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1 Le mercredi 23 février 2005
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous voulez dire
7 quelque chose.
8 M. NICE : [interprétation] Deux choses, Monsieur le Président. Tout
9 d'abord, les lettres, hier, datées du 1er août 1995, dont j'ai parlé, les
10 lettres qui ont été envoyées par l'accusé à Izetbegovic et Mladic, j'ai
11 indiqué que c'était en anglais. L'accusé a contesté. La Chambre se
12 souviendra que j'avais indiqué que je n'étais pas en mesure de fournir ces
13 documents, mais que j'allais faire tout mon possible pour les fournir, et
14 quoi étant tout à fait certain que la lettre d'introduction de la part de
15 l'accusé était en anglais et que les traductions anglaises ont été fournies
16 par Belgrade. J'ai vérifié et, en effet, les originaux étaient serbes et en
17 caractères cyrilliques qui plus est. C'est là une rectification que je
18 fais, et je vous les communiquerais dès que possible. Ce sont là des choses
19 qui échappaient à mon contrôle.
20 Deuxième point. Hier, pendant la majeure partie du contre-interrogatoire au
21 sujet de l'intercalaire 8, il a été exprimé des appréhensions. J'ai soulevé
22 une objection. La Chambre l'a rejeté. Il me semble que les conclusions que
23 l'accusé a convié la Chambre à faire pour ce qui est des documents
24 possibles, il me semble qu'ils en aient d'autres qu'ils seraient plus
25 utiles à la Chambre. Il s'agit, bien entendu, du site Internet des Nations
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1 Unies et de la grande quantité de documents que l'on peut télécharger de ce
2 site. Il me semble là qu'il s'agit de questions plus ou moins neutres. On
3 saurait y trouver également les transcriptions -- les comptes rendus
4 d'audience, elle-même, au moment où les représentants des différents pays
5 ont pris la parole. Bien entendu, vous êtes au courant de tous ces
6 éléments-là. Il est évident que l'intercalaire 8 n'a pas été mentionné, et
7 étant donné ce qui figure à la fin de l'intercalaire 8, je ne suis pas
8 surpris de constater que cela n'a pas été mentionné. Cela ne fait que
9 confirmer que le document en question n'a pas été pris en considération
10 lorsqu'on a évoqué et lorsque les intervenants ont pris la parole. En sus
11 de cela, il y a deux télégrammes et une lettre envoyés par la Yougoslavie
12 au conseil de Sécurité, chose qui a précédé à la prise de la décision dont
13 on a parlé. Il existe également un document dont vous avez parlé. Il s'agit
14 du document d'un rapport du 26 mai 1992; suite à cela, il y a eu adoption
15 de la Résolution 752 du conseil de Sécurité. Tout ceci est disponible au
16 site Internet, bien entendu, si vous êtes intéressé par la lecture de ces
17 documents.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic, à vous.
19 Je pense que vous pourrez terminer les questions complémentaires que vous
20 avez à poser à ce témoin, et ne pas perdez pas de vue du fait que ce témoin
21 ait resté ici quatre jours.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne perds pas de cela de vue.
23 LE TÉMOIN: VLADISLAV JOVANOVIC [Reprise]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 Nouvel interrogatoire par M. Milosovic : [Suite]
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jovanovic.
2 R. Bonjour.
3 Q. Vous avez indiqué à un moment donné que l'UCK a été l'infanterie de
4 l'OTAN et que cela a été une armée en terme pratique aux côtés de l'OTAN.
5 On vous a demandé : partant de quoi, pouvez-vous affirmer cela ? Je suppose
6 que vous vous en souvenez.
7 R. Oui.
8 Q. Vous en souvenez-vous d'abord de l'avoir dit et d'avoir été interrogé à
9 ce sujet ?
10 R. Oui.
11 Q. Bon. J'ai ici des photocopies de journaux qui transmettent les dires de
12 Ramush Haradinaj, qui se trouve être à présent soit disant premier ministre
13 au Kosovo, et s'est intitulé : "L'OTAN et l'UCK, une seule et même armée."
14 On dit : "Les soldats officiers qui sont arrivés ont travaillé avec nous
15 comme s'il s'agissait d'une même armée." Je voudrais que ceci soit placé
16 sur le rétroprojecteur. C'est bien ce que l'on dit ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que cela
18 découle du contre-interrogatoire et de quelle façon cela découle-t-il de
19 celui-ci ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois comprendre qu'on a remis en question
21 ce qu'a affirmé M. Jovanovic, à savoir que l'UCK était pratiquement là pour
22 jouer le rôle d'une infanterie de l'OTAN. La question de votre part a été
23 celle de demander partant de quoi affirmez-vous cela. Il n'a pas pu vous
24 présenter une preuve matérielle, or, je l'ai. Ce même Haradinaj dit :
25 "l'OTAN et l'UCK comme une seule et même armée." Cela peut être vu dans ce
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1 texte-ci.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui a posé cette question, Monsieur
3 Milosevic ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande pardon.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui a posé cette question ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, c'était l'un
7 des Juges, Monsieur, qui a posé cette question. Il me semble que c'est M.
8 Bonomy qui a posé cette question.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Traitez de cela aussi
10 brièvement que possible.
11 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai hésité en attendant
12 de voir ce qui allait se passer, mais il me semble que, même si j'avais
13 contesté la question ou fait la mienne de la question posée par les Juges
14 de la Chambre à ce sujet, ce document ne serait être admissible étant donné
15 qu'il s'agit de l'opinion d'un tiers qui est présenté dans un journal. Je
16 répète, une fois de plus, avec tout le respect que je vous dois, je ne
17 voudrais pas que l'on ait l'impression que je ne veux pas autoriser
18 l'accusé à se servir du document qu'il souhaite utiliser. Il faut
19 reconnaître qu'il s'agit de problèmes qui peuvent faire l'objection suite -
20 - qui peuvent être soulevés après des objections formulées par mes soins.
21 Vous vous souviendrez qu'il y a eu des limitations lorsque nous avons voulu
22 proposer nous-mêmes certains documents après le contre-interrogatoire. Vous
23 vous souviendrez que M. Lilic avait voulu montrer des documents
24 complémentaires et la chose a été refusée. A notre avis, la Chambre devrait
25 adopter une attitude conservative pour ce qui est d'autoriser ou de ne pas
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1 autoriser l'accusé à verser au dossier des documents qui n'ont aucune
2 valeur probante.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il s'agit d'une question que
4 j'ai soulevée et j'ai autorisé l'accusé à traiter de la question, mais,
5 brièvement - alors, très brièvement - Monsieur Milosevic. Voyons si le
6 témoin peut nous indiquer quoi que ce soit au sujet de cet article de
7 journaux. S'il ne peut pas le faire, nous n'allons pas le verser au
8 dossier.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson, mais je dois
10 vraiment attirer votre attention sur les objections que formule M. Nice au
11 sujet de tout ce qui est dit ici. Pour lui, cela n'est pas pertinent, c'est
12 pertinent pour lui quand il veut verser aux deux dossiers des intercalaires
13 qui n'ont aucune signification pour ce qui est de la teneur des résolutions
14 des Nations Unies qui sont traitées comme si cela était clandestin, alors
15 que quand on montre les journaux qui ont été publiés avant que cela n'est
16 été créé, et cela a été fait en public, on m'a dit que cela n'est pas
17 pertinent. C'est une partie de sa tactique de mystification du contre-
18 interrogatoire et de la façon dont on pose des questions d'une manière
19 générale. Pourquoi faire de quelque chose, une chose publique, alors que
20 cela peut être secret. Je crois que vous devriez le prévenir de cela.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne veux pas,
22 en ce moment-ci, que les parties jouent au ping-pong entre elles, étant
23 donné que cela risque de voir la partie adverse se lever. Monsieur Nice, je
24 ne veux rien entendre à ce sujet étant donné qu'il n'y a pas eu d'offense à
25 votre égard.
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1 M. NICE : [interprétation] Mais il n'y a pas eu d'offense, Monsieur le
2 Président, mais, si je puis l'expliquer, il s'agit d'un problème auquel
3 fait face l'accusé étant donné qu'il ne veut pas accepter d'aide juridique.
4 Je crois que l'accusé n'a pas compris quel est le fondement pour le
5 versement au dossier de certains documents. Je ne peux peut-être pas
6 l'aider moi-même, mais M. Kay pourrait peut-être le lui expliquer pendant
7 la pause.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. M. Kay, sans doute, a entendu
9 ce que vous venez de dire. Veuillez continuer, Monsieur Milosevic. Je vous
10 demande de continuer et de me dire de combien de temps vous allez avoir
11 besoin.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas avoir besoin de plus d'une
13 demie heure à moi, que je ne sois interrompu à tout bout de champs. Je
14 comprends des raisons à des interruptions
15 M. MILOSEVIC : [interprétation] Monsieur le Témoin, les affirmations
16 que vous avez faites ici sont plus explicites que ce que nous dit, qui
17 affirme que l'UCK et l'OTAN ne sont qu'une seule et même armée. Il
18 mentionne également le fait que les forces serbes ont été utilisées avec un
19 recours à la force démesuré. Il dit s'emparer de Kijevo et continuer des
20 opérations tels que Decani et Prilep, ainsi de suite, qui montre qu'ils
21 l'ont fait précisément et que la police n'a fait que réagir à leurs
22 actions. Il dit : Je pensais que le Kosovo devait être mis sens dessus
23 dessous à fait que les Albanais de toutes les façons frappent les forces
24 serbes. J'avais à l'esprit une déstabilisation totale, chose qu'a faite
25 l'OTAN en frappant partout et à tout moment.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, posez votre
2 question au témoin.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Jovanovic, avez-vous connaissance que du fait que l'OTAN et
5 l'UCK ont constitué une seule et même armée comme l'affirme Haradinaj ?
6 R. Je le sais, à plusieurs titres, que des éléments secrets et publics me
7 l'ont fait affirmé. Bon nombre d'explications ont été avancées dans les
8 livres rédigés par les dirigeants de l'UCK. Cela a été repris dans une
9 déclaration d'un officier de l'armée de l'Albanie qui a pris part au combat
10 et qui a pris part à la participation du passage de l'armée de l'UCK depuis
11 l'Albanie vers le Kosovo pour aider -- attirer vers eux les soldats de
12 l'armée yougoslave afin que l'OTAN puisse les frapper plus facilement.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, est-ce la seule
14 source de vos connaissances à ce sujet ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de cette bataille à proximité de
16 Kosara, qui se trouve non loin de la frontière albanaise, il est bon nombre
17 de déclarations et de confirmations.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. La question qu'on vous a
19 posée se rapportait à la corrélation qu'il y avait entre l'OTAN et l'UCK.
20 Est-ce votre seule source d'information ? Est-ce que d'autres personnes ont
21 écrivent ? Si cela est le cas, je crois qu'il n'y a aucune raison de vous
22 poser des questions à ce sujet.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'éléments publics que les moineaux
24 même sur les branches connaissaient. Les contacts entre l'UCK et l'OTAN
25 étaient à tel point proches que tous les moineaux le savaient.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous étiez ministre des Affaires
2 étrangère de ce pays et vous êtes ici pour témoigner au sujet d'éléments
3 pertinents qui relèves de votre domaine d'intervention, et là on vous pose
4 des questions au sujet de ce qui a été publié dans un journal.
5 R. Tous les journaux, tous les médias du monde ont écrivent au sujet de la
6 bataille de Kosara et on a dit que les Albanais passaient depuis l'Albanie
7 et qu'il y a eu une action synchronisée avec l'OTAN. Je ne sais pas de quoi
8 -- avez-vous besoin de plus pour vous en rendre compte ? La presse
9 occidentale l'a rapportée en long et large, et le fait est que l'UCK sur le
10 terrain au Kosovo, à l'occasion des bombardements, avait disposé de
11 téléphones cellulaires, choses qu'elle ne pouvait se procurer d'ailleurs si
12 ce n'est de la part des pays occidentaux.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois que
14 vous avez suffisamment exploité -- exploré cette question, je vous demande
15 de passer à une autre question.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quelle date cet article de presse a
17 été publié ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas, c'est maintenant un document
19 qui se trouve sur le rétroprojecteur, vous pouvez voir la date, mais c'est
20 un extrait du livre de Ramush Haradinaj. Les questions de confession sur
21 les modalités des préparatifs pour la guerre au Kosovo et Metohija, et je
22 vous demande de passer sur le rétroprojecteur la page précédente, où l'on
23 dit tout à fait clairement -- ou il a tout à fait clairement d'imprimer sa
24 déclaration, l'UCK et l'OTAN, une seule et même armée.
25 Je m'excuse, c'est la date du 9 janvier 1993, cela a été publié en date du
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1 9 janvier 2003.
2 Les éléments et la vérité fait surface tôt ou tard et je crois que les
3 choses sont tout à fait claires pour tout et chacun. Je crois que vous
4 serez parmi ceux qui comprendront où est la vérité.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer vos questions
6 complémentaires; sinon, je vais vous interrompre.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur Jovanovic, savez-vous qu'en vertu des documents des Nations
9 Unies, l'UCK était censée être désarmée ?
10 R. La Résolution 1244 qui réglemente la cessation des hostilités et qui
11 prévoie l'arrivé d'une mission civile et militaire sur ce territoire
12 souligne que l'UCK doit être démilitarisée. La démilitarisation, selon mon
13 interprétation et selon l'interprétation qu'en font ceux qui si
14 connaissent, signifie désarment également.
15 Q. L'UCK, y compris tout ces meurtriers tous ces criminels qui ont pris
16 des photos avec des têtes de Serbes coupées, est-ce que cela a été
17 rebaptisé Corps de protection du Kosovo en armes, mais avec un changement
18 de nom seulement ?
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je vous demande de ne pas
20 répondre à cette question. C'est une question qui ne découle pas du contre-
21 interrogatoire.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation] M. Nice a dit que je me suis servi, comme
24 il l'a dit, des nationalistes serbes pour évoluer dans ma carrière. Ne
25 savez-vous pas qu'en 1989 j'étais président de la République de Serbie ?
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1 R. Oui.
2 Q. J'étais président de la présidence de Serbie plutôt et, un an plus
3 tard, à l'occasion de ces premières élections un peu répartîtes je suis
4 devenu président de la République de Serbie.
5 R. Oui. Je crois qu'en 1989, vous étiez président de la Présidence, un
6 organe collégial et l'année d'après.
7 Q. C'est en cette capacité-là que j'ai pris la parole à Gazimestan au
8 Kosovo et auparavant j'ai été élu. J'ai déjà occupé les fonctions les plus
9 élevées; les plus éminentes est-ce contesté ?
10 R. Non.
11 Q. Quel est le progrès au niveau professionnel que je pouvais faire si
12 j'avais d'or et déjà occupé les fonctions les plus élevées ?
13 R. Je ne comprends pas parce que vous étiez déjà au sommet.
14 Q. Oui. Personne n'a pas essayé le comprendre. Veuillez m'indiquer --
15 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
16 M. NICE : [interprétation] Les questions de l'accusé n'ont probablement
17 aucune valeur, et il se peut qu'il en aille de même pour ce qui est des
18 réponses, mais il n'a pas présenté avec exactitude la thèse de
19 l'Accusation. Je crois que son élévation de pouvoir s'est faite dans un
20 certain contexte et dans certaines circonstances. Je crois avoir exprimé
21 mon opinion de façon tout à fait prudente et précise.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, allez de
23 l'avant.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais aller de l'avant.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Jovanovic, on vous a posé des questions au sujet du plan
2 Cutileiro. A l'occasion des négociations au sujet du plan Cutileiro, est-ce
3 que quiconque aurait pris part aux négociations en provenance de la
4 Yougoslavie et de la Serbie ?
5 R. Non.
6 Q. Est-ce qu'à l'occasion de ces négociations organisées par l'ambassadeur
7 Cutileiro, suite à une instruction de la part de la conférence sur la
8 Yougoslavie, il n'y a eu que participation des trois parties impliquées en
9 Bosnie-Herzégovine, sans présence de quiconque de Yougoslavie, de Croatie
10 ou d'ailleurs, de quelque autre pays extérieur à la Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Oui, ce n'était qu'une réunion tripartite des trois groupes ethniques
12 constitutifs de la Bosnie-Herzégovine en présence, bien entendu, de
13 l'ambassadeur Cutileiro. Il n'y a pas eu de personnalités autres.
14 Q. Ces parties en présence se sont consultées en présence de M. Cutileiro
15 et ont convenu d'accepter ce plan avant qu'il n'y ait quelque hostilité que
16 ce soit ?
17 R. Oui, c'est exact. Il s'agit d'un document portant sur l'aménagement
18 constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine suivant des principes cantonaux,
19 ou quelque chose de ce genre.
20 Q. Je vous demande maintenant de vous pencher sur l'intercalaire 22 qui se
21 rapporte à l'année 1993. Ce qui m'intéresse, c'est seulement un petit
22 élément bref dont il est question tout à la fin. On dit : "Unilatéralement
23 et au premier plan, on jette la culpabilité sur les Serbes de Bosnie, et la
24 condamnation des Croates de Bosnie est très faible quoique les Russes aient
25 demandé à ce que soient condamnés les combats en Bosnie Centrale et à
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1 Mostar, puisque la guerre faisait rage déjà entre les Croates et les
2 Bosniens." Une fois de plus, toute la culpabilité est rejetée vers les
3 Serbes de Bosnie.
4 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse, mais il s'agit de commentaires. Si
5 vous vous penchez sur l'intercalaire 22, ce que l'accusé vient de dire, et
6 peut-être ai-je mal compris quelque chose, mais tout ce qu'il a dit ne
7 constitue, en réalité, qu'un commentaire qu'il présente en guise
8 d'introduction à sa question. Je ne fais pas souvent ce type d'objection,
9 mais il doit réellement s'en tenir à la nécessité de poser des questions
10 compréhensibles.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez vos
12 questions et évitez de faire des commentaires d'introduction.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains fort, Monsieur Robinson, qu'il s'agit
14 là d'un malentendu. Parce que ce que je viens de lire n'est pas un
15 commentaire, c'est une citation du texte qui figure à l'intercalaire 22.
16 C'est une citation. On dit : "Unilatéralement et au premier plan, l'on
17 rejette, une fois de plus, toute la culpabilité vers les Serbes de Bosnie."
18 Je ne fais pas de commentaires, je cite le document que M. Nice a versé au
19 dossier. Cela figure à la fin de ce texte.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bon, posez votre question. Etant
21 donné que vous venez d'apporter cet éclaircissement, veuillez poser votre
22 question.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Ne voit-on pas, ici aussi, qu'il y a une approche permanente du style
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1 deux poids, deux mesures. On a vu le rapport du secrétaire --
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Ceci n'est pas admissible.
3 Posez votre question suivante.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je vais reformuler.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Monsieur Jovanovic, lorsque nous avons analysé le rapport du secrétaire
7 général et la résolution portant mise en place de sanctions, on dit que la
8 JNA s'est retirée et que les forces croates sont restées en Bosnie. Dans la
9 résolution, on met en œuvre des sanctions à l'égard de la Yougoslavie,
10 alors que les Croates ne sont que mollement prévenus de la nécessité de
11 retirer leurs forces de Bosnie.
12 Dans ce télégramme, on dit que toute la culpabilité est endossée par
13 les Serbes de Bosnie et que la partie croate n'est que prévenue assez
14 mollement. Est-ce là un phénomène qui accompagne la crise yougoslave dans
15 toute sa durée ?
16 R. L'attitude des Nations Unies à l'égard de la Serbie a toujours été plus
17 sévère qu'à l'égard des Croates, et encore moins qu'à l'égard des
18 Musulmans, qui n'ont pratiquement jamais été critiqués. Cette attitude a
19 été une constante.
20 Je ne sais pas si c'est là une question politique ou est-ce que c'est
21 là la conséquence de l'évolution de la situation sur le terrain. Cela, je
22 ne peux pas vous le dire, mais je peux dire qu'il y a une hostilité
23 manifeste à l'égard des Serbes de Bosnie qui était présente au travers de
24 tous ces documents, alors que les Croates et les Musulmans de Bosnie,
25 lorsqu'ils se sont battus, et ils se sont battus de façon très acharnée et
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1 cruelle, cet aspect de la guerre n'a pas trouvé son expression dans les
2 documents des Nations Unies. Il n'y a eu que des appels à la cessation de
3 ce type d'hostilités.
4 Q. Monsieur Jovanovic, hier, répondant à une question de
5 M. Nice, vous avez déclaré avoir lu l'ensemble de ces intercalaires. Peut-
6 être l'avez-vous fait plus en détail que moi, car je disposais de moins de
7 temps. Mais je vous demanderais de répondre à la question suivante : suis-
8 je en droit d'avoir le sentiment que, dans tous ces intercalaires, je dis
9 bien dans tous ces documents qui ont trait à la teneur des résolutions
10 relatives à Srebrenica, et cetera, y a-t-il uniquement question des Serbes
11 de Bosnie et est-il exact qu'on y mentionne nulle part la Yougoslavie ?
12 Avez-vous, à quelque endroit que ce soit dans ces résolutions, trouvé le
13 mot Yougoslavie ?
14 R. Si vous parlez des résolutions des Nations Unies, je n'ai trouvé aucune
15 mention de la Yougoslavie, uniquement des critiques adressées aux Serbes de
16 Bosnie, et appels à ce qu'ils se conduisent comme le stipulaient les
17 documents des Nations Unies.
18 Q. M. Nice vous a dit, parce que vous étiez censé être au courant de ce
19 qui s'est passé le 12 juillet, il vous a demandé ce que vous aviez
20 entrepris à cet égard puisque, selon ses termes, ce qui était arrivé à
21 Srebrenica était un crime majeur. Je vais vous soumettre un télégramme
22 d'Akashi, en date du 12 juillet, sans citer l'intégralité du télégramme. Je
23 demande qu'on le place sur rétroprojecteur. En haut, nous lisons, pièce à
24 conviction 713, admise le 28 juillet 2004. Vous avez déjà ce document.
25 Le 12 juillet, et cela se trouve à la fin du premier paragraphe du
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1 télégramme, Akashi écrit : "Aucun rapport faisant état de mauvais
2 traitements physiques n'est arrivé."
3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons sans doute
4 besoin d'un exemplaire de ce texte sur le rétroprojecteur. Cela ne suffit
5 pas pour l'accusé, avec son dédain très caractéristique, de se contenter de
6 dire, vous l'avez, je n'ai pas besoin de m'occuper de cela. S'il souhaite
7 présenter une thèse, il faut qu'il use des pratiques et des règles qui sont
8 celles de la Chambre.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. J'avais cru comprendre que le
10 texte allait être placé sur le rétroprojecteur. Je demande que cela soit
11 fait.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en prie, je vous en prie.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Jovanovic, vous voyez le texte sur votre gauche à l'écran, et
15 j'ai surligné en jaune un passage qui n'est peut-être pas actuellement à
16 l'écran.
17 R. Oui, oui, il est visible.
18 Q. Bien, on le voit. La phrase dont j'ai donné lecture est la suivante :
19 "Aucun rapport faisant état de mauvais traitements physiques n'est arrivé."
