Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 9 décembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez poursuivre

7 votre contre-interrogatoire.

8 M. NICE : [interprétation] Merci. Veuillez remettre au témoin la pièce 508,

9 en sa version B/C/S, c'est le rapport d'expert établi par Mme Audrey

10 Budding. J'ai essayé d'établir des liens entre les textes anglais et B/C/S,

11 des concordances. Je suppose, Messieurs les Juges, que vous aurez apporté

12 vos copies respectives. Je vais quand même demander à l'Huissier de placer

13 sous le rétroprojecteur une partie du texte en anglais.

14 LE TÉMOIN: SLAVENKO TERZIC [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. NICE : [interprétation] Tout d'abord la page 57, c'est la page 42 en

17 B/C/S, je le précise à l'intention du témoin.

18 Contre-interrogatoire principal par M. Nice : [Suite]

19 Q. [interprétation] Il s'agit ici d'un extrait qui s'intéresse au

20 mémorandum dont nous avons discuté en présence d'autres témoins avant vous,

21 Monsieur le Témoin. Au haut de la page, voici ce que dit Mme Budding dans

22 une de ces conclusions.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le texte anglais, il n'existe pas de page

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1 57, peut-être M. Nice s'est-il trompé. Cela se termine à la page 53.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que nous recevions

3 l'interprétation en anglais. Maintenant, oui, cela va.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Recommencez, Monsieur Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'essaie de retrouver ce que M. Nice a indiqué

6 pour ce qui est de la version anglais, il n'y a pas de page 57 en version

7 anglaise. Il se réfère à cette page 57, mais le texte se termine à la page

8 53. Il s'agit du rapport d'Audrey Budding, n'est-ce pas ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cela va plus loin. Monsieur

10 l'Huissier, vérifiez, s'il vous plaît, est-ce que

11 M. Milosevic a le bon texte ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les autres pages commencent au numéro 1 et cela

13 va jusqu'à 29 à peu près.

14 M. NICE : [interprétation] Je suppose que lui, il examine la version en

15 B/C/S. S'il le veut, il peut avoir un exemplaire en anglais. De toute

16 façon, cela va être posé sur le rétroprojecteur, et je demande à l'accusé

17 d'examiner, dans sa version en B/C/S, la page 42.

18 Q. La conclusion que tire l'expert, Mme Budding, nous le voyons, dit en

19 partie ceci : "J'estime personnellement que le mémorandum est surtout

20 important en tant qu'élément indiquant : en tant que preuve indiquant que

21 par 1986 les affirmations qu'il contenait étaient acceptées par les figures

22 importantes de l'élite intellectuelle serbe. Disons-le simplement, c'est

23 l'existence d'un système de valeur, qui était établi dans le mémorandum,

24 davantage que le mémorandum lui-même, qui a influencé le processus de

25 dissolution de la Yougoslavie."

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1 Monsieur Terzic, --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice. Monsieur Terzic, il y

3 a un problème ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, il y a un

5 problème. Je dispose de cette page 42, en effet, mais je n'arrive pas à

6 retrouver cette partie du texte. J'aimerais qu'on m'aide pour retrouver le

7 début du texte qu'on est en train de citer.

8 M. NICE : [interprétation] Dans un paragraphe qui débute --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne connais pas le B/C/S. Je ne

10 peux pas vous aider.

11 M. NICE : [interprétation]

12 Q. Nous avons indiqué le début du paragraphe. Oui. C'est cela.

13 R. Mais ce ne sont pas du tout ce que M. Nice vient de lire. C'est cela.

14 Ah, oui, voilà, j'ai retrouvé.

15 Q. Je vous demande votre aide pour essayer de trouver les grands repères,

16 les moments forts de ce système de valeur. Vous voyez ce que je fais ? Mme

17 Budding dit qu'il y a tout un système de valeur, de croyances qu'on trouve

18 dans ce mémorandum, et je suis à la recherche de ces éléments. Si vous

19 gardez ceci à l'esprit, veuillez revenir à la page 5 du rapport, en

20 anglais, c'est la page 4 en B/C/S. Je vais évoquer certaines parties du

21 rapport pas nécessairement dans l'ordre chronologique, mais plutôt dans

22 l'ordre logique.

23 Au bas de l'écran, on voit ce passage : "Le conflit grandissait et c'est

24 dans ce contexte que sont survenus les premiers épisodes au XXe siècle du

25 renversement du statut du Kosovo du fait qu'il est passé du régime ottoman

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1 au régime serbe dans la guerre des Balkans." On voit ceci : "Les

2 observateurs contemporains de la guerre des Balkans ont relevé de

3 nombreuses atrocités commises par les soldats serbes et monténégrins.

4 Certains ont vu des preuves montrant que les soldats serbes se sont livrés

5 à une tentative systématique visant à modifier l'équilibre démographique de

6 la région afin que soit justifiée l'incorporation, l'intégration de cette

7 région dans l'Etat serbe."

8 Est-ce que vous pouvez contester ce que dit ici Mme Budding ?

9 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je garde le doigt sur les

10 notes en bas de page pour voir à quelles origines ou sources fait référence

11 Mme Budding.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez un commentaire sur ces

13 deux passages ?

14 M. NICE : [interprétation] Oui, sur ce passage.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce qui avait avec la page

16 57 ?

17 M. NICE : [interprétation] J'essaie de voir quel est le système de valeur,

18 et j'essaie d'établir cela en parcourant divers extraits de ce document.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. "On voit ici qu'il y avait des soldats serbes qui se livraient à une

22 tentative systématique visant à modifier l'équilibre démographique de la

23 région." Vous êtes d'accord ou pas ?

24 R. M. Nice a posé deux questions. Je ne sais pas dans quel ordre il me

25 faudrait répondre. Voulez-vous que je commence à partir du début ?

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez simplement une question,

2 Monsieur Nice.

3 M. NICE : [interprétation] Oui.

4 Q. A la page 4 dans votre version, on dit : "Que les soldats serbes

5 s'étaient livrés à une tentative systématique visant à modifier l'équilibre

6 démographique de la région; est-ce vrai ou pas ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous conviendrez que

8 lorsqu'il s'agit de questions aussi complexes, je ne peux pas répondre par

9 un oui ou pour un non. S'il m'est permis d'être bref, je dirais non et je

10 vais expliquer avec quelques phrases, si vous le permettez.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne conteste pas le fait que dans tout

13 conflit de guerre, dans toute guerre, et il ne s'agissait pas ici d'un

14 conflit entre les Serbes et les Albanais. Il s'agissait de la première

15 guerre balkanique. Il s'agissait d'un conflit entre les états chrétiens des

16 Balkans, de la Serbie, du Montenegro, de la Bulgarie et de la Grèce, contre

17 l'Empire ottoman. Cette opinion de Mme Budding se fonde sur un rapport de

18 la fondation Carnegie de 1914. Toutefois, des sources nombreuses sur le

19 terrain, ont enregistré des incidents particuliers qui sont présents dans

20 toute guerre. Je ne le conteste pas. Il n'y a pas de plan établi par le

21 gouvernement serbe visant à nettoyer ethniquement ce territoire-là. Parce

22 que si un plan de cette nature avait existé, il aurait pu être réalisé.

23 Pour le prouver, je vous propose de lire le livre d'Adolf Fischer, un

24 médecin suisse, publié en langue allemande qui lui, a séjourné sur le

25 front. L'intitulé du livre est "Sur le front des Balkans" publié en 1914.

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1 Lui, a soigné les soldats albanais blessés dans un hôpital militaire serbes

2 de Skopje.

3 M. NICE : [interprétation]

4 Q. Je vous remercie. Nous devons avancer, page 10 en anglais, page 8 en

5 B/C/S.

6 R. Vous avez dit quelle page dans la version serbe ?

7 Q. Page 8. Nous avons signalé le paragraphe, et j'en prends la fin qui dit

8 ceci : "A l'inverse de leur prédécesseur, dès le départ, les partisans ont

9 vraiment essayé --" Non, je reprends un peu au dessus de 44 à 45 : "Les

10 partisans ont réprimé de grands soulèvements albanais, surtout --"

11 R. Excusez-moi, oui, là je viens de me retrouver.

12 Q. "-- notamment avec des combats acharnés dans la région de Drenica." Je

13 voulais simplement vous poser quelques questions à ce propos. Nous avons

14 effleuré le sujet des combats ou de la taille de Drenica hier mardi. Nous

15 avons également vu ce que disais, en 1937, Cubrilovic. Vous le savez, bien

16 entendu, Cubrilovic a également publié un document encore plus virulent, un

17 mémorandum, en 1944. Vous êtes au courant, n'est-ce pas ?

18 R. Non, je ne suis pas au courant.

19 Q. Très bien.

20 R. Je pense que vous vous trompez.

21 Q. J'y reviendrai. Si vous pensez que je me trompe, je vous donnerai

22 l'occasion un peu plus tard d'examiner ce texte.

23 Je prends le bas de cette page-ci qui est à l'écran. On dit : "A

24 l'inverse de leur prédécesseur, dès le départ, les partisans ont déployé

25 des efforts sérieux pour essayer de gagner le cœur de la population

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1 albanaise du Kosovo, en créant une région autonome du Kosovo et Metohija au

2 sein de la nouvelle République de la Serbie, mais aussi en prenant des

3 mesures afin d'empêcher des colons qui s'étaient installés entre les deux

4 guerres, de retourner au Kosovo."

5 Est-ce que vous acceptez la thèse que présente ici

6 Mme Budding ?

7 R. De quelle affirmation parlez-vous, parce qu'il y en a plusieurs

8 ici.

9 Q. L'affirmation que je viens de lire, à savoir que cette région autonome

10 a été créée par les partisans, et que les partisans ont empêché le retour

11 de colons qui s'étaient installés entre les guerres. Est-ce qu'elle a

12 raison d'affirmer une telle chose ?

13 R. C'est un fait, je l'ai dit avant-hier. Je l'ai constaté moi-même.

14 R. Page 8 en B/C/S. On prend les statistiques ici.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce que

16 je pourrais peut-être soulever une question, moi-même ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cela ne se fait pas. Que

18 voulez-vous dire ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis venu témoigner au sujet de mon rapport

20 à moi et du thème qu'on m'a imparti. Je veux bien répondre.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est pas recevable. C'est

22 nous qui déterminons si les questions sont pertinentes ou pas. Nous sommes

23 ici pour vous protéger, et nous le ferons.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. En anglais, c'est la page 11, c'est la page 8 en B/C/S. Vers la fin de

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1 ce paragraphe qui a été surligné ou indiqué, on trouve la phrase suivante,

2 enfin quelques phrases : "Même si on permet la présence de suppositions

3 diverses quant au taux de croissance démographique naturelle dans cette

4 période, le géographe français Michel Roux croit que la barre supérieure

5 précisant le nombre de personnes serbes et Monténégrins chassés s'élève à

6 36 000. (Ceci se rapproche assez bien des calculs établis en 1944 par un

7 haut responsable allemand à Belgrade qui avait dit que 40 000 Serbes et

8 Monténégrins avaient été chassés depuis 1941.)"

9 On a une note de bas de page. Je pense que vous avez estimé ce nombre à 100

10 000. Comment se fait-il que Mme Budding donne ses chiffres à elle. Est-ce

11 qu'elle a raison ou tort ?

12 R. Je ne peux pas être d'accord avec Audrey Budding. Elle ne s'appuie que

13 sur les données fournies par Michel Roux. J'ai fourni des dizaines de

14 sources différentes qui confirmaient les chiffres d'au moins 100 000. Du

15 reste, j'ai mentionné une opinion d'un historien britannique, Stevan

16 Pavlovic, qui dit que le nombre de Serbes expulsés varie entre 30 et 200

17 000. Il estime que le chiffre supérieur de 200 000 n'est pas très réaliste,

18 mais que le chiffre de 100 000 est probablement, très probablement,

19 réaliste. Comme on le sait, il est question d'immigrés albanais de 200 à

20 300 000. Cela est peut-être exagéré. Je crois qu'un chiffre moyen de

21 quelque 100 000 Albanais immigrés au Kosovo et Metohija est tout à fait

22 réaliste. Je pense que la position exposée ici par Mme Audrey Budding ne se

23 fonde pas sur des sources historiques de premier ordre. Elle ne cite pas le

24 nom de ce haut responsable allemand. Comment s'appelle-t-il celui-là ? Je

25 sais que des sources allemandes autres disent que - et j'ai cité des

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1 renseignements dans mon rapport - qui disent que, jusqu'au printemps 1942,

2 quelque 60 000 réfugiés se trouvaient à la frontière de la Serbie occupée.

3 Je l'ai d'ailleurs indiqué dans mon rapport.

4 Q. Avançons. Nous voyons maintenant en quoi vous différez avec Mme Budding

5 sur certains faits. Passons à la page 16 en anglais. C'est la page 21 en

6 version B/C/S. Je vous l'ai déjà expliqué au début, il faut voir ce système

7 de valeur. Nous voulons voir comment il s'est développé. C'est cela qui

8 nous intéresse. Dès mardi, nous avons parlé de la chute d'Aleksandar

9 Rankovic, au bas de cette page-ci, qui est votre page 16. On trouve ces

10 phrases-ci : "Les attaques lancées après Brioni sur les exactions

11 policières et sur le centralisme, ont signalisé le début d'une

12 démocratisation (temporaire de la vie politique) et une décentralisation

13 (permanente) du parti et de l'Etat yougoslave." C'est le bas de la page 21.

14 Je suppose que vous êtes d'accord de façon générale, à savoir qu'il y a eu

15 une décentralisation permanente du parti yougoslave et de l'Etat

16 yougoslave ?

17 R. Malheureusement, je ne peux pas tomber d'accord avec vous. Mes

18 positions sont tout à fait opposées à celles de Mme Budding. J'estime que

19 les événements entamés en 1962, 1963 et qui ont terminé en 1966, ont

20 constitué le début de la désintégration de l'Etat yougoslave. Je regrette

21 le fait que Mme Budding, qui a rédigé une bonne thèse de doctorat, à

22 savoir, au sujet d'un processus de désintégration de l'Etat qui a conduit

23 au démantèlement de l'Etat, ait été marqué par un processus de

24 décentralisation et de démocratisation. J'ai une opinion qui est tout à

25 fait opposée à la sienne, parce que ceci --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux finir ?

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez le témoin terminer.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette impression de Mme Budding ne se fonde

5 pas sur des recherches au niveau des archives. J'ai procédé à des

6 recherches dans des archives, et j'ai reconstruit dans le détail quand,

7 comment, avec quels objectifs politiques, a été entamé ce processus de

8 décentralisation, à savoir, de destruction de l'Etat yougoslave, ce qui

9 s'avérera vrai, et cela s'est d'ailleurs avéré vrai en 1990. Le début de la

10 désintégration de l'Etat, s'amorce en 1966, et c'est tout à fait opposée à

11 la position exprimée par

12 Mme Budding.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Si nous enlevons le terme "démocratisation", qui vous dérange, elle

15 parle ici -- elle fait une description de la décentralisation que vous

16 acceptez.

17 R. Je m'excuse, non. Non. Je vous en prie, démocratisation, c'est quelque

18 chose qui m'est très -- que je tiens à cœur. Je suis adepte de la

19 démocratisation de la société. Il ne s'agit pas ici d'une démocratisation,

20 il ne s'agit pas non plus d'une décentralisation; il s'agit de la victoire

21 du concept national communiste de la Yougoslavie, qui a été catastrophique

22 pour le sort de cet Etat.

23 Q. Lisons la phrase suivante : "Au cours des cinq années suivantes, nous

24 avons connu les années les plus tumultueuses de l'histoire politique de la

25 Yougoslavie communiste jusqu'à la fin des années 1980. Entre 1967 et 1971,

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1 il y a eu trois séries de modification de la constitution. Si on les prend

2 dans leur ensemble, elles ont inauguré un ordre constitutionnel nouveau et

3 bien plus décentralisé."

4 Je vais vous demander un commentaire sur ces deux phrases.

5 Auparavant, pour rester synthétique, je vous demande ceci : il y a eu des

6 adoptions de modification de la constitution entre 1967 et 1971, ce qui

7 veut dire qu'en 1971, la constitution avait été modifiée. Cela s'est

8 répercuté de façon officielle dans la constitution de 1974 dont tout le

9 monde parle, et dont se plaignent apparemment les Serbes. Ces amendements

10 s'étaient développés au cours de 4 ans.

11 Etes-vous d'accord avec le récit que fait ici Mme Budding, à savoir

12 que ce furent des amendements de la constitution qui ont ouvert la voie au

13 nouvel ordre constitutionnel bien plus décentralisé ?

14 R. Ils l'ont certes décentralisé, mais dans le sens de la destruction de

15 cet Etat. Parce que les modalités de cette décentralisation ont fait que

16 l'Etat ne pouvait plus fonctionner en sa qualité d'Etat unique. Cela ne

17 pouvait pas marcher. Excusez-moi, il faut que je termine ma phrase.

18 Ici, il ne s'agit pas d'une décentralisation au sens habituel de ce

19 terme constitutionnel et juridique. C'était un modèle de démantèlement de

20 tous les organismes vitaux d'un Etat.

21 Q. Monsieur Terzic, je ne suis pas en train d'argumenter ici pour ou

22 contre la constitution; j'essaie simplement de cerner les grands moments,

23 les grands jalons qui ont établi ce système de valeurs.

24 R. Oui, mais --

25 Q. Page 17 en B/C/S, la page 22 en anglais.

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1 R. Oui, mais excusez-moi.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, le témoin veut

3 intervenir.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous demande, Monsieur le Président, de

5 m'assurer la possibilité de dire quelques phrases, parce qu'il s'agit de

6 sujets très graves et sérieux. Je ne peux pas répondre par un oui ou par un

7 non. Je dois prononcer quand même quelques phrases en faveur de la position

8 qui est la mienne.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous en avez le droit, mais

10 soyez bref.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Les amendements à la constitution en 1967, y

12 compris ceux de 1971, qui ont été reformulés pour donner lieu à cette

13 constitution de 1974, ont marqué la fin définitive de cet Etat yougoslave.

14 Parce que l'Etat fédéral est devenu un Etat confédéral, une confédération.

15 La Serbie était la seule des républiques qui n'était pas comme les autres,

16 parce que les provinces au sein de la Serbie, étaient devenues des

17 républiques, et la Serbie n'était ni république ni province. C'est là

18 l'absurdité de la position constitutionnelle de la Serbie au sein de cette

19 fédération yougoslave.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Votre page 17, en version en anglais, c'est la page 22. En passant, je

22 fais remarqué qu'une des choses qui ont dérangé les Serbes, c'est que le

23 nom a changé en 1968. Avant, il était le Kosovo-Metohija, Metohija étant un

24 nom serbe, pour devenir le Kosovo. On voit ici à la fin de ce paragraphe la

25 phrase suivante : "Les frontières de la province ne pouvaient pas être

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1 modifiées sans l'accord de l'assemblée provinciale, qui pouvait édicter des

2 lois plutôt que des décrets, ce qui se faisait au niveau de la république

3 ou de la confédération, et la province avait sa propre cour suprême.

4 D'autres experts, dont des experts juridiques, viendront nous en parler.

5 Vous allez dire que ce sont là quelques-uns seulement des éléments qui ont

6 dérangé les Serbes. Mais est-ce que Mme Budding a raison d'insister, comme

7 elle le fait ici, sur cet aspect-là des réformes constitutionnelles ?

8 R. J'aimerais que la Chambre comprenne à fond le problème. Il ne s'agit

9 pas ici d'une compréhension émotionnelle du problème; il s'agit d'une

10 définition constitutionnelle et politique du problème en question. Parce

11 que Kosovo à la source, c'était Kosovo Polje, le champ de Kosovo, une toute

12 petite région du Kosovo. Le Kosovo et la Metohija, ce sont deux régions

13 tout à fait distinctes. Cela a toujours été deux régions distinctes.

14 Monsieur Nice, vous partez d'une hypothèse tout à fait erronée pour dire

15 que le Kosovo est un ensemble, une entité historique, ethnique, qui est

16 incorporée. Non. Il s'agit du fait qu'il y a un nom historique datant de

17 plusieurs siècles, qui est celui de Kosovo et Metohija, qui est remplacé --

18 Q. Monsieur Terzic, désolé de vous interrompre, je comprends que vous

19 voulez insister, mais je pense que Mme Budding insiste d'abord sur la

20 modification du nom, mais aussi sur les modifications apportées à la

21 constitution. Je pense que là, cela reflète bien certaines des

22 préoccupations serbes, n'est-ce pas ?

23 R. Dans ce sens-là, oui. Elle a objectivement -- en effet.

24 Q. Je vous remercie. Prenons maintenant la page 29 en anglais. C'est la

25 page 22 en B/C/S. Nous avons ici comme intitulé de ce chapitre, "Les

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1 Albanais". Ce qui m'intéresse, c'est la deuxième phrase, pas la première.

2 Nous remontons à 1956. Je ne peux pas respecter une chronologie parfaite

3 des événements. Je l'avais déjà dit.

4 "Il y avait d'abord la chute de Rankovic, le fait qu'il avait été limogé,

5 qui était suivi de révolutions tout à fait spectaculaires d'exactions

6 policières dans la province, ce qui a entraîné des modifications

7 fondamentales du gouvernement." Est-ce que c'est vrai ce que dit Mme

8 Budding, c'est qu'avant le limogeage de Rankovic, il y avait eu des

9 exactions, des abus dans la province à l'encontre des Albanais du Kosovo ?

10 R. En substance, c'est faux. Il y a eu des mesures de répression de la

11 part de la police, comme le dit Mme Budding à un endroit, tant vis-à-vis

12 des Albanais que vis-à-vis des Serbes. Mais Mme Budding, ici, est en train

13 de perdre de vue un élément crucial. Les services de Sécurité ont découvert

14 un réseau de grande taille, bien ramifié, clandestin, de séparatistes

15 albanais et, par conséquence, il y a eu la collecte des armes, et le procès

16 de Prizren. C'est là, la substance. Elle passe outre.

