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1 Le mardi 7 décembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez vous
7 asseoir.
8 Monsieur Milosevic, vous allez poursuivre, et la Chambre de première
9 instance aimerait que vous agissiez le plus rapidement possible.
10 LE TÉMOIN: SLAVENKO TERZIC [Reprise]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
13 Q. [interprétation] Monsieur Terzic, essayons d'être le plus efficace
14 possible. Je tiens à vous rappeler quelques passages de votre ouvrage. M.
15 Kwon a insisté hier pour que l'on puisse voir à partir des archives du
16 saint-synode des archevêques de l'Église qui se trouvent avoir été
17 étudiées, et il est question de prendre plusieurs exemples. On ne peut pas
18 tout faire et c'est trop ample.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux attirer l'attention de M. Kwon sur la
20 page 62 de ce travail d'expert, en version anglaise, premier paragraphe sur
21 la page 62. Je vois qu'on cite un passage qui figure à l'intercalaire 32.
22 Ces archives du saint-synode de l'Église orthodoxe serbe parlent de la
23 terreur et des violences systématiques à l'égard de la population serbe et
24 l'exode ininterrompu allant de 1967 à 1986. C'est ce qui figure dans le
25 livre le patrimoine du Kosovo, et dans la version anglaise le texte lui-
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1 même dit ou plutôt il fait citation d'un appel fait en 1982, en date du 6
2 avril et signé par 21 évêques et prêtres à l'intention des autorités --
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le compte rendu
4 d'audience ne défile plus. Je crois qu'il y a un problème technique.
5 Est-ce qu'on prend soin de la question ?
6 Est-ce que cela marche à présent.
7 Monsieur Milosevic, le compte rendu d'audience s'est arrêté là où vous
8 faisiez référence à l'intérêt porté par le Juge Kwon à la page 62 de la
9 version anglaise du rapport d'expert.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Kwon s'intéressait à certaines parties du
11 texte qui se rapportent à des ouvrages du saint-synode des archevêques de
12 l'Église orthodoxe. Je prends quelques exemples parce qu'il est impossible
13 de traverser autant de matériels et de documents. En page 62, on dit qu'au
14 vendredi saint, du 16 avril 1982, 21 prêtres et moins serbes ont adressé un
15 appel aux autorités, et on dit là, je cite. Je vais citer ici la citation à
16 partir de la version anglaise. "Il est peut-être dit sans aucune
17 exagération que le génocide systématique a été graduellement perpétré à
18 l'encontre du peuple serbe du Kosovo. Car si cela n'était pas le cas, que
19 signifieraient les thèses portant sur un Kosovo ethniquement pur, si cela
20 n'était pas appliqué sans interruption aucune ? Ces termes souvent repris
21 au niveau des villages, des hameaux, des monastères, des églises, et même
22 des villes, et les inscriptions qui disent : Qu'entendez-vous encore ?
23 Allez-vous en, ceci est à nous."
24 Il y a une note au bas de page 180, qui dit quelle est la source de ce
25 segment, et cela fait partie de la pièce à conviction 32, intercalaire 32.
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1 Vous avez également un extrait du livre rédigé par Atanasije Jevtic, Les
2 souffrances des Serbes au Kosovo et Metohija, de 1941 à 1990, en page 63.
3 Je ne fais que citer les pages que M. Terzic n'a pas mentionnées lui-même
4 hier. En page 63, on dit : "La destruction des églises serbes pendant la
5 Deuxième guerre mondiale a continué après la guerre. En mars 1952, par
6 exemple, l'église serbe au village de Duganjevo à proximité d'Urosevac a
7 été détruite. L'exemple le plus dramatique a été le dynamitage de cette
8 église serbe de Djakovica à la grande fête serbe de Saint Sava en 1949.
9 Différentes installations albanaises ont été construites sur les fondations
10 même des églises serbes et des monuments culturels là où même cela n'a pas
11 été détruit complètement."
12 Là, on donne des exemples où tout ceci est arrivé. En page 64, il y a un
13 rapport du Patriarche Pavle, qui se trouvait être à l'époque évêque de la
14 Raska et de Prizren, daté du 11 mai 1962, où il est dit. Cela se trouve
15 dans ce grand passage, dans le premier tiers de la page, on cite son
16 rapport : "Le départ des Serbes et des habitants et des indigènes de tous
17 ces secteurs de l'évêché a continué aussi bien cette année et de façon plus
18 intense; encore plus de 200 s'en sont allés de l'évêché."
19 Quand il parle de l'évêché là où il est évêque, cela sous-entend
20 pratiquement le Kosovo et la Metohija tout entière.
21 Il y a loin toute une série d'exemples qui sont mentionnés, Par exemple, il
22 est fait état de ce qui s'est passé au cours des dernières années après
23 juin 1999, en page 65. On dit à la fin de ce passage retransmis --
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la question que vous voulez
25 poser ? Ce n'est pas vous qui déposez ici. Essayez de formuler une
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1 question.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Au sujet de toute une série de pièces à conviction, j'ai formulé ma
4 question hier encore. Cette question a été assez brève à l'intention de M.
5 Terzic : De quoi nous témoignent ces sources de l'église. Vous avez
6 travaillé sur la documentation figurant aux archives du saint-synode ? Que
7 nous disent donc ces sources ecclésiastiques ?
8 R. Ces sources ecclésiastiques sont très fiables et témoignent de la façon
9 la plus complète des circonstances au Kosovo et Metojiha. L'Eglise est la
10 seule à avoir, depuis le début à la fin, très attentivement, d'un mois à
11 l'autre et d'une année à l'autre, suivi les circonstances au Kosovo et
12 Metohija et informait de tout ce qui se passait le saint-synode de l'Eglise
13 orthodoxe serbe. Ce qui fait qu'on peut dire aujourd'hui qu'à la différence
14 des instances de l'état, des autorités, des instances de sécurité, les
15 archives les plus complètes concernant ces événements tragiques se trouvent
16 dans les archives de l'Eglise orthodoxe serbe.
17 Dans la pièce 26 ici, j'ai joint le livre de l'évêque Antansije
18 Jevtic dont l'ouvrage portant sur les patrimoines du Kosovo. J'ai présenté
19 une partie des archives. Si vous me le permettez, je voudrais soulever deux
20 questions. D'abord, cette lettre, cet appel de 21 prêtres, a été donné ici
21 dans son intégralité en lange anglaise, ce qui fait que les Juges de la
22 Chambre et le Procureur puissent disposer de la totalité de la lettre.
23 Q. Ce que je viens de citer ?
24 R. Oui, tout à fait, ce que vous venez de citer. Pour aider la Chambre
25 davantage encore et M. Nice aussi bien, je voudrais signaler que bon nombre
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1 de choses que M. Nice a mentionné hier, à savoir, notamment la traduction
2 de certaines parties de ce document en langue anglaise, cela se trouve être
3 résolu comme problème puisque cela est repris dans mon rapport d'expert.
4 A titre d'exemple, je dirais que le commandant John Henniker et sa
5 lettre se trouvent en page 15 de la version anglaise. Page 15, disais-je,
6 après la note de bas de page 61.
7 Q. Bien.
8 R. Ensuite, la lettre de Neubacher concernant les crimes au Kosovo. Cela
9 se trouve en page 50, note de bas de page 49. Les conversations entre
10 Ribbentrop et le comte Ciano parlant de l'état albanais en guise de
11 forteresse dans les Balkans, cela se trouve en page 139 et 140, et la
12 lettre à l'attention d'Hitler. Tout ceci est repris dans mon rapport
13 d'expert. Je vais donc aujourd'hui citer certains passages pour indiquer où
14 cela se trouve exactement.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'espère que
16 vous avez entendu ce que vient de dire le témoin. Je pense qu'il veut vous
17 dire que vous devriez davantage utiliser son rapport. Menez votre
18 interrogatoire principal partant de ce rapport. Je vous prie de poursuivre.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je procède justement à l'interrogatoire
20 principal partant de son rapport.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit se rapportait notamment à
22 l'intervention de M. Nice, qui a dit qu'il ne pouvait pas suivre.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête. Poursuivons, s'il
24 vous plaît.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Bien. Monsieur Terzic, dès la première page de votre ouvrage, vous
2 insistez sur la question du Kosovo et Metohija, et vous dites que cela ne
3 peut pas être dissocié du sort de l'état yougoslave dans son ensemble et
4 des circonstances européennes et général. Nous avons ici dans la liste des
5 pièces à l'intercalaire 49, un aperçu des relations serbo-albanaises de
6 1945 à 1982 avec une documentation appropriée.
7 Dites-moi, s'il vous plaît, quels sont les événements qui ont marqués un
8 carrefour ou un bouleversement dans l'évolution de l'état yougoslave dans
9 ces années-là ? Soyez bref.
10 R. C'est un sujet dont nous pourrions parler pendant trois jours, mais
11 j'essayerai d'être bref. L'événement-clé a été la normalisation des
12 relations avec l'U.R.S.S. en 1955/1956. Après cette normalisation avec
13 l'U.R.S.S. et après la cessation des dangers extérieurs, des périls
14 extérieurs menant dans la R.S.F.Y., Cardel et Tito ont emprunté la voix du
15 National communisme. Les années qui ont marqué le début de la
16 désintégration de l'état yougoslave ont été les années 1962, 1963. En 1963,
17 au 8e congrès du Parti communiste de Yougoslavie, Tito se prononce pour la
18 première fois comme étant Croate. Jusque-là, il déclarait être Yougoslave.
19 Le fait d'être Yougoslave n'était plus l'idéologie de cet état. On peut
20 dire que depuis le début des années 1960 de ce 20e siècle, il est entamé un
21 processus de désintégration politique, culturelle, économique de cet espace
22 yougoslave, et il est procédé à des préparatifs en vue d'une organisation
23 confédérale. En 1966, il y a eu un règlement de compte avec les services de
24 Sécurité d'état. C'est ce qui constitue l'événement crucial.
25 Q. Excusez-moi. Oui. Vous avez dit un moment crucial, mais je dirais qu'à
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1 intercalaire 27, nous avons ici --
2 R. Si je puis me permettre de vous interrompre, j'aimerais vous citer un
3 segment de l'intercalaire 49, qui illustre bien cette ambiance qui
4 prévalait. Comme c'est en serbe, je me propose de le mettre sur le
5 rétroprojecteur.
6 Ce document illustre dans son ensemble, de façon excellente, les
7 circonstances politiques et en général de la Yougoslavie des années 1960,
8 qui ont marqué le début de la désintégration de la Yougoslavie. Il s'agit
9 d'un débat qui s'est déroulé en Suisse, à Lucerne, et qui porte sur les
10 circonstances en Yougoslavie. L'un des organisateurs des débats et la revue
11 yougoslave et l'un des participants aux débats originaire de Yougoslavie,
12 pour des raisons de sécurité, il a été mentionné ici comme étant un
13 collaborateur en provenance de la patrie. Il a décrit ainsi les événements
14 suivant 1966, dans le combat contre Rankovic. Rankovic avait été le
15 vice-président de la Yougoslavie, révoqué de ses fonctions en 1966, à la
16 séance plénière de Brioni. Il dit "que contre Rankovic, il y avait un
17 triangle constitué par Zagreb, Ljubljana, et Skopje, et il dit : "Les
18 communistes croates ont, entre-temps, obtenu un allié offensif parmi les
19 Albanais du Kosovo qui demandaient leur république et une perspective
20 d'annexion à la mère patrie. Mais l'état albanais se trouvait être faible,
21 mais son alliée, la République populaire de Chine, n'a pas jusqu'à présent
22 fait preuve d'un penchant à l'égard des communistes croates et de la
23 population croate d'une manière générale." Voilà les circonstances dans la
24 période que vous avez mentionnée.
25 Q. J'ai mentionné l'intercalaire 27. Il est question là de plusieurs
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1 documents. Il y a la révocation de Rankovic, le règlement de compte avec le
2 service de Sécurité d'état et les rapports du conseil exécutif de la
3 province concernant la situation afférente à la sécurité au Kosovo et
4 Metohija, puis, en 1966, les appréciations du comité central de la province
5 du Kosovo et Metohija, et une réunion qui s'est tenue à Pristina.
6 Cela a été repris des archives de la Serbie. C'est votre source. Est-ce là
7 les documents fondamentaux que vous avez mentionnés tout à l'heure ?
8 R. A la 4e plénière du comité central de la Ligue des Communistes qui
9 s'est tenue le 1er juillet 1966 à Brioni, où se trouvait la résidence à Tito
10 au moment où l'on a procédé à la révocation de Rankovic, il y a eu toute
11 suite après, une réorganisation radicale des services de Sécurité de la
12 Yougoslavie. En conséquence de tout ceci, il y a eu pratiquement une
13 légalisation du concept grand albanais sur le plan politique en
14 Yougoslavie. Il a été conduit une campagne de recherche concernant les
15 déformations de taille survenues dans les services de Sécurité au Kosovo et
16 Metohija. La documentation est énorme. Mais je vais tirer quelques points.
17 Parmi les péchés de Rankovic, l'on avait cité le procès de Prizren. Le
18 procès de Prizren a été qualifié par des dirigeants albanais du Kosovo
19 comme une tentative de compromissions des cadres politiques d'origine
20 ethnique albanaise. Comme vous le savez, au procès de Prizren, il a été
21 déterminé que la direction albanaise de Pristina se trouvait en liaison
22 clandestine avec des organisations qui travaillaient pour les services
23 secrets albanais.
24 Deuxièmement, il a été fait état de l'achat d'armes, et il a été cité
25 des cas où l'on a fait des tracasseries à l'intention de gens de population
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1 du groupe ethnique albanais. Le comité de la province de Kosovo et le
2 conseil exécutif du Kosovo ont travaillé en groupe pour tirer des
3 conclusions. Ces conclusions étaient celles de dire que le procès de
4 Prizren avait été un procès politique construit de toute pièce.
5 Q. Bien. Vous avez parlez de ce procès. Vous avez parlé hier de chiffres
6 qui faisaient état d'armes où il y avait de quoi armer une division toute
7 entière. Est-ce que cela était construit de toutes pièces également ?
8 R. Non, bien entendu que non. Il s'agissait d'une manipulation politique,
9 une tentative de mettre un terme aux activités de cette organisation
10 illégale. On a voulu présenter cela comme un règlement de compte avec la
11 minorité albanaise. Nous avons beaucoup de documents pour l'illustrer, mais
12 je n'ai pas le temps de le faire. Dans les appréciations faites par le
13 conseil exécutif, il est question des informations des services de Sécurité
14 où l'on fait état de circonstances atténuantes. Il s'agit notamment de la
15 pièce à conviction 27C, par exemple.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, on vous demande de
17 ralentir, c'est une première chose.
18 Je n'aime pas tellement la façon dont ceci se déroule. C'est un peu
19 comme une leçon d'histoire, un dialogue qui s'instaure entre vous et
20 l'accusé.
21 Ce qui m'intéresse, c'est ceci : vous dites que la désintégration de
22 la Yougoslavie, elle a commencé dès les années 1960, au moment où Tito a
23 déclaré qu'il était Croate. Est-ce que vous voulez dire par là que
24 l'analyse historique qui serait correcte, serait de dire que ce qui s'est
25 passé dans les années 1990 avec le démantèlement, la désintégration de la
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1 Yougoslavie avec les six républiques qui deviennent indépendantes, en fait,
2 c'est l'apogée d'un processus qui avait démarré dans les années 1960.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément ce que je veux dire.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est là un concept
5 répandu ? Est-ce que c'est la façon classique qu'on a d'interpréter
6 l'histoire, ou est-ce que certains disent que le démantèlement a commencé
7 après la mort de Tito ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] La désintégration a véritablement commencé
9 après la mort de Tito. Je suis au courant de telles interprétations. Mais
10 je pense que les recherches objectives au niveau des archives, montrent
11 bien, et je n'ai pas le temps. Je parle vite, parce que vous me dépêcher et
12 vous me demander d'aller vite, mais je pourrais aller plus en détail.
13 En 1962, 1963, il y a eu un conflit entre deux hommes occupant des
14 positions cardinales après Tito. C'était Rankovic et Kardelja. Kardelja
15 étant Slovène. Tito a opté en faveur de l'opinion de Kardelja. En 1964, il
16 y a eu ce congrès où Tito s'est déclaré comme étant Croate lui-même. En
17 1966, il y a eu ce règlement de compte avec Rankovic et les services de
18 Sécurité. Les services de Sécurité étaient le seul service centralisé qui
19 constituait une force d'intégration de cette Yougoslavie. Après 1966, il y
20 a une désintégration accélérée. En 1966, premier amendement; en 1968,
21 deuxième amendement; en 1968, première grande manifestation des Albanais à
22 Pristina; en 1978, deuxième grande manifestation des Albanais à Pristina.
23 Il y a donc achèvement de ce cycle de reformulation de la constitution
24 yougoslave. Et en 1974, l'on met en place un système confédéral. Il y a un
25 paradoxe, Monsieur le Président. Les échanges économiques entre les
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1 républiques yougoslaves, étaient inférieurs aux échanges des pays qui
2 faisaient partie de l'Union européenne à l'époque. C'était une espèce de
3 création de paroisse ethnique et de fermeture complète à l'égard des
4 autres. Au lieu d'avoir une intégration économique, culturelle et autre de
5 cet espace yougoslave, il y a eu des processus tout à fait différents qui
6 se déroulaient qui conduisaient à ce démantèlement tragique comme 1992.
7 C'est la position qui est la mienne, mais qui peut être appuyée par des
8 milliers de document, et c'est l'opinion d'un grand nombre de mes collègues
9 au niveau international, qui ont étudié la question de façon très sérieuse.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci Monsieur Terzic. Monsieur
11 Milosevic, continuez.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Je vais en rester à votre analyse d'expert. Page 87, 88, vous parlez de
15 conséquences de ce bouleversement dans cet état yougoslave en 1966. Il y a
16 eu réhabilitation de personnes qui ont travaillé au Kosovo et Metohija
17 contre les intérêts de l'état yougoslave.
18 R. C'est en quelque sorte la réponse que j'ai apportée à
19 M. le Président de la Chambre, M. Robinson. De quoi s'agit-il ? Il a été
20 découvert une grande organisation illégale, ce qui a été dévoilé par le
21 procès de Prizren avec cette collecte d'armes. Après la révocation de
22 Rankovic et le démantèlement complet des services de Sécurité, on procède à
23 la réhabilitation de tous les participants aux activités de ces
24 organisations illégales séparatistes.
25 Notamment pour vous, juristes, il y a un exemple à proprement parler
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1 qui est paradoxal. En juillet 1970 s'est tenue la première plénière de
2 Brioni. La plénière de Brioni, 13 jours après, il y a la réunion du comité
3 provincial de la Ligue des Communistes pour le Kosovo et Metohija, donc le
4 13 juillet 1966. Il est question de ce qui conviendrait de faire pour
5 réorganiser les services de Sécurité. Les conclusions adoptées sont les
6 suivantes. Je me réfère notamment à la pièce à conviction 27D.
7 C'est un cas à étudier par l'histoire. C'est presque incroyable. La
8 dernière des phrases de ce procès-verbal daté du
9 13 juillet 1966, s'énonce comme-ci : "Le cas de Prizren, l'affaire de
10 Prizren doit être enlevé des archives et brûlé" Je répète donc : "Le
11 dossier de Prizren doit être sorti des archives et brûlé."
12 Je vais vous le montrer sur le rétroprojecteur si vous le voulez.
13 Q. C'est exact. C'est bien la phrase soulignée en rouge dans l'original.
14 On dit qu'il faut sortir le dossier du procès de Prizren des archives et
15 le brûler.
16 R. Tout le monde me dit d'accélérer, je m'excuse auprès des interprètes.
17 C'est un dossier des plus précieux pour les gens qui s'intéressent au
18 droit. Ceci leur montre comment le dossier d'un procès au pénal est traité.
19 Mes collègues et moi-même allons faire des recherches sur cette phrase, sur
20 cette attitude que ceci symbolise. Pourquoi est-ce que l'on voulait brûler
21 le dossier ? Pour détruire toutes traces d'éléments de preuve.
22 Q. Fort bien, Monsieur Terzic. Intercalaire 29, là nous avons des éléments
23 sur lesquels je ne souhaite pas m'attarder. Je dirai simplement que ce
24 document reflète l'attitude des diplomates étrangers à Belgrade en 1966.
25 Ils ont vu eux-mêmes l'importance que revêtait ces événements. Est-ce que
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1 c'est clair ?
2 R. La séance plénière ou la session plénière dite de Brioni a été publiée,
3 a été relatée dans nos médias et les médias étrangers. Beaucoup de
4 diplomates étrangers ont commenté l'événement. Je vais vous donner
5 plusieurs commentaires.
6 Roberto Ducci, l'ambassadeur d'Italie. Ici, je cite à partir de documents
7 des archives de service. L'ambassadeur d'Italie Roberto Ducci pense que
8 c'est un complot en fait de prestige pour le pouvoir parmi ceux qui se
9 croyaient et qui étaient considérés comme étant les successeurs de Tito.
10 Nous avons un diplomate français, et nous avons, notamment, le secrétaire
11 du service des échanges commerciaux, l'attaché militaire
12 --
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Là, de nouveau, vous vous servez de
14 notes, ou vous prenez quel document pour faire cette citation ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je prends ce qui se trouve à l'intercalaire
16 29.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Intercalaire 29, exactement. C'est un document
18 qu'on trouve à cet intercalaire 29.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, essayez
20 d'aborder ces éléments de façon succincte. Nous voulons simplement si vous
21 voulez l'architecture, l'ossature des grands événements historiques, parce
22 qu'il s'agit ici des demandes historiques. Nous voulons simplement dresser
23 la toile de fond. Nous ne voulons pas ici nous perdre dans les détails.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, continuons.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Il me semble inutile de voir ce phénomène par le détail. C'est très
2 clair.