20 Ce qui signifie que les Nations Unies, qui disposaient de plusieurs
21 centaines de soldats sur place, des soldats du Bataillon néerlandais, n'ont
22 reçu aucune information sur ce point.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'autorise pas cette question,
24 c'est un commentaire. Quelle est la question ?
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Je reformule. A l'époque, y avait-il qui que ce soit qui aurait pu
2 imaginer qu'à cet endroit qu'un crime aurait été commis ?
3 R. Je n'ai eu aucune connaissance de cela. Je n'en ai pas entendu parler
4 jusqu'à une date assez ultérieure où il a commencé à en être question avant
5 tout aux Nations Unies et dans la presse occidentale. Mais peu de temps
6 après la chute de Srebrenica, nous n'avions aucune connaissance, en tout
7 cas, je n'avais aucune connaissance du fait que des choses horribles s'y
8 étaient déroulées.
9 Q. Ici, on entend très souvent la thèse selon laquelle, en Bosnie-
10 Herzégovine, et là je ne parle ni de la Yougoslavie, ni de la Serbie, mais
11 selon laquelle, en Bosnie-Herzégovine, une politique d'expulsion forcée et
12 de nettoyage ethnique auraient été menés. Quant à vous, vous avez, à
13 plusieurs reprises, dit ce que chacun sait, à savoir que le recours à la
14 violence a été le fait des trois parties en présence, qui ont toutes commis
15 des crimes.
16 Je vais à présent vous soumettre un document qui date du 19 août
17 1992. Je dis bien 1992. Ce document existe en traduction anglaise.
18 On peut placer, sur le rétroprojecteur, la traduction anglaise. Quant
19 à moi, je citerai un passage tiré de l'orignal en serbe. Monsieur
20 l'Huissier, j'ai le texte en serbe. Je vous remets le texte en anglais. Les
21 deux sont identiques.
22 Je n'ai pas vérifié la qualité de la traduction, mais je suppose
23 qu'elle est bonne. La date est celle du 19 août 1992, et le président de la
24 république serbe, comme on l'appelait à l'époque, la République serbe de
25 Bosnie-Herzégovine, était encore Radovan Karadzic, qui a signé ce document.
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1 Ce document a été envoyé à tous les services de Sécurité publique, au
2 ministère de l'Intérieur, au Grand quartier général de l'armée de la
3 Republika Srpska. On lit dans ce document le passage suivant, je cite :
4 "Conformément à notre document du 18 juillet 1992 relatif au respect des
5 normes des lois internationales de la guerre, j'émets, une nouvelle fois,
6 l'ordre." Je dis bien qu'on lit les mots "une nouvelle fois".
7 Ensuite, je passe quelques lignes où il est question du fait que
8 chacun doit se conformer aux conventions de Genève, notamment, à la
9 troisième et à la quatrième convention de Genève. J'aimerais
10 particulièrement appeler votre attention sur le paragraphe 3.
11 Il est ordonné, je cite : "Que les expulsions forcées de population
12 et autres mesures illégales dirigées contre la population civile soient
13 empêchées. Les certificats de vente de biens ou autres déclarations émanant
14 de réfugiés et stipulant que ceux-ci ne reviendront pas n'ont aucune
15 validité juridique et sont déclarés nuls et non avenus."
16 Voilà ce qui est dit dans cet ordre émanant de Radovan Karadzic. A la
17 fin du texte, nous lisons ce qui suit, je cite : "La position générale est
18 que toutes les instances policières et autres instances de l'armée --
19 toutes les instances de l'armée et de la police dans la zone de
20 responsabilité ont le devoir d'enquêter à fond sur toute affaire où il y
21 aurait des raisons de penser que les normes du droit international
22 humanitaire auraient été violées."
23 Au point 5, nous lisons, je cite : "Tous les membres de la police de
24 la république serbe sont tenus de fournir toute assistance aux
25 représentants de la Croix Rouge, du HCR, et d'autres organisations
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1 humanitaires. La sécurité pleine et entière doit être assurée à ces
2 personnes, qui doivent avoir accès, à leur gré, à toutes les prisons où des
3 prisonniers de guerre sont détenus."
4 Par conséquent, la question que je vous pose est la suivante : ceci
5 est conforme à ce que nous avons entendu de la bouche des dirigeants de la
6 Republika Srpska, et nous disposons de documents qui confirment ce fait.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question ? Vous venez
8 de lire un ordre qui interdit les transferts forcés de population, mais
9 quelle est la question qui est liée à cet ordre ?
10 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je suis debout. Je fais
11 remarquer que cette question, si je ne m'abuse, a pris quatre minutes pour
12 être posée, trois ou quatre minutes.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous faites des citations très
14 longues, et lui également.
15 M. NICE : [interprétation] Quelquefois, en effet, Monsieur le Président,
16 mais lorsqu'il n'y a pas de question valable à la fin d'une citation --
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons la question au sujet de
18 cet ordre.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle est très simple, mais il n'y est pas
20 question d'expulsions ou de transferts forcés de population. J'aimerais
21 vous rappeler, Monsieur Robinson --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons la question.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur Jovanovic, selon les informations dont nous disposons, les
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1 dirigeants de la Republika Srpska, ont-ils essayé de prendre et ont-ils
2 pris des mesures destinées à empêcher ceci, et les auteurs de ce genre
3 d'actes, ont-ils été punis ?
4 R. Oui. Nous avons constamment reçu de leur bouche des réponses dans
5 lesquelles ils disaient que ce genre de comportement était banni. Je sais,
6 qu'il y a un an à peu près, un ouvrage est paru où toutes les instructions
7 et ordres de Radovan Karadzic ont été publiés, ainsi que sa correspondance
8 avec des dignitaires internationaux.
9 Q. Non, non, non. Je parle, en ce moment, de l'ordre qui date du mois
10 d'août 1992 et pas de l'ouvrage publié il y a un an. Par conséquent, ma
11 question est très claire : selon les informations dont nous disposions à
12 l'époque, les dirigeants de la Republika Srpska se sont-ils efforcés et
13 ont-ils effectivement pris des mesures afin d'empêcher toute forme de
14 discrimination ethnique et de veiller au respect des conventions de Genève,
15 et cetera ?
16 R. Oui, nous avons reçu ces assurances de leur part.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que ce document soit versé au
18 dossier en tant que pièce à conviction.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, l'une des
20 questions qu'on vous a posée consistait à vous demander si la Republika
21 Srpska s'est efforcée et a, effectivement, pris des mesures pour empêcher
22 ceci de se produire, et si elle en a puni les auteurs. Pouvez-vous citer un
23 exemple de sanction imposée à des auteurs de tels actes dont vous ayez eu
24 connaissance à l'époque ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je ne suis pas absolument au
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1 fait de tous les événements survenus en Bosnie-Herzégovine. Peut-être y a-
2 t-il eu de tels cas pendant la guerre, mais je ne saurais vous donner
3 davantage de détails.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semble que vous vous contentez de
5 confirmer des questions éminemment directrices qui vous sont posées par
6 l'accusé sans disposer d'information personnelle au sujet des circonstances
7 afférentes à tout cela. Ceci me préoccupe, je parle de ces questions qui
8 risquent d'être dépourvues de valeur.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas présent en Bosnie pendant toute
10 la guerre, à part une nuit que j'ai passée à Bijeljina. Par conséquent, je
11 n'étais pas tenu au courant de toutes les évolutions en Bosnie-Herzégovine.
12 Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que je dise davantage que ce que je
13 sais.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur Jovanovic --
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma critique n'est pas adressée à vous.
17 Elle vise le caractère inutile des questions.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, votre dernière
19 question, nous devons un terme à ce débat.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore plusieurs questions, Monsieur
21 Robinson, je ne sais pas pourquoi celle-ci devrait être ma dernière
22 question.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vous autorise à n'en poser
24 qu'une seule.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai plusieurs autres questions à poser. Est-ce
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1 que vous ne m'autorisez pas à les poser ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez encore poser une
3 question et nous mettrons un terme à cette partie de la procédure.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Dans ces conditions, je poserai la
5 question suivante qui figure sur ma liste, mais il m'est à présent très
6 difficile de distinguer entre les questions les plus importantes et les
7 moins importantes.
8 Q. Monsieur Jovanovic, je vous demanderais de jeter un coup d'œil à
9 l'intercalaire 51, à savoir, le rapport du secrétaire général, la date est
10 celle du 30 août.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 51, nous n'avons pas
12 l'intercalaire 51, Monsieur Milosevic; chez nous les intercalaires
13 s'arrêtent au numéro 50.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci se trouve dans les intercalaires fournis
15 par M. Nice. Dans les documents que j'ai reçus qui proviennent de M. Nice,
16 ils ne proviennent pas de moi.
17 M. NICE : [interprétation] Le document est sur le rétroprojecteur en ce
18 moment. C'est une pièce à conviction car il a déjà été versé au dossier.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous l'avons maintenant.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous l'avons trouvé, allez-y.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. En page 1, nous lisons entre autres : "Mon représentant spécial a
23 évoqué la question dans une réunion avec M. Milosevic." La nature de la
24 question est précisée, et je cite : "Divers efforts ont été déployés par
25 mon représentant spécial afin d'obtenir accès à la FORPRONU." Par
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1 conséquent, il s'agit de la possibilité pour la FORPRONU de se rendre à
2 Srebrenica et à Zepa. Je cite : "Mon représentant spécial a évoqué la
3 question lors d'une réunion avec le Président Milosevic -- le 12 août 1995,
4 au cours de laquelle il a parlé de l'engagement pris par le général Mladic
5 vis-à-vis du général Smith sur la question de la possibilité pour le CICR
6 de rencontrer les personnes disparues de Srebrenica. Le président Milosevic
7 a promis de faire tout ce qu'il pouvait pour convaincre le général Mladic
8 d'accorder cette autorisation au CICR, mais a indiqué qu'il avait des
9 difficultés à communiquer avec le général Mladic."
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, étiez-vous
11 présents à cette réunion, la réunion entre le représentant spécial et M.
12 Milosevic ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que je n'étais plus ministre des
14 Affaires étrangères à ce moment-là. C'est probablement M. Milutinovic qui a
15 assisté à cette réunion.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Une dépêche est envoyée le 14 août, je dis bien, le 14 août, plus d'un
19 mois après les événements de Srebrenica. Une dépêche est envoyée le 14 août
20 par Akashi, c'est la pièce à conviction 714.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quelle est la
22 question ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais rappeler l'attention du témoin sur
24 cette dépêche d'Akashi, je dis bien une dépêche envoyée par M. Akashi à M.
25 Annan aux Nations Unies, qui, à l'époque, était sous-secrétaire chargé des
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1 opérations. Nous lisons ce qui suit, je cite.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. "Puisqu'il a été récemment de la bouche de diverses délégations qui
4 l'ont dit à la presse que des problèmes s'étaient en matière de droit de
5 l'homme." C'est dans la dépêche envoyée aux Nations Unies par Akashi, le 4
6 août 1995. Je suppose que ce texte se fonde sur le rapport qui avait déjà
7 été rédigé. A la fin du premier paragraphe de cette dépêche qui va être
8 placée sur rétroprojecteur, je cite : "Des allégations ont été récemment
9 faites dans la presse au sujet de violations de droits de l'homme, ce qui
10 rend une telle autorisation de visites d'autant plus importantes."
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'on place le texte sur le
12 rétroprojecteur, comme d'habitude.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce la pièce à conviction 714 ou
15 713 ? Qu'est-ce qu'on lit en haut de la page ? Oui, 714.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, est-ce que vous
17 avez des connaissances personnelles à ce sujet ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, j'étais encore ministre des
19 Affaires étrangères. J'ai encore conservé ces fonctions pendant quelques
20 jours. Mais, si le télégramme est arrivé, alors que j'étais en fonction,
21 oui, j'en ai eu connaissance.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ce que j'essaie de démontrer
23 ici, c'est que, le 12 août, les événements de Srebrenica n'étaient pas
24 encore connus car si nous jetons un coup d'œil à la résolution du conseil
25 de Sécurité des Nations Unies, intercalaire 57 --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux pas entendre un discours.
2 Contentez-vous de poser une question au témoin.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur Jovanovic, y a-t-il dans ce texte le moindre élément que
5 quelque chose de particulièrement grave s'est produit à Srebrenica ? Est-ce
6 que qui que soit avait la moindre information à ce sujet ?
7 R. Nous n'avions aucune information à ce sujet. Ce document démontre que
8 M. Akashi, non plus, ne savait rien de cela et qu'il déployait des efforts
9 pour tenter d'être informé.
10 Q. Dites-moi, je vous en prie : n'est-il pas clair qu'y compris le 21
11 décembre 1995, date à laquelle le conseil de Sécurité a adopté sa
12 Résolution 1034, je dis bien, en décembre 95, dans la résolution en
13 question, nous lisons les mots, je cite : "Affirme que les violations des
14 droits de l'homme dans la zone Srebrenica, Zepa, Banja Luka, Sanski Most, à
15 partir du mois d'octobre, doivent être l'objet d'enquête approfondie, en
16 bonne et due forme, de la part des Nations Unies et des autres
17 organisations et institutions concernées."
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question, Monsieur
19 Milosevic ?
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Nous lisons ce qui est dit dans ce document. Il est dit qu'une
22 enquête est nécessaire et ceci est dit au moment même où les forces
23 internationales sont à un mois de leur rentrée en Bosnie-Herzégovine ?
24 R. Ceci corrobore ce que vous avez dit à savoir que tout cela à l'époque
25 n'était que rumeur qui avait besoin d'être confirmée par les instances
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1 internationales. Personne n'avait la moindre information définitive et
2 confirmée quant à la réalité de quelque chose qui se serait passée à cet
3 endroit.
4 Q. Lorsque vous avez condamné l'attaque à Srebrenica, est-ce que notre
5 motivation ne résidait pas dans le fait qu'il s'agissait d'une attaque sur
6 une zone protégée par les Nations Unies --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, nous sommes au terme des
8 questions supplémentaires.
9 Monsieur Jovanovic, vous êtes arrivé au terme de votre déposition. Merci
10 d'être venu devant le Tribunal pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous
11 retirer.
12 Nous allons verser au dossier le document dont M. Milosevic souhaitait le
13 versement.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'ordre de Karadzic.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'ordre de Karadzic.
16 Monsieur Jovanovic, vous pouvez vous retirer.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à la conviction
18 279 de la Défense.
19 M. OBRADOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes fonctions
20 s'achèvent ici, cela a été un privilège et un honneur de représenter mon
21 pays devant cette instance.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie d'être venu.
23 [Le témoin se retire]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant l'entré dans le prétoire du
25 témoin suivant, Monsieur Milosevic, vous souhaitiez dire quelque chose ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je tenais à faire une
2 observation, à formuler une objection, en fait, que je considère comme tout
3 à fait justifiée, mais c'est à vous qu'il appartient d'en juger.
4 Hier, au cours de l'interrogatoire par M. Nice, ainsi que durant
5 l'audition du témoin, Diego Arria, si je ne m'abuse, il y a quelques mois.
6 Dans les deux, et ce, de façon inacceptable, un document de la Cour
7 internationale de Justice relatif à la position des sanctions a été
8 utilisé. Mon objection vient du fait que vous n'avez opposé aucune
9 réprimande à M. Nice pour la façon dont il s'est servi de ce document. En
10 effet la Cour internationale de Justice n'a pas étudié l'affaire sur le
11 fond. Elle s'est contentée de reprendre certaines affaires de la Bosnie-
12 Herzégovine.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interrompe ici,
14 Monsieur Milosevic. Si vous avez une objection à faire quant au fait que M.
15 Nice a utilisé l'affaire soumise à la compétence de la Cour internationale
16 de Justice vous pouvez la présenter en temps utile.
17 Avant l'entrée dans le prétoire du témoin suivant, je voudrais
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tirer profit de l'occasion qui m'est
20 donnée pour exprimer les positions de la Chambre et indiquer quelles son
21 ses conclusions quant à la façon dont les deux parties font usage du temps
22 qu'ils leur est imparti. Ma première observation s'adressera à l'accusé. La
23 deuxième concernant l'Accusation.
24 Monsieur Milosevic, jusqu'à présent, vous avez cité à la barre 19 témoins.
25 Votre dernière liste de témoins indiquait que vous souhaitiez entendre 27
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1 témoins. Selon les estimations faites par vous, il faudra 108 heures pour
2 entendre ces 27 témoins et, à raison de quatre heures par jour, cela nous
3 fait 27 jours d'audiences. Si l'on ajoute à cela les deux tiers du même
4 temps destinés aux contre-interrogatoire par l'Accusation, cela nous fait
5 18 jours de plus, ce qui au totale nous amène à 45 jours pour l'audition
6 complète de 27 témoins. Pour l'instant vous avez déjà utilisé 30 jours, à
7 ce rythme vous en arriverez à une durée de 75 jours pour l'audition des 27
8 témoins qui constituent l'intégralité de votre liste; 75 jours sur les 150
9 jours qui vous ont été imparties au départ. Or, ces 75 jours ont été
10 consacrés à l'audition de 27 témoins, plus les 19 que vous avez déjà
11 entendus, à savoir, un total de 46 témoins.
12 Ce qui est encore plus alarmant, c'est que, sur votre dernière liste de
13 témoins, on trouvait également les témoins du Kosovo, ce qui fait qu'à la
14 fin de ces 75 jours, à savoir, la moitié du temps total qui vous a été
15 impartie, selon les estimations les plus optimistes, un tiers seulement de
16 la thèse de la Défense aurait été présenté.
17 Je regarde cette liste de témoins et je m'inquiète un peu du temps que vous
18 avez estimé nécessaire pour l'audition de certains de ces témoins. Quatre
19 heures pour l'audition de trois témoins indiquez-vous quelque part sur
20 votre liste. Quatre heures chacun. Pour deux autres témoins, vous dites
21 avoir besoin de six heures pour chacun d'entre eux. Pour deux autres, vous
22 dites avoir besoin de sept heures pour chacun d'entre eux et, pour trois
23 autres, vous dites avoir besoin de neuf heures chacun. Enfin, pour un autre
24 témoin, vous dites avoir besoin de 12 heures.
25 Je vous demande si cela est vraiment la meilleure utilisation
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1 possible du temps qui vous a été imparti. Il y a une autre question encore
2 plus importante qui se pose, à savoir, est-ce bien la meilleure façon
3 d'utiliser le temps de la Chambre ? Notre réponse quant à nous est
4 négative. Nous disons qu'à ce rythme, il est fort probable qu'à la fin des
5 150 jours, qui vous ont été impartis, vous n'aurez cité à la barre que 100
6 ou 110 ou peut-être 120 témoins au maximum.
7 La Chambre tient à être très claire quant au fait que la
8 responsabilité ultime de tout cela vous incombe, mais que les Juges
9 vérifieront de très près le déroulement des interrogatoires principaux afin
10 de veiller à ce que le meilleur usage possible soit fait du temps imparti.
11 Les éléments de preuve doivent être pertinents, il n'est pas question
12 qu'ils soient indûment répétitifs.
13 Monsieur Nice, c'est à vous. La façon, dont la Chambre a imparti ce
14 temps, s'appuyait sur certaines attentes vu votre expérience et votre
15 carrière. On s'attendait à ce que les contre-interrogatoires ne nécessitent
16 pas plus des deux tiers du temps consacré à l'interrogatoire principal.
17 Mais, finalement, cela ne s'est pas avéré, la pratique n'a pas confirmé
18 cette hypothèse. D'après nos statistiques, le contre-interrogatoire a
19 représenté quelquefois jusqu'à 80 % du temps qui avait été consacré à
20 l'interrogatoire principal. A cela s'ajoute le fait que vous introduisiez
21 beaucoup de documents lors de votre contre-interrogatoire, ce qui a pour
22 effet de prolonger la partie consacrée aux questions supplémentaires. Nous
23 veillerons aussi à suivre de très près la façon dont vous présentez des
24 documents au moment de votre contre-interrogatoire et vous devrez faire
25 attention vous aussi.
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1 La Chambre voulait informer toutes les parties de cette situation;
2 cela va également pour les conseils commis d'office. Le temps des audiences
3 doit être bien utilisé. Ce qui nous frustre tout à fait particulièrement,
4 Monsieur Milosevic, c'est la façon dont vous, vous utilisez votre temps. Ce
5 n'est pas vraiment la meilleure façon d'agir. Vous n'en tirez pas la
6 meilleure partie. Nous allons être très rigoureux, tout en étant équitable,
7 s'agissant de la façon dont vous utilisez le temps qui vous est imparti.
8 Nous ne cessons de contrôler les audiences et le temps consacré aux
9 dépositions. Nous ne sommes pas satisfaits de la cadence à laquelle nous
10 entendons les témoins et il faudra peut-être qu'en temps utile, que nous
11 demandions l'avis du personnel médical pour lui demander si l'accusé, qui
12 est en bonne santé depuis plusieurs mois, pourrait peut-être travailler
13 quatre jours par semaine, trois semaines par mois.
14 Je voulais dire à l'accusé qu'il a un conseil qui lui a été commis
15 d'office. La Chambre d'appel a, à titre d'exemple, mentionné les façons
16 dont un conseil commis d'office peut vous prêter assistance. Cela va de
17 soi. La Chambre de première instance va nécessairement tenir compte des
18 possibilités qui vous sont accordées, qui vous sont disponibles, Monsieur
19 Milosevic, dans l'estimation du temps.
20 Monsieur Nice.
21 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, nous allons faire de notre mieux pour
22 veiller à ce que le temps, qui est imparti, à savoir, les deux tiers pour
23 le contre-interrogatoire et pour les questions d'intendances, je pense que
24 c'était à l'idée au départ. Ce sera respecté mais amélioré. Je crois que je
25 suis en dessous des 50 % pour le dernier témoin s'agissant du temps
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1 consacré au contre-interrogatoire.
2 J'ai pu mettre en place une certaine pratique avec ce dernier témoin,
3 c'est-à-dire, que je lui ai demandé de lire à l'avance des documents, qui
4 avaient déjà été versés au dossier, pièce de la Défense. Cela a porté ses
5 fruits, me semble-t-il. En effet, le deuxième jour, le témoin a pu répondre
6 plus rapidement que ce n'eut été le cas s'il avait dû parcourir ces
7 documents à l'audience. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, Messieurs
8 les Juges. Est-ce que cette lecture préalable est utile, surtout en vue
9 d'assurer l'économie judiciaire ?
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est utile, mais cela ne peut pas
11 être généralisé.
12 M. NICE : [interprétation] Oui, mais quand on voit la liste des témoins, il
13 y en a plusieurs qui pourraient lire à l'avance des comptes rendus de
14 réunions. Ce serait très utile. Nous en tiendrons compte.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous ai parlé
16 du temps qui vous semblait nécessaire pour certains témoins, quatre heures,
17 six heures, neuf heures, et même pour un, vous avez demandé 12 heures. Vous
18 devez tenter de terminer la présentation de vos témoins le plus rapidement
19 possible. Est-ce qu'il vous faut vraiment autant de temps pour
20 l'interrogatoire principal ? S'agissant de certains témoins, vous avez une
21 heure et demie. C'est bon cela. Mais, je pense que vous ne devriez pas
22 avoir plus d'une journée d'interrogatoire principal par témoin.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, auparavant vous
24 aviez dit que vous alliez présenter vos éléments de preuve oralement, sans
25 vous appuyer sur des déclarations écrites. Pour gagner du temps, et je
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1 parle en mon nom personnel, je vous conseille ceci : pourquoi ne pas
2 présenter certains de vos éléments de preuve par voies écrites, sous forme
3 de déclarations écrites, en appliquant le système du 89(F) ou du 92 bis.
