Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 19 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que de poursuivre votre

7 interrogatoire principal, Monsieur Milosevic, je voudrais dire que nous

8 avons obtenu des traductions en anglais des intercalaires 27A et de

9 l'intercalaire 31. Ces deux documents avaient reçu une cote à des fins

10 d'identification, étant donné que nous attendions une version anglaise de

11 ceci. Maintenant que nous l'avons, on pourra les verser au dossier. Il

12 semblerait que l'intercalaire 28 est également dans le paquet ? Oui, cela

13 en fait partie en effet. Donc ces documents peuvent à présent être versés

14 au dossier.

15 Veuillez continuer, Monsieur Milosevic.

16 LE TÉMOIN: RATKO MARKOVIC [Reprise]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

19 Q. [interprétation] Professeur Markovic, nous nous étions arrêtés à cette

20 délégation du 10 mars 1998, que vous aviez présidée. Vous souvenez-vous du

21 fait que bien avant cela il a été créé une délégation qui s'était efforcée

22 de surmonter les problèmes au niveau de l'éducation, de la formation

23 scolaire ?

24 R. Je m'en souviens.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous prie de

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1 reprendre votre question.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation] Fort bien.

3 Q. Professeur Markovic, nous nous sommes arrêtés au niveau de ces

4 délégations qui s'est créées le 10 mars 1998, aux fins de débattre de

5 toutes les questions politiques. Vous souvenez-vous aussi du fait qu'avant

6 la mise en place de ces délégations, bien avant je dirais, à savoir, deux

7 ans avant cela, il a été créé une délégation qui était chargée de négocier

8 du système scolaire. Vous en souvenez-vous ?

9 R. Je m'en souviens. Je me souviens même de la composition de cette

10 délégation. Il y avait là le ministre Ratomir Vico, puis Goran Perkovic et

11 Dobroslav Bjelotic. Les négociations ont été organisées par l'intermédiaire

12 de Sant'Egidio et du Monseigneur Paglia.

13 Q. Cela a duré combien, si vous en souvenez ?

14 R. Ces négociations ont duré assez longtemps. Je n'ai pas suivi cela de

15 très près, mais je pense que tout ceci s'est terminé avant nos déplacements

16 vers Pristina. Avant les déplacements de cette délégation créée par le

17 gouvernement de la République de Serbie.

18 Q. Bien. Dites-moi maintenant : quel a été le résultat des négociations

19 que vous avez conduites vous-même avec la participation de tous les groupes

20 ethniques ? Quand je parle de "représentants de communautés ethniques", je

21 parle de communautés ethniques qui sont mentionnées dans les documents

22 issus de ces entretiens. Il y a les Albanais, les Goranis, les Rom, les

23 Turcs, les Musulmans, puis il y a eu la communauté ethnique serbe et

24 monténégrine aussi bien. Quel a été l'aboutissement de ces entretiens ?

25 R. L'aboutissement des dits entretiens se traduit par un accord portant

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1 sur l'intégration d'une solution qui serait respectueuse de l'individualité

2 de toute communauté ethnique prise individuellement. Pour ce qui est

3 d'intégrer ce type de solution, dans le cadre des autogestions locales, il

4 s'agissait de traduire cela en accord politique, un accord politique

5 d'autogestion au Kosovo et Metohija.

6 Q. Très bien. Ouvrez maintenant l'intercalaire 43, je vous prie. Il y

7 figure un accord publié le 25 novembre 1998. Pour gagner du temps, pour ne

8 pas poser trop de questions à ce sujet au Pr Markovic, étant donné qu'il

9 s'agit seulement d'une information, ceci constitue une photocopie du

10 journal Borba. On voit "Borba," in English, tout en haut, étant donné que

11 ce journal avait une ou plusieurs pages de l'imprimeur en anglais. Ce qui

12 était publié, a été publié en même temps en anglais, à la date du 25

13 novembre 1998.

14 Professeur Markovic, pouvons-nous nous pencher sur le texte de cet accord.

15 Avant toute chose, aux fins de déterminer l'approche, j'aimerais préciser

16 ce qui a été pris ici comme point de départ. On dit tout au début que les

17 signataires de cet accord, compte tenu de la complexité de la structure

18 ethnique du Kosovo et Metohija, et compte tenu de la nécessité de protéger

19 le développement ainsi que l'existence de toute communauté ethnique

20 particulière, et je vais donner, donc lire, parce que je n'ai as le texte

21 en Serbe.

22 "En réaffirmant le rattachement à la position aux termes de laquelle toutes

23 les communautés ethniques, indépendamment du nombre de leurs

24 ressortissants, se trouvent être sur pied d'égalité entre eux, et que par

25 voie de conséquences, il ne saurait y avoir dans leurs relations quelque

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1 discrimination que ce soit."

2 On dit aussi, je cite :

3 "Etant donné que les ressortissants de toutes les communautés ethniques au

4 Kosovo et Metohija devraient avoir la possibilité d'exercer pleinement

5 leurs droit ethniques culturels, linguistiques et religieux, conformément

6 aux normes internationales les plus élevées, et conformément aux documents

7 de base émanant des Nations Unies, de l'Organisation se la Sécurité et de

8 Coopération en Europe, du conseil de l'Europe," et entre parenthèses, on

9 dit "(la charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de

10 l'homme, le document final de Helsinki, la charte de Paris, la Convention

11 européenne sur les droits de l'homme, et le document du conseil de l'Europe

12 portant convention sur les droits de ressortissants de minorités

13 nationales)" et cetera;

14 "Il est nécessaire d'établir des institutions démocratiques aux fins de

15 conforter" -- tout ceci.

16 "Compte tenu du fait que l'autogestion des communautés ethniques sur le

17 territoire du Kosovo et Metohija constitue un préalable aux fins de

18 surmonter les tensions et les conflits interethniques;

19 "Compte tenu également des expériences positives ainsi que des solutions

20 juridiques développées au cours de cette vie en commun de longue date;

21 "Il a été convenu comme suit."

22 Professeur Markovic, je vous demanderais de nous dire quels sont ces

23 principes convenus ?

24 R. L'idée fondamentale de l'accord qui constitue une solution politique

25 globale pour le Kosovo et Metohija, dit que le Kosovo est un milieu

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1 pluriethnique et qu'au Kosovo et Metohija, qu'il doit pouvoir être exprimé

2 l'individualité de toutes les communautés ethniques, s'agissant de

3 questions liées à l'autonomie de tout groupe ethnique qui ne saurait y

4 avoir de mise en minorité de qui que ce soit.

5 On parle là de solutions constitutionnelles en vigueur, aux termes desquels

6 le Kosovo et Metohija est une province autonome faisant partie intégrante

7 de la République de Serbie. On y développe en particulier les droits des

8 citoyens. A part les droits des ressortissants des groupes ethniques, on

9 détermine également les instances du Kosovo et Metohija, à savoir, son

10 parlement, son conseil exécutif, ses organes administratifs, un ombudsman,

11 et il a été précisé qu'il fallait une autogestion locale, une unité

12 autogérée locale, à savoir, la municipalité.

13 Il est déterminé aussi que les citoyens du Kosovo et Metohija doivent être

14 représentés au niveau des organes de la république et des organes de la

15 fédération, compte tenu du fait que le Kosovo et Metohija faisait partie de

16 la Serbie et de la Yougoslavie. Il a été convenu de créer des tribunaux,

17 des polices locales. Il a été arrêté un financement et prévu des mesures

18 pour ce qui est de la mise en œuvre de cet accord, ainsi que des modalités

19 pour sa modification éventuelle.

20 Je ne vais pas parler de tous les détails. Les détails nous prendraient

21 beaucoup plus de temps. Si nécessaire, je peux le faire, bien entendu. Ce

22 qui est importe, c'est que cet accord portant sur les cadres politiques de

23 l'autogestion au Kosovo et Metohija constitue une solution politique

24 globale. Je dis bien politique par des moyens démocratiques et politiques.

25 Il est précisé que l'accord a été conclu en date du 20 novembre 1998, entre

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1 les représentants du gouvernement de la République de Serbie et toutes les

2 communautés ethniques du Kosovo et Metohija, et cela a été signé par les

3 représentants de cette communauté ethnique. Pour la République socialiste

4 fédérative de Yougoslavie, c'était Vladan Kutlesic qui avait signé, qui

5 était Premier ministre à l'époque.

6 Q. Attendez Professeur, nous avons cette déclaration à l'intercalaire 44,

7 mais avant que de passer au 44 --

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne mets pas en

9 doute l'authenticité de ce document, mais seriez-vous à même de m'expliquer

10 pourquoi le paragraphe avec le IV en chiffres romains suit tout de suite le

11 paragraphe en chiffres romains I, alors que les II et III se trouvent à la

12 page d'après.

13 Peut-être, Monsieur Kay, pourrai-t-il nous l'expliquer ?

14 M. KAY : [interprétation] Il s'agit d'un article publié dans un journal. Le

15 texte a été publié par colonnes et cela a été photocopié ainsi.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends. Bien.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, si vous mettez cette première

18 page au-dessus de la deuxième page, vous allez voir la totalité de la

19 feuille de journal, où il y a trois grandes colonnes. Dans la première

20 colonne, vous avez les principes, puis le paragraphe II et III, puis au

21 milieu on voit s'enchaîner le numéro IV, le début du V.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, merci. Je comprends maintenant.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du format du journal Borba. Je vous

24 montre comment ce journal se présente dans sa totalité.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà. M. le Témoin, le Pr Markovic a le

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1 journal tel qu'imprimé dans sa version originale à ladite date.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Professeur Markovic, cette solution en substance a-t-elle constituée,

4 en termes pratiques, la réalisation d'un principe de l'égalité en droit des

5 communautés ethniques, et cela est-il repris au chapitre IV traitant des

6 instances du Kosovo et Metohija ? J'aimerais que vous nous expliquiez tout

7 ceci, parce que le parlement, en sa qualité d'organe ou d'autorité suprême

8 au niveau de la province, est très bien précisé. Je vais donner lecture de

9 ce qu'il dit.

10 Le paragraphe I dit :

11 "Le parlement est élu de façon -- au suffrage direct. Le parlement est

12 constitué de deux chambres; la Chambre des citoyens et la Chambre des

13 communautés ethniques."

14 Deuxième paragraphe : "Les membres de cette Chambre des citoyens sont élus

15 au suffrage direct, suivant le principe; un citoyen, un vote."

16 Troisièmement : "Les membres de la Chambre des communautés ethniques seront

17 élus de façon démocratique au sein de toutes communautés ethniques. Chacune

18 de ces communautés ethniques disposera d'une délégation comportant le même

19 nombre de représentants dans cette Chambre."

20 D'un côté on visait à faire exprimer un respect plein et entier des

21 principes démocratiques, donc un citoyen égal un vote, donc on exprime

22 directement la volonté des citoyens ainsi, et d'autre part, il y a ce

23 conseil des Communautés ethniques qui ont des délégations et représentants

24 au sein de cette Chambre.

25 M. NICE : [interprétation] S'agit-il ici d'une question ou d'un discours ?

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1 Il me semble que la question est plutôt longue et on y répondra par un oui,

2 ou par un non, mais ce n'est pas là une interprétation appropriée de

3 l'accord.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais que vous reformuliez

5 cette question, Monsieur Milosevic, et la faire plus courte.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Professeur Markovic, veuillez nous expliquer, je vous prie, ce principe

8 et veuillez nous apporter un commentaire au sujet de la solution adoptée.

9 Pourquoi a-t-on pris position de la sorte, pourquoi a-t-on adopté cette

10 solution ? Y avait-il des variantes autres ?

11 R. La conception même de l'accord en question, lorsqu'il s'agit du

12 parlement, et de façon générale de l'organisation au sein de cette province

13 autonome, c'était de faire une organisation en combinant l'autogestion

14 territoriale, à savoir le principe démocratique, et l'autogestion ethnique,

15 à savoir le principe de la souveraineté ethnique. Ces deux principes en

16 combinaison étaient censés exprimer la volonté des citoyens du Kosovo et

17 Metohija. Au Kosovo et Metohija, il n'y a pas qu'une nation, il n'y a pas

18 que la nation du Kosovo, c'est un milieu pluriethnique. Il y a plusieurs

19 communautés ethniques. Le concept de ces accords, de ce document, visait,

20 lorsqu'il s'agissait de question d'importance vitale pour une communauté

21 ethnique, de faire en sorte qu'une communauté ethnique ne saurait être mise

22 en minorité.

23 Bien entendu, on décidait de certaines questions par une majorité de

24 vote, mais lorsque l'on décidait de l'individualité, des particularités

25 d'une communauté ethnique, il n'était pas question de faire en sorte que

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1 celle-ci soit mise en minorité. En substance, on voulait traiter le Kosovo

2 en sa qualité de milieu où les citoyens étaient titulaires d'un même droit

3 de vote, en faisant abstraction de leur appartenance ethnique. Il se

4 pouvait qu'il y ait mise en minorité d'un groupe ethnique quelconque par le

5 groupe ethnique albanais qui était plus nombreux. C'était là la façon dont

6 on avait développé le système à mettre en place là-bas.

7 Q. Bien. On dit à l'intercalaire 44 qu'il y a un soutien accordé à ce

8 texte d'accord publié, et ceci vient cinq jours après seulement. Le soutien

9 qui a été rendu public. J'aimerais que vous nous le commentiez.

10 R. Cette déclaration a été signée à Pristina, et cela constitue un résumé

11 des idées fondamentales de l'acte précédent, à savoir du cadre politique de

12 l'autogestion au Kosovo et Metohija. Là, les signataires de cette

13 déclaration s'engagent à rechercher une solution politique de façon

14 conforme aux dits principes. La déclaration a été signée par les

15 représentants de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, Vladan

16 Kutlesic en sa qualité de premier ministre, au gouvernement fédéral. Au nom

17 de l'Initiative du Kosovo, l'Initiative démocratique du Kosovo, Faik

18 Jashari et Sokol Qusha, puis Ljuban Koka, Zejnelabidin Kurejs, Qerim Abazi,

19 Refik Senadovic, et moi-même, en ma qualité de chef de la délégation du

20 gouvernement de la République de Serbie.

21 En abrégé, cette déclaration on l'appelait la déclaration de Pristina. Il

22 s'agissait là d'une manifestation solennelle de soutien à l'accord

23 politique conclut en date du 25 novembre, et on dit bien que l'on est

24 d'accord sur le fait que les solutions politiques au Kosovo et Metohija

25 devaient être recherchées suivant les principes énoncés de façon globale

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1 dans cet accord nécessitant une élaboration normative par la suite.

2 Parce que le Kosovo et Metohija n'a jamais réalisé une autonomie

3 territoriale à partir de cette constitution de 1990, tout simplement parce

4 que les Albanais, à compter de cette année, ont boycotté toutes élections

5 au Kosovo et Metohija, vu qu'ils ont estimé qu'ils avaient leur

6 constitution, la constitution adoptée à Kacanik et que la vie politique au

7 Kosovo et Metohija devait se dérouler en conformité avec leur constitution

8 à eux, et non pas avec la constitution de la République de Serbie.

9 Q. Je crois que nous avons commenté la constitution de Kacanik. Sa

10 caractéristique fondamentale est celle suivant laquelle ils ont traité le

11 Kosovo comme il s'agissait là d'un territoire monoethnique. Est-ce que cela

12 est bien exact ou est-ce que vous pouvez ajouter autre chose ?

13 R. On dit dans l'avant propos de cette constitution que les Albanais ont

14 adopté cette constitution, on ne dit pas "les citoyens du Kosovo", on dit

15 "le peuple albanais". Nous l'avons d'ailleurs montré ici hier, nous avons

16 une copie de cette constitution de Kacanik et nous avons cette disposition

17 là figurant en avant propos.

18 Je tiens à préciser qu'un certain nombre d'Albanais a placé un signe

19 d'égalité entre le Kosovo et Metohija et la question albanaise. La question

20 du Kosovo et Metohija est une question albanaise selon l'opinion qu'ils ont

21 exprimée.

22 Q. Est-ce que ce que l'on dit dans cette déclaration et dans le texte de

23 l'accord, à savoir dans ces deux documents faisant partie des intercalaires

24 44 et 45, sont repris de façon analogue dans la loi portant autogestion

25 locale qui figure à l'intercalaire numéro 13. L'ACCUSÉ : [interprétation]

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1 Vous avez Messieurs, une version anglaise de ce texte.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que la délégation --

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Vous n'avez pas à nous expliquer l'historique. Je vous demande de nous

5 dire si la loi de la République de Serbie portant autogestion locale

6 reprend ces mêmes principes fondamentaux portant sur les communautés

7 pluriethniques et les municipalités.

8 R. Dans les Articles 104 à 119, on a énuméré toutes les municipalités

9 existant au Kosovo et Metohija, et les autres articles développent les

10 principes d'autogestion locale au sein de ces municipalités.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous fais remarquer, que cet

12 intercalaire 13 n'a pas sa traduction.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une version anglaise dans mon

14 intercalaire, c'est vous qui avez assuré cette traduction. Peut-être que ce

15 document est-il tombé de votre classeur.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il semblerait que cela existe en

17 effet, mais pas dans mon classeur.

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez mentionné les intercalaires

19 44, 45, peut-être vouliez-vous dire 43 et 44 ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, 43 et 44, et l'intercalaire 13 également.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur Markovic, pouvez-vous

22 éclairer ma lanterne en m'expliquant ce que signifie Initiative

23 démocratique du Kosovo ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un parti politique qui existait au

25 Kosovo et Metohija, je ne sais si ce parti existe toujours. C'est un parti

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1 qui n'est jamais devenu un parti représenté au parlement, donc il

2 représente une minorité, mais ce parti a été représenté par M. Faik

3 Jashari, un Albanais. Le Parti démocratique réformiste albanais était

4 représenté par un autre Albanais, M. Sokol Qusha.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quand nous parlons d'une manière

6 générale des Albanais du Kosovo, n'étaient-ils pas représentés eux-mêmes à

7 l'occasion de l'élaboration de cet accord et lors de la signature de la

8 déclaration ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, justement les deux que j'ai mentionnés

10 ont participé à l'élaboration du texte de l'accord et se trouvent être

11 signataires de la déclaration. J'ai ici le texte manuscrit où figure leurs

12 signatures.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais peut-on dire qu'ils

14 représentaient d'une manière générale les Albanais du Kosovo, ou ne

15 représentaient-ils qu'un nombre très limité d'Albanais du Kosovo ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'ils ne représentaient qu'un nombre

17 limité des Albanais du Kosovo, parce que la majorité était d'un avis

18 différent, d'un avis politique différent.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, Professeur.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Jashari, c'est un nom assez courant,

21 n'est-ce pas, au Kosovo ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Comme le mien. Markovic. Comme vous

23 l'avez vu, parmi les Serbes, il y a de nombreux Markovic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que les intercalaires 43 et 44

25 soient versés au dossier, ainsi que l'intercalaire 13.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Professeur Markovic, avez-vous eu connaissance, puisqu'il y a un

4 instant, M. Bonomy a parlé des partis politiques albanais, en tout cas de

5 ceux qui s'expriment au nom de la majorité des Albanais. Avez-vous eu

6 connaissance de quelques remarques ou observations de principe émanant de

7 ceux qui n'étaient pas d'accord avec le texte de cet accord ?

8 R. L'observation de principe consistait à dire qu'un accord politique au

9 Kosovo et Metohija ne pouvait être recherché dans des pourparlers entre le

10 gouvernement de la République de Serbie et des représentants des partis

11 politiques albanais. Car cela revenait à simplifier à outrance la diversité

12 ethnique du Kosovo et Metohija, donc une telle solution devait être

13 recherchée avec la participation de la communauté internationale. Voilà

14 quelle était cette observation de principe qui exigeait que la communauté

15 internationale participe à la recherche d'une solution pour le Kosovo et

16 Metohija et ce, pour une raison très simple, à savoir que ces personnes ne

17 reconnaissaient pas l'Etat, la République de Serbie en tant qu'Etat dont

18 elles faisaient parties, elles ne pouvaient pas accepter le fait de se

19 trouver à l'intérieur de la République de Serbie. Elles estimaient qu'il y

20 avait une séparation de fait et que leur existence ne se situait pas en

21 Serbie et que des négociations entre les deux entités devaient impliquer la

22 communauté internationale également en tant que médiateur.

23 Q. Vous avez dit -- plutôt, vous avez rencontré le parti de Rugova à son

24 siège, qui est également le siège de l'association des Auteurs albanais.

25 Vous avez bien rencontré Rugova et ses collaborateurs ?

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1 R. Oui, une fois seulement.

2 Q. Quel a été le sujet de la discussion ? Quelles ont été les positions

3 exprimées par les deux parties en présence ?

4 R. Ceci s'est passé le 22 mai 1998 un vendredi au siège de l'association

5 des Auteurs kosovars. Cette réunion a eu lieu entre la délégation du

6 gouvernement de la République de Serbie et celui qui, à ce moment-là, était

7 le président de la majorité des partis albanais.

8 Durant cette réunion, de façon très simple, il a été question de rechercher

9 une solution politique et il a été question de la nécessité de mettre un

10 terme aux affrontements armés. Mais rien de concret n'a été conclu à

11 l'issue de cette réunion. Une discussion générale a eu lieu, mais qui n'a

12 débouché sur aucune conclusion puisque aucune conclusion n'a été atteinte.

13 Ceci a été la seule réunion organisée dans ces conditions et je crois

14 qu'elle l'a été grâce à l'intervention de M. Christopher Hill, qui, à cette

15 époque, était ambassadeur des Etats-Unis dans la République de Macédoine.

16 Q. Aucun accord n'a été conclu ce jour-là ?

17 R. Aucun accord. D'ailleurs, rien de très concret n'a été dit au cours de

18 cette discussion. Le débat a été très général et il a été question de la

19 nécessité de trouver une solution politique et de mettre un terme aux

20 affrontements armés.

21 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant que nous parlions de votre

22 intervention dans le cadre de la délégation de Rambouillet. Dites-nous,

23 brièvement, quelles étaient vos fonctions à Rambouillet et à quel moment

24 vous êtes allé à Rambouillet ?

25 R. Je suis allé à Rambouillet en tant chef de la délégation d'état, de la

Page 35273

1 délégation officielle. Ce qu'il est convenu d'appeler les pourparlers de

2 Rambouillet devaient durer en principe du 6 février jusqu'à une certaine

3 date. Mais finalement, les délais ont été prorogés et ces pourparlers ont

4 duré jusqu'au 23 février, 15 heures.