17 La deuxième question c'est de savoir si cela a conduit à des

18 modifications au niveau de la composition du gouvernement de la province.

19 Oui, mais je tiens à vous indiquer autre chose. J'ai apporté ici des

20 éléments de preuve, des pièces à conviction que je peux distribuer à

21 l'intention des Juges de la Chambre. Depuis 1943 --

22 Q. -- pour le moment, s'il vous plaît. Vous avez répondu à la question.

23 R. Oui, mais, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Là, cette fois-ci, je dois dire

25 non. M. Nice va continuer à vous poser des questions.

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1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. Prenez maintenant la page 23 dans votre version, Monsieur Terzic. C'est

3 la page 30 en anglais. J'essaie de retrouver la séquence des événements,

4 des moments forts. Mme Budding dit ici que 1968, les manifestations qui se

5 déroulaient à ce moment-là furent importantes. Apparemment, le début des

6 réformes semblait avoir attisé la frustration des Albanais plutôt que de la

7 calmer. En novembre 1968, ont éclaté de violentes manifestations parmi les

8 étudiants de Pristina, par la suite, élargies pour englober d'autres villes

9 du Kosovo."

10 En 1968, c'est un événement particulier dans le cadre de l'agression

11 du système de police serbe, n'est-ce pas ? Je veux confirmation de cela,

12 parce que nous n'avons pas tout le temps du monde ?

13 R. Excusez-moi, mais je n'ai pas très bien compris la question.

14 Q. En 1968, les manifestations, elles sont un élément significatif du

15 système de valeur qu'on a voulu donner aux Serbes s'agissant du Kosovo.

16 R. Alors, je ne comprends pas votre terme "système de valeur." Que

17 signifie à vos yeux la notion de système de valeur. Je ne comprends pas sur

18 quoi porte votre question. Nous sommes en train de parler de faits

19 historiques. Je comprends parfaitement.

20 Q. Je vais le dire plus simplement, de façon plus substantielle. Les

21 manifestations de 1968 sont considérées comme importantes par les Serbes

22 parce que ces manifestations, selon les Serbes, allaient au cœur même du

23 problème du Kosovo et Metohija.

24 R. C'est bien votre question, n'est-ce pas ?

25 Q. Oui.

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1 R. Bien. Il n'y a pas que les Serbes. Je ne comprends pas pourquoi vous

2 confrontez les Serbes et les Albanais. Il s'agit ici du sort de l'Etat

3 yougoslave. Il n'y a donc pas les Serbes, toute l'opinion yougoslave

4 patriotique a estimé que ces manifestations en 1968 étaient une première

5 preuve d'une manifestation ouverte du mouvement séparatiste albanais sur la

6 scène politique. Cela mettait en péril l'intégrité et la souveraineté

7 territoriale de la Yougoslavie, parce que les slogans étaient Kosovo à

8 Albanie, il s'agissait d'annexer le Kosovo à l'Albanie. Il y avait un

9 slogan de Grande Albanie. Il s'agissait d'annexer le Kosovo à l'Albanie.

10 Cela a troublé non seulement les Serbes mais toute l'opinion publique.

11 Q. Excusez-moi, je dois vous interrompre.

12 Nous sommes toujours à 1968 mais si nous prenons le bas de la page 31 début

13 32. Prenons la page 32, et dans votre texte à vous, ce sera la page 24.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse une fois de plus.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'aider à faire en sorte que

17 M. Nice ne m'interrompt pas. Il faut que je puisse prononcer quelques

18 phrases de plus au sujet des questions qu'il me pose.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez aux questions. Si vous

20 voulez fournir une explication, libre à vous de le faire. Nous sommes

21 maintenant en train d'examiner la page 32, et je crois que j'ai été assez

22 généreux. Je vous ai donné le droit de fournir beaucoup d'explications

23 parce que je comprends moi aussi qu'on ne peut simplement répondre toujours

24 par oui ou par non.

25 Quelle était la question posée, Monsieur Nice ?

Page 34388

1 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Vous comprendrez Messieurs les

2 Juges, que même si le rapport établi par ce témoin n'est pas revenu sur le

3 rapport de Mme Budding pour mieux comprendre les questions posées, ce que

4 je fais maintenant cherche à vraiment cerner les problèmes.

5 Q. Page 24, chez vous, et dans notre version page 32, nous voyons qu'il y

6 a eu une période de quatre ans qui s'est écoulée entre 1968 et 1972,

7 période au cours de laquelle certains libéraux, notamment Marko Nikezic et

8 Latinka Perovic étaient au pouvoir. Mme Budding a pour hypothèse que ces

9 personnalités avaient été au pouvoir jusqu'au moment où Tito avait veillé à

10 leurs chutes en octobre 1972. "Au cours de ce mandat, les libéraux ont

11 essayé de façon persistance à démêler la Serbie de la Yougoslavie et les

12 Serbes de l'identité yougoslave de les sortir de ce lien."

13 Est-ce que vous acceptez l'analyse que fait Mme Budding de cette période de

14 quatre ans ? Je sais que c'est tout à fait synthétique, mais est-ce que

15 vous acceptez cette thèse ?

16 R. Non, je ne l'accepte pas. Je pense que c'est tout à fait unilatéral, et

17 partiel, et cela ne se fonde pas sur la documentation historique. Cela se

18 fonde sur des appréciations politiques parce que le terme de "libéraux" est

19 prononcé par Tito lui-même. Il faut comprendre ces scènes politiques de la

20 Yougoslavie de l'époque. Dans la rhétorique de Tito, dans la rhétorique des

21 communistes, le terme de "libéral" était très péjoratif. Par conséquent,

22 les appréciations formulées au sujet de cette période, par Mme Budding, se

23 trouvent être tout à fait unilatérales, elles ne se fondent pas sur la

24 documentation historique.

25 Je tiens à vous dire une seule chose à ce sujet : la majeure partie des

Page 34389

1 ouvrages dans la société yougoslave ont été interdits de publication du

2 temps justement de ces libéraux yougoslaves.

3 Q. Bien entendu, Mme Perovic vit toujours et reste très active. Elle écrit

4 et elle pourrait effectivement avoir des avis radicalement opposés aux

5 vôtres.

6 R. Je connais parfaitement bien Mme Perovic. Nous avons collaboré en tant

7 que collègues. Elle étudie l'histoire. Nous avons eu des conversations un

8 bon nombre de reprises. Elle a participé à bon nombre de conférences, mais

9 cela ne signifie pas que je ne puisse pas avoir une appréciation tout à

10 fait différente de cette période.

11 Q. Très bien.

12 R. Je ne suis pas le seul. L'historiographie yougoslave en bonne partie

13 est de mon avis.

14 Q. Je dois vous soumettre au moins ceci : il y a effectivement tout un

15 corps d'intellectuels, dont Mme Perovic, qui aurait un regard tout à fait

16 différent du vôtre, lorsqu'il s'agit d'analyser ce qui s'est passé au cours

17 des 50 dernières années. Vous êtes d'accord, n'est-ce pas, pour le dire ?

18 Il existe des intellectuels qui ont un avis radicalement opposé aux vôtres.

19 Votre avis n'est pas l'avis de tout le monde.

20 R. Je crois que c'est là une question hypothétique. Je ne peux pas

21 supposer ce qu'il pourrait être à même de dire. Vous accepterez le fait que

22 nous tous, qui sommes ici, pouvons avoir des opinions tout à fait

23 divergentes. Il est tout à fait possible qu'il y ait des personnes avec des

24 opinions différentes. C'est tout à fait normal. C'est naturel dans les

25 sciences historiques. Tout comme cela est naturel dans les autres sciences.

Page 34390

1 Il n'y a pas d'opinions uniformes à ce sujet.

2 Q. Nous restons à l'année 1968, prenons la page 26 en B/C/S, 34 en

3 anglais, et les premiers mots du paragraphe sont parmi les chiffres. Je

4 prends la troisième phrase qui dit ceci : "Dans un discours célèbre

5 présenté au comité central à la 14e Plénière --"

6 M. LE JUGE ROBINSON : [ interprétation] Le témoin essaie --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai retrouvé.

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. "Dans un discours célèbre, présenté à la 14e Plénière du parti, en mai

10 1968, Cosic, qui était membre du comité depuis 1965, a mis en cause le

11 fondement de la politique du parti, par une attaque tout à fait

12 passionnelle sur la décentralisation ou concernant la décentralisation."

13 C'est exact ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Puisque nous allons peut-être entendre parler d'autres témoins de Cosic

16 comme étant un élément-clé dans le développement, dans l'essor de cette

17 idée serbe, n'est-il pas vrai de dire que dès 1968, Cosic pensait à séparer

18 le Kosovo, à se le répartir ou entre la Serbie et les Albanais ou un autre

19 Etat. C'est à ce moment-là qu'il a conçu l'idée de cette division.

20 R. Non, je n'en ai pas connaissance. En 1968, à l'occasion de cette

21 plénière, Cosic a parlé du fait que l'on ne pouvait pas prendre la question

22 de l'autonomie et des droits autonomes de la minorité albanaise pour tracer

23 un signe d'égalité avec l'identité de cette identité avec un Etat.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Enfin, Monsieur le Président, je ne pourrai

25 pas répondre de cette façon s'il m'interrompt. Je veux dire quelques

Page 34391

1 phrases pour apporter une réponse. Ces questions sont importantes. Je veux

2 pouvoir prononcer quelques phrases.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites-le. Deux ou trois phrases en

4 guise d'explication, puis nous avancerons.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Cosic, en 1968, n'a pas du tout parlé de la

6 partition du Kosovo et du Metohija. Il parle du bureaucratisme national. Il

7 dit que la question des droits autonomes de la minorité albanaise est

8 remplacée par des questions de souveraineté d'Etat et de constitution ou de

9 partie de la partie albanaise en tant qu'Etat. Il dit qu'il ne peut pas y

10 avoir deux souverainetés en présence. Il doit y avoir soit une souveraineté

11 yougoslave, soit une souveraineté albanaise. C'est ce qui nous dit

12 M. Cosic.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Est-ce que vous avez lu le dernier ouvrage rédigé par

15 M. Cosic ?

16 R. Certaines parties, je n'ai pas lu le livre entier.

17 Q. Est-ce qu'il persiste à dire que la séparation, la division, c'est la

18 seule issue, en tout cas, la seule issue qui marchera au Kosovo ?

19 R. Je ne comprends pas votre question. Est-ce que c'est vous qui êtes

20 favorable à la partition ou est-ce que vous me demandez ce que je pense de

21 l'opinion de Cosic ?

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. La question était très

23 claire. M. Nice vous demandait si M. Cosic pensait encore aujourd'hui que

24 cette division, si elle avait une véritable issue, sinon la seule, au

25 Kosovo. Là vous pouvez dire oui, non ou je ne sais pas.

Page 34392

1 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1968, Cosic ne parle pas de partition du

2 Kosovo et Metohija. Excusez-moi. Il parle de cette question au fil des

3 quelques dernières années. Je ne suis pas du tout d'accord avec cette

4 attitude. Pourquoi une partie souveraine du territoire de la Serbie

5 viendrait à être partagée. Je ne vois pas pourquoi.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A présent, je vous interromps, parce

7 que M. Nice, me semble-t-il, vous renvoyait au dernier ouvrage de M. Cosic.

8 Vous avez dit en avoir lu quelques chapitres; c'est bien vrai ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai présenté, en guise de pièce à

10 conviction, certaines parties de ce livre. Comme il a été publié il n'y a

11 que très peu de temps, je n'ai pas eu le temps de le lire.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez, attendez. Voici ce que

13 vous demandait M. Nice, partant du fait que vous avez lu certains chapitres

14 du livre. Etes-vous d'accord, ou pouvez-vous nous dire si après avoir lu

15 cet ouvrage, Cosic persiste à croire que la partition, la division est la

16 seule véritable issue, sinon la seule qui marchera au Kosovo ? Qu'avez-vous

17 à dire ? C'est une question très précise que celle-là, qui vous demande

18 comment vous comprenez ce que dit Cosic dans son ouvrage le plus récent.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est question ici de sujets politiques de

20 taille. Vous me demandez à me prononcer sur un problème politique de grande

21 envergure. Je vais vous dire ce que j'en pense. J'estime --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Monsieur Nice, je pense que

23 vraiment nous avons fait tout ce que nous pouvions. Passez à autre chose.

24 M. LE JUGE BONOMY : Non, je trouve ceci --

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'insiste pour vous apporter une réponse.

Page 34393

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Terzic, la question est très

2 simple. Il s'agit de savoir ce que Cosic a dit dans son dernier ouvrage.

3 Vous devez parler d'un fait. Cela n'a rien à voir avec votre opinion. C'est

4 une question factuelle. Pouvez-vous y répondre ou pas ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle question de fait ?

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est la question de savoir si

7 l'auteur prône la division comme étant la seule solution qu'on peut trouver

8 au problème du Kosovo.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas lu le livre entier. Je sais que

10 les médias ont reproduit cette position.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans votre réponse que vous venez de

12 dire, je ne sais pas. Merci.

13 M. NICE : [aucune interprétation]

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas que je ne sais pas. Je sais que

15 cette opinion ne m'est pas inconnue, parce que les médias l'on reproduite.

16 Je ne partage pas cette opinion, parce qu'aucun Etat souverain ne saurait

17 se désister d'une partie de son territoire. Pourquoi la Grande-Bretagne se

18 désisterait-elle d'une partie de son territoire à elle ? Je ne comprends

19 pas.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Est-ce que je peux interrompre le témoin pour passer à d'autre chose ?

22 J'ai encore une question concernant la partition.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On passe. On avance, on avance.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. M. Terzic, je ne veux pas vous poser la question que je voulais vous

Page 34394

1 poser vu la longueur de vos réponses. Cependant, je veux vous poser cette

2 question-ci --

3 LE TÉMOIN : Monsieur le Président --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez le temps à

5 M. Nice de poser la question.

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Ecoutez, écoutez attentivement.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'êtes pas censé interrompre.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux protester.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Monsieur Nice, posez votre

11 question.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Si en temps utile, écoutez, écoutez ma question. C'est une question

14 hypothétique que je suis autorisé à vous poser. Si en temps voulu, la

15 Chambre dispose de tout un corpus de preuves montrant que la partition

16 avait été envisagée par des personnalités de proue de la politique serbe

17 depuis 1968. La volonté des Serbes à diviser le Kosovo, comment cadre-t-

18 elle avec ce que dit certains dont l'accusé, à savoir que le Kosovo est à

19 ce point essentiel à la vie de la Serbie, qu'on ne saurait jamais s'en

20 débarrasser.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vais pas permettre cette

22 question, parce que c'est d'abord une question très difficile.

23 M. NICE : [interprétation] Je pense que la proposition n'était pas

24 difficile à comprendre. Enfin, je vais peut-être y revenir de façon

25 différente si vous me le permettez un peu plus tard. Maintenant, je ne vais

Page 34395

1 pas parler de la lettre de Tito ni du livre bleu que l'on trouve à la page

2 42, même si ce sont des points importants que nous évoquerons avec d'autres

3 témoins. La référence au livre bleu est à la page 45. Nous arrivons

4 maintenant à un autre événement dont nous avez parlé.

5 Q. Ce sont les manifestations des Albanais en 1981. Cependant, ce que vous

6 n'avez pas dit aux Juges, Monsieur Terzic, c'est les cancrelats. Pourriez-

7 vous expliquer aux Juges l'importance des cancrelats dans les

8 manifestations de 1981.

9 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela. Je sais ce que

10 c'est qu'un cancrelat, mais dans ce contexte, c'est la première fois que

11 j'en entends parler.

12 Q. Fort bien.

13 R. Je voudrais que l'on m'explique cette question.

14 Q. Est-ce que vous dites ignorer absolument les documents qui montrent que

15 les toutes premières manifestations à l'université, c'était apparemment la

16 manifestation des étudiants, parce que la nourriture était vraiment très

17 médiocre, et qu'apparemment, il y avait des cancrelats, des cafards dans la

18 soupe qu'on servait aux étudiants.

19 R. Je dois admettre que j'entends pour la première fois parler de ces

20 cafards ou cancrelats. Je sais que pour prétexter le lancement de ces

21 manifestations, il a été question de la qualité de la nourriture. Mais si

22 on se penche vers le contexte entier des événements, il s'avère avec clarté

23 que des organisations clandestines ont préparé des manifestations, et que

24 cela avait servi de prétexte. Je reconnais que c'est la première fois que

25 j'entends parler de cancrelats ou de cafards. Je sais que la qualité de la

Page 34396

1 nourriture avait servi de prétexte pour les manifestations.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu. Vous avez

3 répondu, et votre réponse était suffisante.

4 Monsieur Nice, poursuivez.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Connaissez-vous tous les documents qui laissent entendre que les

7 manifestations qui ont succédé à la première protestation des étudiants, a

8 peut-être trouvé sa cause, son origine dans ce que disait les services

9 secret de Serbie ou d'autres instances du pouvoir, qui vouaient ainsi

10 engendrer une violence qui permettrait une réaction des Serbes ?

11 Connaissez-vous les documents qui en parlent ? Car c'est un sujet que vous

12 ignorez complètement dans votre rapport.

13 R. Je l'entends pour la première fois de votre bouche. Je pense que c'est

14 des spéculations, pur et simple. Parce que si on se penche sur le contexte

15 historique entier, on voit que les manifestations de 1971, de 1968 ainsi

16 que les organisations clandestines qui sont créées au fil de toutes les

17 années qui ont précédé, ont traité de cela, ont traité de l'insurrection et

18 des manifestations. Affirmer que ce sont les services secrets serbes qui

19 ont orchestré les manifestations, je crois que cela manque du sérieux.

20 Q. Jamais vous n'avez lu l'ouvrage de Julie Mertus sur la création ou la

21 façon dont des mythes ont déclenché la guerre au Kosovo ? Vous n'avez

22 jamais examiné ce document, là où on trouve des interviews d'étudiants ?

23 R. J'ai vu ce livre. Je pense que c'est un livre tout à fait inobjectif et

24 partial.

25 Q. Vous voyez, c'est là que bât blesse. Je dois vous le dire. Il y a tout

Page 34397

1 un corpus de documents qui présentent de façon diverse l'origine des

2 manifestations estudiantine de 1968 [comme interprété]. Apparemment, on les

3 aurait incité pour permettre une réaction des Serbes. Or, vous dans votre

4 rapport d'expert, vous n'en parlez pas du tout.

5 R. Je suis stupéfait par ce type de manque de sérieux dans

6 l'interprétation de ce qui s'est passé. Parce que le contexte historique

7 tout entier nous dit tout à fait le contraire. Ceci est une thèse inventée

8 de toutes pièces qui n'est étayée par aucune preuve.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, permettez-moi de

10 vous demander ceci : si c'est inventé de toutes pièces, est-ce que ceci

11 n'aurait pas mérité un commentaire de votre part dans votre rapport sur ce

12 moment de l'histoire, même si vous rejetiez ce qui s'était relaté comme

13 étant partial. Pourquoi ne pas en avoir parlé dans votre rapport ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les sciences de

15 l'histoire sont tout à fait autre chose qu'un procès en justice. J'ai tenu

16 compte de dizaines et de centaines de sources historiques importantes qui

17 expliquent le processus. Cette source-là, ou plutôt cette affirmation, je

18 ne l'ai pas estimée comme étant pertinente, puisque cela était tout à fait

19 contraire à des centaines de sources qui sont elles, de premier ordre.

20 C'est la raison pour laquelle j'estimais cette source-là comme étant

21 d'importance moindre, parce que cela n'a pas apporté une explication des

22 événements en tant que tels.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai entendu.

24 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas le temps, mais j'ai des chapitres à

25 votre disposition, des chapitres de cet ouvrage. J'ai aussi les extraits

Page 34398

1 pertinents de l'ouvrage de M. Cosic. J'ai également des documents attestant

2 de la volonté de M. Cosic d'assurer la partition.

3 Q. Prenons une dernière référence du rapport de M. Budding [comme

4 interprété].

5 R. Je vous en prie, je vous en prie.

6 Q. Page 50 en version anglaise --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Terzic. Je ne vais pas

8 autoriser --

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne vous autorise pas. Nous

11 avons besoin de poursuivre le contre-interrogatoire.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non. Ce n'est pas normal.

14 Les témoins ne sont pas là pour poser des questions. C'est l'inverse qui se

15 produit.

16 Page 50 ?

17 M. NICE : [interprétation] Page 50.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais le question se pose à savoir où Dobrica

19 Cosic a évoqué la partition --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous coupe votre micro, parce que

21 je vous ai déjà autorisé à présenter les explications que vous souhaitiez

22 présenter. Vous l'avez fait maintenant. Il faut que nous poursuivions le

23 contre-interrogatoire.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais la question se pose où Dobrica Cosic a

25 évoqué la partition microcoupée.

Page 34399

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous coupe votre micro, parce que

2 je vous ai déjà autorisé à présenter les explications que vous souhaitiez

3 présenter. Vous l'avez fait. Maintenant, il faut que nous poursuivions le

4 contre-interrogatoire.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Monsieur Terzic, auriez-vous l'amabilité de vous rendre en page 50 de

7 la version anglaise, page 37 de la version B/C/S du texte. Nous trouvons

8 une référence que je vous lis. Je cite : "Le climat qui régnait après les

9 manifestations de 1981, s'est avéré tout aussi hostile à un débat raisonné.

10 Au début des années 1980 --"

11 R. Excusez-moi, je ne trouve pas le passage. Je l'ai trouvé. Tout va bien.

12 Q. "Dans la moitié de la décennie des années 1980, ils ont poussé les

13 limites de l'action réalisable d'un système de parti unique, à l'aide de

14 pétitions de masses et de manifestations au parlement de la Serbie ainsi

15 qu'au parlement fédéral. La direction serbe a réagi avec hostilité. Mais de

16 nombreux intellectuels de haut rang ont repris les griefs des Serbes du

17 Kosovo. Aux yeux de nombreux Serbes à Belgrade et ailleurs, c'est devenu un

18 véritable credo que d'affirmer que leurs concitoyens étaient chassés de

19 leurs domiciles au Kosovo, dans le cadre d'une campagne délibérée de

20 terreur de la part des Albanais kosovars déterminés à créer un Kosovo

21 'ethniquement pur'.

