Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 24 février 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En l'absence du Juge Bonomy, nous

7 appliquons les dispositions de l'Article 15 bis du règlement, et nous

8 siégeons afin que vous terminiez votre interrogatoire principal, Monsieur

9 Milosevic. Nous espérions en avoir terminé avant la fin du premier volet de

10 l'audience, essayez de vous concentrer sur le cœur même des choses.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère, Monsieur Robinson, que je suis

12 toujours centré sur la substance des choses, et je m'efforcerais d'en

13 terminer en première audience autant que faire se pourra.

14 LE TÉMOIN: VUKASIN ANDRIC [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

17 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Andric.

18 R. Bonjour, Monsieur le Président.

19 Q. Nous avons parcouru hier, vers la fin de la journée d'hier, des

20 événements de Bistrazin, Djakovica, au niveau de cette colonne bombardée,

21 et nous avons parlé de la question des victimes.

22 En sus de cette colonne dont vous avez parlé hier, en sus de ce qui s'est

23 passé sur la route entre Djakovica et Prizren puis dans l'hôpital

24 Djakovica, ce que nous avons vu d'ailleurs, en sus de cette colonne,

25 disais-je, les bombes ont frappé une autre colonne de réfugiés albanais qui

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1 revenaient également vers leurs domiciles, vers leurs villages, et cette

2 colonne s'était arrêtée pour se reposer. Avez-vous connaissance de ce cas ?

3 R. En effet, cela s'est passé dans la nuit du 13 au 14 mai 1999, sur la

4 route Prizren, Suva Reka, à cinq kilomètres de Prizren, dans la localité de

5 Korisa. Il y avait quelques 600 Albanais qui étaient des personnes

6 déplacées et qui revenaient chez eux. Ils ont été frappés par des tombes

7 thermiques qui développent une température extrêmement élevée. Cinquante

8 personnes ont été mortes sur le coup, 30 bébés en faisaient partie, plutôt

9 30 enfants, et il y avait même des bébés, des nouveaux-nés parmi eux.

10 Q. Je voudrais que nous voyions maintenant l'enregistrement vidéo qui se

11 rapporte à ces réfugiés qui ont été touchés par des bombes dans ce village

12 de Korisa, je parle du 14 mai 1999.

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 Docteur Andric, nous venons de voir cette colonne qui s'était arrêtée, mais

15 juste un moment, là on voit les membres du QG, je crois que c'est le clip

16 suivant, ce n'est pas le même clip. Patientez un peu au niveau de la cabine

17 technique, on repassera plus tard.

18 Lorsqu'on voit ces corps disséminés, ces morceaux de tracteur et tout le

19 reste, il s'agit là d'une colonne de réfugiés albanais qui s'étaient arrêté

20 pour souffler comme vous nous avez dit tout à l'heure, mais il n'y a pas eu

21 d'autocars, il n'y a pas eu d'automobiles. On a pu voir qu'il s'agissait

22 seulement de tracteurs, qu'il s'agissait de véhicules utilisés par des

23 paysans.

24 R. Oui, il n'y avait que des tracteurs.

25 M. NICE : [Traduction précédente continue] Ou est-ce qu'on veut en aller,

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1 Monsieur le Président ? Je m'interroge, tout d'abord, la Défense, l'accusé

2 présente de façon -- des documents. Deuxième chose, quant à savoir si c'est

3 pertinent, nous en avons déjà parlé, on ne le sait pas et est-ce que

4 l'accusé estime que les éléments de preuve sont déjà présentés par

5 l'Accusation sur ce sujet suffissent parce que ceci n'est pas contesté par

6 l'Accusation. Nous avons présenté des éléments à cet effet.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est peut-être tout à fait

8 pertinent parce que j'étais sur le point de demander au témoin ce qu'il

9 était en mesure de dire à propos des réfugiés. Est-ce qu'ils fuyaient et

10 d'où partaient-ils pour fuir ? Je pense que c'est très important. Regarde

11 l'acte d'accusation parce que vous avez présenté des allégations disant que

12 les réfugiés ont pris la fuite à cause des crimes commis par les Serbes.

13 L'accusé fait valoir qu'il y a eu une autre raison poussant les réfugiés à

14 s'enfuir. C'est dans cette mesure, la question est pertinente à mes yeux,

15 et je pense que ce sont des éléments que l'accusé doit présenter au témoin

16 pour autant, bien sûr, qu'il ait des éléments d'information.

17 Monsieur le Professeur, pourriez-vous nous en dire plus à propos de cette

18 colonne forte de 600 réfugiés ? Savez-vous d'où venaient ces réfugiés et

19 dans quelles circonstances ils ont quittés leur foyer ? Est-ce que ces gens

20 sont partis ? Qu'est-ce qui les a poussé à partir ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une colonne originaire de Suva

22 Reka, pour l'essentiel. Après le début de l'invasion de l'OTAN, ils ont fui

23 leurs domiciles pour se diriger vers l'Albanie; cependant, ils ont entre

24 temps décidé de revenir chez eux et ils se sont dirigés de Prizren, Suva

25 Reka. Ils se sont arrêtés à Korusa pour y passer la nuit et le lendemain

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1 matin, ils étaient censés continuer la route vers chez eux.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez

3 dire lorsque vous dites qu'ils sont partis après le début de l'agression de

4 l'OTAN ? Il faut préciser parce que c'est une question qui se pose dans ce

5 procès.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de l'agression de l'OTAN, la

7 population du Kosovo et Metohija, indépendamment de l'appartenance

8 ethnique, a quitté en masse le territoire du Kosovo et Metohija. Les

9 Albanais, les Serbes et tous les autres qui vivaient dans la région s'en

10 allaient. C'est la raison pour laquelle les gens ont fui et se sont abrités

11 vers -- ont cherché abri dans des régions où ils pouvaient continuer à

12 vivre paisiblement.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Auriez-vous des renseignements

14 concrets s'agissant de cette colonne-ci que nous avons vue ? Pourquoi ces

15 gens sont-ils partis ? Le savez-vous ? Est-ce qu'ici c'est simplement de

16 votre part une généralisation ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mis à part ce que je viens de dire, je n'ai

18 aucune autre information à vous communiquer, du moins pour ce qui concerne

19 cette colonne précise.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Etant donné la question qui vient d'être posée par Monsieur

23 Robinson et étant donné ce que vous nous avez déjà dit, à savoir qu'il

24 s'est arrêté là pour souffler, pendant plusieurs heures, au moins, on

25 devait savoir qu'il s'agissait d'une colonne qui revenait vers son village.

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1 On savait quelles étaient leurs objectifs, quelles étaient leurs

2 intentions. A votre avis, est-ce qu'il y a eu des commentaires --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, la façon dont

4 vous posez la question est directrice. Vous dites : Il fallait

5 nécessairement que l'on sache que ces gens rentraient dans leur village.

6 C'est une question directrice et c'est ce dont se place sans arrêt M. Nice,

7 vous le savez.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas laissé entendre qu'ils allaient

9 revenir vers leur village, ces gens-là, puisque le témoin l'a déjà dit. Il

10 a dit qu'ils ont placé plusieurs heures là pour se reposer. Je suppose

11 qu'on devait forcément le savoir où ils allaient. Je lui ai demandé s'il y

12 a eu par hasard des commentaires au terme du bombardement fortuit ou non

13 fortuit d'une colonne d'Albanais revenant précisément chez eux. Nous avons

14 parlé hier de Bistrazin entre Djakovica et Prizren. Maintenant, il s'agit

15 de cette colonne --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Commentaires de qui ?

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Je voulais dire : est-ce qu'il y a eu, à l'époque, ce dont vous vous

19 souvenez éventuellement ? Y a-t-il eu des commentaires pour ce qui est du

20 bombardement de cette colonne de villageois revenant vers leur village ?

21 R. Cela n'a pas été fortuit parce qu'on n'a pas bombardé une seule

22 colonne, on en a bombardé plusieurs. Il s'agissait de vider le territoire

23 du Kosovo et Metohija de ces Albanais, en totalité. Etant donné que bon

24 nombre d'entre eux revenaient, étant donné qu'ils étaient déplacés de façon

25 interne, à l'intérieur du territoire, cela ne coïncidait avec le plan qu'on

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1 avait fait, plusieurs dizaines de milliers était déjà rentrés chez eux. Ce

2 qui fait que la politique des instances officielles de la Serbie étaient

3 tout à fait à l'opposé de ce qu'on avait fait comme propagande à l'occident

4 et en affirmant qu'on a tout fait pour chasser les gens de chez eux. Au

5 contraire, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour qu'ils rentent

6 chez eux.

7 Q. Merci, Monsieur Andric. Je vous demande maintenant de penser sur

8 l'intercalaire 11 et on y verra plusieurs photographies.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela est fourni sur une disquette, peut-

10 être. Pourra-t-on nous les montrer ? Je ne sais pas si la cabine technique

11 est à même de le faire. Si ce n'est pas le cas, je demanderais au témoin de

12 placer certaines de ces photos sur le rétroprojecteur.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de photographies que l'on a tirées

14 de ce clip vidéo de tout à l'heure mais on veut vous en montrer quelques

15 unes.

16 M. KAY : [interprétation] Je demande le versement de l'intercalaire 5.10.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation]

19 Q. Nous sommes en train de regarder l'intercalaire 5.11 et je crois que

20 vous aviez dit que l'on s'était servi de bombes thermiques.

21 R. Ce sont des bombes à vision thermique et toutes les colonnes ont été

22 bombardées, moyennant, en utilisant ce type de projectiles.

23 Q. Je vous demande de replacer cela sur le rétroprojecteur et d'expliquer

24 de quoi il s'agit ? Je crois de façon suffisamment claire.

25 R. Oui, on voit des corps calcinés.

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1 Q. Placez quelques photos sur le rétroprojecteur et pas à nous les montrer

2 toutes.

3 R. Ici, on voit sur la remorque du tracteur des corps calcinés.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, merci. Je voulais que cette intercalaire

5 5.11 soit également versée au dossier.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Tout à l'heure, Monsieur Andric, le Juge Robinson, en répondant à

9 une objection soulevée par M. Nice, a indiqué -- ou plutôt posé la question

10 de savoir si les gens fuyaient à cause des bombes ou parce qu'ils étaient

11 chassés de chez eux par nos soldats et nos policiers. Mais, avant que je

12 vous pose ma question, je me propose de vous donner lecture de quelques

13 unes seulement des citations de l'acte d'accusation au Kosovo. Vous n'avez

14 pas à l'étudier en grands détails.

15 Mais je veux d'abord vous demander auparavant. Vous avez bien vécu à

16 Pristina à l'époque ? Vous venez de mentionner Djakovica. Vous vous êtes

17 déplacé sur ce terrain entre Pristina, Prizren, Djakovica et probablement

18 êtes-vous allé vers d'autres localités, je n'ai pas le temps maintenant de

19 parcourir toutes les allégations qui sont faites, mais je me propose de

20 vous donner lecture du chef 63. Le chef 63 est assez long, mais 63(B) qui

21 dit ce qui suit, étant donné que cela se rapporte à Prizren, et je vous

22 demanderais si vous en savez quelque chose et si ce qu'on y dit est exact.

23 Prizren en langue serbe, je me réfère à la page 17, le chef 63(B) :

24 "Prizren, le 25 mars 1999, le village de Pirane a été encerclé par des

25 forces de la RFY et de la Serbie appuyé par des chars et des véhicules

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1 militaires. Le village a été bombardé et les habitants ont été tués.

2 Ensuite, les forces de la RFY et de la Serbie sont entrés dans le village

3 et ont incendié les maisons des Albanais du Kosovo. Après l'offensive les

4 villageois restant ont quitté --"

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vous demandent de

6 lire un peu plus lentement, Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je ralentirai. Mais je vais sauter

8 aussi certains passages. C'est assez long. Je ne vais donner lecture que de

9 passages caractéristiques.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. "-- certains des Albanais du Kosovo qui fuirent Srbica ont été

12 tués ou blessés par des tireurs embusqués. Les forces de la RFY et de la

13 Serbie ont lancé une offensive dans la région de Srbica et bombardé les

14 villages de Donji Retimlje, Retimlje et Randubrava. Les villageois albanais

15 du Kosovo ont été contraints à partir et envoyés à la frontière albanaise.

16 J'attire votre attention sur la date maintenant.

17 "A partir du 28 mars 1999, lit-on dans la ville de Prizren, les forces de

18 la RFY et de la Serbie sont allées de maison en maison en ordonnant aux

19 Albanais du Kosovo de partir. Ceux-ci ont été forcés de rejoindre les

20 convois de véhicules et de personnes à pied qui se dirigeaient vers la

21 frontière albanaise. Sur la route des membres des forces de la RFY et de la

22 Serbie ont battu et tué des hommes albanais du Kosovo, séparé les femmes

23 albanaises du Kosovo des convois, et leur ont infligé des violences

24 sexuelles. A la frontière, les forces de la RFY et de la Serbie ont

25 confisqué tous les papiers personnels."

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1 Bon, je vous prie maintenant, puisque je viens de vous donner lecture de

2 tout ceci.

3 Qu'avez-vous à nous dire ? Vous avez été à Pristina, à Prizren, à

4 Djakovica. Je ne peux pas vous donner lecture de la totalité, mais j'espère

5 que vous avez prêté attention à tous les détails que je vous ai

6 communiqués.

7 R. En effet. À l'époque, à savoir, entre le 1er avril 1999 jusqu'au 15

8 avril, à peu près, j'ai souvent été sur ce terrain-là. J'ai suivi avec mes

9 équipes ces colonnes de personnes qui s'en allaient du Kosovo et Metohija

10 pour aller vers l'Albanie et Vrbnica. J'affirme en toute responsabilité

11 qu'à aucun moment jamais je n'ai vu quelques représentants ou membres du

12 MUP ou de l'armée de Yougoslavie qui aient fait quoi que ce soit

13 d'interdits, de prohiber. Au contraire, ils aidaient ces gens qui faisaient

14 partie des colonnes. Ils les aidaient avec nous.

15 Maintenant, pour ce qui est des violences sexuelles, je crois que c'est une

16 invention pure et simple. Il n'est point nécessaire de dépenser nos propos,

17 ou de gaspiller nos propos à ce sujet. Pour ce qui est maintenant de la

18 destruction des papiers d'identité, je vais vous dire que j'ai passé cinq

19 jours à la frontière là-bas; je ne l'ai pas vu. J'ai ouï-dire qu'il y a eu

20 des cas de ce genre, à savoir des individus qui contrôlaient les personnes

21 qui quittaient le territoire de Kosovo et Metohija auraient fait des choses

22 pareilles. Je pense, toutefois, personnellement qu'ils n'ont j'avais eu un

23 ordre de le faire et probablement ont-ils fait cela par précaution afin que

24 ces pièces d'identité ne soient pas utilisées à mauvais escient pour

25 l'infiltration de terroristes sur le territoire du Kosovo et Metohija.

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1 En outre, ils auraient pu déchirer toutes les pièces d'identité. Il y a un

2 ordinateur central au niveau de l'Etat de Serbie, où sont recensés touts

3 les citoyens de la République de Serbie. Par conséquent, tous citoyens de

4 la République de Serbie, indépendamment du fait qu'ils soient restés sans

5 pièces d'identité ou pas, auraient pu s'en procurer d'autres à n'importe

6 quel moment. Déchirez des pièces d'identité même si cela s'est produit

7 individuellement ne signifie pas qu'on a biffé l'existence de cet homme au

8 niveau de ce territoire.

9 Q. Docteur Andric. On dit ici qu'on les a chassés et je vous ai donné

10 lecture de la chose, chassés de chez eux pour être envoyés vers la

11 frontière albanaise. Est-ce que quiconque a chassé des Albanais de chez eux

12 pour les envoyer vers la frontière ?

13 R. Je me suis entretenu avec ces jeunes -- avec ces gens. Il y avait des

14 femmes, des vieillards, des enfants. Je vous affirme en toute

15 responsabilité qu'aucun de ceux avec qui je me suis entretenu, et je me

16 suis entretenu avec beaucoup d'entre eux, personne ne m'a dit qu'ils ont

17 fui pour cette raison. Ils ont tous fui pour rejoindre des régions plus

18 tranquilles, plus paisibles où ils pouvaient continuer à vivre en paix.

19 Q. Je ne vais pas m'attarder davantage, il faut quand même que je parcoure

20 certaines citations et je voudrais parler de choses et d'endroits où vous

21 avez longuement séjourné.

22 Par exemple, au petit (g), au même paragraphe, si vous tournez la

23 page, Monsieur, on dit "Pristina". A partir du 24 mars 1999, ou vers cette

24 date et jusqu'à la fin du mois de mai 1999, êtes-vous resté entre le 24 et

25 la fin du mois de mai 1999 à Pristina ?

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1 R. Oui.

2 Q. Il s'agit de la période où vous étiez là-bas tout le temps, mis à part

3 les quelques déplacements que vous avez faits au Kosovo. On dit : "La

4 police serbe s'est rendue chez les Albanais du Kosovo et leur a ordonné de

5 partir. Lors de ces expulsions forcées un certain nombre de personnes ont

6 été tuées. Beaucoup de ceux qui avaient été contraints à partir se sont

7 rendus directement à la gare, tandis que d'autres cherchaient refuge dans

8 des quartiers voisins. Des centaines d'Albanais du Kosovo, guidés à chaque

9 carrefour par la police serbe, se sont rassemblés à la gare après avoir

10 longtemps attendu sans que ni nourriture, ni boisson ne leur soit

11 distribué. Ils ont dû monter dans des trains et des autocars bondés. Ceux

12 qui se trouvaient dans les trains sont allés jusqu'à Djeneral Jankovic un

13 village situé à proximité de la frontière macédonienne. Pendant le trajet

14 en train, beaucoup de personnes se sont vus confisquer leur papier

15 d'identité.

16 "Les forces de la RFY et de la Serbie ont ordonné aux Albanais du Kosovo,

17 descendus du train, de marcher le long des rails jusqu'en Macédoine car

18 tout autour, le terrain avait été miné. Ceux qui avaient essayé de se

19 cacher à Pristina ont finalement été expulsés quelques jours plus tard dans

20 les mêmes conditions. Pendant ces expulsions forcées, un certain nombre de

21 personnes ont été tuées, et plusieurs femmes ont été victimes de violence

22 sexuelle."

23 Ensuite, on a une petite fille qui dit, dans le même temps : Les

24 forces de la RFY et de la Serbie investissaient les villages de la

25 municipalité de Pristina où elles ont battu et tué un grand nombre

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1 d'Albanais du Kosovo, volé leur argent, et ainsi de suite, et ainsi de

2 suite.

3 Que savez-vous nous dire à ce sujet, Docteur Andric ?

4 R. A cette époque, j'étais occasionnellement à Pristina. J'étais

5 essentiellement sur le terrain, mais, dans le courant de la journée, je

6 passais plusieurs heures à Pristina quand même. Je n'ai entendu parler de

7 cela qu'à la télévision. J'affirme en toute responsabilité que cela n'a pas

8 été fait par la police serbe.

9 Je ne conteste pas qu'il y ait pu y avoir des cas où des individus auraient

10 fait ce type de choses.

11 Q. Qu'entendez-vous par ce type de choses ?

12 R. Des gens qui auraient peut-être contraint quelqu'un à quitter son

13 domicile. Mais ce n'était pas des policiers, c'étaient des criminels, des

14 criminels qui faisaient cela parce que c'était la guerre, et ils ont peut-

15 être pensé qu'ils allaient faire du bien pour le pays, à leur pays ou pour

16 leur peuple, mais ce n'est pas vrai. Ils ont tous été poursuivis en justice

17 et certain ont même été condamnés, mais, officiellement, la police n'a

18 jamais fait ce type de choses. La police était là pour protéger la

19 population. Elle a dirigé la population, là où celle-ci voulait se rendre.

20 Elle essayait de persuader les gens de rester, mais elle ne pouvait pas

21 interdire aux personnes de quitter le territoire de Kosovo et Metohija

22 parce que ces gens disaient qu'ils fuyaient l'agression de l'OTAN pour le

23 refuge, pour rechercher la sécurité à l'attention -- à l'égard de leurs

24 familles.

25 Q. Au petit (h), vous avez été à Djakovica : "Ceux qui ont quitté à pied

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1 et ont fui pour échapper vers la frontière, et certains qui se déplaçaient

2 à bord d'automobiles ont été rédigés sur la ville de Prizren avant de

3 pouvoir gagner la frontière, rentrer dans le territoire de la République

4 d'Albanie."

5 On dit aussi, au petit (h) : "A partir du 24 mars 1999 ou vers ces

6 dates et jusqu'au 11 mai 1999, le corps de RFY et de la Serbie ont

7 entrepris de contraindre les habitants de la ville de Djakovica à partir."

8 Dites-nous : est-ce que vous avez des renseignements disant où les

9 forces de la RFY auraient contraint les Albanais à quitter leurs maisons ?

10 R. Aucun renseignement de ce type. J'ai été pendant plus journées de suite

11 sur le terrain. J'ai suivi cette colonne qui a quitté le territoire du

12 Kosovo et Metohija. C'étaient généralement des villageois de ces régions de

13 Kosovo et Metohija, et chemin faisant, ils ont été mis à l'abri. On a pris

14 soin d'eux. Je n'ai jamais reçu de plaintes de la part de quelques Albanais

15 que ce soit en ce sens. Je n'ai aucune raison de ne pas les croire.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci se passe à Djakovica, en mars

17 1999. A cette époque-là, au moment de ces événements allégués du 24 mars

18 jusqu'au 11 mai 1999, où étiez-vous, Monsieur le Témoin ? J'essaie de

19 déterminer votre capacité à parler d'autorité de ces questions comme vous

20 l'avez fait.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à partir du 24, j'étais

22 sur le terrain. Je n'étais pas là au moment où ces colonnes commençaient à

23 se former, parce qu'elles ont commencé à se former vers le 1er avril. Du 1er

24 au 6 avril, chaque jour, j'étais dans la zone du Djeneral Jankovic et de

25 Vrbnica. Ces gens de Djakovica n'auraient pas pu arriver au passage

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1 frontalier de Vrbnica tout de suite. Je n'ai pas vu ces gens à Djakovica,

2 mais j'ai vu des gens qui venaient des quatre coins du Kosovo et Metohija

3 et qui étaient arrivés au passage frontalier avec la Macédoine. C'est celui

4 de Vrbnica. J'ai parlé à ces gens. Je leur ai fourni assistance médicale

5 avec mon équipe. Nous avons donné les vivres que nous avions. Nous avons

6 apporté des couches pour les bébés, pour les nouveaux-nés. Nous avons donné

7 tout ce que nous avions.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez parlé des actes allégués

9 au paragraphe (g), et vous avez dit qu'il n'était pas le fait de policiers

10 serbes mais de criminels. Vous avez dit avoir été à Pristina à cette

11 époque. Nous sommes là le 24 mars 1999.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le 24 mars 1999, j'étais à Pristina.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la distance de Pristina

14 de Djakovica ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] De Pristina à Djakovica en passant par

16 Prizren, cela fait 111 kilomètres. Il y a une autre route qui elle fait 80

17 kilomètres à peu près, et qui passe par Klina.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, pour ces endroits,

19 Pristina et Djakovica, ont pratiquement la même période. J'ai du mal à voir

20 comment vous pouviez avoir des éléments d'information sur ces questions.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, Honorable Monsieur

22 Robinson, j'étais sur le terrain et j'ai parlé à beaucoup de gens, et c'est

23 deux que je tiens ces informations. Je faisais également partie du conseil

24 provincial. Je sais que ce n'était pas la politique que nous prenions.