4 Prenez Danica Marinkovic, page 3 de votre liste de témoins. D'après cette
5 liste, vous voulez l'interroger pendant neuf heures, en principal. Si j'ai
6 bien compris, elle est le juge qui a mené l'enquête sur l'incident de
7 Racak. Je sais que c'est un témoin important. Il n'empêche que je ne
8 comprends pas pourquoi il faudrait neuf heures, c'est-à-dire deux journées
9 et demie, pour votre seul interrogatoire principal, alors qu'elle n'a rien
10 à dire de vos actes et de votre comportement personnel. En tant que juge,
11 elle est, à mon avis, à même de produire une déclaration écrite de ce
12 qu'elle a vu, de ce qu'elle a vécu, et ceci en respectant les normes de sa
13 profession. Vous, au moment de l'interrogatoire principal, vous pouvez vous
14 attacher aux questions importantes qu'il faut, elle, aborder oralement ou
15 pour présenter des éléments de preuve qui devraient être versés au dossier
16 par le truchement de ce témoin. Des questions secondaires pourraient être
17 abordées par des déclarations écrites. De cette façon, vous pourriez
18 terminer l'interrogatoire principal en l'espace d'une séance ou deux, ce
19 qui vous ferait gagner beaucoup de temps, temps qui vous est précieux.
20 Je vous conseille de garder ceci à l'esprit lorsque vous allez prévoir
21 votre prochaine liste de témoins.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis prendre la parole, Monsieur
23 Robinson.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, je veux vous dire que vos
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1 conseils sont fort utiles. Je m'efforcerai, pour ma part, d'exploiter le
2 temps disponible de la façon la plus rationnelle qui soit, vraiment la plus
3 rationnelle qui soit. Mais je pense que vous devriez garder à l'esprit,
4 qu'objectivement parlant, étant donné que je n'ai pas disposé de temps
5 suffisant pour moi-même et pour me préparer, je n'utilise pas, aujourd'hui,
6 seulement trois jours. Il me faut travailler cinq ou six jours par semaine,
7 parce qu'il faut que je voie des témoins que je n'ai jamais eu l'occasion
8 de voir. J'ai vu autant de témoins que vous m'en avez laissé le temps. Je
9 n'ai pas pu en voir davantage. Parfois, j'en ai vu deux, voire trois par
10 jour. Comme vous le savez, la partie adverse a eu dix, voire cinq --
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, arrêtez-vous un
12 instant. C'est très pertinent face à une des observations que j'ai faites.
13 Je vous ai entendu, mais lorsque vous procédez à des estimations, ou
14 lorsque je le fais, je ne peux ignorer le fait que vous avez, à votre
15 disposition, des conseils commis d'office dont vous n'utilisez pas les
16 services. Vous avez aussi vos associés.
17 Vous ne sauriez ici invoquer un manque de temps pour vos préparatifs, car
18 vous n'utilisez pas des moyens qui sont à votre disposition. La Chambre
19 d'appel s'est prononcée en la matière. Il vous est impossible -- ce n'est
20 pas possible, cet argument ne sera pas entendu. Il ne sert à rien face à la
21 présente Chambre, et je vais tout à fait laisser de côté cet argument
22 lorsque je déciderai des questions de temps à vous impartir.
23 Si vous utilisiez les conseils commis d'office --
24 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- et si, à ce moment-là, vous avez
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1 encore des problèmes de temps, ce sera autre chose. Mais si vous n'utilisez
2 pas les conseils commis d'office, alors vous n'avez pas le droit de vous
3 plaindre de manquer de temps.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, mes collaborateurs
5 préparent, à mon attention, bon nombre de documents et procèdent à des
6 interviews avec des témoins, ils le font. Vous n'allez tout de même pas
7 contester qu'il faut bien que je voie moi-même des témoins et que je
8 m'entretienne moi-même avec eux. Par conséquent, dans les deux journées
9 ouvrables qui me restent, je ne puis voir que deux témoins. Je ne peux pas
10 en voir 20. Je vous demande de tenir compte des limitations physiques qui
11 sont présentes.
12 Revenons à l'essentiel. Ce que vous venez de constater au niveau des
13 calculs ne fait que montrer que le temps qui m'est imparti est très
14 irréaliste.
15 Deuxièmement, le calcul a été calculé partant d'une pratique. Sans entrer
16 dans les considérations de l'exactitude des calculs, prenons comme vraie
17 l'exactitude des calculs. Prenez M. Nice, qui s'est servi au maximum du 92
18 bis et du 89(F) de votre règlement pour verser au dossier une quantité
19 énorme de documents avec des interrogatoires très brefs au préalable. Cela
20 a été fait au détriment du caractère public de ce qui est en train de se
21 dérouler ici. D'autre part, je veux que les témoins témoignent en public et
22 non pas de verser une benne de camion de documents et vous demander de vous
23 pencher sur la totalité.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Je ne permettrai pas que
25 vous disiez que ceci s'est fait au détriment de l'oralité des débats. La
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1 Chambre l'a dit, il était dit qu'il était possible de présenter des
2 éléments dans ces modalités, et la Chambre, bien entendu, a tenu compte de
3 la nécessité d'assurer cette oralité des débats. Dans vos commentaires
4 récents, vous avez été assez sélectif, car vous n'avez pas dit grand-chose
5 à propos des conseils commis d'office.
6 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'avez pas mentionné
8 l'utilisation des services des Conseils commis d'office. Vous n'avez
9 mentionné que vos collaborateurs qui peuvent vous aider à préparer
10 l'audition des témoins. Je parle ici des conseils commis d'office qui
11 peuvent le faire. C'est ce que dit expressément la Chambre d'appel. Ces
12 conseils commis d'office peuvent vous aider de bien des façons.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, les avocats commis d'office
14 que vous m'avez imposés ne me représentent pas, moi, mais vous représentent
15 vous.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'accepterai pas ce que vous
17 venez de dire, c'est tout à fait inadmissible. Il est inadmissible de dire
18 qu'un conseil commis d'office me représente, moi, et représente la Chambre.
19 C'est une déclaration qui est tout à fait hors de propos, inadmissible, et
20 que vous ne sauriez corroborer.
21 M. KAY : [interprétation] Puis-je confirmer ce que vous venez de dire.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
23 M. KAY : [interprétation] En vertu de l'ordonnance rendue par la Chambre de
24 première instance, il est important de dire que l'accusé avait la
25 possibilité de désigner ses propres conseils. Il n'a pas besoin de Me
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1 Higgins et de moi-même. Il peut en nommer autant qu'il veut, je suppose. Je
2 ne suis pas le début ni la fin, l'Alpha et l'Oméga.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à tout fait vrai.
4 Monsieur Milosevic, vous venez d'entendre ce que je devais vous dire au nom
5 de la Chambre de première instance. Tenez-en compte. Ne vous attendez pas à
6 la moindre indulgence en matière de temps, puisque vous refusez d'utiliser
7 des services qui sont à votre disposition. C'est un avertissement que je
8 vous donne.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, pouvez-vous me dire si
10 quelqu'un, en m'aidant, peut doubler ou tripler le temps que j'ai pu passer
11 ici ? Nous ne pouvons passer ici qu'une journée à la fois. Une journée,
12 c'est une journée,
13 J'interroge mes témoins. Comment voulez-vous, alors, si quelqu'un
14 venait m'aider, c'est comme s'il pouvait, en parallèle, avoir plusieurs
15 procès, en interrogeant plusieurs témoins à la fois, c'est impossible. Je
16 ne crois pas avoir compris votre objection ou vos remarques comme si
17 j'avais posé des questions dénuées de pertinence ou que je gaspillais mon
18 temps. Les témoins qui sont venus ici ont répondu à des questions qui sont
19 importantes pour qu'on puisse connaître la vérité de ce qui s'est passé en
20 réalité, et il en sera de même à l'avenir. Mon intérêt est très
21 certainement --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons
23 suffisamment débattu de la question. Vous avez entendu ce que j'avais à
24 vous dire. Maintenant, appelez le témoin suivant.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à comparaître le témoin suivant,
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1 Dr Vukasin Andric.
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de
4 prononcer la déclaration solennelle.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai
6 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 LE TÉMOIN: VUKASIN ANDRIC [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Asseyez-vous, je vous en prie.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commencez, Monsieur Milosevic.
12 Interrogatoire principal par M. Milosevic :
13 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Andric.
14 R. Bonjour, Monsieur le Président.
15 Q. Aux fins d'une exploitation rationnelle du temps, je me propose
16 de dire quelque chose en guise d'introduction à votre sujet et je vous
17 demande de répondre par oui ou non. Vous êtes né au Kosovo et Metohija.
18 R. Oui.
19 Q. Village de Raka, municipalité d'Urosevac.
20 R. Exact.
21 Q. 1950 ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous êtes docteur en médecine, professeur à la faculté de
24 Médecine, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
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1 Q. Toutes vos écoles, vous les avez faites au Kosovo, mis à part le
2 fait que vous avez fait des études de médecine à Belgrade; est-ce vrai ?
3 R. C'est exact.
4 Q. Veuillez m'indiquer, je vous prie, où est-ce que vous avez
5 travaillé ? D'après les renseignements dont je dispose, après vos études,
6 vous êtes revenu, après la spécialisation, là d'où vous êtes venu, donc au
7 Kosovo et Metohija, et vous avez commencé à y exercer en qualité de
8 médecin.
9 R. En octobre 1973, j'ai commencé à travailler à l'établissement
10 chargé de métier du travail de l'entreprise d'exploitation de l'énergie
11 électrique à Pristina.
12 Q. Avez-vous travaillé depuis la fin de vos études jusqu'à nos
13 jours ?
14 R. Oui, avec une brève interruption, en 1988, quelques mois, j'ai
15 travaillé à Belgrade. Mis à part ces quelques mois, j'ai passé toute ma
16 carrière professionnelle dans les établissements médicaux du Kosovo et
17 Metohija.
18 Q. Vous avez été assistant à la faculté de Médecine en 1981. Par la
19 suite, vous êtes devenu agrégé professeur.
20 R. Oui, j'ai fait toutes les fonctions, tous les grades possibles,
21 et je suis maintenant professeur à part entière à la faculté de Médecine à
22 Pristina et à Kosovo et Metojiha.
23 Q. Merci, Professeur Andric. Dans le courant de cette période dont
24 vous allez témoigner, vous avez été secrétaire chargé de la santé au Kosovo
25 et Metohija ?
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1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Nous allons passer maintenant aux questions dont vous êtes censé
3 témoigner. Dites-nous, quelle a été la structure ethnique du personnel dans
4 les établissements médicaux sur le territoire du Kosovo et Metohija avant
5 l'agression du pacte de l'OTAN ?
6 R. Dans les établissements médicaux sur le territoire du Kosovo et
7 Metohija, il est intervenu beaucoup de médecins et de techniciens. Il y
8 avait, en plus des Serbes, des Musulmans, des Monténégrins, des Turcs, des
9 Romains, des Albanais, pas tout ce qui constituait la population du Kosovo
10 et Metohija.
11 Q. Monsieur Andric, je vous demande d'ouvrir l'intercalaire 1.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs, j'espère que vous l'avez. Tout
13 ceci est fourni et traduit.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. A l'intercalaire numéro 1, on a montré la structure ethnique du
16 personnel dans les établissements de santé sur le territoire de la province
17 autonome du Kosovo et Metohija, en date du 31 décembre 1998.
18 Docteur Andric, est-ce que c'est vous qui avez fourni ces
19 renseignements ?
20 R. Oui. Ces renseignements ont été recueillis par mes services qui
21 travaillaient au secrétariat provincial chargé de la santé.
22 Q. Il s'agit là de renseignements émanant du secrétariat à la santé
23 du Kosovo et Metohija et datant du 31 décembre 1998.
24 R. C'est exact.
25 Q. Par conséquent, nous pouvons voir ici, au total, si l'on se
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1 penche sur la dernière des colonnes -- je vous demande de nous donner
2 lecture de la dernière des colonnes horizontales.
3 R. 12 599, c'est le total des employés dans le domaine de la santé,
4 tous les intervenants en matière de santé, pas seulement les médecins.
5 Q. Bien. Sur ce chiffre, on peut voir, dans la première colonne
6 verticale, il y a 5 591 Serbes; 5 301 Albanais; 455 Monténégrins; 420
7 Musulmans; 196 Turcs; 69 Gorani; 316 Rom; et 18 Yougoslaves; 14
8 ressortissants étrangers.
9 A présent, Docteur Andric, au paragraphe 87 de l'acte d'accusation
10 Kosovo, on dit : "Après que le Kosovo, en 1989, soit vu priver de
11 l'autonomie au Kosovo, il y a des divisions politiques de plus en plus
12 nombreuses. A la fin de 1990 et dans le courant de l'année 1991 toute
13 entière, des milliers d'Albanais du Kosovo…", et on dit d'abord des
14 médecins, puis on dit enseignants, ouvriers, et cetera, et cetera, "ont été
15 révoqués de la fonction publique."
16 Vous, qui avez travaillé à l'époque au Kosovo et Metohija, avez-vous
17 appris, qu'en 1989, au Kosovo, il y a eu une suppression d'autonomie ?
18 R. Non. Le Kosovo n'a jamais --
19 Q. Comment avez-vous vécu ces changements constitutionnels ? En
20 votre qualité de médecin employé là-bas, comment avez-vous vécu cette
21 suppression de l'autonomie, en votre qualité de citoyen et en qualité de
22 médecin que vous êtes ?
23 R. Ce n'est pas exact. Le Kosovo n'a jamais été privé de son
24 autonomie. En 1989, les amendements, et en 1990, la nouvelle constitution,
25 n'a fait que confirmer l'autonomie du Kosovo.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je n'aime pas la
2 façon dont vous guidez le témoin dans les questions que vous posez. Je
3 pensais que vous alliez lui poser des questions à propos des statistiques
4 concernant les médecins dans les services de Santé. Vous avez renvoyé au
5 paragraphe 87, et vous êtes sauté de là à une question concernant
6 l'autonomie du Kosovo, ou la révocation de cette autonomie. Est-ce que vous
7 avez fini les questions que vous vouliez poser à propos de l'intercalaire
8 1 ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'agissant de l'intercalaire 1, comme vous
10 pouvez le voir, Monsieur Robinson, les chiffres parlent pour eux-mêmes. En
11 décembre, à savoir à la dernière journée du mois de décembre 1998, 5 301
12 Albanais, et on affirme ici, dans ce paragraphe 87, qu'ils ont été chassés
13 de là, chassés de leurs postes de travail, ces médecins. On dit que cela
14 s'est fait neuf ans avant. Ceux qui ont été chassés neuf ans auparavant,
15 d'après les éléments de preuve qu'on a ici, sont en train de travailler. Ce
16 qui est dit au chef 87, Monsieur Robinson, c'est un mensonge. On voit ceci
17 dans l'élément de preuve que je présente. Je vous présente les faits
18 matériels.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'était pas très clair pour moi.
20 Je n'avais pas compris que vous aviez terminé de poser vos questions à
21 propos de cette partie, mais continuez.
22 M. KAY : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de verser au dossier
23 cet intercalaire ?
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Quelle sera la cote ?
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D280. Merci.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Andric, au milieu de ce que je viens de vous lire, vous ne
3 l'avez pas sous les yeux mais peu importe, on dit : "Qu'en 1990 et en 1991,
4 des milliers d'Albanais du Kosovo," puis on dit : "médecins." Je vous
5 poserais des questions rien qu'au sujet des médecins. En votre qualité de
6 citoyen, vous étiez probablement au courant de ce qui se passait avec les
7 autres citoyens, et notamment du fait que les médecins contactent bon
8 nombre d'autres professions. Ces médecins et ces personnes auraient été
9 révoqués de leurs postes de travail.
10 Savez-vous nous dire, du moins pour ce qui est des établissements de
11 santé et de l'université, si oui ou non les Albanais ont été licenciés ?
12 Soyons concrets. Quand je vous pose cette question, je vous demande, savez-
13 vous que des médecins ont été licenciés, des Albanais auraient été
14 licenciés, dans les domaines que vous connaissiez en votre qualité de
15 médecin, en votre qualité d'intervenant en matière de santé ?
16 R. On n'a licencié que ceux qui ont, de façon drastique, violé les lois en
17 vigueur, à savoir les lois réglementant le domaine du travail et les
18 relations de travail. Bon nombre de personnes ont délibérément violé cette
19 loi aux fins de perdre leurs droits au travail, ou ce droit à l'embauche.
20 Cette loi n'a pas été spécifique pour des Albanais. Cette loi a été
21 appliquée à l'égard de tout le monde. Toutes les personnes qui ont enfreint
22 la loi sont tombées sous la coupe de la réglementation.
23 Q. Attendez. Démystifions la loi. Je ne comprends pas tout à fait ce que
24 vous êtes en train de dire, et peut-être que ceux qui nous regardent ne
25 comprennent pas. Dites-nous, qu'entendez-vous par "violation de la loi" ?
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cela, est-ce que vous avez des
2 chiffres pour 1989, ce qui nous permettrait d'établir une comparaison, une
3 question de fait, pour voir combien de gens se sont retrouvés sans emploi ?
4 En d'autres termes, est-ce que le secrétariat a procédé à la même
5 computation des chiffres en 1989 ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas ces renseignements. Je ne les ai
7 pas. Ce que j'ai, c'est pour 1989.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Docteur Andric, en 1989, vous étiez médecin, pour autant que je sache.
10 R. Oui, j'étais médecin.
11 Q. Vous n'aviez pas occupé des fonctions administratives quelconques. Vous
12 n'avez fait que traiter des citoyens, en tant que médecin.
13 R. Oui.
14 Q. On reviendra à ces questions-là ultérieurement.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je me suis trompé en
16 pensant que vous étiez déjà professeur en 1989, à la même fonction que
17 celle que vous exercez aujourd'hui ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en 1989, j'étais à la faculté de
19 Médecine. Je n'étais pas professeur toutefois. J'étais un jeune assistant.
20 Au fait, j'ai cessé d'être assistant pour avancer d'un grade.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Vous avez dit dans quels cas des Albanais ou des Serbes auraient été
23 licenciés, lorsqu'ils avaient enfreint la loi.
24 R. Il y a eu des cas variés : si, par exemple, on ne venait pas pendant un
25 mois au travail sans justifier son absence, si on refusait, à plusieurs
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1 reprises, d'exercer ses tâches professionnelles.
2 Q. Ce sont les cas prévus par la loi régissant les rapports de travail.
3 Quand on ne vient plus au travail, on est licencié.
4 R. C'est exact.
5 Q. Savez-vous que c'était là une pratique qui découlait d'une
6 réglementation en vigueur pour toute la Serbie et non seulement pour les
7 établissements médicaux, mais pour les rapports de travail en général ? Si
8 on ne venait pas cinq jours consécutifs au travail sans apporter de
9 justificatif médical ou autre, il y a cessation de leur relation de
10 travail.
11 R. Oui. C'est une loi qui était en vigueur pour tous les employés en
12 Serbie.
13 Q. Pour être plus précis encore et pour répondre en partie à la question
14 soulevée par M. Bonomy, est-ce que certains d'entre eux ont quitté le
15 travail de leur propre gré ?
16 R. Oui. Il y a eu bon nombre de cas de ce genre, le cas de personnes qui
17 ont quitté elles-mêmes, de leur plein gré, leur emploi.
18 Q. Quelle a été la raison de cet abandon du poste de travail, abandon
19 délibéré ?
20 R. Bon nombre d'entre eux étaient déjà impliqués profondément dans cette
21 mouvance séparatiste. Il s'agissait de personnes qui étaient matériellement
22 très bien situées, financièrement à l'aise. Ils quittaient leur travail et
23 passaient dans des établissements parallèles pour ouvrir, et je parle de
24 médecins, ils ouvraient leurs infirmeries et leurs cabinets privés.
25 Q. On viendra tout à l'heure à ce sujet. Les Albanais qui travaillaient en
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1 matière de santé --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Professeur, permettez-moi
3 de vous demander ceci : un paragraphe vous a été cité, mais si son libellé
4 était différent pour dire ceci : "Pendant les années 1990 et 1991, des
5 milliers d'Albanais du Kosovo, médecins, enseignants, ouvriers, policiers,
6 et agents de la fonction publique, ont quitté leurs emplois," est-ce que
7 ceci est plus exact ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Un grand nombre d'entre eux, à cette époque,
9 pour des raisons différentes, ont quitté leurs postes de travail.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'heure est venue de faire la pause.
11 Pause de 20 minutes.
12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
13 --- L'audience est reprise à 10 heures 55
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, continuez,
15 je vous prie.
16 L'INTERPRÈTE : Monsieur Milosevic, micro, s'il vous plaît.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Si j'ai bien compris, ce que vous avez dit jusqu'à présent, un certain
19 nombre de personnes ont quitté leur emploi de leur plein gré. Pourquoi ?
20 R. Ils voulaient faire fuir du système juridique de la Serbie. Ils
21 voulaient créer en parallèle des établissements analogues. Je parle des
22 médecins, des professeurs et des docteurs, et ceux qui étaient à l'aise,
23 qui étaient matériellement bien installés, ont ouvert des cabinets médicaux
24 à eux pour continuer à y travailler, à y exercer pour leur compte.
25 Q. Bien. Mais, les Albanais qui travaillaient dans le domaine de la santé,
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1 qui travaillaient, qui ne voulaient pas quitter leur emploi, ont-ils pu
2 continuer à travailler normalement ?
3 R. Oui. Ils ont continué à travailler normalement. A l'égard des
4 autorités, ils n'avaient aucun problème absolument. Leur seul problème
5 c'était leur compatriote à eux, les séparatistes qui les contraignaient à
6 payer tous les mois. Sur leur salaire, il faillait qu'ils prélèvent un
7 pourcentage. C'était une espèce, une sorte de raquette et ils ont dû payer.
8 C'était une forme de pression pour quitter les établissements de l'Etat et
9 travailler pour les autres. Ils ont été malmenés au quotidien, aussi bien
10 eux-mêmes que les membres de leur famille.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire combien en
12 pourcentage il y a d'Albanais qui ont quitté leur emploi ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous le dire. Je n'ai pas de chiffres
14 précis, Monsieur Robinson, je peux parler toutefois pour la faculté de
15 Médecine seulement. Moins de la moitié des professeurs albanais et des
16 assistants collaborateurs albanais ont quitté la faculté. Il en va de même
17 pour ce qui est des médecins.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. La situation dont vous venez de parler, à savoir que ceux qui sont
20 resté ont été exposés à des pressions à des mauvais traitements autant que
21 les membres de leur famille. Est-ce que cela a duré jusqu'au début des
22 bombardements ou cela a cessé un peu avant ?
