui ne sont plus considérés comme
21 étant confidentiels. Je peux vous montrer des analyses où la
22 confidentialité a été levée, et qui émanent de l'état-major de la
23 Fédération russe. J'ai ces documents en main. Vous pouvez vous pencher
24 dessus.
25 Q. Parlons-en. Partant de votre réponse, il semble évident qu'il existe
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1 des rapports ou des analyses qui sont confidentiels. Avez-vous la
2 possibilité de nous les présenter ou pas ?
3 R. Je ne puis vous fournir que des informations qui se trouvent être non
4 confidentielles à présent, et je peux le faire si besoin est. Les éléments
5 qui sont encore sous le sceau du secret sont des choses dont je n'ai pas la
6 compétence de parler ici et qui plus est, les Etats-Unis ou l'OTAN n'ont
7 jamais présenté de tels documents eux-mêmes. Ce que je peux vous présenter
8 ce sont des opinions d'experts.
9 Q. En ce moment-ci, nous ne nous préoccupons pas de ce que fait
10 l'Amérique. Cette Chambre, étant donné qu'elle doit conduire un procès, et
11 étant donné qu'elle doit présenter des injonctions à comparaître ou des
12 injonctions à présenter des documents au niveau de certains états, doit se
13 fonder sur ce que vous avez dit. Vous êtes en train de nous dire que ce que
14 vous avez affirmé se fonde sur des informations confidentielles que vous ne
15 pouvez pas nous communiquer, n'est-ce pas ?
16 R. Je suis disposé à présenter une partie de ces documents et de ces
17 analyses émanant de l'état-major qui ne relèvent plus de l'obligation de
18 confidentialité, et je crois que cela sera suffisant. Maintenant, pour ce
19 qui est des documents qui sont encore considérés comme étant secrets, je
20 n'ai pas le droit de vous les présenter ici.
21 Q. Général, vous allez certainement comprendre qu'il n'est pas de votre
22 compétence de juger quels sont les documents suffisants pour cette Chambre.
23 Les personnes qui vous ont fourni des opinions sur lesquelles vous avez
24 fondé vos analyses, vous nous dites que cela est encore sous le sceau du
25 secret. J'aimerais que nous nous penchions sur cette documentation. Allons-
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1 nous le faire ?
2 R. Monsieur Nice, je suis en train de vous dire que c'est mon opinion. Je
3 ne pense pas être la personne susceptible de juger quels sont les documents
4 qui suffiront ou qui ne suffiront pas.
5 Q. Ecoutez, prenons un exemple, Général. Si en votre qualité de
6 responsable militaire, vous devez donner des conseils aux dirigeants
7 politiques de votre pays pour justifier une attaque à l'encontre d'un autre
8 pays, ne pensez-vous pas que ces hommes politiques ont le droit de voir la
9 documentation qui justifie votre décision, ou alors pensez-vous qu'il
10 serait approprié de le garder secret à leur égard ?
11 R. S'agissant de mes autorités à moi, je leur transmets des informations
12 qui me sont communiquées par différentes sources ainsi que des notes
13 concernant les rencontres que j'aie eues avec M. Robinson, M. Naumann, M.
14 Solana, un tel ou un tel autre. Partant de ces participations aux
15 négociations à différentes conférences, mes subordonnés et moi-même
16 procédions par la suite à des analyses de la documentation en présentant
17 des rapports à l'intention de nos autorités. Une fois que ces autorités
18 obtiennent nos rapports en provenance de sources différentes, et non
19 seulement de sources à moi, mais sources autres également, ces autorités
20 sont à même de tirer des conclusions et de former leur opinion et de
21 formuler des décisions. C'est un schéma classique de fonctionnement de
22 toute institution militaire.
23 Si vous me demandez d'être plus précis, je puis vous donner des exemples
24 concrets tirés de mes réunions avec le secrétaire général de l'OTAN ainsi
25 que des ministres de la Défense, les états membres de l'OTAN ainsi qu'avec
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1 les ministres adjoints des Etats-Unis, et cetera.
2 Q. Général, cette longue réponse n'est pas une réponse à la question
3 simple que je vous ai posée. Si vous devez donner des conseils à vos
4 responsables politiques pour ce qui est du déploiement de certaines
5 opérations, et s'ils vous demandent une documentation sous forme de matière
6 première, la montreriez-vous à vos responsables ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci.
9 R. J'ai montré de tels documents à mes supérieurs, mais ces documents ne
10 sont pas seulement des sources qui constituent matière à conclusions pour
11 ce qui est de prendre des décisions.
12 Q. Penchons-nous sur ces documentations que vous dites ne pas être
13 disponibles. Lorsque vous avez, par exemple, établi une opinion qui était
14 la vôtre, aviez-vous des conversations téléphoniques interceptées, par
15 exemple, entre le président Bush, Clinton ou quelqu'un d'autre ?
16 R. Monsieur Nice, ma première observation, c'est que je ne suis pas en
17 train de refuser de présenter des documents à ce Tribunal. J'ai dit
18 seulement que j'étais capable de présenter des documents qui ont été rendus
19 publics, considérés comme étant confidentiels.
20 Deuxièmement, je ne pense pas qu'il soit sujet à débat de dire ici si
21 nous avons mis sur écoute des conversations entre Bush, Clinton ou
22 quelqu'un d'autre. C'est un autre niveau de confidentialité. Je refuse de
23 répondre à votre question.
24 Q. Je ne vous ai pas posé cette question, mais vous supposez que si
25 je m'étais enquis -- attendez, écoutez-moi. Si je vous ai demandé de nous
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1 dire si l'armée a mis sur écoute son propre président, et cetera, mais ce
2 n'est pas du tout ce que je vous ai posé comme question.
3 Nous allons tirer nous-mêmes nos conclusions. Il ne vous appartient
4 pas de décider de ce qui est pertinent ou pas. Il relève des descriptions
5 des Juges de le faire. En tirant vos conclusions très lourdes, Général
6 Ivasov, avez-vous disposé de conversations interceptées ou d'écoutes
7 téléphoniques de conversations des leaders occidentaux, oui ou non ?
8 R. Ce que je puis vous affirmer, c'est une chose, à savoir que les
9 téléphones de Hashim Thaci ont été mis sur écoute par les services serbes,
10 et la partie russe y a pris part. Il s'agissait de conversations
11 téléphoniques qui se rapportaient au chef d'une organisation terroriste.
12 Cela a été tout à fait légal. Ce que je puis vous confirmer, c'est que Mme
13 Albright y a pris part également.
14 Q. A pris part à quoi ?
15 R. Elle a pris part -- en fait, je peux vous donner deux exemples. En
16 septembre 1998, lorsque Mme Albright a conseillé à Hashim Thaci de tomber
17 d'accord avec l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosovo, en contrepartie,
18 elle a dit qu'elle garantirait la tenue d'un référendum pour l'indépendance
19 du Kosovo.
20 En date du 25 avril 1999, le jour d'après le début de cette campagne de
21 frappe aérienne sur la Yougoslavie, Mme Albright a demandé à ce que l'UCK
22 organise un soulèvement. En réponse à cela, à Rambouillet, M. Hashim Thaci
23 a fait une déclaration. Je peux vous citer ce qu'il a dit.
24 Q. Allez-y.
25 R. Je tiens à souligner les déclarations de Madeleine Albright. Dans le
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1 communiqué de presse présentée par Hashim Thaci, il a dit : "Je souhaite
2 particulièrement souligner les efforts infatigablement déployés par le
3 secrétaire d'état américain, Mme Albright," et cetera, et cetera, et il dit
4 : "Le Kosovo convie à venir les forces de l'OTAN, et s'attend à ce qu'elles
5 soient déployées très prochainement."
6 Il s'agit d'une corrélation d'un lien établi entre les terroristes et les
7 représentants officiels d'un --
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, Général, quel est le
9 document à partir duquel vous nous avez donné lecture de ce que vous venez
10 de lire ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces documents sont des documents qui émanent
12 des services de l'armée yougoslave. D'ailleurs, ce ne sont pas des
13 documents, mais des écoutes téléphoniques de Hashim Thaci, le chef des
14 terroristes.
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Est-ce que vous pourriez les soumettre à la Chambre ?
17 R. Je pense que ceci relève des affaires intérieures du gouvernement
18 actuel au Serbie-Monténégro. Je ne peux m'exprimer en leur nom ou le faire
19 en leur nom.
20 Q. Général, si vous lisez des passages d'un document devant la Chambre, il
21 faut que vous fournissiez ce document à la Chambre, car les Juges doivent
22 pouvoir disposer de ce document.
23 R. Je suis en train de répondre à votre question, Monsieur Nice.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que le témoin ait
25 dit qu'il n'allait pas mettre ce document à la disposition de la Chambre.
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1 Veuillez le remettre à M. l'Huissier. Bien sûr, on peut en lire des
2 passages.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais dire que je n'ai aucun pouvoir pour
4 remettre ce document à la Chambre car je n'ai pas mandat pour le faire. Je
5 n'ai reçu aucun mandat de mon gouvernement ou du gouvernement de Serbie-
6 Monténégro à cette fin.
7 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous vous rendrez compte, Monsieur
9 Milosevic, dans ces conditions, que l'élément de preuve est pratiquement
10 dépourvu de toute valeur. En effet, si le document dont des extraits
11 viennent d'être lus ne peut être remis à la Chambre pour les raisons qui
12 viennent d'être évoquées par le témoin, c'est un élément de preuve dépourvu
13 de toute valeur car il est impossible d'en vérifier la nature.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me vois contraint de protester de la façon
15 la plus ferme qu'il soit. M. Nice a malmené ce témoin, un témoin qui est un
16 homme très réputé --
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps. Il n'y a rien en
18 tout cela qui constitue un acte de harcèlement du témoin. M. Nice est tout
19 à fait en droit de poser une question toute simple au témoin. Vous auriez
20 dû organiser votre interrogatoire de ce témoin de façon à ce que ce dernier
21 puisse étayer ses propos devant la Chambre en remettant aux Juges de la
22 Chambre les documents dans lesquels ses propos sont consignés. Cet élément
23 de preuve est totalement dépourvu de sens s'il ne peut être vérifié,
24 autrement dit, si le témoin est incapable de fournir le document dont il a
25 tiré les extraits qu'il vient de lire aux Juges de la Chambre.
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1 Je consulte mes collègues.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, peut-être
4 souhaiterez-vous vérifier pendant la pause si le général est en mesure de
5 recevoir le mandat nécessaire pour remettre ce document à la Chambre. Tant
6 que cela n'est pas fait, je parle en mon nom personnel, je n'attacherai
7 aucun poids à l'élément de preuve qui vient d'être fourni car la Chambre
8 n'est pas en mesure de lire le document. Nous ne savons pas si le témoin a
9 lu exactement les mots contenus dans le document ou ailleurs.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai déjà demandé, Monsieur Robinson, si
11 vous doutiez de la véracité des propos de cet homme qui jouit d'une
12 réputation extraordinaire chez lui mais également dans les pays
13 occidentaux. Je parle du général Ivasov, un homme qui a rempli des
14 fonctions --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps, je vous
16 interromps. Nous déterminerons le poids à accorder à cet élément de preuve.
17 Ce n'est pas à vous de me poser ce genre de questions. Je vous ai déjà dit
18 qu'en mon nom personnel, je considère cet élément de preuve comme dépourvu
19 de toute valeur si le Procureur et les Juges de la Chambre ne sont pas en
20 mesure de lire le passage que le témoin vient de citer. Si vous souhaitez
21 que j'accorde la moindre valeur à cet élément de preuve, vous devez obtenir
22 de la Russie les autorisations nécessaires pour que le général puisse
23 remettre ce document à la Chambre de façon à ce que les Juges puissent le
24 lire, ou plutôt les obtenir de Serbie d'ailleurs.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mon Général, veuillez procéder. Est-ce
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1 que ce document dont vous avez lu un extrait il y a quelques instants est
2 une écoute téléphonique ou un rapport original ou une synthèse établie par
3 vous-même ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] La déclaration de Hashim Thaci que je viens de
5 lire a été publiée dans la presse. Les deux extraits, les deux passages que
6 j'avais lus précédemment étaient des écoutes téléphoniques du haut service
7 secret.
8 A l'issu de la présente audience, je peux remettre aux Juges de la Chambre
9 le document que je tiens en main et que je vous montre, qui est un document
10 du quartier général de l'armée. Je souligne qu'il contient des documents et
11 des monographies du quartier général, qui reposent sur un grand nombre de
12 documents pour lesquels le secret a été levé et qui porte sur la crise du
13 Kosovo.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'exprime ici mon point de vue
15 personnel. En tout cas, je n'autoriserai pas le témoin à lire un extrait
16 d'un document qui ne peut être transmis à la Chambre de première instance.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
18 tiendrai de cela. Il y a certains renseignements que j'ai reçus au cours
19 des entretiens que j'ai pu avoir avec des hauts responsables de divers
20 pays. Je vous demande dans ces conditions comment ces renseignements
21 doivent être traités. Par exemple, les informations que j'ai pu recueillir
22 au cours de mes entretiens avec les ministres de la Défense adjoints
23 Slocum et Warner que j'ai été les premiers à les rencontrer au début de
24 1998 déjà, et qui m'ont parlé de la voie dans laquelle la Yougoslavie était
25 engagée et du fait qu'on voulait la contraindre --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les questions que vous venez
2 d'évoquer ont un lien direct avec la façon dont l'accusé gère ses
3 interrogatoires. Il ne gère pas bien sa défense, car vous parlez de
4 demandes de versement au dossier d'allégations qui requiert pour être
5 étayé, la présentation d'un certain nombre de documents. Or, vous n'avez
6 pas ces documents. Dans ces conditions, la Chambre, à mon avis, ne pourra
7 accorder la moindre valeur à ces éléments de preuve.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic --
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'aimerais revenir
11 sur ce qui est, à mon avis, est un malentendu fondamental quant au rôle que
12 vous jouez dans la présente affaire. Je ne prononcerai jamais un jugement
13 définitif sur la crédibilité ou la fiabilité d'un témoin dans la présente
14 affaire, tant que je ne disposerai pas de tous les éléments de preuve. Par
15 conséquent, il est très important que vous expliquiez aux témoins que vous
16 citez à la barre, qu'il convient de faire tout ce qu'il est possible de
17 faire pour renforcer leur crédibilité et leur fiabilité. C'est le premier
18 point.
19 Le deuxième point, c'est un point d'éclaircissement. J'aimerais poser une
20 question générale. C'est peut-être un problème de traduction ou
21 d'interprétation qui se pose ici.
22 Vous avez expliqué, mon Général, que les autorités serbes avaient placé sur
23 écoute les téléphones de M. Thaci avec l'aide de la Russie, et vous avez
24 dit que Mme Albright avait également participé à cela. Est-ce que vous
25 vouliez dire que suite à cela, ses conversations à elle ont également été
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1 interceptées, ou est-ce que vous vouliez dire que les Etats-Unis avaient
2 participé à cette action ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je disais simplement pour le compte rendu
4 d'audience que Mme Albright avait parlé à M. Hashim Thaci.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais préciser ce que j'ai
6 déjà dit précédemment.
7 Monsieur Milosevic, en tant qu'accusé, vous n'avez aucunement la charge de
8 la preuve. Vous pouvez rester ici assis, garder le silence du début à la
9 fin, ne pas prononcer un mot. Sur le plan juridique, la charge de la preuve
10 repose sur l'Accusation. C'est à elle qu'il appartient et qu'il revient de
11 prouver les allégations contenues dans l'acte d'accusation. Dans la mesure
12 où vous citez des témoins à la barre, et si vous souhaitez, non, ne
13 m'interrompez pas, je suis en train de parler. Si vous souhaitez que la
14 Chambre tienne compte de ces éléments de preuve, vous devez agir de façon à
15 ce que les éléments de preuve en question soient le plus crédible possible,
16 car dans le cas contraire, la Chambre ne sera pas en mesure d'accorder le
17 moindre poids à ces éléments de preuve. C'est la situation dans laquelle
18 nous nous trouvons en ce moment.
19 Monsieur Nice, veuillez poursuivre.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, une remarque simplement, je
21 vous prie. Il ne me serait jamais venu à l'esprit de penser que vous
22 pourriez remettre en cause la crédibilité du général Ivasov. C'est le
23 premier point.
24 Deuxième point, sur la base de quoi pensez-vous que l'intégralité des
25 documents contenue dans le livre que le témoin vous a montré, dont il vous
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1 a dit que le sceau du secret d'état avait été levé de ces documents, que
2 ces documents avaient été publiés. De quelle hypothèse partez-vous pour
3 penser qu'un tel ouvrage ne contient rien intéressant à vos yeux ? Le
4 général Ivasov vous a dit que ces documents étaient d'anciens documents
5 classés "top secret", sous le sceau du secret d'état, que ce sceau du
6 secret d'état avait été levé. Alors, examinez ces documents et vous verrez.
7 De façon générale, les procès-verbaux et les éléments de preuve relatifs à
8 des entretiens avec des hauts responsables de l'OTAN, concernent
9 directement l'attaque sur la Yougoslavie, donc sont importants dans la
10 présente affaire. Je ne vois pas comment on peut remettre en cause
11 l'intérêt des entretiens qui ont eu lieu dans ces conditions puisque c'est
12 en raison de --
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous parlons maintenant d'un
14 document particulier dont le témoin vient de citer un extrait et qu'il
15 n'est pas en mesure de remettre à la Chambre. Ceci est tout à fait nouveau
16 pour moi.
17 Monsieur Nice, veuillez poursuivre.
18 M. NICE : [interprétation] Oui. Avant de vous poser ma question suivante,
19 j'aimerais synthétiser un peu ce qui vient d'être dit. Le document que
20 l'accusé vient d'évoquer qui, je crois, est le livre à couverture rouge que
21 le témoin vient de nous montrer, n'a pas été communiqué à l'avance. Donc,
22 il n'a pas été utilisé de façon substantielle au cours de l'interrogatoire
23 principal. Il ne serait pas réaliste ou admissible de demander au témoin, à
24 la fin de sa déposition, de nous soumettre une analyse qui peut être
25 favorable à l'accusé.
Page 33779
1 Sur le plan de la procédure, l'accusé doit comprendre, et je suis sûr,
2 enfin, je pense que la Chambre s'entretiendra avec lui, que s'il souhaite
3 s'appuyer sur un document, il doit être prêt à le faire à l'avance, il doit
4 l'avoir communiqué à l'avance. Et s'il s'agit d'un document qui porte sur
5 le fond, il doit s'être préparé à l'utiliser dans son interrogatoire. Ce
6 que je souhaite le plus ardemment, c'est que la Chambre ne perde pas son
7 temps avec des reports de témoignage. Mais si l'accusé souhaite que nous
8 examinions cet ouvrage, et bien, sur le temps qui lui a été imparti, il
9 faudra qu'il propose de nouveaux aménagements de façon à ce que le livre
10 soit traduit, que l'on reprenne l'interrogatoire principal et que le témoin
11 puisse répondre d'un certain nombre de passages de cet ouvrage. Je ne
12 demande pas que cela se passe ainsi. J'espère que cela ne sera pas le cas,
13 mais c'est ce qu'il conviendra de faire si l'accusé le souhaite.
14 Deuxièmement, le général, pour l'instant, a refusé de répondre aux
15 questions au sujet des écoutes téléphoniques, de façon générale. Il a
16 simplement fait un choix, une sélection qu'il avait préparée avec grand
17 soin manifestement avec l'accusé. Il a refusé de remettre le morceau de
18 papier sur lequel ce choix était consigné, aux Juges de la Chambre. Je
19 continuerai à lui poser des questions, mais selon ses réponses, il peut
20 arriver à un moment où sa déposition sera laissée de côté tout simplement.
21 La déclaration solennelle prononcée par le témoin au sujet du fait qu'il
22 allait dire la vérité, toute la vérité et seulement la vérité, l'oblige à
23 ne pas se montrer sélectif. S'il devient sélectif, la question de son
24 attitude devant la Chambre sera discutable, à mon avis.
25 Q. Général --
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère qu'il est clair à vos yeux que la
4 déposition du général Ivasov au sujet du fait que l'administration Clinton
5 avait planifié l'agression sur la Yougoslavie ne se fonde pas sur un petit
6 détail mentionné au passage, à savoir, cette écoute téléphonique d'une
7 conversation entre Hashim Thaci et Mme Albright. Il y a de nombreux autres
8 faits sur lesquels se fonde cette affirmation, entre autres choses les
9 conversations qu'il a eu personnellement avec des hauts responsables de
10 l'OTAN. Même si vous décidez de totalement laisser de côté cette écoute
11 téléphonique, vous ne pourrez pas ne pas tenir compte de sa déposition et
12 des questions qu'il a évoqué dans cette déposition, en particulier les
13 entretiens au plus haut niveau qu'il a eu dans le cadre de la coopération
14 entre la Russie et l'OTAN. Ceci est un fait indiscutable.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.
16 Monsieur Nice, veuillez poursuivre.
17 M. NICE : [interprétation]
18 Q. Mon Général, vous nous avez dit que vous n'alliez pas répondre aux
19 questions au sujet des écoutes téléphoniques impliquant des dirigeants
20 occidentaux ou des dirigeants politiques de votre pays. Nous nous rappelons
21 que vous en avez parlé également. Vous avez ensuite sélectionné une écoute
22 téléphonique que vous avez soigneusement choisie parce qu'elle était liée à
23 Mme Albright. Revenons à la question originale. Est-ce que vous allez
24 modifier votre réponse --
25 R. J'ai une chose à dire. Nous avions des écoutes téléphoniques d'Hashim
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1 Thaci, qui était un terroriste. Nous n'interceptions pas les conversations
2 de Mme Albright. C'est tout à fait fondamental.