25 C'était impossible. Il se peut que des individus particuliers se soient

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1 livrés à ce genre d'actes, mais pas sur les ordres de leur commandement

2 supérieur parce que la politique était tout à fait différente. Dès le

3 premier jour, nous avons pour politique d'escorter ces gens, de les aider à

4 rentrer chez eux dans la mesure du possible, et s'ils ne voulaient pas

5 rentrer de les aider.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Andric, apportons un éclaircissement puisque

8 M. Robinson ne sait pas trop bien où vous étiez. Si vous étiez à Pristina,

9 Djakovica, Djeneral Jankovic, ou à Prizren. On dit que vous étiez sur le

10 terrain. Cela veut dire que vous vous déplaciez. C'est cela, que cela veut

11 dire dans nos contrés. Lorsqu'il dit sur le terrain, cela veut dire qu'il

12 se déplaçait. Il a vécu à Pristina

13 --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Andric pourra nous l'expliquer.

15 Vous ne le croirez peut-être pas, mais les questions que j'ai posées et, en

16 fait, les réponses qui m'ont été fournies renforcent votre thèse. On essaie

17 de terminer avant la fin de la première partie de l'audience. Avancez vite,

18 s'il vous plaît, Monsieur Milosevic.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais simplement dire ceci. Quand

20 quelqu'un se déplace en mission officielle, en visite officielle, les gens

21 disent : "Je vais sur le terrain." Ce n'est peut-être pas le cas dans

22 d'autres langues.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Est-ce que vous avez été dans ces endroits que j'ai cités,

25 Prizren, Djakovica, Pristina ?

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1 R. Pratiquement tous les jours j'étais là.

2 Q. Pendant toute cette période ?

3 R. Oui, jusqu'à la fin de la guerre.

4 Q. Fort bien. Examinons le chef d'accusation suivant ou plutôt le

5 paragraphe suivant. Nous sommes au H(2) : "Dans les villages de Meja,

6 Korenica, un grand nombre de civils, qui n'avaient été pas encore établis

7 ou installés, ont été séparés et exécutés," est-il dit. Est-ce qu'on parle

8 du village de Meja, où les bombes de l'OTAN sont tombées ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous étiez au courant des événements qui se sont produits à

11 Meja ?

12 R. Non. C'est la première fois que j'en entends parler.

13 Q. Je vous demande ceci. Savez-vous ce qui s'est passé à l'époque ?

14 R. Oui. Le 14 avril, oui, j'étais sur place, sur les lieux.

15 Q. Serait-il possible d'une quelconque façon d'après les renseignements

16 que vous avez d'affirmer que ces gens ont été tués par des soldats ou des

17 policiers de la RFY ou de la Yougoslavie ?

18 R. Non.

19 Q. Comment ces gens ont-ils été tués ?

20 R. Dans une série d'attaques de l'aviation de l'OTAN qui étaient dirigées

21 sur un convoi qui se déplaçait. Cela a duré pratiquement deux heures. Ce

22 n'était pas une attaque isolée. Il y a eu plusieurs attaques déclanchées

23 sur un grand territoire de plus de 30 kilomètres pas simplement un

24 kilomètre ou deux.

25 Q. Fort bien. Accélérons. Tous ceux qui sont partis de chez eux, est-ce

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1 qu'ils ont quitté le pays ou est-ce qu'il y a eu des personnes déplacées à

2 l'intérieur à titre temporaire ?

3 R. Oui. Tout le monde qui a quitté sa maison n'a pas nécessairement quitté

4 la province. Il y a eu beaucoup de déplacer à titre temporaire, provisoire

5 à l'intérieur du territoire Kosovo et Metohija.

6 Q. Vu vos attributions et nous avons vu les documents concernant ce QG ou

7 cette cellule de Crise, est-ce que pendant toute l'agression de l'OTAN,

8 vous vous êtes occupé de ces gens ?

9 R. A partir du 1er avril. C'est à ce moment-là qu'a commencé l'activité de

10 nos équipes médicales mobiles qui escortaient les colonnes qui se sont

11 formées et qui ont été les personnes déplacées, et ceci jusqu'à la fin de

12 la guerre. C'était la seule chose que nous faisions quotidiennement. Nous

13 nous sommes occupés de ces personnes déplacées temporairement. Nous nous

14 sommes occupés d'eux à tous égards, nourriture, sécurité, soins médicaux.

15 Q. En bref, vous les aidiez.

16 R. Oui.

17 Q. Vous le faisiez quotidiennement de façon sporadique.

18 R. Tous les jours. Nous avions toujours équipes disséminées sur tout le

19 territoire du Kosovo et Metohija.

20 Q. Je ne peux pas vous poser de questions concernant tout le territoire,

21 est-ce que vous pourriez me donner certains exemples ?

22 R. Je crois que les exemples les plus manifestes c'est notamment dans la

23 municipalité de Podujevo, les villages de Sajkovac, Fakai [phon], Svetlje

24 parce que, vers la mi-avril, j'ai appris qu'à Baklava Smrekovnica, donc

25 dans ce lac et dans le village de Baklava, il y a eu des milliers de

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1 personnes déplacées qui avaient besoin d'aide.

2 Q. Vous y étiez ?

3 R. Oui, sur-le-champ, dès que j'ai appris, avec Selim Guxhufi et Faik

4 Jashari, des membres du conseil provincial provisoire. Je suis allé sur les

5 lieux et j'ai fait le point de la situation. Aussitôt, nous avons organisé

6 l'assistance nécessaire.

7 Q. Qui se composait de quoi ?

8 R. Tout d'abord, il a fallu nourrir ces personnes affamées, puis leur

9 trouver un toit, leur donner des soins de santé, assurer leur sécurité, et

10 nous l'avons fait très rapidement. Nous avons réussi à prendre soin de ces

11 gens jusqu'à la fin de la guerre.

12 Q. Très bien.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant diffuser

14 l'intercalaire 5.12.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Cela a déjà commencé, oui, vous avez vu. Nous voyons maintenant une

17 personne. Qui est-ce, au début de cet extrait ?

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Il s'agit ici d'un intercalaire -- voilà, voilà. Qui est cette

21 personne ?

22 R. Il s'agit de Selim Guxhufi, membre du conseil exécutif provincial

23 provisoire, c'est un Albanais.

24 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Afin que nous puissions stabiliser la

25 situation aussi bien à la campagne que dans la municipalité et partout, de

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1 façon à ce que nous puissions continuer à vivre librement et que nous

2 puissions contribuer d'abord aux besoins de votre famille et aussi à ceux

3 de vos proches et des autres. En accord avec les organes de l'Etat, nous

4 pouvons vous garantir, à 100 %, que les villages dont je vais vous donner

5 le nom seront des lieux surs et que vous n'aurez aucun problème, que vous

6 ne serez jamais dérangés par qui que ce soit.

7 "Avec ce groupe, aujourd'hui et demain, quand tout sera revenu au calme,

8 nous allons pouvoir revenir et inscrire chacune des familles de façon à ce

9 que nous sachions exactement si tous les membres de toutes les familles

10 sont présents, et si ce n'est pas le cas, où se trouvent ces personnes,

11 dans des villages ou sur la route. Je vous demande de collaborer avec nous,

12 et nous, nous allons collaborer avec vous.

13 "S'il y a une quelconque discorde, un quelconque désaccord, dites-le-

14 nous. Il ne faut pas que les choses s'enveniment, ni pour vous, ni pour

15 nous. Nous sommes venus animés des meilleures intentions. Nous sommes venus

16 ici pour vous aider. Nous avons l'accord des organes les plus élevés au

17 niveau de la république et de la province, ainsi qu'au niveau municipal.

18 Vous devriez collaborer avec nous de toutes les façons possibles. Si vous

19 avez des griefs, des difficultés que vous avez, faites-nous-en part. De

20 cette façon, nous pourrons régler ces problèmes, et puisqu'il y a toute une

21 gamme de problèmes qu'il faut régler, il nous faut parler à beaucoup

22 d'autres personnes. Je dois vous dire que ces villages dont j'ai le nom

23 ici, sur cette liste, ce sont des villages dans lesquels vous pouvez

24 rentrer en toute liberté. Les autres, dont je vais donner lecture plus

25 tard, seront bientôt libérés. Pour le moment, il y a l'armée, la police.

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1 Ces gens ne savent pas qui vous êtes, donc, cela peut avoir des

2 conséquences graves. Voici ces villages : Shtedim, Mirofc, Belofc, Sirfisi

3 [phon], Poljnica, Gladeko [phon], Sibofc, Sibofc-le-Bas, Dumoc [phon,

4 Radiovac [phon] -- qu'est-ce que cela veut dire ? Shajkofc, Latovci,

5 Balofc, Mirofc, Batllave, Dusija [phon], Trnova, Taljabak, Shakove [phon] -

6 - est-ce que Shakove est ici ? Oui, c'est ici. Luzani et Lug.

7 "A partir d'aujourd'hui, par conséquent, vous pouvez tous rentrer dans les

8 villages que je viens de citer. Cela veut dire que les forces ont été

9 retirées de ces villages. Latovci est ici, Shajkofc est ici, Radiojec

10 [phon] est ici, Tomovci est ici, Sipos-le-Bas est ici, Trnova est aussi

11 ici. Lug, Shakove et Belo Polje, par exemple, se trouvent ici sur cette

12 carte. Brzac [phon], Trnova et Taljabak sont ici aussi. Batllave aussi.

13 Ici, on parle des endroits où il y a de fortes concentrations de

14 personnes."

15 L'INTERPRÈTE : Entretien avec un homme portant une casquette noire :

16 "Réponse : Je suis de Dubnica et je vais à Glavnik.

17 Question : Cela veut dire que l'Etat garantit votre sécurité ?

18 Réponse : Oui, on va voir. C'est ce qu'ils disent, et on va vérifier.

19 On ne sait pas ce qui s'est passé."

20 Question : Le dispensaire du village de Sajkovac commence à

21 fonctionner. C'est très bien."

22 L'INTERPRÈTE : -- dit Selim Guxhufi.

23 "Réponse : Non, non. Autour d'ici, il y a deux villages, et il est le

24 seul responsable de la santé de la province, donc il nous a fourni deux

25 infirmeries, deux dispensaires qui vont fonctionner à Svetlje et Sajkovac.

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1 Tous les villageois pourront avoir un contrôle médical, faire un bilan de

2 santé et recevoir les médicaments dont ils ont besoin."

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que --

4 L'INTERPRÈTE: [voix sur voix]

5 "Vukasin : Beaucoup de ces gens n'ont rien à manger. Ils ont épuisé tous

6 leurs vivres.

7 Selim : Est-ce que vous pourriez utiliser cette cellule de Crise pour

8 obtenir de l'aide humanitaire ?

9 Vukasin : Oui, mais, sans doute, pas aujourd'hui.

10 Selim : Oui, pas aujourd'hui. Demain.

11 Vukasin : Demain sans doute, c'est certain.

12 Selim : Pour demain.

13 Vukasin : Oui, c'est certain pour demain. Aujourd'hui, c'est trop

14 tard.

15 Selim : La police et l'armée assurent votre sécurité dans votre

16 village. Est-ce que vous allez rentrer chez vous, dans ce village de

17 Podujevo ?

18 Vukasin : Oui, on pense que oui, probablement.

19 Selim : Pour les autres villages, est-ce que vous avez quelqu'un chez qui

20 vous pouvez aller ?

21 Vukasin : Non, ils sont là sur la paille. Il n'y a plus de place ici, tout

22 est bondé. On est dehors. Tout le monde est dehors. Où aller ? Ce qui nous

23 inquiète surtout c'est les enfants, ce n'est pas tellement nous. C'est

24 surtout les enfants qui nous inquiètent.

25 Selim : Demain, le dispensaire humanitaire va marcher.

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1 Vukasin : On verra ce que cela va donner. Ce serait bien, si Dieu le veut.

2 Selim : Demain, il y aura peut-être de quoi manger.

3 Vukasin : On verra. On a besoin de manger quelque chose. Il faut quelque

4 chose qu'on puisse manger. Il faut attendre.

5 Intervenant non identifié : Cela fait un mois tout entier qu'on

6 parcourt la montagne sans rien du tout, et on est vraiment au bout du

7 rouleau.

8 Selim : De quoi a-t-on besoin ? De Grasnica, on est allé de Pristina

9 à Podujevo. On aurait pu avoir utiliser un autocar, un autobus, mais on

10 nous a forcés à marcher tout le temps.

11 Intervenant non-identifié : On ne sait pas, tout simplement."

12 L'INTERPRÈTE : On revient à la personne portant une espèce de bonnet rouge.

13 "Intervenant non-identifié : J'ai connu deux guerres. En voilà une

14 autre. On ne sait pas quel genre de guerre c'est. De quoi est-ce qu'on

15 parle ? On n'ose pas rentrer. Qui est-ce qui va nous protéger, et de qui se

16 protéger, des bombes, des combats ? Nous, ce qui nous fait peur, ce sont

17 les enfants, les bébés, c'est pour cela qu'on est ici. Les personnes âgées

18 ont déjà connu ce genre de choses et ils ont survécu. Ce qui nous inquiète

19 surtout, ce sont les enfants. C'est tout ce que je peux dire."

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, elle dure encore

21 combien de temps cette cassette ?

22 L'INTERPRÈTE : M. Milosevic est inaudible à cause de la bande sonore de

23 l'enregistrement.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites 40 minutes ? Non, non, 40

25 minutes, c'est trop.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] On a vraiment fait des coupes, c'est beaucoup

2 plus court. Regardez ici, vous voyez Nis, Podujevo. Ils vont vers le nord,

3 vers l'intérieur, ils ne vont pas vers la frontière.

4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

5 "Question : Est-ce que c'est la communauté de Podujevo ?

6 Pourquoi est-ce que vous avez quitté votre maison ?

7 Réponse : Parce que c'est la guerre et on a dû partir.

8 Question : Maintenant vous rentrez chez vous ?

9 Réponse : Oui.

10 Question : Est-ce que vous êtes contents de rentrer ?

11 Réponse : C'est certain.

12 Question : Est-ce que vous avez peur des bombardements ?

13 Réponse : Oui, c'étaient les bombardements, les enfants ont vraiment

14 trop peur.

15 Autre intervenant non-identifié : Nous sommes ici au nom des

16 autorités provinciales afin de vous donner de l'approvisionnement, de vous

17 distribuer de la farine, du riz, des produits de première nécessité

18 nécessaires à l'aide qu'il faut apporter à la population. Nous sommes ici

19 pour discuter de ces problèmes et nous pensons qu'on pourra très vite

20 trouver une solution. Sachez que la raison principale de tout ceci, c'est

21 le bombardement, les bombardements de l'OTAN sur tout le Kosovo et toute la

22 Serbie, indépendamment de savoir sur qui ces bombes tombent, sur les

23 femmes, les enfants, les personnes âgées. Je suppose que vous êtes d'accord

24 là-dessus, n'est-ce pas ?

25 Réponse : Oui, tout à fait."

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1 L'INTERPRÈTE : Intervention en serbe.

2 "Question : Tout ce que les membres du gouvernement provincial

3 provisoire vient de dire, qu'est-ce que vous en pensez ?"

4 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, cela suffit.

6 M. NICE : Tôt ou tard, il faudra diffuser la totalité de cet enregistrement

7 parce que j'ai de bonnes raisons de le demander. Il faudra diffuser

8 l'intégralité de cet enregistrement.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi ?

10 M. NICE : Je l'expliquerai en contre-interrogatoire, et si c'est

11 nécessaire, je prendrai le temps qu'il faut dans mon contre-interrogatoire

12 pour diffuser la totalité ce cet extrait.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il nous faut cette

14 explication maintenant, parce que ce que je j'espère, c'est que ce que nous

15 avons vu est suffisamment représentatif de ce que veut dire l'accusé.

16 Il faudra encore combien de temps pour voir cette cassette jusqu'à la fin,

17 Monsieur Milosevic ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous pouvons arrêter. J'ai donné la totalité de

19 l'enregistrement, ce qui veut dire que tout le monde peut la voir. On peut

20 passer à autre chose pour gagner du temps. Comme vous l'avez dit vous-même,

21 ceci suffit afin d'illustrer les choses qui se faisaient.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, bien sûr, je

25 pense à votre contre-interrogatoire, et vous êtes en droit de contre-

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1 interroger. Pensez-vous que, sur les autres parties de cette séquence

2 vidéo, il y a des éléments qui peuvent faire l'objet de votre contre-

3 interrogatoire ?

4 M. NICE : Je pense qu'il serait préférable de voir l'intégralité de

5 la séquence, mais la fin de la page me suffira. Pourrait-on aller jusqu'au

6 bas de la page 8, ou en tout cas, au milieu de la page 8.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuons la diffusion.

8 [Diffusion de cassette vidéo]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "Réponse : Le président du conseil exécutif, ils ont dit

11 tranquillement qu'il fallait que nous quittions nos maisons. Où est-ce que

12 nous allions ? Nous ne le savions pas. Ensuite, nous sommes arrivés

13 jusqu'à un certain point. Nous y sommes restés quatre jours. Nous sommes

14 restés là. Nous étions dans les bois, nous y avons passé deux semaines à

15 peu près.

16 Question : Est-ce que les bombardements vous effrayaient ?

17 Réponse : Bien sûr, tout le monde avait peur, pas seulement moi.

18 Qu'on soit albanais, serbe, macédonien ou américain, tout le monde a peur.

19 Même les Américains ont peur des bombardements.

20 Question : Mais de quoi avez-vous peur ?

21 Réponse : De bombardements qui peuvent frapper le bâtiment où je me

22 trouve. J'ai des voisins aussi. Ils ont des enfants, quatre enfants.

23 Question : Dites-moi, avez-vous eu des problèmes avec la police ?

24 Réponse : Jamais. Je suis juriste et je n'ai jamais eu le moindre

25 problème avec la police; jamais, au grand jamais. Regardez, c'est ma carte

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1 professionnelle. Je suis né ici. Mon père et mon grand-père vivaient ici, à

2 Podujevo, et nous n'avons jamais eu de problèmes.

3 Question : Comment avez-vous décidé de rentrer chez vous ?

4 Réponse : Nous l'avons décidé hier. Là où nous étions, nous avions

5 toujours peur. Il y avait des pilonnages ici. Nous ne savions pas sur quoi

6 ils tiraient. Ils étaient tout près, mais nous sommes sortis et nous avons

7 pris la direction de Pristina, et aujourd'hui, dans la matinée, une colonne

8 importante a pris la route.

9 Question : Vous avez dit qu'il y avait des tirs ?

10 Réponse : Je ne sais pas si c'était la police qui tirait ou l'armée

11 ou quelqu'un d'autre. Voyez-vous, nous sommes une colonne importante de

12 150 000 personnes sans doute, ou peut-être 100 000 ou 50 000, je n'ai pas

13 compté, mais une colonne importante, et nous avons pris la route. Quand

14 nous sommes arrivés à Pristina, la police nous a arrêtés. Elle a demandé

15 qui venait de Podujevo, qui avait une résidence permanente à Podujevo ou

16 dans les villages avoisinants, et ils nous ont escortés pendant 200 mètres.

17 Nous sommes arrivés à Podujevo. Nous avons tourné à l'endroit où se trouve

18 le panneau indicateur, vers le centre de la ville. Quelqu'un qui portait

19 des vêtements civils a dit que ceux qui étaient de Podujevo devaient faire

20 l'objet d'une vérification et qu'ils allaient voir. Ensuite, il y a eu une

21 discussion. Je ne sais pas avec qui cette discussion a eu lieu.

22 Comme nous le voyons, les instances gouvernementales sont

23 représentées ici, et elles nous ont dit que nous pouvions retourner chez

24 nous.

25 Oui, nous sommes retournés parce que nous ne voulons pas vivre dans

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1 la maison de quelqu'un d'autre.

2 Question : Peut-on dire que les criminels de l'OTAN qui sont ici ne

3 choisissent pas entre les groupes ethniques pour bombarder ?

4 Réponse : Non, ils ne choisissent pas entre les groupes ethniques,

5 entre les Albanais, les Serbes, les Monténégrins, les Rom, ou qui que ce

6 soit d'autre.

7 Nous pouvons les appeler criminels de l'OTAN ?

8 Nous pouvons dire qu'ils affirment être là pour régler la crise

9 albanaise, mais les Serbes ne sont pas les seuls qui payent. Pour moi, il

10 n'y a rien de réglé si mon voisin a peur de vivre à côté de moi, par

11 exemple.

12 Question : Est-ce qu'on peut dire que les criminels de l'OTAN veulent

13 que vous partiez d'ici ?

14 Réponse : Ce sont d'autres instances qui peuvent dire cela. Nous,

15 nous ne sommes que des gens ordinaires, et en tant que gens ordinaires,

16 j'aimerais que la solution soit trouvée de façon pacifique pour le bien de

17 tous. Je n'ai que du bien dans le cœur et je n'ai aucune idée négative par

18 rapport à qui que ce soit.

19 Mais non --

20 Non, je ne suis pas pour les bombardements, pas du tout. La plupart de mes

21 frères et des gens que je connais qui sont ici ne sont pas pour les

22 bombardements. Qui est-ce qui peut y gagner quoi que ce soit ?

23 Qui peut avoir avantage aux bombardements ?

24 Personne. Les gens meurent pour rien. Nous souhaitons rentrer

25 tranquillement chez nous.

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1 Question : Comment vous appelez-vous ?

2 Réponse : Rexhep Fusa, de Podujevo.

3 Question : Est-ce que vous voulez renter chez vous ?

4 Réponse : Oui.

5 Question : L'Etat vous a donné la possibilité de rentrer chez vous ?

6 Réponse : Oui. Nous rentrerons chez nous pour y vivre et y

7 travailler. Que puis-je dire d'autre ?

8 Regardez, la Yougoslavie et l'OTAN sont en guerre, et les Albanais en

9 payent le prix. Vous voyez quelle catastrophe cela a provoqué parmi la

10 population. Les enfants et les vieillards souffrent. Je n'ai rien mangé

11 depuis deux jours, rien du tout. Nous sommes dans les bois depuis trois

12 semaines, donc cela ne nécessite aucun commentaire.

13 Question : C'est la faute à qui ?

14 Réponse : Je ne suis pas un expert. Je ne peux pas vous dire à qui

15 incombe la faute.

16 Question : Pensez-vous que de nombreuses personnes ont souffert, ont

17 été tuées, de nombreux enfants ?

18 Réponse : Nous sommes dans les bois depuis trois semaines.

19 Mais les Serbes et les Albanais souffrent ensemble, je vous le dis. Je suis

20 très sincère. Nous avons passé trois semaines dans les bois, sans la

21 moindre possibilité de savoir ce qui se passait, et par conséquent, je suis

22 désolé que des gens soient tués en d'autres endroits, des gens qui sont

23 innocents, mais je parle pour moi ici, je dis ce que j'ai vu. Tout ce que

24 nous voyons ici, ces maisons, ces enfants, toute cette masse de gens. Je

25 n'ai pas de commentaires. Que pourrais-je dire d'autre ?

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1 Voyez-vous, une partie de l'aide humanitaire que vous voyez ici est en

2 train d'être déchargée. Nous avons obtenu cela pour les habitants de

3 Podujevo. Nous fournirons des quantités toujours plus importantes d'aide

4 pour cette région en coordination avec les instances de Serbie et le

5 gouvernement intérimaire du Kosovo et Metohija.

6 Il y a quelque temps, nous avons eu la possibilité de parler aux habitants

7 qui recevaient l'aide humanitaire, parce que cela ne date pas

8 d'aujourd'hui. Nous travaillons ainsi depuis le 19 de ce mois, et je peux

9 vous dire très franchement que les habitants sont très contents et

10 remercient les autorités. Ils nous disent qu'ils agiront pour faire tout ce

11 que les autorités leur demandent de faire. Ils sont prêts à coopérer au

12 maximum et ils sont très contents de tout ce qui a été fait, puisqu'ils ont

13 pu rentrer dans leurs villages et retrouver leurs maisons et les endroits

14 où ils habitaient.

15 J'aimerais dire que l'aide que vous voyez est très diverse. On y trouve des

16 vivres, qui sont très nécessaires à l'heure actuelle. On y trouve aussi des

17 produits d'hygiène. La majeure partie de cette aide est composée de riz,

18 mais il y a aussi du sucre, de la farine, des pâtes et d'autres produits

19 alimentaires, et je pense que les habitants en seront très contents. Nous

20 travaillons aussi à l'ouverture des boulangeries de la ville. L'une d'entre

21 elles fonctionne déjà et produit 2 000 à 3 000 miches de pain chaque jour.