22 "Cette position a été mise noir sur blanc dans une pétition."

23 Alors, cette pétition, c'est l'un des documents non traduit que vous avez

24 fourni dans vos classeurs, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, mais il y a une erreur ici, car je lis 1968 alors que nous

Page 34400

1 devrions lire 1986.

2 Q. Très bien. Je pense que dans la version anglaise, on lit 1986, mais

3 enfin.

4 Votre pétition, je ne vais pas rentrer dans les détails. Vous l'avez

5 signée, n'est-ce pas ? En tout cas, elle utilisait le mot "génocide", qui

6 était une allégation présentée dans cette pétition, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, c'est exact. Le mot "génocide" y est utilisé.

8 Q. Si nous allons maintenant au page 51 de la version anglaise. Je n'ai

9 pas le temps d'entrer dans les détails, mais en tout cas, dans ce

10 paragraphe, Mme Budding dit ce qui suit, je cite : "La pétition est

11 longuement citée, car elle est représentative --"

12 R. Excusez-moi. Quelle page ?

13 R. Quelques pages plus loin. Le paragraphe commence par les mots suivants

14 : "Cette pétition est longuement citée, car elle est représentative de la

15 conviction des Serbes dans la moitié des années 1980, quant aux raisons de

16 l'émigration slave hors du Kosovo. Il y avait des griefs qui résumaient la

17 réponse serbe à la crise yougoslave dans un schéma national. Il est par

18 conséquent important de bien se rendre compte à quel point tout cela était

19 enraciné dans la réalité." Un peu plus loin, Mme Budding déclare ce qui

20 suit, je cite : "Traiter complètement le sujet, exigerait de rédiger une

21 monographie, et exigerait la présence des données beaucoup plus empiriques

22 que celles qui ont été recueillies."

23 Est-vous d'accord avec elle lorsqu'elle dit qu'il n'existait pas

24 suffisamment de données empiriques à l'époque de la préparation de son

25 rapport pour se prononcer dans un sens ou dans l'autre quant aux faits qui

Page 34401

1 sous-tendent votre pétition ?

2 R. Non, je ne suis absolument pas d'accord. Il est dommage que Mme Budding

3 ne soit pas informée. Il y avait des milliers et des milliers de documents

4 qui fondent ces affirmations. Des milliers et des milliers, également des

5 enregistrements vidéo, des enregistrements audio, des correspondances. J'ai

6 mis l'accent sur des milliers de lettres provenant de l'évêque Pavle. Il y

7 a de très nombreux documents qui permettent de fonder ces affirmations. Il

8 s'agit ici de souffrances phénoménales de la part de ces populations, et la

9 chose est tout à fait claire.¸

10 Pour moi, il est difficile de comprendre pourquoi l'Europe a gardé le

11 silence face au nettoyage ethnique d'une population par une autre en plein

12 centre de l'Europe car, dans d'autres parties de l'Europe, nous aurions vu

13 des réactions si de telles choses s'étaient produites. Ceci se passait dans

14 notre propre maison, et l'Europe est restée silencieuse.

15 Q. Bien. Les événements importants et les questions en suspend, entre vous

16 et Mme Budding, sont bien compris par chacun ici ainsi que par les Juges de

17 la Chambre et ceux-ci pourront consulter les notes en bas de page pour plus

18 de détails.

19 J'aimerais maintenant passer à quelque chose de tout à fait différent. Vous

20 avez eu l'occasion, ces derniers jours, de lire en B/C/S un document établi

21 par le Groupe de crise international sur le panalbanisme. Je suppose que

22 les Juges ont également lu ce document.

23 Je ne sais pas si c'est certain d'ailleurs. Vous savez, n'est-ce pas,

24 que Miranda Vickers est la première personne qui compte au nombre des

25 chercheurs responsables de ce document. Je crois que vous avez mentionné

Page 34402

1 son nom comme étant une collègue à vous, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Oui, mais le nom de Miranda Vickers ne figure pas dans le document que

4 j'ai sous les yeux.

5 Q. Vous savez qu'elle a travaillé pour le Groupe de crise international et

6 qu'elle est le principal auteur de ce document, en tout cas, le chercheur

7 numéro 1.

8 R. Non, je ne suis pas au courant de cela, et d'ailleurs, tout ce document

9 ressemble fort à un fantôme parce qu'on ne voit pas un seul nom de

10 personnes humaines mentionné comme ayant procédé aux recherches préalables

11 à la rédaction de cet ouvrage. La seule chose que je lis ici : ce Groupe de

12 crise international et ce Groupe aurait parlé à un journaliste

13 international. Le Groupe de crise international parle à telle et telle

14 personne, mais le prénom et le nom de famille d'aucun individu ne figure

15 ici, on ne dit non plus où cet entretien a eu lieu. Je suppose que c'est M.

16 Wesley Clark qui est peut-être venu s'adresser à certaines personnes. Ce

17 document en tout cas ne signale aucun nom comme étant l'auteur de ce

18 document.

19 Q. Bien sûr, vous pouvez aller sur le site Internet et vous y trouverez

20 les détails au sujet de l'association qui est créée en bonne et due forme.

21 Je vous demanderais maintenant de regarder le résumé, le rappel des

22 différentes questions abordées dans le document. J'aurais peut-être le

23 temps de citer un passage --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. J'aurais juste une demande à

25 faire suite à la question de M. Nice. J'ai un document sur moi dont

Page 34403

1 j'aimerais demander la photocopie et la distribution aux Juges de la

2 Chambre. Ceci est-il possible ? Le document que j'ai sur moi a un rapport

3 direct avec le document dont nous sommes en train de parler.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un rapport direct. Entendons la

5 question de M. Nice --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, un rapport direct avec ce document du

7 Groupe de crise international.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons d'abord la question que M.

9 Nice a à vous poser au sujet de ce document.

10 M. NICE : [interprétation] Je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir

11 placer la version anglaise du texte sur le rétroprojecteur. Je vous demande

12 la première page de texte. Merci.

13 Q. Colonne de gauche, deuxième paragraphe, je cite : "Il est intéressant

14 de constater que l'UCK et l'ALN ont commencé à jouir d'un appui populaire

15 au Kosovo et en Macédoine respectivement, précisément au moment où ils se

16 sont écartés de leur objectif nationaliste panalbanais initiaux pour se

17 concentrer sur d'autres droits revendiqués pour leur peuple. L'Armée

18 nationale albanaise, ANA, qui préconisait ouvertement la Grande Albanie,

19 n'a jamais réussi à obtenir une crédibilité populaire."

20 Paragraphe suivant : "Depuis l'accession au multipartisme politique, la

21 misère --"

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Conflit politique interne.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Pardonnez-moi : "-- et un conflit politique interne ont éclipsé toute

25 aspiration à l'extension des frontières de l'Etat. L'Albanie s'intéresse

Page 34404

1 davantage à développer des liens culturels et économiques avec le Kosovo

2 tout en restant un Etat distinct; et les gouvernements qui se sont succédés

3 au pouvoir en Albanie ont opté pour un partenariat stratégique avec la

4 Macédoine."

5 Ensuite page suivante, je cite :

6 "A long terme, le nationalisme albanais sera modéré par une application

7 pleine et entière d'accords établis au niveau international et par le

8 respect de la place qu'occupe les Albanais en Macédoine, en Serbie et dans

9 la société monténégrine, de même que grâce à des pressions durables sur les

10 extrémistes albanais et les responsables politiques albanais qui font appel

11 à eux." Je saute la phrase suivante. Je passe à la phrase ultérieure. Je

12 cite : "La décentralisation en Macédoine et le fait d'accorder une

13 indépendance conditionnelle au Kosovo, en retour des assurances que toutes

14 les entités albanaises dans les Balkans respecteront les frontières

15 actuelles de l'Europe du sud-est, pourraient également contribuer à

16 stabiliser la situation."

17 Voilà, c'est une partie de la synthèse faite dans ce document. C'est tout à

18 fait contraire à la position extrême que vous avez présentée dans

19 l'interrogatoire principal. Le panalbanisme est une position minoritaire,

20 n'est-ce pas, et pas majoritaire.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tout le regret que je dois exprimer, je

22 me vois contraint de déclarer devant la Chambre, en réponse à la question

23 de M. Nice, que la présentation de ce document est à mes yeux une

24 provocation. Ce document traite de l'établissement de la Grande Albanie.

25 C'est en fait le programme de la Grande Albanie qui est l'autre expression

Page 34405

1 pour panalbanisme. Les historiens et les linguistes pourront vous dire ce

2 que signifient les mots panalbanisme et Grande Albanie. Nous pouvons

3 examiner un autre document, le document du Forum national pour

4 l'unification albanaise qui

5 stipule --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, je vous demanderais

7 de bien vouloir répondre à la question qui vous a été posée par M. Nice, je

8 la cite : le panalbanisme est une position minoritaire, n'est-ce pas, et

9 non majoritaire ? Pouvez-vous rapidement répondre à cette question ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en reste totalement à ma position qui

11 consiste à affirmer que le panalbanisme est une expression synonyme de

12 Grande Albanie. Cela c'est ma première réponse. La deuxième de mes réponses

13 concerne l'indépendance du Kosovo, ou la question de l'autonomie du Kosovo

14 et Metohija qui a été résolue par la résolution 1244. Un représentant de ce

15 Tribunal, tel que M. Nice, n'a pas le droit de modifier la teneur de la

16 résolution 1244.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, la question précise

18 qui vous a été posée consistait à vous demander si le panalbanisme était

19 une position minoritaire et non majoritaire, n'est-ce pas ? Telle était la

20 question précise qui vous a été posée. Pouvez-vous lui répondre par une

21 réponse précise ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma position consiste à dire que le

23 panalbanisme est massivement soutenu par la population albanaise en Albanie

24 et qu'il s'agit de la projection de la Grande Albanie qui menace de façon

25 tout à fait gravissime la stabilité dans les Balkans.

Page 34406

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est votre réponse.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous avez écouté les réponses fournies, lorsqu'ils étaient

4 témoins devant ce Tribunal, par les témoins Rugova, Bakalli ou autres, les

5 avez-vous écoutés ?

6 R. En partie seulement, les réponses de M. Bakalli et de M. Rugova.

7 Q. Vous admettrez que dans leurs réponses, ils traitent de façon très

8 spécifique les différentes options existantes, et expriment ce qu'ils

9 souhaitent. Vous admettrez que la partie de leurs dépositions que vous avez

10 entendues est contraire au texte que vous avez défendu ici vous-même,

11 n'est-ce pas ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, le témoin vient de

13 dire qu'il n'a écouté que partiellement les dépositions de ces personnes.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Je demanderais que nous nous penchions sur deux autres passages encore

16 du rapport. Note en bas de page 70, en page 17 de la version anglaise. Il

17 s'agit de la note en bas de page numéro 70, Monsieur Terzic.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Terzic.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une question à poser. C'est une question

20 que je vous pose. J'ai ici un CD qui montre les images d'incendies

21 d'églises serbes au Kosovo et Metohija, et qui date du 17 mars de cette

22 année. Est-ce que dans le cadre des réponses que je fais aux questions de

23 M. Nice, je pourrais demander la diffusion de ce CD ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est censé répondre à quelle

25 question ?

Page 34407

1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, nous n'autorisons

3 pas la diffusion de ce CD, car il n'est pas pertinent par rapport à la

4 période dont nous sommes en train de parler.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Note en bas de page numéro 70 --

7 R. Non, Non.

8 Q. Je vous en prie. Note en bas de page 70. Aleksandar Rankovic --

9 R. Dans quel document ? Dans celui-ci ?

10 Q. Dans le document du Groupe de crise international, page 17 note en bas

11 de page 70, bas de la page. Je cite :

12 "Aleksandar Rankovic était vice-président de la Yougoslavie et considéré

13 par certains comme l'héritier de Tito. Il dirigeait la police connue comme

14 UDBA, et a été la cause d'exactions graves contre la population albanaise.

15 Sous le prétexte de réprimer l'irrédentisme albanais, l'UDBA a fait

16 pression sur les Albanais pour qu'ils émigrent. De 1954 à 1957, quelques

17 195 000 Albanais ont quitté la Yougoslavie, et au moment où Rankovic a

18 démissioné, ce chiffre avait atteint 235 000."

19 Nous devrons découvrir plus tard si votre collègue,

20 Mme Vickers, a participé à la préparation de cet ouvrage. Admettez-vous

21 l'exactitude de cette note en bas de page ?

22 R. Les éléments que l'on trouve dans cette note en bas de page ne sont pas

23 exacts. Je présente le document 36 de mon classeur, page 417, pour

24 m'opposer à ce qui est dit dans cette note en bas de page. Nous voyons que

25 le président Tito ainsi que tous les dirigeants de la Yougoslavie et de la

Page 34408

1 Serbie sont informés par l'orateur que je cite : "De 1953 à 1960,

2 précisément la période évoquée dans votre question, 600 Albanais seulement

3 sont partis en Turquie." Document 36, de mes documents, page 417. La note

4 en bas de page dont vous venez de parler ne s'appuie sur aucune source.

5 C'est un élément arbitraire.

6 Q. Ma dernière question sur ce document que vous avez pu lire, c'est la

7 suivante : compte tenu de la position très prononcée sinon extrême que vous

8 avez présentée dans votre déposition, est-ce que vous n'admettez pas que ce

9 document récent est un document que vous auriez dû examiner avant de venir

10 témoigner ici ?

11 R. Je ne considérais pas que ce document était un document valable et

12 objectif pour appuyer une présentation objective au sujet de la situation

13 et des événements au Kosovo et Metohija. Pour ce qui me concerne, ce

14 document est le programme d'action de la Grande Albanie. C'est le programme

15 d'action favorable à l'indépendance du Kosovo. C'est une position

16 extrêmement politique présentée par un groupe qui a certains rapports

17 internationaux, et pour moi, ce n'est pas une source historique valable ou

18 pertinente. C'est une opinion politique qui est contraire à la Résolution

19 1244. J'estime que c'est une façon de s'opposer aux efforts de la

20 communauté internationale d'atteindre un haut degré d'autonomie au Kosovo

21 et Metohija au lieu de l'indépendance à la teneur de la résolution qui

22 risque de conduire à une crise très grave dans le sud-est de l'Europe.

23 J'estime que ce document est très dangereux.

24 Q. Puisque vous cherchez à présenter ce groupe comme un groupe partial et

25 qui ne serait pas un groupe objectif, je vous demande

Page 34409

1 de -- et laissez-moi finir Monsieur Terzic, mais je vous demande

2 d'expliquer quelle est, à votre avis, la partialité que l'on trouve dans ce

3 document ? En effet, est-ce qu'il s'agirait d'une espèce de conspiration

4 américaine, ou d'une conspiration albanaise ? Nous voyons les représentants

5 d'un certain nombre de pays qui ont participé à la rédaction de ce rapport.

6 Dites-nous où se trouve le manque d'objectivité dans ce document ?

7 R. Si le Président de la Chambre m'y autorise, je le ferai avec plaisir.

8 Au sein de ce Groupe de crise, on trouve Wesley Clark, qui était commandant

9 pendant l'agression sur la Yougoslavie par l'OTAN. On trouve également un

10 conseiller des terroristes albanais aux négociations de Rambouillet. Il y a

11 également d'autres personnalités qui n'ont pas fait preuve d'une très

12 grande objectivité dans leur rapport à ces événements.

13 Je vais vous citer deux positions que l'on trouve exprimées dans ce

14 document qui montrent exactement quelle est la nature de ce document.

15 D'abord page 1, je cite : "Un Kosovo indépendant est tout à fait différent

16 de la Grande Albanie. Le plan établit par la communauté internationale

17 consiste à voir comment traiter ce processus définitif du Kosovo sans

18 déstabiliser les pays limitrophes au cours du processus."

19 Deuxièmement, en page 2. Je cite : "Cependant, pour autant que les Albanais

20 soient concernés, ce territoire, il est question du Kosovo, de la

21 Macédoine, de la Grèce, pour les Albanais ces territoires ne sont pas

22 distincts. Ils font tous partie de l'Albanie. Ils constituent tous

23 l'Albanie même s'ils sont divisés en plusieurs unités politiques

24 différentes, avec des frontières qui datent de 1913, 1921, et plus tard

25 avec les nouvelles frontières issues du démantèlement de la Yougoslavie."

Page 34410

1 Je considère que ce texte est écrit par des forces politiques qui

2 souhaitent obtenir l'indépendance du Kosovo et qui vont à l'encontre de la

3 Résolution 1244, qui veulent également se saisir d'une partie du territoire

4 de la Serbie. J'estime que ceci est tout à fait contre-productif, je pense

5 que c'est un document très dangereux qui remet en cause la stabilité de

6 tout le sud-est de l'Europe.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur. J'aimerais tout de

9 même pouvoir dire deux mots. Ce document ne mentionne une seule fois --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous en avez dit suffisamment.

11 Monsieur Nice, je vous prie.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas un mot n'est dit des Serbes et du

13 nettoyage ethnique.

14 M. NICE : [interprétation]

15 Q. Votre rapport, Monsieur Terzic, ainsi que votre déposition, ont pour

16 but de défendre la même position que l'accusé, et n'ont rien d'une

17 présentation objective ou historique de la réalité actuelle. Voilà ce que

18 je vous affirme. Vous avez démontré cela dans chacune des réponses que vous

19 avez faites. Vous comprendrez que vous n'êtes pas venu ici pour défendre

20 une cause, mais pour témoigner.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'appartient pas à M. Nice de tirer des

24 conclusions ou de prononcer un quelconque jugement au sujet de la

25 déposition de la témoin expert. Ce n'est pas son travail, et d'ailleurs, il

Page 34411

1 n'est pas qualifié pour ce faire.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Il s'agissait simplement d'une

3 question tout à fait habituelle que l'on trouve très souvent à la fin des

4 contre-interrogatoires de M. Nice. Le témoin va très certainement répondre

5 par la négative, et c'est à nous qu'il appartiendra de nous prononcer en

6 dernière analyse.

7 Que répondez-vous à la question qui vient de vous être posée par M. Nice,

8 Monsieur Terzic ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je considère que la question posée par M. Nice

10 est malveillante, qu'elle est malséante. Je me suis efforcé sur la base de

11 toutes les sources existantes, des sources étrangères à mon pays,

12 britanniques, françaises, américaines dans leur majorité, de démontrer les

13 processus en cours sur le territoire du Kosovo et Metohija. Grâce à cette

14 présentation, je souhaitais contribuer à faire éclater la lumière au sujet

15 du sort vécu par ces populations. J'ai essayé d'être le plus objectif

16 possible, et de m'exprimer sans colère ou sans rage. Sine ire, comme on dit

17 en latin.

18 M. NICE : [interprétation]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Pouvez-vous nous confirmer à quel moment vous avez été nommé au poste

22 que vous occupez au sein de l'institut historique où vous travaillez ? Vous

23 avez un doctorat, n'est-ce pas ? Vous l'aviez à l'époque. Vous n'aviez

24 publié qu'un seul ouvrage; c'est bien cela ?

25 R. Quand j'ai reçu mon travail à l'institut historique, j'étais très

Page 34412

1 jeune. J'avais quoi, j'avais 25 ans à l'époque.

2 Q. Vous avez été aidé à obtenir ce travail par des personnalités

3 influentes, n'est-ce pas, des gens comme Ekmecic ?

4 R. Le Pr Ekmecic résidait à Sarajevo à l'époque, et je ne le connaissais

5 pas du tout.

6 Q. Fort bien. Est-il exact que vous --

7 R. Excusez-moi d'interrompre, mais je dois dire que Radovan Samardzic,

8 membre de l'académie, m'a aidé. Je l'en remercie d'ailleurs. Quant au Pr

9 Ekmecic, il était professeur à l'Université de Sarajevo, et je n'avais

10 aucun rapport avec lui. Je regrette de constater que vous êtes mal informé.

11 Q. Avez-vous également contribué à la publication de la généalogie de

12 Vojislav Seselj, même si cette œuvre ne figure pas dans votre

13 bibliographie ?

14 R. Non, ceci n'est pas exact. Ceci est une intrigue. Je peux vous

15 l'expliquer, d'ailleurs, si cela s'avère nécessaire. L'assemblée nationale

16 de la République de Serbie, sur la proposition du groupe parlementaire de

17 M. Vuk Draskovic qui, aujourd'hui, est ministre des Affaires étrangères, a

18 demandé que l'on examine, que l'on vérifie, les origines nationales de M.

19 Seselj. Ceci était absurde. Le parlement s'est adressé à l'Institut des

20 sciences de l'histoire, dont j'étais le directeur à l'époque, et a demandé

21 à ce que l'institut donne son avis. Nous avons dit ne pas souhaiter

22 participer à ce travail destiné à établir l'origine ethnique d'une personne

23 déterminée. Vojislav Seselj n'était même pas mentionné nommément. Nous

24 avons simplement dit qu'il existait des documents au sujet des origines du

25 clan Seselj, qu'on pouvait remonter à certaines dates dans le passé.

Page 34413

1 Je regrette de voir que vous êtes mal informé. Il serait bon que vous

2 disposiez d'une information plus complète, que je peux vous fournir

3 d'ailleurs pour compléter ma réponse.

4 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le

5 temps qu'a pris le témoin pour répondre aux questions relativement simples

6 que je lui ai posées et aux questions concernant le rapport de Mme Budding,

7 m'empêche de présenter tous les documents que j'aurais souhaiter lui

8 soumettre.

9 Je demanderais que le rapport sur le panalbanisme soit versé au dossier,

10 car il présente des positions contraires à celles du témoin dans son

11 rapport d'expert. Nous avons entendu les réponses du témoin. Il nous a dit

12 pourquoi il a estimé que ce document était inacceptable.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il sera admis au dossier.