3 Q. Ma question consistait à vous demander si vous pouviez nous dire oui ou
4 non, parce qu'à ce stade, au niveau de la méthodologie --
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice est en train d'insinuer que le général
8 Ivasov aurait déclaré que nous interceptions les conversations des
9 militaires -- ou plutôt, des dirigeants politiques de son pays alors que le
10 général Ivasov n'a jamais dit quoi que ce soit de ce genre.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que le général Ivasov a dit
12 clairement qui était sur écoute.
13 Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.
14 M. NICE : [interprétation]
15 Q. Est-ce que vous êtes désormais prêt à nous dire oui ou non, si les
16 documents dont vous disposez incluent des écoutes téléphoniques de
17 conversations entre des dirigeants occidentaux ? Oui ou non, mon Général ?
18 R. Les renseignements au sujet d'écoutes téléphoniques entre dirigeants
19 occidentaux ne sont pas à ma disposition. Je n'en dispose pas, et je n'ai
20 pas de commentaire à faire à ce sujet. Cela ne rentre pas dans mon champ de
21 compétence.
22 Q. A mon avis, ceci n'est pas une réponse à la question posée. Je vais
23 passer à autre chose.
24 Vous nous avez parlé d'autres entretiens que vous avez eus avec des
25 représentants politiques. Vous nous avez dit que votre opinion se fondait
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1 également sur ces entretiens. Pourrions-nous, peut-être, disposer des notes
2 ou des enregistrements de ces entretiens, de ces conversations, je vous
3 prie ?
4 R. Il existe effectivement des notes de travail, des notes officielles qui
5 figurent dans les rapports que j'ai adressés au ministre de la Défense au
6 sujet des résultats des rencontres que j'ai pu avoir. Tout cela se trouve
7 au ministère de la Défense, donc relève de l'autorité du ministère de la
8 Défense. Je cite des noms précis, je cite des dates, et je vous dis quel
9 était le sujet de ces entretiens.
10 Q. Ce que nous souhaitons savoir, ou plutôt, ce que les Juges souhaitent
11 savoir, c'est de quelle façon vous vous êtes formé l'idée qu'il existait un
12 plan préalable dont le but était la destruction de l'ex-Yougoslavie. Dites-
13 nous, je vous prie, sur quoi vous vous fondez pour affirmer cela.
14 R. Premièrement, en 1993, un concept stratégique des Etats-Unis et de la
15 doctrine militaire nationale a été adopté. Je l'ai évoqué hier. C'était
16 quelque chose qui était tout à fait comparable à un statut militaire; je
17 veux donc dire à une constitution militaire dans un état. Je ne vais pas
18 citer de passages de ce texte, mais il y est dit que la totalité du
19 territoire de la planète est une zone d'intérêt vital pour les Etats-Unis,
20 et par ailleurs, que les Etats-Unis défendrons leurs intérêts en recourant
21 à la force militaire.
22 Deuxièmement, en 1997, les Balkans ont été proclamés zone d'intérêt vital
23 pour les Américains. Troisièmement, dès le mois de janvier 1998, le ton des
24 conversations, le ton avait changé dans toutes les négociations. J'ai
25 rencontré M. Slocum, M. Warner, je pourrais vous donner d'autres noms. Si
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1 nous regardons d'un peu plus près la façon dont se déroulaient les
2 conversations en question, et bien, en 1997, il s'agissait de conversations
3 de nature générale, alors qu'à partir de 1998, deux points sont devenus
4 tout à fait clairs, à savoir qu'il existait deux possibilités. La première
5 : Milosevic accepte l'ultimatum, nous allons dans un sens déterminer. La
6 deuxième, il refuse l'ultimatum. Dans ce cas-là, l'opération militaire
7 devient inévitable.
8 En parallèle, nous avons observé une militarisation active, une
9 élévation du niveau d'aptitude au combat au sein des forces armées, et à
10 regarder ce qui se passait au niveau du complexe militaire. Nous nous
11 sommes rendus compte que les préparatifs d'une guerre étaient en cours. Par
12 ailleurs, outre ce que je viens de dire, nous recevions également des
13 renseignements de diverses sources, qui corroboraient ces conclusions.
14 Ce plan, cette doctrine, envisageait un certain nombre de méthodes
15 pour mener des opérations psychologiques au nombre desquelles on peut citer
16 l'usage de la guerre psychologique dans la guerre militaire. Tout cela
17 ressort de la façon la plus claire qu'il soit des documents militaires
18 adoptés par les Etats-Unis et par l'OTAN.
19 Je rappellerais également le grand nombre de conférences
20 internationales qui se déroulaient à l'époque pour discuter d'un grand
21 nombre d'autres aspects de la question. Je n'exclus pas non plus le rôle
22 tout à fait conséquent joué par les renseignements opérationnels. J'appelle
23 votre attention sur la 35e conférence de Munich, qui s'est tenue en janvier
24 --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela suffira peut-être, Monsieur
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1 Nice.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Mon général, je vous ai demandé de nous dire ce que pouviez nous dire
4 au maximum dans le cadre de votre déposition. Je pense que vous venez de le
5 faire. Ce concept stratégique de 1993 élaboré par les Etats-Unis, ce
6 document militaire national, vous pouvez très certainement nous le remettre
7 si nous souhaitons l'obtenir, ou en tout cas, nous dire où nous pouvons le
8 décharger sur Internet.
9 R. Bien sûr, il est disponible sur Internet. Je ne peux pas vous dire par
10 cœur le nom du site, mais le monde entier peut lire ce document qui est
11 tout à fait public.
12 Q. Devons-nous considérer que si nous lisons ce document avec, disons, un
13 esprit, d'une intelligence moyenne, nous y verrons un plan destiné à
14 détruire l'ex-Yougoslavie ? Est-ce cela que nous découvririons dans ce
15 document ? C'est tout ce que je voudrais savoir.
16 R. Si vous considérez ces documents comme étant un manuel destiné à
17 engager une action, et si vous observez ce qui se déroulait au Kosovo à
18 l'époque, vous conclurez, je pense, que tout s'est passé exactement de la
19 façon décrite dans ces documents.
20 Q. Parce que j'aurais du vous poser une autre question au préalable. Je
21 vous ai interrogé au sujet des écoutes téléphoniques, mais il y a une autre
22 question que je souhaitais vous poser. Est-ce que votre avis, votre opinion
23 s'appuie d'une façon ou d'une autre sur des communications écrites entre
24 dirigeants occidentaux que vous avez pua voir sous les yeux ? Oui ou non ?
25 Si oui, dites-nous ce que sont ces communications.
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1 R. Pourriez-vous être plus précis ? De quels dirigeants parlez-vous quand
2 vous parlez de correspondance ou de communication, entre qui et qui ?
3 Q. C'est votre théorie. Vous êtes parvenu entremêler les actes des pays de
4 l'OTAN et de tout le monde occidental, si je ne m'abuse aux actes de
5 l'Amérique mais concentrons-nous sur l'Amérique, sur les Etats-Unis. Est-ce
6 que vous avez, à quelque moment que ce soit, eu entre les mains une
7 correspondance destinée aux dirigeants américains et démontrant qu'il
8 existait très tôt ce plan de destruction de l'ex-Yougoslavie ?
9 R. Non. Non. Même si j'avais eu entre les mains une telle chose, je ne
10 pourrais pas vous en parler ici, car il s'agirait d'un secret d'état.
11 Q. Encore une fois, je vois. Vous ne pourriez confier ce document aux
12 Juges.
13 R. Je n'ai tout simplement pas le droit de le faire. Si je le faisais, je
14 serais passible de poursuite au pénal dans mon pays ou même aux Etats-Unis.
15 Q. Quelquefois il est un peu difficile de poser une question de ce genre
16 car même si l'on pose une question de façon négative, elle peut être
17 interprétée comme un acte malveillant. Pourriez-vous, dans ce cas, dire aux
18 Juges qu'il n'existe pas de tels documents, après quoi, nous passerions à
19 autre chose ? Donc, qu'il n'existe pas de tels documents, qu'il n'existe
20 pas le moindre document susceptible d'appuyer votre théorie; c'est bien
21 cela ?
22 R. Monsieur Nice, je vais vous citer un extrait d'un document public.
23 C'est un rapport émanant du chef des états-majors conjoints qui s'expriment
24 au sujet de la doctrine militaire mise en œuvre à partir de 1993.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question posée consistait à vous
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1 demander si c'était un document que vous pouviez remettre à la Chambre, --
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non pas aujourd'hui. Je ne peux pas le
3 faire aujourd'hui, c'est tout à fait simple. C'est un document public
4 ouvert à tous. Puisque quelqu'un ici essaie de me piéger et de dire que je
5 dis des contre-vérités, est-ce que vous m'autorisez à citer un passage de
6 ce document ?
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais, mon Général, vous venez de
9 dire que c'était un document public. S'il est public, pourquoi est-ce que
10 vous ne pouvez pas le remettre à la Chambre ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas physiquement sur moi mais on
12 peut le décharger sur Internet. Je peux citer une phrase prononcée par M.
13 Kissinger, qui a été publiée dans le magazine Newsweek. Tout simplement, je
14 n'ai pas ce numéro de Newsweek sur moi.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous lirez ce passage dans quel
16 document ? Je croyais que vous aviez un document, et que vous pouviez en
17 lire un extrait.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je me suis préparé à la présente
19 audition, j'ai noté par écrit un certain nombre d'extraits, de passages,
20 parce que c'est la première fois, voyez-vous que je participe à une
21 audience devant un Tribunal. Je pensais qu'une citation, une référence
22 serait suffisante. J'ai un certain nombre d'ordres, j'ai des dates liées à
23 la Yougoslavie, liées à des ordres qui ont été émis à l'intention du Corps
24 de Pristina. J'ai tous ces extraits ici annotés par moi, mais je ne dispose
25 pas des ordres en tant que tels. Je peux vous référer à ces ordres, mais je
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1 ne dispose pas de ces documents aujourd'hui. Tous ces documents étaient
2 secrets.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, en préparant
4 l'audition de ce témoin, vous-même ou vos associés auraient dû être plus
5 clairs avec lui quant aux documents dont la Chambre pourrait avoir besoin.
6 Par conséquent, ils auraient dû être prêts et disponibles. Cette remarque
7 porte sur votre façon de gérer votre défense.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai aucune nécessité à
9 préparer les interrogatoires de l'Accusation menés par M. Nice.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je parlais de vous, je ne parlais
11 pas du contre-interrogatoire. Je parlais de votre préparation de votre
12 défense. C'est votre préparation de votre défense qui est en cause ici, et
13 c'est en raison de cela que la Chambre est en train de perdre pas mal de
14 temps.
15 Monsieur Nice.
16 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui me concerne, si le témoin lit un
17 passage qu'il a mis par écrit et qui émane d'un document public, et pour
18 peu que l'accusé assume la responsabilité de produire ce document par la
19 suite, je ne vois pas d'objection à ce que le témoin s'exprime.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Allez-y mon Général. Entendons
21 ce que vous avez noté.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit, il y a quelques instants, ce
23 que j'ai dit au sujet de la doctrine militaire. Les Etats-Unis portent la
24 responsabilité de tout ce qui passe dans le monde. La question dans ce cas
25 se pose à mon esprit : Pourquoi les Etats-Unis ? Pourquoi pas les Nations
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1 Unies ? Pourquoi pas une organisation internationale ? Les Etats-Unis
2 portent la responsabilité de tout ce qui se passe dans le monde, dans
3 toutes les régions du monde ayant besoin d'être défendues par recours à la
4 force militaire, et cetera, et cetera.
5 Donc les Etats-Unis ont établi des objectifs en 1997, en proclamant les
6 Balkans, zone d'intérêt vitale pour eux, et en prenant à cet égard des
7 décisions précises. Je peux vous citer un passage d'un document relatif à
8 Rambouillet. Henry Kissinger, cet extrait est tiré du magazine Newsweek
9 1999. Henry Kissinger déclare, je cite : "Nouveau désordre mondial. La
10 première décision a consisté à envoyer 30 000 soldats en Yougoslavie, pays
11 qui n'était pas en guerre avec l'OTAN. La deuxième décision envisageait de
12 se servir du rejet par les Serbes de l'ultimatum, rejet prévisible comme
13 prétexte pour lancer des bombardements. Par ailleurs, en dépit du fait que
14 beaucoup le pensent, il n'y a pas eu de négociations à Rambouillet." C'est
15 ce qu'a dit Henry Kissinger dans le magazine Newsweek.
16 Il parle également de la charte des Nations Unies et des procédures
17 internationales.
18 Est-ce que cela suffit parce que je peux continuer ma citation ? Je peux
19 vous citer des passages de certains ordres.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. Je vous demande de nous fournir votre meilleur moyen de preuve. Vus
22 nous avez parlé de quelque chose qui a été dit en 1997, et vous indiquez
23 que les Etats-Unis portent la responsabilité globale de tout ce qui se
24 passe dans le monde. Puis, ensuite, nous revenons à ce concept stratégique
25 de 1993 et à cette doctrine militaire nationale. Je voulais vous poser une
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1 question à ce sujet.
2 Hier, vous nous avez dit que le document relatif à la campagne
3 psychologique pertinente était le document FM33-5; c'est exact ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous pourriez peut-être nous indiquer l'année de publication de ce
6 document ?
7 R. Ce document a été publié un peu plus tôt. J'essaierai de retrouver
8 cette information.
9 Q. Est-ce qu'il s'agit peut-être de l'année 1962 ?
10 R. C'est un document officiel de l'armée américaine --
11 Q. Général Ivasov.
12 R. -- c'est un document qui est mis à jour tous les ans.
13 Q. Néanmoins, vous nous avez parlé de la version de 1962. Il se peut que
14 cela indique que les Etats-Unis avaient déjà conçu ce plan de destruction
15 de l'ancienne Yougoslavie depuis quelques trois à quatre décennies mais je
16 voudrais le savoir.
17 La doctrine de 1962, le concept stratégique de 1993, la proclamation
18 de 1997 dont vous nous avez parlé et l'entretien de Newsweek avec M.
19 Kissinger alors il s'agit de vos meilleurs moyens de preuve. J'aimerais
20 savoir si vous souhaiteriez nous fournir d'autres preuves de ce plan de
21 destruction de l'ancienne Yougoslavie ?
22 R. Monsieur Nice --
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais vous dire que ce que fait M. Nice
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1 n'est absolument pas permissible quel que soit d'ailleurs le témoin car il
2 s'agit de faire quelque chose qui est en dessous de la dignité humaine.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps. Ce qui fait tout
4 à fait conforme. Il est en train de mettre à l'épreuve des moyens de preuve
5 qui sont fournis lors d'un interrogatoire principal, et il a toute latitude
6 pour ce faire. Il s'agit d'une procédure tout à fait régulière au sein de
7 ce Tribunal.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Voyez-vous, mon Général, j'aimerais pouvoir bénéficier de votre aide à
11 propos de questions relatives à cette affaire. Avez-vous des éléments de
12 preuve montrant que les Américains oeuvraient de concert avec M. Kucan ?
13 Oui, Kucan. Car l'accusé a accusé M. Kucan d'être responsable de
14 l'évolution des éléments qui a abouti à la désintégration de l'ancienne
15 Yougoslavie, et je me demande si vous auriez des informations indiquant
16 qu'il a fait sous la houlette des Américains.
17 R. Monsieur Nice, j'aimerais répondre à votre première question qui
18 portait sur le document FM33-5. Tous les documents de l'armée, tous les
19 documents militaires sont des documents à long terme en règle générale.
20 Toutefois, il faut savoir qu'ils sont amendés, bon an, mal an, ce qui
21 signifie que la base n'est pas modifiée mais que chaque année, ou une fois
22 tous les deux ans, des amendements sont apportés à ces documents. Cela est
23 une tradition pour toutes les armées.
24 Pour ce qui est de votre autre question, je n'en sais rien.
25 Q. Vous pourriez peut-être nous aider parce qu'il y a eu quand même une
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1 progression dans la désintégration de l'ancienne Yougoslavie. Est-ce que
2 vous disposez d'éléments de preuve qui vont nous prouver que les Etats-Unis
3 d'Amérique oeuvraient de concert avec le président de la Croatie, ce qui
4 fait qu'ils oeuvraient de concert, et que cela a abouti à sa séparation de
5 l'ancienne Yougoslavie ?
6 R. Monsieur Nice, je vous fournis des moyens de preuve à propos de
7 questions que je sais. Hier, j'avais dit que je présenterais ma déposition
8 à propos de la tragédie du Kosovo. Si vous avez des questions à me poser à
9 propos du Kosovo, j'y répondrai.
10 Le chef de l'organisation terroriste, par exemple, Thaci et Ceku n'ont, non
11 seulement pas été arrêtés, mais en plus, ils ont été invités à toutes les
12 conférences internationales, et ils étaient partie prenante à la
13 négociation. En général, la règle veut que les terroristes ne soient pas
14 invités aux négociations internationales.
15 Q. Une question très précise vous a été posée, mon Général. Une question à
16 propos du rôle des Nations Unies, du plan des Etats-Unis visant la
17 destruction de l'ancienne Yougoslavie. Je suis en train de vous demander de
18 nous fournir vos moyens de preuve. Il se peut que vous souhaitiez retirer
19 ce moyen de preuve. Si vous pouvez, nous pouvons poursuivre. Maintenez-vous
20 toujours que les Etats-Unis disposaient d'un plan qui remontait au début
21 des années 1990 ou à la mi-1990, et qui visait la destruction de l'ancienne
22 Yougoslavie. Est-ce que vous continuez à maintenir cela ?
23 R. Je n'ai pas dit dans ce prétoire que les Etats-Unis avaient, au milieu
24 des années 1990, un plan de destruction de l'entière Yougoslavie. Ce que
25 j'ai dit c'est qu'il y avait un plan relatif à la désintégration de la
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1 République fédérale de la Yougoslavie, ou démantèlement de la République
2 fédérale de Yougoslavie et mes éléments de preuve portent sur le Kosovo. Je
3 peux le confirmer. J'ai des convictions et j'ai des preuves pour corroborer
4 ce que j'avance. Je viens de citer les propos tenus par un homme d'état
5 américain important, à savoir Henry Kissinger.
6 Q. Une petite question de détail. J'ai remarqué hier que l'accusé avait
7 indiqué, lors d'un échange de point de vue avec la Chambre de première
8 instance, que c'était parce que vous connaissiez ces renseignements et que
9 vous disposiez de ces renseignements que vous n'avez pas eu le droit de
10 quitter la Russie pendant une certaine période de temps. Cela se trouve à
11 la page 18. Est-ce que l'accusé l'a dit à juste titre que du fait de ces
12 informations, vous n'avez pas eu le droit de quitter la Russie ?
13 R. Oui, Monsieur Nice. Conformément à la législation russe, toute personne
14 qui détient des renseignements extrêmement confidentiels, des
15 renseignements top secret n'a pas le droit de se déplacer à l'étranger
16 pendant une période de cinq ans. J'ai cessé mon travail en juin 2001, et ce
17 n'est qu'en août, je parle, bien entendu, de ce procès, ce n'est qu'en août
18 que l'on m'a délivré un passeport me permettant de voyager à l'étranger.
19 Depuis le mois de juin 2001, je ne me suis pas rendu à l'étranger.
20 Q. Ces renseignements extrêmement névralgiques et sensibles qui ont fait
21 que vous avez dû rester en Russie, est-ce qu'il s'agissait de
22 renseignements particulièrement sensibles dans le cadre de cette affaire ou
23 est-ce qu'il s'agissait de renseignements sensibles généraux ?
24 R. Je ne me suis pas seulement occupé du Kosovo. Je me suis rendu dans 57
25 pays. J'ai participé à des négociations, j'ai eu des réunions avec des
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1 présidents, avec des ministres de la Défense, avec des ministres des
2 Affaires étrangères. Je détenais un grand nombre de renseignements. De
3 surcroît, j'avais accès à des renseignements extrêmement secrets qui
4 avaient été compilés par nos services du renseignement.
5 De surcroît, j'ai participé à des réunions, à des consultations avec des
6 présidents, avec des responsables gouvernementaux, avec différents
7 responsables du ministère de la Défense, et cette information est
8 considérée comme top secret. C'est une règle d'ailleurs qui est valable
9 pour tous les pays. Il y a des règles très, très strictes indiquant qui a
10 la possibilité de rendre publiques ces informations. C'est une règle qui
11 s'applique d'ailleurs à tous les pays démocratiques.
12 Q. J'aimerais maintenant que nous abordions un autre thème car hier, il y
13 a quelque chose qui n'a pas été tout à fait clair. A quelle date exactement
14 avez-vous commencé à vous occuper de l'ancienne Yougoslavie ?
15 R. C'est en octobre 1996 que j'ai commencé à le faire. Il faut savoir
16 qu'il y avait de nombreux éléments qui étaient nouveaux pour moi. Je ne me
17 suis pas entièrement concentré sur le conflit en Bosnie et sur les accords
18 de Dayton. Je peux vous dire d'ailleurs que mes subordonnés étaient des
19 représentants à l'OTAN. Il y avait, par exemple, le général de réserve
20 Zavarski [phon], et même nos généraux faisaient office d'adjoints du
21 commandant Suprême des forces de l'OTAN en Europe; le général Clark. Mon
22 subordonné était l'adjoint de M. Clark qui s'occupait de l'accord de
23 Dayton. Nous avions reçu des informations suivant lesquelles en janvier
24 1998, il y avait des flèches sur la carte qui se trouvait sur la table du
25 général Clark et ces flèches convergeaient vers le Kosovo. Il s'agit d'une
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1 information également.
2 Q. J'aimerais en fait vous demander d'essayer de traiter la question de
3 façon chronologique. Vous, vous n'avez pas véritablement participé de façon
4 détaillée à ce qui se passait pendant les années 1993 ou même en 1991,
5 1992, 1993, 1994, 1995 ?