5 Q. Fort bien professeur Markovic. Qui faisait partie de cette délégation

6 dirigée par vous ? J'appelle l'attention de chacun sur l'intercalaire 7, où

7 l'on voit une photocopie du journal officiel de la République de Serbie.

8 Une décision très courte qui porte sur la nomination de la délégation

9 destinée à se rendre à se rendre en France pour des pourparlers. Décision

10 prise par le gouvernement de la République de Serbie et publiée dans le

11 journal officiel. Le chef de la délégation était le professeur Ratko

12 Markovic et les membres de la délégation étaient le professeur Dr Vladan

13 Kutlesic, Nikola Sainovic, le professeur Dr Vladimir Stambuk, Vojislav

14 Zivkovic [phon], Gruljbehar Sabovic, Refik Senadovic, Zejnelabidin Kurejs,

15 Ibro Vait, Faik Jashari, Sokol Qusha, Ljuan Koka et Qerim Abazi.

16 Je vous demande à présent si ces personnes constituaient bien la totalité

17 de la délégation?

18 R. Oui. C'est la composition de la délégation telle qu'elle a été décidée.

19 Il a été considéré que dans cette composition, avec participation de

20 l'establishment politique représenté dans ses rangs. C'est-à-dire avec

21 participation de ceux qui détenaient un poste au sein du gouvernement

22 fédéral de Serbie, toutes les communautés ethniques devaient être

23 représentées également. C'est ce que l'on voit ici avec participation des

24 Albanais et des Turcs. Puis Refik Senadovic est présent également dans

25 cette délégation. Il représente les Musulmans. Les Rom sont représentés par

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1 Ljuan Koka et Qerim Abazi représente les Egyptiens.

2 On estimait que pour que les débats se déroulent de façon efficace, il

3 fallait que toutes les communautés ethniques qui avaient un intérêt vital

4 dans une solution du problème du Kosovo et Metohija soient présentes dans

5 cette délégation et pas seulement les représentants du gouvernement au plus

6 haut niveau de la République de Serbie ainsi qu'au niveau fédéral. Cette

7 idée apparemment n'a pas été bien comprise puisqu'il a toujours été fait

8 mention d'un niveau très bas pour la composition de cette délégation, alors

9 qu'en fait, le niveau était élevé. Ces représentants étaient des

10 interlocuteurs très précieux car ils connaissaient à fond tous les

11 problèmes qui se posaient au Kosovo et Metohija, en particulier les

12 problèmes ethniques. Ils les connaissaient parfaitement bien et ont passé

13 toute leur vie dans cette région.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Markovic, vous étiez vice-

15 premier ministre à l'époque, n'est-ce pas?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A l'époque, j'étais, comme je l'ai déjà

17 dit, l'un des cinq vice-présidents de la République de Serbie. J'étais

18 chargé du système judiciaire et comptable.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelles étaient les fonctions de M.

20 Nikola Sainovic à l'époque ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Nikola Sainovic, comme

22 M. Vladan Kutlesic, était vice-premier ministre du gouvernement fédéral.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. J'aimerais préciser ce que

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1 M. Kwon vient de préciser il y a quelques instants. La délégation était

2 dirigée par un vice-premier ministre de la République de Serbie, et on

3 trouvait en son sein deux autres vice-premier ministres. Les représentants

4 de ces partis s'exprimant au nom des communautés ethniques étaient

5 également les personnalités les plus connues au sein de ces communautés

6 ethniques à cette époque-là.

7 Pour ce qui concerne la communauté albanaise, les représentants étaient des

8 dirigeants des partis albanais, mais pas nécessairement des partis albanais

9 des plus importants. Comment est-il possible, à ce moment-là, de qualifier

10 une telle délégation de délégation à un niveau bas ? Comment est-ce que

11 vous expliquiez cela ?

12 R. Je crois que cette appréciation a été faite par les médias, et qu'elle

13 venait de notre opinion publique. Je pense que ceci résulte d'une approche

14 élitiste de la question, et qu'elle vient de personnes qui déclaraient

15 soutenir les orientations européennes. Ils méprisaient les membres de la

16 délégation en les qualifiant de personnalités insuffisamment importantes

17 sur le plan politique, mais il s'agissait de personnes tout à fait

18 ordinaires qui n'étaient pas des personnalités publiques.

19 Q. Attendez un instant, Professeur Markovic. J'aimerais dire que je ne

20 suis pas tout à fait d'accord avec votre explication en vous posant une

21 nouvelle question. Qu'est-ce que cela signifie ? Ces personnes qui

22 représentaient les Rom, les Gorani ou d'autres communautés, et qui avaient

23 un rôle très important au sein de leurs communautés ethniques en tant que

24 dirigeants politiques, n'avaient pas été pris dans la rue, n'est-ce pas ?

25 R. Ces personnalités étaient des personnalités importantes au sein de

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1 leurs propres communautés ethniques, mais manifestement il y avait des gens

2 qui estimaient que seuls les personnalités les plus importantes du

3 gouvernement auraient dû participer à ces pourparlers.

4 M. NICE : [interprétation] Avant de voir disparaître cette partie du compte

5 rendu d'audience à l'écran, je ne tiens pas à ergoter sur des détails, mais

6 le libellé de la question de l'accusé permet de penser -- me parait à moi

7 assez peu acceptable car il exprime son désaccord avec l'avis du témoin, et

8 il dit que ce n'était pas des gens de la rue, que c'était des

9 personnalités, et ensuite vient la question où il est question de

10 personnalités importantes au sein de ces communautés ethniques. Tout à

11 fait, n'est-ce pas ? Ce que je veux dire, c'est que non seulement la

12 question est mal posée et l'accusé s'efforce par ce biais d'indiquer au

13 témoin qu'elle est la réponse qu'il souhaite recevoir, mais nous voyons

14 exactement ce qu'il en est de toutes ces questions directrices au cours de

15 l'interrogatoire principal qui n'ont en outre aucune valeur, car elles

16 permettent de produire des éléments que la Chambre aura beaucoup de mal à

17 apprécier. Le témoin semble avoir fourni deux réponses contradictoires, la

18 seconde étant en fait appelée directement par l'accusé.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que la première

20 réponse n'exprimait pas le fait que le témoin avait entendu ou vu dans les

21 médias un certain nombre de choses, et que ces points de vue venaient de la

22 population serbe et n'étaient pas son point de vue à lui ?

23 M. NICE : [interprétation] La première réponse, si je l'ai comprise,

24 consiste à dire que les représentants des Rom ou des Gorani - attendez, je

25 jette un coup d'œil à l'écran - "n'étaient pas des personnalités politiques

Page 35277

1 importantes, que c'étaient des personnes tout à fait simples, qui n'étaient

2 pas des personnalités publiques." L'accusé ensuite entame une autre

3 question en disant : "Permettez-moi d'exprimer mon désaccord avec cette

4 explication que vous avez fournie en vous posant une autre question," et

5 ensuite nous obtenons suite à cette deuxième question une réponse

6 différente.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je pense que l'accusé

8 mérite un peu de compréhension. Ce n'est pas un juriste de formation, et la

9 finesse des questions directrices lui échappe apparemment de temps en

10 temps.

11 J'ai autorisé cette question parce que je pense qu'il est juste qu'elle

12 soit posée. Ce que je n'ai pas apprécié c'est qu'apparemment il y a eu

13 commentaire sur une partie de la déposition du témoin. En effet, cela

14 ressemblait beaucoup à un commentaire plutôt qu'à une question.

15 M. NICE : [interprétation] Comme vous voulez, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez

17 éviter les questions directrices. Les questions directrices -- laissez-moi

18 finir -- venant de vous existent lorsque vous introduisez une question qui

19 porte sur un problème délicat, en disant, par exemple, "Permettez-moi

20 d'exprimer mon désaccord," ou "N'est-il pas clair que," et cetera, et

21 cetera. Donc, vous devez essayer d'éviter les questions directrices, parce

22 que lorsque vous posez une question directrice, ceci signifie que vous

23 placez la réponse dans la bouche du témoin, et la déposition doit venir du

24 témoin et pas de vous. Ce n'est pas vous qui êtes le témoin. Veuillez

25 poursuivre.

Page 35278

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, l'explication que vous

2 n'avez pas comprise, et que j'ai comprise, est celle qui a été fournie par

3 le Pr Markovic au sujet de la critique faite à l'égard de cette délégation

4 quant au motif qu'elle ne serait pas d'un niveau suffisamment élevé -

5 comment est-ce que je pourrais dire cela - du point de vue de l'avis des

6 personnalités les plus importantes en Yougoslavie. Le témoin n'a pas parlé

7 des membres de la délégation comme de personnes inconnues au sein de leurs

8 communautés. Puisque le rapport entre ces personnes n'était pas clair, je

9 souhaitais que ceci soit éclairci. Il est aisé d'établir cela avec le Pr

10 Markovic, que ces personnes n'ont pas été choisies au hasard. Il s'agissait

11 de personnes qui occupaient de postes déterminés au sein de leurs

12 communautés ethniques. Elles étaient les personnalités les plus respectées

13 au sein de ces communautés, et c'était d'ailleurs l'un des avantages de

14 cette délégation.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends la distinction, oui

16 d'accord. Veuillez poursuivre.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais ajouter quelques mots : Tout

18 vient de la façon dont vous avez parlé à M. Markovic. Vous pouvez lui dire,

19 veuillez apporter des éléments complémentaires sur certaines choses qui ne

20 sont pas tout à fait claires, mais il n'est pas acceptable que vous

21 exprimiez votre désaccord avec ce que le témoin vient de dire. Veuillez

22 poursuivre.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Kwon.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose d'important,

25 Monsieur le Président ? M'expliquer ?

Page 35279

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur ce point ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très rapidement.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai repris la position des médias dans mon

5 propos. Je n'ai pas exprimé mon point de vue personnel. Ce sont les médias

6 qui ont, dans leurs commentaires, décrit la délégation de cette façon. Ils

7 ont dit que c'était une délégation de niveau insuffisant, de bas niveau,

8 mais telle n'était pas mon opinion à moi. Je ne parlais pas à ce moment de

9 ma déposition, de mon point de vue personnel.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Qui a constitué la délégation albanaise ? Etablissons cela d'abord pour

13 apprécier le rapport de force. Nous avons à l'intercalaire 8 une revue

14 technique qui permet de voir à quel étage étaient installés les différents

15 membres de la délégation. Il y avait une salle dans laquelle tous les

16 Albanais ont été réunis. Mais qui composait cette partie albanaise de la

17 délégation ?

18 R. Nous n'avons jamais reçu une liste des membres de la délégation des

19 Albanais du Kosmet. Mais vous voyez cette liste aujourd'hui qui a été

20 établie au château de Rambouillet, et qui nous permet de constater qu'au

21 troisième étage, par exemple, où était logée la délégation albanaise. Il y

22 avait 17 personnes. Vous le voyez sur la liste. Elle commence par Rexhep

23 Qosja et elle finit par Ibrahim Rugova. A la lecture de cette liste vous

24 voyez que 17 personnes composaient la délégation albanaise.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que vous pouvez admettre au dossier

Page 35280

1 les intercalaires 7 et 8 ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel était le nombre total des

3 membres de cette délégation ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parlez de la délégation serbe ? De notre

5 délégation ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions 13 membres au sein de notre

8 délégation. Je dirigeais cette délégation, et elle comptait en outre 12

9 autres membres.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et 19 Albanais du Kosovo ?

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne voit pas le chiffre 13, donc je

12 pense que c'est plutôt 18.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Effectivement, 18 membres.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela doit être la phobie du 13, la

15 crainte qu'inspire le numéro 13.

16 Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut admettre --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous admettons ces documents.

19 Nous avons déjà admis les 43 et 44, n'est-ce pas, Madame la Greffière ?

20 Oui.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande également le versement au dossier de

22 l'intercalaire 13, Monsieur Robinson.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, l'intercalaire 13 est versé au

24 dossier.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, je demande le versement au dossier

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1 des intercalaires 7 et 8.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Professeur, comment est-ce que vous-même et les autres délégués

6 présents à Rambouillet, comment appréciez-vous le fait que votre délégation

7 était monoethnique, parce que d'un côté, n'est-ce pas, il y avait une

8 délégation multiethnique avec toutes les communautés représentées; les

9 Albanais, les Turcs, les Gorani, les Rom, les Egyptiens, les Turcs, et

10 autres. Tous étaient représentés, et de l'autre côté vous aviez une

11 délégation monoethnique. Quel était votre avis sur ce point ?

12 R. Je sais quel avis nous avions sur ce point. Elle permettait de voir

13 quelles étaient les intentions des Albanais du Kosovo. En effet, la

14 composition de la délégation des Albanais du Kosmet a nui à la recherche

15 d'une solution. Chacun savait immédiatement quelles étaient leurs

16 intentions, lorsqu'ils se sont présentés à Rambouillet dans cette

17 composition en voulant représenter le Kosovo et la Metohija.

18 Q. Par ailleurs, nous voyons les arrivées à Rambouillet, intercalaire 50,

19 nous trouvons là une annexe, déclaration du Groupe de contact fait à

20 Londres le 29 janvier 1999. Je ne vais pas citer l'intégralité de ce

21 document, mais je vous demanderais si le Groupe de contact a pris position

22 par rapport aux représentants des autres communautés ethniques. Je vais

23 vous citer, si vous voulez bien, un passage au point 2. Nous voyons le mot,

24 "Groupe de contact," et un peu plus bas, je cite : "A insisté pour que les

25 parties admettent que la base d'un règlement équitable devait inclure les

Page 35282

1 principes établis par le Groupe de contact."

2 Au 3A, nous lisons, "Examinez la proposition proposée par le Groupe

3 de contact, c'est-à-dire, par le négociateur qui prévoit une autonomie

4 importante pour le Kosovo, et demandez un affinage de ce texte qui devrait

5 servir de cadre à la conclusion d'un accord entre les parties." Un peu plus

6 loin nous trouvons les mots suivants, "Ils reconnaissaient le travail

7 accompli par le négociateur qui a défini un certain nombre de points

8 exigeant des pourparlers -- de nouveaux pourparlers entre les parties." Un

9 peu plus bas, "admet accepter par certains représentants de la Yougoslavie

10 fédérale et du gouvernement de Serbie, ainsi que par des représentants des

11 Albanais du Kosovo à Rambouillet le 6 février, sous la coprésidence de

12 Robin Cook, et d'un autre représentant afin d'entamer des négociations avec

13 implication directe du Groupe de contact. Le Groupe de contact admet les

14 droits légitimes des autres communautés du Kosovo, et dans le cadre de ces

15 négociations, il oeuvrera à garantir leurs intérêts tel que définis dans ce

16 cadre."

17 Par conséquent, c'est la position du Groupe de contact sur la base de

18 laquelle d'ailleurs la réunion de Rambouillet a été convoquée, n'est-ce

19 pas, Professeur ?

20 R. Oui, c'était la base de l'appel lancé par le Groupe de contact le 29

21 Janvier 1999. L'assemblée nationale s'était réunie et avait appuyé la

22 position selon laquelle la République de Serbie devait participer aux

23 négociations de Rambouillet, et avait conclu en déterminant la délégation

24 de la République de Serbie.

25 Q. Dans ce contexte, des moments qui précédait Rambouillet, nous voyons

Page 35283

1 surgir un sujet qui a déjà été discuté, il y a un instant, et au sujet

2 duquel vous avez témoigné. Le Groupe de contact - je répète cette partie de

3 la citation - reconnaît les droits légitimes des autres communautés du

4 Kosovo.

5 R. C'est une déclaration du Groupe de contact, et cela signifie que dans

6 le contexte des pourparlers, les intérêts de toutes les communautés

7 ethniques devaient être garantis. Cependant, je ne sais pas comment ils

8 pouvaient l'être en dehors de la présence des représentants des communautés

9 nationales elles mêmes, au sein de la délégation qui était censée

10 représenter le Kosovo. En fait, la délégation qui a signé l'accord, en tant

11 que délégation du Kosovo, comme nous pouvons le constater, puisqu'il y

12 avait une délégation des Albanais du Kosmet au Kosovo, qui n'était pas une

13 délégation du Kosovo, mais une délégation des Albanais du Kosovo et

14 Metohija, ils ont signé cet accord de Rambouillet. Ils l'ont signé pour le

15 Kosovo, mais pas pour les Albanais présents sur ce territoire.

16 Il y a différentes communautés ethniques représentées qui, à Rambouillet,

17 n'étaient représentées que par une seule et même délégation, à savoir, la

18 délégation du gouvernement de Serbie.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, ceci semblait être les

20 modalités envisagées par le Groupe de contact pour ces discussions, parce

21 que le Groupe de contact parle de convoquer les représentants de la

22 Yougoslavie fédérale et du gouvernement serbe d'une part, ainsi que les

23 représentants des Albanais du Kosovo d'autre part.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Cependant, revenons sur cette

25 phrase qui a été citée un instant. Je cite : "Reconnaît les droits

Page 35284

1 légitimes de toutes les autres communautés ethniques du Kosovo." Ceci se

2 trouve au paragraphe D, 3D, deuxième phrase. Je

3 cite : "Le Groupe de contact reconnaît les droits légitimes des autres

4 communautés ethniques du Kosovo," ce qui signifie que le Groupe de contact

5 est tout à fait conscient du fait qu'il n'y a pas seulement les Serbes et

6 les Albanais qui vivent au Kosovo, mais également d'autres communautés

7 ethniques.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Professeur Markovic, y avait-il des membres de l'organisation

10 terroriste UCK au sein de la délégation albanaise ?

11 R. Oui, il y en avait. Par ailleurs, le chef de la délégation était membre

12 de l'UCK. Il s'appelle Hasim Thaci.

13 Q. Au sein de la délégation d'état, quel était votre sentiment quant au

14 fait que la délégation de l'UCK -- que le chef de -- qu'un membre de l'UCK

15 dirigeait la délégation des Albanais, et ceci aux fins de la -- a pris de

16 la résolution du conseil de Sécurité sur le terrorisme et de sa

17 condamnation du terrorisme. Que pensiez-vous de cela, selon votre

18 expérience ?

19 R. Nous avons vécu cela comme une provocation parce que la délégation

20 albanaise comptait en son sein des personnalités politiques. Il y avait M.

21 Ibrahim Rugova, il y avait d'autres personnalités politiques. Si les

22 pourparlers politiques devaient de dérouler, ces pourparlers auraient dû

23 être conduits entre représentants politiques, et non pas avec à la tête de

24 la délégation, un membre d'une organisation considéré comme une

25 organisation terroriste.

Page 35285

1 Cependant pour qu'il ne soit pas dit que nous avions rompu les

2 pourparlers et mis les pourparlers dans l'impossibilité d'avancer, nous

3 avons accepté en dépit du fait que la délégation des Albanais de Kosovo et

4 Metohija étaient dirigés par Hasim Thaci, lui-même, chef de l'UCK, nous

5 avons accepté de poursuivre et de participer en dépit des protestations que

6 nous avons émises auprès des négociations par le biais des médiateurs.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui a émis l'avis que l'UCK était

8 une organisation terroriste ? Je reviens sur ce que vous avez dit au sujet

9 de la composition de la délégation que vous estimiez inacceptable qu'un

10 membre d'une organisation considérée comme organisation terroriste dirige

11 la délégation ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous citer exactement le

13 document dans lequel ce point de vue figure, ni les auteurs de ce document.

14 Cependant, je pense qu'il est de notoriété publique ou, en tout cas,

15 suffisamment bien connu que l'UCK recourait à la terreur, à l'intimidation

16 contre la population du Kosovo et Metohija, et que nous avions bien, en

17 face de nous, une organisation qui présentait tous les éléments d'une

18 organisation terroriste.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Professeur.

20 Monsieur Milosevic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Comment ont été envisagées les négociations ?

23 R. Les pourparlers de Rambouillet n'avaient aucun plan destiné à en

24 prévoir le déroulement. Nous avons insisté pour qu'un ordre du jour soit

25 établi afin que le travail puisse se dérouler selon certaines règles de

Page 35286

1 procédure. Cependant, ceci a été refusé, donc les pourparlers se sont

2 déroulés de façon tout à fait chaotique. Chacun disait ce qu'il voulait.

3 Nous ne savions pas à quelle heure ou quel jour les réunions se

4 tiendraient, qui parleraient avec qui. Tout était improvisé et ce qui est

5 encore plus important, c'est que des négociations réelles n'ont, en fait,

6 jamais eu lieu.

7 Q. Dites-moi, Professeur Markovic, est-ce que vous avez rencontré

8 personnellement les membres de la délégation albanaise ? Puisque chacun

9 pensait que c'était bien les personnalités avec lesquelles vous étiez

10 censés discuter, négocier.

11 R. Jamais. Jamais. Nous n'avons jamais eu de contacts directs avec les

12 membres de la délégation des Albanais du Kosovo. Simplement des rencontres

13 ponctuelles dans les couloirs, mais aucune réunion officielle entre nous

14 n'a jamais eu lieu. C'était en fait des espèces d'autonégociations. C'est-

15 à-dire que nous rencontrions les médiateurs, M. Hill, M. Petritsch, M.

16 Mayorsky, qui nous remettaient des éléments d'accord qu'ils distribuaient

17 aux membres de la délégation pour examen et délibération. Mais il n'y a

18 jamais eu discussion directe avec l'autre partie, avec la partie avec

19 laquelle nous étions censés négocier en fait. Simplement des entretiens

20 avec les médiateurs.

21 Q. Fort bien. Mais qui coprésidaient la conférence et quels étaient leur

22 rôle et l'importance de ces coprésidents ?

23 R. Les coprésidents étaient les ministres des Affaires étrangères de la

24 France et de la Grande Bretagne, M. Vedrine et M. Cook. Quant à leur rôle,

25 je ne sais pas exactement ce qu'il était. Leur présence ne pouvait

Page 35287

1 nullement être comprise par nous à Rambouillet, autrement que comme la

2 présence de personnes au courant de ce que disait la presse.

3 Q. Comment est-ce que ces déclarations pouvaient être faites à la presse

4 s'il n'y avait pas eu rencontre avec les coprésidents de la conférence ?

5 Est-ce qu'en tant que coprésidents, ils étaient à l'origine de la

6 convocation de cette conférence ?