14 M. LE GREFFIER : Ce sera --

15 M. NICE : [interprétation] J'aurais aimé demander au témoin de traiter en

16 détail d'un ouvrage relatif aux mythes et aux vérités au Kosovo, qui ont

17 été à l'origine de la guerre. Il y est question des manifestations de 1981.

18 Certains étudiants sont interviewés dans les conditions de l'époque. C'est

19 une matière première de grande valeur avec des notes en bas de page, et

20 cetera. Je ne sais pas si la Chambre souhaite que ce document devienne

21 pièce à conviction, mais j'espère que les Juges liront ce document, car il

22 présente également une position contraire à celle du témoin.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Non accepté.

24 M. NICE : [interprétation] Seuls autre points qui peuvent être d'une

25 quelconque valeur pour les Juges, qui pourront d'ailleurs être repris par

Page 34414

1 la bouche d'autres témoins, il s'agit d'avis au sujet du mémorandum de 1944

2 par Cubrilovic et des positions de Dobrica Cosic au sujet de la partition.

3 La position du témoin à ce sujet est contraire à des documents dont je

4 dispose. Mais encore une fois, faute de temps, je n'ai pas pu les

5 présenter.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous les avez, ils devraient être

7 mis à notre disposition.

8 M. NICE : [interprétation] Fort bien, merci. Je le ferai.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, vous avez la

10 parole.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais que la déclaration du Front

12 albanais des Musulmans de Bosnie soit adoptée en tant que pièce à

13 conviction. Ce sont des opinions qui sont exprimées dans ce document, qui

14 sont favorables à l'indépendance par rapport à l'Albanie, donc une position

15 contraire à celle du Groupe de crise international. J'aimerais demander le

16 versement au dossier de ce document.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, le premier document

19 dont vous avez parlé pour en demander le versement au dossier, est une

20 réponse au document que M. Nice vient de verser lui-même au dossier, n'est-

21 ce pas ? Je me demande quel en est le titre, qui en est l'auteur ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous le montrer sur le

23 rétroprojecteur. Ce document est un mémorandum du Front unitaire national

24 albanais. Il date du 11 avril 2004. C'est une réponse directe à la

25 déclaration faite par le Groupe de crise international. Vous voyez, il est

Page 34415

1 tiré -- il est issu du site Internet de ce Front national albanais pour

2 l'unification. Je peux vous en soumettre plusieurs photocopies.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, très bien. Nous en acceptons le

4 versement au dossier.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La cote suivante, s'il vous plaît.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. NICE : [interprétation] Peut-être pourrait-on nous donner quelques

10 éclaircissements au sujet de l'identité de ce Front national albanais pour

11 l'unification. Cela nous aiderait.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, pouvez nous dire ce

13 qu'est ce Front national albanais pour l'unification ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une organisation politique très

15 sérieuse; des Albanais qui oeuvrent à l'unification de tous les Albanais et

16 à la création d'une entité unifiée, donc après la Grande Albanie, à

17 l'intérieur des frontières envisagées par ce groupe.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous acceptons le

19 versement au dossier de ce document.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D260, ce

21 mémorandum.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Normalement, c'est l'accusé qui est

23 censé demander le versement au dossier des pièces à conviction.

24 Exceptionnellement, nous en acceptons le versement au dossier.

25 Monsieur Milosevic, vous avez des questions supplémentaires ?

Page 34416

1 C'est l'heure de la pause, c'est l'heure de la pause. Nous avons

2 dépassé l'heure d'ailleurs. 20 minutes de suspension.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

4 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que M. Milosevic n'entame

6 l'interrogatoire supplémentaire, la greffière d'audience aimerait redonner

7 la cote de la pièce de l'Accusation.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le pièce 801. Ceci concerne le

9 rapport du 25 février 2004.

10 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Les documents concernant

11 l'opinion de M. Cosic pourrait être dans ce dossier. Vous l'avez dit. J'ai

12 les documents. Je dois préciser de quoi il s'agit.

13 Il y a en tout trois documents. Le premier vient du "Christian

14 Science Monitor," 17 mai 1999. Deuxième document, c'est une étude de

15 d'Europe centrale, du 28 juin 1999, qui présente la vie qu'avait auparavant

16 M. Cosic, pour ce qui est de la partition du Kosovo. Troisième document,

17 c'est un extrait de son ouvrage le plus récent qui existe déjà. Du moins,

18 ici en ce Tribunal, en anglais et en serbe.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le troisième document sera déclaré

21 recevable.

22 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce qu'on peut donner une

23 cote à ce document que je vais remettre ?

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 802.

25 M. NICE : [interprétation] Merci.

Page 34417

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne sais pas si vous pensez que

2 nous avons oublié vos pièces, ce n'est pas le cas. Nous allons en parler à

3 la fin des questions supplémentaires que vous allez poser. En fait, 51

4 documents sont concernés.

5 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

6 Q. [interprétation] Monsieur Terzic, à la différence de

7 M. Nice, je dois économiser mon temps à l'extrême, et je vais juste vous

8 poser quelques questions complémentaires. Je vous demande d'être très bref

9 dans vos réponses.

10 M. Nice a commencé son contre-interrogatoire en vous demandant ce que vous

11 aviez écrit de positif dans votre rapport au sujet des Albanais. Ma

12 première question est la suivante : est-ce que votre étude, votre rapport,

13 ainsi que les autres rapports couvrant le domaine dont a traité votre

14 rapport font ou ne font pas la différence entre la communauté albanaise et

15 les extrémistes terroristes albanais, les formations terroristes nazies de

16 la fin de la guerre, et néo-nazies actuellement. Est-ce qu'on fait la

17 différence entre les ressortissants de cette communauté albanaise et les

18 nationalistes, terroristes, extrémistes, Albanais, dont on a parlé ?

19 R. Je serai bref. Depuis le début jusqu'à la fin, j'ai fait la distinction

20 entre la minorité nationale albanaise en Serbie et en Yougoslavie et ces

21 groupes illégaux, terroristes et nationalistes, qui se battaient contre la

22 Yougoslavie et la Serbie. J'ai fait la différence à plusieurs endroits et

23 j'ai souligné que des Albanais également avaient été les victimes de ces

24 groupes-là. C'est ce qui est dit dans mon rapport. Je n'ai pas fait de

25 distinction entre Serbes et Albanais. J'ai fait la distinction entre les

Page 34418

1 Albanais qui reconnaissaient les lois de leur Etat, et ceux qui ne le

2 faisaient pas.

3 Q. Merci. Votre rapport est intitulé, Kosovo et Metohija au XXe siècle,

4 Coordonnées politiques, idéologiques, démographiques et ce, affairant à

5 civilisation pour ce qui est du nettoyage des Serbes dans les régions sud

6 de la Serbie. Cela incorpore ces coordonnées relatives au nettoyage

7 ethnique.

8 En votre qualité d'historien, pouvez-vous retrouver des éléments positifs

9 que vous seriez à même de nous fournir ici en guise d'attribut pour ce qui

10 est du comportement de ces organisations nationalistes, terroristes, et

11 nazies et au cas où vous auriez omis de le placer ?

12 R. J'ai parlé ici de l'histoire du Kosovo et Metohija dans le XXe siècle.

13 L'une des déterminantes principales, à mon avis, avait été le problème du

14 nettoyage ethnique des Serbes du Kosovo et Metohija. J'ai estimé que cela

15 était le problème, non seulement de la société serbe et yougoslave, j'ai

16 parlé de problème de la culture et la civilisation européenne. Parce que

17 si, dans un coin quelconque de l'Europe un peuple, pour son appartenance

18 ethnique ou religieuse est ethniquement nettoyé, cela doit tirer la

19 sonnette d'alarme pour l'Europe entière. J'ai parlé de l'expulsion de

20 modèles différents, d'expulsion forcée des Serbes de leurs terres du Kosovo

21 et Metohija par des groupes terroristes albanais et des individus albanais.

22 C'est de cela que j'ai parlé.

23 Q. A en juger par votre réponse, l'objection formulée par la partie

24 adverse se trouve dénuée de fondement pour ce qui est d'une approche

25 subjective de votre part.

Page 34419

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il ne vous

2 revient pas d'apporter des commentaires. Ceci est hors de propos.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Terzic, est-ce qu'il serait difficile pour vous, je ne sais

6 pas si vous arrivez à vous débrouiller dans cette masse de pièces à

7 conviction, de trouver une pièce à conviction, un rapport anglais de 1900

8 que nous avons déjà eu l'occasion de voir.

9 Pouvez-vous le placer sur le rétroprojecteur, je vous prie ?

10 Cela se trouve en bas de page, si mes souvenirs sont bons, et cela se

11 trouve être surligné.

12 R. Il s'agit de la page de garde du livre. Si je me souviens bien, vous

13 parlez de celle que l'on a montrée, la page 89, non 88.

14 Q. Oui. Mettez cela sur le rétroprojecteur pour qu'on voie ce qui est dit

15 au juste dans ce document.

16 R. Vous voulez que je lise ?

17 Q. Mettez-le sur le rétroprojecteur pour que je puisse lire moi-même, et

18 relevez un peu la page. Vous avez couvert cela, relevez encore un peu la

19 page.

20 D'après ce que je vois ici, il est question de la Vieille Serbie et

21 de la frontière albanaise, il est dit : la Vieille Serbie est toujours un

22 secteur de troubles du fait de l'absence de lois et du fait des vendettas

23 et des antagonismes raciaux de la part des Albanais, de la haine raciale

24 des Albanais.

25 Ne pensez-vous pas que cette position se trouve être déséquilibrée

Page 34420

1 parce qu'on ne dit rien au sujet de la responsabilité des Serbes. Il est

2 question ici de haine raciale de la part des Albanais et de chauvinisme.

3 R. Dans mon rapport, à plusieurs endroits, j'ai cité l'auteur Brysford

4 dans son livre Macédoine, ainsi que d'autres auteurs, qui vers la fin du

5 XIXe siècle parlent de la haine raciale des Albanais à l'égard des Slaves.

6 Ce sont des auteurs étrangers. Il y a une documentation énorme qui en

7 témoigne, et je n'ai utilisé qu'une partie de ces documentations-là.

8 Q. Je me propose à présent, à ce sujet toujours, d'attirer votre attention

9 sur un texte présenté par M. Nice. Le texte rédigé par Audrey Budding. Je

10 n'ai bien sûr pas le temps de parcourir ce texte dans le détail, mais par

11 exemple, une citation que lui a tirée de la page 4 en version serbe.

12 Il a cité notamment le début de ce troisième paragraphe, en page 4, où il

13 est dit : "Du fait de ces conflits fréquents au Kosovo" - comme le dit Mme

14 Budding - "il y a eu des modifications de statut début XXe siècle, après

15 les guerres des Balkans, après l'Empire ottoman s'est passé sous le pouvoir

16 serbe. Les observateurs étrangers ont pris bonnes notes de bon nombre de

17 cruautés commises par les soldats serbes." C'est ce que dit Mme Budding. On

18 dit qu'il y a eu des tentatives systématiques de modifications de

19 l'équilibre démographique de la région pour insérer cela dans l'Etat serbe.

20 Première question au sujet de cette question, est-ce qu'il peut être

21 question d'inclure le Kosovo et Metohija à l'État serbe suite à ces guerres

22 balkaniques ?

23 R. Tout d'abord, il n'y aucun changement de statut, parce que le Kosovo

24 n'avait pas bénéficié d'un statut particulier au sein de l'Empire ottoman.

25 Cela c'est d'un. De deux : il est question de la libération de la Vieille

Page 34421

1 Serbie vis-à-vis de ce pouvoir ottoman et ceci de concert avec les autres

2 états balkaniques; le Monténégro, la Bulgarie et la Grèce. Cela a été la

3 première guerre balkanique où toute la péninsule balkanique a été libérée

4 de l'Empire ottoman. Il s'agit de la libération vis-à-vis de cette Empire

5 ottoman.

6 Q. Quand ces régions-là ont-elles été et pendant combien de temps, parties

7 intégrantes de l'Etat serbe, ces régions qui sont libérées de l'Empire

8 ottoman ?

9 R. Les Serbes sont arrivés là au VIe siècle et VIIe siècle. Ils font partie

10 de l'Etat serbe jusqu'à la fin du XIIe siècle. Cela fait partie de l'Etat

11 serbe jusqu'à la fin du XVe siècle. A partir du XVe siècle jusqu'à 1912,

12 cela s'est trouvé sous l'autorité ottomane, mais, toujours dans les sources

13 étrangères, ces régions sont présentées comme étant partie intégrante de la

14 Serbie, sous l'Empire ottoman.

15 Q. Je vais vous poser une autre question au sujet de la phrase que je vous

16 ai citée, à savoir : "Les observateurs contemporains au sujet des guerres

17 balkaniques ont enregistré un grand nombre de cruautés perpétrées par des

18 soldats serbes." Il y a un point ici. Après cette phrase, à savoir au début

19 de la phrase suivante, qui explique ce que j'ai cité tout à l'heure, il y a

20 une note de bas de page 21. A la note de bas de page 21, que vous avez en

21 page 3 de cette annexe où il y a justement la teneur des notes de bas de

22 page.

23 Il est dit : "La Commission internationale chargée

24 d'étudier --" Je me réfère à la note de bas de page 21, je précise : "Cette

25 Commission internationale, chargée d'Etudier la guerre balkanique et les

Page 34422

1 façons de procéder à l'occasion de ces guerres." Je me réfère au

2 "Washington Carnegie Endowment." Il faut passer tout cela dans le contexte

3 et dire que la commission n'a pas estimé que les cruautés aient été

4 commises seulement par des Serbes. Elle a fait part des cruautés commises

5 par les soldats bulgares et grecs. Le problème a été pris en considération

6 comme problème régional. On cite ensuite ce que dit le texte de la

7 fondation Carnegie et il dit : "Ces conflits armés ouverts ou dissimilés,

8 conçus ou remarqués de façon vague, ont toujours eu, pour objectif,

9 l'extermination de la population d'autrui."

10 Tout ce qui est dit dans cette note de bas de page, au sujet du texte de la

11 fondation Carnegie, permet-il de constater, dans le texte de Mme Budding,

12 de la perpétration de crimes de la part des soldats serbes à l'égard de la

13 population albanaise ou s'agit-il de crimes avec la participation de la

14 Bulgarie, de la Serbie, de la Grèce et des autres intervenants. Est-ce que

15 l'on peut se servir de ce dispositif scientifique et qualifier cela de

16 constatation correcte, formulée par votre collègue, Mme Audrey Budding ?

17 R. La fondation Carnegie présente ce problème comme étant un problème

18 régional. Il s'agissait d'une grande guerre entre tous les chrétiens des

19 Balkans et l'Empire ottoman, guerre qui a permis de libérer l'Europe, une

20 bonne fois pour toutes, de cette Empire ottoman. Dans toutes guerres, il y

21 a des crimes. Il y a eu des crimes commis de tous les côtés. Les Albanais,

22 dans cette guerre, ont pris part dans les troupes, régulières et

23 irrégulières, des Turcs. Les crimes ont été commis par toutes les parties.

24 Le problème était un problème régional. La question cruciale est tout à

25 fait autre. Le rapport de cette fondation Carnegie ne peut constituer la

Page 34423

1 seule source valide, pour ce qui est des éléments sur ces territoires. Il y

2 a des rapports russes, britanniques, français, allemands et autres. Il

3 s'agit d'archives. Les archives sont la source première pour témoigner de

4 certains événements. Il y a aussi les sources serbes et les sources

5 turques.

6 Q. Je tiens à citer la page 22 au niveau du rapport Budding, - où il

7 est question de, je vais ralentir mon débit oui. "Le limogeage de Rankovic

8 ensuivi de découvertes d'abus dramatiques de la part des autorités dans la

9 province, ce qui a conduit à un recrutement et promotion de cadres en

10 provenance de cette majorité albanaise."

11 Alors, en votre qualité d'historien, avez-vous connaissance de

12 découvertes dramatiques d'abus de la part de la police de la province qui

13 aurait été découvertes, dévoilées après le limogeage de Rankovic dont est

14 en train de nous parler Mme Budding d'une façon aussi forfaitaire que

15 celle-ci ?

16 R. Il y a deux problèmes. Ma collègue Budding n'a mentionné aucun

17 abus. Elle en a cité aucun. De deux, dans les rapports des instances des

18 autorités du Kosovo et Metohija, à savoir le conseil exécutif, le comité

19 provincial du Kosovo et Metohija, il a été question de certains abus. Parmi

20 ces abus, il a été enregistré l'entassement d'armes et le procès de

21 Prizren. Ce dont il a été question, c'est que la police a découvert et

22 empêché les activités d'une organisation Grande Albanaise, illégales.

23 C'était là la partie cruciale de cette attitude la police à l'égard de la

24 situation. Vous dites qu'il y a eu des modifications radicales pour ce qui

25 est du gouvernement de la province. J'ai ici des renseignements qui

Page 34424

1 démentent cette assertion.

2 Dans un livre qui a été publié à Pristina, je peux distribuer cela à

3 toutes les parties en présence. Il s'agit de Kosovo et Metohija, de 1943 à

4 1963, Pristina, publié en 1963. Il y a un texte de Fadil Hoxha. Je me

5 propose de faire référence à certains renseignements statistiques qui

6 démentent les positions de

7 Mme Budding. Il s'agit d'un aperçu de la composition du comité populaire de

8 la région et du parlement de la province autonome du Kosovo et Metohija

9 allant de 1943 à 1963. Il s'agit ici de la composition statistique qui

10 montre que les Albanais faisaient partie de toutes les instances du pouvoir

11 et qu'ils en constituaient la majorité absolue. Par exemple, voilà le

12 Comité populaire de libération nationale, les Siptars sont 44, les Serbes

13 et les Monténégrins sont sept. Première composition de 1945 à 1947. Les

14 Siptars sont 110, les Serbes et les Monténégrins sont 47. Le président du

15 gouvernement, le premier ministre est Fadil Hoxha. La première fois,

16 c'était Mehmedp50 Fodza. Le premier ministre de 1947 à 1950, Fadil Hoxha.

17 Les Siptars sont 132, les Serbes sont 36, et ainsi de suite.

18 Composition 1951 à 1953, le premier ministre Fadil Hoxha, les

19 députés, Siptars, 142, Serbes, 42. Composition de 1953 à 1958, le président

20 du gouvernement est encore Fadil Hoxha; les Siptars sont 46, les Serbes

21 sont 20.

22 Cinquième composition, 1953 à 1963, le président du parlement, Pavle

23 Jovicevic, pour la première fois un Monténégrin, un Serbe de

24 [imperceptible]. Le premier ministre est toujours Fadil Hoxha. Les Siptars

25 sont 53. Les Serbes sont 53. Le Premier Ministre de 1963 et par la suite,

Page 34425

1 le premier ministre est Ali Shukrija. Je peux distribuer cette pièce en

2 guise de pièce à conviction.

3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que la lecture a été trop rapide

4 et qu'ils n'ont pas pu entendre les derniers chiffres.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Bien, je crois que cela suffit. Cela explique en termes simples

7 que le rapport de Mme Budding est tout à fait arbitraire.

8 M. NICE : [interprétation] J'hésite à intervenir, mais je trouve que ce

9 commentaire est tout à fait inconvenant.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon. Est-il approprié de demander à ce que ce

12 rapport soit également versé au dossier ? Il s'agit des renseignements

13 statistiques portant sur le Kosovo et Metohija de 1943 à 1963.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui oui. Oui oui.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez. Nous allons demander une

17 cote.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D261.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Soyez bref, Monsieur Terzic, pour parcourir les événements de Drenica et

21 établir des parallèles avec les événements de 1998. Mme Budding, en page 8

22 de la version serbe de son rapport, vers le milieu de la page, vous le

23 trouverez facilement. M. Nice a cité des parties, et je ne suis que ses

24 citations à lui. "Entre 1944 et 1945, les partisans ont étouffé des grandes

25 insurrections d'Albanais, et il y a eu des combats acharnés sur le

Page 34426

1 territoire de Drenica, notamment."

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Ensuite, elle cite le même renseignements que vous avez cité vous-même,

4 à savoir que les partisans ont déployé, mais je précise que c'était déjà

5 l'armée yougoslave, déployé 39 000 soldats. Ce renseignement, de votre part

6 et de sa part à elle, coïncide;

7 39 000 soldats.

8 Il est dit ici, insurrection des Albanais. Monsieur Terzic, s'agit-il ici

9 d'une insurrection des Albanais, ou s'agit-il d'activités armées des

10 formations balistes de partie de la division hitlérienne SS sur le

11 territoire de Drenica en 1945, à savoir, s'agit-il là d'une continuation de

12 la guerre sur le territoire de la Serbie, qui se libérait justement de

13 l'occupation allemande, et se libérait vis-à-vis des balistes qui faisaient

14 partie des formations allemandes ?

15 R. La méthodologie de Mme Budding est assez étrange. Elle fait un partage

16 entre les Partisans et Albanais. Je me dois de dire que le commandant du QG

17 général des forces des Partisans au Kosovo et Metohija, c'était un

18 Albanais, c'était Fadil Hoxha.

19 Après l'instauration d'un régime militaire, il est devenu adjoint du

20 commandant.

21 Q. Cela suffit. Je voulais qu'on tire au clair juste une chose, qu'on ne

22 pouvait pas faire une distinction entre Partisans et Albanais. Il

23 s'agissait de Partisans où il y avait des Albanais, des Monténégrins, des

24 Slovènes et, bien sûr, une majorité de Serbes, et des Croates aussi, et

25 autres. De l'autre côté, il y avait ces formations quislings, à savoir, les

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1 membres de ces troupes régulières de la coalition hitlérienne.

2 R. En termes brefs, il s'agissait d'un combat conduit entre les forces

3 anti-fascistes, dont les ressortissants albanais, et les forces fascistes

4 qui constituaient ce qui était resté de la coalition d'Hitler pendant la

5 Deuxième guerre mondiale.

6 Q. Il n'est pas question de partage.

7 R. Si on peut parler de soulèvement d'Albanais, mais en termes de

8 formations nazies ou de collaborateurs --

9 Q. Cela demeure logique. En 1998, il y avait des activités terroristes sur

10 le territoire de Drenica. Avez-vous des renseignements à ce sujet, ou pas ?