6 R. Non. Je n'ai pas participé directement à ces événements, mais dans le
7 cadre de mes fonctions officielles, et compte tenu de plusieurs activités
8 d'enquête, j'ai été mis au courant de ces renseignements. Toutefois, je ne
9 peux pas vous fournir d'éléments de preuve à ce sujet. Je ne peux qu'être
10 tributaire de renseignements connus du public. Je n'ai pas participé à ces
11 événements.
12 Q. J'aimerais en fait vous poser une question à ce sujet. C'est pour en
13 revenir à ce thème, mon Général, ce thème des gouvernements et des
14 militaires qui s'écoutent les uns les autres tout le temps.
15 Les services des Renseignements russes et serbes avaient des liens
16 extrêmement étroits en 1993, n'est-ce pas ?
17 R. Je vous parlais de la période qui a commencé en octobre 1996, mais nous
18 pourrions par exemple commencer par le mois de janvier 1997.
19 Q. Je sais que c'est la période que vous connaissez particulièrement, et
20 la période à propos de laquelle vous avez le plus de renseignements
21 détaillés. Par votre entremise, j'aimerais vérifier quelque chose et je
22 suis sûr que vous les savez. Parce qu'en fait, les services du
23 Renseignement russes et serbes, et du contre Renseignement, avaient des
24 liens très, très proches en 1993. Il y avait un homme qui répondait au nom
25 de Stanisic qui jouait un rôle, par exemple.
Page 33795
1 R. Je n'aime pas ce genre de précision. Je ne peux pas le confirmer. Je
2 peux vous parler de la coopération qui existait entre les services spéciaux
3 russes et serbes. Il ne s'agissait que de la lutte contre les organisations
4 terroristes, ce dont s'occupe le monde entier maintenant, y compris nous-
5 même, les Etats-Unis, l'OTAN. Nous avons coopéré dans le cadre de cette
6 lutte contre le terrorisme. Cela, je peux le confirmer. Je peux confirmer
7 que nous avions une coopération très, très étroite et très fructueuse à ce
8 sujet.
9 Q. Pour ce qui est de la façon dont les gouvernements s'écoutent les uns
10 les autres, j'aimerais que vous nous apportiez une précision, parce que
11 nous sommes très préoccupés par Srebrenica. Est-ce qu'il y a eu des
12 conversations interceptées en Yougoslavie, à Belgrade, pour ce qui est de
13 cet accusé ? Est-ce que vous, les Russes, vous l'avez fait ?
14 R. Monsieur Nice, je sais beaucoup de choses. Toutefois, dans tous les
15 pays, même des responsables très, très hauts placés n'ont pas accès à
16 toutes les informations. Même les présidents ne savent pas tout. Par
17 conséquent, indiquer que j'ai participé, que j'étais au courant de
18 certaines choses, c'est quelque chose que je refuse. Je ne pense pas que ce
19 soit l'élément essentiel pour ces moyens de preuve, qu'en tant que témoin,
20 j'ai participé à ces conversations interceptées. Je ne pense pas que tout
21 état, quel qu'il soit, ne divulguerait ce genre d'information.
22 Q. Je m'excuse --
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis-je préciser cela ? Mon Général,
24 avant que vous ne veniez à La Haye, je crois comprendre que vous avez
25 obtenu l'autorisation de votre gouvernement. D'une façon ou d'une autre,
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1 vous l'avez obtenue. Cette autorisation portait sur le fait que vous alliez
2 déposer ici à propos de l'acte d'accusation portant sur le Kosovo.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et non pas pour ce qui est de l'acte
5 d'accusation relatif à la Bosnie, à la Croatie ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'a pas été défini, ou je n'ai pas plutôt
7 reçu d'ordres du gouvernement. Moi-même, j'ai précisé que j'allais
8 témoigner seulement à propos de la période et des événements que je
9 connais. Cela ne m'a pas été stipulé par mon gouvernement. Toutefois, je
10 n'aurais pas pu envisager le genre de questions posées par M. Nice. Ce sont
11 des renseignements qui sont détenus par les services secrets. Personne ne
12 m'a donné l'autorisation de divulguer ces renseignements, mais je n'ai même
13 pas demandé l'autorisation de pouvoir le faire, parce que je ne m'attendais
14 pas à ce genre de questions.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous nous dites, en d'autres termes, que
16 vous n'êtes pas en mesure de répondre à toute question posée à propos de la
17 Bosnie ou de la Croatie, ou à propos de parties correspondantes à ces actes
18 d'accusation ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
20 ne peux parler qu'en termes généraux. Je peux vous parler de la mise en
21 application de l'accord de Dayton, parce qu'une brigade russe a été
22 déployée. Et puis il faut également savoir qu'à Mons, à Shape [phon], à
23 l'OTAN, nous avions nos représentants. Je peux parler de cela. Toutefois,
24 je n'ai pas participé moi-même aux négociations de Dayton. J'ai très peu
25 d'information en la matière.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai eu des réunions avec les dirigeants de la
3 Republika Srpska. Je me suis rendu dans cette région. Toutefois, les
4 questions qui me sont posées par M. Nice ne sont pas des questions
5 auxquelles je peux apporter une réponse. Je ne peux pas vous indiquer ce
6 qui se passait dans la région de Srebrenica.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Je n'allais pas vous poser de questions détaillées, mais nous essayons
10 de trouver la vérité. Au vu des fonctions que vous aviez, je me demandais
11 tout simplement si en Russie, il se peut que vous ayez de documents
12 relatifs à des conversations interceptées à Belgrade. Cela aurait pu nous
13 être extrêmement utile. J'aimerais savoir s'ils ont ce genre de documents ?
14 R. Monsieur Nice, j'espèce que votre objectif est une quête de la vérité
15 objective. Il faut savoir que jusqu'à présent, nous n'avons pas élucidé
16 certains codes de la Deuxième guerre mondiale. Pour certaines raisons, en
17 fait, vous concentrez tous vos efforts pour essayer de faire en sorte que
18 les services secrets russes divulguent leurs secrets, alors qu'il s'agit
19 d'un secret absolument absolu dans tous les pays. La Grande-Bretagne n'a
20 pas encore divulgué les méthodes et les mécanismes utilisés pour pouvoir
21 briser et élucider les codes allemands de la Deuxième guerre mondiale,
22 alors que le procès de Nuremberg est bel et bien fini. Je suis un tantinet
23 surpris de voir que vous vous concentrez sur cette question des
24 conversations interceptées. Moi, j'ai beaucoup d'information qui viennent
25 d'autres sources. Cela n'est pas le problème essentiel ici.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mon Général, le problème vient peut-
2 être du fait que vous avez choisi de dépendre de certains documents
3 relatifs à des conversations interceptées pour le Kosovo, ce qui fait que
4 tout le thème des conversations interceptées a été abordé pendant le
5 procès.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. J'aimerais préciser
7 quelque chose à nouveau. Mettre sur écoute des terroristes représente une
8 activité tout à fait légale et licite dans tout état. Ce qui est intercepté
9 lorsqu'on met sur écoute les conversations des terroristes, je peux tout à
10 fait vous en parler, parce que c'est ce que je sais.
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. Mon Général, je souhaitais passer à autre chose --
13 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse. Je vous ai peut-être interrompu
14 Monsieur le Président.
15 Q. J'aimerais maintenant aborder la période à propos de laquelle vous avez
16 certains renseignements.
17 Hier, votre déposition nous ont permis, et corrigez-moi si je m'abuse, nous
18 a permis, disais-je, de bien comprendre comment les terroristes de l'Uceka
19 ont vu comment un gouvernement serbe qui, agissant en toute légalité et qui
20 s'est comporté en bonne et due forme, à opposer une résistance. Est-ce que
21 cela est exact ?
22 R. Oui.
23 Q. J'aurais voulu savoir si vous auriez peut-être pu faire des remarques à
24 propos des activités du groupe de contact. Vous avez entendu parler du
25 groupe de contact, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Parce que si je peux me permettre de le rappeler à la Chambre de
3 première instance, le groupe de contact était composé de représentants
4 russes ?
5 R. Oui. Toutefois, le groupe de contact n'avait pas reçu l'autorisation du
6 conseil de Sécurité des Nations Unies, et n'avait reçu d'autorisations
7 d'aucun autre organe juridique international. Il s'agissait d'une
8 conférence internationale volontaire en quelque sorte, et la Russie prend
9 part à de nombreuses conférences internationales.
10 Q. Puis-je supposer, mon Général, que les renseignements dont vous
11 disposez maintenant sont des informations qui avaient été mises à la
12 disposition de votre représentant au groupe de contact ?
13 R. Je n'en suis pas sûr. Je n'ai pas participé aux réunions du groupe de
14 contact. Ce sont les services du ministère des Affaires étrangères de la
15 Russie qui y ont participé. Je me suis contenté tout simplement d'analyser
16 les documents qui furent adoptés par le groupe de contact et qui ont été
17 adoptés d'ailleurs seulement en tant que recommandations.
18 M. NICE : [interprétation] Je vous demande une petite minute.
19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant que vous cherchez cela, je peux vous
21 dire, Monsieur Nice, que le 9 mars 1998, à Londres, le groupe de contact,
22 et je cite : "A pris bonne note de la présence des structures terroristes
23 au Kosovo et a condamné le terrorisme et le séparatisme et a condamné, sur
24 la proposition de la Russie, le financement, la formation et l'armement des
25 groupes terroristes." C'est une déclaration qui a été proclamée le 9 mars
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1 1998.
2 Q. Mon Général --
3 R. Je citais ce document.
4 Q. Je vous suis extrêmement reconnaissant parce que vous avez écrit cela
5 au préalable afin de pouvoir le lire ici, et bien entendu, que nous allons
6 le trouver, parce que de temps à autre, la Russie a pris des décisions
7 séparées au sein du groupe de contact.
8 Vous êtes venu armé de cette citation précise. Je voulais vous demander --
9 R. Je ne sais rien à propos de décisions indépendantes ou séparées qui ont
10 été prises par la Russie au sein du groupe de contact. Je vous demanderais
11 de vous abstenir de faire ce genre de déclarations.
12 M. NICE : [interprétation] Est-ce que la Chambre aurait l'amabilité de
13 bien vouloir prendre le jeu de documents, qui représentera d'ailleurs ma
14 prochaine pièce à conviction, que je vais maintenant vous distribuer. Vous
15 verrez qu'il y a une table des matières sur la page de garde. Je suppose
16 que nous pourrons peut-être probablement placer cela sous le
17 rétroprojecteur. Je vais vous donner lecture de certains éléments. J'espère
18 que cela sera assez limité. Je pense que la Chambre sera ravie d'entendre
19 que je peux terminer le contre-interrogatoire de ce témoin aujourd'hui. Il
20 ne sera donc pas nécessaire qu'il revienne ici, et je ne vais pas lui
21 demander d'apporter d'autres documents compte tenu des réponses qu'il a
22 d'ores et déjà apportées.
23 Q. Mon Général, je m'excuse car cela n'a pas été traduit en Russe, mais je
24 ne savais pas ce que vous alliez aborder comme thème lors de votre
25 déposition. J'aimerais demander à M. l'Huissier d'avoir l'amabilité de
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1 pouvoir passer en revue tous ces documents et je vais vous les décrire.
2 Ensuite, je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir appuyer sur le
3 bouton approprié pour que nous ayons le bon écran. Cela a déjà été fait.
4 Vous pouvez voir le document en anglais qui se trouve à votre gauche, ou
5 alors vous pourrez le voir apparaître sur l'écran.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il n'est absolument pas permissible
9 de donner au témoin des documents dans une langue qu'il ne comprend pas. Il
10 devrait pouvoir être en mesure de lire le document, et ce n'est pas ainsi
11 qu'un témoin doit être traité.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela va être placé sous le
13 rétroprojecteur et sera traduit.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Qu'est-ce que cela fait si cela se trouve sur
15 le rétroprojecteur ? Le document ne peut pas être traduit dans son
16 intégralité. Il y a 50 pages. Si l'on prend en considération les
17 manipulations de M. Nice et si l'on sort du contexte certains mots --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vous autorise pas à parler de
19 la sorte, Monsieur Milosevic.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, on ne peut pas donner à un
21 témoin des documents dans une langue qu'il ne comprend pas. Cela ne doit
22 pas être autorisé. Je pense que cela doit être tout à fait clair pour vous.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, combien de pages ou
24 d'extraits de ce document allez-vous lire ?
25 M. NICE : [interprétation] Il y a plusieurs extraits que je souhaiterais
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1 lire, et je vais les lire lentement. Si nous avons des personnes qui ne
2 parlent pas les langues officielles de cette institution, nous ne pouvons
3 pas prévoir à l'avance comment préparer les documents, parce que nous ne
4 savons pas ce que l'accusé va dire.
5 J'aimerais rappeler respectueusement à l'accusé, par l'entremise de
6 la Chambre de première instance, que tous les documents qu'il a présentés,
7 lors de la déposition du témoin précédent, étaient des documents qui ont
8 été fournis en russe, et nous n'avons obtenu aucune traduction de ces
9 documents. Ceci étant une justification à ce que je fais maintenant.
10 J'essaie tout simplement de choisir la méthode la plus idoine, compte tenu
11 du statut et compte tenu des règles qui stipulent que les documents doivent
12 être formulés dans une langue de l'institution.
13 Au moins, je suis ravi de voir que j'ai fait rire l'accusé.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, tout à fait, tout à fait. Le russe est une
15 langue officielle des Nations Unies, et vous n'avez pas d'interprète pour
16 le russe.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Et même à l'OTAN.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je m'adresse
19 également au témoin, nous allons avoir une pause de 20 minutes maintenant.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
21 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons pris
23 bonne note de l'objection que vous avez formulée au sujet du document qui
24 devrait être montré au témoin dans une version qu'il comprendrait. Comme
25 nous l'a indiqué M. Nice, il aurait juste l'intention de donner lecture au
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1 témoin de certains passages de ce document. Ces passages seront traduits
2 par les interprètes. Si le témoin venait à juger que sa position serait
3 placée sur un pied d'inégalité, il devrait attirer l'attention de la
4 Chambre sur ce fait.
5 Monsieur Nice, allez-y.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Je voudrais indiquer qu'en raison de ces modalités d'interprétation
8 multiple, il faudra que je parle plus fort ou que je me rapproche du micro.
9 Si quelqu'un a l'impression de m'entendre crier, cela n'aurait rien à voir
10 avec une attitude de ma part, mais cela serait plutôt dû à une nécessité
11 administrative. J'espère que personne ne s'en trouvera vexé. Merci.
12 Votre observation précédente concernant le rôle du groupe de contact, avec
13 tout le respect que je vous dois, se trouve être inexact. Par exemple, dans
14 on rapport à l'attention du conseil de Sécurité daté du 30 avril 1998, et
15 ce document si tant est qu'il n'a pas été versé au dossier à ce jour, sera
16 copié et fourni à l'attention de tout un chacun. Il y est dit par le
17 secrétaire
18 général : "Je dois me fonder sur les informations et déclarations fournies
19 par le groupe de contact, l'OSCE et l'Union européenne, telles que prévues
20 à l'Article 16 de la Résolution 1160 du conseil de Sécurité."
21 Par conséquent, Général, le groupe de contact a exercé des fonctions
22 importantes et officielles pour le compte du secrétaire général des Nations
23 Unies. Seriez-vous d'accord avec nous pour dire la même chose ?
24 R. Je suis d'accord dans la mesure où il serait précisé le fait que le
25 groupe de contact a parfois adopté de bonnes conclusions qui ont servi au
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1 secrétaire général, et qui ont données lieux à de bonnes recommandations.
2 Q. Partant de ce rapport, il a été adopté une résolution des Nations
3 Unies, la Résolution 1199, qui a, par la suite, donné lieu à des accords au
4 mois d'octobre. Général, seriez-vous d'accord avec nous pour dire que les
5 Nations Unies ont été reconnaissantes pour ce qui est des déclarations
6 faites par les ministres des Affaires étrangères de France, d'Allemagne,
7 d'Italie et de la Fédération russe ainsi que du Royaume-Uni, des Etats-Unis
8 et autre pays ?
9 R. Je vous serais reconnaissant si vous étiez à même de préciser les
10 déclarations que vous avez à l'esprit ainsi que l'accord que vous avez
11 mentionné tout à l'heure.
12 Q. Je parle du Résolution 1199, qui a conduit à l'aboutissement à des
13 accords au mois d'octobre, aux termes desquels que la Mission de
14 vérification au Kosovo était censé vérifier. Je n'ai pas la déclaration
15 russe, mais la résolution en question prévoyait ou englobait des
16 expressions de reconnaissance de la part de la Fédération russe.
17 R. Oui. Je reconnais le fait que ce groupe de contact a été une instance
18 respectée. Je précise que le conseil de Sécurité a pris en considération
19 ses recommandations et ses opinions, et non seulement les siennes. Si
20 maintenant nous parlons de ces accords d'octobre, avez-vous à l'esprit
21 l'accord Holbrooke-Milosevic, daté du 10 octobre ?
22 Q. Si vous le voulez bien, nous pourrions passer à ce recueil de
23 documents, qui se rapportent au groupe de contact.
24 M. NICE : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier de nous permettre
25 de parcourir ces documents rapidement. Il s'agira de les placer sur le
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1 rétroprojecteur, et nous y attarder pendant assez peu de temps.
2 Q. Général Ivasov, les documents que nous avons, il s'agit des
3 déclarations portant sur le Kosovo, émanant du groupe de contact -- des
4 ministres des Affaires étrangères du groupe de contact, qui sont datées du
5 24 septembre 1997.
6 Il y a une page en blanc, et une page juste ensuite portant sur le Kosovo,
7 datée du 25 février 1998. C'est ce que nous avons à notre disposition. Il y
8 a une page en blanc.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Nice, je vous serais reconnaissant si
10 vous pouviez tenir compte du fait que je ne parle pas l'anglais. Je parle
11 toutefois l'allemand, ce qui fait que je ne peux pas du tout commenter ces
12 documents.
13 M. NICE : [interprétation]
14 Q. Nous ne vous demandons pas de commentaire, mais je fais état de ce que
15 nous avons en notre possession.
16 Il y a une note du conseil de Sécurité, ou une lettre du conseil de
17 Sécurité datée du 12 mars 1998. Je voudrais que l'on nous le montre sur le
18 rétroprojecteur. Tout de suite après, il est une lettre, et je crois qu'il
19 s'agit là d'un avenant dont vous nous avez parlé. La page suivante porte
20 l'intitulé "Avenant". Il est question d'une réunion à Londres en date du 9
21 mars 1998. Je vais vous donner lecture de plusieurs paragraphes figurant
22 dans cette annexe, et ce, à une vitesse acceptable pour les interprètes.
23 J'espère que cela vous siéra également
24 Au paragraphe 2, trois lignes plus bas, je demande aux interprètes de me
25 faire des signes de mains, si je vais trop vite. Je cite : "Nous sommes
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1 préoccupés de voir que pendant la période allant depuis le mois de
2 septembre, plutôt que de prendre des mesures en vue de réduire les tensions
3 et d'entrer dans ce qui constituerait des préalables à l'établissement d'un
4 dialogue, et ceci, susceptible de conduire à une solution politique, les
5 autorités de Belgrade ont eu recours à des mesures répressives. Nous tenons
6 à souligner notre préoccupation importante qui porte sur la violence au
7 Kosovo, qui s'est soldée par 80 victimes. Nous condamnons le recours
8 excessif à la force par la police serbe à l'égard de civils, et ceci, à
9 l'encontre de manifestants pacifiques à Pristina le 2 mars."
10 Le paragraphe suivant dit : "Notre condamnation de ces actions de la part
11 de la police serbe ne devrait pas en aucun cas être confondu avec un appui
12 ou un soutien à l'égard du tourisme. Notre position est claire : nous
13 condamnons entièrement les actions terroristes déployées par l'armée de
14 libération du Kosovo ou par tout autre groupe ou individu. La communauté
15 albanaise du Kosovo ainsi que les autres communautés doivent également
16 condamner clairement le terrorisme. Nous insistons sur le fait que les
17 appuis financiers, la livraison des armes ou l'entraînement des terroristes
18 aux fins de l'activité terroriste au Kosovo, doivent ou devraient
19 immédiatement stopper ce type d'activités.
20 "Nous condamnons les actions de grande échelle déployées par la police au
21 fil des dix derniers jours, qui ont ajouté de l'huile sur le feu vis-à-vis
22 d'une situation déjà instable. La répression violente de l'expression non-
23 violente de point de vue politique est tout à fait indéfendable. Nous
24 convions les autorités de Belgrade à inviter des experts en médecine légale
25 pour diligenter des enquêtes concernant des allégations graves de meurtres.
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1 Si ces accusations s'avéraient être justifiées, nous nous attendrions à ce
2 que les autorités de la République fédérale de Yougoslavie poursuivent en
3 justice et punissent ces responsables."
4 Je saute le paragraphe 5, et je passe au paragraphe 6 : "A la lumière de
5 cette violence regrettable au Kosovo, nous nous trouvons tenus de prendre
6 des mesures qui montreront aux autorités de Belgrade qu'ils ne sauraient
7 défier les normes internationales, voire violer les normes internationales
8 sans pour autant faire face à des conséquences graves à des conséquences
9 sérieuses."
10 Je passe à la page suivante, et on y dit : "S'agissant de ces événements,
11 le groupe de contact réclame ce qui suit : l'envoi d'une mission au Kosovo
12 par les bons soins du haut commissaire des Nations Unies chargé des droits
13 de l'homme, on demande au bureau du Procureur de ce Tribunal pénal
14 international pour l'ex-Yougoslavie, de collecter des informations
15 relatives au violence au Kosovo qui tomberait sous sa juridiction."
16 A la moitié de la page, on dit : "Continuera à appuyer avec vigueur les
17 efforts de Sant Egidio visant à assurer l'implication de l'accord portant
18 sur l'éducation."