7 R. La conférence a été convoquée à l'initiative du Groupe de contact qui

8 était l'organisateur, et les coprésidents étaient les ministres des

9 Affaires étrangères, comme je l'ai déjà dit de deux pays, la Grande

10 Bretagne et la France. Il n'y avait aucune règle de procédures pour la

11 Conférence de Rambouillet. En tant que chef de délégation,je ne savais même

12 pas quel était le rôle des coprésidents. Mais je ne peux le déterminer

13 comme me basant sur la signification du terme "coprésident". Maintenant,

14 quelles étaient leurs fonctions, leur droit, leur pouvoir, je n'en sais

15 vraiment rien.

16 Q. Est-ce qu'ils ont convoqué une réunion qu'ils ont coprésidée ?

17 R. Nous n'avons assisté à aucune réunion de ce genre, sauf au tout début

18 de la conférence. C'est-à-dire le 6 février dans la soirée, il y a eu

19 ouverture officielle de la conférence où le coprésident et le président de

20 la République française ont brièvement pris la parole, et le coprésident a

21 prononcé une allocution, mais nous n'avons eu aucun contact avec lui par la

22 suite.

23 Q. Lors de cette cérémonie d'ouverture, il y a eu allocution par M.

24 Chirac, et par le coprésident, et ceci a été votre seul contact avec lui ?

25 R. Il n'y en a pas eu par la suite au cours de ces soi-disant négociations

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1 entre les trois médiateurs et les délégations, et on peut penser que la

2 même chose s'est passée avec les dirigeants des Albanais du Kosovo et

3 Metohija. Je ne sais pas comment s'est déroulé le travail, mais je peux

4 affirmer qu'il n'y a jamais eu de contacts directs entre les deux

5 délégations alors qu'elles étaient censées négocier l'une avec l'autre.

6 Q. Qui a composé la troisième partie aux négociations ? Quel était son

7 rôle ?

8 R. Il y avait un trio de négociateurs composés de M. Christopher Hill, M.

9 Petritsch, et M. Boris Mayorsky, leur rôle comme le dit la dénomination qui

10 était la leur, consistait à servir de médiateurs, mais ils n'étaient pas

11 parties aux négociations. Finalement, il s'est avéré que dans les faits,

12 ils sont devenus parties aux négociations car les parties censées se

13 rencontrer pour négocier ne se sont jamais rencontrées, ne se sont jamais

14 assises autour d'une même table de négociation. C'est ce trio qui a négocié

15 indépendamment avec une partie, puis avec l'autre.

16 Q. Dites-moi, je vous prie, durant cette conférence, quelles étaient les

17 fonctions de Madeleine Albright ? En quelle qualité était-elle présente ?

18 R. Madeleine Albright était présente en tant que secrétaire d'Etat des

19 Etats-Unis.

20 Q. Quel était son rôle ?

21 R. Je crois quelle était l'éminence grise de cette Conférence de

22 Rambouillet. Elle a été l'architecte de l'accord. Elle a écrit le scénario.

23 Elle a dirigé toute la conférence. Tout ce qui se passait était dirigé par

24 Madeleine Albright. Elle a été une figure centrale dans ces pourparlers de

25 Rambouillet.

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1 Q. Votre délégation, la délégation dirigée par vous, la délégation qui

2 était sous votre pouvoir, est-ce qu'elle a rencontré Madeleine Albright ?

3 R. Nous avons eu une rencontre avec Madeleine Albright le 14 février 1999.

4 Cette rencontre, je pourrais la qualifier d'une part de pathos et d'autre

5 part de rencontre où elle a manifesté une attitude despotique. Mme Albright

6 a d'abord parlé de son enfance qu'elle a passé en Serbie à l'époque où la

7 Serbie était un royaume. Elle a ensuite parlé de son père qui aimait les

8 Serbes et qui lui chantait des berceuses lorsqu'elle était petite, des

9 berceuses serbes. Elle a dit que son père lui disait toujours que s'il

10 n'était pas ce qu'il était, il aurait aimé être Serbe. Puis, elle a changé

11 tout d'un coup de ton en affirmant que si nous ne signions pas l'accord de

12 Rambouillet, nous serions privés du Kosovo, que les forces de l'OTAN

13 bombarderaient la Serbie, que le territoire de la République de Serbie

14 serait réduit en taille; et puis, elle a poursuivi en disant que si nous

15 signions l'accord, Kosovo demeurerait au sein de la Serbie, l'UCK serait

16 désarmée, l'économie serbe serait intégrée à l'économie mondiale, il y

17 aurait des initiatives économiques lancées sur le territoire de la Serbie.

18 Ensuite, elle a prononcé une phrase typiquement féminine en disant que

19 l'esprit serbe pourrait fleurir.

20 J'ai pris des notes pendant cette rencontre. Par conséquent, je vous

21 rapporte les mots exacts utilisés par elle.

22 Q. Quel était le rôle du Groupe de contact ?

23 R. Le Groupe de contact était l'organisateur, et si je puis dire, il a

24 guidé toute l'entreprise. Certains éléments de l'accord remis aux

25 délégations étaient d'abord passés par les mains des représentants du

Page 35290

1 Groupe de contact pour vérification. Si je cherche une dénomination pour le

2 Groupe de contact, je dirais qu'il a entouré les négociations de

3 Rambouillet.

4 Q. Quel a été le point de départ des négociations ? Quels éléments ont

5 servi de base aux négociations et qui était l'auteur de ces documents ?

6 R. Nous avons reçu ces documents peu à peu. Nous n'avons jamais reçu tous

7 les documents en même temps.

8 Q. Non. Je suis en train de parler du Groupe de contact. Excusez-moi,

9 puisque le Groupe de contact a joué un rôle important. Je ne parle pas du

10 déroulement de la conférence en tant que tel, je parle du rôle joué par le

11 Groupe de contact. Vous avez dit, n'est-ce pas, que c'était le Groupe de

12 contact qui était à l'initiative de cette conférence ?

13 R. Oui. C'est exact. Le 29 janvier, lors d'une réunion à Londres, le

14 Groupe de contact a exigé une rencontre entre les deux parties et a exigé

15 des pourparlers pour aboutir à une solution, à un règlement.

16 Q. Il s'agissait là des principes qui ont été édictés par le Groupe de

17 contact et qui ont servi de fondement à l'accord de Rambouillet, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Oui. Ces principes ont été définis comme étant des principes non

20 négociables. C'était les axiomes qui devaient servir de base à notre

21 travail.

22 Q. Donc des points de départ et des principes qui étaient intangibles.

23 Examinons maintenant l'intercalaire numéro 47.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, un instant.

25 Je voudrais savoir, sous l'égide de qui a eu lieu la Conférence de

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1 Rambouillet ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Sous l'égide du Groupe de contact. Le Groupe

3 de contact dans une réunion du 29 janvier, à Londres, a ordonné la tenue

4 d'une conférence. C'est à la demande du Groupe de contact que nous, en

5 Serbie, ou plutôt que l'assemblée a tenu séance et a accepté cette

6 invitation en acceptant les principes qui devaient guider le travail de la

7 délégation de Serbie lors de cette conférence.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans une réponse précédente faite à

9 M. Milosevic, vous avez dit qu'il n'avait pas eu de négociations.

10 Qu'entendiez-vous exactement par-là ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, quand il y a négociations, il faut

12 forcément qu'il y ait deux parties en présence qui négocient or, dans ce

13 cas-là, il n'avait pas d'interlocuteurs. Nous n'avons jamais négocié avec

14 la partie avec laquelle nous étions censés conclure un accord. Nous nous

15 sommes simplement entretenus avec M. Petritsch, M. Hill, M. Mayorsky,

16 c'est-à-dire les intermédiaires. Nous n'avons jamais parlé avec la partie

17 d'en face, parce que quand il y a "négociations", forcément il doit y voir

18 deux parties en présence.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais pourquoi cette situation ? Est-

20 ce parce que les choses étaient organisées d'une telle manière que vous

21 n'avez pas pu vous entretenir avec l'autre partie ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les médiateurs nous ont expliqué que la partie

23 albanaise se refusait à négocier. Ils ont même refusé de négocier lors de

24 la réunion du groupe d'experts. Car des réunions du groupe d'experts. Car

25 il y avait deux types de réunions, les réunions de niveau politique et les

Page 35292

1 réunions des experts. Or, la délégation albanaise a refusé de rencontrer la

2 délégation de Serbie lors de la réunion des experts ou des réunions des

3 experts. A plusieurs reprises, par écrit, j'ai essayé d'obtenir une réunion

4 avec les Albanais et M. Petritsch et M. Mayorsky nous ont expliqué que la

5 délégation albanaise ne souhaitait pas avoir de contacts directs avec la

6 délégation de la République de Serbie.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. A vous Monsieur Milosevic.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Vous êtes allé à Rambouillet pour mener des négociations au sujet du

10 Kosovo. Or, il n'y a, de par le fait, jamais eu aucune négociation. Est-ce

11 bien ce que vous êtes en train de nous dire ?

12 R. Tout à fait. Il n'y a jamais eu de négociations.

13 Q. Vous n'avez jamais mené de négociations au sujet de quoi que ce soit

14 avec la partie adverse ?

15 R. Non. Pas à Rambouillet, même pas à Paris.

16 Q. Toutes les initiatives que vous avez prises pour négocier avec la

17 partie adverse ont été refusées ?

18 R. Oui. Il y a d'ailleurs des documents écrits qui en attestent. Comme je

19 l'ai dit, à plusieurs reprises, j'ai demandé à pouvoir les rencontrer, mais

20 j'ai toujours essuyé un refus.

21 Q. Fort bien, Monsieur Markovic. Examinons le document, l'intercalaire

22 numéro 47, qui s'intitule : Principes et éléments fondamentaux non

23 négociables du Groupe de contact, document en date du 29 janvier 1999.

24 Dans ce document, on indique d'abord un certain nombre d'éléments de

25 caractère général, avec notamment la nécessité de mettre un terme

Page 35293

1 immédiatement à la violence et de respecter un cessez-le-feu; deuxième

2 point : solution pacifique grâce aux dialogues, accords transitoires,

3 mécanismes mis en place pour une résolution définitive au bout d'une

4 période intérimaire de 3 ans, pas de modifications unilatérales du statut

5 intérimaire, intégrité territoriale de la RFY et de ses voisins. Cela aussi

6 était un élément qui ne pouvait être négocié, qui est était non négociable.

7 Ensuite, protection des droits des membres de toutes les communautés

8 nationales (préservation de l'identité, de la langue, de l'éducation,

9 protection particulière apportée aux institutions religieuses), élections

10 libres et justes au Kosovo, au niveau municipal et au niveau du Kosovo même

11 sous surveillance de l'OSCE. Aucune partie ne sera poursuivie pour des

12 crimes liés au conflit au Kosovo, à l'exception des crimes contre

13 l'humanité, des crimes de guerre et d'autres violations graves du droit

14 international, amnistie et remise en liberté des prisonniers politiques,

15 interventions internationales et coopérations pleines et entières des

16 parties au sujet de l'exécution de ces éléments.

17 Voici les éléments généraux qui ont été édictés par le Groupe de contact.

18 On parle ensuite du gouvernement du Kosovo, de la manière dont le Kosovo va

19 être gouverné, au Kosmet, je cite : "Les habitants du Kosovo doivent se

20 gouverner eux-mêmes grâce à des institutions démocratiques et responsables

21 au Kosovo. Il convient d'accorder un haut niveau d'autonomie grâce à des

22 systèmes et des institutions législatives exécutives et judiciaires ayant

23 une autorité sur différents domaines" qui sont ensuite énumérés, puis ont

24 dit que : "Les droits des membres des différentes communautés nationales

25 doivent être respectées."

Page 35294

1 Ensuite, on mentionne l'assemblée, le pouvoir exécutif, le pouvoir

2 judiciaire, à différents niveaux. Il est dit que, je cite : "Les membres de

3 toutes les communautés nationales doivent être représentées de manière

4 équitable à tous les niveaux de l'administration et des instances

5 gouvernementales élues."

6 Si bien que, d'après ce que je comprends, et dans un souci de

7 concision, ma question sera la suivante : Professeur Markovic, s'agit-il là

8 du seul document élaboré par le Groupe de contact au sujet des négociations

9 de Rambouillet ? S'agit-il là du seul document ? Je parle du Groupe de

10 contact.

11 R. Oui. Tout à fait. C'est le seul document dont nous disposions lorsque

12 nous nous sommes rendus à Rambouillet.

13 Q. Professeur Markovic, essayez de répondre à mes questions après les

14 avoir écoutées avec beaucoup d'attention. Je voudrais savoir si le Groupe

15 de contact a fourni d'autres documents. Des documents autres que celui-ci ?

16 R. Dans une partie de l'accord --

17 Q. Non, non. Je parle du Groupe de contact, ne mélangeons pas les choses.

18 Ne mélangeons pas les négociateurs que vous avez rencontrés à Rambouillet

19 et le Groupe de contact. Je parle uniquement du Groupe de contact.

20 R. C'est le seul document qui ait été produit par le Groupe de contact.

21 Q. Est-ce que vous avez accepté ce document ?

22 R. Oui. Nous avons apposé notre signature au bas de ces principes et nous

23 avons demandé à ce qu'il en soit de même de la part de la délégation

24 albanaise.

25 Q. Donc vous avez accepté ? Vous avez signé ces principes ?

Page 35295

1 R. Oui.

2 Q. Qu'en est-il de la délégation albanaise ?

3 R. Ils ne les ont pas acceptées. Ils n'ont, non plus, apposé leur

4 signature au bas de ce document.

5 Q. Pourquoi à votre avis, pourquoi la délégation albanaise a-t-elle refusé

6 de signer ce document édictant ces principes ?

7 R. Je pense qu'il y a un principe en particulier qui n'agréait pas avec

8 eux. C'était celui de l'intégrité territoriale de la République fédérale de

9 Yougoslavie et de ses voisins. A l'époque, ils ne voulaient pas abandonner

10 la revendication qui était la leur et qui était celle de l'indépendance

11 pour le Kosovo, d'un statut indépendant. Si bien que ce principe qui avait

12 été édicté comme étant non négociable par le Groupe de contact, ils ne

13 pouvaient l'accepter. Je pense que c'est la raison qui explique leur

14 attitude.

15 Q. Le refus de la délégation albanaise de signer ce document, où sont

16 édictés ces principes, est-ce qu'il a entraîné un retard dans les

17 négociations ? Est-ce qu'il a fait obstruction ?

18 R. Oui. Notre délégation a refusé de travailler à l'accord jusqu'à ce que

19 les principes établis par le Groupe de contact soient acceptés. Etant donné

20 que la délégation albanaise s'y ait refusé, ceci a bloqué les négociations.

21 Pendant plusieurs jours nous avons été au point mort. Tout s'est arrêté

22 jusqu'à l'arrivée de Madeleine Albright, d'ailleurs. Même plus tard, à

23 l'heure même, certaines parties de l'accord de Rambouillet étaient

24 produites, la délégation des Albanais du Kosovo refusait d'accepter ces

25 principes fondamentaux. On n'en est arrivé à la solution suivante, qui

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1 consistait à exprimer dans le préambule de cet accord intérimaire aux fins

2 du gouvernement autonome du Kosovo, d'exprimer l'acceptation des principes

3 du Groupe de contact sans pour autant les citer de manière individuelle. Si

4 l'on examine dans ce contexte l'accord relatif au Kosovo, si on examine le

5 chapitre 1, on voit qu'il y a là une déclaration relative au respect des

6 principes fondamentaux édictés par le Groupe de contact sans pour autant

7 énumérer les dits principes.

8 Je parle de la constitution, du préambule. On voit au dernier paragraphe,

9 je cite : "Rappelant et appuyant les principes et les éléments fondamentaux

10 convenus avec le Groupe de contact lors de la réunion ministérielle de

11 Londres le 29 janvier 1999.

12 Q. Merci beaucoup, Professeur Markovic.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais, Monsieur Robinson, que l'on

14 verse au dossier l'intercalaire 47, les principes fondamentaux.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en sera ainsi.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais une précision. Professeur,

17 quand vous vous êtes entretenu avec Madeleine Albright, est-ce que les

18 représentants de la délégation albanaise étaient aussi présents, la

19 délégation albanaise du Kosovo ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il y avait lors de cette réunion, unique

21 Mme Albright et la délégation du gouvernement de la République de Serbie.

22 Bien entendu, au sein de cette délégation nous avions deux représentants,

23 Faik Jashari et Sokol Qusha, deux représentants albanais.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Mais c'était des membres de votre délégation.

Page 35297

1 R. Exact.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que je me souviens que le Dr

3 Rugova nous a dit qu'il avait rencontré Mme Albright avec les délégués

4 serbes. Je vérifierais cela plus tard. Merci.

5 Vous pouvez continuer, Monsieur Milosevic.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu une réunion comme vous le dites avec

7 Mme Albright, mais ce n'est pas une réunion à laquelle ont participé les

8 délégations entières. C'était tout simplement un monologue de Mme Albright,

9 puisqu'on n'a parlé de rien de concret lors de cette réunion. Elle s'est

10 contentée d'en appeler à ceux qui étaient là dans la pièce en leur

11 demandant d'essayer de trouver une solution politique et de conclure un

12 accord. M. Thaci est intervenu, tout comme M. Milan Milutinovic, président

13 de la République de Serbie, qui était là aussi, mais il ne s'agissait pas

14 là d'une réunion entre deux délégations. Il s'agissait là d'une réunion à

15 laquelle ont participé uniquement les membres les plus éminents de la

16 délégation d'Albanais du Kosovo ainsi que d'autres dirigeants. Il n'y a pas

17 eu lors de cette réunion de pourparlers directs. C'est uniquement un

18 monologue qui a occupé cette réunion.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Merci. Je crois que nous avons fait la lumière sur ce point. Vous-même,

22 en tant que chef de la délégation, avez affirmé qu'il n'y avait eu aucune

23 négociation entre les deux délégations. Lors d'une réunion avec Mme

24 Albright, si j'ai bien compris, elle vous a dit qu'elle est peut-être très

25 sentimentale quand elle pensait à la Serbie, que la Serbie serait bombardée

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1 si vous ne signiez pas l'accord. C'est ce dont vous avez parlé, n'est-ce

2 pas, avec elle ? C'est ce dont elle a parlé.

3 R. Oui, c'est exact.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le moment est

5 venu pour nous de faire la pause. Nous allons donc faire une pause de 20

6 minutes.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

8 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

10 Milosevic.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Professeur Markovic, veuillez vous rapporter, je vous prie, à

13 l'intercalaire numéro 51, où ce problème est mis en évidence un peu plus

14 encore, celui qui consistait au fait qu'il y a eu refus des axiomes, pour

15 reprendre le terme que vous avez utilisé, des "axiomes," des principes

16 édictés par le Groupe de contact.

17 A l'intercalaire numéro 51 - j'espère que tout le monde dispose du document

18 concerné - nous avons le document qui porte le titre suivant, "Réunions

19 d'information de Reeker au deuxième jour des pourparlers de paix du

20 Kosovo." Le 8 février. Ensuite, une explication, "Au sujet des

21 négociations."

22 Au paragraphe 2, je cite : "Lorsque le Groupe de contact a fait sa

23 déclaration au niveau ministériel à Londres le 29 janvier, il a invité deux

24 délégations (les Serbes et les Albanais du Kosovo) à participer à des

25 pourparlers à Rambouillet afin de parvenir à une solution pacifique de la

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1 crise du Kosovo. Ces invitations s'accompagnaient d'une série ou d'un

2 ensemble de principes fondamentaux, non négociables qui devaient guider les

3 pourparlers et les négociations. En acceptant ces invitations, les membres

4 des deux délégations ont pleinement compris et accepté ces éléments."

5 Reprise de la citation, je cite : "Les deux délégations travaillent très

6 dur sur le texte de l'accord, à un processus qui se déroule sur la base des

7 principes et des éléments édictés."

8 Donc, ceci apparaît très clairement. Ici on voit que le 29 janvier à

9 Londres, on a édicté les principes qui figuraient dans le document du

10 Groupe de contact. Je voudrais maintenant passer au bas de la page avec une

11 question. Je cite : "Richard Blaston [phon], journaliste de CNN : Pouvez-

12 vous, s'il vous plaît, faire la lumière sur cette confusion. Je crois que

13 c'est les principes ou quelque chose d'autre, n'est-ce pas ? Les délégués -

14 - les délégations en venant ici sont engagées à respecter, disons, certains

15 principes. Est-ce que ces principes comprennent notamment l'intégrité

16 territoriale de la Serbie et de la Yougoslavie ? La raison pour laquelle je

17 vous pose cette question c'est en partie parce qu'il y a eu un communiqué

18 de l'UCK, ou plutôt, de la partie de l'UCK dans la délégation albanaise

19 déclarant qu'ils n'avaient rien signé de tel. Qu'ils n'allaient jamais

20 faire quelque concession que ce soit au sujet de l'indépendance. Ils

21 insistent pour qu'il y ait une formulation claire et dénuée de toute

22 ambiguïté relative à l'indépendance dans le document final."

23 Ensuite, Reeker répète ce qu'il a déjà dit, ou ce qui a déjà été dit.

24 Puis le journaliste répète la question. "Je voudrais revenir à la question

25 de l'interprétation. Qui a accepté quoi ? On penserait qu'en venant à

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1 Rambouillet ils étaient déjà d'accord sur ce point, mais la délégation dit

2 que ce n'est pas vrai, dit, 'Nous venons mais nous ne sommes pas d'accord.

3 Est-ce que ce n'est pas le cas ?'"

4 On voit que la délégation des Albanais du Kosovo n'a pas accepté le

5 seul et unique document fourni par le Groupe de contact comme socle aux

6 négociations de Rambouillet. Cela, même les journalistes ont pu le voir

7 très clairement lors de cette réunion. Est-ce que ce n'est pas la façon

8 dont les choses se présentaient ?

9 R. Oui, c'est effectivement. J'en ai déjà parlé avant la pause. Les deux

10 offres de signature du document du Groupe de contact ont été refusées par

11 la délégation des Albanais du Kosmet.

12 Q. Fort bien. J'aimerais maintenant que nous passions à l'intercalaire

13 numéro 22, et je vais donner lecture d'un passage bref de la page 2. Il

14 s'agit de la conférence de Cook et Vedrine. A la page 2, Monsieur Vedrine -

15 -

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 22. Avant de commencer,

17 M. Milosevic a posé des questions, il faut que vous assuriez qu'aussi bien

18 les Juges que l'Accusation disposent du document.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est l'intercalaire 52.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous aviez dit 22.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, si j'ai dit 22, c'est que j'ai fait un

22 lapsus; en fait, c'est l'intercalaire 52.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous avons trouvé.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Je vous demande de vous reporter à la page 2, sur cinq pages, vous avez

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1 trois interventions de Vedrine. Je cite : "Il y a eu des discussions au

2 cours de ces semaines, le Groupe de contact a identifié un certain nombre

3 de principes fondamentaux, qui forment le cœur même d'une solution

4 éventuelle. Les discussions au sujet de ces principes fondamentaux

5 devraient faire clairement apparaître, ce qui n'a pas encore été résolu,

6 les points qui n'ont pas été encore résolus."

