Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 2 mars 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

7 prononcer la déclaration solennelle.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 LE TÉMOIN: MIRKO BABIK [Assermenté]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

13 Vous pouvez commencer, Monsieur Milosevic. Comment s'appelle ce

14 témoin.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Le témoin s'appelle

16 Mirko Babik.

17 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

18 Q. [interprétation] Monsieur Babik, bonjour.

19 R. Bonjour, Monsieur le Président.

20 Q. Veuillez me dire et je me propose de passer brièvement par quelques

21 questions d'introduction pour gagner du temps. Je vois qu'après l'école

22 secondaire vous vous êtes inscrit à la faculté de médecine à Skopje, n'est-

23 ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Vous avez terminé vos études, et pour des raisons privées vous avez

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1 interrompu vos études à la toute dernière année de ces études ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Depuis 1973, depuis janvier 1973 pour être plus précis vous travaillez

4 pour les secours médicaux d'urgence à Skopje en qualité de technicien en

5 médecine ?

6 R. Exact.

7 Q. Cela fait plus de 30 ans. Sans interruption ?

8 R. Oui, sans interruption dans ce même service.

9 Q. Est-ce qu'en cette qualité-là, vous êtes intervenu pendant les

10 bombardements de l'OTAN en Yougoslavie ?

11 R. Oui, j'ai travaillé là-bas. Pendant les bombardements de l'OTAN de la

12 Yougoslavie, j'y ai travaillé aussi.

13 Q. Avez-vous fait des permanences médicales dans la ceinture frontalière

14 du côté de la République fédérale de la Yougoslavie ?

15 R. Oui, depuis le tout début, je me suis trouvé dans cette ceinture

16 frontalière, et nous avions organisé des permanences médicales à Donje

17 Blace d'abord et à Stenkovac 1 et 2, par la suite.

18 Q. Quand vous dites "dès le début", est-ce que vos permanences se sont

19 déroulées après le 24 mars immédiatement ?

20 R. Oui. Immédiatement après le 24 mars, mais je vais dire que les tous

21 premiers jours ce n'était pas ininterrompu mais à compter du 1er mars cela

22 été des permanences ininterrompues.

23 Q. Donc permanentes ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez travaillé par équipes ?

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1 R. Oui, les équipes étaient assez denses.

2 Q. Qu'est-ce que vous entendez par équipes denses ?

3 Q. Nous avions pour obligation également de travailler en ville à notre

4 poste de travail, mais comme il y avait trois équipes de permanence, il

5 arrivait qu'il y avait plusieurs équipes de présentes en même temps.

6 Q. Vous êtes trouvé à ce passage frontière de Donje Blace comme vous nous

7 l'avez indiqué qui se trouve face au passage frontière Djeneral Jankovic du

8 côté yougoslave ?

9 R. Oui.

10 Q. Depuis quand avez-vous commencé à faire des permanences dans ces

11 centres d'accueils ?

12 R. Dans les centres d'accueil à compter du 6 avril à peu près.

13 Q. Essayons de constater cette date avec précision étant donné que les

14 deux témoins précédents en ont parlé également. Dites-nous quand est-ce que

15 ces centres d'accueil ont été mis sur pied ? Quand est-ce que les réfugiés

16 ont commencé à être installés dans ces centres d'accueil ? Est-ce que

17 c'était entre le 5 et le 6 avril, ou est-ce que cela s'est fait plus tôt ?

18 R. Stenkovac, cela se situe vers le 5 ou 6 avril. C'est là qu'on a

19 transféré les gens vers Stenkovac 1 et quelque peu plus tard, on a créé

20 Stenkovac 2, donc 5 ou 6 avril.

21 Q. Passons maintenant au medius res. Est-ce que, pendant ce temps-là, vous

22 avez remarqué -- vous avez toujours eu des patients ?

23 R. Oui, nous avons eu des patients.

24 Q. Avez-vous pu remarquer quelque Albanais que ce soit arrivant du Kosovo,

25 qui aurait été battu par qui que ce soit, peut-être par la police, l'armée

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1 ou quiconque d'autre? Avez-vous remarqué des personnes qui ont été passées

2 à tabac ?

3 R. Je n'ai jamais remarqué d'Albanais, passés à tabac, que ce soit par la

4 police ou par l'armée.

5 Q. Avez-vous vu quelqu'un de passé à tabac par n'importe qui d'autre, est-

6 ce que vous avez vu des blessures de cette nature ?

7 R. Non, je n'en ai pas vues.

8 Q. Est-ce que vous avez accueilli régulièrement des patients en votre

9 qualité de technicien en soins médicaux ?

10 R. Oui, nous en recevions régulièrement. Je suis précisément la personne

11 qui est censée l'avoir remarqué en premier.

12 Q. Avez-vous remarqué des Albanais, arrivant du Kosovo, qui auraient été

13 blessés à l'arme à feu, ou à l'arme froide ?

14 R. Je n'ai jamais vu d'Albanais blessés de quelque façon que ce soit.

15 Q. Est-ce que quelqu'un s'est adressé à vous pour vous dire qu'il a été

16 battu par des forces serbes ?

17 R. Une fois, un Albanais, qui se trouvait devant l'infirmerie, m'a raconté

18 qu'il a été battu et qu'il était couvert d'ecchymoses comme un foie.

19 Q. Vous dites un foie, cela veut dire sombre, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, justement mais j'ai examiné son visage, ses mains, ses bras, sa

21 façon de marcher, je n'ai rien pu remarquer. Je lui ai dit : "Ecoutez,

22 entrez dans l'infirmerie et si vous avez besoin d'aide, je vais vous

23 aider." Il a vite changé de sujet. Il m'a demandé combien de kilomètres il

24 y avait de là à Skopje. Je lui ai dit qu'il y avait quelques 23 kilomètres.

25 Entre-temps, un homme et une femme sont entrés dans l'infirmerie. Je leur

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1 ai montré du bras pour leur indiquer où est-ce qu'il fallait qu'ils

2 prennent place. L'autre a disparu.

3 Q. Vous lui avez proposé un examen médical et il a disparu ?

4 R. Je lui ai proposé de l'aide, et je l'ai dit : s'il en est ainsi, nous

5 allons vous aider. Il a disparu.

6 Q. Vous lui avez demandé de vous montrer ses bleus ?

7 R. Oui. Je lui ai demandé de nous montrer cela, et de lui porter

8 assistance, si nécessaire, mais il a pris la poudre d'escampette.

9 Je peux vous dire qu'un autre Albanais s'est adressé à moi, un homme de 70

10 ans, à peu près. Il a dit qu'il vivait à la campagne, qu'il avait du

11 bétail, qu'il avait plusieurs vaches à lait, et des personnes seraient

12 venues lui disant de s'en aller de chez lui. Il s'y opposait. Il a dit

13 qu'il était vieux, et qu'il ne voulait pas s'en aller, et qu'en fin de

14 compte, il avait du bétail.

15 Ces quelques personnes avaient des armes à feu. L'une des personnes armées

16 a tiré une rafale dans la direction du toit de la maison, et lui a dit que

17 s'ils le retrouvaient là au passage suivant, ils l'exécuteraient, et ils

18 allaient faire sauter la maison. Il s'est dirigé vers un groupe de

19 personnes, et il a dit : "Mais voilà où j'ai terminé mon périple." Je lui

20 ai demandé qui c'étaient, ces gens ? Quelle langue parlaient-ils ? Il a

21 regardé à gauche et à droite, et très en colère, ce vieillard, il a montré

22 de son bras du côté du camp de la tente et des siens.

23 Q. Il a montré vers les siens.

24 R. Je m'en souviens.

25 Q. Tirons ceci au clair. Est-ce que cela signifiait que l'UCK obligeait

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1 les civils à aller rejoindre les civils pour partir vers la Macédoine ?

2 R. Il m'a fait savoir que c'étaient des siens. Ils leur ont donné des

3 informations pour ce qui est de la direction à suivre, et ils l'ont dirigé

4 vers la Macédoine.

5 Q. Qu'avez-vous d'autre, comme exemple ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais poser une question au

7 témoin. Monsieur Babik, vous étiez technicien médical. Qu'est-ce que cela

8 voulait dire, précisément ? Quelles étaient vos fonctions précises ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Mes fonctions c'était de procéder à

10 l'administration de certaines thérapies aux côtés du médecin, de prêter

11 assistance et ce genre de choses.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Poursuivez, Monsieur

13 Milosevic.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Cela inclut les piqûres, les pansements ?

16 R. Oui. C'est une assistance des premiers soins dont on est chargés.

17 Q. Avez-vous un autre récit ?

18 R. Un autre récit, oui. Un Rom qui est venu au matin, pendant l'équipe du

19 matin. Il est venu en larmes, apeuré. Il a dit que cela faisait deux jours

20 qu'il ne recevait ni nourriture ni eau, et que les enfants pleuraient. Le

21 peu de réserves que nous avions chez nous, on les lui a données. On leur a

22 demandé pourquoi ils ne recevraient pas de vivres, et il a dit qu'un groupe

23 de jeunes était venu, et les ont tabassés. Il a sauté la clôture, et il a

24 dit qu'il est venu jusqu'à nous, et comme il y avait la Croix Rouge et des

25 policiers. Je les ai raccompagnés là-bas, et une femme de la Croix Rouge et

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1 des policiers sont allés avec lui, et ces autres ont confirmé son récit.

2 Dix minutes après, on leur a apporté à manger. Ultérieurement ces Rom ont

3 été transférés --

4 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont ralenti le débit du témoin. Le témoin

5 s'excuse.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, Monsieur Babik,

7 les interprètes vous demandent de ralentir votre débit.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites une pause entre les questions

10 et les réponses, s'il vous plaît.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Babik, vous étiez en train de nous parler du fait que des

13 Albanais, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, auraient malmené des

14 Rom dans ce camp de réfugiés, et qu'ils ne leur ont pas donné accès à la

15 nourriture, et des policiers macédoniens ont dû les séparer des autres.