11 R. Oui, absolument.

12 Q. Peut-on donc déterminer ce qu'il y a de commun dans l'intervention de

13 ces groupes armés en 1945, qui faisaient partie de la coalition

14 hitlérienne, et ces groupes terroristes en 1998, à Drenica ?

15 R. Ce qui est commun, c'est le recours à la force pour qu'une partie de la

16 Serbie soit, par la force, dissociée de celle-ci pour être annexée à un

17 autre Etat, à savoir l'Albanie.

18 Q. Monsieur Terzic, savez-vous, et là je vais juste un moment me référer à

19 votre rapport, page 109. Vous y dites, vers la fin du premier paragraphe,

20 qu'à compter de janvier 1998 jusqu'au 10 janvier 1999, les terroristes

21 albanais au Kosovo et Metohija ont tué 1 835 personnes. C'est le

22 renseignement que vous citez dans votre rapport. Il s'agit là d'une

23 information plus ou moins exacte, car il s'est avéré par la suite qu'ils en

24 ont tués plus.

25 En 1998, ces terroristes albanais, à savoir cette organisation

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1 terroriste qui s'appelait elle-même UCK, en 1998 a tué plus d'Albanais que

2 de Serbes.

3 R. Oui, je suis au courant de cette information. Cela a été d'ailleurs

4 publié.

5 Q. Par voie de conséquences, dans l'un et dans l'autre de ces deux cas, en

6 1945 et en 1998, il s'agit d'activités de formations armées à l'encontre

7 des citoyens et des instances du pouvoir ?

8 R. Absolument.

9 M. NICE : [interprétation] C'est tout à fait tendancieux pour ne pas dire

10 très directeur comme propos.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous savez que

12 les questions qui guident le témoin ne sont pas autorisées. Nous le savons

13 déjà. Si vous mettez dans la bouche d'un témoin ce que vous voulez

14 présenter comme preuve, ce n'est pas permissible.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'il y a de directeur dans

16 cette façon de faire. Je tire des conclusions, et je pose des questions au

17 témoin au sujet de ce qu'il a dit lui-même, à savoir, préciser si les deux

18 cas, 1945 et 1998, constituaient des conflits avec des formations armées

19 qui ont pris les armes pour s'attaquer aux citoyens et aux instance du

20 pouvoir. Il s'agissait de formations illégales d'un côté, et d'une

21 formation légale d'autre part, indépendamment du fait que l'on s'efforça

22 ici de faire un équilibre entre les forces légales d'un Etat, et les

23 organisations terroristes de l'autre côté.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez une autre question.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, soit. Les choses sont tout à fait claires,

Page 34429

1 je pense.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Terzic, en votre qualité d'historien, vous êtes forcément tenu

4 de vous référer, vous l'avez dit vous-même, il s'agit de science

5 interdisciplinaire. Vous devez vous référer entre autres à la démographie ?

6 R. Oui.

7 Q. Veuillez nous dire, du point de vue de cette science-là, se peut-il de

8 faire ce que l'on essaie de déterminer ici, à savoir que les départs

9 massifs du Kosovo et Metohija, des Albanais, coïncident en même temps avec

10 un boom démographique au niveau de ces mêmes Albanais, sur le même

11 territoire ? Cela se peut-il d'un point de vue scientifique, ou pas ?

12 R. Bien sûr que cela ne se peut pas. Ce sont là des affirmations que l'on

13 présente dans l'Académie albanaise des sciences, parce que l'on dit plus

14 ils ont été persécutés par les Serbes, plus leurs nombres croissaient. Ce

15 qui constitue un absurde en soi. Le pourcentage de l'augmentation de la

16 population albanaise au Kosovo a été le plus grand de toute l'Europe

17 pendant la période d'après-guerre entière.

18 Q. Bien. Vous nous avez parlé d'un mémorandum --

19 R. De réunification nationale des Albanais.

20 Q. Oui. Cette organisation, est-ce que c'est ce qu'on peut constater à

21 partir du site Internet, à savoir qu'ils ont des filiales tant en Macédoine

22 qu'au Monténégro et qu'en Grèce ? Est-ce exact ou pas ?

23 R. On peut le voir dans le texte même du mémorandum. Ils ont à Skopje, à

24 Tirana, à Pristina, et pour autant que je m'en souvienne, à Ulcinj, des

25 ramifications.

Page 34430

1 Q. Dans leur mémorandum, ne disent-ils pas que ce groupe de crise est en

2 train de mentir en disant que ce n'est pas une position de la majorité que

3 de parler de panalbanisme ou de Grande Albanie ? Il y est avancé des

4 informations émanant de recherches, et j'aimerais obtenir des commentaires

5 de votre part, pour ce qui est d'un texte, qui a déjà été versé au dossier

6 et admis par la Chambre.

7 "Il est question d'unification pronationale, 82,5 %. On avait dit en

8 traduction 2,5 %, alors que c'est 82,5 %. Contre cette réunification, il y

9 en avait 6 % contre. Sans réponse concrète, 1 %. Ce sont eux qui disent de

10 quels droits l'ICG ignore-t-elle le fait qu'il y ait plus de 80 % des

11 Albanais, de toutes les terres albanaises favorables à cette unification

12 pro nationale."

13 Cela en dit suffisamment long, en soi. Ma question est la suivante :

14 est-ce que ce papier de ce Groupe de crise international, à votre avis, à

15 votre avis d'historien, j'entends, revêt-il une valeur historique, ou

16 s'agit-il là d'un document politique ?

17 R. A mes yeux, c'est un pamphlet politique.

18 Q. Avez-vous lu la composition du comité d'administration de ce Groupe de

19 crise international ?

20 R. A plusieurs reprises.

21 Q. Vous avez mentionné Wesley Clark qui a commis toute une série de crimes

22 de guerre en Yougoslavie. Il fait partie du groupe.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic, hors de

24 propos.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

Page 34431

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Dans ce comité d'administration en plus de ceux que vous avez

3 mentionné, il y a George Soros, n'est-ce pas ? Est-ce qu'on peut le

4 retrouver ici ?

5 R. Oui, je l'ai remarqué, j'ai lu son nom.

6 Q. Vous avez dit qu'il s'agissait ici d'un pamphlet politique et non pas

7 un document scientifique pouvant être utilisé à des fins scientifiques à

8 moins que l'on étudie la teneur d'un pamphlet.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, si le témoin dit

10 que ce n'est pas un document scientifique, mais un pamphlet politique,

11 qu'il nous dise pourquoi. Pourquoi est-ce là votre avis, Monsieur Terzic ?

12 Pourquoi dites-vous qu'il s'agit d'un document politique et qu'il n'est

13 dénué de toute valeur scientifique ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, parce que ses auteurs sont

15 anonymes. Il n'y a pas un seul nom pour ce qui est des rédacteurs de ce

16 document. Le texte ne fait que citer : "Le Groupe de crise international a

17 eu des entreprises --" Quel Groupe de crise, le Groupe de crise tout

18 entier ? Ce n'est pas possible. Cela c'est d'un. De deux, les sources ne

19 sont pas fiables. Les sources ne sont pas documentées. Il s'agit

20 d'entretiens avec certaines personnalités.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas de cette

22 façon que des documents de ce genre sont préparés ? On ne mentionne pas

23 toujours nécessairement les auteurs. Vous avez le comité, on en précise la

24 composition au niveau des membres.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui est habituel, Monsieur le Président,

Page 34432

1 c'est d'identifier l'auteur d'un document. Je ne sais pas si les membres du

2 comité d'administration sont les auteurs dudit document.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Je suis d'accord. Quelles

4 sont les autres raisons ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Deuxièmement, enfin plutôt les autres raisons

6 sont très importantes. Ce document s'emploie en faveur d'un Kosovo

7 indépendant. Ce faisant, il n'y a pas un seul mot, mais littéralement pas

8 un seul mot mentionnant le problème du nettoyage ethnique des Serbes, des

9 crimes perpétrés à l'égard des Serbes. On ne mentionne pas du tout les

10 Serbes du Kosovo et Metohija. Ce document est contraire à la Résolution

11 1244 adoptée par le conseil de Sécurité. C'est une chose.

12 Autre chose, c'est qu'il s'emploie en faveur de la dissociation d'une

13 partie d'un pays souverain, à savoir, le parti du Kosovo à l'égard de la

14 Serbie. Il s'emploie en faveur d'une Grande Albanie. On ne sert pas du

15 terme Grande Albanie, on parle de panalbanisme. Sous un panalbanisme, on

16 sous-entend l'économie, la culture, les circulations, l'éducation, le

17 trafic et l'intégration à tous points de vue des régions albanaises.

18 Qu'est-ce d'autre si ce n'est pas une Grande Albanie ? Quand on parle de

19 l'intégration des Serbes de Republika Srpska et de la Serbie, ce serait

20 tout de suite la Grande Serbie et son spectre; n'en est-il pas ainsi ?

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Où avez-vous travaillé en 1990, 1995 ?

24 R. J'ai travaillé à l'Institut de l'histoire de l'Académie des sciences et

25 des arts de Serbie.

Page 34433

1 Q. Dans le livre d'Ivan Stambolic qui est versé ici au dossier comme

2 élément de preuve, il y a une affirmation disant que certains académiciens

3 se sont épuisés à travailler sur des cartes en recherchant la possibilité

4 de rattacher toutes les terres serbes possibles et imaginables. Vous étiez

5 dans le même immeuble. Quels sont les académiciens ? Vous communiquiez les

6 uns avec les autres, les choses étaient transparentes, tout le monde

7 communiquait avec les autres. Quels sont ces académiciens qui se sont

8 épuisés, qui se sont crevés pour trouver des bouts de terre que l'on

9 rattachait par des sentiers de chèvres reliant les terres serbes ?

10 R. Je regrette beaucoup. Je ne sais pas quelles sont les sources citées

11 par M. Stambolic.

12 Q. Il cite une conversation avec Vasa Cubrilovic.

13 R. Je n'ai pas participé à une réunion quelconque où il auraient été

14 étudiées des cartes quelconque de cette espèce. Absolument aucune espèce de

15 carte.

16 Q. Vous n'avez aucune connaissance à ce sujet-là, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Je n'ai aucune connaissance à ce sujet.

19 Q. Je vais vous faire revenir sur une question très intéressante dont a

20 traité M. Nice --

21 R. Excusez-moi. Il y a eu des débats scientifiques, il y a eu des

22 conférences scientifiques qui ont été tout à fait publiques. Il y a eu des

23 conférences internationales d'hommes de sciences où il était question de

24 cartes. Mais dans ce sens-là, à savoir, fabrication ou confection d'une

25 Grande Serbie quelconque, là, je n'ai aucune information.

Page 34434

1 Q. Bien. Je suppose que vous les auriez eues ces informations, puisque

2 vous vous trouviez là-bas, si tant est qu'au quotidien il y avait ce type

3 d'activités.

4 R. Je n'étais pas membre de l'académie, mais j'étais directeur de

5 l'Institut d'histoire. Je n'ai aucune connaissance d'activités de ce genre

6 développées par l'académie à quel que point de vue que ce soit en ce sens.

7 Q. Revenons maintenant à la page 23, M. Nice a cité Audrey Budding. Je me

8 propose d'en reprendre une ou plus de phrases.

9 Dans le premier passage en page 23, il est dit : "Certains manifestants

10 demandaient à ce que le Kosovo se voit attribuer un statut de république.

11 C'est là l'idée que les Albanais, y compris certains responsables, avaient

12 exprimé dès le début de l'année pour ce qui est des débats au sujet des

13 amendements constitutionnels. Certains sont même allés plus loin en

14 demandant que le Kosovo et certaines autres régions de la Yougoslavie

15 habitées par des Albanais, soient annexées à l'Albanie." Même Audrey

16 Budding parle de cette revendication, disant que les régions habitées par

17 les Albanais devraient être annexées à l'Albanie.

18 Maintenant, répondez-moi à ma question. Est-ce que cette annexion à

19 l'Albanie de régions habitées par des Albanais, peut être la résultante de

20 ce que l'on voulait obtenir en parlant de cafards et de cancrelats dans les

21 haricots des étudiants au Kosovo ?

22 R. Tout analyste et chercheur sérieux comprend de façon tout à fait nette

23 qu'il s'agit là, à long terme, de quelque chose de bien conçu, de bien

24 planifié, d'un projet sur lequel on a travaillé au fil de plusieurs

25 décennies. Parce que ces manifestations ne sont que des expressions et

Page 34435

1 manifestations du projet sur lequel on a travaillé au travers des activités

2 illégales des organisations dont on a parlé. La question des cancrelats

3 peut être un prétexte, mais en aucune façon un élément de preuve.

4 Q. Est-ce que la réaction des étudiants concernant la qualité de la

5 nourriture dans ce foyer estudiantin, a-t-elle pu constituer une raison

6 suffisante ?

7 R. Je n'étais pas à Pristina. Mais si le problème est dans la nourriture,

8 vous auriez demandé une amélioration de la qualité de la nourriture, mais

9 vous n'auriez pas réclamé la réunification avec l'Albanie, qui était elle,

10 bien plus pauvre que le Kosovo et Metohija. Les choses me semblent

11 logiques. Cela coule de source.

12 Q. Oui. Pour vous, cela semble être logique, mais pour les autres qui ne

13 sont pas si bien intentionnés, cela n'est pas logique.

14 Dites-nous maintenant, on a parlé ici d'une thèse disant que les services

15 serbes -- les services secrets ont encouragé ce type de manifestations de

16 la part des Albanais en 1981. Je ne vous demande pas de répondre que cela

17 n'est pas le cas, parce que tout à chacun le sait en Yougoslavie. Ce que je

18 vous demande c'est la chose suivante : avez-vous connaissance du fait,

19 comme l'a dit M. Nice, ces services serbes n'avaient aucun accès à l'époque

20 aux territoires de Kosovo et de Metohija ?

21 R. Je le sais, et je regrette de voir à quel point M. Nice est mal

22 informé. Les services de police et les services secrets de Serbie n'avaient

23 aucune compétence, aucune attribution au Kosovo et Metohija après la mise

24 en œuvre de ces amendements constitutionnels de 1968 et de 1971.

25 Deuxièmement, la Serbie n'avait aucune possibilité de contrôler et de voir

Page 34436

1 quelles sont les modalités de la coopération internationale du Kosovo avec

2 l'Albanie. La conclusion peut être tirée de façon tout à fait nette et

3 claire.

4 Q. Fort bien, Monsieur Terzic. De quelle façon a été organisée les

5 services de Sécurité yougoslave ? Est-ce que jusqu'au années 1990, pendant

6 l'existence de la Yougoslavie, cela était-il centralisé, ou est-ce que

7 chaque république avait son indépendance pour ce qui est de l'exercice de

8 ces attributions en matière de sécurité ?

9 R. Je dois vous avouer que je ne suis pas un expert en matière de services

10 de Sécurité, mais je sais que toutes les républiques, en réalité, étaient

11 des états au sein d'un grand Etat. Chaque république avait son service de

12 Sécurité. Maintenant, pour ce qui est de savoir quel type de coopération

13 ils entretenaient les uns avec les autres, je ne le sais pas. Je sais que

14 le Kosovo avait son service de Sécurité, et que la coopération entre le

15 Kosovo et Metohija et la Serbie, sur ce plan-là, sur ce volet-là, était

16 très faible. Il n'y en a pratiquement pas eu.

17 Q. Les services de Sécurité et de façon plus générale la police au Kosovo,

18 étaient-elles dépendantes du ministère de l'Intérieur de la Serbie ou du

19 ministère de l'Intérieur de la Yougoslavie ?

20 R. Pour autant que je le sache, même si je ne suis pas un expert dans la

21 matière, pour autant que je le sache, et je répète que je ne suis pas un

22 spécialiste, la police dépendait du secrétariat de la province auprès du

23 ministère de l'Intérieur, et sans doute également, du secrétariat -- des

24 services de Sécurité au niveau fédéral. Parce que je sais qu'il y avait eu

25 un problème lors de l'intervention des forces serbes au Kosovo et Metohija.

Page 34437

1 Les forces serbes ont attendu plusieurs jours avant d'entrer au Kosovo et

2 Metohija en 1981. Cela, je suis au courant.

3 Q. Très bien. Savez-vous si celles-ci sont entrées dans le cadre des

4 forces de sécurité yougoslaves conjointes ou dans le cadre des forces

5 serbes ?

6 R. Dans le cadre des forces yougoslaves conjointes. Parce que je pense que

7 le commandant de cette force conjointe était slovène.

8 Q. Fort bien. Connaissez-vous d'autres mesures adoptées au sujet du Kosovo

9 jusqu'en 1991 au niveau yougoslave ? Etes-vous au courant du fait que la

10 Serbie n'a pratiquement adopté aucune mesure au sujet du Kosovo et Metohija

11 suite aux manifestations de 1968 et de plus tard, ou après 1981 au vu des

12 événements ?

13 R. C'est logique, parce qu'au terme de la constitution, la Serbie n'avait

14 aucune compétence. Je parle des amendements votés à la constitution de

15 1974. Elle n'avait aucune compétence en la matière.

16 Q. Fort bien. Merci, Monsieur Terzic. Je n'ai plus de questions.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic --

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut

19 s'occuper maintenant de la liste des pièces à conviction ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Nous allons

21 le faire.

22 L'ACCUSÉ : Merci.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, comme je l'ai déjà

25 indiqué, je suppose que si vous avez des questions à poser, vous nous le

Page 34438

1 ferez savoir, n'est-ce pas ?

2 M. KAY : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic - ce que je vais

5 dire à présent concerne M. Nice - la Chambre a examiné la nuit dernière les

6 documents qui ont été évoqués par M. Milosevic durant l'interrogatoire

7 principal, qu'il a établi afin de les utiliser et de les adresser aux

8 Juges. Nous avons établi notre liste à usage interne, qui porte le numéro

9 51. La Chambre émettra une ordonnance quant à l'admission de ces documents,

10 et je décrirai dans leurs grandes lignes les critères qui ont été appliqués

11 par la Chambre. Les documents qui ont été traduits sont admis. Les

12 documents qui n'ont pas été traduits sont enregistrés aux fins

13 d'identification jusqu'au moment où ils pourront être fournis en

14 traduction. Quant aux documents qui n'ont pas été abordés, bien entendu,

15 ils ne sont pas admis au dossier.

16 J'ajouterai, s'agissant des traductions, que seuls les extraits qui ont été

17 cités dans le prétoire seront traduits.

18 Pourrait-on également assigner une cote au classeur ?

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D262 pour les deux classeurs.

20 M. LE JUGE ROBINSON : Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] S'il en est ainsi décidé, et je ne sais pas si

22 ce sera le cas, est-ce que cela nous donne la possibilité éventuellement de

23 demander le versement au dossier d'autres extraits de documents

24 partiellement traduits ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous pensons que ce sera

Page 34439

1 possible.

2 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais maintenant, sur le

3 sujet restreint des pièces à conviction, faire une autre remarque si les

4 Juges n'ont rien d'autre à annoncer s'agissant d'ordonnances éventuelles.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les pièces à conviction de façon

6 générale, ou en rapport avec ce qui vient d'être dit ?

7 M. NICE : [interprétation] Non, les pièces à conviction liées à ce témoin,

8 mais pas les pièces à conviction de façon générale.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous demandons d'abord au témoin de

10 quitter la salle.

11 Monsieur Terzic, ceci met fin à votre déposition. Merci d'être venu, vous

12 pouvez maintenant repartir.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Merci beaucoup.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Terzic, est-ce que vous

15 pourriez nous laisser les originaux de ces cartes ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. J'ai donné ces cartes à Mme

17 Evelyn, et elle les a scannées. Maintenant, elle les a en couleur. Elle en

18 dispose, je crois. Si ce n'est pas possible, je suis tout à fait disposé à

19 vous les laisser.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Terzic.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

22 Vous avez ce CD ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que oui.

24 [Le témoin se retire]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous pourriez

Page 34440

1 commencer.

2 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Je voulais évoquer quelque chose

3 qui a déjà fait l'objet d'une décision de votre part. Il s'agit des pièces

4 qui risquent de concerner les manifestations estudiantines de 1968. Vous

5 aviez déjà statué s'agissant de la recevabilité, et je vous avais demandé

6 de réétudier la question parce que, maintenant, il y a eu un contre-

7 interrogatoire approfondi et l'accusé a posé des questions de ce genre-ci.

8 Le témoin avait répondu, en parlant de ces manifestations, et l'accusé a

9 dit : "C'est peut-être clair pour vous et pour toutes personnes bien

10 intentionnées, mais pas pour tout le monde." Ensuite, l'accusé pose une

11 question tendancieuse s'agissant des manifestations d'étudiants de 1968

12 [comme interprété].

13 Vous vous en rappellerez, Mme Budding avait consacré un certain

14 temps, et c'était de ma faute. Si j'avais plus de temps, j'aurais aimé

15 présenter au témoin, l'extrait d'un livre. Le chapitre concerné fait 30

16 pages et il y a quelques 160 notes de bas de pages, 161 exactement. C'est

17 un document qui a fait l'objet d'une étude vraiment approfondie et il y a

18 en plus, des entretiens même si je n'ai eu qu'une possibilité limitée de le

19 lire. Si maintenant ceci va faire partie de la thèse de l'accusé de façon

20 essentielle, ici je ne peux présenter ce document à aucun autre témoin.

21 Nous ne pourrons vraiment étudier à fond la question que si je peux appeler

22 un témoin en réplique, ce que j'hésiterai beaucoup à faire, parce que l'on

23 pourrait dire que c'est un élément historique et qu'il n'est pas vraiment

24 essentiel, mais plutôt accessoire.

25 Est-ce que la Chambre serait prête à réexaminer ma requête et par

Page 34441

1 exemple, accorder une cote provisoire à ce document.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous me redonner le

3 titre ?