19 Nous passons à présent à la page 4. Lorsque j'ai dit que j'allais attirer
20 votre attention sur certains passages, c'est ce que je suis en train de
21 faire. En bas de page, on dit : "Le groupe de contact note bien que la
22 Fédération russe n'est pas à même d'apporter son soutien en mesures (c) et
23 (d)," qui sont mentionnés ci-dessus, "au cas où il n'y aurait pas de
24 progrès dans la direction de mesures que le groupe de contact est convié à
25 réaliser, la Fédération russe sera disposée à discuter de toutes les
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1 mesures susmentionnées.
2 "Nous convions le président Milosevic à prendre des mesures rapides et
3 efficaces en vue de mettre un terme à la violence et à s'engager à
4 rechercher une solution politique par le biais du dialogue au Kosovo. En
5 termes concrets dans un délai de 10 jours :
6 "Il s'agit de retirer les unités de police spéciale et mettre un terme aux
7 opérations des forces de sécurité qui portent atteinte à la population
8 civile;
9 "Autoriser au Kosovo un accès au CICR et autres organisations humanitaires
10 ainsi qu'aux représentants du groupe de contact et autres ambassades;
11 "S'engager de façon publique à entamer un processus de dialogue
12 conformément aux dispositions du paragraphe 10, avec la direction des
13 Albanais du Kosovo;
14 "Coopérer de façon constructive avec le groupe de contact pour ce qui est
15 de la réalisation des actions énumérées au paragraphe 6 ci-dessus qui
16 requiert une action urgente ou des mesures urgentes à en déployer par le
17 gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie."
18 A la page suivante, et Messieurs les Juges, je précise que c'est le seul
19 document dont je donnerai aussi grandement lecture.
20 On dit tout en de cette page. "Au cas où le président Milosevic
21 entreprendrait ce type de mesures, nous serions disposés à réexaminer
22 immédiatement les mesures que nous venons d'adopter. Au cas où il ne
23 prendrait pas ces mesures, et au cas où la répression se poursuivrait au
24 Kosovo, le groupe de contact se proposerait de prendre des mesures
25 internationales autres et à s'employer à geler les moyens financiers de la
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1 République fédérale de Yougoslavie et du gouvernement serbe à l'étranger."
2 Paragraphe 8, maintenant : "Les actions de Belgrade ont sérieusement fait
3 régresser le processus de normalisation des relations la République
4 fédérale de Yougoslavie avec la communauté internationale. Au cas où la
5 République fédérale de Yougoslavie ne prendrait pas de mesures en vue de
6 résoudre les questions politiques graves et les questions relatives au
7 droit de l'homme au Kosovo, il n'y aucune perspective de voir sa position
8 internationale évoluée et aller de l'avant. D'autre part, un progrès visant
9 à résoudre les problèmes politiques et les droits de l'homme au Kosovo,
10 amélioreront la position internationale de la République fédérale de
11 Yougoslavie ainsi que la perspective d'une normalisation de ces relations
12 internationales et une réhabilitation de ces institutions, réhabilitation
13 pleine et entière au sein des institutions internationales.
14 "Il s'agit de proposer à la communauté des Albanais du Kosovo un processus
15 politique réel. Les autorités de Belgrade ainsi que la direction de cette
16 communauté des Albanais au Kosovo se doivent d'assumer leur responsabilité
17 respective aux fins de procéder sans préalable aucun, à un dialogue
18 significatif portant sur des questions de statut politique. Le groupe de
19 contact demeure disposer à entreprendre tout ce qui est nécessaire pour
20 faciliter ce type de dialogue."
21 Général, je crois que vous êtes venu témoigner auprès de ce Tribunal avec
22 un passage qui porte sur le terme de "terrorisme". Ayant donné lecture de
23 ce qui vient d'être lu et vient de dire le membre, le représentant du
24 Russie au niveau du groupe de contact a eu la même approche que les autres,
25 seriez-vous d'accord avec nous pour dire que ce document du groupe de
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1 contact constitue une représentation juste de ce qui se passait sur le
2 terrain ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection à formuler, qui dit que
6 cette question n'a pas été posée de façon appropriée, parce que c'est
7 précisément aux paragraphes (c) et (d), il est question de mesures
8 répressives déployées par les forces de Sécurité de la République fédérale
9 de Yougoslavie au Kosovo. Plus bas, on dit que le groupe de contact prend
10 bonne note du fait que la Fédération russe ne peut pas apporter son soutien
11 aux mesures (c) et (d).
12 La Fédération russe n'a pas appuyé cette qualification relative aux
13 mesures répressives, parce que si vos souvenirs sont bons, Messieurs,
14 lorsqu'il est question des 80 victimes, c'est précisément le conflit à
15 Prekaze, où un groupe de terroristes dirigé par Adem Jashari a été liquidé
16 après une journée entière d'échanges de tirs avec les effectifs de police.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vais demander
18 à M. Nice d'y répondre. Mais les alinéas (c) et (d) traitent du refus de
19 délivrer des visas, et traite du moratoire. Maintenant, la question qui se
20 pose est de savoir -- c'est de demander au témoin de nous dire s'il estime
21 que le document constitue une fidèle représentation de ce qui se passait
22 sur le terrain. Il s'agit d'événements sur le terrain. Cela n'a rien à voir
23 en ce qui concerne le fait de voir la Russie rejeter les alinéas (c) et
24 (d).
25 Le témoin devrait répondre s'il peut le faire.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je crois que ce document
2 constitue, dans une grande mesure, le résultat d'un compromis entre les
3 différentes parties en présence. Le fait que la Russie n'a pas été d'accord
4 sur l'énoncé de ces deux petits sous-paragraphes, portant des accusations
5 ou tirant des conclusions, cela ne veut pas dire que le document en tant
6 que tel n'est pas valide. Il est un fait que la Fédération russe, le
7 ministre de la Défense et moi-même en personne, nous nous sommes félicités
8 de tous les efforts déployés en vue de la recherche d'une solution
9 pacifique, en particulier une solution pacifique au problème du Kosovo.
10 Donc, j'appuie la teneur, ou j'apporte mon soutien à la teneur de ce
11 document.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, je vous interromps.
13 Monsieur Nice, veuillez reformuler cette question, et tirer au clair ce que
14 vous entendiez par "activités sur le terrain".
15 M. NICE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Je suis
16 reconnaissant au témoin pour la dernière réponse qu'il a apporté.
17 Q. Général Ivasov, vous nous avez apporté un extrait portant sur des
18 activités terroristes. Je crois que nous pouvons le voir au paragraphe 3 d
19 dit avenant. Je vous ai donné lecture d'un aperçu général concernant les
20 tensions et les condamnations vis-à-vis des activités terroristes ainsi que
21 condamnation vis-à-vis des opérations déployées, ou diligentées par la
22 police au cours des dix derniers jours, qu'il convenait de condamner au
23 Kosovo également. Ce que je vous laisse entendre, c'est que le groupe de
24 contact, partant de toutes les informations disponibles, a établi une
25 évaluation objective, équilibrée de la situation sur le terrain. Est-ce que
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1 vous êtes en désaccord ou en accord avec ce qui vient d'être dit ?
2 R. Tout d'abord, le groupe de contact n'a pas constitué une instance
3 officiellement mise ne place, et ses conclusions ont parfois été
4 subjectives.
5 Deuxièmement, vous avez donné lecture de paragraphes au sujet desquels il y
6 a eu accord des parties en présence. Toutefois, des propositions de la
7 délégation russe, et l'une de ces propositions a consisté à refuser des
8 visas aux leaders de l'UCK et procéder à des arrestations de ces
9 terroristes à leur arrivée dans les capitales occidentales, ainsi que
10 d'autres propositions de sa part n'ont pas été acceptées, et ne se trouvent
11 pas reflétées dans ce document.
12 Ensuite, Monsieur Nice, vous avez parlé de façon tout à fait assurée au
13 sujet de certaines questions telles que les mesures de répression, et
14 cetera. Je vous dis une fois de plus, que la Russie a approuvé et proposé
15 tout un ensemble de mesures en vue d'une solution politique. C'est la
16 raison pour laquelle elle a pris part aux activités de ce groupe de
17 contact. Mais en parallèle avec ce processus politique, --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous n'êtes pas en
19 train de répondre à la question. Je vous demande de prêter davantage
20 d'attention à la question. La question était de savoir si vous étiez
21 d'accord ou pas pour dire que le groupe de contact a établi de façon
22 équitable et équilibrée, vis-à-vis de toutes les parties, la nature des
23 activités se déroulant sur le terrain. Et on vous a demandé si vous
24 acceptiez cela, donc si vous étiez en accord ou en désaccord avec cela.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas être complètement en accord,
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1 parce que le groupe de contact n'a pas été en position de fournir une
2 évaluation objective. Il s'agit ici de questions au sujet desquelles il y a
3 eu un accord. Mais il y a eu des points où il y a eu désaccord, et où il
4 n'est pas fait état des propositions formulées par la Russie. Toutefois, je
5 suis d'accord pour dire que le document dans son ensemble est un bon
6 document.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez une réponse, Monsieur
8 Nice.
9 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, n'est-il pas exact de dire que
11 la délégation russe s'est mise d'accord, -- est tombée d'accord, pour ce
12 qui est de ces sous-paragraphes (a) et (b); par exemple, embargo général
13 sur la fourniture d'armes et refus de fournir des équipements à la
14 Yougoslavie ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La délégation russe a été d'accord avec
16 ces paragraphes. Mon opinion personnelle a été différente, mais elle n'a
17 pas été prise en considération.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
19 M. NICE : [interprétation] Allons de l'avant. Si M. l'Huissier voulait bien
20 nous aider.
21 Q. Le document suivant porte la date du 27 mars. Il s'agit d'une
22 lettre.
23 Nous allons vous montrer cette page qui constitue un avenant.
24 Peut-être pourrais-je faire en sorte que nous nous penchions brièvement sur
25 quelques passages ?
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1 Au paragraphe 2, Général Ivasov, on voit que dans le cadre de cet avenant,
2 il y a eu une réunion du 25 mars 1998. On a noté : "A Londres, le groupe a
3 convié le Président Milosevic à prendre des mesures rapides et efficaces
4 pour mettre un terme au violence au Kosovo et à s'engager en faveur d'une
5 solution politique qui se réaliserait au travers d'un dialogue
6 inconditionnel."
7 Aux fins de réaliser ces objectifs, au paragraphe 5, il est dit que :
8 "Les progrès ont été réalisés depuis la réunion à Londres dans certains
9 secteurs faisant l'objet de nos préoccupations, à savoir, il y a eu
10 évolution de la position de Belgrade portant sur le dialogue relatif à
11 toute une série de questions, y compris l'autonomie du Kosovo. Il a été
12 tiré une conclusion qui parle d'un accord qui aurait dû être appliqué
13 depuis longtemps, et qui porterait sur les accords relatifs à l'éducation."
14 Je passe maintenant à la page suivante. J'espère que mon choix des
15 passages est tout à fait approprié parce que le document est assez long.
16 On dit : "Au cas où la République fédérale de Yougoslavie ne
17 prendrait pas des mesures nécessaires en vue de résoudre les questions
18 politiques et la question des droits de l'homme au Kosovo, il n'y aurait
19 aucune perspective de voir s'améliorer sa position internationale."
20 Ensuite, on passe au paragraphe 10, si vous le voulez bien. Le groupe
21 réitère son opposition, ou sa ferme opposition à toute action terroriste.
22 La violence ne saurait contribuer à la recherche d'une solution au Kosovo.
23 Cela s'applique tant à la police serbe qu'aux extrémistes albanais du
24 Kosovo."
25 Le paragraphe 11 salue la détermination du Dr Rugova en faveur du
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1 recours à des mesures non-violente et invite les autres dirigeants de cette
2 communauté albanaise au Kosovo d'accepter cette attitude. On dit également
3 que les autorités de Belgrade ne seraient toutefois justifier leur
4 répression et leur violence au Kosovo au nom de ces activités
5 antiterroristes. Nous répétons que le combat contre le terrorisme pour
6 Belgrade devrait consister à une proposition à l'intention de la communauté
7 albanaise d'un processus politique véritable."
8 Au paragraphe 13 le groupe de contact décrit sa position fondamentale qui
9 demeure inchangée. On nous dit : "Nous n'appuyons ni l'indépendance, ni le
10 statu quo en guise de résultat final des négociations entre les autorités
11 de Belgrade et la direction des Albanais du Kosovo portant sur le statut du
12 Kosovo."
13 Je crois avoir compris que cela nous a permis de gagner du temps en ne
14 donnant lecture que de certains passages. Je vous demanderais si vous
15 contestez l'un quelconque des passages dont je viens de donner lecture au
16 sein de ce document ?
17 R. J'apporte mon soutien à ce document. J'ai pris part à la rédaction de
18 plusieurs paragraphes de ce document-ci. Ce que je tiens à souligner une
19 fois de plus, c'est ce qui suit : le représentant russe ainsi que les
20 autres n'a pas été un participant officiel. Je n'appuie pas les conclusions
21 relatives à la répression et la violence à utiliser vis-à-vis du
22 terroriste. J'ai une position différente. Je l'ai dit à plusieurs reprises,
23 y compris à l'intention de la direction de la Yougoslavie. Cela a été la
24 position du ministère de la Défense. J'ai dit que l'on devait être plus
25 actif pour ce qui est d'arrêter, de neutraliser les leaders de ces
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1 organisations terroristes aux fins de minimiser les pertes parmi la
2 population civile.
3 En d'autres termes, j'ai été d'accord avec certaines de ces conclusions, et
4 j'ai été en désaccord avec d'autres conclusions. Vous devez garder à
5 l'esprit le fait que le représentant russe n'a pas été un représentant
6 officiel. Le groupe de contact, lui aussi, n'a en aucune façon constitué
7 une instance officielle. Cela a été un groupe qui a été des plus utiles
8 pour ce qui est d'aboutir à une solution pacifique.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice. Pour
10 bénéficier d'un bon compte rendu d'audience, je me demande si le témoin a
11 réellement dit qu'il apportait son soutien et qu'il a participé à la
12 rédaction de plusieurs des paragraphes de ce document. L'avez-vous
13 véritablement dit ? Avez-vous participé à la rédaction de plusieurs
14 paragraphes de ce document, ou avez-vous dit que non ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que j'avais participé à ces travaux
16 en qualité d'expert. J'ai formulé des propositions sur la seule question
17 exclusive de la recherche d'une solution politique. Telle était ma
18 position. C'était également la position du ministère de la Défense russe.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. Merci. Vous-même et vos collègues au groupe de contact, en raison de
22 votre action ont pu bénéficier de vos contributions,
23 n'est-ce pas, mon Général ?
24 R. Oui.
25 Q. Le document suivant est une lettre qui date du 30 avril. J'aimerais
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1 qu'on place ce document sur le rétroprojecteur. En page 2 de ce document,
2 nous trouvons l'annexe. Je me contenterai de commenter un paragraphe, qui
3 est le paragraphe 3 de ce texte, je
4 cite : "Le groupe de contact condamne la violence accrue ces derniers jours
5 au Kosovo, en particulier le recours excessif à la force par l'armée
6 yougoslave ainsi que la prolifération d'armes dans ce territoire. Le groupe
7 de contact rejette absolument le terrorisme en tant que moyen d'obtention
8 d'une transformation politique, il rejette également toutes les autres
9 formations de violence destinées à réprimer la dissension politique. Le
10 groupe de contact appelle les dirigeants politiques de la République
11 fédérale de Yougoslavie et des pays de la région, à exercer une modération
12 maximale, à pleinement respecter les droits de l'homme, à empêcher
13 l'introduction d'armes et de groupes armés en provenance de l'extérieur et
14 à condamner le terrorisme."
15 Général Ivasov, est-ce ceci une fidèle expression de la position du groupe
16 de contact ?
17 R. Je ne peux commenter l'intégralité du document puisque je ne l'ai pas
18 sous les yeux. S'agissant de condamner le terrorisme et de mettre un terme
19 aux fournitures d'armes et à l'accroissement, -- à l'intensification des
20 actions terroristes, oui, je soutiens ces parties du texte. Quant à
21 l'expression recours excessif à la force, c'est une expression de nature
22 générale.
23 J'ai déjà dit hier que la Russie et les délégations militaires russes ont
24 discuté de façon approfondie avec leurs homologues russes le recours de la
25 force militaire dans la lutte contre les terroristes. Je confirme ce que
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1 j'ai dit hier. Je puis vous dire que j'ai eu sous les yeux un certain
2 nombre d'ordres militaires destinés à réduire l'activité des troupes
3 militaires, et je puis vous en produire un certain nombre de ces ordres.
4 Au sein des milieux militaires, on trouve le tribunal militaire et la cour
5 militaire. Toute personne qui viole un règlement militaire ou désobéi aux
6 ordres peut être poursuivie en justice. Ces tribunaux existent, et il y a
7 eu des procès intentés à des responsables de telles violations. Je puis
8 vous dire que je suis certain que la loi a été appliquée dans tous les cas
9 où un recours excessif à la fois a eu lieu.
10 Q. Vous répétez ce que vous nous avez dit hier. Bien sûr, s'il existe des
11 éléments de preuve étayant l'existence de telles poursuites judiciaires,
12 nous les aurons en temps voulu à notre disposition. Peut-être pourriez-vous
13 nous aider sur le point
14 suivant : dans cette période, c'est-à-dire en 1998, vous trouviez-vous
15 vous-même au Kosovo, ou vous y êtes-vous trouvé à quelque moment que ce
16 soit pendant cette année-là ?
17 R. A quel moment ?
18 Q. Pendant l'année 1998.
19 R. En 1998, non, je n'étais pas au Kosovo. Mes officiers s'y trouvaient,
20 des officiers qui me rendaient compte.
21 Q. Lettre suivante, je vous prie, M. l'Huissier, elle date du 24 juin
22 1998. On y trouve ensuite également une annexe. J'aimerais que l'on place
23 ce document sur le rétroprojecteur.
24 Je donnerai lecture du paragraphe 3 et peut-être du
25 paragraphe 6 de cette annexe. Il s'agit d'une réunion tenue le
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1 12 juin. Le texte se lit comme suit au paragraphe 3, je cite : "Les forces
2 de Sécurité sont encore une fois intervenues aveuglément, provoquant de
3 nombreuses victimes parmi les civils et contraignant des dizaines de
4 milliers d'habitants à fuir leurs domiciles. Les ministres ont condamné le
5 recours massif et disproportionné de la force par Belgrade, qui a eu pour
6 résultat des destructions importantes et un déplacement délibéré de grands
7 nombres d'habitants. Ils ont également condamné le fait que Belgrade ne
8 soit pas parvenue à prendre des mesures concrètes aux fins de réduire les
9 tensions. Les ministres, ont par conséquent, décidé de soumettre aux
10 autorités de Belgrade une série de points essentiels sur lesquels ils
11 exigent que des actions immédiates soient entreprises aux fins d'empêcher
12 toute dégradation ultérieure de la situation. Ces mesures concrètes sont
13 les suivantes :
14 "Cesser toute action des forces de Sécurité qui affecte la population
15 civile, et ordonner le retrait des unités de sécurité utilisées dans la
16 répression contre les civils.
17 "Permettre une surveillance effective et continue de la part de
18 représentants internationaux au Kosovo, et autoriser un accès illimité à
19 ces observateurs;
20 "Favoriser un accord avec le bureau des Nations Unies du Haut-
21 commissariat aux Réfugiés, UNHCR, et avec le comité international de la
22 Croix Rouge, un retour de tous les réfugiés et de toutes les personnes
23 déplacées à leur domicile, et autoriser un accès libre et sans restriction
24 aux organisations humanitaires, et un bon approvisionnement du Kosovo;
25 "Progresser rapidement dans le dialogue avec la direction des
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1 Albanais du Kosovo."
2 Je demanderais maintenant à M. l'Huissier de nous montrer la page
3 suivante, paragraphes 6 et 7. Je cite : "Les ministres s'attendent à ce que
4 Belgrade prennent les mesures énumérées au paragraphe 3 ci-dessus
5 immédiatement. Ils accueillent favorablement l'invitation du président
6 Yeltsin adressée au président Milosevic pour une rencontre le 16 juin. Ils
7 insistent sur l'importance du fait que le président Milosevic tire profit
8 de cette rencontre pour annoncer un progrès dans les mesures susmentionnées
9 et engager Belgrade en direction d'une pleine application de ces
10 dispositions. Si les mesures énumérées au paragraphe 3 ne sont pas prises
11 sans retard, des mesures seront adoptées pour mettre un terme à la violence
12 et protéger la population civile, y compris des mesures susceptibles
13 d'exiger une autorisation sous forme de résolution du conseil de Sécurité."
14 Puis, au paragraphe 7, nous lisons, je cite : "Entre-temps, face à la
15 crise croissante du Kosovo, les ministres en appellent également au
16 Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, TPIY, pour qu'il lance
17 rapidement, et de façon approfondie, une enquête sur toute violation
18 éventuelle du droit humanitaire international au Kosovo -- et les ministres
19 déploieront tous les efforts nécessaires pour aider les pays voisins à
20 améliorer leur niveau de sécurité et à faire face au fardeau humanitaire
21 qui leur est imposé."
22 Mon Général, cette rencontre du groupe de contact travaille sur la
23 base de renseignements qui, entre autres, viennent de vous et de vos
24 officiers. Y a-t-il la moindre raison de douter que cette description de la
25 situation au Kosovo est fidèle à la réalité ?
