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1 Le mardi 15 février 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que vous ne commenciez
7 Monsieur Milosevic, j'aimerais soulever deux questions. Tout d'abord au
8 sujet de la recevabilité des éléments de preuves au dossier de l'affaire.
9 Je dirais que les documents qui ont été utilisés pendant l'interrogatoire
10 principal et qui ont déjà été utilisés auparavant seront, en effet, versés
11 au dossier. Mais, Monsieur Milosevic, si vous vous êtes déjà servi d'un
12 intercalaire ou si vous vous référez à celui-ci, il faut que vous demandiez
13 formellement son admission au dossier. Cela fait partie de la procédure
14 contradictoire, la partie ou une partie quelconque se doit de demander le
15 versement d'un document au dossier.
16 Deuxièmement, au début de cette troisième session de la journée
17 d'aujourd'hui, nous nous proposons d'avoir un bref débat au sujet d'une
18 requête présentée par la Serbie et le Monténégro portant sur la protection
19 des télégrammes diplomatiques qui seront peut être utilisés par
20 l'Accusation dans le courant du contre-interrogatoire de ce témoin.
21 J'ai déjà précisé que ce sera au début de la troisième session de ce jour,
22 étant donné que cela va coïncider avec l'achèvement de la période de temps
23 que vous avez dit devoir avoir pour votre interrogatoire principal. Cela
24 vous donnera six heures.
25 Maintenant, continuons.
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1 LE TÉMOIN: VLADISLAV JOVANOVIC [Reprise]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. MILOSEVIC : [interprétation] Très bien Monsieur Robinson.
4 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
5 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur Jovanovic.
6 R. Bonjour, Monsieur le Président.
7 Q. Est-ce que le conseil de Sécurité dans ses nombreuses décisions portant
8 sur la crise en Bosnie-Herzégovine et, pour être plus précis, au sujet des
9 conflits armés en Bosnie-Herzégovine a qualifié à quelque moment que ce
10 soit ces conflits d'agressions extérieures et a-t-on désigné la Serbie, à
11 savoir la République fédérale de Yougoslavie en tant qu'agresseur.
12 R. Non, ni le conseil de Sécurité, ni quelque autre organe des Nations
13 Unies. Le conseil de Sécurité dans une résolution où il est question du
14 comportement des trois parties en conflit en Bosnie et s'agissant notamment
15 du plan de paix d'Owen et Vance a qualifié les deux parties en conflit en
16 disant qu'il y en a deux qui ont accepté cette proposition et cette
17 troisième partie l'a rejeté. Or, la troisième partie, c'était les Serbes de
18 Bosnie.
19 Q. Au point 47, c'est pour cela que je vous demande cela, pour ce qui est
20 de ce chef d'accusation, on dit à l'acte d'accusation qu'il y a une
21 situation de conflit armé international et d'occupation partielle. Comme
22 cela est dit à mon encontre, je suppose que l'on ne parle pas d'occupation
23 partielle de la part des forces croates qui était, elle, évidente.
24 Alors, du point de vue de la RFY ou de la Serbie cela peut-il être
25 considéré comme étant exact ou pas ?
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1 R. En aucun cas. Parce que la Yougoslavie a retiré ses dernières unités,
2 les unités de l'armée populaire yougoslave qui étaient constituées de
3 ressortissants de la Serbie et du Monténégro, d'autre part, mais les
4 autres, les seules parties, les seules unités armées d'une puissance
5 étrangère étaient les forces armées de la Croatie et je crois qu'avec
6 Jacques Blot, le conseil politique au Quai d'Orsay, vous avez parlé du fait
7 et sa réponse a été celle de dire, oui nous le savons, nous savons
8 également les numéros des brigades de l'armée croate qui se trouvent en
9 Bosnie. Mais la perception générale, c'est de dire que c'est vous le fautif
10 et les choses vont ainsi.
11 Q. Bien. Monsieur Jovanovic, je vous demande de vous référer à
12 l'intercalaire 8.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attire votre attention Messieurs sur le fait
14 que ce document constitue un rapport du secrétaire général daté du 30 mai
15 1992. Cela a déjà été versé au dossier sous la cote D91. Je ne suis pas sûr
16 de vous avoir compris, Monsieur Robinson, est-ce que je dois redemander le
17 versement au dossier de ce document-ci ou pas ?
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Pas si cela est déjà versé
19 au dossier. Si cela n'a pas été versé au dossier et que vous souhaitez,
20 oui, vous devez demander son versement après l'avoir utilisé.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Justement, au sujet de la question que nous sommes en train de
24 débattre, Monsieur Jovanovic, veuillez m'indiquer si vous avez retrouvé le
25 rapport du secrétaire général ?
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1 R. Oui.
2 Q. Je vous demanderais de répondre à plusieurs questions toujours au sujet
3 de ce rapport-ci. En effet, au paragraphe 5, le secrétaire général dit: "Le
4 personnel de la JNA qui était déployé en Bosnie-Herzégovine et qui était
5 constitué de citoyens de cette république et qui n'était pas sous
6 l'autorité des autorités à Belgrade, s'est retiré de Bosnie-Herzégovine
7 suite à la décision du 4 mai. La plupart semblent avoir rejoint les
8 effectifs de la 'République serbe de Bosnie-Herzégovine.' D'autres ont
9 rejoint les rangs de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine qui se
10 trouve sous le contrôle politique de la présidence de cette république.
11 D'autres ont rejoint les rangs des forces irrégulières intervenant là-bas".
12 Au paragraphe 6, on dit ensuite que suivant les renseignements dont
13 disposent les autorités de Belgrade ceux qui n'étaient pas citoyens de
14 Bosnie-Herzégovine et qui étaient couverts ou englobés par la décision
15 mentionnée tout à l'heure constituent quelque 20 % du total. On dit
16 ensuite, je commence par la majuscule jusqu'au point, on dit : "La plupart
17 sont considérés comme étant repliés vers la Serbie et le Monténégro,
18 certains d'entre eux ayant même été attaqués pendant leur repli."
19 Que savez-vous nous dire, Monsieur Jovanovic, au sujet du retrait de la JNA
20 de Bosnie, mis à part ce que le secrétaire général nous dit ici au sujet
21 des attaques lancées contre les unités de la JNA qui se retiraient de
22 Bosnie-Herzégovine et au sujet des autres points soulevés par ce rapport du
23 secrétaire général.
24 R. Ce que j'en sais, c'est que l'armée populaire yougoslave était quittée
25 massivement par des unités ou des ressortissants de groupes ethniques des
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1 républiques qui ont fait sécession. Il en allait de même pour ce qui est de
2 la Bosnie s'agissant d'officiers et de soldats qui si trouvaient et qui
3 n'étaient pas des Serbes de cette république.
4 La plupart des effectifs en Bosnie étaient composés de citoyens de cette
5 république qui ont refusé de continuer à faire leur service à la JNA et ont
6 décidé de rester en Bosnie-Herzégovine. Cela a été une situation
7 généralisée lors du démantèlement de la Yougoslavie.
8 S'agissant maintenant du retrait de la JNA, je sais que cela a été indiqué
9 par le vice-président de la présidence de la République socialiste fédérale
10 de Yougoslavie. Il me semble que c'était
11 M. Kostic. Il a précisé que les unités de la JNA s'étaient retirées de la
12 Bosnie, et qu'il n'est resté que quelques petites poches avec des cadets.
13 Notamment, à Sarajevo, ils étaient quelques centaines, et peut-être
14 ailleurs encore, dont le retrait a été systématiquement entravé par une
15 partie de la direction des Musulmans de Bosnie.
16 Q. Ceux qui ne sont pas retirés ont été bloqués dans ces quelques poches ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Ceci par les bons soins de ces milices musulmans, à savoir, la soi-
19 disant Défense territoriale musulmane ?
20 R. Oui. Leur objectif était de s'emparer de leurs armes et de les
21 provoquer afin de pouvoir proclamer la JNA ou de qualifier la JNA
22 d'agresseur en Bosnie-Herzégovine.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je m'excuse, non. Monsieur
24 Jovanovic, quelle est la source de cette information ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] La source de ces informations ce n'est pas
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1 seulement le rapport où cela est dit, ou cela se faufile au travers du
2 texte, mais d'autres rapports rédigés par les représentants des Nations
3 Unies. Par exemple, le général MacKenzie dans ses mémoires a présenté
4 certains renseignements à ce sujet, et j'ai l'impression que des choses
5 analogues ont été avancées par un autre général britannique. Je n'arrive
6 pas à m'en souvenir. Ah, oui, c'est Michael Rose. Il y a eu plusieurs
7 rapports et même des reportages de la part de correspondants étrangers de
8 l'époque les indices, les informations disant que les choses se sont bel et
9 bien passées ainsi.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Oui. Cela, ce sont des sources étrangères. Avez-vous des connaissances
12 personnelles datant de cette période au sujet du retrait de l'armée
13 populaire yougoslave de Bosnie-Herzégovine ?
14 R. Oui. J'ai des renseignements personnels. Cela est tout à fait conforme
15 à ce qu'a dit l'état-major général de l'armée populaire yougoslave à
16 l'époque. Cela a été d'ailleurs confirmé par la présidence de la RSFY, et
17 on a également indiqué dans les déclarations publiques, dans les médias
18 qu'il y a eu beaucoup de difficultés de rencontrer par ces unités pendant
19 leur retrait de Bosnie-Herzégovine. On a même parlé de conflits sanglants
20 ayant entraîné beaucoup de victimes.
21 Q. Savez-vous que Branko Kostic, le vice-président de la présidence a eu
22 une réunion avec le président de la présidence de Bosnie-Herzégovine de
23 l'époque, Alija Izetbegovic, pour lui proposer que la présidence de Bosnie-
24 Herzégovine, après la reconnaissance internationale de la Bosnie-
25 Herzégovine entreprenne des mesures pour prendre ce qu'il lui appartient au
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1 niveau de la JNA sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ?
2 R. Oui, je suis au courant de cela. Je sais également du fait qu'après
3 cela M. Izetbegovic n'a pas accepté une autre rencontre, rencontre à
4 laquelle ces questions devaient être parachevées.
5 Q. Il n'y a pas eu d'autre solution pour la JNA de se conformer à la
6 décision de la présidence de Yougoslavie et de se retirer de Bosnie-
7 Herzégovine, chose que l'on voit dans ce rapport, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
10 M. NICE : [interprétation] S'agissant des deux dernières questions, je
11 crois que ces deux questions ont été en substance subjectives. Le témoin a
12 parlé de façon assez vague au sujet de ces sources d'information, et je
13 n'ai aucun document conformément au
14 65 ter pour savoir d'où viennent toutes ces informations. Je convie donc la
15 Chambre à restreindre ce type de questions directrices.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez une
17 fois de plus posé des questions subjectives. La Chambre est assez souple à
18 votre égard, mais je suis tout à fait certain que vous êtes à même de poser
19 des questions sans pour autant qu'elles soient directrices, et la Chambre
20 s'attend de votre part à ce que vous posiez précisément ce type de
21 questions.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne pense pas poser des
23 questions subjectives, et je ne trouve pas que ce soit ici un témoin qui
24 ait appris les choses en lisant les journaux. C'est l'ex-ministre des
25 Affaires étrangères qui a eu à sa disposition toutes les informations à
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1 l'époque dont nous parlons.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. C'est justement une raison de
3 plus pour éviter de lui poser des questions directrices. Il dispose
4 d'information. Laissez-le les avancer lui-même.
5 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce que je veux vous dire
6 c'est que si ces réponses se fondent sur certains documents, il doit soit
7 les présenter, ou alors du moins les identifier avant que nous puissions
8 vérifier si nous les avons; et si nous les avons pour que nous puissions
9 les retrouver, et nous y retrouver.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout ceci se rapporte au poids et à
11 la valeur qui seront attribués à son témoignage.
12 Monsieur Milosevic, le règlement vise à entraver ce type de questions
13 directrices, notamment, lorsqu'il s'agit de domaines ou de segments qui
14 sont controversés, qui sont contestés. Vous pouvez continuer.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Monsieur Jovanovic, j'attire votre attention sur la moitié du
18 paragraphe 9, une phrase qui dit : "Il est également clair que l'apparition
19 du général Mladic et des forces sous son commandement en sa qualité
20 d'intervenant indépendant, en leur qualité de facteurs indépendants, se
21 trouve de façon apparente au-delà du contrôle exercé par la JNA, chose qui
22 complique grandement les sujets qui sont cités au paragraphe 4 de la
23 résolution du conseil de la Sécurité." Puis, on dit : "Le président
24 Izetbegovic a également indiqué récemment à un officier supérieur de la
25 FORPRONU à Sarajevo qu'il était disposé à négocier avec le général Mladic
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1 mais non pas avec la direction politique 'des Serbes de Bosnie-
2 Herzégovine.'"
3 J'attire votre attention : "…les forces placées sous son commandement en
4 leur qualité d'intervenant indépendant qui semble être détaché du contrôle
5 de la JNA."
6 Avez-vous connaissance -- écoutez, j'essaie de ne pas poser une question
7 subjective. Sous le contrôle de qui se trouvaient les effectifs à l'époque
8 de cette République serbe de Bosnie-Herzégovine qui par la suite est
9 devenue la Republika Srpska ?
10 R. Je n'ai pas de connaissance directe à ce sujet. Mon impression, à
11 l'époque, c'est que, toujours à l'époque, dans ce temps ces effectifs de la
12 Republika Srpska qui étaient en train de se constituer étaient tout à fait
13 autonomes et qu'ils se comportaient en tant que tel sur le terrain. Ce qui
14 fait que cette période de création des effectifs de la Republika Srpska a
15 été une période d'indépendance absolue vis-à-vis de toutes influences
16 extérieures.
17 Q. Bien. Quand vous dites "à cette époque", savez-vous nous dire si à une
18 période ultérieure l'armée de la Republika Srpska aurait été placée sous le
19 contrôle de qui que ce soit à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, à
20 l'extérieur de la Republika Srpska. Avez-vous à ce sujet des informations
21 quelconque ?
22 R. Je n'ai pas d'informations qui diraient qu'elle aurait été passée sous
23 le contrôle d'autrui, parce que je n'ai pas eu de contact du tout avec
24 leurs personnalités au niveau militaire. Mais, mon impression --
25 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, si vous me le permettez,
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1 ceci montre simplement l'absence totale de réalisme dans la réponse de tout
2 à l'heure. On parle d'impressions du témoin. On lui demande de nous dire
3 s'il savait sous le contrôle de qui des forces des Serbes de cette
4 république se trouvaient, et il nous parle de son impression. Il nous
5 communique donc, d'abord une négation, puis, ensuite, il parle de ses
6 impressions.
7 Est-ce que ces impressions ont quelque valeur que ce soit aux yeux de cette
8 Chambre ? Je voudrais convier la Chambre à nous parler clairement.
9 M. KAY : [interprétation] Mais je voudrais soulever quelques questions.
10 Nous avons ici un témoin qui a été présent, à l'époque, dans les événements
11 de la période concernée. Il se peut qu'il ait eu des connaissances directes
12 et qu'il n'en ait pas eu de contacts directs, mais il faisait partie de ce
13 qui se passait. Il avait connaissance du fait de ces fonctions, de ce qui
14 se passait. Donc, il importe pour nous d'entendre les impressions qui
15 étaient les siennes au sujet de ce qu'il sait. C'est là l'importance de son
16 témoignage, et il appartiendra par la suite à la Chambre de première
17 instance d'accorder un poids quelconque à ce qu'il nous aura dit.