3 R. J'aimerais juste ajouter deux phrases. Intercalaire 29. Je vous ai
4 mentionné trois diplomates français qui croyaient que les éléments venant
5 de la 4e séance plénière, éléments qui ont été publiés, avaient pour
6 vocation de tromper l'opinion publique. En fait, dégageaient ou balisaient
7 les mauvaises pistes, surtout, qu'en fait, Aleksandar Rankovic a été
8 liquidé à cette plénière. Kardelj était chef du Grand état major. Rankovic
9 et Stefanovic ont été considérés comme étant les gens qu'il faudrait
10 rejeter sur le plan politique.
11 Puis autres pronostics incroyables jusqu'à présent : la Slovénie a existé
12 en tant qu'état fédéral dans la RSFY, en 1966, et elle est sur le point de
13 quitter cet état. Elle va rester au sein de la RSFY mais de façon
14 confédérale.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
16 M. NICE : [interprétation] J'aimerais ici monter en épingle le type de
17 difficultés auxquelles nous sommes en but. Ici, vous avez le témoin qui a
18 pris sa propre décision sans tenir compte de ce que dirait l'accusé. Il
19 nous donne des extraits de ces 4e séances plénières. C'est tout ce qu'on
20 sait de ce document. Or, le débit est tel qu'on ne sait pas si ce sont des
21 notes prises à l'époque, si c'est un procès-verbal. Je n'ai pas la moindre
22 idée de ce qu'est ce document.
23 Au bout du compte, je vais exhorter les Juges à parcourir ces intercalaires
24 non pas pour en demander les versements, mais au contraire, pour demander à
25 ce qu'ils ne soient pas versés, parce qu'on a tellement de documents. J'ai
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1 essayé d'avoir une idée du nombre de documents. Une fois que nous aurons
2 tous ces documents en anglais, nécessitera le travail d'un avocat du bureau
3 du Procureur pendant tout un mois, au bas mot, pour examiner ces documents
4 en vue du réquisitoire parce qu'il faudra quand même voir si ces documents
5 doivent être examinés. Est-ce que dans les Chambres il y aura suffisamment
6 de personnel pour faire la même chose ? Je pense qu'il faut qu'il y ait une
7 certaine limitation du nombre de documents qui sont ainsi soumis.
8 Je reviens à l'origine. Je crois comprendre, d'après ce que dit le témoin,
9 que ce sont des documents relatifs à cette session plénière. C'est tout ce
10 que je sais.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous vouliez lui poser une
12 question de ce genre au contre-interrogatoire ? Nous n'avons pas les
13 documents susceptibles d'étayer ceci. Ce contre-interrogatoire aurait pour
14 effet de limiter la valeur probante des documents. Une fois que ceci sera
15 terminé, nous allons examiner la problématique de la recevabilité.
16 M. NICE : [interprétation] Oui, je ne peux pas faire de contre-
17 interrogatoire puisque les documents ne sont pas en anglais.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, essayez de faire
19 preuve de discipline et davantage de contrôle. Vous avez déjà présenté
20 beaucoup d'éléments de preuve de nature historique. Ici, nous voulons
21 simplement dresser le contexte, et je crois qu'il faudrait aller beaucoup
22 plus vite pour terminer cet interrogatoire principal.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur Robinson, pour
24 tirer le meilleur parti possible du temps qu'il m'est imparti.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Nous avons à l'intercalaire 29, un document qui est un document
2 officiel des services de Sécurité de l'état. Il mentionne la réaction des
3 diplomates étrangers comme ceci a été constaté par ceux qui suivaient ces
4 réactions. Ce document a une valeur probante parce qu'à l'époque, cela a
5 été produit par des organes compétents. Ce document portait sur des
6 questions relatives à l'attitude adoptée par des diplomates étrangers face
7 aux événements qui se déroulaient dans le monde politique yougoslave à
8 l'époque.
9 Nous avons le saint-synode de l'Église orthodoxe serbe qui a envoyé une
10 lettre au président Tito pour exprimer ses préoccupations devant l'étendue
11 des violences perpétrées à l'encontre de la population serbe au Kosovo et
12 Metohija par rapport aussi aux églises, monastères, vu la terreur qui se
13 manifestait à leur encontre.
14 A l'intercalaire 33, nous avons la lettre envoyée par le saint-synode au
15 président de la Yougoslavie. Ce document porte la date du 23 mai 1969 et y
16 sont relatés tous ces événements relatifs à la persécution et à la terreur.
17 Je crois que ce document existe aussi en anglais puisqu'il a pour titre
18 Kosovo passé et présent. Revue des affaires étrangères internationales,
19 Belgrade.
20 R. Exact. Nous ne parlons pas d'événements lointains. Ce sont des
21 événements assez récents qui ont eu des retombées sur les événements
22 intervenus dans les années 1990. Nous ne parlons pas ici d'un contexte
23 historique lointain. Ceci a une influence déterminante sur les événements
24 des années 1990.
25 Nous avions la constitution de 1974.
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1 Q. Pas de questions constitutionnelles pour le moment, s'il vous plaît.
2 D'autres témoins viendront en parler. Nous devons maintenant nous
3 intéresser à ce que dit le saint-synode. Lettre que nous avons en anglais.
4 Dans cette lettre, le saint-synode exprime ses vives préoccupations. Je
5 vais plutôt vous demander sur quoi porte la lettre ?
6 R. Je vais vous dire qu'ici nous avons une situation tout à fait anormale.
7 La Serbie n'était ni une république ni une province. Les provinces étaient
8 des républiques dans une république. Ceci a été indiqué par Dobrica Cosic,
9 et Marjonovic. D'une année à l'autre, nous avons eu des réactions de
10 l'Église, d'intellectuels serbes, de l'opinion publique locale et
11 internationale, vu tout ce qui se passait au Kosovo et Metohija.
12 Messieurs les Juges, si vous voulez avoir une vue objective des événements
13 des années 1990, il faut savoir quelles sont les racines du problème ? Les
14 voici, ces racines. Vous avez cette lettre du saint-synode envoyée à Tito
15 en 1969 --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je disais, c'est que vous ne
17 devez pas ici faire de leçon à la Chambre de première instance. Je crois
18 que vous iriez bien plus vite si vous vous contentez de répondre aux
19 questions.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation] Oui.
21 Q. Qu'est-ce que ceci montre ? C'est ce que je voulais demander ?
22 R. Cette lettre indique que la ville était en péril et qu'il y avait des
23 violences, des brutalités commises par des membres de la minorité albanaise
24 au Kosovo. Sont mentionnées beaucoup d'exemples de destruction de biens
25 ecclésiastiques, forêts, profanation de cimetières, d'autres biens. Ici, on
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1 exhorte le président Tito à protéger ces biens en tant que président de la
2 Yougoslavie.
3 Q. Vous parlez de désordre qui remonte déjà à 1981, des émeutes qui ont
4 éclaté à la suite de quoi beaucoup de dirigeants yougoslaves ont bien jugé
5 la situation. A l'intercalaire 37, nous avons ce que Stane Dolenc, une des
6 figures de proue de la vie politique, un des plus proches de Tito, nous
7 dit; et nous avons aussi Lazar Kolisevski, qui donne son avis. Ce sont des
8 dirigeants serbes qui parlent de ces événements de 1981.
9 Que pensent ces hommes à l'époque ? Nous voyons bien que ce sont des gens
10 qui sont d'origines ethniques diverses. Ce sont des personnalités
11 politiques de proue en Yougoslavie. Qu'ont-ils à dire ?
12 R. Après le soulèvement albanais de 1968, qui avait été préparé par une
13 organisation illégale qui existait et qui était très bien répartie, il y a
14 eu un soulèvement de masse en 1981, ce qui a ébranlé l'opinion publique et
15 l'opinion yougoslave.
16 A l'intercalaire 37, nous avons un document où nous voyons ce que dit Stane
17 Dolenc, Slovène, membre du comité central de la Ligue des Communistes de
18 Yougoslavie. Nous avons aussi ce que dit Lazar Kolisevski, qui est de
19 Macédoine et qui est membre de la présidence.
20 Stane Dolenc dit le 6 avril 1981 à une conférence de presse la chose
21 suivante : "Derrière tout ceci, on trouve les forces les plus
22 réactionnaires du monde, aussi bien fascistes que dogmatiques, qui sont
23 unies ici." Il poursuit en disant : "Que la situation du Kosovo sera
24 normalisée par des moyens politiques, mais si ceci s'avérait nécessaire,
25 nous n'allons pas nous abstenir d'avoir recours à d'autres mesures, ce que
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1 nous avons déjà fait dans le passé." C'est la page 279, document qui se
2 trouve à l'intercalaire 37.
3 Lazar Kolisevski est encore plus clair. Il dit qu'il est évident que les
4 irrédentistes albanais avaient un objectif très clair. Ils voulaient
5 rattacher le Kosovo à l'Albanie. Voilà en quintessence ce que ces gens ont
6 dit.
7 Q. Kolisevski, aussitôt après la mort de Tito, était président de la
8 présidence de la RSY ?
9 R. Oui. Il était de Macédoine.
10 Q. C'était à ce moment-là, grâce au roulement au niveau de la présidence,
11 la Macédoine qui avait la présidence et qui pouvait nommer le président ?
12 R. Oui.
13 Q. J'aimerais dire quelques mots à propos d'un document qui se trouve à
14 l'intercalaire 38, et qui est lui aussi en anglais. Quelle est la source de
15 ce document ? C'est un document qui s'intitule Événements dans la province
16 autonome socialiste du Kosovo, les causes et les conséquences de la
17 subversion irrédentiste et contre-révolutionnaire. Revue des affaires
18 internationales. Ce qui m'intéresse, c'est la page 33.
19 Voici ce que disent Fadil Hoxha, Ramiz Bula, Xhavid Nimani, des dirigeants
20 albanais de l'époque, qui parlent de la nature de ces troubles au Kosovo.
21 R. Tout à fait. Ces troubles au Kosovo n'ont pas été provoqués par des
22 raisons économiques, comme on le dit souvent. Je vais le prouver de la
23 façon suivante : si vous analysez la situation économique au Kosovo, il
24 faut tenir compte du fait qu'en 1912, le Kosovo était la province la moins
25 développée de tout le sud-est de l'Europe. Après 1945, grâce aux
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1 investissements consentis par la Yougoslavie et surtout par la Serbie, le
2 Kosovo était en train de se développer rapidement. Il avait connu des
3 changements s'agissant de sa structure économique, des changements
4 radicaux. Beaucoup d'usines ont été ouvertes; la chimie, l'énergie, le
5 textile, le cuir, autant d'industries qu'il faut développer. Je ne vais pas
6 parcourir tout cela, mais je vais vous dire quand même une chose : il y
7 avait aussi les activités minières, métallurgiques, à Trepca. C'était une
8 installation qui comptait 27 000 ouvriers.
9 Je vais vous dire ce qui s'est passé en matière d'éducation.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai arrêté, parce que je
11 crois que nous avons reçu suffisamment d'éléments d'information.
12 Monsieur Milosevic, passez à une autre question.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez moi, excusez moi.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez, Monsieur Terzic, écouter
15 les Juges. Je vous ai dit que nous avions reçu suffisamment d'éléments sur
16 ce point, et j'ai dit que l'accusé devrait passer à autre chose.
17 M. NICE : [interprétation] Vous le verrez sans doute, mais vous ne voyez
18 pas toujours nécessairement très directement. Le témoin lit des textes
19 qu'il a préparés, et chaque fois qu'il vous interromps et ne suit pas vos
20 décisions, en fait il a un texte qui n'est ni le rapport, ni un document
21 qui nous a été communiqué.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si c'est vrai, c'est tout à fait
23 inapproprié.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Donnez-moi
25 la possibilité de dire quelque chose.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous lisez un texte, vous devez
2 nous le dire, parce que la règle générale, c'est que vous devez déposer
3 sans aide. Ceci aura une incidence sur le poids que la Chambre va accorder
4 à votre déposition.
5 Quel est l'élément dont vous lisez là, pour le moment ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous laisser tous ces documents. Je
7 peux vous laisser toutes ces notes. Sur-le-champ, je peux vous les déposer
8 maintenant sur la table.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est point la question.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de parler de quelque chose qu'on
11 trouve à la page 56 de mon rapport.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dites simplement que vous faites
13 référence à la page 56 du rapport. C'est cela le problème. C'est la
14 procédure qu'il faut appliquer. Vous n'êtes pas censé lire des éléments que
15 vous avez préparés.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que ce
17 soit correct que M. Nice fasse objection de la façon dont il l'a faite. Je
18 suis tout à fait prêt à vous dire où se trouvent ces choses dont je vous
19 parle dans mon rapport et dans les notes. Pour le moment, nous parlons de
20 la page 56, ce sont les notes 166 et 167.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice a tout à fait le droit de
22 soulever une objection de ce genre, parce que nous avons des Règles de
23 procédure et de preuve que nous appliquons dans ce Tribunal. Il les
24 respecte.
25 Vous n'êtes pas censé lire de notes à moins que vous nous disiez
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1 quelles sont ces notes.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Hier, j'ai informé la Chambre de première
3 instance du fait que je disposais de notes, notes que j'avais préparé
4 durant mon séjour à La Haye, en attendant ma déposition. Mais si vous le
5 décidez, je suis tout à fait disposé à vous remettre ces notes.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous lisez des notes que vous
7 avez préparées, vous devez nous le dire.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne lis pas des notes des textes que j'ai
9 préparés. Si vous voulez, j'ai un pense-bête. J'ai des notes avec des
10 chiffres que je vous cite. Si vous estimez, Messieurs les Juges, que c'est
11 mieux de ne pas faire référence à ces notes, je ne le ferai pas.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Ne perdons plus de temps. Je vous ai demandé ceci : ma question portait
14 sur l'attitude adoptée par les personnalités albanaises Ramiz Abdulji,
15 Fadil Hoxha, Ali Shukrija, Xhavid Nimani, intercalaire 38. Ces
16 personnalités ont une évolution qui est tout à fait identique à celle que
17 font les dirigeants yougoslaves et serbes. Est-ce que ceci est incontesté ?
18 R. Oui, et le document 38 le prouve, et il existe en anglais.
19 Q. Je vous remercie. Oui, j'ai attiré l'attention des Juges sur le fait
20 que ce document existait en anglais, et qu'il a été publié dans une revue
21 d'affaires internationales. Il a été publié en 1981, et c'est contemporain
22 des événements dont nous discutons.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui a publié cette revue ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'Institut des relations
25 internationales, économiques, et politiques qui a publié cette revue.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En Serbie ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en Serbie. A Belgrade.
3 Q. Mais c'était une revue yougoslave ?
4 R. Oui, qui avait son siège à Belgrade, comme le gouvernement y avait son
5 siège, et tous les organes du gouvernement en Yougoslavie.
6 Q. En quelques mots, quel est le concept politique d'un Kosovo
7 ethniquement pur dans lequel il y avait la sécession violente où
8 l'albanisation violente des groupes ethniques qui n'étaient pas albanais,
9 comme les Turcs et les Roms. Nous avons Kadri Raufi qui était turcs. Kadri
10 Raufi. C'était un homme politique du Kosovo, et il a fait une interview le
11 16 mars 1986.
12 Parlez-nous de l'albanisation forcée des non-Albanais tels que les Turcs ou
13 les Roms. Cet homme qui était d'origine turque en parle.
14 R. Oui. Kadri Raufi était Turc. Il était membre du comité provincial de la
15 Ligue des Communistes du Kosovo. Lors d'une de ces réunions qui s'est tenue
16 en 1971, j'ai ici présenté une pièce à cet effet, M. Raufi dit la suivante,
17 il dit : Tout comme on exerçait une pression sur les Serbes et les
18 Monténégrins, même s'ils étaient Serbes divisés, il y avait encore plus de
19 pression qui était exercée sur les Turcs. Et Kadri Raufi dit ceci : "Je ne
20 reconnais pas le recensement de 1971 parce qu'on a diminué de 53 % le
21 nombre de Turcs." Il poursuit et dit qu'au cours de ce recensement
22 démographique on a fait pression sur les Turcs pour qu'ils déclarent être
23 Albanais. Dans la même veine, on a fait pression sur les Romes et sur les
24 Goranis, ou les Gorancis; ceux qui vivent dans la région de Gora. On a
25 dénationalisé les Turcs, problème mis en exergue par
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1 M. Kadri Raufi.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Vous parlez également de la
3 responsabilité de l'élite politique. Vous indiquez quelle est la
4 responsabilité, quelles sont les responsabilités de l'élite minoritaire
5 ici, lorsqu'on voit cette poussée, cette montée du chauvinisme grand
6 Albanais et le nettoyage ethnique des Serbes.
7 Dites-moi : ce mémorandum du forum des intellectuels albanais qui est
8 publié en 1995, qu'est-ce qu'il dit ?
9 R. J'en ai parlé à plusieurs reprises hier.
10 Q. Oui. Vous avez dit qu'il y avait un lien à établir entre ce mémorandum
11 et le programme politique de l'Académie des sciences albanaise à Tirana.
12 R. Oui, mais ce mémorandum date de 1995, et le programme politique de
13 1998. Ce mémorandum du forum des intellectuels est confectionné de toutes
14 pièces. Il n'y a pas une seule parole qui soit historiquement correcte.
15 Tout ceci est monté de toutes pièces. Je pourrais l'analyser.
16 C'est absurde. Je vous montre un exemple de cette absurdité. Prenez la page
17 11 dans le texte en serbe. Je me contenterai de citer une seule phrase. On
18 dit la chose suivante : les Albanais des territoires ethniquement occupés,
19 à savoir, le Kosovo et Metohija, n'ont jamais joui des droits fondamentaux
20 en tant que droit de l'homme et droit de la nation. C'est une citation qui
21 perdure aujourd'hui. Or, on voit qu'ils ont leur académie, leur université
22 avec 40 000 étudiants qui sont inscrits. Il y avait 60 000 journaux
23 périodiques, leur propre chaîne de télévision, la radio.
24 Il y a une absence d'objectivité. Ici, on parle de l'Académie des sciences
25 albanaises de Tirana. A la page 46, note 129 de mon rapport, je me sers de
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1 ce texte. C'est en anglais. On parle de la politique du nettoyage ethnique
2 serbe ou des Serbes au Kosovo Metohija. On y fait référence. Et nous avons
3 une autre phrase absurde.
4 Q. Je dois vous interrompre, parce que vous parlez du nettoyage ethnique
5 des Serbes. Qu'est-ce que vous entendez par là ?
6 R. Eux, ils disent que les Serbes nettoient ethniquement le Kosovo et
7 Metohija des Albanais depuis la Deuxième guerre mondiale.
8 Q. C'est dans le mémorandum de l'Académie des sciences albanaises ?
9 R. Oui. A la page 46, note 123, je vais dire mon rapport. Une seule
10 phrase, phrase absurde. Voici ce qu'il dit : "En plus de l'exode massif
11 effectué sur la pression de Belgrade, le nombre de ces Albanais continuent
12 d'augmenter." Puis, on parle de 80 %. Comment peut-on avoir un nettoyage
13 ethnique s'il y a augmentation démographique de 90 %?
14 Q. C'est bien connu.
15 Dans votre rapport aux pages 103 et 104, vous parlez de la situation qui
16 prévaut au Kosovo de ces événements tout à fait spectaculaires et
17 tragiques. On a tué Danilo Milincic en 1982 sur le seuil de sa porte. Il a
18 été tué par un Albanais de l'émigration, un certain Martinovic a été tué en
19 1985. Pourquoi est-ce que ce sont là des cas classiques ? Vous en parlez
20 dans votre rapport. Pourquoi est-ce que est-ce là utile d'en parler ?
21 R. Je mets en garde la Chambre et M. Nice. En anglais, ceci se trouve à la
22 page 65. C'est la note 188. C'est dans mon rapport.
23 Il y a toute une série de violence, de brutalité, et ce sont là des cas
24 particulièrement tragiques. Prenez la famille Milincic. En 1941, c'étaient
25 des émigrés d'Albanie. Ils sont arrivés en 1941, ou plutôt des Albanais
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1 sont arrivés d'Albanie en 1941, et ont forcé la famille Milincic à quitter
2 Samodreza où il y avait une église bien connue de l'Eglise orthodoxe serbe.
3 Le père de Danilo Milincic a été tué en 1960 chez lui à Samodreza, sur le
4 seuil de sa porte. Il a été tué au revolver. On n'a jamais découvert
5 l'auteur de ce méfait.
6 En 1982, le fils de Slavoljub a été tué violemment par Ferat Mujo un
7 Albanais de l'immigration, sur le seuil de sa porte. Vous voyez le drame
8 que vit une seule famille, la famille Milincic qui symbolise toute la
9 tragédie d'une nation comme on la voit se dérouler au Kosovo et Metohija.
10 C'est un cas horrible que celui-là. Je ne veux pas ici, s'agissant de
11 Djordje Martinovic, je ne veux pas en parler ici même.
12 Q. Prenons maintenant l'intercalaire 44, où nous trouvons un article de
13 Milovan Djilas, article publié dans le Wall Street Journal, en 1985. Il
14 évoque les événements qui se sont provoqués au Kosovo et Metohija. De quoi
15 parlait Djilas ?
16 R. J'ai essayé de trouver ceci, le texte en original de Turner sur
17 l'Internet, mais je n'y suis pas parvenu. Donc, j'utilise la version en
18 serbe de ce texte, qui a été publié dans le livre de Dobrica Cosic intitulé
19 "Kosovo." Il y a un grand problème de l'exode massif. Oui, je crois qu'il
20 faut trouver la page. J'essaie de retrouver la page.
21 C'est la page 52.
22 Q. Bien.
23 R. Page 52, oui. 44.
24 Q. C'est l'intercalaire 44.
25 R. Oui, c'est l'intercalaire 44, page 52. L'intercalaire 44, page 52,
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1 comme on l'a dit.