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1 R. Nos représentants, au sein du groupe de contact ont reçu ces
2 renseignements, qui pour certains, leur ont été transmis. Cependant, nous
3 avons suivi de près la façon dont la partie yougoslave mettait en œuvre la
4 recommandation, et je reviendrai brièvement sur deux lignes. Je cite :
5 "L'ordre du commandant du Corps de Pristina, numéro 45520. Garantir un haut
6 niveau de responsabilité de tous les soldats de l'armée yougoslave par
7 rapport aux ordres émis. Tout soldat qui violerait ces ordres risquerait
8 des poursuites en justice et des actions déterminées." Une directive du
9 haut quartier général a été émise, signée par le général Ojdanic, qui
10 portait sur les mesures destinées aux soldats présents sur le territoire où
11 avait lieu des activités terroristes. Il y est dit que : "L'assassinat de
12 personnes emprisonnées, le fait de blesser ces personnes, est interdit aux
13 termes d'une ordonnance précédente du tribunal."
14 Ceci également a un impact sur la population civile --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps, mon Général.
16 Apparemment, vous suivez un schéma régulier dans vos réponses qui consiste
17 à fournir des renseignements qui n'ont pas de rapport avec la question
18 posée. C'est peut-être une pratique courante pour un juriste. Je ne
19 porterai pas de jugement de valeur, étant juriste moi-même, mais je vous
20 demanderais d'écouter plus attentivement et d'être plus précis dans votre
21 réponse par rapport à la question posée.
22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de cette
23 remarque. Normalement, j'applique, pour ma part, une règle un peu nouvelle,
24 qui consiste à essayer, réessayer, et essayer encore, et finalement
25 abandonner. Je pense qu'après ma première tentative, nous avons, tout de
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1 même, déjà pas mal de blé à moudre.
2 Je demanderais à M. l'Huissier de nous soumettre, à présent, la lettre
3 suivante qui date du 6 juillet.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que la question n'avait pas été bien
6 formulée par rapport à la citation en cause. M. Nice a cité le paragraphe 3
7 de cette annexe. Il n'a pas cité le paragraphe 4, qui en fait contrebalance
8 le paragraphe 3 et où il est dit, les ministres s'attendent à ce que la
9 direction des Albanais du Kosovo --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci est un exemple classique de la
11 façon dont vous introduisez des questions supplémentaires au moment du
12 contre-interrogatoire. Vous pouvez poser des questions supplémentaires au
13 témoin par la suite, Monsieur Milosevic. C'est un exemple classique de
14 questions qui entrent dans les questions supplémentaires.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je vous dit ceci parce que
16 tout ce qui a été fait par le groupe de contact - et nous en avons des
17 preuves dans ces documents - a consisté à contrebalancer l'action des
18 forces légales mises dos à dos avec les actions de terroristes.
19 Aujourd'hui, personne dans le monde n'imaginerait la possibilité d'agir de
20 la sorte. Est-ce que vous imagineriez une déclaration émise aujourd'hui où
21 il serait stipulé --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je me vois contraint de vous
23 interrompre parce que vous dépassez les limites du commentaire admissible.
24 Vous avez toute latitude de poser des questions supplémentaires au
25 témoin sur ce sujet au cours de la période prévue pour les questions
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1 supplémentaires. Vous pouvez demander au témoin, par exemple : "On vous a
2 interrogé au sujet du paragraphe 3. Maintenant, je vous dit que, sur le
3 fond, un certain nombre de choses sont dites au paragraphe 4," et
4 normalement, c'est la façon dont vous devriez procéder.
5 Monsieur Nice, veuillez poursuivre.
6 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
7 Q. En fait, mon Général, avant d'aborder une nouvelle lettre, vous venez
8 de citer des passages de documents adressés au Corps de Pristina. D'où
9 viennent ces documents ? Nous avons quelques difficultés à les localiser.
10 R. Oui. Je peux vous citer les dates et les numéros des ordres --
11 Q. De qui les avez-vous obtenus ?
12 R. Ce sont des documents émis par le ministère de la Défense, par le haut
13 quartier général, et par le Corps de Pristina. Tous ces ordres étaient
14 classés secrets défense. J'ai, pour ma part, annoté un certain nombre de
15 passages, et ces extraits nous ont été remis par les représentants russes
16 de la Mission de vérification.
17 Pourquoi est-ce qu'ils ont fait cela ? Ils ont fait cela parce que tout
18 analyste doit inclure dans son analyse de documents juridiques des ordres,
19 des dispositions, des textes juridiques, et ensuite, son analyse fait suite
20 logiquement. C'est la procédure suivie par les représentants russes à
21 l'époque. Je peux vous citer les numéros.
22 Q. Un peu plus tard, si nous en avons le temps.
23 M. NICE : [interprétation] Page suivante, je vous prie, Monsieur
24 l'Huissier.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'aimerais que vous me
3 disiez, sur la base de ce que M. Nice vient de dire, si
4 M. Nice affirme que tous ces documents de l'armée yougoslave datant de
5 l'époque de l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie, je veux parler de
6 ces ordres du Corps de Pristina, du haut quartier général, des documents du
7 commandement Suprême, et cetera. M. Nice, est-il en train d'affirmer que
8 les Russes ne possédaient pas ces documents ?
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci n'est pas une question
10 acceptable à mes yeux, s'agissant d'une question à poser à M. Nice. M. Nice
11 sait comment gérer les débats.
12 M. NICE : [interprétation] Document suivant, je vous prie, Monsieur
13 l'Huissier. Je pense qu'il s'agit de la lettre du 16 juillet. Annexe
14 suivante. Merci. Comme d'habitude, vous êtes un peu en avance sur moi.
15 Q. Paragraphe 3. Je cite :
16 "Le groupe de contact a apprécié la réponse de Belgrade aux exigences
17 énumérées dans la déclaration de Londres du 12 juin.
18 "Cesser toute action de la part des forces de sécurité qui est susceptible
19 d'affecter la répression civile, et ordonner le retrait des unités de
20 sécurité utilisées dans la répression contre les civils;
21 "Rendre possible un accès efficace et continu aux groupes des observateurs
22 internationaux au Kosovo et à tous les observateurs.
23 "Assurer le retrait des forces de sécurité utilisées dans la répression
24 civile si cela n'a pas encore été fait, même si les forces de sécurité ont
25 manifesté dans la période récente, une certaine mesure.
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1 "Assurer un progrès rapide du dialogue avec la direction albanaise du
2 Kosovo si celui-ci n'a pas encore été réalisé." Plus loin, nous lisons :
3 "Il est observé que l'engagement du président Milosevic d'autoriser aux
4 observateurs internationaux un accès libre et sans restriction au Kosovo …"
5 Je ne vais pas poursuivre la lecture. J'essaie de ne lire que quelques
6 passages du texte.
7 Est-ce que cette partie du document vous satisfait ?
8 R. Monsieur Nice, j'ai toujours été contre et je suis encore contre
9 aujourd'hui le fait que l'on traite sur un pied d'égalité des autorités
10 légales et des terroristes. Ceci n'est pas l'analyse d'une loi, d'une
11 réglementation, ou d'un ordre. Rien de tout cela n'a été fait ici. Par
12 conséquent, me demander d'apprécier et de vous dire oui ou non est très
13 difficile, notamment quand je ne peux lire le document dans son
14 intégralité. Chaque paragraphe de ce document du groupe de contact est un
15 engagement par rapport à un paragraphe précédent, et en relation avec le
16 paragraphe suivant.
17 Q. Tous ces documents sont disponibles. Ils peuvent être examinés dans
18 leur intégralité. Nous allons simplement en arriver à la fin de cette série
19 de documents, de façon à ce que l'huissier puisse nous montrer les pages
20 dans l'ordre dans lequel je vais les aborder. Je dirais que nous en
21 terminerons avec les conclusions du 22 juillet 1999. Nous parlerons
22 également d'une réunion tenue ce jour-là, des conclusions tirées par les
23 présidents de cette réunion. Au milieu de la page :
24 "Le groupe de contact a examiné la situation dans la République fédérale
25 yougoslave, et a décidé de mettre un terme à toutes les actions offensives
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1 ou de répression au Kosovo;
2 "De promouvoir un retour en toute sécurité à leurs domiciles des personnes
3 déplacées au cours des derniers jours dans la région de Racak, et de
4 prendre toutes les mesures destinées à éviter une catastrophe humanitaire;
5 "D'autoriser la Mission de vérification au Kosovo et le chef de la mission
6 à remplir sans obstacles leurs responsabilités;
7 "De coopérer pleinement avec le TPY, notamment en autorisant un accès sans
8 restrictions à tous les enquêteurs au Kosovo;
9 "De travailler avec le Tribunal international pour garantir que les
10 responsables de Racak soient traduites en justice;
11 "De suspendre tous les officiers de l'armée yougoslave ou de la police qui
12 ont travaillé à Racak le 15 janvier dans l'attente des résultats de
13 l'enquête …;
14 "De mettre pleinement en œuvre les accords de l'OSCE avec la République
15 fédérale yougoslave, et de l'OTAN avec la République fédérale yougoslave,
16 ainsi que les SCR pertinents."
17 Ensuite, on passe au document suivant. Ma question en comporte plusieurs,
18 en fait. Le document suivant est une lettre du 29 janvier suivi par une
19 annexe de deux pages. Si nous nous rendons à la deuxième page de l'annexe,
20 nous voyons une liste d'exigences de la part du groupe de contact qui
21 demande à ce que la République fédérale de Yougoslavie cesse toute action
22 offensive, respecte les accords et les résolutions, encourage le retour en
23 toute sécurité des personnes qui ont été forcées de fuir à leurs domicile,
24 coopère avec l'OSCE et avec la Mission de vérification au Kosovo, coopère
25 avec ce Tribunal, diligente une enquête au sujet de Racak, suspendre
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1 certains officiers et certains effectifs policiers.
2 Ces documents du groupe de contact à la fin de la période comportent un
3 certain nombre d'exigences adressées à la Yougoslavie. Ils reflètent,
4 n'est-ce pas, mon Général, toute une série d'événements marqués par des
5 actes de répression et par des excès qui ont été révélés, et ces actes
6 étaient dus aux forces yougoslaves ainsi qu'à des terroristes décrits
7 généralement sous le sigle d'UCK, n'est-ce pas ?
8 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il m'est difficile de
9 répondre aux questions de M. Nice. D'abord, je ne sais pas quelle était la
10 position russe sur ces propositions. Je n'ai pas participé à toutes ces
11 réunions. Puis, ce ne sont pas des documents officiels. Par conséquent, il
12 m'est très difficile de vous fournir une appréciation personnelle sur un
13 aussi grand nombre de documents. Je peux répondre à des questions précises,
14 mais je ne peux pas répondre à des questions de cette nature qui
15 exigeraient au préalable une analyse très approfondie.
16 Q. Dans ce cas, je vous poserai ma dernière question : Vous avez expliqué
17 répondant à une question de M. le Juge Kwon et à moi que vous aviez
18 participé à la rédaction d'une partie de ces rapports et que vous vous
19 étiez fondé sur des renseignements provenant de vos bureaux qui avaient été
20 transmis au groupe de contact à l'époque. Est-ce que pendant toute la
21 période où le groupe de contact a existé, les renseignements émanant de
22 votre bureau ont été mis à la disposition de ce groupe de contact par le
23 truchement du représentant russe ?
24 R. Monsieur Nice, je n'ai pas dit que j'avais participé à tout. C'est
25 peut-être une erreur, une erreur d'interprétation ou un malentendu. J'ai
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1 dit que j'avais partiellement participé à la rédaction de ces documents en
2 ma qualité d'expert.
3 Quant à la réponse que j'ai apportée à votre deuxième question au sujet des
4 officiers de la Mission de vérification et du fait que ceux-ci auraient
5 fourni des renseignements au groupe de contact, je puis vous dire d'emblée
6 qu'ils ne l'ont pas fait. Ils rendaient compte à leurs supérieurs directs,
7 après quoi ces renseignements étaient rassemblés, et une fois rassemblés,
8 ils étaient transmis soit au ministère des Affaires étrangères, soit à un
9 autre destinataire. C'est ainsi qu'ils arrivaient aux représentants de la
10 Mission de vérification. Je ne sais pas exactement quels sont les
11 renseignements qu'il a effectivement reçus. Aucun officier de l'armée russe
12 n'a jamais fourni de renseignements directement au groupe de contact.
13 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
14 avant de passer à des documents du groupe de contact et à l'enregistrement
15 de ces documents en tant que pièces à conviction, je peux, si cela est
16 d'une quelconque assistance pour vous, vous fournir des documents qui ont
17 déjà été enregistrés aux fins d'identification, notamment, la lettre du
18 secrétaire général du 30 avril, où il est fait référence au rôle du groupe
19 de contact, qui n'avait pas encore été utilisée dans des dépositions, ainsi
20 que la Résolution 1199 qui débouche plus tard sur l'accord du mois
21 d'octobre, et qui n'a pas encore été produite en tant que pièce à
22 conviction. Ces documents sont désormais disponibles.
23 Ils pourraient être utile de les placer dans un ordre logique en commençant
24 par le premier rapport. Ils peuvent être distribués.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de faire cela, entendons M.
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1 Milosevic.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces documents du groupe de contact n'ont rien à
3 voir avec la déposition du général Ivasov. Le général Ivasov n'a pas
4 travaillé au sein du groupe de contact. Il ne partage même pas les
5 appréciations du groupe de contact. Il n'a pas fait référence à des
6 documents émanant du groupe de contact. Donc, aucun document émanant du
7 groupe de contact n'est admissible par le biais de ce témoin.
8 Si M. Nice souhaite verser au dossier ces documents, il peut le faire par
9 le biais d'un témoin qui a participé aux travaux du groupe de contact, mais
10 pas par le biais du général Ivasov. Si nous avions appliqué la même
11 procédure, nous aurions probablement pu demander le versement au dossier à
12 titre de pièce à conviction de journaux néerlandais rendant compte du fait
13 que le général Ivasov est ici aujourd'hui.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous,
15 Monsieur Milosevic. Le témoin a eu la possibilité de s'exprimer sur un
16 certain nombre d'extraits qui lui ont été lus par M. Nice. Le fait que ces
17 documents soient versés au dossier ne pose aucun problème.
18 M. NICE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demanderais que
19 le rapport du conseil de Sécurité du 30 avril 1998, et que la Résolution
20 1199 soit versée au dossier.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Numéro 789 pour le rapport du 30 avril,
22 et numéros 790 et 791 pour l'ensemble des documents, avec intercalaires 1 à
23 11.
24 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.
25 Q. Mon Général, les accords d'octobre ont été vérifiés par la Mission de
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1 vérification du Kosovo. Je rappellerai à chacun ici qu'avant l'existence de
2 cette Mission de vérification, comme vous le savez sans doute vous-même, il
3 y a eu diverses missions d'observateurs indépendants au nombre desquels on
4 trouvait des représentants Russes, Américains, Britanniques, Français, je
5 pense également, et d'autres. Certaines de ces missions d'observateurs
6 indépendants se sont fondues pour donner lieu à la Mission de vérification
7 du Kosovo. Cependant, certaines de ces missions d'observateurs indépendants
8 sont restées distinctes, comme par exemple, la mission américaine KDOM. Je
9 disais cela simplement pour rappeler à chacun la situation préalable à la
10 déposition.
11 Compte tenu de la position que vous avez prise, je voudrais vérifier une
12 partie de la déposition où il a été question du général Klaus Naumann, le
13 militaire de plus haut rang de l'OTAN présent à l'époque sur les lieux, qui
14 a dit que se fondant sur les éléments portés à sa connaissance, il estimait
15 que les autorités yougoslaves avaient respecté l'accord du mois d'octobre,
16 parce qu'elles avaient retiré leurs forces des casernes, et que cela
17 n'avait pas été chose facile de ramener 6 000 officiers de police en
18 d'autres lieux. Voilà, c'est ce qu'a expliqué Klaus Naumann à l'époque, en
19 disant qu'il était optimiste par rapport au fait qu'à la fin du mois
20 d'octobre, la percée serait effective.
21 Je voudrais, Général Ivasov, vous rappeler que vous avez formulé des
22 allégations assez graves au sujet de l'OTAN et au sujet de son objectivité
23 ainsi que sur la police, et je ne sais quoi d'autre. Je viens de vous dire
24 ce qu'a dit Klaus Naumann, il a dit : "Nous avons, au départ, pensé que les
25 autorités yougoslaves avaient respecté l'accord, et nous étions
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1 optimistes." Est-ce que vous estimez que Klaus Naumann avait justement
2 apprécié la situation ?
3 R. Je pense que Klaus Naumann avait raison quant au fait que les autorités
4 yougoslaves avaient respecté leurs obligations. Les exigences qui leur
5 avaient été imposées au niveau diplomatique, consistaient à supprimer la
6 menace de leurs forces militaires. Dès l'été 1998, le secrétaire général de
7 l'OTAN, M. Solana, a déclaré que toutes les options avaient été prises en
8 compte, et que l'OTAN était prête à organiser, à préparer des frappes
9 aériennes et des opérations terrestres. Après quoi, s'agissant de l'accord
10 du 16 octobre, il a déclaré --
11 Q. Mon Général --
12 R. -- que les forces de l'OTAN étaient prêtes à frapper dans les heures
13 qui viennent, des frappes lancées contre la Yougoslavie. Il s'agissait
14 d'exercer une pression militaire.
15 Je suis d'accord avec Naumann quant au fait que l'armée yougoslave et la
16 direction de la Yougoslavie ont consenti à faire quelque chose qui était
17 une violation de la souveraineté de leur pays, en autorisant les avions de
18 l'OTAN à mener des actions de reconnaissance dans leur espace aérien et au-
19 dessus de leur territoire. C'est en violation de la souveraineté de
20 n'importe quel pays que cela peut se faire, et uniquement en violation de
21 cette souveraineté. Cependant, M. Milosevic l'a accepté afin d'éviter
22 l'intervention militaire. Il a consenti à cela.
23 Je soulignerai, je porterai à l'attention des Juges de la Chambre, que les
24 forces yougoslaves, les forces légalement en place, à partir de l'été 1998
25 et jusqu'à l'automne 1998, ont infligé des pertes significatives aux
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1 organisations terroristes. Après que l'armée yougoslave et la police se
2 soient retirées dans leurs casernes, le nombre d'actes terroristes dans la
3 région a été quadruplé, et ce, en dépit de la présence de la Mission de
4 vérification et en dépit des opérations de reconnaissance aérienne.
5 Q. Mon Général, vous pouvez, si vous le souhaitez, je suis sûr que les
6 Juges préféreront cela, répondre aux questions comme vous l'avez fait
7 précédemment de façon un peu plus brève.
8 J'aimerais d'ailleurs en arriver à la question que vous venez d'aborder,
9 voyez-vous. Parce que Klaus Naumann représentant de l'OTAN, est un homme
10 que vous avez qualifié comme vous l'avez fait hier devant la Chambre, ceci
11 figure au compte rendu d'audience, page 6995. Voilà ce qui a été dit à la
12 Chambre, je cite : "En toute justice, et selon les renseignements dont je
13 dispose et qui me viennent des rapports qui m'étaient adressés par les
14 membres des missions d'observations indépendantes sur le terrain, et plus
15 tard par la Mission de vérification au Kosovo, un grand nombre des
16 incidents ont été provoqués par l'UCK," "qui, manifestement, s'est efforcé
17 d'exploiter le vide créé par le retrait des forces de Sécurité serbes, par
18 le biais d'une infiltration destinée à s'emparer de ces régions et de toute
19 ces zones. Ces mêmes forces ont lancé des actes de provocation, et ont eu
20 recours à la violence."
21 C'est un représentant de haut rang de l'OTAN qui parle, n'est-ce pas,
22 devant ce Tribunal ? Vous n'avez pas un mot à objecter à ce qu'il a dit, je
23 suppose ? Vous serez d'accord avec cela ?
24 R. Pourriez-vous préciser une chose ? Je dois avouer que je n'ai peut-être
25 pas suffisamment prêté attention, Monsieur Nice. Je vous prie de m'en
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1 excuser. Dites-moi, je vous prie, qui s'est infiltré dans ces zones et a eu
2 recours à la violence ? Est-ce que vous parliez des autorités légales ou de
3 l'UCK ?
4 Q. De l'UCK, dans les zones qui avaient été abandonnées par les forces
5 après leur retrait.
6 R. Oui. Nous avons eu abondance de renseignements quant au fait
7 qu'effectivement l'organisation terroriste que constituait l'armée de
8 libération du Kosovo - et Monsieur le Président, je vais encore une fois
9 vous lire un extrait d'un ordre, je cite : "Les forces terroristes
10 albanaises se sont réorganisées, se sont équipées d'armes modernes --"
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps. Je vous
12 interromps pour les raisons que je vous ai déjà expliquées.
13 M. NICE : [interprétation]
14 Q. Voyez-vous, Klaus Naumann a poursuivi son propos, je parle du général
15 Klaus Naumann. Il a continué en disant ce qui suit, je cite : "Le problème,
16 c'est que dans de nombreux cas, pour autant que j'ai pu le constater plus
17 tard, notamment durant les mois de novembre et décembre, la partie serbe a
18 réagi de façon disproportionnée comme d'habitude. Si je puis me permettre
19 de m'exprimer ainsi, elle a adopté son attitude ancienne, qui consiste à
20 réagir à la seconde dès qu'il y a eu tentative de meurtre sur un individu
21 ou tentative de meurtre sur un officier de police."
22 Il poursuit - j'aimerais terminer la citation de ce passage. Il poursuit en
23 disant ce qui suit, il parle toujours de l'OTAN, je
24 cite : "Ce qui manquait à l'OTAN, c'était un instrument pour contrôler
25 l'UCK et influer sur elle, parce que - et c'est en sa qualité de
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1 représentant de l'OTAN qu'il s'exprime. Il déclare qu'il n'a jamais été
2 autorisé à s'entretenir avec le représentant de l'UCK parce qu'au départ,
3 l'OTAN avait qualifié ces hommes de terroristes, et qu'une règle d'or à
4 l'OTAN consiste à ne jamais négocier avec des terroristes."
5 "Ceci n'est pas dépourvu d'importance si vous examinez la composition de
6 l'OTAN," déclare-t-il, "puisque dans certains pays de l'OTAN, il existe des
7 mouvements terroristes."
