Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 23 février 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous voulez dire

7 quelque chose.

8 M. NICE : [interprétation] Deux choses, Monsieur le Président. Tout

9 d'abord, les lettres, hier, datées du 1er août 1995, dont j'ai parlé, les

10 lettres qui ont été envoyées par l'accusé à Izetbegovic et Mladic, j'ai

11 indiqué que c'était en anglais. L'accusé a contesté. La Chambre se

12 souviendra que j'avais indiqué que je n'étais pas en mesure de fournir ces

13 documents, mais que j'allais faire tout mon possible pour les fournir, et

14 quoi étant tout à fait certain que la lettre d'introduction de la part de

15 l'accusé était en anglais et que les traductions anglaises ont été fournies

16 par Belgrade. J'ai vérifié et, en effet, les originaux étaient serbes et en

17 caractères cyrilliques qui plus est. C'est là une rectification que je

18 fais, et je vous les communiquerais dès que possible. Ce sont là des choses

19 qui échappaient à mon contrôle.

20 Deuxième point. Hier, pendant la majeure partie du contre-interrogatoire au

21 sujet de l'intercalaire 8, il a été exprimé des appréhensions. J'ai soulevé

22 une objection. La Chambre l'a rejeté. Il me semble que les conclusions que

23 l'accusé a convié la Chambre à faire pour ce qui est des documents

24 possibles, il me semble qu'ils en aient d'autres qu'ils seraient plus

25 utiles à la Chambre. Il s'agit, bien entendu, du site Internet des Nations

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1 Unies et de la grande quantité de documents que l'on peut télécharger de ce

2 site. Il me semble là qu'il s'agit de questions plus ou moins neutres. On

3 saurait y trouver également les transcriptions -- les comptes rendus

4 d'audience, elle-même, au moment où les représentants des différents pays

5 ont pris la parole. Bien entendu, vous êtes au courant de tous ces

6 éléments-là. Il est évident que l'intercalaire 8 n'a pas été mentionné, et

7 étant donné ce qui figure à la fin de l'intercalaire 8, je ne suis pas

8 surpris de constater que cela n'a pas été mentionné. Cela ne fait que

9 confirmer que le document en question n'a pas été pris en considération

10 lorsqu'on a évoqué et lorsque les intervenants ont pris la parole. En sus

11 de cela, il y a deux télégrammes et une lettre envoyés par la Yougoslavie

12 au conseil de Sécurité, chose qui a précédé à la prise de la décision dont

13 on a parlé. Il existe également un document dont vous avez parlé. Il s'agit

14 du document d'un rapport du 26 mai 1992; suite à cela, il y a eu adoption

15 de la Résolution 752 du conseil de Sécurité. Tout ceci est disponible au

16 site Internet, bien entendu, si vous êtes intéressé par la lecture de ces

17 documents.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic, à vous.

19 Je pense que vous pourrez terminer les questions complémentaires que vous

20 avez à poser à ce témoin, et ne pas perdez pas de vue du fait que ce témoin

21 ait resté ici quatre jours.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne perds pas de cela de vue.

23 LE TÉMOIN: VLADISLAV JOVANOVIC [Reprise]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 Nouvel interrogatoire par M. Milosovic : [Suite]

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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jovanovic.

2 R. Bonjour.

3 Q. Vous avez indiqué à un moment donné que l'UCK a été l'infanterie de

4 l'OTAN et que cela a été une armée en terme pratique aux côtés de l'OTAN.

5 On vous a demandé : partant de quoi, pouvez-vous affirmer cela ? Je suppose

6 que vous vous en souvenez.

7 R. Oui.

8 Q. Vous en souvenez-vous d'abord de l'avoir dit et d'avoir été interrogé à

9 ce sujet ?

10 R. Oui.

11 Q. Bon. J'ai ici des photocopies de journaux qui transmettent les dires de

12 Ramush Haradinaj, qui se trouve être à présent soit disant premier ministre

13 au Kosovo, et s'est intitulé : "L'OTAN et l'UCK, une seule et même armée."

14 On dit : "Les soldats officiers qui sont arrivés ont travaillé avec nous

15 comme s'il s'agissait d'une même armée." Je voudrais que ceci soit placé

16 sur le rétroprojecteur. C'est bien ce que l'on dit ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que cela

18 découle du contre-interrogatoire et de quelle façon cela découle-t-il de

19 celui-ci ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois comprendre qu'on a remis en question

21 ce qu'a affirmé M. Jovanovic, à savoir que l'UCK était pratiquement là pour

22 jouer le rôle d'une infanterie de l'OTAN. La question de votre part a été

23 celle de demander partant de quoi affirmez-vous cela. Il n'a pas pu vous

24 présenter une preuve matérielle, or, je l'ai. Ce même Haradinaj dit :

25 "l'OTAN et l'UCK comme une seule et même armée." Cela peut être vu dans ce

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1 texte-ci.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui a posé cette question, Monsieur

3 Milosevic ?

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande pardon.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui a posé cette question ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, c'était l'un

7 des Juges, Monsieur, qui a posé cette question. Il me semble que c'est M.

8 Bonomy qui a posé cette question.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Traitez de cela aussi

10 brièvement que possible.

11 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai hésité en attendant

12 de voir ce qui allait se passer, mais il me semble que, même si j'avais

13 contesté la question ou fait la mienne de la question posée par les Juges

14 de la Chambre à ce sujet, ce document ne serait être admissible étant donné

15 qu'il s'agit de l'opinion d'un tiers qui est présenté dans un journal. Je

16 répète, une fois de plus, avec tout le respect que je vous dois, je ne

17 voudrais pas que l'on ait l'impression que je ne veux pas autoriser

18 l'accusé à se servir du document qu'il souhaite utiliser. Il faut

19 reconnaître qu'il s'agit de problèmes qui peuvent faire l'objection suite -

20 - qui peuvent être soulevés après des objections formulées par mes soins.

21 Vous vous souviendrez qu'il y a eu des limitations lorsque nous avons voulu

22 proposer nous-mêmes certains documents après le contre-interrogatoire. Vous

23 vous souviendrez que M. Lilic avait voulu montrer des documents

24 complémentaires et la chose a été refusée. A notre avis, la Chambre devrait

25 adopter une attitude conservative pour ce qui est d'autoriser ou de ne pas

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1 autoriser l'accusé à verser au dossier des documents qui n'ont aucune

2 valeur probante.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il s'agit d'une question que

4 j'ai soulevée et j'ai autorisé l'accusé à traiter de la question, mais,

5 brièvement - alors, très brièvement - Monsieur Milosevic. Voyons si le

6 témoin peut nous indiquer quoi que ce soit au sujet de cet article de

7 journaux. S'il ne peut pas le faire, nous n'allons pas le verser au

8 dossier.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson, mais je dois

10 vraiment attirer votre attention sur les objections que formule M. Nice au

11 sujet de tout ce qui est dit ici. Pour lui, cela n'est pas pertinent, c'est

12 pertinent pour lui quand il veut verser aux deux dossiers des intercalaires

13 qui n'ont aucune signification pour ce qui est de la teneur des résolutions

14 des Nations Unies qui sont traitées comme si cela était clandestin, alors

15 que quand on montre les journaux qui ont été publiés avant que cela n'est

16 été créé, et cela a été fait en public, on m'a dit que cela n'est pas

17 pertinent. C'est une partie de sa tactique de mystification du contre-

18 interrogatoire et de la façon dont on pose des questions d'une manière

19 générale. Pourquoi faire de quelque chose, une chose publique, alors que

20 cela peut être secret. Je crois que vous devriez le prévenir de cela.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne veux pas,

22 en ce moment-ci, que les parties jouent au ping-pong entre elles, étant

23 donné que cela risque de voir la partie adverse se lever. Monsieur Nice, je

24 ne veux rien entendre à ce sujet étant donné qu'il n'y a pas eu d'offense à

25 votre égard.

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1 M. NICE : [interprétation] Mais il n'y a pas eu d'offense, Monsieur le

2 Président, mais, si je puis l'expliquer, il s'agit d'un problème auquel

3 fait face l'accusé étant donné qu'il ne veut pas accepter d'aide juridique.

4 Je crois que l'accusé n'a pas compris quel est le fondement pour le

5 versement au dossier de certains documents. Je ne peux peut-être pas

6 l'aider moi-même, mais M. Kay pourrait peut-être le lui expliquer pendant

7 la pause.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. M. Kay, sans doute, a entendu

9 ce que vous venez de dire. Veuillez continuer, Monsieur Milosevic. Je vous

10 demande de continuer et de me dire de combien de temps vous allez avoir

11 besoin.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne pense pas avoir besoin de plus d'une

13 demie heure à moi, que je ne sois interrompu à tout bout de champs. Je

14 comprends des raisons à des interruptions

15 M. MILOSEVIC : [interprétation] Monsieur le Témoin, les affirmations

16 que vous avez faites ici sont plus explicites que ce que nous dit, qui

17 affirme que l'UCK et l'OTAN ne sont qu'une seule et même armée. Il

18 mentionne également le fait que les forces serbes ont été utilisées avec un

19 recours à la force démesuré. Il dit s'emparer de Kijevo et continuer des

20 opérations tels que Decani et Prilep, ainsi de suite, qui montre qu'ils

21 l'ont fait précisément et que la police n'a fait que réagir à leurs

22 actions. Il dit : Je pensais que le Kosovo devait être mis sens dessus

23 dessous à fait que les Albanais de toutes les façons frappent les forces

24 serbes. J'avais à l'esprit une déstabilisation totale, chose qu'a faite

25 l'OTAN en frappant partout et à tout moment.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, posez votre

2 question au témoin.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Jovanovic, avez-vous connaissance que du fait que l'OTAN et

5 l'UCK ont constitué une seule et même armée comme l'affirme Haradinaj ?

6 R. Je le sais, à plusieurs titres, que des éléments secrets et publics me

7 l'ont fait affirmé. Bon nombre d'explications ont été avancées dans les

8 livres rédigés par les dirigeants de l'UCK. Cela a été repris dans une

9 déclaration d'un officier de l'armée de l'Albanie qui a pris part au combat

10 et qui a pris part à la participation du passage de l'armée de l'UCK depuis

11 l'Albanie vers le Kosovo pour aider -- attirer vers eux les soldats de

12 l'armée yougoslave afin que l'OTAN puisse les frapper plus facilement.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, est-ce la seule

14 source de vos connaissances à ce sujet ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de cette bataille à proximité de

16 Kosara, qui se trouve non loin de la frontière albanaise, il est bon nombre

17 de déclarations et de confirmations.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. La question qu'on vous a

19 posée se rapportait à la corrélation qu'il y avait entre l'OTAN et l'UCK.

20 Est-ce votre seule source d'information ? Est-ce que d'autres personnes ont

21 écrivent ? Si cela est le cas, je crois qu'il n'y a aucune raison de vous

22 poser des questions à ce sujet.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'éléments publics que les moineaux

24 même sur les branches connaissaient. Les contacts entre l'UCK et l'OTAN

25 étaient à tel point proches que tous les moineaux le savaient.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous étiez ministre des Affaires

2 étrangère de ce pays et vous êtes ici pour témoigner au sujet d'éléments

3 pertinents qui relèves de votre domaine d'intervention, et là on vous pose

4 des questions au sujet de ce qui a été publié dans un journal.

5 R. Tous les journaux, tous les médias du monde ont écrivent au sujet de la

6 bataille de Kosara et on a dit que les Albanais passaient depuis l'Albanie

7 et qu'il y a eu une action synchronisée avec l'OTAN. Je ne sais pas de quoi

8 -- avez-vous besoin de plus pour vous en rendre compte ? La presse

9 occidentale l'a rapportée en long et large, et le fait est que l'UCK sur le

10 terrain au Kosovo, à l'occasion des bombardements, avait disposé de

11 téléphones cellulaires, choses qu'elle ne pouvait se procurer d'ailleurs si

12 ce n'est de la part des pays occidentaux.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je crois que

14 vous avez suffisamment exploité -- exploré cette question, je vous demande

15 de passer à une autre question.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quelle date cet article de presse a

17 été publié ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas, c'est maintenant un document

19 qui se trouve sur le rétroprojecteur, vous pouvez voir la date, mais c'est

20 un extrait du livre de Ramush Haradinaj. Les questions de confession sur

21 les modalités des préparatifs pour la guerre au Kosovo et Metohija, et je

22 vous demande de passer sur le rétroprojecteur la page précédente, où l'on

23 dit tout à fait clairement -- ou il a tout à fait clairement d'imprimer sa

24 déclaration, l'UCK et l'OTAN, une seule et même armée.

25 Je m'excuse, c'est la date du 9 janvier 1993, cela a été publié en date du

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1 9 janvier 2003.

2 Les éléments et la vérité fait surface tôt ou tard et je crois que les

3 choses sont tout à fait claires pour tout et chacun. Je crois que vous

4 serez parmi ceux qui comprendront où est la vérité.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez continuer vos questions

6 complémentaires; sinon, je vais vous interrompre.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Jovanovic, savez-vous qu'en vertu des documents des Nations

9 Unies, l'UCK était censée être désarmée ?

10 R. La Résolution 1244 qui réglemente la cessation des hostilités et qui

11 prévoie l'arrivé d'une mission civile et militaire sur ce territoire

12 souligne que l'UCK doit être démilitarisée. La démilitarisation, selon mon

13 interprétation et selon l'interprétation qu'en font ceux qui si

14 connaissent, signifie désarment également.

15 Q. L'UCK, y compris tout ces meurtriers tous ces criminels qui ont pris

16 des photos avec des têtes de Serbes coupées, est-ce que cela a été

17 rebaptisé Corps de protection du Kosovo en armes, mais avec un changement

18 de nom seulement ?

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je vous demande de ne pas

20 répondre à cette question. C'est une question qui ne découle pas du contre-

21 interrogatoire.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation] M. Nice a dit que je me suis servi, comme

24 il l'a dit, des nationalistes serbes pour évoluer dans ma carrière. Ne

25 savez-vous pas qu'en 1989 j'étais président de la République de Serbie ?

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1 R. Oui.

2 Q. J'étais président de la présidence de Serbie plutôt et, un an plus

3 tard, à l'occasion de ces premières élections un peu répartîtes je suis

4 devenu président de la République de Serbie.

5 R. Oui. Je crois qu'en 1989, vous étiez président de la Présidence, un

6 organe collégial et l'année d'après.

7 Q. C'est en cette capacité-là que j'ai pris la parole à Gazimestan au

8 Kosovo et auparavant j'ai été élu. J'ai déjà occupé les fonctions les plus

9 élevées; les plus éminentes est-ce contesté ?

10 R. Non.

11 Q. Quel est le progrès au niveau professionnel que je pouvais faire si

12 j'avais d'or et déjà occupé les fonctions les plus élevées ?

13 R. Je ne comprends pas parce que vous étiez déjà au sommet.

14 Q. Oui. Personne n'a pas essayé le comprendre. Veuillez m'indiquer --

15 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

16 M. NICE : [interprétation] Les questions de l'accusé n'ont probablement

17 aucune valeur, et il se peut qu'il en aille de même pour ce qui est des

18 réponses, mais il n'a pas présenté avec exactitude la thèse de

19 l'Accusation. Je crois que son élévation de pouvoir s'est faite dans un

20 certain contexte et dans certaines circonstances. Je crois avoir exprimé

21 mon opinion de façon tout à fait prudente et précise.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, allez de

23 l'avant.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais aller de l'avant.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Jovanovic, on vous a posé des questions au sujet du plan

2 Cutileiro. A l'occasion des négociations au sujet du plan Cutileiro, est-ce

3 que quiconque aurait pris part aux négociations en provenance de la

4 Yougoslavie et de la Serbie ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce qu'à l'occasion de ces négociations organisées par l'ambassadeur

7 Cutileiro, suite à une instruction de la part de la conférence sur la

8 Yougoslavie, il n'y a eu que participation des trois parties impliquées en

9 Bosnie-Herzégovine, sans présence de quiconque de Yougoslavie, de Croatie

10 ou d'ailleurs, de quelque autre pays extérieur à la Bosnie-Herzégovine ?

11 R. Oui, ce n'était qu'une réunion tripartite des trois groupes ethniques

12 constitutifs de la Bosnie-Herzégovine en présence, bien entendu, de

13 l'ambassadeur Cutileiro. Il n'y a pas eu de personnalités autres.

14 Q. Ces parties en présence se sont consultées en présence de M. Cutileiro

15 et ont convenu d'accepter ce plan avant qu'il n'y ait quelque hostilité que

16 ce soit ?

17 R. Oui, c'est exact. Il s'agit d'un document portant sur l'aménagement

18 constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine suivant des principes cantonaux,

19 ou quelque chose de ce genre.

20 Q. Je vous demande maintenant de vous pencher sur l'intercalaire 22 qui se

21 rapporte à l'année 1993. Ce qui m'intéresse, c'est seulement un petit

22 élément bref dont il est question tout à la fin. On dit : "Unilatéralement

23 et au premier plan, on jette la culpabilité sur les Serbes de Bosnie, et la

24 condamnation des Croates de Bosnie est très faible quoique les Russes aient

25 demandé à ce que soient condamnés les combats en Bosnie Centrale et à

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1 Mostar, puisque la guerre faisait rage déjà entre les Croates et les

2 Bosniens." Une fois de plus, toute la culpabilité est rejetée vers les

3 Serbes de Bosnie.

4 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse, mais il s'agit de commentaires. Si

5 vous vous penchez sur l'intercalaire 22, ce que l'accusé vient de dire, et

6 peut-être ai-je mal compris quelque chose, mais tout ce qu'il a dit ne

7 constitue, en réalité, qu'un commentaire qu'il présente en guise

8 d'introduction à sa question. Je ne fais pas souvent ce type d'objection,

9 mais il doit réellement s'en tenir à la nécessité de poser des questions

10 compréhensibles.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez vos

12 questions et évitez de faire des commentaires d'introduction.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains fort, Monsieur Robinson, qu'il s'agit

14 là d'un malentendu. Parce que ce que je viens de lire n'est pas un

15 commentaire, c'est une citation du texte qui figure à l'intercalaire 22.

16 C'est une citation. On dit : "Unilatéralement et au premier plan, l'on

17 rejette, une fois de plus, toute la culpabilité vers les Serbes de Bosnie."

18 Je ne fais pas de commentaires, je cite le document que M. Nice a versé au

19 dossier. Cela figure à la fin de ce texte.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bon, posez votre question. Etant

21 donné que vous venez d'apporter cet éclaircissement, veuillez poser votre

22 question.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Ne voit-on pas, ici aussi, qu'il y a une approche permanente du style

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1 deux poids, deux mesures. On a vu le rapport du secrétaire --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Ceci n'est pas admissible.

3 Posez votre question suivante.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je vais reformuler.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Jovanovic, lorsque nous avons analysé le rapport du secrétaire

7 général et la résolution portant mise en place de sanctions, on dit que la

8 JNA s'est retirée et que les forces croates sont restées en Bosnie. Dans la

9 résolution, on met en œuvre des sanctions à l'égard de la Yougoslavie,

10 alors que les Croates ne sont que mollement prévenus de la nécessité de

11 retirer leurs forces de Bosnie.

12 Dans ce télégramme, on dit que toute la culpabilité est endossée par

13 les Serbes de Bosnie et que la partie croate n'est que prévenue assez

14 mollement. Est-ce là un phénomène qui accompagne la crise yougoslave dans

15 toute sa durée ?

16 R. L'attitude des Nations Unies à l'égard de la Serbie a toujours été plus

17 sévère qu'à l'égard des Croates, et encore moins qu'à l'égard des

18 Musulmans, qui n'ont pratiquement jamais été critiqués. Cette attitude a

19 été une constante.

20 Je ne sais pas si c'est là une question politique ou est-ce que c'est

21 là la conséquence de l'évolution de la situation sur le terrain. Cela, je

22 ne peux pas vous le dire, mais je peux dire qu'il y a une hostilité

23 manifeste à l'égard des Serbes de Bosnie qui était présente au travers de

24 tous ces documents, alors que les Croates et les Musulmans de Bosnie,

25 lorsqu'ils se sont battus, et ils se sont battus de façon très acharnée et

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1 cruelle, cet aspect de la guerre n'a pas trouvé son expression dans les

2 documents des Nations Unies. Il n'y a eu que des appels à la cessation de

3 ce type d'hostilités.

4 Q. Monsieur Jovanovic, hier, répondant à une question de

5 M. Nice, vous avez déclaré avoir lu l'ensemble de ces intercalaires. Peut-

6 être l'avez-vous fait plus en détail que moi, car je disposais de moins de

7 temps. Mais je vous demanderais de répondre à la question suivante : suis-

8 je en droit d'avoir le sentiment que, dans tous ces intercalaires, je dis

9 bien dans tous ces documents qui ont trait à la teneur des résolutions

10 relatives à Srebrenica, et cetera, y a-t-il uniquement question des Serbes

11 de Bosnie et est-il exact qu'on y mentionne nulle part la Yougoslavie ?

12 Avez-vous, à quelque endroit que ce soit dans ces résolutions, trouvé le

13 mot Yougoslavie ?

14 R. Si vous parlez des résolutions des Nations Unies, je n'ai trouvé aucune

15 mention de la Yougoslavie, uniquement des critiques adressées aux Serbes de

16 Bosnie, et appels à ce qu'ils se conduisent comme le stipulaient les

17 documents des Nations Unies.

18 Q. M. Nice vous a dit, parce que vous étiez censé être au courant de ce

19 qui s'est passé le 12 juillet, il vous a demandé ce que vous aviez

20 entrepris à cet égard puisque, selon ses termes, ce qui était arrivé à

21 Srebrenica était un crime majeur. Je vais vous soumettre un télégramme

22 d'Akashi, en date du 12 juillet, sans citer l'intégralité du télégramme. Je

23 demande qu'on le place sur rétroprojecteur. En haut, nous lisons, pièce à

24 conviction 713, admise le 28 juillet 2004. Vous avez déjà ce document.

25 Le 12 juillet, et cela se trouve à la fin du premier paragraphe du

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1 télégramme, Akashi écrit : "Aucun rapport faisant état de mauvais

2 traitements physiques n'est arrivé."

3 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons sans doute

4 besoin d'un exemplaire de ce texte sur le rétroprojecteur. Cela ne suffit

5 pas pour l'accusé, avec son dédain très caractéristique, de se contenter de

6 dire, vous l'avez, je n'ai pas besoin de m'occuper de cela. S'il souhaite

7 présenter une thèse, il faut qu'il use des pratiques et des règles qui sont

8 celles de la Chambre.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. J'avais cru comprendre que le

10 texte allait être placé sur le rétroprojecteur. Je demande que cela soit

11 fait.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous en prie, je vous en prie.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Jovanovic, vous voyez le texte sur votre gauche à l'écran, et

15 j'ai surligné en jaune un passage qui n'est peut-être pas actuellement à

16 l'écran.

17 R. Oui, oui, il est visible.

18 Q. Bien, on le voit. La phrase dont j'ai donné lecture est la suivante :

19 "Aucun rapport faisant état de mauvais traitements physiques n'est arrivé."