4 M. NICE : [interprétation] Le titre, c'est : "Le Kosovo, les mythes et

5 vérités quant à la façon dont la guerre a débuté." Vous avez un chapitre

6 consacré aux manifestations estudiantines de 1981 et l'on passe en revue

7 plusieurs sujets que j'ai pu aborder avec le témoin, mais de façon tout à

8 fait succincte.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui est l'auteur ?

10 M. NICE : [interprétation] Julie Mertus. Je le précise, l'on n'y trouve pas

11 que des sources.

12 M. KAY : [interprétation] Puis-je intervenir ? Je tiens à intervenir parce

13 que c'est important et je ne peux pas m'empêcher d'intervenir.

14 Il semble que nous recevons énormément de pièces de la part de

15 l'Accusation, alors que l'on ne sait pas à qui elles doivent être

16 attribuées. En fait, s'il y a présentation en réplique du témoin, c'est, à

17 ce moment-là, qu'il faudrait la présenter. Nous avons d'énormes quantité de

18 preuves qu'on effleure à peine, qu'on examine à la sauvette et puis après,

19 on pourra affirmer que c'est là le fondement ou que la preuve a été

20 administrée. Ceci nous préoccupe vivement, parce que cela risque de créer

21 un déséquilibre dans la présentation des moyens dans ce procès.

22 A mon avis, l'accusé essaie d'utiliser une technique, qui avait été

23 utilisée par l'Accusation au moment de la présentation de ces moyens, à

24 savoir que l'on renvoie à toute une série d'intercalaires dans une pièce

25 mais de façon très tangentielle, le plus souvent. On demande, ensuite, le

Page 34442

1 versement global de tous les documents.

2 Je pense que là, nous nous aventurons dans un domaine dangereux; que

3 l'on fasse un procès par chapitre de livre par livre sans qu'on sache qui

4 est l'auteur de ces ouvrages. La Chambre n'a pas la moindre idée de la

5 qualité de ces témoins ou de ces gens, s'ils sont des témoins ou pas. On

6 finit par examiner des sources secondaires, voire tertiaires, alors que

7 dans un procès de ce genre, on aurait besoin de sources de première main.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous expliquer comment je vois

9 la chose : à juste de titre, l'expert mentionne des sources. Il n'est pas

10 inusité, à la suite d'une déposition d'expert, de voir quelles sont les

11 sources qu'il cite. Je ne me bornerai pas dans ma lecture aux seuls

12 éléments qui ont été cités. J'essaierais de replacer ceci dans son

13 contexte. J'espère que l'ordonnance que nous allons rendre et esquissée par

14 le Juge Robinson le montrera clairement. C'est là la démarche retenue par

15 la Chambre de première instance en matière de production. Il faut replacer,

16 par exemple, un élément mentionné dans son contexte. Si on a un élément qui

17 est mentionné par le témoin, il faut le traduire, mais il faut replacer

18 ceci dans un cadre plus large. Je ne serai pas satisfait de voir versé au

19 dossier le livre que mentionnait M. Nice, pas du moins, à ce stade de la

20 procédure.

21 M. KAY : [interprétation] Oui, effectivement. Si un document n'a pas été

22 mentionné, si on n'en a pas fait référence.

23 Lorsque l'accusé doit interroger un témoin expert en histoire, le

24 problème c'est que l'on examine des masses de documents qui ont été

25 utilisées pour préparer un rapport. Au moment de l'interrogatoire, dans le

Page 34443

1 cadre d'un procès en prétoire, il est impossible de parcourir toutes les

2 sources, toutes les références. On ne peut que les parcourir dans la mesure

3 où elles viennent à l'appui du rapport. Je pense que ce que l'accusé

4 cherchait à faire en présentant ce classeur, il voulait étayer les thèses

5 contenues dans le rapport de l'expert.

6 Je comprends que la Chambre de première instance essaie de nous

7 donner des instructions qui seront précieuses pour toutes les parties en la

8 matière. Je demande, cependant, aux Juges de tenir compte de ce que nous

9 avons connu au cours de la présentation des moyens à charge. A ce moment-

10 là, ont été admis des quantités énormes de documents qui étaient évoqués

11 parfois de façon tangentielle, mais c'était pour la bonne cause, parce que

12 tout le monde à l'époque s'inquiétait de l'utilisation du temps et des

13 ressources. Ce que je veux dire, c'est que si l'accusé s'essaie à cette

14 technique, il devrait bénéficier de la même indulgence que celle qui a été

15 conférée à l'Accusation. Maintenant, nous sommes à la phase suivante,

16 présentation des moyens à décharge, mais il ne faut pas oublier la

17 technique qui était acceptée au moment de la présentation des moyens à

18 charge.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je pense que vos

20 remarques sont tout à fait appropriées, tombes à pic et nous veillerons,

21 bien entendu, à ce que l'accusé soit traité de façon équitable.

22 Nous n'admettrons pas ce document.

23 M. NICE : [interprétation] J'accepte votre décision.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel sera votre témoin suivant,

25 Monsieur Milosevic ?

Page 34444

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon témoin suivant est Cedomir Popov.

2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin prononce la

4 déclaration solennelle.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

6 vérité, toute la vérité et rien d'autre.

7 LE TÉMOIN: CEDOMIR POPOV [Assermenté]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez commencer, Monsieur

10 Milosevic.

11 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

12 Q. [interprétation] Je vous demanderais de décliner votre nom et prénom.

13 R. Cedomir Popov.

14 Q. Ayez l'amabilité, Monsieur le Professeur Popov, de nous relater

15 rapidement les moments les plus importants de votre biographie.

16 R. Je suis professeur d'université à Novi Sad. J'enseignais l'histoire

17 européenne dans la période actuelle, c'est-à-dire, depuis la deuxième

18 moitié du XVIIIe siècle jusqu'à la fin du XXe siècle. J'ai pris ma retraite

19 après 40 ans de carrière en l'an 2000.

20 Entre-temps, j'ai parcouru tous les échelons de la carrière

21 universitaire. En 1981, j'ai été élu membre de l'Académie des arts et des

22 sciences de Vojvodine. En 1989, lorsque je suis devenu membre de l'Académie

23 des sciences et des lettres de Serbie et lorsque les deux académies se sont

24 unifiées, l'Académie de Serbie et l'Académie de Vojvodine, je suis devenu

25 membre du conseil de travail de l'Académie serbe des arts et des sciences

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1 dont je suis membre régulier à part entière.

2 Par le biais de cette appartenance à l'Académie, j'ai signé un

3 certain nombre de travaux de recherche. Mes ouvrages portent pour la

4 plupart sur l'histoire européenne et le people serbe dans l'enceinte de

5 l'Europe, notre histoire moderne.

6 Sur le plan social, je participe à diverses manifestations

7 culturelles, scientifiques au niveau de la province et de la République de

8 Serbie ainsi que dans la deuxième Yougoslavie.

9 Je n'ai rien d'autre de particulièrement d'intéressant à ajouter.

10 Q. Merci, Monsieur le Professeur Popov. Vous avez évoqué un certain nombre

11 d'ouvrages dont vous êtes l'auteur. Nous avons ici une liste des ouvrages

12 en question, pas de vos travaux scientifiques, mais des ouvrages que vous

13 avez signés. Ce sont des ouvrages qui traitent, n'est-ce pas, il y en a 13,

14 qui ont été publiés par des spécialistes de votre spécialité.

15 R. Oui.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais vous annoncer que les grandes

17 lignes, de votre biographie ainsi votre curriculum vitae, sont des

18 documents qui sont joints au rapport du Pr Popov.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Professeur Popov, quels sont les facteurs décisifs qui ont influé sur

21 le développement de la conscience nationale du peuple serbe et son

22 processus d'intégration nationale ? Comment les choses ont-elles évoluées ?

23 R. Il y a deux facteurs fondamentaux. L'un est le facteur balkanique,

24 ainsi que le facteur patriarcal et orthodoxe. Le premier, celui auquel le

25 peuple serbe appartenait, et le deuxième indique la composante européenne

Page 34446

1 de son appartenance. Il y a ces deux composantes qui se réunissent, qui

2 s'interpénètrent de façon fructueuse et durant le XVIIIe siècle au moment

3 du siècle des lumières, il y a eu grande évolution scientifique et grande

4 évolution de la pensée au niveau européen. Dans le cadre de cette rencontre

5 des traditions balkaniques et des traditions serbes, nous voyons la

6 création de la Vojvodine, de la Hongrie actuelle et d'influences qui

7 parcourent cet itinéraire pour aller jusqu'à Vienne d'un côté, et jusqu'à

8 la Roumanie à Terusvar, Arad, de l'autre. Il y a ces deux influences qui

9 s'interpénètrent et ont un effet tout à fait fructueux l'une sur l'autre.

10 La tendance baroque, dirais-je d'abord, ainsi que le mouvement

11 romantique qui enrichit la tradition balkanique et agit sur le regroupement

12 orthodoxe des Serbes dans les Balkans. Nous parlons de ces deux

13 installations de peuple dans la région qui n'ont pas eu lieu uniquement en

14 1690 au cours du mouvement d'installations très important dont on a

15 l'habitude de parler sous l'Empire ottoman, mais qui a commencé depuis le

16 XVe siècle et s'est poursuivi jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale

17 avec une accélération et une multiplication très importante à partir de

18 1991, des déplacements de population.

19 Q. Merci, Monsieur le Professeur Popov. Dites-moi : quel est le rapport

20 entre l'idée nationale serbe et les idéologies comparables que l'on trouve

21 en théorie et en pratique dans d'autres peuples ou de la part d'autres

22 populations notamment parmi les pays limitrophes de la Serbie et qui

23 entourent la Serbie ?

24 R. L'idée nationale serbe a très rapidement fait suite à ce qui avait déjà

25 commencé à se développer en Europe de façon générale, et plus

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1 particulièrement en Europe centrale. En Europe centrale, on voit se

2 développer une idéologie sociale qui s'appuie sur deux suppositions de

3 départ fondamentales, à savoir la population concernée par la même langue

4 qu'elle constitue une nation, qu'elle dépend d'une nation, et que le

5 partage d'une langue commune permet à cette population d'avoir également

6 des racines culturelles communes et un point de vue assez semblable sur

7 l'avenir. De ce point de vue, nous trouvons là les bases de la création de

8 population unifiée dans toutes les régions où cela s'est passé où une idée

9 d'unification nationale a été créée, à savoir dans les Balkans, au centre

10 de l'Europe, au sud-est de l'Europe, et même en Europe occidentale, où on a

11 vu le siècle des lumières permettre à certaines nations sur la base d'une

12 langue commune, d'une histoire commune et de tradition culturelle commune

13 de se réunifier comme l'on fait les Serbes.

14 Q. Quels sont de ce point de vue les questions que l'on trouve à la base

15 de l'idée de la Grande Albanie aux XIXe et XXe siècles ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous demande de répéter la

17 question qui n'a pas pu paraître au compte rendu d'audience en anglais.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. La question n'a pas été traduite, je vais la répéter.

20 Je vous demande puisque vous et moi parlons le serbe --

21 R. Oui.

22 Q. -- et que tout ce que, vous et moi disons, doit être interpréter, je

23 vous demande de ménager une brève respiration entre la fin d'une question

24 et le début de votre réponse. Nous pourrons travailler plus rapidement de

25 cette façon.

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1 Que représente le concept de la Grande Albanie dans le contexte de

2 l'histoire de la question nationale européenne aux 19e et 20e siècle ?

3 R. Tous les peuples européens, y compris d'ailleurs les peuples voisins de

4 la Serbie, possédaient un programme national qui comptait un certain nombre

5 d'exigences maximales et d'exigences minimales. Tous avaient des idées

6 maximales bien supérieures à celles que l'on trouvait dans le programme

7 national serbe. Quant à l'expression Grande Serbie, c'est une expression

8 qui commence à être utilisée assez tard, c'est-à-dire, à la fin de la

9 deuxième moitié du XIXe siècle. Avant cela, on parle "d'unification," sur

10 le plan spirituel et sur le plan culturel du peuple serbe. C'est seulement

11 à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle que naît l'idée d'une

12 unification politique de ce qu'il est convenu d'appeler les terres, serbes,

13 c'est-à-dire des terres où le peuple serbe était présent majoritairement.

14 Quant aux peuples voisins de la Serbie et aux autres états européens qui se

15 sont également battus pour leur unification et pour créer un Etat unifié

16 sur le plan national, ils avaient des programmes tout à fait comparables à

17 celui-ci. Je dois dire aujourd'hui, même si cela peut sembler un peu

18 subjectif sur le plan serbe : ces programmes européens étaient beaucoup

19 plus ambitieux, beaucoup plus expansifs, beaucoup plus agressifs que le

20 programme national serbe qui se limitait exclusivement aux terres serbes,

21 c'est-à-dire, aux terres peuplées majoritairement par des Serbes, programme

22 national serbe où aucune intention de supprimer la nationalité des

23 ressortissants des autres nations n'était évoquée.

24 Q. Monsieur le Professeur, pouvez-vous nous dire sur quoi repose les

25 condamnations prononcées à l'encontre de la Grande Albanie ?

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1 R. Elles se fondent pour l'essentiel sur deux ambitions : premièrement,

2 l'ambition des forces présentes en Europe centrale à savoir l'Autriche, et

3 à partir de 1867, l'Austro-Hongrie, monarchie à deux têtes; et par ailleurs

4 l'Allemagne, de faire une percée dans les Balkans, pour prendre la

5 succession de l'axe tracé déjà par l'Allemagne à partir de 1881 comme son

6 axe d'extension. Dans ce plan de l'Austro-Hongrie, celle-ci devait jouer

7 un rôle d'avant-garde, devait être le premier rempart sur la route

8 permettant cette percée de l'Allemagne vers l'est. C'est un facteur

9 important sur lequel s'appuie la question de la nation serbe et de ses

10 aspirations à s'unifier et cela explique les efforts déployés pour

11 l'empêcher.

12 Deuxième aspiration qui a conduit certaines nations voisines à s'ériger en

13 état au détriment du territoire serbe, je parle de la Hongrie, de la Grande

14 Croatie, qui entraient dans un projet établi dès la moitié du XIXe siècle

15 et qui s'est ensuite poursuivi depuis Ante Starcevic jusqu'à la fin du 20e

16 siècle avec Franjo Tudjman.

17 Ces programmes sont des programmes que l'on trouve également chez les

18 Bulgares, chez les Macédoniens, et dans toutes les régions au sud, la

19 Serbie et même en Grèce. Les Grecs avaient un programme également de ce

20 genre qu'ils ont fini par abandonné. En tout cas, depuis la fin du XVIIIe

21 siècle, ces programmes nationaux se multiplient, et tous envisagent une

22 renaissance de l'Empire byzantin.

23 Pour l'essentiel, nous avons deux facteurs qui se heurtent dans le cadre de

24 la construction de ce mythe selon lequel les Serbes voudraient créer une

25 Grande Serbie, et voudrait empêcher les autres nations d'atteindre leurs

Page 34450

1 objectifs de construction nationale. L'Austro-Hongrie et l'Allemagne

2 voulaient réaliser leurs plans impérialistes de percer vers l'est afin

3 d'atteindre la Méditerranée et la Turquie.

4 Q. Monsieur le Professeur, j'aimerais que vous soyez peut-être un peu plus

5 précis, un peu plus succinct également, en nous parlant de ceux qui sont à

6 l'origine de ces accusations prononcées contre l'Etat serbe et la nation

7 serbe, sous le prétexte allégué d'une politique agressive censée vouloir

8 créer la Grande Serbie en soumettant les autres nations.

9 R. Cette idée d'opposition à l'unité serbe et à l'unification serbe,

10 apparaît durant le premier soulèvement serbe, à savoir, la première

11 révolution sociale et nationale, qui correspond tout à fait aux événements

12 révolutionnaires que l'on trouve en Europe entre 1779 et 1815. A partir de

13 1804, à partir de 1813 même pour être plus précis, on se trouve jusqu'en

14 1815 dans cette première phase de la révolution nationale et sociale serbe,

15 qui s'était donnée deux tâches; premièrement, liquider et détruire le

16 régime féodal ottoman qui était très particulier par rapport au système que

17 l'on trouvait sur le plan social en Europe, mais qui, en même temps, la

18 révolution qui elle, en revanche, était totalement identique à d'autres

19 révolutions que l'on peut trouver dans d'autres parties de l'Europe, à ce

20 moment-là. Donc, l'intégration du peuple serbe, c'était l'objectif donné à

21 cette révolution.

22 En même temps, nous voyons l'apparition d'une grande puissance. C'est cet

23 élément en grande puissance, ce facteur grande puissance dont j'ai parlé

24 tout à l'heure, avec des intérêts tout à fait clairs de ces grands

25 puissances, notamment se développer dans les Balkans, atteindre certaines

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1 régions de l'Europe, et faire renaître -- pour le peuple serbe, l'idée

2 était de faire renaître l'importance de ce peuple. Donc, nous avons le

3 développement de cette influence qui va jusqu'en Dalmatie, qui atteint Bar

4 et d'autres zones de Dalmatie avant d'atteindre les régions les plus

5 reculées occupées par les Ottomans, donc la frontière de la Turquie. Puis,

6 vous avez de l'autre côté, la monarchie des Habsbourg en Autriche, qui ne

7 souhaite pas un renforcement de l'influence slave dans ses régions

8 frontalières au sud. Enfin, nous avons la Russie qui, sur le plan

9 diplomatique et sur le plan politique, aide les insurgés serbes, mais n'est

10 pas d'accord avec la création d'un Etat indépendant serbe, puisqu'elle

11 préférerait une plus grande autonomie, qui lui permettrait à elle tout de

12 même d'exercer une certaine influence et un certain pouvoir. Donc, nous

13 avons une rivalité des grandes puissances à cet égard.

14 Lorsque tout cela s'achève, et que la Serbie avance sur la voie de la

15 construction de son autonomie pour la première fois dans son histoire, nous

16 voyons la monarchie autrichienne, qui adopte une position tout à fait nette

17 en 1816 déjà, c'est-à-dire, dès les premiers pas du peuple serbe vers son

18 autonomie. L'Autriche déclare qu'elle ne voit pas son intérêt dans

19 l'existence d'une Serbie unifiée et d'une Serbie libérée à ses frontières

20 méridionales.

21 Après cela, il y a d'autres événements d'intérêts que l'on trouve

22 parmi les autres nations européennes qui, elles-mêmes développent leur

23 autonomie sur le plan officiel avec reconnaissance en 1813 d'un certain

24 nombre d'entre elles. Nous avons -- en 1830, pas en 1813, je me reprends --

25 un certain nombre d'officiers, de consuls, de responsables des services de

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1 Renseignement français, russes et autres, qui interviennent sur le plan

2 politique dans le conseil de Sécurité dans le cadre de la réalisation de

3 cette idée.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.

5 Monsieur Milosevic, nous venons de passer en revue un grand moment

6 historique, mais l'heure de la pause est arrivée. 20 minutes de suspension.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, allez y.

10 L'INTERPRÈTE : Micro. Micro, s'il vous plaît, micro.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation] Est-ce que maintenant cela marche ?

12 L'INTERPRÈTE : Oui.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur, avant de passer à la question suivante, puisque l'on a parlé

15 du mythe de la Grande Serbie, je tiens à ce que vous nous apportiez des

16 commentaires, notamment compte tenu d'une citation que je me propose de

17 vous lire à partir de votre rapport, page 37, vous dites : "Aux fins

18 d'éradiquer ce 'danger', la monarchie des Habsbourg, en 1867, s'agissant de

19 toute manifestation de l'exposé de la conscience des Serbes, notamment,

20 pour ce qui est de l'appartenance à une entité nationale et culturelle, a

21 été désignée par ses oins comme Grande Serbie ou complot Grand Serbe."

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devriez

23 quand même nous donner le numéro de la page en anglais.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je regrette, mais je dois

25 vous dire que je n'ai pas du tout le texte en anglais. J'ai estimé que pour

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1 moi, il suffisait de parler en serbe avec ce témoin.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il faut que nous puissions

3 suivre. Il faut que nous puissions suivre en anglais. Cela devrait faire

4 partie de vos préparatifs, Monsieur Milosevic.

5 M. Nice vous a toujours identifié les passages en anglais et en serbe.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut me donner une version

7 anglaise, s'il vous plaît, car je ne l'ai pas. Je n'ai ici que ma version

8 serbe.

9 M. KAY : [interprétation] Il s'agit de la page 33.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Kay. Page 33.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous l'avez retrouvée, peut-être pourrai-je

12 continuer à citer ?

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. "Aux fins d'éradiquer ce 'danger' après 1867, toute manifestation de la

15 conscience serbe, pour ce qui est de son identité culturelle et

16 spirituelle, et notamment pour ce qui est de son appartenance à une entité

17 culturelle identique à une identité culturelle qui est la même, a été

18 désignée comme étant un complot Grand Serbe, l'un des idéologues du régime

19 de Kalay en Bosnie-Herzégovine, a formulé la chose ainsi : 'L'esprit serbe,

20 par sa substance et par ses aspirations, n'est rien d'autre que le

21 développement de l'idée Grand Serbe aux fins d'unifier tous les serbes.'

22 "Le régime austro-hongrois a persécuté tout ce qui pouvait susciter la

23 conscience de l'appartenance à une entité serbe."

24 Avant que je vous pose ma question, dites-nous quel est le régime de Kalay

25 dont on parle ici. Qui est le dénommé Kalay ? Est-ce que vous pensez à

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1 Benjamin Kalay, je suppose que c'est celui-là. Mais j'aimerais que vous

2 nous disiez de quel régime de Kalay vous parlez quand vous le mentionnez.