23 R. Cela a duré jusqu'au début des bombardements et cela s'est même
24 intensifiée au fil du temps.
25 Q. Veuillez m'indiquer quelle avait été la proportion des employés
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1 albanais, des Serbes employés aux établissements de santé à Pristina.
2 R. Le rapport était d'un pour un. Je précise que, pour ce qui est des
3 médecins sur le territoire entier du Kosovo et Metohija, le chiffre était
4 plus grand pour ce qui est des Albanais, que pour ce qui était des Serbes.
5 Q. Je vous prie de vous référez à l'intercalaire 2. Il s'agit d'un
6 tableau. Nombre d'effectifs au niveau des personnels de la santé en date du
7 24 mars 1999 au Kosovo et Metohija, date du début des bombardements.
8 On donne ici les médecins, les dentistes, les pharmaciens et autres
9 intervenants en matière de santé. Je suppose que : "Les autres en matière
10 de santé" s'est les infirmières et le personnel auxiliaire.
11 R. Oui. A la différence du premier tableau, où l'on a montré que le
12 personnel en matière, le personnel médical, mais pas tout le personnel des
13 établissements de santé.
14 Q. Quand vous dites "les autres", c'est le personnel auxiliaire ?
15 R. Oui. Le personnel auxiliaire.
16 Q. Les chauffeurs, les artisans pour l'entretien, et autres.
17 R. Oui.
18 Q. On voit ici 2087 médecins, 1008 Albanais, 847 Serbes, 66 Monténégrins,
19 20 Turcs et 146 autres. Qui sont ces autres ?
20 R. Les autres ce sont ceux qui résidaient sur le territoire de la Serbie.
21 La Serbie est un Etat multiethnique. Quand on dit "les autres", il y a les
22 Macédoniens, les Grecques, les Bulgares, les Romains, les Ruthènes, les
23 Croates et autres, et ainsi de suite.
24 Q. On dit ici qu'en date du 24 mars 1999, le nombre d'intervenants, en
25 matière de santé au total, à savoir, dans toutes les institutions médicales
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1 au Kosovo et Metohija, ce chiffre a 4462 Albanais. Il y a 5100 Serbes et
2 autres non-Albanais. Il y a les Musulmans, les Turcs, les Goraniens, et
3 autres.
4 R. Oui, tous les autres, exception faite des Albanais.
5 Q. A l'intercalaire 2, nous pouvons voir la structure ethnique du
6 personnel employé, en date du 24 mars 1999. Suivant les centres médicaux,
7 on voit Pristina, Istok, Pec, Djakovica, Prizren, Dragas, Zvecan,
8 Mitrovica, Gnjilane, Vitina. Y a-t-il là quoi que ce soit de
9 caractéristique, étant donné que vous avez été secrétaire chargé de la
10 santé, que vous aimeriez dire au sujet de ce tableau ?
11 R. Il y a plusieurs éléments caractéristiques que j'aimerais souligner.
12 Suivant la concentration des groupes ethniques, de part leur appartenance
13 ethnique j'entends, il y a eu des pourcentages variants au niveau du
14 personnel. Par exemple, à Djakovica, il y a 605 Albanais et 75 Serbes --
15 Q. Je vais vous rectifier. 70 Serbes et Monténégrins.
16 R. Oui. Confondu.
17 Q. 605 Albanais ?
18 R. Oui, c'est exact. A Pristina, le rapport est quelque peu plus
19 favorable. A Prizren, il y a plus d'Albanais. A Kosovska Mitrovica, il y a
20 un peu plus de Serbes.
21 Q. Mais quand vous dites "à Pristina" au numéro 4, on dit centre
22 universitaire des Etablissements de santé de Pristina. On dit au total que
23 les Serbes sont plus nombreux.
24 R. Oui.
25 Q. Au centre universitaire ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que cela a quelque chose avoir avec le niveau d'éducation dans
3 la population serbe et dans la population albanaise ?
4 R. Certainement. On n'a jamais pu strictement se conformer au pourcentage
5 des Serbes et Albanais, conformément à la population, parce que, dans les
6 centres de Santé, les choses en allaient autrement pour ceux qui aient de
7 la santé, que pour ce qui est du secteur ferroviaire. En matière de santé,
8 il y a eu plus de cadres serbes qu'ailleurs.
9 Q. Très bien.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, il doit y avoir une
11 différence entre ces deux tableaux qu'on trouve à l'intercalaire 2. Le
12 chiffre total dans le premier est 9 570.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le deuxième tableau, on voit un
15 chiffre, celui de 13 134. Pourquoi trouve-t-on cette différence ? Est-ce
16 que, dans le deuxième tableau, on a englobé d'autres personnes que les
17 professionnels de la santé ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet. C'est précisément cela. Dans
19 l'autre tableau, il y a les autres catégories du personnel. C'est de cela
20 que j'ai parlé, Monsieur Bonomy.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Dans cette autre tableau, vous voyez qu'il y a en a deux, en termes
24 pratiques, l'un qui est valide jusqu'au 24 mars 1999, et l'autre est valide
25 à compter du 10 septembre 1999. Sur le tableau relatif au 10 septembre, on
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1 voit qu'il n'y a pratiquement plus dans la majeure partie des centres, mis
2 à part Dragas, Zvecan, et Kosovska Mitrovica; on voit qu'il n'y a plus de
3 Serbes du tout.
4 R. Oui. Cela est malheureusement vrai. Je peux librement dire que c'est la
5 situation qui prévaut actuellement au Kosovo et Metohija, ce qui fait que
6 le personnel de la domaine du santé a été chassé, pour ce qui est des
7 Serbes, mis à part les Serbes de Kosovska Mitrovica, et je précise qu'il
8 s'agit de la partie nord de Kosovska Mitrovica.
9 Q. Bien. Veuillez m'indiquer si tous les professeurs de la faculté de
10 Médecine du groupe ethnique albanais ont quitté leurs postes de travail aux
11 cliniques et aux instituts, aux nombreux instituts ?
12 R. Non. Un grand nombre de professeurs et assistants du groupe ethnique
13 albanais sont restés travaillés dans les cliniques et aux différents
14 instituts de la faculté de Médecine.
15 Q. Pourriez-vous, à titre d'exemple, de part vos souvenirs, nous donner
16 les noms d'Albanais en vue de qui ont continué à travailler ? Là, j'attire
17 votre attention sur l'intercalaire 3. C'est vous qui avez fait une liste
18 des personnes qui sont restés travaillés à ces différentes cliniques après
19 1999.
20 R. Oui. J'ai cette liste, où il y a une erreur de frappe. On dit 1999. Il
21 s'agit de 1991 en réalité.
22 Q. Oui, je comprends bien qu'il doit forcément s'agir de 1991, après 1991.
23 R. Je me souviens très bien du Pr Dzevat Nurboja, un Albanais qui a resté
24 à la faculté de Médecine, et qui a continué enseigner en langue serbe à la
25 faculté de Médecine. Le même statut a été celui que le Dr Tefik Ljeci de la
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1 médecine légale. Je peux vous donner les noms d'autres Albanais éminents
2 qui sont restés travaillés après 1991 aux différents instituts de la
3 faculté et de la clinique médicale de la faculté de Médecine : Esref
4 Bicaku, le Pr Dzemal Bajraktari, le Pr Hisri Tafarshiku, le Pr Bedri
5 Bakali, le Pr Hamid Ramsi [phon], le
6 Pr Meshqyre Capuni-Brestovci, le Pr Muharem Kutlovci, le Pr Muharem
7 Bajrami, et bon nombre d'autres encore.
8 Q. Ici, à l'intercalaire 3, vous avez une liste du personnel enseignant de
9 la faculté de Médecine qui restait travaillé après 1991. Vous avez les
10 Départements de l'Ophtalmologie, de l'Oto-rhino-laryngologie, de la
11 Chirurgie, et de la Neuropsychiatrie, des Maladies infectieuses, de la
12 Médicine interne, de la Pulmologie [phon], de l'Anatomie, Pathophysiologie,
13 Physiologie, Pharmacologie, Anatomie pathologie, Biochimie, Médicine
14 légale, Stomatologie, Radiologie, et cetera. Tous sont des professeurs de
15 pédiatrie et autres qui sont restés travaillés. C'est ce qui est donné à
16 l'intercalaire 3 ?
17 R. Exact.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, revenons, si vous le
19 voulez bien, à l'autre intercalaire, dans la deuxième partie du deuxième
20 tableau, en date du 10 septembre 1999. Où est-ce que vous vous situez dans
21 ce tableau, vous personnellement ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Où est-ce que je me situerais sur ce tableau ?
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne devrait pas vous y trouver
24 quelque part ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je ne devrais pas figurer sur ce tableau,
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1 à compter du 10 septembre. Je devrais figurer, mais, malheureusement, je ne
2 figure pas. Je devrais être à Pristina.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que vous étiez toujours à
4 Pristina, que vous travailliez toujours là.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, j'avais mal compris.
7 Désolé.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quitté Pristina le 25 juin 1999. Ici on
9 parle du 10 septembre.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Désole, je n'avais pas compris.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est --
12 M. KAY : [interprétation] Oui, l'intercalaire 2, qui devrait être versé au
13 dossier.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Le tableau, dont a parlé le Juge Bonomy, justement montre que, pour ce
17 qui est de la protection de la santé au niveau primaire à Pristina, il n'y
18 a plus aucun Serbe. Pour ce qui est de la protection médicale, il n'y en a
19 pas un seul. Au niveau du Département de Transfusion, il n'y a pas un seul.
20 Dans les autres instituts pharmaceutiques, il n'y a pas un seul non plus. A
21 Istok, non plus. A Pec, pas un seul Serbe. A Djakovica, pas un seul Serbe.
22 Aux centres médicaux de Pec, l'hôpital spécial de Pec, il n'y en a pas un
23 seul. Prizren, pas un seul. Dragas deux. Zvecan, huit. Kosovska Mitrovica,
24 703 intervenants en matière de santé. Au niveau de tous ces centres
25 hospitaliers, il y en a deux à Dragas, huit à Zvecan, et 703 à Kosovska
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1 Mitrovica, point à la ligne d'après ce que je peux voir, d'après ce
2 tableau ? Est-ce que ces renseignements sont exacts, Monsieur Andric ?
3 R. Oui.
4 Q. Bien.
5 R. Il y en a peut-être un peu plus à Mitrovica parce qu'entre temps, il y
6 en a été d'autres, mais ce sont en somme les renseignements tels qu'elles.
7 Q. Bien. Ces, professeurs, bien sûr, qu'on a cités à l'intercalaire 3,
8 ceux qui ont continué à travailler après 1991, vous avez mentionné certains
9 d'entre eux qui ont enseigné en langue serbe même, ils ont continué à
10 travailler en tant que médecins. Ont-ils eu des difficultés, du point de
11 vue de l'attitude prise à leur égard de la part de l'administration du
12 centre universitaire ou des établissements où ils ont travaillé de la part
13 des autorités ? Ont-ils des problèmes ?
14 R. Non, absolument aucun problème. Ils ont eu les mêmes droits et
15 obligations que tous les autres employés dans ces établissements-là.
16 Q. Très bien.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais vous poser une question,
18 Professeur. Ces différents services, qui avait-il à leur tête ? Prenons,
19 par exemple, l'ophtalmologie, qui était le chef du service
20 d'Ophtalmologie ? Etait-ce un Serbe ou un Albanais ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] A la tête des deux départements que vous venez
22 de mentionner il y avait des Serbes. Je vous donnerais, par exemple, le
23 Département de Biochimie, où le professeur était un Albanais, Burhan Dida,
24 il est resté travaillé. Il a fait partie de l'administration de tous les
25 instituts pris ensemble.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De façon générale, qui étaient les
2 chefs de ces services ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait plus de chefs et de responsables
4 serbes que d'autres.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Veuillez m'indiquer maintenant quelles sont les informations qui sont
9 les vôtres concernant les raisons qui ont animé ceux qui ont quitté leur
10 poste de travail ? Quelle est la raison pour ce qui est d'un certain nombre
11 de ces professeurs et assistants collaborateurs de rester travaillé à ces
12 instituts ? Dans votre réponse, j'aimerais entendre les motifs des deux
13 parties d'après ce que vous en savez. Quels ont été les motifs qui ont
14 animé ceux qui sont partis et ceux qui sont restés ?
15 R. Ceux s'en allaient se trouvaient au sein de ce mouvement séparatiste --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
17 M. NICE : [interprétation] Si on va poser ce genre de question au témoin,
18 je ne sais pas qu'il est en mesure de nous aider.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en a peut-être entendu parler. Il
20 peut l'énoncer comme étant fait.
21 M. NICE : [interprétation] Il faudrait le dire d'abord, et je dois attirer
22 votre attention, Messieurs les Juges, sur le fait que nous devons
23 travailler à partir de résumés en application du 65 ter. Ces résumés ne
24 donnent aucun renseignement précis quant au contexte médical. Ce sont des
25 références tout à fait furtives à ce propos. Si je dois interroger ces
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1 témoins comme je le dois le faire efficace et vraiment condenser, si nous
2 avons pas ces détails dans les résumés 65 ter ce sera très difficile --
3 tâche difficile.
4 Ici, si nous allons voir un résumé des raisons qui poussent d'autres à
5 faire ceci ou cela, ce sera pratiquement une tâche impossible pour moi au
6 contre-interrogatoire et je dois vous le dire clairement.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, en rapport avec
8 cette question, vous devez obtenir de ce témoin les sources dont il dispose
9 pour donner ces renseignements. Pourquoi y a-t-il eu ces départs ? Si le
10 témoin le sait, il faut que vous demandiez au témoin comment il a obtenu
11 ces renseignements.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Vous avez mentionné un mot le fait qu'ils étaient en corrélation avec
15 ce mouvement séparatiste. Comment le savez-vous qu'il y a eu une
16 corrélation avec le mouvement séparatiste de la part de ceux qui ont quitté
17 leurs postes de travail ?
18 R. Cela est devenu évident à partir des communications quotidiennes que
19 nous avons eues avec eux. Du reste, ils ont quitté leurs postes de travail
20 pour aller travailler à une faculté de Médecine illégale. La plupart de
21 ceux qui ont quitté sont partis travailler à une faculté de Médecine
22 illégale et ont, chemin faisant, ouvert des cliniques ou des cabinets
23 privés, et ils ne pouvaient le faire qu'avec l'accord des instances de
24 l'Etat. Ils obtenaient des approbations de la part des instances de l'Etat,
25 à savoir, du ministère de la Santé, pour ouvrir leurs cabinets privés. Dans
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1 ces cabinets privés, ils gagnaient dix fois plus que s'ils étaient restés
2 dans les établissements de l'Etat et, d'un coup, ils avaient deux
3 bénéfices. Ils faisaient figure de personnes persécutées par cet Etat
4 serbe, chose qui n'était absolument pas vrai parce qu'ils ont continué à
5 travailler dans des établissements où ils payaient des impôts à l'égard de
6 cet Etat serbe, tout en gagnant dix fois mieux.
7 Q. Le fait de recevoir des approbations de la part du ministère de la
8 Santé pour ce qui est de l'ouverture de leurs cabinets privés, ils
9 recevaient ces approbations suivant la procédure prévues pour ces
10 approbations au niveau du territoire entier de la Serbie, par exemple, la
11 Belgrade, ou le ministère de la Santé évalue les qualifications, la
12 présence des conditions, et cetera. S'agissait-il de critères politiques ou
13 de critères professionnels ?
14 R. Il n'y a pas eu de critères politiques du tout. Le ministère de la
15 Santé délivrait ces approbations ou des départements détachés de ce
16 ministère de la Santé le faisaient. Je peux tout de suite vous dire que,
17 par rapport au nombre des cabinets privés ou des cliniques privées
18 albanaises, les policliniques tenues par des Serbes étaient négligeables.
19 Il n'y a que deux sur le territoire entier du Kosovo et Metohija, qui
20 étaient tenues par les Serbes, tous les autres cabinets étaient tenus par
21 des Albanais.
22 Q. Fort bien. Nous avons ici un intercalaire 4. Vous avez fourni là une
23 liste des professeurs et des assistants de la faculté de Médecine de
24 Pristina. Ce sont des gens du groupe ethnique albanais qui ont quitté leurs
25 postes de travail pour ouvrir des cabinets et des cliniques policliniques
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1 en priorité privée. Nous voyons qu'ici --
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sont ces personnes qui gagnaient
3 dix fois plus que ce qu'ils gagnaient s'ils travaillaient pour le
4 gouvernement ? D'après ce que vous avez dit auparavant dans le cadre de
5 votre déposition.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, oui. Ils gagnaient dix fois
7 plus que s'ils étaient restés dans le réseau des services de Santé de la
8 République de Serbie. Cela n'a été le privilège que de ceux qui étaient
9 déjà riches, ceux qui avaient suffisamment d'argent pour pouvoir ouvrir des
10 cabinets privés.
11 Pour moi, cela relevait du domaine de l'abstrait.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Quand vous parlez du domaine de l'abstrait, c'est une façon de parler.
14 R. Pour moi, c'était irréalisable, c'est ce que je veux dire.
15 Q. Docteur Andric, au chef 88 de l'acte d'accusation au Kosovo, on dit :
16 "Durant cette période la direction albanaise clandestine a mis en œuvre une
17 politique de non violence et de résistance non violente en mettant en place
18 un système non officielle d'établissements de santé et d'éducation."
19 Ma question est la suivante : Cet abandon délibéré des postes de travail
20 dont vous avez parlé tout à l'heure, a-t-il fait partie intégrante de cette
21 résistance non violente comme on le dit ici ?
22 R. Non. Cet abandon délibéré des postes de travail a visé, essentiellement
23 et uniquement, la création d'institutions parallèles. Ils quittaient leurs
24 postes pour créer des institutions parallèles. La création d'institutions
25 parallèles, en matière de santé et d'éducation, consistait pour eux à leurs
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1 yeux une résistance non violente parce que toute résistance, à mon avis,
2 est plus ou moins violente.
3 Q. C'est une question académique maintenant que vous soulevez. Ce qui
4 m'intéresse de savoir s'il y a eu --
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, l'acte
6 d'accusation ne parle pas ou n'allègue pas que c'est le fait de quitter son
7 poste de travail qui représentait cette politique de résistance civile non
8 violente. Il se peut que là vous répondiez à une allégation inexistante, en
9 tout cas, qui ne se trouve pas dans l'acte d'accusation.
10 M. KAY [interprétation] Je demanderais que l'intercalaire 3 devienne
11 une pièce à conviction.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne sais pas si j'ai cité
14 exactement, mais on dit que cette direction dit : "Les dirigeants officiels
15 des Albanais du Kosovo, ont poursuivirent une politique de résistance
16 civile non violente et commençaient à mettre en place un système
17 d'institutions parallèles officieuses dans le secteur de la santé et de
18 l'éducation." Je crois avoir exactement cité ce qu'on ait dit dans ce
19 paragraphe 81. Ma question était a été celle de savoir si cet abandon
20 délibéré des postes de travail a fait partie intégrante de cette résistance
21 civile soi-disant non violente.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a déjà répondu, avançons.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Mais vous avez indiqué qu'il y a eu également des actions violentes; y
25 a-t-il eu des violences à l'égard des enseignants albanais, des
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1 collaborateurs albanais, qui ont été utilisés pour inciter les autres à
2 quitter, à abandonner leur poste de travail, oui ou non ? Que savez-vous ?
3 R. J'ai déjà répondu en partie à cette question. Tous ceux qui sont resté
4 ont du subir des pressions très variées. D'abord, ils ont dû payer sur leur
5 salaire un certain pourcentage, c'était obligatoire tous les mois. Je l'ai
6 vu personnellement cela. Ils ont subi des pressions variées pour quitter
7 leur poste de travail, ne pas rester occuper à une fonction au service
8 public, mais passer dans les institutions parallèles.
9 Q. Mais ceux qui sont déjà passés vers institutions parallèles, est-ce
10 que, dans ces institutions parallèles, ils sont allés là-bas sous pression
11 ou de leur plein gré ?
12 R. Un certain nombre est passé est passé de leur plein gré, et la plupart,
13 par contre, sont allés là-bas suite à des pressions.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je suis sûr que
15 M. Nice va poser des questions à ce propos, mais, autant en poser une des
16 questions quand même, la partie du salaire qu'il fallait prélever, qu'il
17 fallait payer, à qui était-elle donnée ? Vous avez formulé une allégation
18 sans donner de détails.
19 Je vous demande ceci, Monsieur le Témoin : tout d'abord, qui a soumis ceux
20 qui sont restés à des comptes, à des pressions sous diverses formes ?
21 Deuxième volet de ma question : ce pourcentage du salaire, à qui a-t-il été
22 payé ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, cela a été versé au
24 dirigeant du mouvement séparatiste. Ce mouvement séparatiste des Albanais,
25 pendant de longues années, des dizaines d'années, est intervenu non
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1 seulement sur le territoire du Kosovo et Metohija, mais aussi au large de
2 l'Europe et du monde entier. Ils ont collecté des sommes pour les besoins
3 de ce mouvement séparatiste.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comment avez-vous obtenu ces
5 renseignements ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A ma clinique seule, tous les mois à
7 l'occasion du paiement des salaires, lorsque l'on distribuait les salaires,
8 il venait un homme, que je ne connaissais pas qui faisait des listes et qui
9 prélevait l'argent chez les employés à la clinique d'où je travaillais.
10 Cela était valable pour les autres, et les autres entrepreneurs privés,
11 tous ceux qui travaillaient.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Mais, s'agissant de leur départ des postes de travail, qui étaient les
14 leurs ? Vous avez expliqué qu'ils étaient exposés à des pressions du
15 mouvement séparatiste, mais est-ce que vous avez vu quelqu'un quitter son
16 poste suite à des pressions de la part des autorités ?
17 R. Je n'ai pas de renseignements de ce type. Je n'ai pas de cas analogues,
18 je n'ai pas eu connaissance d'un cas de ce genre.
19 Q. S'agissant de ces départs, de ces abandons, de postes de travail et
20 tout ce que vous avez expliqué, cela a-t-il créé une image au terme de
21 laquelle les Albanais se trouvaient être privés de certains droits de
22 l'homme ?
23 R. Très certainement, bien sûr que oui. Toute cette organisation de leur
24 part visait cela, faire en sorte de faire figure de victimes pour que
25 l'opinion publique mondiale ait connaissance d'une soi-disant persécution
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1 des Albanais, pour qu'ils puissent réaliser leurs objectifs à titre
2 ultérieur.
3 Q. Je vous ai mentionné tout à l'heure, lorsque je citais un paragraphe où
4 il est question d'enseignants, de médecins, et cetera, a été créées des
5 institutions en parallèles, tant au niveau de la santé qu'au niveau de
6 l'éducation ?
7 R. Oui.
8 Q. Savez-vous nous dire quoique ce soit au sujet de la création
9 d'institutions parallèles, en matière d'éducation ?
10 R. Oui. Ces institutions parallèles, en matière d'éducation, ont été
11 créées de façon beaucoup plus sérieuse et plus appliquée qu'en matière de
12 santé. La raison est très simple. Le caractère massif a été bien plus
13 grand, il fallait que les jeunes soient endoctrinés pour être favorables
14 aux objectifs du mouvement séparatiste.