22 D'une certaine façon, dans une situation aussi complexe que celle-ci, nous

23 veillons à ce que les conditions minimums soient satisfaites pour répondre

24 aux besoins des habitants de la municipalité de Podujevo.

25 Ceci doit continuer. Les gens doivent recevoir des distributions d'aide

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1 parce qu'ils sont très fatigués par tout ce qui se passe. Ils ont voyagé

2 loin. Ils sont très fatigués.

3 Mais maintenant vous êtes rentrés chez vous.

4 Les gens ont toujours peur. La majorité n'est pas encore rentrée, mais

5 lorsqu'ils verront que la situation s'est calmée, ils rentreront. J'ai reçu

6 un permis qui me permet de circuler librement en ville et, après, on verra.

7 Je ne sais pas ce qui se passera, mais pour l'instant tout va bien.

8 Question : Comment vous appelez-vous ?

9 Réponse : Sabri Berisha.

10 Question : Vous êtes de Podujevo ?

11 Réponse : De Podujevo, oui. Je suis réparateur. J'ai un atelier qui a

12 brûlé, mais voilà, si Dieu veut, nous en construirons un encore mieux, tout

13 neuf, et on verra. Tant qu'il n'y a pas de problèmes, nous pourrons

14 continuer. Nous verrons.

15 Question : Merci.

16 Réponse : Je vous en prie.

17 Le journaliste : Nous avons tourné ces images aujourd'hui dans le

18 village de Podujevo --"

19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est la séquence suivante ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas suivi toutes ces images dans le

22 détail. Je crois que la diffusion s'est arrêtée là où M. Nice souhaitait

23 qu'elle s'arrête, mais je n'ai pas regardé toute la séquence.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que c'est ici

25 que vous voulez que nous nous arrêtions ?

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1 M. NICE : [interprétation] Oui, cela me convient.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Intercalaire 5.12.

3 M. KAY : [interprétation] Je demande le versement au dossier des

4 intercalaires 5.11 et 5.12.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Très rapidement, Docteur Andric : vous communiquez avec ces citoyens,

8 en compagnie d'un certain nombre de vos collègues, et lorsque j'emploie le

9 mot "collègues," je pense au fait qu'ils faisaient également partie du

10 conseil exécutif temporaire de la province; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Qui sont ces personnes qui s'expriment surtout en albanais et de temps

13 en temps pour quelques mots en serbe ? Qui sont ces gens qui s'adressent

14 avant tout aux citoyens albanais ?

15 R. Ce sont trois membres du conseil exécutif de la province, Jashari. Je

16 dirais simplement que l'un d'entre eux a été tué après la fin de la guerre,

17 lorsqu'il est entré dans le village, parce qu'il était membre du conseil

18 exécutif provisoire précisément.

19 Les deux autres sont aussi membres du conseil exécutif provisoire chargé

20 des questions humanitaires. Je présidais ce groupe. Ils allaient sur le

21 terrain en permanence pour aider toute personne qui en avait besoin et

22 mettre en œuvre les actions que nous avions décidées.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez d'abord

24 établir qui a filmé ces images et comment elles ont été rassemblées.

25 J'aimerais également savoir qui est le journaliste qui pose les questions.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon --

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre à cette question.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- ceci n'est qu'une partie de la séquence qui

4 a été filmée, à l'époque, de ces événements au Kosovo, mais le témoin peut

5 peut-être nous en dire plus.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Docteur Andric, qui a filmé ces images ?

8 R. C'est un montage d'images qui ont été filmées sur plusieurs jours sans

9 doute. Deux chaînes de télévision ont filmé. En fait, il y avait avec eux

10 un caméraman qui m'accompagnait chaque fois que j'allais sur le terrain. Je

11 l'emmenais toujours avec moi pour filmer ce que nous voyons. Il s'agissait

12 de Boro Danilovic qui m'accompagnait sur le terrain pour filmer les images

13 de ce que nous voyons. Ces images ont été tournées dans la deuxième

14 quinzaine du mois d'avril 1999.

15 Q. Nous avons vu, à un certain moment, un panneau indicateur, qui indique

16 "la direction de Nis". C'est la direction qu'empruntait la colonne. Est-ce

17 que cela veut dire qu'on constate que cette colonne allait dans un sens

18 inverse à la frontière albanaise ?

19 R. Oui. Ces personnes de Podujevo et de sa région allaient vers la

20 frontière administrative avec la Serbie, autrement dit, en sens inverse de

21 la frontière albanaise.

22 Q. On vous voit sur ces images. Je lis dans la transcription que le centre

23 médical a commencé à fonctionner dans le village de Svetlje, et dans un

24 autre village, Sajkovac. On mentionne deux villages; est-ce qu'il y avait

25 un seul centre médical ou deux ?

Page 36630

1 R. Oui. Nous avons ouvert deux centres médicaux dans deux villages, deux

2 dispensaires. D'ailleurs, nous avons ouvert un supplémentaire, un

3 troisième, ce jour-là, à Glogovac, le 29 avril 1999, de façon à apporter

4 des soins médicaux nécessaires à toutes les personnes qui en avaient

5 besoin.

6 Q. Selim Guxhufi dit, effectivement, que : "Tous les habitants reçoivent

7 des médicaments et des soins médicaux quand ils en ont besoin pour se

8 soigner."

9 R. Oui, ils avaient tous les soins et les médicaments gratuitement.

10 Q. Les médicaments aussi étaient gratuits ?

11 R. Ils recevaient sur place tous les médicaments dont ils avaient besoin

12 gratuitement.

13 Q. Je vois que, sur ces images, vous prenez l'engagement de venir le

14 lendemain avec des camions chargés de vivres parce que

15 Guxhufi dit que la population a faim. Est-ce que vous avez réussi à obtenir

16 ces camions ?

17 R. Oui, et tous les jours jusqu'à la fin de la guerre, nous avons

18 approvisionné cette population en vivres de façon très complète.

19 Q. Est-ce que vous étiez présent lorsque l'un de ces hommes a dit :

20 "Comment est-ce que nous pouvons nous défendre. On bombarde ici, on

21 bombarde partout. J'ai de la peine pour les enfants. Nous en avons vu de

22 toutes sortes." Est-ce qu'il veut dire que les bombardements frappent toute

23 la région ?

24 R. Oui, oui. J'étais présent sur place, et c'est ce qu'il voulait dire.

25 Q. Dans la transcription, nous voyons qui parle, mais je pense qu'il doit

Page 36631

1 s'agir de Guxhufi, qui dit que l'aide est arrivée et qu'elle est en train

2 d'être distribuée. En tout cas, ceci n'est qu'une illustration des actions

3 que vous avez entreprises.

4 Je ne suis pas sûr de ce que je vais dire, mais, dans mes notes, je lis que

5 40 000 Albanais étaient concentrés, approximativement, à l'endroit où vous

6 effectuiez cette distribution d'aide.

7 R. Oui, à un certain moment, il y en avait environ 40 000. Ils se sont

8 repartis dans leurs villages. Nous les avons installés dans ces villages.

9 Il y avait 16 villages qui étaient concernés et, bien entendu, ils ont

10 continué à vivre dans leurs villages jusqu'à la fin de la guerre.

11 Q. Dites-moi, je vous prie : compte tenu de ces distributions d'aide et de

12 ces autres formes d'assistance qui étaient fournies aux habitants, est-ce

13 que vous pourriez nous en dire plus sur ces divers aspects de l'aide ?

14 R. Oui. Les distributions d'aide avaient lieu tous les jours. Je vais vous

15 en donner deux exemples. Le 3 mai 1999, dans la région de Vucitrn, il y

16 avait plusieurs milliers de personnes déplacées en interne d'appartenance

17 ethnique albanaise. Nous avons pris contact avec ces personnes et nous leur

18 avons distribué 15 000 kilos d'aide dans les villages de Kitica [phon],

19 Smrekovnica.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous allions un peu plus vite.

21 Intercalaire 12, vous y trouverez un tableau qui montre quels étaient les

22 articles qui étaient distribués dans le cadre des distributions d'aide par

23 le conseil exécutif provincial dont parlent les personnes qu'on voit sur

24 les images.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 36632

1 Q. Je vous demanderais un bref commentaire.

2 R. Dans la période allant du 19 avril 1999 jusqu'au 31 mai de cette même

3 année, dans cette région, nous avons distribué plus de 30 000 kilos de

4 vivres et 60 000 kilogrammes de produits d'hygiène personnelle. Je souligne

5 que ce ne sont que les vivres et l'aide que nous avons distribués par le

6 biais de nos instances provinciales. N'est pas comprise dans ces chiffres

7 l'aide distribuée par le biais de la Croix Rouge yougoslave et plus tard

8 par le biais de la Croix Rouge Internationale.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ces vivres

10 étaient distribués aux personnes albanaises déplacées en interne. La

11 question qui se pose n'est pas tant de savoir si les Serbes ont fait un bon

12 travail à l'égard des Albanais en leur distribuant des vivres. La question

13 qui se pose est celle des personnes déplacées à l'intérieur de la région.

14 Quelle est la cause de ce déplacement ? C'est cela qui doit faire l'objet

15 de nos investigations. Le bon travail effectué pendant que ces personnes

16 étaient déplacées n'a pas grande importance en réalité. La question

17 importante, c'est qu'est-ce qui a amené au fait que ces personnes ont dû

18 être déplacées. De façon générale, l'acte d'accusation stipule que ce sont

19 les Serbes qui ont été responsables de ce déplacement à l'intérieur de la

20 région. C'est cela la question. Les éléments de preuve indiquant qu'un bon

21 travail a été effectué par les Serbes à l'égard de ces personnes déplacées

22 pendant qu'elles étaient déplacées ne nous amène pas très loin s'agissant

23 de répondre aux questions brûlantes qu'évoque l'acte d'accusation.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense qu'il ne faut

25 jamais généraliser, mais j'espère que ces images montrent clairement que

Page 36633

1 les gens déclarent fuir les bombardements. Il y avait des endroits au

2 Kosovo et Metohija qui ont subi des bombardements plus ou moins graves,

3 mais tout cela est relatif parce que tout le territoire du Kosovo et

4 Metohija a été bombardé 24 heures sur 24 pendant 78 jours. La population

5 fuyait, avant tout, les bombardements. Il y a également des zones où des

6 conflits faisaient rage. Je ne vais pas les énumérer en détail, mais il y

7 avait des affrontements entre nos forces et l'UCK, et les gens fuyaient

8 également ces opérations armées.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je vous disais simplement,

10 c'est de concentrer vos éléments de preuve sur les causes des déplacements

11 de population. Veuillez poursuivre.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Monsieur Andric, vous circuliez parmi ces personnes, accompagné d'un

14 certain nombre de membres du conseil exécutif; Guxhufi, Jashari et

15 Ibrahimi, comme vous l'avez dit.

16 L'INTERPRÈTE : Ce sont les trois noms à inclure un peu plus haut.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Je vous demande pourquoi ces personnes sont parties. Vous avez dit un

19 certain nombre de choses très justes, mais vous venez d'entendre les propos

20 de M. Robinson, pourquoi est-ce que ces personnes ont été déplacées ?

21 R. J'ai déjà dit, à plusieurs reprises, que l'exode a commencé le jour où

22 l'agression de l'OTAN et les bombardements ont commencé. Ces personnes ont

23 quitté leurs villes et leurs villages pour se rendre vers des lieux où ils

24 avaient le sentiment d'être davantage en sécurité.

25 Par ailleurs, il y avait également des endroits où des combats très

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1 durs se déroulaient entre les membres de ce qu'il est convenu d'appeler

2 l'UCK et l'armée ou la police, et la population a aussi fui ces régions

3 pour aller dans des zones plus calmes.

4 Cependant, je dois ajouter que les personnes déplacées à l'intérieur de la

5 province n'ont pas été déplacées pendant toute cette période de 78 jours.

6 Elles ont été déplacées pendant peut-être 15 ou même dix jours, après quoi,

7 cette population est rentrée chez elle. A Sajkovac, nous avons distribué

8 des vivres aux personnes déplacées en interne avant de leur trouver un

9 hébergement. Je parle de ces 40 000 personnes qui, au départ, ont été

10 déplacées. Plus tard, nous avons pu les ramener dans leurs villages et les

11 aider sur place, dans leurs villages, donc ce n'est qu'un nombre limité

12 d'habitants qui n'a pas pu rentrer à son domicile et que nous avons

13 installé dans des hébergements.

14 Q. Fort bien.

15 J'aimerais maintenant que nous examinions l'intercalaire 13, puisque le

16 précédent était l'intercalaire 12.

17 [Diffusion de cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

19 "Les réfugiés sont sur les routes depuis des mois et comme cela a été

20 promis hier les membres du conseil exécutif de la province, Faik Jashari et

21 Selim Guxhufi, ainsi que les premières unités médicales ont été installées

22 ici et aideront les habitants de cette région en leur apportant des

23 médicaments et des soins médicaux pour tous ceux qui en ont besoin,

24 notamment, les enfants. Tout cela est fait pour survivre à l'agression de

25 l'OTAN qui correspond tout à fait au dicton populaire selon lequel on peut

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1 juger si la journée sera belle en regardant le ciel le matin."

2 Suite de la séquence :

3 "Depuis la création du conseil chargé des questions humanitaires et des

4 personnes déplacées, ainsi que du retour à leur domicile de ces personnes,

5 depuis le 19 avril, plus de 200 tonnes de vivres, et plus de 200 tonnes de

6 produits d'hygiène personnel ont été distribués.

7 "La tâche de ce conseil consiste à régler les problèmes des personnes

8 déplacées et des personnes qui rentrent chez elles parce que c'est la

9 situation qui se pose sur le terrain. D'abord, il y a eu des problèmes à

10 Podujevo qui ont été résolus à la satisfaction de chacun pour plus de 50

11 000 personnes déplacées. Ensuite, il y a eu le problème de Distok [phon] et

12 de Sajkovac, puis les problèmes de Vucitrn et de Glogova, tous ces

13 problèmes des personnes déplacées et des personnes qui rentrent chez elles

14 ont été résolus pour la plupart de la meilleure manière qui soit.

15 "Pour que le conseil fonctionne de façon plus efficace, nous avons créé

16 après avoir créé le conseil provincial des conseils régionaux et de

17 districts, là où c'était nécessaire, ainsi qu'un conseil municipal à

18 Podujevo qui a joué un rôle important auprès des structures civiles de

19 Podujevo pour résoudre les problèmes dans la zone de Sajkovac, Batllave et

20 Svetlje. Je tiens à dire que le principe qui régit le fonctionnement du

21 conseil provincial consiste à apporter de l'aide humanitaire sans

22 distinction de religion, de race ou d'appartenance ethnique. Nous avons

23 distribué de l'aide humanitaire aux Albanais, aux Serbes, aux Rom, et aux

24 Gorani, et à tous ceux qui en avaient besoin. Mais nous n'avons pas oublié

25 les minorités ethniques, donc aujourd'hui nous avons envoyé un camion à

Page 36636

1 Mamusa, aux Turques qui y habitent. Il y a quelques jours nous avons

2 distribué tout un camion de vivres à des Egyptiens. Hier, un camion

3 contenant plus de 20 tonnes de vivres et de produits d'hygiène personnel a

4 été envoyé dans la municipalité de Gora. Nous prévoyons d'apporter une

5 certaine quantité de vivres à la communauté Rom. Tout simplement, pour ce

6 qui nous concerne, nous pensons que tous les groupes ethniques doivent être

7 satisfaits et c'est ce que nous avons fait jusqu'à présent.

8 "L'un des problèmes les plus graves est le problème de santé qui se

9 pose dans les zones où se trouvent les personnes déplacées et celles qui

10 rentrent chez elles. Nous estimons que nous avons fait tout ce qui était en

11 notre pouvoir pour les résoudre en coopération avec le centre médical du

12 district de Kosovo et l'Institut sanitaire de la province. Je pense que

13 nous avons fait de notre mieux partout où il y avait des personnes

14 déplacées. Nous avons empêché le développement des épidémies. La situation

15 sur le plan des épidémies est toujours maîtrisée. Nous distribuons des

16 médicaments partout où on en a besoin. Il y a des équipes médicales mobiles

17 qui viennent du centre de santé du district de Kosovo, qui se rendent

18 chaque jour sur le terrain. Aujourd'hui, ces personnes se trouvent dans la

19 municipalité de Glogovac où il y a des problèmes. Glogovac n'a pas de

20 distribution d'eau courante, donc la menace des épidémies persiste. Je

21 crois que les équipes mobiles de l'Institut médical provincial et du centre

22 médical du district de Kosovo résoudront ces problèmes.

23 "Si nous ne trouvons aucune autre solution pour apporter de l'eau à

24 Glogovac, nous devrons désinfecter les puits qui y existent. Le problème

25 doit être mis sous -- doit être maîtrisé afin d'éviter une grave épidémie."

Page 36637

1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Docteur Andric, en dehors des personnes déplacées en interne, est-ce

4 que vous aviez également obligation de travailler pour que la vie reprenne

5 son cours normal et, en particulier, pour éviter toutes épidémies en

6 distribuant de l'eau, des vivres, et en réparant les canalisations d'eau ?

7 Est-ce que tous ces problèmes vous vous en êtes occupés dans la période où

8 les bombes tombaient 24 heures sur 24 dans la région ?

9 R. Les équipes de Kosovo du centre médical se rendaient sur le terrain

10 tous les jours et nous essayons de rétablir la vie telle qu'elle était en

11 temps de paix par distribution de produits de première consommation, par

12 distribution d'eau, réparation des axes routiers entre les villes et les

13 villages parce que la situation était très difficile, mais en raison des

14 destructions importantes et les gens avaient besoin de soins médicaux de

15 façon permanente. Il fallait que l'électricité continue à fonctionner. En

16 bref, je dirais qu'il fallait que la vie normale reprenne son cours. Nous

17 avons essayé de faire tout ce qui était en notre pouvoir.

18 Nous avons fait de notre mieux pour rétablir des conditions normales

19 de vie dans cette période.

20 Q. Certaines des personnes déplacées en interne sont demeurés des

21 personnes déplacées, mais un grand nombre de ces personnes ont été

22 hébergées dans des hébergements provisoires, et un certain nombre d'entre

23 elles ont été persuadées de rentrer chez elles, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui. Chaque fois que la sécurité était assurée. Nous avons fait en

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1 sorte qu'un certain nombre de ces personnes rentrent chez elles. D'ailleurs

2 la majorité l'a fait. Mais un nombre limité de personnes n'a pas pu rentrer

3 à son domicile parce que dans cette période il y avait des combats dans ces

4 régions. Dans ces cas-là, nous avons fourni un hébergement temporaire --

5 Q. Attendez un instant. De quelles opérations de combat parlez-vous ?

6 R. Dans les zones où nous étions présents, il y avait dans certains cas

7 des combats entre la police régulière et l'armée d'une part, et ce qu'il

8 est convenu d'appeler l'UCK, c'est-à-dire, des Groupes terroristes d'autre

9 part.

10 Q. Je comprends. Vous parlez de groupes terroristes qui agissaient dans

11 ces régions. Est-ce bien ce que votre collègue,

12 M. Guxhufi, essayait d'expliquer à toute une foule d'Albanais sur les

13 images vidéos que nous venons de voir lorsqu'il avait en main une carte

14 géographique et qu'il disait qu'elles étaient les villages dans lesquels on

15 pouvait rentrer sans encombre en toute sécurité, et quels étaient les

16 villages à éviter en raison des combats ?

17 R. Précisément, 16 villages étaient en sécurité et ces personnes pouvaient

18 y rentrer.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devriez

20 conclure. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas encore suspendu

21 l'audience, mais l'heure de la suspension est passée.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore un certain nombre de questions,

23 Monsieur Robinson. J'ai fait de mon mieux pour en terminer avant la pause,

24 mais j'ai encore un certain nombre de questions, une dizaine à vrai --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre apprécie ces efforts, et

Page 36639

1 nous suspendons l'audience pour 20 minutes.

2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 3.

3 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

5 Milosevic.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je précise qu'il y avait l'intercalaire

7 5.13, 5,14, ainsi que le 12 qui sont versés au dossier.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Kwon.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Docteur Andric, essayons de parcourir le plus efficacement possible

11 plus éléments de preuve. Je ne me propose de les citer extensivement mais

12 juste en présentant quelques remarques. Penchez-vous maintenant sur

13 l'intercalaire 13, je vous prie. Il s'agit de mesures prises en vue de la

14 normalisation des conditions de vie et d'assurer les médicaments et vaccins

15 BCG pour les bébés qui n'ont pas été vaccinés jusque-là et ainsi de suite.

16 D'après ce que je vois à cet intercalaire 13 et 14, il y a plusieurs points

17 qui sont mentionnés et on parle notamment d'un grand problème d'eau, et

18 l'analyse de l'eau pour la population.

19 Pourquoi y a-t-il eu tant de problème au niveau de l'approvisionnement en

20 eau potable ?

21 R. L'approvisionnement en eau potable a été mis en question parce qu'on

22 endommageait les installations de traitement des eaux, les bombardements de

23 l'OTAN ont gravement détérioré les installations de traitement des eaux à

24 Pristina et Gnjilane. A Gnjilane pendant plus d'un mois presque, il n'y a

25 pas eu d'eau potable, et Pristina pendant plusieurs jours début mai, il n'y

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1 a pas eu d'eau potable en raison des endommagements occasionnés aux

2 installations de traitement des eaux.

3 Q. A l'intercalaire 14.1 à 14.2, et jusqu'à 14.5, on peut voir les

4 courriers de l'institut de la protection médicale où l'on consacre,

5 notamment, la plus grande des intentions à la mise en place des conditions

6 pour une vie normale. Qu'avez-vous fait ? Quels sont les efforts que vous

7 avez dues déployer pour établir des conditions de vie normale et avez-vous

8 réussi à rétablir des conditions d'approvisionnement normal s'agissant de

9 ces régions au Kosovo et Metohija qui ont été mises en péril ?

10 R. Il y a eu partout des problèmes, bien entendu, essentiellement avec

11 Pristina étant donné que c'est une grande ville, et Gnjilane. Je vais

12 particulièrement parler du problème de Glogovac où les aqueducs étaient

13 déjà endommagés. Avant la guerre, en raison de ces vieilles conduites, et

14 nous avons déjà commencé à travailler, mais là, nous nous sommes servis de

15 puits existant pour approvisionner la population, mais pour l'essentiel

16 nous amenions de l'eau potable par des citernes pour approvisionner la

17 population locale en eau potable.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ne nous attardons pas davantage sur ces points.

19 Je demanderais à ce que ces intercalaires 13 et 14 soient versés au dossier

20 dans leur intégralité.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Milosevic, est-ce que

22 ceci a déjà été versé au dossier ? A l'intercalaire 14.1, nous avons ce que

23 le professeur dit, et c'est signature qu'on voit, n'est-ce pas ? L'Institut

24 fédérale de médecine préventive, et on parle : "Des installations de

25 traitement des eaux les plus importantes à Sajkovac et à Badovac qui

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1 auraient détruite par des frappes aériennes de l'ennemi." C'est peut-être

2 une facette des éléments de preuve qui risquent d'être pertinents, mais si

3 vous présentez simplement des éléments qui montrent ce qu'a fait le

4 professeur en tant que médecin, pour ce qui est des réfugiés, des blessés

5 afin de les aider, ce n'est pas aussi pertinent. Si les installations de

6 traitement des eaux ont été endommagées par des frappes aériennes, et si en

7 conséquence de cela, vous dites qu'il y a des gens des Albanais qui ont dû

8 prendre la fuite c'est autre chose. Il s'agit de traitement d'adduction. Je

9 ne sais pas si vous pouvez en tirer quelque chose, mais je veux simplement

10 attirer votre attention sur ce point.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Peut-être n'avez-vous

12 pas prêté attention à la chose lorsque vous vous êtes penchez sur un

13 document, mais j'ai posé la question au témoin, étant donné qu'il s'agit de

14 plusieurs documents dans ces intercalaires indiquant quelles sont les

15 mesures déployées par les instances ou les autorités aux fins de normaliser

16 la situation dans différentes régions au Kosovo et Metohija. Je lui ai

17 demandé pourquoi l'eau était-elle un problème ? Il a répondu que c'était

18 notamment un problème à Pristina et dans une autre ville parce que, suite

19 aux frappes de l'aviation de l'OTAN, il y a eu endommagement de ces

20 installations destinées à l'approvisionnement en eau potable. Ils ont dû

21 déployer des efforts surhumains pour assurer que la population sur un

22 territoire assez vaste soit approvisionnée en eau potable, procéder à des

23 mesures de protection épidémiologiques et autres, afin de vérifier la

24 qualité des eaux.