3 R. Benjamin Kalay, c'est un petit noble hongrois, membre de la gentry, qui

4 a fait partie de la diplomatie austro-hongroise avec l'aide du comte Gyula

5 Andrassy, qui était très influent. En 1868, il a été nommé consul à

6 Belgrade. Il parlait déjà la langue serbe avant cela, mais il l'a appris

7 encore mieux, il a commencé à rédiger des textes sur l'histoire serbe. En

8 1870, il a été nommé émissaire du pouvoir impérial en Bosnie. Il y est

9 resté jusqu'en 1903. C'est ce régime qui a développé l'idée qui était déjà

10 existante. C'est une idée qui existait, mais qui s'est propagée davantage

11 concernant un soi-disant danger Grand Serbe pour ce qui est des intérêts

12 austro-hongrois. Si nécessaire, je peux illustrer la chose en vous parlant

13 de plusieurs faits pour ce qui est du développement de cette idée à partir

14 de la moitié du XIXe siècle.

15 Q. Soyez bref.

16 R. Entre 1853 et 1856, il y a une guerre de Crimée ou le ministre des

17 Affaires étrangères autrichien a dit qu'il fallait éliminer la Serbie ou la

18 placer sous ferme contrôle afin qu'elle ne propage pas son intérêt vers les

19 pays limitrophes afin que ces pays ne deviennent pas une place forte de la

20 Russie dans un avenir quelconque sur les Balkans. Après cela, la même idée,

21 avec des éléments plus radicaux encore, a été communiquée par le comte

22 Redburg [phon] en 1862.

23 Afin de voir après la réorganisation de cette monarchie des Habsbourg

24 en 1867, voire la plupart des Serbes, ou plutôt la partie la plus active

25 rester soit dans la composition de la Croatie, voire de la Hongrie du sud,

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1 dont faisait partie à l'époque la Vojvodine d'aujourd'hui. C'est ainsi que

2 l'on a développé bon nombre d'initiatives serbes culturelle et spirituelle.

3 Il est question de l'institution la Matica Srpska, qui est l'institution

4 culturelle la plus ancienne. Il a été créé le lycée, le premier lycée

5 serbe, le théâtre populaire Serbé.

6 Les autorités hongroises ont vu la chose d'un très mauvais œil. Ils

7 voulaient faire revenir la Matica Srpska à Budapest pour garder leur

8 contrôle. Matica Srpska était passé à Novi Sad, un centre de la culture

9 serbe.

10 Il a été créé une organisation culturelle, éducative et politique qui

11 s'appelait : "La jeunesse serbe unifiée". Il s'agissait d'une association

12 culturelle et littéraire qui réunissait les Serbes de tous les segments de

13 cet Empire austro-hongrois. Il était question là de discuter, de débattre

14 différents sujets culturel et autres. Mais les dirigeants austro-hongrois

15 ont interdit les activités de cette organisation en la traitant de Grande

16 Serbe.

17 A partir de là, et notamment à partir de l'insurrection

18 bosno-herzégovienne en 1875, qui a constitué un grand mouvement national

19 serbe contre la Turquie et qui a influé sur l'état d'esprit dans les deux

20 principautés, à savoir, la Serbie et le Monténégro, on a vu se renforcer la

21 campagne -- se renforcer et s'élargir la campagne contre les aspirations

22 Grand Serbe pour aboutir à un paroxysme après le congrès de Berlin qui a,

23 lui, autorisé l'Autriche-Hongrie à occuper la Bosnie-Herzégovine; celle-ci

24 aspirant à son annexion de tout temps. Cela se fera en 1888.

25 Dans toutes ces situations de crise, la campagne contre ce danger

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1 Grand Serbe ou soi-disant Grand Serbe en a été intensifiée, tant pendant

2 l'insurrection bosno-herzégovienne tout comme pendant la guerre entre la

3 Serbie et l'Autriche-Hongrie en 1808 -- 1909, puis pendant la guerre des

4 Balkans, pour que les choses finissent par exploser pendant la Première

5 guerre, pour ce qui est concerne la politique de lutte contre la Grande

6 Serbie.

7 Q. A la même page vous parlez et vous dites - et Messieurs, je

8 précise que cela figure à partir du début de la page 33, où on dit concept

9 de la Grande Serbie au milieu du XIXe siècle.

10 Vous nous dites : "La notion de Grande Serbie a été placée dans

11 l'opinion publique vers la moitié du XIXe siècle et après le congrès de

12 Berlin, l'on a développé et enrichi, de "façon systématique", le caractère

13 d'un campagne politique et religieuse sans début et sans fin. L'objectif de

14 cette campagne de construction d'un mythe, a été triple. D'un, en rendant

15 possible la création d'un Etat serbe dans ses limites nationales, de

16 camoufler les aspirations de l'Autriche-Hongrie vis-à-vis des territoires

17 balkaniques et ouvrir la voie aux actions des missionnaires catholiques

18 pour ce qui est du sud-est de l'Europe. Les modalités d'élargissement ou de

19 propagation de ce mythe du danger Grand Serbe, n'ont fait qu'être

20 multipliées. Au XIXe siècle l'on a encouragé cela pour ce qui est du Drang

21 nach Osten en passant par le fascisme, le communisme et jusqu'au globalisme

22 contemporain. Ce mythe, au cours de la dernière décennie suivant Malan

23 [phon] a promu ce mythe Grand Serbe comme constituant une menace pour la

24 seule et unique superpuissance sur ce globe terrestre.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question ?

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1 Quelle est la question qui découle de ceci ?

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. La question découle de ceci : qui est-ce qui a participé et avec quelle

4 motivation, pour ce qui est de l'édification de ce mythe du danger Grand

5 Serbe ?

6 R. Diverses grandes puissances y ont pris part. Je vais vous citer

7 quelques-unes d'entre elles. La Grande-Bretagne y a pris part parce qu'elle

8 voulait à tout prix empêcher le renforcement de la Serbie, en craignant là

9 une place forte de la Russie dans les Balkans. Jusqu'à la chute du 2e

10 Empire en 1870, cela a été valide pour la France. On voulait également

11 combiner avec un partage de territoire, avec les Habsbourg. La monarchie

12 des Habsbourg s'y opposait pour les raisons que j'ai énoncées tout à

13 l'heure, et s'y opposait également, en grande mesure, l'Eglise catholique,

14 parce qu'elle a incorporé sa façon de voir sur les activités des

15 missionnaires vers une Europe d'états nationaux, au travers de plusieurs

16 programmes et projets qui ont été élaborés en Italie, notamment à l'époque

17 où la Serbie avait élaboré son programme national à elle en 1844.

18 Cesare Baldo dit : Les espoirs d'Italie. Il est dit dans ce livre,

19 pour parler des espoirs de l'Italie. Il dit : Les espoirs de l'Italie,

20 c'est de procéder à une réunification en sa qualité de pays catholique,

21 mais de procéder également avec l'Autriche, qui est le missionnaire

22 catholique qui devrait sortir de l'Italie et se diriger plutôt vers les

23 Balkans aux fins d'y procéder à un expansionnisme du catholicisme.

24 Pour des fins de politique de cette nature et pour cette idée-là, les

25 réalisateurs de la politique, par la suite, vont bénéficier d'un appui

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1 complet du Vatican, notamment pour ce qui est des milieux du clergé et les

2 milieux clérofascistes croates, tant pour ce qui est des XIXe et XXe

3 siècles.

4 Q. Merci, Professeur. En répondant à l'une de mes questions précédentes,

5 vous avez parlé du premier soulèvement populaire serbe. Vous avez parlé de

6 révolution nationale serbe. Ma question serait la suivante, étant donné

7 qu'il faudrait apporter des explications plus vastes : quel a été le rôle

8 joué par cette révolution nationale et sociale entre 1804 et 1815, pour ce

9 qui est de l'histoire du peuple serbe et pour ce qui est de la pose des

10 fondations du programme national serbe, autant que pour ce qui est du

11 réveil des nations balkaniques ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez,

13 Professeur, Monsieur Milosevic, j'aimerais que vos questions soient

14 organisées de façon à ce que des réponses courtes soient facilitées. Parce

15 que les réponses se sont trop longues.

16 Professeur, je vous prierais de nous apporter des réponses plus brèves.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très volontiers.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il faut que nous puissions en

19 terminer avec les questions dans le cadre de temps imparti.

20 Monsieur Milosevic, allez-y.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Je vais poser trois questions alors. Quel a été le rôle pour ce qui est

23 de la révolution nationale et sociale de la Serbie entre 1804 et 1815, pour

24 ce qui est de l'histoire serbe ?

25 R. Cette révolution a montré à la population serbe que les acquis

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1 civiques, à savoir les idées civiles, en passant par les Serbes de la

2 monarchie des Habsburg pour arriver dans les Balkans, étaient possibles à

3 réaliser. Si vous me le permettez, j'aimerais faire une comparaison. Autant

4 que la révolution américaine dans les années 1870 a montré que les idées de

5 John Locke et des autres historiens et théoriciens civils étaient

6 réalisables, la révolution serbe a montré que les Balkans pouvaient être à

7 même de faire siens ces acquis et de réaliser les revendications des

8 révolutions sociales. Ce serait là la réponse que je vous apporterais. Si

9 vous voulez, je peux reprendre.

10 Q. Non, point n'est nécessaire de reprendre. Ce serait là les fondements.

11 Maintenant, pour ce qui est du programme national serbe. On a parlé de

12 l'éveil des peuples balkaniques, et le programme national serbe ?

13 R. Ce rôle est très important aussi, parce qu'à l'époque de la première

14 insurrection serbe dans l'état-major de Karadjordje, Karadjordje était le

15 chef du premier soulèvement populaire, partant des idées exprimées par deux

16 prélats de l'Eglise orthodoxe serbe, Stratimirovic et l'évêque du

17 Monténégro, Peter I, il a été édifié un programme de réunification des

18 terres serbes.

19 Karadjordje était d'accord avec cela. Il a essayé de réaliser cela, ce qui

20 fait que pour la première fois, les idées portant sur la réunification des

21 Serbes et pour ce qui est de la création d'un Etat serbe national, eux sont

22 devenus pratiquement des choses vivantes. Cela importe pour les autres

23 nations des Balkans, parce que cette révolution serbe a encouragé les

24 mouvements nationaux en Grèce, Philike Hetairia, à savoir, organisation de

25 libération de la Grèce, qui s'est créée en 1815, et les mouvements de

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1 libération de la principauté roumaine. Ces deux mouvements se sont faits

2 présents vers les années 1820.

3 Ce mouvement serbe a donc encouragé ces initiatives de libération des

4 autres peuples des Balkans.

5 Q. Bien. Je ne vais pas m'attarder davantage sur ceci. Vous pouvez

6 retrouver cela dans le chapitre 3 de votre rapport. Pour ce qui est du

7 texte serbe, cela figure à la page 8, en version anglaise, cela figure en

8 page 7, paragraphe 3. Il est question de la transformation révolutionnaire

9 du peuple serbe, début XIXe siècle où toute l'Europe a été secouée par des

10 révolutions sociales entamées par la révolution française. Vous apportez

11 les explications que vous y apportez.

12 Monsieur le Professeur, j'aimerais que vous nous disiez qu'est-ce qui a

13 marqué les programmes nationaux des autres peuples de l'Europe à l'époque

14 où il y a édification de ce programme national serbe, première moitié du

15 XIXe siècle ?

16 R. Si vous le voulez, je peux vous exposer plusieurs informations pour

17 illustrer ce qui a caractérisé, par exemple, le cas de l'Allemagne ou le

18 cas de l'Autriche où il y a eu le programme national italien.

19 Hans Ulrich Weller, l'historien autrichien, a analysé tout ces mouvements

20 nationaux et les a partagés --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur Milosevic.

22 Qu'est-ce que vous cherchez à démontrer ici ? Est-ce que c'est le fait que

23 d'autres pays européens avaient des programmes nationaux et sociaux

24 similaires ? Je ne sais pas, et je ne suis pas sûr de la pertinence de tout

25 ceci. Concentrons-nous sur la Serbie. Nous ne sommes pas à l'université

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1 ici. Ce n'est pas une académie.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ici s'agissant de l'idée et

3 du mythe de la grande Serbie, on y accède ici de façon tout à fait

4 simplifiée et mal intentionnée. L'académicien Popov est une personnalité

5 des plus compétentes pour expliquer les modalités de développement de cette

6 idée dans le courant du XIXe siècle, pour expliquer quel a été le contexte

7 historique compte tenu des événements survenus dans d'autres pays européens

8 de la même époque, et ces pays se trouvant autour de la Serbie, dans des

9 pays limitrophes, et ainsi de suite. Je n'ai aucunement besoin de prouver

10 des faits historiques. Nous avons ici un historien qui est tout à fait à

11 même de nous l'expliquer. Mais je pense que tout un chacun aura de

12 l'utilité à comprendre le contexte historique dans lequel mythe a été mis

13 en place, notamment si on ne perd pas de vue les modalités suivant

14 lesquelles cette idée a été utilisée à mauvais escient dans l'acte

15 d'accusation. C'est la raison pour laquelle j'estime que cela est

16 pertinent.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois reconnaître --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais l'autoriser, mais soyez

19 bref, Professeur.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaierais d'être le plus bref possible.

21 Hans Ulrich Weller a exploité et analysé trois types de mouvement de

22 réunification nationale en Europe, là où c'était des états; par exemple, la

23 France, l'Espagne, les pays scandinaves. Là où il y a eu des nations qui se

24 battaient pour une réunification, cela a été le cas de l'Italie, de

25 l'Allemagne, et les pays balkaniques. Il y a eu le cas où cela s'est créé

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1 par sécession vis-à-vis des territoires des grands empires. Cela se

2 rapporte également aux pays balkaniques.

3 A l'époque où ces idées ont fait leur apparition, lorsque ces trois

4 typologies se sont faites présentes, je peux vous dire que l'Allemagne

5 avait l'idéologie nationale la plus développée, en se référant notamment à

6 Weller. Je tiens à dire, et je ne vais pas vous faire perdre votre temps,

7 mais j'ai ici au moins 11 citations tirées de l'œuvre de ces théoriciens

8 allemands. Par conséquent, si vous ne pensez pas que cela est nécessaire,

9 je ne le citerai pas. Ce que je vais vous dire, c'est seulement c'est le

10 fait que ce n'est pas une spécificité serbe. L'idée d'un Etat national,

11 d'une réunification nationale, n'est pas spécifiquement serbe. Pour les

12 Serbes, la grande Serbie c'est un Etat fort et puissant où se

13 retrouveraient les Serbes.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous avez

15 identifié le contexte historique de ce concept. Merci beaucoup, Professeur.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Professeur Popov, quelles étaient les réactions des grandes

18 puissances ? Maintenant nous parlons des grandes puissances de l'Europe,

19 s'agissant de cette aspiration des Serbes en 1804 ? En 1804, il y a eu ce

20 soulèvement pour se libérer des Turcs.

21 R. En effet.

22 Q. Il s'agissait là d'un mouvement et d'une révolution nationale et

23 sociale qui a duré de 1804 à 1815. Quelles ont été les réactions des

24 grandes puissances en Europe ?

25 R. Toutes les réactions étaient négatives. Je crois vous avoir parler de

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1 cela tout à l'heure. Ce que je peux ajouter c'est ce qui suit : toutes les

2 grandes puissances à cette idée de libération et d'indépendance de la

3 Serbie avaient adopté une attitude négative jusqu'au congrès de Berlin,

4 date à laquelle enfin la Serbie, le Monténégro et les principautés romaines

5 se sont vus reconnaître le droit à la création d'états nationaux

6 souverains. C'est les six grandes puissances qui l'ont fait. C'était les

7 grandes puissances qui s'étaient portées garantes pour protéger les

8 intérêts de ces peuples qui étaient placés sous occupation turque.

9 Q. Merci, Professeur. On a parlé ici du Nacertanije de Garasanin.

10 R. Oui.

11 Q. Cela fait partie du domaine de l'intérêt que vous avez témoigné à cette

12 période de l'histoire, étudiée par vos soins de façon plus spécifique.

13 Dites-nous comment ce Nacertanije de Garasanin a pris naissance ? Ici, dans

14 un travail d'expert, nous avons même eu le témoignage d'un expert cité par

15 la partie adverse, pour ce qui est de Nacertanije, sa création. Donc, ma

16 question à votre intention, c'est de nous dire comment ce Nacertanije a

17 pris naissance ?

18 R. Ce travail d'expert c'est, je pense, le travail de

19 Mme Audrey Budding, quelque chose que je me suis procuré de façon tout à

20 fait fortuite. J'ai vu que la question a été traitée avec beaucoup

21 d'incompréhension. Le Nacertanije est, en fait, une définition rédigée des

22 aspirations nationales serbes, mais les Serbes n'ont pas été les

23 initiateurs de cela; c'est l'immigration polonaise. Cela s'est fait ainsi.

24 Je vais être très bref. Le prince Milos en s'entretenant une fois avec deux

25 diplomates, un David Urquhart, un diplomate britannique, et Bois-le-Comte,

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1 un diplomate français, a présenté, et cela se passe en 1832, a présenté

2 l'idée au terme de laquelle les Serbes aspireraient à une réunification des

3 terres serbes autour de la Serbie. Ce n'était pas seulement une aspiration

4 des Serbes de Serbie, mais des Serbes à l'extérieur de la Serbie. David

5 Urquhart a dit cela à son gouvernement, il l'a publié dans sa revue

6 portfolio qu'il éditait, et chose importante, il en a à emporter Adam

7 Chartoriski, le chef de l'immigration polonaise. Adam Chartoriski,

8 lorsqu'il a étudié cette idée, a trouvé qu'elle était très bonne. Il a

9 estimé qu'il fallait dans les Balkans, avec l'aide des Serbes, lancer un

10 mouvement national de grande envergure qui se dirigerait tant contre

11 l'Autriche que contre la Russie parce que c'est ces deux puissances qui

12 s'étaient partagées la Pologne. Dans l'intérêt de la réunification du

13 peuple polonais, il s'agissait de lancer une activité qui mettrait en

14 dispute l'Autriche-Hongrie et la Russie. Il a envoyé à cet effet plusieurs

15 missions. Je ne vais pas vous donner tous les noms, mais la mission la

16 déterminante était celle de Frantisek Zah. Il a apporté les instructions de

17 Frantisek pour ce qui est de la politique serbe et faillant être suivi par

18 la politique serbe. Il a remis cela à Ilija Garasanin en 1844. Garasanin a

19 remodelé le texte mais a omis de ce programme, la Croatie, raison pour

20 laquelle il a été critiqué grandement pour avoir été anti-yougoslave, parce

21 qu'il avait rédigé un programme serbe. Par prudence diplomatique, pour ne

22 pas trop irriter l'Autriche, il a omis les tendances anti-russes de

23 l'instruction de Chartoriski, ce qu'il a fait qu'il a formulé de la sorte,

24 un programme que j'ai ici. Il a été publié à plusieurs reprises, mais il a

25 été secrètement gardé dans les coffres-forts du gouvernement serbe et des

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1 dirigeants serbes, jusqu'en 1906, donc plus de 60 ans.

2 Il a été publié pour la première fois en 1906, et c'est à partir de ce

3 moment-là qu'ont été entamés les débats à ce sujet. On a commencé à porter

4 des jugements, en disant que c'était un Grand Serbe anti-yougoslave. Je ne

5 vais pas mentionner seulement les historiens serbes, je vais mentionner un

6 historien américain qui a rédigé la biographie de Garasanin. Cela a été

7 considéré comme étant le programme national serbe. C'est ainsi que cela

8 s'est créé.

9 Q. Professeur, vous ai-je bien compris en répondant à une question qui a

10 été souvent posée, celle de savoir si Nacertanije était Grand Serbe,

11 serbe ou yougoslave comme programme. Je crois comprendre que vous répondez

12 en disant que c'est un programme serbe.R. Oui, c'est exact.

13 Q. Pourquoi pas Grand Serbe ?

14 R. Il n'est pas Grand Serbe parce que l'on avait prévu de réunifier autour

15 de la Serbie seulement les territoires où les Serbes étaient majoritaires

16 de façon absolue ou relative. Mis à part la principauté de la Serbie elle-

17 même, il y avait là la Bosnie. Je ne parle pas de Serbes seulement. Il y

18 avait des Serbes catholiques, il y avait des Serbes musulmans. Lui, n'a

19 parlé que de la population orthodoxe. Cette population constituait 44 % de

20 la population, chiffre totale. Jusqu'en 1889, il n'y a pas eu de vrai

21 recensement.

22 Puis, le Monténégro, qui s'estimait, jusqu'à la Première guerre

23 mondiale et même après, comme étant le plus serbe de tous les pays serbes.

24 Par la suite, il y avait la vieille Serbie, à savoir, la région de la

25 Raska, le Sandzak, et le Kosovo et Metohija, car cela avaient constitué les

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1 acquis de l'histoire nationale serbe d'une part. D'autre part, à l'époque

2 de la rédaction de Nacertanije, la suprématie ou la prépondérance de la

3 population albanaise n'existait pas. L'équilibre entre la population serbe

4 et la population albanaise, à savoir, le déséquilibre entre la population

5 albanaise et les populations non-albanaises s'est développé après 1888,

6 parce que c'est à partir de cette date-là que l'on voit naître un mouvement

7 national albanais très agressif. C'est la raison pour laquelle ce mouvement

8 n'a pas été jugé comme étant Grand Serbe.

9 Q. Bien. Vous avez indiqué quels sont les territoires que Garasanin

10 considéraient comme étant serbes. Quelles étaient les modalités de cette

11 réunification ?

12 R. Cela devait se faire de façon suivante : sans recours révolutionnaire,

13 sans guerre, il fallait procéder au pas à pas pour démanteler l'Empire

14 turque qui était en crise depuis deux siècles. Il a dit, nous allons

15 procéder par recours au droit, au sein droit historique et non pas en

16 passant par le droit naturel ou par le non droit national. Nous allons

17 procéder à la réunification de ces deux territoires qui se seront libérés

18 de l'Empire ottoman et où celle notamment où le peuple serbe est

19 majoritaire. Nous formerons les gens de ces territoires-là pour qu'ils

20 puissent accomplir des fonctions administratives. C'était là l'idée d'Ilija

21 Garasanin.

22 Q. Oui, tout à fait. Dans cette conception, il parlait de territoires

23 uniquement où les Serbes étaient majoritaires. Pouvez-vous, très

24 brièvement, nous dire de quelle façon les Serbes sont arrivés en possession

25 de ces territoires dont a parlé Garasanin donc les territoires où les

Page 34467

1 Serbes étaient majoritaires ?

2 R. Ces territoires s'agissant de l'Etat serbe, ces territoires ont été

3 libérés par l'Etat serbe pendant la Première et la Deuxième guerres

4 balkaniques. Il s'entend pendant la Première guerre mondiale aussi bien en

5 se réunifiant, mis à part la Macédoine, qui a été prise militairement. Il y

6 a eu réunification avec ces territoires partant de la volonté exprimée par

7 les populations de ces territoires.