7 On voit que le co-président de la Conférence de Rambouillet, met en avant

8 ces principes. Est-ce qu'il y a quelque doute que ce soit, quant au fait

9 que la délégation albanaise n'est pas acceptée ces principes ?

10 R. Ce qu'on met en évidence ici, c'est la nature de ces principes. Comme

11 je l'ai expliqué, ces principes ne pouvaient faire l'objet d'aucune

12 négociation, ils étaient intangibles, ils devaient être acceptés tels

13 qu'ils avaient été édictés.

14 Q. Fort bien. Maintenant à la page 3, le journaliste demande une fois de

15 plus des précisions. En haut de la page je cite : "Pouvez-vous nous donner

16 des détails au sujet de ces fameux principes fondamentaux que vous avez

17 mentionnés, les lignes directrices définies par le Groupe de contact ?

18 Réponse de Vedrine : "Je ne peux pas entrer dans les détails de ces

19 principes, parce que je veux que toutes les possibilités restent

20 envisageables pour la poursuite des négociations, et leur aboutissement.

21 Mais je voudrais vous rappeler que nous avons proposé une autonomie

22 substantielle ce qui en dit déjà beaucoup. Cela veut dire une autonomie qui

23 va très loin, tout en respectant les frontières existantes et reconnues au

24 niveau international."

25 Est-ce que c'est là le principe fondamental qui est souligné par le co-

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1 président, et qui a été, qui était la pierre d'achoppement qui a entraîné

2 la déclaration des Albanais ? Ils ne pouvaient pas accepter ces principes

3 parce qu'il y avait -- cela avait trait à l'intégrité territoriale de la

4 Serbie et de la Yougoslavie ?

5 R. Oui. C'est effectivement la pierre d'achoppement, c'était tout à fait

6 inacceptable pour les Albanais du Kosovo.

7 Q. Bien. Comment était formulé le texte qui a été présenté comme

8 l'accord ?

9 R. Cela s'est fait en plusieurs parties, nous sommes arrivés à Rambouillet

10 le 6 février et, dans la soirée, la conférence a officiellement été

11 ouverte. Dès le lendemain, les négociateurs nous ont fourni des annexes.

12 Plus tard, cela s'est transformé en chapitre, 1, 3 et 6. Le numéro 1, c'est

13 la constitution du Kosovo, le 3e avait trait aux élections, et le chapitre

14 6 c'était le médiateur, sur le médiateur.

15 Notre suggestion était la suivante : nous pensions qu'il était beaucoup

16 mieux que l'on nous fournisse l'accord dans sa totalité, avant de nous

17 mettre à négocier, puisque nous n'avions pas d'image générale, d'idée

18 générale de la totalité de l'accord, ni des idées qui le sous-tendaient.

19 Ensuite, six jours plus tard, le 13 février, on nous a fourni le

20 chapitre 4, enfin à l'époque, c'était désigné sous le terme d'annexe 4.

21 C'était un chapitre qui avait trait à des questions d'ordre humanitaire, ou

22 développement économique et à la reconstruction.

23 Puis, le 15 février, la délégation s'est vue remettre l'annexe 4A,

24 non excusez-moi, le chapitre 4 avait trait au développement économique et

25 le chapitre 4A, aux questions d'ordre humanitaire, à la reconstruction et

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1 au développement.

2 Nous étions en train de nous demander pendant combien de temps, qu'on

3 allait encore nous remettre ces documents partiels, et nous avons donc

4 demandé quand l'accord nous serait remis, s'il y avait d'autres chapitres à

5 l'accord, ou si cela constituait la totalité de l'accord ? Cela s'est passé

6 le 15 février. La troïka qui s'occupait de la négociation nous a dit

7 expressément qu'il s'agissait là de la totalité de l'accord.

8 Dès le lendemain, le 16 donc, nous avons fait part à nos négociateurs

9 des objections que nous avions à soulever, s'agissant des documents que

10 nous avions reçus, annexe 1, annexe 3, annexe 6, annexe 4 qui étaient

11 consacrés aux questions économiques, annexe 4 consacrée aux questions

12 humanitaires, à la reconstruction et au développement économique.

13 Ensuite, il y a eu de nouveau, les négociations sont de nouveau se

14 sont arrêtées, ont été au point mort et, plus tard, le 22 février, on nous

15 a remis une autre annexe, ou plutôt les chapitres 2, 5 et 7, des chapitres

16 qui avaient trait à la mise en œuvre de l'accord, avec la police et à la

17 sécurité publique, la sécurité des civils. Ensuite, nous avons repris les

18 informations qui nous avaient été données par la troïka, le 4 février, nous

19 sommes revenus sur ce qui nous avait été dit, le 4 février, à savoir que,

20 théoriquement, nous aurions dû avoir -- à ces moments-là déjà, recevoir

21 l'accord dans sa totalité. Alors que nous n'avions qu'un peu plus de la

22 moitié, puisqu'on nous a donné, à ce moment-là, 56 pages supplémentaires,

23 et nous avons dit que nous refusions ces chapitres, 2, 5 et 7.

24 Le 23, c'est-à-dire au moment où on allait voir le terme de la

25 deuxième prolongation de la Conférence de Rambouillet, au matin donc à 9

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1 heures 30, la troïka chargée de la négociation nous a fait parvenir le

2 document ou l'accord dans son intégralité, avec toutes les annexes, tous

3 les chapitres y compris, les chapitres 2, 5 et 7 du début. A ce moment-là,

4 on nous a donné une date butoir, j'ai la lettre ici de cette troïka.

5 Q. Nous en disposons tous, mais j'aimerais que cette lettre soit posée sur

6 le rétroprojecteur. Il s'agit de l'intercalaire 45.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Vous avez l'intercalaire numéro 45, n'est-ce pas ? Nous pourrons

9 l'examiner. Oui.

10 R. On peut le voir maintenant.

11 Q. J'ai quelques questions à vous poser au sujet du document. L'ACCUSÉ :

12 [interprétation] Je vais demander à l'Huissier, de bien vouloir nous

13 montrer la partie supérieure de la page, afin que l'on puisse voir la date

14 et l'heure, cela y est.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Regardez donc ce qui est écrit ici : "Rambouillet, 23 février 1999, 9

17 heures 30 du matin." Est-ce que c'est la lettre dont vous étiez en train de

18 nous parler, Professeur Markovic ?

19 R. Oui, tout à fait.

20 Q. Dernière phrase que nous pouvons lire ensemble, tous les deux

21 puisqu'elle se trouve sur le rétroprojecteur. Je cite : "Les co-présidents

22 et les négociateurs sont près à recevoir vos réponses à 13 heures au plus

23 tard, aujourd'hui."

24 Donc la première fois que vous avez reçu le texte de l'accord dans

25 son intégralité avec ses dizaines de pages supplémentaires, c'était à 9

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1 heures 30 du matin, le 23 février. On vous a donné 3 heures 30 pour

2 préparer votre réponse et pour donner votre réponse. Est-ce que c'est ce

3 que l'on peut déduire de ce texte ?

4 R. Oui. Tout à fait. C'était la première fois que l'on recevait le

5 document, c'est-à-dire que le jour où la prolongation, la deuxième

6 prolongation de la conférence devait arriver à son terme, nous avons reçu,

7 ce jour-là, le texte intégral de l'accord de Rambouillet, y compris les

8 chapitres 2, 5 et 7, des chapitres qu'auparavant, l'on ne nous avait jamais

9 communiqués. Enfin, disons qu'on nous les avait donné à 19 heures le 22.

10 J'ai expliqué pourquoi, à ce moment-là, nous avions refusé d'accepter ce

11 chapitre.

12 Donc là, nous avions 3 heures 30 pendant lesquelles nous étions sensés

13 procéder à l'étude de quelques 56 pages, des chapitres 2, 5 et 7. C'était

14 le nombre de page. Or, il s'agissait de pages absolument essentielles de

15 cet accord, de pages vitales, c'étaient des parties vitales de l'accord

16 parce que les chapitres 2, 5 et 7 avaient attrait à la mise en œuvre de

17 l'accord. Le chapitre 2 attrait à la police, à la sécurité publique et à la

18 sécurité des civiles.

19 Cette lettre nous permet également de voir que la Russie elle, ne s'est pas

20 associée au chapitre 2 et 7. On nous a expliqué pourquoi. M. Mayorsky, un

21 des membres de la troïka des négociateurs nous a expliqué que les chapitres

22 2 et 7 n'avaient fait l'objet d'aucune discussion et n'avaient pas non plus

23 fait l'objet d'un accord au sein du Groupe de contact. Le document nous a

24 été remis dans son intégralité par les négociateurs au nom du Groupe de

25 contact. C'est ce qui figure d'ailleurs au premier paragraphe de la lettre.

Page 35306

1 Il nous a expliqué que le chapitre 5 avait été examiné, mais pas

2 adopté, et alors que les chapitres 2 et 7 n'ont fait l'objet d'aucun examen

3 et n'ont pas fait l'objet de discussions et encore moins adopté et cela, on

4 pouvait le voir en examinant les signatures.

5 Q. Merci. Regardons un petit peu les signatures. La signature de

6 Christopher Hill, Boris Mayorsky. On voit sa signature ici, et avec la

7 mention : "A l'exception des chapitres 2 et 7."

8 R. 2 et 7.

9 Q. Le troisième signataire c'était Wolfgang Petritsch. Donc, est-il

10 contesté ou pas le fait que tout cet accord de Rambouillet, partant de ce

11 que vous venez de dire, parlant des explications fournies par le

12 représentant de la Russie, n'a pas été en fait une proposition du Groupe de

13 contact et que cela n'a pas été étudié par ce Groupe de contact ?

14 R. Absolument. La chose n'est pas contestée du tout. Cela a été

15 l'explication apportée par M. Mayorsky, pour ce qui est des raisons pour

16 lesquelles il n'a pas voulu mettre, apposer sa signature pour l'accord tout

17 entier. On nous a dit dès le départ que l'accord ne pouvait pas être adopté

18 en partie, mais, en tant que papier et en tant que quantité, à savoir les

19 huis chapitres, tels que figurant dans la version finale de ce prétendue

20 accord de Rambouillet.

21 Q. On revient au Groupe de contact. Le seul texte adopté par le Groupe de

22 contact à la réunion ministérielle de Londres, c'est le texte que vous avez

23 signé, que les Albanais ont refusé de signer. Or, le texte de Rambouillet,

24 d'après ce qui découle de cette lettre est d'explication de Mayorsky, n'a

25 pas été adopté par le Groupe de contact entier ?

Page 35307

1 R. Absolument.

2 Q. Maintenant, veuillez me préciser s'il y avait une possibilité, une

3 prévision au terme de laquelle il serait possible de parachever le texte

4 ultérieurement ?

5 R. En arrivant à Paris, pour ce qui est du texte de l'accord, nous avions

6 apporté deux documents, pour ce qui est de la façon dont nous voyions

7 l'autogestion au Kosovo et Metohija, et la mise en place de cette façon de

8 voir dans tous les chapitres de cet accord, exception faite des chapitres

9 relatifs à la mise en œuvre qui n'ont fait l'objet d'une adoption au niveau

10 du Groupe de contact. J'ai apporté ici ces documents. Les négociateurs, à

11 savoir, notre cadre négociateur, nous a répondu qu'il n'était pas question

12 du tout de procéder à des modificateurs substantielles de la partie

13 politique et de l'accord, à savoir que la partie politique de l'accord

14 s'est vu adopté à Rambouillet et que cela était chose terminée. Ce qui fait

15 qu'à Paris, il n'était question que de parler de la mise en œuvre, à savoir

16 des chapitres 5 et 7, pas même du chapitre 2, et on nous demandait de

17 passer immédiatement à des négociations, à des pourparlers avec les

18 négociateurs portant sur le chapitre 5. Mais une fois de plus, il n'y a

19 jamais eu de rencontres, pas plus qu'à Paris.

20 D'ailleurs, pendant les cinq journées que nous y avons passé, entre

21 leur délégation et du gouvernement de la République de Serbie, la

22 délégation des Albanais du Kosovo. Les négociations se sont document

23 déroulées sur la même méthodologie, mais, à la différence près qu'à

24 l'occasion de ces négociations dans notre délégation, il y avait la

25 participation du président de la République de Serbie, Milan Milutinovic.

Page 35308

1 Q. Revenons maintenant à une question qui vous a auparavant été posée par

2 M. Robinson, lorsqu'il vous a demandé sous l'égide de qui cela s'est tenu.

3 Vous avez expliqué que les négociations sont, se sont déroulées à

4 Rambouillet, vous avez parlé du Groupe de contact. Vous avez mentionné le

5 discours du Président Chirac. La France était le pays hôte ou était-elle le

6 pays qui -- sous l'égide duquel cela s'est produit ?

7 R. J'ai compris que le pays organisateur, c'était la France. Pour ce qui

8 est maintenant du principal observateur, c'est quelque chose que l'on peut

9 voir -- l'organisateur principal, c'était le Groupe de contact. La France

10 n'a été que le pays organisateur. C'est le document qui est daté du 29

11 janvier 1999 qui nous le dit.

12 Q. Merci de nous avoir tiré cela au clair. Je voudrais que vous --

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Auparavant, Monsieur Robinson. Cette lettre

14 signée par M. Hill, Mayorski et Petritsch, intercalaire 45, j'aimerais que

15 la pièce soit versée au dossier.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Cela peut être versé au

17 dossier. De même que le 51 et le 52.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Professeur Markovic, répondez-moi s'il vous plaît, maintenant, à la

20 question de savoir pourquoi la délégation de l'état n'a pas procédé à la

21 signature de ce texte.

22 R. La délégation n'a pas signée ce texte pour les raisons que j'ai déjà

23 énumérées. Tout d'abord, s'agissant du segment politique, il n'y a pas eu

24 de négociations du tout. Il n'était pas certain pour ce qui était de savoir

25 si les observations que nous avions formulé était adopté ou pas, notamment,

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1 pour ce qui est de la constitution du Kosovo qui en faisant partie.

2 Deuxièmement, s'agissant de plus de la moitié de l'accord, nous n'avons pas

3 pu en prendre connaissance, étant donné qu'à la dernière jour de cette

4 journée de conférence, il nous est arrivé les chapitres 2, 5 et 7 comme je

5 viens de l'expliquer qui puisait la déclaration de M. Mayorski avait été

6 déterminante, décisive, étant donnée qu'il n'a pas été pris de décision au

7 niveau de segments-là au sein du Groupe de contact. S'agissant de la partie

8 5, il en a effectivement été question de ce chapitre 5, mais il n'a jamais

9 été décidé de celui-ci. Pour ce qui est des chapitres 2 et 7, il n'en a

10 même pas été fait mention.

11 Q. Donc, pour simplifier, vous avez refusé de signer cet accord qui n'a

12 pas du tout été, qui n'a pas du tout fait l'objet de la proposition du

13 Groupe de contact.

14 R. Cela n'était pas du tout un accord. Cela avait été une espèce de dicta

15 unilatérale. On ne nous demandait que d'apposer notre signature. Aucune

16 participation aux formulations, à leurs rédactions. On nous demandait

17 simplement de signer.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, en décidant de ne pas

19 signer cet accord, la délégation a-t-elle agit de son propre gré ou est-ce

20 qu'elle a reçu des instructions de la part de Belgrade ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons reçu aucune instruction de la

22 part de Belgrade. Du reste, dans cette délégation il y avait le président

23 de la République de Serbie, qui, de par la constitution, constitue

24 l'instance représentant la république, à savoir, l'état, tant à l'intérieur

25 du pays qu'à l'étranger. La position de la délégation a été unanime, donc

Page 35310

1 nous avons décidé à l'unanimité de ne pas signer ce soi-disant accord.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Professeur Markovic, nous avons constaté tout à l'heure que ledit

5 accord n'a pas constitué un document émanant du groupe de Contact. Or, tous

6 les membres de cette troïka de négociateurs ont-ils signé l'accord en

7 question ? J'aimerais que vous vous référiez à l'intercalaire 48, où il est

8 donné juste la dernière page avec les signatures. Il y a une photocopie de

9 la dernière page avec les signatures. Si je vois bien ici, pas même les

10 trois négociateurs n'ont signé. Il n'y a ici que des signatures et si l'on

11 compare les signatures avec le texte de tout à l'heure, et celui-ci, on ne

12 voit que Petritsch et Hill à avoir signé. Mayorski n'a pas du tout signé

13 cet accord ?

14 R. Cette feuille de papier nous montre ce que personne n'a signé pour la

15 République fédérale de Yougoslavie. Que pour la République fédérale de

16 Serbie, personne n'a signé ?

17 Q. Vous voulez dire République de Serbie ?

18 R. Oui, République de Serbie, je me corrige. Pour ce qui est du Kosovo,

19 d'après ce que je peux déchiffrer, c'est Rexhep Qosja et Ibrahim Rugova qui

20 ont signé. Je crois que le premier devait être

21 M. Thaci. Je n'en sais que trop rien. Je ne connais pas ces écritures. Mais

22 on dit ici Kosovo, on ne voit pas les Albanais du Kosovo. On dit le Kosovo

23 tout entier. Alors le Kosovo tout entier n'est représenté que par des

24 Albanais du Kosovo. Ou servir de témoins à cette signature ici, parmi les

25 négociateurs on ne voit que la signature de M. Wolfgang Petritsch et M.

Page 35311

1 Christopher Hill. M. Mayorski n'a pas signé. Il était dans la salle où l'on

2 avait organisé la signature de l'accord à Paris. En répondant à la question

3 de savoir pourquoi il n'avait pas signé, il a dit que pour un tango, il

4 fallait deux, et il ne pouvait pas signer une chose ne constituant pas un

5 accord, mais cela constituait en fait un accord d'une partie avec elle-

6 même.

7 Q. Veuillez me dire, je vous prie, quel est le texte signé par notre

8 délégation, la délégation de notre Etat ?

9 R. La délégation de notre Etat a signé le texte qu'elle a apporté, qui

10 était le texte qu'elle proposait aux pourparlers, et la structure du texte

11 était celle qui reprenait les parties de l'accord politique de Rambouillet.

12 Nous y avons incorporé le point de vue de notre délégation. Bien entendu,

13 nous ne prétendions pas en faire une version définitive. Nous en avions

14 fait notre proposition, notre projet, notre façon de voir l'apparence de

15 cet accord. Il s'agissait d'un accord portant autogestion au Kosovo en

16 incorporant les éléments fondamentaux d'une autogestion substantielle au

17 Kosovo.

18 Q. Je m'excuse, Monsieur le Professeur Markovic. Je précise qu'il s'agit

19 ici de l'intercalaire 9 ?

20 R. Oui, l'intercalaire 9.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez-nous le temps de le

22 retrouver.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Auparavant, Monsieur Robinson, je voudrais

24 vérifier une chose, l'intercalaire 48, à savoir, la dernière page où l'on

25 peut voir les signatures des Albanais, mais on ne voit pas les signatures

Page 35312

1 de la Yougoslavie, de la Serbie et de la Russie, mais seulement celles de

2 Petritsch et Hill, est-ce que le document de l'intercalaire 48 est admis au

3 dossier ou pas ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous pouvons le considérer

5 comme recevable.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Revenons, Monsieur le Professeur, à ce que je voulais dire. Vous êtes

9 en train de répondre à une question qui était celle de savoir quel type de

10 texte avait été signé par la délégation de notre Etat. A l'intercalaire 9,

11 nous avons le texte de l'accord sur l'autogouvernement.

12 R. C'était la proposition de notre délégation que nous avions apportée

13 avec nous en date du 15 mars, pour le remettre aux négociateurs. C'était

14 notre proposition qui devait faire l'objet de pourparlers. Or, les

15 négociateurs nous ont répondu, vu que nous n'avons fait des interventions

16 qu'au niveau du segment politique, et non pas pour ce qui est de la mise en

17 œuvre. La mise en œuvre, je vous l'ai expliqué, n'a pas du tout été

18 adoptée. Or, les négociateurs nous ont répondu que l'accord politique du

19 Rambouillet est considéré comme étant adopté, et qu'ils ne pouvaient plus

20 en faire l'objet de négociations, qu'on ne pouvait pas y apporter des

21 modifications, que c'était là un texte final, et qu'il fallait parler et

22 passer à la mise en œuvre.

23 Ce texte-ci nous l'avons signé le même jour que les Albanais du Kosovo et

24 Metohija ont signé le texte du soi-disant accord signé à Rambouillet, comme

25 on l'a montré tout à l'heure. Pour la République de Serbie, il y a ma

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1 signature. Pour la République fédérale de Yougoslavie, le Pr Kutlesic. Pour

2 ce qui est de la communauté ethnique des Albanais, le Pr Qusha.

3 Q. Lui, il était président de ce parti de Réformistes démocratiques ?

4 R. Oui, mais il était président de cette communauté -- représentant de

5 cette communauté ethnique des Albanais.

6 Q. On voit la signature de Faik Jashari. On voit Vojislav Zivkovic, pour

7 la Communauté nationale serbe; pour les Turcs, Zejnelabidin Kurejs et

8 Guljbehar Sabovic; pour les Gorani, Ibro Vait; pour les Musulmans, Refik

9 Senadovic; pour la Communauté ethnique des Rom, Ljuban Koka; et Qerim Abazi

10 pour les Ashkali.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, l'accord qui a été

12 signé, a été signé par votre délégation seule.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, par seulement notre délégation, tout

14 comme l'autre accord --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, on ne peut pas considérer que

16 c'est un accord, que c'est plutôt une espèce d'équivalent politique à ce

17 que vous avez désigné vous-même comme soi-disant accord signé par Rugova au

18 devant du Kosovo. C'était pour contrecarrer cela ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on peut appeler et qualifier cela

20 d'accord, avec la même légitimité que celle utilisé pour qualifier l'accord

21 signé par M. Rugova. L'autre accord n'a été signé que par une partie seule,

22 et celui-ci n'a été signé que par une partie seule.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Entendons-nous bien, Professeur Markovic. Y a-t-il là une différence ?