16 R. Oui. La police a dû intervenir, et par la suite, ils ont été transférés

17 à un autre endroit. Cela les a beaucoup aidés. On les a transférés vers des

18 camps tels que Cicino Selo, Selo Saraj près de Skopje, et Momo Advodno

19 [phon], ainsi que d'autres.

20 Q. Au fur et à mesure que vous receviez des patients, je suppose que c'est

21 vous qui inscriviez les noms des patients dans le registre, et qui preniez

22 leurs noms et prénoms. Est-ce que j'ai raison de le dire ? Est-ce que c'est

23 vous qui le faisiez ?

24 R. C'est moi ou l'infirmière. Cette documentation a été soigneusement

25 tenue à jour. Il se peut que dans ces journaux, si vous vous penchez sur

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1 les journaux en question, il y a peut-être une petite confusion.

2 Q. Je voulais vous demander une chose. Vous avez tenu à jour ces journaux

3 lorsque vous étiez d'équipe ?

4 R. Oui, en effet.

5 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : dans certaine rubriques, on voit le nom et

6 le prénom, on voit quelques renseignements élémentaires, puis une rubrique

7 vide. Il n'y a ni diagnostique, ni thérapeutique. Avez-vous une explication

8 pour ce type de cas ?

9 R. Oui, il y a une explication. Cela arrivait parce que les gens venaient

10 se faire examiner. Il y a affluence, on leur demande de patienter et, quand

11 leur tour vient, ils ont tout simplement disparu. Il n'y a que le nom et le

12 prénom, mais il n'y a pas de diagnostique et il n'y a pas de thérapeutique.

13 Q. Ils se présentent, et ils s'en vont.

14 R. Je crois qu'ils le faisaient pour donner l'impression qu'il y a une

15 grande affluence, et on réservait leur place, et quand le tour venait de

16 les recevoir, ils n'étaient plus là.

17 Q. Dites-moi, avez-vous eu l'opportunité pour -- d'abord, constatons une

18 chose. A combien de reprises avez-vous été de permanence avec les réfugiés,

19 que ce soit au passage frontière où vous accueilliez les réfugiés, ou par

20 la suite dans les camps ? A quelle fréquence avez-vous été de permanence

21 pour ce qui est de fournir une assistance médicale à ce gens ?

22 R. J'ai été de permanence très souvent. Tous les deux ou trois jours,

23 pratiquement. Pas moi seul, mais mes collègues également.

24 Q. Bien. Dans cette période, vous avez certainement eu l'occasion de

25 rencontrer bon nombre de patients, oui ou non ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dites-nous, de quelle nature étaient les maladies ou les problèmes dont

3 ils se plaignaient ?

4 R. Il faisait froid. Il y avait des pharyngites, des laryngites, il y

5 avait des problèmes d'estomac. C'était dû au mode d'alimentation. On ne

6 mangeait que des aliments secs. Il y avait des malades qui souffraient

7 d'asthme. J'ai vu aussi des personnes qui avaient des maladies de la peau,

8 la gale. J'ai vu aussi des maladies de la peau dues à un manque d'hygiène.

9 Il y avait aussi des femmes enceintes.

10 Q. Avez-vous vu dans ces camps bon nombre d'équipes de télévision et de

11 reporters ?

12 R. Oui. Les équipes de télévision étaient nombreuses. Dans une équipe de

13 matin, il y avait un véhicule et il y avait quelques 10 jeunes gens à côté.

14 Ils ont pris de force notre civière, et leur ai demandé : "Quel est le

15 problème ? Si on a besoin d'une assistance d'urgence, je suis là. Je suis à

16 votre disposition." Ils n'ont rien dit. Ils ont pris la civière et ils ont

17 dit qu'ils n'avaient besoin de rien. Ils ont emporté la civière en disant

18 qu'ils allaient apporter le patient, et ils sont allés de 20 à 30 mètres de

19 là. Ils ont mis un jeune homme sur la civière qui était en train de se

20 tortiller de douleur, de se recroqueviller à même le sol, et --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, poursuivez.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] -- alors, ils l'ont apporté à proximité de

23 l'ambulance. On l'a filmé tout ce temps. Lorsque le tournage a été terminé,

24 il a sauté de la civière et ils ont commencé à rigoler, lui et ceux qui

25 l'ont filmé en se saluant, en se tapant, en se claquant l'un et l'autre la

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1 paume de la main.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous avez vu d'autres réfugiés se comporter de cette façon ?

4 Cela c'était une mise en scène évidente.

5 R. Je vous l'affirme en toute responsabilité. La deuxième chose que j'ai

6 vue se situait à proximité de notre infirmerie, il y avait une petite

7 montée, ils ont assemblé là 15 à 20 hommes et femmes, c'étaient en général

8 des femmes et des hommes âgés, des invalides, des personnes malades. J'ai

9 vu de mes yeux qu'ils prenaient, par exemple, quatre ou cinq enfants qui

10 avaient entre deux et cinq ans, ils les arrachaient à leurs mères, ils les

11 apportaient au vieillard qui les prenaient par la main pour faire semblant

12 que c'étaient leurs petits enfants. Ils les plaçaient de façon à pouvoir

13 mieux les cadrer.

14 Ils ont repris cela à plusieurs reprises. Une fois ces vues prises, ceux

15 qui étaient devant sont passés derrière, ceux qui étaient derrière sont

16 passés devant, et on a refilmé. Cela est une chose que je puis vous

17 affirmer en toute responsabilité. Les gens qui étaient là et moi-même, nous

18 avons réagi, il y avait des policiers et d'autres personnes, nous avons

19 dit, "Mais regardez ce qu'ils font." La police est allée là-bas pour les

20 chasser de là.

21 Les plus actifs, si je peux le dire, dans ces mises en scène, dans ces

22 pièces de théâtre, c'étaient les caméramans de la CNN et de la BBC.

23 Q. En arrachant les enfants à leurs mères pour les confier à ces

24 vieillards et à ces vieilles femmes, ces enfants de 2 ou 5 ans, quand on

25 les arrache aux mains de leur maman, est-ce que ces enfants pleuraient ou

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1 plutôt connaissaient-ils les vieux à qui on les confiait ?

2 R. Les enfants ne pleuraient pas, ils hurlaient, ils ne connaissaient pas

3 ces gens. Ils disaient à ces vieillards de sortir leur mouchoir pour faire

4 mine d'essuyer leurs yeux et faire comprendre qu'eux aussi pleuraient.

5 Q. Vous, vous avez commenté cela avec des collègues qui étaient là avec

6 vous à regarder la scène ?

7 R. En effet.

8 Q. Qu'avez-vous conclu de ces scènes ? Pourquoi le faisait-on ?

9 R. Il ne faut pas être très malin, très intelligent pour comprendre qu'il

10 s'agissait d'une image médiatique qu'on voulait diffuser aux fins de

11 montrer que les Albanais étaient chassés de chez eux, pour montrer qu'ils

12 étaient épuisés, qu'ils étaient harcelés, qu'ils souffraient en termes

13 simples, et qu'ils sont désespérés.

14 Q. Dans les contacts que vous avez eus avec les Albanais, comme vous nous

15 l'avez dit très souvent, vous avez eu des contacts très fréquents, dites-

16 nous pourquoi ils quittaient leur travail ? Pourquoi ils traversaient la

17 frontière ? Pourquoi venaient-ils en Macédoine ?

18 R. Au début, ils disaient qu'ils fuyaient les bombes. Moi-même et je pense

19 que bon nombre d'entre nous ici, s'il nous tombait des bombes dessus, on

20 prendrait la fuite évidemment. Ensuite, ils ont commencé à dire que c'est

21 la police et l'armée de Yougoslavie qui les frappaient.

22 Q. Quand est-ce que le récit relatif à des bâtonnades a commencé ?

23 R. Dès qu'ils sont passés au camp de Stenkovac 1 et 2.

24 Q. Est-ce que cela signifie que quand ils étaient à la frontière, ils

25 disaient une chose, qu'ils fuyaient les bombes et quand ils se sont

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1 organisés dans les camps, ils ont commencé à raconter que c'étaient la

2 police et l'armée qui leur tapaient dessus ?

3 R. Oui, c'est précisément à ce moment-là qu'ils ont dit que la police et

4 l'armée leur tapaient dessus, l'armée de Yougoslavie.

5 Q. Vous n'avez vu aucune trace de coups vous-même ?

6 R. J'affirme en toute responsabilité que je n'ai vu aucun patient avec ce

7 type de blessures. J'ai posé la question à mes collègues pour savoir s'ils

8 en avaient vu eux-mêmes, et personne ne m'a dit avoir vu ce type de

9 blessures.

10 Q. Avez-vous reçu un patient ou une patiente qui se serait plaint d'avoir

11 été violée ?

12 R. A proximité de là où nous étions, il y avait une infirmerie

13 israélienne. C'étaient eux les mieux équipés de tous. Nous allions souvent

14 voir comment ils s'étaient organisés. Ils avaient ce petit hôpital de

15 terrain avec chirurgie, médecine interne, et ce petit dispensaire de

16 terrain. A un moment donné, ils sont partis. J'ai demandé : "Où sont-ils

17 passés ?" On m'a dit, ils sont partis, quelqu'un a essayé de violer une

18 femme médecin israélienne et ils sont partis le lendemain.

19 Q. Ont-ils eu du travail, ont-ils eu des patients dans ce petit hôpital de

20 campagne ?

21 R. Non. Cela a été une raison de plus de s'en aller.

22 Q. Merci, Monsieur Babik, je n'ai plus de questions pour vous.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic et Monsieur Nice,

24 aidez moi sur un point. Où dans l'acte d'accusation est-il allégué qu'il y

25 a eu mauvais traitements infligés aux réfugiés ? Est-ce que c'est dans le

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1 volet Kosovo ou en Macédoine ? Parce que les éléments de preuve qui nous

2 sont maintenant présentés sont en rapport avec les événements en Macédoine.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Certes. Monsieur Robinson, dans le prétendu

4 acte d'accusation dressé à mon encontre, on affirme que les réfugiés sont

5 passés en Macédoine parce qu'on leur tirait dessus, parce --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] "Le prétendu acte d'accusation" a-t-il dit,

8 n'oublions pas la politesse qui doit s'imposer ici, le respect des règles.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur Milosevic.