8 Enfin, il déclare qu'après le mois de décembre, des actes de violence se
9 sont multipliés des deux côtés.
10 Ceci est la parole d'un homme qui était à la tête de l'OTAN. Je n'ai fait,
11 bien sûr, que de résumer son propos. J'espère l'avoir résumé fidèlement. Y
12 a-t-il quelque chose dans ce que je viens de lire ou de dire qui n'est pas
13 exact ou conforme à la réalité. Cet homme était sur le terrain.
14 R. Je n'ai que du respect pour le général Naumann. J'ai souvent discuté
15 avec lui du problème du Kosovo. Il a tout à fait raison de dire que l'OTAN
16 ne pouvait rien faire pour imposer ses vues. C'est d'ailleurs conforme à
17 nos propositions de l'époque. Au lieu de recourir aux pressions militaires
18 ou de déployer des forces de police internationales, il aurait été
19 préférable d'agir autrement. C'est ce que le général Naumann admet.
20 Cependant, il y a aussi un point important. M. Naumann déclare que si un
21 policier est tué, il n'est pas admissible de recourir à une force excessive
22 pour réagir à cela. Aussi bien au sein de l'OTAN qu'au sein du groupe de
23 contact, il a été admis qu'un groupe terroriste, dès lors qu'il existe et
24 dès lors qu'ils constitue une organisation importante, comptant plusieurs
25 milliers d'hommes en armes, et bien, chaque fois qu'un acte terroriste est
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1 commis, un acte tel que le meurtre d'un policier ou d'un citoyen pacifique,
2 il est impossible de réagir à cet acte en engageant simplement deux
3 policiers. Bien sûr, il faut qu'il y ait une réaction. La plupart des actes
4 terroristes étaient des actes de très grande ampleur, des actes planifiés
5 longtemps à l'avance. Pour débusquer les terroristes, les arrêter, les
6 liquider éventuellement, il faut avoir recours à des forces très
7 importantes, notamment à des forces de Sécurité mais également l'armée.
8 Je souhaite souligner autre chose. Nous entendons ici le chef de l'état-
9 major, et il existe des ordres officiels qui interdisent de recourir aux
10 armes lourdes. Certaines actions ont été interdites aux termes de
11 réglementations et de législations particulières. En fonction de ces
12 ordres, nous avons conclu que toutes les mesures nécessaires avaient été
13 prises pour éviter le recours aux armes lourdes et éviter tout dommage
14 collatéral susceptible de frapper la population civile. Mais nous ne nions
15 pas que certains excès aient pu survenir de la part de soldats isolés.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai dit merci, mon Général.
17 M. NICE : [interprétation] Passons maintenant à un autre sujet qui a déjà
18 fait l'objet d'un début d'opinion de votre part. Je parle de la fidélité
19 des rapports de la Mission de vérification du Kosovo, composée d'hommes qui
20 étaient sur le terrain depuis la fin de l'automne 1998 jusqu'au 20 mars
21 1999. Est-ce que vous étiez présent sur les lieux ? Vous n'y étiez pas en
22 1998, mais est-ce que vous étiez sur les lieux avant le 20 mars 1999 ?
23 R. Monsieur Nice, j'ai occupé des positions très importantes, je n'ai
24 organisé aucune action militaire. Cependant, j'ai dirigé le travail de
25 certains observateurs militaires. C'est moi qui leur confiais leur mission,
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1 et je me suis rendu très souvent à Belgrade. Je n'ai jamais eu le besoin
2 d'aller directement sur le terrain, c'est-à-dire, de me rendre là où des
3 combats se déroulaient ou dans les lieux où travaillaient les représentants
4 de la Mission de vérification.
5 Q. J'aimerais vous rappeler, ou plutôt aux Juges de la Chambre si cela est
6 nécessaire, que le système de rapports au sein de la Mission de
7 vérification du Kosovo était tel que les rapports étaient envoyés par les
8 officiers présents sur le terrain ou par les hommes présents sur le terrain
9 à un centre de coordination régional. Ensuite, ils étaient envoyés à
10 Pristina, par exemple, puis à l'ambassadeur Walker.
11 Nous avons déjà dans ce prétoire un témoin de la Défense qui, si je me
12 souviens bien, a travaillé en tant que responsable sur le terrain pendant
13 deux ou trois semaines. Son nom est Keith. Nous avons eu sous les yeux des
14 rapports réguliers qui nous ont été soumis. Nous avons également entendu
15 des responsables de la Mission de vérification au niveau régional, un
16 certain Maisonneuve et Ciaglinski ainsi que le général Drewienkiewicz, l'un
17 des adjoints de Walker.
18 Je vous demande, Monsieur, mon Général, pourquoi, je vous prie, vous dites
19 que ces rapports au sujet desquels nous avons entendu des dépositions ne
20 sont pas fiables.
21 R. M. Nice, j'ai fait référence à plusieurs ordres, à plusieurs décrets ou
22 lois. Cela faisait partie intégrante du travail mené à bien par les
23 observateurs russes et de leurs rapports.
24 Deuxièmement, les observateurs russes ont toujours démarré ce travail en
25 étudiant les décisions, les décrets et les lois des autorités de la région
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1 où ils étaient envoyés. Toutefois, j'aimerais d'ailleurs ajouter qu'ils
2 envoyaient leurs rapports à leurs officiers supérieurs. Toutefois, dans les
3 rapports de M. Walker, vous ne trouverez aucune mention faite à une analyse
4 législative ou a une analyse des réglementations qui, plus est, M. Walker
5 et d'autres représentants de l'OTAN, n'ont pas analysé les ordres qui
6 étaient émis à l'intention de la police et de l'armée. Comment pouvaient-
7 ils tiré des conclusions à propos du caractère licite ou illicite de leurs
8 actes ?
9 Il y a probablement un certain nombre d'arguments que je pourrais
10 avancer afin d'expliquer qu'ils ne se sont pas acquittés de leur tâche de
11 façon consciencieuse. Les rapports qu'ils ont envoyés à l'OSCE ne tenaient
12 pas compte de la réalité objective.
13 Q. Je suis d'un avis différent. Cela ne pose pas de problèmes, mon
14 Général, mais c'est un peu différent de ce que vous aviez exprimé hier.
15 Vous nous dites que les rapports ne ciblaient pas véritablement, ne
16 prenaient pas en considération le cadre législatif ou le cadre de
17 réglementations de la police militaire ou des militaires; c'est ce que vous
18 nous dites ?
19 R. L'Accusation se concentre justement sur des personnalités, des
20 personnalités officielles, des personnes qui détenaient des positions
21 officielles, qui émettaient des ordres, qui préparaient les règles. Lorsque
22 vous collectez vos moyens de preuve seulement en interrogeant des réfugiés
23 qui se rendent en Macédoine ou en interrogeant des terroristes, des membres
24 de l'UCK, et lorsque vous interrogez des personnes qui se trouvaient là de
25 façon fortuite, c'était nécessaire, je vous l'accorde. Moi, par exemple,
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1 j'ai indiqué aux observateurs qu'ils devaient commencer leur travail en
2 interrogeant les officiels, en étudiant les règles et règlements ainsi que
3 la législation des autorités de l'état, et en écoutant les moyens de preuve
4 de l'autre partie.
5 De toute évidence, l'approche de M. Walker était différente.
6 Q. Juste pour vous rafraîchir la mémoire au cas où vous n'étiez pas au
7 courant et pour nous rafraîchir nos mémoires également, la mission a
8 commencé avec un grand nombre de personnel militaire qui était, comme on
9 l'a dit, beaucoup plus disponible. l'intention, étant en fait, de petit à
10 petit les remplacer par des personnes qui avaient une plus grande
11 expérience.
12 Les rapports en question étaient des rapports factuels.
13 Il s'agissait tout simplement de présenter des rapports sur ce qui se
14 passait sur le terrain. Il s'agissait des filières de communication qui
15 étaient établies avec les forces serbes et avec l'UCK; le problème étant
16 que l'OTAN devait véritablement traiter avec des personnes décrites comme
17 des terroristes.
18 Ce que j'aimerais avoir de votre part, et je ne pense que m'ayez aidé
19 jusqu'à présent. Ce que j'aimerais savoir, c'est, en fait, je vais vous
20 présenter des pièces à conviction de ce genre, pourquoi est-ce que les
21 rapports qui ont été versés et que je vous demande de consulter, pourquoi
22 est-ce que vous les considérez comme peu fiables pour ce qui est des
23 faits ? Car je crois comprendre que c'est ce que vous avancez. Pourquoi
24 est-ce qu'ils ne sont pas fiables ?
25 R. Si vous voulez parler en termes généraux, la mission de
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1 M. Walker consistait d'un certain côté à essayer de trouver une solution
2 pacifique, à essayer de restaurer la paix au Kosovo, mais par ailleurs, il
3 y avait une opération beaucoup plus importante dont j'ai parlé. C'était en
4 quelque sorte juste un petit détail, un petit rouage.
5 Par exemple, sur quelle base est-ce que l'OTAN s'est constamment
6 arrogé le droit de concentrer ses forces militaires, et d'assumer des
7 fonctions qui normalement sont du ressort des Nations Unies. Dans le
8 processus du Kosovo --
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, une fois de plus.
10 Monsieur Nice, il vous appartient d'interrompre le témoin.
11 M. NICE : [interprétation] Je le ferai si vous le souhaitez. C'est
12 toujours à contrecœur que je m'immisce parce que cela peut avoir une
13 connotation négative, et puis, cela peut parfois donner l'impression
14 erronée que les réponses posent problème.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas de jury ici.
16 M. NICE : [interprétation] Je me contente de faire constatation.
17 Q. Mon Général, alors si vous n'êtes pas en mesure de me fournir des
18 explications --
19 Je vous dirais qu'hier, vous avez indiqué que ces rapports n'étaient pas
20 fiables. J'aimerais savoir à partir de quelle base vous vous placez pour
21 indiquer qu'ils n'étaient pas fiables, parce que si vous nous ne nous
22 donnez pas le fondement expliquant ce manque de fiabilité, je vais tout
23 simplement passer à un autre sujet.
24 Est-ce que vous pourriez nous expliquer de façon factuelle pourquoi ces
25 rapports sont peu fiables ?
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1 R. Monsieur Nice, ces commissions internationales, qui ne sont placées
2 sous le contrôle de l'OTAN, fournissaient des rapports différents. Je vous
3 demanderais de prêter attention à cela. D'ailleurs, je ne vais pas faire
4 d'observation. Vous avez, par exemple, le rapport d'octobre 1998 - octobre
5 1999. Il s'agit d'un rapport de l'OSCE mais c'est un rapport qui n'a pas
6 été placé sous le contrôle de l'OTAN. Les conclusions sont tout à fait
7 différentes. Il y a des conclusions qui coïncident, d'autres qui ne
8 coïncident absolument pas.
9 Je me fonde pour avancer ce que je dis sur le fait que les rapports ont été
10 --
11 Q. Nous avons le document. C'est une pièce à conviction dans cette
12 affaire. J'aimerais savoir quelles sont les conclusions qui sont
13 différentes ?
14 R. Les conclusions sont tout à fait différentes, et je cite : "Avant
15 l'opération de l'OTAN, les forces serbes" et j'insiste sur le début "avant
16 l'opération de l'OTAN," et vous ne trouvez pas cela dans le rapport de
17 Walker --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit : "Je cite." Qu'est-ce
19 que vous citez exactement ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, je cite. Je cite. Il s'agit du
21 rapport de l'OSCE qui vient de vous être montré par M. Nice. C'est une
22 pièce à conviction ici, d'après ce que je crois comprendre. Il s'agit d'un
23 rapport présenté par des experts indépendants.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais quelle page, quel
25 chapitre ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, je ne peux pas vous donner le
2 numéro de la page, parce que je me suis contenté de prendre note de
3 certains extraits et de les copier.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons vous autoriser --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Par exemple, il y a un chapitre relatif à la
6 violence au Kosovo.
7 Puis-je citer cela ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
9 M. NICE : [interprétation] Oui. Nous le trouverons plus tard.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous essayons de trouver le
11 passage en question. Poursuivez.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] "Avant l'opération de l'OTAN, l'armée serbe et
13 les organes chargés de faire respecter l'ordre public ont agi de façon dure
14 dans les zones où il y avait une concentration de l'Uceka. Des actions
15 punitives ont été ciblées seulement contre les terroristes et les
16 organisations séparatistes qui soutenaient de façon tout à fait directe les
17 opérations de combat jusqu'à ce qu'elles obtiennent ces territoires."
18 Si vous comparez ce passage au passage équivalent dans le rapport de
19 Walker, vous verrez que les conclusions sont très divergentes.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous avons le rapport de
21 l'OSCE, et pendant la pause, Monsieur Nice vous vous évertuerez de trouver
22 l'extrait.
23 M. NICE : [interprétation]
24 Q. Mon Général, est-ce que vous pouvez me dire s'il s'agit des premières
25 pages de ce livre ou s'il faut que je parcoure l'ensemble de l'ouvrage ?
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1 R. Il s'agit du chapitre qui parle, il me semble que c'est le titre de
2 l'escalade de la violence.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant avoir une
4 pause de 20 minutes.
5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.
6 --- L'audience est reprise à 12 heures 47.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais vous indiquer, d'ores et déjà,
10 que j'ai utilisé 215 minutes lors de mon interrogatoire principal. M. Nice
11 a le droit d'avoir 60 % de ce temps. Il a déjà utilisé 150 minutes, et vous
12 ne l'avez pas mis en garde. Il a déjà dépassé le temps qui lui a été
13 imparti, et il l'a beaucoup dépassé.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A bien des reprises, Monsieur
15 Milosevic, il vous a été octroyé un temps supplémentaire lors du contre-
16 interrogatoire de témoins à charge. Nous pensons, et c'est le point de vue
17 de la Chambre de première instance, que ce délai de temps de supplémentaire
18 est tout à fait justifié. Ceci étant dit, je prends note de votre
19 observation.
20 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, une petite minute --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De toute façon, tout cela sera
22 ajusté.
23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je pensais que le temps
24 qui m'avait été imparti était un temps général plutôt qu'un temps
25 correspondant à chaque témoin. Un témoin tel que celui-ci qui arrive avec
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1 une pléthore de documents sans me donner, au préalable, d'indications, est
2 un témoin qui va requérir une certaine période de temps. Bien entendu, je
3 vais m'efforcer d'être aussi bref que possible.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, Monsieur
5 Milosevic, de toute façon, nous procéderons à un ajustement, ce qui fait
6 que cela ne sera pas une perte pour vous.
7 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
8 crains ne pas avoir trouvé la référence indiquée dans "Tel que vu, tel que
9 relaté." J'aimerais que M. l'Huissier place, sous le rétroprojecteur, ce
10 passage que j'ai surligné en jaune.
11 Q. Parce que, mon Général, lorsque vous êtes arrivé ici, avec cet extrait
12 intitulé "Ainsi vu, ainsi relaté," il y a deux rapports. Je ne sais pas si
13 cela, vous le savez. Il y a celui auquel je pense, et nous savons que ce
14 même rapport, à propos duquel vous parliez du manque de fiabilité des
15 Missions de vérification du Kosovo, inclut, dans son préambule, ce qui suit
16 : "L'ampleur des violations des droits de l'homme est absolument
17 époustouflante. Il a été estimé que plus de 90 % de la population albanaise
18 du Kosovo, soit plus de 1,45 millions de personnes ont fait l'objet de
19 déplacement du fait du conflit et ce, jusqu'au 9 juin 1999. Le nombre de
20 victimes ne peut être que deviné pour le moment, mais la prévalence des
21 rapports qui ont été confirmés et des déclarations de témoins à propos
22 d'assassinats de groupes et d'assassinats d'individus dans ce rapport était
23 particulièrement indicative. La violence infligée à ces personnes, violence
24 qui a été indiquée notamment dans les déclarations des réfugiés, est
25 extrême et absolument invraisemblable."
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1 Je ne veux pas poursuivre cette lecture, mon Général. Il s'agit d'un
2 rapport qui, d'après vous, montre le manque de fiabilité des documents
3 présentés à cette Chambre de première instance. Aidez-moi, je vous prie.
4 Est-ce que la conclusion de "Tel que vu, tel que relaté" dans le rapport
5 est quelque chose que vous acceptez ou que vous n'acceptez pas ? Parce que
6 cela est une partie des moyens de preuve.
7 R. De quoi parlez-vous, plus précisément ?
8 Q. Il est dit que l'ampleur des violations de droits de l'homme est
9 absolument époustouflante et que plus de 1,45 millions de personnes ont
10 fait l'objet de déplacement. Est-ce que vous acceptez cette idée ?
11 R. J'accepte cette idée dans la mesure où le rapport traite des violations
12 de droits de l'homme. Il s'agit de violations essentiellement infligées par
13 les organisations terroristes. Pour ce qui est du nombre des personnes
14 déplacées, je ne peux pas le confirmer. L'exode de masse des réfugiés a
15 commencé avec le début du bombardement de l'OTAN, et c'est une idée que
16 j'ai avancée et que je confirme.
17 Q. Je reviendrai là-dessus. Tenons-nous-en à la Mission de vérification du
18 Kosovo. M. Walker et le général Drewienkiewicz n'ont pas dû répondre à
19 cette question. Il n'y a pas eu de plaintes qui vous ont été présentées à
20 ce sujet, mon Général. J'aimerais savoir si vous êtes en mesure de
21 confirmer qu'il y avait toujours un adjoint russe qui faisait partie de la
22 Mission de vérification au Kosovo et qui était présent à toutes les séances
23 matinales de M. l'ambassadeur Walker.
24 R. Comment est-ce que vous traduisez le mot "deputy" en russe ? Est-ce
25 qu'il s'agissait d'un député au parlement ou d'un représentant russe ?
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1 Q. Non, non, non. Un représentant.
2 R. Un représentant russe. Oui, oui, il était présent.
3 Q. Toute partialité de la part de M. l'ambassadeur Walker ou de la part de
4 ceux qui lui présentaient des rapports aurait ainsi été débusquée par le
5 représentant russe. Cela aurait été repris dans un document, consigné, et
6 on aurait retrouvé cela dans les moyens de preuve présentés ici.
7 R. J'aimerais vous dire, qu'en décembre 1998, nos représentants ont
8 présenté un rapport à notre ministre de la Défense, le maréchal Sergeyev,
9 et m'ont présenté un très long rapport. Dans ce long rapport, le
10 représentant a justement fait état de ce genre de choses. En d'autres
11 termes, les rapports présentés par le représentant russe sont reçus, mais
12 ils ne sont pas pris en considération.
13 Q. Mais, avez-vous --
14 R. Le représentant en question était M. Ivanovski.
15 Q. Avez-vous ce rapport avec vous ? L'avez-vous ici ?
16 R. Je ne savais pas que cette question serait soulevée. Si je l'avais su,
17 j'aurais pu l'amener. Il m'aurait fallu quasiment tout un avion entier pour
18 le remplir de documents.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Ce rapport précis, est-ce
20 que vous pouvez l'obtenir ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un rapport oral, et je me souviens que
22 des cartes avaient été présentées lorsqu'il avait présenté son rapport au
23 ministre de la Défense ainsi qu'à moi. Cela s'est passé à Belgrade en
24 décembre.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit qu'il a présenté un
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1 rapport. Ce qui nous pousse à croire qu'il s'agissait d'un rapport écrit.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'était un rapport présenté oralement, un
3 rapport relatif à la situation au sein de la mission. La situation était
4 que les contributions des Russes et d'autres représentants des pays
5 n'appartenant pas à l'OTAN n'étaient pas prises en considération dans les
6 rapports.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque ce rapport a été présenté,
8 il s'agissait de ce rapport oral ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait le maréchal Sergeyev qui était
10 ministre de la Défense, il y avait moi-même également. J'étais aussi
11 présent, il y avait deux de mes officiers.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mon Général, qu'avez-vous fait au vu
13 de ce rapport ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le maréchal Sergeyev s'est évertué de
15 promouvoir nos intérêts et d'envoyer, de transmettre nos rapports au
16 quartier général pour qu'ils puissent être pris en considération. A son
17 retour à Belgrade, il en a parlé pendant l'une de ses réunions avec l'OTAN,
18 il en a également informé le ministre des Affaires étrangères.
19 M. NICE : [interprétation]
20 Q. Mon Général, si ce grief était bien fondé, votre maréchal aurait pu
21 présenter ses griefs et ses plaintes à Vienne à
22 M. l'ambassadeur Walker où il aurait pu demander à ce que les rapports de
23 votre représentant soient pris en considération lors des réunions
24 quotidiennes de Walker.
25 Puisqu'il s'agit d'un rapport oral, tout ce que je peux me permettre de
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1 suggérer, c'est qu'il n'y a pas véritablement de fond dans le grief que
2 vous présentez. En fait, il faut savoir que lorsque l'Accusation a présenté
3 des témoins à charge, il a été indiqué que les Russes étaient véritablement
4 bien usités ou utilisés au sein de la mission. Ils étaient bien
5 représentés, tout comme d'ailleurs les Ukrainiens parce qu'avec les
6 Ukrainiens, ils pouvaient communiquer sur le terrain. On dépendait d'eux.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une question ?
8 M. NICE : [interprétation] C'est une proposition que j'avance.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Que puis-je faire ? A mon retour en Russie, je
10 pourrais essayer d'obtenir une confirmation écrite de la part des
11 observateurs qui ont travaillé dans le cadre de cette mission, et puis, je
12 présenterais ces rapports au Tribunal.
13 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à autre
14 chose et mettre de côté pour le moment le manque de fiabilité des rapports
15 parce que je ne pense pas que le témoin soit en mesure de nous aider à ce
16 sujet. J'aimerais rappeler à la Chambre de première instance que nous
17 avions fait quelque chose ou qu'il y avait un ouvrage bleu, un livre bleu
18 qui a été présenté lorsque nous avons eu un témoin, un témoin qui était
19 présent sur le terrain. Il s'agit du Témoin Keith. J'aimerais aborder cela.