25 En fait, ma question est très précise. Ce que la délégation des Albanais du

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1 Kosovo a été signée que par des Albanais et ici ce n'a été signé. Cela a

2 été signé par les Serbes, les Turcs, les Albanais, les Gorani, les Rom, et

3 les représentants du gouvernement de la Serbie et de la Yougoslavie ? Est-

4 ce qu'à cet effet vous voyez au moins, ne serait-ce qu'une certaine

5 différence entre celui-ci ou celui où il y a qu'une communauté ethnique qui

6 a signé, et là où la totalité des communautés ethniques a signé -- même si

7 la communauté ethnique représentée ici ne représente pas la totalité des

8 Albanais, mais certains partis seulement ?

9 R. Il y a, bien entendu, une différence au niveau de la composition de

10 délégations, et de la composition de la délégation du gouvernement de la

11 Serbie qui était pluriethnique, alors que la délégation des Albanais du

12 Kosovo et Metohija était monoethnique. Par conséquent, cela a été la

13 conséquence inévitable de cette différence de conception pour ce qui est de

14 la composition des délégations dès le départ.

15 Q. Bien. Omettons les représentants des Albanais et des Serbes dans ces

16 délégations. Vous avez expliqué qu'ils ne représentaient les parties les

17 plus importantes des Albanais. Pour ce qui est des représentants des

18 Serbes, les choses sont claires. Mais Zejnelabidin Kurejs, Guljbehar

19 Sabovic, étaient-ils des représentants les plus éminents élus de cette

20 communauté ethnique turque ?

21 R. Oui, M. Zejnelabidin Kurejs a été président du parti des Turcs. Je ne

22 sais pas quelle est l'appellation pleine et entière de ce parti, mais il

23 était président du parti principal des Turcs.

24 Q. Donc, c'était l'homme le plus éminent au niveau de la communauté

25 ethnique turque; est-ce contesté ?

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1 R. Non, ce n'est pas contesté. C'est dans cette qualité-là qu'il a pris

2 part.

3 Q. Ibro Vait, qui a signé pour la Communauté ethnique des Gorani, n'était-

4 il pas la personnalité la plus éminente de cette communauté de Gorani ?

5 R. Oui, mais du reste ces communautés ethniques ont élu elles mêmes leur

6 représentant pour participer à cette conférence. Ils ont élu les hommes les

7 plus éminents de leur parti.

8 Q. Pour ce qui est de Raif Senadovic, Koka, et Qerim Abazi, s'agit-il là

9 des positions qui étaient les leurs les plus éminentes au sein des

10 communautés ethniques ?

11 R. Absolument.

12 Q. Sans entrer dans les considérations avancées par les médias, qui ne

13 constituent pas des partis très grands, mais dans leur communauté ethnique

14 c'était les hommes les plus éminents.

15 R. Au sein de leur communauté ethnique, ils étaient les représentants

16 politiques qualifiés. C'est la raison pour laquelle ils ont reçu mandat de

17 les représenter, et les médias ont estimé que les représentants de ces

18 communautés ethniques n'avaient pas leur place dans la délégation. Pas

19 tous, mais une partie des médias l'a estimé.

20 Q. Quelle partie des médias ?

21 R. De nos jours encore nous pouvons lire cela dans différents livres

22 rédigés au sujet de Rambouillet. Pour ce qui est de Rambouillet, je suis

23 très surpris de voir que combien de livres ont été rédigés et des centaines

24 de pages, mais c'était comme du Jules Verne. C'est le fruit de

25 l'imagination de quelqu'un, parce qu'à Rambouillet il ne s'est rien passé

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1 du tout, comme je vous l'ai déjà dit. Je ne sais pas à partir de quoi ils

2 ont pris matière à rédiger des centaines et des centaines de pages. Bon,

3 mais ceci avait été avancé par une partie de la presse de l'opposition au

4 sein de la République de Serbie, et les auteurs en ont été des auteurs de

5 livres variés sur Rambouillet, et on a fait le même reproche à la

6 composition du gouvernement de la République de Serbie.

7 Je n'ai pas lu le livre de M. Wolfgang Petritsch parce que je ne parle pas

8 l'allemand. Donc, je ne peux pas en parler de celui-là, mais pour ce qui

9 est des livres que j'ai lu en langue anglaise, et non en langue à nous,

10 tous ces livres ont fait le même type d'objection pour ce qui est de la

11 composition de la délégation.

12 Q. Je crois avoir compris que c'était là un avantage pour ces délégations,

13 à savoir, de comporter en soi les représentants de toutes les communautés

14 ethniques. Comment expliquez-vous les objections formulées à ce sujet ? De

15 quelle position part-on, lorsque l'on fait ce type de remarque ?

16 R. Voyez-vous, la conception prédominante c'était de dire qu'il fallait

17 que négocient, au sujet du Kosovo, les représentants des Serbes et les

18 représentants des Albanais. On simplifie cette image ethnique très complexe

19 du Kosovo et Metohija, et toute cette complexité ethnique du Kosovo et

20 Metohija n'ait ramené qu'à deux communautés ethniques l'une à l'autre; les

21 Serbes et les Albanais. La réalité, elle est tout à fait autre. On peut

22 s'en rendre compte, à partir des signatures de ces hommes éminents

23 représentant les différentes communautés ethniques en place, parce qu'au

24 Kosovo il y a beaucoup plus que deux communautés ethniques, et notre

25 délégation à nous a estimé qu'eux tous, en leur qualité d'habitants du

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1 Kosovo, devaient prendre part à la recherche d'une solution politique au

2 problème du Kosovo et Metohija.

3 Q. Fort bien, mais savez-vous que les ressortissants de cette communauté

4 ethnique turque avaient des écoles en turque ? Il y avait un journal en

5 langue turque appelée Tan [phon].

6 R. C'est l'établissement qui publiait les manuels scolaires qui a publié

7 également ces journaux en langue turque. On a même publié des manuels

8 scolaires en langue turque. Je ne l'ignore pas.

9 Q. Bon. Ne nous écartons pas trop du sujet principal. Ce soi-disant accord

10 de Rambouillet, signé par la délégation albanaise seule, et au sujet duquel

11 vous avez dit que cela n'a pas été une proposition du Groupe de contact, et

12 que c'est la raison pour laquelle les représentants de la Russie n'a pas

13 voulu le signer, je vous pose la question suivante : Pouvez-vous me dire ce

14 qui suit, si cet accord n'a pas fait l'objet d'une proposition du Groupe de

15 contact ? Si ce texte ne vient pas du Groupe de contact, de qui vient-il ?

16 De qui est-ce la proposition ?

17 R. Je suis convaincu à partir de la description du rôle de

18 Mme Albright. Je suis convaincu que c'est une proposition personnelle de

19 Mme Madeleine Albright et de son équipe.

20 Q. Partant de ce qu'elle a promis, il y avait des perspectives

21 mirobolantes, cela s'est traduit par cet accord, n'est-ce pas ?

22 R. Oui. C'est précisément cela, parce que les menaces de bombardement sont

23 en corrélation directe avec l'adoption, voire le rejet, de cet accord, que

24 c'est ce que Mme Albright a dit à l'occasion de cette réunion avec notre

25 délégation en date du

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1 14 février 1999 à Rambouillet.

2 Q. Tout à l'heure, vous avez précisé que tous les membres de la

3 délégation, à savoir, les représentants de toutes les communautés ethniques

4 constituant la délégation, donc vous et les autres membres, avaient été

5 unanimes pour ce qui est de ne pas signer ce texte.

6 R. Oui, nous avons tous été unanimes pour une simple raison, parce que qui

7 est celle de dire que ce texte signifiait que la majorité albanaise au

8 Kosovo avait son état, et que les autres communautés ethniques pouvaient

9 bénéficier d'une protection partant des droits minoritaires vis-à-vis de

10 décision éventuellement discriminatoire. Mais aucune participation au

11 pouvoir, comme nous l'avions proposé nous-mêmes, de la part de tous les

12 groupes ethniques, quand je dis tous, je dis tous les groupes importants,

13 qui constituent un pourcentage déterminé de la population au Kosovo et

14 Metohija.

15 Donc il s'agissait d'institutionnaliser une sorte d'état albanais et

16 de protéger les minorités. Or, les minorités c'était les Serbes et tous les

17 autres communautés ethniques, et ceci, en cas de décision discriminatoire

18 de la part de cette majorité.

19 Mais que signifie encore cet accord. Cet accord ne comportait pas

20 déclarativement parlant une disposition relative au respect de

21 l'intégralité territoriale de la République de Serbie. Donc en terme

22 concret, le Kosovo faisait partie déclarativement du territoire de la

23 Serbie, mais le Kosovo n'en était officiellement pas partie intégrante,

24 parce que la Serbie n'avait aucune attribution, aucune compétence au

25 Kosovo, qui faisait nominalement partie de son territoire. Donc c'est la

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1 raison pour laquelle nous n'avons voulu signer. On a expulsé de cet accord

2 l'état de Serbie du territoire du Kosovo et Metohija avec toutes les

3 caractéristiques de ce qui constitue un état en général.

4 Q. Monsieur le Professeur Markovic, s'agissant des réactions à la

5 Conférence de Rambouillet, je dirais qu'il y a un bulletin qui a été

6 imprimé en Allemagne, et que le journal Borba a reçu de la part d'un

7 lecteur, d'un de ces lecteurs de Bonn. Je me réfère notamment ici à

8 l'intercalaire 12.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela a été traduit de l'allemand vers

10 l'anglais, Monsieur Robinson. Le feuillet entier dit -- on dit que le

11 feuillet a circulé en Allemagne et on cite, et j'aimerais que vous me le

12 confirmiez ou que vous le contestiez, on cite de façon authentique certains

13 paragraphes de l'accord que l'on a proposé pour signature.

14 R. Ce feuillet constitue une sorte d'extrait, une sorte d'extrait du 7e

15 chapitre de l'avenant 5 de Rambouillet. Ce n'est qu'un extrait.

16 Q. Bien, un extrait, disons un extrait. On dit au numéro 1 : "Les

17 signataires de l'accord reconnaissent la nécessité d'un déploiement rapide

18 du personnel de l'OTAN." Est-ce que cela a été authentiquement repris du

19 texte de l'accord ?

20 R. Tous les 11 points qui sont donnés ici figurent à l'appendice B, au

21 chapitre 7.

22 Q. On dit que : "Le personnel militaire de l'OTAN portera l'uniforme et

23 lorsque les ordres le permettront, ils pourront hausser des armes."

24 Au 3a, on dit que : "L'OTAN sera exonérée de toutes poursuites de

25 tribunaux civils, administratifs, ou en matière pénale."

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1 On dit au 3b que : "L'OTAN sera exonérée de toutes poursuites

2 judiciaires," et cetera, et cetera.

3 On dit au 4 que : "Le personnel de l'OTAN bénéficiera d'une immunité

4 de toute sorte pour ce qui est d'arrestation, enquête, arrestation de la

5 part des organes compétentes de la RFY."

6 On dit au 5 que : "Le personnel de l'OTAN avec ses véhicules, ses

7 bateaux, ses avions, et tous ses équipements sur le territoire de la RFY,

8 pourra circuler librement et sans encombres y compris dans son territoire

9 aérien et ces eaux territoriales."

10 On dit que : "Les signataires cèderont leurs installations de

11 télécommunication, cela sous-entend, la radio et la télévision." On prévoit

12 aussi l'utilisation de tout le spectre électromagnétique à titre gratuit,

13 on parle de voies de communication et ainsi de suite.

14 Suivant la lettre de cet accord qu'on vous a donné à signer, la Yougoslavie

15 toute entière, à savoir sa terre, son ciel et ses eaux territoriales, ses

16 fréquences, ses télécommunications, sa radio, sa télévision, ses moyens

17 publics, donc tout ce qui existe sous les cieux devaient être mis à la

18 disposition de l'OTAN.

19 R. C'est précisément en ces termes-là que s'est traduit le dilemme

20 d'Hamlet en quelque sorte, soit vous serez occupés, soit vous serez

21 bombardés. C'était là le "choix" qu'on avait à faire, que devait faire

22 notre délégation.

23 Q. En langue allemande, on dit à la fin de ce feuillet : "Signeriez-vous,

24 vous-même ce texte ?"

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que nous avons

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1 le texte entier de l'accord proposé ?

2 M. NICE : [interprétation] Je n'en suis pas certain. Je vais vérifier.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction 128.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que ce document est déjà une pièce à

5 conviction, a déjà été versé au dossier.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, pièce à conviction 128, je

7 vois.

8 M. NICE : [interprétation] En fait, oui, la pièce à conviction 128,

9 Monsieur le Président, c'est tout à fait cela, nous l'avons préparée à

10 l'avance en cas d'utilisation.

11 Je suis debout et je remarque l'heure. On m'a dit qu'en temps utile, vous

12 seriez informé, Messieurs les Juges, du fait que ce témoin ne peut pas

13 revenir au-delà de demain, quelque chose dans ce genre, et cetera, et

14 cetera. Il vient déjà de subir un interrogatoire principal qui dure depuis

15 neuf à dix heures. Je constate qu'il ne reste que peu de temps entre

16 maintenant et demain.

17 Mais enfin, en tout cas, c'était bien la pièce 128.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quand est-ce que

19 vous achèverez votre interrogatoire principal. Il dure déjà depuis assez

20 longtemps.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai déjà dit qu'au départ j'avais

22 envisagé que cet interrogatoire durerait moins longtemps, mais quoi qu'il

23 en soit, il a avancé très lentement et j'ai encore besoin de quelques

24 minutes.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je dirais, au titre de question

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1 d'intendance, que la Chambre tiendra compte régulièrement du temps que

2 chacune des deux parties consacre à l'audition de ces témoins, et très

3 bientôt, nous publierons un de ces rapports.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, je suppose que si le

6 contre-interrogatoire n'est pas terminé demain, vous pourrez vous mettre à

7 la disposition du Tribunal pour revenir à une date qui conviendra à toutes

8 les parties, n'est-ce pas ? Le plus tôt sera le mieux, bien sûr.

9 Monsieur Milosevic, je suis désolé d'interrompre pour traiter de ce point,

10 mais c'est tout de même un point important.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait deux semaines que je suis ici déjà.

12 J'avais des examens à superviser qui devaient durer trois jours, qui ont

13 commencé il y a trois jours, qui ont duré encore avant hier et hier. Il

14 m'est difficile de reprogrammer ces examens car certains étudiants habitent

15 hors de Belgrade et viennent d'assez loin. Je crois que mon audition

16 devrait tout de même s'achever demain car je ne vois pas comment je peux

17 faire subir à mes étudiants de nouvelles difficultés de ce genre en

18 retardant encore d'une semaine leurs examens car la session d'examens

19 s'étend du 15 janvier au 15 février, et j'ai d'autres engagements prévus

20 pour le mois de février. Par conséquent, j'ai pris des risques personnels

21 en soumettant mes étudiants à pas mal de désagréments dus au prolongement

22 de mon séjour ici.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous devriez,

24 Professeur, faire preuve d'un peu de compréhension. Monsieur Milosevic,

25 vous auriez dû organiser votre interrogatoire principal en tenant compte du

Page 35323

1 fait que le Procureur ne pourra achever son contre-interrogatoire demain.

2 Pour ma part, je trouve ceci tout à fait évident. Poursuivons, mais ne

3 perdez pas de vue que les Juges demanderont au professeur de revenir pour

4 terminer son audition, si celle-ci n'est pas terminée demain.

5 Si vous ne perdez pas cela de vue, Monsieur Milosevic, il est tout à

6 fait clair que plus tôt vous en aurez fini, mieux ce sera.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai aucun doute quant au

8 fait que les étudiants ou le professeur n'auront rien au cas où M. Nice

9 n'achève pas son contre interrogatoire demain, n'auront rien contre que le

10 professeur revienne ici pour une journée, car il n'est question que d'une

11 journée, y compris, l'aller-retour, le voyage d'aller-retour, n'est-ce pas

12 ? Il est possible que le travail s'achève demain, mais il est possible

13 aussi que le professeur prévoit de revenir ici pour un jour. Je ne pense

14 pas que ceci pose de grosses difficultés. C'est en tout cas mon avis

15 personnel. Je ne suis autorisé à avoir aucun contact avec le témoin pendant

16 sa déposition, mais enfin j'espère qu'il sera d'accord là-dessus.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Professeur Markovic, très rapidement, est-il tout simplement permis de

19 parler de négociations ou de pourparlers à Rambouillet, et d'accord à

20 Rambouillet ?

21 R. Je pense que non. Car il n'y a pas eu de pourparlers, ni de

22 négociations. Il n'y a eu que des entretiens entre les délégations et un

23 tiers. Jamais de contacts directs entre les deux délégations concernées.

24 Quant au terme d'accord, je pense qu'il n'y a pas eu d'accord non

25 plus car pour qu'il y ait accord, il faut qu'il y ait conformité de vues de

Page 35324

1 deux parties. Or ici, nous n'avons conformité de vues que d'une seule

2 partie, agrément que d'une seule partie.

3 Q. A l'intercalaire 35 --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire d'insister

5 sur ce point, Monsieur Milosevic. Nous l'avons bien compris. Il a été

6 formulé à de très nombreuses reprises.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais ceci est un texte dont l'auteur est

8 Kissinger et qui montre également le point de vue du pays qui avait une

9 voix prépondérante dans tout cela.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est l'intercalaire 53.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, en fait c'est l'intercalaire 53, page 2,

12 3e paragraphe. Kissinger dit, je cite : "Plusieurs décisions capitales ont

13 été prises pendant ces jours qui semblent lointains de février où d'autres

14 options étaient encore possibles. La première, c'était exiger que 30 000

15 soldats de l'OTAN entre en Yougoslavie, pays avec lequel l'OTAN n'était pas

16 en guerre, province administrative qui avait une importance affective très

17 grande au début de la Serbie, juste après son indépendance. La deuxième

18 option, c'était de recourir à un refus prévisible de la Serbie en tant que

19 justification pour lancer les bombardements. Rambouillet n'a pas été un

20 lieu de négociations comme on le prétend souvent, mais un ultimatum."

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Est-ce également en gros votre conclusion, Professeur ?

23 R. Absolument. Rambouillet a été un lieu où a été exprimé un dictat

24 unilatéral --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui. La réponse suffira.

Page 35325

1 Merci, veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Professeur, je vais simplement vous poser une autre question. Après le

4 temps qui s'est écoulé depuis Rambouillet, estimez-vous que cela a été une

5 erreur de notre part de refuser de signer ce texte ?

6 R. Non. Je ne pense pas que cela ait été une erreur. D'abord le pays n'a

7 pas été occupé, malheureusement, un certain nombre de personnes trop

8 nombreuses ont perdu la vie, mais nous avons conservé notre honneur. Notre

9 pays a conservé sa dignité et les Serbes ont une histoire qui leur est

10 propre. Ils ont cette histoire car ils ont toujours veillé à conserver leur

11 honneur et à sauver la face en dépit de tout. Ce sont les principes

12 auxquels s'est tenue notre délégation lorsqu'elle a refusé, il y a près de

13 six ans, de signer cet accord qui n'était que le texte d'un dictat

14 unilatéral.

15 Q. Merci, Professeur. J'en ai terminé avec mon interrogatoire principal.

16 Je n'ai pas d'autres questions.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic. Monsieur

18 Nice.

19 Contre-interrogatoire par M. Nice :

20 Q. [interprétation] Avant d'en arriver au cœur même du contre-

21 interrogatoire, j'aimerais rebondir sur votre dernière remarque quant au

22 fait que la perte de vies est préférable à la perte de la dignité. Quel est

23 le groupe ethnique qui a le plus souffert durant le conflit du Kosovo ?

24 Est-ce que ce sont les Albanais du Kosovo qui ont souffert pour conserver

25 la dignité serbe ?

Page 35326

1 R. Je pense que c'est le groupe serbe qui a souffert le plus car les

2 persécutions contre les Serbes ont duré plusieurs décennies.

3 Q. Excusez-moi, Professeur. Je suis sûr que vous avez bien compris ma

4 question. S'agissant de perdre la vie, ou d'être expulsé sous la contrainte

5 hors de chez soi, je vous demande quel est le groupe ethnique qui a

6 souffert le plus, les Albanais du Kosovo, peut-être ? La question est

7 simple.

8 R. Je vous fournis une réponse simple, mais cette réponse ne vous convient

9 pas. C'est le groupe serbe qui, sur le plan de la chronologie, a souffert

10 beaucoup plus car les Albanais avaient pour devise, le Kosovo n'est pas en

11 Serbie s'il n'y a pas de Serbes au Kosovo. La persécution des Serbes était

12 un élément capital dans le sort que prévoyaient les Albanais pour eux-mêmes

13 puisque les Albanais voulaient un Etat à eux, dès lors que les Serbes

14 auraient quitté le Kosovo.

15 Q. Il est possible, Professeur, que nous avons des difficultés de

16 compréhension linguistique. Je vais essayer de parler plus simplement. Au

17 cours du conflit du Kosovo, est-ce que le nombre des Albanais du Kosovo qui

18 ont perdu la vie a été supérieur à celui des Serbes ?

19 R. Monsieur Nice, je n'ai pas dénombré les victimes. Je ne puis donc

20 répondre à cette question.

21 Q. Très bien. J'y reviendrai demain avec un élément de preuve qui permet

22 de répondre à cette question. Je déclare que les réponses que vous avez

23 faites aux Juges jusqu'à présent étaient absolument dépourvues de toute

24 franchise. Vous savez parfaitement bien si le nombre le plus important de

25 victimes qui ont perdu la vie au cours du conflit du Kosovo se trouvent

Page 35327

1 parmi les Albanais du Kosovo, ou parmi les Serbes, et vous refusez de

2 répondre sincèrement.

3 Alors revenons-en au début.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, puisque vous venez de

5 dire cela au témoin, laissez-le répondre.

6 M. NICE : [interprétation] Certainement.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il devrait répondre.

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. La proposition, Professeur, c'est que vous ne répondez pas avec

10 franchise.

11 R. J'affirme que la franchise c'est un sentiment interne, et je ne vois

12 pas comment M. Nice peut voir en mon for intérieur pour se plonger à

13 l'intérieur de moi et parler ainsi. Chaque fois que je fais une réponse qui

14 ne convient pas à M. Nice, il déclare que je manque de franchise. Il

15 m'accuse de manque de sincérité. Je lui donne mon avis. Chacun a droit à

16 avoir son opinion. S'il y a une différence d'opinions entre lui et moi,

17 cela ne signifie pas que je suis autre chose que franc.