20 Ce qui signifie que les Nations Unies, qui disposaient de plusieurs

21 centaines de soldats sur place, des soldats du Bataillon néerlandais, n'ont

22 reçu aucune information sur ce point.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'autorise pas cette question,

24 c'est un commentaire. Quelle est la question ?

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Je reformule. A l'époque, y avait-il qui que ce soit qui aurait pu

2 imaginer qu'à cet endroit qu'un crime aurait été commis ?

3 R. Je n'ai eu aucune connaissance de cela. Je n'en ai pas entendu parler

4 jusqu'à une date assez ultérieure où il a commencé à en être question avant

5 tout aux Nations Unies et dans la presse occidentale. Mais peu de temps

6 après la chute de Srebrenica, nous n'avions aucune connaissance, en tout

7 cas, je n'avais aucune connaissance du fait que des choses horribles s'y

8 étaient déroulées.

9 Q. Ici, on entend très souvent la thèse selon laquelle, en Bosnie-

10 Herzégovine, et là je ne parle ni de la Yougoslavie, ni de la Serbie, mais

11 selon laquelle, en Bosnie-Herzégovine, une politique d'expulsion forcée et

12 de nettoyage ethnique auraient été menés. Quant à vous, vous avez, à

13 plusieurs reprises, dit ce que chacun sait, à savoir que le recours à la

14 violence a été le fait des trois parties en présence, qui ont toutes commis

15 des crimes.

16 Je vais à présent vous soumettre un document qui date du 19 août

17 1992. Je dis bien 1992. Ce document existe en traduction anglaise.

18 On peut placer, sur le rétroprojecteur, la traduction anglaise. Quant

19 à moi, je citerai un passage tiré de l'orignal en serbe. Monsieur

20 l'Huissier, j'ai le texte en serbe. Je vous remets le texte en anglais. Les

21 deux sont identiques.

22 Je n'ai pas vérifié la qualité de la traduction, mais je suppose

23 qu'elle est bonne. La date est celle du 19 août 1992, et le président de la

24 république serbe, comme on l'appelait à l'époque, la République serbe de

25 Bosnie-Herzégovine, était encore Radovan Karadzic, qui a signé ce document.

Page 36496

1 Ce document a été envoyé à tous les services de Sécurité publique, au

2 ministère de l'Intérieur, au Grand quartier général de l'armée de la

3 Republika Srpska. On lit dans ce document le passage suivant, je cite :

4 "Conformément à notre document du 18 juillet 1992 relatif au respect des

5 normes des lois internationales de la guerre, j'émets, une nouvelle fois,

6 l'ordre." Je dis bien qu'on lit les mots "une nouvelle fois".

7 Ensuite, je passe quelques lignes où il est question du fait que

8 chacun doit se conformer aux conventions de Genève, notamment, à la

9 troisième et à la quatrième convention de Genève. J'aimerais

10 particulièrement appeler votre attention sur le paragraphe 3.

11 Il est ordonné, je cite : "Que les expulsions forcées de population

12 et autres mesures illégales dirigées contre la population civile soient

13 empêchées. Les certificats de vente de biens ou autres déclarations émanant

14 de réfugiés et stipulant que ceux-ci ne reviendront pas n'ont aucune

15 validité juridique et sont déclarés nuls et non avenus."

16 Voilà ce qui est dit dans cet ordre émanant de Radovan Karadzic. A la

17 fin du texte, nous lisons ce qui suit, je cite : "La position générale est

18 que toutes les instances policières et autres instances de l'armée --

19 toutes les instances de l'armée et de la police dans la zone de

20 responsabilité ont le devoir d'enquêter à fond sur toute affaire où il y

21 aurait des raisons de penser que les normes du droit international

22 humanitaire auraient été violées."

23 Au point 5, nous lisons, je cite : "Tous les membres de la police de

24 la république serbe sont tenus de fournir toute assistance aux

25 représentants de la Croix Rouge, du HCR, et d'autres organisations

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1 humanitaires. La sécurité pleine et entière doit être assurée à ces

2 personnes, qui doivent avoir accès, à leur gré, à toutes les prisons où des

3 prisonniers de guerre sont détenus."

4 Par conséquent, la question que je vous pose est la suivante : ceci

5 est conforme à ce que nous avons entendu de la bouche des dirigeants de la

6 Republika Srpska, et nous disposons de documents qui confirment ce fait.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question ? Vous venez

8 de lire un ordre qui interdit les transferts forcés de population, mais

9 quelle est la question qui est liée à cet ordre ?

10 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je suis debout. Je fais

11 remarquer que cette question, si je ne m'abuse, a pris quatre minutes pour

12 être posée, trois ou quatre minutes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous faites des citations très

14 longues, et lui également.

15 M. NICE : [interprétation] Quelquefois, en effet, Monsieur le Président,

16 mais lorsqu'il n'y a pas de question valable à la fin d'une citation --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons la question au sujet de

18 cet ordre.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle est très simple, mais il n'y est pas

20 question d'expulsions ou de transferts forcés de population. J'aimerais

21 vous rappeler, Monsieur Robinson --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Entendons la question.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Jovanovic, selon les informations dont nous disposons, les

Page 36498

1 dirigeants de la Republika Srpska, ont-ils essayé de prendre et ont-ils

2 pris des mesures destinées à empêcher ceci, et les auteurs de ce genre

3 d'actes, ont-ils été punis ?

4 R. Oui. Nous avons constamment reçu de leur bouche des réponses dans

5 lesquelles ils disaient que ce genre de comportement était banni. Je sais,

6 qu'il y a un an à peu près, un ouvrage est paru où toutes les instructions

7 et ordres de Radovan Karadzic ont été publiés, ainsi que sa correspondance

8 avec des dignitaires internationaux.

9 Q. Non, non, non. Je parle, en ce moment, de l'ordre qui date du mois

10 d'août 1992 et pas de l'ouvrage publié il y a un an. Par conséquent, ma

11 question est très claire : selon les informations dont nous disposions à

12 l'époque, les dirigeants de la Republika Srpska se sont-ils efforcés et

13 ont-ils effectivement pris des mesures afin d'empêcher toute forme de

14 discrimination ethnique et de veiller au respect des conventions de Genève,

15 et cetera ?

16 R. Oui, nous avons reçu ces assurances de leur part.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que ce document soit versé au

18 dossier en tant que pièce à conviction.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, l'une des

20 questions qu'on vous a posée consistait à vous demander si la Republika

21 Srpska s'est efforcée et a, effectivement, pris des mesures pour empêcher

22 ceci de se produire, et si elle en a puni les auteurs. Pouvez-vous citer un

23 exemple de sanction imposée à des auteurs de tels actes dont vous ayez eu

24 connaissance à l'époque ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je ne suis pas absolument au

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1 fait de tous les événements survenus en Bosnie-Herzégovine. Peut-être y a-

2 t-il eu de tels cas pendant la guerre, mais je ne saurais vous donner

3 davantage de détails.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il semble que vous vous contentez de

5 confirmer des questions éminemment directrices qui vous sont posées par

6 l'accusé sans disposer d'information personnelle au sujet des circonstances

7 afférentes à tout cela. Ceci me préoccupe, je parle de ces questions qui

8 risquent d'être dépourvues de valeur.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas présent en Bosnie pendant toute

10 la guerre, à part une nuit que j'ai passée à Bijeljina. Par conséquent, je

11 n'étais pas tenu au courant de toutes les évolutions en Bosnie-Herzégovine.

12 Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que je dise davantage que ce que je

13 sais.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Jovanovic --

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma critique n'est pas adressée à vous.

17 Elle vise le caractère inutile des questions.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, votre dernière

19 question, nous devons un terme à ce débat.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore plusieurs questions, Monsieur

21 Robinson, je ne sais pas pourquoi celle-ci devrait être ma dernière

22 question.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne vous autorise à n'en poser

24 qu'une seule.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai plusieurs autres questions à poser. Est-ce

Page 36500

1 que vous ne m'autorisez pas à les poser ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez encore poser une

3 question et nous mettrons un terme à cette partie de la procédure.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Dans ces conditions, je poserai la

5 question suivante qui figure sur ma liste, mais il m'est à présent très

6 difficile de distinguer entre les questions les plus importantes et les

7 moins importantes.

8 Q. Monsieur Jovanovic, je vous demanderais de jeter un coup d'œil à

9 l'intercalaire 51, à savoir, le rapport du secrétaire général, la date est

10 celle du 30 août.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 51, nous n'avons pas

12 l'intercalaire 51, Monsieur Milosevic; chez nous les intercalaires

13 s'arrêtent au numéro 50.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci se trouve dans les intercalaires fournis

15 par M. Nice. Dans les documents que j'ai reçus qui proviennent de M. Nice,

16 ils ne proviennent pas de moi.

17 M. NICE : [interprétation] Le document est sur le rétroprojecteur en ce

18 moment. C'est une pièce à conviction car il a déjà été versé au dossier.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous l'avons maintenant.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous l'avons trouvé, allez-y.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. En page 1, nous lisons entre autres : "Mon représentant spécial a

23 évoqué la question dans une réunion avec M. Milosevic." La nature de la

24 question est précisée, et je cite : "Divers efforts ont été déployés par

25 mon représentant spécial afin d'obtenir accès à la FORPRONU." Par

Page 36501

1 conséquent, il s'agit de la possibilité pour la FORPRONU de se rendre à

2 Srebrenica et à Zepa. Je cite : "Mon représentant spécial a évoqué la

3 question lors d'une réunion avec le Président Milosevic -- le 12 août 1995,

4 au cours de laquelle il a parlé de l'engagement pris par le général Mladic

5 vis-à-vis du général Smith sur la question de la possibilité pour le CICR

6 de rencontrer les personnes disparues de Srebrenica. Le président Milosevic

7 a promis de faire tout ce qu'il pouvait pour convaincre le général Mladic

8 d'accorder cette autorisation au CICR, mais a indiqué qu'il avait des

9 difficultés à communiquer avec le général Mladic."

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, étiez-vous

11 présents à cette réunion, la réunion entre le représentant spécial et M.

12 Milosevic ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que je n'étais plus ministre des

14 Affaires étrangères à ce moment-là. C'est probablement M. Milutinovic qui a

15 assisté à cette réunion.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Une dépêche est envoyée le 14 août, je dis bien, le 14 août, plus d'un

19 mois après les événements de Srebrenica. Une dépêche est envoyée le 14 août

20 par Akashi, c'est la pièce à conviction 714.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quelle est la

22 question ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais rappeler l'attention du témoin sur

24 cette dépêche d'Akashi, je dis bien une dépêche envoyée par M. Akashi à M.

25 Annan aux Nations Unies, qui, à l'époque, était sous-secrétaire chargé des

Page 36502

1 opérations. Nous lisons ce qui suit, je cite.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. "Puisqu'il a été récemment de la bouche de diverses délégations qui

4 l'ont dit à la presse que des problèmes s'étaient en matière de droit de

5 l'homme." C'est dans la dépêche envoyée aux Nations Unies par Akashi, le 4

6 août 1995. Je suppose que ce texte se fonde sur le rapport qui avait déjà

7 été rédigé. A la fin du premier paragraphe de cette dépêche qui va être

8 placée sur rétroprojecteur, je cite : "Des allégations ont été récemment

9 faites dans la presse au sujet de violations de droits de l'homme, ce qui

10 rend une telle autorisation de visites d'autant plus importantes."

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'on place le texte sur le

12 rétroprojecteur, comme d'habitude.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce la pièce à conviction 714 ou

15 713 ? Qu'est-ce qu'on lit en haut de la page ? Oui, 714.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jovanovic, est-ce que vous

17 avez des connaissances personnelles à ce sujet ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, j'étais encore ministre des

19 Affaires étrangères. J'ai encore conservé ces fonctions pendant quelques

20 jours. Mais, si le télégramme est arrivé, alors que j'étais en fonction,

21 oui, j'en ai eu connaissance.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ce que j'essaie de démontrer

23 ici, c'est que, le 12 août, les événements de Srebrenica n'étaient pas

24 encore connus car si nous jetons un coup d'œil à la résolution du conseil

25 de Sécurité des Nations Unies, intercalaire 57 --

Page 36503

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux pas entendre un discours.

2 Contentez-vous de poser une question au témoin.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Jovanovic, y a-t-il dans ce texte le moindre élément que

5 quelque chose de particulièrement grave s'est produit à Srebrenica ? Est-ce

6 que qui que soit avait la moindre information à ce sujet ?

7 R. Nous n'avions aucune information à ce sujet. Ce document démontre que

8 M. Akashi, non plus, ne savait rien de cela et qu'il déployait des efforts

9 pour tenter d'être informé.

10 Q. Dites-moi, je vous en prie : n'est-il pas clair qu'y compris le 21

11 décembre 1995, date à laquelle le conseil de Sécurité a adopté sa

12 Résolution 1034, je dis bien, en décembre 95, dans la résolution en

13 question, nous lisons les mots, je cite : "Affirme que les violations des

14 droits de l'homme dans la zone Srebrenica, Zepa, Banja Luka, Sanski Most, à

15 partir du mois d'octobre, doivent être l'objet d'enquête approfondie, en

16 bonne et due forme, de la part des Nations Unies et des autres

17 organisations et institutions concernées."

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la question, Monsieur

19 Milosevic ?

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Nous lisons ce qui est dit dans ce document. Il est dit qu'une

22 enquête est nécessaire et ceci est dit au moment même où les forces

23 internationales sont à un mois de leur rentrée en Bosnie-Herzégovine ?

24 R. Ceci corrobore ce que vous avez dit à savoir que tout cela à l'époque

25 n'était que rumeur qui avait besoin d'être confirmée par les instances

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1 internationales. Personne n'avait la moindre information définitive et

2 confirmée quant à la réalité de quelque chose qui se serait passée à cet

3 endroit.

4 Q. Lorsque vous avez condamné l'attaque à Srebrenica, est-ce que notre

5 motivation ne résidait pas dans le fait qu'il s'agissait d'une attaque sur

6 une zone protégée par les Nations Unies --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, nous sommes au terme des

8 questions supplémentaires.

9 Monsieur Jovanovic, vous êtes arrivé au terme de votre déposition. Merci

10 d'être venu devant le Tribunal pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous

11 retirer.

12 Nous allons verser au dossier le document dont M. Milosevic souhaitait le

13 versement.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'ordre de Karadzic.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'ordre de Karadzic.

16 Monsieur Jovanovic, vous pouvez vous retirer.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à la conviction

18 279 de la Défense.

19 M. OBRADOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes fonctions

20 s'achèvent ici, cela a été un privilège et un honneur de représenter mon

21 pays devant cette instance.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie d'être venu.

23 [Le témoin se retire]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant l'entré dans le prétoire du

25 témoin suivant, Monsieur Milosevic, vous souhaitiez dire quelque chose ?

Page 36505

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je tenais à faire une

2 observation, à formuler une objection, en fait, que je considère comme tout

3 à fait justifiée, mais c'est à vous qu'il appartient d'en juger.

4 Hier, au cours de l'interrogatoire par M. Nice, ainsi que durant

5 l'audition du témoin, Diego Arria, si je ne m'abuse, il y a quelques mois.

6 Dans les deux, et ce, de façon inacceptable, un document de la Cour

7 internationale de Justice relatif à la position des sanctions a été

8 utilisé. Mon objection vient du fait que vous n'avez opposé aucune

9 réprimande à M. Nice pour la façon dont il s'est servi de ce document. En

10 effet la Cour internationale de Justice n'a pas étudié l'affaire sur le

11 fond. Elle s'est contentée de reprendre certaines affaires de la Bosnie-

12 Herzégovine.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interrompe ici,

14 Monsieur Milosevic. Si vous avez une objection à faire quant au fait que M.

15 Nice a utilisé l'affaire soumise à la compétence de la Cour internationale

16 de Justice vous pouvez la présenter en temps utile.

17 Avant l'entrée dans le prétoire du témoin suivant, je voudrais

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tirer profit de l'occasion qui m'est

20 donnée pour exprimer les positions de la Chambre et indiquer quelles son

21 ses conclusions quant à la façon dont les deux parties font usage du temps

22 qu'ils leur est imparti. Ma première observation s'adressera à l'accusé. La

23 deuxième concernant l'Accusation.

24 Monsieur Milosevic, jusqu'à présent, vous avez cité à la barre 19 témoins.

25 Votre dernière liste de témoins indiquait que vous souhaitiez entendre 27

Page 36506

1 témoins. Selon les estimations faites par vous, il faudra 108 heures pour

2 entendre ces 27 témoins et, à raison de quatre heures par jour, cela nous

3 fait 27 jours d'audiences. Si l'on ajoute à cela les deux tiers du même

4 temps destinés aux contre-interrogatoire par l'Accusation, cela nous fait

5 18 jours de plus, ce qui au totale nous amène à 45 jours pour l'audition

6 complète de 27 témoins. Pour l'instant vous avez déjà utilisé 30 jours, à

7 ce rythme vous en arriverez à une durée de 75 jours pour l'audition des 27

8 témoins qui constituent l'intégralité de votre liste; 75 jours sur les 150

9 jours qui vous ont été imparties au départ. Or, ces 75 jours ont été

10 consacrés à l'audition de 27 témoins, plus les 19 que vous avez déjà

11 entendus, à savoir, un total de 46 témoins.

12 Ce qui est encore plus alarmant, c'est que, sur votre dernière liste de

13 témoins, on trouvait également les témoins du Kosovo, ce qui fait qu'à la

14 fin de ces 75 jours, à savoir, la moitié du temps total qui vous a été

15 impartie, selon les estimations les plus optimistes, un tiers seulement de

16 la thèse de la Défense aurait été présenté.

17 Je regarde cette liste de témoins et je m'inquiète un peu du temps que vous

18 avez estimé nécessaire pour l'audition de certains de ces témoins. Quatre

19 heures pour l'audition de trois témoins indiquez-vous quelque part sur

20 votre liste. Quatre heures chacun. Pour deux autres témoins, vous dites

21 avoir besoin de six heures pour chacun d'entre eux. Pour deux autres, vous

22 dites avoir besoin de sept heures pour chacun d'entre eux et, pour trois

23 autres, vous dites avoir besoin de neuf heures chacun. Enfin, pour un autre

24 témoin, vous dites avoir besoin de 12 heures.

25 Je vous demande si cela est vraiment la meilleure utilisation

Page 36507

1 possible du temps qui vous a été imparti. Il y a une autre question encore

2 plus importante qui se pose, à savoir, est-ce bien la meilleure façon

3 d'utiliser le temps de la Chambre ? Notre réponse quant à nous est

4 négative. Nous disons qu'à ce rythme, il est fort probable qu'à la fin des

5 150 jours, qui vous ont été impartis, vous n'aurez cité à la barre que 100

6 ou 110 ou peut-être 120 témoins au maximum.

7 La Chambre tient à être très claire quant au fait que la

8 responsabilité ultime de tout cela vous incombe, mais que les Juges

9 vérifieront de très près le déroulement des interrogatoires principaux afin

10 de veiller à ce que le meilleur usage possible soit fait du temps imparti.

11 Les éléments de preuve doivent être pertinents, il n'est pas question

12 qu'ils soient indûment répétitifs.

13 Monsieur Nice, c'est à vous. La façon, dont la Chambre a imparti ce

14 temps, s'appuyait sur certaines attentes vu votre expérience et votre

15 carrière. On s'attendait à ce que les contre-interrogatoires ne nécessitent

16 pas plus des deux tiers du temps consacré à l'interrogatoire principal.

17 Mais, finalement, cela ne s'est pas avéré, la pratique n'a pas confirmé

18 cette hypothèse. D'après nos statistiques, le contre-interrogatoire a

19 représenté quelquefois jusqu'à 80 % du temps qui avait été consacré à

20 l'interrogatoire principal. A cela s'ajoute le fait que vous introduisiez

21 beaucoup de documents lors de votre contre-interrogatoire, ce qui a pour

22 effet de prolonger la partie consacrée aux questions supplémentaires. Nous

23 veillerons aussi à suivre de très près la façon dont vous présentez des

24 documents au moment de votre contre-interrogatoire et vous devrez faire

25 attention vous aussi.

Page 36508

1 La Chambre voulait informer toutes les parties de cette situation;

2 cela va également pour les conseils commis d'office. Le temps des audiences

3 doit être bien utilisé. Ce qui nous frustre tout à fait particulièrement,

4 Monsieur Milosevic, c'est la façon dont vous, vous utilisez votre temps. Ce

5 n'est pas vraiment la meilleure façon d'agir. Vous n'en tirez pas la

6 meilleure partie. Nous allons être très rigoureux, tout en étant équitable,

7 s'agissant de la façon dont vous utilisez le temps qui vous est imparti.

8 Nous ne cessons de contrôler les audiences et le temps consacré aux

9 dépositions. Nous ne sommes pas satisfaits de la cadence à laquelle nous

10 entendons les témoins et il faudra peut-être qu'en temps utile, que nous

11 demandions l'avis du personnel médical pour lui demander si l'accusé, qui

12 est en bonne santé depuis plusieurs mois, pourrait peut-être travailler

13 quatre jours par semaine, trois semaines par mois.

14 Je voulais dire à l'accusé qu'il a un conseil qui lui a été commis

15 d'office. La Chambre d'appel a, à titre d'exemple, mentionné les façons

16 dont un conseil commis d'office peut vous prêter assistance. Cela va de

17 soi. La Chambre de première instance va nécessairement tenir compte des

18 possibilités qui vous sont accordées, qui vous sont disponibles, Monsieur

19 Milosevic, dans l'estimation du temps.

20 Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, nous allons faire de notre mieux pour

22 veiller à ce que le temps, qui est imparti, à savoir, les deux tiers pour

23 le contre-interrogatoire et pour les questions d'intendances, je pense que

24 c'était à l'idée au départ. Ce sera respecté mais amélioré. Je crois que je

25 suis en dessous des 50 % pour le dernier témoin s'agissant du temps

Page 36509

1 consacré au contre-interrogatoire.

2 J'ai pu mettre en place une certaine pratique avec ce dernier témoin,

3 c'est-à-dire, que je lui ai demandé de lire à l'avance des documents, qui

4 avaient déjà été versés au dossier, pièce de la Défense. Cela a porté ses

5 fruits, me semble-t-il. En effet, le deuxième jour, le témoin a pu répondre

6 plus rapidement que ce n'eut été le cas s'il avait dû parcourir ces

7 documents à l'audience. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, Messieurs

8 les Juges. Est-ce que cette lecture préalable est utile, surtout en vue

9 d'assurer l'économie judiciaire ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est utile, mais cela ne peut pas

11 être généralisé.

12 M. NICE : [interprétation] Oui, mais quand on voit la liste des témoins, il

13 y en a plusieurs qui pourraient lire à l'avance des comptes rendus de

14 réunions. Ce serait très utile. Nous en tiendrons compte.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous ai parlé

16 du temps qui vous semblait nécessaire pour certains témoins, quatre heures,

17 six heures, neuf heures, et même pour un, vous avez demandé 12 heures. Vous

18 devez tenter de terminer la présentation de vos témoins le plus rapidement

19 possible. Est-ce qu'il vous faut vraiment autant de temps pour

20 l'interrogatoire principal ? S'agissant de certains témoins, vous avez une

21 heure et demie. C'est bon cela. Mais, je pense que vous ne devriez pas

22 avoir plus d'une journée d'interrogatoire principal par témoin.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, auparavant vous

24 aviez dit que vous alliez présenter vos éléments de preuve oralement, sans

25 vous appuyer sur des déclarations écrites. Pour gagner du temps, et je

Page 36510

1 parle en mon nom personnel, je vous conseille ceci : pourquoi ne pas

2 présenter certains de vos éléments de preuve par voies écrites, sous forme

3 de déclarations écrites, en appliquant le système du 89(F) ou du 92 bis.