18 J'ai lu la transcription de la question posée par M. Nice à un autre
19 témoin, M. Bakalli, et ce qu'il a soulevé comme objection peut également
20 être formulée comme objection s'agissant des questions qu'il a posé lui-
21 même à la page 516 du compte rendu d'audience. Il a posé des questions au
22 sujet des impressions de M. Bakalli au sujet de ce qui passait à
23 l'extérieur du bâtiment du parlement de Pristina, les impressions de M.
24 Bakalli au sujet du rassemblement de Gazimestan. M. Nice a ainsi construit
25 la présentation de sa cause, donc, nous avons ici le même type de témoin,
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1 mais cette fois-ci de la Défense, qui a joué un rôle déterminé et qui peut
2 nous fournir des informations au sujet de ce qui s'est passé quelque part
3 ailleurs.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Kay, merci.
5 Monsieur Milosevic, à mon avis, le passage que vous avez cité depuis le
6 rapport du secrétaire général est très, très important pour votre cause. Il
7 s'agit d'un élément de preuve de grand poids. Quoiqu'il soit dit ici que
8 les forces placées sous son commandement, à savoir, le commandement du
9 général Mladic, étaient, somme toute, au-delà du contrôle de la JNA, donc,
10 "somme toute", ou de toute évidence, est une partie qui a beaucoup de
11 significations, a beaucoup de poids. Je voudrais vous suggérer d'essayer de
12 citer à comparaître un autre témoin, pas celui-ci, qui pourrait appuyer les
13 propos du secrétaire général. Je crois que vous renforceriez votre défense
14 si vous étiez à même de faire comparaître ici les auteurs de ce rapport.
15 Bien sûr, vous doutez bien que ce n'est pas le secrétaire général qui a
16 rédigé ce rapport, mais c'est une personne des Nations Unies qui a du
17 recevoir des informations concrètes sur cette question et qui a procédé à
18 une compilation de ce rapport, à une relation de ce rapport qui pourrait
19 nous apporter un témoignage de grande valeur qui abonderait dans le sens de
20 votre présentation des éléments de la Défense. Maintenant, s'agissant du
21 poids à accorder à ces éléments-là, c'est une chose que nous déciderons
22 ultérieurement.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Président que vous me
24 permettiez d'ajouter une phrase à ce sujet-là ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Soyez bref, je vous prie.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'occasion des attaques ultérieures de
2 l'armée de la République Srpska sur certains sites en Bosnie-Herzégovine,
3 le président Milosevic a été très surpris et très dépité. S'agissant, par
4 exemple, de la montagne Igman et Bjelasnica à Sarajevo, puis le pilonnage
5 de Gorazde en 1993, et l'attaque sur Srebrenica, il a été en colère quand
6 il a appris cela. Ce qui ouvre bien à mon avis que les forces des effectifs
7 de la Republika Srpska n'étaient pas placées sous son contrôle.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur Jovanovic, s'il vous plaît, quand je vous pose une question,
10 veuillez nous communiquer rien que ce qui fait partie des connaissances qui
11 sont les vôtres.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous avez constaté vous-
13 même, par une question que vous avez posée, vous avez constaté que M.
14 Jovanovic est un diplomate de profession, de carrière. Donc, c'est une
15 façon de s'exprimer qui est la sienne, qui est celle d'un diplomate. Mais
16 il parle toujours de faits qui étaient notoirement connus, et je suppose
17 que cela ne serait en aucune façon être contesté.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à lui qu'il appartient de nous
19 apporter des éclaircissements au sujet du fait de savoir s'il s'agit
20 d'impressions ou d'informations réelles, Monsieur Milosevic. Donc, c'est à
21 lui de le dire.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai de la compréhension pour ce que vous venez
23 de dire.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Je vous demanderais, Monsieur Jovanovic, d'être plus clair, d'étoffer
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1 votre propos.
2 R. Nous parlons ici du paragraphe 9. Est-ce que nous sommes en train de
3 parler de cela ?
4 Q. Oui, nous parlons du paragraphe 9.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, le paragraphe 9.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est à tout à fait certain que les effectifs
7 de la Republika Srpska et le général Mladic, à l'époque, n'étaient pas du
8 tout placés sous le contrôle de la JNA, voire de la Serbie, parce que tout
9 ce qui se passait là-bas était des informations qui venaient de l'étranger,
10 c'est-à-dire, de l'extérieur vers la direction de la Serbie. Cela
11 constituait des nouveautés, des choses dont cette direction n'avait pas
12 connaissance.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Afin de clarifier ceci davantage, pourriez-vous, s'il vous plaît,
15 regarder un paragraphe plus haut, à savoir, le paragraphe 8 où il est
16 préciser que : "Le représentant de la JNA de Belgrade, le général Nedeljko
17 Boskovic, a mené des pourparlers avec les présidences de Bosnie-
18 Herzégovine, mais il est devenu tout à fait clair que ces paroles ne sont
19 pas quelque chose qu'elles doivent se conformer le commandant de l'armée de
20 la 'République serbe de Bosnie-Herzégovine,' le général Mladic."
21 Je pense qu'il y a un autre élément à prendre en compte ici qui nous
22 conduit à une conclusion particulière. Quelle est votre conclusion à ce
23 sujet et que saviez-vous à l'époque ?
24 R. Je savais que le général Mladic nous a défié, et contesté le rôle joué
25 par le général Boskovic. Il refusait de l'écouter, et il a agi de façon
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1 complètement indépendante, sans prendre en compte ce que lui disait les
2 représentants de la JNA ou ce qu'on lui conseillait de faire. C'est ce
3 qu'illustre ce rapport.
4 Q. Pourriez-vous maintenant regarder le paragraphe 10, je vous prie. "En
5 ce qui concerne le retrait de certains éléments de l'armée croate
6 actuellement en Bosnie-Herzégovine…" S'agit-il là d'une déclaration
7 précisant qu'il y a des éléments de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine à
8 l'heure actuelle ?
9 R. Oui, tout à fait, et que je vous l'ai dit, il y a quelques instants,
10 c'est qu'avait dit M. Blot.
11 Q. Ensuite, la phrase, je poursuis en disant: "Apparemment disponible à
12 New York des renseignements tendant à indiquer qu'un tel retrait n'a pas eu
13 lieu. La FORPRONU a reçu des rapports fiables émanant du personnel de
14 l'armée croate en uniforme déployé à l'intérieur et faisant partie de
15 formations militaires en Bosnie-Herzégovine. Les autorités croates ont
16 toujours adopté la position en vertu de quoi les soldats croates avaient
17 quitté l'armée croate, en tout cas, ceux qui étaient en Bosnie-Herzégovine
18 ne devaient pas s'en remettre à leur autorité. Les observateurs
19 internationaux ne doivent pas sous-estimer ou être porter à croire que
20 certaines parties de la Bosnie-Herzégovine sont sous le contrôle de l'armée
21 croate, qu'ils appartiennent à la Défense territoriale ou aux groupes
22 paramilitaires de l'armée croate. Etant donné les circonstances, il est
23 difficile de comprendre comment leur retrait ou leur démantèlement peut
24 être réalisé comme cela a été demandé par le conseil."
25 Monsieur Jovanovic, ce rapport n'est-il pas explicite ? Est-ce qu'il
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1 n'indique pas qu'il y a un contraste entre les éléments fournis dans le
2 rapport du secrétaire général sur l'attitude de la JNA à propos de cette
3 question-là et l'attitude de l'armée croate ? Quels éléments d'information
4 avons-nous sur les premiers et sur les seconds ?
5 R. Je crois que la différence est tout à fait évidente. La présence et le
6 retrait de la JNA sont abordés ici de façon positive, il s'agit d'un
7 processus qui est quasiment terminé à l'exception de quelques poches, ce
8 qui rendait le retrait total difficile, alors que le retrait des forces
9 régulières de la République de Croatie est décrit ici de manière à ne pas
10 être équivoque, que certains soldats de l'armée de la République croate ont
11 rejoint leurs frères en Bosnie-Herzégovine de façon tout à fait volontaire,
12 mais il y avait également la présence des forces régulières de l'armée
13 croate ainsi que certaines brigades sur le territoire.
14 Q. Etiez-vous au courant de rapport du secrétaire général ? Ce rapport
15 était censé avoir fait l'objet d'un débat avant que les sanctions ne soient
16 appliquées contre la République de Bosnie-Herzégovine.
17 R. Oui. Ce rapport est arrivé avec quelque retard. Les membres du conseil
18 de Sécurité l'ont reçu à temps et l'ont lu. Je suis sûr qu'ils n'auraient
19 pas voté en faveur de la résolution lorsqu'il s'agissait d'imposer des
20 sanctions à la Yougoslavie, car il n'y avait aucun fondement factuel ou
21 politique pour ce faire. Cependant, cela est arrivé avec un certain retard.
22 D'après ce que nous avons appris plus tard, ceci n'est pas arrivé par
23 hasard. C'est un employé de l'administration auquel on aurait donné des
24 instructions et à qui on aurait demandé de faire traîner l'affaire un petit
25 peu.
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1 Il s'agit d'une manipulation pour autant que je sache et le conseil de
2 Sécurité devait prendre une décision à cet égard pour qu'elle soit adoptée
3 par le conseil de Sécurité, sinon cette résolution n'aurait pas été
4 mentionnée dans ce rapport.
5 Q. Merci, Monsieur Jovanovic.
6 M. NICE : [interprétation] Ecoutez, si nous pouvions avoir, s'il vous
7 plaît, le nom de cet employé d'administration qui aurait fait traîner
8 l'affaire, s'il vous plaît, si nous pouvions avoir les coordonnées de cet
9 homme-là, parce que sinon, c'est très vague.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela revêt une importance
12 particulière ?
13 M. NICE : [interprétation] Ecoutez, je ne sais pas si cela revêt une
14 importance particulière ou non, mais cela arrive souvent, nous avons
15 quelquefois ces allégations très graves qui sont faites ici, et j'espère
16 pouvoir mener mon contre-interrogatoire dans un court laps de temps, mais
17 j'aimerais savoir sur quoi je dois concentrer mon attention au cours de mon
18 contre-interrogatoire.
19 Cela dit, le secrétaire général des Nations Unies a fait l'objet d'un
20 certain nombre de critiques. D'abord, d'un témoin qui a été appelé par moi-
21 même. Ce type d'allégations, à mon avis, constitue des allégations assez
22 graves. Dans ce cas, si nous pouvons avoir certains éléments d'information
23 plus détaillés, cela serait approprié.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme a dit le Juge Bonomy, cela ne
25 change rien parce que nous avons le rapport ici, et ce rapport contient,
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1 d'après moi, des éléments d'information qui sont des éléments d'information
2 qui appuient la cause de l'accusé. Le fait que ceci n'ait pas été présenté
3 au conseil de Sécurité parce qu'il semblerait qu'il y a eu une certaine
4 manipulation, et que ceci n'ait pas été présenté au conseil de Sécurité
5 pour cette raison-là.
6 M. NICE : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que si l'accusé
7 se repose sur une manipulation prétendue, je crois qu'il a passé
8 suffisamment de temps là-dessus.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il se peut qu'il se repose, enfin,
10 qu'il se fonde sur ce fait-là. Mais cela, effectivement, n'a pas été
11 présenté au conseil de Sécurité. Cela nous le comprenons. La raison pour
12 laquelle cela n'a pas été présenté au conseil de Sécurité ne me semble pas
13 particulièrement essentielle dans le cas de ce procès.
14 M. NICE : [interprétation] Très bien.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'élément important est que nous
16 avons ce rapport en main. Monsieur Milosevic, nous sommes pas très loin
17 j'espère de la fin de la présentation de vos moyens. La manière dont vous
18 gérez votre défense, je crois que vous aurez besoin lorsque vous ferez vos
19 dernières déclarations, il sera important pour vous d'avoir une aide sur le
20 plan technique. Il est important pour vous lorsque vous présentez votre
21 défense de mettre en exergue un certain nombre de points, ce rapport, par
22 exemple. Vous aurez peut-être besoin des conseils d'un conseil commis
23 d'office. J'entends par là, lorsque vous allez présenter ou clore votre
24 défense, il sera très important pour vous, en présentant vos moyens de
25 tirer le maximum de ces moyens dont nous disposons. Vous disposez
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1 d'énormément de moyens d'éléments d'information qui sont tellement
2 abondants et importants, je pense et la Chambre de première instance pense
3 la même choses, qu'il sera très important, à ce moment-là, de vous tourner
4 vers le conseil commis d'office qui pourra véritablement très bien vous
5 conseiller en la matière. C'est simplement un point que je souhaitais
6 aborder en passant.
7 Vous pouvez poursuivre votre interrogatoire principal.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je souhaite simplement
9 clarifier un point, ce que vous avez dit par rapport à ce rapport. Ce
10 rapport est parvenu au conseil de Sécurité de l'ONU. Mais l'élément
11 important, c'est qu'il n'est pas arrivé à temps. Ce rapport est arrivé un
12 jour trop tard. Néanmoins, ce rapport est parvenu au conseil de Sécurité et
13 le conseil de Sécurité en a débattu et l'a examiné. Ce n'est pas que le
14 conseil de Sécurité ne l'a pas reçu du tout, simplement, le conseil de
15 Sécurité l'a reçu en retard à cause de cette manipulation, mais il s'agit
16 d'un document qui a été examiné par le conseil de Sécurité. Je vais
17 continuer, comme vous l'avez dit à juste titre.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Jovanovic, nous allons maintenant parler de la scène politique
20 qui est quelque chose que vous connaissez bien. Comment se fait-il que la
21 Serbie ou plutôt la République fédérale de Yougoslavie ait soutenu le
22 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, quels étaient les véritables objectifs
23 avancés dans ce sens ?
24 R. La Serbie a soutenu son peuple en Bosnie-Herzégovine comme tout autre
25 Etat l'aurait fait dans les mêmes circonstances, car le peuple serbe a été
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1 privé de ses droits constitutifs à cause d'un référendum qui a été
2 organisé, à cause des décisions prises par la commission Badinter et les
3 décisions prises, par la suite, par l'Union européenne qui a considéré que
4 ces Serbes constituaient une minorité. Leur vie était en danger. C'est la
5 raison pour laquelle la Serbie a soutenu son peuple et a, clairement,
6 déclaré qu'ils avaient le droit à l'égalité, à l'autodétermination et à la
7 liberté.
8 Une fois que ceci a été réalisé par l'intermédiaire du plan Cutileiro le 17
9 mars 1992, la Serbie a soutenu l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine si
10 elle était divisée en cantons. Ceci démontre également que la Serbie n'a
11 pas soutenu les Serbes en Bosnie-Herzégovine à cause de leurs ambitions
12 territoriales, mais à cause de leurs droits à la liberté, leurs droits
13 existentiels en d'autres termes, ceux-ci avaient été compromis.
14 Q. Pour ce qui est des événements en Bosnie-Herzégovine, pendant la durée
15 du conflit, vous avez assisté à un certains nombres de réunions, vous avez
16 eu de très nombreux contacts et nous étions en contact permanent avec les
17 médiateurs internationaux. Que savez-vous à propos de la démilitarisation
18 de l'aéroport de Sarajevo ?
19 R. Je sais que cette question a été soulevée assez tôt car l'aéroport
20 était un élément clef, pour l'ensemble de la ville et pour la FORPRONU. La
21 question de la démilitarisation de l'aéroport est une question qui a été
22 soulevée par la communauté internationale, ainsi que vous et d'autres
23 entités de la RFSY ont soutenu dès le début. Autrement dit, vous avez
24 exercé votre influence politique sur les dirigeants de la Republika Srpska
25 pour qu'ils acceptent cette demande qui avait été faite. Vous avez agi dans
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1 tous les contacts que vous avez eus avec les médiateurs internationaux
2 ainsi que d'autres interlocuteurs.
3 Q. Cet aéroport a-t-il été finalement complètement démilitarisé et repris
4 par la FORPRONU ?