2 Djilas, dans le Wall Street Journal de 1985, dit : "Milovan Djilas était
3 très populaire à l'occident. C'était l'un des dissidents yougoslaves de
4 taille. Il dit : "Tout dernièrement, les Albanais rachètent aux Serbes la
5 terre à des prix énormément élevés. Les autorités ne savent pas, ou font
6 semblant de ne pas savoir d'où vient tout cet argent, très souvent en
7 monnaie étrangère. Il n'y a probablement pas passage clandestin d'Albanie
8 seulement, mais cela doit venir des pays islamiques intégristes. Les
9 Musulmans de la Yougoslavie, parmi lesquels 1 700 000 Bosniens et la
10 plupart des Albanais du Kosovo, doivent servir de point fort ou de point
11 d'appui à l'Islam en Europe."
12 Cela est dit dans le New York Times en 1982 et 1987. J'ai joint des
13 extraits des textes de David Binder, mais je crois bien que nous avons,
14 probablement aussi, à fournir des extraits en langue anglaise.
15 Q. Bien, Monsieur Terzic. Veuillez me préciser ou me dire quelque chose au
16 sujet de l'intercalaire 45 où il y a une pétition de 5 000 citoyens de
17 Serbie à l'intention des autorités de la Yougoslavie et de Serbie en 1985.
18 La pétition a été ultérieurement signée par 80 000 Serbes. En vertu de ces
19 renseignements, cela a été publié dans le texte de la revue des affaires
20 internationales de Belgrade, Kosovo, le passé et le présent, en langue
21 anglaise.
22 Quels sont les problèmes qui sont soulevés par les signataires de
23 cette pétition ?
24 R. Monsieur le Président, vous avez mentionné cette pétition au début de
25 la journée d'aujourd'hui. Je ne vais pas m'attarder davantage. C'est une
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1 pétition signée par quelques milliers de citoyens, puis, ultérieurement,
2 par 80 000 citoyens. Cela a été envoyé en 1985, et l'on y présente les
3 revendications des citoyens en 15 points. Je ne vais, bien sûr, pas parler
4 des 15 points, mais le point 2 dit qu'ils veulent que la Serbie devienne
5 une république normale, comme les autres républiques. Au point 5, on
6 demande à ce que l'on accorde plus l'hospitalité à tous les immigrants, aux
7 immigrants arrivée d'Albanie, arrivés depuis le 6 avril 1941. Ils estiment
8 qu'ils sont plus de 260 000. Le point 6 demande à ce que tous les contrats
9 d'achat et de vente soient annulés pour ce qui est des terres serbes. Le
10 point 7 demande le retour des serbes chassés du Kosovo et de la Metohija,
11 et ont demande à ce que les chefs de l'insurrection ne fasse plus partie
12 des autorités au Kosovo et Metohija.
13 Je dois dire qu'au sein de la société serbe, il y a eu des réactions.
14 On a demandé pourquoi l'on arrêtait ces jeunes albanais qui prenaient part
15 à ces manifestations, mais on n'arrêtait pas les chefs de l'insurrection
16 qui se trouvaient au niveau des instances dirigeantes de la province. Notre
17 jeunesse, les intellectuels notamment, avaient condamné l'arrestation des
18 jeunes albanais.
19 Q. Vous êtes l'un des signataires, l'un des 221 intellectuels yougoslaves
20 à l'intention de l'assemblée de la RSFY en 1985. Vous avez donc appuyé les
21 revendications des citoyens.
22 R. Oui, j'ai été l'un des signataires de cette lettre. C'est la pièce à
23 conviction 46, pages 841 à 844. J'ai été l'un des 221 signataires. Il y a
24 beaucoup d'écrivains, d'artistes et autres intellectuels. Il y avait M.
25 Draskovic qui est actuellement ministre des Affaires étrangères, Matija
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1 [phon], Deskovic [phon], Dobrica, Cosic et cetera, et cetera. Je ne vais
2 pas les citer tous. En substance, nous avions demandé à ce que la direction
3 de la province, les directions de la Serbie et de la province et de la
4 Yougoslavie, prennent des dispositions radicales pour modifier la situation
5 au Kosovo et Metohija. Nous avons, à cet effet, signalé le problème de
6 l'exode, le problème des violences au Kosovo et Metohija et tout ce que
7 j'ai déjà indiqué à l'intention de la Chambre. Je voudrais notamment
8 attirer l'attention sur un paragraphe de cette lettre. J'estime que c'est
9 très important. J'espère que l'on ne me reprochera pas si je donne lecture
10 de ce que j'ai comme document.
11 Q. La lettre est une piève à conviction. Vous avez le droit de citer ce
12 qui y figure dans une pièce à conviction.
13 R. C'est la pièce 46, l'intercalaire 46. Voici cette lettre. J'estime que
14 c'est une lettre très importante.
15 Q. Sans l'introduction de M. Terzic, donnez-nous la citation que vous
16 voulez.
17 R. Je cite la partie qui se rapporte à notre attitude vis-à-vis des
18 Albanais. Je cite : "La population Serbe, dans ces guerres de libération
19 nationale, s'est battue au profit de la population albanaise. En l'aidant
20 de façon généreuse sur le plan matériel de 1945 à nos jours, a fourni
21 suffisamment d'éléments de preuve pour dire qu'elle tenait à la liberté, au
22 progrès et à la dignité du peuple albanais. Nous soulignons, à cet effet,
23 que nous ne voulons rien de mal et rien d'injuste à la population
24 albanaise. Nous nous employons en faveur de l'application de la mise en
25 œuvre de ses droits démocratiques. En demandant le droit à l'égalité en
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1 droit à l'intention du peuple serbe, nous le demandons pour la population
2 Albanaise également. Nous condamnons toutes les injustices qui, à quelque
3 moment que se soit, auraient été commises par les Serbes à l'égard de la
4 population albanaise.
5 Q. Merci, Monsieur Terzic. A l'intercalaire 47, nous avons un aperçu assez
6 important de la documentation relative au nettoyage ethnique du Kosovo et
7 Metohija de 1945 à 1990. Je voudrais que vous nous citiez les éléments les
8 plus importants. Nous avons là des points A, B, C, D, E. On y voit des
9 auteurs serbes et albanais aussi bien. On voit ici Sinan Hasani, qui lui,
10 pendant un mandat, a exercé les fonctions de président de la présidence de
11 Yougoslavie.
12 R. Pour gagner du temps, je vais faire un résumé. Quels ont été les
13 résultats des recherches scientifiques portant sur le nombre des Serbes qui
14 ont quitté le Kosovo et Metohija entre 1945 et 1990 ? Il s'agit des pièces
15 à conviction 47A, B, C, D.
16 Partant des recherches de faites par un démographe très connu, Milovan
17 Radovanovic, entre 1945 et 1989, 1990, le Kosovo et Metohija ont été
18 quittés par plus de 250 000 Serbes. Cela est dit en page 383. Donc, pièce
19 47A, page 383. Je vais le mettre sur le rétroprojecteur. Plus de 250 000
20 Serbes auraient quitté suite à des pressions.
21 D'après des recherches effectuées par un collègue, Branislav Krstic,
22 un autre historien, qui lui, n'est pas démographe, comme cela est le cas
23 pour Milovan Radovanovic que j'ai cité tout à l'heure, pendant cette
24 période allant de 1961 à 1991, il y a eu plus de 145 000 départs en 20 ans.
25 Les démographes Ruza Petrovac et Marina Blagojevic travaillant dans
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1 l'académie serbe des sciences et des arts ont procédé à des recherches en
2 mai 1985, 1986, et ont déterminé qu'au fil des 20 ans entre 1961 et 1981,
3 il y a eu plus de 85 000 Serbes à quitter ces territoires. J'en parle dans
4 mon rapport en page 51.
5 Pour finir, s'agissant de l'envergure de ce nettoyage ethnique, il en est
6 question dans la pièce 47D, dans le livre de Mile Nedeljkovic, un
7 ethnologue qui a indiqué, entre autre, qu'entre 1961 et 1971, en 10 ans
8 seulement, le Kosovo et Metohija ont été nettoyés de 230 villages. Entre
9 1981 et 1991, en dix ans seulement, il y a eu 157 villages serbes qui ont
10 été vidés de leurs habitants. Il donne plusieurs exemples pour illustrer en
11 1961 et 1981, la version anglaise, page 51, note de bas de page 156. Voilà
12 quelques exemples que je vais vous donner pour ce qui est de l'illustration
13 de ce processus.
14 Le village de Petrovac, à proximité de Kosovska Mitrovica, il y a 460
15 Serbes et aucun Albanais. Vingt ans plus tard, il y a 36 Serbes et 800
16 Albanais. Le village d'Orno Brdo près d'Istok, en 1961, il y a 664 Serbes
17 et 11 Albanais. Vingt ans plus tard, le village a -- les pages sont les
18 pages 223, 224 --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On en a entendu assez. Passez à un
20 autre sujet.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. J'attire votre attention sur un fait. Vous avez omis de parler d'un
23 élément qui figure au 47A, et cela a été publié dans la Revue des affaires
24 internationales. C'est un article émanant de Sinan Hasani justement, le
25 président de la présidence de Yougoslavie jusqu'au mois de mai 1987, qui
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1 est intitulé "Organisations chauvines et séparatistes au Kosovo et leurs
2 liens avec les centres étrangers."
3 R. Oui, cela figure dans le livre Kosovo, le passé et le présent.
4 Q. Oui. Dites-nous quelles sont les conclusions qu'il a tirées en bref.
5 R. En substance, Sinan Hasani a tiré les conclusions suivantes : il a dit
6 qu'au Kosovo et Metohija, il y a plusieurs organisations séparatistes
7 illégales, clandestines. Il en cite le nombre, il cite les objectifs qui
8 sont les leurs. Il mentionne Adem Demaci, en sa qualité de l'un des
9 créateurs de cette organisation clandestine, et il conclu que ces
10 organisations s'appuient, d'une part sur les sources de la Ligue de Prizren
11 et sur la politique, d'autre part, d'Enver Hoxha.
12 Q. A bon nombre de reprises, M. Terzic, on a parlé ici du mythe serbe lié
13 au Kosovo pour dire que cela a, dans une certaine mesure, été à l'origine
14 des souffrances des Albanais. Est-ce que le Kosovo fait partie de la
15 mythomanie serbe ou est-ce là une déterminante substantielle, cruciale,
16 pour ce qui est de l'identité culturelle et nationale des Serbes ? Veuillez
17 aussi m'indiquer brièvement, bien sûr, dans quel contexte l'on peut
18 interpréter le 600e anniversaire de la bataille du Kovoso en 1989. Est-ce
19 que cela a, en quelque façon quoi que ce soit, été discriminatoire à
20 l'égard d'une population quelconque et notamment à l'égard des Albanais ?
21 R. Je sais que ce Tribunal a consacré une grande attention à cette
22 question. La célébration de l'anniversaire de cette bataille du Kosovo a
23 été la première des célébrations de la date de cette bataille depuis 1389 à
24 nos jours. C'est la première célébration en condition de liberté. J'espère
25 que les prochaines célébrations se feront véritablement dans des
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1 circonstances de liberté.
2 Mais toute la littérature et toutes les sciences européennes nous disent la
3 chose suivante : dans la pièce à conviction 48, j'ai photocopié le livre
4 entier intitulé "Kosovo Day, la date du Kosovo," publié en Grande Bretagne.
5 Je précise que, pendant la Première guerre mondiale en Grande Bretagne,
6 l'on célébrait officiellement la date de la bataille du Kosovo, le 28 juin
7 1389, le Saint Vitus. Il a été créé là un comité, l'on faisait partie de
8 l'élite de l'aristocratie britannique.
9 En page 11 de ce texte, on peut voir la composition dudit comité. A sa tête
10 se trouvait Lady Cowdray, Lady Grogan, Lady Paget et 16 autres professeurs
11 d'université et personnalités éminentes. Ce comité se réunissait dans la
12 maison de Lady Cowdray. Elle organisait plusieurs assemblées de ce genre.
13 Il y a eu des liturgies. L'Archevêque de Canterbury a pris la parole
14 également.
15 J'ai repris cela du livre d'une collègue, Mme Vickers, où il est question
16 de la date de la bataille du Kosovo dans une église à New York, et Howard
17 Robinson a parlé du sort du peuple serbe en le comparant au sort du peuple
18 juif. Le monde civilisé tout entier a toujours estimé que cette date du
19 Kosovo a été une grande date, non seulement pour les Serbes mais l'Europe
20 chrétienne toute entière.
21 Q. Merci, Monsieur Terzic. En pages 49 et 50 de votre étude d'expert, vous
22 établissez un parallèle entre la position de la minorité ethnique albanaise
23 en Yougoslavie et la position de la minorité serbe en Albanie.
24 Veuillez me répondre à ma question, très brièvement. Y avait-il quelque
25 réciprocité que ce soit à cet effet ?
Page 34303
1 R. C'est un cas unique dans l'Europe. Il n'y a plus eu de cas, il n'y en a
2 pas eu du tout de par le passé. En Albanie, il y avait une minorité d'au
3 moins 50 000 personnes. Ces gens n'avaient absolument aucuns droits. Le Dr
4 Jovan Bojovic, en 1991, a publié un livre à Titograd qui s'appelle
5 Podgorica de nos jours, il a parlé des immigrants d'Albanie en 1991. Il a
6 dit qu'il y avait quelque 1 680 réfugiés. Je donne citation de ce livre. En
7 version anglaise, cela se trouve en pages 31 et 32. Il fait état des noms
8 et prénoms qui ont été albanisés dans les documents. Dans les pièces
9 d'identité, on disait qu'ils n'étaient pas Serbes mais Siptars. On a
10 détruit leurs églises et cimetières, donc, ils ont été privés de tous
11 droits. D'autre part, la minorité albanaise en Yougoslavie bénéficiait,
12 elle, d'une autonomie. Elle avait pratiquement son état, une Académie de
13 sciences, une université, la télévision, la radio, et cetera, et cetera.
14 C'est un exemple d'absence totale de réciprocité quelle qu'elle soit.
15 Q. Parcourons maintenant l'intercalaire 50 qui se trouve en langue
16 anglaise, et on parle du forum yougoslave pour les droits des citoyens au
17 Kosovo, 3 mars 1989, Affaires internationales, Kosovo présent et passé.
18 Alors, on parle du forum pour le Kosovo et les droits de l'homme, et on
19 parle du péril encouru par ces droits de l'homme au Kosovo en mars 1989
20 pour ce qui est du mouvement Grand Albanais.
21 R. Le professeur Vojin Dimitrijevic, l'un des combattants éminents
22 intervenant sur le plan des droits de l'homme, a parlé de la discrimination
23 des Serbes, des Monténégrins et autres non-Albanais. Il a parlé des
24 violations des droits de l'homme, des Serbes, des non-Albanais d'une
25 manière générale par ce mouvement sécessionniste. Il a parlé de la
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1 nécessité de résoudre plus rapidement les dossiers en justice. Il a parlé
2 de la violation des droits de l'homme, et c'est là la substance de ce
3 document qui est présenté ici en langue anglaise.
4 Q. Mais qu'en est-il de ces activités anti-yougoslaves du mouvement
5 séparatiste albanais entre 1981 et 1989 ? J'attire votre attention sur
6 l'intercalaire 51 qui se trouve être traduit en langue anglaise, activités
7 anti-yougoslaves séparatistes au Kosovo entre 1981 et 1991, et publié à
8 Belgrade en 1989. C'est là que l'on voit se terminer la période étudiée ?
9 R. Je serai bref : ce document montre qu'entre 1981 et 1991, il a été
10 découvert neuf grands groupes et organisations séparatistes clandestines et
11 terroristes. Il a été découvert 24 groupes séparatistes et terroristes. Il
12 a été découvert plusieurs partis politiques tels que le Parti communiste
13 Léniniste, ou le Groupe Marxiste Léniniste du Kosovo, ou le Front de
14 libération du Kosovo entre 1981 et 1984. Ce que je voudrais notamment
15 souligner c'est le fait qu'en mars et avril 1989, il y a eu une centaine
16 d'attaques physiques et d'agressions physiques à l'encontre de Serbes et
17 Monténégrins en 1989. L'un des faits stupéfiants, c'est que les instances
18 de sécurité ont publié le fait qu'au Kosovo et Metohija, il y avait 58 162
19 permis de port d'armes dont 27 000 étaient des permis de port de pistolets.
20 Il y avait de quoi armer plusieurs divisions, si je peux m'exprimer ainsi
21 au Kosovo et Metohija, et ceci aux fins de réaliser les aspirations
22 séparatistes de certains.
23 Q. En votre qualité d'historien, veuillez m'indiquer, je vous prie, suite
24 à l'étude de ce qui se passait dans ces territoires-là de la Serbie,
25 qu'entend-on par la notion du "Kosovo historique," en quoi consiste la
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1 substance du panillyrisme qui se trouve être le fondement du concept Grand
2 Albanais.
3 R. J'espère qu'on ne me reprochera pas un retour vers l'histoire mais il
4 ne s'agit pas de l'histoire, c'est la réalité telle qu'elle est.
5 Q. Monsieur Terzic, répondez à ma question, sans justifier la motivation
6 de votre réponse.
7 R. De nos jours dans les Balkans, l'on réalise ce qui a été conçu en tant
8 que Kosovo historique. Là, je cite la page 46 de la version anglaise de mon
9 rapport d'expert, après la note de bas de page 131. Je suis à la page 46.
10 L'on construit un Kosovo historique qui n'a jamais existé. Il n'y a pas une
11 seule donnée, dans quelque livre que ce soit, mise à part cette plat-forme,
12 concernant l'existence de ce Kosovo historique. On lie la chose à une
13 province qui s'appelle Dardania, qui se trouvait à Skopje de nos jours et
14 le siège du Kosovo historique se trouverait à Skopje. Cela fait preuve
15 d'aspirations territoriales à l'égard de territoires de pays voisins. Il y
16 a le Kosovo au sens restreint, à savoir la province du Kosovo actuel. Il y
17 a le Kosovo de l'est, selon cette version ce serait Presevo, Bujanovac et
18 Medvedje. Il y a le Kosovo du sud-ouest, c'est une partie du Monténégro,
19 Gusinj [phon] et Rodjaje [phon] et Plave, et il y a le Kosovo du sud, et je
20 cite là en anglais, ce sont les régions de Kumanovo, Skopje, Tetovo,
21 Gostivar, Struga, et Debar. On dit que le centre du Kosovo historique se
22 trouverait à Skopje parce que le centre de cette province des temps de
23 l'antiquité se trouverait à Skopje. Je m'excuse à l'intention des
24 interprètes parce que le centre de cette province de Dardania se trouvait à
25 l'époque dans la ville actuellement appelée Skopje.
Page 34306
1 La Vilajet de Kosovo qui existait entre 1878 et 1912 n'englobait qu'une
2 partie de ce territoire.
3 Dans la Vilajet du Kosovo, suivant l'étude du Dr Peuker, que j'ai
4 cité hier, en étude de 1912, la majorité n'était constituée que par les
5 Serbes et les Slaves. Je crois qu'il devait y avoir 450 ou 460 000 Serbes
6 et Slaves, et 430 000 Albanais. Le journal Prizren qui était un journal de
7 la Vilajet, et qui était publié à Prizren en langue turque et albanaise, si
8 cela était vrai, cela aurait été publié en langue serbe et en langue
9 albanaise.
10 C'est bien ce qui prouve que les Serbes étaient majoritaires dans
11 cette Vilajet du Kosovo, dans le courant du 19e siècle.
12 Q. Ce fait est illustré par les Turcs également.
13 R. Tout à fait.
14 Q. Vous êtes historien. Parlant de l'Europe et de l'histoire de l'Europe,
15 comment qualifiez-vous le soutien de la direction des pays occidentaux, et
16 notamment de l'OTAN à ce mouvement séparatiste et terroriste albanais au
17 Kosovo ? Comment établir la corrélation entre ce projet de Grande Albanie
18 et le projet de la Grande Albanie qui avait court pendant la Deuxième
19 guerre mondiale, et le concept du comte Ciano de 1939, et ce dont nous
20 avons parlé hier ?
21 R. Les événements de 1989 soulèvent toute une série de questions cruciales
22 : d'abord, est-ce que l'occident accepte la sécession de groupes ethniques
23 et de minorités nationales ? Est-ce que tout groupe et minorité nationale
24 en Europe, les Basques, les Bretons, les Corses, l'Irlande du Nord, est-ce
25 que chaque groupe ethnique, pour la solution de ses propres problèmes, doit
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1 réclamer une intervention militaire et étrangère, et une ingérence des
2 grandes puissances ? Cela c'est une question cruciale pour l'histoire de
3 l'Europe.
4 Une deuxième question qui se pose s'agissant de l'exemple du Kosovo et
5 Metohija, il ne s'agissait pas d'un problème de droit ethnique de la
6 minorité albanaise. Il s'agissait de façon évidente, et je l'ai démontré,
7 d'une aspiration non pas à l'autonomie, en tant qu'exemple concret. Comme
8 le dit Henry Kissinger à un endroit dans son rapport du 12 octobre 1998, il
9 dit que le problème peut être résolu au moyen d'une autonomie concrète,
10 allant d'un village à l'autre, mais non pas a priori par une question de
11 statut du Kosovo, parce que l'autonomie sous-entend, non pas seulement les
12 droits des Albanais, mais aussi les droits des Serbes.
13 En procédant à une agression contre la Serbie, l'OTAN, comme vous le savez,
14 a violé toute une série d'accords internationaux, et a commis un grand
15 crime à l'encontre de la Yougoslavie et du peuple serbe dans son ensemble.
16 Il n'y a pas que cela. Au lieu de résoudre le problème du Kosovo et
17 Metohija, cela a donné naissance à des crises incessantes. Avec l'arrivée
18 de l'OTAN au Kosovo et Metohija, au lieu d'une société multiethnique, au
19 lieu d'une tolérance multiethnique, nous avons aujourd'hui le parachèvement
20 de ce nettoyage ethnique.