4 Prenez Danica Marinkovic, page 3 de votre liste de témoins. D'après cette

5 liste, vous voulez l'interroger pendant neuf heures, en principal. Si j'ai

6 bien compris, elle est le juge qui a mené l'enquête sur l'incident de

7 Racak. Je sais que c'est un témoin important. Il n'empêche que je ne

8 comprends pas pourquoi il faudrait neuf heures, c'est-à-dire deux journées

9 et demie, pour votre seul interrogatoire principal, alors qu'elle n'a rien

10 à dire de vos actes et de votre comportement personnel. En tant que juge,

11 elle est, à mon avis, à même de produire une déclaration écrite de ce

12 qu'elle a vu, de ce qu'elle a vécu, et ceci en respectant les normes de sa

13 profession. Vous, au moment de l'interrogatoire principal, vous pouvez vous

14 attacher aux questions importantes qu'il faut, elle, aborder oralement ou

15 pour présenter des éléments de preuve qui devraient être versés au dossier

16 par le truchement de ce témoin. Des questions secondaires pourraient être

17 abordées par des déclarations écrites. De cette façon, vous pourriez

18 terminer l'interrogatoire principal en l'espace d'une séance ou deux, ce

19 qui vous ferait gagner beaucoup de temps, temps qui vous est précieux.

20 Je vous conseille de garder ceci à l'esprit lorsque vous allez prévoir

21 votre prochaine liste de témoins.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis prendre la parole, Monsieur

23 Robinson.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, je veux vous dire que vos

Page 36511

1 conseils sont fort utiles. Je m'efforcerai, pour ma part, d'exploiter le

2 temps disponible de la façon la plus rationnelle qui soit, vraiment la plus

3 rationnelle qui soit. Mais je pense que vous devriez garder à l'esprit,

4 qu'objectivement parlant, étant donné que je n'ai pas disposé de temps

5 suffisant pour moi-même et pour me préparer, je n'utilise pas, aujourd'hui,

6 seulement trois jours. Il me faut travailler cinq ou six jours par semaine,

7 parce qu'il faut que je voie des témoins que je n'ai jamais eu l'occasion

8 de voir. J'ai vu autant de témoins que vous m'en avez laissé le temps. Je

9 n'ai pas pu en voir davantage. Parfois, j'en ai vu deux, voire trois par

10 jour. Comme vous le savez, la partie adverse a eu dix, voire cinq --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, arrêtez-vous un

12 instant. C'est très pertinent face à une des observations que j'ai faites.

13 Je vous ai entendu, mais lorsque vous procédez à des estimations, ou

14 lorsque je le fais, je ne peux ignorer le fait que vous avez, à votre

15 disposition, des conseils commis d'office dont vous n'utilisez pas les

16 services. Vous avez aussi vos associés.

17 Vous ne sauriez ici invoquer un manque de temps pour vos préparatifs, car

18 vous n'utilisez pas des moyens qui sont à votre disposition. La Chambre

19 d'appel s'est prononcée en la matière. Il vous est impossible -- ce n'est

20 pas possible, cet argument ne sera pas entendu. Il ne sert à rien face à la

21 présente Chambre, et je vais tout à fait laisser de côté cet argument

22 lorsque je déciderai des questions de temps à vous impartir.

23 Si vous utilisiez les conseils commis d'office --

24 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- et si, à ce moment-là, vous avez

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1 encore des problèmes de temps, ce sera autre chose. Mais si vous n'utilisez

2 pas les conseils commis d'office, alors vous n'avez pas le droit de vous

3 plaindre de manquer de temps.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, mes collaborateurs

5 préparent, à mon attention, bon nombre de documents et procèdent à des

6 interviews avec des témoins, ils le font. Vous n'allez tout de même pas

7 contester qu'il faut bien que je voie moi-même des témoins et que je

8 m'entretienne moi-même avec eux. Par conséquent, dans les deux journées

9 ouvrables qui me restent, je ne puis voir que deux témoins. Je ne peux pas

10 en voir 20. Je vous demande de tenir compte des limitations physiques qui

11 sont présentes.

12 Revenons à l'essentiel. Ce que vous venez de constater au niveau des

13 calculs ne fait que montrer que le temps qui m'est imparti est très

14 irréaliste.

15 Deuxièmement, le calcul a été calculé partant d'une pratique. Sans entrer

16 dans les considérations de l'exactitude des calculs, prenons comme vraie

17 l'exactitude des calculs. Prenez M. Nice, qui s'est servi au maximum du 92

18 bis et du 89(F) de votre règlement pour verser au dossier une quantité

19 énorme de documents avec des interrogatoires très brefs au préalable. Cela

20 a été fait au détriment du caractère public de ce qui est en train de se

21 dérouler ici. D'autre part, je veux que les témoins témoignent en public et

22 non pas de verser une benne de camion de documents et vous demander de vous

23 pencher sur la totalité.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Je ne permettrai pas que

25 vous disiez que ceci s'est fait au détriment de l'oralité des débats. La

Page 36513

1 Chambre l'a dit, il était dit qu'il était possible de présenter des

2 éléments dans ces modalités, et la Chambre, bien entendu, a tenu compte de

3 la nécessité d'assurer cette oralité des débats. Dans vos commentaires

4 récents, vous avez été assez sélectif, car vous n'avez pas dit grand-chose

5 à propos des conseils commis d'office.

6 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'avez pas mentionné

8 l'utilisation des services des Conseils commis d'office. Vous n'avez

9 mentionné que vos collaborateurs qui peuvent vous aider à préparer

10 l'audition des témoins. Je parle ici des conseils commis d'office qui

11 peuvent le faire. C'est ce que dit expressément la Chambre d'appel. Ces

12 conseils commis d'office peuvent vous aider de bien des façons.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, les avocats commis d'office

14 que vous m'avez imposés ne me représentent pas, moi, mais vous représentent

15 vous.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'accepterai pas ce que vous

17 venez de dire, c'est tout à fait inadmissible. Il est inadmissible de dire

18 qu'un conseil commis d'office me représente, moi, et représente la Chambre.

19 C'est une déclaration qui est tout à fait hors de propos, inadmissible, et

20 que vous ne sauriez corroborer.

21 M. KAY : [interprétation] Puis-je confirmer ce que vous venez de dire.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

23 M. KAY : [interprétation] En vertu de l'ordonnance rendue par la Chambre de

24 première instance, il est important de dire que l'accusé avait la

25 possibilité de désigner ses propres conseils. Il n'a pas besoin de Me

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1 Higgins et de moi-même. Il peut en nommer autant qu'il veut, je suppose. Je

2 ne suis pas le début ni la fin, l'Alpha et l'Oméga.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à tout fait vrai.

4 Monsieur Milosevic, vous venez d'entendre ce que je devais vous dire au nom

5 de la Chambre de première instance. Tenez-en compte. Ne vous attendez pas à

6 la moindre indulgence en matière de temps, puisque vous refusez d'utiliser

7 des services qui sont à votre disposition. C'est un avertissement que je

8 vous donne.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, pouvez-vous me dire si

10 quelqu'un, en m'aidant, peut doubler ou tripler le temps que j'ai pu passer

11 ici ? Nous ne pouvons passer ici qu'une journée à la fois. Une journée,

12 c'est une journée,

13 J'interroge mes témoins. Comment voulez-vous, alors, si quelqu'un

14 venait m'aider, c'est comme s'il pouvait, en parallèle, avoir plusieurs

15 procès, en interrogeant plusieurs témoins à la fois, c'est impossible. Je

16 ne crois pas avoir compris votre objection ou vos remarques comme si

17 j'avais posé des questions dénuées de pertinence ou que je gaspillais mon

18 temps. Les témoins qui sont venus ici ont répondu à des questions qui sont

19 importantes pour qu'on puisse connaître la vérité de ce qui s'est passé en

20 réalité, et il en sera de même à l'avenir. Mon intérêt est très

21 certainement --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous avons

23 suffisamment débattu de la question. Vous avez entendu ce que j'avais à

24 vous dire. Maintenant, appelez le témoin suivant.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je cite à comparaître le témoin suivant,

Page 36515

1 Dr Vukasin Andric.

2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

4 prononcer la déclaration solennelle.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

6 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 LE TÉMOIN: VUKASIN ANDRIC [Assermenté]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Asseyez-vous, je vous en prie.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commencez, Monsieur Milosevic.

12 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

13 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Andric.

14 R. Bonjour, Monsieur le Président.

15 Q. Aux fins d'une exploitation rationnelle du temps, je me propose

16 de dire quelque chose en guise d'introduction à votre sujet et je vous

17 demande de répondre par oui ou non. Vous êtes né au Kosovo et Metohija.

18 R. Oui.

19 Q. Village de Raka, municipalité d'Urosevac.

20 R. Exact.

21 Q. 1950 ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous êtes docteur en médecine, professeur à la faculté de

24 Médecine, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 36516

1 Q. Toutes vos écoles, vous les avez faites au Kosovo, mis à part le

2 fait que vous avez fait des études de médecine à Belgrade; est-ce vrai ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Veuillez m'indiquer, je vous prie, où est-ce que vous avez

5 travaillé ? D'après les renseignements dont je dispose, après vos études,

6 vous êtes revenu, après la spécialisation, là d'où vous êtes venu, donc au

7 Kosovo et Metohija, et vous avez commencé à y exercer en qualité de

8 médecin.

9 R. En octobre 1973, j'ai commencé à travailler à l'établissement

10 chargé de métier du travail de l'entreprise d'exploitation de l'énergie

11 électrique à Pristina.

12 Q. Avez-vous travaillé depuis la fin de vos études jusqu'à nos

13 jours ?

14 R. Oui, avec une brève interruption, en 1988, quelques mois, j'ai

15 travaillé à Belgrade. Mis à part ces quelques mois, j'ai passé toute ma

16 carrière professionnelle dans les établissements médicaux du Kosovo et

17 Metohija.

18 Q. Vous avez été assistant à la faculté de Médecine en 1981. Par la

19 suite, vous êtes devenu agrégé professeur.

20 R. Oui, j'ai fait toutes les fonctions, tous les grades possibles,

21 et je suis maintenant professeur à part entière à la faculté de Médecine à

22 Pristina et à Kosovo et Metojiha.

23 Q. Merci, Professeur Andric. Dans le courant de cette période dont

24 vous allez témoigner, vous avez été secrétaire chargé de la santé au Kosovo

25 et Metohija ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Nous allons passer maintenant aux questions dont vous êtes censé

3 témoigner. Dites-nous, quelle a été la structure ethnique du personnel dans

4 les établissements médicaux sur le territoire du Kosovo et Metohija avant

5 l'agression du pacte de l'OTAN ?

6 R. Dans les établissements médicaux sur le territoire du Kosovo et

7 Metohija, il est intervenu beaucoup de médecins et de techniciens. Il y

8 avait, en plus des Serbes, des Musulmans, des Monténégrins, des Turcs, des

9 Romains, des Albanais, pas tout ce qui constituait la population du Kosovo

10 et Metohija.

11 Q. Monsieur Andric, je vous demande d'ouvrir l'intercalaire 1.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs, j'espère que vous l'avez. Tout

13 ceci est fourni et traduit.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. A l'intercalaire numéro 1, on a montré la structure ethnique du

16 personnel dans les établissements de santé sur le territoire de la province

17 autonome du Kosovo et Metohija, en date du 31 décembre 1998.

18 Docteur Andric, est-ce que c'est vous qui avez fourni ces

19 renseignements ?

20 R. Oui. Ces renseignements ont été recueillis par mes services qui

21 travaillaient au secrétariat provincial chargé de la santé.

22 Q. Il s'agit là de renseignements émanant du secrétariat à la santé

23 du Kosovo et Metohija et datant du 31 décembre 1998.

24 R. C'est exact.

25 Q. Par conséquent, nous pouvons voir ici, au total, si l'on se

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1 penche sur la dernière des colonnes -- je vous demande de nous donner

2 lecture de la dernière des colonnes horizontales.

3 R. 12 599, c'est le total des employés dans le domaine de la santé,

4 tous les intervenants en matière de santé, pas seulement les médecins.

5 Q. Bien. Sur ce chiffre, on peut voir, dans la première colonne

6 verticale, il y a 5 591 Serbes; 5 301 Albanais; 455 Monténégrins; 420

7 Musulmans; 196 Turcs; 69 Gorani; 316 Rom; et 18 Yougoslaves; 14

8 ressortissants étrangers.

9 A présent, Docteur Andric, au paragraphe 87 de l'acte d'accusation

10 Kosovo, on dit : "Après que le Kosovo, en 1989, soit vu priver de

11 l'autonomie au Kosovo, il y a des divisions politiques de plus en plus

12 nombreuses. A la fin de 1990 et dans le courant de l'année 1991 toute

13 entière, des milliers d'Albanais du Kosovo…", et on dit d'abord des

14 médecins, puis on dit enseignants, ouvriers, et cetera, et cetera, "ont été

15 révoqués de la fonction publique."

16 Vous, qui avez travaillé à l'époque au Kosovo et Metohija, avez-vous

17 appris, qu'en 1989, au Kosovo, il y a eu une suppression d'autonomie ?

18 R. Non. Le Kosovo n'a jamais --

19 Q. Comment avez-vous vécu ces changements constitutionnels ? En

20 votre qualité de médecin employé là-bas, comment avez-vous vécu cette

21 suppression de l'autonomie, en votre qualité de citoyen et en qualité de

22 médecin que vous êtes ?

23 R. Ce n'est pas exact. Le Kosovo n'a jamais été privé de son

24 autonomie. En 1989, les amendements, et en 1990, la nouvelle constitution,

25 n'a fait que confirmer l'autonomie du Kosovo.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je n'aime pas la

2 façon dont vous guidez le témoin dans les questions que vous posez. Je

3 pensais que vous alliez lui poser des questions à propos des statistiques

4 concernant les médecins dans les services de Santé. Vous avez renvoyé au

5 paragraphe 87, et vous êtes sauté de là à une question concernant

6 l'autonomie du Kosovo, ou la révocation de cette autonomie. Est-ce que vous

7 avez fini les questions que vous vouliez poser à propos de l'intercalaire

8 1 ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'agissant de l'intercalaire 1, comme vous

10 pouvez le voir, Monsieur Robinson, les chiffres parlent pour eux-mêmes. En

11 décembre, à savoir à la dernière journée du mois de décembre 1998, 5 301

12 Albanais, et on affirme ici, dans ce paragraphe 87, qu'ils ont été chassés

13 de là, chassés de leurs postes de travail, ces médecins. On dit que cela

14 s'est fait neuf ans avant. Ceux qui ont été chassés neuf ans auparavant,

15 d'après les éléments de preuve qu'on a ici, sont en train de travailler. Ce

16 qui est dit au chef 87, Monsieur Robinson, c'est un mensonge. On voit ceci

17 dans l'élément de preuve que je présente. Je vous présente les faits

18 matériels.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'était pas très clair pour moi.

20 Je n'avais pas compris que vous aviez terminé de poser vos questions à

21 propos de cette partie, mais continuez.

22 M. KAY : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de verser au dossier

23 cet intercalaire ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Quelle sera la cote ?

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D280. Merci.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Andric, au milieu de ce que je viens de vous lire, vous ne

3 l'avez pas sous les yeux mais peu importe, on dit : "Qu'en 1990 et en 1991,

4 des milliers d'Albanais du Kosovo," puis on dit : "médecins." Je vous

5 poserais des questions rien qu'au sujet des médecins. En votre qualité de

6 citoyen, vous étiez probablement au courant de ce qui se passait avec les

7 autres citoyens, et notamment du fait que les médecins contactent bon

8 nombre d'autres professions. Ces médecins et ces personnes auraient été

9 révoqués de leurs postes de travail.

10 Savez-vous nous dire, du moins pour ce qui est des établissements de

11 santé et de l'université, si oui ou non les Albanais ont été licenciés ?

12 Soyons concrets. Quand je vous pose cette question, je vous demande, savez-

13 vous que des médecins ont été licenciés, des Albanais auraient été

14 licenciés, dans les domaines que vous connaissiez en votre qualité de

15 médecin, en votre qualité d'intervenant en matière de santé ?

16 R. On n'a licencié que ceux qui ont, de façon drastique, violé les lois en

17 vigueur, à savoir les lois réglementant le domaine du travail et les

18 relations de travail. Bon nombre de personnes ont délibérément violé cette

19 loi aux fins de perdre leurs droits au travail, ou ce droit à l'embauche.

20 Cette loi n'a pas été spécifique pour des Albanais. Cette loi a été

21 appliquée à l'égard de tout le monde. Toutes les personnes qui ont enfreint

22 la loi sont tombées sous la coupe de la réglementation.

23 Q. Attendez. Démystifions la loi. Je ne comprends pas tout à fait ce que

24 vous êtes en train de dire, et peut-être que ceux qui nous regardent ne

25 comprennent pas. Dites-nous, qu'entendez-vous par "violation de la loi" ?

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Avant cela, est-ce que vous avez des

2 chiffres pour 1989, ce qui nous permettrait d'établir une comparaison, une

3 question de fait, pour voir combien de gens se sont retrouvés sans emploi ?

4 En d'autres termes, est-ce que le secrétariat a procédé à la même

5 computation des chiffres en 1989 ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas ces renseignements. Je ne les ai

7 pas. Ce que j'ai, c'est pour 1989.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Docteur Andric, en 1989, vous étiez médecin, pour autant que je sache.

10 R. Oui, j'étais médecin.

11 Q. Vous n'aviez pas occupé des fonctions administratives quelconques. Vous

12 n'avez fait que traiter des citoyens, en tant que médecin.

13 R. Oui.

14 Q. On reviendra à ces questions-là ultérieurement.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je me suis trompé en

16 pensant que vous étiez déjà professeur en 1989, à la même fonction que

17 celle que vous exercez aujourd'hui ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en 1989, j'étais à la faculté de

19 Médecine. Je n'étais pas professeur toutefois. J'étais un jeune assistant.

20 Au fait, j'ai cessé d'être assistant pour avancer d'un grade.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Vous avez dit dans quels cas des Albanais ou des Serbes auraient été

23 licenciés, lorsqu'ils avaient enfreint la loi.

24 R. Il y a eu des cas variés : si, par exemple, on ne venait pas pendant un

25 mois au travail sans justifier son absence, si on refusait, à plusieurs

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1 reprises, d'exercer ses tâches professionnelles.

2 Q. Ce sont les cas prévus par la loi régissant les rapports de travail.

3 Quand on ne vient plus au travail, on est licencié.

4 R. C'est exact.

5 Q. Savez-vous que c'était là une pratique qui découlait d'une

6 réglementation en vigueur pour toute la Serbie et non seulement pour les

7 établissements médicaux, mais pour les rapports de travail en général ? Si

8 on ne venait pas cinq jours consécutifs au travail sans apporter de

9 justificatif médical ou autre, il y a cessation de leur relation de

10 travail.

11 R. Oui. C'est une loi qui était en vigueur pour tous les employés en

12 Serbie.

13 Q. Pour être plus précis encore et pour répondre en partie à la question

14 soulevée par M. Bonomy, est-ce que certains d'entre eux ont quitté le

15 travail de leur propre gré ?

16 R. Oui. Il y a eu bon nombre de cas de ce genre, le cas de personnes qui

17 ont quitté elles-mêmes, de leur plein gré, leur emploi.

18 Q. Quelle a été la raison de cet abandon du poste de travail, abandon

19 délibéré ?

20 R. Bon nombre d'entre eux étaient déjà impliqués profondément dans cette

21 mouvance séparatiste. Il s'agissait de personnes qui étaient matériellement

22 très bien situées, financièrement à l'aise. Ils quittaient leur travail et

23 passaient dans des établissements parallèles pour ouvrir, et je parle de

24 médecins, ils ouvraient leurs infirmeries et leurs cabinets privés.

25 Q. On viendra tout à l'heure à ce sujet. Les Albanais qui travaillaient en

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1 matière de santé --

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Professeur, permettez-moi

3 de vous demander ceci : un paragraphe vous a été cité, mais si son libellé

4 était différent pour dire ceci : "Pendant les années 1990 et 1991, des

5 milliers d'Albanais du Kosovo, médecins, enseignants, ouvriers, policiers,

6 et agents de la fonction publique, ont quitté leurs emplois," est-ce que

7 ceci est plus exact ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Un grand nombre d'entre eux, à cette époque,

9 pour des raisons différentes, ont quitté leurs postes de travail.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'heure est venue de faire la pause.

11 Pause de 20 minutes.

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

13 --- L'audience est reprise à 10 heures 55

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, continuez,

15 je vous prie.

16 L'INTERPRÈTE : Monsieur Milosevic, micro, s'il vous plaît.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Si j'ai bien compris, ce que vous avez dit jusqu'à présent, un certain

19 nombre de personnes ont quitté leur emploi de leur plein gré. Pourquoi ?

20 R. Ils voulaient faire fuir du système juridique de la Serbie. Ils

21 voulaient créer en parallèle des établissements analogues. Je parle des

22 médecins, des professeurs et des docteurs, et ceux qui étaient à l'aise,

23 qui étaient matériellement bien installés, ont ouvert des cabinets médicaux

24 à eux pour continuer à y travailler, à y exercer pour leur compte.

25 Q. Bien. Mais, les Albanais qui travaillaient dans le domaine de la santé,

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1 qui travaillaient, qui ne voulaient pas quitter leur emploi, ont-ils pu

2 continuer à travailler normalement ?

3 R. Oui. Ils ont continué à travailler normalement. A l'égard des

4 autorités, ils n'avaient aucun problème absolument. Leur seul problème

5 c'était leur compatriote à eux, les séparatistes qui les contraignaient à

6 payer tous les mois. Sur leur salaire, il faillait qu'ils prélèvent un

7 pourcentage. C'était une espèce, une sorte de raquette et ils ont dû payer.

8 C'était une forme de pression pour quitter les établissements de l'Etat et

9 travailler pour les autres. Ils ont été malmenés au quotidien, aussi bien

10 eux-mêmes que les membres de leur famille.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire combien en

12 pourcentage il y a d'Albanais qui ont quitté leur emploi ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous le dire. Je n'ai pas de chiffres

14 précis, Monsieur Robinson, je peux parler toutefois pour la faculté de

15 Médecine seulement. Moins de la moitié des professeurs albanais et des

16 assistants collaborateurs albanais ont quitté la faculté. Il en va de même

17 pour ce qui est des médecins.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. La situation dont vous venez de parler, à savoir que ceux qui sont

20 resté ont été exposés à des pressions à des mauvais traitements autant que

21 les membres de leur famille. Est-ce que cela a duré jusqu'au début des

22 bombardements ou cela a cessé un peu avant ?