10 C'est tout à fait hors de propos.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je me sers de termes très

12 euphémistiques pour les immenses mensonges qui sont cités dans l'acte

13 d'accusation, de ce que M. Nice appelle l'acte d'accusation.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à ma question.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] On a dit que des centaines de milliers de

16 personnes ont été chassées du Kosovo parce qu'on leur a tiré dessus, parce

17 qu'on les a frappés, cela figure dans les rapports des soi-disant

18 organisations humanitaires, on a affirmé qu'on leur a tiré dessus, qu'on

19 les a frappés, tabassés. Sur ces centaines de milliers, il n'y a pas eu un

20 seul à avoir une blessure par armes à feu, il n'y a pas eu un seul avoir

21 des traces de passage à tabac. Ce qui signifie qu'il s'agissait d'un récit

22 mis en scène qui a été diffusé de façon tout à fait claire. Cela a d'abord

23 été diffusé par Madeleine Albright en affirmant que les Serbes étaient en

24 train de chasser les Albanais du Kosovo. Cela a été le récit Albright et

25 CNN, et cela a été le leitmotiv de M. Nice ici qui essaie ici --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, oui. J'essayais

2 de préciser quelles étaient les accusations portées contre vous dans l'acte

3 d'accusation. Vous, vous diriez pour vous défendre dès lors, que si dans

4 l'acte d'accusation il y a une allégation, sur laquelle je veux interroger

5 M. Nice dans un instant, sur laquelle ces incidents de mauvais traitements

6 se sont produits au Kosovo, le simple fait que ces événements débouchent

7 sur la présence de camps en Macédoine, ne signifie pas que ces éléments de

8 preuve qui nous sont présentés sont sans intérêt, parce que s'il y a preuve

9 dans les camps de Macédoine qu'il y a eu arrivée de ces personnes ne

10 présentant aucune trace de mauvais traitements, on pourrait conclure qu'ils

11 n'ont pas été victimes de mauvais traitements au Kosovo.

12 Mais Monsieur Nice --

13 M. NICE : [interprétation] Hier, je vous ai offert une solution qu'on peut

14 trouver au paragraphe 59.

15 Là, il n'est pas du tout question de mauvais traitements, de sévices

16 physiques infligés à des réfugiés après qu'ils ont quitté le Kosovo. On dit

17 que : "Certains étaient des personnes déplacées à l'intérieur de la

18 province du Kosovo et qui étaient présentes à partir de la période

19 concernée, --"

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On fait référence au fait qu'il n'y

21 avait pas suffisamment de soins médicaux --

22 M. NICE : [interprétation] Effectivement, on parle : "De manque de

23 nourriture, de soins médicaux, ainsi que d'épuisement. D'autres ont

24 finalement traversé la frontière, passant du Kosovo en Albanie, en

25 Macédoine ou au Montenegro, ou ont franchi les limites provinciales entre

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1 le Kosovo et la Serbie".

2 Ici, on ne parle pas du tout de la Macédoine et de la présence des

3 réfugiés là-bas. Je ne sais pas quelle était l'intention au départ de

4 l'accusé, mais il s'intéressait ces derniers jours à la situation dans

5 laquelle se trouvait les réfugiés en Macédoine et, c'est comme cela que je

6 vais aborder l'interrogatoire qui sera très limité.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous en avez terminé ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, Monsieur le Juge Bonomy

11 veut intervenir.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Babik, je veux vous poser une

13 question pour tirer quelque chose au clair. Après la date du 5 avril, est-

14 ce que vous avez poursuivi vos activités au poste frontière, ou est-ce que

15 vous vous êtes limité au travail que vous faisiez dans les camps de

16 Stenkovac ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Les 5 et 6 avril, il y a eu Stenkovac 1 et 2

18 et c'est là que j'ai travaillé.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] interprétation] Monsieur Robinson.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au chef 55 on dit : "Les forces de la FRY et de

23 la Serbie, de façon délibérée, délibérément et sur une grande échelle ou

24 systématiquement ont expulsé par la force de la province et déplacé à

25 l'intérieur de celle-ci des centaines de milliers d'Albanais du Kosovo". Au

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1 57, on dit : "Les forces de la FRY et de la Serbie ont commis sur une

2 grande échelle ou systématiquement des actes de brutalité, et de violence

3 contre les civils albanais du Kosovo," et ainsi de suite et ainsi de suite.

4 Si c'est à grande échelle, avec brutalité qu'il y a violence à l'encontre

5 des civils, des traces de ces brutalités, le lendemain, une fois que ces

6 civils traversent la frontière, ces traces devraient être apparentes pour

7 ce qui est du personnel médical se trouvant de l'autre côté et qui a qui a

8 accueilli ces civils, qui auraient été brutalement traités et qui auraient

9 été victimes de violence.

10 Je peux donner lecture de ce texte à bon nombre d'endroits, il y a toujours

11 une seule et même thèse qu'on défile. Au cours de l'acte de l'accusation,

12 on a entendu M. Nice parler de coup de crosses, de passage à tabac de la

13 part de la police et de l'armée et cette histoire ne peut passer, ne peut

14 être admise.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Paragraphe 57, Monsieur Nice, de

16 l'acte d'accusation. On dit que : "Des Albanais du Kosovo ont fréquemment

17 fait l'objet d'intimidation," -- oui, c'est la ligne suivante -- "Beaucoup

18 d'Albanais du Kosovo," -- oui, le Juge Kwon était en train de me montrer ce

19 passage qui est pertinent.

20 C'est lequel ? Oui, on dit ceci : "Les Albanais du Kosovo étaient souvent

21 menacés, agressés ou même tués en public afin d'inciter leurs familles et

22 leurs voisins à partir".

23 Tout dépend des formes sous lesquelles s'est exprimée cette force, je ne

24 dis pas que ces éléments de preuve sont dénués d'intérêt, j'essaie

25 simplement de situer le paragraphe avec lequel il fallait mettre un

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1 rapport.

2 Poursuivez, Monsieur Milosevic.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour Monsieur Babik,

4 je crois que les questions que j'ai posées ont suffi.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Nice,

6 vous avez la parole.

7 M. NICE : [interprétation] Je l'ai relevé dès hier, les résumés en

8 application du 65 ter n'ont pas du tout parlé de la mise en scène

9 d'évènements de la part de chaînes de télévision. Je n'ai pas encore obtenu

10 de réponse de la CNN. Je vais diffuser un bref extrait dans un instant de

11 la CNN.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis curieux, j'aimerais savoir,

13 Monsieur Nice, si le témoin peut nous donner une explication, pourquoi est-

14 ce que ceci se passait. Difficile de comprendre.

15 M. NICE : [interprétation] Voulez-vous que je pose la question ou vous

16 l'avez posée vous-même ?

17 Contre-interrogatoire par M. Nice :

18 Q. [interprétation] Deux choses, Monsieur Babik. Est-ce que vous vous

19 appelez Babic ou Babik d'abord ?

20 R. Babik.

21 Q. Excusez-moi. C'est simplement à cause de la façon dont c'est

22 orthographié au compte rendu d'audience. Vous avez parlé notamment de la

23 BBC qui aurait été l'une des deux chaînes qui mettaient en scène ces

24 événements. Est-ce que vous pourriez donner le nom d'un journaliste de la

25 BBC qui se serait livré à cette mise en scène ?

Page 36965

1 R. Je ne connais pas les noms. Mais je vous affirme en toute

2 responsabilité morale et autre que cela se passait devant notre tente, à

3 une dizaine de mètres de notre tente et que je me trouvais là. Mais, je ne

4 connais pas les noms.

5 Q. Le Juge Bonomy vous posait une question, je la répète : quelles

6 seraient les raisons, d'après vous, qui pousseraient ces personnes à mettre

7 en scène ces éléments, à concocter ces éléments de preuve, à déformer leur

8 reportage ?

9 R. Je pense qu'ils voulaient renforcer cette image médiatique relative aux

10 souffrances des Albanais. Ils voulaient l'accentuer.

11 Q. Très bien. Nous allons si vous le voulez bien examiner un bref extrait

12 qui est de la chaîne CCN, vu ce qu'a dit un de vos collègues hier ici dans

13 ce prétoire. C'est un extrait de la CNN.

14 [Diffusion de cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 " Forcés de leurs foyers, quelquefois à la pointe du fusil, certains

17 sont là, côté à côté sous la pluie, malades. Les plus jeunes, les plus

18 âgés, les cibles les plus vulnérables. Pendant toute la journée,

19 pratiquement toutes les cinq minutes un autre Kosovar est évacué de ce camp

20 qui se trouve dans la vallée, le long de la frontière avec la Yougoslavie.

21 Les médecins ont dit que 11 étaient morts vendredi et que ce chiffre

22 risquait de monter.

23 "S'il continue de pleuvoir, il est probable que cela se propage parce

24 que tout le monde va déborder là. Ce n'est pas bon.

25 "C'est une chance et un malheur à la fois. De quoi souffre-t-on ? De

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1 froid, de troubles respiratoires mais ceci empêche le choléra, notamment.

2 "Les Albanais du Kosovo, il y a un jour ou deux à peine, avaient

3 encore un toit au-dessus de leur tête. Maintenant, ils n'ont que du

4 plastique. Ils ne se rendent même pas compte quand un malade passe à côté

5 d'eux.

6 Il y a quelques jours ils étaient au sec et maintenant ils sont sous

7 la pluie. Ils veulent continuer, ils veulent aller voir leurs familles, ils

8 ne veulent pas rentrer chez eux.