15 Mis à part ce fait, ces établissements parallèles en matière d'éducation de
16 par leur création, on fait en sorte qu'on a contourné la République de
17 Serbie, ainsi que les plans d'éducation et les programmes d'éducation de la
18 République de Serbie. On a mis en œuvre des plans et programmes
19 d'enseignements de la République d'Albanie. Au travers de la création de
20 ces institutions parallèles en matière d'éducation, l'on a, de la façon la
21 plus grande possible, fait preuve de résistance vis-à-vis des
22 établissements officiels de la République de Serbie.
23 Q. S'agissant de ces institutions parallèles en matière d'éduction, sur
24 quoi a-t-on mis l'accent en matière d'éducation. Je veux dire la teneur de
25 l'éducation.
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1 R. Ils prêtaient une attention particulière à l'histoire, à la
2 littérature, et la géographie.
3 Q. Pourquoi à l'histoire ?
4 R. A l'histoire, parce qu'il y avait des falsifications qui étaient
5 répondues compte tenu qu'ils souhaitaient démontrer que leurs ancêtres, les
6 Illyriens, étaient le peuple le plus ancien qui avait peuplé cette région
7 et que les autres nations, qui sont arrivées plus tard, n'avaient aucun
8 droit au Kosovo. Aucune prétention à formuler par rapport au Kosovo.
9 Q. La géographie ?
10 R. La géographie, pour une raison tout aussi simple, à savoir qu'ils
11 souhaitaient abolir l'utilisation des toponymes serbes ou slaves, et ce
12 faisant ils souhaitaient démontrer qu'ils étaient le peuple le plus ancien,
13 arrivé le premier au Kosovo et que tous les autres étaient arrivés plus
14 tard. Les toponymes ont été modifiés, particulièrement après la Seconde
15 guerre mondiale et après l'arrivée des forces des Nations Unies au Kosovo
16 et au Metohija. Pratiquement, tous les toponymes serbes ou slaves ont été
17 supprimés.
18 Je vais vous donner des exemples : la Srbica est devenue Skenderaj; la
19 Glogova est devenue Kastriot; la Leposavic, où pratiquement aucun Albanais
20 n'a jamais habité, est devenue Albanac; la Vucitrn est devenue Vushtrri; et
21 cetera, et cetera. Il ne reste pratiquement plus un seul qui soit un
22 toponyme d'origine slave, ils ont tous été modifiés au Kosovo et Metohija
23 pour être remplacés par des toponymes albanais.
24 Q. Quand est-il de la littérature ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au compte rendu d'audience, on lit :
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1 "Modifié, en particulier, après la Seconde guerre mondiale et après
2 l'arrivée des forces des Nations Unies au Kosovo et Metohija, tous les
3 toponymes d'origines slaves ont été modifiés." Mais est-ce que ces
4 modifications sont intervenues après la seconde guerre mondiale ou après
5 l'arrivé des forces des Nations Unies ou dans les deux cas ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson, de m'avoir posé
7 cette question.
8 Après la Seconde guerre mondiale, il y a eu tentative de modification des
9 toponymes et ils sont parvenuent à en modifier quelques uns. En fait, ils
10 ont eu recours à quelque chose qu'Enver Hodzic, au cours de la période
11 courte d'une partie courte de sa période au pouvoir parce qu'il est resté
12 longtemps au pouvoir, mais je parle d'une période courte pendant le temps
13 qu'il a passé au pouvoir, ils ont utilisé quelque chose qui venait d'Enver
14 Hodzic. En effet, ce dernier avait modifié dans le nord de l'Albanie tous
15 les toponymes serbes qui étaient nombreux, ils étaient d'ailleurs en
16 majorités, il les avait remplacés par des toponymes albanais et il avait
17 contraint, à la conversion des chrétiens orthodoxes et catholiques pour
18 qu'ils se convertissent à l'islam. Il s'agissait de tentatives qui ont
19 durées pendant des années au Kosovo et Metohija après la Seconde guerre
20 mondiale, et je peux vous citer plusieurs exemples de cela. Le général
21 Jankovic, par exemple, a vu son nom modifié.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci. Qu'est-il maintenant
23 arrivé après l'arrivée des forces des Nations Unies ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Après l'arrivée des forces des Nations Unies,
25 tous le toponymes d'origine serbe ou yougoslave ont été supprimés
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1 totalement sur le territoire du Kosovo et Metohija. Ces toponymes
2 n'existent tout simplement plus aujourd'hui. Je vais vous parler, par
3 exemple, des grandes villes telle que Sbrica, qui ont été rebaptisées.
4 Sbrica est devenue Skenderaj. Vucitrn a été rebaptisée également, et
5 cetera, et cetera.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Vous avez parlé de la littérature. Que pouvez-vous nous dire de la
8 façon dont a été enseignée la littérature ? Sur quoi l'accent était-il
9 mis ?
10 R. En glorifiant leurs héros historiques dans la littérature, ils les ont
11 transformé en véritables mythes historiques. Ils ont eu recours à ces
12 mythes par la suite pour éduquer la jeunesse et la convaincre d'adhérer aux
13 sentiments nationaux et séparatistes.
14 Q. Fort bien. Vous nous avez dit que des institutions parallèles avaient
15 été créées dans le secteur de l'éducation et qu'elles obtenaient de
16 meilleurs résultats que les institutions parallèles créées dans le secteur
17 de la santé, ce qui est compréhensible car dans le domaine de la santé on a
18 besoin d'experts et de professionnels très avertis.
19 Par conséquent, dites-moi, s'agissant du pourcentage de patients qui
20 pour obtenir des soins médicaux s'adressaient aux centres médicaux de
21 l'Etat, quels étaient les pourcentages du point de vue de l'appartenance
22 ethnique de ceux qui avaient recours aux centres médicaux de l'Etat et de
23 ceux qui avaient recours aux institutions parallèles ?
24 R. Dans toute ma carrière et toute ma vie, parce que j'ai toujours vécu au
25 Kosovo et Metohija, ce pourcentage s'établissait à 90 % d'Albanais, 10 %
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1 d'autres appartenances ethniques dans la population et ce pourcentage est
2 demeuré inchangé même après la création de ce qu'il est convenu d'appeler
3 les institutions parallèles dans le domaine de la santé.
4 Q. Donc, 90 % de ceux qui avaient besoin de soins médicaux étaient
5 Albanais ?
6 R. Oui. Même s'ils tentaient d'obtenir des soins médicaux dans des
7 institutions de santé parallèle, ils n'y sont pas parvenus et ils ont du
8 avoir recours aux institutions de santé du secteur public.
9 Q. Je dois vous rappeler la nécessité de parler moins vite ?
10 R. Donc, 90 % de nos patients étaient Albanais. Certains d'entre eux
11 étaient déjà allés dans des cliniques privées et d'autres institutions de
12 soins privées. Mais, ces dernières n'avaient pas résolu leurs problèmes et
13 les patients en question étaient revenus au centre de Santé du secteur
14 public.
15 Q. Avez-vous la possibilité d'observer des exemples de discrimination ou
16 de traitement inéquitable de la part du personnel médical au Kosovo et
17 Metohija vis-à-vis de ces 90 % de patients dont vous venez de parler ?
18 R. Non, le serment d'Hippocrate était strictement respecté. Je dirais en
19 toute certitude que, durant ma longue carrière, j'ai toujours prêté
20 davantage attention aux Albanais qu'aux Serbes, précisément, dans le souci
21 de ne pas commettre par hasard une erreur qui aurait pu être mal
22 interprétée par les Albanais. Ceci n'a jamais été le cas.
23 Q. Dans ces institutions de santé parallèle dont vous venez de parler,
24 d'ailleurs aussi dans le domaine de la santé que dans le domaine de
25 l'éducation, quelle était l'attitude du pouvoir par rapport à ces
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1 institutions ? Quelle était l'attitude des autorités, serait une façon plus
2 précise de formuler ma question.
3 R. L'attitude des autorités de l'Etat était décente, tout à fait correcte.
4 Elle s'efforçait de s'appuyer sur la législation pour les inclure, les
5 intégrer au système régi par les institutions publiques.
6 Q. Y a-t-il tentative de normaliser la situation ? Un accord a-t-il été
7 signé par Rugova y compris ?
8 R. Oui, plusieurs tentatives ont été faites pour normaliser la situation.
9 Je pense que la plus notable est celle qui s'est produite en 1996,
10 lorsqu'une commission mixte d'Albanais et de Serbes a été constituée sous
11 la direction d'un représentant du Vatican, Monseigneur Vicenzo Paglia, si
12 je me souviens bien de son nom. Cette organisation a été baptisée
13 Sant'Egidio. Elle avait pour but de normaliser la situation dans les
14 universités, mais elle n'a pas porté ses fruits car la partie albanaise n'a
15 rien fait pour mettre en œuvre ces décisions.
16 Q. Pouvez-vous confirmer que les autorités de l'Etat ont tout mis en place
17 en terme de bâtiments et d'installations, autrement dit, tout ce qui était
18 nécessaire pour que cet accord soit appliqué ?
19 R. Oui. Je peux le confirmer. La partie albanaise a obtenu un bâtiment,
20 celui de la faculté d'Ingénierie, entre autres, qui était le plus beau
21 bâtiment éducatif dont nous disposions. Ils ont également reçu le bâtiment
22 de la faculté de Droit, les bâtiments de la faculté des Arts ainsi que le
23 bâtiment de l'école normale. Toutes ces installations ont été remises à la
24 partie albanaise.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, excusez-moi de
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1 vous interrompre sur une question de procédure, mais souvenez-vous des
2 observations que j'ai formulées au sujet du temps et de l'utilisation qui
3 en était faite ? Essayons de commencer à appliquer ces remarques avec
4 l'audition de ce témoin. Vous avez prévu de l'entendre pendant six heures.
5 J'aimerais que l'interrogatoire principal s'achève si possible en quatre
6 heures. Nous pouvons travailler jusqu'à 14 heures aujourd'hui, et nous
7 essaierons de terminer cette audition d'ici à la première partie de la
8 matinée, demain. Le Procureur se verra également imposer des limites. Mais
9 je ne vous impose pas une limite de temps dans l'immédiat parce que tel n'a
10 pas été la pratique durant les interrogatoires principaux du Procureur.
11 Cela dit, je m'efforce de vous aider à utiliser mieux le temps qui vous est
12 imparti. Essayons de conclure cette audition en quatre heures. Nous
13 poursuivons nos débats jusqu'à 14 heures aujourd'hui. Non, je crois
14 comprendre que nous ne pouvons pas continuer jusqu'à 14 heures car l'un de
15 nos membres a d'autres engagements judiciaires. Je le consulte. En tout
16 cas, je vous invite instamment à terminer l'audition de ce témoin d'ici à
17 la fin de la première partie de la matinée demain, ce qui vous aura fait au
18 total quatre heures et 15 minutes d'audition.
19 M. KAY : [interprétation] L'intercalaire 4 peut-elle être versée au dossier
20 en tant que pièce à conviction ?
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur Robinson. C'est
23 dans mon intérêt d'utiliser un temps aussi court que possible car je
24 souhaite faire venir ici un maximum de témoins. Il n'est pas dans mon
25 intérêt, c'est certain, de prolonger l'audition de quelque témoin que ce
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1 soit.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur Andric, soyons aussi clairs que possible. Vous avez déjà
4 évoqué ces tentatives des séparatistes albanais, les efforts constants
5 qu'ils déployaient pour s'attirer la sympathie de l'opinion publique
6 internationale. J'aimerais vous interroger à présent au sujet d'un scandale
7 qui a eu lieu, vous demander ce que vous en avez pensé.
8 Au printemps 1993, les médias, et avant tout les médias internationaux, ont
9 reçu un nombre très important d'informations au sujet d'un prétendu
10 empoisonnement des étudiants et des élèves du secondaire dans les
11 institutions d'éducation, empoisonnement dû à un certain gaz. Ce scandale
12 bien connu au sujet de l'empoisonnement au gaz de ces enfants était-il un
13 sujet d'actualité en 1990 ?
14 R. Oui. Je travaillais en tant que médecin, et j'ai assisté à tout cela.
15 Au printemps 1990, plus précisément au début du mois de mars, et cela s'est
16 terminé en juin 1990, la totalité du territoire du Kosovo et Metohija a été
17 inondée d'allégations évoquant l'empoisonnement de certains enfants et
18 étudiants albanais. Ces allégations consistaient à affirmer que les
19 autorités étaient derrière tout cela. Je vais maintenant expliquer ce qui
20 s'est passé, car j'étais à l'époque à Pristina.
21 Dans un certain nombre de lieux aux environs de Pristina en même
22 temps, dix voitures ont démarré pour conduire les prétendues victimes de
23 cet empoisonnement à l'hôpital, en faisant crisser leurs pneus, en faisant
24 beaucoup de bruit en klaxonnant. Ces voitures ont fini par s'arrêter devant
25 le centre médical de Pristina, où des équipes attendaient avec des
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1 brancards. Ces prétendues victimes n'ont cessé d'affluer, jour après jour,
2 au point d'atteindre des centaines de patients admis tous les jours aux
3 centres médicaux. Y compris, des patients atteints de maladies graves ont
4 dû quitter le centre médical pour laisser de la place aux nouveaux
5 arrivants.
6 Des situations absolument ridicules se produisaient. Des perfusions
7 sanguines intraveineuses ont été posées dans des oreillers et non dans des
8 veines, et d'autres choses tout à fait ridicules du même genre ont eu
9 lieux.
10 Il y avait des équipes de caméraman et des journalistes de télévision
11 qui étaient sur place dans le but de montrer à l'opinion mondiale ces
12 prétendues souffrances du peuple albanais au Kosovo. Ceci est arrivé un peu
13 partout au Kosovo et Metohija, mais Pristina a été frappé le plus durement.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai des images, des séquences vidéo de tout
15 cela, et je demanderais à la régie de les diffuser. A l'intercalaire 5,
16 vous trouverez la transcription correspondance. C'est une séquence très
17 courte qui sera versée au dossier par le biais de ce témoin, mais j'insiste
18 sur un point, à savoir que ce n'est qu'un exemple très limité de tout ce
19 qui a pu être filmé à l'époque, car les choses se passaient pendant une
20 guerre, donc les possibilités techniques étaient très limitées.
21 Je demande la diffusion de ces images. Vous disposez de la
22 transcription ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 5.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, intercalaire 5. Ensuite, comme il y a
25 plusieurs extraits, vous avez des passages écrits qui correspondent à
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1 chacun de ces extraits.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela fait 18 extraits au total.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Ils se trouvent tous réunis dans
4 l'intercalaire 5. Nous les diffuserons un par un. La plupart porte sur
5 l'affaire dont nous parlons à ce moment, les autres sur la guerre au
6 Kosovo-Metohija.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.
8 [Diffusion de cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Il est tard, les Oscars seront distribués demain.
11 "A l'université, on parle de symptômes polymorphiques, ce qui est difficile
12 à traduire en langue courante. Mais nous ajoutons que la thérapie est bien
13 dosée. Ce qui reste à savoir, c'est quelle sera son utilité, ce qui n'est
14 pas encore facile à déterminer. Cette thérapie s'adresse à cette
15 pathologie. La plupart des patients l'ont reçu."
16 "Question : Pouvez-vous la guérir ici ?
17 Réponse : Nous n'en disposons pas ici. Nous ne pouvons la commander que si
18 elle est d'un intérêt indispensable.
19 [aucune interprétation]"
20 [Fin de la diffusion de cassette audio]
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas --
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas entendu
24 l'interprétation pour le dernier passage.
25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont pas le texte sous les
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1 yeux, et que le journaliste parlait albanais.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous n'avez pas entendu l'interprétation ? Mais
3 je suppose que dans cette intercalaire, on trouve bien les traductions de
4 ce qui a été dit. Vous avez entendu que la langue utilisée était
5 l'albanais.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai aussi la traduction en anglais de ce que
7 ces professeurs disaient.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Pour ne pas perdre de temps, je vais poser des questions au témoin en
10 lui demandant son commentaire.
11 Au début, Dr Andric, nous avons vu des patients courir en direction
12 de leurs lits. De quoi s'agissait-il ?
13 R. Il s'agit de la gravité de l'empoisonnement. Il s'agit de jeunes gens
14 en pleine santé qui ont été amenés à l'hôpital pour faire semblant d'être
15 empoisonnés. Or, ils se baladaient dans les couloirs, ils discutaient entre
16 eux, ils écoutaient de la musique, et dès qu'une caméra apparaissait, ils
17 prenaient la fuite vers leurs chambres et, bien entendu, se mettaient au
18 lit. A ce moment-là, ils devenaient des personnes empoisonnées.
19 Q. Bien. Nous avons vu des arrivés d'urgence en masse aux centres
20 médicales. Ils étaient très nombreux ceux qui étaient prétendument
21 empoisonnés. Mais qu'affirmaient-on à l'époque ? Où auraient-ils été
22 empoisonnés ?
23 R. On racontait qu'ils avaient été empoisonnés dans leurs écoles, un peu
24 partout sur le territoire du Kosovo-Metohija.
25 Q. Fort bien. Mais dans ces écoles, y avait-il des Serbes également, ou
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1 uniquement des Albanais ?
2 R. Pas dans toutes, mais dans la majorité de ces écoles, il y avait aussi
3 des Serbes.
4 Q. Mais comment aurait-il été possible que les Albanais étaient
5 empoisonnés et que les Serbes ne l'avaient pas été ?
6 R. Il est clair que c'est impossible et qu'il n'y avait pas eu
7 d'empoisonnement. Mais il fallait à tous prix dire à l'opinion publique
8 internationale qu'il y avait des empoisonnements, afin de sataniser [phon]
9 les Serbes et la Serbie.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puis-je vous demander, lorsqu'ils
11 sont arrivés à l'hôpital, tous ces espions, ou tous ces acteurs, ont-ils
12 été examinés par des médecins qui ont prononcé un diagnostique
13 d'empoisonnement effectif ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Honorable Monsieur Robinson, il est tout à
15 fait clair que nous les avons examinés. Nous avons procédé à des analyses
16 toxicologiques et autres. Nous avons fait tout ce qu'il convenait de faire.
17 Nous les avons traités comme des malades, tant qu'il n'a pas été démontré
18 qu'ils ne l'étaient pas. Quand quelqu'un arrivait, nous le considérions,
19 même s'il n'était pas empoisonné, comme quelqu'un de malade, et nous
20 examinions à fond leur état de santé, y compris grâce à des analyses
21 toxicologiques.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. De quelle nature étaient ces analyses toxicologiques ? Est-ce que vous
24 avez fait des analyses de sang, des analyses d'urine, tout ce qui était
25 nécessaire ?
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1 R. Oui, tout ce qui est nécessaire a été fait pour déterminer si oui ou
2 non il y avait eu empoisonnement.
3 Q. Dans ces centaines de cas, y a-t-il été déterminé qu'il y avait eu
4 empoisonnement dans certains cas ?
5 R. Ces cas ne se dénombraient pas en centaines, mais en milliers, et même
6 en dizaines de milliers. Pas une seule fois il n'a été déterminé que nous
7 étions face à un véritable empoisonnement.
8 Q. Dans toute cette affaire, ne serait-ce qu'un seul mort, par exemple ?
9 R. Absolument pas, puisqu'il n'y a même pas eu emprisonnement.
10 Q. L'un quelconque de ces patients présentait-il des signes d'une maladie
11 qui a pu être établie éventuellement ?
12 R. Non.
13 Q. Dans ces conditions comment est-ce que se sont comportés les
14 professionnels de la santé, vis-à-vis de cet empoisonnement mononational,
15 monoethnique au Kosovo et Metohija.
16 R. Je dois distinguer entre les professionnels de santé albanais et les
17 professionnels de santé serbes. Les professionnels de santé serbes ont
18 accompli leur tâche jusqu'au bout --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que le fait de savoir comment
20 ils ont été traités, importe dans ce procès.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait important.
22 Monsieur le Juge Bonomy, vous le constaterez lorsque vous aurez entendu ma
23 réponse.
24 Les Serbes ont accompli leur travail de façon professionnelle, quant aux
25 travailleurs de santé albanais. Je les diviserais en trois groupes : les
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1 premiers étaient les organisateurs de toute cette affaire, ils étaient peu
2 nombreux; le deuxième groupe le plus important réunissait tous les
3 participants à cette véritable farce, à savoir tous ceux qui avaient
4 accepté en toute connaissance de cause de participer à cette farce, alors
5 qu'ils savaient qu'il n'y avait pas le moindre empoisonnement - ils ont mis
6 en cause leur éthique, leur morale et, enfin, leur serment d'Hippocrate; et
7 dans le troisième groupe, on trouvait ceux qui passivement ou activement
8 ont opposé une résistance à toute cette affaire, et ils étaient peu
9 nombreux, c'est vrai.
10 Q. Mais même s'ils étaient peu nombreux, est-ce que vous connaissez des
11 médecins albanais qui se sont opposés à cela, qui ont condamné cette
12 supercherie, qui ont fait savoir qu'il s'agissait d'une supercherie, est-ce
13 que vous les connaissez, est-ce que vous pourrez donner leur nom ?
14 R. Je connais deux professeurs albanais, mais je ne sais pas s'il est bon
15 que je dise leur nom ici.
16 Q. Il n'y a aucun problème, nous pouvons demander un huis clos partiel
17 pour une minute. Le temps que vous prononciez le nom de ces Albanais qui
18 ont condamné la chose.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais à quelle fin avez-vous besoin
20 de leur nom ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour qu'il soit entendu ici, qu'ils entrent au
22 compte rendu d'audience. Qu'il soit consigné au compte rendu d'audience,
23 qu'il y a eu des professeurs universitaires albanais qui ont condamné cette
24 supercherie d'empoisonnement qui n'a donné lieu à aucune mort, à aucun
25 malade, et au sujet duquel tous les éléments de preuve disponibles n'ont
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1 permis de confirmer aucun empoisonnement effectif.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais quelle est la pertinence ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] La pertinence vient du fait qu'ici il a été
4 sans cesse question de mauvais traitements infligés à des Albanais, aux
5 souffrances vécues par les Albanais, imposées aux Albanais et tout cela
6 dans le cadre d'une satanisation [phon] des Serbes, qui relèvent plus du
7 théâtre que d'autre chose.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous entendrons leur nom à huis
9 clos partiel.
10 [Audience à huis clos partiel]
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 [Audience publique]
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Docteur Andric, puisque cette affaire a eu une grande importance, elle
21 a été largement diffusée dans l'opinion de notre pays un peu partout, je
22 vous poserai une question précise. Les institutions fédérales et les
23 institutions de la République de Serbie, ont-elles entrepris des actions
24 rapidement, eu égard à ce scandale ?