21 Que signifie d'autre le fait, sinon ce qui nous montre que depuis
22 l'arrivée de l'OTAN, 130 églises et monastères serbes ont été incendiés.
23 Les Serbes au Kosovo et Metohija ne peuvent plus parler leur langue. De
24 quel type d'intervention s'agit-il alors ? Je pense qu'il s'agit d'une
25 grande défaite historique de l'Europe, de la civilisation européenne, de la
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1 culture européenne et du système européen des valeurs. Je crois que les
2 recherches à l'avenir vont conforter ces appréciations qui sont les
3 miennes.
4 Q. Merci, Monsieur Terzic. Je n'ai plus de questions pour ce témoin.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
6 Milosevic.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai présenté une liste de pièces et je
8 demande le versement au dossier de ces pièces, puisque nous avons parcouru
9 chacune des pièces.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le rapport d'expert est déclaré
12 recevable dès maintenant. Après la pause, nous rendrons notre décision en
13 ce qui concerne la recevabilité des autres documents.
14 M. NICE : [interprétation] A votre retour, il serait peut-être utile
15 d'amener la pièce 508, votre copie, parce qu'il s'agissait là du rapport
16 d'Audrey Budding.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous l'avons gardée. Nous
18 allons maintenant en pause, 20 minutes.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je voudrais donner une cote pour ce
20 rapport d'expert.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, donnez une cote.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D259.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque nous reprendrons l'audience,
24 nous allons régler la question. Maintenant, pause de 20 minutes.
25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
Page 34309
1 --- L'audience est reprise à 11 heures 02.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez la parole.
3 Contre-interrogatoire par M. Nice :
4 Q. [interprétation] Monsieur Terzic, est-ce que votre rapport contient une
5 seule remarque qui soit favorable aux Albanais ou aux Albanais du Kosovo ?
6 R. Oui, bien sûr.
7 Q. Veuillez nous donner quelques exemples pour que je me rafraîchisse la
8 mémoire.
9 R. A plusieurs endroits, je fais référence à ce que les Albanais avaient
10 au Kosovo et Metohija : institutions scientifiques, culturelles, des
11 périodiques, des journaux, des entreprises. A maints endroits, j'indique
12 que les Albanais favorables aux Yougoslaves, loyaux à l'état yougoslave, à
13 l'état serbe, ont été en butte à des pressions.
14 Cependant, je dois dire que personnellement j'ai eu des contacts avec
15 les Albanais --
16 Q. Vous n'avez peut-être pas bien compris ma question. Quand je vous ai
17 demandé s'il y avait des choses dans votre rapport qui étaient favorables
18 aux Albanais, vous répondez, qu'il y avait des journaux, par exemple.
19 Pourquoi est-ce qu'ils seraient favorables ? Vous ne voulez pas dire que
20 c'étaient des gens lettrés et qu'ils savaient lire. Qu'est-ce qu'il y a de
21 favorable dans le fait qu'ils avaient des journaux ? Je ne comprends pas.
22 R. Non, je n'ai pas bien compris votre question. Qu'est-ce que vous voulez
23 dire par "opinion favorable" ou "défavorable" d'après vous ? Moi, je
24 renvoyais à des faits historiques. Je ne parle pas d'aimer ou ne pas aimer.
25 Q. Tout au long, vous avez dit que les Albanais étaient les agresseurs, et
Page 34310
1 n'ont jamais été les victimes des Serbes,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Non, ce n'est pas vrai.
4 Q. Dites-nous dans quelle mesure les Albanais ont été victimes des
5 Serbes ?
6 R. Je pense que votre question est très tendancieuse. Moi, je parle d'un
7 problème très complexe au Kosovo et Metohija. Je n'ai pas parlé des Serbes
8 comme étant des victimes tout à fait innocentes. J'ai parlé de
9 l'affrontement avec le mouvement de Kacak après la Première guerre mondiale
10 entre 1918 et 1924. J'ai dit qu'il y avait eu des victimes innocentes parmi
11 les Albanais lorsque les forces de police ont combattu les sécessionnistes
12 de Kacak.
13 Q. Oui, mais qu'est-ce que c'est par rapport aux centaines de milliers de
14 victimes serbes dont vous parlez ici. S'agissant de cet incident, en
15 particulier, il y a eu combien de victimes albanaises ?
16 R. De quelle période parlez-vous ? Est-ce que vous parlez de l'incident
17 qui est survenu après la Première guerre mondiale ?
18 Q. Vous venez d'en parler. Je vous ai demandé de nous donner des exemples,
19 où des Albanais du Kosovo ont subi des souffrances de la part des Serbes.
20 Vous nous avez dit qu'il y avait eu des victimes innocentes parmi les
21 Albanais lorsque les forces de police ont lutté contre les Kacaks albanais.
22 Ces renégats. Il y a eu combien de victimes dans cet incident-là ?
23 R. Vous posez des questions très tendancieuses. Vous voulez que j'indique
24 uniquement les victimes albanaises. J'ai parlé de conflits où il y a eu des
25 pertes, des victimes de part et d'autre. Je vais quand même vous répondre
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1 de façon précise.
2 C'est quelque chose qui s'est passé en 1923 pour être précis. Je m'excuse.
3 Cela s'est produit le 10 février 1924 à l'occasion de l'arrestation d'un
4 Kacak appelé Mehmet Konjuh, qui s'est enfermé dans une tour, une véritable
5 forteresse pour conduire des combats.
6 Q. Je vous demande simplement pour le moment des chiffres. Ecoutez ma
7 question. Je vous ai demandé combien il y a eu de victimes ?
8 R. Six Albanais ont été tués.
9 Q. Merci. Prenons, un autre exemple d'Albanais qui ont subi des
10 souffrances de la part des Serbes. Vous nous l'avez expliqué. Vous avez dit
11 qu'il y a eu beaucoup de victimes de part et d'autre, qu'il y a eu, au
12 cours de centaines d'années beaucoup de conséquences. Parlez-nous des
13 victimes albanaises, ou est-ce qu'il n'y en a pas eues ?
14 R. Non, je pense que vous soulevez la question de façon tout à fait
15 erronée. Il ne m'appartient pas d'en juger. Il ne s'agit pas d'un règlement
16 de compte entre Albanais et Serbes.
17 Q. Monsieur Terzic, les Juges me corrigeront si je me trompe. Avant de
18 poser ma question suivante, je vous demande ceci : est-ce que vous
19 connaissez la différence qu'il y a entre faire une déposition en tant que
20 témoin et le fait d'argumenter une position ?
21 R. Je dois vous dire que je suis pour la première fois devant un tribunal,
22 en fait, pour la deuxième fois.
23 Q. Vous avez déjà déposé ici.
24 R. Je vous dis, mais laissez-moi finir. C'est la deuxième fois de ma vie
25 que je séjourne dans un tribunal. Les deux fois, cela se passe au Tribunal
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1 international de La Haye. Jamais auparavant, je n'ai été devant un tribunal
2 quelconque. Je ne suis pas ici un accusé. Je tiens à parler ici à ma
3 qualité d'expert. Vous me demandez --
4 Q. Est-ce que vous comprenez la différence qu'il y a entre le fait de
5 faire une déposition en tant que témoin et le fait de plaider une cause ?
6 R. Je ne comprends pas la différence.
7 Q. Je ne le pensais pas non plus. Excusez-moi, c'était un commentaire dont
8 j'aurais dû m'abstenir.
9 Revenons aux réponses que vous avez fournies. Vous parliez de ces victimes
10 sous la main des Serbes. Pourrions-nous nous indiquer, dans votre rapport
11 ou dans votre déposition, des lieux, des moments où vous avez mentionné
12 d'autres Albanais du Kosovo ou d'autres Albanais qui auraient été victimes
13 des Serbes ?
14 R. Il n'est pas ici question d'un conflit entre Albanais et Serbe. Il
15 s'agit plutôt de la résistance d'une partie des Albanais à l'égard des
16 autorités légales yougoslaves après la Deuxième guerre mondiale. En sus des
17 six victimes que j'ai déjà mentionnées, j'en mentionnerai d'autres. Entre
18 1918 et 1923, il a été tué au total 52 Kacaks, renégats vis-à-vis de l'état
19 yougoslave qui réalisaient des activités violentes à l'encontre des
20 instances ou des autorités. Tout état a recours à la force dans les
21 conflits avec --
22 Q. Je voulais simplement des chiffres. Donnez-nous d'autres exemples afin
23 que nous voyons dans quelle mesure votre étude des souffrances subies est
24 équilibrée ou pas ? Est-ce que vous pourriez nous donner des chiffres ?
25 Seraient-ce des chiffres approximatifs du nombre d'Albanais qui ont été
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1 victimes des Serbes ? Parlons des années 1980, 1990. Est-ce qu'il y en a
2 eues au cours de ces périodes-là ?
3 R. En substance, je ne crois pas comprendre votre question.
4 Q. Fort bien. Parlons de 1945.
5 R. Je ne comprends pas votre question.
6 Q. Oui.
7 R. Je pense que vous me posez une question suggestive. Vous me demandez de
8 compter les victimes parmi les Albanais et parmi les Serbes. Je suis en
9 train de dire, et j'étais en train de dire que les Albanais étaient des
10 citoyens sur le pied de l'égalité dans la Serbie et dans la Yougoslavie.
11 Ils bénéficiaient de tous les droits garantis par la constitution. Seuls
12 les Albanais, j'espère que vous allez m'autoriser à répondre.
13 Seuls les Albanais qui s'opposaient aux organes chargés de faire respecter
14 l'ordre et aux organes chargés du respect de la sécurité ont été victimes
15 pendant les manifestations en 1981. Il s'agissait plutôt d'un soulèvement
16 populaire, d'une insurrection. Il y a eu 20 Albanais de tués. Il y a eu
17 également des morts parmi les policiers. Il s'agissait d'un conflit où il y
18 avait des morts parmi les policiers. Il y avait parmi ces policiers, des
19 Turcs, des Albanais, des Serbes. C'étaient des policiers. Je n'ai pas
20 compté seulement des Serbes d'un côté et des Albanais de l'autre.
21 Q. Après les manifestations de 1981 et ce, jusqu'à la campagne de
22 bombardement, --
23 R. C'était un rapport avec un soulèvement.
24 Q. Effectivement. Nous allons voir ceci plus tard. Quels que soient les
25 événements de 1981 et de 1999, au moment où a commencé la campagne de
Page 34314
1 bombardement, reconnaissez-vous qu'il y a eu des Albanais, qui ont été sur
2 le territoire de l'ex-Yougoslavie, victimes des Serbes ?
3 R. Oui. Il y a eu des victimes du côté des Albanais qui ont pris part à
4 des violences à l'encontre des forces de l'ordre ou de citoyens
5 yougoslaves.
6 Q. Et pas d'autres, c'est ce que vous affirmez, Monsieur Terzic. Nous
7 voulons comprendre votre avis. Vous estimez qu'il n'y a pas eu d'autres
8 victimes albanaises, mis à part les Albanais qui ont mérité l'expulsion ou
9 la mort parce que ces Albanais auraient eux-mêmes engagé des activités
10 violentes.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin est un historien. Son rapport porte
14 le titre Le Kosovo et Metohija au 20e siècle. Il dit : "Les coordonnés
15 politiques, culturelles et autres, afférentes à la civilisation, se
16 rapportent au nettoyage ethnique des Serbes dans les secteurs sud de la
17 Serbie." Il n'a pas traité de cas individuels, mis à part lorsqu'il cite
18 les documents où il est fait part de cas particuliers. Maintenant, je ne
19 pense pas qu'il convienne de présenter des statistiques parce que pour ce
20 qui est des statistiques, il y a des livres émanant des autorités
21 yougoslaves, qui se rapportent aux victimes parmi les Albanais, les Serbes,
22 les Turcs, et autres.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai pris
24 connaissance de votre objection, mais je dois la rejeter. Je pense que le
25 témoin est parfaitement à même de répondre à la question, qui s'inscrit
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1 parfaitement dans le cadre de sa déposition.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Je vous ai donné l'occasion de répondre à la question, et vous avez dit
4 qu'il n'y a pas eu de victimes albanaises, mis à part les Albanais qui
5 méritaient l'expulsion ou la mort. Est-ce que c'est bien là votre réponse ?
6 On peut passer à autre chose, si c'est bien le cas.
7 R. Je vous en prie, je suis venu témoigner ici sur une période de 300 ans.
8 Je parle de phénomènes qui s'étirent sur une longue durée historique. Je ne
9 suis pas un enquêteur qui fait de la recherche au niveau du terrain pour ce
10 qui est des victimes. Je sais qu'il y a eu des victimes parmi les
11 ressortissants albanais, dans les règlements de compte avec les forces de
12 l'ordre yougoslave. Ces règlements de compte ont été brutaux, et il y a
13 probablement eu des victimes. Moi, ce que j'ai recherché, là où j'ai
14 enquêté, ce sont les problèmes historiques, culturels, politiques,
15 idéologiques, démographiques, qui ont donné lieu à des problèmes. Là, la
16 question que vous me posez, cela relève des compétences des collègues qui
17 sont des juristes ou des enquêteurs en matière criminelle.
18 Q. Très bien. Vous avez terminé votre déposition dans l'autre affaire où
19 vous avez déposé, lorsque vous avez parlé du fait que le conseil de
20 Sécurité n'était qu'un instrument aux mains des hommes politiques
21 américains et de l'Union européenne, en évoquant l'intervention dans l'ex-
22 Yougoslavie et au Kosovo. Vous restez de cet avis, à savoir que le conseil
23 de Sécurité n'est qu'un instrument aux mains des Etats-Unis et de l'Union
24 européenne ?
25 R. Oui, c'est encore mon opinion. Je respecte les instances légales des
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1 Nations Unies, et j'estime, je ne suis pas juriste, bien entendu. J'estime
2 qu'il y a une procédure de déterminée, pour ce qui est du recours aux
3 forces armées sous l'égide des Nations Unies. L'agression contre la
4 Yougoslavie a été illégale du point de vue du droit international. Le
5 recours à la force militaire dans un conflit interne, pour ce qui est d'un
6 problème de minorité, devient absurde. Cela peut conduire à de nouvelles
7 crises dans le monde entier, au cas où l'on se référerait à ce même mode de
8 comportement.
9 Q. Très bien. Je ne vous regarde pas pour le moment, vous m'excuserez. Je
10 fais d'abord des remarques générales. Vous êtes maintenant intervenu à
11 propos de la Bosnie. C'est ce qu'on me rappelle, pas à propos du Kosovo. Je
12 reviens à ce que vous avez dit hier. Vous avez dit que le Kosovo était
13 maintenant le centre du trafic international du crime, notamment. Je vous
14 demande une explication, puisque vous avez offert ce commentaire.
15 R. J'ai présenté cette opinion, parce qu'il est un problème très important
16 pour ce qui est du sort de l'Europe et du monde entier. Il est bon nombre
17 d'éléments de preuve dont nous avons vent tous les jours, disant que ce
18 sont les Albanais qui détiennent un grand pourcentage de tout ce qui est
19 trafic de stupéfiants en Europe et aux Etats-Unis. Les forces
20 internationales là-bas ont des renseignements précis pour ce qui est des
21 quantités de stupéfiants, d'armes et de personnes, qui font l'objet de
22 trafic clandestin, se trouvent au Kosovo et Metohija. Nous avons des
23 informations au sujet de Moudjahiddines qui se trouvaient encore et se
24 trouvent encore au Kosovo et Metohija.
25 Q. Cela suffira. Lorsque je vous ai demandé si vous avez quelque chose à
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1 dire à propos des Albanais du Kosovo, vous avez donné une qualification
2 générale, celle de criminels. J'y reviendrais plus tard. Mais avez-vous
3 quoi que ce soit de bon à dire à propos des Albanais parce que maintenant,
4 vous avez dit d'eux que c'étaient des criminels. Pouvez-vous dire autre
5 chose à leurs propos ?
6 R. Je voudrais que vous ne placiez pas dans ma bouche des choses que je
7 n'ai pas dites. Je vous demande une fois de plus de ne pas le faire. Je ne
8 parle pas en termes généraux de tous les Albanais au Kosovo et Metohija. Je
9 parle de phénomènes, je parle de problèmes survenus parmi les
10 ressortissants de cette minorité ethnique.
11 Je connais certains Albanais moi-même. Je peux vous dire, lorsque
12 j'étais étudiant, j'ai vécu pendant un an dans un foyer estudiantin avec
13 des Albanais. Nous avons partagé la même chambre. J'avais un collègue de
14 Pristina --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si ces questions sont importantes,
16 elles pourraient être posées dans le cadre des questions supplémentaires.
17 M. NICE : [interprétation]
18 Q. Une chose, une chose --
19 R. -- je ne trace pas un signe d'égalité entre la minorité albanaise et
20 les criminels, les trafiquants de stupéfiants et les autres. Je veux que
21 les choses soient tout à fait claires à ce point de vue là.
22 Q. Je reviens simplement sur vos commentaires, faits hier, à propos des
23 stupéfiants, du monde de la drogue. Les historiens le disent et vous le
24 confirmerez, que lorsqu'un pays est libéré des chaînes du communisme, que
25 se soit au Monténégro, en Russie, en Serbie, vous savez que dans tous ces
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1 pays, il y a des réseaux clandestins, des réseaux criminels qui se sont
2 développés, ce qu'on peut appeler la mafia. Au Monténégro, vous avez une
3 situation où il y a, par exemple, des réseaux internationaux pour la vente
4 de cigarettes.
5 R. Je n'ai pas compris votre question.
6 Q. Lorsque des pays se débarrassent du communisme, en général ces pays
7 doivent s'accommoder d'un nouveau phénomène, celui de l'apparition de
8 nouvelles couches de criminels, qu'on qualifie généralement de mafia, et
9 c'est vrai aussi bien en Serbie qu'en Russie.
10 R. J'espère, Monsieur Nice, que vous n'avez pas l'intention de lier
11 l'existence de la mafia à la Russie et la Serbie seule. La mafia, c'est
12 malheureusement un problème international. Cette mafia est solidaire. Ces
13 gens de la mafia sont solidaires entre eux.
14 Sans contester le fait que le communisme a véhiculé pas mal des choses
15 négatives, je ne pense pas que le problème de la mafia puisse être lié
16 seulement aux ex-pays communistes. C'est un problème international, et j'en
17 ai parlé. J'ai parlé de cela. La mafia est un phénomène historique de
18 taille, aussi. C'est un phénomène parce que la mafia est à même d'influer
19 sur les structures politiques. C'est là la question cruciale qui se pose,
20 dans quelle mesure ces trafiquants en stupéfiants, en armes, et pour ce qui
21 est de la traite illégale des blanches, peuvent influer sur les cours ou
22 les décisions politiques.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question qui vous a été posée
24 revenait à demander si vous convenez du fait que la criminalité, telle
25 qu'elle se manifeste dans le trafic de stupéfiants notamment, n'était pas
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1 propre à l'Albanie.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr que je ne peux pas dire que cela a
3 une corrélation seulement avec des Albanais. Je ne suis pas un expert en
4 matière de stupéfiants, en matière de drogues. Je ne suis pas non plus
5 expert en matière de trafic de stupéfiants mais je suis ce que les autres
6 experts font. Les experts, par exemple, M. Marko Nincevic, qui est un
7 membre de l'équipe internationale de la lutte contre la drogue, qui dit que
8 le Kosovo est devenu un trou, un abîme d'où se perdent tous les fils qui
9 conduisent aux trafiquants de drogue.
10 M. NICE : [interprétation]
11 Q. Vous aviez le sentiment, en tant qu'expert, déposant dans le domaine de
12 ces connaissances, il convenait que vous teniez ces propos hier.
13 R. Je répète une fois de plus que je ne suis pas venu témoigner ici sur
14 les chemins suivis par le trafic de la drogue. Il y a des gens qui sont
15 bien plus qualifiés que moi.
16 Q. Répondez par ma question, Monsieur Terzic, mais je veux poser une
17 question différente, la voici.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux
19 répondre à la question que vient de me poser Monsieur Nice ?
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle était la question ?
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Ma question était celle-ci : pensez-vous qu'il convenait que vous, en
23 tant qu'expert, vous livriez cette opinion faisant des Albanais du Kosovo
24 des criminels, ce que vous avez fait hier.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à la question.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas parlé de tous les Albanais pour
2 dire que c'étaient des criminels. Je refuse ce type de subterfuge. Je veux
3 être clair. J'ai parlé d'un phénomène. J'ai dit que le commerce et le
4 trafic en stupéfiants et autres activités illicites, sont utilisés comme
5 fondements, pour en faire fondements économiques, et j'ai cité, à cet
6 effet, l'opinion de Milovan Djilas au World Street Journal qui en a parlé
7 dès 1985 pour souligner la présence de ce problème dans une interview.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Vous avez commencé votre déposition hier pour appuyer l'accusé par une
10 vision tout à fait unilatérale de la situation, exclusivement favorable aux
11 Serbes et exclusivement défavorable aux Albanais. C'est pour cela que vous
12 êtes venu, et c'est ce que vous faites depuis une journée et demie. Nous
13 allons sonder cette question de façon approfondie. C'est la thèse que je
14 vous soumets.
15 R. Je regrette, mais je ne peux pas être d'accord avec votre appréciation.
16 Je pense que votre qualification est très partiale et unilatérale.
17 Q. Examinons quelques aspects de votre rapport. Vous étiez un enseignant
18 au départ, n'est-ce pas ?
19 R. J'ai d'abord été professeur au lycée pendant quelques années. J'ai
20 travaillé pendant une année à l'université de Novi Sad. La majeure partie
21 de mes activités se déroule à l'Institut d'histoire de l'académie serbe des
22 sciences et des arts.
23 Q. Vous vous occupez de l'histoire de la Serbie, n'est-ce pas, des
24 questions serbes ?