23 R. Cela a duré jusqu'au début des bombardements et cela s'est même

24 intensifiée au fil du temps.

25 Q. Veuillez m'indiquer quelle avait été la proportion des employés

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1 albanais, des Serbes employés aux établissements de santé à Pristina.

2 R. Le rapport était d'un pour un. Je précise que, pour ce qui est des

3 médecins sur le territoire entier du Kosovo et Metohija, le chiffre était

4 plus grand pour ce qui est des Albanais, que pour ce qui était des Serbes.

5 Q. Je vous prie de vous référez à l'intercalaire 2. Il s'agit d'un

6 tableau. Nombre d'effectifs au niveau des personnels de la santé en date du

7 24 mars 1999 au Kosovo et Metohija, date du début des bombardements.

8 On donne ici les médecins, les dentistes, les pharmaciens et autres

9 intervenants en matière de santé. Je suppose que : "Les autres en matière

10 de santé" s'est les infirmières et le personnel auxiliaire.

11 R. Oui. A la différence du premier tableau, où l'on a montré que le

12 personnel en matière, le personnel médical, mais pas tout le personnel des

13 établissements de santé.

14 Q. Quand vous dites "les autres", c'est le personnel auxiliaire ?

15 R. Oui. Le personnel auxiliaire.

16 Q. Les chauffeurs, les artisans pour l'entretien, et autres.

17 R. Oui.

18 Q. On voit ici 2087 médecins, 1008 Albanais, 847 Serbes, 66 Monténégrins,

19 20 Turcs et 146 autres. Qui sont ces autres ?

20 R. Les autres ce sont ceux qui résidaient sur le territoire de la Serbie.

21 La Serbie est un Etat multiethnique. Quand on dit "les autres", il y a les

22 Macédoniens, les Grecques, les Bulgares, les Romains, les Ruthènes, les

23 Croates et autres, et ainsi de suite.

24 Q. On dit ici qu'en date du 24 mars 1999, le nombre d'intervenants, en

25 matière de santé au total, à savoir, dans toutes les institutions médicales

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1 au Kosovo et Metohija, ce chiffre a 4462 Albanais. Il y a 5100 Serbes et

2 autres non-Albanais. Il y a les Musulmans, les Turcs, les Goraniens, et

3 autres.

4 R. Oui, tous les autres, exception faite des Albanais.

5 Q. A l'intercalaire 2, nous pouvons voir la structure ethnique du

6 personnel employé, en date du 24 mars 1999. Suivant les centres médicaux,

7 on voit Pristina, Istok, Pec, Djakovica, Prizren, Dragas, Zvecan,

8 Mitrovica, Gnjilane, Vitina. Y a-t-il là quoi que ce soit de

9 caractéristique, étant donné que vous avez été secrétaire chargé de la

10 santé, que vous aimeriez dire au sujet de ce tableau ?

11 R. Il y a plusieurs éléments caractéristiques que j'aimerais souligner.

12 Suivant la concentration des groupes ethniques, de part leur appartenance

13 ethnique j'entends, il y a eu des pourcentages variants au niveau du

14 personnel. Par exemple, à Djakovica, il y a 605 Albanais et 75 Serbes --

15 Q. Je vais vous rectifier. 70 Serbes et Monténégrins.

16 R. Oui. Confondu.

17 Q. 605 Albanais ?

18 R. Oui, c'est exact. A Pristina, le rapport est quelque peu plus

19 favorable. A Prizren, il y a plus d'Albanais. A Kosovska Mitrovica, il y a

20 un peu plus de Serbes.

21 Q. Mais quand vous dites "à Pristina" au numéro 4, on dit centre

22 universitaire des Etablissements de santé de Pristina. On dit au total que

23 les Serbes sont plus nombreux.

24 R. Oui.

25 Q. Au centre universitaire ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que cela a quelque chose avoir avec le niveau d'éducation dans

3 la population serbe et dans la population albanaise ?

4 R. Certainement. On n'a jamais pu strictement se conformer au pourcentage

5 des Serbes et Albanais, conformément à la population, parce que, dans les

6 centres de Santé, les choses en allaient autrement pour ceux qui aient de

7 la santé, que pour ce qui est du secteur ferroviaire. En matière de santé,

8 il y a eu plus de cadres serbes qu'ailleurs.

9 Q. Très bien.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, il doit y avoir une

11 différence entre ces deux tableaux qu'on trouve à l'intercalaire 2. Le

12 chiffre total dans le premier est 9 570.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le deuxième tableau, on voit un

15 chiffre, celui de 13 134. Pourquoi trouve-t-on cette différence ? Est-ce

16 que, dans le deuxième tableau, on a englobé d'autres personnes que les

17 professionnels de la santé ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet. C'est précisément cela. Dans

19 l'autre tableau, il y a les autres catégories du personnel. C'est de cela

20 que j'ai parlé, Monsieur Bonomy.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Dans cette autre tableau, vous voyez qu'il y a en a deux, en termes

24 pratiques, l'un qui est valide jusqu'au 24 mars 1999, et l'autre est valide

25 à compter du 10 septembre 1999. Sur le tableau relatif au 10 septembre, on

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1 voit qu'il n'y a pratiquement plus dans la majeure partie des centres, mis

2 à part Dragas, Zvecan, et Kosovska Mitrovica; on voit qu'il n'y a plus de

3 Serbes du tout.

4 R. Oui. Cela est malheureusement vrai. Je peux librement dire que c'est la

5 situation qui prévaut actuellement au Kosovo et Metohija, ce qui fait que

6 le personnel de la domaine du santé a été chassé, pour ce qui est des

7 Serbes, mis à part les Serbes de Kosovska Mitrovica, et je précise qu'il

8 s'agit de la partie nord de Kosovska Mitrovica.

9 Q. Bien. Veuillez m'indiquer si tous les professeurs de la faculté de

10 Médecine du groupe ethnique albanais ont quitté leurs postes de travail aux

11 cliniques et aux instituts, aux nombreux instituts ?

12 R. Non. Un grand nombre de professeurs et assistants du groupe ethnique

13 albanais sont restés travaillés dans les cliniques et aux différents

14 instituts de la faculté de Médecine.

15 Q. Pourriez-vous, à titre d'exemple, de part vos souvenirs, nous donner

16 les noms d'Albanais en vue de qui ont continué à travailler ? Là, j'attire

17 votre attention sur l'intercalaire 3. C'est vous qui avez fait une liste

18 des personnes qui sont restés travaillés à ces différentes cliniques après

19 1999.

20 R. Oui. J'ai cette liste, où il y a une erreur de frappe. On dit 1999. Il

21 s'agit de 1991 en réalité.

22 Q. Oui, je comprends bien qu'il doit forcément s'agir de 1991, après 1991.

23 R. Je me souviens très bien du Pr Dzevat Nurboja, un Albanais qui a resté

24 à la faculté de Médecine, et qui a continué enseigner en langue serbe à la

25 faculté de Médecine. Le même statut a été celui que le Dr Tefik Ljeci de la

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1 médecine légale. Je peux vous donner les noms d'autres Albanais éminents

2 qui sont restés travaillés après 1991 aux différents instituts de la

3 faculté et de la clinique médicale de la faculté de Médecine : Esref

4 Bicaku, le Pr Dzemal Bajraktari, le Pr Hisri Tafarshiku, le Pr Bedri

5 Bakali, le Pr Hamid Ramsi [phon], le

6 Pr Meshqyre Capuni-Brestovci, le Pr Muharem Kutlovci, le Pr Muharem

7 Bajrami, et bon nombre d'autres encore.

8 Q. Ici, à l'intercalaire 3, vous avez une liste du personnel enseignant de

9 la faculté de Médecine qui restait travaillé après 1991. Vous avez les

10 Départements de l'Ophtalmologie, de l'Oto-rhino-laryngologie, de la

11 Chirurgie, et de la Neuropsychiatrie, des Maladies infectieuses, de la

12 Médicine interne, de la Pulmologie [phon], de l'Anatomie, Pathophysiologie,

13 Physiologie, Pharmacologie, Anatomie pathologie, Biochimie, Médicine

14 légale, Stomatologie, Radiologie, et cetera. Tous sont des professeurs de

15 pédiatrie et autres qui sont restés travaillés. C'est ce qui est donné à

16 l'intercalaire 3 ?

17 R. Exact.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Professeur, revenons, si vous le

19 voulez bien, à l'autre intercalaire, dans la deuxième partie du deuxième

20 tableau, en date du 10 septembre 1999. Où est-ce que vous vous situez dans

21 ce tableau, vous personnellement ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Où est-ce que je me situerais sur ce tableau ?

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On ne devrait pas vous y trouver

24 quelque part ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je ne devrais pas figurer sur ce tableau,

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1 à compter du 10 septembre. Je devrais figurer, mais, malheureusement, je ne

2 figure pas. Je devrais être à Pristina.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pensais que vous étiez toujours à

4 Pristina, que vous travailliez toujours là.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, j'avais mal compris.

7 Désolé.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quitté Pristina le 25 juin 1999. Ici on

9 parle du 10 septembre.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Désole, je n'avais pas compris.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est --

12 M. KAY : [interprétation] Oui, l'intercalaire 2, qui devrait être versé au

13 dossier.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Le tableau, dont a parlé le Juge Bonomy, justement montre que, pour ce

17 qui est de la protection de la santé au niveau primaire à Pristina, il n'y

18 a plus aucun Serbe. Pour ce qui est de la protection médicale, il n'y en a

19 pas un seul. Au niveau du Département de Transfusion, il n'y a pas un seul.

20 Dans les autres instituts pharmaceutiques, il n'y a pas un seul non plus. A

21 Istok, non plus. A Pec, pas un seul Serbe. A Djakovica, pas un seul Serbe.

22 Aux centres médicaux de Pec, l'hôpital spécial de Pec, il n'y en a pas un

23 seul. Prizren, pas un seul. Dragas deux. Zvecan, huit. Kosovska Mitrovica,

24 703 intervenants en matière de santé. Au niveau de tous ces centres

25 hospitaliers, il y en a deux à Dragas, huit à Zvecan, et 703 à Kosovska

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1 Mitrovica, point à la ligne d'après ce que je peux voir, d'après ce

2 tableau ? Est-ce que ces renseignements sont exacts, Monsieur Andric ?

3 R. Oui.

4 Q. Bien.

5 R. Il y en a peut-être un peu plus à Mitrovica parce qu'entre temps, il y

6 en a été d'autres, mais ce sont en somme les renseignements tels qu'elles.

7 Q. Bien. Ces, professeurs, bien sûr, qu'on a cités à l'intercalaire 3,

8 ceux qui ont continué à travailler après 1991, vous avez mentionné certains

9 d'entre eux qui ont enseigné en langue serbe même, ils ont continué à

10 travailler en tant que médecins. Ont-ils eu des difficultés, du point de

11 vue de l'attitude prise à leur égard de la part de l'administration du

12 centre universitaire ou des établissements où ils ont travaillé de la part

13 des autorités ? Ont-ils des problèmes ?

14 R. Non, absolument aucun problème. Ils ont eu les mêmes droits et

15 obligations que tous les autres employés dans ces établissements-là.

16 Q. Très bien.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais vous poser une question,

18 Professeur. Ces différents services, qui avait-il à leur tête ? Prenons,

19 par exemple, l'ophtalmologie, qui était le chef du service

20 d'Ophtalmologie ? Etait-ce un Serbe ou un Albanais ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] A la tête des deux départements que vous venez

22 de mentionner il y avait des Serbes. Je vous donnerais, par exemple, le

23 Département de Biochimie, où le professeur était un Albanais, Burhan Dida,

24 il est resté travaillé. Il a fait partie de l'administration de tous les

25 instituts pris ensemble.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De façon générale, qui étaient les

2 chefs de ces services ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait plus de chefs et de responsables

4 serbes que d'autres.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Veuillez m'indiquer maintenant quelles sont les informations qui sont

9 les vôtres concernant les raisons qui ont animé ceux qui ont quitté leur

10 poste de travail ? Quelle est la raison pour ce qui est d'un certain nombre

11 de ces professeurs et assistants collaborateurs de rester travaillé à ces

12 instituts ? Dans votre réponse, j'aimerais entendre les motifs des deux

13 parties d'après ce que vous en savez. Quels ont été les motifs qui ont

14 animé ceux qui sont partis et ceux qui sont restés ?

15 R. Ceux s'en allaient se trouvaient au sein de ce mouvement séparatiste --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

17 M. NICE : [interprétation] Si on va poser ce genre de question au témoin,

18 je ne sais pas qu'il est en mesure de nous aider.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il en a peut-être entendu parler. Il

20 peut l'énoncer comme étant fait.

21 M. NICE : [interprétation] Il faudrait le dire d'abord, et je dois attirer

22 votre attention, Messieurs les Juges, sur le fait que nous devons

23 travailler à partir de résumés en application du 65 ter. Ces résumés ne

24 donnent aucun renseignement précis quant au contexte médical. Ce sont des

25 références tout à fait furtives à ce propos. Si je dois interroger ces

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1 témoins comme je le dois le faire efficace et vraiment condenser, si nous

2 avons pas ces détails dans les résumés 65 ter ce sera très difficile --

3 tâche difficile.

4 Ici, si nous allons voir un résumé des raisons qui poussent d'autres à

5 faire ceci ou cela, ce sera pratiquement une tâche impossible pour moi au

6 contre-interrogatoire et je dois vous le dire clairement.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, en rapport avec

8 cette question, vous devez obtenir de ce témoin les sources dont il dispose

9 pour donner ces renseignements. Pourquoi y a-t-il eu ces départs ? Si le

10 témoin le sait, il faut que vous demandiez au témoin comment il a obtenu

11 ces renseignements.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Vous avez mentionné un mot le fait qu'ils étaient en corrélation avec

15 ce mouvement séparatiste. Comment le savez-vous qu'il y a eu une

16 corrélation avec le mouvement séparatiste de la part de ceux qui ont quitté

17 leurs postes de travail ?

18 R. Cela est devenu évident à partir des communications quotidiennes que

19 nous avons eues avec eux. Du reste, ils ont quitté leurs postes de travail

20 pour aller travailler à une faculté de Médecine illégale. La plupart de

21 ceux qui ont quitté sont partis travailler à une faculté de Médecine

22 illégale et ont, chemin faisant, ouvert des cliniques ou des cabinets

23 privés, et ils ne pouvaient le faire qu'avec l'accord des instances de

24 l'Etat. Ils obtenaient des approbations de la part des instances de l'Etat,

25 à savoir, du ministère de la Santé, pour ouvrir leurs cabinets privés. Dans

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1 ces cabinets privés, ils gagnaient dix fois plus que s'ils étaient restés

2 dans les établissements de l'Etat et, d'un coup, ils avaient deux

3 bénéfices. Ils faisaient figure de personnes persécutées par cet Etat

4 serbe, chose qui n'était absolument pas vrai parce qu'ils ont continué à

5 travailler dans des établissements où ils payaient des impôts à l'égard de

6 cet Etat serbe, tout en gagnant dix fois mieux.

7 Q. Le fait de recevoir des approbations de la part du ministère de la

8 Santé pour ce qui est de l'ouverture de leurs cabinets privés, ils

9 recevaient ces approbations suivant la procédure prévues pour ces

10 approbations au niveau du territoire entier de la Serbie, par exemple, la

11 Belgrade, ou le ministère de la Santé évalue les qualifications, la

12 présence des conditions, et cetera. S'agissait-il de critères politiques ou

13 de critères professionnels ?

14 R. Il n'y a pas eu de critères politiques du tout. Le ministère de la

15 Santé délivrait ces approbations ou des départements détachés de ce

16 ministère de la Santé le faisaient. Je peux tout de suite vous dire que,

17 par rapport au nombre des cabinets privés ou des cliniques privées

18 albanaises, les policliniques tenues par des Serbes étaient négligeables.

19 Il n'y a que deux sur le territoire entier du Kosovo et Metohija, qui

20 étaient tenues par les Serbes, tous les autres cabinets étaient tenus par

21 des Albanais.

22 Q. Fort bien. Nous avons ici un intercalaire 4. Vous avez fourni là une

23 liste des professeurs et des assistants de la faculté de Médecine de

24 Pristina. Ce sont des gens du groupe ethnique albanais qui ont quitté leurs

25 postes de travail pour ouvrir des cabinets et des cliniques policliniques

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1 en priorité privée. Nous voyons qu'ici --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sont ces personnes qui gagnaient

3 dix fois plus que ce qu'ils gagnaient s'ils travaillaient pour le

4 gouvernement ? D'après ce que vous avez dit auparavant dans le cadre de

5 votre déposition.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, oui. Ils gagnaient dix fois

7 plus que s'ils étaient restés dans le réseau des services de Santé de la

8 République de Serbie. Cela n'a été le privilège que de ceux qui étaient

9 déjà riches, ceux qui avaient suffisamment d'argent pour pouvoir ouvrir des

10 cabinets privés.

11 Pour moi, cela relevait du domaine de l'abstrait.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Quand vous parlez du domaine de l'abstrait, c'est une façon de parler.

14 R. Pour moi, c'était irréalisable, c'est ce que je veux dire.

15 Q. Docteur Andric, au chef 88 de l'acte d'accusation au Kosovo, on dit :

16 "Durant cette période la direction albanaise clandestine a mis en œuvre une

17 politique de non violence et de résistance non violente en mettant en place

18 un système non officielle d'établissements de santé et d'éducation."

19 Ma question est la suivante : Cet abandon délibéré des postes de travail

20 dont vous avez parlé tout à l'heure, a-t-il fait partie intégrante de cette

21 résistance non violente comme on le dit ici ?

22 R. Non. Cet abandon délibéré des postes de travail a visé, essentiellement

23 et uniquement, la création d'institutions parallèles. Ils quittaient leurs

24 postes pour créer des institutions parallèles. La création d'institutions

25 parallèles, en matière de santé et d'éducation, consistait pour eux à leurs

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1 yeux une résistance non violente parce que toute résistance, à mon avis,

2 est plus ou moins violente.

3 Q. C'est une question académique maintenant que vous soulevez. Ce qui

4 m'intéresse de savoir s'il y a eu --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, l'acte

6 d'accusation ne parle pas ou n'allègue pas que c'est le fait de quitter son

7 poste de travail qui représentait cette politique de résistance civile non

8 violente. Il se peut que là vous répondiez à une allégation inexistante, en

9 tout cas, qui ne se trouve pas dans l'acte d'accusation.

10 M. KAY [interprétation] Je demanderais que l'intercalaire 3 devienne

11 une pièce à conviction.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne sais pas si j'ai cité

14 exactement, mais on dit que cette direction dit : "Les dirigeants officiels

15 des Albanais du Kosovo, ont poursuivirent une politique de résistance

16 civile non violente et commençaient à mettre en place un système

17 d'institutions parallèles officieuses dans le secteur de la santé et de

18 l'éducation." Je crois avoir exactement cité ce qu'on ait dit dans ce

19 paragraphe 81. Ma question était a été celle de savoir si cet abandon

20 délibéré des postes de travail a fait partie intégrante de cette résistance

21 civile soi-disant non violente.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a déjà répondu, avançons.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Mais vous avez indiqué qu'il y a eu également des actions violentes; y

25 a-t-il eu des violences à l'égard des enseignants albanais, des

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1 collaborateurs albanais, qui ont été utilisés pour inciter les autres à

2 quitter, à abandonner leur poste de travail, oui ou non ? Que savez-vous ?

3 R. J'ai déjà répondu en partie à cette question. Tous ceux qui sont resté

4 ont du subir des pressions très variées. D'abord, ils ont dû payer sur leur

5 salaire un certain pourcentage, c'était obligatoire tous les mois. Je l'ai

6 vu personnellement cela. Ils ont subi des pressions variées pour quitter

7 leur poste de travail, ne pas rester occuper à une fonction au service

8 public, mais passer dans les institutions parallèles.

9 Q. Mais ceux qui sont déjà passés vers institutions parallèles, est-ce

10 que, dans ces institutions parallèles, ils sont allés là-bas sous pression

11 ou de leur plein gré ?

12 R. Un certain nombre est passé est passé de leur plein gré, et la plupart,

13 par contre, sont allés là-bas suite à des pressions.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je suis sûr que

15 M. Nice va poser des questions à ce propos, mais, autant en poser une des

16 questions quand même, la partie du salaire qu'il fallait prélever, qu'il

17 fallait payer, à qui était-elle donnée ? Vous avez formulé une allégation

18 sans donner de détails.

19 Je vous demande ceci, Monsieur le Témoin : tout d'abord, qui a soumis ceux

20 qui sont restés à des comptes, à des pressions sous diverses formes ?

21 Deuxième volet de ma question : ce pourcentage du salaire, à qui a-t-il été

22 payé ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, cela a été versé au

24 dirigeant du mouvement séparatiste. Ce mouvement séparatiste des Albanais,

25 pendant de longues années, des dizaines d'années, est intervenu non

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1 seulement sur le territoire du Kosovo et Metohija, mais aussi au large de

2 l'Europe et du monde entier. Ils ont collecté des sommes pour les besoins

3 de ce mouvement séparatiste.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comment avez-vous obtenu ces

5 renseignements ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] A ma clinique seule, tous les mois à

7 l'occasion du paiement des salaires, lorsque l'on distribuait les salaires,

8 il venait un homme, que je ne connaissais pas qui faisait des listes et qui

9 prélevait l'argent chez les employés à la clinique d'où je travaillais.

10 Cela était valable pour les autres, et les autres entrepreneurs privés,

11 tous ceux qui travaillaient.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Mais, s'agissant de leur départ des postes de travail, qui étaient les

14 leurs ? Vous avez expliqué qu'ils étaient exposés à des pressions du

15 mouvement séparatiste, mais est-ce que vous avez vu quelqu'un quitter son

16 poste suite à des pressions de la part des autorités ?

17 R. Je n'ai pas de renseignements de ce type. Je n'ai pas de cas analogues,

18 je n'ai pas eu connaissance d'un cas de ce genre.

19 Q. S'agissant de ces départs, de ces abandons, de postes de travail et

20 tout ce que vous avez expliqué, cela a-t-il créé une image au terme de

21 laquelle les Albanais se trouvaient être privés de certains droits de

22 l'homme ?

23 R. Très certainement, bien sûr que oui. Toute cette organisation de leur

24 part visait cela, faire en sorte de faire figure de victimes pour que

25 l'opinion publique mondiale ait connaissance d'une soi-disant persécution

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1 des Albanais, pour qu'ils puissent réaliser leurs objectifs à titre

2 ultérieur.

3 Q. Je vous ai mentionné tout à l'heure, lorsque je citais un paragraphe où

4 il est question d'enseignants, de médecins, et cetera, a été créées des

5 institutions en parallèles, tant au niveau de la santé qu'au niveau de

6 l'éducation ?

7 R. Oui.

8 Q. Savez-vous nous dire quoique ce soit au sujet de la création

9 d'institutions parallèles, en matière d'éducation ?

10 R. Oui. Ces institutions parallèles, en matière d'éducation, ont été

11 créées de façon beaucoup plus sérieuse et plus appliquée qu'en matière de

12 santé. La raison est très simple. Le caractère massif a été bien plus

13 grand, il fallait que les jeunes soient endoctrinés pour être favorables

14 aux objectifs du mouvement séparatiste.