25 R. Oui, très peu de temps après les premiers cas de prétendu
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1 empoisonnement, un hélicoptère est arrivé de Belgrade avec à son bord une
2 délégation à laquelle participait, notamment, le directeur de l'institution
3 de protection sanitaire fédérale, le Dr Branko Dragas, ainsi qu'un expert
4 en toxicologie, le Pr Bozo Antonijevic. Ils ont observé la situation, et
5 ils sont entrés à Belgrade et ont fait savoir qu'il n'était pas question
6 d'empoisonnement. Mais pour que tout cela soit plus authentique, le
7 conseiller à la santé publique a formé -- a créé une commission de 11
8 membres, à laquelle participait des représentants de Ljubljana, de Zagreb
9 et de Belgrade, et cette commission a remis son rapport au début du mois de
10 juin, au comité sanitaire créé par l'assemblée fédérale. Ce rapport a
11 déclaré qu'il n'y avait pas eu d'empoisonnement et que pas un seul cas
12 d'empoisonnement n'avait pu être établi.
13 Q. Fort bien. Nous avons l'intercalaire 6, article de presse qui reprend
14 les débats au comité du conseil exécutif chargé du Travail de la santé et
15 du bien-être. Le titre de ce document est : "Il n'y a pas eu
16 d'empoisonnement." Le comité du conseil exécutif --
17 M. NICE : [interprétation] Il me semble que toute cette question a été
18 évoquée au cours du contre-interrogatoire par l'accusé en présence d'un
19 autre témoin, et je me demandais si le fait d'entendre un autre témoin plus
20 tard sur le même sujet; bien sûr, la décision appartient à la Chambre de
21 première instance.
22 Mais est-ce que le fait de dire dans une déposition que des milliers
23 de personnes ont participé à une mascarade en se prétendant malades, et que
24 ceci était inconcevable, je ne sais pas si la Chambre va considérer cela
25 comme suffisamment pertinent pour fonder une partie de son jugement sur
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1 cette déposition. Ce rapport je ne sais pas si les Juges de la Chambre l'on
2 lu, mais je ne vois pas très bien en quoi il va ajouter aux éléments dont
3 dispose déjà la Chambre.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, d'abord, si je puis prendre la
5 parole, il serait bon que nous disposions du rapport officiel, mais, de
6 façon plus directe, Monsieur Nice, je pense que si vous regardez les
7 allégations que l'on trouve aux paragraphes 87 et 88 de l'acte d'accusation
8 sur le Kosovo, il est inévitable que nous ayons à examiner des questions
9 telles que celle-ci, même si nous pourrions être en droit de nous demander
10 pourquoi elle figure à l'acte d'accusation.
11 M. NICE : [interprétation] C'est simplement présent dans l'acte
12 d'accusation comme contexte. Je ne fais pas objection nécessairement, mais
13 rappelez-vous ce que vous avez dit à propos de la bonne utilisation du
14 temps.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous attachez beaucoup d'importance
16 pour ces questions, pour ce qui est de la valeur judiciaire de ces éléments
17 de contexte, mais je pense que nous en avons suffisamment parlé. Vous
18 pouvez passer à autre chose.
19 M. KAY : [interprétation] Je demanderais le versement de numéro 5.1 --
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en aurais terminé rapidement, moins vite que
22 le temps qu'il a fallu pour formuler cette objection, parce que vous avez
23 un long article qui parle des activités du secrétariat fédéral, et non pas
24 de la République et je voulais simplement citer ce que disait le Dr Branko
25 Pocek. Son nom vous le montre il n'est pas Serbe, c'est clair. S'agissant
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1 des résultats de cette commission, il dit ceci : "Les normes éthiques du
2 serment d'Hippocrate ont été violées au Kosovo parce que les ouvriers ou
3 ceux qui travaillent dans le service de Santé se sont mis au service de
4 certains objectifs politiques." Il est très clair que c'était un coup
5 monté, et que c'était une supercherie, et le fait que plusieurs milliers de
6 personnes ont participé à cette farce montée, mise en scène --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à autre chose, parce que
8 finalement tout ne va pas basculer s'agissant de l'acte d'accusation à
9 partir de cette seule allégation. Sujet suivant.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Robinson.
11 M. Nice parle du contexte général, or il ne s'appuie que sur ce contexte.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Dites-moi autre chose : pendant cette période, est-ce que vous vous
14 souvenez des résultats officiels de ces experts au niveau de la République
15 et de la Fédération, et est-ce que vous vous souvenez que ceci aurait été
16 publié dans les médias à l'étranger ou aurait reçu autant d'attention que
17 ces allégations de prétendus empoisonnements ?
18 R. Oui, je me souviens malheureusement. Ces résultats officiels n'ont
19 jamais rencontré d'écho dans les médias. Les médias n'ont jamais réfuté ces
20 allégations, et malheureusement, ce sont ces premières histoires concernant
21 ces prétendus empoisonnements qui sont demeurées, et cela n'a pas été
22 corrigé.
23 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'autres exemples de ce type d'abus
24 massif à des fins de propagande ? Remontons à 1998, à 1999 ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'autorise pas cette question,
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1 car elle comporte un élément directeur qui peut guider le témoin.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Je retire cet élément que vous dites directeur et je demande ceci :
5 vous souvenez-vous d'un événement, évoquons-le brièvement, soyez bref dans
6 votre réponse aussi, qui remonte à 1989, à propos de ce qu'on a appelé la
7 grève des mineurs à Stari Trg ?
8 R. Oui. En février 1989, à partir du 28 février, 1 300 mineurs albanais se
9 sont mis en grève. Ils sont restés dans la mine et ils avaient des
10 revendications uniquement politiques. Ils voulaient que soient remplacés
11 trois dirigeants albanais. Ils voulaient que les dirigeants, au niveau
12 provincial, municipal, et fédéral, soient remplacés, car ils auraient été
13 pro yougoslave.
14 Q. Je suppose que vous étiez secrétaire responsable de la santé en 1998 ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'à Vucitrn il s'est passé quelque
17 chose, à Resnik, près de Vucitrn, où il n'y avait que des Albanais ?
18 R. Il n'y a que des Albanais qui habitent dans ce village. En octobre,
19 près de la mosquée dans un pré, tout d'un coup, quelque 25 000 personnes se
20 sont rassemblées. C'était surtout des femmes, des hommes âgés, et des
21 enfants. Ces personnes avaient été emmenées là pendant plusieurs journées
22 de zones voisines, surtout de Vucitrn, Mitrovica, de Glogova, notamment.
23 Ils avaient été aussi emmenés de Srbica. Ils avaient été emmenés en camions
24 et dans d'autres véhicules. Mme Sadako Ogata devait, disaient-ils,
25 s'adresser à eux personnellement, le Haut-commissaire aux Réfugiés. Ils ont
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1 dit qu'ils étaient chassés de leurs maisons par l'armée et la police serbe,
2 qu'ils étaient persécutés, qu'ils vivaient à la belle étoile.
3 Mme Ogata est arrivée. Elle s'est adressée brièvement à eux, et ceci a été
4 enregistré et suivi par les caméras du monde entier. Plusieurs minutes
5 après le départ de Mme Ogata, ces gens sont tranquillement rentrés chez eux
6 ne laissant derrière eux que des déchets de plastique.
7 Q. 25 00 réfugiés albanais ont été montrés par les médias, et après le
8 départ de Mme Ogata, ces réfugiés sont rentrés chez eux, ont disparu. Ils
9 n'étaient plus là le lendemain; est-ce bien ce que vous nous dites ?
10 R. Oui. Des exemples de ce genre sont nombreux.
11 Q. Monsieur Andric, quand avez-vous été secrétaire général à la santé ?
12 R. J'étais secrétaire provincial pour le Kosovo et Metohija à partir du
13 début du mois d'octobre 1998 jusqu'en mars 2002. C'est à ce moment-là que
14 le conseil provincial provisoire a cessé ses activités.
15 Q. Dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, est-ce qu'il vous est
16 arrivé de rencontrer des gens de la Mission de vérification à partir
17 d'octobre 1998 et pendant toute cette période ? La Mission de vérification
18 était sur les lieux, n'est-ce pas ? Est-ce que vous avez rencontré certains
19 de ses membres, des dirigeants de cette Mission de vérification de l'OSCE ?
20 R. Oui. Fin 1998 et 1999, et ce jusqu'au 20 mars 1999, qui est le moment
21 où la Mission de vérification a quitté le Kosovo et Metohija, j'ai
22 rencontré beaucoup de ces membres.
23 Q. Aviez-vous des contacts avec des membres qui s'occupaient des questions
24 de santé dans cette mission ?
25 R. Oui. A l'issue des négociations de Rambouillet, juste avant les
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1 négociations de Paris, j'ai reçu personnellement le chef de cette section.
2 C'était un médecin de Finlande, je ne sais plus son nom, et nous avons eu
3 un entretien dans mon bureau du conseil provincial.
4 Q. Que voulait-il savoir ? Sur quoi a-t-il attiré votre attention ?
5 R. Pour l'essentiel, il voulait que je lui parle de la façon dont étaient
6 organisés les services de Santé au Kosovo et Metohija.
7 Q. Vous lui avez fourni cette explication ?
8 R. Oui, brièvement, dans la mesure où cela l'intéressait.
9 Q. Comme on pouvait s'y attendre, je suppose que cet homme a apporté des
10 commentaires, a formulé des objections, vous a donné quelques idées. Est-ce
11 que vous vous en souvenez ?
12 R. Oui, je m'en souviens bien. Son objection principale, c'était que le
13 système était trop centralisé et trop lié à Belgrade, qu'il devrait être
14 moins lié à Belgrade et moins centralisé. Il nous a demandé si on avait
15 besoin d'aide de la part de la communauté internationale pour ce qui est
16 des services de Santé.
17 Q. Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, il aurait appelé votre
18 attention sur des violations des droits de l'homme ou un comportement
19 incorrect qui aurait été celui des autorités ou des services de Santé ?
20 R. Non. L'entretien fut tout à fait plaisant, agréable et spontané. Nous
21 avons discuté de questions d'organisation. Il n'a eu aucune autre objection
22 de sa part mise à part celle que je vous ai mentionnée.
23 Q. Est-ce que vous saviez combien il y avait d'organisations humanitaires
24 venant de l'étranger sur le territoire du Kosovo et Metohija fin 1998 et
25 début 1999 ?
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1 R. Oui. J'étais secrétaire provincial à la santé et cela faisait partie de
2 mes attributions. Sur ce territoire, juste avant l'agression de l'OTAN, il
3 y avait 29 organisations humanitaires qui étaient représentées venant de
4 l'étranger.
5 Q. Que s'est-il passé ? Qu'auriez-vous à dire s'agissant des activités de
6 ces organisations humanitaires ? Ont-elles collaboré avec les service de
7 Santé au Kosovo et Metohija dont vous étiez le chef en tant que secrétaire
8 provincial à la santé ?
9 R. Oui. Oui, elles pouvaient librement avoir accès à la totalité du
10 territoire du Kosovo et Metohija. Ces organisations ont pu aller jusque
11 dans tous les recoins du Kosovo et Metohija, et ces organisations ont bien
12 aidé les services de Santé sous forme de médicaments, de produits
13 médicamenteux, et d'équipement. Elles ont mené à bien leur mission
14 humanitaire.
15 Q. Qu'est-il advenu de ces organisations à la veille de l'agression de
16 l'OTAN ?
17 R. Lorsque la mission de vérification de Walker a quitté une semaine avant
18 le début de l'agression de l'OTAN, toutes ces organisations ont quitté le
19 territoire du Kosovo et Metohija; toutes.
20 Q. Est-ce que ces organisations ont emporté leurs biens lorsqu'elles sont
21 parties, ce qu'elles avaient ?
22 R. Non. Ces organisations ont emporté certaines choses qu'elles pouvaient
23 emporter, mais elles ont laissé des entrepôts sur tout le territoire du
24 Kosovo et Metohija.
25 Q. Qu'est-il advenu de ces entrepôts, le savez-vous ?
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1 R. Au début de l'agression de l'OTAN, des inconnus ont pillé bon nombre de
2 ces entrepôts. Certains sont restés intacts, et nous les avons inspectés.
3 Il y avait aussi des entrepôts qui appartenaient à une organisation appelée
4 "Handicap". Mis à part des produits et des équipements de santé, j'ai
5 trouvé beaucoup de béquilles, des chaises roulantes. Ce n'aurait pas été
6 surprenant si toutes ces choses n'étaient pas en nombre si grand. C'était
7 tout à fait effrayant dans le fond. On s'attendait à la guerre, semble-t-
8 il.
9 Q. Est-ce que vous avez eu contact avec l'ONG Médecins sans frontière ?
10 R. Oui.
11 Q. Comment l'avez-vous perçue ?
12 R. Médecins sans frontière est arrivé sur le territoire en 1993. Il n'a
13 pas rencontré d'obstacles dans ses activités et il nous a beaucoup aidés.
14 Je me souviens, par exemple, de traitements d'eau à Vucitrn. Médecins sans
15 frontière a apporté de l'équipement, mais j'ai appris, qu'à un moment
16 donné, certains membres de l'organisation se livraient à des actes
17 inadmissibles. J'ai appris que certains de ses membres avaient commencé à
18 constituer le camp médical de l'UCK.
19 Début 1999, Médecins sans frontière a demandé à prolonger son séjour,
20 parce qu'il fallait demander cette autorisation tous les trois mois.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est venu de faire la
22 pause. Pause de 20 minutes.
23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Docteur, nous avons discuté des contacts que vous aviez eus avec
3 l'organisation Médecins sans frontières. Veuillez examiner l'intercalaire
4 7. La date est celle du 4 janvier 1999. Déclaration publique du secrétaire
5 provincial de la santé, Vukasin Andric. Pour ne pas perdre de temps,
6 parlons-en rapidement.
7 Vous avez fourni une déclaration à l'intention de l'opinion publique, et il
8 est dit que : "Les Médecins sans frontière ont abusé du tablier blanc
9 lorsqu'ils ont utilisé leurs moyens pour faire entrer des terroristes
10 albanais et leurs armes. Premier paragraphe. Apparemment on a découvert
11 qu'une de leurs équipes se servait d'une fréquence qui était réservée pour
12 les communications des membres du MUP."
13 Il est dit aussi que : "Les contrôleurs se servent d'une idée noble pour
14 uniquement aider les terroristes et le terrorisme.
15 Dernier paragraphe, un tel comportement contribue à la détérioration de la
16 situation humanitaire au Kosovo et Metohija."
17 Vous qui étiez secrétaire provincial de la santé, vous déclarez cela
18 s'agissant du comportement des Médecins sans frontières, et vous aviez,
19 pour faire cette déclaration, des informations, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous avez discuté de la collaboration de Médecins sans
22 frontières avec le chef de l'antenne, M. Boucher ?
23 R. Oui.
24 Q. Intercalaire 8, est-ce qu'on trouve à cet intercalaire le procès-verbal
25 de la réunion que vous avez eue avec M. Boucher ?
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1 R. Oui.
2 Q. C'est assez long, en serbe du moins, trois pages. Deux pages en
3 anglais, mais peu importe. Je vais utiliser le texte en serbe, vous y
4 dites, je cite: "Vukasin Andric a expliqué qu'il avait reçu des
5 renseignements à propos de Médecins sans frontières de plusieurs sources de
6 personnes qu'ils ont contacté sur le terrain."
7 Troisième paragraphe : "Il y avait, notamment, des personnes de
8 toutes les appartenances ethniques. Mais c'était surtout des Albanais.
9 Certaines de ces sources étaient des journalistes et des représentants
10 d'organes officiels."
11 Paragraphe suivant, on dit ceci : "Peu importe de savoir si quelqu'un
12 a été surpris en possession d'arme, et quels étaient les circonstances,
13 mais l'idée, c'est que Médecins sans frontières, en tant qu'organisation
14 humanitaire, ne devra pas faire des distinctions en fonction des
15 appartenances ethniques ou religieuses." Vous insistez là-dessus.
16 Avez-vous de raison de croire que Médecins sans frontières cherchait
17 surtout à aider les Albanais, et non pas la population non-albanaise ?
18 R. Oui, c'est vrai en partie. Ce que j'ai dit, c'était que Médecins sans
19 frontières aidait les établissements de santé dans la zone de Kosovo et
20 Metohija - pas de problèmes à ce propos-là - mais ce qui n'est pas possible
21 de comprendre, c'est qu'une organisation humanitaire se rende sur un
22 terrain où il y a plusieurs communautés, qui est pluriethniques et, en
23 espace de six ans, emploi uniquement des ressortissants d'une seule
24 communauté. Cela veut dire que Médecins sans frontière, sur le territoire
25 du Kosovo et Metohija, n'a employé que des Albanais, que ce soit des
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1 médecins, des infirmières, des employées des services généraux. Ils n'ont
2 utilisé que des Albanais. Les agents de Médecins sans frontières vivaient
3 dans une maison qui appartenait uniquement à des Albanais. Ceci, vous en
4 conviendrez avec moi, ne peut que susciter des soupçons parmi les Serbes.
5 Q. Page 2, deuxième paragraphe à partir de la fin. je cite : "M. Andric a
6 expliqué que M. Boucher a dit qu'il voulait coopérer avec les deux parties,
7 et qu'ils voulaient aussi aller dans les villages serbes, mais qu'ils y
8 avaient rencontré de l'animosité, de l'hostilité." Pourquoi ?
9 R. Je ne pense pas que les communautés serbes étaient hostiles du tout.
10 C'était simplement que les Serbes savaient, vous savez, comment cela se
11 passait. Lorsqu'il y a de la tension, lorsque vous avez des représentants
12 de Médecins sans frontières qui viennent avec une infirmière albanaise, un
13 chauffeur albanais, automatiquement, cela créé de la méfiance, et vu ce qui
14 s'était fait jusque-là, les gens tout simplement ne faisaient pas confiance
15 à cette organisation.
16 Q. Vous dites à la fin qu'un médecin albanais était tué à Pec dans des
17 conditions horribles parce qu'il avait refusé l'invitation que lui ont
18 faite les terroristes d'aller travailler pour Médecins sans frontières.
19 Vous dites que c'est la raison de sa mort. Boucher exprime, dans l'avant-
20 dernier paragraphe, qu'il n'a pas eu de contact avec cette personne. Il a
21 dit n'avoir aucune influence sur les médias, sur la politique, et que
22 c'était la raison pour laquelle il voulait expliquer ce qu'il faisait, et
23 qu'il voulait une collaboration plus étroite.
24 R. Ceci concernait Dzevad Gashi, qui continuait à travailler dans le
25 système de santé serbe. Il a été tué cette nuit-là, je m'en souviens bien,
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1 au moment de cette réunion que j'ai eu. Ce médecin s'est rendu au travail,
2 et a été tué par des terroristes de la soi-disant UCK. Ses parents ont dit
3 à la télévision que, plusieurs jours avant qu'il ne soit tué, des membres
4 de la soi-disant UCK étaient venus et avaient essayé de faire pression sur
5 lui pour qu'il ne travaille plus avec les Serbes dans les institutions de
6 la République, et qu'il aille travailler avec Médecins sans frontières.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document. Il
8 s'agit du compte rendu faisant état de la conversation du témoin avec M.
9 Boucher. Intercalaire 8.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
11 M. KAY : [interprétation] Oui. On a aussi parlé de l'intercalaire 7 dans ce
12 cadre.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agira des intercalaires 7 et 8.
14 D'accord.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Merci. Docteur Andric, où étiez vous quand a commencé l'agression de
17 l'OTAN contre la Yougoslavie ? Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez
18 d'autres fonctions ? Est-ce que, pendant l'agression, vous avez exercé
19 d'autres fonctions ?
20 R. Au début de l'agression, je me trouvais à Pristina. Avec mon équipe, je
21 préparais les activités des services de Santé, qui devaient s'adapter aux
22 conditions de guerre. J'étais le secrétaire provinciale à la Santé, mais,
23 outre cela, j'étais aussi président de la commission chargée des Questions
24 humanitaires, et j'étais membre de la protection civile et de la
25 coordination entre les autorités civils, l'armée, et le MUP.
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1 Q. Vous avez mentionné plusieurs institutions. Pourriez-vous nous dire
2 quelle était la composition de ces organes ou institutions ? Ce que je veux
3 dire par là, je vous demande le contexte professionnel et ethnique des
4 membres de ces organes.
5 R. C'était très diversifié. Vous y trouviez des gens de professions
6 différentes, et aussi des gens des différentes appartenances ethniques.
7 Q. Fort bien. Examinons maintenant l'intercalaire 9, qui s'agit d'une
8 décision qui vous désigne à un certain poste, qui vous désigne président du
9 QG chargé des Questions humanitaires, et de l'aide aux personnes déplacées
10 qui réintègrent leurs foyers.
11 On a l'exposé des motifs, et il y est dit que ce QG a pour mission de
12 coordonner les activités découlant du programme d'activités prévues. Vous
13 avez la traduction en anglais. Il est dit qu'il y a obligation de
14 s'intéresser tout particulièrement à ceci. Il faut veiller à ce que les
15 conditions de logement de la population civile soient bonnes. Il faut un
16 bon service de Santé, bonne protection des biens civils, et il faut
17 empêcher que des actions soient entreprises, portant atteinte à la liberté
18 des citoyens. Vous avez le cachet, qui cache en partie un texte. Il s'agit
19 de permettre le retour des personnes déplacées chez elles.
20 Que pouvez-vous nous dire de l'activité de ces organes, activités auxquels
21 vous avez pris part ? Est-ce que vous êtes livrés à toutes ces activités
22 dans le cadre de vos fonctions, fonctions présentées comme étant celles du
23 QG ?
24 R. Oui. Nous devions aider la population civile, surtout celles qui
25 étaient exposées à des risques. Mais il s'agissait de protéger toutes les
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1 personnes vivant sur le territoire, qui devaient bénéficier des besoins
2 essentiels.
3 Q. Mais quelles étaient vos tâches précises ? Pourriez-vous nous dire
4 quelles étaient vos attributions principales ?
5 R. Par exemple, nous avons veillé à ce qu'il y a de l'eau potable. Nous
6 avons aussi veillé à la protection de l'environnement. Nous avons fourni de
7 l'aide médicale, des vivres pour les personnes qui n'en avaient pas, et
8 nous avons aussi contribué à réparer les dégâts, ou s'occuper des
9 conséquences des bombardements de l'OTAN, lorsqu'il y avait des morts, des
10 blessés. Nous avons aidé à ce que le terrain soit nettoyé.
11 Q. J'ai fait une erreur. Je vous ai lu le document se trouvant sur
12 l'intercalaire 10 au lieu du 9. Revenons au 9. C'est là qu'on trouve la
13 décision. Je vous demande d'examiner le document qui se trouve à
14 l'intercalaire 9 qui établit ce que j'ai -- responsable des questions
15 humanitaires et on présente la composition. Vukasin Andric président;
16 Veljko Odalovic, membre; Zejnelabidin Kurejs, membre;, Selim Gudjufi,
17 membre; Faik Jashari, membre; et Mihajlo Nedic, membre. On explique quelles
18 seront les activités de ce QG.
19 Dites-moi ceci. Quelle était l'appartenance ethnique des membres de
20 ce QG ? Il y avait six membres en tout.
21 R. Il y avait des Serbes, des Turcs, des Albanais, et un Monténégrin.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. C'était l'intercalaire 9.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que cette décision qui a un numéro
25 d'enregistrement et qui porte la date d'avril 1999, et que le document se
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1 trouvant à l'intercalaire 10 dont j'ai déjà parlé soit versé au dossier.