9 "La Macédoine craignant une mutinerie parmi les réfugiés a fait venir

10 plus de soldats. Mais, il y a un problème, car des milliers de personnes

11 attendent toujours d'être inscrites, enregistrées. Il y a pratiquement 65

12 000 personnes qui arrivent tous les jours. Certains sont évacués en autocar

13 mais le problème est tellement grave que la Macédoine a de nouveau fermé sa

14 frontière avec la Yougoslavie.

15 "Nous sommes ici à attendre les femmes, des enfants sous la pluie dit

16 une des femmes. Nous allons mourir dit-elle. S'échappant du Kosovo, elle et

17 son mari et des milliers d'autres Kosovar, ils n'ont nulle part où aller.

18 "Mike Betcher, CNN, frontière avec la Yougoslavie".

19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Monsieur Babik --

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cela a été traduit pour le

24 témoin ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas eu de traduction.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, et interrompre

2 un Juge qui s'exprime. C'est quand même la moindre des choses.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demandais simplement si ceci avait

4 été traduit à l'intention du témoin.

5 M. NICE : [interprétation] J'espère que oui.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que non.

7 M. NICE : [interprétation] Je vais vérifier.

8 Q. Est-ce que vous avez vu ces images que vous avez reçues, dans votre

9 langue, une interprétation de ce que disait le journaliste.

10 R. Non, il n'y a pas eu de traduction.

11 M. NICE : [interprétation] J'en suis désolé, Monsieur le Président, je n'ai

12 pas eu le temps. Bien sûr, il faudra y revenir si c'est nécessaire, mais

13 j'ai très peu de temps puisque j'ai deux tiers du temps consacré à

14 l'interrogatoire principal.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic voulait

16 intervenir ? Je ne sais pas si vous voulez dire la même chose.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais justement attirer votre attention

18 sur le fait qu'il n'y a pas eu d'interprétation. Deuxièmement, on a dit des

19 choses qui contredisent ce que les témoins ont affirmé. On affirme, par

20 exemple, que huit personnes seraient décédées dans ce camp, dans le courant

21 d'une nuit. Le témoin, celui-ci et ceux qui ont précédé devraient forcément

22 être au courant.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, mais nous n'allons pas

24 examiner cela maintenant. S'il n'y a pas eu d'interprétation, M. Nice ne

25 pourra pas utiliser cet enregistrement à moins de recommencer.

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1 M. NICE : [interprétation] Je voulais m'en servir uniquement pour les

2 images, parce que c'est cela uniquement qui m'intéresse et qui va

3 constituer la substance de mes questions.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Voici ce qu'il en est, Monsieur Babik : d'après ce qui était inscrit à

7 l'image, nous avons vu qu'une partie de ces images montraient le camp de

8 Blace. Est-ce que cela correspond au souvenir que vous avez de l'aspect

9 qu'avait le camp de Blace ?

10 R. Je n'ai pu que reconnaître une partie du site de Blace en direction de

11 Lepenac. Pour ce qui est de ces tentes avec des croix rouges, je ne les

12 reconnais pas du tout. Je ne me souviens pas d'une chose pareille.

13 Q. Le tableau général dépeignant les conditions de vie dans le camp,

14 l'état des réfugiés comme on le voit ici dans cet extrait. Est-ce qu'il est

15 exact ?

16 R. Les premiers jours, au fur et à mesure qu'ils arrivaient, l'espace

17 était trop restreint et il y avait beaucoup trop de gens. Certaines

18 personnes avaient égaré certains des leurs en route, et il y avait tout un

19 remue-ménage.

20 Q. Il y avait des centaines de milliers de gens dans ces camps,

21 finalement, n'est-ce pas vrai ?

22 R. A Stenkovac 1 et 2, il y avait beaucoup de gens. Je ne connais pas le

23 chiffre exact. Ils étaient nombreux.

24 Q. Nous avons également vu qu'il y avait sur place des policiers ou des

25 soldats macédoniens. Est-il exact de dire que ces personnes avaient

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1 toujours été présentes dans les camps ?

2 R. Il y avait une présence de policiers si mes souvenirs sont bons depuis

3 le tout début.

4 Q. Merci. Vous avez dit que les réfugiés présentaient un récit différent

5 entre le moment où ils se trouvaient au camp près de la frontière et le

6 moment où ils ont été transférés dans les camps de Stenkovac 1 et 2. Au

7 cours des premiers jours, il y avait le long de la frontière, des

8 policiers, n'est-ce pas ? Des militaires ?

9 R. Oui.

10 Q. Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question, qu'il ne faut pas

11 nécessairement soumettre à l'intention des Juges mais en vérité, tout comme

12 il y a des tensions entre les Albanais et les Serbes, il y a des tensions

13 entre les Albanais et les Macédoniens, n'est-ce pas ?

14 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire parce que la Macédoine a

15 accueilli cette population, l'a aidée et par la suite, elle l'a aidée. De

16 nos jours encore elle l'aide plus qu'elle n'en a les moyens économiques

17 pour ce qui est, notamment, de cette population Rom, qui est restée

18 toujours en Macédoine.

19 Q. Je ne veux pas être long. Je vais demander à l'Huissier de montrer au

20 témoin la page 113 de ce livre qui s'appelle : "Sous les ordres," il s'agit

21 de la pièce 145.

22 Ici, les auteurs de ce livre font la synthèse suivante. Il est

23 question de la sortie vers la Macédoine, je cite : "On ne saurait douter du

24 fait que l'arrivée de quelques 260 000 réfugiés en provenance du Kosovo ont

25 rendu les relations existant entre les Macédoniens de souche et les

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1 Albanais de souche encore plus tendues en Macédoine et la politique de

2 ralentissement pratiquée par le gouvernement pour ce qui est de l'accueil

3 des réfugiés au cours du printemps 1999, les violences ou le brutalités

4 policières occasionnelles à l'encontre des réfugiés est le fait que le

5 gouvernement, de façon périodique, refusait d'admettre de nouveaux

6 réfugiés, tout ceci a créé une rancœur, un ressentiment et une colère

7 énorme parmi les Albanais de Macédoine." Je termine de la même façon : "La

8 cause commune présentée par les Albanais de Macédoine en faveur de leurs

9 voisins albanais du Kosovo a entretenu les craintes qu'il y avait pour ce

10 qui est de la succession parmi les Macédoniens de souche, sécession. La

11 restriction affichée par les dirigeants du parti albanais dans la coalition

12 au pouvoir, le Parti démocratique albanais --"

13 Le texte se poursuivant…

14 M. NICE : [interprétation] Au poste-frontière proprement dit, n'est-il pas

15 vrai de dire qu'il y avait des tensions entre les Macédoniens et les

16 Albanais parce que les Albanais avaient peur de ne pas être autorisés à

17 entrer dans le pays ?

18 R. Je ne pense pas qu'il y ait eu de la peur, d'autant plus que nous les

19 avons accueillis, ces gens-là. Nous les avons aidés très généreusement.

20 Q. Je parle du camp provisoire d'accueil, le long de la frontière. Vu

21 cette politique de ralentissement. Cette politique de laisser entrer les

22 gens au compte-goutte. On avait peur,

23 n'est-ce pas ? Je parle ici des réfugiés, ils avaient peur de ne pas être

24 autorisés à rester. Est-ce que c'est ce que vous avez constaté ?

25 R. Nous, nous faisions notre travail. Pour ce qui est du reste, je n'en

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1 sais trop rien.

2 Q. Il se fait que vous avez parlé de plusieurs personnes qui vous ont

3 relaté diverses choses, mais vous n'êtes en mesure de donner l'identité

4 d'aucun de ces interlocuteurs. Il m'est impossible d'essayer de contacter

5 ces gens; est-ce exact ? Vous ne pouvez pas donner le nom de ces personnes

6 à qui vous avez parlé ?

7 R. C'étaient des conversations en passant. Je ne sais pas du tout ce qu'il

8 est advenu de ces personnes.

9 Q. Voyez-vous --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur Nice,

11 d'interrompre votre contre-interrogatoire.

12 Monsieur Babik, vous nous avez déclaré que des gens avaient présenté

13 diverses raisons expliquant leur présence sur les lieux, soit qu'ils

14 avaient fui les bombes, des bombardements ou encore qu'ils avaient été

15 attaqués par des militaires ou des policiers serbes. Ces gens, où

16 voulaient-ils aller ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début, ils disaient qu'ils voulaient

18 s'abriter des bombes. Par la suite, ils ont demandé à continuer leur route

19 pour aller ailleurs, en Europe. Ils ont voulu juste, transiter. Certains

20 ont demandé à aller en Macédoine, chez de la famille, des parents.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Si vous et vos deux collègues ont raison lorsque vous dites qu'au

24 départ, les gens disaient vouloir s'échapper, fuir les bombes, alors que,

25 par la suite, les réfugiés disaient qu'ils ont été chassés du Kosovo. Voici

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1 la première hypothèse que je vous soumets : s'ils ont parlé de la sorte en

2 premier lieu, c'est qu'ils se trouvaient face à des policiers et des

3 soldats de Macédoine dans ce premier camps où ces gens n'étaient du tout

4 sûrs qu'ils allaient être acceptés en Macédoine. Qu'en dites-vous de mon

5 hypothèse ?

6 R. Monsieur, les Albanais savaient que nous allions les accueillir et nous

7 les avons accueillis. La police, l'armée, les services, la Croix Rouge, ils

8 ont bien vu qu'on s'efforçait de les aider.

9 M. NICE : [interprétation] Je n'irai pas plus loin.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne crois pas que ce soit possible

11 effectivement.

12 M. NICE : [interprétation] Vu le manque de temps, je vais me contenter de

13 dire ceci. Je ne veux pas poser de questions au témoin à ce propos, mais on

14 parle du nombre de personnes déplacées, cela se retrouve dans plusieurs

15 rapports. On parle ici des personnes qui ont été déplacées en Macédoine,

16 Neill Wright du Haut-commissariat aux Réfugiés en parle. Peut-être que je

17 devrais peut-être en parler avec un témoin, de façon à ce que ce soit versé

18 au dossier. Je vais le faire maintenant.