5 R. Oui, c'est exact, après un certain retard, l'aéroport était utilisé
6 sauf lorsqu'il y avait des combats aux alentours. En ces moments-là
7 évidemment, l'aéroport devait rester fermé.
8 Q. Vous souvenez-vous de notre position lorsque la ville de Sarajevo a été
9 bombardée ?
10 R. Oui, je m'en souviens très bien. A tous les niveaux, la présidence de
11 la République fédérale socialiste, le gouvernement de la république de la
12 RFSY, vous-même dans de nombreuses déclarations vous avez condamné son
13 bombardement. Vous avez demandé à ce que les autorités de la Republika
14 Srpska cesse cette activité. Vous avez dénoncé cela en public lors de tous
15 les débats que vous avez eus avec les différents représentants de la
16 communauté internationale, des médiateurs et toute autre personne que vous
17 voyiez, à ce moment-là.
18 Q. Très bien. Vous étiez présent lorsqu'il y a eu les pourparlers avec
19 Douglas Hurd à Belgrade en juillet 1992. Je crois que c'était le 18 juillet
20 1992, oui ?
21 R. Oui. A cette date-là environ.
22 Q. Vous souvenez-vous de cette conversation ?
23 R. Nous avons eu un certain nombre de réunions et d'échanges où nous
24 parlions des mêmes sujets. Néanmoins, je me souviens bien qu'à ce moment-
25 là, la question du bombardement de Sarajevo a été soulevée. A cette
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1 occasion-là, vous avez, encore une fois, clairement dit à M. Hurd que vous
2 dénonciez ce genre de comportement et que vous étiez complètement contre.
3 Q. Oui, il est vrai que nous nous exprimions en public, ce n'était pas
4 simplement en privé avec M. Hurd.
5 La Conférence de Londres avait-elle déjà commencée à ce moment-là ?
6 R. La Conférence de Londres s'est tenue au mois d'août 1992.
7 Q. Un mois plus tard, si j'entends bien.
8 R. Oui, je crois qu'avant les représentants des factions belligérantes
9 sont parvenus à un accord de cessez-le-feu si je me souviens bien. Vous
10 avez soutenu cet accord n'est-ce pas ? Vous avez soutenu cet accord et
11 c'est quelque chose que vous avez réitéré lorsque vous avez rencontré à
12 nouveau M. Hurd.
13 Q. Vous souvenez-vous, Monsieur Jovanovic, comment les nouvelles à propos
14 de camps nous sont parvenues et comment avons-nous réagi lorsque ces
15 nouvelles nous sont parvenues ?
16 R. Nous avons reçu cette information par l'intermédiaire des médias
17 étrangers et nous avons beaucoup critiqué cela. Nous avons demandé à
18 vérifier cela. Nous avons contacté les autorités de la Republika Srpska. En
19 réponse, le gouvernement nous a dit qu'il ne s'agissait pas de camps de
20 concentration mais plutôt de points de rassemblement où on retenait les
21 soldats du camp opposé et que, de toute façon, ceux-ci étaient provisoires.
22 Nous avons demandé que ces installations soient démantelées, bien qu'on
23 nous ait assuré qu'il ne s'agissait pas de camps de concentration comme le
24 disait les médias étrangers, la presse étrangère.
25 Bien évidemment, il y avait des abus dans certains d'entre eux et le
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1 gouvernement de la Republika Srpska ne pouvait pas être tenu au courant de
2 tout ce qui se passait sur l'ensemble du territoire étant donné qu'il y
3 avait la guerre, que les communications ont été interrompues, que les
4 couloirs étaient bloqués, les différents couloirs qui leur auraient permis
5 d'entrer en contact avec cette partie de la Bosnie-Herzégovine où il
6 semblait que les camps existaient.
7 Q. Bien, nous n'allons pas utiliser ici le langage diplomatique, Monsieur
8 Jovanovic. Je vais vous poser cette question : est-ce que je vous ai bien
9 compris sur la base des éléments qui nous sont parvenus, il semblait que
10 les dirigeants de la Republika Srpska n'étaient pas au courant de ce type
11 d'installations ?
12 R. C'est, en tout cas, ce qu'ils nous ont dit. Ce que rapportait la presse
13 étrangère, ils ont nié cela. Ils ont dit qu'il ne s'agissait pas de camps,
14 mais de centres de rassemblement. Sur la base de ces éléments-là, nous
15 avions l'impression qu'ils n'étaient pas au courant de l'existence de tels
16 camps.
17 Q. Je ne vais pas me reporter en arrière, je ne vais pas parler du Kosovo
18 maintenant, mais est-ce que vous connaissez le terme "nettoyage ethnique"
19 et savez-vous ce que nous en Serbie, moi-même en Serbie, les dirigeants de
20 Serbie, quelle était la position des dirigeants de la Serbie sur la
21 persécution d'un peuple qui l'on a chassé pour des motifs raciaux et
22 ethniques ?
23 R. Le terme "nettoyage ethnique" est apparu pour la première fois en 1980,
24 au début des années 1980, au cours des manifestations organisées par les
25 Albanais du Kosovo lorsqu'ils ont brandi des slogans de la "République du
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1 Kosovo" et "des Albanais du Kosovo." Ils voulaient que le Kosovo soit une
2 région où ne vivent que des Albanais. Nous, à ce moment-là, nous avons
3 fortement dénoncé ces activités-là publiquement. Toutes formes de
4 ressemblance avec du nettoyage ethnique ou quelque chose de similaire était
5 quelque chose que nous avions complètement condamné. Vous avez déclarez
6 ceci publiquement. Par exemple, après la Conférence de Londres vous avez
7 déclaré qu'il fallait, à tout prix, condamner ce type d'activités, toutes
8 formes de nettoyage ethnique, toutes formes de déplacements par la force
9 d'un peuple ou d'un autre, d'un endroit à un autre. Vous avez dit que s'il
10 y avait une telle activité, il fallait absolument qu'elle cesse
11 immédiatement. Ceci a été répété maintes et maintes fois par les différents
12 représentants du gouvernement serbe à différents niveaux du gouvernement
13 fédéral. Vous avez vous-même déclaré ceci à de multiples occasions, et moi-
14 même également.
15 Q. Est-ce que je n'ai pas, effectivement, dit que si on avait pu établir
16 qu'une telle activité avait été menée par quelqu'un, que ces personnes
17 devaient être traduites en justice ?
18 R. Oui, s'il y avait des crimes de ce type qui ont été commis, il ne
19 fallait certainement pas les accepter. Si de tels crimes étaient commis à
20 aucun moment, ces personnes-là devaient être tenues pour responsables pour
21 ce genre d'acte. Vous avez déclaré ceci publiquement à de multiples
22 occasions, y compris immédiatement après la Conférence de Londres lors
23 d'une conférence de presse.
24 Q. Vous étiez présent lors de la réunion que nous avons eue avec le
25 président Carter au mois de décembre 1994.
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1 R. Oui.
2 Q. Vous souvenez-vous des points essentiels de cet échange. Vous souvenez-
3 vous de quelque chose de particulier ?
4 R. Je me souviens qu'il a dit qu'au cours de la réunion précédente qu'il
5 avait eu avec M. Karadzic, un certain nombre de points avaient été
6 débattus, au nombre de six, que vous souteniez les efforts de paix y
7 compris l'initiative de paix lancée par le président Carter. Vous avez
8 également indiqué que vous aviez très peu de contact et de communication
9 avec les dirigeants de la République Srpska, et vous ne pouvez exercer
10 aucune influence sur leur position. M. Carter vous a félicité sur votre
11 position, et il pensait que votre mission à Bosnie et Herzégovine allait
12 porter ces fruits. Malheureusement, les choses ne sont pas passées ainsi.
13 Q. Autour de 1994 et en 1995, la communication n'était pas bonne, ou
14 plutôt, les liens étaient tendus avec la Republika Srpska. Vous souvenez-
15 vous pourquoi ?
16 R. Parce qu'ils avaient refusé d'accepter le Plan Vance-Owen, d'une part,
17 et le Plan Owen-Stoltenberg, d'autre part, étant que nos relations
18 n'étaient pas bonnes. Quelquefois nous n'avions pas de relations du tout.
19 Donc, il n'y avait pas de coopération entre état ou au niveau étatique, et
20 aucune coopération quelle soit. En général, lorsque nous nous réunissions,
21 nous parlions surtout de points de désaccord plutôt que des points
22 d'accord.
23 Ces relations difficiles sont devenues de plus en plus difficiles lorsqu'on
24 a mis en place le plan du Groupe de contact. Les dirigeants de la Republika
25 Srpska ont toujours refusé ce plan-là pour un certain nombre de raisons.
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1 Certaines raisons étaient convaincantes, d'autres non. Ce qui a fait que
2 nos relations étaient devenues de plus en plus difficiles, au point même où
3 les liens ont été complètement rompus. La décision du gouvernement de la
4 Republika Srpska, le 4 août 1994, je crois, a décidé de cesser tout contact
5 avec les dirigeants ainsi que tout contact au niveau économique, de façon à
6 interdire à leurs dirigeants de s'installer en Serbie. Il n'y avait que la
7 nourriture, les médicaments, ainsi que des vêtements ne faisaient pas
8 partie de l'embargo. Telle était la situation au moment où les négociations
9 de Dayton ont commencé.
10 Q. Je ne pensais pas que nous allions évoquer cela. Je ne me souviens pas
11 tellement, je ne me souviens pas très bien de ces moments-là. Avez-vous
12 assisté à cette réunion assez désastreuse où le patriarche de l'Eglise
13 orthodoxe serbe était présent et nous sommes tombés d'accord pour mettre en
14 place une simple délégation qui devait être envoyée à la table des
15 négociations de Dayton.
16 R. Je n'étais pas présent. J'étais à New York.
17 Q. Je ne vais pas vous poser d'autres questions sur ce point. Vous
18 souvenez-vous de la crise des otages et des réactions que cela a provoquée
19 en Serbie et ma propre réaction ?
20 R. Oui, je me souviens bien. Il y avait 282 otages qui étaient membres de
21 la FORPRONU, qui avaient été pris en otage par les forces de la Republika
22 Srpska, comme il le disait, semble-t-il, pour se protéger du bombardement
23 de l'aviation de l'OTAN.
24 Nous avons été choqués lorsque nous avons appris cette nouvelle et surpris.
25 Nous avons condamné cela, et nous étions en contact avec la communauté
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1 internationale et les dirigeants de la Republika Srpska. Nous avons négocié
2 en faveur de la sécurité de ces otages. Mais malgré les relations entre
3 nous et les dirigeants de la Republika Srpska, nous avons beaucoup
4 contribué aux efforts qui ont été faits pour libérer les otages et assurer
5 leur retour chez eux.
6 Q. S'il vous plaît, pourriez-vous me dire si vous vous souvenez de la
7 visite de Stoltenberg à Belgrade vers la fin du mois de juillet 1992 ? J'ai
8 ici une note écrite qui me précise que ceci a eu lieu le 29 juillet 1995.
9 Stoltenberg est venu à Belgrade et je crois que vous étiez présent.
10 R. Oui. Je crois que j'étais présent. Vous savez bien que nous avons eu un
11 nombre très important de réunions en présence de
12 M. Stoltenberg à Belgrade, et moi aussi, j'ai certainement du y être.
13 Q. Vous souvenez-vous de cette réunion avec M. Stoltenberg ?
14 R. Je ne me souviens pas très précisément car toutes ces pourparlers, ces
15 discussions portaient souvent sur le même sujet. On parlait du plan du
16 Groupe de contact et on évoquait autres choses aussi. Peut-être que vous
17 pourriez plutôt parler des sujets que nous abordions. Cela me permettrait
18 de me rafraîchir la mémoire.
19 Q. Je vais éviter de vous poser des questions suggestives. Je vous dirais
20 simplement qu'il fallait nous assurer que le plan soit accepté, donc, nous
21 avons essayé de demander à des membres de la Republika Srpska de soutenir
22 ce plan. Vous souvenez-vous de cela ?
23 R. Oui, oui. Vous leur avez parlé à M. Stoltenberg et à d'autres
24 représentants qui sont venus plus tard. Vous avez travaillé pendant de
25 longues heures car vous lui avez de plus en plus de membres du parlement de
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1 la Republika Srpska qui étaient disposés à soutenir ce plan, à voter en
2 faveur de ce plan. Vous avez essayé de faire ceci par divers moyens. Vous
3 avez contacté divers intermédiaires et je crois que vous avez dit que le
4 nombre était passé à 36 ou 38 représentants au parlement, qui étaient
5 disposés à voter en faveur de cette proposition. Je crois que le nombre,
6 vous avez atteint le nombre de 60 à 70 au parlement et vous pensiez que
7 vous alliez parvenir bientôt à la majorité absolue. Je crois que
8 M. Stoltenberg vous a posé la question.
9 Malheureusement, les choses ne se sont pas passées ainsi. Mais vous
10 étiez absolument convaincus à ce moment-là que vous pourriez parvenir à ce
11 chiffre qui excéderait le chiffre des 50.
12 Q. Oui. Nous étions censés dépasser le chiffre de 50, mais après
13 cela, les choses ont pris une autre tournure.
14 Permettez-moi de consulter mes notes ?
15 Vous souvenez-vous d'une brigade entière de l'armée musulmane, après
16 autorisation de ma part, a traversé la Drina pour se sauver des combats et
17 d'une offensive qui battait son plein en Bosnie de l'est ? Vous souvenez-
18 vous de la lettre que j'ai adressée à ce moment-là à Alija Izetbegovic ?
19 R. Je me souviens du passage de cette unité et de son installation à
20 Tara ou à Zlatibor. Je me souviens du fait qu'ils ont été pris en charge
21 par la Croix Rouge internationale. Vous avez écrit également à Alija
22 Izetbegovic et vous avez envoyé une lettre analogue à Ratko Mladic. Vous
23 leur avez demandé, à tous les deux, de faire mettre un terme à tous les
24 combats dans l'intérêt des uns et des autres et de la paix, notamment, pour
25 éviter toute victime à suivre ou à venir et de réaliser ou d'aboutir à un
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1 plan de solutions pacifiques et démocratiques s'agissant de cette crise.
2 Vous avez informé M. Izetbegovic d'une lettre similaire adressée au général
3 Mladic.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la visite de Malcolm Rivkin en
5 Yougoslavie ?
6 R. Oui, je m'en souviens.
7 Q. Avez-vous quelque chose de caractéristique en mémoire suite à
8 cette visite ?
9 R. Je sais qu'il vous a exprimé sa reconnaissance de mérite pour ce
10 que vous avez fait au niveau du Groupe de contact. Je sais que par la suite
11 lorsque les accords de Dayton ont été signés, il a fait une déclaration
12 publique où il a souligné votre grande contribution au processus de paix,
13 notamment, lors de la conclusion de ces accords de Dayton.
14 Q. Avez-vous le souvenir de l'intensité - peut-être ne vous en
15 souvenez-vous pas - mais savez-vous quelle a été l'intensité de notre
16 coopération avec l'émissaire spécial du secrétaire général des Nations
17 Unies pour la Yougoslavie, M. Akashi ?
18 R. Je me souviens qu'il a été un visiteur très fréquent à Belgrade, et que
19 vous avez eu avec lui des conversations très constructives et concrètes sur
20 toute sorte de questions. Ces questions portaient sur les démarches des
21 intermédiaires, Stoltenberg et Owen, et autres. Ces questions se
22 rapportaient moins à des incidents ou à des situations d'incidents. Il a
23 toujours, quand il y en a eu, demandé votre soutien pour surmonter des
24 situations de ce genre. A l'occasion de conférence de presse, il a qualifié
25 de la sorte sa coopération avec vous durant ces séjours sur le terrain en
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1 ex-Yougoslavie. Il s'est notamment intéressé à Bihac, à la Republika de la
2 Krajina serbe, au pilonnage de Gorazde, et autres événements, incidents qui
3 survenaient dans le courant de cette crise et de la guerre en Bosnie-
4 Herzégovine. Je pense aussi que c'était là quelqu'un de tout à fait
5 reconnaissant de l'aide que vous avez apportée pour surmonter toutes ces
6 difficultés, parce qu'il arrivait qu'à ces conversations M. Martic soit
7 présent, notamment vers la fin de cette situation relative à Bihac. Vous
8 avez dit en sa présence que tous les problèmes devaient être résolus par
9 des moyens politiques pacifiques et non pas par les armes.