25 R. Serbes et des Balkans, je suis balkanologue. J'ai doctoré sur des
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1 thèmes portant sur nos relations avec la Grèce, et le problème des Balkans
2 fond partie de ma profession.
3 Q. Apparemment, vous affirmez être expert. A la lumière du rapport que
4 vous avez rédigé, vous affirmez être expert en histoire, en idéologie, en
5 politique, en démographie, ou est-ce que vous estimez être expert en l'une
6 ou l'autre par profession et par spécialité ?
7 R. Les sciences historiques sont des sciences interdisciplinaires. On
8 traite du développement politique, social, démographique, culturel, y
9 compris l'histoire des mentalités, de la psychologie historique. Donc, les
10 sciences historiques, d'une manière générale, constituent des sciences
11 interdisciplinaires, et je m'efforce de suivre une conception et de
12 m'adapter à une conception moderne des sciences de l'histoire.
13 Q. Fort bien. Ce concept moderne de l'histoire, en tant que science, exige
14 un examen vaste des sources. Je vous dirai que je n'ai pas eu le temps de
15 parcourir toutes ces pièces, il y en a tellement. Mais dans ces pièces,
16 est-ce que vous vous êtes inspiré de ce qu'aurait fait l'Académie des
17 sciences et des lettres d'Albanie ou albanaises plus exactement. Est-ce que
18 vous avez puisé dans ces sources ? Parce qu'il existe bien une académie.
19 R. Certainement. J'espère, Monsieur Nice, que vous avez attentivement lu
20 mon rapport d'expert, parce que vous avez dû voir qu'à plusieurs reprises,
21 et j'ai cité les sources albanaises. Entre autres, j'ai à plus reprises
22 parlé de la plate-forme de l'Académie albanaise des sciences et des arts de
23 1928. J'ai cité mon collègue Ali Hadri, le principal historien du Kosovo et
24 Metohija. J'ai cité Bajram Akif, un collègue de Pristina. J'ai cité
25 d'autres collègues, historiens albanais de Pristina. J'ai pris en
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1 considération les résultats de l'historiographie albanaise.
2 Q. Est-ce que nous avons quelques communications de ces personnes dans vos
3 pièces ?
4 R. Bien sûr, je vais vous les donner tout de suite.
5 Q. Ce sont lesquels ? Je parle des documents que nous avons reçus.
6 R. Très certainement. Parmi les pièces à conviction, il y a la pièce à
7 conviction numéro 8 de la liste. Il y en a peut-être d'autres encore. Il y
8 a numéro 8. Laissez-moi retrouver ma liste et je vous dire au juste. Pièce
9 à conviction 8, messager d'un mémorandum du forum des intellectuels
10 albanais du Kosovo, plate-forme des Albanais et carte de la Grande Albanie.
11 Pièce numéro 13, 13 et 14, ensuite, c'est une communiste albanaise. Je
12 pense qu'elle s'appelle Nimani. Pièce 14.
13 Q. Ce qui m'intéresse, ce serait des communications universitaires de
14 l'Académie albanaise. Pouvez-vous nous les indiquer ?
15 R. J'insiste pour finir ce que je voulais dire. Je me suis servi de la
16 plate-forme émanant de l'Académie albanaise des sciences pour la solution
17 du problème albanais. Toute l'élite intellectuelle albanaise y a travaillé,
18 ceci à Tirana, Pristina et en Macédoine. Ils le disent eux-mêmes dans cette
19 plate-forme. Je me réfère une fois de plus à la pièce 8. J'ai communiqué
20 cette source dans son intégralité.
21 Q. Citez-nous d'autres sources.
22 R. C'est la source principale. Je me suis servi des sources du forum des
23 intellectuels albanais. Je me suis servi des autres cartes que j'ai citées
24 dans mon rapport. J'ai dit que j'ai cité Ali Hadri, M. Akif, et j'ai cité
25 des historiens albanais autres en sus des autres éléments que j'ai
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1 mentionnés tout à l'heure.
2 Q. Parlons maintenant de l'Académie du Kosovo. Dans votre rapport, vous
3 semblé outré du fait qu'en vertu de la constitution de 1990, l'Académie des
4 sciences eut été abolie. Vous sembliez outré de l'existence même de
5 l'Académie du Kosovo. Je ne sais pas si vous le mentionné trois fois, mais
6 au moins deux fois.
7 Je vous demande tout d'abord pourquoi vous êtes tellement outré du fait
8 qu'au Kosovo, il y aurait un forum d'intellectuels qui soit propre au
9 Kosovo ?
10 R. Je vais vous répondre en termes simples. Les grands pays, les pays
11 riches n'ont qu'une académie des sciences. La France n'a qu'une académie
12 des sciences.
13 Q. Est-ce que c'est la nature qui le dicte, ou est-ce que c'est l'état qui
14 le dicte ?
15 R. Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à la question.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Le problème est très sérieux. C'est un
18 problème de nature scientifique et de nature économique. Les grands pays,
19 tels que la France, tel que l'énorme Russie, ne possèdent qu'une académie
20 des sciences. Les minorités nationales, en tant que je le sache, nulle part
21 au monde, absolument nulle part, je demanderais bien à M. Nice de me citer
22 laquelle en a une, ne dispose pas d'une académie des sciences à Belgrade,
23 il y a une académie des sciences créée en 1848. Il n'était pas rationnel
24 dans le cadre de la République de Serbie d'avoir trois académies de
25 sciences, une académie serbe, une académie de la Vojvodine et une académie
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1 des sciences et des arts du Kosovo, d'un.
2 De deux, il y a l'approche scientifique. Est-ce que la province
3 relativement développée de la Serbie avait suffisamment d'élites
4 scientifiques pour pouvoir créer une académie des sciences en tant
5 qu'établissement scientifique du plus haut niveau ? C'est la question qui
6 se pose. A mon avis, ce n'était pas le cas.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Je vois. Ce pays sous-développé n'était tout simplement pas assez
9 intelligent. Ce pays aurait dû veiller à ce que ses intérêts soient
10 représentés à Belgrade sous l'égide de la Serbie; c'est cela que vous nous
11 dites ?
12 R. Non, ce n'est pas du tout ce que je veux dire. C'est vous qui voulez
13 donner à la chose entière une interprétation politique.
14 Je voulais dire qu'il aurait été rationnel sur le plan politique et
15 économique, d'avoir en Serbie une académie des sciences. Je n'entre pas en
16 considération politique. Tout Albanais, qui de par ses travaux
17 scientifiques, prouverait le fait d'être à même, d'être membre de
18 l'académie devrait l'être. C'est mon opinion, qu'il soit Albanais, Roumain
19 ou Serbe, peu importe. Un très grand nombre de Serbes de grande qualité
20 n'ont jamais fait partie de l'académie. Dans l'académie serbe, il y a des
21 membres de l'académie qui ne sont pas Serbes. Il aurait été logique que les
22 intellectuels albanais dont les œuvres ou ouvrages scientifiques le
23 mériteraient, feraient d'eux des membres de l'Académie serbe des sciences
24 et des arts. Parce que dans l'Académie serbe, il y avait jusqu'à il n'y a
25 pas longtemps, des Hongrois, des Juifs et d'autres ressortissants, enfin,
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1 des ressortissants d'autres groupes ethniques.
2 Un milieu plus développé tel que la France n'a qu'une seule académie.
3 Donc, il s'agit des questions de valeur scientifique. Je ne conteste en
4 aucune façon. Je ne veux pas dire qu'au Kosovo, il n'y avait pas d'hommes
5 de sciences qui avaient des qualités d'hommes de sciences de très haut
6 niveau, mais je ne suis pas suffisamment qualifié pour faire des
7 appréciations. Je n'ai pas étudié la question.
8 Q. Je pense que nous avons compris.
9 R. Vous voulez laissez entendre que c'est moi qui estimerais que les
10 Albanais n'étaient pas suffisamment intelligents pour pouvoir faire partie
11 d'une académie. Cela est tout à fait erroné. Je refuse une telle
12 interprétation.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous voulez
14 intervenir ?
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice a dit -- maintenant, on ne voit plus
16 cela au compte rendu d'audience en haut de la page, et je n'arrive plus à
17 le voir. Mais il a dit : "Vous estimez donc que ce pays insuffisamment
18 développé n'a pas suffisamment de gens intelligents pour procéder."
19 D'abord, je tiens à dire que le Kosovo n'est pas un pays; le Kosovo est une
20 région autonome.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce sont là des
22 commentaires. Si vous le voulez, vous pourrez y revenir au moment de
23 l'interrogatoire supplémentaire. A ce stade de la procédure, ceci ne vous
24 est pas autorisé.
25 Monsieur Nice, passez à un autre sujet. Le témoin est censé répondre
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1 à votre question.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Nous sommes toujours en train d'examiner quelques sujets d'ordre
4 général, mais je ne vais pas m'intéresser à l'histoire qui serait
5 antérieure aux années 1960. Revenons simplement sur un point général
6 s'agissant de l'historique des victimes avant que je ne l'oublie.
7 Qu'est-ce qui s'est passé ? Il y a eu combien de victimes à Drenica
8 en 1945 ou 1946 ? Dites-nous combien d'Albanais du Kosovo ont souffert, et
9 qui a été la cause de leurs souffrances en 1945 et en 1946 ?
10 R. Je sais quelle est la réponse à laquelle vous vous attendez. Je sais
11 que vous attendez une réponse concernant les Albanais qui ont souffert de
12 la main des Serbes. Mais le problème est d'une autre nature. Il faut que
13 vous compreniez le contexte des événements. Il s'agit là de la fin de la
14 Deuxième guerre mondiale. Il y a des combats en cours entre des forces de
15 la coalition hitlérienne et de la coalition anti-hitlérienne. La grande
16 majorité des Albanais du Kosovo a pris part au combat du côté de la
17 coalition hitlérienne. Après le retrait des forces allemandes du territoire
18 de la Yougoslavie, une partie de ces forces-là, qui se trouvaient faire
19 partie de la 21e Division SS et du Régiment du Kosovo, a été mobilisée pour
20 constituer des unités nouvelles. Ils ont refusé d'aller au fond de Srem où
21 il y avait de grands combats entre l'Armée rouge d'une part et les forces
22 yougoslaves d'autre part contre les forces allemandes. Il y a eu une
23 insurrection tout à fait classique d'une dizaine, une quinzaine de milliers
24 d'Albanais armés qui constituaient des résidus des forces balistes nazies
25 de la Deuxième guerre mondiale. Il ne s'agit pas ici d'Albanais pacifiques,
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1 d'une population albanaise pacifique. Il s'agissait d'une insurrection dans
2 les arrières du front lorsque la bataille contre la coalition était
3 hitlérienne faisait rage. Ce ne sont pas les Serbes, mais Josip Broz Tito,
4 un Croate, qui a dû, en sa qualité de commandant suprême, instaurer une
5 administration militaire provisoire pour faire en sorte que 39 000 hommes
6 du front de Srem soient retirés de là-bas pour étouffer la rébellion
7 ailleurs. Il s'agissait d'un conflit militaire au Kosovo et Metohija entre
8 les forces de la 2e Ligue de Prizren, qui voulait soi-disant défendre le
9 Kosovo et les forces --
10 Q. Un instant. Vous venez de donner une réponse très longue. Je vous ai
11 demandé votre aide en tant qu'historien, parce que nous avons le général
12 Naumann et le général Clark qui sont venus nous dire que l'accusé avait dit
13 qu'on aurait trouvé une solution au cours du printemps 1999. Lorsqu'on lui
14 a posé une question supplémentaire, il a répondu qu'on allait faire la même
15 chose qu'à Drenica en 1945 et en 1946 -- "là, on les a tous tués." Est-ce
16 que cette réponse fait sens ? Est-ce que la solution ou la réponse pourrait
17 être la même chose qu'à Drenica en 1945 ou 1946, qu'on pourrait tous les
18 rassembler et les tuer tous ? Est-ce bien ce qui s'est passé ?
19 R. Je vous en prie. Je regrette qu'une question aussi sérieuse portant sur
20 une grande bataille à la fin de la Deuxième guerre mondiale soit simplifiée
21 par vos soins de façon si banale. Il ne s'agissait pas de rassembler une
22 population paisible pour les abattre tous. Je vous dis qu'il s'agissait de
23 combats militaires, de batailles militaires d'une part entre des restes
24 armés, des effectifs balistes et nazis de la Deuxième guerre mondiale d'un
25 côté et de l'Armée de libération nationale de l'autre côté. Il s'agissait
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1 de batailles de grande envergure où il y avait des victimes parmi les
2 soldats de l'armée yougoslave et parmi les autres effectifs. Je vous ai
3 indiqué qu'il y avait quelque 850 tués du côté des soldats yougoslaves. Il
4 a été tué quelque 650 membres de ces forces balistes. Plusieurs milliers de
5 ces balistes se sont rendus. Il n'est pas du tout vrai de dire qu'ils ont
6 été rassemblés pour être exécutés. C'est une construction complètement
7 erronée. Les sources historiques ne confirment pas une telle affirmation.
8 Q. Je me contentais de vous lire ce qu'avaient dit deux témoins, ici,
9 propos qui auraient été tenus par M. Sainovic et par l'accusé.
10 R. Du reste, M. Klaus Naumann, dans les sources allemandes, auraient pu
11 vérifier des données bien plus fiables que celles-là. Les sources
12 allemandes peuvent témoigner de façon très fiable, parce que la direction
13 de la 21e Division SS et de ce régiment s'est retirée avec les Allemands du
14 territoire yougoslave.
15 Q. Monsieur Terzic, vous n'êtes jamais devenu membre de l'académie, n'est-
16 ce pas ?
17 R. Non. J'ai été candidat, mais je ne le suis pas devenu.
18 Q. Manifestement, tout historien voudrait savoir quelles sont les sources
19 dans lesquelles il puise pour savoir si ces sources sont entachées de parti
20 pris. Dites-nous ceci, est-ce qu'il vous est arrivé d'être sénateur
21 honorifique dans la République serbe -- en Republika Srpska ?
22 R. Je n'ai jamais été député, non. Je n'ai jamais été député dans aucun
23 parlement d'aucun état.
24 Q. Est-ce qu'on vous aurait sollicité pour accomplir ces fonctions ou pour
25 tenir un poste quelconque en Republika Srpska ?
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1 R. C'est en République de Serbie qu'on m'a proposé, à plusieurs reprises,
2 de déposer ma candidature pour devenir député. J'ai refusé. J'ai dit que
3 j'étais homme de science et que je ne voulais pas faire de la politique.
4 Q. Parfait, tout à fait. Est-ce que vous avez été conseiller d'un certain
5 Seselj ?
6 R. Je m'attendais à ce que vous me posiez ce type de question. Non, ce
7 n'est pas exact. Je n'ai jamais été le conseiller d'un homme répondant au
8 nom de Seselj.
9 Q. Pourquoi vous attendiez-vous à ce que je vous pose la question ? Est-ce
10 que cela a paru dans des publications, ce genre de chose ?
11 R. Parce qu'il y a une intrigue politique interne liée à une proposition
12 faite au sein du parlement serbe de la part du chef actuel de la diplomatie
13 yougoslave pour se pencher sur les origines ethniques de M. Seselj.
14 Q. Vous avez dû être atterré lorsque vous, comme le reste du monde, vous
15 avez appris l'envergure de cette tragédie des morts à Srebrenica en 1995 ?
16 R. C'est très certainement une grande tragédie. En ma qualité d'être
17 humain, je suis absolument horrifié par cela.
18 Q. Vous avez vite compris qui était responsable de ces souffrances. Est-ce
19 que vous avez appris que M. Mladic avait été mis en accusation? Et que l'on
20 avait impliqué la Republika Srpska ?
21 R. J'ai été au courant de ce qu'ont dit les médias internationaux et
22 autres. J'ai lu d'autres opinions également. Je n'ai pas fait d'enquête de
23 ce genre. En ma qualité d'historien, je ne me penche que sur des sources de
24 premier ordre, et pour ce qui est de Srebrenica, je n'avais pas accès à des
25 sources qui me permettraient de porter un jugement. J'ai entendu pourtant
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1 l'une et l'autre des parties en présence. Pour pouvoir faire une
2 appréciation en bonne et due forme, il faudrait que je puisse disposer de
3 sources appropriées, de sources en bonnes et due forme pour pouvoir faire
4 ce type de jugement. Mais je regrette que cela se soit produit et je
5 regrette cette tragédie qui est le démantèlement de la Yougoslavie,
6 tragédie pour tous les peuples qui la constituaient.
7 Q. Voyons la déclaration dont vous êtes signataire, bien sûr, avec toutes
8 les réserves qui s'imposent d'aller aux sources.
9 M. NICE : [interprétation] Nous allons demander que soit placé sous le
10 rétroprojecteur la version en anglais et que vous soit remise la version en
11 B/C/S. Nous sommes là, au mois de juin 1996.
12 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous voulez bien placer la version en
13 anglais sur le rétroprojecteur. Il faudra en ôter les papiers et les
14 documents de M. Terzic. On a la bonne page. Les derniers chiffres du numéro
15 ERN sont 600.
16 Q. Il s'agit ici une déclaration, que nous allons parcourir, pour appuyer
17 les efforts déployés par la communauté internationale afin d'assurer une
18 paix durable. Puis, on dit aussi : "Très appréciatif de la contribution
19 exceptionnelle apportée par Radovan Karadzic au processus de paix, et vu la
20 réputation dont il jouit parmi tous les Serbes.
21 "Nous, signataires, intellectuels serbes, nous faisons la déclaration
22 suivante : 'Exigeant que les chefs d'accusation portés à l'encontre de
23 Radovan Karadzic par le Tribunal International de La Haye à l'encontre du
24 président de la Republika Srpska soient abrogés.'"
25 Deuxième paragraphe : "Les tentatives déployées pour exclure du monde
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1 politique de la Republika Srpska M. Karadzic, alors que la Republika Srpska
2 se trouve dans une période de stabilisation et qu'elle essaie d'appliquer
3 l'accord de Dayton et le traité de Paris, que ces tentatives ont pour
4 objectif direct de nuire aux intérêts du peuple serbe et sont une attaque
5 dirigée contre le processus démocratique du territoire de l'ex-RSFY,
6 surtout là où les Serbes vivent depuis des siècles.
7 "Le fait d'accuser Radovan Karadzic, le président de la Republika
8 Srpska pour des crimes de guerre présumés, ceci est quelque chose dénué de
9 fondement qui ne s'appuie pas sur des faits. Puisque, dès le 13 juillet
10 1992, Radovan Karadzic a fait adopter une ordonnance relative à la
11 nécessité d'appliquer le droit international des conflits armés à l'armée
12 de la Republika Srpska. Ceci étant fait, la Republika Srpska a parfaitement
13 respecté toutes les obligations imposées."
14 Au paragraphe 6, vous dites ceci : "Le président de la Republika Srpska,
15 Karadzic, n'a jamais donné un seul ordre, n'a jamais fait adopter le
16 moindre document sur le territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovine qui aurait pu
17 inciter à la haine,
18 au génocide ou au nettoyage ethnique des ennemis pendant la guerre, les
19 Musulmans ou les Croates."
20 Paragraphe 9 : "Compte tenu de l'illégalité du Tribunal de La Haye, des
21 accusations tout à fait dénuées de fondement de ce Tribunal, et du fait que
22 ce Tribunal a accusé le président de la Republika Srpska, Radovan Karadzic,
23 de faits qui ne sont pas du tout fondés et qui sont surtout --
24 manifestement motivés par des aspirations politiques, nous demandons que
25 ces accusations soient rejetées afin d'assurer le maintien de la paix et
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1 des intérêts vitaux."
2 Puis nous voyons, parmi les signataires, cela est intéressant, nous
3 avons d'abord un ancien témoin ici, le professeur Avramov. Vous êtes au
4 numéro 11, nous voyons ici le Dr Terzic; et au numéro 4, à droite, nous
5 avons Milorad Ekmecic; au numéro 10, Vasilije Krestic. Je crois que ceci
6 suffira.
7 Q. Vous qui dites n'être pas engagé, vous qui dites être historien,
8 comment avez-vous pu apposer votre signature à un tel document ?
9 R. Monsieur Nice, je tiens d'abord à vous faire remarquer que vous
10 n'ignorez pas le fait que je suis venu témoigner ici du Kosovo et de la
11 Metohija. Je me ferai un plaisir toutefois de répondre à la question que
12 vous posez.
13 En ma qualité d'intellectuel, en ma qualité d'historien, en ma
14 qualité d'historien qui a analysé les processus d'historique au fil des
15 siècles écoulés, j'ai compris clairement que la guerre civile yougoslave,
16 ou plutôt que, dans cette guerre civile yougoslave, ont pris part toutes
17 les parties, la partie serbe, croate, et musulmane. Le fait que des procès
18 ne soient engagés que contre des leaders serbes dans la Republika Srpska,
19 dans la République de la Krajina serbe, et en République de Serbie, les
20 leaders politiques, les leaders militaires, tout ceci a prouvé, de façon
21 absolue, la partialité de la communauté internationale et de ce Tribunal-
22 ci.
23 J'ai estimé, qu'au cas où la communauté internationale souhaiterait
24 la justice, souhaiterait la réconciliation, il faudrait que l'attitude soit
25 identique vis-à-vis de toutes les parties au conflit. Mais on n'a pas
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1 accusé -- mis en accusation le président de la Croatie ni le président de
2 la Bosnie-Herzégovine et les autres leaders. Donc, mettre en accusation les
3 leaders serbes seuls n'a fait que prouver une justice sélective et la
4 partialité des tribunaux internationaux, et c'est pourquoi j'ai signé cette
5 déclaration. Oui, je l'ai signée.
6 Q. Ce n'est pas vraiment une réponse à ma question. C'est peut-être pour
7 cela que vous avez signé cette déclaration. Mais vous avez signé cette
8 déclaration, en tout cas, vous avez signé votre rapport d'expert, et moi,
9 je vous demandais ceci : comment avez-vous pu apposer votre signature à ce
10 document ? Cela, c'est la question que je vous ai posée. Mais si vous
11 examinez les faits que je vous ai soumis, comment avez-vous pu apposer
12 votre nom à des faits dont vous ne pouviez avoir aucune connaissance ?