19 Prenez le livre qui s'appelle en anglais "As Seen, As Told."

20 L'INTERPRÈTE : "Dis comme vu." Proposition faite par l'interprète en

21 matière de traduction du titre.

22 M. NICE : [interprétation] Page 99 plus exactement, c'est un élément de

23 preuve dont nous disposons et qui semble indiquer que le flux de réfugiés

24 en direction de la Macédoine a commencé -- ce sont des chiffres consolidés

25 ici -- au départ cela a commencé par 16 000 personnes vers le 23 mars; le

Page 36973

1 30 mars, il en avait 20 500; 28 000 le 31 et il y a une augmentation

2 spectaculaire à partir du

3 1er avril jusqu'au 3. C'est une organisation qui donne ces chiffres, il en

4 a d'autres.

5 Q. Avez-vous des raisons de douter de la véracité de ces chiffres,

6 Monsieur Babik ?

7 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas combien ils étaient. Je ne peux pas vous

8 le confirmer.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Regardez juste cette colonne,

12 ex-république yougoslave de Macédoine, et si vous additionnez ces chiffres,

13 cela fait plus d'un million et demi. Ce sont des chiffres incroyables.

14 Regardez combien de jours, 116 000 tous les jours à compter du 3 avril

15 jusqu'au 14 avril, pendant tous les jours, il y a plus de 100 000

16 personnes.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est un chiffre total et au-delà.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, Monsieur Nice,

19 je tiens à savoir pourquoi il y a eu modification dans l'attitude des

20 réfugiés. J'essaierai d'établir cela à partir des éléments de preuve

21 concrets pas de supputation. Je ne vais pas demander de commentaires à

22 Monsieur Milosevic, mais bien sûr qu'il a le droit d'en parler dans ses

23 plaidoiries. S'il est possible des éléments de preuve expliquant pourquoi

24 il y a eu modification entre le récit qu'on fait, à savoir qu'on essaie de

25 fuir les bombes et le récit suivant que c'est à cause des persécutions.

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1 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si ceci va aider l'accusé,

2 surtout à la lumière de certaines des remarques qu'il a faites. Pour

3 comprendre comment fonctionne ce Tribunal, je peux présenter des

4 suppositions lorsque cela semble raisonnable, mais je les présente comme

5 étant des possibilités. Je peux affirmer certaines choses lorsque j'ai de

6 bonnes raisons de le faire. Revenons au témoin, pas le précédent, mais

7 l'avant-dernier dont la déposition a été beaucoup plus longue et qui a

8 présenté beaucoup d'éléments, qui donnait le nom de certains individus.

9 Lorsque nous nous sommes adressés à ces individus, à l'un d'entre eux en

10 particulier, nous avons découvert que la raison de dire quelque chose qui

11 n'était pas à l'avenant de l'expérience de ces personnes était claire, à

12 savoir que cette personne, elle avait peur vu la présence des représentants

13 de l'autorité qui étaient derrière l'interprète. C'est pour cela qu'il a

14 fait le récit qu'il a fait. J'ai été en mesure de fournir ceci comme étant

15 l'explication qui se manifestait lorsque nous avons visionné cet extrait

16 vidéo.

17 Pour ce qui est des derniers témoins, nous n'avons vu aucun élément.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] On n'a pas du tout pu voir sur les

21 enregistrements vidéo qu'il y avait des personnes armées.

22 M. NICE : [interprétation] Je ne veux pas être interrompu, lorsque je parle

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque Monsieur Nice aura terminé

24 je vous donnerai l'autorisation de soulever votre objection.

25 M. NICE : [interprétation] Je dois m'assurer que je peux reprendre le fil

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1 de ma pensé sinon je ne vais pas recommencer depuis le début. Heureusement

2 que j'ai le compte rendu d'audience pour m'aider.

3 Avec les derniers témoins, nous n'avons reçu aucun détail qui

4 m'aurait permis de dépêcher quelqu'un pour leur parler, pour d'abord

5 déterminer si les témoins disent la vérité et en second lieu, s'ils disent

6 la vérité, quelle serait l'explication à fournir ? Il semble que jamais je

7 n'aurai la possibilité de recevoir, le nom, l'identité de telle personne

8 que je pourrais contacter, à qui je pourrais parler.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous avons entendu,

10 mais vous savez, vous devez essayer de vous en sortir avec les éléments que

11 vous recevez.

12 M. NICE : [interprétation] Oui, mais vous m'avez posé une question.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je faisais simplement une

14 remarque, une observation et j'ai dit que je ne voulais pas de commentaire

15 de la part de M. Milosevic, je n'en veux pas de vous non plus.

16 M. NICE : [interprétation] Ce n'est pas un commentaire, parce que j'essaie

17 de vous expliquer ce qu'il en est afin que l'accusé soit en mesure de

18 comprendre,

19 Vu ces circonstances, ici je sonde le terrain avec ce témoin. Je lui

20 présente des possibilités. C'est l'explication que je vous ai donnée. Pour

21 le moment je ne peux pas aller plus loin.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

23 Monsieur Milosevic, quelle était votre objection ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Nice a expliqué que sur cette cassette

25 vidéo, on pouvait voir des personnes armées. C'est faux, on ne voit pas de

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1 personnes armées à l'écran. Même Rugovin Rugovci [phon], le chef de

2 cabinet, quand je lui ai montré sa propre interview n'a pas peu répondre,

3 il a fallu qu'il revienne deux mois plus tard pour dire la même chose. On

4 fait preuve d'un singulier manque d'imagination de ce coté-là. Il disait

5 qu'on l'avait menacé d'une Kalachnikov, mais qu'on ne pouvait pas les voir

6 à l'écran parce qu'elles étaient derrière les caméramans. Ensuite, je lui

7 ai demandé pourquoi il ne nous l'avait pas dit avant --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

11 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation] Oui, mais j'ai quelque chose à demander

12 au témoin.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Je souhaiterais dire quelque

14 chose à Monsieur Nice.

15 Cette idée selon laquelle la BBC et CNN auraient mis en scène toute

16 cette affaire, c'est une allégation, une accusation grave. Monsieur

17 Milosevic nous explique pourquoi il estime que tout ceci a un rapport avec

18 l'acte d'accusation. Que vous l'acceptiez ou non, je pense que malgré tout,

19 il faut aborder cette question dans le cadre de la présentation des

20 éléments répliques afin que ces organisations puissent répondre à ces

21 accusations qui sont quand même assez graves

22 M. NICE : [interprétation] Si c'est le point de vue de la Chambre, bien

23 entendu j'en tiendrai compte mais permettez-moi de faire une observation à

24 ce sujet. Présenter les informations dans un esprit de sensationnalisme,

25 cela n'a rien à voir avec ce que l'on fait ici, ni avec l'acte

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1 d'accusation. La façon dont on présente les événements dans le cadre des

2 journaux, des informations. Bien entendu, je vais transmettre par

3 courtoisie ces allégations à la CNN et à la BBC, mais j'estime que la

4 pertinence n'a pas été démontrée. Puisque dans ces rapports et dans ces

5 émissions on parle des réfugiés qui partent du Kosovo, et c'est cela qui

6 est important, c'est cela le cœur du sujet.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est pour vous, Monsieur Nice.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si un organisme médiatique encourage

9 un certain type de comportement, à ce moment-là, cela remet en cause que ce

10 que vous êtes en train d'essayer de prouver.

11 M. NICE : [interprétation] Seulement si on peut arriver à montrer que c'est

12 le cas, effectivement. Mais je ne pense pas que ce soit le cas.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez le retransmettre, ce

14 fait, n'est-ce pas ?

15 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Cependant, avoir présenté les

16 choses de manière subversive et les éléments eux-mêmes, je pense que le

17 lien n'existe pas ou est très tenu. Cependant, je transmettrai ces éléments

18 aux représentants idoines de la BBC ou de CBB. Ils viendront peut-être en

19 parler eux-mêmes ici si cela est nécessaire.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Questions supplémentaires, Monsieur

21 Milosevic, s'il y en a.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une seule question. Je voudrais dire, Monsieur

23 Robinson, vous avez montré vous-même, en repassant cet enregistrement, que

24 M. Nice voulait nous montrer qu'il y a eu falsification puisqu'il y a eu

25 mauvaise traduction.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'en ai déjà parlé. Passez aux

2 questions supplémentaires, je vous en prie.

3 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

4 Q. [Interprétation] Monsieur Babik, M. Nice vous a donné lecture de

5 l'extrait d'un ouvrage. Peu importe le titre de cet ouvrage, qui s'appelle

6 "Sous les ordres," je crois. Il y est dit que le gouvernement de Macédoine

7 --

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit d'un livre qui s'intitule

9 : "As seen, as told."

10 M. NICE : [interprétation] En fait, l'accusé a raison. C'était bien "under

11 orders", "sous les ordres".

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Il est dit que le gouvernement de Macédoine employait la force contre

15 les réfugiés albanais. Vous êtes citoyen de la Macédoine, vous habitez à la

16 Macédoine, vous travaillez dans les services de santé de la Macédoine, et

17 vous travaillez près de la frontière. Aviez-vous connaissance de l'emploi

18 de la force systématique par votre pays à l'encontre des réfugiés

19 albanais ?

20 R. C'est tout à fait faux. Ni la police de Macédoine, ni les organisations

21 humanitaires, ni la Croix Rouge, ni qui que ce soit ne se sont comportés de

22 la sorte. Il n'y a pas eu de violence. C'est tout à fait faux.

23 Q. Dans l'extrait qui ne vous a pas été traduit, on a entendu le reporter

24 dire que cette nuit-là, huit personnes avaient été tuées au camp. Est-ce

25 que ceci aurait pu se produire sans que vous le sachiez parce que vous

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1 étiez sur le terrain ?