10 Q. Pendant que vous parlez de M. Martic, avez-vous souvenance d'un
11 processus très positif qui se déroulait à l'époque pour ce qui est de
12 l'aménagement des relations entre Knin et Zagreb ? Quelle avait été notre
13 attitude vis-à-vis de ce processus de l'aménagement des relations entre
14 Knin et Zagreb ?
15 R. Il s'agissait là d'un processus qui prévoyait la mise en œuvre d'une
16 coopération, à savoir, la remise en état de fonctionnement de certains axes
17 routiers qui étaient très importants pour l'économie, il y avait
18 l'autoroute, les conduites d'eau potable, et l'oléoduc. Il s'agissait de
19 questions relatives à la coopération entre la Republika de la Krajina serbe
20 et de la Croatie. Je sais que ces questions ont été souvent soulignées à
21 l'occasion de vos rencontres avec les représentants de la Krajina serbe et
22 des représentants de la Croatie, tout comme de représentants de la
23 communauté internationale. Vous avez à chaque fois insister sur la
24 réalisation précise correcte et rapide des obligations qui ont été prises
25 de part et d'autres.
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1 Q. Monsieur Jovanovic, savez-vous qu'à l'occasion de ce conflit en Bosnie-
2 Herzégovine, tout le monde sait qu'il y a eu beaucoup de réfugiés, mais
3 savez-vous, vous, combien de réfugiés musulmans ont trouvé abri en Serbie,
4 s'agissant des conflits qui faisaient rage en Bosnie ?
5 R. Je crois qu'il devait y avoir entre 50 et 70 000 de ces gens-là et ils
6 ont fui quand il y a eu des opérations de guerre sur leur territoire, et
7 même quand il n'y en a pas eu. Ils ont souvent fui à titre préventif parce
8 qu'on s'entendait à des opérations. Il y a des Musulmans qui ont travaillé
9 dans le cirque de Belgrade qui m'ont dit qu'ils avaient voulu fuir en temps
10 utile les conflits en Bosnie-Herzégovine. Le traitement accordé à ces
11 réfugiés a été analogue au traitement réservé aux réfugiés serbes de
12 Bosnie-Herzégovine ou de Croatie. Nous avons 700 à 800 000 réfugiés
13 provenant de Croatie et de Bosnie-Herzégovine. La plupart d'entre eux
14 étaient des Serbes, bien entendu, mais il y avait aussi des Musulmans et
15 des Croates. Il n'y a pas eu de traitement différent en dépit du fait que
16 cela ait constitué un fardeau énorme pour nous qui nous trouvions déjà dans
17 cet isolement et sous des sanctions économiques internationales.
18 Q. Vous souvenez-vous du mois de novembre 1994, une réunion avec le Groupe
19 de contact à Karadjordjevo ? Le groupe était au grand complet chez nous.
20 R. Je me souviens. C'étaient des experts. C'était à un niveau des
21 directeurs politiques des pays membres de ce Groupe de contact. Ils se sont
22 entretenus avec vous sur toutes les questions de l'achèvement de la
23 réalisation du plan du Groupe de contact, parce que les dirigeants de la
24 Republika Srpska refusaient d'accepter cela en dépit de tous les efforts de
25 persuasion et de toutes les assurances, en dépit de certaines
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1 améliorations. Ce Groupe de contact vous a exprimé sa reconnaissance en
2 raison des efforts que vous déployez pour aboutir à tous ces efforts. Vous
3 leur avez également demandé de faire des efforts pour des assurances à
4 l'intention de la Republika Srpska, notamment, pour ce qui est de la
5 confédération qui pourrait être créée entre cette entité et la Serbie,
6 comme on l'avait dit que l'entité croate pouvait entrer en rapport de
7 confédération avec la Croatie. C'était la précision générale qui a été
8 formulée au sujet de ces négociations.
9 Q. Monsieur Jovanovic, vous avez pris une part active à tous ces
10 événements, et je vais maintenant vous demander de vous pencher sur
11 l'intercalaire 9. Je m'efforcerais de retrouver une citation assez brève.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère, Monsieur Robinson, que vous avez
13 retrouvé vous-même cela.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela n'a pas été traduit aussi. La
15 traduction se trouve ici, oui.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas de traduction.
17 M. NICE : [interprétation] Avant que nous ne nous aventurions
18 --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
20 M. NICE : [interprétation] -- à étudier ce document, je voudrais dire que
21 la Chambre doit être consciente des fondements de recevabilité de certaines
22 pièces à conviction. Je parle de témoin précédent. Je n'ai pas eu de témoin
23 précédent également. Je n'ai pas eu l'occasion de lire la traduction en
24 anglais, mais je crois comprendre qu'il s'agit ici d'un recueil de texte
25 différent en provenance d'auteur -- de la plume d'auteur différent. Alors
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1 peut-être allons-nous poser la question des fondements de l'admissibilité
2 de la pièce.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, en première page
4 de la version anglaise de ce même document, on retrouve le nom de ce
5 témoin-ci. Est-ce qu'il s'agit d'un texte de sa main ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson. Si vous le permettez,
7 j'aimerais ne pas parcourir le texte tout entier. Je veux gagner du temps,
8 et je vais lui poser seulement la question de savoir quelles ont été les
9 raisons pour sa part de donner une brève citation qui figure dans ce texte.
10 Vous pouvez suivre d'ailleurs. Cela figure en toute dernière partie du
11 texte.
12 Je crois avoir retrouvé même le passage en anglais.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Jovanovic, cela appartient à un texte de votre main.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez-nous retrouver le passage.
16 Quand est-ce que cela a été écrit ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] L'année 2001. Cela a été fait en raison d'un
18 livre, le Nacertanije, d'Ilija Garasanin. Plusieurs auteurs ont apporté
19 leur contribution pour commenter ce texte et j'ai été l'un d'entre eux.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
21 M. NICE : [interprétation] Si ce travail est une expertise, de quelle
22 expertise s'agit-il ? Y a-t-il une autre base de recevabilité parce que je
23 ne vois pas pourquoi, en principe, l'on devrait laisser le témoin donner
24 lecture de ce qu'il aurait rédigé au sujet d'un thème sans qu'il s'agisse
25 d'une expertise ?
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vois pas, attendons d'abord de
2 voir comment cela va être utilisé.
3 M. NICE : [interprétation] C'est la première fois que je vois ce texte en
4 anglais, il est évident qu'il s'agit d'une analyse historique. Je me
5 demande si cet homme est un historien ?
6 J'essaie de traiter, au mieux de mes possibilités, cette quantité immense
7 de documents qui, très souvent, ne sont pas traduits tout comme cela est le
8 cas de ce document. J'espère pouvoir parcourir certains événements
9 rapidement dans le courant du contre-interrogatoire, mais lorsqu'on ouvre
10 la porte pour le versement de dossier de ce type d'éléments de preuve, je
11 ne peux m'empêcher de présenter une objection.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il appartient à la Chambre de déterminer
13 le poids de la pièce à conviction dont nous parlons. Le témoin ici n'est
14 pas un témoin expert, je ne vois pas la finalité de votre objection du
15 tout.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui est important Monsieur Nice,
17 c'est de nous pencher sur cette question et de voir s'il y a un fondement
18 de l'étudier. Si je crois bien comprendre votre objection, c'est le fait de
19 ne pas recevoir certains documents suffisamment de temps à l'avance.
20 Ici, nous avons le texte d'un témoin qui est là, et on va nous faire une
21 présentation d'une brève présentation. On aurait pu lui poser la question
22 sans pour autant montrer ce document mais, il s'agit là d'une tactique que
23 vous avez utilisée vous-même très souvent. Nous sommes en train de nous
24 pencher sur la signification de cette question. Il m'est réellement
25 impossible d'identifier le fondement de la question. Peut-être qu'à la fin
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1 de la journée, je vais constater qu'il n'y a aucun poids à accorder, mais
2 je ne vois pas pourquoi vous faites objection ?
3 M. NICE : [interprétation] J'ai dit que je voulais savoir quel était le
4 fondement de la recevabilité.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que vous parlez de fondement
6 pour irrecevabilité et que vous avez pour objectif de faire constater cela.
7 M. NICE : [interprétation] Mon opinion, c'est qu'il convient que nous
8 soyons très prudents s'agissant de documents de ce genre.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons pris bonne note de votre
10 intervention, Monsieur Nice.
11 Veuillez continuer, Monsieur Milosevic.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Je vais parler du dernier paragraphe de votre texte : "Avec ce
14 renforcement du sentiment d'invulnérabilité des vainqueurs dans la guerre
15 froide, il a été mis en pratique une satanisation des peuples de certains
16 pays, notamment en guise d'avant-propos à des actions armées illicites à
17 leur encontre."
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'interprète vous demande de
19 reprendre parce qu'il n'a pas retrouvé le passage dont vous parlez.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. J'espère que les interprètes ont retrouvé cela. Ce que je cite se
22 trouve en dernière page du document, et on dit : "Avec le renforcement de
23 ce sentiment d'invulnérabilité des vainqueurs durant la guerre froide, il a
24 été mis en pratique une satanisation des peuples de certains pays,
25 notamment en guise d'introduction à des actions armées illicites contre
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1 eux. Cela a déjà été le cas de ce genre, mais jamais la satanisation n'a eu
2 une échelle totale comme cela a été le cas de la Serbie et du peuple Serbe.
3 Il y a une nouvelle forme de racisme qui n'est en rien inférieure à celui
4 qui a été manifesté pendant les périodes de colonialisme. Les Nations Unies
5 ne devraient pas hésiter à élargir la liste des activités interdites pour
6 interdire la satanisation de quelque peuple ou quelque pays que ce soit. La
7 République fédérale de Yougoslavie a, là, une des raisons légitimes et
8 justifiées et des fondements moraux tout à fait légitimes pour lancer une
9 initiative de ce genre, ou plutôt aux fins de mobiliser d'autres pays et
10 leur demander de la soutenir à cet effet."
11 Qu'aviez-vous à l'esprit, Monsieur Jovanovic, lorsque vous avez rédigé
12 ceci ?
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous prie de ne pas répondre.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avez-vous des objections à formuler au
16 sujet de cette question, Monsieur Nice ?
17 M. NICE : [interprétation] Je serais plutôt d'avis --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vois. Il s'agit du timing, il m'est
19 très difficile de me prononcer au sujet d'objections formulées de façon
20 abstraite suivant des fondements qui sembleraient être ceux que vous
21 utilisez. Je voulais m'assurer que vous n'aviez pas d'objections à formuler
22 s'agissant de cette question-là.
23 M. NICE : [interprétation] Si vous me permettez, j'aimerais parler des
24 aspects dans leur ordre.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Demandons à l'accusé en quoi ceci
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1 constitue un élément pertinent à l'égard de l'acte d'accusation. Je parle
2 de cette soi-disant "démonisation" ou satanisation du peuple Serbe.
3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais d'abord me
4 référer à ce que le Juge Bonomy a dit. J'ai abordé cette ligne de façon
5 très prudente en ligne 28, j'ai demandé : "s'il s'agissait d'une expertise
6 et s'il ne s'agissait pas d'une expertise, je ne vois pas quel est le
7 fondement de la recevabilité, je ne vois pas pourquoi le témoin serait
8 autorisé à donner lecture de ce qu'il a rédigé sur un sujet, à moins qu'il
9 ne s'agisse d'une expertise."
10 Bien entendu, il peut y avoir des exceptions à cette fin, si l'on a rédigé,
11 par exemple, des textes dans le contexte de certains événements, je voulais
12 savoir quel était le fondement de la recevabilité d'un élément de ce genre.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vais vous interrompre Monsieur
14 Nice. Les hommes politiques et les diplomates qui rédigent des mémoires au
15 sujet d'événements qui se sont produits de par le passé semblent posséder
16 des documents auxquels vous vous êtes référé vous-même et auxquels se
17 réfère maintenant l'accusé. Donc, ne s'agit-il pas là de cette catégorie-
18 là ? La question réelle qui devrait être posée, c'est de savoir si ce
19 document est pertinent pour l'affaire qui nous concerne.
20 M. NICE : [interprétation] Oui, certains diplomates se servent de livres ou
21 d'aide-mémoire ou de jounaux qu'ils ont rédigés, mais ce à quoi je me
22 référais c'est le paragraphe qui m'a incité à être prudent. Je vois qu'on a
23 donné lecture de la dizaine de lignes qui figurent en bas de page, et cela
24 semble être le résumé d'une opinion. D'un, je ne vois pas où est la
25 pertinence s'agissant de l'affaire qui nous regarde ici; et b), s'il s'agit
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1 ici d'une expertise, cela ne fait pas partie d'un rapport d'expert, cette
2 expertise ne se trouve pas être identifiée. S'agissant de mon opinion au
3 sujet de ce qui vient d'être dit, je crois que cela n'a aucune pertinence
4 et aucune valeur à l'égard de la Chambre. A la lumière des observations que
5 j'ai formulées, j'essaie parfois de gagner du temps. J'ai l'impression que
6 l'effet est tout à fait contraire, c'est la raison pour laquelle je me suis
7 limité pour ce qui est de soulever des objections. Mais maintenant que vous
8 m'avez posé la question, je dirais que oui, en effet, je fais objection. Je
9 ne vois pas où cela va nous mener si l'on continue plus loin dans ce sens.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois pouvoir dire que ma position
11 est tout à fait claire et je ne comprends pas le concept qui a été décrit
12 dans ce texte. A mon avis ceci n'est en aucune façon en liaison quelconque
13 avec des éléments pertinents pour cette affaire.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez nous
16 expliquer la pertinence de cette dizaine de lignes en bas de page qui
17 traitent de la satanisation du peuple Serbe.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] La pertinence, Monsieur Robinson et autres
19 Messieurs Juges de la Chambre, c'est que tout l'acte d'accusation, dans sa
20 grande majorité, constitue l'expression et la conséquence de la
21 satanisation du peuple Serbe. Tout comme l'agression lancée contre la
22 Yougoslavie constitue une conséquence du fait de ce qui a été fait pour
23 justifier les crimes perpétrés contre le peuple Serbe. Par conséquent, s'il
24 y a des éléments pertinents, et s'il y a des choses qui sont pertinentes à
25 l'égard de l'acte d'accusation, c'est précisément la satanisation de la
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1 Serbie et du peuple Serbe.
2 Je vais poser la question à M. Jovanovic qui est diplomate de longue date
3 et ministre des Affaires étrangères. Il a formulé une proposition demandant
4 aux Nations Unies d'interdire des agissements de cette nature, et
5 d'expliquer pourquoi et comment --
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Kay.