2 Intercalaire 10 porte, nomination de ce témoin. Merci.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Avant le début des bombardements la population a-t-elle quitté Pristina
5 et les autres villes tout comme le Kosovo et Metohija en général ?
6 R. Non. Avant le début de l'agression de l'OTAN les déplacements de la
7 population étaient habituels. Il n'y a pas eu de circonstances
8 exceptionnelles de situation d'urgence, et la vie se déroulait de façon
9 normale au quotidien.
10 Q. Lorsque les bombardements ont commencé ?
11 R. Quand les bombardements ont commencé le premier jour, après le début de
12 ces bombardements, les bombardements, je précise, ont commencé le 24 mars
13 au soir vers 20 heures. Le 25 mars déjà, j'ai remarqué des petits groupes
14 de gens à Pristina, des individus qui s'en allaient et qui vidaient la
15 ville.
16 Q. Qui est-ce qui quittait la ville ? Quand je dis "demande qui",
17 j'entends là les ressortissants des différents groupes ethniques.
18 R. Tous s'en allaient. Les Albanais, les Serbes, les Roms, enfin, les gens
19 qui vivaient là s'en allaient. Il n'y avait pas de règle. La seule règle
20 c'était de s'en aller.
21 Q. Vous vous trouviez à Pristina, à ce moment-là ?
22 R. Oui. J'étais à Pristina.
23 Q. Les citoyens qui quittaient Pristina ont-ils fini par augmenter ou
24 pas ?
25 R. Oui. Au fur et à mesure de la croissance de l'intensité des frappes, le
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1 nombre des gens qui ont quitté le territoire de Pristina et du Kosovo et
2 Metohija n'a fait que croître. Le nombre de ces partants était notamment
3 grand entre le 1er et le 15 avril, notamment, entre le 1er et le 6 avril
4 1999.
5 Q. Au fur et à mesure que les bombardements ont accru une intensité il y a
6 eu augmentation du nombre de personnes quittant leurs domiciles.
7 R. Oui. Ce nombre a été incroyable si l'on compare avec les autres
8 territoires de cette Yougoslavie. Il nous semblait parfois que les
9 bombardements duraient pendant 24 heures sans interruption.
10 Q. Aviez-vous connaissance de la direction dans laquelle ces personnes qui
11 s'en allaient se déplaçaient et j'entends par là les Albanais et les Serbes
12 et les Monténégrins puisque vous avez indiqué que les ressortissants de
13 tous les groupes s'en allaient ?
14 R. Les Albanais s'en allaient en général vers la Macédoine et l'Albanie,
15 ainsi vers le Monténégro, mais en partie moindre. Les Serbes se dirigeaient
16 vers la Serbie centrale, et les autres non-Albanais vers la Serbie et le
17 Monténégro. Je sais que les Turcs ont quitté en masse pour partir vers la
18 Turquie.
19 Q. Pendant ces bombardements de l'OTAN, pendant cette agression de l'OTAN,
20 les médecins et le personnel médical, au sein des institutions médicales,
21 d'après ce que vous avez pu faire en votre qualité de secrétaire chargé de
22 la santé, et ce qu'on fait les institutions en la matière également, aviez-
23 vous en ces circonstances de guerre eu la possibilité de continuer votre
24 travail ?
25 R. En ce qui me concerne personnellement, dès le 25 mars au matin, j'ai
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1 rédigé et signé en ma qualité de secrétaire provincial chargé de la santé
2 une ordonnance à l'intention de tous les centres hospitaliers sur le
3 territoire du Kosovo et Metohija pour dire que tout le personnel médical se
4 devait de continuer à travailler dans les établissements médicaux, et il
5 s'agissait de rendre possible à certains effectifs médicaux au cas où ils
6 estimeraient que leurs familles étaient en danger d'installer ces gens dans
7 les lieux des installations médicales, à savoir, sur le site même de leur
8 travail.
9 Q. Cet ordre a-t-il été respecté ?
10 R. Pour autant que je le sache et je suis bien informé, l'ordre portant
11 l'installation des personnes sur le site même des installations médicales a
12 été respectée jusqu'au bout.
13 Q. A l'intercalaire 11, nous avons des renseignements portant sur le
14 personnel médical du groupe ethnique albanais est resté travaillé après le
15 début de l'agression dans cet hôpital de Djakovica. Je vous prie maintenant
16 de vous pencher sur l'intercalaire 11. On voit des noms d'Albanais qui sont
17 restés travaillés dans cet hôpital d'Etat même après le début de
18 l'agression. Est-ce que c'est bien la liste que vous nous avez fournie ?
19 R. C'est bien la liste que j'ai fournie.
20 Q. Avez-vous noté quelques événements que ce soit qui illustreraient le
21 fait qu'à l'égard de ces médecins au travail, il y a eu une attitude de
22 discrimination ou une attitude de mise en péril de leurs personnes ?
23 R. Pour autant que je sache, non. Il y a eu des cas. Je vais dire que cela
24 se rapporte, notamment, aux centres hospitaliers de Prizren et de
25 Djakovica. En dépit de l'ordre que j'ai donné, les médecins albanais ont
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1 quitté ces centres hospitaliers et sont partis vers Gnjilane en bonne
2 partie. Il y eu des cas opposés. A Djakovica, 95 % des cadres médicaux
3 étaient des ressortissants albanais, et la plupart d'entre eux ou
4 pratiquement tous sont restés aux postes de travail qui étaient les leurs à
5 l'hôpital jusqu'à la fin de la guerre.
6 Q. Docteur Andric, est-ce que pendant cette agression de l'OTAN vous avez
7 eu l'opportunité de vous déplacer sur le territoire du Kosovo et Metohija ?
8 R. Oui, au quotidien. C'était l'une de mes tâches.
9 Q. Avez-vous contacté les Albanais qui s'en allaient ? Je ne parle pas
10 maintenant des Serbes qui s'en allaient. Est-ce que vous avez contacté les
11 Albanais qui s'en allaient du territoire du Kosovo et Metohija, et est-ce
12 que vos services sont intervenus sur le terrain ?
13 R. Oui. J'ai contacté bon nombre d'Albanais au quotidien, nos services ont
14 journalièrement [comme interprété] été présent sur le terrain pour aider
15 ces personnes.
16 Q. Avez-vous ou plutôt avez-vous eu des activités renforcés de la part de
17 ces équipes médicales dans certains secteurs qui ont été jugés critiques ?
18 R. Oui. Nous avons créé des équipes médicales mobiles, nous en avons eues
19 plusieurs de ces équipes, elles étaient au nombre de cinq à dix suivant les
20 besoins, et elles étaient, en particulier, chargées des secteurs vers la
21 Macédoine, donc, la route vers le passage frontière général Jankovic et
22 vers Maglaj sur la hauteur de Prizren.
23 Q. Puisque vous étiez sur le terrain et que vous avez organisé ces équipes
24 médicales et qu'elles leur apportaient leur aide, répondez-moi, s'il vous
25 plaît, quel était l'acte de déplacements de ces colonnes d'Albanais qui
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1 s'en allaient du Kosovo et Metohija ? Est-ce que quelqu'un au niveau des
2 autorités, j'entends, au Kosovo voire en Serbie ou Yougoslavie les auraient
3 obligé à quitter le pays ?
4 R. Non. Ces colonnes se déplaçaient de toute façon tout à fait tranquille,
5 il y a eu même des charrues dans ces colonnes. Je ne pense pas que
6 quiconque les obliger à s'en aller, j'entends par là, notre armée voire
7 notre police.
8 Q. Vous-même, en personne, vous êtes-vous entretenu avec les Albanais qui
9 quittaient le pays ?
10 R. Oui, au quotidien avec bon nombre d'entre eux.
11 Q. Quand vous dites que vous vous êtes entretenu avec bon nombre d'eux,
12 dites-nous si vous en connaissiez certains de ces Albanais ? Quelle a été
13 la teneur de ces conversations ?
14 R. Oui. Il y a eu des gens que je connaissais. Je me suis entretenu avec
15 eux. Je me souviens, par exemple, d'un boucher de Pristina qui m'a demandé
16 de lui apporter des couches pour son bébé. Je me souviens, par exemple, de
17 cette conversation.
18 Q. Que leur disiez-vous ? Vous vous êtes entretenu avec bon nombre
19 d'Albanais qui s'en allaient; que leur disiez-vous ?
20 R. J'essayais de les convaincre, je les suppliais de ne pas quitter le
21 territoire du Kosovo et Metohija, de rentrer chez eux. Je leur disais que
22 notre armée et notre police leur garantiraient la sécurité.
23 Q. Que vous disaient-ils ? Vous ont-ils écouté ou pas ?
24 R. La plupart ne m'ont pas écouté. Ils me disaient tous, ou presque tous,
25 qu'ils allaient mettre leurs familles à l'abri des bombardements de l'OTAN,
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1 et qu'ils allaient revenir, mais la majorité de ces personnes, en dépit de
2 mes demandes, ont continué sur leur chemin et ont traversé la frontière.
3 Q. Mais certains ont-ils écouté votre conseil ?
4 R. Certains ont écouté, certains sont revenus, et dès l'arrivée des forces
5 internationales le 10 juin, sur le territoire du Kosovo et Metohija, je les
6 ai vus, ces gens, et ils m'ont remercié. Ils m'ont dit que j'avais tout à
7 fait raison et qu'ils auraient mieux fait de tous m'écouter.
8 Q. Mais, partant de votre expérience, pourquoi les Albanais quittaient-ils
9 le pays ?
10 R. La raison principale du départ des Albanais - et c'est précisément le
11 début de l'agression de l'OTAN, et la peur des bombes de l'OTAN - en sus,
12 la population albanaise a fait l'objet de pressions terribles de la part de
13 ce mouvement séparatiste et, dans ce cas-ci, des terroristes de cette soi-
14 disant armée de libération du Kosovo, l'UCK, pour quitter le Kosovo et
15 Metohija, et ils leur donnaient des garanties pour les faire revenir
16 rapidement.
17 Q. Mais ces Albanais qui s'en allaient, leur avez-vous apporté une aide
18 humanitaire ? Vous nous avez parlé de l'aide médicale, certes, nous
19 n'allons pas revenir là-dessus, mais leur avez-vous fourni une assistance
20 humanitaire ?
21 R. Très certainement. Nous avons au quotidien visité ces colonnes. Nous
22 avons apporté des vivres. Nous avons apporté pour les enfants du lait et
23 des couches. Nous avons même transporté certains d'entre eux vers leurs
24 domiciles parce qu'ils étaient malades, ils avaient besoin d'aide et ils
25 ont été hospitalisés au centre clinique et hospitalier.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, est-ce que vous savez
2 quelles étaient les raisons pour lesquelles, comme vous le dites, l'UCK
3 faisait pression sur les Albanais pour qu'ils quittent le Kosovo ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux que supposer la raison. C'est
5 probablement -- est-ce la chose suivante. Ce départ signifiait vider le
6 territoire de tout habitant albanais et présenté la chose comme étant une
7 purification ethnique. Je crois que c'est la seule raison probable. Enfin,
8 je parle pour ceux qui ont exercé des pressions. Je ne parle pas pour ceux
9 qui ont fui les bombardements de l'OTAN.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Vous nous avez parlé de votre expérience, de l'expérience que vous avez
13 eue à la frontière. J'aimerais qu'on nous passe maintenant la vidéo numéro
14 2, qui est donnée à l'intercalaire 5. Nous avons vu le clip numéro 1.
15 Maintenant, j'aimerais qu'on nous passe le clip numéro 2.
16 M. KAY : [interprétation] Il faudrait verser au dossier l'intercalaire 11.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
18 Oui. Je sais. Voyons ce qui va se passer.
19 Vous l'avez vu, Monsieur Milosevic ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vais le voir à l'instant.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 L'INTERPRÈTE : Traduction de l'Albanais.
23 [Voix sur voix]
24 "Il n'y est pas de dizaine de milliers de réfugiés albanais comme le disent
25 les médias occidentaux qui seraient désireux de quitter le Kosovo et
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1 Metohija, le passage frontalier avec la Macédoine au général Jankovic, au
2 moment où notre équipe est arrivée ici. Il n'y avait que quelques dizaines
3 d'automobiles et une centaine d'Albanais du Kosovo et Metohija,
4 essentiellement originaires de Pristina, qui suite à la situation survenue,
5 ont exprimé le souhait de passer en Macédoine. Entre eux, parmi eux, il y a
6 des femmes, des enfants, des personnes âgées qui ont l'air fatigué et assez
7 épuisé. C'est ainsi que plusieurs dizaines d'automobiles et une centaine de
8 personnes ont attendu l'autorisation des autorités macédoniennes pour
9 passer vers cet Etat-là. Comme on peut le voir, on ne peut pas dire qu'il
10 s'agit de dizaines de milliers de réfugiés albanais désireux de quitter le
11 territoire du Kosovo et Metohija comme l'affirme les médias occidentaux.
12 Parmi ces gens malheureux qui disent que c'est de peur des bombardements de
13 l'agresseur de l'OTAN et de la situation créée suite aux attaques des néo-
14 fascistes de l'alliance occidentale qu'ils ont quitté leurs domiciles.
15 "Il s'est trouvé là tout de suite qui d'autre si ce n'est pas une
16 ambulance, une infirmerie mobile de la Croix Rouge du Kosovo et Metohija,
17 dirigée par le Dr Vukasin Andric. Ces gens sont là pour fournir une aide
18 médicale à tous ceux qui en ont besoin. On voit ici la présence de
19 représentants du ministère de l'Intérieur de Serbie qui essaie de persuader
20 ces gens de retourner chez eux car ils leur garantissaient la sécurité.
21 "Notre caméra a enregistré le retour de quelques 50 voitures de ce
22 passage frontière avec la Macédoine, qui sont retournés par Kacanik pour
23 rentrer à Pristina. Notre équipe a également visité le passage frontière
24 entre la Yougoslavie et l'Albanie, appelé Vrnecica [phon]. La situation est
25 pratiquement la même à la différence près qu'ici, les réfugiés sont
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1 véhiculés [phon] essentiellement sur des tracteurs, par des tracteurs. Il y
2 a ici aussi une équipe de la Croix Rouge du Kosovo et Metohija et les
3 représentants du ministère de l'Intérieur de Serbie essaie de les
4 convaincre de rentrer chez eux.
5 "Sur la route de Pristina, notre caméra a enregistré un grand nombre de
6 gens revenant chez eux, sans problème. Entre autres, on a vu 500 voitures
7 et camions revenant vers Pristina."
8 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. C'est cela.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous avons une date
11 précisant à quel moment ceci a été diffusé ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 4, 5 et 6. Mais ceci ce sont les images du
13 4 avril 1994, le passage frontière général Jankovic et passage frontière
14 Vrnecica.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Docteur Andric, au tout début de cet enregistrement vidéo, nous avons
17 pu vous voir, vous-même.
18 R. Oui, en effet.
19 Q. Vous vous êtes entretenu à ce moment-là avec les réfugiés, n'est-ce
20 pas, sur les lieux ?
21 R. Oui.
22 Q. On peut voir que ceci est diffusé en langue albanaise ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 Q. S'agissait-il, là, du programme de la télévision destinée aux Albanais
25 puisque c'est diffusé en langue albanaise ?
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1 R. Oui. Il y avait un programme de la télévision de Serbie où l'on
2 diffusait un programme en langue albanaise, et ce programme était diffusé
3 au quotidien.
4 Q. Ce programme de la télévision partant de ce que l'on peut voir ici a-t-
5 il été diffusé en langue albanaise précisément pour en quelque sorte
6 encourager ces populations albanaises à revenir chez soi et ne pas quitter
7 le Kosovo et Metohija ?
8 R. Oui, très certainement. L'un des objectifs était précisément celui-ci,
9 à savoir que la population y compris la population albanaise soit informée
10 avec précision et avec exactitude de ce qui se produisait sur le terrain.
11 Q. Mais quand même, comme vous l'avez indiqué une grande partie d'entre
12 eux sont partis du Kosovo, quitter le Kosovo; certains vous ont écouté et
13 sont revenus chez eux. D'après ce que je puis voir ici, à la télévision,
14 mais l'accent sur les gens qui ont décidé de revenir, qui ont prêté une
15 oreille attentive à vos demandes et aux demandes des représentants du
16 ministère de l'intérieur, parce qu'ils leur ont dit de rentrer chez eux, vu
17 qu'ils leur garantissaient leur sécurité, n'est-ce pas ?
18 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête du témoin.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je voudrais que ceci soit également
20 versé au dossier.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation] Docteur Andric, partant de votre
23 expérience, partant de ce que vous avez pu voir, personnellement, et
24 apprendre puisque vous avez, de tout temps, été là-bas, est-ce que l'OTAN a
25 bombardé les villes et les installations civiles dans ces villes ?
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1 R. Oui. Presque tous les jours, on a bombardé la plupart des villes sur le
2 territoire du Kosovo et Metohija et on a détruit, endommagé bon nombre
3 d'installations civiles, en effet.
4 Q. Quand vous dites "bon nombre d'installations civiles", qu'avez-vous à
5 l'esprit? Notamment, si l'on se penche sur les exemples de Pristina, de
6 Djakovica, voire une autre ville quelconque, quels sont les éléments que
7 vous avez gardé en mémoire ?
8 R. Je peux vous énumérer les installations qui ont été endommagées dans
9 certaines villes dans le courant de ces bombardements de l'OTAN. Je
10 parlerai des installations de taille, à Pristina, il y a une cité
11 d'habitation au centre-ville et le bureau de poste principal, la gare
12 routière, le bâtiment de Jugopetrol, et les entrepôts de Jugopetrol,
13 l'entrepôt de Beopetrol [phon], où l'on a engendré une véritable
14 catastrophe écologique. On a bombardé à Pristina des entrepôts de
15 marchandises, de vivres, de denrées alimentaires de première nécessité et,
16 sur cinq hectares, il a été détruit bon nombre de biens, de produits et de
17 marchandises. Il y a eu des victimes parmi les gens qui étaient à Glomiyar
18 [phon], une centre d'Excursion.
19 Q. Mais a-t-on bombardé le centre de Pristina ?
20 R. Oui, je l'ai dit au tout début, j'ai parlé du centre, stricte de la
21 ville de Pristina, et de la poste principale.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ne commentons plus cela parce qu'on a déjà
23 préparé l'enregistrement vidéo, qui en parle.
24 [Diffusion de cassette vidéo]
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le clip précédent qui n'a pas été
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1 visionné jusqu'au bout.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On ne reçoit pas
3 l'interprétation.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le clip précédent dont on n'a pas
5 vu la fin.
6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que, quand ils allument leur
7 micro, ils n'entendent plus rien.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le clip précédent parce qu'ils y
9 avaient les clips 2 et 3 qui se rapportaient, plus tôt, concernant les
10 départs du Kosovo, la présence de M. Andric et son activité, ainsi que la
11 présence des autres représentants de l'autorité qui cherchaient à les
12 convaincre de rentrer chez eux et on a diffusé là, le clip de la télévision
13 en langue albanaise pour encourager les civils à rentrer chez eux pour ne
14 pas quitter le Kosovo et Metohija.
15 Le clip numéro 4 lui se rapporte à ces destructions dont nous a parlé
16 le Dr Andric. J'aimerais qu'on nous fasse voir celui-là. On l'a déjà
17 commenté, mais on ne l'a pas vu techniquement parlant jusqu'à sa fin.
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela on l'a déjà vu, ce n'est pas de cela
20 que je parlais.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous l'avez déjà vu sur la figure au 5.3, la
23 traduction de ce que nous disent les personnes qu'on a filmé à la
24 frontière. Maintenant, je demanderais à ce qu'on nous montre l'intercalaire
25 5.4. J'aimerais passer à l'intercalaire 5.4 au 5.3.
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1 M. NICE : [interprétation] Il faut noter que, mis à part les problèmes de
2 traduction qui sont de la mauvaise qualité sonore, au 6/10, nous avons
3 quelque chose qui est tout à fait à l'inverse de ce qui semble être
4 favorable à l'accusé. Ce n'est pas ce que j'ai entendu. "Je viens de
5 Djakoica" - et il semble parler de gens qui combattaient- et ce que j'ai
6 entendu, c'est que personne ne combattait.
7 Si l'on va ces extraits au dossier, il faudra peut être vérifier les
8 transcriptions parce qu'il ne faudrait pas prendre quelque chose qui soit
9 erronée comme point de départ.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous allons
12 demander aux interprètes d'écouter cette partie-ci parce que vous avez
13 raison. J'ai entendu la même chose que vous. Tirons ceci au clair. Nous
14 allons demander que ce soit diffuser à niveau cet extrait.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, dans ma transcription,
16 que j'ai sous les yeux en langue serbe parce que je ne parle pas
17 l'Albanais, mais je sais que cela a été traduit.
18 La femme, d'après ce qu'elle raconte, dit : "Je suis venue de
19 Djakovica. Il y a des parties aux conflits; je n'ai rien à voir avec eux.
20 Tout ce que je veux, c'est m'éloigner en attendant que la situation ne se
21 calme. Lorsque la situation se calmera, nous continuerons à vivre
22 ensemble."
23 Le journaliste dit : "Mais avez-vous eu des obstacles, des entraves
24 dans votre voyage ?"
25 Elle dit : "Non, pas du tout."
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1 C'est ce qui est dit, c'est ce que l'on a écrit. On n'a pas dit autre
2 chose. On ne dit pas ce que dit M. Nice.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais les interprètes albanais pourraient
4 interpréter de façon un peu différente. C'est pour cela qu'on demande des
5 éclaircissements.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons entendu la même chose que
7 M. Nice. Mais est-ce qu'on pourrait s'y prendre d'une autre façon ? Nous
8 pourrons demander la traduction de ce texte.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, j'ai entendu le son
10 de l'enregistrement, et comme je parle assez bien l'albanais, au moment où
11 la femme parle des bombardements de l'OTAN, l'interprète parle "des parties
12 au conflit." Il ne dit pas l'OTAN. On pose la question au sujet de l'OTAN,
13 et l'interprète parle, une fois de plus, de "parties au conflit."
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Andric parle l'albanais, et pour lui, il
15 n'est pas difficile de le vérifier.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivons.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander que soit
19 rediffusé l'enregistrement avec interprétation.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 5.3.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allons-y. Je ne sais pas s'il est
22 possible d'isoler cette partie. Cela se trouve au 6/10. C'est une dame
23 albanaise qui parle.
24 [Diffusion de cassette vidéo]
25 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
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1 "L'homme : Tout le monde a peur des bombardements de l'OTAN, tout le
2 monde. Je viens de Mitrovica, et personne ne nous a dit quoi que ce soit.
3 J'ai vu une vingtaine de bus avec des gens dedans.
4 La dame : Je viens de Gjakove parce que les camps sont en train de
5 combattrent. Je n'ai rien à voir là-dedans, c'est pour cela que j'ai dû
6 partir. Non, personne ne nous a dit quoi que ce soit. Personne ne nous a
7 empêchés."
8 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que maintenant la chose est
10 tirée au claire.