2 R. Cela n'aurait pas pu se produire. A ma connaissance, il y a un seul

3 patient qui soit décédé le 25 mai, c'est-à-dire, un jour avant le départ,

4 il est parti. C'était quelqu'un qui était en très mauvais état de toute

5 manière. Je n'ai connaissance du décès que d'une personne. Sinon, cela

6 n'aurait pas pu se produire sans que nous le sachions nous-mêmes.

7 Q. Merci.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.

10 Monsieur Babik, nous en sommes arrivés à la fin de votre déposition. Vous

11 pouvez maintenant partir.

12 [Le témoin se retire]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, votre témoin

14 suivant.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon témoin suivant, c'est Dietmar Hartwig.

16 M. NICE : [interprétation] Profitons au maximum de toutes les secondes que

17 nous avons à notre disposition. Je me permets d'intervenir. Pour revenir

18 aux questions qui sont soulevées par l'accusé par le truchement de ces

19 témoins, il ne s'agit pas d'un grief. Cependant, je voudrais dire que ce

20 sont des éléments que nous n'avons pas évoqués par le biais de nos témoins

21 qui connaissaient la situation dans les camps en Macédoine. Or, ce sont ces

22 témoins-là qui auraient pu nous dire si, effectivement, il s'était passé

23 quoi que ce soit dans les camps en Macédoine. Si cela est possible, je

24 pourrais peut-être le faire par le truchement de la procédure 92 bis, ou en

25 utilisant des démarches qui trouveront votre agrément. Je vais essayer de

Page 36980

1 le faire aussi rapidement que possible, mais tout ceci prend beaucoup de

2 temps, par nature.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, merci.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pendant que nous attendons le témoin, je

7 voudrais vous demander de garder à l'esprit une chose. Il s'agit déjà du

8 deuxième témoin allemand qui, du fait des circonstances, est contraint de

9 déposer en anglais, alors que le témoin, expressément, demandait une

10 traduction en allemand et à pourvoir s'exprimer en allemand. L'explication

11 qui nous a été donnée la dernière fois, c'est qu'il n'y avait pas de cabine

12 pour permettre une interprétation en allemand. Le témoin que nous allons

13 entendre parle anglais. Bien entendu, ce serait beaucoup plus aisé pour lui

14 de pouvoir s'exprimer en allemand. Ceci ne va pas empêcher qu'il dépose,

15 mais je souhaiterais simplement attirer votre attention sur ce fait.

16 L'INTERPRÈTE : Une interprétation sera fournie.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a une interprétation.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. On vient de

19 m'informer à l'instant que des interprètes allemands seront disponibles,

20 parce qu'hier, la situation était telle, enfin c'est les explications qui

21 m'avaient été données, on m'avait dit qu'il ne serait pas possible de

22 fournir une interprétation en allemand. Apparemment, c'est le cas

23 maintenant. Si on ne m'avait pas dit cela hier, je ne serais pas intervenu

24 comme je viens de le faire.

25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

2 prononcer la déclaration solennelle.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 LE TÉMOIN : DIETMAR HARTWIG

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez prendre place.

8 Vous avez la parole, Monsieur Milosevic.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

10 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hartwig. Pourriez-vous me dire

12 quelles sont vos date et lieu de naissance ?

13 R. Je suis né en 1939 dans une ville qui est située en Pologne

14 aujourd'hui. Le 7 mai 1947, nous avons été chassés, et nous avons dû aller

15 nous installer ailleurs. J'ai terminé mes études --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Hartwig, vous pouvez

17 déposer en allemand si vous le souhaitez.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, je vais m'exprimer en allemand.

19 Je suis né le 28 mars 1939 dans une ville qui, aujourd'hui, se situe en

20 Pologne. Au début du mois de mai 1947, nous avons été chassés de notre

21 patrie -- de chez nous --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne pense pas que ceci nous

23 intéresse véritablement. Veuillez, Monsieur Milosevic, demander au témoin

24 de nous parler de la partie de son CV qui nous intéresse directement afin

25 que nous puissions procéder assez rapidement.

Page 36982

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Hartwig, quelle est votre nationalité actuellement ?

3 R. Je suis Allemand.

4 Q. Vous êtes né en Allemagne et vous êtes Allemand.

5 R. Oui.

6 Q. Quel est votre métier ?

7 R. Pendant 33 ans, j'ai servi au sein de la Boundosver [phon] de l'armée

8 allemande. Mon dernier grade était celui de lieutenant-colonel.

9 Q. En dehors de cela, en dehors de ces 33 ans au sein de la Boundosver

10 [phon] avec le grade que vous avez mentionné, quels ont été vos autres

11 postes et vos autres grades ?

12 R. Il s'agissait de positions nationales également intégrées.

13 Q. Je n'ai pas compris votre réponse.

14 R. J'ai travaillé aussi bien à des fonctions au niveau de l'état-major, au

15 niveau national, à des fonctions de commandement également. J'ai également

16 travaillé environ 10 ans dans le cadre de l'OTAN dans des formations

17 intégrées.

18 Q. Merci, Monsieur Hartwig. Ceci n'avait pas été interprété de manière

19 complète. Il n'y a qu'une partie de votre phrase qui avait été interprétée,

20 si bien, je n'avais pas bien pu comprendre ce que vous disiez.

21 Veuillez me dire, pendant quelle période vous vous êtes rendu en ex-

22 Yougoslavie ? Pendant quelles périodes qui sont peut-être plusieurs ?

23 R. La première fois que je suis allé en Yougoslavie, c'était en octobre

24 1995, et ceci jusqu'à mars 1996, dans le cadre de la conférence

25 internationale sur l'ex-Yougoslavie. J'ai travaillé à ce moment-là dans le

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1 cadre d'une Mission d'observation. Ma deuxième mission m'a emmené en

2 Yougoslavie dans le cadre des Nations Unies, dans le cadre du retour de la

3 Slovénie à la Croatie de mai 1996 à janvier 1998. De juillet 1998 à la fin

4 d'octobre, début novembre, je suis intervenu dans le cadre d'une Mission

5 d'observation en Bosnie. Je suis ensuite parti de là pour le Kosovo où je

6 suis resté jusqu'au 19 mars 1999, au moment où nous avons été évacués vers

7 Skopje.

8 Q. Monsieur Hartwig, si je vous ai bien compris, de

9 novembre 1998 jusqu'au jour de votre évacuation à Skopje le 19 mars, vous

10 étiez au Kosovo et Metohija; est-ce bien exact ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Monsieur Hartwig, d'après ces informations, d'après les informations

13 que nous avons, vous étiez à la tête du bureau régional de la Mission

14 d'observation de l'Union européenne pour le Kosovo et Metohija; est-ce bien

15 exact ?

16 R. C'est exact. J'étais à la tête du bureau régional de la Mission

17 d'observation de la Communauté européenne à Pristina.

18 Q. Est-ce que ce bureau régional qui était le vôtre, le bureau régional de

19 la Mission d'observation, il était compétent pour la totalité du territoire

20 de Kosovo et Metohija, n'est-ce pas ?

21 R. C'est exact. De plus, j'avais également des équipes à Mitrovica,

22 Kosovska Mitrovica, à Prizren, à Orahovac ainsi qu'à Pec.

23 Q. Merci pour ces explications supplémentaires, Monsieur Hartwig. En

24 premier lieu, je voulais établir une chose : vous étiez à la tête des

25 observateurs de l'Union européenne pour le Kosovo et Metohija; est-ce bien

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1 exact ?

2 R. Oui, dans le cadre de cette mission, j'étais chef du bureau.

3 Effectivement, j'étais responsable pour la zone et la région du Kosovo dans

4 son intégralité.

5 Q. Merci, Monsieur Hartwig. Pendant quelle période exactement avez-vous

6 dirigé la Mission d'observation de l'Union européenne au Kosovo ?

7 R. J'ai dirigé ce bureau officiellement à partir du

8 1er janvier 1999 jusqu'au jour de l'évacuation. Précédemment, pour

9 m'intégrer, m'incorporer, j'ai -- et me préparer à cette mission, j'avais

10 déjà passé cinq semaines à Pristina.

11 Q. Monsieur Hartwig, afin que les choses soient le plus clair possible

12 pour tout le monde, vous êtes devenu chef des observateurs le 1er janvier,

13 c'est-à-dire, le jour où votre pays, l'Allemagne, est devenu présidente de

14 l'Union européenne. Votre pays a assumé la présidence de l'Union européenne

15 le 1er janvier 1999. C'est à ce moment-là, que vous êtes devenu le

16 président, ou plutôt le chef des observateurs de l'Union européenne.

17 R. Oui.

18 Q. Il y a quelques instants, vous nous avez expliqué que plusieurs

19 semaines auparavant, vous étiez déjà arrivé au Kosovo et Metohija pour vous

20 préparer avant d'assumer vos fonctions à la tête du bureau régional.

21 L'INTERPRÈTE : Réponse positive du témoin.

22 Q. Pouvez-vous nous expliquer combien de temps a duré cette période de

23 préparation, et en quoi elle consistait ?

24 R. Comme je l'ai dit, cette période de préparation a duré environ cinq

25 semaines. Il s'agissait essentiellement de la chose suivante : il

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1 s'agissait pour moi de prendre connaissance de ce qui s'était passé dans le

2 cadre de la mission avant mon arrivée, de voir ce qui se passait, d'obtenir

3 des informations; ceci afin d'avoir une idée du contexte général de tout ce

4 qui s'était passé.

5 Q. D'après ce que vous nous avez dit, votre quartier général se trouvait à

6 Pristina, et vous disposiez de plusieurs centres régionaux qui relevaient

7 de vous, qui vous faisaient rapport, c'est-à-dire, pour dire les choses.

8 Voilà la manière dont se présentait en termes simples l'organisation pour

9 laquelle vous travailliez.