25 C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à ce que ces intercalaires

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1 13 et 14 soient versés au dossier.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur Milosevic.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande de procéder au versement au

4 dossier de ces intercalaires. Il y a plusieurs documents

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Docteur Andric, s'agissant de ces personnes provisoirement déplacées,

8 vous avez indiqué que vous avez installé certaines personnes dans des

9 bâtiments, que d'autres sont rentrées chez elles, et que certaines

10 personnes sont parties en Albanie. En dépit des soins déployés et

11 dispensés, un certain nombre de gens sont allés en Albanie.

12 R. Oui. C'est le problème de Glogovac dont on a parlé tout au long de la

13 guerre. Il y a eu là des activités terroristes de cette soi-disant l'UCK,

14 et la population locale a été déplacée vers Globovac où ils ont été plus en

15 paix et plus en sécurité.

16 Vers la mi-mai, il y a eu quelque 8 000 Albanais déplacés à l'intérieur de

17 la région sur le secteur de Celinac. Nous sommes allés immédiatement là-

18 bas. Nous les avons installés et nous avons entamé la procédure habituelle

19 d'installation de fournitures, de logements.

20 Un certain nombre de ces gens-là sont restés chez eux, sont

21 retournées à leurs villages, et d'autres sont partis vers la République

22 d'Alabanie.

23 Q. Dites-nous, est-ce qu'il y a eu de l'aide arrivée depuis

24 l'étranger sur le territoire de Kosovo et Metohija pendant l'agression de

25 l'OTAN ? Y a-t-il eu de l'aide humanitaire, et comment a-t-on distribué

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1 celle-ci ?

2 R. Oui, il y a eu de l'aide humanitaire. Une première livraison est

3 arrivée de Grèce. Cela est venu de la Perspective européenne. Le

4 gouvernement grec a envoyé plusieurs 200 tonnes de vivres, et cela est

5 arrivé le 27 avril.

6 En mi-mai, le bureau du CICR pour la Yougoslavie a acheminé un grand

7 convoi de vivres. Il y a eu 14 camions remorques dans le convoi, et tous

8 ces vivres ont été distribués en fonction des besoins. La seule règle mise

9 en œuvre pour distribuer l'aide humanitaire serait de viser à prendre en

10 considération les besoins de la population pour l'aide humanitaire

11 indépendamment de l'appartenance ethnique des uns ou des autres.

12 Q. A l'intercalaire 15, on voit l'arrivée de cette aide humanitaire

13 et on y voit que vous fournissez des explications concernant la

14 distribution non sélective, à savoir la distribution à toute personne qui

15 en aurait besoin.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je voudrais que cet

17 intercalaire soit versé au dossier. Je viens de donner la description de ce

18 qui y figure, et peut-être pourrions-nous sauter la lecture de sa teneur.

19 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'il faudrait voir cet

20 enregistrement, cet extrait.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Très bien. Le 5.15 maintenant,

22 je vous prie. Je voudrais qu'on nous passe cet enregistrement.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il faudrait que ce soit

24 diffusé maintenant.

25 [Diffusion de cassette vidéo]

Page 36644

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. C'est vous qu'on voit, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. Je suis en train de sortir de la clinique, département chirurgie.

4 Q. Est-ce que c'est cela l'aide en provenance de Grèce ?

5 R. Oui.

6 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

7 "Le journaliste : "Ceci n'est pas la première fois que la Grèce

8 envoie de l'aide humanitaire. Est-ce que vous pourriez, à cette occasion,

9 nous en dire un peu plus ?

10 Vukasin : Au cours de la semaine écoulée, c'est la troisième fois que

11 le pays frère et ami de Grèce nous envoie de l'aide humanitaire. Ceci est

12 le troisième convoi. Ce dernier convoi comporte 11 camions avec quelque 220

13 tonnes de produits divers, essentiellement de denrées alimentaires. Cette

14 aide humanitaire sera distribuée partout où cette aide s'avéra être

15 nécessaire."

16 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. C'est l'intercalaire 5.15 où j'ai donné un descriptif de ce qui y

19 figurait.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un moment. Maintenant, on voit ici le clip

21 suivant. Arrêtez-vous, s'il vous plaît. C'est l'intercalaire suivant, et on

22 le passera tout à l'heure.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Docteur Andric, est-ce qu'en sus des Serbes et Monténégrins, et d'une

25 manière générale en sus des Albanais qui fuyaient le Kosovo pour se diriger

Page 36645

1 vers la Serbie centrale, il y avait également des Albanais en nombre assez

2 grand qui essayaient de fuir vers la Serbie centrale et vers le

3 Monténégro ?

4 R. Oui. Une partie des Albanais fuyaient effectivement vers la Serbie et

5 le Monténégro.

6 Q. Que cela nous dit-il ? Qu'avez-vous, partant de là, constaté ? Je ne

7 veux pas poser de question subjective. Je me reprends. S'ils fuyaient vers

8 la Serbie centrale, je suppose qu'ils ne fuyaient pas les autorités

9 centrales de l'Etat.

10 R. Bien entendu qu'ils ne fuyaient pas les autorités. Qui fuiraient

11 certaines autorités pour se jeter dans ses bras ?

12 Q. Dites-nous, en sus de ces installations, de ces bâtiments d'habitation

13 en civil, est-ce que l'OTAN a ciblé d'autres installations civiles ?

14 R. Oui.

15 Q. Que savez-vous nous en dire ?

16 R. En sus des colonnes, on a ciblé autres choses. On a ciblé des moyens de

17 transports. On a ciblé des installations que j'ai déjà mentionnées, à

18 savoir des traitements d'eaux, installations de télécommunications, des

19 postes transformateurs.

20 Q. Avez-vous personnellement eu --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

22 M. NICE : [interprétation] Il y a tellement de questions directrices qu'on

23 a tendance à ne pas intervenir trop souvent. Enfin, lorsqu'on parle des

24 questions "des cibles prises par l'OTAN, des cibles civiles," mais je

25 suppose que je peux en parler en contre-interrogatoire.

Page 36646

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 M. KAY : [interprétation] Je demande le versement de l'intercalaire 5.15.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Docteur Andric, vous avez dit qu'ils avaient ciblé d'autres

6 installations. Je vous demande concrètement si vous avez su comment on

7 avait ciblé un autocar plein de passagers qui roulait sur la route entre

8 Nis et Pristina, à proximité de Lusani, municipalité de Podujevo ? Prenons

9 cela en exemple.

10 R. Oui. C'est arrivé le 1er mai à 13 heures. L'aviation de l'OTAN a touché,

11 sur le pont de la rivière Lab, en direction de Luzani, un autocar plein de

12 passagers. En cette occasion il y a eu 39 passagers de tués dont 29

13 Albanais et 10 Serbes. 12 autres passagers ont été grièvement blessés.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez

15 demandé comment ce bus rempli de passagers avait été pris pour cible, et

16 vous avez reçu une réponse.

17 Professeur, est-ce que vous êtes en train de dire que ce véhicule rempli de

18 passagers a été pris délibérément pour cible par l'OTAN ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Robinson, avec tout le

20 respect que je vous dois, l'autocar a été touché par des bombes de l'OTAN,

21 cela ne fait aucun doute. Je peux supposer qu'ils l'ont fait délibérément.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question à laquelle vous avez

23 répondue de façon affirmative, cette question vous demandait si le véhicule

24 avait été pris pour cible. Est-ce que vous avez des preuves attestant du

25 fait que le fait que ce bus ait été touché par l'OTAN était le résultat

Page 36647

1 d'une action délibérée de la part de l'OTAN ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas quel type de preuve je pourrais

3 avoir. Ce que je sais pour sûr, c'est que l'aviation de l'OTAN a ouvert le

4 feu et qu'un autocar plein de passagers, un autocar civil, c'est un autocar

5 de l'entreprise Nis Express qui circulait sur une ligne régulière entre Nis

6 et Pristina, et à bord du véhicule, il y avait une majorité d'Albanais qui

7 se dirigeaient, je suppose, depuis Podujevo en direction de Pristina.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Poursuivez, Monsieur

9 Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Docteur Andric, à l'intercalaire 15, on voit les photos de cet autocar.

12 Mais je voudrais auparavant vous poser une question. Il s'agissait d'un

13 autocar civil qui effectuait sa navette habituelle ?

14 R. Oui.

15 Q. Une navette habituelle dont vous avez parlé. Vous dites que vous

16 supposiez qu'ils voyageaient d'une localité à une autre. Bien entendu,

17 lorsqu'on circule sur un itinéraire habituel --

18 M. NICE : [interprétation] S'il veut, l'accusé peut déposer lui-même. Nous

19 avons des questions directrices, et maintenant des suppositions. Ce n'est

20 pas à l'accusé de déposer --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il faudrait que vous reformuliez

22 cette question, Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais la reformuler, ma question.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Docteur Andric, je vous prie de placer, sur le rétroprojecteur, les

Page 36648

1 photographies qui figurent à l'intercalaire 15.

2 Docteur Andric, s'agissait-il là d'un autocar sur un itinéraire régulier

3 circulant comme d'habitude ?

4 R. Oui.

5 Q. A-t-il été touché sur le pont, et y a-t-il eu plusieurs dizaines de

6 morts ? A-t-il été touché par un avion de l'alliance du pacte de l'OTAN ?

7 R. Sans aucun doute.

8 Q. A-t-on pu supposer que l'autocar a été touché parce qu'on ne l'a pas

9 ciblé ou parce qu'on l'a ciblé ?

10 R. On l'a probablement ciblé.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il lui est impossible de répondre à

12 cette question.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Est-ce que, dans les environs de cet autocar ou sur le pont, il y avait

16 une autre cible qui aurait pu faire l'objet de ces tirs ?

17 R. Non. Je connais très bien cette région, et une demi-heure à peine après

18 l'événement, j'étais sur les lieux.

19 Q. Est-ce qu'à proximité, il y a quelque installation que ce soit, une

20 caserne militaire, un centre, n'importe quoi, à proximité du pont où le car

21 a été touché ?

22 R. Non. Il y a le village de Luzani, avec quelques petites maisonnettes

23 avec un rez-de-chaussée seulement.

24 Q. Rien d'autre à proximité ?

25 R. Absolument rien.

Page 36649

1 Q. Merci, Docteur Andric. Dites-moi brièvement maintenant si des

2 représentants étrangers, pendant l'agression de l'OTAN, se sont déplacés

3 vers le Kosovo et Metohija ?

4 R. Oui. Je me souviens que, vers la mi-mai, la deuxième moitié du mois de

5 mai, il y avait, au Kosovo, le chef du CICR pour la Yougoslavie, M. Dominik

6 Diffours.

7 Q. Fort bien. Je vous demande maintenant de vous penchez sur

8 l'intercalaire 16. Ensuite, je vous demanderai quelles sont les localités

9 qu'ils ont voulu visiter au Kosovo et Metohija, et je vous demanderai aussi

10 de nous dire ce qu'ils ont vu sur le terrain même.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande de nous faire passer le 5.16.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 "L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Le Pr Vukasin Andric et le président de la commission chargée des

15 Questions humanitaires, Veljko Odalovic, se sont entretenus aujourd'hui

16 avec le chef du CICR pour la RFY, Dominique Diffours. Dans ces

17 conversations, il a été souligné que, dans ces moments difficiles pour la

18 République fédérale de Yougoslavie, moment où le pays et le peuple entier

19 sont exposés à des bombardements jour et nuit, l'aide des aides

20 humanitaires est indispensable. A cet effet, il s'agissait de se pencher

21 sur la possibilité de réactiver le fonctionnement du sous comité de la

22 Croix Rouge à Pristina, qui est censée couvrir le secteur de Kosovo et

23 Metohija. On a souligné que l'aide des organisations humanitaires, depuis

24 le premier jour de l'agression de l'OTAN, est apportée à toutes les

25 personnes, indépendamment de l'appartenance ethnique, religieuse, ou

Page 36650

1 raciale. Le conseil exécutif temporaire a précisé que la Croix Rouge a

2 réagi en temps utile pour apporter l'aide indispensable à la population

3 civile menacée par l'agression de l'OTAN. On a dit que les organisations

4 internationales humanitaires ont quitté cette région, mais ce qui est

5 encourageant, c'est que le CICR est revenu au Kosovo et Metohija. Pendant

6 deux mois de bombardements incessants, il est resté des séquelles graves à

7 l'égard de la population civile, parce que bon nombre d'installations se

8 sont trouvées détruites et bon nombre de personnes ont été déplacées. On a

9 dit que la coopération avec le CICR, et la Croix Rouge du Kosovo et

10 Metohija, et des instances de l'Etat, viseront à aider la population en

11 péril."

12 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Continuez avec le clip suivant.

14 [Diffusion de cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "Svend Robinson, membre de la Nouvelle démocratie au parlement

17 canadien, disposant de 21 députés au sein de ce parlement, a visité

18 aujourd'hui le Kosovo et Metohija. A l'occasion de cette visite, Svend

19 Robinson a dit qu'il est venu en République fédérale de Yougoslavie pour

20 prendre connaissance de la situation, des séquelles des bombardements de

21 l'OTAN et des positions du gouvernement yougoslave pour une solution

22 pacifique et politique à la crise sur le territoire du Kosovo et Metohija.

23 Le député du parlement canadien a visité le pont de Luzani, endroit où

24 l'agresseur de l'OTAN a tué quelque 50 civils innocents qui se déplaçaient

25 par l'autocar de Nis Express en direction de Pristina. Il a visité la

Page 36651

1 maison de la famille Jankovic où l'agresseur de l'OTAN a tué deux membres

2 de la famille, et la maison de la famille Dinic où la petite Dragana Dinic,

3 âgée de quatre ans, a été tuée. Svend Robinson a vu qu'il s'agissait d'un

4 recours à des bombes par fragmentation et il a vu qu'il s'agissait

5 d'installations civiles uniquement, sans présence aucune d'installations

6 militaires ni de forces de la police.

7 "Au centre hospitalier de Pristina, le doyen de l'hôpital, le

8 Dr Rade Grbic, directeur du centre, a présenté à M. Robinson les mesures

9 déployées pour aider toutes les personnes qui ont pâti des attaques de

10 l'OTAN. Svend Robinson a indiqué qu'il est arrivé dans notre pays pour se

11 rendre compte personnellement des séquelles du bombardement de l'OTAN."

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les

13 bombardements de l'OTAN sont pertinents, mais sous un angle particulier et

14 précis. Les bombardements de l'OTAN, en tant que tel, ne font pas partie de

15 ce procès à mon avis. La pertinence se situe à deux niveaux : ces

16 bombardements sont pertinents si vous affirmez qu'à la suite de ces

17 bombardements de l'OTAN les chefs d'accusation retenus contre vous, et qui

18 ont entraîné la fuite des Albanais de chez eux, fuite qui est attribuée

19 dans l'acte d'accusation à des activités menées par des Serbes, seraient en

20 fait le résultat des bombardements. Là c'est un aspect pertinent.

21 L'autre aspect s'agissant de la pertinence, c'est celui-ci : si vous dites

22 que certains des chefs d'accusation, retenus dans l'acte d'accusation

23 concernent des actes attribués aux Serbes, alors qu'il s'agissait d'une

24 réponse aux bombardements. Je crois comprendre que c'est là une partie de

25 la thèse que vous défendez. Vous dites que l'OTAN était en collusion avec

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1 l'UCK. Si vous dites que certaines des activités, qu'on veut attribuer aux

2 Serbes étaient en fait des actes de défense, une réponse aux bombardements

3 de l'OTAN, à ce moment-là, c'est manifeste, c'est une question pertinente.

4 Mais en tant que tel, les bombardements de l'OTAN ne font pas partie du

5 procès. On n'accuse pas. On n'a pas mis l'OTAN en accusation ici. Il y a

6 deux voies principales est la question de la légitime défense, et l'autre

7 concerne les chefs d'accusation portés contre vous en ce qui concerne les

8 réfugiés.

9 Je vous ai autorisé à présenter ces éléments de preuve concernant les

10 bombardements de l'OTAN, même si ce n'est pas l'OTAN, même si ce n'est pas

11 un rapport direct avec les questions qui se posent dans ce procès, parce

12 que tout se tient, tout est lié. C'est clair. Mais je vous mets en garde.

13 Vous ne serez pas autorisé à poursuivre, à continuer de présenter des

14 éléments de preuve concernant les bombardements de l'OTAN à moins que ce ne

15 soit précis et concret. Je vous ai montré deux façons d'assurer leur

16 pertinence car nous n'avons pas de temps à perdre dans ce procès.

17 Mais poursuivez.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez. Continuez. Je ne veux pas

20 ici de longues interventions de votre part.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux bien. Je ne vais pas vous faire de

22 commentaires prolongés, mais ce qu'on montrera -- ce qui a été montré

23 indique quelle est la relation de cause à effet entre les bombardements et

24 la fuite de ces gens du Kosovo. On vous a présenté là un fait, à savoir que

25 100 000 Serbes avaient également fui le Kosovo. Si les Serbes ont chassé

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1 les Albanais, pourquoi chasseraient-ils les Serbes ?

2 En pourcentage, il y a eu plus de Serbes à avoir fui le Kosovo que

3 d'autres. Tous ont fui les Turques, les Serbes, les Rom, et les autres.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci. Poursuivez.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Andric, nous avons vu qu'un député du Canada a photographié

7 une bombe à fragmentation qui avait été jeté là. Vous avez sur place des

8 bombes à fragmentation qui ont été jetées sur le Kosovo et Metohija, et pas

9 seulement là-bas. On sait très bien combien on n'en a jeté au centre de la

10 ville de Nis, devant le centre hospitalier de Nis, et ainsi de suite. Par

11 conséquent, y a-t-il eu, ou peut-on constater, avez-vous pu commenter,

12 vous-même, auprès de ces représentants étrangers s'il y avait des doutes ou

13 pas au niveau du fait que ces représentants étrangers avaient connaissance

14 de l'utilisation de ces bombes à fragmentation ?

15 R. Ils ne le savaient pas, ils n'arrivaient pas à y croire.

16 M. Robinson a demandé à aller dans ce village de Slaro Gatko [phon] où ce

17 couple et cette petite fille de quatre ans ont été tués. Il s'est rendu

18 compte du fait que dans la nuit, entre le 11 et le 12 mai 1999, le village

19 en question a été ciblé moyennant usage de bombes à fragmentation. Il a

20 pris en photo une bombe à fragmentation.

21 Q. Qu'ont-ils visité ? Que voulaient-ils voir ?

22 R. Ils voulaient visiter les villages. Ils voulaient voir ce qui se

23 passait dans les villages, comment les gens vivaient là-bas. Ils ont visité

24 plusieurs villages dans la région de Podujevo et ils se sont rendus compte

25 du fait que les gens vivaient normalement chez eux, et qu'ils vaquaient à

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1 leurs occupations quotidiennes.

2 Ils ont voulu visiter le centre clinique et hospitalier, mais devant ce

3 centre, M. Robinson a demandé à voir, je cite : "Les victimes civiles de la

4 police et de l'armée serbe." Quand je lui ai expliqué qu'il pouvait entrer

5 dans quelque département que ce soit de ce centre hospitalier et qu'il

6 pouvait visiter n'importe quelle clinique et qu'il ne trouverait pas de

7 victimes de ce genre, il a refusé d'effectuer la visite.

8 En sus, il a visité, on le voit à la fin, il a visité le cimetière

9 orthodoxe serbe de Pristina qui a également été touché par deux projectiles

10 de l'OTAN, et où on a saccagé quelques 50 tombes.

11 Q. Vous avez reçu, vers la mi-mai et peut-être allez-vous nous dire la

12 date exacte, un représentant, un émissaire du secrétaire général des

13 Nations Unies, M. Sergio De Mello ?

14 R. Oui.

15 Q. Il se trouvait être le chef de cette Mission inter-agence des Nations

16 Unies chargé des Questions humanitaires. Vous souvenez-vous de ce qu'il

17 voulait voir ? Où les avez-vous emmenés ? Qui a-t-il de caractéristiques au

18 sujet de cette visite de représentants des Nations Unies, M. Sergio De

19 Mello ?

20 R. M. De Mello avec son équipe a visité littéralement le territoire entier

21 du Kosovo et Metohija. Je l'ai accueilli là-bas avec mes collaborateurs et

22 il a tout de suite demandé à visiter les installations détruites de

23 Gnjilane, il s'agissait d'installations civiles industrielles, ensuite il y

24 avait le bâtiment de la fédération automobile et motocycliste, puis les

25 bâtiments administratifs de Kosmet Prevoz, une entreprise de transport

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1 ainsi que leurs ateliers d'entretien, puis on est allé à Pristina.

2 Le lendemain, il a visité le secteur des municipalités de Kacanik et

3 Urosevac. Cela s'est passé le 21 mai 1999. Je l'ai reçu le 12 mai.

4 Le 22 mai, je suis allé personnellement avec M. De Mello qui a visité

5 toute la région de Podujevo. Il s'est rendu compte du fait que la

6 population était tout à fait à l'abri, que les gens vivaient chez eux. On

7 est allé ensuite à Prizren et de Prizren à Djakovica, Decani, Pec. C'était

8 un dimanche, je m'en souviens très bien. L'après-midi, M. De Mello a quitté

9 le territoire du Kosovo et Metohija pour se rendre au Monténégro.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] A l'intercalaire 5.18, nous avons une séquence

11 vidéo qui montre les images de la visite de M. De Mello, le témoin vient de

12 décrire ce qui s'est passé à ce moment-là, je crois que cela suffit. Mais

13 si M. Nice insiste pour que cette séquence soit diffusée, cela ne me pose

14 aucun problème. Intercalaire 5.18.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Non. Si vous n'insistez pas

16 pour que la séquence soit diffusée, nous n'avons pas besoin de regarder ces

17 images. Veuillez poursuivre.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. En fait je demandais s'il fallait que les

19 images soient diffusées pour que cette séquence soit versée au dossier. Si

20 c'est nécessaire, alors que les images soient diffusées.

21 M. KAY : [interprétation] Je me souviens qu'un problème s'est posé pendant

22 la présentation des moyens de preuve de l'Accusation au sujet du deuxième

23 témoin, je crois, M. Spargo, qui avait un certain nombre de séquences

24 vidéos à montrer qui au total faisaient 3 heures 40, si je me souviens

25 bien, et je pense que la Chambre à cette occasion a décidé qu'il pouvait

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1 être bon de diffuser ces vidéos en dehors des heures d'audience afin de

2 gagner du temps. Peut-être serait-ce une solution acceptable dans le cas

3 présent où nous n'avons passé pas de temps à regarder des images vidéo.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Il existe un précédent.

5 M. NICE : [interprétation] C'est probablement la première fois ou peut-

6 être, sans doute, la première fois que nous voyons Andjelkovic, peut-être

7 pourrait-on regarder ces images si c'est possible ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que nous devons regarder

9 l'intégralité de la séquence ?

10 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas s'il est possible de n'en voir

11 qu'un extrait.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On ne peut pas arrêter la diffusion.