9 M. KAY : [interprétation] Je suis très reconnaissant à Mme Higgins qui a
10 placé tout ceci dans une contexte déterminé. Ici, dans ce paragraphe, il
11 est question d'un parler assez émotionnel, mais il s'agit d'une question de
12 partialité. Nous avons ici un témoin qui a été ministre des Affaires
13 étrangères, qui est un diplomate, qui a évolué dans des milieux
14 internationaux, il me semble qu'il a eu beaucoup de possibilités et
15 l'opportunité de se faire une expérience au niveau des éléments
16 internationaux suivant les modalités dans la RFSY et la FRY qui ont eu à
17 faire face à ces événements. Il parle de ses conclusions. C'est là son
18 expérience personnelle. C'est de cela dont il est question dans ce
19 paragraphe. C'est probablement la raison pour laquelle cela a été présenté
20 de la sorte. Etant donné que la question a été posée, de savoir pourquoi
21 l'OTAN et les Nations Unies ont entrepris certaines mesures à l'encontre de
22 la Serbie ou plutôt de la RFY, pourquoi certaines résolutions ont été
23 adoptées pour condamner certaines choses plus que d'autres.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semble dire que la motivation de
25 l'acte d'accusation est en quelque sorte la conséquence de la démonisation,
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1 de la satanisation de ce peuple serbe. Ce n'est pas une question qui est
2 reprise par l'acte d'accusation.
3 M. KAY : [interprétation] C'est un passage dont nous n'avons pas parlé. Il
4 se peut que l'accusé ait exprimé ses raisons. Ce qui importe davantage
5 encore, c'est d'entendre le témoignage du témoin à ce sujet. Il se peut que
6 l'accusé ait exprimé son opinion en disant qu'il s'agissait là du comble de
7 la partialité à son égard. A mon avis, il s'agit de questions soulevées par
8 le témoin et qui sont des questions bien plus vastes dont il est à même de
9 traiter. Il ne s'agit pas seulement de parler de l'acte d'accusation
10 puisqu'il ne lui appartient pas de parler de l'acte d'accusation, vu que
11 cela ne relève pas de son domaine d'intervention, mais il peut, certes, se
12 prononcer sur bon nombre d'autres questions, en effet.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas la première fois que
15 cette question de satanisation se trouve soulevée et l'accusé a présenté
16 cet élément pour en faire une partie de la thèse qu'il défend. Il souhaite
17 dire que ceci explique les raisons pour lesquelles certaines actions ont
18 été déployées contre son pays. Etant donné que cela fait partie de la
19 présentation de sa cause, et de la présentation de ses éléments de preuve,
20 nous allons permettre la présentation de ces éléments. C'est une décision
21 par majorité, si je puis le dire.
22 Nous allons vous permettre de continuer, Monsieur Milosevic, mais nous
23 allons exercer un contrôle à cet égard. Nous ne voulons pas qu'il soit
24 procédé à une exploration ultérieure de ces questions non juridiques. C'est
25 une brève explication que j'ai voulu apporter à l'intention du témoin, une
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1 bien petite explication.
2 Si vous voulez avoir la pause.
3 Monsieur Milosevic.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, je vais
5 intervenir au sujet de ce qu'a dit M. Kay, il y a quelques instants.
6 M. Kay a dit qu'il y avait une explication au sujet de l'intervention de
7 l'OTAN et des Nations Unies. Je crois que c'est tout à fait erroné. L'OTAN
8 a procédé à une agression contre la Yougoslavie en contradiction avec la
9 charte des Nations Unies sans l'approbation des Nations Unies. C'est tout à
10 fait contraire au système des Nations Unies. Rattacher des interventions ou
11 des agissements de l'OTAN avec la charte des Nations Unies démontre qu'il y
12 a une méconnaissance complète du sujet et que cela est tout à fait
13 inapproprié.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Veuillez, y répondre, Monsieur Jovanovic.
16 M. LE JUGE ROBINSON : Très brièvement.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet article est la conséquence d'une
18 conclusion que j'ai tirée disant que, suite à une période prolongée, non
19 seulement la Yougoslavie et la Serbie, mais le peuple en tant que tel a été
20 exposé à un dénigrement et à une présentation sous un éclairage des plus
21 négatifs. Il n'y avait pas de limite pour ce qui est des anathèmes jetés
22 contre le peuple Serbe et pour ce qui est de la présentation faite de ce
23 peuple au niveau des médias. On a parlé des Serbes comme d'une sous-espèce
24 humaine comme si c'était là un peuple qui avait, comme inhérent, le crime
25 qui ferait partie de son être de façon endémique. On a parlé de ce peuple
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1 comme s'il s'agissait d'un peuple à mettre en cage pour que pas un oiseau
2 ne puisse s'échapper.
3 Pendant l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie, les hommes politiques
4 au sommet des pays de l'OTAN ont fait tout un ballet de chiffres. On a
5 parlé de 500 000, de 300 000, de 100 000, de 10 000 Albanais disparus ou
6 tués. Ce qui était tout à fait inexact, mais il fallait créer cette espèce
7 d'aura de haine et d'inacceptabilité de ce peuple Serbe.
8 Il fallait montrer aux Nations Unies que l'heure était venue en dépit de
9 ces phénomènes de haine et de xénophobie d'intégrer dans cette liste cette
10 satanisation pour sauver un peuple du traitement horrible réservé à ce
11 peuple Serbe.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie de cette
13 explication. Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.
14 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
15 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, à vous la
17 parole.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Monsieur Jovanovic, je vous demanderais de bien vous saisir de
21 l'intercalaire 15.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous voulez que
23 le document que j'ai en main soit versé au dossier.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sera, en tout cas, l'intercalaire
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1 9, qui est versé au dossier. Admis. Oui, oui.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'intercalaire 15 est un court extrait de
3 l'ouvrage intitulé "La nouvelle société et la destruction de la
4 Yougoslavie," dont l'auteur est Emil Vlajki. Je me contenterais d'une brève
5 citation en page 103.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Quel intercalaire ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'intercalaire 15. Vous l'avez trouvé?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Page 103 ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. En haut de page nous lisons ce qui suit : "Ceci est un bon exemple du
12 jeu que se joue le gentil et le méchant. L'Allemagne veut la dissolution de
13 la Yougoslavie, et les Etats-Unis veulent l'intégrité territoriale
14 yougoslave. 'La politique économique' des Etats-Unis vis-à-vis de la
15 Yougoslavie en proclamant que celle-ci n'est plus indépendante, en
16 ordonnant non seulement la tenue 'd'élections libres' dans chaque
17 république, mais également la nécessité d'élections de partis politiques
18 'acceptables' selon les normes américaines, la suppression de toutes formes
19 d'aide, la suspension de l'exonération des droits de douanes en provoquant
20 la destruction économique, politique et sociale de ce pays, on conduit
21 directement la guerre dans les Balkans.
22 "Par ailleurs, en janvier 1991, les Etats-Unis ont averti l'armée
23 yougoslave qu'elle ne devait pas tenter d'empêcher la séparation de la
24 Croatie. Les Etats-Unis" -- là, il s'agit d'une citation de ce qu'a dit
25 Susan Woodward, c'est en anglais dans la version originale : "Les Etats-
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1 Unis n'accepteront pas le recours à la force pour que la Yougoslavie reste
2 intégrée. Les Etats-Unis disaient, en fait, à l'armée yougoslave qu'outre
3 l'abandon par eux de la Yougoslavie sur le point international, ils
4 considéraient illégitime la définition par l'armée de leur obligation
5 constitutionnelle à défendre les frontières de l'état en rapport à des
6 menaces internes."
7 Est-ce que ce jeu du gentil et du méchant servait bien à ces objectifs
8 politiques ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je lis également cette
10 partie de la déposition du témoin, qui vient du sénat américain, et je lie
11 ceci également à la déposition d'un témoin venant du sénat américain qui a
12 dit ici devant vous et devant le public, que les choses à l'époque étaient
13 dépeintes en noir et blanc; les Serbes étaient noirs et les autres étaient
14 blancs en Yougoslavie.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur Jovanovic, est-ce que ceci constitue bien l'expression d'un
17 préjugé d'un parti pris, ou est-ce que c'était une politique délibérément
18 menée pour déboucher sur un conflit et la désintégration du pays.
19 R. C'est exactement l'illustration de cela, mais il y en a eu d'autres
20 également qui prouvent que la politique des Etats-Unis d'Amérique vis-à-vis
21 de l'ex-Yougoslavie était assez hypocrite. Il y avait un rapport secret de
22 la CIA, publié en novembre 1990, selon lequel la Yougoslavie disparaîtrait
23 en 18 mois, et que toute l'affaire se terminerait par un bain de sang. Puis
24 vers la fin de 1990, les Etats-Unis ont imposé une limitation du crédit et
25 d'autres formes de financements pour le gouvernement fédéral pendant une
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1 période de six mois. Ensuite, ils ont pris une décision vers la fin de 1991
2 de supprimer le nom de la Yougoslavie sur la liste des nations les plus
3 favorisées, et ils ont pris un certain nombre d'autres décisions en
4 fonction des résolutions du congrès.
5 M. Baker était en Yougoslavie à un certain moment dans la première moitié
6 de 1990 ou 1991. Je ne me souviens plus exactement de la date. Il occupait
7 un poste qui était neutre à première vue par rapport à toute cette
8 question, mais en fait il était favorable à la Croatie et la Slovénie et à
9 leur désire de sécession. Il a déclaré que si les deux républiques en
10 question se séparaient de la Yougoslavie, elles ne seraient pas reconnues
11 par nous. C'est ce qu'il a dit. Les organes fédéraux ne pourraient recourir
12 à la force pour les retenir dans le giron yougoslave. Pour l'essentiel, sa
13 position était favorable à la sécession car il garantissait à la Croatie et
14 à la Slovénie que personne ne les empêcherait de quitter la Yougoslavie de
15 façon unilatérale ou par la force.
16 Les Etats-Unis -- quand les gens disent que les Etats-Unis ont changé de
17 position vis-à-vis de la Yougoslavie uniquement au moment du début de la
18 crise bosniaque, ils se trompent. Ce n'est pas vrai, parce que pour
19 l'essentiel les Etats-Unis ont coordonné leur position avec l'Allemagne et
20 quelques autres pays qui ont travaillé au détriment de la Yougoslavie.
21 Je rappellerais une chose encore, à savoir que le dernier ambassade
22 américain à Belgrade, M. Zimmerman, dès qu'il est arrivé, je pense que
23 c'était en 1987 ou 1988, a déclaré à tout ces interlocuteurs au niveau
24 fédéral et au niveau des républiques que la Yougoslavie n'avait plus
25 l'importance qu'elle avait par le passé aux yeux des Etats-Unis. C'était un
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1 pays qui avait perdu sont intérêt stratégique, parce qu'à ce moment là
2 c'était tout à fait clair qu'il n'existerait plus de bloc de l'est, et donc
3 il n'y avait plus nécessité d'avoir un état tampon entre l'est et l'ouest.
4 Il n'y avait effectivement plus aucune raison pour que cela existe,
5 d'autant plus que ce pays présidait le mouvement des non-alignés avait une
6 longue tradition d'indépendance et de combat pour la liberté.
7 Q. Par rapport à tout cela et s'agissant du comportement des militaires,
8 je vous demanderais de vous pencher sur l'intercalaire 13.1.
9 M. KAY : [interprétation] Le document précédent peut-il être versé au
10 dossier.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic.
12 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas interrompu tout à l'heure compte
13 tenu le temps qu'avaient duré mes dernières observations, mais je ne suis
14 pas sûr du fondement qui justifie l'admissibilité de ce document, mais je
15 vois que dans le passage introductif on identifie l'auteur en terme qui
16 permet de penser que c'était un membre de l'académie.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous ne savons pas si le versement
18 au dossier est demandé. Non. M. Kay ne l'a pas demandé. Il nous a
19 simplement rappelé l'éventualité d'un tel versement.
20 Monsieur Milosevic, est-ce que vous demandez l'admission du document que
21 vous venez d'utiliser ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur quelle base ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Précisément sur la base du fait que ceci
25 démontre une attitude délibérément discriminatoire vis-à-vis de la partie
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1 serbe en Yougoslavie, une position favorable au démantèlement de la
2 Yougoslavie en tout cas à la non-conservation de son intégrité
3 territoriale.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin a dit ce qu'il a dit dans
6 sa déposition sur cette question. Ce document n'a pas besoin d'être admis.
7 Nous ne l'admettrons pas.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Dans cette affaire, je vous demanderais maintenant, Monsieur Jovanovic,
11 de vous pencher sur l'intercalaire 13.1. C'est l'ouvrage de l'historien
12 russe, Jelena Guskova, intitulé "Histoire de la crise yougoslave de 1990 à
13 2000." En page 244, nous lisons ce qui suit, c'est un court passage que je
14 vais vous citer.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous essayons toujours de localiser
16 ce document. C'est l'intercalaire 13.1 ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, 13.1.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Page 244.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais cela est dans la version serbe.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce document est traduit ?
21 Nous n'avons pas de page 244.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il devrait être traduit.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons que les pages 3, 4, 5
24 et 6.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est sans doute parce qu'un passage seulement
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1 a été traduit. Malheureusement, je n'ai pas cette traduction dans mes
2 papiers.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'existe pas de traduction de ce
4 que vous venez de lire Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le passage qui commence par les mots : "Au
6 printemps 1991, l'armée populaire yougoslave existait encore dans toutes
7 les républiques," et cetera.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On trouve ce document à l'intercalaire
9 13.2, page 4.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une erreur parce que l'intercalaire 13.2
11 est un autre livre. On trouve effectivement ce passage à la page 4 du
12 recueil d'extraits traduits. Le passage qui commence par " Au printemps
13 1991…" Je l'ai déjà lu tout à l'heure.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Je cite : "Au printemps de 1991, l'armée populaire yougoslave existait
16 encore dans toutes les républiques. Par sa composition ethnique, elle était
17 encore multiethnique. Il y avait de nombreux Croates, Slovènes et
18 Macédoniens à sa tête. On y trouvait par exemple, au sommet Veljko
19 Kadijevic, un demi-Croate qui se considérait yougoslave dont les assistants
20 étaient l'amiral slovène Stane Brovet et le Croate, Josip Greguric. Les
21 forces aériennes étaient dirigées par les Croates, Antun Tus et Zvonimir
22 Jurjevic. Le commandant de la région militaire du centre était Spiroski
23 [phon], un Macédonien et le chef d'état-major de cette région était Antun
24 Silic, un Croate.
25 Q. Monsieur Jovanovic, l'armée populaire yougoslave était encore présente
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1 sur la totalité du territoire yougoslave. Ceci est clair. Cela durait
2 depuis combien de décennies ?
3 R. Au moins, quatre à cinq décennies, si nous ne tenons pas compte de la
4 période où la Yougoslavie était royaume de Yougoslavie, période à laquelle
5 existait une armée conjointe.
6 Q. Dans ce recueil de passages traduits, au début, on trouve cela en page
7 202 de la version serbe, non, 212 de la version serbe de l'ouvrage de
8 Jelena Guskova --
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous donner lecture d'un nouvel
10 extrait. Messieurs, vous trouverez la traduction au début de la page 4 du
11 recueil de traductions avec le sous-titre "Guerre."
12 M. MILOSEVIC : [interprétation] Ce passage se lit comme suit : "La Croatie,
13 cependant, avait un objectif différent qui a fini par être réalisé. Une
14 Croatie indépendante sans aucun Serbe.
15 "Tudjman en a parlé le 24 mai 1991 sur la place Ban Jelacic à Zagreb en
16 disant : 'Une guerre aurait pu être évitée mais la Croatie ne l'a pas
17 voulu. Nous avons estimé que l'indépendance de la Croatie ne pouvait être
18 conquise que par la guerre. Par conséquent, nous avons mené une politique
19 de négociations tout en créant nos propres unités armées, par nos propres
20 moyens. Si ne l'avions pas fait, nous n'aurions pas atteint l'objectif que
21 nous nous étions fixés. Ce qui veut dire que la guerre aurait pu être
22 évitée mais que nous n'aurions pas, dans ces conditions, atteint notre
23 objectif, à savoir, la création d'un Etat indépendant à nous.'"