8 Q. Bien. Dites-moi, est-ce que les Serbes ont chassé qui que ce soit de

9 ces territoires où ils faisaient la majorité du temps de Gararasin encore ?

10 R. Il y a eu un cas lorsqu'une partie de la population albanaise en 1878,

11 a fui non pas devant l'armée serbe mais devant la population serbe insurgée

12 sur le territoire au sud de Nis jusqu'à Vranje. Nis se trouve à quelques

13 200 kilomètres au sud de Belgrade, puis vient Leskovac, puis vient Vranje.

14 La population serbe là-bas s'est soulevée contre l'autorité turque, et

15 l'autorité turque était assistée de façon la plus directe par la population

16 albanaise armée. C'étaient ceux que l'on appelait à l'époque les

17 Basibozluk. Les représailles serbes ont ensuite généré une grande peur au

18 niveau de la population albanaise et elle a commencé à s'en aller. Quelques

19 30 000 Albanais sont partis vers le Kosovo et Metohija. Une fois, ces

20 troupes serbes sont arrivées, commandées par le général Jovan Belimarkovic.

21 Ce général a fait mettre un terme. Il a dit à cela, il a dit que les

22 troupes serbes allaient se retirer si cette erreur et ces pressions

23 exercées à l'encontre de ces Albanais ne cessaient pas, ces Albanais qui

24 avaient combattu du côté des Turcs.

25 C'est le seul cas où l'on pourrait parler de pression exercée de la

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1 part des Serbes pour faire partir une partie de la population de certains

2 territoires vers le Kosovo.

3 Q. Quelles raisons le Nacertanije a-t-il été condamné comment étant un

4 programme Grand Serbe pour dire que la Serbie était un Etat conquérant ou

5 un Etat avec des aspirations conquérantes ?

6 R. C'était tout d'abord les titulaires de la politique des Habsburg, à

7 savoir, l'Autriche et l'Hongrie, et ceci sous la forme la plus virulente de

8 persécution de toute initiative culturelle, spirituelle, politique, ou

9 autre de la part de Serbes.

10 Voilà, un exemple assez bizarre : En Bosnie, vers 1906, ou plus ou moins

11 vers 1906, il a été interdit l'organisation serbe de la Croix Rouge parce

12 qu'elle s'appelait organisation serbe de la Croix Rouge. Alors vous pouvez

13 imaginer quel a été le sort des autres initiatives serbes.

14 D'autre part, cette activité déployée par l'Autriche a été pleinement

15 soutenue par les idées croates, parce que les Croates, eux aussi, avaient

16 une idée, une conscience nationale très développée vers la deuxième moitié

17 du XIXe siècle, et ceci de façon plus expansionniste et plus agressive que

18 cela n'a été le cas de l'idée serbe à partir d'Ante Starcevic qui a nié

19 carrément l'existence des Serbes. Il estimait que les Serbes étaient une

20 ramification des Croates, et pour ce qui est de Nemanja, le fondateur de la

21 dynastie serbe était considéré comme étant Croate, s'agissant de l'Etat

22 serbe.

23 Ainsi que son collaborateur, Klaternik, il le voyait faire l'objet de

24 l'élargissement de la Croatie jusqu'à la Macédoine, en haut, jusqu'à

25 Salzburg. Une telle idéologie, qui n'a jamais pris fin, a été devenue plus

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1 modérée après la Première guerre mondiale. Il s'arrêtait jusqu'à la Drina,

2 donc aux frontières des rivières la Sava, le Danube et la Drina. Ces

3 aspirations ont été orientées de façon antiserbe et accusaient la Serbie

4 d'idée Grand Serbe. Il s'agissait de crier aux loups alors que le renard

5 est en train de manger la viande dans le garde-manger.

6 Q. Dites-moi, y avait-il des fondements pour ce qui est d'accuser la

7 Serbie d'intention conquérante ? C'était là une partie de ma question. Y

8 avait-il des fondements pour ce qui était d'accuser la Serbie d'aspiration

9 conquérante ?

10 R. Partant de l'évolution historique des objectifs et des aboutissements

11 historiques, nous pouvons parler et dire aujourd'hui et affirmer, je

12 dirais, qu'il n'y avait pas de fondement à cela. Ça et là, il y a eu des

13 incidents qui ont grandement été dramatisés et qui ont été mystifiés. On en

14 a fait des preuves historiques, mais véritablement s'agissant de fondement

15 pour ce qui est d'une politique conquérante à l'égard de peuple de

16 territoire non-serbe, il n'y en a pas eu.

17 Q. Il n'y a pas eu de fondement pour des accusations de cette nature ?

18 R. Non.

19 Q. Professeur, dites-moi, si oui, et si oui, dans quelle mesure la pensée

20 nationale serbe avait eu pour idée maîtresse un programme ou un plan Grand

21 Serbe ?

22 R. Les programmes de l'Etat serbe et la politique de l'Etat serbe, la

23 politique officielle, j'entends, n'a jamais eu d'idée Grand Serbe. Elle

24 s'orientait davantage vers la conservation de ce qui a été acquis jusqu'en

25 1878, à savoir, un Etat serbe avec une souveraineté reconnue.

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1 Dans la société serbe, bien entendu, il y a eu des périphériques

2 relatifs à la Grande Serbie. Vous savez que, dans toutes les peuples, il y

3 a eu Pantelja, Milojevic et Sreckovic, qui ont parlé du renouvellement de

4 l'Empire de Dusan. La jeunesse serbe avait exprimé une sorte d'idée de

5 cette nature, mais en parlant de façon plutôt fervente. C'était une sorte

6 d'effervescence de cette jeunesse. En 1888, Stefan Ladislav Kacanski, qui a

7 vécu à Belgrade mais qui était originaire de Vojvodine, a lancé la

8 publication d'un journal qui s'est vite éteint parce que personne ne le

9 lisait.

10 Donc, un seul et véritable mouvement en faveur de la Grande Serbie

11 datait de la grande crise annexionniste de 1908, date à laquelle il a été

12 créée une organisation appelé la Défense nationale serbe. Lorsque cette

13 crise est révolue, lorsque la crise a été surmontée, cette organisation

14 s'est muée en mouvement culturel. Mais quelque 500 officiers se sont

15 dissociés de ce mouvement pour créer une organisation clandestine, qui

16 s'appelait la Réunification ou la mort. Ils avaient une ramification qui

17 s'appelait la Main noir, et qui avait défendu une idée favorable à la

18 Grande Serbie. Ils ont publié une revue appelée le Piémont, en faisant

19 allusion au Piémont italien, mais le gouvernement serbe, ou la majorité des

20 têtes tenus par Nikola Pasic et ses radicaux ont réussi à étouffer la

21 publication de ce journal en 1911. Il y en allait plus difficile pour ce

22 qui était d'étouffer cette Main noir parce que 500 officiers organisés, ce

23 n'est pas rien. Donc, on a recherché des voies de le faire. Le régent, le

24 roi Alexandre, et Nikola Pasic, ont réussi à démanteler cette organisation

25 seulement pendant le déroulement de la Première guerre mondiale, et le chef

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1 de l'organisation, Dragutin Dimitrijevic, Apis, et deux de ses

2 collaborateurs, ont payé de leurs têtes le fait d'avoir des idées

3 subversives serbes.

4 Q. Soyons bref, pour ce qui est de ce que vous venez de nous expliquer. A

5 quoi aspirait donc le peuple serbe au XIXe siècle ?

6 R. A un seul et même objectif, à la réunification et à l'égalité en droit

7 avec les autres peuples. S'il s'agissait de Serbes en Croatie, personne ne

8 voulait leur faire partie de l'Etat serbe. Mais on réclamait pour eux - eux

9 réclamaient aussi - l'égalité en droit. Vous savez, dans le vocabulaire

10 serbe des hommes politiques serbes, aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles, le mot

11 le plus utilisé, la notion la plus utilisée, était l'égalité en droit.

12 Egalité en droit sur le plan politique, sur le plan culturel, sur le plan

13 spirituel, et ainsi de suite. Pour ce qui est de l'exercice de leurs

14 fonctions, de souveraineté, il s'agissait d'un Etat souverain, indépendant,

15 qui bénéficierait d'un statut d'égalité en droit vis-à-vis des Etats où les

16 Serbes resteraient à l'extérieur de la patrie mère.

17 Q. Est-ce que cela revient à dire que le peuple serbe au XIXe siècle

18 aspira obtenir ce qu'ils ont obtenu au congrès de Berlin ?

19 R. Oui, pour l'essentiel. Mais -- et c'est compréhensible, il était

20 sensible à ce mouvement, et à l'atmosphère qui régnait. Mais elle a subi

21 beaucoup de pression de la part des Serbes de Bosnie, de la Hongrie

22 méridionale, et de la Vojvodine d'aujourd'hui. "Unissons-nous," disait-on.

23 Les Serbes -- l'Etat serbe a évité cela parce qu'il était conscient des

24 problèmes que cela risquait d'engendrer.

25 Q. Dites-nous, l'Etat yougoslave, le premier Etat yougoslave de 1918 à

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1 1941, mais aussi la deuxième Yougoslavie, celle de 1945 à 1991, est-ce que

2 ces deux Yougoslavies étaient le produit d'une politique serbe ? Ou est-ce

3 que ces deux Etats se fondaient sur d'autres intérêts, d'autres

4 politiques ?

5 R. Ces Yougslavies ont été établis à partir de ses intérêts d'avoir tous

6 les Serbes dans le même Etat. Mais ce n'était pas possible dans l'Etat

7 serbe, l'Etat de Serbie. Ses aspirations se sont intensifiées, étaient plus

8 marquées au XXe siècle. Vous avez notamment un cercle d'hommes politiques

9 croates, vous avez aussi la politique serbe en Croatie, la vie publique de

10 la Vojvodine dans cette province, et dans d'autres parties de la monarchie,

11 des Habsbourgs. Vous avez aussi le programme de Nis, qui reprend ce

12 programme en temps de guerre, sur lesquels s'est basée la Serbie. On

13 remonte à décembre 1994, et on y parle des objectifs de la guerre, qui sont

14 la défense de la Serbie, et la libération des autres frères de la Slavie du

15 sud parce que c'est ce que demandaient ces frères.

16 Lorsqu'il y a notamment la coalition serbo-croate en Croatie, les

17 appels étaient très vifs, même s'ils n'étaient pas toujours publics parce

18 que l'Empire austro-hongrois avait provoqué plusieurs procès. Mais il y

19 avait beaucoup d'émigrés de Croatie, notamment, dans les pays de l'entente,

20 qui faisaient pression sur la Serbie pour dire : "Unissons-nous, libérons-

21 nous. Unissons-nous." Ce programme a été répercuté en 1917 dans la

22 déclaration de Corfou et, plus tard, avec la proclamation de l'unification

23 des toutes les nations de la Slavie du Sud, le 1er décembre 1918.

24 Mais il y a d'autres concepts également.

25 Q. Un instant. Il faut ici davantage d'explication. Il faut sérier les

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1 problèmes. Vous avez parlé de la déclaration de Nis, celle de Corfou, la

2 première était en1 1914, l'autre en 1917. Mais qu'étaient ces

3 déclarations ? Plutôt, est-ce que objectifs qu'on reprenait dans ces

4 déclarations du temps de la guerre, est-ce que c'était des objectifs qu'on

5 peut qualifier de Grands serbes, ou plutôt yougoslave ? De ces deux

6 déclarations, celle de Nis et de Corfou, est-ce qu'elles avaient une base

7 grande serbe ou yougoslave ?

8 R. On y exprimait des objectifs purement yougoslaves. Vous aviez eu la

9 Skupstina, l'assemblée nationale du royaume de Serbie de l'époque, cela

10 s'est formulé dans la déclaration de Nis, alors que l'autre est signé par

11 les représentants du gouvernement serbe, et ceux de ce conseil yougoslave,

12 qui avait été établi par les personnes de l'immigration qui venaient de ces

13 pays, et qui se trouvaient vivre en Grande-Bretagne, en France, et

14 ailleurs, en Suisse aussi d'ailleurs, on y voulait marquer le souhait

15 d'unification des terres yougoslaves.

16 Il s'exprime donc dans ces deux documents, dans ces deux déclarations, un

17 programme yougoslave.

18 Q. A cet égard, vu ce que vous venez de dire, nous avons parmi les pièces

19 plusieurs documents qui parlent de grands moments sur la voie de la

20 création de la Yougoslavie, l'idée -- ou plutôt les idées fondamentales qui

21 s'expriment en dehors de la Serbie par rapport à ce qui se passait. Vous

22 avez une lettre de Frano Supilo, la correspondance avec le ministre des

23 Affaires étrangères britannique Sir Edward Grey. Nous avons demandé le

24 versement de cette pièce au dossier. Pourriez-vous, tout d'abord, nous dire

25 qui était cette personne ? Qui était Frano Supilo ? Quelles étaient les

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1 idées qui présidaient à ce concept ? Quelles sont les initiatives prises ?

2 R. C'était un homme politique, une figure politique croate. Il était

3 membre de la coalition croato-serbe créée en 1905. Il était opposé à la

4 monarchie austro-hongroise.

5 Q. Et s'était créé où ?

6 R. Il y a eu la résolution de Zadar et de Rijeka, lors des deux réunions

7 en 1905.

8 Q. Donc, c'était une coalition de Serbes et de Croates qui vivaient dans

9 l'Empire austro-hongrois, dans la monarchie ?

10 R. Oui. Dans la province, la banovine de Croatie, et en Slavonie aussi, de

11 même qu'en Dalmatie.

12 Frano Supilo a été un des pères fondateurs de ce conseil yougoslave, mais

13 il y reprenait les idées d'Ante Starcevic, selon lesquelles il fallait

14 créer une Grande Croatie, qui allait intégrer et tourner autour de Zagreb,

15 qui serait le centre, vu les droits historiques, c'est ainsi que ceci était

16 formulé. Le droit de créer une Grande Croatie avec la Croatie, la Slavonie

17 et la Dalmatie, la Bosnie, Srem et la baie de Kotor. Ceci constituerait une

18 entité. Une partie de la grande Yougoslavie, de la futur Yougoslavie.

19 L'autre partie serait constituée de la Serbie, de la vieille Serbie et de

20 la Macédoine, ce qui veut dire que ces deux entités feraient partie d'une

21 confédération analogue à celle de la monarchie austro-hongroise.

22 Le gouvernement serbe, l'opinion publique serbe n'a pas accepté, tout

23 simplement, parce que, si on avait un Etat en Croates, ceci provoquerait un

24 déséquilibre entre les populations serbes et croates au détriment des

25 Serbes. Les Croates représenteraient 38% de la population, alors que, dans

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1 la moitié Serbe, les Serbes représenteraient 70%. En dehors des terres

2 serbes, vous auriez la moitié des Serbes, tous ceux de Bosnie, tous ceux de

3 Hongrie, de la Vojvodina d'aujourd'hui, de la Slavonie. Il était impossible

4 pour les Serbes d'accepter ce type de confédération, parce que ce que les

5 Serbes voulaient, c'était un Etat conjoint ou il aurait égalité des droits,

6 sur le plan religieux, culturel, spirituel. L'idée, c'était l'égalité en

7 droits pour les Serbes, les Croates et les Slovènes.

8 Q. Quand est-il des lettres que Frano Supilo échange avec Nikola Pasic ?

9 R. Oui, c'est une lettre envoyée à Nikola Pasic où il présente ses idées.

10 Il prend ses distances par rapport aux autres membres du conseil

11 yougoslave. Il y avait à la tête Ante Trumbic, un Dalmate, c'est un

12 chauviniste, et une figure de proue dans le monde politique, parce qu'il

13 voulait une Yougoslave centralisée sans cette division en deux entités.

14 L'une Croate, l'autre Serbe.

15 Q. Stjepan Radic envoie une lettre au gouvernement britannique, qu'en est-

16 il ?

17 R. Cela, c'était en 1922, alors que Yougoslavie avait déjà été créée. Donc

18 Supilo, il était le point de départ d'un projet grand Croates, développé

19 par Stjepan Radic, lui aussi, figure politique, personnalité qui était le

20 dirigeant du Parti paysan croate et il voulait qu'il y ait, dans cette

21 Yougoslavie unifiée, un Etat neutre, un Etat croate neutre, une espèce dans

22 la monarchie yougoslave. Une République croate. C'était absurde comme idée,

23 mais, selon lui, ceci allait incorporer tous les territoires déjà

24 mentionnés par Supilo, mais avec, en plus, Banat. Je viens de là. Je viens

25 de ces contrées. J'ai connu tout cela parce que tout ce que vous avez c'est

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1 trois villages qui sont maintenant en Roumanie. C'était trois villages

2 catholiques, et cela suffisait pour estimer qu'ils devaient appartenir à la

3 Croatie. C'était-là les idées de Supilo qu'il a longuement exposées dans un

4 entretien au Daily News.

5 Q. Oui, vous voulez dire Stjepan Radic ?

6 R. Oui, oui. En 1922, dans un long entretien accordé et qui était destiné

7 à étonner l'opinion publique serbe, mais aussi croate.

8 Q. Mais nous avons demandé le versement de cet entretien de Stjepan Radic.

9 R. Oui, c'est important pour comprendre la problématique.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous parlez du document que

11 l'on retrouve à l'intercalaire 5, mais je parle en mon nom personnel. Je ne

12 pense pas que c'est de cette façon-là qu'il faut présenter des pièces. Le

13 traitement qu'il faut réserver aux pièces doit être spécifique si vous

14 demandez le versement d'une pièce, vous devez la montrer et poser une

15 question à son propos. Il ne convient pas de fournir dans ce cadre un

16 commentaire général.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Kwon.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De plus, nous n'avons pas de traduction

19 de ces lettres, de cet entretien. Permettez-moi d'ajouter quelque chose, je

20 me saurais tout du moins attendu à ce que l'on ait un sommaire en anglais.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'étais convaincu qu'il y avait un sommaire en

22 anglais et que bon nombre des documents mentionnés avaient été traduits car

23 M. le Professeur a présenté en annexe beaucoup de pièces, en annexe à son

24 rapport. Mais puisqu'il n'y a pas eu de traduction, de ce document, je

25 demanderai à ce qu'il y ait au moins traduction de sept points afin que

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1 vous puissiez suivre ce qui se dit en anglais. C'est la lettre de Frano

2 Supilo à Sir Edward Grey, celle de Supilo à Pasic, la lettre de Stjepan

3 Radic au gouvernement britannique, l'entretien ou l'interview de Radic que

4 je viens ou que le Pr Popov vient de mentionner à l'instant, accordé au

5 quotidien de Londres, le Daily News, et aussi à la Tribune. Puis la carte

6 de 1928 du roi Alexandre. Je pense que là une traduction est inutile. Le

7 programme du Parti Macek, ainsi que l'accord Macek. Je ne sais pas si cela

8 a été traduit, mais je crois que ces points, ces sept points doivent avoir

9 été traduits. Si ce n'est pas le cas, cela ne représente pas une tâche

10 considérable.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas de traduction. Il y

12 a très peu de documents traduits. Très très peu. Mais ce que l'on essaie de

13 dire, Monsieur Milosevic, c'est que lorsque vous posez vos questions en

14 interrogatoire principal, si vous renvoyez à des informations convenues

15 dans ce document, il faut nous le dire; sinon, on a l'impression que c'est

16 un dialogue privé entre le témoin et vous-même. Car nous, nous ne sommes

17 pas dans ce cas-là, amène d'apprécier le poids qu'il faut donner à ces

18 éléments de preuves.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je intervenir ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que voulez-vous dire ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que ma parole est une preuve en

22 soit parce que, quand même, elle est étayée par 45 années de recherche

23 scientifique.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien sûr. Nous acceptons cette idée.

25 Mais si on fait référence à un document, il faut que nous, nous voyions ce

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1 document.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on peut bien sûr traduire ces documents.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Ce n'est pas de votre faute, c'est de la mienne si ces documents n'ont

5 pas été traduits parce que je m'attendais à ce que les extraits que nous

6 avions mis en externes soient traduits.

7 Intercalaire 5. Nous avons ce livre : "Le fédéralisme

8 yougoslave : Idées et réalité, c'est tout un recueil, en fait, de documents

9 en fait.

10 R. Oui.

11 Q. Dans ce jeu de documents, on trouve ceux que vous mentionnez dans

12 votre rapport, n'est-ce pas, dont vous venez de parler?

13 R. Oui, ce que j'ai refait en annexe.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez maintenant de

15 l'intercalaire 5 : "Le Fédéralisme yougoslav" ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, "Idées et Réalité." C'est en fait une

17 sélection qui est opérée dans des documents. C'est un recueil de documents.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous sommes face aux mêmes problèmes

19 que nous avons eus avec le témoin précédent. Ceci nécessite énormément de

20 patience Monsieur Milosevic. Lorsque nous sommes saisis les éléments de

21 preuve de ce genre. Ce que nous avons eu comme stratégie, c'est de vous

22 demandez de décider d'un petit extrait qui serait placé sous le

23 rétroprojecteur et nous pourrons en recevoir la traduction.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Monsieur le Professeur --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il est l'heure de lever

3 l'audience. Il est 13 heures 45. L'audience se termine.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous sommes ajournés jusqu'au

6 mercredi de la semaine prochaine, à 9 heures 00.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi 16 décembre

8 2004, à 9 heures 00.

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