20 Q. Général Ivasov, j'aimerais vous demander une observation à ce sujet. Je
21 ne sais pas si vous avez vu la déposition, si cela vous a été relaté, mais
22 il y avait, en fait, un officier qui était présent sur le terrain. Il
23 s'appelait Keith, qui a été cité par l'accusé, comme l'un des témoins de
24 l'accusé, et qui a présenté deux rapports quotidiens. En fait, il a indiqué
25 que tous ceux qui s'y trouvaient avaient fait l'objet, absolument,
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1 fidèlement, d'un rapport dans un document qui est connu sous le nom de
2 livre bleu. Est-ce que vous avez des raisons de douter de la précision et
3 de l'exactitude de ce livre bleu puisqu'il s'agit d'un rapport détaillé des
4 événements qui se sont déroulés sur le terrain ?
5 R. Je ne connais pas M. Keith, par conséquent, je ne peux pas présenter
6 d'observations sur ce livre bleu. Je fonde mon point de vue sur des
7 documents officiels que j'ai reçus.
8 Q. Sur un rapport oral.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] De quel document officiel s'agit-il ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] A nouveau, il s'agit du rapport de M. Walker,
11 du document de l'OCSE, ainsi que du rapport officiel qui a été envoyé par
12 les représentants russes de la mission, les représentants russes qui
13 travaillaient sur le terrain.
14 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si ces documents vont nous être
15 présentés, mais je vais passer à autre chose puisqu'ils ne sont pas
16 présentés pour le moment.
17 J'aimerais, en fait, être utile à la Chambre de première instance. Il
18 s'agit d'un ou deux éléments qui ont été avancés par le témoin hier. Je ne
19 demande pas au témoin de répondre, bien qu'il puisse le faire s'il le
20 souhaite.
21 Il a été accepté qu'au sein de la Mission de vérification du Kosovo, il y
22 avait des personnes qui avaient été formées par l'organisation américaine
23 MPRI ou qui avaient une certaine expérience de cette organisation. Je ne
24 conteste pas le fait que des membres de l'UCK auraient pu être formés par
25 ces personnes.
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1 Le régime ou le système ou titre de l'Article 68 dans le cadre duquel nous
2 oeuvrons et qui a été modifié récemment par un amendement apporté au
3 Règlement, et la Chambre comprendra les difficultés auxquelles nous avons
4 fait face pour essayer de produire un document que je souhaite produire.
5 Mais j'espère que des concessions seront faites.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être préciser ce
7 à quoi vous pensez ? Je n'ai jamais dit que les membres de la Mission de
8 vérification avaient été recrutés ou utilisés par cette organisation. Ce
9 que j'avais dit, c'est que sur le territoire de l'Albanie, il existait des
10 camps de formation, et des personnes recrutées par cette organisation ont
11 été remarquées, y ont été observées, mais je n'ai jamais indiqué quoi que
12 ce soit à propos des membres de la mission. Donc, prenez note de cela.
13 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
14 compte tenu des griefs ou des plaintes, des plaintes d'ordre générales ou
15 des critiques de M. l'ambassadeur Walker, il y a un jeu de documents que
16 nous pouvons, je pense, étudier très rapidement parce qu'ils existent à la
17 fois en traduction anglaise et B/C/S. Il y a une version en B/C/S pour le
18 témoin bien que je suppose qu'il préférera peut-être écouter cela pour le
19 canal anglais, grâce à la traduction anglaise. Il s'agit de rapports
20 émanant du bureau du ministère des Affaires étrangères au Kosovo.
21 J'aimerais que cela puisse être affiché sous le rétroprojecteur dans la
22 version anglaise pour que nous puissions suivre cela, très rapidement.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président ? Monsieur le
24 Président ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais vous indiquer que mon avion part à
2 16 heures d'Amsterdam, aujourd'hui. Donc, j'aimerais que vous ne l'oubliiez
3 pas.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous quittez le Tribunal à 13
5 heures 45, vous arriverez à l'aéroport avant 15 heures. Je pense qu'il n'y
6 a pas de problème.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Le premier document porte la date du 26 novembre 1998. Il s'agit d'une
9 conversation du général Drewienkiewicz. Il s'agit du général DZ qui a été
10 témoin ici, et il s'agit du problème du terrorisme, mais l'autre partie
11 explique que cela n'est pas acceptable lorsque l'on prend comme point de
12 vue le point de vue d'un état souverain.
13 C'est un détail. Mais la terminologie du terrorisme, nous l'avons vu
14 dans les rapports. Nous avons vu que Walker et les autres étaient tout à
15 fait disposés à décrire l'UCK comme étant des terroristes, de temps à
16 autre. Je suppose que vous êtes en mesure d'accepter cela, mon Général ?
17 R. Oui. Justement, de temps à autre, ils les appelaient terroristes. Mais
18 le comportement de M. Walker était assez surprenant, parce qu'il avait
19 l'habitude de se réunir avec les dirigeants, les chefs d'une organisation
20 terroriste. De surcroît, certains représentants des Nations Unies et
21 d'autres membres de l'OTAN se réunissaient avec eux dans différentes
22 capitales européennes. Il n'y a aucune tentative qui a été faite pour les
23 arrêter, les interroger.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui.
25 M. NICE : [interprétation]
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1 Q. Comme je vous l'ai déjà expliqué, l'OTAN n'avait pas le droit de
2 rencontrer des terroristes. L'un des buts de la Mission de vérification du
3 Kosovo était de faire en sorte qu'ils puissent négocier avec tous les
4 camps. C'est ce qu'ils ont fait, justement.
5 Je pensais que vous aviez accepté cette idée. Si vous ne l'avez pas
6 accepté, je pense que je peux passer à autre chose du fait du peu de temps
7 qui reste.
8 R. Ce que je dis, c'est que les représentants des pays de l'OTAN se
9 réunissaient publiquement et ouvertement avec des dirigeants
10 d'organisations terroristes. En plus, ils les ont invités à différentes
11 conférences internationales. Ils les ont accueilli chaleureusement. Ils
12 n'ont pas fait montre d'autant de générosité avec les représentants des
13 autorités officielles.
14 Q. Document suivant dont la date est incertaine, mais il s'agit
15 probablement du 16 décembre. Vous voyez que le sujet, c'est une
16 conversation entre Walker et Loncar. Vous voyez à la fin de la première
17 page que le sujet discuté comprend les tout derniers incidents provoqués
18 par les terroristes albanais à la frontière entre la Yougoslavie et
19 l'Albanie, et l'attaque d'un café à Pec au cours de laquelle six Serbes ont
20 été tués. Ce qui est caractéristique dans cette conversation, c'est que
21 pour la première fois, Walker décrit ces incidents comme des actes
22 terroristes, en ajoutant une définition assez semblable à celle qui avait
23 été utilisée par M. l'ambassadeur Holbrooke.
24 Je pense que cela confirme ce que j'ai déjà avancé. Vous êtes d'accord avec
25 moi ?
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1 R. Je suis d'accord avec le fait que cet incident s'est passé. Ce jour-là,
2 j'étais à Belgrade. Je suis d'accord avec le fait que
3 M. Walker n'a pas attribué la responsabilité juridique claire de cet
4 incident à l'organisation terroriste.
5 Q. Le document suivant est le document du mois de décembre. Il s'agit du
6 28 décembre. Vous voyez que dans la traduction il est marqué 1988. C'est
7 erroné; il s'agit de 1998. Il s'agit d'une conversation entre Loncar et
8 Drewienkiewicz. Quatre lignes après le rapport à proprement parler : "Il a
9 dit qu'il voulait, dans un premier temps, présenter les évaluations
10 actuelles de la Mission de vérification du Kosovo sur la situation
11 politique et sécuritaire au Kosovo et au Metohija, à propos des tout
12 derniers incidents qui ont provoqué la rupture du cessez-le-feu négocié
13 entre le MUP et ce qu'on appelle l'UCK. La façon dont il a présenté les
14 évaluations et les conclusions de la Mission de vérification du Kosovo, il
15 a indiqué essentiellement que le MUP et l'armée yougoslave avaient agi de
16 façon tout à fait légitime, et agissaient récemment de façon légitime, mais
17 que leur utilisation de la force était disproportionnée."
18 Puissiez-vous passer à la page suivante, Monsieur l'Huissier.
19 Vous verrez que deux lignes après le début de la page suivante, il est
20 indiqué : "Il a également mis en exergue le fait que d'après lui, la
21 Mission de vérification au Kosovo s'acquittait bien de sa tâche, et même
22 dépassait ses tâches, puisque non seulement elle s'efforçait de vérifier la
23 situation, mais également de contacter l'UCK afin d'exercer des pressions
24 sur l'autre camp, et de les convaincre de ne pas agir de façon stupide, en
25 essayant de les convaincre de se retirer des positions détenues au mois
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1 d'octobre de cette année, et en indiquant que leurs provocations et
2 tergiversation n'étaient pas appropriés à la situation donnée."
3 Puissiez-vous passer à la page suivante, Monsieur l'Huissier. Je vous
4 demanderais, en fait, de passer à la dernière page de ce rapport, où il est
5 dit : "Souhaitant insister sur les bonnes intentions qui ont été réfutées
6 par notre camp, les bonnes intentions de la Mission de vérification du
7 Kosovo, il a indiqué que la mission dirigée par Walker avait émis une
8 déclaration positive à propos des incidents qui s'étaient déroulés à la
9 frontière entre la Yougoslavie et l'Albanie. A cette occasion, il a vérifié
10 manifestement que cet événement correspondait à un droit légitime pour ce
11 qui est du camp yougoslave."
12 Vous voyez, mon Général, il s'agit d'un rapport qui traite de plusieurs
13 éléments par le camp serbe. Il est indiqué de façon très claire, d'après
14 les documents disponibles, qu'ils essayaient de faire la part des choses
15 lorsqu'il présentait le rapport ?
16 R. Oui, tout à fait. Dans certains cas, surtout lorsqu'il s'agissait de
17 tentative d'incursions au-delà de la frontière. Pour d'autres incidents, M.
18 Walker a fourni des informations objectives. Toutefois, pour ce qui est de
19 cette idée suivant laquelle des forces ont été utilisées de façon
20 disproportionnée, il n'y a aucune interprétation juridique de ce terme.
21 Toutefois, j'aimerais une fois de plus indiquer que tous les ordres et
22 toutes les lois relatives au commandement suprême et au commandement des
23 forces armées, limitaient l'utilisation de la force et indiquaient que ceux
24 qui enfreignaient ces réglementations seraient considérés comme
25 responsables.
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1 Q. C'est la sixième ou la septième fois que vous nous le dites. Je vais
2 passer au dernier document de ce jeu de documents. Il s'agit du 12 janvier
3 1999, à nouveau un rapport du camp serbe. Il s'agit d'une conversation avec
4 Aleksandar Nikolaev.
5 Est-ce que dans un premier temps, -- il s'agissait du dirigeant de la
6 Mission de vérification du Kosovo.
7 Est-ce que vous pouvez nous confirmer que Nikolaev est Russe ?
8 R. Je ne peux pas le confirmer. Peut-être que si vous me donnez davantage
9 de détails sur cette personne. Vous savez, la moitié des Russes s'appellent
10 Nikolaev.
11 Q. Regardez ce qui est indiqué dans le paragraphe 2, ou écoutez, plutôt,
12 dans votre cas.
13 "Nikolaev a présenté des détails relatifs à des événements pour la Mission
14 de vérification du Kosovo après le meurtre d'un policier et l'enlèvement
15 des soldats de l'armée yougoslave. Dès la réception de ces nouvelles à
16 propos de cet incident, le général Drewienkiewicz a informé Walker à
17 Washington. M. l'ambassadeur Walker a demandé au général d'attendre un peu
18 avant d'envoyer le rapport à Washington en le mettant en garde, parce qu'il
19 se pouvait qu'il s'agisse d'une mauvaise information.
20 "Toutefois, le général a quand même organisé une réunion avec ses
21 adjoints. Et sur la base d'un vote majoritaire, il a été décidé de
22 transmettre le rapport à Washington, ce qui a provoqué le courroux de
23 Walker.
24 "Ensuite, Nikolaev nous a informé de l'évaluation de la situation au
25 Kosovo, et nous a indiqué quel était l'évaluation analytique effectuée par
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1 la Mission de vérification du Kosovo le
2 9 janvier."
3 Je ne vais pas abuser de votre patience pour ce qui est de ce
4 document, mais il est évident que la façon dont une Mission de vérification
5 travaillait, était tout à fait transparente en Russie parce que, à bien des
6 égards, vous aviez des représentants qui étaient présents à ces réunions.
7 Vous obteniez des rapports exhaustifs lorsqu'il y avait des désaccords, tel
8 que le désaccord dont je viens de parler. Cela a été envoyé en Yougoslavie,
9 et il s'agit d'un organe qui faisait un travail sérieux, de façon
10 transparente et raisonnable; est-ce exact ?
11 R. Je ne peux pas vous apporter un commentaire dans ce cas particulier.
12 Toutefois, je sais qu'Igor Ivanov, le ministre des Affaires étrangères de
13 la Russie, lors de sa rencontre avec
14 Mme Albright et d'autres collègues, a présenté -- a soulevé la question, la
15 question de l'objectivité des rapports présentés au sujet des événements au
16 Kosovo, mais ceci de la part de tous les membres de cette mission.
17 S'agissant de M. Holbrooke, dire qu'il avait été navré, c'est une question
18 qui est interne aux Affaires étrangères des Etats-Unis, étant donné que M.
19 Holbrooke et M. Walker, ainsi que d'autres représentants officiels étaient
20 en service dans les Commissions européennes --
21 Q. Très bien.
22 R. -- et ils ont été des représentants des Etats-Unis.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De combien de temps avez-vous
24 besoin ?
25 M. NICE : [interprétation] Je crois que je vais pouvoir conclure dans 15 à
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1 20 minutes.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous des
3 questions complémentaires et, si oui, de combien de temps pensez-vous avoir
4 besoin ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] De très peu de temps.
6 M. NICE : [interprétation] Je vais finir à 13 heures 35.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Essayez de finir à
8 1 heure 30.
9 M. NICE : [interprétation] Je ferai de mon mieux.
10 Q. Vous avez soulevé une question qui peut être importante et qui serait
11 susceptible d'être -- de mériter de l'intérêt pour la Chambre. Vous avez,
12 en effet, dit que la Commission de vérification au Kosovo a activement
13 déployé un plan -- mis en œuvre un plan général de démembrement -- de
14 démantèlement de la Yougoslavie en désignant les cibles pour le
15 bombardement. Vous l'avez dit, en effet. Avez-vous des éléments de preuve à
16 cet effet, ou n'en avez-vous pas ?
17 R. Ces éléments de preuve existent. Toutefois, cela fait partie des
18 documents confidentiels et figurent au sein des rapports desdits
19 observateurs. J'espère pouvoir fournir cela à la Chambre dès mon retour en
20 Russie.
21 Q. Général, je crois qu'il convient de se pencher sur ce qui s'est passé
22 jusqu'à présent. Si vous allez vous référer à des documents qui sont
23 confidentiels, et pour ma part, vous pouvez le faire en toute liberté, et
24 vous essayerez de le faire parvenir à la Chambre. Mais si, toutefois, vous
25 n'êtes pas en mesure de le faire, je ne me propose pas de vous poser de
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1 questions à ce sujet.
2 Allez-vous être en mesure de nous présenter ces documents confidentiels ou
3 pas ?
4 R. Je vais me référer à des informations indirectes dans ce domaine où est
5 intervenu un certain nombre de membres de cette mission suite au 24 mars.
6 C'est là qu'on a procédé à des frappes directes, précises. Or, les
7 activités de reconnaissance dans le secteur ont permis de recueillir des
8 informations à ce sujet. Nous avons toutes les raisons de croire qu'ils ont
9 recueilli -- qu'ils ont collecté des informations du domaine de
10 renseignements militaires. Parce qu'il n'y aurait aucune raison autre pour
11 justifier leur présence là-bas. Alors, de là, à savoir combien de cas
12 devrait suffire pour confirmer cette affirmation -- ou pour étoffer cette
13 affirmer, Monsieur Nice, à votre avis ?
14 Q. Des armées telles que l'OTAN ont des plans de circonstancier. Ils ont
15 des connaissances préalables concernant des cibles fixes, n'est-ce pas ?
16 Ils n'allaient tout de même pas dépendre de groupes créés ad hoc ou
17 d'équipes disponibles à ce moment donné, telle que la Mission d'observation
18 au Kosovo ? Ils devaient avoir, forcément, auparavant, du personnel. Vous
19 devriez le savoir, en votre qualité de militaire.
20 R. Oui, je suis un militaire, et je sais que les militaires suivent les
21 ordres reçus, ainsi que la législation. Qui est-ce qui a autorisé l'OTAN à
22 créer des groupes armés et préparer des frappes aériennes ? Quel est
23 l'organe, quelle l'instance qui a autorisé cette action ? Etait-ce M.
24 Solana ?
25 Q. Ce n'est pas une réponse à la question que j'ai posée. L'OTAN savait
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1 d'avance quels étaient les sites de ces cibles et il n'avait pas à
2 recueillir d'information de vos groupes ad hoc, tel que la Mission
3 d'observation du Kosovo, pour faire une telle tâche, n'est-ce pas ?
4 R. Monsieur Nice, lorsque la partie russe a fourni des documents à M.
5 Clark, des documents portant sur des camps d'entraînement à l'intention de
6 terroristes, sur les itinéraires utilisés pour approvisionnement en armes
7 et autre matériel. M. Clark a affirmé que l'OTAN ne disposait pas de telles
8 informations et que leur service de renseignement ne faisait pas très bien
9 leur travail. C'est le seul commentaire que je puis vous faire à présent.
10 Q. Fort bien. Passons à autre chose.
11 R. La Mission d'observation a probablement été complémentaire, dans ses
12 activités, pour ce qui est des activités du renseignement de l'OTAN.
13 Q. Point suivant. Les rapports que nous avons entendus, y compris "Tel vu,
14 tel dit", les rapports portant sur les droits de l'homme, et ainsi de
15 suite, ainsi que le témoignage d'une personne appelée Ball, un expert, tout
16 ceci nous laisse entendre que les expulsions, suite au début de la campagne
17 de bombardement, a été une résultante des opérations déployées par les
18 forces serbes. Donc, je voudrais que nous procédions de façon
19 méthodologique. Sur quoi vous fondez-vous ? Vous êtes-vous entretenu en
20 direct avec des réfugiés vous-même ? Oui ou non ?
21 R. Oui, je me suis entretenu en personne avec eux, en passant par le via
22 d'un interprète russe.
23 Q. A combien -- avec combien de réfugiés vous vous êtes entretenu ?
24 R. Je me suis entretenu avec deux hommes qui représentaient des familles
25 de catholiques albanais.
Page 33859
1 Q. Quels sont les autres éléments de preuve que vous avez pour affirmer
2 qu'un grand nombre de témoignages et de pièces à conviction présentées
3 devant cette Chambre au sujet des expulsions se sont produites après les
4 opérations serbes ? Sur quoi vous fondez-vous ?
5 R. Je me fonde sur la déclaration du commissaire des Nations Unies aux
6 réfugiés. Je me suis fondé sur des documents des Nations Unies indiquant
7 qu'il y a eu une augmentation dramatique du nombre des réfugiés suite au
8 début des bombardements. J'ai expliqué, hier, comment cela s'était produit.
9 Les gens étaient, tout simplement, à la recherche d'un abri.
10 Q. Mais est-ce que vos services de Renseignements -- vos données du
11 renseignement pouvaient fournir quelque explication que ce soit pour dire
12 que les fosses communes en Serbie contenaient des cadavres de personnes
13 tuées au Kosovo ? Je parle, notamment, d'une fosse à Batajnica, dans une
14 localité où se trouve la base d'une Unité spéciale anti-terroriste non loin
15 de Belgrade. Avez-vous une explication pour ce qu'il y a des modalités
16 suivant lesquelles cela s'est produit ?
17 R. Nous recevions des informations régulières de la part de notre
18 ambassade, de la part de l'administration et de l'attaché militaire, ainsi
19 que de la part de structures autres. Nous recevions des informations de la
20 part de l'état-major de l'armée de Yougoslavie.
21 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce qui suit, je vous prie. En tant que
22 nations amies, vous aviez accès à des informations et à du renseignement.
23 Comment se fait-il que les cadavres de personnes tuées au Kosovo ont été
24 ensevelis à proximité d'une base aérienne non loin de Belgrade ? Pouvez-
25 vous me répondre par un oui ou par un non ? Pouvez-vous nous aider ?
Page 33860
1 R. Je n'avais rien à voir avec l'enterrement de ces cadavres donc je ne
2 peux pas vous faire de commentaires.
3 Q. Est-ce que vous avez été présent à Rambouillet vous-même ?
4 R. Je n'étais pas présent à Rambouillet. La Russie était représentée là-
5 bas par Boris Mayorsky, qui a l'occasion d'un deuxième volet de
6 négociations, n'a pas pu prendre connaissance du document présenté par Mme
7 Albright, et il l'a dit lui-même au sujet de l'événement. Or, le document a
8 immédiatement été accepté par les Albanais du Kosovo.
9 Q. Général Ivasov, en réalité, vous êtes extrêmement loyal à l'égard de la
10 cause slave et la cause yougoslave telle que vous la percevez, n'est-ce pas
11 ?
12 R. Monsieur Nice, vous savez quoi, j'ai beaucoup d'amis au sein de l'OTAN.
13 Ce sont des gens qui continuent à être des amis, et ce sont des gens
14 hautement placés. M. Solana m'a décoré d'un ordre pour les mérites au
15 niveau de coopération avec l'OTAN. Je dois aussi préciser que je n'ai pas
16 accepté cette médaille.