18 Q. Très bien. Revenons-en au début. L'accusé vous a décrit au cours de son

19 interrogatoire principal en disant que vous étiez : "sans aucun doute, le

20 meilleur expert en droit constitutionnel sur le territoire de l'ex-

21 Yougoslavie, et que c'était un fait reconnu par tous, que personne ne

22 pouvait remettre en cause ou contester. Les réponses sont transparentes."

23 Vous êtes ici. Vous êtes : "sans doute le meilleur expert en droit

24 constitutionnel sur le territoire de l'ex-Yougoslavie." Est-ce que c'est

25 bien ainsi que vous vous considérez personnellement ?

Page 35328

1 R. Je ne suis pas sûr qu'il ait dit sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

2 La compétition ne fait pas partie de ma nature. Mon jugement sur ma propre

3 valeur n'a aucune pertinence. Ce qui compte ce sont d'autres choses et,

4 notamment, la situation objective. Je ne me considère en tout cas pas de

5 cette façon.

6 Q. Puisque vous avez été largement critiqué par d'autres universitaires

7 pour un certain nombre d'autres choses que vous avez faites au cours de ces

8 15 dernières années, n'est-ce pas ? Je vais vous citer quelques exemples.

9 Pavle Nikolic, par exemple, vous a reproché vos tentatives de maintenir

10 l'accusé au pouvoir. Vous souvenez-vous de sa critique ?

11 R. Le mandat d'un président ne dure pas dix ans, il dure cinq ans, selon

12 la constitution de la République de Serbie.

13 Q. Ce que je vous dis, c'est que vous avez été critiqué par d'autres

14 juristes universitaires pour vos réalisations en tant que juriste. D'un, je

15 vous cite, Pavle Nikolic qui vous a critiqué, n'est-ce pas ?

16 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je ne sais pas ce que vous

17 entendez par critique. Dans la science et dans la vie universitaire, il est

18 tout à fait courant d'avoir un désaccord avec quelqu'un et de subir la

19 critique. Souvent, nous ne sommes pas d'accord les uns avec les autres.

20 C'est de cette façon que la science progresse. S'il n'y a pas de désaccord,

21 la science n'avance pas.

22 Q. Je vais vous donner un autre exemple de critique, en tant qu'avant-goût

23 de ce que je vous dirai en temps utile. Slobodan Samardzic, de l'institut

24 des Affaires européennes de Belgrade, vous a attaqué publiquement, et en

25 détail, pour la mauvaise utilisation de la constitution rédigée par vous,

Page 35329

1 n'est-ce pas ?

2 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela.

3 Q. Fort bien.

4 R. Je n'en ai jamais entendu parler jusqu'à présent. Est-ce que vous

5 pourriez avoir la gentillesse de me dire où cela s'est passé et à quel

6 moment, et ce qu'est cet abus de la constitution dont je serais coupable ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, M. Nice parle d'un auteur et

8 d'un texte qui a été rédigé par lui. Donc, s'il veut remplir sa fonction,

9 je pense qu'il devrait placer le texte sous les yeux du témoin, s'il

10 souhaite l'interroger sur ce texte.

11 M. NICE : [interprétation] Je le ferai très certainement.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

13 M. NICE : [interprétation] Je le ferai en temps utile, parce que je

14 souhaitais, pour ma part, suivre un ordre chronologique. Ce que j'explore,

15 en ce moment, c'est la description faite de ce témoin par M. Milosevic

16 comme étant, sans que la chose puisse être contestée, un expert. Mais, si

17 le témoin veut réfléchir à cela pendant la nuit, nous pourrons sans doute

18 lui remettre un exemplaire de ce texte où il verra de quelle façon il est

19 critiqué et de quelle façon sont critiqués les articles qu'il a écrits sur

20 la constitution par ce représentant de l'institut des Affaires européennes

21 de Belgrade. Ce texte est intitulé, Système constitutionnel de la

22 République fédérale de la Yougoslavie, Principes et Contradictions. Le

23 document, nous ne savons pas exactement quelle en est la date, mais nous

24 pouvons remettre au témoin un exemplaire de ce document pour qu'il le lise.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devriez le faire, Monsieur

Page 35330

1 Nice.

2 M. NICE : [interprétation] Je le ferai, et nous reviendrons sur cette

3 question en temps utile dans mon interrogatoire.

4 Q. Mais, Professeur, vous aurez donc de la lecture.

5 Vous nous avez parlé un peu de votre histoire personnelle. Nous y

6 reviendrons au début de mon interrogatoire, mais avant cela, j'aimerais

7 prendre un certain nombre de points par ordre chronologique. D'abord, la

8 constitution de 1974 de la République fédérale de la Yougoslavie.

9 On prépare ce document à mon intention pour qu'il soit placé sous le

10 rétroprojecteur, mais je vous dis pour l'instant : Les Serbes

11 considéraient la constitution de 1974 comme un texte qui allait à

12 l'encontre de leurs intérêts, n'est-ce pas ?

13 R. Ce ne sont pas les Serbes qui pensaient ainsi. C'est ce que pensaient

14 les personnes les plus érudites du pays. Il y avait, parmi les

15 universitaires, pratiquement l'unanimité quant au fait que la constitution

16 de 1974 est la cause dans laquelle il faut rechercher toutes les crises qui

17 ont affecté la Fédération yougoslave.

18 Q. Bon, bon. Très bien.

19 R. Les Croates, les Slovènes, les Macédoniens avaient également un avis

20 assez défavorable sur cette constitution. Je peux vous rappeler un certain

21 nombre de réunions où ces critiques venues de toutes part ont été

22 exprimées.

23 Q. Professeur, je ne serai que trop heureux d'achever votre -- le contre-

24 interrogatoire à la fin de l'audience de demain. Dans une certaine mesure,

25 ceci dépend de vous. Si je vous pose des questions qui peuvent donner lieu

Page 35331

1 à des réponses brèves, et que vous fournissez des réponses très longues,

2 nous n'avancerons pas.

3 J'ai donc votre réponse sur la constitution de 1974. Mais Tito --

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice, de vous

5 interrompre, mais ce contre-interrogatoire démarre sur un -- dans un climat

6 très agressif, que je comprends, dans une certaine mesure. Mais je ne crois

7 pas que cela soit d'une grande utilité.

8 M. NICE : [interprétation] En effet.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour être franc, la façon dont la

10 question a été formulée ne pouvait que susciter, de la part du Professeur,

11 la réponse qu'il a donnée, et sa réponse ne pouvait être que plus que

12 longue que ce que vous souhaitiez. Donc, je comprends tout cela, et par

13 conséquent, ce n'est pas une critique à votre encontre, mais je pense qu'il

14 est juste pour les Juges d'intervenir lorsqu'ils estiment que le témoin est

15 critiqué injustement.

16 M. NICE : [interprétation] Absolument. Je pensais que mes questions étaient

17 posées sur un ton neutre, mais ce n'était pas le cas, ou apparemment, cela

18 ne semble pas être le cas.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela ne l'était pas.

20 M. NICE : [interprétation] Donc, je reviendrai là-dessus. Car, dans la

21 prochaine pièce à conviction, il sera question de la constitution.

22 Q. Mais, Professeur, aidez-moi sur le point suivant, je vous prie : pour

23 autant que les Serbes étaient concernés, et je vous demande de répondre du

24 point de vue des Serbes, Tito et les autres dirigeants étaient considérés,

25 n'est-ce pas, comme désireux d'abaisser la Serbie ? C'est le fameux

Page 35332

1 "Affaiblissement de la Serbie pour renforcer la Yougoslavie", n'est-ce

2 pas ?

3 R. Cette thèse a été évoquée, pour la première fois par Lazar Kolisevski,

4 l'un des dirigeants politiques de la Macédoine.

5 Q. L'un des collègues de Tito - Tito le Croate - et Kardelj était slovène,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Tito était également considéré, de façon générale, comme quelqu'un qui

9 ne souhaitait pas promouvoir les intérêts et la cause des Serbes,

10 notamment, par exemple, au moment de l'adoption de la constitution de 1974.

11 R. Ce n'est pas ce que je dirais. J'ai un avis un peu différent. Kardelj

12 n'était pas juriste de formation. Il était, à bien des égards, un utopiste,

13 et les solutions utopistes proposées par lui ont, en fait, été le

14 désavantage le plus important de la constitution de 1974, à la rédaction de

15 laquelle il s'est engagé à fond.

16 Q. Je vais explorer un certain nombre d'événements liés à la criminalité

17 alléguée de l'accusé. Mais je vais également explorer le rôle que vous avez

18 joué dans tout cela. Par conséquent, nous devons parler de vous en tant

19 qu'homme. Votre premier ouvrage, le premier ouvrage dont vous avez été

20 l'auteur, était consacré à Kardelj, n'est-ce pas ?

21 R. Non. Je n'ai jamais consacré un livre à Kardelj. Edvard Kardelj --

22 Q. Très bien, très bien, très bien. Si j'ai tort et que je ne peux vous

23 soumettre un document prouvant le contraire, je retire ma question. Nous y

24 reviendrons le cas échéant.

25 R. Monsieur Nice, vous ne pouvez pas me montrer cet ouvrage, car un

Page 35333

1 ouvrage de cette nature n'existe pas. Mais vous avez déjà parlé de cet

2 ouvrage donc les mots sont déjà dans l'air. Mais, je vous en prie, un tel

3 livre n'existe pas. Je n'ai jamais consacré un livre à Edvard Kardelj. J'ai

4 cité Edvard Kardelj très souvent parce qu'il était le principal créateur de

5 la constitution yougoslave, dès 1946, ou plutôt, dès les annales des Foca,

6 et ce, jusqu'à sa mort. Ceci, bien entendu, couvre également la

7 constitution de 1974. Il a toujours été à l'origine des conceptions les

8 plus importantes. Il était l'auteur principal de la constitution. On le

9 trouve derrière les conceptions qui figurent dans toutes les constitutions

10 de l'ex-Yougoslavie, mais je ne lui ai jamais consacré un livre.

11 Q. Merci. Je pense qu'il est utile que nous nous penchions sur ces

12 diverses constitutions par ordre chronologique, Articles 3, 4 et 5 de la

13 constitution de 1974 pour commencer. Le texte est désormais sur le

14 rétroprojecteur.

15 Est-ce que vous pouvez suivre en anglais, Professeur ?

16 R. Je peux, mais j'ai le texte en serbe.

17 Q. Ah, vous avez le texte sous les yeux. D'accord. Donc, la

18 structure que les Juges pourraient conserver à l'esprit, c'est que nous

19 allons parler de l'Article 3, je cite : "Les républiques socialistes sont

20 des Etats compte tenu de la souveraineté du peuple et du pouvoir et de

21 l'autogestion de la classe laborieuse et de l'ensemble du peuple

22 travailleur, et elles sont des communautés socialistes autogérées

23 démocratiques du peuple travailleur et des citoyens, et des nations et

24 nationalités qui ont des droits égaux."

25 Nous en venons ensuite à l'Article 4, je cite : "Les provinces

Page 35334

1 socialistes autonomes sont des communautés sociopolitiques démocratiques

2 autogérées autonomes et socialistes, fondées sur le pouvoir de

3 l'autogestion de la part de la classe laborieuse et de l'ensemble du peuple

4 dans lequel le peuple travailleur, les nations et les nationalités

5 réalisent leur droit souverain, et lorsque ceci est spécifié dans la

6 constitution de la République socialiste de Serbie, dans l'intérêt commun

7 du peuple travailleur, des nations et des nationalités de la République

8 dans son ensemble, ils le font également au niveau de la République."

9 Nous en arrivons ensuite au dernier passage qui peut-être utile pour les

10 Juges, puisqu'il aborde les arguments dont vous avez parlé, Article 5 : --

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais quelle est la question ? Je ne comprends

14 pas. Est-ce que M. Nice vous donne des instructions quant à la façon de

15 juger des arguments qu'il développe, ou est-ce qu'il pose une question au

16 témoin ? Quelle est la question qui suit cette citation ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en arrive à la question. Je ne

18 pense pas que vous soyez juste à son égard. Vous avez utilisé la même

19 méthode, qui consiste à lire des passages assez longs avant de formuler une

20 question. Mais en tout état de cause, il est désormais 12 heures 15, et

21 nous entendrons la question lorsque nous reprendrons nos travaux dans 20

22 minutes.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais dire quelques mots. Monsieur

24 Nice, je remarque simplement que la pièce 128 ne contient que le chapitre 6

25 de l'accord. Est-ce que vous pourriez voir les choses d'un peu plus près.

Page 35335

1 M. NICE : [interprétation] Oui. La version de la pièce 128, que j'ai entre

2 les mains, mais que je n'ai pas eu le temps de vérifier, comporte très

3 certainement le passage que l'on retrouve dans cet article du journal

4 allemand qui a été évoqué. On trouve ce passage à la page 588 dans la

5 numérotation du document. On m'a remis la pièce à conviction en l'état, et

6 à moins que, pour une raison ou pour une autre, ce ne soit pas

7 l'intégralité du document qui était versée au dossier - mais je vois que

8 Mme Dicklich agite la tête, donc c'est bien l'intégralité du document qui a

9 été versée. Vous devriez trouver ce passage à la page 588.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

12 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre Monsieur Nice.

14 M. NICE : [interprétation] Pour finir ce que j'avais à dire au sujet de la

15 pièce 128, Mme Graham a eu la bienveillance de m'informer du fait, ou de me

16 rappeler le fait que la pièce 128 est une copie de l'intégralité du texte

17 de l'accord de Rambouillet que l'on trouve dans un livre qui contient des

18 documents au sujet du conflit du Kosovo, c'est une histoire diplomatique de

19 ces événements expliquée par des documents. Il ne s'agit pas uniquement du

20 chapitre six, même si c'est ce que l'on voit en haut de chaque page. Nous

21 espérons que c'est une version satisfaisante pour vous de cet accord. Nous

22 allons voir sur le site des Nations Unies si nous pouvons trouver autre

23 chose, ou si cela suffit.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.

25 M. NICE : [interprétation]

Page 35336

1 Q. Revenons à la constitution de 1974. Ce que j'essaie de faire,

2 Professeur, c'est de fournir à la Chambre le cadre juridique des différents

3 statuts dans l'ordre chronologique.

4 M. NICE : [interprétation] J'aimerais que l'huissier place la page

5 précédente sur le rétroprojecteur, afin que nous voyions l'Article 2. Non.

6 La page précédente, je vous prie. En bas de la page, on voit l'Article 2,

7 qui se lit comme suit. Je cite : "La République socialiste fédérative de

8 Yougoslavie est composée de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine,

9 de la République socialiste de Croatie, de la République socialiste de

10 Macédoine, de la République socialiste de", ici on passe à la page

11 suivante, "Monténégro, de la République socialiste de Slovénie, de la

12 Province socialiste autonome de Vojvodine, de la Province socialiste

13 autonome de Kosovo qui sont des parties constituantes de la République de

14 Serbie et de la République socialiste de Slovénie."

15 Q. Nous allons examiner d'autres passages, mais je voudrais savoir pour ce

16 passage en quoi il y a désavantage pour la Serbie, en quoi la Serbie est

17 lésée si une telle décision est prise ? En quoi la Serbie est-elle lésée ?

18 R. Ceci représente un désavantage pour la Serbie, parce que les provinces

19 autonomes sont représentées au sein de tous les organes fédéraux, à

20 l'exception de la Serbie, en tant qu'entités séparées. On voit donc, la

21 Serbie était divisée en trois parties. Elle n'était pas représentée par la

22 délégation de la République de Serbie, mais en tant que délégations

23 indépendantes au niveau fédéral.

24 Q. Le dernier passage que je souhaite vous présenter, c'est l'Article 5.

25 M. NICE : [interprétation] Merci à l'huissier de le placer sur le

Page 35337

1 rétroprojecteur. Article 5. En bas de la page, à gauche : "Le territoire de

2 la République socialiste fédérative de Yougoslavie est un, et il est

3 composé des territoires des Républiques socialistes.

4 "Le territoire d'une république ne peut être modifié sans l'accord de

5 cette république, et le territoire d'une province autonome sans l'accord de

6 cette province autonome.

7 "Les frontières de la République socialiste fédérative de Yougoslavie

8 ne peuvent être modifiés sans l'accord de toutes les républiques et

9 provinces autonomes.

10 "Les limites des républiques ne peuvent être modifiées que moyennant

11 leur accord et s'il s'agit des limites des provinces autonomes, en vertu

12 également de leurs accords."

13 Q. On voit donc que les législateurs en 1974 ont décidé que les

14 provinces autonomes devaient être dotées d'attributions qui sont

15 considérables, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, effectivement. Ils ont des pouvoirs et des attributions

17 extrêmement importants. Tout ce qui correspond aux attributions et aux

18 pouvoirs d'un Etat. Pouvoirs judiciaires, législatifs, exécutifs. Ils

19 disposent de leurs propres cours constitutionnelles."

20 Q. Voici donc ce qu'ont décidé les législateurs en 1974. Pour donner très

21 rapidement une idée à Chambre de la situation, une idée exhaustive, nous

22 allons examiner la constitution de 1974 de la Serbie. C'est la pièce 526,

23 intercalaire 1.

24 On peut voir que ces constitutions ont des préambules qui pourront

25 éventuellement nous intéresser à un stade ultérieur, ainsi, par exemple, à

Page 35338

1 la deuxième page, on voit un préambule qui commence par les mots paragraphe

2 7. Paragraphe 7, ceci figure dans la constitution serbe, je cite : "Les

3 provinces sont des communautés démocratiques sociopolitiques autonomes

4 socialistes qui se gèrent elles-mêmes, avec une composition ethnique

5 spéciale et d'autres particularités," et cetera.

6 Ensuite, paragraphe 8, troisième ligne : "Aux termes du principe de

7 l'accord conclu entre les républiques et les provinces autonomes, la

8 solidarité et la réciprocité, la participation égale des républiques et des

9 provinces autonomes au sein des institutions ou des agences fédérales, sont

10 conformes à la constitution."

11 Est-ce que, Professeur, on ne peut pas dire que c'est ce type de pouvoir

12 qui causait une certaine gêne parmi les Serbes et en Serbie ?

13 R. Je ne vois pas très bien à quels pouvoirs vous faites ainsi référence.

14 Q. Je me contente d'examiner le préambule et le paragraphe 8. Je reprends

15 la lecture dans sa totalité de ce paragraphe : "Les travailleurs, les

16 nations et les nationalités de la République socialiste de Serbie prennent

17 des décisions au niveau fédéral en vertu des principes de l'accord conclu

18 entre les républiques et les provinces autonomes, sur la base de la

19 solidarité et de la réciprocité, de la participation égale des républiques

20 et des provinces autonomes dans les agences fédérales, conformément à la

21 constitution," et cetera.

22 Si bien qu'il était prévu que lorsqu'on prenait des décisions, cela se

23 faisait aux termes d'un accord qui avait été conclu précédemment, et avec

24 la participation des régions autonomes, participation égale. C'est quelque

25 chose qui ne plaisait pas aux Serbes en Serbie, n'est-ce pas ?

Page 35339

1 R. Cela signifiait que la République de Serbie était limitée, parce que là

2 où il y avait les provinces, ce n'était plus la Serbie. La Serbie n'était

3 pas égale aux autres républiques, puisque la Serbie n'était pas représentée

4 dans sa totalité au sein de la fédération.

5 M. NICE : [interprétation] J'aimerais demander à l'huissier de nous aider à

6 examiner un autre article de cette constitution serbe. C'est l'Article 146,

7 147.

8 Pendant qu'on cherche cet article -- oui, on l'a trouvé.

9 Q. L'Article 146 de la constitution serbe se lit comme suit, je cite :

10 "Les langues et les alphabets de chaque nationalité seront sur un pied

11 d'égalité."

12 Vous nous avez expliqué la différence entre nationalités et nations, donc :

13 "Les membres des nationalités, conformément à la constitution et au statut,

14 auront le droit d'employer leur propre langue et leur propre alphabet, dans

15 le cadre de l'exercice de leurs droits et de leurs devoirs, et dans les

16 démarches entreprises devant les institutions d'Etat et les organisations

17 d'Etat exerçant des pouvoirs publics."

18 Article 147, je cite : "Les membres d'autres nations et nationalités auront

19 le droit de dispenser un enseignement dans leur langue dans les écoles et

20 autres institutions d'enseignement, conformément à la loi et au statut."

21 C'était donc des droits qui étaient confirmés par la constitution serbe,

22 des droits à l'utilisation de la langue dans le secteur de l'enseignement.

23 R. Oui.

24 Q. Si on examine l'évolution des constitutions, on peut dire, n'est-ce

25 pas, que ces droits ayant trait à l'enseignement étaient limités pour ce

Page 35340

1 qui concerne les Albanais du Kosovo, n'est-ce pas ?

2 R. A moins que vous ne parveniez à me le prouver, je ne saurais accepter

3 ce que vous venez de me dire.

4 M. NICE : [interprétation] La troisième constitution qui fait partie de

5 cette triptyque, nous n'en disposons pas à ce moment dans le même format

6 que les deux documents que nous venons d'examiner. Nous disposons de ce

7 document sous un autre format, et je demanderais que soit attribuée à ce

8 document une cote aux fins d'identification.

9 Q. Il existe une publication qui s'appelle Droit et politique du Kosovo,

10 qui a été publiée par le comité d'Helsinki chargé des droits de l'homme en

11 Serbie. Est-ce que vous connaissez ce document ?

12 R. Non

13 Q. Très bien.

14 M. NICE : [interprétation] Je souhaiterais simplement inviter les Juges

15 pour l'instant à examiner les parties de ce document qui ont trait à la

16 constitution et aux autres décisions, parce que je ne dispose dans aucun

17 autre format de ce document. A la fin de la déposition de ce témoin, peut-

18 être pourrons-nous réexaminer la situation.

19 Pendant qu'on procède à la distribution de ces documents, je vous

20 signale qu'il s'agit de documents où il y a finalement des commentaires

21 assez limités et des extraits, donc pas la version intégrale, des extraits

22 d'un certain nombre de documents qui pourront se révéler utile pour nous.

23 Ce qui est le plus utile ici dans ce document, c'est la chose suivante :

24 c'est qu'il a été publié simultanément en anglais et en serbe. Si bien, que

25 si vous vous rapportez à l'index, au sommaire, on voit que la première

Page 35341

1 partie, les pages 8 à 74 sont en serbe, et à la page suivante, nous avons

2 l'anglais, ensuite le serbe, et ensuite l'anglais.