13 M. NICE : [interprétation] La séquence dure trois minutes.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle dure trois minutes.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Que les images soient

16 diffusées.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas trop longue.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord. Trois minutes.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Même moins de trois de minutes.

20 [Diffusion de cassette vidéo]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Le sous-secrétaire à l'agence des Nations Unies chargé des Missions

23 humanitaires, M. Sergio De Mello, et ses associés, qui se trouvent au

24 Kosovo et Metohija, ont rencontré des membres du conseil exécutif

25 intérimaire, le professeur Vukasin Andric et Guljbehar Sabovic ainsi que le

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1 chef du district de Kosovo-Morava, Predrag Kovacevic. A cet endroit et à ce

2 moment-là, le chef de district a informé les personnes présentes des

3 conséquences du bombardement d'hier par l'OTAN de Gnjilane. Il les a

4 informés que des garages, des ateliers le restaurant de l'usine ont été

5 détruits au cours du bombardement d'hier dans le complexe agricole Mladost.

6 Les trois femmes qui y travaillaient ont été tuées. L'entreprise Binacka

7 Morava qui se trouve dans le même complexe a aussi été frappée et deux

8 travailleurs y ont été tués. L'entreprise Kosmet Prevoz a été pilonnée par

9 quatre projectiles hier. Le club automobile qui a commencé à travailler

10 l'année dernière a été totalement détruit. Le réseau d'adduction d'eau a

11 été endommagé au cours de bombardements de l'OTAN et les habitants de

12 Gnjilane sont restés sans eau pendant 15 jours au total. Les dégâts

13 produits à Gnjilane sont énormes et ne concernent que des bâtiments civils.

14 Depuis le début du bombardement de l'OTAN outre les victimes déjà

15 mentionnées plus de 60 civils ont été blessés, 15 personnes ont été

16 blessées au cours de la seule attaque d'hier."

17 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais besoin de vérifier un point, Monsieur

20 Robinson. C'est probablement une omission de ma part, mais je ne suis pas

21 sûr si vous avez admis au dossier l'intercalaire 5.12 qui décrivait l'aide

22 distribuer par le biais du conseil exécutif.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyons --

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Merci.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Encore quelques petites questions, Docteur Andric. Est-ce que vous êtes

2 resté au Kosovo et Metohija après la guerre ?

3 R. Oui.

4 Q. Jusqu'à quelle date ?

5 R. Jusqu'au 25 juin 1999.

6 Q. Dites-nous brièvement, quelle était la situation du point de vue de la

7 sécurité pour les Serbes à Pristina après l'arrivée de KFOR ? Vous étiez à

8 ce moment-là Pristina, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. La KFOR vous a-t-elle protégé, et si oui, de quelle façon ?

11 R. Après l'arrivée des forces de la KFOR sur le territoire du Kosovo et

12 Metohija et avant son arrivée, nous espérions que celle-ci pourrait

13 protéger pas seulement les Serbes mais également tous ceux qui n'étaient

14 pas d'appartenance ethnique albanaise. Des persécutions sans précédent de

15 la population non albanaise, et notamment des Serbes, ont commencé. Des

16 intrusions dans les appartements, des pillages, des tabassages, des

17 meurtres, des enlèvements, une terrible chasse à l'homme pour tout dire a

18 commencé.

19 Q. Combien de temps avez-vous continué au centre médical de Pristina et

20 pourquoi avez-vous cessé un certain jour d'y travailler ?

21 R. J'ai cessé d'y travailler le 25 juin 1999, parce que les conditions

22 étaient véritablement devenues impossibles. Le 20 juin 1999, déjà un

23 bataillon de la KFOR est arrivé dans la cour du centre médical, et nous en

24 sommes réjouis parce que nous pensions que le bâtiment serait protégé, et

25 que nous qui travaillions dans ce bâtiment serions protégés également.

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1 Mais dès le 21 juin 1999, des professeurs et médecins albanais qui en 1991

2 avaient quitté leur travail sont revenus et ont cherché à entrer dans la

3 faculté et dans le centre médical. Le 22, ils sont entrés de force aussi

4 bien dans la faculté que dans le centre médical, mais ils n'étaient pas

5 seuls. Ils étaient accompagnés de certaines personnes que je voyais pour la

6 première fois de ma vie, qui avaient un visage masqué, et par la suite,

7 j'ai appris qu'il s'agissait de membres de ce qu'il était convenu d'appeler

8 l'UCK qui étaient vêtus en civil pour se faire passer pour des civils.

9 Compte tenu des conditions qui régnaient à l'université et au centre

10 médical, nous avons néanmoins continué à y travailler.

11 Mais le 23 juin, le professeur Lekovic de la faculté d'Economie ainsi que

12 deux de ses collaborateurs ont été tués, nous ne pouvions même plus les

13 reconnaître tellement leur corps était démantelé. Un professeur célèbre de

14 l'université, Andrija Tomanovic, a été tué quelques jours plus tard. Il

15 était directeur du Département de Chirurgie et il avait opéré un grand

16 nombre de personnes avec le plus grand succès, parmi ces personnes des

17 Albanais.Nous ne savons rien de lui depuis ce jour.

18 Nous avons essayé néanmoins de continuer à travailler dans ces conditions.

19 Tout le monde était menacé. Tout le monde recevait des menaces de mort, et

20 nous étions sûrs qu'ils allaient mettre en application leurs menaces et

21 qu'ils iraient jusqu'à nous tuer.

22 Nous avons réussi à survivre jusqu'au vendredi de cette fin du mois de

23 juin, et ce vendredi-là nous avons quitté l'institut.

24 Q. Vous avez dit que votre belle-mère avait été tuée au cours des

25 bombardements de l'OTAN. Est-ce qu'il y avait d'autres membres de votre

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1 famille qui ont été tué au cours de l'agression de l'OTAN ?

2 R. Oui. Le 22 juin, le frère de mon épouse a été tué. Il était en route

3 pour se rendre dans l'appartement de son frère cadet qui avait été saisi

4 par les membres de ce qu'il est convenu d'appeler l'UCK. Il est arrivé à

5 cet endroit avec son épouse et son enfant. C'était dans la soirée, et nous

6 avons trouvé, plus tard, sur place un message écrit, qui interprété en

7 anglais et en français, signifie : "Ceci est un appartement de l'UCK.

8 Interdit d'entrer. Miné."

9 Il a voulu remettre ce message aux forces de la KFOR, mais à une vingtaine

10 de mètres de l'appartement, il a été tué.

11 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de certains de vos collègues,

12 professeurs ou médecins qui auraient été tués, ou enlevés après l'arrivée

13 des forces internationales sur le territoire du Kosovo et Metohija ?

14 R. J'ai déjà évoqué le professeur Andrija Tomanovic ainsi que le Pr

15 Lekovic de la faculté d'Economie.

16 Mais le Pr Dragoslav Basic, professeur à l'université d'urbanisme de

17 Pristina, a été tué également le 28 novembre 1999 et, le 4 août, un

18 pédiatre très connu, Dr Slate Grigurjevic [phon], a été tué également. Le

19 Dr Jusip Vasic, pour sa part a été tué le 26 février 2000 dans le centre de

20 Gnjilane, si je ne m'abuse. C'était un gynécologue très connu.

21 Q. Pouvez-vous nous dire quand et comment vous avez quitté Pristina et où

22 vous êtes allé ?

23 R. J'ai quitté Pristina le 25 juin 1999 dans l'après-midi, pour me rendre

24 sous escorte de la Croix Rouge internationale en Serbie centrale. C'était

25 la seule solution car en restant à Pristina j'étais menacé de mort.

Page 36661

1 Q. Où résidez-vous depuis et quelle est votre profession ?

2 R. J'habite à Kosovska Mitrovica, et je suis professeur à l'université

3 détachée de Pristina à l'université de Kosovska Mitrovica pour une période

4 temporaire. Malheureusement, c'est la seule solution et c'est la seule

5 université dans cette Europe que l'on appelle l'Europe libre quand on est

6 immigré. Outre cela, je travaille également à l'hôpital de Kosovska

7 Mitrovica en chirurgie, c'est le seul hôpital où les Serbes du Kosovo et

8 Metohija peuvent être soignés.

9 Q. Docteur Andric, j'ai encore une question à vous poser. Vous avez vécu à

10 Pristina pendant longtemps. Est-ce que vous connaissez, ne serait-ce qu'une

11 personne, voisin, collègue, ou autre qui comme vous n'a pas subi le

12 nettoyage ethnique, alors qu'il était habitant de Pristina, et ce sous

13 l'égide des forces internationales ? Est-ce que vous connaissez un seul cas

14 de ce genre ?

15 R. Jusqu'au mois de mars de l'année dernière je connaissais quelques cas

16 de ce genre des personnes qui ont continué à vivre à Pristina dans ces

17 conditions extrêmement difficiles, des conditions indignes comparables à

18 celles d'un camp de concentration. C'est dans ces conditions que ces

19 personnes vivaient à Pristina.

20 Après le programme de l'année dernière, le nombre de ces personnes a

21 considérablement diminué. Avant cela, c'étaient des gens qui vivaient dans

22 un bâtiment et ils étaient tous ensemble dans un seul bâtiment que l'on

23 appelait : "Le bâtiment du programme des Nations Unies," et, aujourd'hui,

24 c'est la seule ville ouverte aux Serbes de Pristina et Kosovska Mitrovica,

25 qui se trouvent au nord du Kosovo et Metohija.

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1 Q. Je n'ai pas d'autres questions, je vous remercie.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai terminé, des questions supplémentaires.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic, pour

4 l'effort que vous avez fait pour utiliser votre temps de la façon la plus

5 économique possible. Nous attendons la même chose du Procureur.

6 M. NICE : [interprétation] Je n'en aurai pas terminé aujourd'hui. Je ne

7 pourrais pas terminer aujourd'hui. Le témoin devra revenir lundi. Peut-être

8 c'est le point de faire la pause, je ne sais pas, mais j'aimerais tout de

9 même présenter quelques observations liminaires. Bien sûr, je n'ai

10 l'intention d'en utiliser que deux tiers du temps de l'interrogatoire

11 principal. Je souhaite disposer d'un temps plus important compte tenu --

12 mais la réalité de l'administration du temps échappe à mon contrôle.

13 Avec un témoin tel que celui-ci et compte du fait qu'on l'a autorisé,

14 je m'en plains pas, on l'a autorisé à présenter une déposition très

15 générale sur un certain nombre de paragraphes de l'acte d'accusation. Il ne

16 m'est pas possible de lui contre-interroger de façon complète et je ne

17 tenterai même pas de le faire. Je choisirai un certain de sujets dont je

18 pense qu'ils seront particulièrement utiles pour la Chambre.

19 Toujours dans le cadre des observations liminaires susceptibles

20 d'expliquer un certain raccourcissement de ce que nous considèrerions comme

21 un contre-interrogatoire complet de ce témoin en d'autres circonstances, je

22 reviens sur la question de l'empoisonnement et j'aimerais poser une

23 question à ce sujet. Cette question n'a jamais été posée par le Procureur.

24 Elle a été posée au cours du contre-interrogatoire d'un témoin entendu, il

25 y a déjà quelques temps par l'accusé et, ensuite, j'ai position, je pense,

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1 une seule question dans ce domaine à un témoin. Mais il me semble que, sur

2 le plan matériel, c'est une question qui n'aurait pas du être évoquée.

3 S'agissant de la situation des médecins, paragraphe 67, ou peut-être

4 87, de l'acte d'Accusation, cela peut entrer dans le cadre des éléments de

5 contexte. Mais, pour autant que je le sache, aucun élément de preuve n'a

6 été directement lié aux actes de discrimination à l'encontre des médecins,

7 simplement, faute de temps. L'accusé a choisi de ne pas analyser ce point

8 qui a été évoqué à la fin des éléments de preuve de l'Accusation. Il a

9 ouvert la voie à des questions plus détaillée sur ce point. Je vais dans

10 ces conditions revenir sur ce sujet de façon plus approfondie.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis d'accord avec ce que

12 vous avez dit au sujet des médecins. Aucune allégation n'a été retenue

13 contre les médecins pour acte de discrimination. Je ne pas sûr que je sois

14 d'accord avec vous quant à la façon dont vous appréciez les éléments de

15 preuve liés à leur cloisonnement. Il est possible que l'accusé considère ce

16 comportement comme représentatif du comportement des Albanais.

17 M. NICE : [interprétation] Ceci est certain. Il l'a dit. Ce n'est pas

18 une allégation venant de nous.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet.

20 M. KAY : [interprétation] Avant de passer à autres choses, pouvons-nous

21 demander le versement au dossier de l'intercalaire 5.18 ainsi que des

22 intercalaire 5.16 et 5.17 ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci.

24 Veuillez procéder, Monsieur Nice.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pause est à midi et quart.

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1 M. NICE : [interprétation] Midi et quart. J'avais totalement perdu la

2 notion du temps.

3 Contre-interrogatoire par M. Nice:

4 Q. [interprétation] Docteur Andric, quelques détails complémentaires à

5 votre sujet, je vous prie. Vous travaillez aujourd'hui au centre

6 hospitalier de Belgrade, dans son annexe de Mitrovica, n'est-ce pas ?

7 R. Non, Monsieur Nice, c'est inexact. Je travaille au centre hospitalier

8 de Pristina qui a été réinstallé temporairement dans le nord du Kosovo et

9 Metohija à Kosovska Mitrovica. Ce n'est pas un centre hospitalier de

10 Belgrade. C'est un hôpital de Pristina.

11 Q. Est-ce que vous connaissez les médecins de l'hôpital de Pristina qui

12 travaillent aujourd'hui ?

13 R. Très probablement. La plupart d'entre eux me connaissent. Je

14 connaîtrais que ceux avec qui j'ai travaillé. Vous parlez des médecins

15 albanais ?

16 Q. Oui.

17 R. Je suppose qu'il me connaisse. Je ne peux pas imaginer qu'il m'ait

18 oublié si vite.

19 Q. Voyez-vous Docteur Andric, nous avions avant votre déposition un

20 certain nombre de renseignements. Je vais m'expliquer sur ce point : Que

21 vous aviez déposé au sujet de la persécution subie par les Albanais et des

22 expulsions qu'ils ont subi ainsi que des efforts déployés par la

23 Yougoslavie à la Serbie pour empêcher toute propagande les incitant à

24 partir au sujet des conditions en vigueur avant le conflit. Au sujet de la

25 connaissance personnelle que vous aviez d'un certain nombre de faits et

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1 d'actions entreprises par les parties en présence, notamment, par les

2 militaires, la police et d'autres intervenants dans les opérations armées,

3 on nous a dit que vous étiez membre du conseil exécutif provisoire, mais,

4 c'est tout ce que nous avons; vous me comprenez ?

5 R. Oui, je comprends. J'étais membre du conseil exécutif provisoire.

6 Q. Oui. Quand nous avons reçu ce petit dossier de pièce à conviction, il y

7 a juste une semaine si je ne m'abuse. Oui, c'est cela. Nous avons du

8 déterminer ce que vous alliez nous dire dans les éléments de preuve émanant

9 de vous. J'aimerais explorer cette question du conseil exécutif provisoire

10 un peu plus en détails si le temps le permet. Même beaucoup plus en

11 détails.

12 M. NICE : [interprétation] L'accusé semble avoir posé une question en lui

13 demandant de répondre à une question particulière.

14 L'INTERPRÈTE : L'accusé semble être en train de parler au témoin ou est-ce

15 qu'il lui demande de répondre à une question ou de fournir volontairement

16 une réponse ? Peut-être, pourrait-on l'empêcher de le faire ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, Monsieur Robinson, je m'adressais à

19 l'officier de liaison parce que je n'ai pas la date sur les yeux. Je

20 m'apprêtais à contester l'affirmation selon laquelle le dossier de pièces à

21 conviction a été remis à M. Nice, il y a juste une semaine. Ce dossier

22 comportant un certain nombre d'intercalaire a été communiqué il y a plus

23 d'une semaine.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous vérifierons. Veuillez procéder.

25 M. NICE : [interprétation] Nous l'avons reçu le 17 février. Quelle est la

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1 date aujourd'hui. Cela fait juste une semaine. Il y a une semaine; c'est

2 exact.

3 Q. Docteur Andric, l'historique du conseil exécutif temporaire est le

4 suivant : "Suite à la modification de la situation constitutionnelle du

5 Kosovo à la fin des années 80. Nous reviendrons sur ce que vous avez dit à

6 ce sujet, le cas échéant. Il n'y a pas eu d'élections pendant de nombreuses

7 années, n'est-ce pas ?

8 R. En effet, il n'y a pas eu d'élections.

9 Q. Le Kosovo a été administré directement par Belgrade ?

10 R. Monsieur Nice, il y a eu des élections, mais à ces élections, il y a

11 une partie qui n'a pas voté, or, elle avait la possibilité de voter.

12 C'était son droit démocratique. Cette partie n'a tout simplement pas voulu

13 de ces élections.

14 Q. Des élections ont eu lieu et un certain de personnes ont été élues à

15 certains postes du gouvernement ou n'y a-t-il pas eu d'élections ?

16 R. Il y a eu des élections à partir du début du système pluripartite en

17 Serbie mais, les Albanais avant cette date et, après cette date, ont ignoré

18 l'existence de ces élections et ont refusé d'aller voter lorsqu'il y avait

19 élections, tout le monde, sauf les Albanais.

20 Q. En 1998, il a été décidé et en dernière analyse c'était la décision de

21 l'accusé qui se trouve ici, n'est-ce pas, il a été décidé de créer ce

22 conseil exécutif temporaire, qui a été créé officiellement par l'assemblée

23 de Serbie.

24 R. Vous n'avez pas raison, Monsieur Nice. Le conseil exécutif temporaire

25 ou provisoire a été créé le 28 septembre 1998, lors de la tenue de la

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1 deuxième séance extraordinaire de l'assemblée de la République, sur

2 proposition du gouvernement de Serbie, et non de l'accusé.

3 Q. Une fois qu'elle a été créée sous la présidence de

4 M. Andjelkovic, vous étiez membre de ce conseil exécutif, il avait à

5 remplir toute une série de fonctions, un certain nombre de fonctions vous

6 incombaient. Dans le cadre des fonctions humanitaires, vous avez participé

7 à la protection civile de la province, vous faisiez partie du comté chargé

8 de la protection civile de la province, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui, je faisais partie de trois comités provinciaux, et je présidais

11 l'un d'entre eux, à savoir celui qui était chargé des questions

12 humanitaires.

13 Q. Mais parlons du comité chargé de la protection civile au niveau de la

14 province, c'était un comité qui entre autres avait compétence et pouvoir

15 sur la défense civile, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, mais au sein de ce comité je crois pouvoir dire que nous ne sommes

17 jamais occupés de ce problème, en théorie c'était bien le cas, mais dans la

18 réalité cela ne l'a pas été, car nous ne sommes jamais occupés de ce

19 problème.

20 Q. Parce que cela vous aurait donné un certain pouvoir sur les personnes

21 qui exerçaient des fonctions militaires, ou qui exerçaient dans la pratique

22 des fonctions militaires ?

23 R. Monsieur Nice, je faisais partie du comité civil chargé de la

24 protection civile où il n'a jamais été question de quelque problème

25 militaire, et d'ailleurs le comité n'avait pas à se mêler de ce genre de

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1 question, qui relevait des compétences du secteur militaire, du département

2 militaire.

3 Q. Le département militaire du conseil exécutif provisoire ?

4 R. Non, il ne dépendait du conseil exécutif provisoire, il n'y avait pas

5 d'instance telle que celle-là au sein du conseil exécutif provisoire.

6 Q. Mais vous avez employé le terme de département militaire, de quel

7 département militaire parlez-vous exactement ?

8 R. Le département militaire qui relevait des compétences de l'armée, et

9 qui se chargeait du recrutement des hommes qui voulaient servir dans les

10 rangs de l'armée.

11 Q. Mais armée, département militaire, ce sont des expressions assez

12 différentes, n'est-ce pas, en apparence en tout cas. Qui représentait

13 l'armée au Kosovo, pendant votre mandat en tant que membre du conseil

14 exécutif provisoire ?

15 R. Vous demandez qui représentait au sein du conseil exécutif provisoire ?

16 Il n'y en avait pas. Je n'ai pas connaissance qu'il y ait eu une personne

17 chargée de ces fonctions au sein du conseil exécutif provisoire. Monsieur

18 Nice, le conseil exécutif provisoire s'occupait exclusivement de problème

19 civil, lié à la vie de tous les jours.

20 Q. Je vais m'exprimer différemment. Qui s'occupait des problèmes

21 militaires au Kosovo sous votre mandat au sein du conseil exécutif ? Qui

22 était le militaire responsable ?

23 R. Pour autant que, et à moins que je me trompe, il y avait à l'époque le

24 Corps d'armée de Pristina, et le commandant de ce corps si je ne m'abuse

25 était le général Pavkovic, mais je n'en suis pas sûr.

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1 Q. Le général Pavkovic, n'est-il membre d'une autre instance, du

2 commandement conjoint ?

3 R. Je ne sais pas de quel commandement conjoint vous êtes en train de

4 parler, Monsieur Nice.

5 Q. Même si vous avez été au Kosovo pendant la toute durée de la campagne

6 de bombardement, auquel l'armée a dû réagir, est-ce que vous êtes en train

7 de nous dire que vous ne connaissiez pas l'instance qui commandait l'armée,

8 peut-être que je me trompe pour ce qui est de l'appellation.

9 R. Partant de mes connaissances générales, ce que je sais dire, c'est

10 probablement que l'état-major de l'armée yougoslave, se trouvait à la tête

11 de cette armée. Je le suppose mais je ne suis pas expert en matière

12 militaire, moi.

13 Q. Arrêtons-nous un instant si vous le voulez bien. Vous étiez un

14 dirigeant politique, en fonction dans une instance qui était le visage

15 public du gouvernement, de l'administration au Kosovo. Le Kosovo fait face

16 à l'OTAN, l'armée a beaucoup de choses à faire, et vous n'êtes pas en

17 mesure de nous dire, quelle était l'instance, quel était le QG qui

18 dirigeait les activités de l'armée ? Vous n'êtes vraiment pas en mesure, de

19 nous aider sur ce point ?

20 R. Monsieur Nice, merci d'avoir une si haute opinion de

21 moi-même en ma qualité d'homme politique, je n'en saurais pas de votre

22 avis, mais peu importe. Ce que je vous affirme en toute responsabilité,

23 c'est que je ne savais pas, je ne sais pas, qui est-ce qui pouvait

24 commander l'armée, mis à part l'état-major de l'armée de Yougoslavie.

25 S'agissant maintenant de ce comité, de ce Conseil provincial provisoire, je

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1 vous affirme que nous n'avons jamais débattu de quelque question militaire

2 que ce soit, mis à part ce que nous avons eu comme QG de coordination des

3 activités des autorités civiles, et des autorités militaires. C'est le seul

4 contact que j'ai pu avoir pendant cette guerre avec les autorités

5 militaires. Si vous parlez de cette coordination là, cette coordination a

6 effectivement existé, et elle se déroulait au quotidien.

7 Q. Quels étaient les représentants militaires dans cette instance ?

8 R. Dans cette instance il y a avait deux colonels. Il y avait Milomir

9 Stefanovic me semble t-il colonel et le colonel Petkovic, si je ne me

10 trompe pas.

11 Q. Où se trouvaient les bureaux de votre conseil, dans quel bâtiment ?

12 R. Le conseil se trouvait dans le bâtiment des instances provinciales, à

13 savoir, l'assemblée, le conseil exécutif de la province, c'est dans la rue

14 principale de Pristina.

15 Q. Dans la rue principale dites-vous. Est-ce que dans ce même bâtiment il

16 y avait les bureaux d'autres instances ou organes ?