17 M. Robertson, le secrétaire général de l'OTAN, au mois de mai 2001, m'a
18 donné une médaille particulière pour la contribution que j'ai faite à la
19 coopération réalisée avec l'OTAN. Oui, je suis un patriote. J'aime mon pays
20 et je dois vous répéter que je suis né dans une république islamique au
21 sein de l'Union soviétique, et aussi traitais-je tous les groupes ethniques
22 avec le même respect.
23 Q. Mais, par exemple, lorsque cet accord a été signé pour ce qui est de
24 l'interruption des bombardements de l'OTAN vous avez adopté une approche
25 conciliante -- vous n'avez pas eu une approche conciliante à l'égard de
Page 33861
1 l'approche de M. Chernomyrdin, votre supérieur hiérarchique, mais vous avez
2 continué à objecter, n'est-ce pas ?
3 R. J'ai été catégoriquement opposé à l'ultimatum formulé à l'égard de la
4 Yougoslavie. Je me suis catégoriquement conformé aux directives émanant du
5 président Yeltsin. Cela a été quelque chose d'obligatoire pour tous les
6 membres de la délégation. Cela a été enfreint par M. Chernomyrdin. J'ai
7 également été opposé à quelques négociations clandestines que ce soit entre
8 M. Talbot et
9 M. Chernomyrdin.
10 Je vais vous donner un exemple. Lorsque M. Chernomyrdin et
11 M. Atasari sont arrivés à Belgrade --
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous donner cet
13 exemple ?
14 M. NICE : [interprétation]
15 Q. En fait, j'avais souhaité vous poser des questions au sujet de passages
16 vidéo que je me proposais de vous faire visionner. Vous avez, en fait, été
17 l'officier qui a conduit les forces russes à l'aéroport de Pristina en
18 s'attendant à un conflit avec l'OTAN, et vous avez dû les retirer. Est-ce
19 que vous l'avez fait suite à des instructions de Yeltsin ou alors suite à
20 une initiative qui était une initiative de votre part, mais c'est vous
21 l'officier qui a pris ces décision ?
22 R. Monsieur Nice, d'abord, tirons une chose au clair. Quelle est la
23 provision de la charte des Nations Unies et quel est le paragraphe de la
24 résolution du conseil de Sécurité des Nations Unies --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous répondre à la question ?
Page 33862
1 Est-ce que vous êtes l'officier qui a pris -- qui a emmené les effectifs
2 russes à l'aéroport de Pristina ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été l'officier qui a exécuté les ordres
4 du président Yeltsin. La décision du président Yeltsin et -- la décision a
5 été celle du président Yeltsin et l'ordre venait du ministère de la
6 Défense. Je me suis efforcé de le réaliser au mieux de mes possibilités.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Je voudrais que vous vous penchiez maintenant sur des passages vidéo
9 assez brefs concernant une émission sur La chute de Milosevic.
10 [Diffusion de cassette vidéo]
11 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
12 "Il se trouvait devant l'ambassade des Etats-Unis, je suis allé là-
13 bas. J'avais mon uniforme d'apparat et j'avais beaucoup d'enthousiasme pour
14 ce qui est des jeunes gens qui ont jugé cette agression en tant que tel
15 comme une agression. Nous avons interrompu toute coopération avec l'OTAN.
16 Nous avons envoyé des bateaux d'espionnage dans le secteur. Nous avons
17 placé une division de notre armée en état d'alerte."
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
20 "M. Chernomyrdin avait dans sa délégation un membre qui s'appelait Yvasov.
21 Il était opposé à toute proposition de l'OTAN. A toute chose, il disait,
22 non. Chaque fois, qu'il était donné une proposition, il disait, non. Tous
23 les effectifs serbes militaires et civils devaient être retirés. Ce n'était
24 pas une chose intelligente à faire parce que cela aurait permis aux
25 terroristes d'occuper la place."
Page 33863
1 [Diffusion de cassette vidéo]
2 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
3 "Le commentateur à Moscou préparait quelque chose. Le conseiller de
4 Clinton pour la Russie a été envoyé consulter le ministre russe des
5 Affaires étrangères. M. Talbot est en train de parler.
6 "Ivanov nous a informé d'un déploiement fortuit de forces russes au Kosovo
7 mais il s'agissait d'une erreur ou d'un événement fortuit et il a dit
8 qu'ils allaient s'en aller dans quelques heures.
9 "Le ministre russe des Affaires étrangères a fait preuve de temps de regret
10 et a accepté de téléphone à la CNN pour faire une déclaration.
11 "Il a dit : les troupes ont reçu l'ordre de quitter le Kosovo immédiatement
12 et d'attendre ailleurs les ordres ultérieures.
13 "Ivanov dit à notre interlocuteur, Ivanov n'est pas un diplomate. Il n'y
14 connaît rien.
15 "A partir du moment où il a osé le faire, le ministres des Affaires
16 étrangères a fait réveiller ses collègues.
17 "Il a appris que c'est le président Yeltsin qui a été derrière cette
18 décision. Et c'est nous dit Ivasov, qui avions recommandé le déploiement
19 des troupes russes. Yeltsin était très content de l'apprendre. Il a dit,
20 ouf, on l'a fait, on est arrivé, on est entré dans Pristina.
21 "Le ministres des Affaires étrangères a demandé, mais où nous aventurons-
22 nous ? La situation était devenue très grave. Ivasvo, nous devions nous
23 assurer de la nécessité d'éviter une confrontation militaire.
24 "L'autre interlocuteur. Il s'agissait de faire les choses avec beaucoup de
25 précaution. On peut dire qu'il s'agissait d'une idée du chef de l'état-
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1 major que le président Yeltsin a accepté. Et on a décidé d'augmenter la
2 mise et d'envoyer des troupes à l'aéroport de Pristina. Nous avons reçu des
3 informations --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que, maintenant, vous avez
5 franchement dépassé l'heure et que vous avez pris une partie du temps prévu
6 pour le contre-interrogatoire.
7 M. NICE : [aucune interprétation]
8 Q. Tout ce que je voulais faire, et ce serait ma dernière question : votre
9 réaction est celle de dire peut-être -- de dire que nous n'allons peut-être
10 pas pouvoir résoudre ici le problème de savoir s'il s'agissait d'une
11 initiative à vous ou d'un ordre émanant du président Yeltsin, mais votre
12 réaction au moment de cet accord qui a mis un terme au bombardement, et
13 nous entendrons des témoins à ce sujet après vous, mais le fait est, que
14 monsieur -- mon Général, vous êtes très attaché à ce que vous considérez
15 être un intérêt yougoslave, n'est-ce pas là la réalité ?
16 R. [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] une réponse brève, mon Général pour
18 en finir.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir fait
20 visionner ces enregistrements vidéos. J'étais bien plus jeune à l'époque.
21 Deuxièmement, dans mes mains, j'avais des ordres émanant du président, et
22 je m'y suis conformé. Je n'avais aucun ressentiment à l'égard de la
23 délégation américaine, et encore moins, à l'égard de la délégation
24 finlandaise. Un général trois étoiles Stugasin, mais le général Casey et
25 moi-même, nous avons eu des relations très amicales à notre niveau. Il n'y
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1 a pas eu d'hostilités. Oui, j'ai défendu les intérêts de la Yougoslavie en
2 sa qualité d'état indépendant et souverain. J'ai exigé d'essayer de faire
3 le tour en conformité avec la charte des Nations Unies et dans le respect
4 des normes internationales. Je n'ai pas poursuivi des objectifs autres.
5 M. NICE : [interprétation] Merci.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis aussi dévoué aux intérêts de la paix
7 que quelque général de l'OTAN que ce soit, de la paix au Kosovo, j'entends.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, à vous.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, allez-vous faire verser
10 ces documents au dossier ?
11 M. NICE : [interprétation] Oui. Je demande le versement de ces pièces au
12 dossier.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 792, intercalaire 4.
14 M. NICE : [interprétation] Il y a quatre autres pièces à conviction, peut-
15 être pourrions-nous en parler après le contre-interrogatoire pour ne pas
16 entamer sur le temps disponible, le temps du témoin.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic à vous.
18 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :
19 Q. [interprétation] Juste un petit thème, un petit sujet bref, Général
20 Ivasov. A l'occasion de son contre-interrogatoire, M. Nice vous a posé des
21 questions au sujet de la Mission de vérification et vous a demandé, quoique
22 vous en ayez parlé dans le détail hier. Je me propose à présent de vous
23 poser une question des plus brèves, c'est comme suit : est-ce que la
24 Mission de vérification à la tête de laquelle se trouvait M. Walker a été
25 utilisée pour stabiliser la paix ou pour préparer la guerre, l'agression
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1 contre la Yougoslavie ?
2 R. Je me dois de faire remarquer que bon nombre des membres de la mission
3 et en particulier ceux en provenance de Suède, de Finlande, d'Ukraine, de
4 Russie et autres, y compris des pays membres de l'OTAN telle que la Grèce,
5 ont effectivement visé à l'aboutissement à une paix. Toutefois, il y a un
6 groupe de représentants qui ne vaquaient qu'à des questions ou devoirs
7 militaires, à savoir, missions de préparation des frappes aériennes, et
8 certain de ces représentants ont été des représentants ou des membres de
9 services de renseignements de pays occidentaux. Donc, leur tâche
10 primordiale a consisté en la collecte d'informations du domaine du
11 renseignement. Ce travail de collecte de renseignements s'est passé sous le
12 couvert de cette Mission de vérification, et a porté sur les préparatifs
13 des frappes aériennes, ainsi qu'en vue d'une opération sur le terrain, au
14 sol, telle que prévu par la suite.
15 Q. Merci. Est-ce que l'OTAN a coopéré avec l'UCK ?
16 R. Oui, Monsieur le Président. Cette coopération se situait au niveau
17 politique. Je vous ai donné les exemples où les leaders de ces
18 organisations terroristes ont rencontré des représentants officiels de
19 l'OTAN. La coopération a existé également sur le plan militaire parce qu'en
20 automne 1998, plus particulièrement, l'arsenal des terroristes a commencé à
21 faire preuve de présence d'armes les plus modernes fabriquées dans des pays
22 membres de l'OTAN. Je peux même citer M. Walker. En date du 28 septembre,
23 après une réunion avec vous -- pardon, il ne s'agissait pas de Walker, mais
24 de Holbrooke. Holbrooke est immédiatement, après cette rencontre, allé
25 rencontrer des leaders d'organisations terroristes et ainsi de suite. Cela
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1 peut être aisément considéré comme une coopération au vu et au su de tout
2 le monde avec une organisation de terroristes. Qui plus est, il n'y a eu
3 aucune tentative d'arrestation de l'un quelconque de ces tueurs ou
4 terroristes.
5 Q. Général Ivasov, dans l'interview accordée au journal Nin, le 5 mai 1999
6 -- le 15 mai 1999, je vais vous citer pour une phrase, vous avez dit :
7 "Même si le président Milosevic et le gouvernement yougoslave venaient à
8 proposer une variante des plus constructives et des plus humaines de
9 solutions de cette crise yougoslave générée depuis l'extérieur, il n'en
10 demeure pas moins que l'OTAN et sa direction, présidée par les Etats-Unis,
11 allaient tout de même lancer leur opération."
12 Etait-ce bien votre opinion ?
13 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas où ceci nous mène, mais je sais
14 qu'on est pressé par le temps.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
16 M. NICE : [interprétation] Mais si l'accusé veut présenter ces éléments de
17 preuve lui-même, il doit se servir des règles techniques qui régissent ce
18 travail. Mis à part de s'être référé à des déclarations préalablement dont
19 il n'est point nécessaire de débattre actuellement, il a sorti une phrase
20 d'une interview accordée par ce témoin à l'extérieur de son contexte, chose
21 qui ne risque pas d'aider les Juges de la Chambre.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuez, Monsieur
24 Milosevic.
25 J'ai pris note de ce que voulais dire M. Nice.
Page 33868
1 Avez-vous fini ?
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Oui. J'ai demandé au général Ivasov si c'était bien son opinion et si
4 c'est bien l'opinion qui est la sienne de nos jours encore ?
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a répondu par oui.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet. J'en suis convaincu. Cette
7 attitude qui est la mienne est partagée par la direction politique et
8 militaire russe.
9 Si M. Nice n'est toujours pas convaincu ou satisfait, je peux donner
10 citation d'une phrase du Washington Post, du Houston Chronicle, ainsi que
11 des propos de M. Kissinger qui a dit : "Est-ce que quiconque pouvait
12 s'imaginer que les Serbes étaient à même d'accepter un ultimatum de cette
13 nature ?"
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons entendu votre réponse,
15 Général.
16 Monsieur Milosevic, à vous.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Une autre question. On vous a demandé des documents pour confirmer vos
19 assertions au terme desquels l'OTAN a préparé ou plutôt déployé des
20 activités liées à cette agression contre la Yougoslavie. Est-il exact de
21 dire que vos affirmations se fondent tant sur un grand nombre d'entretiens
22 que vous avez eus directement avec des responsables, des fonctionnaires du
23 pacte de l'OTAN ? Je souhaiterais vous entendre dire, nous donner les noms
24 de personnes avec lesquelles vous vous êtes entretenu au sujet de cette
25 attaque de l'OTAN sur la Yougoslavie, et à l'intention desquelles vous avez
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1 lancé des avertissements en disant qu'il ne fallait pas le faire.
2 R. Je me suis entretenu pratiquement avec tous les responsables de l'OTAN,
3 avec M. Solana, par exemple. Je souligne que M. Solana n'a pris aucune
4 décision. N'importe quel général américain a pris plus de décision que lui.
5 Je me suis entretenu avec M. Robertson, avec le colonel Naumann, avec
6 pratiquement tous les ministres de la Défense de l'OTAN.
7 La position officielle de la Russie ainsi que mon opinion personnelle
8 avaient été les mêmes. Elle visait à nous faire éviter la guerre;
9 cependant, la machine avait déjà été avancée, et ce que je puis faire,
10 c'est vous citer les documents concrets. "Le 6 mai 1998
11 --
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Général.
13 Monsieur Milosevic, à vous.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis en train de parler de dates auxquelles
15 l'OTAN a donné des déclarations officielles et a rendu public son
16 augmentation d'aptitudes au combat des effectifs militaires avant
17 l'opération.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation] Donc, vous avez des éléments de preuve
19 disant que l'OTAN a préparé cette opération, cette agression, cette attaque
20 sur la Yougoslavie dès la mi-1998, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est exact. Dès le mois de juin, peut-être même vers dès le mois
22 de mai, l'OTAN a annoncé à titre officiel -- et les discussions entre
23 l'OTAN et la Russie au niveau des ministres de la Défense ont montrés que
24 l'OTAN ne voyait que deux alternatives -- soit la capitulation de Belgrade,
25 soit une opération militaire. Je me suis entretenu de ce sujet dans le
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1 cadre de ce partenariat entre l'OTAN et la Russie, et j'ai essayé de
2 présenter des arguments à M. Solana, ainsi qu'aux autres. Je lui ai demandé
3 : "Mais pourquoi êtes-vous en train de fournir des missiles ?" Il a répondu
4 : "Pour une opération de maintien de la paix." Quelques-uns d'entre eux ont
5 dit : "A chaque fois que je vois M. Ivasov lever la main, je perdais
6 quelques cheveux de la tête." Mais nous avons, je tiens à dire, discuter de
7 ces questions en permanence.
8 Q. Merci, Monsieur Ivasov. Je vous souhaite un bon retour chez vous.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, ceci met un terme à
10 votre témoignage. Je vous remercie d'être venu témoigner ici. Vous pouvez
11 vous en aller.
12 Nous allons lever l'audience --
13 Monsieur Nice, vous voulez dire quelque chose ?
14 M. NICE : [interprétation] Oui, les éléments de preuve. Il n'y a plus de
15 nécessité d'attarder le général. Il peut s'en aller.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mon Général. Vous pouvez vous
17 en aller.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
19 [Le témoin se retire]
20 M. NICE : [interprétation] Quatre documents émanant du ministère serbe des
21 Affaires étrangères, et je pense que nous devrions avoir une cote.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] 792. Quatre intercalaires. Je crois que
23 le Juge Kwon l'a déjà mentionné.
24 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Pour ce qui est maintenant des
25 extraits du film portant sur La Chute de Milosevic.
Page 33871
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] 793.
2 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Monsieur les Juges, pour autant
3 que je l'ai compris, le témoin prévu pour mardi de la semaine prochaine ne
4 sera disponible que mardi. J'ai expliqué déjà à Mme Anoya que tel que je
5 l'ai compris, c'était là un témoin qui allait témoigner pendant plus d'une
6 journée. Nous avons eu un certain nombre de ce type de témoin au début de
7 la présentation des éléments de preuve de la Défense. Il s'agit de M.
8 Primakov, et si mon témoignage se propose de couvrir le même type de sujet,
9 tel que cela a été le cas de ce témoin-ci, il n'y a aucune chance de l'en
10 finir en une journée. Et je prévois pour ma part que ce témoin va témoigner
11 de façon encore plus substantielle que celui-ci.
12 Je ne sais pas s'il y aurait la possibilité de l'entendre non seulement
13 mardi, mais également mercredi. Évidemment, s'il n'est disponible qu'un
14 seul journée-là, nous serions disposés à apporter toute l'assistance à cet
15 effet.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, étant donné que
17 vous avez besoin de deux heures et demie pour Primakov -- de quoi est-on en
18 train de parler ?
19 M. NICE : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pensez que ce sera
21 une prévision exacte ?
22 M. MILOSEVIC : [interprétation] Oui, je me conforme à ce qui est prévu. Il
23 est convenu donc d'avoir une journée. Je vais prendre le temps qui
24 permettra à M. Nice de procéder au contre-interrogatoire dans les
25 proportions prévues, et je me situerais d'une manière générale dans les
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1 délais qui m'ont été impartis.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a -- est-ce qu'il
3 devra du fait de question pressante repartir mardi ? Parce que je pense à
4 la possibilité qu'il soit entendu le lendemain.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation] Il n'est pas possible de prolonger son
6 séjour, et mon interrogatoire principal ne dépassera pas les limites de
7 temps qui m'ont été impartis. Cela donnera à
8 M. Nice la possibilité d'avoir le temps suffisant pour son contre-
9 interrogatoire.
10 M. NICE : [interprétation] Je pense que l'accusé ne saisit pas -- il ne lui
11 appartient pas d'identifier ou de déterminer le temps nécessaire à mon
12 contre-interrogatoire. Il s'agit d'un témoin potentiellement extrêmement
13 intéressant, et tout dépendra de la pertinence de leur témoignage. Il se
14 peut que la Chambre de première instance soit aidée par le fait que l'on
15 posera plutôt plus de questions que moins de questions. Donc, il se peut
16 qu'il faille réviser à la baisse le temps qui sera octroyé à l'écoute
17 d'autres témoins. Mais il n'appartient pas à l'accusé d'en décider. Ce
18 n'est pas lui qui établit le calendrier des audiences. Je pense que des
19 plans de réserve doivent être envisagés.
20 M. Primakov -- je vérifie juste -- je pense qu'il est maintenant -- il
21 détient maintenant une position à la Chambre de Commerce, ou est-ce que je
22 m'abuse ? Il était premier ministre, mais maintenant il fait quelque chose
23 de tout à fait différent. Donc, avant qu'il ne vienne, il faudrait savoir
24 s'il est seulement disponible pour une journée, et il doit encore avoir des
25 bonnes raisons pour se faire. C'est à la Chambre d'en décider --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Monsieur
2 Milosevic, je vais vous indiquer que votre approche est un petit -- un
3 temps soit peu trop mécanique, en quelque sorte. Nous devons voir quel
4 témoignage il va apporter, le type de contre-interrogatoire qui sera requis
5 parce qu'en fait, il y a quand même un élément qualitatif que ne pouvez pas
6 entièrement prévoir. J'aimerais que vous gardiez présent à l'esprit le fait
7 que le témoin pourrait être entendu le lendemain, et cela serait --
8 M. MILOSEVIC : [interprétation] Ce que M. Nice a dit est assez exact, car
9 Evgeni Primakov était premier ministre. Avant de l'être, il a été ministre
10 des Affaires étrangères. Je ne vais pas vous faire énumération de toutes
11 ses fonctions. Ce n'est pas vrai de dire qu'il travail au sein du ministère
12 du Commerce maintenant. Il est président de la Chambre de commerce de
13 Russie pour le moment, donc il s'agit de la Chambre de commerce de la
14 Fédération russe.
15 Mais, compte tenu du temps dont j'ai besoin, et je n'envisageais pas
16 d'ailleurs un long interrogatoire principal, je pensais pouvoir utiliser le
17 temps qui m'a été imparti, et que j'avais envisagé. Je pense que cela
18 laisse à M. Nice suffisamment de temps. Je ne pense pas qu'il me revenait
19 de demander au témoin de rester ici deux jours car je n'aurais besoin que
20 de la moitié d'une journée. C'est pour cela qu'il a été prévu pour être
21 entendu pendant une journée, la journée où il a été prévu. Je vais essayer
22 d'utiliser encore moins de temps que je ne l'avais envisagé, pour laisser à
23 M. Nice plus de 60 % de mon temps. Mais je ne pense pas qu'il a le droit de
24 demander plus de 60 %.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, nous ne
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1 pouvons pas adopter cette approche automatique, mécanique. Alors, nous
2 entendrons M. Primakov mardi, et je vous demande de bien avoir présent à
3 l'esprit, tout comme il devra bien avoir présent à l'esprit, que son
4 témoignage pourrait durer le lendemain.
5 Nous levons l'audience jusqu'à mardi matin, à 9 heures.
6 --- L'audience est levée à 13 heures 54 et reprendra le mardi 30
7 novembre 2004, à 9 heures 00.
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