24 Jelena Guskova écrit ici : "Une Croatie indépendante sans aucun Serbe."
25 Est-ce l'illustration de ce que vous connaissiez des intentions, des
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1 objectifs et de la façon dont ces objectifs ont été réalisés par le moyen
2 de la guerre ? Donc le premier objectif était-il bien l'indépendance de la
3 Croatie et le deuxième étant la création d'une Croatie sans aucun Serbe ?
4 R. J'ai déjà dit hier que c'était bien là les deux objectifs stratégiques
5 parallèles de la direction croate sous la présidence de Tudjman.
6 M. NICE : [interprétation] C'était une question directrice, mais, s'il le
7 faut, j'abandonne.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Reformulez votre question, Monsieur
9 Milosevic.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Monsieur Jovanovic, quels étaient les objectifs poursuivis dans la
12 politique croate ?
13 R. Les objectifs de la politique croate qui résultent de l'analyse ont été
14 cités ici et on les trouve également dans d'autres lieux. Mais, en tout
15 cas, ils ont été atteints par la violence, à savoir par la voie de la
16 sécession croate qui s'est séparée de la Yougoslavie. Ce qui signifiait la
17 guerre, parce que c'était le seul mécanisme par lequel la sécession pouvait
18 être réalisée. La Croatie comptait sur l'aide étrangère dans ses efforts.
19 L'autre objectif, c'était le recours à l'intimidation, aux pressions, à
20 divers autres moyens destinés à contraindre les Serbes de quitter la
21 Croatie si possible immédiatement, et lorsque cela n'était pas possible,
22 tout le projet a été achevé par l'opération Tempête qui a poussé un grand
23 nombre de Serbes à quitter la Krajina. Comme je l'ai dit hier, Tudjman,
24 lors d'une réunion publique, a exprimé sa joie par rapport au fait que
25 désormais les Serbes ne constitueraient pas plus de 3 à 5 % du total de la
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1 population en Croatie. C'était une reconnaissance publique du nettoyage
2 ethnique qui avait été réalisé avec intervention de l'armée en Krajina.
3 Q. Les passages suivants qui ont été traduits du texte original se
4 trouvent en page 215, version originale ou nous lisons ce qui suit : "En
5 août 1991, Tudjman a admis face à l'ambassade américaine que 'toutes les
6 attaques tous azimuts contre la JNA et les séparatistes chetniks' étaient
7 en train de commencer." De quels séparatistes chetniks parle-t-il ?
8 R. Tous les Serbes, qui refusaient de vivre sous le règne de Tudjman dans
9 les conditions qui étaient désormais mises en œuvre par cet homme très
10 intolérant, étaient considérés comme des séparatistes chetniks. Notamment,
11 ceux qui avaient recours aux armes pour défendre leurs vies et la vie de
12 leur famille, et défendre leurs biens.
13 Q. Je poursuis la citation et je cite : "Lorsque l'ambassadeur Zimmerman a
14 proposé à Tudjman de considérer cette autre option, à savoir, accorder
15 l'autonomie aux Serbes et, par conséquent, abandonner ses intentions
16 belliqueuses, Tudjman a refusé ne serait-ce que de discuter de la
17 question."
18 R. Oui, c'était tout à fait au début, en Croatie. Comme nous l'avons
19 entendu, il s'est débarrassé des Serbes dans la constitution. Il les a
20 éliminé en tant que nation constituante et il a fait ensuite tout ce qu'il
21 a pu pour réduire le nombre de cette population minoritaire, la réduire, en
22 fait, à un pourcentage que la Croatie pouvait tolérer comme présence Serbe
23 en Croatie.
24 Q. Dans le passage suivant, nous voyons : "A la fin 1991, selon les mots
25 de Tudjman, les forces armées croates qui comptaient environ 200 000
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1 hommes, 350 chars, 400 pièces d'artillerie, 30 avions canadair ont été
2 redéployés pour des opérations de combat. Selon d'autres sources, le nombre
3 total des formations armées de croates atteignait 110 000 hommes, soit 2,3
4 % de la population croate. La plus grande part des forces armées se
5 composait de la ZNG, Corps de la Garde nationale et de ses unités environ
6 70 000 hommes; du MUP, ministère de l'Intérieur, environ 30 000 hommes; des
7 unités de Défense territoriale; et enfin, des formations paramilitaires.
8 Étaient également disponibles les formations armées émanant des partis
9 politiques tels que, le Parti dominant HDZ et le Parti des Droits croates
10 HSP qui, en 1991, ont commencé à nettoyer activement sur le plan ethnique
11 la Slavonie, en organisant des incidents et des provocations et en faisant
12 le sal travail dans lequel les structures officielles ne souhaitaient pas
13 se voir directement impliquées."
14 Est-ce que la moindre connaissance de ces événements ? Est-ce que vous en
15 êtes informé sur la base des événements dont vous avez connaissance ?
16 R. Le déroulement des événements a été très douloureux pour les Serbes qui
17 vivaient dans cette région. Des centaines de milliers de Serbes avaient
18 déjà quitté la Croatie pour fuir vers la Serbie ou d'autres pays.
19 D'ailleurs, ils ne fuyaient pas uniquement les régions exposées aux
20 attaques de ces unités, mais même des villes où il n'y avait pas de
21 conflits. Par conséquent, je ne sais pas si les chiffres fournis ici au
22 sujet des formations armées croates sont exacts ou pas, peut-être sont-ils
23 un peu gonflés afin d'impressionner la JNA, mais le fait est qu'une
24 mobilisation générale a eu lieu en contravention des dispositions selon
25 lesquelles seules les forces armées yougoslaves étaient légales, à savoir
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1 la JNA, la police et la Défense territoriale, donc c'est une violation
2 commise par la Croatie.
3 Q. Très bien. En page --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
5 M. NICE : [interprétation] J'ai des difficultés à trouver la traduction.
6 J'ai des difficultés à trouver également les pages originales. Je ne sais
7 pas si le protocole en vigueur dans ce Tribunal stipule que je devrais m'y
8 retrouver dans les documents.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en effet. Monsieur Milosevic,
10 j'ai déjà dit que vous devez veiller à ce que nous ayons les pages que vous
11 citez sous les yeux avant de citer quoi que ce soit et je dis la même chose
12 au Procureur.
13 M. NICE : [interprétation] Je demande à la Chambre de vérifier à ce stade
14 l'opportunité de ce qui se passe.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Puis-je faire deux observations avant
16 de poursuivre. Elles sont adressées à M. Milosevic.
17 Je trouve que ces questions et réponses sont tout à fait limitées dans
18 l'aide qu'elles apportent aux Juges. Elles sont un exemple très clair de
19 questions directrices, à savoir qu'on lit les mots écrits par quelqu'un
20 d'autre à un témoin, et on lui demande, ensuite, s'il est au courant de
21 cela.
22 Deuxième commentaire, c'est que ce témoin qui a participé personnellement à
23 tous ces événements, on semble lui faire perdre son temps en le soumettant
24 à cet exercice, notamment, lorsqu'on constate que le témoin ne peut pas
25 confirmer certains des éléments figurant dans les documents qui lui sont
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1 lus.
2 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai rien d'autre à ajouter
3 sur la question de l'admissibilité, sauf, à dire que je dois, au préalable,
4 trouver les pages traduites.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous ne sommes
6 pas aidés en quoi que ce soit par ces questions. Vous devriez passer à
7 autre chose qui fait l'objet de connaissances plus personnelles de la part
8 du témoin.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, c'est précisément cela qui
10 est au cœur de la déposition du témoin et c'est au sujet de ces événements
11 qu'il a des connaissances directes. Nous avons ici un ouvrage dont l'auteur
12 est un historien. Nous voyons que les propos du témoin sont confirmés dans
13 cet ouvrage. Il ne s'agit pas de propos venant d'un tiers, non, ce sont les
14 mots de Tudjman et d'Izetbegovic.
15 Je suppose que M. Nice avait la traduction parce que M. Bonomy, pour sa
16 part, en disposait. Donc si M. Bonomy dispose de la traduction, M. Nice
17 doit en disposer également.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un commentaire pour l'interprète. J'ai
19 dit, je ne retrouve pas au compte rendu d'audience en anglais ce que j'ai
20 dit. J'ai dit lorsque le témoin ne peut pas confirmer, et non, peut
21 confirmer comme c'est écrit au compte rendu.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que le témoin peut confirmer ce qui a
23 été lu, parce qu'il en a fait l'expérience également. Il le sait. Je l'ai
24 interrogé au sujet de ce qu'il savait.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Jovanovic, veuillez maintenant vous pencher sur le dernier
2 extrait traduit, page 311 dans l'original.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un certain nombre de faits qui sont
4 décrits ici. Je pense que le témoin en a déjà parlé.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que nous ayons la
6 même pagination.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est en page 5 du recueil des traductions. Un
8 passage en page 5, en haut de la page.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Le Procureur a-t-il ce texte ?
10 Oui.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. C'est un extrait d'un ouvrage dont l'auteur est un historien et les
13 faits décrits ici se lisent comme suit, je cite :
14 "En février 1991, le SDA, Parti de l'Action démocratique et l'Union
15 démocratique croate de la Bosnie-Herzégovine ont soumis au parlement une
16 'déclaration sur la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine.' Izetbegovic a
17 déclaré à l'époque : 'Pour la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, je
18 sacrifierais la paix. Pour la paix en Bosnie-Herzégovine, je ne
19 sacrifierais pas sa souveraineté.'"
20 Monsieur Jovanovic, nous avons ici la déclaration de Tudjman lors d'une
21 réunion publique où il a déclaré qu'il n'y aurait pas eu de guerre si la
22 Croatie ne l'avait pas voulu. Puis, nous avons cette déclaration-ci de
23 Tudjman devant le parlement où il dit que pour la souveraineté de la
24 Bosnie-Herzégovine, il est prêt à sacrifier la paix. Que savez-vous des
25 intentions de mener la guerre dans l'ex-Yougoslavie, de la part aussi bien
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1 de la Croatie que de la Bosnie-Herzégovine ?
2 R. Ces deux dirigeants, M. Tudjman et M. Izetbegovic, savaient qu'ils ne
3 pouvaient atteindre leur objectif de séparation violente par rapport à la
4 Yougoslavie en l'absence d'une guerre. Ils ont compté sur cette guerre et
5 l'ont accepté délibérément.
6 J'ajouterais que la déclaration d'Izetbegovic présentée ici est une
7 déclaration, mais il y en a une autre qu'il a faite lorsqu'une discussion
8 avec Lord Carrington, où il a dit qu'il savait qu'afin d'obtenir
9 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, il serait nécessaire de faire la
10 guerre et de faire une guerre civile.
11 Nous avons déjà parlé de l'initiative de Belgrade ici avec Momir Bulatovic,
12 vous avez invité celui qui, à l'époque, était dirigeant de la Bosnie-
13 Herzégovine à Belgrade pour discuter de la situation du moment. Vous n'avez
14 reçu qu'une seule réponse de la bouche du président du parlement de
15 l'époque, M. Momcilo Krajisnik, alors que M. Izetbegovic n'a pas répondu du
16 tout. Par conséquent, Izetbegovic ne souhaitait aller vers une solution
17 pacifique aux problèmes qui existaient déjà à l'époque, il ne souhaitait
18 pas le consensus avec d'autres dirigeants, ce qui montre qu'il avait opté
19 pour une autre possibilité, à savoir la guerre. Cela signifie que les
20 intentions de provoquer la guerre en Bosnie-Herzégovine ne peuvent pas être
21 attribuées à la Serbie et au Monténégro, pas du tout, mais à ceux qui
22 avaient prévu à l'avance, qui avaient planifié de se séparer par la
23 violence de la Yougoslavie de l'époque.
24 Q. Monsieur Jovanovic, vous expliquez en termes très précis pendant votre
25 déposition ici, quelles étaient les positions des divers représentants
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1 politiques occidentaux. J'ai parlé des positions qui étaient celles des
2 hommes politiques des deux côtés de l'Atlantique.
3 Je vous demanderais à présent de vous pencher sur l'intercalaire 13.2.
4 Deuxième volume de l'ouvrage de Jelena Guskova. Deuxième tome, page 24.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que vous avez la traduction.
6 J'aimerais m'en assurer au préalable.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lisez le premier passage, nous
8 vérifierons s'il se trouve à l'intercalaire 13.1 ou pas.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Je vais le faire rapidement.
10 Attendez, j'ai confondu le nom de l'auteur et le nom de l'éditeur. Je
11 vérifie, une seconde. Oui, vous avez la traduction. J'espère que chacun
12 l'a. Je cite :
13 "Le secrétaire général des Nations Unies, Perez de Cuellar, en décembre
14 1991…" L'ordre des mots est inversé en anglais en raison de l'esprit de la
15 langue. "En décembre 1991, le secrétaire des Nations Unies, Perez de
16 Cuellar, --
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 4 de la pièce 13.1.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Oui, je poursuis la citation.
20 "… a écrit à Hans Van den Broek, président du Conseil des ministres de la
21 Communauté européenne, ainsi qu'au ministre des Affaires étrangères
22 allemand de l'époque, Hans-Dietrich Genscher que la reconnaissance
23 sélective des républiques yougoslaves pouvaient 'contribuer à répandre le
24 conflit actuel et à intensifier la situation explosive.'"
25 S'agissant de la reconnaissance, un rôle actif a été joué par le Vatican.
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1 Le Vatican a également joué un rôle actif par rapport à la reconnaissance
2 de la Croatie et de la Slovénie, vous en avez parlé hier, Monsieur
3 Jovanovic. "Le 26 novembre 1991, le cardinal Sodano a invité les
4 ambassadeurs des Etats-Unis d'Amérique, de France, de Grande-Bretagne, de
5 Belgique, d'Italie, d'Allemagne et d'Autriche accrédités auprès du Saint-
6 Siège pour les informer de la position du Vatican en insistant pour que
7 leurs pays reconnaissent la Slovénie et la Croatie au cours du même mois.
8 Décrivant cette rencontre, l'ambassadeur américain Melady a dit qu'il était
9 convaincu qu'il y avait eu accord préalable entre le Vatican, l'Allemagne,
10 l'Autriche et l'Italie parce que les ambassadeurs de ces pays ont appuyé
11 avec enthousiasme la proposition du Vatican".
12 Il poursuit en disant: "De l'avis de Lord Carrington, l'Europe a commis
13 deux erreurs. 'Je pense qu'elle aurait peut faire mieux', note-t-il à
14 l'automne 1992, 'si l'Europe avait accepté le démantèlement de la
15 Yougoslavie plus tôt." Selon le plan que j'ai proposé au cours de l'été
16 1991, six républiques se sont engagées d'une part à entretenir entre-elles
17 des relations plus ou moins étroites, alors que de d'autres parts, le
18 centre survivrait. Certaines d'entre-elles prétendaient être prêtes déjà à
19 une telle alliance. Mais l'Europe, des douze, ne m'a pas écouté parce
20 qu'elle a eu peur que tel plan serve de précédent pour le démantèlement de
21 la fédération russe. La deuxième erreur de l'Europe a consisté à
22 reconnaître la Croatie et la Slovénie. L'objectif consistait à convoquer la
23 conférence européenne que j'ai présidée, consistait à repousser à une date
24 ultérieure la reconnaissance de l'indépendance de ces deux républiques
25 jusqu'à l'accord complet des six républiques yougoslaves. Leurs
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1 reconnaissances à saper les bases de notre travail qui a été réduit à de
2 simples négociations bilatérales d'autant plus qu'il a été estimé
3 nécessaire par la suite de demander également à la Bosnie si elle désirait
4 l'indépendance. Bien entendu, Alija Izetbegovic ne pouvait que répondre que
5 par l'affirmative. J'ai averti les dirigeants de la Communauté européenne
6 par rapport à ce scénario inacceptable pour les Serbes de Bosnie qui ne
7 pouvaient que conduire à la guerre civile. Ceci a été une erreur
8 tragique.'"