13 Comment pouvez-vous dire que M. Karadzic n'a jamais signé aucun ordre ou
14 aucun document qui aurait pu inciter à la haine et au génocide ? Si vous
15 êtes un historien sérieux, comment pouvez-vous tenir de tels propos ?
16 R. Ici, à mes côtés, la déclaration a été signée par des experts qui sont
17 des experts internationalement reconnus en matière de droit international.
18 Parmi eux, Mme Smilja Avramov et mon collègue Cavoski; l'académicien
19 Jovicic, qui est décédé entre-temps, et cetera. Donc, il y a ici des
20 experts éminents en matière de droit international. Je me suis rangé du
21 côté de leur opinion -- et j'ai épousé leur opinion. Cela, c'est un.
22 Deux, l'insistance de la part des représentants et étrangers pour
23 dire que les Serbes ont été agresseurs en Croatie, agresseurs en Bosnie,
24 n'a fait que prouver l'absurde, l'ironie de l'histoire, parce que les
25 Serbes en Bosnie-Herzégovine, les Serbes orthodoxes, parce qu'il y a bon
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1 nombre de Musulmans qui sont d'origine serbe, mais qui sont passés à
2 l'islam, ces Serbes orthodoxes faisaient la majorité pendant très longtemps
3 en Bosnie-Herzégovine. Je peux vous donner des chiffres précis. Entre 1940
4 et 1948, 40 % --
5 Q. Je ne pense pas que vous avez, là, répondu à ma question, mais peut-
6 être pourrez-vous ajouter quelque chose.
7 Ecoutez, écoutez. Si vous voulez expliquer davantage pourquoi vous pouviez
8 apposer votre signature à un document énonçant des affirmations factuelles,
9 dites-le-nous.
10 R. Je n'avais connaissance de quelque document que ce soit qui
11 témoignerait, à mes yeux, du fait de voir que Radovan Karadzic aurait
12 commis personnellement un crime. Il s'agissait d'une appréciation politique
13 de la lutte du peuple serbe à la tête duquel se trouvait Radovan Karadzic.
14 Je n'ai pas été d'accord et je ne suis pas d'accord aujourd'hui non plus
15 pour dire que les Serbes étaient agresseurs dans leur propre république.
16 C'est là la substance de ce que je voulais dire.
17 Q. Allons au cœur même du sujet. Je crois qu'il faut essayer d'avoir un
18 regard simple sur l'histoire. Vous dites qu'en fait la Serbie est en
19 devenir depuis 1804. Est-ce qu'on peut prendre cela comme date de départ
20 raisonnable ?
21 R. Je vous remercie des suggestions qui visent à faire considérer
22 l'histoire de façon simple. Ce n'est pas possible hélas. C'est une science
23 complexe. C'est un processus très complexe. Si vous parlez de la Serbie, le
24 premier Etat serbe dans les Balkans a été créé dans le courant du 8e
25 siècle. Cela a évolué. Il y a d'abord eu quatre Etats serbes; la Raska, la
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1 Zeta, le Monténégro, la Bosnie et Hum, l'Herzégovine. Ce sont quatre
2 régions. Au fil du temps, cela a évolué pour donner lieu, au 14e siècle, à
3 une Serbie qui est devenue un grand empire dans les Balkans. C'est l'empire
4 de Dusan, et le siège s'en trouve à Prizren.
5 Q. Dites-nous ce qui s'est passé en 1804 pour qu'on puisse commencer.
6 R. Bien sûr, j'y viens. Au 15e siècle, les Serbes sont tombés sous la
7 domination ottomane, et je m'excuse de devoir vous le rappeler, les Turques
8 sont arrivés jusqu'à Vienne, jusqu'à Budapest. Et fin du 17e, les Turques
9 sont arrivés jusqu'à Vienne.
10 Q. Monsieur Terzic, je crois que les Juges vous seraient reconnaissants si
11 vous répondiez à ma question, parce que j'essaie de limiter votre
12 déposition aux éléments qui risquent d'être les plus précieux pour les
13 Juges. Qu'est-ce qui s'est passé en 1804 ?
14 R. Bien. En 1804, il y a eu une première révolution de libération serbe
15 dans les Balkans. L'historien allemand Ranke a rédigé un ouvrage capital,
16 publié à Berlin, intitulé "Die Serbische Revolution." Il y a eu
17 renouvellement de l'Etat serbe, qui était tombé auparavant sous l'emprise
18 ottomane, et il y a renouvellement de cet Etat serbe. Cette révolution a
19 signifié un renouveau national pour la totalité des Balkans. Après cette
20 révolution, il y a révolution grecque, et cetera.
21 Q. Ceci me convient parfaitement. Et le Kosovo a fait partie de l'empire
22 ottoman jusqu'en 1912. Vrai ou faux ?
23 R. C'est exact du point de vue du droit international, mais en substance,
24 cela est inexact. Monsieur Nice, je crois, qu'en substance, vous ne
25 comprenez pas les choses. Je vous ai montré toutes les cartes européennes
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1 qui ont été confectionnées en Europe pendant la domination ottomane, qui
2 font état de ces territoires comme faisant partie de la Serbie. Djakovo,
3 Cantelli, et Petar Kruja et Heinrich Renner, et cetera, et cetera.
4 Q. Merci, merci, merci. Lorsque vous étiez enseignant, est-ce que vous
5 avez essayé de travailler à ce rythme, ou est-ce que vous vous disiez
6 parfois que vos étudiants avaient besoin d'un rythme un peu plus lent ? Je
7 crois que vous allez un peu trop vite pour moi.
8 Vous avez répondu à propos de 1912. En 1912, le Kosovo, entre autres
9 territoires, a été annexé à la Serbie, n'est-ce pas ?
10 R. C'est tout à fait inexact. C'est une contrevérité absolue.
11 Q. Qu'est-ce qui s'est passé en ce qui concerne le Kosovo et la Serbie ?
12 Comment se fait-il que le Kosovo ait fait partie, après 1912, de la
13 Serbie ?
14 R. Kosovo, historiquement, ethniquement, et sur le plan culturel, a
15 toujours fait partie de la Serbie sous l'occupation ottomane. Cela fait
16 partie de la Serbie. Est-ce que la Hongrie du sud, on peut dire que cela
17 avait fait partie de l'empire ottoman. Est-ce que c'était un territoire
18 hongrois sous emprise ottomane ? Temisvar, par exemple, était-ce là aussi
19 un territoire turc ou pas ?
20 Donc, le Kosovo et le reste des territoires avaient été placés sous
21 occupation turque jusqu'en 1912. En 1912, avec les alliés des pays
22 balkaniques, la Bulgarie, la Grèce, et le Monténégro, les Etats chrétiens
23 des Balkans ont libéré les Balkans de cette occupation turque, et le
24 Kosovo, en sa qualité de partie de la Serbie, a été libéré et a fait,
25 formellement et juridiquement, partie de ce royaume de Serbie.
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1 Q. Au cours de la première Yougoslavie en 1918, son identité distincte a
2 disparu temporairement. C'est vrai ou pas ? Je parle du Kosovo.
3 R. Cela n'existait pas. C'est là le point crucial. Il n'y a pas d'identité
4 particulière pour ce qui est du Kosovo et Metohija. J'aimerais qu'on me
5 montre le fait qui illustrerait ce que vous êtes en train de dire.
6 Q. Nous avançons. Je veux comprendre votre thèse, et il ne vous revient
7 pas de me poser des questions.
8 Qu'est-ce qui s'est passé entre 1918 et la Deuxième guerre mondiale ?
9 Ceci revêt un intérêt historique certain. Nous allons peut-être étudier
10 certains de ces points plus tard.
11 Mais entre la Seconde guerre mondiale et disons --
12 R. Est-ce que je peux d'abord répondre au premier volet ?
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que M. Nice ait
14 terminé sa question. Laissez-le terminer.
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Entre la Seconde guerre mondiale et 1999, la date qui mériterait notre
17 examen et qu'on devrait considérer comme étant vraiment le grand virage,
18 c'est 1966. C'est vous-même qui l'avez dit. C'est à ce moment-là que les
19 choses ont changé.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il y a plusieurs
21 questions ici. Je ne comprends pas du tout la question qui m'est posée
22 parce qu'il y a plusieurs volets à la question.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez une question à la fois,
24 Monsieur Nice.
25 M. NICE : [interprétation]
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1 Q. Entre la Seconde guerre mondiale et 1999, la date qui est le grand
2 tournant ou le point de départ, n'est-ce pas 1966 ?
3 R. Je ne pense pas que ce soit l'année 1966. Entre les deux guerres
4 mondiales, je dirais qu'en 1918, le Kosovo, en sa qualité de partie
5 intégrante du Royaume de Serbie sans identité particulière, donc, sans
6 spécificité culturelle, historique ou autre, a fait partie --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre. Si j'ai
8 bien compris la question qui vous a été posée, elle concernait la période
9 allant de la Seconde guerre mondiale, donc 1945 à 1999. On vous demandait
10 si au cours de cette période le point tournant se situe en 1966.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais M. Nice a parlé auparavant de la
12 période entre les deux guerres. Je voulais commencer par là, commencer par
13 l'ordre des choses, la période entre les deux guerres.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, parlez-vous de la
15 période allant de 1945 à 1999 ?
16 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Concentrez votre réponse sur cette
18 période.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. Est-ce que le point de départ, le moment où les choses commencent à
22 changer, est-ce que ce n'est pas 1966 ?
23 R. Ce n'est pas exact.
24 Q. Alors, quelle serait la date que vous, vous choisiriez, et quels
25 événements choisiriez-vous ?
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1 R. La date cruciale c'est le 3 septembre 1945, à savoir, l'établissement
2 d'une région autonome au Kosovo et Metohija de la part du présidium de la
3 République populaire de Serbie. C'est pour la première fois dans l'histoire
4 que l'on établit quelque autonomie que ce soit du Kosovo. C'est à partir de
5 ce moment-là que l'on parle d'un aspect particulier s'agissant du Kosovo.
6 Q. Nous ne divergeons pas tellement à ce propos, s'agissant de la
7 causalité des choses. Revenons à 1966, pourquoi est-ce que c'est une date
8 capitale ? C'est parce que jusqu'à cette date, jusqu'à cette année-là,
9 l'année 1966, en la personne d'Alexsandar Rankovic, l'adjoint, le second de
10 Tito, les oreilles, l'oreille de Tito, comme on l'appelait, les Serbes
11 avaient quelqu'un qui pouvait, selon eux, représenter et défendre leurs
12 intérêts. Lorsqu'il a été révoqué, plus personne ne pouvait être leur
13 garant. C'est pour cela que cette date est si importante, n'est-ce pas ?
14 R. Non, ce n'est pas exact.
15 Q. Corrigez-moi si je me trompe.
16 R. Alexsandar Rankovic était le collaborateur de Josip Broz Tito le plus
17 loyal, le plus loyal de ses collaborateurs. Alexsandar Rankovic était
18 adepte de ce programme de l'intégration yougoslave sur le plan politique,
19 économique et culturel. L'un des piliers de cette communauté yougoslave
20 avait été les services de sécurité. Lui, était vice-président de la
21 Yougoslavie, mais il avait pour attribution ces services de sécurité.
22 C'était le bras droit de Josip Broz Tito, c'était son appui principal.
23 En 1962 et 1963, lorsque des processus ont commencé pour ce qui est
24 de cette désintégration graduelle de l'état yougoslave, Rankovic a
25 constitué un obstacle à cette désintégration, préparait la mise en place
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1 d'une confédération. Or que Rankovic, lui, voulait un état unifié aux fins
2 de faire en sorte que les républiques coopèrent entre elles. Selon
3 Rankovic, la Yougoslavie devait constituer une fédération relativement
4 centralisée de républiques sur pied d'égalité. C'est cela qui a motivé son
5 limogeage.
6 Le fait que Rankovic se soit opposé aux actions des séparatistes, des
7 forces séparatistes albanaises au Kosovo a constitué une deuxième raison
8 pour son limogeage. L'année 1966 constitue effectivement une année
9 tournante --
10 Q. Arrêtons-nous un instant. Vous venez de livrer tellement de réponses,
11 et tellement vite que je dois vous demander de ralentir votre débit. Je
12 suppose que les interprètes m'en seront reconnaissants. En fait, vous avez
13 expliqué quelles seraient les raisons multiples de son limogeage, mais
14 avant son limogeage, est-ce qu'il ne persécutait pas les Albanais du
15 Kosovo ?
16 R. Non, il ne persécutait les Albanais du Kosovo. Je pense même qu'Audrey
17 Budding, dans son étude d'expert qui est présenté ici, dit que Rankovic a
18 été également cruel à l'égard des Serbes qu'à l'égard des Albanais. C'est
19 que Audrey Budding dit dans son rapport.
20 Q. Nous allons examinez le rapport de Mme Budding.
21 R. Il prenait en considération les intérêts de l'état yougoslave. Par
22 conséquent, il n'y a aucune source historique montrant que Rankovic avait
23 une attitude politique particulière à l'égard des Albanais de Yougoslavie.
24 Les services de sécurité, pour défendre l'intégrité de l'état, pour
25 défendre ou protéger sa souveraineté à cet état, ont poursuivi et arrêté
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1 les membres des organisations clandestines terroristes et séparatistes. Si
2 ce combt contre les terroristes et contre ces activités subversives en
3 provenance de l'Albanie contre la Yougoslavie peuvent être considérées
4 comme étant un combat contre les Albanais, c'est une autre question, c'est
5 votre opinion personnelle, mais ce n'est pas la mienne.
6 Q. Encore deux questions à poser maintenant à propos de Rankovic. Elles
7 seront très courtes, et puis nous pourrons passer à autre chose. Je crois
8 que vous l'avez montré clairement et Mme Budding le fait aussi. La raison
9 officielle de son limogeage, c'est qu'en fait, il avait mis M. Tito sur
10 écoute téléphonique. Quelquefois, il suffit de répondre par un oui ou par
11 non. Pourquoi n'essayez-vous pas maintenant. Est-ce que ce n'était pas la
12 raison officiellement affichée ?
13 R. Je vois que vous êtes très au courant. Je vous serais reconnaissant de
14 me montrer ces documents. Les représentants diplomatiques officiels à
15 Belgrade, et moi, je vous ai cité les représentants français qui ont dit
16 que cela n'a servi que de prétexte. C'est ce qu'on a officiellement dit en
17 substance. Rankovic a été limogé pour des raisons de son appartenance
18 ethnique, parce qu'il constituait un obstacle à la poursuite de la
19 désintégration de la Yougoslavie.
20 Q. Pour que les Juges puissent comprendre, je pense qu'il nous faut
21 essayer de faire comprendre ces grands moments historiques, et les faire
22 comprendre par des gens qui n'ont pas nécessairement tout votre bagage.
23 Rankovic, il ne s'est pas mêlé à la politique, il n'a rien écrit pendant 20
24 ans. Il est mort dans les années 1980, vers les années 1985. Pourrions-nous
25 nous dire combien de personnes ont assisté à ces obsèques ? Le savez-vous ?
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1 Parce que ceci montre l'importance de ce M. Rankovic pour les Serbes. A sa
2 mort, alors qu'il n'avait rien fait de public pendant 20 ans, il y a eu
3 combien de personnes qui ont assisté à ses obsèques ? Des centaines de
4 milliers ?
5 R. Je vois que vous êtes très bien informé au sujet de Rankovic, peut-être
6 plus informé que moi-même d'une certaine façon. Je vais vous dire ce que
7 j'en sais. UDBA, l'organisation à Rankovic, a été très cruelle à l'égard
8 des Serbes aussi. Il n'était pas aimé par les Serbes non plus en raison de
9 mesures répressives à l'égard des Serbes.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, est-ce que vous
11 pouvez répondre à cette question ? Combien de personnes y a-t-il eu aux
12 funérailles de M. Rankovic ? Peut-être étiez-vous trop jeune pour le
13 savoir ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, je ne suis pas si jeune que
15 cela. Je n'ai pas pris part aux funérailles moi-même. Mais ce que je peux
16 vous dire, c'est que je ne vois pas quelle est l'importance des funérailles
17 de Rankovic dans ce procès. Mais ce que --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il ne revient pas à vous en tant que
19 témoin de répondre, effectivement. Sachez-le. Dites simplement si vous ne
20 pouvez pas répondre ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je n'ai pas assisté à ses
22 funérailles, mais j'ai lu. Je sais que les journaux ont rapporté la
23 présence d'un très grand nombre de personnes.
24 Pourquoi ces personnes étaient-elle aussi nombreuses ? Parce que
25 Rankovic, au bout de 20 ans, une fois que les gens ont oublié toutes les
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1 choses qu'il a faites contre les Serbes ont vu dans cette personne de
2 Rankovic un symbole de résistance au démantèlement et à la désintégration
3 de la Yougoslavie. La population serbe avait un sentiment développé qui
4 était celui aux termes duquel la Yougoslavie était la communauté où les
5 Serbes avaient trouvé leurs intérêts. Donc, Rankovic était la
6 personnification de cette idée yougoslave. Cela a été la raison principale
7 parce que la Yougoslavie se démantelait déjà dans une très grande mesure.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Je vous remercie. C'est ce que je vous demandais d'expliquer. Vous
10 comprenez, n'est-ce pas, Monsieur Terzic ? Non, ce serait un commentaire si
11 j'allais plus loin.
12 Revenons, si vous le voulez bien, à 1966. La Serbie était la partie la plus
13 grande de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?
14 R. D'un point de vue territoriale, oui.
15 Q. Les Serbes, ils voulaient tenir les rênes de la Yougoslavie, ils
16 n'étaient pas trop heureux du fait que Tito s'était déclaré Croate, et
17 qu'ils n'avaient plus Rankovic pour défendre leurs intérêts; c'est bien
18 cela, n'est-ce pas ?
19 R. Ce n'est pas vrai. Je vous en prie. Si vous examinez les statistiques
20 qui vous montrent qui étaient les dirigeants du parti et de l'état, que ce
21 soit dans les rangs de l'armée ou dans la politique, vous verrez que les
22 Serbes étaient les moins nombreux. C'était le peuple le plus important en
23 Yougoslavie, mais d'après ce système de clés nationales, vous aviez les
24 représentants de chacune des républiques et des provinces, ce qui fait que
25 le nombre de Serbes était relativement le moins grand par rapport à leur
Page 34344
1 importance du point de vue de la population.
2 Ce qui intéressait les Serbes, c'était que la Yougoslavie se
3 maintienne, et après les événements de 1968 à Kosovo et Metohija, après le
4 printemps croate en 1968, 1971, les Serbes avaient peur. Ils avaient peur
5 que la Yougoslavie ne se démantèle. C'était la motivation principale dans
6 le rapport par rapport à Rankovic.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que le moment est venu de
8 faire la pause. Pause de 20 minutes.
9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.
10 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.
12 M. NICE : [interprétation]
13 Q. Monsieur Terzic, nous allons bientôt évoquer le rapport rédigé par Mme
14 Audrey Budding. Vous le comprendrez, je vais m'intéresser à des événements
15 qui se déroulent après la Seconde guerre mondiale, même si de temps en
16 temps, je fais référence à tel ou tel événement antérieur, notamment à une
17 petite chose. Il s'agit de quelques événements concernant Vasa Cubrilivic.
18 Vous le mentionnez dans votre rapport, à la page 14. Vous donnez certains
19 détails. Il y a eu l'assassinat du Prince Ferdinand en 1914. Et assez
20 extraordinairement, il a survécu. C'était un membre de la Main Noire.
21 C'était un des hommes qui avait conspiré, un des hommes qui avait
22 participé, mais il a réussi à survivre au procès.
23 R. Non, il n'était pas membre de la Main Noire, il était membre de
24 l'organisation appelée la Jeune Bosnie. Il s'agit de deux organisations
25 distinctes. C'est exact. Il était jeune. Je crois qu'il avait 17 ans. Il a
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1 participé --
2 Q. Oui, il était très jeune --
3 R. Il a participé à l'attentat. Il était l'un des participants membres de
4 cette organisation. Après, pendant de longues années, il a enseigné à
5 l'Université de Belgrade. C'était un historien.
6 Q. Vous le révélez. Les Juges trouveront ce passage dans la version en
7 anglais, aux pages 13 et 14 de votre rapport. On le retrouve dans
8 l'histoire. Dans ce rapport, on dit en bas de page 14, qu'il a rédigé un
9 rapport secret s'agissant de la possibilité de déplacer plusieurs Albanais,
10 en accord avec les gouvernements turc et albanais.
11 Vous dites que ce document n'a jamais été appliqué, pas plus qu'il n'a été
12 adopté, qu'en fait, il a fait l'objet d'une réunion, plutôt qu'il a été
13 présenté à une réunion, à l'époque, j'entends, en 1939, 1937, plus
14 exactement. Ce document a bien été présenté à une réunion. C'est accepté,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Oui. C'est la preuve que je n'ai omis aucun élément qu'il soit
17 favorable ou défavorable aux Serbes. Il s'agit d'un rapport qui a été
18 rédigé par le Dr Vasa Cubrilovic qui, à l'époque, était maître assistant
19 supérieur à l'Université de Belgrade. Il l'a préparé pour l'Institut de la
20 défense de l'Etat. Il s'agissait d'un document hautement confidentiel. Il
21 l'a envoyé au directeur de l'institut, au général Maksimovic. Dans ce
22 travail --
23 Q. Je vous ai demandé si ce document avait été présenté en tant que
24 communication à une réunion. Dites oui ou non ?
25 R. Il a été question du fait qu'il aurait été présenté lors d'une réunion
Page 34346
1 du club culturel serbe en 1937. Cependant, j'ai ici le journal Borba, en
2 date du 15 mars 2002.