17 R. Dans le bâtiment du conseil exécutif de la province à l'époque, dans

18 une aile du bâtiment si mes souvenirs sont bons, il y avait deux ou trois

19 départements détachés des ministères du gouvernement de la République de

20 Serbie. Cela était tel pendant les dix dernières années au moment où les

21 Albanais ont renoncé à la participation, à la vie politique légale de

22 Kosovo-Metohija, c'est ainsi que, c'est depuis lorsqu'il n'en était ainsi.

23 Q. Je reviendrais sans doute à ce conseil plus tard. Mais je vous invite à

24 examiner avec moi certaines des pièces que vous avez présenté. Prenons, si

25 vous voulez bien, l'intercalaire 1.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, dans la traduction serbe de

4 ce que M. Nice a dit, on se sert du terme "conseil". Quand on dit

5 "conseil", le témoin ne sait pas du tout de quoi il s'agit. "Conseil", chez

6 nous, cela veut dire beaucoup de choses. Maintenant, si on parle du conseil

7 provincial provisoire, il faut qu'il dise l'appellation en entière parce

8 que "conseil" c'est aussi un débat, une réunion consultative, et beaucoup

9 de choses dans notre langue. Il faut qu'il dise "conseil provincial

10 provisoire," ou "conseil provisoire de [imperceptible]."

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de cette précision, Monsieur

12 Milosevic.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Intercalaire numéro 1. Nous y trouvons un exemple des documents qui

15 nous sont arrivés il y a une semaine, et que nous avons dû examiner, plutôt

16 d'où nous n'avons pas vraiment pu prendre connaissance. Vous êtes un homme

17 de science. Ce document que nous dit-il ? Première question, qui l'a

18 préparé, ce document, ce tableau ?

19 R. Ce document a été réalisé par les services compétents du secrétariat de

20 la province chargée de la santé.

21 Q. On ne précise pas par leurs noms les auteurs de ce document, mais

22 celui-ci nous dit-il quels sont les documents de base qui ont servi à la

23 rédaction de ce tableau, à la préparation de cette analyse.

24 R. Non.

25 Q. Mais il n'y a pas d'annexe indiquant les documents originaux, si nous

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1 voulions vérifier la teneur de ce tableau. Vous, personnellement, vous

2 n'avez pas vérifié ces chiffres-ci, en les comparant avec les documents

3 originaux, n'est-ce pas ?

4 R. Monsieur Nice, je n'ai aucune raison de ne pas faire confiance à mes

5 services. Si l'on allait ainsi, s'agissant de tous documents, il faudrait

6 que j'ai vérifié moi-même pour rédiger un document au final, mais cela est

7 tout simplement impossible.

8 Q. La méthode de travail, c'est important que ce soit en science ou en

9 technique. Et notamment, technique judiciaire. Vous comprendrez que si je

10 reçois une seule feuille de papier sans document à l'appui, sans

11 présentation de la nature de ce document, je ne peux que le rejeter.

12 Prenons l'intercalaire 2. Là aussi, c'est un feuillet, préparé je

13 suppose par votre personnel.

14 R. Exact.

15 Q. Vous, personnellement, vous n'avez pas vérifié les chiffres. Je ne

16 dispose pas d'annexe. Je ne sais pas sur quel document vous vous êtes

17 appuyé. C'est bien cela, n'est-ce pas ?

18 R. Je fais confiance à mes collaborateurs, et ce sur quoi vous insistez

19 est une chose tout à fait impossible parce que, si on fonctionnait ainsi,

20 je n'aurais aucun document en ma possession.

21 Il s'agit-là des documents de données qui sont recueillies partant des

22 documents ou de la documentation présente dans les établissements de santé

23 sur le territoire du Kosovo et Metohija. Je n'ai aucune raison d'en douter,

24 et cela est certainement et entièrement exact.

25 Q. Intercalaire 3. Peut-être pourrait-on placer un exemplaire de ce

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1 document sur le rétroprojecteur pour ceux qui suivent les débats.

2 Le titre au départ était celui-ci : "Liste par services des enseignants et

3 des assistants de la faculté de Médecine de Pristina d'origine albanaise

4 qui sont restés en fonction à l'hôpital de la ville de Pristina après --"

5 Oui, au départ, c'était 1999, mais vous avez dit qu'apparemment c'était une

6 erreur, et que c'était 1991.

7 R. Oui, c'était une erreur à l'occasion de la traduction.

8 Q. Qui a préparé cette liste ?

9 R. Cette liste a été préparée par les chefs, des chairs, de la faculté de

10 Médecine. Des professeurs, mes collègues à moi, bien sûr, en coopération

11 avec moi-même.

12 Q. Impossible de voir qui sont ces professeurs ou ces titulaires de

13 "chairs", mais on voit beaucoup de noms dans cette liste. Est-ce qu'on voit

14 dans ces noms les noms de ceux qui ont préparé cette liste, ou est-ce

15 qu'ils n'apparaissent pas ici dans ce document ?

16 R. Non.

17 Q. -- quelqu'un d'autre, ce sont d'autres personnes qui ont préparé la

18 liste ?

19 R. Non.

20 Q. On parle des personnes qui sont restées à Pristina, plus exactement à

21 l'hôpital de la ville. Et nous savons désormais --

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On parle de la faculté de Médecine.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont les personnes qui sont restées

24 travaillées au clinique, et aux instituts du centre hospitalier, et de la

25 faculté de Médecine à Pristina.

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1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. J'aimerais comprendre l'importance qu'il faut accorder à ce document,

3 car je souhaite comprendre la nature de votre déposition.

4 R. L'importance de ce document, Monsieur Nice, est la suivante. Il s'agit

5 de démontrer que ceux qui ont souhaité, et ceux qui ont répondu à leurs

6 obligations de travail, on peut continuer à travailler au clinique, et aux

7 hôpitaux de la faculté de Médecine. Personne ne les a obligé à quitter leur

8 travail, leur poste de travail. Ils ont été obligés par leurs propres

9 compatriotes, qui voulaient procéder à une épuration ethnique de la faculté

10 de Médecine, afin qu'il n'y ait plus d'Albanais, et faire une faculté de

11 Médecine, constituée rien que d'Albanais.

12 Q. Bien entendu, ici nous avons des vrais noms, des professeurs, même si

13 quelquefois on indique que ceux sont des assistants, même si ce sont des

14 assistants des médecins diplômés. Répondez d'abord à cette question-ci.

15 R. Oui. Il s'agit de médecins. Ils sont tous médecins, mais ils ont des

16 titres académiques qui varient de l'un à l'autre.

17 Q. Lorsque vous avez préparé votre déposition destinée à aider l'accusé,

18 vous saviez que vous alliez citer ces noms des personnes. Est-ce que vous

19 avez au préalable contacté ces personnes ?

20 R. Bien sûr que je ne les ai pas contacté. Je n'ai pas eu la possibilité

21 de les contacter.

22 Q. Pourquoi pas ?

23 R. Parce que, Monsieur Nice, sur le territoire de Kosovo et Metohija, je

24 ne peux arriver que jusqu'à la Mitrovica du nord. Au-delà de cela, je n'ose

25 pas placer le bout de mon pied.

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1 Q. Avez-vous leur écrit ?

2 R. Tout simplement, je ne sais plus où ces gens-là se trouvent. J'ai perdu

3 toute contacte depuis cinq ans, déjà.

4 Q. Il se peut qu'aucune de ces personnes ne se souvienne de vous. Mais

5 j'en arrive à ce que je veux dire. Etant donné que nous avons reçu ces noms

6 il y a une semaine, vous ne pouvez pas vous plaindre si nous avons essayé

7 d'en contacter le plus grand nombre possible pour vérifier ce que vous

8 affirmez. Vous ne pourriez pas vous plaindre si c'était le cas, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Bien sûr.

11 Q. Jusqu'à hier matin, nous avions cru comprendre parce que nous avions un

12 résumé vraiment très ténu de votre déposition future, c'est que la liste

13 était importante parce que c'était des médecins qui avaient conservé leurs

14 postes après 1999, ce qui est, bien sûr, une date importante. Si vous

15 prenez le service d'ophtalmologie, et si vous vous arrêtez au deuxième nom,

16 c'est le nom d'une femme, n'est-ce pas, qu'on y trouve ?

17 R. Oui.

18 Q. Nous l'avons vu il y a deux jours, et l'Accusation était en droit de

19 penser qu'on s'intéressait à ce qu'il lui fût arrivé vers la fin de cette

20 période. De toute façon, nous allons, si les Juges le permettent, diffuser

21 le début d'un extrait.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une petite intervention de ma part, Monsieur

23 Robinson.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, le témoin a dit très

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1 clairement que ce qui est indiqué comme année 1999, est une erreur de

2 frappe et qu'on devait voir là 1991, on devait y lire 1991. Il a rectifié

3 dès qu'il a vu le document. Il est tout à fait dénué de sens, prouvé qu'on

4 dit 1999. Il a dit dès le départ que c'est une erreur de frappe et qu'il

5 fallait y lire 1991. Mais il parle de gens qui sont restés --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Mais je ne

7 sais pas si c'est cela que veut faire M. Nice.

8 Poursuivez, Monsieur Nice.

9 M. NICE : [interprétation] Vous comprendrez, Messieurs les Juges, la

10 période de 1999 fait partie de toute la période consécutive à l'année 1991.

11 Nous nous croyions que c'était celle-là qui comptait.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais je crois que l'heure est venue

13 de faire la pause. Faisons la pause maintenant.

14 M. NICE : [interprétation] Oui, d'accord.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pause de 20 minutes.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.

19 M. NICE : [interprétation] Je vais demander que soit distribuée une

20 transcription d'un entretien qui s'est mené en anglais et en albanais. Il

21 faut un certain temps pour en diffuser la totalité. Mais vu j'ai peu de

22 temps, depuis que nous l'avons reçue, nous avons retenu certains extraits

23 dont nous allons diffuser l'intégralité. On les a indiqués dans le texte.

24 Si vous me le permettez, je vais poser des questions directes, avec votre

25 autorisation, et nous verrons ce que nous allons diffuser.

Page 36677

1 M. KAY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons aborder ceci sous l'angle

2 du droit car c'est là une proposition nouvelle qui nous est faite et qu'on

3 essaie d'introduire dans le procès. Si j'ai bien compris les intentions du

4 Procureur, il s'agit ici d'un entretien. C'est Mme Meshqyre Capuni-

5 Brestovci qui est interrogée. Ses propos ont été recueillis il y a quelques

6 jours, le 22 février, et on en demande la diffusion comme étant un moyen

7 dont le Procureur veut se servir dans son contre-interrogatoire. C'est là

8 une façon de présenter des éléments de preuve par le truchement de ce

9 témoin sous forme d'enregistrement vidéo. Je suppose, ou j'espère qu'on va

10 demander au présent témoin d'apporter son commentaire. En général, le

11 contre-interrogatoire se fait sous la forme de questions qui sont posées

12 par l'avocat qui présente une thèse et il peut y avoir réfutation.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un enregistrement vidéo dont

14 nous avons ici la transcription ?

15 M. KAY : [interprétation] Oui. Je pense qu'on va demander la diffusion de

16 ce témoin -- enfin, ce n'est pas un témoin, de cette dame qui a été

17 interrogée et qui n'a fait partie de la présentation des moyens de preuve

18 sous aucune façon quelle qu'elle soit. Le présent témoin va être prié de

19 commenter ce qu'il va voir. C'est comme si on avait une déclaration du

20 témoin qui serait présentée à ce témoin-ci, auquel on demandera un

21 commentaire.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous essayez de

23 réaliser ce faisant ?

24 M. NICE : [interprétation] Je suis abasourdi de voir que Me Kay s'en tient

25 à une façon conventionnelle de présenter des éléments de preuve. Il ne

Page 36678

1 faudrait pas qu'il reste dans son système national. Je réponds à votre

2 question, Monsieur le Président. N'oublions pas que ce dernier témoin a été

3 autorisé à présenter des déclarations innombrables de tierces personnes, ou

4 ouï-dire sur diverses façons : "Je sais que personne n'a été chassé par

5 personne d'autre que l'UCK." C'est une synthèse que je fais là. Des

6 déclarations sous forme d'enregistrement vidéo, de journalistes à la

7 télévision, des récits individuels. Ce que je me propose de faire,

8 s'agissant d'un sujet qui a été soulevé par l'accusé, pas par nous, ce qui

9 m'a été communiqué avec très peu de temps, c'est de présenter, en fait, à

10 ce témoin, un élément sur lequel il s'appuie directement.

11 Oui, je pourrais être ici, occupé à vous lire la totalité de ces

12 déclarations et lui demander si c'est bien la vérité. Mais qu'est-ce qui va

13 être plus utile pour ce Tribunal, que je fasse de la sorte ou que le

14 Tribunal voit le témoin en train de parler ?

15 Je vais vous dire directement, après cela, j'ai une autre

16 déclaration, écrite pour le moment, pour des raisons que je ne peux

17 maîtriser du fait de la façon dont la Défense s'est présentée, et que je

18 vais vous soumettre. Je vous en parlerai en temps utile. Mais, franchement,

19 de là à dire que ces déclarations n'ont aucune valeur et ne sauraient être

20 admises, ce serait appliquer des critères tout à fait différents à

21 l'Accusation qu'à la Défense.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne pouvez pas maintenant

23 élargir la portée des éléments que vous avez déjà présentés ? Je me demande

24 si c'est cela que vous voulez faire, ajouter d'autres éléments de preuve.

25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président --

Page 36679

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous voulez maintenant tester la

2 crédibilité du témoin ou le contredire.

3 M. NICE : [interprétation] En réponse à votre premier point, je n'en suis

4 pas tout à fait sûr. Si l'accusé décide de soulever une autre question, je

5 ne sais pas si ce sera le cas, mais qui relève du contexte pour le moment,

6 mais s'il soulève une question qui risque de devenir un des éléments

7 importants du procès et qu'il choisit de le faire, les éléments qu'il

8 présente peuvent toujours s'inscrire dans le cadre des éléments à charge.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez, bien sûr, contredire

10 tout ce qu'il dit, tout ce qu'il veut dire, pour tester et mettre à

11 l'épreuve la crédibilité du témoin sur tout point soulevé. Mais ceci mis à

12 part, vous ne pouvez pas maintenant ajouter des éléments de preuve à vous.

13 Je suis d'avis que vous avez le droit de soumettre au témoin quelque chose

14 qui aurait pour but de contredire l'élément de preuve apporté par le témoin

15 de l'accusé.

16 Que voulez-vous faire ?

17 M. NICE : [interprétation] J'ai demandé au témoin quelle était l'importance

18 qu'il fallait accorder à ces personnes dont il donne le nom dans la liste

19 de 1991 et qui va jusqu'en 1999, et il a répondu. Maintenant, il faudrait

20 savoir quelle serait la situation de ces personnes. Il n'a fait aucun

21 effort pour les contacter. Ici, nous enquêtons pour déterminer la vérité,

22 avec des preuves. Mais si la Chambre était invitée à tirer des conclusions

23 tout à fait générales à partir de ce témoin qui est tout à fait partial et

24 dont la crédibilité est en cause, ce serait quelque chose de tout à fait

25 erroné.

Page 36680

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce que je veux assurer c'est la

2 cohérence de la pratique que nous avons en matière de procédure. Nous

3 n'avons pas permis à l'accusé de formuler des commentaires sur des tierces

4 personnes par rapport à ce qu'a dit le témoin hier.

5 M. NICE : [interprétation] Je ne me souviens pas comme cela, de but en

6 blanc, de ce que vous voulez dire. Maintenant, je m'en souviens, si, si.

7 Vous avez eu un témoin qui a fait des commentaires au moment de la

8 présentation des moyens à charge. Le président, le Juge May, a dit, Appelez

9 le témoin à la barre. Mais cela revient à ce que je disais auparavant.

10 Lorsque vous avez la présentation des moyens à charge, lorsque la Défense

11 est connue, c'est une chose. Mais ici, ce n'est pas le cas. Ici, c'est tout

12 à fait différent, car les éléments en réfutation, on ne sait pas ce qu'ils

13 seront, car l'accusé présente des éléments tout à fait neufs. Je m'en suis

14 plaint, et je répète mes griefs. Parce que ceci est tout à fait en dehors

15 de la procédure qu'il faudrait suivre. Je suis censé me servir du 65 ter.

16 Ces résumés sont insuffisants, et il devient de plus en plus difficile pour

17 l'Accusation de faire ce qu'elle doit lorsqu'elle reçoit une avalanche de

18 documents sans préavis, documents qu'il faut aborder, et en très peu de

19 temps.

20 Ici, nous avons un exemple patent, le plus clair possible. Voici ce que ce

21 témoin dit ici dans sa déclaration enregistrée, pour que ce soit clair pour

22 le compte rendu d'audience.

23 Elle dit que, le 24 mars 1999, la situation était tendue. Les gens

24 avaient peur. Lorsqu'elle a essayé de se rendre au travail - elle habite un

25 peu à l'extérieur - elle a entendu le bruit d'une balle. Elle ne savait pas

Page 36681

1 ce qui se passait. On lui a dit de rentrer chez elle, ce qu'elle a fait.

2 Elle a avisé le directeur de l'hôpital de la nature du problème, qui a dit

3 : "Je vais vous donner un document qui va vous aider." Cette dame a utilisé

4 ce document, et le 31 mars, lorsqu'elle est revenue au travail, son

5 quartier était tout à fait encerclé de forces de police, et les policiers

6 ont dit aux habitants qu'ils devaient quitter leurs foyers.

7 Voilà les circonstances concernant le 24 mars. Prenez le deuxième

8 extrait. Cette dame est allée chez sa sœur. Elle ne voulait pas aggraver la

9 situation et a décidé de se rendre vers la frontière avec la Macédoine.

10 Elle a été dirigée vers Tetovo et vers Globotica, et ils ont passé sept

11 jours à la frontière. Cette frontière a été ouverte pendant très peu de

12 temps, et elle a été refermée, dans des conditions vraiment très

13 difficiles.

14 Troisième extrait, elle est rentrée chez elle. Elle y est restée dix

15 jours. Elle n'osait pas sortir parce qu'il y avait beaucoup d'effectifs de

16 police dans la zone. Elle a regardé par la fenêtre, et finalement elle a

17 décidé de sortir, croyant que le document dont elle disposait allait

18 assurer sa sécurité, ce document que lui avait donné le directeur de

19 l'hôpital. Elle est allée chez sa sœur, puis à l'hôpital, pour obtenir son

20 salaire, et on ne l'a pas autorisée à travailler à l'hôpital, ce qui veut

21 dire que, pour des circonstances qui lui échappaient totalement, et même si

22 elle avait l'avantage d'avoir un laissez-passer délivré par le directeur de

23 l'hôpital, on ne lui a pas donné la possibilité de travailler, pour des

24 raisons soi-disant techniques parce qu'elle avait été absente une semaine,

25 ou pour une autre raison.

Page 36682

1 Quatrième extrait : une question lui est posée. On lui demande si elle a

2 appris, par la suite, qu'il y avait des collègues albanais qui

3 travaillaient à l'hôpital de Pristina, avaient vécu quelque chose. Elle a

4 dit, Je ne sais pas. J'ai travaillé seulement une semaine à la fois. Je ne

5 savais pas. Mais après, j'ai appris à la frontière que des gens étaient

6 partis à Skopje et en Macédoine. En fait, deux de mes collègues, dit-elle,

7 qui étaient avec moi à la frontière. Oui, nous n'avons pas été là ensemble,

8 nous nous sommes rencontrés à la frontière.

9 Enfin, extrait 5 - il y a beaucoup d'autres choses entre les deux

10 extraits - on lui demande ceci : est-ce que vous êtes rentrée au travail ?

11 Réponse : Oui, aussitôt après l'entrée des forces de l'OTAN. Je ne me

12 souviens pas de la date.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] [hors micro] Qu'est-ce que ceci est

14 censé montrer ?

15 M. NICE : [interprétation] L'histoire --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mon micro n'était pas allumé.

17 Je vous demande ce que vous voulez ainsi prouver ?

18 M. NICE : [interprétation] Le postulat, c'est d'abord que ce document

19 n'était pas correct et qu'il n'avait pas été corrigé jusqu'à il y a deux

20 jours, et que l'accusé voulait présenter une situation où des médecins

21 albanais seraient restés jusqu'en mars 1999. Or, quelle est la réalité que

22 nous dépeint ce médecin, et c'était la seule personne qu'on a pu trouver

23 dans cette liste sur lequel le témoin s'est appuyé, et on voit que ce qu'il

24 lui est arrivé l'a empêchée de rentrer au travail. On lui a interdit de

25 travailler. C'est le directeur de l'hôpital qui lui a interdit de le faire.

Page 36683

1 C'est important.

2 Mais nous pourrons peut-être distribuer la déclaration Pallaska. Que s'est-

3 il passé ? Au moment où la correction a été apportée à l'intercalaire 3,

4 lorsqu'on a transformé la date de 1999 en 1991, j'ai donné les

5 instructions, et nous avons essayé de retrouver cette femme pour lui poser

6 une question concernant la période de 1991. Vu le peu de temps que nous

7 avions, nous n'avons pas réussi à la trouver. Nous avions espéré terminer

8 cette déposition aujourd'hui, mais nous avons trouvé un autre médecin. Il

9 ne se trouve pas dans la liste, mais peu importe. C'est un médecin qui

10 était présent depuis 1991 et avait continué de travailler. Nous avons,

11 grâce à ces deux médecins, des éléments d'insurgés, soulevés par l'accusé.

12 C'est lui qui a décider d'en parler, s'agissant de ce que ce médecin-ci a

13 vécu à partir de 1991.

14 Messieurs les Juges, je le répète, nous n'avions aucun détail. Je m'arrête

15 un instant parce qu'il est grand temps que j'en parle et je tiens à le dire

16 pour le dossier de l'audience et pour que vous compreniez bien notre

17 situation : lorsque l'accusé a interrogé ces témoins, il avait reçu, des

18 mois à l'avance, des éléments détaillés, il avait été avisé de la venue,

19 des semaines en avance, de la venue des témoins, mais il avait aussi un

20 résumé précis de la déposition des témoins à charge. Il avait reçu, comme,

21 nous, nous avons reçu, il y a une semaine, les pièces --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux plus vous entendre sur

23 cette question.

24 M. NICE : [interprétation] Fort bien.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons rendu notre décision. A

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1 mon avis, les rapports entre l'Accusation et la Défense ne sont pas des

2 rapports symétriques, mais bien asymétriques. L'Accusation a la charge de

3 la preuve, ce qui n'est pas le cas pour l'accusé. Il a des droits, des

4 droits que n'a pas l'Accusation.

5 M. NICE : [interprétation] Comme vous voulez, mais je dois faire

6 l'impossible pour répondre à ce que je reçois avec un effet de surprise.

7 Voyez la page 2 du document concernant ce témoin. Il dit qu'il exerçait

8 dans cet hôpital en 1989, un des médecins qui n'a pas été démis de ses

9 fonctions, mais il ne savait pas qu'il y a eu des médecins albanais qui ont

10 quitté l'hôpital de Pristina, à partir de 1989, pour s'établir dans des

11 cabinets privés. Il parle de son père qui, lui, est parti. Il dit ceci :

12 "Je ne connais pas de médecins qui auraient quitté leurs services à

13 l'hôpital de Pristina de 1989 à 1998 s'ils n'avaient pas été démis de leurs

14 fonctions par la direction de l'hôpital."

15 Au paragraphe suivant, il dit ceci, et ceci est tout à fait en

16 contradiction avec ce qu'a dit le témoin, j'y reviendrai. Il explique les

17 raisons du limogeage de certains médecins, peut-être parce qu'ils avaient

18 rempli certains formulaires en albanais plutôt qu'en serbe. Puis, d'autres

19 raisons sont avancées.

20 Par le suivant, il parle des sanctions imposées aux médecins albanais

21 qui parlaient à des patients albanais sans parler serbe. Il parle de ce

22 qu'ont vécu des médecins qui ont été révoqués fin 1989 [comme interprété].