15 Mis à part ce fait, ces établissements parallèles en matière d'éducation de

16 par leur création, on fait en sorte qu'on a contourné la République de

17 Serbie, ainsi que les plans d'éducation et les programmes d'éducation de la

18 République de Serbie. On a mis en œuvre des plans et programmes

19 d'enseignements de la République d'Albanie. Au travers de la création de

20 ces institutions parallèles en matière d'éducation, l'on a, de la façon la

21 plus grande possible, fait preuve de résistance vis-à-vis des

22 établissements officiels de la République de Serbie.

23 Q. S'agissant de ces institutions parallèles en matière d'éduction, sur

24 quoi a-t-on mis l'accent en matière d'éducation. Je veux dire la teneur de

25 l'éducation.

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1 R. Ils prêtaient une attention particulière à l'histoire, à la

2 littérature, et la géographie.

3 Q. Pourquoi à l'histoire ?

4 R. A l'histoire, parce qu'il y avait des falsifications qui étaient

5 répondues compte tenu qu'ils souhaitaient démontrer que leurs ancêtres, les

6 Illyriens, étaient le peuple le plus ancien qui avait peuplé cette région

7 et que les autres nations, qui sont arrivées plus tard, n'avaient aucun

8 droit au Kosovo. Aucune prétention à formuler par rapport au Kosovo.

9 Q. La géographie ?

10 R. La géographie, pour une raison tout aussi simple, à savoir qu'ils

11 souhaitaient abolir l'utilisation des toponymes serbes ou slaves, et ce

12 faisant ils souhaitaient démontrer qu'ils étaient le peuple le plus ancien,

13 arrivé le premier au Kosovo et que tous les autres étaient arrivés plus

14 tard. Les toponymes ont été modifiés, particulièrement après la Seconde

15 guerre mondiale et après l'arrivée des forces des Nations Unies au Kosovo

16 et au Metohija. Pratiquement, tous les toponymes serbes ou slaves ont été

17 supprimés.

18 Je vais vous donner des exemples : la Srbica est devenue Skenderaj; la

19 Glogova est devenue Kastriot; la Leposavic, où pratiquement aucun Albanais

20 n'a jamais habité, est devenue Albanac; la Vucitrn est devenue Vushtrri; et

21 cetera, et cetera. Il ne reste pratiquement plus un seul qui soit un

22 toponyme d'origine slave, ils ont tous été modifiés au Kosovo et Metohija

23 pour être remplacés par des toponymes albanais.

24 Q. Quand est-il de la littérature ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au compte rendu d'audience, on lit :

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1 "Modifié, en particulier, après la Seconde guerre mondiale et après

2 l'arrivée des forces des Nations Unies au Kosovo et Metohija, tous les

3 toponymes d'origines slaves ont été modifiés." Mais est-ce que ces

4 modifications sont intervenues après la seconde guerre mondiale ou après

5 l'arrivé des forces des Nations Unies ou dans les deux cas ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson, de m'avoir posé

7 cette question.

8 Après la Seconde guerre mondiale, il y a eu tentative de modification des

9 toponymes et ils sont parvenuent à en modifier quelques uns. En fait, ils

10 ont eu recours à quelque chose qu'Enver Hodzic, au cours de la période

11 courte d'une partie courte de sa période au pouvoir parce qu'il est resté

12 longtemps au pouvoir, mais je parle d'une période courte pendant le temps

13 qu'il a passé au pouvoir, ils ont utilisé quelque chose qui venait d'Enver

14 Hodzic. En effet, ce dernier avait modifié dans le nord de l'Albanie tous

15 les toponymes serbes qui étaient nombreux, ils étaient d'ailleurs en

16 majorités, il les avait remplacés par des toponymes albanais et il avait

17 contraint, à la conversion des chrétiens orthodoxes et catholiques pour

18 qu'ils se convertissent à l'islam. Il s'agissait de tentatives qui ont

19 durées pendant des années au Kosovo et Metohija après la Seconde guerre

20 mondiale, et je peux vous citer plusieurs exemples de cela. Le général

21 Jankovic, par exemple, a vu son nom modifié.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci. Qu'est-il maintenant

23 arrivé après l'arrivée des forces des Nations Unies ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Après l'arrivée des forces des Nations Unies,

25 tous le toponymes d'origine serbe ou yougoslave ont été supprimés

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1 totalement sur le territoire du Kosovo et Metohija. Ces toponymes

2 n'existent tout simplement plus aujourd'hui. Je vais vous parler, par

3 exemple, des grandes villes telle que Sbrica, qui ont été rebaptisées.

4 Sbrica est devenue Skenderaj. Vucitrn a été rebaptisée également, et

5 cetera, et cetera.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Vous avez parlé de la littérature. Que pouvez-vous nous dire de la

8 façon dont a été enseignée la littérature ? Sur quoi l'accent était-il

9 mis ?

10 R. En glorifiant leurs héros historiques dans la littérature, ils les ont

11 transformé en véritables mythes historiques. Ils ont eu recours à ces

12 mythes par la suite pour éduquer la jeunesse et la convaincre d'adhérer aux

13 sentiments nationaux et séparatistes.

14 Q. Fort bien. Vous nous avez dit que des institutions parallèles avaient

15 été créées dans le secteur de l'éducation et qu'elles obtenaient de

16 meilleurs résultats que les institutions parallèles créées dans le secteur

17 de la santé, ce qui est compréhensible car dans le domaine de la santé on a

18 besoin d'experts et de professionnels très avertis.

19 Par conséquent, dites-moi, s'agissant du pourcentage de patients qui

20 pour obtenir des soins médicaux s'adressaient aux centres médicaux de

21 l'Etat, quels étaient les pourcentages du point de vue de l'appartenance

22 ethnique de ceux qui avaient recours aux centres médicaux de l'Etat et de

23 ceux qui avaient recours aux institutions parallèles ?

24 R. Dans toute ma carrière et toute ma vie, parce que j'ai toujours vécu au

25 Kosovo et Metohija, ce pourcentage s'établissait à 90 % d'Albanais, 10 %

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1 d'autres appartenances ethniques dans la population et ce pourcentage est

2 demeuré inchangé même après la création de ce qu'il est convenu d'appeler

3 les institutions parallèles dans le domaine de la santé.

4 Q. Donc, 90 % de ceux qui avaient besoin de soins médicaux étaient

5 Albanais ?

6 R. Oui. Même s'ils tentaient d'obtenir des soins médicaux dans des

7 institutions de santé parallèle, ils n'y sont pas parvenus et ils ont du

8 avoir recours aux institutions de santé du secteur public.

9 Q. Je dois vous rappeler la nécessité de parler moins vite ?

10 R. Donc, 90 % de nos patients étaient Albanais. Certains d'entre eux

11 étaient déjà allés dans des cliniques privées et d'autres institutions de

12 soins privées. Mais, ces dernières n'avaient pas résolu leurs problèmes et

13 les patients en question étaient revenus au centre de Santé du secteur

14 public.

15 Q. Avez-vous la possibilité d'observer des exemples de discrimination ou

16 de traitement inéquitable de la part du personnel médical au Kosovo et

17 Metohija vis-à-vis de ces 90 % de patients dont vous venez de parler ?

18 R. Non, le serment d'Hippocrate était strictement respecté. Je dirais en

19 toute certitude que, durant ma longue carrière, j'ai toujours prêté

20 davantage attention aux Albanais qu'aux Serbes, précisément, dans le souci

21 de ne pas commettre par hasard une erreur qui aurait pu être mal

22 interprétée par les Albanais. Ceci n'a jamais été le cas.

23 Q. Dans ces institutions de santé parallèle dont vous venez de parler,

24 d'ailleurs aussi dans le domaine de la santé que dans le domaine de

25 l'éducation, quelle était l'attitude du pouvoir par rapport à ces

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1 institutions ? Quelle était l'attitude des autorités, serait une façon plus

2 précise de formuler ma question.

3 R. L'attitude des autorités de l'Etat était décente, tout à fait correcte.

4 Elle s'efforçait de s'appuyer sur la législation pour les inclure, les

5 intégrer au système régi par les institutions publiques.

6 Q. Y a-t-il tentative de normaliser la situation ? Un accord a-t-il été

7 signé par Rugova y compris ?

8 R. Oui, plusieurs tentatives ont été faites pour normaliser la situation.

9 Je pense que la plus notable est celle qui s'est produite en 1996,

10 lorsqu'une commission mixte d'Albanais et de Serbes a été constituée sous

11 la direction d'un représentant du Vatican, Monseigneur Vicenzo Paglia, si

12 je me souviens bien de son nom. Cette organisation a été baptisée

13 Sant'Egidio. Elle avait pour but de normaliser la situation dans les

14 universités, mais elle n'a pas porté ses fruits car la partie albanaise n'a

15 rien fait pour mettre en œuvre ces décisions.

16 Q. Pouvez-vous confirmer que les autorités de l'Etat ont tout mis en place

17 en terme de bâtiments et d'installations, autrement dit, tout ce qui était

18 nécessaire pour que cet accord soit appliqué ?

19 R. Oui. Je peux le confirmer. La partie albanaise a obtenu un bâtiment,

20 celui de la faculté d'Ingénierie, entre autres, qui était le plus beau

21 bâtiment éducatif dont nous disposions. Ils ont également reçu le bâtiment

22 de la faculté de Droit, les bâtiments de la faculté des Arts ainsi que le

23 bâtiment de l'école normale. Toutes ces installations ont été remises à la

24 partie albanaise.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, excusez-moi de

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1 vous interrompre sur une question de procédure, mais souvenez-vous des

2 observations que j'ai formulées au sujet du temps et de l'utilisation qui

3 en était faite ? Essayons de commencer à appliquer ces remarques avec

4 l'audition de ce témoin. Vous avez prévu de l'entendre pendant six heures.

5 J'aimerais que l'interrogatoire principal s'achève si possible en quatre

6 heures. Nous pouvons travailler jusqu'à 14 heures aujourd'hui, et nous

7 essaierons de terminer cette audition d'ici à la première partie de la

8 matinée, demain. Le Procureur se verra également imposer des limites. Mais

9 je ne vous impose pas une limite de temps dans l'immédiat parce que tel n'a

10 pas été la pratique durant les interrogatoires principaux du Procureur.

11 Cela dit, je m'efforce de vous aider à utiliser mieux le temps qui vous est

12 imparti. Essayons de conclure cette audition en quatre heures. Nous

13 poursuivons nos débats jusqu'à 14 heures aujourd'hui. Non, je crois

14 comprendre que nous ne pouvons pas continuer jusqu'à 14 heures car l'un de

15 nos membres a d'autres engagements judiciaires. Je le consulte. En tout

16 cas, je vous invite instamment à terminer l'audition de ce témoin d'ici à

17 la fin de la première partie de la matinée demain, ce qui vous aura fait au

18 total quatre heures et 15 minutes d'audition.

19 M. KAY : [interprétation] L'intercalaire 4 peut-elle être versée au dossier

20 en tant que pièce à conviction ?

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur Robinson. C'est

23 dans mon intérêt d'utiliser un temps aussi court que possible car je

24 souhaite faire venir ici un maximum de témoins. Il n'est pas dans mon

25 intérêt, c'est certain, de prolonger l'audition de quelque témoin que ce

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1 soit.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Andric, soyons aussi clairs que possible. Vous avez déjà

4 évoqué ces tentatives des séparatistes albanais, les efforts constants

5 qu'ils déployaient pour s'attirer la sympathie de l'opinion publique

6 internationale. J'aimerais vous interroger à présent au sujet d'un scandale

7 qui a eu lieu, vous demander ce que vous en avez pensé.

8 Au printemps 1993, les médias, et avant tout les médias internationaux, ont

9 reçu un nombre très important d'informations au sujet d'un prétendu

10 empoisonnement des étudiants et des élèves du secondaire dans les

11 institutions d'éducation, empoisonnement dû à un certain gaz. Ce scandale

12 bien connu au sujet de l'empoisonnement au gaz de ces enfants était-il un

13 sujet d'actualité en 1990 ?

14 R. Oui. Je travaillais en tant que médecin, et j'ai assisté à tout cela.

15 Au printemps 1990, plus précisément au début du mois de mars, et cela s'est

16 terminé en juin 1990, la totalité du territoire du Kosovo et Metohija a été

17 inondée d'allégations évoquant l'empoisonnement de certains enfants et

18 étudiants albanais. Ces allégations consistaient à affirmer que les

19 autorités étaient derrière tout cela. Je vais maintenant expliquer ce qui

20 s'est passé, car j'étais à l'époque à Pristina.

21 Dans un certain nombre de lieux aux environs de Pristina en même

22 temps, dix voitures ont démarré pour conduire les prétendues victimes de

23 cet empoisonnement à l'hôpital, en faisant crisser leurs pneus, en faisant

24 beaucoup de bruit en klaxonnant. Ces voitures ont fini par s'arrêter devant

25 le centre médical de Pristina, où des équipes attendaient avec des

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1 brancards. Ces prétendues victimes n'ont cessé d'affluer, jour après jour,

2 au point d'atteindre des centaines de patients admis tous les jours aux

3 centres médicaux. Y compris, des patients atteints de maladies graves ont

4 dû quitter le centre médical pour laisser de la place aux nouveaux

5 arrivants.

6 Des situations absolument ridicules se produisaient. Des perfusions

7 sanguines intraveineuses ont été posées dans des oreillers et non dans des

8 veines, et d'autres choses tout à fait ridicules du même genre ont eu

9 lieux.

10 Il y avait des équipes de caméraman et des journalistes de télévision

11 qui étaient sur place dans le but de montrer à l'opinion mondiale ces

12 prétendues souffrances du peuple albanais au Kosovo. Ceci est arrivé un peu

13 partout au Kosovo et Metohija, mais Pristina a été frappé le plus durement.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai des images, des séquences vidéo de tout

15 cela, et je demanderais à la régie de les diffuser. A l'intercalaire 5,

16 vous trouverez la transcription correspondance. C'est une séquence très

17 courte qui sera versée au dossier par le biais de ce témoin, mais j'insiste

18 sur un point, à savoir que ce n'est qu'un exemple très limité de tout ce

19 qui a pu être filmé à l'époque, car les choses se passaient pendant une

20 guerre, donc les possibilités techniques étaient très limitées.

21 Je demande la diffusion de ces images. Vous disposez de la

22 transcription ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 5.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, intercalaire 5. Ensuite, comme il y a

25 plusieurs extraits, vous avez des passages écrits qui correspondent à

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1 chacun de ces extraits.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela fait 18 extraits au total.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Ils se trouvent tous réunis dans

4 l'intercalaire 5. Nous les diffuserons un par un. La plupart porte sur

5 l'affaire dont nous parlons à ce moment, les autres sur la guerre au

6 Kosovo-Metohija.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

8 [Diffusion de cassette vidéo]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "Il est tard, les Oscars seront distribués demain.

11 "A l'université, on parle de symptômes polymorphiques, ce qui est difficile

12 à traduire en langue courante. Mais nous ajoutons que la thérapie est bien

13 dosée. Ce qui reste à savoir, c'est quelle sera son utilité, ce qui n'est

14 pas encore facile à déterminer. Cette thérapie s'adresse à cette

15 pathologie. La plupart des patients l'ont reçu."

16 "Question : Pouvez-vous la guérir ici ?

17 Réponse : Nous n'en disposons pas ici. Nous ne pouvons la commander que si

18 elle est d'un intérêt indispensable.

19 [aucune interprétation]"

20 [Fin de la diffusion de cassette audio]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas --

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas entendu

24 l'interprétation pour le dernier passage.

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont pas le texte sous les

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1 yeux, et que le journaliste parlait albanais.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous n'avez pas entendu l'interprétation ? Mais

3 je suppose que dans cette intercalaire, on trouve bien les traductions de

4 ce qui a été dit. Vous avez entendu que la langue utilisée était

5 l'albanais.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai aussi la traduction en anglais de ce que

7 ces professeurs disaient.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Pour ne pas perdre de temps, je vais poser des questions au témoin en

10 lui demandant son commentaire.

11 Au début, Dr Andric, nous avons vu des patients courir en direction

12 de leurs lits. De quoi s'agissait-il ?

13 R. Il s'agit de la gravité de l'empoisonnement. Il s'agit de jeunes gens

14 en pleine santé qui ont été amenés à l'hôpital pour faire semblant d'être

15 empoisonnés. Or, ils se baladaient dans les couloirs, ils discutaient entre

16 eux, ils écoutaient de la musique, et dès qu'une caméra apparaissait, ils

17 prenaient la fuite vers leurs chambres et, bien entendu, se mettaient au

18 lit. A ce moment-là, ils devenaient des personnes empoisonnées.

19 Q. Bien. Nous avons vu des arrivés d'urgence en masse aux centres

20 médicales. Ils étaient très nombreux ceux qui étaient prétendument

21 empoisonnés. Mais qu'affirmaient-on à l'époque ? Où auraient-ils été

22 empoisonnés ?

23 R. On racontait qu'ils avaient été empoisonnés dans leurs écoles, un peu

24 partout sur le territoire du Kosovo-Metohija.

25 Q. Fort bien. Mais dans ces écoles, y avait-il des Serbes également, ou

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1 uniquement des Albanais ?

2 R. Pas dans toutes, mais dans la majorité de ces écoles, il y avait aussi

3 des Serbes.

4 Q. Mais comment aurait-il été possible que les Albanais étaient

5 empoisonnés et que les Serbes ne l'avaient pas été ?

6 R. Il est clair que c'est impossible et qu'il n'y avait pas eu

7 d'empoisonnement. Mais il fallait à tous prix dire à l'opinion publique

8 internationale qu'il y avait des empoisonnements, afin de sataniser [phon]

9 les Serbes et la Serbie.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puis-je vous demander, lorsqu'ils

11 sont arrivés à l'hôpital, tous ces espions, ou tous ces acteurs, ont-ils

12 été examinés par des médecins qui ont prononcé un diagnostique

13 d'empoisonnement effectif ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Honorable Monsieur Robinson, il est tout à

15 fait clair que nous les avons examinés. Nous avons procédé à des analyses

16 toxicologiques et autres. Nous avons fait tout ce qu'il convenait de faire.

17 Nous les avons traités comme des malades, tant qu'il n'a pas été démontré

18 qu'ils ne l'étaient pas. Quand quelqu'un arrivait, nous le considérions,

19 même s'il n'était pas empoisonné, comme quelqu'un de malade, et nous

20 examinions à fond leur état de santé, y compris grâce à des analyses

21 toxicologiques.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. De quelle nature étaient ces analyses toxicologiques ? Est-ce que vous

24 avez fait des analyses de sang, des analyses d'urine, tout ce qui était

25 nécessaire ?

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1 R. Oui, tout ce qui est nécessaire a été fait pour déterminer si oui ou

2 non il y avait eu empoisonnement.

3 Q. Dans ces centaines de cas, y a-t-il été déterminé qu'il y avait eu

4 empoisonnement dans certains cas ?

5 R. Ces cas ne se dénombraient pas en centaines, mais en milliers, et même

6 en dizaines de milliers. Pas une seule fois il n'a été déterminé que nous

7 étions face à un véritable empoisonnement.

8 Q. Dans toute cette affaire, ne serait-ce qu'un seul mort, par exemple ?

9 R. Absolument pas, puisqu'il n'y a même pas eu emprisonnement.

10 Q. L'un quelconque de ces patients présentait-il des signes d'une maladie

11 qui a pu être établie éventuellement ?

12 R. Non.

13 Q. Dans ces conditions comment est-ce que se sont comportés les

14 professionnels de la santé, vis-à-vis de cet empoisonnement mononational,

15 monoethnique au Kosovo et Metohija.

16 R. Je dois distinguer entre les professionnels de santé albanais et les

17 professionnels de santé serbes. Les professionnels de santé serbes ont

18 accompli leur tâche jusqu'au bout --

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que le fait de savoir comment

20 ils ont été traités, importe dans ce procès.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait important.

22 Monsieur le Juge Bonomy, vous le constaterez lorsque vous aurez entendu ma

23 réponse.

24 Les Serbes ont accompli leur travail de façon professionnelle, quant aux

25 travailleurs de santé albanais. Je les diviserais en trois groupes : les

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1 premiers étaient les organisateurs de toute cette affaire, ils étaient peu

2 nombreux; le deuxième groupe le plus important réunissait tous les

3 participants à cette véritable farce, à savoir tous ceux qui avaient

4 accepté en toute connaissance de cause de participer à cette farce, alors

5 qu'ils savaient qu'il n'y avait pas le moindre empoisonnement - ils ont mis

6 en cause leur éthique, leur morale et, enfin, leur serment d'Hippocrate; et

7 dans le troisième groupe, on trouvait ceux qui passivement ou activement

8 ont opposé une résistance à toute cette affaire, et ils étaient peu

9 nombreux, c'est vrai.

10 Q. Mais même s'ils étaient peu nombreux, est-ce que vous connaissez des

11 médecins albanais qui se sont opposés à cela, qui ont condamné cette

12 supercherie, qui ont fait savoir qu'il s'agissait d'une supercherie, est-ce

13 que vous les connaissez, est-ce que vous pourrez donner leur nom ?

14 R. Je connais deux professeurs albanais, mais je ne sais pas s'il est bon

15 que je dise leur nom ici.

16 Q. Il n'y a aucun problème, nous pouvons demander un huis clos partiel

17 pour une minute. Le temps que vous prononciez le nom de ces Albanais qui

18 ont condamné la chose.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais à quelle fin avez-vous besoin

20 de leur nom ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour qu'il soit entendu ici, qu'ils entrent au

22 compte rendu d'audience. Qu'il soit consigné au compte rendu d'audience,

23 qu'il y a eu des professeurs universitaires albanais qui ont condamné cette

24 supercherie d'empoisonnement qui n'a donné lieu à aucune mort, à aucun

25 malade, et au sujet duquel tous les éléments de preuve disponibles n'ont

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1 permis de confirmer aucun empoisonnement effectif.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais quelle est la pertinence ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] La pertinence vient du fait qu'ici il a été

4 sans cesse question de mauvais traitements infligés à des Albanais, aux

5 souffrances vécues par les Albanais, imposées aux Albanais et tout cela

6 dans le cadre d'une satanisation [phon] des Serbes, qui relèvent plus du

7 théâtre que d'autre chose.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous entendrons leur nom à huis

9 clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 [Audience publique]

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Docteur Andric, puisque cette affaire a eu une grande importance, elle

21 a été largement diffusée dans l'opinion de notre pays un peu partout, je

22 vous poserai une question précise. Les institutions fédérales et les

23 institutions de la République de Serbie, ont-elles entrepris des actions

24 rapidement, eu égard à ce scandale ?

25 R. Oui, très peu de temps après les premiers cas de prétendu

Page 36554

1 empoisonnement, un hélicoptère est arrivé de Belgrade avec à son bord une

2 délégation à laquelle participait, notamment, le directeur de l'institution

3 de protection sanitaire fédérale, le Dr Branko Dragas, ainsi qu'un expert

4 en toxicologie, le Pr Bozo Antonijevic. Ils ont observé la situation, et

5 ils sont entrés à Belgrade et ont fait savoir qu'il n'était pas question

6 d'empoisonnement. Mais pour que tout cela soit plus authentique, le

7 conseiller à la santé publique a formé -- a créé une commission de 11

8 membres, à laquelle participait des représentants de Ljubljana, de Zagreb

9 et de Belgrade, et cette commission a remis son rapport au début du mois de

10 juin, au comité sanitaire créé par l'assemblée fédérale. Ce rapport a

11 déclaré qu'il n'y avait pas eu d'empoisonnement et que pas un seul cas

12 d'empoisonnement n'avait pu être établi.