10 R. Ces équipes étaient les postes avancés, disons, les bureaux, et la

11 situation était telle -- l'organisation était telle -- c'est que si c'était

12 possible chaque équipe envoyait, dans le meilleur des cas à chaque jour, un

13 rapport au bureau régional. Ces rapports étaient exploités et permettaient

14 de se faire une idée de la situation.

15 Q. Un point de détail, enfin, précisons les choses, parce que vous nous

16 disiez que ces équipes "devaient envoyer leur rapport". En fait, elle en

17 avait l'obligation, n'est-ce pas ? Elle avait l'obligation de vous envoyer,

18 au quotidien, un rapport sur les observations, en tant qu'observateurs.

19 Est-ce que c'est effectivement, ce qui se passait ? Est-ce que vous

20 receviez des rapports de vos équipes régionales au quotidien ?

21 R. J'ai reçu régulièrement des rapports, mais lorsqu'il n'y avait rien à

22 dire un jour ou une journée donnée, je n'ai pas insisté pour obtenir ces

23 rapports. Mais je les ai reçu régulièrement ces rapports. Il était

24 également possible qu'il n'y ait rien à signaler et cela constituait

25 également un rapport.

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1 Q. Merci, Monsieur Hartwig. Une chose encore. En sus de ces rapports

2 journaliers que vous receviez de la part des missions d'observation ou des

3 équipes d'observations sur le terrain. Est-ce que vous-mêmes, vous vous

4 êtes déplacé parfois sur le territoire du Kosovo-Metojiha afin de vous

5 faire une idée personnelle de la situation sur le terrain ?

6 R. Oui. J'étais pratiquement, tous les jours en déplacement, aussi du côté

7 albanais que du côté yougoslave ou du côté serbe, je me suis déplacé pour

8 rencontrer tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, participaient à la

9 vie politique et qui pouvaient prendre des décisions. J'ai essayé d'avoir

10 une idée aussi équilibrée, aussi juste que possible de la situation sur la

11 base de ces informations.

12 Q. Est-ce que dans le cadre de votre période de préparation, puisque vous

13 venez de m'expliquer exactement ce que vous aviez fait. Là, vous venez de

14 me dire que vous faisiez à partir du 1er janvier. Mais pendant la période e

15 préparation, c'est-à-dire, à partir du mois de novembre, est-ce que vous

16 avez pu vous familiariser avec les rapports quotidiens et autres qui

17 venaient du terrain et est-ce que vous avez pu vous familiariser avec le

18 travail des équipes d'observation ?

19 R. Oui, j'ai vu ces rapports auparavant et d'autre part pendant cette

20 période de préparation, j'ai pu avoir des entretiens, avoir des discussions

21 moi-même lors de visites.

22 Q. Vous vous êtes également déplacé dans la région ?

23 R. Oui, dans toute la région. En fait, j'étais plus souvent à l'extérieur

24 de mon bureau que dans mon bureau même. J'étais plus souvent dehors que

25 dedans.

Page 36987

1 Q. Monsieur Hartwig, quelle était la Mission des observateurs de la

2 mission que vous dirigiez ?

3 R. La mission consistait à se faire une idée de l'évolution sur le plan

4 politique, sur le plan économique, sur le plan religieux au Kosovo afin de

5 voir quels étaient les événements importants, les évolutions importantes et

6 de pouvoir les signaler.

7 Q. C'est le sigle MCCE, qui vous désignait, n'est-ce pas ? Ce sigle qui

8 désignait votre mission ?

9 R. Oui.

10 Q. Cette mission qui prévoyait l'intervention d'observateurs impartiaux.

11 Est-ce qu'elle impliquait d'avoir des contacts avec les deux parties ?

12 R. Oui. Dans la mesure où je peux m'en rendre compte, j'ai eu des contacts

13 avec les principaux intervenants, les principales parties qui étaient

14 impliquées, les principaux acteurs.

15 Q. Quelles sont les personnes avec qui vous avez eu des contacts, des deux

16 côtés ? Je parle de vous personnellement, mais également de vos

17 observateurs ?

18 R. Personnellement, du côté albanais, je me suis entretenu avec le Dr

19 Rugova, avec également le vice-président désigné du Kosovo indépendant. Je

20 me suis entretenu avec lui, je me souviens plus de son nom aujourd'hui.

21 J'ai également parlé avec le Pr Kelmendi, qui était à la tête de

22 l'université albanaise. Avec le Dr Jakobi, je me suis entretenu avec lui

23 des conséquences qu'aurait, sur le plan juridique, l'indépendance de la

24 région. J'ai parlé également avec le rédacteur en chef et de Kosova Sot

25 [phon]. J'ai également parlé avec quelqu'un de Koha Ditore. Je me suis

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1 également entretenu avec des chefs de l'UCK dont les noms m'échappent

2 aujourd'hui. Il s'agissait de commandants ou de chefs au niveau des

3 brigades. A plusieurs reprises, j'ai essayé de rencontrer un chef, un

4 commandant qui portait le nom de code Drini, c'était son pseudonyme. À

5 plusieurs reprises également, seul avec mon traducteur, je suis allé sur le

6 terrain, mais jamais je ne suis parvenu à le rencontrer. Du côté serbe, mon

7 principal interlocuteur, c'était le chef de la Mission de vérification du

8 Kosovo, le général Loncar, ainsi que le chef des forces de Sécurité au

9 Kosovo, le général Lovric [phon]. Je me suis également entretenu avec le

10 président du tribunal de Pristina --

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Hartwig, je pense que

12 vous n'avez pas voulu dire Lovric, mais Lukic quand vous avez répondu.

13 R. Oui, oui, je veux dire le général Lukic. Effectivement, c'est que je

14 voulais dire.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur cette correction, Monsieur

16 Milosevic, nous allons faire la pause habituelle, une pause de 20 minutes.

17 Pause de 20 minutes.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

19 --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez, s'il

21 vous plaît.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Hartwig, nous sommes partis prendre une pause lorsque vous

24 avez commencé à énumérer les gens que vous avez rencontrés d'un côté et de

25 l'autre. Auriez-vous quelque chose d'autre à ajouter encore au sujet des

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1 personnes que vous avez rencontrées ?

2 R. Du côté albanais d'après ce dont je me souviens, je crois avoir énuméré

3 toutes les personnes et pour ce qui est du côté serbe, j'ai parlé avec

4 Deric Atimir [phon], avec le président des Serbes qui avait été enlevé,

5 avec le président du tribunal de Pristina, et avec quelques autres

6 personnes dont je ne me souviens ni du nom, ni de la fonction.

7 Q. Quand vous parlez du "tribunal à Pristina", vous êtes en train de

8 parler du tribunal du département de Pristina, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Je suppose que c'est effectivement le tribunal départemental.

11 Q. Merci. Monsieur Hartwig, la Mission de ces équipes d'observation sur le

12 terrain n'était-elle pas d'en apprendre le plus possible, d'en connaître le

13 plus possible et de transmettre ce qu'ils ont vu et entendu sur le terrain

14 dans leurs rapports ?

15 R. Effectivement.

16 Q. Veuillez m'indiquer à quelle fréquence vous-même, au niveau de ce

17 bureau régional de Pristina, vous avez rédigé des rapports pour les envoyer

18 au QG de la Mission d'observation de l'Union européenne à Sarajevo ?

19 R. Les équipes ont envoyé un rapport à chaque jour, et le bureau régional

20 lui aussi a transmis à Sarajevo un rapport quotidien qui se composait des

21 informations transmises par les équipes, et de ce que j'ai pu moi-même

22 observer des informations que j'ai obtenues. En plus de cela, à titre

23 hebdomadaire, on envoyait un rapport hebdomadaire dès lors à Sarajevo. De

24 surcroît, il était toujours possible si une occasion particulière se

25 présentait d'envoyer un rapport spécial.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parlant de ces rapports.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas compris ce que vous avez dit,

3 Monsieur Robinson.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai dit que je pense vous avez

5 suffisamment présenté la base de ces rapports. Maintenant parlons de ces

6 rapports qui constituent la teneur de la déposition de ce témoin.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Juste quelques petits éléments à tirer au clair. Les rapports, les

10 avez-vous rédigés vous-même ?

11 R. C'est moi, en tout cas, qui ai préparé les rapports hebdomadaires. Pour

12 ce qui est de la procédure, en général, j'avais mon ordinateur personnel

13 portable sur lequel je préparais ces rapports, et la version définitive de

14 ces rapports a été envoyée via l'ordinateur du bureau régional au siège

15 principal.

16 Q. Avez-vous conservé certains de ces rapports ou certains de ces projets

17 de rapports que vous avez tapés sur votre ordinateur ?

18 R. J'ai conservé certains des projets de texte, effectivement.

19 Q. Avez-vous conservé tous les rapports ou certains rapports seulement ?

20 R. Je suppose que j'ai conservé la plupart de ces projets de rapports, vu

21 le peu de temps que j'avais, certains de ces rapports ont été saisis sur

22 l'ordinateur du bureau et envoyés par cet ordinateur, mais j'ai conservé

23 certains de ces rapports sur mon propre ordinateur.

24 Q. Monsieur Hartwig, veuillez nous préciser quelle avait été l'impression

25 générale, l'image générale que l'opinion publique occidentale se faisait,

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1 avec laquelle vous communiquiez concernant la situation prévalant au

2 Kosovo-Metohija ?

3 R. A un moment donné, j'ai constaté qu'entre l'image qu'on donnait et la

4 réalité qu'il y avait, il y avait une contradiction. Cette impression, je

5 l'ai obtenue par des entretiens personnels et cela m'est resté en tant que

6 tel.

7 Dans nos rapports et dans mon rapport à moi, je me suis surtout attaché à

8 reprendre les faits et les données, les informations qui émanaient des

9 équipes sur le terrain et sur mes expériences personnelles, les

10 observations que j'avais recueillies, je les utilisais également.