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Maître Kay, au

24 moment du contre-interrogatoire par l'Accusation, pourquoi l'Accusation

25 n'aura t-elle pas le droit de soumettre à un témoin à décharge un document

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1 qui, en fonction de réponses qu'il est susceptible de recevoir de ce

2 témoin, pourrait contribuer à contredire les éléments de preuve présentés

3 par le truchement dudit témoin ou jeter le doute, dans une certaine mesure,

4 sur sa crédibilité ?

5 M. KAY : [interprétation] Le contre-interrogatoire, ce sont des documents

6 qu'utilisent l'Accusation dans son contre-interrogatoire. Ce ne sont pas

7 des éléments de preuve.

8 Commençons par les enregistrements vidéo. On a diffusé

9 l'enregistrement vidéo de cette dame. L'accusé n'a pas l'occasion de

10 contre-interroger le témoin qui parle dans cet enregistrement. On pose des

11 questions au témoin. On lui dit : "Qu'en pensez-vous ? Vous l'avez entendu

12 dire ceci ou cela."

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ceci intervient

14 pour déterminer la valeur probante ?

15 M. KAY : [interprétation] Non. Ce qui compte ici, c'est la déposition du

16 présent témoin dans ce prétoire. L'enregistrement vidéo, il est utilisé

17 comme moyen de poser des questions à un témoin à décharge. C'est une des

18 tactiques tout à fait familières que nous avons eues tout au long de la

19 présentation des moyens à décharge. Or, l'accusé n'a pas été autorisé à le

20 faire. On lui a dit : "Au moment de la présentation des moyens à charge,

21 vous aurez le temps de dire ceci, lorsque, vous, vous présenterez vos

22 moyens."

23 Maintenant, M. Nice aura aussi des moyens qu'il peut présenter en

24 réfutation. Il dit : "Je ne sais pas si je pourrai le faire."

25 Manifestement, ce n'est pas réaliste. Je pense, qu'il y a quelques jours,

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1 vous lui avez dit que ce n'était pas juste, qu'il n'aurait pas l'occasion

2 de présenter des moyens en réfutation." Si ceci sert parce qu'il ne va pas

3 avoir de moyens en réfutation, c'est quelque chose que nous rejetons

4 carrément.

5 Si on utilise cet enregistrement vidéo, c'est pour présenter des

6 éléments de preuve que l'accusé ne peut contredire, ne peut contre-

7 interroger. Ce n'est pas facile d'être avocat. Effectivement - je reprends

8 ce qu'a dit M. Nice un jour - ce n'est pas facile d'être avocat. Parfois,

9 il faut poser des questions. Il faut s'accommoder de ce qu'on a, et on

10 essaie de s'en tirer en respectant la procédure, ce qui permet aussi de

11 mettre à l'épreuve les éléments de preuve présentés; sinon, Messieurs les

12 Juges, vous êtes saisis de documents sous forme électronique utilisés pour

13 faire avancer la cause de l'Accusation et qui transforment les éléments à

14 décharge en éléments à charge. Ils devraient poser des questions. Ils

15 devraient contester, de cette façon, ce que dit ce témoin, et s'il y a

16 désaccord de la part de l'Accusation avec ce que dit le témoin,

17 l'Accusation doit appeler des témoins pour réfuter ce que dit ce témoin-ci.

18 C'est la procédure consacrée dans le règlement.

19 Les déclarations de témoins, comme il l'a déjà fait dans le contre-

20 interrogatoire d'autres témoins, il a des documents, il peut les soumettre

21 à ce témoin-ci, à partir des documents qu'il a. Les questions qu'il a à

22 poser cherchent à contester ce que dit ce témoin. Maintenant, s'il a

23 d'autres éléments de preuve, il pourra les présenter en réfutation, en

24 utilisant le 92 bis, ou en citant le témoin à la barre.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le fait qu'il pourrait

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1 présenter ces éléments en réfutation ne veut pas dire qu'il ne peut pas les

2 présenter dans son contre-interrogatoire.

3 M. KAY : [interprétation] Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est

4 qu'il devrait poser des questions. M. Milosevic a été prié de poser des

5 questions et de ne pas faire de déclarations. Mais, c'est la même chose

6 ici. M. Nice a fait une déclaration pour conforter sa thèse. Il n'y a pas

7 de différence, Monsieur le Président. C'est précisément ce qui se passe,

8 mais de façon beaucoup plus subtile, et avec un enregistrement vidéo, en se

9 servant de la technologie pour faire une déclaration à charge au cours du

10 contre-interrogatoire d'un témoin à décharge.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ici, ce n'est pas une

12 déclaration à charge. Il l'utilise pour contredire la thèse qu'avance M.

13 Milosevic, à savoir que tous les médecins albanais ont pu continuer à

14 travailler sans subir de problèmes. Pourquoi est-ce que M. Nice ne pourrait

15 pas le faire dans son contre-interrogatoire ?

16 M. KAY : [interprétation] Il peut le faire en posant des questions. C'est à

17 cela que cela sert une question, s'agissant des documents qu'il est

18 autorisé à produire au cours de la réfutation.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Uniquement au moment de la

20 réfutation

21 M. KAY : [interprétation] Il s'en sert ici pour présenter des éléments à

22 charge plutôt que pour contredire le témoin. Il vous l'a dit expressément.

23 Il vous a motivé son intervention. Il vous a dit qu'il avait des éléments

24 de preuve ayant trait à une situation différente en 1999. Dans l'intérêt

25 qu'il voit, qui est de vous montrer la vérité, il cherche à veiller à ce

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1 que vous disposiez maintenant de ces éléments. Ce n'est pas un processus de

2 contradiction par contestation --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'accepte pas la façon dont

4 présente les choses, M. Nice. En fait, ce sont des éléments qui, au fond,

5 contredisent ou qui peuvent mettre à l'épreuve la crédibilité du témoin. Si

6 ceci a pour effet connexe d'intervenir en tant qu'élément de preuve à

7 charge, c'est un accessoire, si vous voulez. Mais, est-ce qu'on ne prive

8 pas le contre-interrogatoire de son but essentiel si on ne permet pas de

9 présenter à un témoin un document qui pourrait contredire ses dires ? C'est

10 à cela que cela sert, un contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

11 M. KAY : [interprétation] On pourra aller plus loin. Dans cette procédure,

12 il pourrait soumettre un document. Quel sort va être réservé à ce

13 document ? S'il montre l'enregistrement vidéo, il va présenter la teneur de

14 cette vidéo au témoin, cette déclaration. Mais, ce n'est pas lui en

15 personne qui conteste ce témoin-ci à ce moment-là. Il le fait par le

16 truchement d'une déclaration qui est faite par une personne dans un

17 enregistrement vidéo.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais le témoin peut apporter des

19 commentaires.

20 M. KAY : [interprétation] Oui, mais ce sont des éléments de preuve qui sont

21 introduits par l'Accusation qui concerne la véracité de la déclaration

22 plutôt que la contestation du témoin. L'accusé n'est pas à même, lui-même,

23 de contre-interroger la personne qui est utilisée dans cet enregistrement

24 vidéo.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous n'êtes pas opposé à ce que la vidéo

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1 soit soumise au témoin, mais vous êtes opposé à ce qu'on diffuse les images

2 de la vidéo.

3 M. KAY : [interprétation] Cela, c'est le serpent qui se mord la

4 queue, il me semble. Parce que j'ai l'expérience dans un procès d'une

5 décision rendue par les Juges qui a permis à l'Accusation d'avancer

6 grandement en soumettant à la Chambre un grand nombre de documents. Je

7 crois que c'est exactement ce qui est tenté ici, car une fois que la chose

8 est faite, elle devient d'usage courant.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous devons délibérer.

10 M. NICE : [interprétation] J'aimerais répondre en deux ou trois

11 points, car il est tout à fait capital que le caractère erroné et limité de

12 cette discussion soit montré très clairement.

13 Mon collègue de la Défense, pendant toute la déposition du témoin qui

14 se trouve ici, n'a cessé de rappeler à la Chambre la nécessité de verser au

15 dossier les intercalaires 5.2, 5.3, 5.4. En tant qu'ami du Tribunal, il

16 aurait dû, lors de sa dernière intervention, dire que vous ne pouvez pas

17 verser au dossier des documents en raison de la véracité que l'on trouve

18 dans leur contenu. Il aurait dû dire que M. Nice ne pouvait pas contre-

19 interroger cet homme qui est évoqué dans ces documents. Nous trouvons dans

20 l'ensemble, des intercalaires qui ont été utilisés que, véritablement, un

21 moment arrive où ces témoins sont nommés par leur nom et on ne peut pas

22 être sûr d'avoir fait tous les efforts nécessaires pour parler à tous les

23 témoins potentiels parce que cela aurait été l'attitude convenable. Or, ce

24 témoin nous apporte des arguments qui sont totalement en contradiction avec

25 cela, et je dois rappeler, avec le respect que je dois à la Chambre, que la

Page 36690

1 Défense a présenté un très grand nombre de documents, des articles de

2 presse et toutes sortes de choses qui ont été admises sur des bases

3 diverses mais qui, finalement, seront examinées en fonction de la véracité

4 de leur contenu.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que dites-vous des remarques

6 de la Défense quant au fait que durant la présentation des moyens de

7 l'Accusation, on lui a dit à plusieurs reprises qu'il ne pouvait pas

8 présenter ses moyens de la façon dont il s'efforçait de le faire et qu'il

9 aurait le temps de le faire au moment où la présentation de ses moyens à

10 lui arriverait.

11 M. NICE : [interprétation] J'ai déjà traité de ce point à plusieurs

12 reprises par le passé et, bien sûr, la Chambre décidera de la position

13 qu'elle adoptera s'il convient éventuellement de la modifier légèrement en

14 raison du stade que nous avons atteint dans le procès, mais --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est préférable d'être dans

16 le droit chemin plutôt que de rétablir les faits.

17 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, oui, on peut le

18 dire ainsi. Mais ce qui est dit également, c'est que d'une certaine façon,

19 nous devons nous livrer à l'exercice assez extraordinairement artificiel de

20 transformer un certain nombre de choses en paroles pour vous les soumettre.

21 Je crois que ceci est dépourvu de sens. Nous n'allons pas, par exemple,

22 s'agissant d'une ou deux personnes dont a parlé ce témoin, répondre à tout

23 ce qui a été dit. Ces personnes ont fait des remarques très contradictoires

24 en public, dans des journaux, dans des articles de presse ou sous d'autres

25 formes. Ce qu'il faut, c'est de savoir comment ces déclarations seront

Page 36691

1 traitées. Me Kay ne dit ce qu'il nous dit, il nous dit que cette façon de

2 procéder n'est pas acceptable par rapport à la personnalité internationale

3 de M. X dont les positions sont ceci et cela. Non. Vous savez qui est M. X,

4 et ce qu'il a dit. Quel est votre commentaire à ce sujet ? C'est de cette

5 façon que l'on a procédé depuis le début.

6 Même si l'accusé peut être limité d'une certaine façon dans la

7 présentation des déclarations de ces témoins, lorsqu'elles n'ont aucun

8 rapport avec les éléments de preuve soumis à la Chambre, le problème est

9 différent. Vous pouvez réfléchir à la nature de ces éléments de preuve dont

10 nous parlons et évaluer la déclaration d'une même personne dans un sens ou

11 dans un autre.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous

13 souhaitiez dire quelque chose ? Je vous en donne la possibilité.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson. J'attendais

15 simplement la fin de l'interprétation pour qu'il n'y ait pas empiètement.

16 Je souhaite simplement appeler l'attention de chacun sur un motif

17 tout simple pour lequel la transcription et la séance vidéo que Me Nice

18 vient d'évoquer ne peut se comparer à l'intercalaire 5 des séquences vidéo

19 qui ont été soumises en accompagnement de l'interrogatoire du témoin qui se

20 trouve ici. Il y a une grande différence entre les deux. Vous avez pu voir

21 le témoin sur ces images. Le témoin était présent pendant les événements

22 dont il a parlé. Ces déclarations étaient faites en présence d'autres

23 membres du conseil exécutif provisoire, à savoir, Messers Ibrahimi, Jashari

24 et un troisième. Ils étaient sur place et nous sommes dans une situation

25 complètement différente de la situation caractérisée par une séquence vidéo

Page 36692

1 où l'on voit un médecin, le 24 mars 1999, qui prétend parler du document

2 fourni par le témoin que vous avez devant vous; cependant, il est très

3 clair que le document fourni par le témoin que vous avez devant vous porte

4 sur 1991 et non 1999. Ce sont deux situations complètement différentes.

5 L'intercalaire 5 ne contient aucun moyen de preuve par ouï-dire.

6 C'est un élément de preuve où, composé d'images, montrant une situation que

7 le témoin a vue de ses yeux. Il était présent.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, venant du

9 système judiciaire d'où vous venez, je pense que vous apprécierez ce

10 dernier point. La présence du témoin à l'interview crée une grande

11 différence.

12 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas suivi cet argument de

13 l'accusé.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a dit que la grande différence

15 entre ces vidéos et celles que vous cherchez à l'heure actuelle à

16 introduire réside dans la présence du témoin.

17 M. NICE : [interprétation] Bien, oui et non. Les vidéos -- et ceci est

18 également un problème important que nous avons à affronter, comme vous

19 pouvez le voir à la lecture du troisième document que je vais vous

20 soumettre un peu plus tard, à moins que quelque chose ne se passe qui

21 transforme ce troisième document en deuxième document. Mais les personnes

22 concernées ne sont pas présentes étant donné qu'elles ont été expulsées de

23 leurs maisons. Elles ne sont pas présentes lorsque les bombes sont jetées.

24 Elles sont présentes au moment de l'interview, après les événements par les

25 journalistes. La seule différence ici, c'est que ces personnes sont

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1 interviewées après les événements par un enquêteur, dans notre cas. Mais,

2 il n'y a pas de différences fondamentales.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il dit que le témoin en personne

4 était présent.

5 M. NICE : [interprétation] Je vois.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin en personne, donc, cela

7 justifie que des questions lui soient posées.

8 M. NICE : [interprétation] Il n'était présent qu'à très peu d'occasions.

9 Nous n'avons pas d'éléments de preuve démontrant qu'il était

10 l'interlocuteur ou, en tout cas, la personne qui posait des questions à

11 toutes ces personnes qu'on voit sur les images. Il ne fait qu'un récit

12 général. Si nous passons en revue les séquences vidéo et regardons les

13 diverses personnes qui sont interviewées par les journalistes, il ne s'agit

14 pas de lui. Rien ne démontre qu'il était présent sauf dans un nombre très

15 limité de cas.

16 Puis-je expliquer pourquoi j'ai dit qu'il pourrait s'agir d'un troisième

17 document ou qu'il pourrait devenir un deuxième document ? J'aimerais vous

18 en parler de façon générale, j'ai dit qu'à moins que quelque chose ne se

19 passe. Ce qui peut se passer, c'est la chose suivante : si la question de

20 la suppression d'un document se pose, ma prochaine requête portera sur le

21 retrait de tous les éléments de preuve par ouï-dire de la déposition du

22 témoin que vous avez devant vous, ce qui annulerait ou éliminerait tous les

23 intercalaires, il me semble.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si les Juges de la Chambre sont

25 d'accord.

Page 36694

1 M. NICE : [interprétation] Oui je sais. Mais telle serait ma requête car

2 des normes différentes sont appliquées de part et d'autre.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que la plus grande

4 difficulté à laquelle nous sommes confrontés, est une difficulté liée à la

5 jurisprudence, à savoir, ce mélange de la flexibilité du droit civil avec

6 possibilité d'un certain nombre de variations, et de "common law", et à

7 moins de résoudre cette difficulté, nous retomberons toujours sur le

8 problème. Le 89(C) nous renvoie à la flexibilité du droit civil, mais Me

9 Kay indique un certain nombre de points qui relèvent davantage de la

10 "common law" dans son objection à l'admissibilité. Mais je vais délibérer

11 avec mon collègue sur la question.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La décision consiste à dire que vous

14 pouvez introduire les déclarations, mais pas les vidéos. L'admission des

15 déclarations dépendra par ailleurs des réponses fournies par le témoin.

16 M. NICE : [interprétation] Pouvons-nous soumettre au témoin et placer sur

17 le rétroprojecteur la déclaration de Meshqyre Capuni-Brestovci, dont je

18 vais donner lecture.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il a la déclaration sous les yeux.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De qui est cette déclaration, Monsieur

21 Nice ?

22 M. NICE : [interprétation] La déclaration émane de Meshqyre

23 Capuni-Brestovci. Elle est en anglais, et compte tenu du peu de temps dont

24 je dispose, je vais en lire un certain nombre d'extraits au témoin pour lui

25 demander s'il admet la véracité de ce qui est écrit dans ce document.

Page 36695

1 Q. Docteur Andric, cette femme, et vous avez cité son nom, dit entre

2 autres, ce qui suit, elle dit : "Le 24 mars 1999, tous ses collègues

3 étaient au travail, donc à l'hôpital, la situation était tendue, et tout le

4 monde avait peur. Après la fin de l'horaire de travail, nous sommes rentrés

5 chez nous, afin de retourner au travail le lendemain."

6 Y a-t-il des raisons quelconque de douter de cela ?

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, un instant je vous

8 prie.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

12 Le témoin a fourni à l'intercalaire 3 une liste de médecins qui sont

13 restés après 1991. Je vois que sur cette liste, au numéro 2, il y a le nom

14 de cette personne. On dit que c'est un doyen. Le témoin a affirmé que

15 c'étaient des chefs de chaire qui avaient élaboré ces listes. Il parait que

16 c'est une personne qui est restée travailler après 1991. Qu'est-ce que cela

17 a à voir avec son témoignage, ce que cette personne aurait pu dire après le

18 début de la guerre en 1999, qu'est-ce que cela peut bien avoir à voir avec

19 le témoignage de ce témoin ? Il a fourni une liste des médecins qui ont

20 continué à travailler après 1991 là-bas.

21 Est-ce que ce que M. Nice est en train de nous présenter contredit en quoi

22 que ce soit les dires du témoin ici présent ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, regardez la page 2,

24 sous "JS". "Est-ce que je peux vous demander d'expliquer en vos propres

25 termes ce que vous avez vécu à partir du 24 mars 1999." M. Milosevic

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1 demande en quoi ceci va nous aider pour ce qui est de ce qu'elle aurait

2 vécu dans son travail en 1991.

3 M. NICE : [interprétation] C'est utile, parce que ce témoin nous a fait un

4 récit général disant que les médecins albanais étaient libres de travailler

5 dès 1991 et après.

6 Avant d'arriver à cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais

7 m'interrompre dans mes questions parce que, vu la décision rendue par la

8 Chambre, je comprends que je dois maintenant demander que tous les éléments

9 de preuve sous forme d'enregistrements vidéo, repris à l'intercalaire 5 et

10 après, à l'exception de certains passages très circonscrits où on voit

11 effectivement ce témoin, je demande que maintenant, on déclare irrecevable

12 ces extraits, irrecevable pour les raisons avancées par Me Kay puisque la

13 Chambre ne me permet pas de voir ces enregistrements.

14 Si nous voulons être cohérents, autant commencer maintenant. S'il faut une

15 règle générale qui dirait que l'enregistrement sonore ou vidéo de ce

16 quelqu'un dit en réponse à une question est irrecevable même si le sujet

17 est pertinent, j'ai pour devoir de veiller à maintenir cette cohérence.

18 Bien sûr, je n'ai pas malheureusement parcouru tous les intercalaires pour

19 vérifier quels seraient les intercalaires qui resteraient recevables même

20 si vous faisiez droit à ma requête --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux pas m'occuper de ceci

22 maintenant. Je prends bonne note de votre requête, mais poursuivez votre

23 contre-interrogatoire.

24 M. NICE : [interprétation] Fort bien. Manifestement sous réserve, bien sûr,

25 de votre décision.

Page 36697

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas bien compris, mais je ne

4 vois pas où est la différence entre le visionnement d'un vidéoclip et la

5 lecture d'une transcription d'un vidéoclip, je vois que c'est la même

6 chose. En quoi s'opposerait-on au visionnement d'un vidéoclip, sans pour

7 autant, ou alors, et non pas à la lecture d'une transcription ? Passez-nous

8 la vidéo pour qu'on voit de quoi il s'agit alors.

9 M. NICE : [interprétation] Mais je suis désolé, je le répète : c'est lui

10 qui présente ces éléments. S'il veut la diffusion, qu'on la diffuse cette

11 cassette.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, ce n'est pas la présentation de mes

13 éléments de preuve. M. Nice est en train d'insister sur la présentation

14 d'un vidéoclip, et il se réfère sur le non passage de ce vidéoclip pour ce

15 qui est d'affirmer qu'on conteste la présentation des éléments de preuve.

16 Je ne m'oppose pas à ce qu'il présente quelque vidéoclip qu'il veuille.

17 Mais, c'est sa demande à lui, pas la mienne.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement il sera possible

19 de diffuser cet enregistrement puisqu'il n'y a pas d'objection de la part

20 de l'accusé.

21 M. NICE : [interprétation] Fort bien.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je précise, et pour les besoins du compte

23 rendu d'audience, je le fais ainsi, je précise que c'est un entretien qui a

24 eu lieu le 22 février 2005, comme on le dit sur la transcription qu'on a

25 ici. Je ne sais pas si on le voit sur le vidéoclip, mais c'est le 22

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1 février 2005.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. NICE : [interprétation] Diffusons la première partie.

4 [Diffusion de cassette vidéo]

5 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

6 "La situation était tendue. Tout le monde avait peur. Après avoir fini

7 notre travail, on rentrait chez soi pour pouvoir retourner au travail le

8 lendemain. Le lendemain, lorsque j'ai essayé de retourner au travail,

9 j'habitais dans un quartier un peu à l'écart à Velania, et j'allais à pied,

10 j'étais sur la route, j'étais parti de chez moi pour me rendre sur mon lieu

11 de travail, j'ai entendu une balle passée au-dessus de ma tête. Je n'étais

12 même pas conscient de ce qui se passait, mais un voisin m'a dit de

13 m'écarter de cet endroit. Je suis rentré chez moi, un certain temps s'est

14 écoulé, vers midi, j'ai essayé de repartir au travail. C'était un vendredi.

15 "J'ai informé le directeur de l'hôpital de la nature du problème. Il

16 a répondu : 'Je vais vous donner.' Il a dit : 'Qu'il allait me donner un

17 document m'autorisant à me déplacer dans la ville et aller au travail parce

18 qu'un collègue à moi avait déjà demandé un document de ce genre. Samedi ou

19 dimanche, un ami m'a appelé, et elle m'a dit que le directeur nous avait

20 autorisés de ne pas nous rendre au travail la semaine qui allait suivre, on

21 ne s'est pas présenté au travail.' Le 31 mars, notre quartier était tout à

22 fait entouré, encerclé de nombreux effectifs de police et la police nous a

23 dit que nous devions quitter nos foyers en l'espace de cinq minutes."

24 M. NICE : [interprétation] Je m'interromps.

25 Q. Page 80, du compte rendu d'aujourd'hui. Vous étiez secrétaire à la

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1 santé. Est-ce que vous avez la moindre raison de mettre en doute ce que

2 vous venez d'entendre ?

3 R. Avant que de répondre à votre question, Monsieur Nice, je me dois de

4 dire que dans vos propos à l'intention de M. Robinson tout à l'heure, vous

5 avez indiqué au sujet de ce document qu'il s'agissait de moi, que c'était

6 moi qui avais dit qu'il s'agissait d'un document portant sur les

7 professeurs et médecins albanais qui sont restés travaillés de 1991 à 1999

8 aux différentes cliniques. Je n'ai jamais dit cela. Ce n'est pas exact. Ce

9 document, c'est un document qui nous parle des médecins, des professeurs et

10 des différents collaborateurs à la faculté de Médecine, qui en 1991 sont

11 restés travaillés à ces différentes cliniques et à ces différents

12 instituts. De là, à savoir s'ils ont travaillé jusqu'en 1992 ou 1999, cela

13 je ne l'ai jamais dit. Cela n'a rien à voir de pertinent avec ce document.