3 Pour ce qui est de la constitution dont je ne dispose sous aucun

4 autre format, je vous demanderais de vous reporter à la

5 page 39, Messieurs les Juges. Pour ce qui est du témoin, je lui demanderais

6 de se reporter quant à lui à la page 38. On voit ici le préambule de la

7 constitution de 1974 du Kosovo. Je n'ai pas besoin de lire l'extrait de ce

8 document ou de cette page.

9 Q. Je vais demander cependant aux Juges, de passer à la page 41, et au

10 témoin à la page 40. Ici, nous avons les dispositions générales qui

11 s'appliquent au Kosovo. Chacun sera libre de lire ce document en temps

12 utile. Je souhaiterais attirer votre attention sur l'Article 4 qui stipule,

13 je cite : "Que les nations et les nationalités de la Province socialiste

14 autonome du Kosovo, seront égaux en droits et en devoirs.

15 "Afin de garantir l'égalité des nations et des nationalités, leur

16 droit au développement -- à leur propre développement dans la liberté et à

17 l'expression de leur spécificité nationale, de leur langue, de leur

18 culture, de leur histoire et de leurs autres attributs, seront garantis."

19 Article 5, je cite : "Au sein de la Province socialiste autonome du

20 Kosovo, l'égalité des langues albanaises, serbo-croates et turques ainsi

21 que de leur alphabet, sera garantie.

22 "La mise en application de ce principe sera régi et garanti par la

23 présente constitution et par le statut de la province."

24 Nous voyons donc, Professeur, dans cette constitution -- dans la

25 constitution d'abord de la République fédérative, dans la constitution de

Page 35342

1 la Serbie également, que sont énoncés des droits portant respect de la

2 langue et de l'enseignement. Nous voyons ici dans la constitution du

3 Kosovo, que l'on identifie expressément l'égalité des droits des langues

4 albanaises, serbo-croates et turques ainsi que des alphabets concernés,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui, et c'est normal, parce que la constitution fédérale à nature -- à

7 un caractère plus général. Ensuite, quand on descend au niveau de la

8 province, cela devient plus détaillé.

9 Q. La modification de la constitution, si l'on regarde la manière dont

10 cela a été prévu par le législateur de 1974,

11 corrigez-moi si je me trompe, mais la modification de la constitution

12 commence par la haut, c'est-à-dire, par le niveau fédéral, par le

13 gouvernement fédéral. C'est lui qui doit prendre les décisions relatives à

14 toute modification de la constitution.

15 R. L'Etat fédéral décide de tout amendement éventuel à la constitution

16 fédérale, et s'il y a amendement, modification de la constitution fédérale,

17 bien entendu, cela impliquera des modifications et des constitutions des

18 provinces et des républiques.

19 Q. A ce moment-là, il y aurait harmonisation de ces constitutions pour

20 tenir compte des amendements à la constitution par le gouvernement fédéral,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Passons rapidement l'histoire et l'évolution de la situation en revue

24 avant d'en venir à votre implication personnelle. Nous avons examiné le

25 livre bleu, une pièce à conviction de la Défense, qui se trouve à

Page 35343

1 l'intercalaire 6. Ceci date de mars 1977, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, vous avez raison.

3 Q. Il me semble que son auteur est quelqu'un qui à un lien de parenté avec

4 l'épouse de l'accusé, n'est-ce pas ? Il s'agit ici d'une question de fait

5 que je vous pose.

6 R. Il faut dire que ce texte, il a été publié pas pour être publié de

7 manière -- ou diffusé dans le public, mais c'était un document de travail.

8 Il n'y a pas qu'un seul auteur, parce que celui qui est indiqué ici, il y

9 en a plusieurs. Personne -- aucune des ces personnes n'a de relation avec

10 l'épouse de M. Milosevic pour autant que je sache.

11 Q. Ne passons pas plus de temps sur ce point.

12 Professeur, nous, ce qui nous intéresse -- ce n'est pas --ce que nous

13 cherchons, ce n'est pas déterminer si les arguments constitutionnels sont

14 conformes ou non à ce qu'ils auraient dû être; ce qui nous intéresse, c'est

15 à établir les faits historiques. Si on regarde ce livre bleu, est-ce qu'on

16 ne peut pas dire à juste titre que vous nous avez dit vous-même que dès

17 1977 les Serbes avaient exprimé leur mécontentement au sujet de ce qui

18 était prévu par les textes de 1974 ? Je parle du livre qui vous a été

19 communiqué par Mihailo Markovic.

20 R. Tout d'abord, ce n'est pas lui qui m'a donné ce livre mais quelqu'un

21 d'autre. En deuxième lieu, c'était un groupe de travail au sein de la

22 présidence de la République socialiste de Serbie. Il y avait le Professeur

23 Pasic, le Professeur Slovatkovic [phon], Veljko Markovic. Tous ces gens

24 faisaient partie de ce groupe de travail. Veljko Markovic, qui était le

25 secrétaire général de l'assemblée. Il y avait Milivoje Draskovic également,

Page 35344

1 le secrétaire, ou plutôt ministre de la Justice. Il y avait Nikola Stanic

2 qui était chef de cabinet du président de la présidence de la République de

3 Serbie; Milan Radonjic qui était membre lui-même de la présidence. Voilà

4 ainsi que se constituait au Koso -- la constitution qui a été mise en place

5 en 1975 alors que M. Milosevic n'était pas sur la scène politique, n'était

6 pas un personnage public à l'époque.

7 Q. Je n'ai jamais dit le contraire. J'aimerais que vous m'aidiez à

8 comprendre une chose. Les Albanais du Kosovo à qui on avait attribué un

9 certain nombre de pouvoirs vu cette constitution que nous avons examinée,

10 la constitution de 1974, est-ce qu'eux, ils ont exprimé un certain

11 mécontentement au sujet de cette constitution, ou est-ce que le

12 mécontentement qui s'exprimait ne venait-il pas uniquement de la Serbie ?

13 R. Eux aussi ils ont manifesté un certain mécontentement en 1981, ils ont

14 lancé une rébellion armée parce qu'ils n'étaient pas satisfaits de leur

15 statut de province autonome. Ce qu'ils voulaient, c'était devenir un état.

16 Ils n'étaient pas satisfaits de ce qui était prévu par la constitution de

17 1974. C'est ce qui explique la rébellion, le soulèvement de 1981.

18 Q. Examinons ce point en deux volets. Parce que justement, j'allais parler

19 de l'incident ou des événements de 1981. Il n'a jamais été question, n'est-

20 ce pas, ou on n'a jamais entendu les Albanais du Kosovo exprimer leur

21 mécontentement au sujet des pouvoirs qui leur étaient conférés par la

22 constitution. Ils n'ont jamais dit que ces pouvoirs étaient insuffisants en

23 fait, ou qui n'étaient pas appropriés. Tout ce que vous nous dites, c'est

24 qu'ils en voulaient encore plus; n'est-ce pas exact ?

25 R. Ils voulaient une République du Kosovo. Leur slogan dans ces

Page 35345

1 manifestations, c'était "République du Kosovo."

2 Q. Passons aux manifestations de 1981, enfin, manifestations ou autres. Je

3 ne sais pas exactement comment on peut définir ces événements. Je voudrais

4 savoir si vous avez été impliqué dans tout cela à ce moment-là.

5 R. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par implication. Vous

6 parlez d'une intervention dans la vie publique, et cetera ?

7 Q. Je voudrais savoir si vous étiez à Pristina quand tout cela s'est

8 passé ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous enseigniez au Kosovo, à Pristina ? Est-ce que vous

11 interveniez là-bas en tant qu'enseignant ?

12 R. Non, jamais. Une seule fois, en 1999, le 16 janvier, j'ai été membre

13 d'une commission qui était là à l'occasion d'une soutenance de thèse. Voilà

14 la limite de mon intervention à l'université de Pristina, si vous parlez

15 d'une implication dans l'enseignement.

16 Q. Tout ce que vous savez des événements de 1981 découle de ce que vous

17 avez lu dans la presse ou vu à la télévision ou entendu à la radio ?

18 R. Tout à fait. Tout ce que je savais, c'était ce que savait tout le

19 monde, et ce à quoi tout le monde avait accès. Etant donné que cela fait

20 plus de 20 ans que tout cela s'est passé, ces informations que j'ai ne sont

21 pas vraiment fiables, parce que c'est uniquement ce dont je me rappelle des

22 événements.

23 Q. Je rappelle à votre intention et à l'intention des Juges qui en ont

24 déjà entendu parler, qu'il s'agissait d'une manifestation dont on disait

25 qu'elle avait été déclenchée par des protestations au sujet de la qualité

Page 35346

1 de la soupe par les étudiants, et qui s'est ensuite dégénérée, n'est-ce pas

2 ?

3 R. Oui, c'est ce qui a été dit dans les journaux. Je n'ai pas été témoin

4 oculaire de ces événements, je n'ai pas vu ce qui s'est passé, j'en ai

5 entendu parler ultérieurement. Je n'en ai pas une connaissance directe;

6 j'en ai une connaissance indirecte.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas si je me souviens très bien des

10 événements moi-même, mais à ma connaissance, autant que je m'en souvienne,

11 le professeur Markovic n'a pas déposé, n'a jamais déposé ici au sujet des

12 manifestations au Kosovo pendant toutes ces années, 1971, et cetera.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour moi cela entre dans le cadre de

14 sa déposition.

15 M. NICE : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur le Président. En

16 fait, il en a parlé. Poursuivons.

17 Q. En 1980 à 1985, vous avez changé de statut, alors qu'auparavant vous

18 n'enseigniez qu'épisodiquement à la faculté de droit de Belgrade, vous êtes

19 devenu professeur à temps plein. Est-ce que cela ne correspond pas à la

20 situation ?

21 R. Oui. Comme je l'ai dit, au début j'étais lecteur assistant. Ensuite, ma

22 situation a évolué, je suis devenu professeur.

23 Q. En 86, comme vous nous l'avez expliqué vous-même, vous êtes devenu

24 membre d'une commission chargée des questions constitutionnelles au sein du

25 parlement de la République de Serbie. Pour être membre de cette commission,

Page 35347

1 est-ce qu'il était nécessaire d'appartenir au Parti communiste ?

2 R. Je le suis devenu en tant que membre de ma profession. Nous avons été

3 invités par Branislav Ikonic ainsi que Miodrag Jokic. Nous avons été

4 invités au Parlement de Serbie pour contribuer, grâce à nos connaissances

5 professionnelles, au travail de cette commission. M. Jovicic a bien vite

6 abandonné la commission, j'étais plus jeune, j'avais peut-être les nerfs

7 plus solides. On m'a demandé de rester pour terminer le travail. M. Jovicic

8 lui-même n'a jamais appartenu à la Ligue des Communistes de Yougoslavie.

9 Q. Mais vous ?

10 R. Oui, j'ai été membre. J'ai été membre de la Ligue des Communistes.

11 Q. Depuis quand ?

12 R. Depuis 1965.

13 Q. Est-ce que vous aviez été un participant actif dans les activités du

14 Parti communiste depuis 1965 ?

15 R. Non. Je n'ai jamais occupé de poste quel qu'il soit, même pas au

16 niveau universitaire à la faculté de droit. Je n'étais qu'un membre

17 ordinaire.

18 Q. Comment se fait-il, dans ces conditions, que l'on vous ait invité ou

19 que vous ayez vous-même pris goût et décidé de participer à la vie

20 politique active pendant -- à ce moment-là, en 1986, à cette période

21 extrêmement critique ?

22 R. Je vais répéter que je n'ai pas -- je ne me suis pas lancé dans la

23 politique en 1986. Ma participation s'est limitée à mon champ professionnel

24 dans le cadre de cette constitution, de cette commission constitutionnelle.

25 Je n'ai été actif dans la vie politique qu'en 1992, lorsque j'ai été élu

Page 35348

1 député fédéral, député du département fédéral. Ensuite, j'ai participé à la

2 vie politique jusqu'à l'an 2000. Comme je l'ai déjà expliqué, à ce moment-

3 là, je me suis retiré de la vie politique. Maintenant, je me consacre

4 uniquement à mon travail dans le domaine universitaire.

5 Q. Examinons un article que vous avez rédigé. Je crois qu'il date de 1988,

6 septembre 1988. Il s'intitule La constitution du peuple.

7 Pendant que l'on distribue ce document et que vous essayez de vous remettre

8 en mémoire les termes généraux de cet article, la Chambre se rappellera que

9 c'est de 1986 que date le fameux mémorandum.

10 Quand avez-vous pris connaissance, pour la première fois, de l'existence de

11 ce mémorandum ?

12 R. Pour vous dire la vérité, je ne saurais vous donner de date exacte,

13 mais c'est au moment où tout cela a été débattu dans la presse. Avant je

14 n'en avais jamais entendu parler.

15 Q. J'essaie de comprendre. Ce que vous nous dites, c'est que votre

16 participation à la vie politique s'est limitée, à ce moment-là, à la

17 participation ou à votre travail au sein de la commission chargée des

18 affaires constitutionnelles; c'est bien cela ?

19 R. Vous m'avez bien compris. Oui, effectivement. Je n'ai eu aucune

20 fonction publique avant 92. A ce moment-là, j'étais membre de la commission

21 chargée des affaires constitutionnelles; c'est tout. Je l'ai déjà dit.

22 Q. J'aimerais que nous examinions un certain nombre de points dans cet

23 article qui date de 1988 [comme interprété]. Première page, je cite :

24 "Jusqu'à une date récente, l'opinion de ceux qui travaillaient dans les

25 domaines de la science et de la politique en Serbie, n'étaient pas

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1 considérés pour justifier une modification du système constitutionnel de la

2 Serbie."

3 Est-ce que vous avez trouvé le passage concerné ?

4 R. Non.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela commence à la page 3, ou plutôt page 1,

6 ligne 3, le dernier mot est "do nedavno", jusqu'à une date récente.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Veuillez, s'il vous plaît, prendre vous-même connaissance de ce

9 passage.

10 Je reprends la lecture : "Ceux qui étaient actifs dans la politique

11 et qui ont eu connaissance de la lutte constitutionnelle, ont vécu cette

12 lutte comme une lutte pour leur prestige personnel et leur position

13 personnelle. Ils ont exercé le pouvoir dont ils disposaient pour initier

14 les modifications de la constitution, et ceci, dans l'objectif de maintenir

15 et de garantir leur carrières politiques plutôt que pour faire avancer la

16 lutte elle-même."

17 On a entendu parler de quelque chose qui a été appelé la révolution

18 bureaucratique. Est-ce que c'est ce que vous -- ce dont vous parlez dans le

19 passage que je viens de lire ?

20 R. Malheureusement, je n'ai pas trouvé la deuxième partie de ce que vous

21 avez cité. Permettez-moi de dire la chose suivante : c'était la première

22 fois que les amendements à la constitution se faisaient avec participation

23 active de représentants des mondes scientifique et universitaire. Puisque

24 jusqu'alors, si on regardait la constitution de 1974, tous les amendements

25 apportés à cette constitution, la préparation de ces amendements, c'était

Page 35350

1 réservé aux politiques eux-mêmes. C'est Edvard Kardelj qui a joué un rôle

2 crucial dans ce sens, d'ailleurs.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il y a une erreur à la fin de la

6 question de M. Nice parce qu'il a parlé de révolution bureaucratique. Je

7 pense, qu'en fait, il voulait dire révolution antibureaucratique.

8 M. NICE : [interprétation] Je remercie l'accusé de me signaler cette

9 erreur.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice vous est reconnaissant,

11 Monsieur Milosevic.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Est-ce que dans le passage que j'ai lu, il était question de la

14 révolution antibureaucratique ?

15 R. Je ne sais pas très bien quel paragraphe vous faites référence

16 maintenant parce que je ne l'ai toujours pas trouvé.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, merci beaucoup.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la septième ligne à partir du haut. On

20 parle après 1968 à 1974. Ligne 7 à partir du haut.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non. Cette phrase ne serait être

22 interprétée comme un programme -- le programme de la révolution

23 antibureaucratique. Il s'agit simplement ici d'une constatation, à savoir,

24 que pour une fois, les hommes politiques ont, dans le cadre de ces

25 modifications de la constitution, fait intervenir des professionnels qui

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1 ont été impliqués. Moi-même, j'avais 50 ans, une cinquante d'années quand

2 pour la première fois, je suis intervenu dans la vie publique, parce que

3 c'est à ce moment-là seulement, c'était la première que l'on s'est

4 intéressé à ce qu'avaient à dire les scientifiques ou les universitaires.

5 Sinon auparavant, on allait en prison si on se prononçait contre la

6 constitution ou les dispositions de la constitution. Comme je l'ai dit, en

7 1971, le journal a été interdit. Le professeur Mihailo Djuric a été enfermé

8 en prison, et il y a cinq professeurs qui ont été expulsés de l'université.

9 M. NICE : [interprétation]

10 Q. Examinons le passage suivant qui m'intéresse dans ce document de 1988,

11 et la manière dont vous relatez les événements. Je cite :

12 "Ceux qui étaient actifs dans le secteur scientifique, même si la science

13 était proclamée comme étant un facteur subjectif de notre système social,

14 avaient la compréhension et la connaissance nécessaire de la situation. En

15 tout cas, ce n'était pas les esclaves de ceux qui étaient actifs dans la

16 vie politique. Cependant, ils n'avaient pas comme maintenant le pouvoir de

17 déclencher des amendements à la constitution. Cependant, grâce à la

18 modification des rapports de forces politiques, si on examine le changement

19 politique et le climat politique en général, ceux qui travaillaient dans

20 les domaines de la politique et de la science, dans leur domaine respectif,

21 ont préparé le terrain pour permettre au peuple d'avoir son mot à dire dans

22 les modifications de la constitution à partir du moment où cette

23 proposition de modification de la constitution de Serbie a été présentée

24 expressément."

25 Est-ce que ce passage écrit en 1988, reflète le rôle de l'académie -- que

Page 35352

1 le mémorandum de l'Académie des sciences a joué pour mettre en branle une

2 modification dans la vie politique -- les changements politiques ?

3 R. Ce n'est pas cette phrase du mémorandum que je pensais quand j'ai écrit

4 cela. Je pensais au débat qui avait fait rage au sujet de la constitution

5 et qui s'était fait beaucoup plus transparent, c'est-à-dire que les

6 citoyens, la population en général avait son mot à dire. Ceci signifiait

7 que la population était mise au courant de ce qui se passait; ce qui

8 n'était pas le cas auparavant.

9 Q. Est-ce que par votre participation à cette commission, vous en avez

10 appris beaucoup au sujet de la politique ? Est-ce que vous avez mieux

11 compris comment bougeait le monde politique ?

12 R. J'ai participé à la politique du côté des professionnels. Pendant tout

13 le temps que j'ai passé dans la vie politique, je me suis occupé que de ma

14 spécialité professionnelle, à savoir, du droit au sein du gouvernement.

15 Lorsque je suis devenu membre du gouvernement, j'étais responsable du

16 système judiciaire et de la législation. Lorsque j'ai été élu en tant que

17 député, je n'ai rien fait d'autre qu'agir toujours dans le cadre de ma

18 profession. Je ne peux pas dire que j'en ai appris beaucoup sur le monde de

19 la politique en tant que telle.

20 Q. J'aimerais, même si je pourrais contester cela en temps utile, un peu

21 plus tard, j'aimerais vous rappeler ce que vous avez écrit, cet article

22 écrit en 1998 [comme interprété] lors de l'incident de Kosovo Polje lorsque

23 l'accusé a prononcé une allocution et que cet incident était lié à la façon

24 dont l'allocution a été rapportée dans les médias. Vous vous souvenez de

25 cela ?

Page 35353

1 R. Oui, je me souviens de cela. Je me souviens de la phrase bien connue

2 prononcée à ce moment-là, mais pas de l'ensemble du contexte. Je n'étais

3 pas présent, et les médias ne sont pas rentrés dans les détails.

4 Q. Est-ce que vous étiez au courant ? Est-ce que dans cet article que vous

5 écrivez au sujet de la mise en place d'une action corrective, j'utilise une

6 expression neutre, est-ce que vous connaissiez ou est-ce que vous souhaitez

7 une action directe destinée à provoquer un changement politique ?

8 R. Non. Cet article n'est que l'expression d'un simple point de vue d'un

9 professionnel sur le problème de la constitution qui commençait à se poser

10 en République de Serbie à ce moment-là. Ce n'était pas une allocution

11 publique; c'était simplement l'expression d'une position d'un point de vue

12 d'un professionnel.

13 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à la pièce suivante, je vous

14 prie. Je prends dans le même document la phrase qui commence dans votre

15 langue par "i po svemu sudeci" et qui commence en anglais par "And,

16 considering…"

17 R. Oui, oui, oui.

18 Q. Je cite :

19 "Si l'on prend tout en compte, il y a une chose qu'ils ne sont pas parvenus

20 à faire s'agissant de modifier la constitution. Mais la population est

21 maintenant, bien entendu, en train de se livrer à une action spontanée.

22 C'est la meilleure preuve de la maturité qui est la sienne dans la solution

23 des problèmes constitutionnels. Y a-t-il une façon plus idéale d'exercer le

24 pouvoir constitutionnel dans une démocratie, que si celui-ci est exercé

25 spontanément par le peuple ? Aujourd'hui, en Serbie, le peuple lui-même

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1 commence à exercer le pouvoir constitutionnel. Ceux, qui se sont par le

2 passé, risquent de perdre leur légitimité s'ils ne mettent pas par écrit

3 cette constitution vivante du peuple. Aujourd'hui, toute la Serbie est un

4 lieu où s'écrit la loi, est une assemblée constituante spontanément

5 convoquée et qui siège en permanence. Le peuple y intervient de façon

6 immédiate sans intermédiaire et sans interprètes pour exprimer ses

7 souhaits, écrire sa propre constitution, ce qui est exactement le travail

8 de l'autodétermination."

9 Nous voyons, dans ce passage, des références à une action spontanée, à des

10 changements de la constitution. Est-ce que vous accordez, à ce que j'ai

11 appelé en termes très neutres, l'action directe, est-ce qu'à ce recours à

12 la force vous accordez la respectabilité de votre savoir universitaire ?

13 R. Non. En fait, aucun démocrate ne peut contester ce qui est écrit ici.

14 Le pouvoir constitutionnel devrait être entre les mains du peuple, et la

15 constitution devrait être l'expression de la volonté du peuple. La façon la

16 plus démocratique d'adopter une constitution consiste à organiser un

17 référendum sur celle-ci. C'était un référendum officieux, il y a eu une

18 idée assez unanime qui a été exprimée quant aux modifications à apporter à

19 la constitution de 1974, à l'époque.