13 Q. Fort bien. Nous avons l'intercalaire 6, article de presse qui reprend

14 les débats au comité du conseil exécutif chargé du Travail de la santé et

15 du bien-être. Le titre de ce document est : "Il n'y a pas eu

16 d'empoisonnement." Le comité du conseil exécutif --

17 M. NICE : [interprétation] Il me semble que toute cette question a été

18 évoquée au cours du contre-interrogatoire par l'accusé en présence d'un

19 autre témoin, et je me demandais si le fait d'entendre un autre témoin plus

20 tard sur le même sujet; bien sûr, la décision appartient à la Chambre de

21 première instance.

22 Mais est-ce que le fait de dire dans une déposition que des milliers

23 de personnes ont participé à une mascarade en se prétendant malades, et que

24 ceci était inconcevable, je ne sais pas si la Chambre va considérer cela

25 comme suffisamment pertinent pour fonder une partie de son jugement sur

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1 cette déposition. Ce rapport je ne sais pas si les Juges de la Chambre l'on

2 lu, mais je ne vois pas très bien en quoi il va ajouter aux éléments dont

3 dispose déjà la Chambre.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, d'abord, si je puis prendre la

5 parole, il serait bon que nous disposions du rapport officiel, mais, de

6 façon plus directe, Monsieur Nice, je pense que si vous regardez les

7 allégations que l'on trouve aux paragraphes 87 et 88 de l'acte d'accusation

8 sur le Kosovo, il est inévitable que nous ayons à examiner des questions

9 telles que celle-ci, même si nous pourrions être en droit de nous demander

10 pourquoi elle figure à l'acte d'accusation.

11 M. NICE : [interprétation] C'est simplement présent dans l'acte

12 d'accusation comme contexte. Je ne fais pas objection nécessairement, mais

13 rappelez-vous ce que vous avez dit à propos de la bonne utilisation du

14 temps.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous attachez beaucoup d'importance

16 pour ces questions, pour ce qui est de la valeur judiciaire de ces éléments

17 de contexte, mais je pense que nous en avons suffisamment parlé. Vous

18 pouvez passer à autre chose.

19 M. KAY : [interprétation] Je demanderais le versement de numéro 5.1 --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en aurais terminé rapidement, moins vite que

22 le temps qu'il a fallu pour formuler cette objection, parce que vous avez

23 un long article qui parle des activités du secrétariat fédéral, et non pas

24 de la République et je voulais simplement citer ce que disait le Dr Branko

25 Pocek. Son nom vous le montre il n'est pas Serbe, c'est clair. S'agissant

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1 des résultats de cette commission, il dit ceci : "Les normes éthiques du

2 serment d'Hippocrate ont été violées au Kosovo parce que les ouvriers ou

3 ceux qui travaillent dans le service de Santé se sont mis au service de

4 certains objectifs politiques." Il est très clair que c'était un coup

5 monté, et que c'était une supercherie, et le fait que plusieurs milliers de

6 personnes ont participé à cette farce montée, mise en scène --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à autre chose, parce que

8 finalement tout ne va pas basculer s'agissant de l'acte d'accusation à

9 partir de cette seule allégation. Sujet suivant.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien, Monsieur Robinson.

11 M. Nice parle du contexte général, or il ne s'appuie que sur ce contexte.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Dites-moi autre chose : pendant cette période, est-ce que vous vous

14 souvenez des résultats officiels de ces experts au niveau de la République

15 et de la Fédération, et est-ce que vous vous souvenez que ceci aurait été

16 publié dans les médias à l'étranger ou aurait reçu autant d'attention que

17 ces allégations de prétendus empoisonnements ?

18 R. Oui, je me souviens malheureusement. Ces résultats officiels n'ont

19 jamais rencontré d'écho dans les médias. Les médias n'ont jamais réfuté ces

20 allégations, et malheureusement, ce sont ces premières histoires concernant

21 ces prétendus empoisonnements qui sont demeurées, et cela n'a pas été

22 corrigé.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'autres exemples de ce type d'abus

24 massif à des fins de propagande ? Remontons à 1998, à 1999 ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'autorise pas cette question,

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1 car elle comporte un élément directeur qui peut guider le témoin.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Je retire cet élément que vous dites directeur et je demande ceci :

5 vous souvenez-vous d'un événement, évoquons-le brièvement, soyez bref dans

6 votre réponse aussi, qui remonte à 1989, à propos de ce qu'on a appelé la

7 grève des mineurs à Stari Trg ?

8 R. Oui. En février 1989, à partir du 28 février, 1 300 mineurs albanais se

9 sont mis en grève. Ils sont restés dans la mine et ils avaient des

10 revendications uniquement politiques. Ils voulaient que soient remplacés

11 trois dirigeants albanais. Ils voulaient que les dirigeants, au niveau

12 provincial, municipal, et fédéral, soient remplacés, car ils auraient été

13 pro yougoslave.

14 Q. Je suppose que vous étiez secrétaire responsable de la santé en 1998 ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'à Vucitrn il s'est passé quelque

17 chose, à Resnik, près de Vucitrn, où il n'y avait que des Albanais ?

18 R. Il n'y a que des Albanais qui habitent dans ce village. En octobre,

19 près de la mosquée dans un pré, tout d'un coup, quelque 25 000 personnes se

20 sont rassemblées. C'était surtout des femmes, des hommes âgés, et des

21 enfants. Ces personnes avaient été emmenées là pendant plusieurs journées

22 de zones voisines, surtout de Vucitrn, Mitrovica, de Glogova, notamment.

23 Ils avaient été aussi emmenés de Srbica. Ils avaient été emmenés en camions

24 et dans d'autres véhicules. Mme Sadako Ogata devait, disaient-ils,

25 s'adresser à eux personnellement, le Haut-commissaire aux Réfugiés. Ils ont

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1 dit qu'ils étaient chassés de leurs maisons par l'armée et la police serbe,

2 qu'ils étaient persécutés, qu'ils vivaient à la belle étoile.

3 Mme Ogata est arrivée. Elle s'est adressée brièvement à eux, et ceci a été

4 enregistré et suivi par les caméras du monde entier. Plusieurs minutes

5 après le départ de Mme Ogata, ces gens sont tranquillement rentrés chez eux

6 ne laissant derrière eux que des déchets de plastique.

7 Q. 25 00 réfugiés albanais ont été montrés par les médias, et après le

8 départ de Mme Ogata, ces réfugiés sont rentrés chez eux, ont disparu. Ils

9 n'étaient plus là le lendemain; est-ce bien ce que vous nous dites ?

10 R. Oui. Des exemples de ce genre sont nombreux.

11 Q. Monsieur Andric, quand avez-vous été secrétaire général à la santé ?

12 R. J'étais secrétaire provincial pour le Kosovo et Metohija à partir du

13 début du mois d'octobre 1998 jusqu'en mars 2002. C'est à ce moment-là que

14 le conseil provincial provisoire a cessé ses activités.

15 Q. Dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, est-ce qu'il vous est

16 arrivé de rencontrer des gens de la Mission de vérification à partir

17 d'octobre 1998 et pendant toute cette période ? La Mission de vérification

18 était sur les lieux, n'est-ce pas ? Est-ce que vous avez rencontré certains

19 de ses membres, des dirigeants de cette Mission de vérification de l'OSCE ?

20 R. Oui. Fin 1998 et 1999, et ce jusqu'au 20 mars 1999, qui est le moment

21 où la Mission de vérification a quitté le Kosovo et Metohija, j'ai

22 rencontré beaucoup de ces membres.

23 Q. Aviez-vous des contacts avec des membres qui s'occupaient des questions

24 de santé dans cette mission ?

25 R. Oui. A l'issue des négociations de Rambouillet, juste avant les

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1 négociations de Paris, j'ai reçu personnellement le chef de cette section.

2 C'était un médecin de Finlande, je ne sais plus son nom, et nous avons eu

3 un entretien dans mon bureau du conseil provincial.

4 Q. Que voulait-il savoir ? Sur quoi a-t-il attiré votre attention ?

5 R. Pour l'essentiel, il voulait que je lui parle de la façon dont étaient

6 organisés les services de Santé au Kosovo et Metohija.

7 Q. Vous lui avez fourni cette explication ?

8 R. Oui, brièvement, dans la mesure où cela l'intéressait.

9 Q. Comme on pouvait s'y attendre, je suppose que cet homme a apporté des

10 commentaires, a formulé des objections, vous a donné quelques idées. Est-ce

11 que vous vous en souvenez ?

12 R. Oui, je m'en souviens bien. Son objection principale, c'était que le

13 système était trop centralisé et trop lié à Belgrade, qu'il devrait être

14 moins lié à Belgrade et moins centralisé. Il nous a demandé si on avait

15 besoin d'aide de la part de la communauté internationale pour ce qui est

16 des services de Santé.

17 Q. Est-ce que, d'une façon ou d'une autre, il aurait appelé votre

18 attention sur des violations des droits de l'homme ou un comportement

19 incorrect qui aurait été celui des autorités ou des services de Santé ?

20 R. Non. L'entretien fut tout à fait plaisant, agréable et spontané. Nous

21 avons discuté de questions d'organisation. Il n'a eu aucune autre objection

22 de sa part mise à part celle que je vous ai mentionnée.

23 Q. Est-ce que vous saviez combien il y avait d'organisations humanitaires

24 venant de l'étranger sur le territoire du Kosovo et Metohija fin 1998 et

25 début 1999 ?

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1 R. Oui. J'étais secrétaire provincial à la santé et cela faisait partie de

2 mes attributions. Sur ce territoire, juste avant l'agression de l'OTAN, il

3 y avait 29 organisations humanitaires qui étaient représentées venant de

4 l'étranger.

5 Q. Que s'est-il passé ? Qu'auriez-vous à dire s'agissant des activités de

6 ces organisations humanitaires ? Ont-elles collaboré avec les service de

7 Santé au Kosovo et Metohija dont vous étiez le chef en tant que secrétaire

8 provincial à la santé ?

9 R. Oui. Oui, elles pouvaient librement avoir accès à la totalité du

10 territoire du Kosovo et Metohija. Ces organisations ont pu aller jusque

11 dans tous les recoins du Kosovo et Metohija, et ces organisations ont bien

12 aidé les services de Santé sous forme de médicaments, de produits

13 médicamenteux, et d'équipement. Elles ont mené à bien leur mission

14 humanitaire.

15 Q. Qu'est-il advenu de ces organisations à la veille de l'agression de

16 l'OTAN ?

17 R. Lorsque la mission de vérification de Walker a quitté une semaine avant

18 le début de l'agression de l'OTAN, toutes ces organisations ont quitté le

19 territoire du Kosovo et Metohija; toutes.

20 Q. Est-ce que ces organisations ont emporté leurs biens lorsqu'elles sont

21 parties, ce qu'elles avaient ?

22 R. Non. Ces organisations ont emporté certaines choses qu'elles pouvaient

23 emporter, mais elles ont laissé des entrepôts sur tout le territoire du

24 Kosovo et Metohija.

25 Q. Qu'est-il advenu de ces entrepôts, le savez-vous ?

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1 R. Au début de l'agression de l'OTAN, des inconnus ont pillé bon nombre de

2 ces entrepôts. Certains sont restés intacts, et nous les avons inspectés.

3 Il y avait aussi des entrepôts qui appartenaient à une organisation appelée

4 "Handicap". Mis à part des produits et des équipements de santé, j'ai

5 trouvé beaucoup de béquilles, des chaises roulantes. Ce n'aurait pas été

6 surprenant si toutes ces choses n'étaient pas en nombre si grand. C'était

7 tout à fait effrayant dans le fond. On s'attendait à la guerre, semble-t-

8 il.

9 Q. Est-ce que vous avez eu contact avec l'ONG Médecins sans frontière ?

10 R. Oui.

11 Q. Comment l'avez-vous perçue ?

12 R. Médecins sans frontière est arrivé sur le territoire en 1993. Il n'a

13 pas rencontré d'obstacles dans ses activités et il nous a beaucoup aidés.

14 Je me souviens, par exemple, de traitements d'eau à Vucitrn. Médecins sans

15 frontière a apporté de l'équipement, mais j'ai appris, qu'à un moment

16 donné, certains membres de l'organisation se livraient à des actes

17 inadmissibles. J'ai appris que certains de ses membres avaient commencé à

18 constituer le camp médical de l'UCK.

19 Début 1999, Médecins sans frontière a demandé à prolonger son séjour,

20 parce qu'il fallait demander cette autorisation tous les trois mois.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est venu de faire la

22 pause. Pause de 20 minutes.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Docteur, nous avons discuté des contacts que vous aviez eus avec

3 l'organisation Médecins sans frontières. Veuillez examiner l'intercalaire

4 7. La date est celle du 4 janvier 1999. Déclaration publique du secrétaire

5 provincial de la santé, Vukasin Andric. Pour ne pas perdre de temps,

6 parlons-en rapidement.

7 Vous avez fourni une déclaration à l'intention de l'opinion publique, et il

8 est dit que : "Les Médecins sans frontière ont abusé du tablier blanc

9 lorsqu'ils ont utilisé leurs moyens pour faire entrer des terroristes

10 albanais et leurs armes. Premier paragraphe. Apparemment on a découvert

11 qu'une de leurs équipes se servait d'une fréquence qui était réservée pour

12 les communications des membres du MUP."

13 Il est dit aussi que : "Les contrôleurs se servent d'une idée noble pour

14 uniquement aider les terroristes et le terrorisme.

15 Dernier paragraphe, un tel comportement contribue à la détérioration de la

16 situation humanitaire au Kosovo et Metohija."

17 Vous qui étiez secrétaire provincial de la santé, vous déclarez cela

18 s'agissant du comportement des Médecins sans frontières, et vous aviez,

19 pour faire cette déclaration, des informations, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous avez discuté de la collaboration de Médecins sans

22 frontières avec le chef de l'antenne, M. Boucher ?

23 R. Oui.

24 Q. Intercalaire 8, est-ce qu'on trouve à cet intercalaire le procès-verbal

25 de la réunion que vous avez eue avec M. Boucher ?

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1 R. Oui.

2 Q. C'est assez long, en serbe du moins, trois pages. Deux pages en

3 anglais, mais peu importe. Je vais utiliser le texte en serbe, vous y

4 dites, je cite: "Vukasin Andric a expliqué qu'il avait reçu des

5 renseignements à propos de Médecins sans frontières de plusieurs sources de

6 personnes qu'ils ont contacté sur le terrain."

7 Troisième paragraphe : "Il y avait, notamment, des personnes de

8 toutes les appartenances ethniques. Mais c'était surtout des Albanais.

9 Certaines de ces sources étaient des journalistes et des représentants

10 d'organes officiels."

11 Paragraphe suivant, on dit ceci : "Peu importe de savoir si quelqu'un

12 a été surpris en possession d'arme, et quels étaient les circonstances,

13 mais l'idée, c'est que Médecins sans frontières, en tant qu'organisation

14 humanitaire, ne devra pas faire des distinctions en fonction des

15 appartenances ethniques ou religieuses." Vous insistez là-dessus.

16 Avez-vous de raison de croire que Médecins sans frontières cherchait

17 surtout à aider les Albanais, et non pas la population non-albanaise ?

18 R. Oui, c'est vrai en partie. Ce que j'ai dit, c'était que Médecins sans

19 frontières aidait les établissements de santé dans la zone de Kosovo et

20 Metohija - pas de problèmes à ce propos-là - mais ce qui n'est pas possible

21 de comprendre, c'est qu'une organisation humanitaire se rende sur un

22 terrain où il y a plusieurs communautés, qui est pluriethniques et, en

23 espace de six ans, emploi uniquement des ressortissants d'une seule

24 communauté. Cela veut dire que Médecins sans frontière, sur le territoire

25 du Kosovo et Metohija, n'a employé que des Albanais, que ce soit des

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1 médecins, des infirmières, des employées des services généraux. Ils n'ont

2 utilisé que des Albanais. Les agents de Médecins sans frontières vivaient

3 dans une maison qui appartenait uniquement à des Albanais. Ceci, vous en

4 conviendrez avec moi, ne peut que susciter des soupçons parmi les Serbes.

5 Q. Page 2, deuxième paragraphe à partir de la fin. je cite : "M. Andric a

6 expliqué que M. Boucher a dit qu'il voulait coopérer avec les deux parties,

7 et qu'ils voulaient aussi aller dans les villages serbes, mais qu'ils y

8 avaient rencontré de l'animosité, de l'hostilité." Pourquoi ?

9 R. Je ne pense pas que les communautés serbes étaient hostiles du tout.

10 C'était simplement que les Serbes savaient, vous savez, comment cela se

11 passait. Lorsqu'il y a de la tension, lorsque vous avez des représentants

12 de Médecins sans frontières qui viennent avec une infirmière albanaise, un

13 chauffeur albanais, automatiquement, cela créé de la méfiance, et vu ce qui

14 s'était fait jusque-là, les gens tout simplement ne faisaient pas confiance

15 à cette organisation.

16 Q. Vous dites à la fin qu'un médecin albanais était tué à Pec dans des

17 conditions horribles parce qu'il avait refusé l'invitation que lui ont

18 faite les terroristes d'aller travailler pour Médecins sans frontières.

19 Vous dites que c'est la raison de sa mort. Boucher exprime, dans l'avant-

20 dernier paragraphe, qu'il n'a pas eu de contact avec cette personne. Il a

21 dit n'avoir aucune influence sur les médias, sur la politique, et que

22 c'était la raison pour laquelle il voulait expliquer ce qu'il faisait, et

23 qu'il voulait une collaboration plus étroite.

24 R. Ceci concernait Dzevad Gashi, qui continuait à travailler dans le

25 système de santé serbe. Il a été tué cette nuit-là, je m'en souviens bien,

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1 au moment de cette réunion que j'ai eu. Ce médecin s'est rendu au travail,

2 et a été tué par des terroristes de la soi-disant UCK. Ses parents ont dit

3 à la télévision que, plusieurs jours avant qu'il ne soit tué, des membres

4 de la soi-disant UCK étaient venus et avaient essayé de faire pression sur

5 lui pour qu'il ne travaille plus avec les Serbes dans les institutions de

6 la République, et qu'il aille travailler avec Médecins sans frontières.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document. Il

8 s'agit du compte rendu faisant état de la conversation du témoin avec M.

9 Boucher. Intercalaire 8.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 M. KAY : [interprétation] Oui. On a aussi parlé de l'intercalaire 7 dans ce

12 cadre.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agira des intercalaires 7 et 8.

14 D'accord.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Merci. Docteur Andric, où étiez vous quand a commencé l'agression de

17 l'OTAN contre la Yougoslavie ? Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez

18 d'autres fonctions ? Est-ce que, pendant l'agression, vous avez exercé

19 d'autres fonctions ?

20 R. Au début de l'agression, je me trouvais à Pristina. Avec mon équipe, je

21 préparais les activités des services de Santé, qui devaient s'adapter aux

22 conditions de guerre. J'étais le secrétaire provinciale à la Santé, mais,

23 outre cela, j'étais aussi président de la commission chargée des Questions

24 humanitaires, et j'étais membre de la protection civile et de la

25 coordination entre les autorités civils, l'armée, et le MUP.

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1 Q. Vous avez mentionné plusieurs institutions. Pourriez-vous nous dire

2 quelle était la composition de ces organes ou institutions ? Ce que je veux

3 dire par là, je vous demande le contexte professionnel et ethnique des

4 membres de ces organes.

5 R. C'était très diversifié. Vous y trouviez des gens de professions

6 différentes, et aussi des gens des différentes appartenances ethniques.

7 Q. Fort bien. Examinons maintenant l'intercalaire 9, qui s'agit d'une

8 décision qui vous désigne à un certain poste, qui vous désigne président du

9 QG chargé des Questions humanitaires, et de l'aide aux personnes déplacées

10 qui réintègrent leurs foyers.

11 On a l'exposé des motifs, et il y est dit que ce QG a pour mission de

12 coordonner les activités découlant du programme d'activités prévues. Vous

13 avez la traduction en anglais. Il est dit qu'il y a obligation de

14 s'intéresser tout particulièrement à ceci. Il faut veiller à ce que les

15 conditions de logement de la population civile soient bonnes. Il faut un

16 bon service de Santé, bonne protection des biens civils, et il faut

17 empêcher que des actions soient entreprises, portant atteinte à la liberté

18 des citoyens. Vous avez le cachet, qui cache en partie un texte. Il s'agit

19 de permettre le retour des personnes déplacées chez elles.

20 Que pouvez-vous nous dire de l'activité de ces organes, activités auxquels

21 vous avez pris part ? Est-ce que vous êtes livrés à toutes ces activités

22 dans le cadre de vos fonctions, fonctions présentées comme étant celles du

23 QG ?

24 R. Oui. Nous devions aider la population civile, surtout celles qui

25 étaient exposées à des risques. Mais il s'agissait de protéger toutes les

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1 personnes vivant sur le territoire, qui devaient bénéficier des besoins

2 essentiels.

3 Q. Mais quelles étaient vos tâches précises ? Pourriez-vous nous dire

4 quelles étaient vos attributions principales ?

5 R. Par exemple, nous avons veillé à ce qu'il y a de l'eau potable. Nous

6 avons aussi veillé à la protection de l'environnement. Nous avons fourni de

7 l'aide médicale, des vivres pour les personnes qui n'en avaient pas, et

8 nous avons aussi contribué à réparer les dégâts, ou s'occuper des

9 conséquences des bombardements de l'OTAN, lorsqu'il y avait des morts, des

10 blessés. Nous avons aidé à ce que le terrain soit nettoyé.

11 Q. J'ai fait une erreur. Je vous ai lu le document se trouvant sur

12 l'intercalaire 10 au lieu du 9. Revenons au 9. C'est là qu'on trouve la

13 décision. Je vous demande d'examiner le document qui se trouve à

14 l'intercalaire 9 qui établit ce que j'ai -- responsable des questions

15 humanitaires et on présente la composition. Vukasin Andric président;

16 Veljko Odalovic, membre; Zejnelabidin Kurejs, membre;, Selim Gudjufi,

17 membre; Faik Jashari, membre; et Mihajlo Nedic, membre. On explique quelles

18 seront les activités de ce QG.

19 Dites-moi ceci. Quelle était l'appartenance ethnique des membres de

20 ce QG ? Il y avait six membres en tout.

21 R. Il y avait des Serbes, des Turcs, des Albanais, et un Monténégrin.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. C'était l'intercalaire 9.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que cette décision qui a un numéro

25 d'enregistrement et qui porte la date d'avril 1999, et que le document se

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1 trouvant à l'intercalaire 10 dont j'ai déjà parlé soit versé au dossier.