9 Un peu plus loin, il est écrit dans ce même ouvrage, je cite : "Le
10 secrétaire d'état américain, Warren Christopher, a écrit, en juin 1993, que
11 la responsabilité incombait particulièrement aux Allemands parce qu'ils ont
12 réussi à convaincre leur partenaire de la Communauté européenne de
13 reconnaître la Slovénie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Ayant recours
14 à une démarche illogique, l'Allemagne a prétendue que la non-reconnaissance
15 de la Croatie et de la Slovénie serait synonyme d'approbation de
16 l'agression serbe".
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous venez de lire un passage très
18 long. Quelle demande significative -- quelle question significative pouvez-
19 vous maintenant poser au témoin ?
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. La question significative est la suivante : Est-ce que cette citation
22 de la position de Carrington, de Cuellar, du Vatican, de Soldano et des
23 pays que j'ai cité, concorde avec ce que vous savez de ce qui s'est passé à
24 l'époque ? Est-ce que cela contredit ou concorde avec ce que vous savez ?
25 Est-ce qu'il y a quelque chose d'inexact ici, ou est-ce que tout cela est
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1 exact ? Est-ce que ce qui est dit dans ce texte correspond à la vérité ?
2 Cela correspond à ce dont vous avec parlé hier ?
3 R. Oui, j'ai dit quelque chose à ce sujet.
4 M. NICE : [interprétation] La formulation de la question révèle la
5 nécessité de contourner le problème qui existe, à savoir, la nature
6 directrice de la question. En ce moment, nous ne nous intéressons pas à
7 l'exactitude ou non-exactitude de ce que l'auteur a dit. Il se peut que
8 l'auteur en parle si elle venait déposer ici.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si elle venait témoigner des faits
10 dont elle a parlé.
11 M. NICE : [interprétation] Il est dit que la question était très directrice
12 et ceci fait l'objet d'objection.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Jovanovic --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce qui vient
16 d'être dit, c'est que vous avez lu ce passage puis demandé à ce témoin si
17 son expérience personnelle concordait avec ce qui est écrit dans ce
18 passage. Mais vous lui fournissiez ce faisant la réponse à sa question.
19 Donc --
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, très bien. Je ne vais pas poser ma
21 question. Très bien. M. Jovanovic est un homme adulte, expérimenté. C'est
22 un homme politique. Je ne pense pas qu'il y a besoin de lui expliquer ce
23 qui s'est passé.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Mais, j'ai lu ces passages et je vous demande, à présent, Monsieur
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1 Jovanovic, si ce que j'ai lu est exact ou inexact ?
2 R. C'est exact, parce qu'il a été répété à plusieurs reprises et à
3 diverses occasions dans divers ouvrages, dans divers organes de presse, ce
4 qui vient d'être lu dans ce passage. J'ajouterais ceci : Haut responsable
5 de la Communauté européenne, avant l'interruption du travail de cette
6 conférence pendant l'été 1991, a prononcé un avertissement par rapport au
7 danger de reconnaissance prématurée de la Slovénie et de la Croatie par
8 l'Allemagne et le conseil de Sécurité dans trois de ses résolutions de
9 l'époque a lancé des avertissements à ce même danger de reconnaissance
10 prématurée en lançant un appel à tous les états, notamment à la Communauté
11 européenne, pour leur demander de s'abstenir de tout actes ou de toutes
12 mesures susceptibles de conduire à une escalade de tensions et susceptible
13 de rendre plus difficile la conclusion des travaux de la conférence.
14 Après cela, pratiquement tous les hommes d'états d'une certaine réputation
15 ou d'un certain renom à l'est et à l'ouest ont émis un point de vue
16 critique par rapport à la question, et je mentionnerais en particulier
17 Kissinger, Baker, et d'autres.
18 M. Baker, par exemple, a dit, de la façon la plus claire qu'il soit, que
19 les actes de l'Allemagne au sein de la Communauté européenne, s'agissant de
20 leur reconnaissance prématurée de ces deux républiques et plus tard de la
21 Bosnie-Herzégovine, ont directement causé la guerre, et il a dit donc que
22 ces actions ont déclanchées la guerre. Il y a eux des déclarations
23 similaires. Bien sûr, d'autres personnalités qui ont critiqué cette mesure
24 répréhensible, mesure prise en décembre 1991, janvier 1992, au moment de la
25 reconnaissance des trois républiques à l'issue d'un processus accéléré qui
Page 36210
1 a provoqué une guerre longue et sanguinaire, notamment en Bosnie-
2 Herzégovine.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, Lord Carrington
4 déclare qu'il y a eu deux erreurs commises. Vous n'avez parlé que d'une
5 d'entre elles, à savoir, l'aspect prématuré de la reconnaissance. L'autre,
6 d'après Lord Carrington, était que l'Europe aurait du accepté le
7 démantèlement de la Yougoslavie plus tôt qu'elle ne l'a fait. Est-ce que
8 vous êtes d'accord avec cela ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce démantèlement n'a pas été réalisé plus tôt
10 parce qu'il aurait fallu qu'il soit accepté. Il a commencé immédiatement
11 avant le début de la conférence international, et durant la conférence le
12 processus s'est accéléré en raison de deux documents qu'ils y ont été
13 soumis à cette conférence. L'un c'était un document qui présentait une
14 solution générale, et le deuxième, un engagement à aller vers une solution
15 dans laquelle la Yougoslavie ne serait plus mentionnée, mais dans laquelle
16 ne serait plus mentionné que les unités fédérales de celle-ci et leur
17 intérêt à se séparér de la Yougoslavie avec certaines d'entre elles
18 demeureront au sein de la Yougoslavie.
19 Donc, je pense que Lord Carrington, comme le montre ses critiques et ses
20 remarques, par rapport à la Communauté européenne, estimait que le
21 processus politique de la conférence sur la Yougoslavie était rendu
22 impossible, ne pouvait pas s'achever sans reconnaissance de ceux qui
23 souhaitaient faire sécession.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Par ailleurs, il est fait mention ici d'explications. Il dit que :
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1 "Personne n'aurait plus autoriser une rupture, une division de l'alliance."
2 Il parle de la Communauté européenne et dit que : "Si elle avait été plus
3 claire, la guerre aurait pu être évitée en Bosnie mais également au
4 Kosovo." C'est ce qu'a écrit l'ancien ministre des Affaires étrangères
5 italien.
6 R. Est-ce que c'est une question ?
7 Q. Oui, c'est une question. Quelle était la position italienne à l'époque
8 de la visite du ministre des Affaires étrangères. Je suppose que vous
9 l'avez rencontré ce jour là ?
10 R. Non, je ne l'ai pas rencontré. Je ne l'ai pas rencontré, mais l'Italie,
11 comme l'a dit Mitterand, était handicapée par la position du Vatican qui
12 lui liait les mains. Donc, pendant longtemps l'Italie est restée partenaire
13 silencieux dans toute cette affaire jusqu'à une réunion à Venise, jusqu'à
14 l'automne 1991 -je ne me souviens pas de la date exacte - où elle a dit
15 soutenir les intentions de la Slovénie et de la Croatie, à savoir,
16 l'intention de faire sécession. Pour autant que l'on parle de sa
17 participation, je pense qu'un peu plus tôt elle aurait pu intervenir pour
18 empêcher cela.
19 Quant à Maastricht : Maastricht était préjudiciaire de la Yougoslavie,
20 l'Allemagne souhaitant reconnaître les deux républiques sécessionnistes.
21 Vedrine l'a également dit dans son ouvrage. Il a dit que la Grande-Bretagne
22 a réussi à convaincre la France d'accepter la demande de l'Allemagne en
23 échange du fait que l'Allemagne accepterait les conditions de la
24 modification de Maastricht, parce que certaines conceptions politiques
25 étaient rejetées par rapport au projet de Maastricht pour l'Union
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1 européenne. L'Allemagne a abandonné quelque chose pour obtenir autre chose
2 ailleurs.
3 Q. Très bien. Très bien. Maintenant, page 28. Nous allons revenir sur un
4 point dont vous avez traité dans votre déposition par une brève citation
5 traduite également. Je cite : "De nombreux représentants politiques ont
6 plus tard compris les conséquences négatives de la reconnaissance hâtive
7 des républiques de l'ex-Yougoslavie." Cyrus Vance a dit qu'on aurait dû
8 adhérer à l'accord de La Haye, qui aurait empêché la reconnaissance des
9 anciennes républiques yougoslaves tant qu'une solution politique acceptable
10 pour tous n'était pas trouvée. James Baker a été encore plus clair : 'La
11 Slovénie et la Croatie sont responsables de la guerre civile dans l'ex-
12 Yougoslavie. Leur sécession forcée, contraire aux actes de l'accord de
13 Helsinki, a poussé la Yougoslavie à régler directement ses comptes par des
14 moyens militaires. C'est un fait que la Slovénie et la Croatie ont proclamé
15 leur indépendance unilatéralement en dépit de nos avertissements qu'elles
16 ont recours à la force pour capturer des postes frontières, ce qui a
17 provoqué la guerre civile.' Selon Henry Kissinger, "Les démocrates
18 occidentaux auraient dû réfléchir à deux fois avant de reconnaître un état
19 balkanique dont les frontières ne coïncidaient pas sur le plan ethnique,
20 linguistique, et historique avec la conception traditionnelle d'une nation
21 et d'un état. Comment des responsables politiques occidentaux pouvaient-ils
22 même imaginer que les Serbes, les Croates et les Musulmans, dont la haine
23 mutuelle a conduit au démantèlement de la Yougoslavie, aurait pu coexister
24 et vivre ensemble dans un état bosniaque encore plus petit ?'"
25 Alors, Monsieur Jovanovic, est-ce que vous avez là un exemple venant d'un
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1 représentant politique mondialement connu pour son sérieux qui indique,
2 n'est-ce pas, les erreurs fatales commises par la communauté internationale
3 dans la crise yougoslave ? Pouvez-vous m'en donner un exemple ?
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je n'autorise
5 pas cette question. Ce n'est pas la communauté internationale qui est en
6 jugement ici. J'interdis la question.
7 Je voulais vous demander, est-ce que cela fait partie de votre thèse,
8 l'aspect prématuré de la reconnaissance de la sécession slovène et croate,
9 et est-ce que vous dites que c'est cette reconnaissance prématurée qui a
10 conduit au conflit et que ce n'est pas une quelconque action de votre part
11 qu'il a fait ? Est-ce que c'est votre thèse ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Manifestement, il n'y a aucune action de la
13 part de la Serbie qui aurait pu provoquer le conflit et la guerre. Si vous
14 vous penchez sur la chronologie des événements et surtout ce qui s'est
15 passé, vous verrez cela par vous-même. Vous avez accès à toutes ces pièces
16 à conviction, éléments de preuve. Vous avez de nombreuses preuves qui
17 montrent que la Serbie a tout fait pour éviter la guerre, et rétablir la
18 paix dans les zones où la guerre avait déjà éclaté.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le passage que
20 vous venez de citer de James Baker, il dit, dans ce passage : "Leur
21 sécession forcée, contraire à l'accord d'Helsinki, a poussé la Croatie à
22 régler ses comptes par des moyens militaires." Est-ce qu'il dit qu'en
23 raison de la sécession, la Yougoslavie a été obligé de régler ses comptes
24 par des moyens militaires ? Est-ce que vous admettez cela ? Est-ce que
25 c'est bien cela le passage que vous avez cité ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas que vous avez bien interprété
2 ce passage. Baker, dit que -- il parle de "Yougoslavie", mais il ne parle
3 pas des autorités fédérales simplement, il parle du pays dans son ensemble,
4 dans ses frontières, et il parle des conflits armés qui ont éclaté, et en
5 raison de quoi, ces conflits ont éclatés. Baker savait très bien de quelque
6 façon les conflits militaires ont commencé. L'armée populaire yougoslave
7 n'est certainement pas à l'origine de ces conflits. Il parle de la
8 Yougoslavie, et pas des autorités fédérales ou des institutions fédérales
9 mais du pays que constituait la Yougoslavie dans son ensemble.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une distinction assez ténue.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela fait une différence tout à fait capitale.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous semblez partir
14 du principe que tout ce qui est écrit dans ce livre historique est vrai.
15 C'est peut-être le cas, mais cela ne peut être admis sur le plan juridique
16 à moins que l'Accusation ne soit d'accord. Vous devez établir en premier
17 lieu s'il est vrai que ces gens-là ont dit ces choses-là d'après le témoin.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voulez dire les représentants politiques ?
19 Est-ce que c'est d'eux que vous parlez ? Ces représentants politiques ont
20 dit cela en public. C'étaient des déclarations publiques, et pour autant
21 que je m'en souvienne, j'ai cité les sources de ces discours. Vous pouvez
22 en faire la preuve. Nous pouvons établir la chose de façon certaine si cela
23 est nécessaire. Je ne prends pas les choses comme si elles coulaient de
24 source. Il est impossible que tout soit vrai et exact dans un livre écrit
25 par un auteur humain, mais je suppose que l'auteur a fait de son mieux pour
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1 présenter la réalité des faits.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tirez profit de la présence de ce
3 témoin. Demandez-lui d'établir la véracité de ces faits, puisque vous
4 pouvez le faire.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Monsieur Jovanovic, dans toutes ces conversations, pensez-vous qu'il y
7 a quelque chose d'inexact par rapport aux causes du conflit sur le
8 territoire yougoslave ? Nous avons déjà parlé de ces conflits armés sur le
9 territoire de l'ex-Yougoslavie. C'est bien de cela que nous parlons, n'est-
10 ce pas ?
11 R. Je pense que ces citations sont exactes. Elles sont reprises de façon
12 exacte, car on les trouve dans les ouvrages d'autres auteurs, par exemple,
13 dans l'ouvrage de Vedrine, en France, et dans le journal Le Monde, où il y
14 a des citations de Mitterand, et pas mal de citations.
15 Q. Oui, nous avons cet ouvrage. C'est une pièce à conviction. Nous ne
16 passerons pas en revue toutes les citations, nous n'en avons pas le temps,
17 mais nous en verrons certaines.
18 R. Puis, nous avons des hauts responsables officiels au conseil de
19 Sécurité national du président Bush, par exemple, Bush et Clinton, des
20 citations d'allocutions devant le conseil des Affaires étrangères de New
21 York, où il dit ce qui a provoqué ces guerres. Il dit que la guerre
22 yougoslave a été provoquée par la reconnaissance des sécessions.