20 Q. Voyez-vous dans cet article écrit en septembre ou, en tout cas, paru au

21 mois de septembre 1998, c'était dans les mois qui ont suivi la fameuse

22 révolution du yaourt. Vous vous souvenez de cela ?

23 R. Oui, je m'en souviens.

24 Q. Elle a été appelée révolution du yaourt parce que tous les manifestants

25 de Vojvodine qui ont renversé le pouvoir en Vojvodine portaient du yaourt

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1 dans les mains. Certains d'entre eux ont jeté des pots de yaourt sur ceux

2 qui s'opposaient à eux. C'est la raison pour laquelle cette révolution

3 s'est appelée la révolution des yaourts, n'est-ce pas ?

4 R. Vraiment, je n'en connais pas les détails. Je n'entends cette

5 dénomination de révolution du yaourt, qu'aujourd'hui. Vous êtes le premier

6 à m'en parler.

7 Q. Mais vous aviez une participation assez intense à la vie politique dans

8 cette commission, ainsi que dans cet article où vous dites votre avis sur

9 la validité de l'action directe ? C'est ce que j'affirme. Est-ce que vous

10 l'admettez, oui ou non ?

11 R. Je ne l'admets absolument pas. Pas du tout. Ma position résulte de ma

12 liberté de pensée et de ma liberté d'expression en tant qu'expert

13 universitaire. J'ai fait usage de ma liberté constitutionnelle.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je poser une question ? Cette

15 première phrase Professeur qui vous a été citée dans ce dernier passage, je

16 cite : "Et, tout étant pris en compte, ce qu'il n'était pas parvenu à faire

17 s'agissant de modifier la constitution, le peuple le fait désormais au

18 cours d'une action spontanée." Qu'est-ce que cela signifie ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela signifie que lors de nombreuses réunions

20 organisées de façon spontanée, la certitude en question a été exprimée, à

21 savoir que la Serbie était démembrée, qu'elle était divisée en trois

22 parties différentes, qu'elle avait perdu le pouvoir qu'elle exerçait sur

23 les provinces autonomes, qu'elle ne pouvait plus exécuter son pouvoir

24 autogestionnaire. Tout était devenu absurde. Les provinces qui faisaient

25 partie de la Serbie s'étaient retournées contre la Serbie et, en fait,

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1 elles représentaient d'une façon différente la Serbie devant les instances

2 fédérales plus, d'ailleurs, que ne le faisaient les organisations de la

3 Serbie à proprement parler. Cette constitution était en vigueur depuis 14

4 ans et le peuple, la population avait amplement eu le temps de se rendre

5 compte de son caractère injuste.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avec le respect que je vous dois,

7 Monsieur, ceci ne me parait pas répondre à la question que j'ai posée.

8 Relisez ce passage, je cite : "Et, si nous prenons tout en compte, ce

9 qu'ils n'étaient pas parvenus à faire s'agissant de changer la

10 constitution, le peuple désormais était en train de le faire au cours d'une

11 action spontanée." Ceci ne me paraît pas faire référence à des opinions ou

12 à des points de vue. Il semble qu'il s'agisse d'une référence à une action

13 et à un échec au fait qu'aucune action n'avait pu être entreprise par le

14 passé.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Par le passé, il est fort probable que, par

16 opportunisme politique, cette solution que l'on trouve dans la constitution

17 de 1974, dans la constitution fédérale, a été tolérée. Cette solution a été

18 amenée à un degré de plus grande absurdité encore dans la constitution de

19 Serbie qui s'en est suivie.

20 De ce point de vue, l'establishment politique qui était au pouvoir à

21 l'époque n'a pas réussi à modifier cela pour une raison que j'ai déjà

22 évoquée, à savoir l'opportunisme politique.

23 Par la suite, une action spontanée de la population est intervenue,

24 action spontanée dans le sens où des rassemblements se sont organisés, les

25 gens se sont réunis pour protester. Cette action de la population a réussi

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1 ce qui n'avait pas été réussi auparavant.

2 Par ailleurs, les experts estimaient, de façon unanime, que la constitution

3 serbe n'aurait pas dû être ce qu'elle était puisqu'elle avait été adoptée

4 en deuxième lieu, et c'est la première fois que cela était dit au sujet de

5 cette constitution.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Sur les quatre passages, j'aimerais maintenant que nous revenions à la

9 page 4, c'est la page 1181, pour vous, Monsieur Markovic, deuxième ligne à

10 partir du haut. Pour vous, dans la version anglaise, le passage se trouve

11 au milieu de la page, et il est sur le rétroprojecteur, je peux le citer,

12 il se lit comme suit, je cite :

13 "La réalisation de ce que le peuple cherche à obtenir à présent ne peut

14 être fait en l'absence d'une transformation radicale de la constitution,

15 deux modifications étant absolument indispensables. D'abord les régions

16 doivent être réduites à de véritables unités autonomes et correspondre à la

17 superficie autonome établie dans la constitution de Serbie (par conséquent,

18 tous les attributs d'un Etat doivent être retirés à ces régions).

19 Deuxièmement, tout rapport institutionnel direct entre les régions et la

20 fédération doivent être coupés si, par terme de rapport, on entend

21 l'égalité des voix entre la Serbie qui est une, et deux régions de la

22 fédération dans les conditions du consensus fédéral où la Serbie a donc

23 moins d'une voix."

24 Dans cet article, vous dites, en tout cas c'est ce que je vous affirme,

25 vous reprenez des positions particulièrement extrêmes s'agissant du Kosovo,

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1 à savoir que celui-ci doit se voir privé de tous ses attributs d'Etat.

2 R. Je ne vois pas où vous trouvez mention du mot Kosovo dans ce texte.

3 Veuillez me dire où vous lisez le mot Kosovo.

4 Q. Mais n'est-ce pas le Kosovo et la Vojvodine que vous aviez à l'esprit

5 lorsque vous aviez écrit cela ?

6 R. Cette fois-ci, oui. Si vous dites Kosovo et Vojvodine, alors, je suis

7 d'accord. Il est vrai que du point de vue du droit constitutionnel sur le

8 plan scientifique, des déclarations générales peuvent être faites

9 lorsqu'elles portent sur des éléments évidents. S'agissant des provinces

10 autonomes, j'ai, par respect pour la fédération, énuméré un certain nombre

11 de termes généraux. Mais celles-ci n'avaient pas le droit de participer au

12 travail des instances fédérales, au niveau de l'Etat fédéral. C'est là que

13 se situe la différence entre un Etat fédéral et un Etat qui comporte en sus

14 une province qui dispose d'une certaine autonomie fédérale. C'est la

15 conclusion que vous trouverez dans un ouvrage de droit constitutionnel

16 important, dont l'auteur est un professeur français qui cite les qualités

17 des Etats fédéraux. L'un de ces principes fondamentaux, c'est la

18 participation des unités qui ont le statut d'Etat fédéral au gouvernement

19 fédéral, mais pas des autres.

20 Q. Deux questions : par parenthèse, j'aborde ces questions avant d'oublier

21 de le faire. Je pense vous avoir entendu hier au cours de votre déposition

22 dire que la Vojvodine, comme le Kosovo, avait des habitants dont certains

23 demandaient la séparation par rapport à la Yougoslavie. Est-ce que vous

24 avez dit cela hier ?

25 R. J'ai même été plus agressif que cela. J'ai dit que les représentants

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1 politiques de Vojvodine de l'époque exprimaient leur point de vue

2 séparatiste d'une façon beaucoup plus vociférante que cela n'était le cas

3 ailleurs, ce qui montre bien le problème, parce que les Serbes sont

4 majoritaires en Vojvodine. La majorité absolue de la population en

5 Vojvodine est bien constituée par les Serbes. En dépit de cela, la

6 Vojvodine a exprimé ses tendances séparatistes, tout comme le Kosovo, et

7 même de façon plus agressive.

8 Q. Veuillez vous arrêter ici, je vous prie. Vous dites : "a exprimé une

9 tendance." Est-ce que vous pourriez me citer le nom d'un parti politique de

10 Vojvodine, d'un représentant politique de Vojvodine, ou d'un événement

11 survenu en Vojvodine, qui pourrait venir confirmer l'exactitude de ce que

12 vous venez de dire ? Est-ce qu'il y a eu un parti, un représentant

13 politique, ou un événement en Vojvodine, qui exprimait une tendance au

14 séparatisme ? Vous pouvez m'aider sur ce point ?

15 R. A l'époque, il n'y avait pas plusieurs partis. Nous n'étions pas dans

16 un système pluripartiste. Donc, toutes ces personnalités occupaient des

17 fonctions publiques au sein de la province autonome. Dans des manuels

18 spécialisés, dans des réunions de la commission constitutionnelle, dans un

19 certain nombre de magazines professionnels, j'ai assisté au jour le jour à

20 l'expression de telles positions et de telles tendances. Je ne voudrais pas

21 citer de noms, parce que je risquerais de me tromper, je risquerais de

22 citer le nom de quelqu'un qui n'est pas très important de ce point du vue

23 là, en oubliant de citer quelqu'un dont le nom est particulièrement

24 important. Mais en tout cas, ce dont je vous parle cela fait une vingtaine

25 d'années que tout cela s'est passé, tout de même.

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1 Q. Pourriez-vous, je vous en serais reconnaissant.

2 Pour revenir sur ma dernière question, pourriez-vous, en tant

3 qu'universitaire qui a pris position contre les droits et les pouvoirs des

4 deux provinces du point de vue de la constitution, et ce dans des termes,

5 on ne peut plus extrêmes, n'est-ce pas ? Parce que vous avez tenté de dire

6 que ces deux provinces devaient perdre tous les droits qui leurs étaient

7 donnés par la constitution de 1974. Pouvez-vous nous répondre ?

8 R. Deux erreurs dans ce que vous venez de dire. D'abord, je ne suis

9 pas académicien. Je n'ai jamais dit être académicien ici. Deuxième erreur,

10 je n'ai pas dit que tous les droits des régions autonomes devraient être

11 abrogés, mais seulement les attributs de l'Etat. Vous voyez entre

12 parenthèses dans la citation de l'Article que vous venez de faire : "(Tous

13 les attributs d'un Etat doivent être retirés à ces provinces)." Par

14 conséquent, deux erreurs importantes dans ce que vous venez de dire.

15 Q. Fort bien. J'aimerais que nous passions au dernier passage de cet

16 article, page 6, chez vous page 1182. Chez vous, le passage commence sept

17 lignes à partir de la fin du paragraphe que l'on trouve au milieu de la

18 page. La version anglaise est placée sur le rétroprojecteur, et la phrase

19 commence à peu près au milieu de la phrase par les termes, "Dans les

20 conditions." Je cite :

21 "Dans de telles conditions d'isolement de la région sur la plan

22 constitutionnel par rapport à la République de Serbie, il est naturel que

23 les Albanais du Kosovo aient demandé que le Kosovo soit une république, à

24 savoir qu'ils demandaient à disposer d'un Etat albanais au Kosovo leur

25 appartenant, puisqu'ils étaient majoritaires dans cette zone autosuffisante

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1 dotée de toutes les fonctions de l'Etat. Les Serbes et les autres

2 populations non-albanaises y étaient une importante minorité. Les Albanais

3 du Kosovo, ceux qui demandaient cela, étaient poussés par exactement le

4 même système constitutionnel que celui qui existait en Serbie. Il aurait

5 été difficile d'avancer de telles demandes, si la Serbie avait existé sur

6 la totalité de son territoire en tant qu'Etat intégré."

7 Vous admettez, n'est-ce pas, Professeur, que dans cet extrait, vous parlez

8 de pouvoirs qui ont été légalement octroyés par les législateurs, et vous

9 auriez du mal à reprocher aux Albanais du Kosovo de demander l'exercice de

10 ces pouvoirs.

11 R. Non. Dans cet extrait, je dis simplement que ces solutions

12 constitutionnelles ont inspiré le séparatisme, ont donné naissance au

13 séparatisme. Par conséquent, il y a une très subtile différence entre la

14 notion de province et la notion de république et éventuellement susceptible

15 de transformer une province en république. Mais c'est précisément ce que

16 les Albanais du Kosovo demandait. Ils souhaitaient faire partie d'un Etat

17 fédéral, en tant qu'unité de cette fédération, et ne pas être une unité

18 autonome au sein de la République de Serbie.

19 M. NICE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cet

20 article.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

22 M. NICE : [interprétation] Si la Chambre ne siège que jusqu'à l'heure

23 normale, j'ai une autre question. Mais je pourrais aborder un autre sujet

24 si nous prolongeons l'audience.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Encore une question.

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1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. Professeur, je parle à présent de la période dont vous avez parlé la

3 semaine dernière en disant qu'outre le fait de rédiger les constitutions de

4 la Serbie et de la République fédérale de Yougoslavie, vous aviez rédigé

5 une autre constitution, mais que d'une façon ou d'une autre, un document

6 secret et officiel vous interdisait de définir exactement quelle était

7 cette constitution. Nous pouvons y revenir en détail, car quel que soit le

8 pays en question, existe-t-il vraiment quelque part un document officiel

9 secret qui stipule que le rédacteur ou les rédacteurs d'une constitution

10 n'ont pas le droit d'être nommés ?

11 R. D'abord, j'e n'ai pas dit que j'avais rédigé ces constitutions. Relisez

12 les réponses aux questions. J'ai dit avoir participé à la rédaction de ces

13 constitutions. Ce n'est pas un ouvrage dont je suis l'auteur.

14 Q. Je me permets de vous interrompre. Vous nous avez dit que vous étiez

15 l'un des rédacteurs. Mais enfin, il y en avait deux parmi lesquels vous

16 vous trouviez. Un certain Borivoj Rasua. Est-ce que vous pourriez dire à la

17 Chambre quelles sont les constitutions à l'écriture desquelles vous avez

18 participé ?

19 R. Je ne sais absolument pas qui est ce Borivoj Rasua. C'est la première

20 fois que j'entends ce nom. Je n'ai jamais prononcé ce nom.

21 Q. En tout état de cause, dites-nous quelles sont ces constitutions, je

22 vous prie.

23 R. J'ai participé en étant membre de deux commissions de rédaction de la

24 constitution créées au niveau de la République fédérale de Yougoslavie et

25 au niveau de la République de Serbie. S'agissant de réviser le libellé et

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1 les procédures citées dans la constitution du Monténégro, je n'ai fait que

2 participer à ce travail. J'ai proposé des solutions, j'ai fait des

3 propositions, et ces propositions étaient destinées à intégrer le

4 démantèlement de l'assemblée du Monténégro à la constitution.

5 Je vous demande des explications complémentaires parce que quelle

6 pertinence ceci peut-il avoir pour cette Chambre et dans le cadre de ce

7 procès. Les constitutions sont quelque chose de très délicat. Ce sont des

8 documents qui doivent être adoptés par des parlements. Je n'ai fait

9 qu'apporter mon savoir professionnel, contribuer de cette façon à la

10 rédaction de la constitution qui, plus tard, a été adoptée par l'assemblée

11 nationale. Personne ne peut prétendre avoir une autorité quelconque sur le

12 texte d'une constitution parce qu'une constitution est un texte voté par un

13 parlement. Je n'ai fait que créer le libellé de certaines des dispositions

14 de la constitution. Une constitution est toujours votée par un parlement.

15 Q. Une certaine participation au Monténégro, mais aidez-moi encore sur un

16 point. Est-ce que vous avez participé à la rédaction des documents

17 constitutionnels de la Republika Srpska ?

18 R. Non, jamais.

19 Q. De la République serbe de Krajina ?

20 R. La constitution de la Republika Srpska ou, plutôt, la constitution de

21 la Bosnie-Herzégovine fait partie intégrante des accords de paix de Dayton.

22 Donc, il serait prétentieux de ma part de prétendre avoir participé en quoi

23 que ce soit à la rédaction des documents de l'accord de Dayton.

24 Q. Est-ce que vous avez participé à la rédaction de documents

25 constitutionnels pour les Serbes de Croatie ou pour les Serbes de Bosnie

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1 avant l'accord de Dayton en 1992, par exemple ? Oui ou non ?

2 R. Je ne suis pas au courant qu'une constitution ait été adoptée en

3 Republika Srpska ou en République serbe de Krajina. C'est la première fois

4 que j'entends parler de cela de votre bouche aujourd'hui.

5 Q. Très bien.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais que vous me montriez le texte de

8 cette constitution. Comme un lord britannique l'a dit, je vous donnerai une

9 bonne récompense si vous pouviez me montrer ce texte noir sur blanc.

10 J'aimerais bien le voir de mes yeux.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, encore une question

12 ou --

13 M. NICE : [interprétation] Certainement.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- il faudra nous arrêter ?

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Revenons à cette pièce que je viens de produire. Peut-être pourriez-

17 vous commenter le dernier paragraphe si vous l'avez sous les yeux ?

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce 816.

19 M. NICE : [interprétation] Oui. Merci.

20 Q. Dernière page, dernier paragraphe qui commence par les mots : "Une

21 question se pose." Chez nous, c'est à la page 11 en version anglaise,

22 dernière page de l'article pour vous. Je cite : "Une question se pose : Que

23 se passera-t-il si les amendements à la constitution ne peuvent être mis en

24 œuvre conformément à la procédure constitutionnelle définie dans la

25 constitution ? Tout dépend des conséquences politiques qui pourraient être

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1 provoquées par une telle réalité. Si un tel dilemme apparaît, il

2 conviendrait d'apprécier à quoi il faut donner la priorité - au respect de

3 la constitution ou à la survie de l'Etat. Dans une telle situation, nous

4 sommes d'avis qu'il ne devrait être autorisé par aucun moyen au droit de

5 triompher si cela signifie la chute de l'Etat : Fiat iustitia pereat

6 mundus. Une constitution est toujours un document particulier sur le plan

7 politique et n'est pas simplement un document juridique. Elle est

8 différente d'une loi. La constitution est toujours l'expression d'un

9 rapport de forces politiques, et donc, personne ne peut s'attendre à ce que

10 le principe de la légalité soit aussi strictement respecté qu'en présence

11 d'une loi. Des ruptures de continuité constitutionnelle, à savoir,

12 l'adoption d'amendements anticonstitutionnels à la constitution, est un

13 phénomène très clair partout dans le monde, indépendamment de la culture

14 politique de tel ou tel pays. Dans un rapport de forces politiques

15 modifiées, pourquoi est-ce qu'une réglementation qui, manifestement est un

16 non sens, resterait inaltérable et jouirait d'une très grande protection

17 pour le simple fait qu'elle figure dans une constitution qui, dans la

18 pratique, est rendue inaltérable. Le critère de constitutionnalité dans les

19 démocraties a toujours correspondu à la volonté du peuple et de sa

20 majorité. Un peule est en tout état de cause plus important qu'une

21 constitution."

22 Dans cette conclusion et dans les termes les plus précis qui soient, vous

23 dites que la loi ne l'emportera pas mais que la volonté du peuple

24 l'emportera, n'est-ce pas ?

25 R. Monsieur Nice, j'ai écrit cet article dans le cadre d'un manuel

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1 scientifique, et c'est en cette qualité que je l'ai signé. Est-ce que vous

2 êtes en train de me mettre en accusation pour mes idées scientifiques ?

3 Q. La question que je pose est la suivante : Par cet article en tout cas,

4 dans cette partie de l'article, vous proposez - je n'ai pas encore utilisé

5 ce terme, mais je le fais maintenant - donc, vous proposez de défendre la

6 suprématie de la volonté populaire sur l'état de droit, et rien ne peut

7 être plus clair.

8 R. Il ne peut y avoir état de droit que si le droit est le résultat et la

9 conséquence de l'expression de la volonté populaire. Il ne peut pas y avoir

10 état de droit en dehors de l'adhésion populaire à ce droit. Je vais, si

11 vous me le permettez, répéter encore une fois que j'ai écrit cet article en

12 tant qu'expert, en tant que scientifique, pas en tant que détenteur d'un

13 poste politique. A l'époque, en 1998, je n'occupais aucune fonction

14 publique. Il s'agit donc, ici, de positions qui me sont personnelles de

15 points de vue que j'exprime en tant que scientifique, et si vous me mettez

16 en accusation pour cela, cela signifie que nous sommes revenus à l'âge de

17 l'inquisition.

18 Q. Ce que je vous affirme, c'est que votre volonté ici consistait à

19 exprimer un point de vue libéral sur le droit qui s'est avéré de la plus

20 grande utilité pour l'accusé qui se trouve ici, aujourd'hui, durant la

21 décennie qui devait suivre. Vous êtes resté utile à l'accusé à bien des

22 égards, comme nous le constaterons, pendant toute cette période en mettant

23 le droit, non pas au service de l'humanité, mais au service de cet

24 individu unique, à savoir, l'accusé. Est-ce que vous admettez cela ? Est-ce

25 que vous admettez

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1 que vous avez modifié le droit à chaque fois vous l'avez pu au profit de

2 l'accusé ?

3 R. Ce sont vos opinions, Monsieur Nice. Si telle est votre opinion et bien

4 qu'il en soit ainsi. Je ne m'ingérais pas dans votre façon de penser.

5 Cependant, je ne m'attendais pas à vous entendre formuler un avis de cette

6 nature dans un prétoire.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je pense que nous

8 devons suspendre jusqu'à demain, 9 heures du matin.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson,

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, si ce n'est pas trop vous

12 demander, est-ce que vous pourriez, je vous prie, établir jusqu'à quelle

13 heure M. Nice pense faire durer son contre-interrogatoire demain, car il

14 est important pour moi de savoir à quel moment aura lieu l'audition de mon

15 prochain témoin.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

17 M. NICE : [interprétation] Je ne suis certainement pas en mesure de prévoir

18 à quel moment je terminerais demain. Je ferais de mon mieux pour en finir

19 demain, mais il y a un certain nombre de questions que ce témoin a abordé

20 en détails s'agissant des questions de droit à proprement parler, donc

21 d'expertise légale. J'ai l'intention d'essayer au moins de définir ces

22 questions, si elles sont pertinentes, pour la Chambre par le biais de ce

23 témoin, après quoi nous pourrons revenir sur la question de son témoignage

24 en tant qu'expert ou pas si la chose s'avère nécessaire.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, dans ce cas,

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1 vous devriez avoir un témoin prêt à témoigner.

2 M. NICE : [interprétation] Je suis sûr que j'interrogerai le témoin pendant

3 toute l'audience de demain.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, ce ne sera pas nécessaire que

5 vous prévoyiez un témoin demain, Monsieur Milosevic.

6 Suspension.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le jeudi 19 janvier

8 2005, à 9 heures 00.

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