2 Intercalaire 10 porte, nomination de ce témoin. Merci.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Avant le début des bombardements la population a-t-elle quitté Pristina

5 et les autres villes tout comme le Kosovo et Metohija en général ?

6 R. Non. Avant le début de l'agression de l'OTAN les déplacements de la

7 population étaient habituels. Il n'y a pas eu de circonstances

8 exceptionnelles de situation d'urgence, et la vie se déroulait de façon

9 normale au quotidien.

10 Q. Lorsque les bombardements ont commencé ?

11 R. Quand les bombardements ont commencé le premier jour, après le début de

12 ces bombardements, les bombardements, je précise, ont commencé le 24 mars

13 au soir vers 20 heures. Le 25 mars déjà, j'ai remarqué des petits groupes

14 de gens à Pristina, des individus qui s'en allaient et qui vidaient la

15 ville.

16 Q. Qui est-ce qui quittait la ville ? Quand je dis "demande qui",

17 j'entends là les ressortissants des différents groupes ethniques.

18 R. Tous s'en allaient. Les Albanais, les Serbes, les Roms, enfin, les gens

19 qui vivaient là s'en allaient. Il n'y avait pas de règle. La seule règle

20 c'était de s'en aller.

21 Q. Vous vous trouviez à Pristina, à ce moment-là ?

22 R. Oui. J'étais à Pristina.

23 Q. Les citoyens qui quittaient Pristina ont-ils fini par augmenter ou

24 pas ?

25 R. Oui. Au fur et à mesure de la croissance de l'intensité des frappes, le

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1 nombre des gens qui ont quitté le territoire de Pristina et du Kosovo et

2 Metohija n'a fait que croître. Le nombre de ces partants était notamment

3 grand entre le 1er et le 15 avril, notamment, entre le 1er et le 6 avril

4 1999.

5 Q. Au fur et à mesure que les bombardements ont accru une intensité il y a

6 eu augmentation du nombre de personnes quittant leurs domiciles.

7 R. Oui. Ce nombre a été incroyable si l'on compare avec les autres

8 territoires de cette Yougoslavie. Il nous semblait parfois que les

9 bombardements duraient pendant 24 heures sans interruption.

10 Q. Aviez-vous connaissance de la direction dans laquelle ces personnes qui

11 s'en allaient se déplaçaient et j'entends par là les Albanais et les Serbes

12 et les Monténégrins puisque vous avez indiqué que les ressortissants de

13 tous les groupes s'en allaient ?

14 R. Les Albanais s'en allaient en général vers la Macédoine et l'Albanie,

15 ainsi vers le Monténégro, mais en partie moindre. Les Serbes se dirigeaient

16 vers la Serbie centrale, et les autres non-Albanais vers la Serbie et le

17 Monténégro. Je sais que les Turcs ont quitté en masse pour partir vers la

18 Turquie.

19 Q. Pendant ces bombardements de l'OTAN, pendant cette agression de l'OTAN,

20 les médecins et le personnel médical, au sein des institutions médicales,

21 d'après ce que vous avez pu faire en votre qualité de secrétaire chargé de

22 la santé, et ce qu'on fait les institutions en la matière également, aviez-

23 vous en ces circonstances de guerre eu la possibilité de continuer votre

24 travail ?

25 R. En ce qui me concerne personnellement, dès le 25 mars au matin, j'ai

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1 rédigé et signé en ma qualité de secrétaire provincial chargé de la santé

2 une ordonnance à l'intention de tous les centres hospitaliers sur le

3 territoire du Kosovo et Metohija pour dire que tout le personnel médical se

4 devait de continuer à travailler dans les établissements médicaux, et il

5 s'agissait de rendre possible à certains effectifs médicaux au cas où ils

6 estimeraient que leurs familles étaient en danger d'installer ces gens dans

7 les lieux des installations médicales, à savoir, sur le site même de leur

8 travail.

9 Q. Cet ordre a-t-il été respecté ?

10 R. Pour autant que je le sache et je suis bien informé, l'ordre portant

11 l'installation des personnes sur le site même des installations médicales a

12 été respectée jusqu'au bout.

13 Q. A l'intercalaire 11, nous avons des renseignements portant sur le

14 personnel médical du groupe ethnique albanais est resté travaillé après le

15 début de l'agression dans cet hôpital de Djakovica. Je vous prie maintenant

16 de vous pencher sur l'intercalaire 11. On voit des noms d'Albanais qui sont

17 restés travaillés dans cet hôpital d'Etat même après le début de

18 l'agression. Est-ce que c'est bien la liste que vous nous avez fournie ?

19 R. C'est bien la liste que j'ai fournie.

20 Q. Avez-vous noté quelques événements que ce soit qui illustreraient le

21 fait qu'à l'égard de ces médecins au travail, il y a eu une attitude de

22 discrimination ou une attitude de mise en péril de leurs personnes ?

23 R. Pour autant que je sache, non. Il y a eu des cas. Je vais dire que cela

24 se rapporte, notamment, aux centres hospitaliers de Prizren et de

25 Djakovica. En dépit de l'ordre que j'ai donné, les médecins albanais ont

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1 quitté ces centres hospitaliers et sont partis vers Gnjilane en bonne

2 partie. Il y eu des cas opposés. A Djakovica, 95 % des cadres médicaux

3 étaient des ressortissants albanais, et la plupart d'entre eux ou

4 pratiquement tous sont restés aux postes de travail qui étaient les leurs à

5 l'hôpital jusqu'à la fin de la guerre.

6 Q. Docteur Andric, est-ce que pendant cette agression de l'OTAN vous avez

7 eu l'opportunité de vous déplacer sur le territoire du Kosovo et Metohija ?

8 R. Oui, au quotidien. C'était l'une de mes tâches.

9 Q. Avez-vous contacté les Albanais qui s'en allaient ? Je ne parle pas

10 maintenant des Serbes qui s'en allaient. Est-ce que vous avez contacté les

11 Albanais qui s'en allaient du territoire du Kosovo et Metohija, et est-ce

12 que vos services sont intervenus sur le terrain ?

13 R. Oui. J'ai contacté bon nombre d'Albanais au quotidien, nos services ont

14 journalièrement [comme interprété] été présent sur le terrain pour aider

15 ces personnes.

16 Q. Avez-vous ou plutôt avez-vous eu des activités renforcés de la part de

17 ces équipes médicales dans certains secteurs qui ont été jugés critiques ?

18 R. Oui. Nous avons créé des équipes médicales mobiles, nous en avons eues

19 plusieurs de ces équipes, elles étaient au nombre de cinq à dix suivant les

20 besoins, et elles étaient, en particulier, chargées des secteurs vers la

21 Macédoine, donc, la route vers le passage frontière général Jankovic et

22 vers Maglaj sur la hauteur de Prizren.

23 Q. Puisque vous étiez sur le terrain et que vous avez organisé ces équipes

24 médicales et qu'elles leur apportaient leur aide, répondez-moi, s'il vous

25 plaît, quel était l'acte de déplacements de ces colonnes d'Albanais qui

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1 s'en allaient du Kosovo et Metohija ? Est-ce que quelqu'un au niveau des

2 autorités, j'entends, au Kosovo voire en Serbie ou Yougoslavie les auraient

3 obligé à quitter le pays ?

4 R. Non. Ces colonnes se déplaçaient de toute façon tout à fait tranquille,

5 il y a eu même des charrues dans ces colonnes. Je ne pense pas que

6 quiconque les obliger à s'en aller, j'entends par là, notre armée voire

7 notre police.

8 Q. Vous-même, en personne, vous êtes-vous entretenu avec les Albanais qui

9 quittaient le pays ?

10 R. Oui, au quotidien avec bon nombre d'entre eux.

11 Q. Quand vous dites que vous vous êtes entretenu avec bon nombre d'eux,

12 dites-nous si vous en connaissiez certains de ces Albanais ? Quelle a été

13 la teneur de ces conversations ?

14 R. Oui. Il y a eu des gens que je connaissais. Je me suis entretenu avec

15 eux. Je me souviens, par exemple, d'un boucher de Pristina qui m'a demandé

16 de lui apporter des couches pour son bébé. Je me souviens, par exemple, de

17 cette conversation.

18 Q. Que leur disiez-vous ? Vous vous êtes entretenu avec bon nombre

19 d'Albanais qui s'en allaient; que leur disiez-vous ?

20 R. J'essayais de les convaincre, je les suppliais de ne pas quitter le

21 territoire du Kosovo et Metohija, de rentrer chez eux. Je leur disais que

22 notre armée et notre police leur garantiraient la sécurité.

23 Q. Que vous disaient-ils ? Vous ont-ils écouté ou pas ?

24 R. La plupart ne m'ont pas écouté. Ils me disaient tous, ou presque tous,

25 qu'ils allaient mettre leurs familles à l'abri des bombardements de l'OTAN,

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1 et qu'ils allaient revenir, mais la majorité de ces personnes, en dépit de

2 mes demandes, ont continué sur leur chemin et ont traversé la frontière.

3 Q. Mais certains ont-ils écouté votre conseil ?

4 R. Certains ont écouté, certains sont revenus, et dès l'arrivée des forces

5 internationales le 10 juin, sur le territoire du Kosovo et Metohija, je les

6 ai vus, ces gens, et ils m'ont remercié. Ils m'ont dit que j'avais tout à

7 fait raison et qu'ils auraient mieux fait de tous m'écouter.

8 Q. Mais, partant de votre expérience, pourquoi les Albanais quittaient-ils

9 le pays ?

10 R. La raison principale du départ des Albanais - et c'est précisément le

11 début de l'agression de l'OTAN, et la peur des bombes de l'OTAN - en sus,

12 la population albanaise a fait l'objet de pressions terribles de la part de

13 ce mouvement séparatiste et, dans ce cas-ci, des terroristes de cette soi-

14 disant armée de libération du Kosovo, l'UCK, pour quitter le Kosovo et

15 Metohija, et ils leur donnaient des garanties pour les faire revenir

16 rapidement.

17 Q. Mais ces Albanais qui s'en allaient, leur avez-vous apporté une aide

18 humanitaire ? Vous nous avez parlé de l'aide médicale, certes, nous

19 n'allons pas revenir là-dessus, mais leur avez-vous fourni une assistance

20 humanitaire ?

21 R. Très certainement. Nous avons au quotidien visité ces colonnes. Nous

22 avons apporté des vivres. Nous avons apporté pour les enfants du lait et

23 des couches. Nous avons même transporté certains d'entre eux vers leurs

24 domiciles parce qu'ils étaient malades, ils avaient besoin d'aide et ils

25 ont été hospitalisés au centre clinique et hospitalier.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, est-ce que vous savez

2 quelles étaient les raisons pour lesquelles, comme vous le dites, l'UCK

3 faisait pression sur les Albanais pour qu'ils quittent le Kosovo ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux que supposer la raison. C'est

5 probablement -- est-ce la chose suivante. Ce départ signifiait vider le

6 territoire de tout habitant albanais et présenté la chose comme étant une

7 purification ethnique. Je crois que c'est la seule raison probable. Enfin,

8 je parle pour ceux qui ont exercé des pressions. Je ne parle pas pour ceux

9 qui ont fui les bombardements de l'OTAN.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Vous nous avez parlé de votre expérience, de l'expérience que vous avez

13 eue à la frontière. J'aimerais qu'on nous passe maintenant la vidéo numéro

14 2, qui est donnée à l'intercalaire 5. Nous avons vu le clip numéro 1.

15 Maintenant, j'aimerais qu'on nous passe le clip numéro 2.

16 M. KAY : [interprétation] Il faudrait verser au dossier l'intercalaire 11.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 Oui. Je sais. Voyons ce qui va se passer.

19 Vous l'avez vu, Monsieur Milosevic ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vais le voir à l'instant.

21 [Diffusion de cassette vidéo]

22 L'INTERPRÈTE : Traduction de l'Albanais.

23 [Voix sur voix]

24 "Il n'y est pas de dizaine de milliers de réfugiés albanais comme le disent

25 les médias occidentaux qui seraient désireux de quitter le Kosovo et

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1 Metohija, le passage frontalier avec la Macédoine au général Jankovic, au

2 moment où notre équipe est arrivée ici. Il n'y avait que quelques dizaines

3 d'automobiles et une centaine d'Albanais du Kosovo et Metohija,

4 essentiellement originaires de Pristina, qui suite à la situation survenue,

5 ont exprimé le souhait de passer en Macédoine. Entre eux, parmi eux, il y a

6 des femmes, des enfants, des personnes âgées qui ont l'air fatigué et assez

7 épuisé. C'est ainsi que plusieurs dizaines d'automobiles et une centaine de

8 personnes ont attendu l'autorisation des autorités macédoniennes pour

9 passer vers cet Etat-là. Comme on peut le voir, on ne peut pas dire qu'il

10 s'agit de dizaines de milliers de réfugiés albanais désireux de quitter le

11 territoire du Kosovo et Metohija comme l'affirme les médias occidentaux.

12 Parmi ces gens malheureux qui disent que c'est de peur des bombardements de

13 l'agresseur de l'OTAN et de la situation créée suite aux attaques des néo-

14 fascistes de l'alliance occidentale qu'ils ont quitté leurs domiciles.

15 "Il s'est trouvé là tout de suite qui d'autre si ce n'est pas une

16 ambulance, une infirmerie mobile de la Croix Rouge du Kosovo et Metohija,

17 dirigée par le Dr Vukasin Andric. Ces gens sont là pour fournir une aide

18 médicale à tous ceux qui en ont besoin. On voit ici la présence de

19 représentants du ministère de l'Intérieur de Serbie qui essaie de persuader

20 ces gens de retourner chez eux car ils leur garantissaient la sécurité.

21 "Notre caméra a enregistré le retour de quelques 50 voitures de ce

22 passage frontière avec la Macédoine, qui sont retournés par Kacanik pour

23 rentrer à Pristina. Notre équipe a également visité le passage frontière

24 entre la Yougoslavie et l'Albanie, appelé Vrnecica [phon]. La situation est

25 pratiquement la même à la différence près qu'ici, les réfugiés sont

Page 36576

1 véhiculés [phon] essentiellement sur des tracteurs, par des tracteurs. Il y

2 a ici aussi une équipe de la Croix Rouge du Kosovo et Metohija et les

3 représentants du ministère de l'Intérieur de Serbie essaie de les

4 convaincre de rentrer chez eux.

5 "Sur la route de Pristina, notre caméra a enregistré un grand nombre de

6 gens revenant chez eux, sans problème. Entre autres, on a vu 500 voitures

7 et camions revenant vers Pristina."

8 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. C'est cela.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous avons une date

11 précisant à quel moment ceci a été diffusé ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 4, 5 et 6. Mais ceci ce sont les images du

13 4 avril 1994, le passage frontière général Jankovic et passage frontière

14 Vrnecica.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Docteur Andric, au tout début de cet enregistrement vidéo, nous avons

17 pu vous voir, vous-même.

18 R. Oui, en effet.

19 Q. Vous vous êtes entretenu à ce moment-là avec les réfugiés, n'est-ce

20 pas, sur les lieux ?

21 R. Oui.

22 Q. On peut voir que ceci est diffusé en langue albanaise ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. S'agissait-il, là, du programme de la télévision destinée aux Albanais

25 puisque c'est diffusé en langue albanaise ?

Page 36577

1 R. Oui. Il y avait un programme de la télévision de Serbie où l'on

2 diffusait un programme en langue albanaise, et ce programme était diffusé

3 au quotidien.

4 Q. Ce programme de la télévision partant de ce que l'on peut voir ici a-t-

5 il été diffusé en langue albanaise précisément pour en quelque sorte

6 encourager ces populations albanaises à revenir chez soi et ne pas quitter

7 le Kosovo et Metohija ?

8 R. Oui, très certainement. L'un des objectifs était précisément celui-ci,

9 à savoir que la population y compris la population albanaise soit informée

10 avec précision et avec exactitude de ce qui se produisait sur le terrain.

11 Q. Mais quand même, comme vous l'avez indiqué une grande partie d'entre

12 eux sont partis du Kosovo, quitter le Kosovo; certains vous ont écouté et

13 sont revenus chez eux. D'après ce que je puis voir ici, à la télévision,

14 mais l'accent sur les gens qui ont décidé de revenir, qui ont prêté une

15 oreille attentive à vos demandes et aux demandes des représentants du

16 ministère de l'intérieur, parce qu'ils leur ont dit de rentrer chez eux, vu

17 qu'ils leur garantissaient leur sécurité, n'est-ce pas ?

18 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête du témoin.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je voudrais que ceci soit également

20 versé au dossier.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation] Docteur Andric, partant de votre

23 expérience, partant de ce que vous avez pu voir, personnellement, et

24 apprendre puisque vous avez, de tout temps, été là-bas, est-ce que l'OTAN a

25 bombardé les villes et les installations civiles dans ces villes ?

Page 36578

1 R. Oui. Presque tous les jours, on a bombardé la plupart des villes sur le

2 territoire du Kosovo et Metohija et on a détruit, endommagé bon nombre

3 d'installations civiles, en effet.

4 Q. Quand vous dites "bon nombre d'installations civiles", qu'avez-vous à

5 l'esprit? Notamment, si l'on se penche sur les exemples de Pristina, de

6 Djakovica, voire une autre ville quelconque, quels sont les éléments que

7 vous avez gardé en mémoire ?

8 R. Je peux vous énumérer les installations qui ont été endommagées dans

9 certaines villes dans le courant de ces bombardements de l'OTAN. Je

10 parlerai des installations de taille, à Pristina, il y a une cité

11 d'habitation au centre-ville et le bureau de poste principal, la gare

12 routière, le bâtiment de Jugopetrol, et les entrepôts de Jugopetrol,

13 l'entrepôt de Beopetrol [phon], où l'on a engendré une véritable

14 catastrophe écologique. On a bombardé à Pristina des entrepôts de

15 marchandises, de vivres, de denrées alimentaires de première nécessité et,

16 sur cinq hectares, il a été détruit bon nombre de biens, de produits et de

17 marchandises. Il y a eu des victimes parmi les gens qui étaient à Glomiyar

18 [phon], une centre d'Excursion.

19 Q. Mais a-t-on bombardé le centre de Pristina ?

20 R. Oui, je l'ai dit au tout début, j'ai parlé du centre, stricte de la

21 ville de Pristina, et de la poste principale.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ne commentons plus cela parce qu'on a déjà

23 préparé l'enregistrement vidéo, qui en parle.

24 [Diffusion de cassette vidéo]

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le clip précédent qui n'a pas été

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1 visionné jusqu'au bout.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On ne reçoit pas

3 l'interprétation.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le clip précédent dont on n'a pas

5 vu la fin.

6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que, quand ils allument leur

7 micro, ils n'entendent plus rien.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le clip précédent parce qu'ils y

9 avaient les clips 2 et 3 qui se rapportaient, plus tôt, concernant les

10 départs du Kosovo, la présence de M. Andric et son activité, ainsi que la

11 présence des autres représentants de l'autorité qui cherchaient à les

12 convaincre de rentrer chez eux et on a diffusé là, le clip de la télévision

13 en langue albanaise pour encourager les civils à rentrer chez eux pour ne

14 pas quitter le Kosovo et Metohija.

15 Le clip numéro 4 lui se rapporte à ces destructions dont nous a parlé

16 le Dr Andric. J'aimerais qu'on nous fasse voir celui-là. On l'a déjà

17 commenté, mais on ne l'a pas vu techniquement parlant jusqu'à sa fin.

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela on l'a déjà vu, ce n'est pas de cela

20 que je parlais.

21 [Diffusion de cassette vidéo]

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous l'avez déjà vu sur la figure au 5.3, la

23 traduction de ce que nous disent les personnes qu'on a filmé à la

24 frontière. Maintenant, je demanderais à ce qu'on nous montre l'intercalaire

25 5.4. J'aimerais passer à l'intercalaire 5.4 au 5.3.

Page 36580

1 M. NICE : [interprétation] Il faut noter que, mis à part les problèmes de

2 traduction qui sont de la mauvaise qualité sonore, au 6/10, nous avons

3 quelque chose qui est tout à fait à l'inverse de ce qui semble être

4 favorable à l'accusé. Ce n'est pas ce que j'ai entendu. "Je viens de

5 Djakoica" - et il semble parler de gens qui combattaient- et ce que j'ai

6 entendu, c'est que personne ne combattait.

7 Si l'on va ces extraits au dossier, il faudra peut être vérifier les

8 transcriptions parce qu'il ne faudrait pas prendre quelque chose qui soit

9 erronée comme point de départ.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous allons

12 demander aux interprètes d'écouter cette partie-ci parce que vous avez

13 raison. J'ai entendu la même chose que vous. Tirons ceci au clair. Nous

14 allons demander que ce soit diffuser à niveau cet extrait.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, dans ma transcription,

16 que j'ai sous les yeux en langue serbe parce que je ne parle pas

17 l'Albanais, mais je sais que cela a été traduit.

18 La femme, d'après ce qu'elle raconte, dit : "Je suis venue de

19 Djakovica. Il y a des parties aux conflits; je n'ai rien à voir avec eux.

20 Tout ce que je veux, c'est m'éloigner en attendant que la situation ne se

21 calme. Lorsque la situation se calmera, nous continuerons à vivre

22 ensemble."

23 Le journaliste dit : "Mais avez-vous eu des obstacles, des entraves

24 dans votre voyage ?"

25 Elle dit : "Non, pas du tout."

Page 36581

1 C'est ce qui est dit, c'est ce que l'on a écrit. On n'a pas dit autre

2 chose. On ne dit pas ce que dit M. Nice.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais les interprètes albanais pourraient

4 interpréter de façon un peu différente. C'est pour cela qu'on demande des

5 éclaircissements.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons entendu la même chose que

7 M. Nice. Mais est-ce qu'on pourrait s'y prendre d'une autre façon ? Nous

8 pourrons demander la traduction de ce texte.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, j'ai entendu le son

10 de l'enregistrement, et comme je parle assez bien l'albanais, au moment où

11 la femme parle des bombardements de l'OTAN, l'interprète parle "des parties

12 au conflit." Il ne dit pas l'OTAN. On pose la question au sujet de l'OTAN,

13 et l'interprète parle, une fois de plus, de "parties au conflit."

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Andric parle l'albanais, et pour lui, il

15 n'est pas difficile de le vérifier.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivons.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander que soit

19 rediffusé l'enregistrement avec interprétation.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 5.3.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allons-y. Je ne sais pas s'il est

22 possible d'isoler cette partie. Cela se trouve au 6/10. C'est une dame

23 albanaise qui parle.

24 [Diffusion de cassette vidéo]

25 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

Page 36582

1 "L'homme : Tout le monde a peur des bombardements de l'OTAN, tout le

2 monde. Je viens de Mitrovica, et personne ne nous a dit quoi que ce soit.

3 J'ai vu une vingtaine de bus avec des gens dedans.

4 La dame : Je viens de Gjakove parce que les camps sont en train de

5 combattrent. Je n'ai rien à voir là-dedans, c'est pour cela que j'ai dû

6 partir. Non, personne ne nous a dit quoi que ce soit. Personne ne nous a

7 empêchés."

8 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que maintenant la chose est

10 tirée au claire.

11 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Docteur Andric, au tout début de ce clip, le premier homme qui prend la

14 parole, d'après la transcription, dit : "Nous partons en Albanie parce que

15 nous avons peur."