23 Nous avons les ouvrages d'autres auteurs; un français, Bauzin [phon], et
24 Daniel Danage [phon], Jean-Marc Gonan [phon], par exemple, vous trouverez
25 également d'autres hommes d'état y compris certains d'ici. Ce ne sont pas
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1 des citations qui peuvent être contestées. Nous pouvons nous demander si
2 tous ces gens-là qui ont assisté au déroulement de la situation comme ils
3 l'ont fait, on décrit la situation comme elle s'est déroulée. Nous ne
4 pouvons pas remettre en cause leurs citations, parce qu'elles sont une
5 réalité. C'est ce qu'ils ont dit. Ils l'ont dit dans des réunions
6 publiques, par exemple, au congrès américain, en 1995. On prend la
7 responsabilité de ce qu'on dit quand on parle devant le congrès en disant
8 des choses de ce genre.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui a dit quoi au congrès américain ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] James Baker a dit ce qui vient d'être cité au
11 congrès américain en 1995.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La citation, à savoir, ce qui vient
13 d'être lu sur la page que nous venons de lire, ces mots ont été prononcés
14 devant le congrès américain ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est ce qui est écrit avec d'autres
16 phrases, mais bien sûr, cet extrait est tout à fait caractéristique.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous admettez que cette citation, si
18 elle est exacte, signifie que l'Amérique n'était pas derrière la Slovénie
19 et la Croatie, lorsque celles-ci ont proclamé leur indépendance, l'Amérique
20 y était opposée. C'est bien ce que dit cet extrait. Or, il semble que la
21 thèse de M. Milosevic consiste à dire que l'Amérique était l'un des états
22 conspirateurs pour inciter à la sécession.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit -- si vous m'adressez la
24 question, je vous prie, de m'excuser. Enfin, j'espère que c'est à moi que
25 vous la posez. J'ai déjà dit que la politique américaine effective
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1 découlait d'actes concrets; les déclarations de l'ambassadeur Zimmerman,
2 selon lesquelles la Yougoslavie avait perdu son importance stratégique pour
3 les Etats-Unis, et l'intention de publier le rapport secret de la CIA selon
4 lequel la Yougoslavie disparaîtrait dans les 18 mois à venir, dans le cadre
5 d'un bain de sang. Le refus de l'aide gouvernementale au niveau fédéral
6 pendant six mois à la Yougoslavie sans suppression de cette aide pour les
7 unités fédérales qui faisaient sécession. Enfin, le fait de supprimer la
8 Yougoslavie de la liste des nations les plus favorisées. Tout cela a eu
9 lieu en décembre 1991.
10 Il y a aussi la décision qui avait avoir avec ce qu'il est convenu
11 d'appeler la politique répressive au Kosovo-Metojiha.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous interromps Monsieur Jovanovic,
13 je me souviens de votre déposition sur ces questions, mais pour
14 l'essentiel, est-ce que vous nous dites que M. Baker était hypocrite qu'il
15 disait une chose et en faisait une autre.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je souhaite simplement la réalité des
17 faits, ce qui s'est passé en 1990 et 1991, y compris la visite de M. Baker
18 à toutes les républiques yougoslaves ainsi qu'au gouvernement fédéral au
19 cours du premier semestre 1991, lorsqu'il a établi cette neutralité, cette
20 équidistance par rapport au problème. A mon avis, il ne s'agissait pas
21 réellement d'une neutralité ou d'une équidistance. Il y a eu des signaux
22 adressés aux unités fédérales leur disant qu'elles n'avaient pas à craindre
23 le recours à la force de la part du gouvernement fédéral, et qu'elles
24 pouvaient donc faire sécession. Sa déclaration de 1995 est sans doute due à
25 la nécessité de reporter une partie de la responsabilité du démantèlement
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1 violent de la Yougoslavie sur les épaules de quelqu'un d'autre.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur
3 Milosevic.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Je dois raccourcir parce que je ne
5 vais pas toutes les questions que j'avais prévu de poser. Je n'ai pas
6 besoin de citer Clinton qui a joué un rôle-clé dans la conclusion de
7 l'accord de Dayton. C'est un fait connu de tous et j'espère que vous êtes
8 suffisamment au courant également du rôle qu'il a joué dans le
9 rétablissement de la paix. Cependant, il y aura des moments, j'espère, où
10 nous aurons la possibilité d'entendre ou de voir Jelena Guskova qui
11 s'occupe de la crise yougoslave depuis de très nombreuses années.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur Jovanovic, vous avez parlé d'Hubert Vedrine, ministre des
14 Affaires étrangères françaises ?
15 R. Oui.
16 Q. Je souhaite attirer votre attention à l'intercalaire numéro 10, Le
17 Monde, "François Mitterrand", article de François Vedrine, qui a travaillé
18 étroitement avec le Président Mitterrand.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 10 ?
20 M. NICE : [interprétation] Est-ce que vous voulez prendre une décision ?
21 Est-ce que la Chambre de la première instance souhaite prendre une décision
22 à l'égard de l'intercalaire 13, à savoir si ceci peut être versé ou non ?
23 Etant donné que l'auteur viendrait peut-être témoigné.
24 M. KAY : [interprétation] Les intercalaires 13.2 et 13.1 sont des
25 intercalaires qui ont fait l'objet de recherches de la part la Chambre de
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1 première instance. D'après moi, ces intercalaires devraient constitués des
2 pièces à conviction.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme c'est la pratique ici,
5 le témoin a témoigné lui-même. Donc, nous n'allons pas admettre le
6 versement de cet intercalaire au dossier.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas bien compris, Monsieur
8 Robinson, pourquoi vous refusez d'entendre ces citations à propos
9 desquelles j'ai posé tellement de questions à M. Jovanovic et qui a fait
10 l'objet d'une partie de son témoignage. Pourquoi ceci ne peut-il pas être
11 versé au dossier ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parce que cela ne nous est pas
13 utile. Le témoin a témoigné lui-même, donc cela n'ajoute pas grand-chose.
14 Cela ne présente pas une quelconque utilité.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez appeler Jelena Guskova
16 si vous souhaitez verser ce document au dossier.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Si cela s'applique à tous les
18 ouvrages, à ce moment-là aucun ouvrage ne devrait être versé au dossier.
19 Vous pouvez toujours dire qu'on doit citer à la barre l'auteur de ces
20 ouvrages. Vous avez accepté le versement au dossier d'un certain nombre
21 d'ouvrages.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons pris une décision à
23 cet égard. Veuillez poursuivre, Monsieur Milosevic.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Très bien.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Jovanovic, je parle de l'ouvrage de M. Vedrine. Je vais
2 vous demander de lire ces citations étant donné que vous parlez français.
3 Certaines citations ont été soulignées à la page 618, le sous-titre est
4 Maastricht, et après le deuxième paragraphe, on parle d'après Maastricht. "
5 Je vous demande de bien vouloir nous le lire, s'il vous plaît.
6 R. Vous souhaitez que je le lise en anglais ou en français ?
7 Q. Lisez-le en français, s'il vous plaît, parce que le livre a été
8 écrit en français et vous n'avez pas de traduction anglaise ?
9 R. J'ai la traduction anglaise.
10 Q. Je vous demande de bien vouloir lire ceci dans l'original puisque
11 l'auteur est Français et l'ouvrage a été écrit en français ?
12 R. [en français]"Après Maastricht, le 14, Javier Perez de Cuellar
13 regrette que l'on s'apprête à rencontrer les républiques ex-yougoslaves de
14 manière précoce, sélective et non coordonnée."
15 Q. Hubert Vedrine, l'ancien ministre des Affaires étrangères parle
16 de Mitterrand ici.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que ceci pourrait être considéré
18 comme quelque chose d'authentique.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A quelle fin ? Il me semble
20 que vous répétez la question. Nous avons déjà abordé cette question.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson, mais ---
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez de la
23 reconnaissance prématurée par ces pays.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Monsieur Robinson, vous nous dites
25 toujours qu'il vous faut avoir des éléments de preuve complémentaires de
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1 façon à étayer votre affirmation. Vous savez que ceci a été prouvé. Je n'ai
2 pas besoin de vous fournir des éléments de preuve supplémentaires. Je suis
3 tout à fait satisfait de m'en tenir à cela.
4 M. MILOSEVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Jovanovic, encore quelques citations qui s'intitulent :
6 "Les années de François Mitterrand" écrit par M. Vedrine. Auriez-vous
7 l'amabilité de bien vouloir lire le paragraphe suivant, s'il vous plaît ?
8 Cela --
9 R. [en français] "-- pour apporter des garanties est pourtant
10 dangereuse. Même sous Tito, l'accord de trois communautés de Bosnie-
11 Herzégovine (Musulmans, Serbes, Croates) était apparu, si nécessaire, à la
12 bonne marche de cette république qu'on l'avait institué, comme je l'ai
13 rappelé, pour prescrire toutes les décisions. La majorité des voix ne
14 suffisaient pas car, arithmétiquement, deux communautés bosniaques sur
15 trois, s'auraient vu imposer aisément à la troisième une mesure
16 inacceptable pour elle. Le référendum est donc dans le cas de l'espace
17 bosniaque une fausse bonne idée, une démarche apparemment démocratique en
18 effet incendiaire, sauf s'il vient de parachever une négociation réussie,
19 ce qui ne sera pas le cas, au contraire. Robert Badinter observe que, dans
20 l'esprit des membres de sa commission, il s'agissait avant tout en en la
21 force,"
22 [interprétation] Il n'y a pas de suite ici. Cela se termine ici. Je
23 vais simplement voir où cela se trouve. Il s'agit de la fin du passage en
24 question, la phrase n'est pas terminée.
25 Q. Bien, ce que Badinter a dit ici --
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1 R. Oui, cela n'a pas d'importance.
2 Q. Pour que ceux que cela intéresse, vous pouvez faire les recherches ici.
3 R. C'est le dernier passage.
4 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, François Mitterand est nommé ici le 23
5 février 1993.
6 R. [en français] "François Mitterrand réévoquera cette période devant
7 Andreas Papandhréou : 'Tout cela a été une suite d'erreurs : l'action
8 allemande, l'ignorance américaine, les hésitations italiennes car les
9 interventions du Saint-Siège ont paralysé l'Italie. En fait, l'Allemagne se
10 considère comme l'héritière légitime de l'empire austro-hongrois et reprend
11 à son compte la vieille rancune autrichienne contre les Serbes.'"
12 Q. Pour autant que je comprenne, il s'agit de quelque chose qui est
13 extrait de l'ouvrage d'Hubert Vedrine, mais il a cité François Mitterrand
14 directement ici dans son ouvrage sur Mitterrand.
15 R. Oui.
16 Q. Parce qu'il était présent lors de la réunion qui s'est tenue avec
17 Papandhréou.
18 R. C'est exact. C'est une citation. C'est une citation, le dernier passage
19 que j'ai lu, une citation du livre.
20 Q. Ce qui est écrit ici, ce qu'a dit Mitterrand, est-ce
21 Exact, étant donné que vous connaissez le comportement de l'Allemagne et de
22 ces activités.
23 R. Malheureusement, ceci est exact. J'ai déjà fait allusion à ceci, mais
24 on peut dire beaucoup de choses à cet égard. Tout au cours de la crise
25 yougoslave et dès le début, elle s'est comportée de façon très partiale et
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1 très ouvertement, a soutenu une partie, à savoir la sécession de la
2 Slovénie et de la Croatie. Comme je l'ai dit hier, le ministre Genscher, un
3 ou deux jours, en réalité, avant que ces républiques n'aient proclamé leur
4 indépendance, il a, devant la communauté européenne, soulevé la question de
5 l'indépendance "qui serait bientôt proclamée." Donc, il a anticipé sur la
6 proclamation.
7 Q. Monsieur Jovanovic, pour ce qui est du conflit en Bosnie-Herzégovine,
8 et du type de conflit, pourriez-vous citer ces propos, les propos de
9 Vedrine, à la page 634. Au tout début de cet extrait, s'il vous plaît.
10 R. [en français] "En Bosnie, répétons-le, il n'y a pas un envahisseur ou
11 un envahi comme au Koweït, mais trois communautés bosniaques qui, avec des
12 aides extérieures, se disputent le terrain, des vallées et des montagnes
13 dans l'ensemble du pays, l'une d'entre elles étant plus belliqueuse."
14 Q. D'après vous, quel type de conflit y avait-il en Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Il s'agissait d'un conflit entre les trois communautés. C'était un bon
16 exemple d'une guerre civile qui a commencé pour les raisons que j'ai
17 évoquées hier, car il y avait deux communautés contre une troisième et ils
18 ont participé au référendum parce qu'un référendum leur a été imposé.
19 D'autres points de vue ont été avancés par les hommes politiques étrangers,
20 il s'agissait d'une guerre civile. Opinion avancé par non seulement par
21 Vedrine, mais, également par le président Clinton à deux reprises,
22 lorsqu'on a exercé une certaine pression sur lui pour qu'il intervienne en
23 Bosnie-Herzégovine. A l'époque, il n'était pas disposé à le faire, et deux
24 fois, en public, en Bosnie lorsqu'il a parlé de la guerre civile. Il a dit
25 ceci en public. Plus tard, lorsqu'il a changé d'avis, il a commencé à
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1 préparer son intervention militaire en Bosnie-Herzégovine par
2 l'intermédiaire de l'OTAN. Autrement dit, les trois parties menaient une
3 guerre fratricide, une guerre civile, une guerre religieuse, et il y avait
4 également une guerre civile séparée menée entre deux parties musulmanes
5 distinctes. Il y avait la partie sécessionniste, de l'autre côté il y avait
6 les dirigeants du peuple musulman. Par voie ce conséquence, si les trois
7 parties étaient en conflit perpétuel, et si une des parties était divisée
8 en deux et était en conflit l'une contre l'autre, on ne pouvait pas parler
9 de conflit international. Il est vrai que ces trois parties étaient en
10 conflit, que des gens ont aidé et encouragé de l'extérieur, à ce moment-là,
11 il ne s'agirait pas de guerre civile sans aide extérieure, sans soutien de
12 l'extérieur.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, une partie de
14 cette citation se termine en disant qu'une des communautés était plus
15 belliqueuse que les autres. De quelle communauté faisait état Hubert
16 Vedrine lorsqu'il parlait de celle-ci ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose qu'il entendait la communauté
18 serbe, parce que la communauté serbe était victime de ces manipulations
19 politiques lorsque le référendum a été organisé. Les constitutions de la
20 Yougoslavie ainsi que celle de la Bosnie-Herzégovine garantissaient le
21 statut de nations constituantes aux républiques yougoslaves, et là, il
22 s'agissait de réduire les Serbes à une position de minorité. C'était
23 quelque chose auquel nous pouvions nous attendre lorsqu'on a demandé à la
24 Bosnie-Herzégovine d'organiser un référendum condition sine qua non à son
25 accession à l'indépendance.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que vous
2 allez bientôt terminer votre interrogatoire principal ou allez-vous le
3 terminer maintenant ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore quelques questions en suspens que
5 je n'ai pas encore posées, donc je ne peux pas terminer mon interrogatoire
6 encore. Si vous souhaitez faire une pause, je l'accepte maintenant, je
7 l'accepterais volontiers.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Combien de temps vous faut-il
9 encore ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas plus d'une demi-heure, j'espère.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause
13 maintenant.
14 Monsieur Nice, nous allons avoir un débat que l'on ne peut pas
15 véritablement appeler une audience, mais nous allons vous demander de
16 prendre la parole lorsque nous reprendrons.
17 M. KAY : [interprétation] Qu'en est-il de l'intercalaire 10, s'il vous
18 plaît, pièce versée ou non ?
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
20 M. NICE : [interprétation] Alors cette pièce est-elle versée ou non ? Qu'en
21 est-il ?
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons accepter le versement au
24 dossier de cette pièce.
25 Nous allons faire une pose de 20 minutes.
Page 36226
1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 14.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme je vous l'ai précisez plus
4 tôt, nous allons avoir un court débat sur cette requête. M. Sasa Obradovic
5 est présent dans le prétoire. Je vous demande de bien vouloir vous
6 s'asseoir. C'est le représentant du gouvernement de la Serbie et du
7 Monténégro.
8 Monsieur Nice, le premier point : est-ce que nous allons être en audience
9 publique ou en audience à huis clos partiel ?
10 M. NICE : [interprétation] Etant donné l'objet de préoccupation de la
11 Serbie et Monténégro, il serait peut-être préférable de commencer à huis
12 clos partiel et de nous accorder la liberté de passer en audience publique
13 par la suite.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, nous allons commencer à
15 huis clos partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
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11 Pages 36227-36257 expurgées. Audience à huis clos partiel.
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20 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 16 février
21 2005, à 9 heures 00.
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