3 Q. Examinons cet article. Vous êtes venu prêt et préparé à la défense de
4 ce sujet. Apparemment, c'est cela ?
5 R. Non. Je ne suis pas ici pour défendre les positions de qui que ce soit;
6 je suis ici pour fournir des informations. Le nom du journaliste est Teodor
7 Andjelic, et il s'entretient avec l'historien Vasa Cubrilovic. Vasa
8 Cubrilovic, dans ce texte, qui est intitulé "Sur le déplacement des
9 Albanais avant la Deuxième guerre mondiale." C'est une photographie de Vasa
10 Cubrilovic. Dans ce texte, il explique comment on en est venu à la
11 rédaction de ce travail. Il dit qu'il a rédigé ce rapport pour l'Institut
12 de la défense de l'état, en tant que document hautement confidentiel,
13 destiné au général Maksimovic, qui était le directeur de l'institut. Or,
14 que ce soit le gouvernement yougoslave ou le parlement yougoslave ou une
15 instance d'état quelle qu'elle soit, ils n'ont jamais examiné ce document.
16 De quoi il s'agit ? A la veille de la Seconde guerre mondiale, c'est en
17 1937, que cela se passe --
18 Q. Un instant, s'il vous plaît, arrêtons-nous. Ayez l'obligeance de nous
19 le dire, parce cet article, nous ne l'avons pas vu, il n'a pas été passé au
20 dossier. Est-ce que vous pourriez le mettre à notre disposition ? Peut-être
21 qu'un de mes collègues qui connaît la langue pourra le parcourir. Et moi,
22 je présenterai une question concernant le rapport même.
23 R. J'e m'en ferai un plaisir de le mettre à votre disposition.
24 Q. Quels que soient les événements qui se sont produits en 1937, lorsque
25 l'avis, l'opinion de M. Cubrilovic était pour le moins acceptable pour le
Page 34347
1 lecteur, le lectorat. Ce même document a été republié --
2 R. Il n'a jamais été publié.
3 Q. D'accord. Cela a été publié. Cela a été publié en 1995 dans le magazine
4 Velika Srbija. C'est le magazine du parti de Seselj. J'aimerais une
5 nouvelle cote --
6 R. Je n'étais pas au courant de cela.
7 Q. Je vais vous le montrer. Ce qui veut dire que l'avis de Cubrilovic --
8 regardons d'abord ce document.
9 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier -- j'attends que vous ayez
10 terminé.
11 Monsieur l'Huissier, veuillez bien nous montrer cet article de presse
12 qu'avait utilisé le témoin. Je vais demander à mon collègue de le
13 parcourir.
14 Veuillez d'abord placer cette page-ci que je vous montre. Vers la fin du
15 document on verra où ce document a été publié en 1955, en octobre 1995, le
16 magazine Velika Srbija. On voit la date, et on voit d'ailleurs beaucoup de
17 photos de M. Seselj.
18 Allez deux pages plus loin. Voilà, nous voyons dans le corps même de ce
19 magazine l'article qui porte la date de mars 1937. Malheureusement, je ne
20 peux pas vous donner immédiatement le titre.
21 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner le titre de cet article que vous
22 voyez affiché à l'écran ?
23 R. Oui, le titre est "Le Déplacement des Albanais".
24 Q. Fort bien.
25 M. NICE : [interprétation] Mme Dicklich a fourni une version annotée du
Page 34348
1 texte en cyrillique. Je vais demander à l'Huissier de placer sous le
2 rétroprojecteur la première page du texte en anglais. Q. Excusez-moi, est-
3 ce que vous pourriez nous donner le sous-titre ?
4 R. "Discours du Dr Vasa Cubrilovic, le 7 mars 1937 au club culturel serbe".
5 Je ne suis pas certain que ceci soit exact, parce que M. Cubrilovic, dans
6 le journal que je viens de vous remettre, dit qu'il a rédigé ce document
7 pour l'Institut de la défense nationale, pour le Général Maksimovic, en
8 tant que document hautement confidentiel. C'est ce qui figure dans le texte
9 que je vous ai communiqué.
10 Q. Nous avons vu le titre merci. Dans votre version en cyrillique,
11 plusieurs passages sont mis en exergue en jaune. J'ai des passages déjà
12 surlignés en anglais. Le titre est le suivant : "Réinstallation des
13 Arnauts". Cela veut dire quoi "Arnauts" ?
14 R. Le terme "Arnauts", c'est le terme turc désignant les Albanais. Il y a
15 trois termes pour désigner les Albanais; les "Arnauts", c'est le terme
16 utilisé par les Turcs, les "Arbanis", utilisé par les Grecs et les Serbes
17 et les Albanais eux-mêmes s'appelaient des "Siptars".
18 Premier passage, on dit : "De cette façon-ci, un triangle albanais a pris
19 forme au 19e siècle, ce qui séparait nos propres terres Ras de la Macédoine
20 et de la vallée de Vadar.
21 "Au cours du 19e siècle, ce coin albanais peuplé par un élément albanais
22 anarchique, a empêché le développement de liens culturel, éducatif et
23 économique entre nos terres du nord et nos terres du sud."
24 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez placer la page
25 suivante. Nous allons commencer au début de cette page. Je vais donner
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1 citation de deux pages entières, ce sera tout.
2 Q. "La Serbie a commencé a essayé de renier ce coin albanais au cours du
3 premier soulèvement, en repoussant les colons albanais se trouvant le plus
4 au nord de Jagodina."
5 Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation, Monsieur Terzic ?
6 C'est là un académicien Cubrilovic qui s'exprime en 1937. Il dit comment,
7 au 19e siècle, la Serbie avait essayé de renier sur ce coin, ce triangle
8 albanais.
9 R. Au moment où il a rédigé ce travail, il n'était que maître assistant,
10 il n'était pas encore un académicien. Pour ce qui est de mordre sur ce coin
11 albanais, et bien, je pense que c'est une fausse interprétation. On
12 pourrait dire la même chose pour le coin Ottoman depuis Vienne. C'est la
13 raison pour laquelle les Autrichiens ont repoussé les Turcs jusqu'à
14 Bosphore. Pour quelle raison toute l'Europe chrétienne mène-t-elle la
15 guerre à l'encontre de l'Empire ottoman ? Il ne s'agit pas d'expulser les
16 Albanais, il s'agit de dire que les Albanais étaient membres des troupes
17 ottomanes, et la guerre est en cours entre la Serbie et la Turquie. Toute
18 la population ottomane, en passant par Budapest, Vienne et Timisoara s'est
19 vue repoussée vers l'Asie. Toute l'Europe chrétienne a agi ainsi, que se
20 soit en Autriche, en Croatie, en Hongrie ou en Roumanie. Donc, il s'agit --
21 Q. L'académicien Cubrilovic, c'est cela qui allait devenir. C'était un
22 homme à l'esprit très ouvert, n'est-ce pas ? Car finalement, il est mort
23 alors qu'il était pratiquement centenaire. Peu de temps avant sa mort, nous
24 allons le voir, cela se trouve dans le livre de Stambolic, à propos de la
25 témérité qu'il y avait a essayé de relier les terres serbes en Bosnie. Vous
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1 êtes au courant de cela ? C'était un homme très ouvert. Il affiche un avis
2 radical, assez radical. Quelquefois, il lui arrivait de changer d'avis
3 lorsque l'on l'y poussait. Est-ce que vous connaissez ce revirement
4 lorsqu'il a dit que c'était une folie d'essayer de relier les terres serbes
5 en Bosnie ?
6 R. M. Cubrilovic était un Serbe originaire de Bosnie. C'était quelqu'un
7 qui a participé à l'attentat de Sarajevo en 1914, et en tant que tel, il
8 était partisan de la création d'un état serbe unique. Ce qui était tout à
9 fait naturel. Par conséquent, je ne suis pas au courant de ce que vous
10 venez de dire au sujet de
11 M. Cubrilovic.
12 En tant qu'historien serbe, il estimait que les Serbes avaient un
13 droit de disposer de leur propre état sur les territoires où ils sont
14 présents en tant que majorité ethnique dans les Balkans, et ce, depuis des
15 siècles.
16 Q. Ici, si on fait une lecture assez élémentaire, et lorsque l'on voit ce
17 que dit cet historien qui est devenu plus tard académicien, il dit que la
18 Serbie était en train de renier des morceaux de ce coin albanais. Je ne
19 sais pas si vous dites qu'il avait tout simplement tord ou que si c'est une
20 question qui est sujette à interprétation.
21 R. De quoi il s'agit ? Il s'agit d'un combat mené entre la Serbie, ou
22 plutôt de la Serbie contre l'Empire ottoman. Ce n'est pas la Serbie et
23 l'Albanie qui sont en conflit. La Serbie et les Albanais n'ont plus. Les
24 Albanais sont des soldats engagés dans des troupes régulières et
25 irrégulières de l'Empire ottoman. Ils sont les premières unités. C'est ce
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1 que vous trouvez dans les textes du 17e et 18e siècle. Donc, ils sont dans
2 les troupes de l'Empire ottoman. Il n'y a pas d'état Albanais. Il s'agit
3 d'une lutte entre les états chrétiens et l'Empire ottoman. Les Albanais
4 sont là aux côtés de l'Empire ottoman. Et la pratique, ils étaient le fer
5 de lance de cet empire.
6 Excusez-moi, je voudrais apporter un complément.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, allez-y.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] En d'autres termes, jusqu'en 1912, il n'y a
9 pas d'état albanais. Les Albanais ont constitué leur état en 1912. Avant ce
10 moment-là, au cours du 18e, 19e siècle, les sources britanniques, allemandes
11 et toutes les autres le disent. Hier, j'ai cité les sources britanniques.
12 Les Albanais avec les Turcs, sont ceux qui mènent principalement les
13 actions ottomanes, que ce soit en Grèce, que ce soit dans toute cette zone-
14 là. Ce sont eux les hauts fonctionnaires de l'Empire ottoman, les pachas et
15 autres.
16 M. NICE : [interprétation]
17 Q. Oui, je pense que l'on va pouvoir parcourir le reste du document.
18 "Vu ces grands projets d'état de Jovan Ristic, la Serbie a renié une autre
19 partie de ce coin après avoir conquis Toplica et Kosanica. Les régions se
20 trouvant entre Jastrebac et le sud de la Morava, ont été nettoyées de façon
21 radicale des Arnauts à cette époque.
22 "Notre état actuel avait pour devoir de démanteler ce qui restait de
23 ce triangle albanais depuis 1918 jusqu'à nos jours. Mais l'état n'a pas
24 réussi à le faire. Ceci s'explique par différentes raisons dont nous
25 n'allons citer que la plus importante.
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1 "1. L'erreur fondamentale commise par nos éléments responsables de l'époque
2 est celui-ci, dans les Balkans agités et sanglants, oubliant où ils
3 étaient, ils ont essayé d'appliquer des méthodes occidentales pour régler
4 de grands problèmes ethniques. La Turquie avait amené dans les Balkans une
5 coutume inspirée de la Sharia, selon laquelle, en gagnant une bataille en
6 conquérant un pays, l'envahisseur prenait le contrôle de la vie et des
7 biens des sujets conquis. C'est à cause d'eux que les chrétiens des Balkans
8 ont compris que de cette façon, il était possible de gagner ou de perdre
9 non seulement le pouvoir et la noblesse, mais aussi son foyer et ses biens.
10 Cette façon de comprendre la propriété légale terrienne dans les Balkans,
11 ne pouvait se modifier que dans une mesure limitée par des lois, des
12 décrets et des traités internationaux adoptés sous pression de l'Europe. Il
13 n'en demeure pas moins que jusqu'à ce jour, c'est resté l'élément, le
14 levier essentiel dans la Turquie et les états de Balkan. Il ne faut pas
15 remonter très loin. Il suffit de renvoyer à des cas récents, la
16 réinstallation des Grecs venant de l'Asie mineure, la Grèce, et des Turcs
17 venant de Grèce en Asie mineure. La réinstallation la plus récente des
18 Turcs venant de Bulgarie et de Roumanie en Turquie, alors que tous les
19 états des Balkans, à partir de 1912 jusqu'à nos jours ont, soit déjà résolu
20 ou sont en voie de résoudre la question des minorités nationales, en les
21 réinstallant ailleurs. Nous, nous avons opté pour des méthodes lentes et
22 difficiles, compliquées, de colonisation progressive."
23 Est-ce que vous comprenez l'avis qui est ici présenté ?
24 R. Je comprends les opinions de M. Cubrilovic. Ce qu'il exprime ici, c'est
25 son opinion personnelle. Au moment où il s'exprime, il n'exerce aucune
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1 fonction au niveau de l'état, ni aucune fonction politique d'une part.
2 D'autre part, ce que je vois, c'est que vous ne comprenez pas le
3 contexte historique auquel se réfère M. Cubrilovic, que signifie ce
4 contexte ? Au cours de quatre ou cinq siècles, il y a un combat entre
5 l'Europe chrétienne et l'empire ottoman. Je tiens à vous rappeler un point.
6 Aujourd'hui, à Budim, à Budapest, il y avait des dizaines, peut-être des
7 centaines --
8 Q. Nous devons penser au temps. Je pense que --
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je peux, s'il vous plaît, parce que M. Nice
10 a pris 10 minutes pour s'exprimer, est-ce que je peux avoir au moins deux
11 minutes ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Terminez votre réponse.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] De quoi il s'agit ici ? L'empire ottoman a
14 atteint Vienne, Budapest, une bonne partie de l'Europe centrale ? Il était
15 là, il y avait des dizaines de mosquées. L'empire était présent dans les
16 villes. Après la défaite dans un combat contre la coalition européenne, le
17 tzar polonais, romain, et cetera. Il y a eu un retrait de la population
18 vers les Balkans et vers l'Asie mineure. Il s'agit d'un long processus
19 historique. Le Dr Cubrilovic fait valoir ce problème, le problème de la
20 réinstallation de la population. Il cite l'exemple des Grecs de l'Asie
21 mineure vers la Grèce. L'exemple des Turcs de Bulgarie vers la Turquie.
22 C'est dans ce contexte-là, à la veille de la Seconde guerre mondiale, et
23 j'insiste avant la Seconde guerre mondiale, on la voit déjà pointer. Il
24 dit, à titre personnel, qu'il y a cette possibilité de déplacer une partie
25 de la population albanaise vers l'Albanie ou vers la Turquie, sur accord
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1 avec l'Albanie ou la Turquie. C'est cela, la substance de ses propositions.
2 Mais de quoi --
3 M. NICE : [interprétation] Fort bien. Il parle de cela à la page 4, en
4 version en anglais. Pour gagner du temps, on voit les passages qui ont déjà
5 été surlignés, et je vais demander à Monsieur l'Huissier de placer la page
6 8. Nous allons examiner l'un ou l'autre document, puis nous en aurons
7 terminé de ce document.
8 Q. Page 8, sous l'intitulé "Problèmes internationaux que pose la
9 réinstallation," il dit : "Si nous partons du postulat selon lequel la
10 suppression progressive des Arnauts à travers la colonisation progressive
11 est sans effet, la seule option qui nous reste, c'est la réinstallation de
12 grande envergure. Dans cette éventualité, il faudra tenir compte de deux
13 états l'Albanie et la Turquie.
14 "L'Albanie, qui a une population très peu dense, avec beaucoup de
15 marais qui ne sont pas séchés, et des vallées qui n'ont pas un cours très
16 régulé, l'Albanie devra pouvoir assimiler quelques centaines de milliers de
17 nos colons Arnauts." C'était donc son plan.
18 Prenons la page 9. Il dit que l'opinion publique internationale va sans
19 doute protester, mais que le monde a l'habitude de choses bien pires, et
20 est tellement préoccupé de soucis quotidiens qu'il n'y a pas grand peur à
21 avoir. Si l'Allemagne peut réinstaller des dizaines de milliers de Juifs,
22 si la Russie peut transférer des millions de personnes d'un côté du
23 continent à l'autre, le fait de réinstaller quelques centaines de milliers
24 d'Arnauts ne va pas être une cause pour déclencher une guerre mondiale."
25 Page 11, il parle d'une méthode permettant d'instaurer le bon climat
Page 34355
1 psychologique. Il dit que les Musulmans sont crédules, et qu'il faut gagner
2 la cause de leurs représentants religieux, notamment. Et puis à fin de la
3 page, il dit ceci : "Une autre méthode consisterait à faire pression par
4 l'appareil d'état, à édicter des lois qui rendraient la vie des Arnauts
5 dans la contrée la plus misérable possible; amendes, arrestation,
6 application sans merci de tous les règlements de police.
7 Page suivante.
8 "La réinstallation serait accélérée par des mesures sanitaires. La
9 mise en vigueur des réglementations au sein des foyers, le fait d'abattre
10 des clôtures, des murs, et de veiller à ce que les questions religieuses
11 deviennent difficiles. On pourrait harceler les représentants religieux,
12 nettoyer les cimetières, abolir la polygamie."
13 Ils disent aussi ceci : "Nos colons devraient recevoir des armes au
14 besoin. Il faudrait que l'on fasse pénétrer dans ces régions des Chetniks,
15 selon la vieille méthode, et qu'il faudrait permettre des opérations
16 clandestines, et qu'une vague de Monténégrins devrait être libérée."
17 Il dit aussi : "Il y a un autre outil dont la Serbie s'est fort bien
18 servie de façon tout à fait pragmatique depuis 1878, à savoir, le fait
19 d'incendier les villages et les quartiers Arnauts, de façon clandestine."
20 Est-ce que là on essaye de présenter une vision équilibrée ? Vous
21 avez le Dr Cubrilovic, qui dit ici que la Serbie, depuis 1878, s'est livrée
22 au fait d'incendier de façon clandestine des villages Arnauts. Que dites-
23 vous d'une telle chose ?
24 R. Monsieur le Président, je ne suis pas placé sur un pied d'égalité ici.
25 C'est pendant 15 minutes que M. Nice me pose une question, et on ne me
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1 donne même pas une ou deux minutes pour répondre, pas plus que cela. Je
2 demande que l'on m'accorde plus de temps.
3 Qu'est-ce qui se pose problème ? M. Nice cite un document qui a été
4 rédigé par un individu à titre privé. Cela n'a jamais été un document
5 officiel, de quelque gouvernement que ce soit, de quelque ministère que ce
6 soit. Jamais on a agi suite à ce document. Aucun Albanais n'a jamais été
7 déplacé sur la base de ce document. Ce document est resté conservé dans les
8 archives --
9 M. LE JUGE BONOMY ? : [interprétation] Monsieur Terzic, M. Nice a dit très
10 clairement qu'il a l'intention de parler de l'opinion de Seselj. Cette
11 publication, elle s'est faite en 1995. Ce n'est pas à vous de décider de la
12 manière dont vous allez répondre à la question. La question posée est tout
13 à fait simple, même s'il a fallu un certain temps pour la poser. C'était
14 pour vous donner une idée d'ensemble du document. Il vous demande de
15 commenter ce que ce document affirme, à savoir que la Serbie s'est livrée à
16 des activités au cours desquelles des villages et des quartiers Arnauts ont
17 été incendiés de façon secrète.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous répondre par une réponse très
19 simple. Ce que je dis, c'est que ce document représente l'opinion d'un
20 homme à titre privé. Ce n'est pas un document officiel. Il n'appartient à
21 aucun gouvernement, à aucun ministère. Jamais ceci n'est devenu partie
22 opérationnelle de la politique mise sur pied par le gouvernement
23 yougoslave.
24 Il est question ici du déplacement de la population, à l'exemple de
25 la Turquie, de la Grèce, de la Bulgarie et de la Turquie. Vasa Cubrilovic
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1 expose une idée, une idée simplement, de déplacer une partie de la
2 population albanaise de Kosovo et Metohija vers l'Albanie ou vers le
3 Turquie. Cependant, ceci n'a pas eu lieu. Il y a eu des négociations avec
4 la Turquie en 1938, mais --
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous, une fois même, en mesure
6 de répondre à la question qui a été posée. Dites oui ou non, je ne sais
7 pas. La question --je termine. Je vais reposer la question.
8 Convenez-vous du fait que la Serbie a utilisé une pratique qui
9 consistait à incendier des villages ou des quartiers Arnauts dans le secret
10 depuis 1878. Sans faire de discours, dites oui, non, ou je ne sais pas, ou
11 je ne suis pas d'accord ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie. On abrège ma réponse. Je vais
13 être très précis. On me pose des questions qui engagent toute ma
14 responsabilité.
15 Je vais vous répondre très clairement sur la base des sources
16 historiques qui sont accessibles qu'elles soient serbes ou étrangères. Je
17 n'ai pas d'information me permettant de confirmer ce fait.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
19 M. NICE : [interprétation] Si j'avais le temps, cela n'est peut-être pas le
20 cas, nous pourrions voir quelles sont vos sources. Souvent, ce sont des
21 sources secondaires. Or, ici, nous avons un historien qui va devenir un
22 académicien. Cet historien, à un moment où rien ne le pousserait à dire
23 autre chose que la façon dont il comprend vraiment l'histoire, il relate ce
24 qui s'est passé. D'après vos normes à vous, c'est une source des plus
25 satisfaisantes que celle-ci.
Page 34358
1 Pourtant, vous ne la prenez pas dans votre rapport. Vous avez mis de
2 côté ce document. Vous le mentionnez en note de bas de page, mais vous
3 écartez de la main ce qu'il dit.
4 R. Non, excusez-moi. Ce que j'ai fait c'est d'exposer la substance de ce
5 document en plusieurs phrases. Vous pouvez vous reporter à mon rapport.
6 J'ai exposé la substance de son document, et son idée portant sur la
7 réinstallation. Cependant je pensais que ceci n'était pas pertinent, parce
8 qu'avant tout, je me suis fondé sur les documents officiels de l'état, des
9 organes politiques, ceux qui exercent le pouvoir, et qui mettent en œuvre
10 les décisions. Je pensais que c'était une opinion privée d'un individu.