14 Ce document voulait montrer que ceux qui ont voulu rester ont pu rester de

15 façon tout à fait normale --

16 Q. Ecoutez ma question. Nous avons bien suivi l'erreur qui s'était glissée

17 dans le document et ceci a donné lieu à l'interrogatoire de deux médecins

18 que nous allons voir. Ma question est simple, et elle s'avère pertinente

19 parce que vous étiez secrétaire à la santé. Vous nous l'avez dit à la page

20 80 du compte rendu d'audience, et vous avez dit clairement, je vous cite,

21 vous avez donné un ordre adressé à tous les chefs des services de Santé du

22 Kosovo et Metohija pour veiller à ce que les professionnels de santé

23 puissent poursuivre leur travail, et nous allons voir le sort qui a été

24 réservé à ce professionnel-ci de la santé. Ventilons les questions. Avez-

25 vous la moindre raison de douter la véracité des propos que tient cette

Page 36700

1 personne ?

2 R. Autant que j'ai de raisons de le croire que de ne pas y croire parce

3 que je connais les positions officielles qui sont celles d'aujourd'hui.

4 Q. Excusez-moi, mais cette dame est médecin, donc, évidemment, elle

5 n'appartient pas pour autant à une autre catégorie, mais elle est prête à

6 faire une déclaration. Je vous demande si vous avez la moindre preuve, le

7 moindre document, la moindre raison de douter de ce qu'elle dit.

8 Aujourd'hui, vous avez fait des déclarations tout à fait générales. Est-ce

9 que vous avez la moindre raison de douter de ce qu'elle dit ?

10 R. Je viens de vous dire pour quelles raisons, Monsieur Nice, il pourrait

11 y avoir des raisons de douter.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le micro du professeur n'était pas branché. On

13 n'a pas entendu la totalité de sa réponse. Je n'ai entendu que "raison de

14 douter." Son micro n'était pas branché.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que le micro est branché.

16 M. NICE : [interprétation] Je demande à la Chambre d'examiner le texte qui

17 se trouve juste avant le deuxième extrait. Le témoin explique de quelle

18 façon à l'adresse de sa sœur, on lui a dit -- ma sœur lui a dit que c'était

19 turque, et ici, on lui a dit que s'il y avait des Albanais, elle ne devrait

20 pas commettre l'erreur de rester à cet endroit.

21 Apparemment, il y a un problème.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Y a-t-il un problème ?

23 M. NICE : [interprétation] Avec toute la bonne volonté du monde et, en

24 dépit, de tous nos préparatifs le système ne marche pas tout de suite. Ce

25 n'est la faute de personne.

Page 36701

1 Q. Voici ce que je vais faire. Je vais vous donner lecture de l'extrait

2 suivant. Est-ce que l'on retrouve ? Non. Extrait suivant de cet

3 enregistrement. Le voici, Monsieur Andric. Voici ce que dit la dame.

4 "Etant donné que nous ne voulions pas rendre encore plus difficile la

5 situation dans laquelle se trouvait ma sœur, nous avons décidé de nous

6 rendre vers la frontière avec la Macédoine. La police nous a dirigé vers

7 Tetovo, vers Globocica, et nous sommes partis dans cette direction-là. Nous

8 avons passé sept journées à la frontière. La frontière a été ouverte à un

9 moment donné puis elle était refermée. Les conditions étaient très

10 brutales. Très peu de personnes ont réussi à franchir à la frontière et

11 ceux qui ont réussi à le faire ont surtout donné de l'argent aux soldats et

12 aux policiers. Le huitième jour, certains soldats ont dépassé notre convoi,

13 et ils ont dit : vous pouvez maintenant rentrer parce que Milosevic a dit

14 que vous pouviez partir."

15 Avez-vous la moindre raison de douter de ce que dit un médecin, une

16 personne instruite de qui la pousserait à quitter la ville dans les

17 circonstances qu'elle décrit ici ?

18 R. J'ai également parlé des départs de ces gens vers la Macédoine et vers

19 l'Albanie. La chose n'est pas contestée du tout. Les raisons pour

20 lesquelles ils sont partis c'est là qu'on diffère entre ce que j'ai dit et

21 entre ce qu'ils sont en train de dire, et ce, bien entendu, j'entends par

22 là les raisons véritables.

23 Q. Mais, vous voyez, cette dame-ci dit qu'elle a reçu la visite de la

24 police ou plutôt de soldats qui ont prétendu être des Turques et qu'on leur

25 avait dit que si c'étaient des Albanais, ils devraient ne pas se trouver

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1 sur place parce qu'arriveraient les soldats de Belgrade. Vous, vous étiez

2 membre du conseil provisoire et nous allons le voir. Vous aviez des

3 contacts avec les militaires. Dites-nous; est-ce que c'est vrai ce qui est

4 raconté ici ?

5 R. Monsieur, peut-être cela a-t-il pu être conforme à la vérité. Je l'ai

6 déjà dit dans mon témoignage. J'ai dit qu'il y avait peut-être des cas

7 individuels, mais ce n'était pas une règle. Ce que cette collègue affirme,

8 à savoir que des policiers l'ont dirigé vers Globocica, dit clairement

9 pourquoi cela s'est fait ainsi. Il y avait une cohue véritable au passage

10 Djeneral Jankovic en direction de la Macédoine, et lui voulait aller vers

11 la Macédoine. Le seul passage frontière de réserve c'était Globocica. C'est

12 la raison pour laquelle la police les a dirigés là-bas. La police ne les a

13 pas obligés à quitter le territoire du Kosovo et Metohija, au contraire

14 leur conseillait de revenir comme je l'ai fait moi-même avec mon équipe.

15 Bien entendu, leur droit était celui de s'en aller. Pour ce qui est de la

16 première partie, vous dites que certains individus se sont livrés à ces

17 actes, mais que pensez-vous lorsqu'il est dit ici qu'on avait averti

18 certaines personnes qu'elles devaient partir, parce qu'elles risquaient, si

19 c'était des Albanais, certaines choses. Aussi, les effectifs de Belgrade

20 arrivaient. Quelle est cette possibilité ?

21 M. KAY : [interprétation] Comment veut-on que le témoin réponde ?

22 M. NICE : [interprétation] je m'excuse. Il a donné l'explication la plus

23 générale --

24 M. KAY : [interprétation] Le témoin ne saurais répondre. Comment peut-il

25 savoir ce qui se trouvait dans la tête ?

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Reformulez votre question, Monsieur

2 Nice.

3 M. KAY : [interprétation] Merci.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas l'objection que soulève M.

7 Kay. Je ne comprends pas pourquoi le témoin ne devrait pas répondre à cette

8 question parce qu'ici, on caricature, on dit : "L'armée de Belgrade

9 arrive." Je ne vois pas pourquoi le témoin ne pourrait pas répondre. Il

10 était une personnalité publique là-bas. J'imagine qu'il sait répondre à

11 cette question. Il sait ce qu'on dit dans cette transcription de

12 déclaration d'avant-hier ou d'hier.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai demandé à M. Nice de reformuler

14 sa question.

15 M. NICE : [interprétation] Je le ferais. Je vais me contenter de faire

16 adopter le serbe utilisé par l'accusé.

17 Q. Avez-vous la moindre raison de douter de ce que dit ce témoin, à propos

18 du fait que l'armée va venir de Belgrade ? Des raisons qui vous seraient

19 connues ?

20 R. Je vais d'abord vous dire au sujet des cas individuels que j'ai

21 mentionnés tout à l'heure. Je vais tout de suite vous dire que pas même ces

22 cas individuels, je ne les ai vu, je n'ai pas assisté à des cas

23 individuels. J'ai ouï-dire qu'il y a eu des cas particuliers.

24 Maintenant, s'agissant d'une armée arrivant de Belgrade, je ne sais

25 pas de quelle armée on est en train de parler. L'armée de Yougoslavie,

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1 j'imagine, a le droit de se trouver sur tous les territoires. Maintenant,

2 une armée de Yougoslavie, ou une armée de Belgrade arrivant, ce n'est que

3 pure propagande. C'est une déclaration qui n'a pour fin que de la

4 propagande.

5 Q. Je reviendrais à ce que je veuille vous demander à propos de cette

6 déclaration de témoin. Lorsque vous y posez des questions à propos du

7 conseil exécutif provisoire, vous aviez dit que vous n'aviez rien avoir

8 avec les militaires. C'est bien cela, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Je n'ai pas dit que je n'avais rien avoir avec les militaires. J'étais

11 membre de ce QG provincial, chargé de la Coordination des activités et des

12 autorités civils, et de l'armée, et du ministère de l'Intérieur.

13 Q. Nous aurons la semaine prochaine le libellé exact, mais veuillez dire

14 aux Juges, je suppose que vous vous en souvenez, que faisiez vous à 14

15 heures le 24 mars 1999 ? Qui était présent à la réunion à laquelle vous

16 vous trouviez.

17 R. En date du 24 à 2 heures de la nuit, dites-vous ?

18 Q. 14 heures.

19 R. A 2 heures de l'après-midi. Oui, je me souviens de cette réunion.

20 Q. Si c'est le cas, pourriez-vous nous dire qui assistait à cette

21 réunion ?

22 R. Je pense qu'il y avait de présents plusieurs officiers de l'armée, et

23 il y avait --

24 Q. Quand on parle d'officiers, on ne parle pas d'officiers

25 subalternes. On parle de vous, de votre conseil exécutif se trouvant en

Page 36705

1 réunion avec Nebojsa Pavkovic, Vladimir Lazarevic, qui commandait le Corps

2 de Pristina; Sretan Lukic du MUP, générale du division, lui aussi; et le

3 général Obrad Stevanovic, n'est-ce pas, qui était le chef du district de

4 Kosovo-Metohija ? Intercalaire 33.

5 Serait-il possible que cette dame, deux jours après cette réunion,

6 aurait été averti de l'arrivée des troupes venant de Belgrade. Est-ce que

7 ce qu'elle dit peut être vrai ?

8 R. Non.

9 Q. Bien, regardons le reste --

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne veux pas être tendancieux, et je ne veux

13 pas être non plus -- mais on voit -- mais je ne comprends pas cette

14 question parce que, partant de la transcription, il est clair que cette

15 femme décrit la date du 24 mars 1999.

16 Mais là, on entend encore un enregistrement de votre voix dans mon

17 micro. Je ne comprends pas. Mais je continue.

18 On a interrogé ce témoin au sujet d'une réunion tenue -- qui aurait eu lieu

19 le 24 mars 1999. Le témoin, la femme en question, a parlé du 24 mars. Je ne

20 comprends pas la question, qui s'énonce comme suit : pouvait-elle avoir

21 raison à terme de journée avant ? C'est la même journée ? On parle de la

22 même journée ? M. Nice a cité un élément de preuve. J'aimerais le voir cet

23 élément de preuve. J'aimerais qu'on le montre au témoin. Je ne veux pas me

24 prononcer en sa faveur ou défaveur, mais je dois d'abord voir de quoi il

25 s'agit. Je ne peux pas savoir de quoi il s'agit à partir du numéro d'un

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1 élément de preuve seulement.

2 M. NICE : [interprétation] Je ne vais pas répondre à ce qu'a dit l'accusé,

3 mais je vais charger à l'aider en posant une question au témoin.

4 Q. Monsieur Andric, le 24 mars, vous vous trouviez en réunion avec les

5 hauts gradés dans l'armée. Vous saviez pertinemment qu'elles étaient les

6 plans militaires ce jour-là, et par la suite aussi. C'est l'hypothèse que

7 je vous soumets. Comment y répondez-vous ? Est-ce vrai ou faux ?

8 R. Non, je ne me souviens pas des détails de cette réunion.

9 Q. Voyons le troisième extrait. Est-ce que le système marche maintenant ?

10 Oui, c'est peut-être dans l'extrait trois. Nous avons eu quelques

11 difficultés, malheureusement, pour ce qui est du fonctionnement du système.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Professeur, mais vous étiez à cette

13 réunion, en présence des officiers généraux.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens que c'était le 24, mais - ou

15 plus ou moins vers le 24 - je ne sais pas si c'est juste avant ou juste

16 après l'agression de l'OTAN. Je sais qu'il y a eu une brève réunion, mais

17 je ne me souviens pas du tout des détails dont il a été question. La

18 réunion elle-même n'a duré que très peu de temps.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- je ne suis pas certain si l'on a omis une

22 partie des propos. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une brève réunion

23 du conseil exécutif provisoire de la province de Kosovo et Metohija se

24 tenant en date du 24 mars, et la chose devrait être tout à fait clairement

25 indiquée au compte rendu d'audience, mais j'aimerais qu'on me donne la

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1 pièce à conviction pour que je voie de quoi il s'agit.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, tirons au clair une

3 fois pour toute. Dites-nous, s'agissant de la présence du témoin, de quelle

4 réunion vous parlez ?

5 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Il s'ait de la 15e séance du

6 conseil exécutif provisoire de la province autonome de Kosovo-Metohija, qui

7 s'est tenu à 14 heures le 24 mars, présidé par Zoran Andjelkovic. Il y

8 avait ce témoin et d'autres membres du conseil. Les absents sont recensés,

9 parmi les participants on a une série de noms --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de

11 répondre,

12 Etiez-vous présent à cette réunion, Professeur ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je n'étais pas certain si cette

14 réunion avait eu lieu avant ou après le 24. J'étais présent à la réunion,

15 mais je ne me souviens pas des détails de cette réunion.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.

17 M. NICE : [interprétation] Je demande la diffusion de ce dernier extrait,

18 le numéro 3.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Nous avons passé une dizaine de jours à la maison. Nous n'osions pas

22 sortir du tout, parce qu'il y avait des fortes concentrations d'effectifs

23 dans notre quartier et je pensais que l'hôtel Dea qui est à côte de ma

24 maison, c'était un espèce de QG pour les effectifs, mais nous n'osions pas

25 sortir, donc j'ai seulement regardé par la fenêtre.

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1 "Finalement, j'ai décidé de sortir, seule, car je croyais que le

2 document que j'avais sur moi assurerait ma sûreté, ma sécurité. J'ai

3 d'abord décidé d'aller chez ma sœur pour lui faire savoir que nous étions

4 en vie, et que tout allait bien, et d'aller à mon lieu de travail pour voir

5 comment les choses allaient, et peut-être pour obtenir mon salaire.

6 "Lorsque je suis arrivée sur mon lieu de travail, j'ai vu le directeur, qui

7 avait vraiment l'air très triste, et il a dit qu'il était désolé que nous

8 avions perdu notre emploi parce que nous n'avions pas averti la direction

9 que nous n'allions pas travailler, et que nous ne pouvions pas être payés,

10 avoir le salaire du mois précédent."

11 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

12 M. NICE : [interprétation] Je vais voir si je peux me passer des deux

13 derniers extraits.

14 Q. Vous étiez secrétaire à la santé. Cette femme nous dit, qu'elle a été

15 empêchée, en raison de circonstances qui prévalaient à l'époque, empêchée

16 d'aller au travail, et que l'on a chassée de son travail. Est-ce que ce

17 qu'elle dit est vrai ?

18 R. Monsieur Nice, je ne peux vraiment pas commenter un cas particulier,

19 cinq ans plus tard, cinq ans après la date des événements en question. Je

20 ne peux pas affirmer que cela soit vrai ou pas. Ce que je dois vous dire,

21 c'est autre chose. Lorsque vous vous êtes adressé aux Juges de la Chambre,

22 vous avez, entre autres, dit --

23 Q. Vous dites ne pas pouvoir faire de commentaires sur des cas isolés. En

24 réponse aux questions par l'accusé, lorsqu'il vous a demandé si l'ordre,

25 que vous aviez donné, puisse servir à la continuité des services médicaux.

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1 Vous avez dit : "Cet ordre a tout à fait été respecté s'agissant du

2 fonctionnement et de la gestion des établissements de santé." Comment

3 pouviez-vous le savoir de cette façon-là si vous ne pouvez pas répondre à

4 des cas isolés ?

5 R. Vous ne m'avez pas compris quand j'ai dit que cette ordonnance ou

6 instruction a été réalisés à part entière. Mon ordre avait porté sur la

7 protection de la totalité du personnel médical afin que ce personnel reste

8 à son poste de travail, et afin qu'éventuellement il fasse venir les

9 membres de leurs familles pour les installer dans les locaux des hôpitaux

10 ou des cliniques. J'ai dit, par la suite, quand on m'a demandé si cela a

11 été réalisé, j'ai dit oui. Par l'administration des centres hospitaliers et

12 cela n'a pas été respecté et réalisé par la totalité des intervenants

13 médicaux. J'ai dit qu'à Prizren, ils n'y avaient pas -- ils ne s'étaient

14 pas conformés, ils ont quitté leur poste de travail. Le personnel médical

15 de Djakovica et la plupart de ceux de Gnjilane, et seuls ceux de Djakovica

16 sont restés à leurs postes de travail.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes prêt à arrêter, mais nous

18 pourrions peut-être poursuivre cinq minutes encore, puisqu'il n'y a pas

19 d'autres audiences dans ce prétoire aujourd'hui.

20 M. NICE : [interprétation] Je vais tirer le meilleur parti possible du

21 temps que vous me donnez.

22 Q. Ce n'est pas de votre faute, Monsieur, je le comprends puisque vous

23 n'avez pas lu -- ou nous n'avions pas lu l'original de cet intercalaire 3,

24 nous croyions que c'était 1999 et, quand cela a été corrigé en 1991,

25 comprenez-le bien, on a essayé de contacter un médecin qui corresponde aux

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1 critères établis par l'intitulé de l'intercalaire 3, donc un médecin,

2 membre de la faculté de Médecine de Pristina, d'origine albanaise, qui a

3 conservé son poste, ses fonctions après 1999. On a trouvé un certain M.

4 Pallaska. Nous lui avons parlé hier. Est-ce que vous comprenez l'anglais ?

5 A la lecture du moins ?

6 R. Non, mais je dois vous dire que vous avez déjà mentionné le Dr

7 Pallaska, vous avez dit que celui-ci a déclaré que les personnels médicaux

8 avaient subi des sanctions s'ils s'entretenaient avec des Albanais en

9 langue albanaise. Cela c'est un mensonge notoire. Ce n'est pas la peine de

10 commenter des mensonges de cette taille, et tout le reste de ce que M.

11 Pallaska aurait pu déclaré peut se situer sous le même éclairage.

12 Monsieur Nice, j'ai passé toute ma vie professionnelle sur le territoire du

13 Kosovo et Metohija 90 % de mes patients, c'étaient des Albanais, et je me

14 suis entretenu avec eux toujours en langue albanaise, sans problème, aucun,

15 et tous les médecins, le personnel serbe et autres s'entretenaient avec les

16 Albanais en langue albanaise.

17 Q. Sur tous --

18 R. Mais j'affirme que cela c'est un pur mensonge et une invention de toute

19 pièce.

20 Q. Nous allons voir ce que ce monsieur déclare dans sa [imperceptible],

21 mais, à page 36 du compte rendu d'audience d'hier, vous avez déclaré ceci :

22 "Les seuls licenciements ont été provoqués par des violations graves de la

23 législation en vigueur, et je pense plus particulièrement à la

24 réglementation concernant les conditions de travail. Vous avez poursuivi en

25 disant que la majorité des personnes avaient délibérément violé la loi, la

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1 législation pour être limogées."

2 Qu'est-ce qui est à vos yeux une violation grave, une enfreinte grave à la

3 législation en vigueur ? Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple ?

4 R. Le fait de ne pas venir au travail pendant plus d'une période

5 prolongée, plus longue que la durée légale sans apporter de justificatifs

6 prévus par la loi. Vous avez --

7 Q. C'est une raison. L'autre raison ?

8 R. -- dit, tout à l'heure, Monsieur Nice, ils sont partis de leur -- j'ai

9 dit qu'ils sont partis de leur plein gré. Vous, vous dites qu'ils ont été

10 licenciés.

11 Q. Cela c'est une raison, mais pourriez-vous m'en donner une autre ?

12 R. Refusé d'exécuter, de réaliser une mission, d'une tâche de travail, par

13 exemple, à plusieurs reprises consécutives.

14 Q. Il se peut qu'il y ait une erreur dans le compte rendu d'audience

15 d'hier. Mais, hier, vous avez dit que les licenciements se faisaient en cas

16 de violations graves, de la législation et surtout du droit et des

17 obligations de travail.

18 Il y a le fait de s'absenter du travail, là on risque toujours un

19 licenciement dans ce cas, mais quelles étaient les autres violations que

20 vous pourriez nous citer qui ont entraîné le licenciement des médecins

21 albanais.

22 R. Mais, Monsieur Nice, j'essaie de vous expliquer, vous ne me laissez pas

23 parler. Refusez d'exercer, d'exécuter, de réaliser des tâches au travail,

24 et ce de façon consécutive. Vous avez essayé de dire quelque chose que les

25 Juges de la Chambre n'ont pas l'air d'avoir compris. En commentant

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1 Pallaska, et cette collègue Meshqyre, vous avez dit que : j'aurais indiqué

2 qu'un grand nombre avait quitté de leur plein gré. Vous, vous dites qu'ils

3 sont licenciés. Ils ont quitté leur poste de travail de leur plein gré. Ils

4 sont partis et ils ne se sont pas présentés au poste de travail pendant une

5 semaine, voire un mois. Je ne sais pas quelles sont les dispositions au

6 juste de la loi, et c'est partant de là qu'on leur a rédigé des lettres de

7 licenciement.

8 D'autres venaient sciemment, délibérément pour nous provoquer pour se faire

9 licencier, afin d'afficher par la suite qu'ils auraient été victimes de

10 persécution de la part d'un régime.

11 Q. La déclaration du Dr Pallaska, que nous avons, parle de la possibilité

12 ou du risque de licenciement si on utilisait l'Albanais pour remplir un

13 formulaire, ou si on avait une conversation avec un patient albanais, mais

14 le témoin, M. Pallaska, ajoute qu'on risquait d'être licencié si, par

15 exemple, on soutenait les mineurs de Trepca, ou si on avait signé la

16 pétition 215 qui était en faveur de cette grève. Est-ce que ceci pouvait

17 entraîner le licenciement d'un médecin ?

18 R. Cela n'est absolument pas vrai. Ce sont des inventions pures et simples

19 qu'il ne vaut même pas la peine de commenter.

20 Q. Je vois. Fort bien. C'est simplement si on ne se présente pas au

21 travail, ou si on refuse d'exécuter une tâche donnée.

22 R. Monsieur Nice, ne prenez pas au mot, je n'ai pas rédigé moi-même

23 quelques décisions que ce soit, mais dans toutes les décisions rédigées, on

24 a dû forcément énoncer les argumentations, les exposés des motifs, et je

25 n'ai pas, pour ma part, retenu ce type de documents en main. Mais je sais

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1 qu'on a licencié des personnes qui ont violé la loi portant sur le travail,

2 ou la réglementation régissant le travail et l'exposé des motifs figurent à

3 chaque fois dans l'acte de licenciement.

4 Q. Le Dr Pallaska poursuit et dit d'après ses souvenirs, il n'y a pas eu

5 d'audience, ou de réunion d'un conseil de Discipline qui aurait entraîné un

6 licenciement entre 1989 et 1998 à l'hôpital de Pristina. Que dites-vous à

7 ce propos ?

8 R. Je n'en ai pas connaissance. Je crois que dans tous les cas

9 particuliers, il y a une procédure de mise en œuvre conformément à ce qui

10 est prévu comme réglementation avant la décision de licenciement. Je dois

11 également dire qu'il y a eu des erreurs de commises par les instances qui

12 étaient chargées de le faire, et je sais que, par exemple, les tribunaux

13 ont fait revenir des individus à leur poste de travail mais ce sont là des

14 cas particuliers.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il va falloir lever

16 l'audience.

17 Professeur, nous allons maintenant lever l'audience, elle reprendra lundi.

18 Veuillez à être de retour ici dans ce prétoire lundi matin 9 heures.

19 L'audience est levée.

20 --- L'audience est levée à 13 heures 56 et reprendra le lundi 28 février

21 2005, à 9 heures 00.

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