11 Poursuivez, Monsieur Milosevic.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Docteur Andric, au tout début de ce clip, le premier homme qui prend la
14 parole, d'après la transcription, dit : "Nous partons en Albanie parce que
15 nous avons peur."
16 Le journaliste lui demande : "De qui avez-vous peur ?"
17 L'autre répond : "Du pilonnage de l'OTAN."
18 Un autre homme albanais ajoute : "Nous avons peur des bombardements,
19 des pilonnages. Nous avons très peur de la situation et nous partons pour
20 l'Albanie."
21 Le journaliste lui demande : "Avez-vous eu des obstacles pour arriver
22 ici ?"
23 Réponse : "Non. Non, nous n'en avons pas eus, ici et là un peu, mais
24 en général non."
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez maintenant votre question,
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1 Monsieur Milosevic.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Par conséquent, ce que l'on montre ici, est-ce que cela est conforme à
4 ce que vous en savez, Docteur Andric, pour ce qui est des raisons de la
5 fuite des gens du Kosovo, et quelle est l'attitude des autorités à leur
6 égard ?
7 R. C'est précisément ainsi que les choses se sont passées. C'est justement
8 ce que j'ai dit. La plupart disaient qu'ils fuyaient en raison de la peur
9 des bombes de l'OTAN et disaient qu'ils n'ont pas eu de problèmes du tout
10 avec les autorités sur l'itinéraire, pas plus qu'avant de prendre la route.
11 Q. Je vous ai demandé auparavant au sujet des bombardements des villes au
12 Kosovo et Metohija. J'aimerais qu'on nous montre maintenant cet
13 intercalaire 5.4. Je vous demanderais, par la suite, de nous apporter des
14 explications.
15 [Diffusion de cassette vidéo]
16 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
17 "La femme : Je dormais et j'ai simplement entendu du bruit, et tout
18 d'un coup c'est tombé sur moi. L'homme : J'ai entendu quelque chose qui
19 ressemblait à une rafale de fusil et j'ai essayé de sortir. Une planche
20 m'est tombée dessus, et ensuite j'ai réussi à la déplacer. Lorsque j'ai
21 réussi, ma femme m'a demandé si j'étais vivant. J'ai dit que oui et je lui
22 ai demandé si elle allait bien. Elle a dit qu'elle allait bien, mais
23 qu'elle ne pouvait pas bouger. Il y avait du mortier sur les enfants et des
24 briques partout au tour de nous; que Dieu nous garde. Quand j'ai réussi à
25 tout faire, je suis allé sauver les oies, Bosko et Jela."
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1 Le journaliste : Il n'y a que des réfugiés qui habitent dans ce
2 village ?
3 L'homme et la femme ensemble : Que des réfugiés de Krajina.
4 Le journaliste : Combien de personnes à peu près ?
5 Les deux personnes : 100 à 120, plus ou moins.
6 Le journaliste : Est-ce que vous avez entendu plusieurs explosions ou une
7 uniquement ?
8 L'homme : J'ai entendu un coup de feu, mais qui sait, peut-être une dizaine
9 de rafales et, tout d'un coup, il y avait du feu. On tirait de tous les
10 cotés.
11 La femme : J'ai entendu une explosion, et tout m'est tombé dessus.
12 L'homme : Il y avait un bruit terrible partout, tout d'un coup, en
13 quelques secondes.
14 La femme : J'ai entendu que cela me tombait dessus.
15 L'homme : Elle a commencé à gémir, et nous avons réussi à nous
16 abriter, je ne sais pas comment.
17 Le journaliste : Y a-t-il eu beaucoup de blessés ou de tués ?
18 La femme : Oui. L'homme : Il y a deux ou trois cadavres, une femme et deux
19 hommes. Je ne sais rien d'autre."
20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Docteur Andric, nous voyons ici des images d'un village où étaient
23 hébergés des réfugiés qui ont été bombardés.
24 R. Oui.
25 Q. Que savez-vous à ce sujet ?
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1 R. C'est un centre de Réfugiés que l'on appelait Meja. Il se composait de
2 26 maisons destinées aux Serbes qui avaient été expulsés de la République
3 de Croatie au début du mois de mai 1999. Lorsque l'OTAN a bombardé ce
4 centre, quatre personnes ont été tuées, les frères Volarevic, si je me
5 souviens bien, je pense me souvenir de leurs noms, de Benkovci, et la mère
6 et la fille de la famille Ilkic [phon] de Knin, qui ont été tuées, si ma
7 mémoire est bonne.
8 Q. Y avait-il des installations militaires dans les alentours ?
9 R. Non, c'était simplement un centre de Réfugiés destiné aux réfugiés
10 provenant de la Croatie.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de cette séquence vidéo
12 au dossier et je demande que l'on diffuse la vidéo correspondant à
13 l'intercalaire 5.5.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
15 M. KAY : [interprétation] L'intercalaire 5.3 est présenté comme pièce à
16 conviction.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il une date pour cet incident ?
19 Professeur, est-ce que vous avez la date de cet incident ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si c'était le 3 mai ou le 5
21 mai. Je ne suis pas absolument sûr, mais c'était, en tout cas, en mai 1999.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sont des images de Pristina.
24 [Diffusion de la cassette vidéo]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, un instant. Arrêtons les images,
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1 s'il vous plaît.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. On a vu que très peu d'images de cette intercalaire 5.5. Quand j'ai
4 regardé ces images à vos côtés à la prison, j'ai eu l'impression qu'on y
5 voyait également des immeubles d'habitation détruits. Est-ce que ceci
6 figure sur une autre séquence correspondant à un autre intercalaire, ou
7 est-ce qu'il y a des images qui manquent dans la présente séquence ?
8 R. Elles se trouvent dans la séquence correspondant à l'intercalaire le
9 plus court.
10 Q. Pouvez-vous expliquer de quoi il est question ici ?
11 R. C'est une partie du centre de Pristina qui a été détruit par le
12 bombardement de l'OTAN dans la nuit du 6 au 7 avril, ou plus exactement, à
13 1 heure 10 du matin, le 7 avril. C'est vraiment le centre le plus restreint
14 de Pristina dont les deux rues principales, la rue Njegoseva et la rue
15 Zanatska ont été totalement détruites, rasées. Tous les bâtiments, la poste
16 notamment, ont été gravement endommagés. Dans cette attaque par les forces
17 de l'OTAN, 16 habitants ont été tués et des dizaines blessées.
18 Q. Vous êtes allé sur place à ce moment-là, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, parce que je n'habite pas très loin, accompagné de quelques
20 camarades et de mon fils, je suis allé sur place en espérant pourvoir aider
21 ceux qui avaient été blessés.
22 Q. Connaissiez-vous quelqu'un qui a été tué à ce jour-là ?
23 R. Oui. Ma belle-mère a été tuée chez elle, dans sa maison.
24 Q. Son immeuble, a-t-il été détruit ?
25 R. Oui, totalement, comme tous les immeubles de ces deux rues, la rue
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1 Zanatska et la rue Njegoseva.
2 Q. Oui. Votre belle-mère a été tuée. Sa maison a été détruite. Quel est le
3 nom de votre belle-mère ?
4 R. Zlatinka Rankovic.
5 Q. D'autres maisons ont également été détruites. Connaissez-vous le nom
6 d'autres personnes dont les maisons ont été frappées et que ces personnes
7 aient été tuées ? Vous avez parlé de 16 morts ?
8 R. Oui. Je me souviens d'une famille turque, la famille Mesut Gashi, qui
9 était des voisins de ma belle-mère. Gashi est resté enterré sous les
10 décombres de sa maison avec ses quatre enfants, ainsi que sa mère et son
11 épouse. Cette maison a pris feu, et grâce aux efforts surhumains que nous
12 avons déployés pour sauver sa mère et l'enfant le plus jeune, nous y sommes
13 parvenus. Quant à lui, sa femme, et ses trois filles, malgré les efforts
14 qu'il a déployés, sa femme et ses trois filles sont mortes.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous diffuser la séquence suivante.
16 Je demande le versement au dossier de cet intercalaire que nous venons
17 d'examiner.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'intercalaire 5.7. Nous voyons ici Meja et
23 Bistrazin, non loin de Djakovica.
24 [Diffusion de cassette vidéo]
25 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
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1 "L'homme : Quand nous sommes arrivés à Krushe, un avion nous a
2 bombardés, mais il ne nous a pas touchés. Il s'est écrasé au sol de ce
3 côté-là. Quand nous sommes arrivés à cet endroit-ci, nous étions ici avec
4 un tracteur. Ma fille est morte le 22. Ma femme a été touchée au bras et à
5 l'oreille. Les femmes et les enfants ont été blessés. Quatre hommes ont été
6 tués. Ils avaient les jambes arrachées. Je suis resté avec ma belle-fille
7 et trois petits enfants pour attendre mon voisin. Il n'était pas encore
8 arrivé de Djakovica avec son tracteur. Nous n'avions aucun moyen de
9 transport et nous avons des enfants en bas âge. Ma tête a été touchée, et
10 j'étais incapable de marcher.
11 Le journaliste : Combien de morts, environ, y a-t-il eu ?
12 L'homme : Dix à peu près, y compris les enfants, les hommes, ma fille, et
13 les femmes. Deux femmes du village de Smonica ont été tuées sur un
14 tracteur, et leurs trois fils aussi. Deux hommes, Ferat Sejda de Kosara et
15 Imer Shabani de Batusa, ont aussi été tués. C'est tout ce que je sais
16 s'agissant de ceux qui ont été tués. Un camion rempli de blessés est parti
17 pour Prizren.
18 Le journaliste : Combien d'obus ont été largués sur vous ?
19 L'homme : Trois fois par là, sur la route asphaltée où la route est abîmée.
20 Il y en a eu beaucoup de l'autre côté.
21 Le journaliste : Qui tirait ? Qui vous a pris pour cible ?
22 L'homme : Un avion.
23 Le journaliste : Savez-vous à qui étaient ces avions ?
24 L'homme : A l'OTAN. Il y avait beaucoup d'avions dans le ciel. Je sais avec
25 certitude que c'étaient des avions de l'OTAN."
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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Docteur Andric, nous avons cet intercalaire 5.7.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez vu, sur la transcription en anglais,
5 ce qu'a dit cet homme albanais. Ici, nous voyons des images de Bistrazin.
6 Pourriez-vous nous dire exactement ce qui s'est passé ? A-t-on établi le
7 nombre total de victimes ?
8 R. Les avions de l'OTAN ont bombardé une colonne de personnes albanaises
9 déplacées qui marchaient vers leurs maisons, et cela a commencé à 14
10 heures, le 14 avril. Pendant toute l'heure qui a suivi, ils ont bombardé à
11 plusieurs reprises.
12 Q. Vous êtes-vous rendu sur le site ?
13 R. Je suis arrivé sur le site 15 minutes avant le début du bombardement.
14 Q. Où êtes-vous allé ensuite ?
15 R. Je suis allé à Prizren parce que je devais trouver trois autobus pour
16 transporter les personnes avec lesquelles j'avais parlées et que j'avais
17 convaincues de rentrer chez elle.
18 Q. Quand vous étiez à Prizren, la colonne a-t-elle été bombardée ?
19 R. Oui. Quand je suis arrivé à Prizren, la colonne a été bombardée.
20 Q. Qu'avez-vous pu établir ?
21 R. Les équipes de santé de Djakovica et de Prizren sont allées sur les
22 lieux immédiatement dans la localité qui porte le nom de Meja et dans la
23 localité qui porte le nom de Bistrazin, 87 civils ont été tués sur place,
24 et 28 sont morts soit pendant leur transport à l'hôpital soit après leur
25 arrivée à l'hôpital de Djakovica et de Prizren. Plus de 100 civils ont été
Page 36590
1 blessés.
2 Q. Ces Albanais qui se trouvaient dans la colonne, étaient-ce des
3 personnes qui retournaient chez elle, ou qui quittaient le Kosovo ?
4 R. Certaines d'entre elles avaient pris la route pour l'Albanie et
5 d'autres étaient en train de rentrer chez elle, et c'étaient ces dernières
6 que j'étais censé transporter dans les autobus. La plupart de ces personnes
7 n'avaient aucun moyen de transport. J'étais censé leur fournir des autobus
8 pour les transporter jusqu'à leurs domiciles. Certaines personnes étaient à
9 bord de leur tracteur en chemin vers l'Albanie, et quand la première bombe
10 est tombée, ces personnes sont rentrées à Djakovica.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je vous prie de m'excuser
12 mais j'ai un problème avec l'intercalaire 5. Je me souviens avoir vu des
13 maisons détruites. Il y a bien sûr aussi l'intercalaire 5.6 qui a été
14 fourni en format CD. Par ailleurs, j'ai des photographies de maisons
15 détruites. Le Dr Andric a parlé de cela, de ces maisons dans le centre de
16 Pristina. Je demande à ce qu'on place ces photographies sur le
17 rétroprojecteur. Ce sont des photographies qui font partie de
18 l'intercalaire 5.6. Pour autant que je le sache, la régie ait en possession
19 de ces photographies sur CD.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Plaçons ces photographies sur
21 le rétroprojecteur.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Rapidement. Je pense que le Dr Andric a ses propres photographies. Il
24 peut les placer sur le rétroprojecteur. Ses photographies sont sûrement
25 d'une meilleure qualité que les miennes parce qu'elles sont en couleur. Les
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1 miennes ne sont qu'en noir et blanc.
2 R. Oui, là, on voit les ruines de la poste au centre de Pristina derrière
3 le bâtiment de la Banque Bancos [phon], et à côté le bâtiment d'habitation,
4 l'immeuble de ma belle-mère où cette dernière a été tuée.
5 Q. Pourriez-vous nous montrer l'immeuble dans laquelle habitait votre
6 belle-mère ?
7 R. Le voici.
8 Q. Que voit-on sur la deuxième photographie ?
9 R. C'est une photo tout à fait semblable. On y voit aussi la poste, les
10 ruines, les restes de la poste et de la banque. Ici, sur la troisième
11 photographie, on voit un immeuble d'habitation détruit lui aussi.
12 Q. Très bien.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demanderais que
14 l'intercalaire 5.6 soit versé au dossier en tant que pièce à conviction, de
15 même que l'intercalaire 5.7 dont nous avons vu les images.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 5.6, oui. Intercalaire
17 5.7, oui.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. A l'intercalaire 5.7, nous avons vu des images montrant une colonne de
20 réfugiés albanais qui ont été bombardés. Vous avez dit qu'il y avait eu 105
21 morts; c'est bien cela ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez parlé de Djakovica et de l'hôpital de Djakovica où les
24 médecins albanais ont continué à travailler jusqu'à la fin de la guerre.
25 Cet hôpital a-t-il subi quelques dégâts que ce soit durant l'agression de
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1 l'OTAN ?
2 R. Oui, durant l'agression de l'OTAN, ce bâtiment a été touché à quatre
3 reprises.
4 Q. Dans quelle mesure ce bâtiment a-t-il été rendu inutilisable ? Y a-t-il
5 eu des parties du bâtiment qui n'ont plus du tout pu être utilisées en
6 raison des dommages subis ?
7 R. Oui. Une partie du bâtiment a été rendu inhabitable. Sur le plan
8 opérationnel, nous nous sommes trouvés réduits à un fonctionnement de 50 %
9 par rapport aux conditions normales, notamment, en chirurgie.
10 Q. Si j'ai bien compris, ce n'était pas un tir direct qui a touché
11 l'hôpital. Le tir direct a touché la zone adjacente à l'hôpital.
12 R. Oui. L'hôpital n'a pas été touché directement, mais il a été endommagé
13 quatre fois, parce qu'à côté de l'hôpital, il y avait la caserne qui avait
14 été d'ailleurs évacuée, désertée quatre ans avant et c'est la caserne qui
15 était la cible.
16 Q. Fort bien. Pendant l'agression êtes-vous allé à Djakovica, et si oui,
17 pourquoi faire ?
18 R. Oui. Je suis allé plusieurs fois à Djakovica. Je me souviens du 14
19 avril qui est précisément le jour où la colonne de réfugiés de Bistrazin a
20 été frappée. Je suis allé à Djakovica parce que je voulais visiter
21 l'hôpital et y rencontrer quelques patients.
22 Q. Avez-vous des souvenirs précis de cette visite ?
23 R. Oui, je me souviens avoir parlé au médecin albanais. Il y avait à
24 Djakovica surtout des médecins albanais. Comme je vous l'ai dit 95 % des
25 personnes qui y travaillaient étaient albanaises. Je me souviens que sur 13
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1 salles, il n'y en avait que sept qui fonctionnaient. Ce jour-là, le 14
2 avril 1999, l'hôpital habitait 157 patients.
3 Q. Ensuite, vous êtes allé à Prizren ?
4 R. Oui. Je suis allé à Prizren pour trouver les autobus.
5 Q. Vous nous avez dit ce qui s'est passé ensuite. Immédiatement après cet
6 événement, je parle du bombardement de la colonne de réfugiés 105 civils
7 ont été tués.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Passons maintenant à la séquence
9 vidéo suivante qui nous montrera des images de l'hôpital de Djakovica. Il
10 s'agit de l'intercalaire 5.8 pour le texte.
11 Un Albanais parle de la municipalité de Djakovica.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Le journaliste : Pratiquement tous vos enfants qui vous accompagnaient ont
15 été blessés.
16 L'Albanais : C'est exact.
17 "Les membres de ma famille ont été blessés ou tués. La sœur de mon épouse,
18 qui avait 22 ans, est morte aussi. Elle laisse un fils tout petit. Mes cinq
19 fils sont ici. Ils ont tous été blessés. Il y a eu cinq tués. Nous avons vu
20 le projectile. Nous avons eu la chance lorsque nous sommes allés à Pec. Je
21 ne sais pas combien de bombes sont tombées. Deux tracteurs ont été touchés.
22 Le journaliste : En un seul et même endroit ?
23 L'Albanais : Oui, en un seul et même endroit à Pec, là où se trouve
24 la briqueterie.
25 Le journaliste : Vos enfants ont-ils été gravement blessés ?
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1 L'Albanais : Le plus jeune a été blessé à la poitrine et aux jambes.
2 Mon autre fils a été blessé entre les épaules. Il a eu une plaie profonde
3 et importante. Ma fille a deux blessures qui ne sont pas graves. Les deux
4 fils qui étaient avec moi, il y a aussi des paysans, des fermiers qui ont
5 été blessés à la tête. Une femme qui a été blessée au cou, et cetera.
6 Le journaliste : Que dit le médecin ? Est-ce qu'ils vont se
7 rétablir ?
8 L'Albanais : Ils ont dit qu'ils pourraient certainement aider.
9 Le journaliste : Ils disent que les Etats-Unis veulent défendre le
10 peuple albanais. Est-ce ainsi qu'ils défendent les femmes et les enfants ?
11 L'Albanais : Maintenant, on voit comment ils font.
12 Interview d'un des fils : Quand ces gens de l'OTAN nous ont
13 bombardés, ils nous ont bombardés deux ou trois fois. Ils nous ont ensuite
14 bombardés quand nous étions à bord du tracteur. Ils ont tué mon frère, et
15 j'ai été touché à l'épaule. Ils ont tué beaucoup de gens. Un voisin de
16 Jonic [phon], est venu vers moi. Il m'a conduit ici dans sa voiture. Les
17 autres sont restès là-bas. Les autres, la police y est allée et les a
18 ramenés."
19 [Fin de la diffusion de cassette audio]
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est le prochain clip.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. Fort bien. Nous passons maintenant à la séquence suivante.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] En attendant, je demande que
24 l'intercalaire 5.8, qui dépeint la situation à Djakovica, soit versée au
25 dossier en tant que pièce à conviction.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Intercalaire
3 5.9 à présent, vous avez également la traduction anglaise de ce que disent
4 les personnes qu'on voit sur les images. Il y a deux déclarations sur ces
5 images. La première est de Sulja Ljabinot, et la deuxième, de Cuni Zoja.
6 J'espère ne pas avoir écorché les noms.
7 M. NICE : [interprétation] Pour le bon ordonnancement de nos débats
8 et pour que personne ne puisse penser que je suis d'accord avec ce qui se
9 passe en raison du fait que je ne suis pas intervenu durant l'audition de
10 ce témoin, toutes les déclarations auraient normalement dû être admises au
11 titre de l'Article 92 bis ou 89(F) du règlement. Si tel n'est pas le cas,
12 ces déclarations ne sont pas admissibles. A présent, l'accusé pourrait se
13 remémorer utilement qu'il existe des dispositions régissant les demandes de
14 versement au dossier de documents, tel que celui-ci, compte tenu de
15 l'existence d'un règlement dans ce Tribunal. Je souhaite ne pas vous faire
16 perdre du temps avec des objections techniques aujourd'hui, mais je demande
17 que ces documents soient enregistrés à des fins d'identification uniquement
18 et que leur statut soit rediscuté à la fin de la présentation des moyens de
19 preuve de la Défense. Je ne m'oppose pas à ce qu'il en soit donné lecture,
20 puisque, de toute façon, ces documents sont déjà entre les mains des Juges.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que vous dites c'est que le
22 témoin devrait être cité à la barre au titre de l'Article 62 bis ou --
23 M. NICE : [interprétation] Pour le moment, non, je ne dis pas cela.
24 Je dis simplement qu'à moins d'admettre que ce qui se passe ici sort
25 complètement de ce qui est prévu par le Règlement de preuve et de
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1 procédure. Si la Chambre souhaite que ces déclarations soient lues, je n'ai
2 rien contre dans le cadre de mon objection, mais nous pourrions, je pense,
3 revenir sur ces documents à la fin de la présentation des moyens de la
4 Défense. Pour l'instant, ils pouvaient être enregistrés pour identification
5 sans être versés au dossier, et j'ai des raisons précises d'élever cette
6 objection.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites que vous reviendrez sur
8 le statut de ces documents en fin de compte, que vous réfléchirez pour
9 décider si vous êtes d'accord ou pas avec leur versement.
10 M. NICE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous n'admettons pas ces
12 documents dans l'immédiat.
13 Monsieur Milosevic --
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, avant que vous vous
17 prononciez sur l'objection de M. Nice, je tiens à vous dire que ces
18 déclarations, comme vous le constaterez vous-même, traitent de ce qui s'est
19 passé précisément ce jour-là, le 14 avril 1999, et le témoin qui est ici
20 devant nous était sur place. Nous avons vu qu'il a décrit les événements de
21 ce jour-là, ce n'est pas quelque chose qui n'a aucun lien avec les éléments
22 de preuve présentés par ce témoin. Bien au contraire, c'est directement lié
23 à cela puisqu'il était sur place ce jour-là.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous admettons l'existence
25 d'un lien. C'est simplement la question de l'admission qui est encore au
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1 débat. Mais M. Nice invoquait les modalités qui sont prévues par le
2 Règlement de preuve et de procédure. Vous pourriez envisager d'avoir
3 recours à ces modalités pour des déclarations de cette nature.
4 Nous reviendrons sur ce point plus tard. Il est actuellement 14
5 heures. Nous avons dit que nous devions suspendre. Nous suspendons jusqu'à
6 demain matin, 9 heures.
7 --- L'audience est levée à 14 heures et reprendra le jeudi 24 février
8 2005, à 9 heures 00.
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