11 Q. Puisque nous avons maintenant terminé l'examen de ce volet-là,
12 s'agissant du document, prenons, le suivant : vous avez offert diverses
13 opinions quant à l'innocence intrinsèque des Serbes s'agissant de tout ce
14 qui s'est passé. Donnez-nous une explication pour comprendre pourquoi en
15 1995, dans le magazine d'un homme qui a apparemment fait l'objet de
16 certaines intrigues, et auxquelles on essaie d'associer votre nom, je parle
17 ici de Seselj, comment un document de ce genre peut-il être publié ?
18 R. Vous devriez poser cette question au rédacteur en chef de ce journal.
19 Je n'avais rien à voir avec ce journal. Je ne peux pas vous répondre de
20 manière qualifiée à cette question.
21 Q. Vous pouvez nous aider. Vous pouvez nous parler de l'environnement dans
22 lequel vous avez vécu. En effet, ce document recommande de façon très
23 claire la pire forme de persécution. Il est publié dans un magazine qu'on
24 trouve dans tous les kiosques. Est-ce que cela ne revient pas à être un
25 acte de propagande, par ailleurs dangereuse au milieu des années 1990 ?
Page 34359
1 R. Non, ici dans le document rédigé par Dr Cubrilovic, il est question du
2 déplacement de la population. Il ne s'agit pas d'expulser la population. On
3 suit l'exemple du déplacement à la population de l'Asie mineure, des Grecs
4 de l'Asie mineure, et cetera. Comme je viens de vous dire, je n'étais pas
5 membre de la rédaction de ce journal, et je ne veux pas répondre de la
6 ligne éditoriale du journal.
7 Q. Monsieur Terzic --
8 R. Ici, il y a un nombre incroyable de faits que j'ai exposés, et vous
9 tirez un parallèle entre ceci et l'opinion privée d'un individu.
10 Q. Ralentissez. Ralentissez, écoutez ma question.
11 Pages 13 et 14, en anglais. Avant de placer les notes en bas de page, je
12 suppose que vous aurez lu et relu ce document qui est écrit par Vasa
13 Cubrilovic.
14 R. Je ne l'ai pas placé en note de bas de pages seulement, je l'ai placé
15 dans le texte également. De quelles pages parlez-vous d'ailleurs ?
16 Q. Pas d'arguties, s'il vous plaît. En anglais, c'est la page 13. Dans
17 votre version, pages 21 à 23. Vous dites qu'il a rédigé un rapport
18 strictement confidentiel qui prévoyait la possibilité de déplacer un
19 certain nombre d'Albanais. Ce document n'a jamais été mis en œuvre.
20 Maintenant, je viens de vous montrer un article --
21 R. Mais c'est dans le texte --
22 Q. Maintenant je viens de vous montrer un magazine qui publie ou republie
23 ce document, qui est un discours, et cette publication se fait au mois
24 d'octobre 1995, pratiquement au moment où se déroulent les négociations à
25 Dayton. On ne parle pas simplement de la réinstallation de populations,
Page 34360
1 parce que les recommandations sont particulièrement précises. Nous venons
2 de le voir. Certes, elles sont à voir dans le cadre de l'année 1937, mais
3 elles peuvent s'appliquer plus tard. On est très précis. On parle du
4 recours à la force, de l'utilisation d'armes. Notamment, une question
5 simple à vous poser, et soyez juste. Soyez juste, dites aux Juges, si le
6 fait de publier un document de ce genre, destiné à un électorat serbe en
7 1995, est-ce que ceci n'est pas censé avoir un effet de propagande ?
8 R. Voyez-vous ce document a été rédigé en 1937. C'est la première fois que
9 je vois que ce document a été repris et publié dans la revue Grande Serbie.
10 La presse est libre en Serbie. Il y a cette liberté de presse. Je témoigne
11 dans l'affaire Milosevic, l'affaire contre le président Milosevic. Pour
12 autant que je le sache, M. Milosevic n'a jamais eu d'influence à exercer à
13 l'égard de la politique de cette rédaction du journal. Je ne peux pas voir
14 de corrélation entre ce que je suis venu témoigner ici, et ce que vous me
15 présentez.
16 Q. Je ne peux pas insister. Je veux simplement revenir à une chose. M.
17 Cubrilovic n'est plus parmi nous. Je ne peux pas aller plus loin. Vous avez
18 une citation dans le livre écrit par Ivan Stambolic. J'avais copié le
19 passage du chapitre pertinent, mais ceci ne fait qu'une phrase, enfin, ce
20 qui m'intéresse. Peut-être qu'on pourra placer ce passage sous le
21 rétroprojecteur, et la décision quant à cette pièce pourrait être reportée.
22 Il s'agit de la page 8 ou de la page 14, version en B/C/S remise au témoin
23 et à l'accusé.
24 Nous le savons, l'ouvrage d'Ivan Stambolic, je crois qu'il a paru fin 1995.
25 En fait, c'est un dialogue, questions et réponses. Dans ce chapitre qui a
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1 pour titre "Le Mémorandum," une question lui est posée. On lui demande :
2 "Comment cela a commencé à l'Académie ?"
3 Voici, ce qu'il répond : "Si une personne comme Vasa Cubrilovic, un
4 vieil homme honorable, l'académicien le plus âgé, s'il était horrifié à
5 voir jusqu'où ils allaient pour prôner la cause de la grande Serbie, cela
6 explique tout. Nous avons parlé de la façon dont un groupe de ces soi-
7 disant immortels avaient consacré des années à l'analyse des cartes de la
8 Bosnie pour essayer de découvrir, ne serait-ce qu'un chemin de montagnes
9 qui permettrait d'aller de Belgrade à Karlovac, en passant uniquement par
10 des villes et villages serbes."
11 Est-ce que vous avez lu le livre d'Ivan Stambolic ?
12 R. Non, je ne l'ai pas lu. C'est la première fois que je le vois.
13 Q. Il décrit sa rencontre avec le Dr Cubrilovic. A supposer que ce qu'il
14 en dit soit exact, il dit que cet homme était horrifié de voir prôner la
15 cause de la Grande Serbie. Est-ce que ceci cadre avec le souvenir que vous
16 avez, à savoir que les intellectuels étaient divisés, que certains
17 pensaient que ce qui se passait en Bosnie était aussi bien absurde que
18 dangereux ?
19 R. Je n'ai pas très bien compris votre question. Vous parlez du livre
20 d'Ivan Stambolic ou des positions des intellectuels serbes ?
21 Q. Vous nous l'avez dit, vous êtes un intellectuel.
22 R. Je ne l'ai pas dit pour moi-même.
23 Q. Excusez-moi. Si vous ne l'avez pas dit, je ne voulais pas vous
24 attribuer ce qualificatif de façon inéquitable.
25 Mais vous évoluez dans ce monde intellectuel. Ici, nous avons un
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1 intellectuel notoire -- célèbre, quelqu'un qui a un passé extraordinaire,
2 puisqu'il faisait partie de la conjuration de 1914. Et cet homme est
3 horrifié à voir les grands prêtres de la Grande Serbie, où on essaye de
4 faire un lien entre les terres serbes en Bosnie de façon à assurer la
5 continuité d'un Etat serbe.
6 Est-ce que c'est là un courant intellectuel qui existait en Serbie au
7 milieu des années 90 ?
8 R. Je dois vous reconnaître que je ne puis vous donner que mon opinion
9 personnelle à ce sujet. Je ne connais pas d'intellectuels serbes sérieux au
10 sein de l'Académie serbe, quoi que je ne sois pas académicien qui se soit
11 employé en faveur de la création d'une Grande Serbie. J'aimerais d'ailleurs
12 très bien que vous me disiez ce que vous entendez vous-même sous la notion
13 de "Grande Serbie", afin que je puisse vous répondre à la question de façon
14 précise.
15 Q. Nous l'avons déjà expliqué, malheureusement, Monsieur Terzic, en
16 général, ce n'est pas moi qui donne les réponses. Mais puisque vous
17 soulevez la question, j'essaye de retrouver la référence -- un instant,
18 s'il vous plaît. Je voulais vous demander quelque chose. Non. Je vais peut-
19 être vous poser la question plus tard, car je ne retrouve pas ce passage.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, je pense que M.
21 Nice vous a donné ce concept de la Grande Serbie. C'est une façon d'essayer
22 d'établir un lien entre les terres serbes en Bosnie, de façon à assurer la
23 continuité -- un Etat serbe continu.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président de la Chambre, je
25 n'estime pas que ce soit là la Grande Serbie. J'estime, qu'avec le
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1 démantèlement de l'Etat yougoslave, les Serbes avaient le droit de demeurer
2 -- résider dans un Etat conjoint, tout comme les autres peuples.
3 J'ai ici un élément de preuve datant de 1915. On en a parlé devant
4 ce tribunal. C'est le traité de Londres de 1915. C'est daté du 16 août
5 1915. Je peux le placer sur le rétroprojecteur.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Docteur Terzic, attendez, attendez,
7 c'est M. Nice qui mène le contre-interrogatoire. C'est lui qui posera les
8 questions.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je m'excuse.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez pour ce qui est de la
11 question de la Grande Serbie.
12 M. NICE : [interprétation]
13 Q. Vous m'avez demandé des éclaircissements, et je vous renvoie à la toute
14 dernière réponse que vous avez donnée à l'accusé lorsqu'il vous
15 interrogeait. Vous avez dit ceci : La première question fondamentale, c'est
16 celle de savoir si l'Occident accepte que le succès "de groupes ethniques
17 ou de minorités nationales." C'est la question de savoir si "tous les
18 groupes ethniques ou toutes les minorités nationales en Europe," et vous
19 évoquez les Basques, vous parlez des habitants de l'Irlande du Nord, et
20 vous dites : "Tout groupe ethnique va essayer de trouver une solution à ses
21 problèmes en ayant recours à une intervention militaire étrangère."
22 Donc, si on garde à l'esprit la conversation de M. Stambolic avec M.
23 Cubrilovic, et vous avez demandé des éclaircissements, si on assortit à
24 cela le concept des Serbes qui cherchent à avoir un territoire continu en
25 Bosnie, que faisaient les Serbes si ce n'est utiliser la force des armes
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1 pour obtenir, par la force, l'indépendance des Serbes de Bosnie. Dans la
2 réponse que vous avez donnée à l'accusé, vous disiez qu'une telle démarche
3 n'était pas appropriée pour les Albanais du Kosovo. Mais qu'est-ce qu'il y
4 avait comme différence entre eux et les Serbes en Bosnie ?
5 R. La différence est la suivante : les Albanais du Kosovo ont leur Etat
6 mère, à savoir l'Albanie. Les Albanais en Serbie constituent une minorité
7 nationale. Les Serbes en Bosnie-Herzégovine, eux, vivaient dans un seul et
8 même Etat, c'était la Yougoslavie. Dans la constitution de la Bosnie-
9 Herzégovine, les Serbes étaient un peuple constitutif. Ils n'étaient pas
10 une minorité nationale en Bosnie-Herzégovine. Cela, c'est le un.
11 Le deux : avec le démantèlement de cet Etat yougoslave, ils ont exprimé le
12 souhait de vivre ensemble avec les autres Serbes. Etant peuple constitutif
13 de cette république dont on n'a pas tenu compte de la volonté de ceux-ci,
14 historiquement parlant, ils ont considéré que cela étaient des terres
15 serbes. Des centaines et des centaines de cartes de documents anciens
16 considèrent et traitent la Bosnie comme étant un territoire serbe. Le
17 traité de Londres en 1915 considère que la Bosnie-Herzégovine doit faire
18 partie de l'Etat serbe. C'est une carte que je n'ai pas versée au dossier,
19 mais si la Chambre l'estime nécessaire, je peux le faire.
20 Q. Le temps manque. Corrigez-moi si je me trompe, mais --
21 R. Vous avez tout à fait tort si vous ne faites pas la différence entre la
22 minorité nationale albanaise en Albanie et la position des Serbes en
23 Bosnie-Herzégovine, qui n'étaient pas, eux, une minorité nationale.
24 Q. Veuillez écouter ma question. Est-ce que vous êtes un de ces immortels
25 qui ont passé des années à examiner les cartes de Bosnie pour essayer de
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1 faire le lien entre les terres serbes ? Est-ce que c'est là ce que vous
2 avez fait de ces cartes, essayer de faire le lien entre ces terres serbes ?
3 R. Je ne comprends pas la signification de votre question. Je ne sais pas
4 du tout ce que vous voulez dire. Chez nous, on dit des académiciens qu'ils
5 sont immortels. Je ne suis pas académicien donc je ne suis pas immortel.
6 J'ai essayé de traiter de la chose de façon scientifique.
7 M. NICE : [interprétation] Merci de cette explication. Avant d'oublier
8 cela, je vais demander le versement au dossier de la déclaration tout
9 d'abord.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
11 M. NICE : [interprétation] Déclaration soutenant M. Karadzic. Est-ce qu'on
12 peut verser cette pièce ?
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation 798.
14 M. NICE : [interprétation] Puis, nous avons le document Cubrilovic auquel
15 on pourrait donner deux titres, le réinstallation des Arnauts, et sa
16 publication sous forme d'article de presse. Une cote, s'il vous plaît.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation 799.
19 M. NICE : [interprétation] Nous avons un chapitre du livre de M. Ivan
20 Stambolic.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous ne l'avons pas reçu, je pense.
22 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse. C'était le document que nous
23 venions d'examiner. Désolé. Cela avait été placé sous le rétroprojecteur,
24 effectivement. Vous vous souviendrez, Messieurs les Juges, que j'avais dit
25 que, si je voulais présenter un extrait du texte, je ferais traduire la
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1 partie dans laquelle s'inscrivait cet extrait donc on a fait traduire ce
2 chapitre.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P800.
4 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, je ne pourrais pas terminer ce
5 matin. Je voulais évoquer deux autres choses, d'une part, le livre de Mme
6 Budding, et à la lumière des arguments présentés à propos de la menace
7 panalbanaise, je voulais présenter un autre document à ce témoin. Il
8 conviendrait peut-être que je demande au témoin de lire ce document d'ici à
9 jeudi pour gagner du temps. Pourrais-je évoquer cette question ? De cette
10 façon, on pourra mettre ceci en veilleuse, si vous voulez.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
12 M. NICE : [interprétation] Peut-on présenter au témoin le document de la
13 ICG ?
14 Q. Ce document va vous être remis dans un instant. Dans l'intervalle, je
15 vous soumettrais la thèse suivante : à quelques très rares exceptions près,
16 vous avez recherché des sources serbes ou des sources favorables aux
17 Serbes. En tant qu'expert, vous aviez un devoir, pas celui de défendre une
18 cause, de la plaider, mais au contraire, celui de faire un examen plus
19 large.
20 L'Huissier est en train de terminer la distribution du document qui
21 va vous être soumis. Il a été préparé par le Groupe de crise
22 internationale. Nous avons une version en B/C/S pour le témoin et l'accusé.
23 L'intitulé est "Le panalbanianisme," est-ce une menace redoutable
24 pour la stabilité dans les Balkans ? C'était produit cette année, le 25
25 février.
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1 Pas tout à fait la fin, si vous voulez, mais la page 35, annexe C.
2 Cette page nous donne des informations quant à la nature de ce groupe, pour
3 ce qui est de ses méthodes de recherche, et aussi, à droite, de son
4 financement, nous le voyons. Ces fonds proviennent de gouvernements,
5 d'organisations caritatives, d'entreprises, de donateurs individuels. Puis,
6 sont énumérés les pays qui financent, notamment, l'Agence des Etats-Unis
7 pour le développement international; les différentes fondations qui le
8 soutiennent.
9 A la page suivante, je vous l'explique, Monsieur le Témoin. Je vous
10 présente tous ces éléments parce que vous estimiez - vous l'avez dit
11 quelque part - qu'il y a une espèce conspiration, ayant à sa tête les
12 Etats-Unis. Ici, nous avons des rapports concernant l'Algérie, l'Angola.
13 Page suivante, on voit que cet organisme a préparé des documents sur le
14 monde entier, la page suivante, la Croatie -- non, c'est la page d'après.
15 Il y a le Kosovo, mais aussi la Bosnie, entre autres pays. J'ai pu vous
16 fournir une copie de ce document en B/C/S ou en serbe plus exactement,
17 parce que cette organisation a une antenne à Belgrade.
18 Voici la question que je vous pose : avez-vous déjà lu et examiné cette
19 question qui est celle du pan-albanianisme ?
20 R. C'est la première fois que je vois cette étude. Je ne suis pas ignorant
21 de ces positions. A mes yeux, c'est une défense d'une Grande Albanie.
22 C'est, à mon avis, une source de crise en Europe de l'est.
23 Q. Vous dites que vous connaissez cette position qui est représentée ici.
24 Vous dites que vous n'avez pas lu le document.
25 R. D'une façon générale, j'ai suivi les positions présentées par ces
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1 collègues et le dirigeant de ce groupe, James Lyon, qui a été invité une
2 fois à l'institut chez nous et que j'ai connu en personne. Pour moi, à mes
3 yeux, c'est un programme de Grande Albanie. C'est la source d'instabilité
4 sur le territoire de toute l'Europe de l'est. Je ne suis pas du tout
5 disposé à témoigner au sujet de ce document. Mes positions à son sujet sont
6 tout à fait claires.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous n'avez pas encore lu le
8 document.
9 M. NICE : [aucune interprétation]
10 R. Je n'ai pas lu. C'est la première fois que je vois ce document. Je
11 tiens à le dire, je suis venu témoigner au sujet de mon rapport que vous
12 avez accepté de recevoir. Je dois maintenant rester ici une dizaine de
13 jours pour témoigner d'un autre document. Je ne l'ai donc pas lu, ce
14 document, mais je connais ces positions.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez que je précise. Ce document
16 vous a été soumis afin que vous puissiez le lire avant la reprise des
17 débats jeudi, 9 heures, donc cela ne fait pas dix jours.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas très
19 disposé à rester. Je suis ici depuis lundi. Cela fait neuf jours que je
20 suis là, et je ne suis pas disposé à rester pour témoigner au sujet d'un
21 document qui n'est pas du tout le mien. C'est tout à fait autre chose que
22 ce pour laquelle je suis venu. Je peux revenir, si vous le voulez, pour
23 témoigner au sujet de ce document.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un sujet connexe, Monsieur
25 Terzic.
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1 Monsieur Nice, poursuivez.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Monsieur Terzic --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains que vous allez conclure très
6 rapidement, parce que l'heure approche. Vous n'avez pas étudié le versement
7 au dossier des pièces que j'ai proposées pour versement. Je vois que
8 maintenant M. Nice est en train de présenter des pièces à conviction à lui.
9 Je crois qu'il serait plus logique d'étudier les pièces à conviction qui
10 sont présentées par moi-même dans le courant de l'interrogatoire principal.
11 Puis, de se pencher ensuite sur les pièces présentées par M. Nice. Je n'ai
12 rien contre à ce que ces pièces soient admises, mais j'estime que les
13 pièces que j'ai présentées devraient également être examinées et versées au
14 dossier.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est juste. Si nous n'avons pas
16 encore examiné la question de vos pièces, Monsieur Milosevic, c'est
17 qu'elles posent beaucoup plus de difficultés que les pièces présentées par
18 M. Nice. Je n'en ai pas fait le décompte, mais je crois qu'il y en avait,
19 au bas mot, de 20 à 30 documents dont vous demandez le versement. La
20 Chambre doit déterminer la façon dont elle va les examiner, et je pense
21 qu'il y va de votre intérêt. La Chambre doit examiner sérieusement la
22 question, question que nous n'avons pas encore abordée.
23 Cela ne veut pas dire que ceci nuira aucunement à votre situation. Je
24 vous l'assure, Monsieur Milosevic.
25 M. NICE : [interprétation] Puis-je encore poser quelques questions ?
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une seule. Nous allons bientôt
2 terminer.
3 M. NICE : [interprétation]
4 Q. Je tiens à ce que vous compreniez tout d'abord pourquoi j'ai fait ce
5 que j'ai fait. Voici ce que je laisse entendre : si vous étiez vraiment un
6 historien impartial qui fait de son mieux pour être un véritable expert de
7 la Chambre, vous devriez déjà connaître l'existence de ce document, et vous
8 auriez dû déjà pouvoir répondre à mes questions. Mais, et vous l'avez
9 expliqué, comme vous n'avez pas encore pris connaissance de ce document, je
10 prends mes précautions. Je vous donne une journée pour le lire de sorte que
11 jeudi, lorsque je vous poserai mes questions, vous pourrez me dire quelles
12 sont les parties qui, à votre avis, sont inexactes et pourquoi elles le
13 sont. Est-ce que vous me comprenez ?
14 R. Non, je ne vous comprends pas. C'est la première fois que je vois ce
15 document. Il y a quelques minutes, on me le donne. Je connais les positions
16 des collègues qui ont coopéré à l'élaboration de ce document. Je connais
17 les positions, et je sais que c'est là un emploi en faveur de la Grande
18 Albanie. Je n'ai pas pu le lire, je ne l'ai obtenu qu'il y a quelques
19 minutes seulement.
20 M. NICE : [interprétation] J'ai fait de mon mieux.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que l'on vous propose, c'est de
22 procéder à la lecture avant la reprise des débats, jeudi 9 heures. De cette
23 façon-là, on pourra vous poser la question. Je ne vois pas de problèmes.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de problème. Mais cela fait déjà
25 dix jours que je suis ici, moi. Cela fait dix jours que je séjourne ici. Ne
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1 trouvez-vous pas que cela fait long ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est vrai. Cela fait un peu long.
3 Mais il ne me revient pas de décider. Je pense que
4 M. Milosevic connaissait le calendrier des audiences de cette semaine. Il
5 l'avait annoncé la semaine dernière.
6 Nous reprendrons nos travaux jeudi, 9 heures
7 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi,
8 9 décembre 2004, à 9 heures.
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