16 Le journaliste lui demande : "De qui avez-vous peur ?"

17 L'autre répond : "Du pilonnage de l'OTAN."

18 Un autre homme albanais ajoute : "Nous avons peur des bombardements,

19 des pilonnages. Nous avons très peur de la situation et nous partons pour

20 l'Albanie."

21 Le journaliste lui demande : "Avez-vous eu des obstacles pour arriver

22 ici ?"

23 Réponse : "Non. Non, nous n'en avons pas eus, ici et là un peu, mais

24 en général non."

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez maintenant votre question,

Page 36583

1 Monsieur Milosevic.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Par conséquent, ce que l'on montre ici, est-ce que cela est conforme à

4 ce que vous en savez, Docteur Andric, pour ce qui est des raisons de la

5 fuite des gens du Kosovo, et quelle est l'attitude des autorités à leur

6 égard ?

7 R. C'est précisément ainsi que les choses se sont passées. C'est justement

8 ce que j'ai dit. La plupart disaient qu'ils fuyaient en raison de la peur

9 des bombes de l'OTAN et disaient qu'ils n'ont pas eu de problèmes du tout

10 avec les autorités sur l'itinéraire, pas plus qu'avant de prendre la route.

11 Q. Je vous ai demandé auparavant au sujet des bombardements des villes au

12 Kosovo et Metohija. J'aimerais qu'on nous montre maintenant cet

13 intercalaire 5.4. Je vous demanderais, par la suite, de nous apporter des

14 explications.

15 [Diffusion de cassette vidéo]

16 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

17 "La femme : Je dormais et j'ai simplement entendu du bruit, et tout

18 d'un coup c'est tombé sur moi. L'homme : J'ai entendu quelque chose qui

19 ressemblait à une rafale de fusil et j'ai essayé de sortir. Une planche

20 m'est tombée dessus, et ensuite j'ai réussi à la déplacer. Lorsque j'ai

21 réussi, ma femme m'a demandé si j'étais vivant. J'ai dit que oui et je lui

22 ai demandé si elle allait bien. Elle a dit qu'elle allait bien, mais

23 qu'elle ne pouvait pas bouger. Il y avait du mortier sur les enfants et des

24 briques partout au tour de nous; que Dieu nous garde. Quand j'ai réussi à

25 tout faire, je suis allé sauver les oies, Bosko et Jela."

Page 36584

1 Le journaliste : Il n'y a que des réfugiés qui habitent dans ce

2 village ?

3 L'homme et la femme ensemble : Que des réfugiés de Krajina.

4 Le journaliste : Combien de personnes à peu près ?

5 Les deux personnes : 100 à 120, plus ou moins.

6 Le journaliste : Est-ce que vous avez entendu plusieurs explosions ou une

7 uniquement ?

8 L'homme : J'ai entendu un coup de feu, mais qui sait, peut-être une dizaine

9 de rafales et, tout d'un coup, il y avait du feu. On tirait de tous les

10 cotés.

11 La femme : J'ai entendu une explosion, et tout m'est tombé dessus.

12 L'homme : Il y avait un bruit terrible partout, tout d'un coup, en

13 quelques secondes.

14 La femme : J'ai entendu que cela me tombait dessus.

15 L'homme : Elle a commencé à gémir, et nous avons réussi à nous

16 abriter, je ne sais pas comment.

17 Le journaliste : Y a-t-il eu beaucoup de blessés ou de tués ?

18 La femme : Oui. L'homme : Il y a deux ou trois cadavres, une femme et deux

19 hommes. Je ne sais rien d'autre."

20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Docteur Andric, nous voyons ici des images d'un village où étaient

23 hébergés des réfugiés qui ont été bombardés.

24 R. Oui.

25 Q. Que savez-vous à ce sujet ?

Page 36585

1 R. C'est un centre de Réfugiés que l'on appelait Meja. Il se composait de

2 26 maisons destinées aux Serbes qui avaient été expulsés de la République

3 de Croatie au début du mois de mai 1999. Lorsque l'OTAN a bombardé ce

4 centre, quatre personnes ont été tuées, les frères Volarevic, si je me

5 souviens bien, je pense me souvenir de leurs noms, de Benkovci, et la mère

6 et la fille de la famille Ilkic [phon] de Knin, qui ont été tuées, si ma

7 mémoire est bonne.

8 Q. Y avait-il des installations militaires dans les alentours ?

9 R. Non, c'était simplement un centre de Réfugiés destiné aux réfugiés

10 provenant de la Croatie.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de cette séquence vidéo

12 au dossier et je demande que l'on diffuse la vidéo correspondant à

13 l'intercalaire 5.5.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

15 M. KAY : [interprétation] L'intercalaire 5.3 est présenté comme pièce à

16 conviction.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Y a-t-il une date pour cet incident ?

19 Professeur, est-ce que vous avez la date de cet incident ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si c'était le 3 mai ou le 5

21 mai. Je ne suis pas absolument sûr, mais c'était, en tout cas, en mai 1999.

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sont des images de Pristina.

24 [Diffusion de la cassette vidéo]

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, un instant. Arrêtons les images,

Page 36586

1 s'il vous plaît.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. On a vu que très peu d'images de cette intercalaire 5.5. Quand j'ai

4 regardé ces images à vos côtés à la prison, j'ai eu l'impression qu'on y

5 voyait également des immeubles d'habitation détruits. Est-ce que ceci

6 figure sur une autre séquence correspondant à un autre intercalaire, ou

7 est-ce qu'il y a des images qui manquent dans la présente séquence ?

8 R. Elles se trouvent dans la séquence correspondant à l'intercalaire le

9 plus court.

10 Q. Pouvez-vous expliquer de quoi il est question ici ?

11 R. C'est une partie du centre de Pristina qui a été détruit par le

12 bombardement de l'OTAN dans la nuit du 6 au 7 avril, ou plus exactement, à

13 1 heure 10 du matin, le 7 avril. C'est vraiment le centre le plus restreint

14 de Pristina dont les deux rues principales, la rue Njegoseva et la rue

15 Zanatska ont été totalement détruites, rasées. Tous les bâtiments, la poste

16 notamment, ont été gravement endommagés. Dans cette attaque par les forces

17 de l'OTAN, 16 habitants ont été tués et des dizaines blessées.

18 Q. Vous êtes allé sur place à ce moment-là, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, parce que je n'habite pas très loin, accompagné de quelques

20 camarades et de mon fils, je suis allé sur place en espérant pourvoir aider

21 ceux qui avaient été blessés.

22 Q. Connaissiez-vous quelqu'un qui a été tué à ce jour-là ?

23 R. Oui. Ma belle-mère a été tuée chez elle, dans sa maison.

24 Q. Son immeuble, a-t-il été détruit ?

25 R. Oui, totalement, comme tous les immeubles de ces deux rues, la rue

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1 Zanatska et la rue Njegoseva.

2 Q. Oui. Votre belle-mère a été tuée. Sa maison a été détruite. Quel est le

3 nom de votre belle-mère ?

4 R. Zlatinka Rankovic.

5 Q. D'autres maisons ont également été détruites. Connaissez-vous le nom

6 d'autres personnes dont les maisons ont été frappées et que ces personnes

7 aient été tuées ? Vous avez parlé de 16 morts ?

8 R. Oui. Je me souviens d'une famille turque, la famille Mesut Gashi, qui

9 était des voisins de ma belle-mère. Gashi est resté enterré sous les

10 décombres de sa maison avec ses quatre enfants, ainsi que sa mère et son

11 épouse. Cette maison a pris feu, et grâce aux efforts surhumains que nous

12 avons déployés pour sauver sa mère et l'enfant le plus jeune, nous y sommes

13 parvenus. Quant à lui, sa femme, et ses trois filles, malgré les efforts

14 qu'il a déployés, sa femme et ses trois filles sont mortes.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous diffuser la séquence suivante.

16 Je demande le versement au dossier de cet intercalaire que nous venons

17 d'examiner.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

21 [Diffusion de cassette vidéo]

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'intercalaire 5.7. Nous voyons ici Meja et

23 Bistrazin, non loin de Djakovica.

24 [Diffusion de cassette vidéo]

25 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

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1 "L'homme : Quand nous sommes arrivés à Krushe, un avion nous a

2 bombardés, mais il ne nous a pas touchés. Il s'est écrasé au sol de ce

3 côté-là. Quand nous sommes arrivés à cet endroit-ci, nous étions ici avec

4 un tracteur. Ma fille est morte le 22. Ma femme a été touchée au bras et à

5 l'oreille. Les femmes et les enfants ont été blessés. Quatre hommes ont été

6 tués. Ils avaient les jambes arrachées. Je suis resté avec ma belle-fille

7 et trois petits enfants pour attendre mon voisin. Il n'était pas encore

8 arrivé de Djakovica avec son tracteur. Nous n'avions aucun moyen de

9 transport et nous avons des enfants en bas âge. Ma tête a été touchée, et

10 j'étais incapable de marcher.

11 Le journaliste : Combien de morts, environ, y a-t-il eu ?

12 L'homme : Dix à peu près, y compris les enfants, les hommes, ma fille, et

13 les femmes. Deux femmes du village de Smonica ont été tuées sur un

14 tracteur, et leurs trois fils aussi. Deux hommes, Ferat Sejda de Kosara et

15 Imer Shabani de Batusa, ont aussi été tués. C'est tout ce que je sais

16 s'agissant de ceux qui ont été tués. Un camion rempli de blessés est parti

17 pour Prizren.

18 Le journaliste : Combien d'obus ont été largués sur vous ?

19 L'homme : Trois fois par là, sur la route asphaltée où la route est abîmée.

20 Il y en a eu beaucoup de l'autre côté.

21 Le journaliste : Qui tirait ? Qui vous a pris pour cible ?

22 L'homme : Un avion.

23 Le journaliste : Savez-vous à qui étaient ces avions ?

24 L'homme : A l'OTAN. Il y avait beaucoup d'avions dans le ciel. Je sais avec

25 certitude que c'étaient des avions de l'OTAN."

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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Docteur Andric, nous avons cet intercalaire 5.7.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez vu, sur la transcription en anglais,

5 ce qu'a dit cet homme albanais. Ici, nous voyons des images de Bistrazin.

6 Pourriez-vous nous dire exactement ce qui s'est passé ? A-t-on établi le

7 nombre total de victimes ?

8 R. Les avions de l'OTAN ont bombardé une colonne de personnes albanaises

9 déplacées qui marchaient vers leurs maisons, et cela a commencé à 14

10 heures, le 14 avril. Pendant toute l'heure qui a suivi, ils ont bombardé à

11 plusieurs reprises.

12 Q. Vous êtes-vous rendu sur le site ?

13 R. Je suis arrivé sur le site 15 minutes avant le début du bombardement.

14 Q. Où êtes-vous allé ensuite ?

15 R. Je suis allé à Prizren parce que je devais trouver trois autobus pour

16 transporter les personnes avec lesquelles j'avais parlées et que j'avais

17 convaincues de rentrer chez elle.

18 Q. Quand vous étiez à Prizren, la colonne a-t-elle été bombardée ?

19 R. Oui. Quand je suis arrivé à Prizren, la colonne a été bombardée.

20 Q. Qu'avez-vous pu établir ?

21 R. Les équipes de santé de Djakovica et de Prizren sont allées sur les

22 lieux immédiatement dans la localité qui porte le nom de Meja et dans la

23 localité qui porte le nom de Bistrazin, 87 civils ont été tués sur place,

24 et 28 sont morts soit pendant leur transport à l'hôpital soit après leur

25 arrivée à l'hôpital de Djakovica et de Prizren. Plus de 100 civils ont été

Page 36590

1 blessés.

2 Q. Ces Albanais qui se trouvaient dans la colonne, étaient-ce des

3 personnes qui retournaient chez elle, ou qui quittaient le Kosovo ?

4 R. Certaines d'entre elles avaient pris la route pour l'Albanie et

5 d'autres étaient en train de rentrer chez elle, et c'étaient ces dernières

6 que j'étais censé transporter dans les autobus. La plupart de ces personnes

7 n'avaient aucun moyen de transport. J'étais censé leur fournir des autobus

8 pour les transporter jusqu'à leurs domiciles. Certaines personnes étaient à

9 bord de leur tracteur en chemin vers l'Albanie, et quand la première bombe

10 est tombée, ces personnes sont rentrées à Djakovica.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je vous prie de m'excuser

12 mais j'ai un problème avec l'intercalaire 5. Je me souviens avoir vu des

13 maisons détruites. Il y a bien sûr aussi l'intercalaire 5.6 qui a été

14 fourni en format CD. Par ailleurs, j'ai des photographies de maisons

15 détruites. Le Dr Andric a parlé de cela, de ces maisons dans le centre de

16 Pristina. Je demande à ce qu'on place ces photographies sur le

17 rétroprojecteur. Ce sont des photographies qui font partie de

18 l'intercalaire 5.6. Pour autant que je le sache, la régie ait en possession

19 de ces photographies sur CD.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Plaçons ces photographies sur

21 le rétroprojecteur.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Rapidement. Je pense que le Dr Andric a ses propres photographies. Il

24 peut les placer sur le rétroprojecteur. Ses photographies sont sûrement

25 d'une meilleure qualité que les miennes parce qu'elles sont en couleur. Les

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1 miennes ne sont qu'en noir et blanc.

2 R. Oui, là, on voit les ruines de la poste au centre de Pristina derrière

3 le bâtiment de la Banque Bancos [phon], et à côté le bâtiment d'habitation,

4 l'immeuble de ma belle-mère où cette dernière a été tuée.

5 Q. Pourriez-vous nous montrer l'immeuble dans laquelle habitait votre

6 belle-mère ?

7 R. Le voici.

8 Q. Que voit-on sur la deuxième photographie ?

9 R. C'est une photo tout à fait semblable. On y voit aussi la poste, les

10 ruines, les restes de la poste et de la banque. Ici, sur la troisième

11 photographie, on voit un immeuble d'habitation détruit lui aussi.

12 Q. Très bien.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demanderais que

14 l'intercalaire 5.6 soit versé au dossier en tant que pièce à conviction, de

15 même que l'intercalaire 5.7 dont nous avons vu les images.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intercalaire 5.6, oui. Intercalaire

17 5.7, oui.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. A l'intercalaire 5.7, nous avons vu des images montrant une colonne de

20 réfugiés albanais qui ont été bombardés. Vous avez dit qu'il y avait eu 105

21 morts; c'est bien cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez parlé de Djakovica et de l'hôpital de Djakovica où les

24 médecins albanais ont continué à travailler jusqu'à la fin de la guerre.

25 Cet hôpital a-t-il subi quelques dégâts que ce soit durant l'agression de

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1 l'OTAN ?

2 R. Oui, durant l'agression de l'OTAN, ce bâtiment a été touché à quatre

3 reprises.

4 Q. Dans quelle mesure ce bâtiment a-t-il été rendu inutilisable ? Y a-t-il

5 eu des parties du bâtiment qui n'ont plus du tout pu être utilisées en

6 raison des dommages subis ?

7 R. Oui. Une partie du bâtiment a été rendu inhabitable. Sur le plan

8 opérationnel, nous nous sommes trouvés réduits à un fonctionnement de 50 %

9 par rapport aux conditions normales, notamment, en chirurgie.

10 Q. Si j'ai bien compris, ce n'était pas un tir direct qui a touché

11 l'hôpital. Le tir direct a touché la zone adjacente à l'hôpital.

12 R. Oui. L'hôpital n'a pas été touché directement, mais il a été endommagé

13 quatre fois, parce qu'à côté de l'hôpital, il y avait la caserne qui avait

14 été d'ailleurs évacuée, désertée quatre ans avant et c'est la caserne qui

15 était la cible.

16 Q. Fort bien. Pendant l'agression êtes-vous allé à Djakovica, et si oui,

17 pourquoi faire ?

18 R. Oui. Je suis allé plusieurs fois à Djakovica. Je me souviens du 14

19 avril qui est précisément le jour où la colonne de réfugiés de Bistrazin a

20 été frappée. Je suis allé à Djakovica parce que je voulais visiter

21 l'hôpital et y rencontrer quelques patients.

22 Q. Avez-vous des souvenirs précis de cette visite ?

23 R. Oui, je me souviens avoir parlé au médecin albanais. Il y avait à

24 Djakovica surtout des médecins albanais. Comme je vous l'ai dit 95 % des

25 personnes qui y travaillaient étaient albanaises. Je me souviens que sur 13

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1 salles, il n'y en avait que sept qui fonctionnaient. Ce jour-là, le 14

2 avril 1999, l'hôpital habitait 157 patients.

3 Q. Ensuite, vous êtes allé à Prizren ?

4 R. Oui. Je suis allé à Prizren pour trouver les autobus.

5 Q. Vous nous avez dit ce qui s'est passé ensuite. Immédiatement après cet

6 événement, je parle du bombardement de la colonne de réfugiés 105 civils

7 ont été tués.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Passons maintenant à la séquence

9 vidéo suivante qui nous montrera des images de l'hôpital de Djakovica. Il

10 s'agit de l'intercalaire 5.8 pour le texte.

11 Un Albanais parle de la municipalité de Djakovica.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Le journaliste : Pratiquement tous vos enfants qui vous accompagnaient ont

15 été blessés.

16 L'Albanais : C'est exact.

17 "Les membres de ma famille ont été blessés ou tués. La sœur de mon épouse,

18 qui avait 22 ans, est morte aussi. Elle laisse un fils tout petit. Mes cinq

19 fils sont ici. Ils ont tous été blessés. Il y a eu cinq tués. Nous avons vu

20 le projectile. Nous avons eu la chance lorsque nous sommes allés à Pec. Je

21 ne sais pas combien de bombes sont tombées. Deux tracteurs ont été touchés.

22 Le journaliste : En un seul et même endroit ?

23 L'Albanais : Oui, en un seul et même endroit à Pec, là où se trouve

24 la briqueterie.

25 Le journaliste : Vos enfants ont-ils été gravement blessés ?

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1 L'Albanais : Le plus jeune a été blessé à la poitrine et aux jambes.

2 Mon autre fils a été blessé entre les épaules. Il a eu une plaie profonde

3 et importante. Ma fille a deux blessures qui ne sont pas graves. Les deux

4 fils qui étaient avec moi, il y a aussi des paysans, des fermiers qui ont

5 été blessés à la tête. Une femme qui a été blessée au cou, et cetera.

6 Le journaliste : Que dit le médecin ? Est-ce qu'ils vont se

7 rétablir ?

8 L'Albanais : Ils ont dit qu'ils pourraient certainement aider.

9 Le journaliste : Ils disent que les Etats-Unis veulent défendre le

10 peuple albanais. Est-ce ainsi qu'ils défendent les femmes et les enfants ?

11 L'Albanais : Maintenant, on voit comment ils font.

12 Interview d'un des fils : Quand ces gens de l'OTAN nous ont

13 bombardés, ils nous ont bombardés deux ou trois fois. Ils nous ont ensuite

14 bombardés quand nous étions à bord du tracteur. Ils ont tué mon frère, et

15 j'ai été touché à l'épaule. Ils ont tué beaucoup de gens. Un voisin de

16 Jonic [phon], est venu vers moi. Il m'a conduit ici dans sa voiture. Les

17 autres sont restès là-bas. Les autres, la police y est allée et les a

18 ramenés."

19 [Fin de la diffusion de cassette audio]

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est le prochain clip.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Fort bien. Nous passons maintenant à la séquence suivante.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] En attendant, je demande que

24 l'intercalaire 5.8, qui dépeint la situation à Djakovica, soit versée au

25 dossier en tant que pièce à conviction.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Intercalaire

3 5.9 à présent, vous avez également la traduction anglaise de ce que disent

4 les personnes qu'on voit sur les images. Il y a deux déclarations sur ces

5 images. La première est de Sulja Ljabinot, et la deuxième, de Cuni Zoja.

6 J'espère ne pas avoir écorché les noms.

7 M. NICE : [interprétation] Pour le bon ordonnancement de nos débats

8 et pour que personne ne puisse penser que je suis d'accord avec ce qui se

9 passe en raison du fait que je ne suis pas intervenu durant l'audition de

10 ce témoin, toutes les déclarations auraient normalement dû être admises au

11 titre de l'Article 92 bis ou 89(F) du règlement. Si tel n'est pas le cas,

12 ces déclarations ne sont pas admissibles. A présent, l'accusé pourrait se

13 remémorer utilement qu'il existe des dispositions régissant les demandes de

14 versement au dossier de documents, tel que celui-ci, compte tenu de

15 l'existence d'un règlement dans ce Tribunal. Je souhaite ne pas vous faire

16 perdre du temps avec des objections techniques aujourd'hui, mais je demande

17 que ces documents soient enregistrés à des fins d'identification uniquement

18 et que leur statut soit rediscuté à la fin de la présentation des moyens de

19 preuve de la Défense. Je ne m'oppose pas à ce qu'il en soit donné lecture,

20 puisque, de toute façon, ces documents sont déjà entre les mains des Juges.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que vous dites c'est que le

22 témoin devrait être cité à la barre au titre de l'Article 62 bis ou --

23 M. NICE : [interprétation] Pour le moment, non, je ne dis pas cela.

24 Je dis simplement qu'à moins d'admettre que ce qui se passe ici sort

25 complètement de ce qui est prévu par le Règlement de preuve et de

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1 procédure. Si la Chambre souhaite que ces déclarations soient lues, je n'ai

2 rien contre dans le cadre de mon objection, mais nous pourrions, je pense,

3 revenir sur ces documents à la fin de la présentation des moyens de la

4 Défense. Pour l'instant, ils pouvaient être enregistrés pour identification

5 sans être versés au dossier, et j'ai des raisons précises d'élever cette

6 objection.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites que vous reviendrez sur

8 le statut de ces documents en fin de compte, que vous réfléchirez pour

9 décider si vous êtes d'accord ou pas avec leur versement.

10 M. NICE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous n'admettons pas ces

12 documents dans l'immédiat.

13 Monsieur Milosevic --

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, avant que vous vous

17 prononciez sur l'objection de M. Nice, je tiens à vous dire que ces

18 déclarations, comme vous le constaterez vous-même, traitent de ce qui s'est

19 passé précisément ce jour-là, le 14 avril 1999, et le témoin qui est ici

20 devant nous était sur place. Nous avons vu qu'il a décrit les événements de

21 ce jour-là, ce n'est pas quelque chose qui n'a aucun lien avec les éléments

22 de preuve présentés par ce témoin. Bien au contraire, c'est directement lié

23 à cela puisqu'il était sur place ce jour-là.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous admettons l'existence

25 d'un lien. C'est simplement la question de l'admission qui est encore au

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1 débat. Mais M. Nice invoquait les modalités qui sont prévues par le

2 Règlement de preuve et de procédure. Vous pourriez envisager d'avoir

3 recours à ces modalités pour des déclarations de cette nature.

4 Nous reviendrons sur ce point plus tard. Il est actuellement 14

5 heures. Nous avons dit que nous devions suspendre. Nous suspendons jusqu'à

6 demain matin, 9 heures.

7 --- L'audience est levée à 14 heures et reprendra le jeudi 24 février

8 2005, à 9 heures 00.

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