11 Q. Vous nous avez dit qu'il y a eu des divergences entre ce que vous avez

12 vu et l'image que l'on donnait de cette situation. Est-ce que vous pouvez

13 nous expliquer en quoi consistait cette divergence ?

14 R. Par exemple, dans des conversations téléphonique ou dans des lettres

15 personnelles, j'ai reçu l'impression de situations où la situation était

16 terrible, et que les Serbes étaient contre tout. Dans ma région, cela ne

17 s'est pas passé. Je n'ai pas connu ce genre de chose, notamment que les

18 Serbes tuaient tout le monde.

19 Q. Cette situation de fait dont rapportaient vos équipes d'observation et

20 choses dont vous avez pu vous rendre compte par vous-même est-ce que cela

21 coïncidait avec l'image qu'on se faisait de la situation en occident, ou

22 est-ce que cela différait de celle-ci ?

23 R. Ce qui était le plus frappant, la différence la plus frappante, c'était

24 après l'évacuation, le retour en Allemagne. Dans les médias, on présentait

25 le Kosovo, je l'ai lu, je l'ai vu, et cela ne coïncidait du tout avec la

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1 réalité.

2 Q. Quel est l'image que vous avez vu, et celle qui n'avait rien avoir avec

3 la réalité ?

4 R. C'était surtout ceci, on a arraché des choses de leur contexte. Il n'y

5 a eu qu'une version très partiale, bien partiale des choses. On ne voyait

6 qu'un seul côté. C'était très unilatéral. On ne voyait les victimes que

7 d'un seul côté.

8 Q. Qui était cette victime, et qui était le bourreau ?

9 R. Les victimes, c'était toujours des Albanais, et le bourreau, c'était

10 toujours les Serbes.

11 Q. Mais est-ce que cela coïncidait avec la réalité que vous avez pu

12 constater au Kosovo et Metohija ?

13 R. Non, je ne l'ai pas vu, je ne l'ai pas vécu. Ce n'est pas non plus

14 comme cela que cela m'a été rapporté.

15 Q. Avez-vous une explication pour ce qui est de savoir comment cette image

16 déformée pouvait être créée ?

17 R. Je n'ai pas d'explication à donner. Je ne pourrais me livrer qu'à des

18 conjectures, ce que je ne veux pas faire.

19 Q. Bien. Cette manipulation se faisait-elle, ou se produisait-elle, en

20 occident seulement ? Ou est-ce que les Albanais aidaient à cette image

21 publique ?

22 M. NICE : [interprétation] Question directrice et le témoin a déjà refusé

23 de parler de cette façon générale.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement. Posez votre question

25 autrement, Monsieur Milosevic.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Monsieur Hartwig, vous ai-je bien compris ? S'agit-il ici d'une

3 manipulation de l'opinion publique, en termes simples ? Oui ou non ?

4 R. Il y avait une différence remarquée entre l'image qu'on donnait de la

5 réalité et la réalité elle-même.

6 Q. Quel journal en langue albanaise, parce que jusqu'à présent on a parlé

7 des médias occidentaux, quel est le journal en langue albanaise que

8 consultait votre mission pour être informée du type d'information

9 communiqué au public pour comparer, notamment, à ce que vous avez vu dans

10 la réalité ?

11 R. Il y a le journal Koha Ditore. Pendant tout un temps, c'est aussi

12 l'édition en albanais d'un journal qui s'appelait Times. En plus de cela,

13 nous avons reçu tous les matins des faxes, des télécopies qui nous

14 donnaient des informations d Du côté serbe ou albanais. Je ne me souviens

15 plus de l'agence de presse dont il s'agissait. En tout cas, du côté

16 albanais, c'était surtout le Koha Ditore et ce Times, et les nouvelles que

17 nous recevions par télécopies, que nous recevions aussi du côté serbe par

18 le bureau d'information, et du côté serbe nous recevions aussi des

19 informations par télécopies.

20 Q. Comment rapportait ces informations, le journal Koha Ditore ?

21 R. Koha Ditore, s'agissant de la façon dont ce journal faisait état des

22 informations, c'était un journal qui présentait la version des Albanais. On

23 ne peut pas dire qu'il aurait pour réputation de présenter une version

24 équilibrée des choses. Il représentait les intérêts des Albanais, et

25 prenait fermement position contre l'administration serbe.

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1 Q. Avez-vous pu acheter régulièrement ce journal Koha Ditore pendant que

2 vous étiez à Pristina, au Kosovo ?

3 R. C'est une tradition que j'ai reprise de mon prédécesseur. Je pense

4 qu'il y avait un chauffeur qui amenait ce journal tous les jours au bureau.

5 Je l'avais tous les jours, les jours de la parution du numéro.

6 Q. Avez-vous pu, s'agissant de la totalité de la presse, acheter les

7 journaux normalement dans les rues de Pristina pendant que vous vous

8 trouviez là-bas ?

9 R. Je ne sais pas s'il était possible d'avoir tous les journaux. Lorsqu'il

10 m'est arrivé de vouloir acheter Newsweek ou quelque chose d'autre, j'ai

11 demandé à quelqu'un de l'obtenir, d'aller le chercher et je l'ai obtenu.

12 Q. Monsieur Hartwig, avez-vous connaissance de l'existence et des

13 activités d'organisations non gouvernementales, ou d'autres formes

14 d'organisations, qui auraient, en quelque sorte, diffusé une image déformée

15 de ce qui se passait au Kosovo ?

16 M. NICE : [interprétation] Question qui guide le témoin de toute façon.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement, le témoin a déjà dit

18 dans sa déposition que l'image générale qui était donnée n'était pas

19 exacte, n'était pas celle de la réalité.

20 Répondez à la question, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que tout le monde qui connaît plus ou

22 moins les organisations non gouvernementales savent que ces organisations

23 ont un rôle politique. Ce n'est pas du tout une critique que j'émet-là,

24 parce que c'est la raison d'être de ces organisations. Sinon, elles ne sont

25 pas capables de faire leur travail. Je pense que la plupart d'entre elles,

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1 de façon tout à fait équitable et juste, ont essayé d'aider, mais elles ont

2 essayé de tirer parti de la situation.

3 Je me souviens d'un cas qui n'est peut-être pas un cas typique. C'était le

4 8 mars, aux alentours de cette date. A la radio, j'ai entendu dire que des

5 Serbes avaient attaqué trois villages proches de la frontière avec la

6 Macédoine, et qu'il y avait 4 000 réfugiés qui attendaient au poste de

7 frontière Djeneral Jankovic. Il se fait qu'une de mes équipes de trouvaient

8 sur place dans la zone. Excusez-moi, j'ai parlé anglais. J'ai demandé à

9 cette équipe de se rendre sur les lieux pour voir sur place ce qu'il en

10 était. Pour vérifier, ils m'ont dit qu'il y avait de 300 à 400 personnes à

11 cet endroit. Cette organisation du Haut-commissariat aux Réfugiés avait

12 parlé de

13 4 000 personnes. Cela s'est peut-être passé du fait qu'il avait un manque

14 de clarté dans la situation, mais nous avons sans cesse constaté qu'on

15 grossissait les chiffres pour essayer d'avoir des réactions plus fortes.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur Hartwig, vous avez dit également que trois villages auraient

18 été, a-t-on dit, attaqués et incendiés, détruits. Vos observateurs ont-ils

19 pu vérifier ces dires-là aussi ?

20 R. Je me souviens bien, il s'agissait des villages

21 d'Ivajakajlo [phon] et de Kotlina, d'après la radio. Aussitôt, j'ai pris ma

22 voiture pour y aller. J'ai seulement été dans le village d'Ivaja. A la

23 radio, on avait dit que ces villages étaient en proie aux flammes à Ivaja.

24 A peine deux heures après avoir entendu cela à la radio, tout ce que j'ai

25 vu c'est un tout petit feu. Mis à part cela, le village était vidé de ses

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1 habitant mais n'était pas détruit. C'était comme si c'était la pause de

2 midi.

3 Au cours des deux jours suivants, j'ai envoyé une équipe sur place et je me

4 souviens qu'au cours de ces deux journées, les rapports que j'ai reçus

5 disaient que ces villages n'avaient pas été détruits mais qu'il y avait

6 effractions de certaines maisons, qu'on avait quelquefois pillé ces

7 maisons, vidé les maisons de son contenu et qu'il y avait un feu dans

8 certaines des maisons d'Ivaja. Effectivement, il y avait quelques

9 destructions dans le village d'Ivaja mais dans d'autres, rien du tout mais

10 il y avait eu pillage de maisons. Sans doute qu'on avait détruit des

11 clôtures, ce genre de choses, mais sinon on avait dit que, d'après ces

12 rapports, qu'il n'y avait rien d'autre.

13 Q. Vous souvenez-vous d'une situation qui aurait engendré des doutes chez

14 vous pour ce qui est de la véracité des rapports concernant la situation au

15 Kosovo et Metohija, et ceci en rapport notamment avec l'image généralement

16 admise. Je vais vous donner l'exemple de ce qui s'est passé au village de

17 Rogovo. Vous souvenez-vous de cela ?

18 Je vous pose la question, Monsieur Hartwig, parce que j'ai lu dans certains

19 documents que les observateurs européens ont visité cette localité. Si

20 toutefois vous ne vous en souvenez pas, dites-nous que, "vous ne vous en

21 souvenez pas."

22 R. Je n'ai pas beaucoup de détails à propos de Rogovo. Je ne sais pas non

23 plus si mon équipe s'est trouvée la première sur les lieux. Tout ce que je

24 sais, c'est que j'ai reçu un rapport disant qu'on avait trouvé 25 personnes

25 qui étaient mortes et qu'une partie de ces personnes portaient notamment

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1 l'uniforme de l'UCK en partie ou en entier et que d'autres personnes

2 portaient des vêtements civils, des uniformes de camouflage.

3 Je pense que ceci a fait, plus tard, l'objet d'une enquête, mais à ma

4 connaissance, cela n'a pas donné grand-chose comme résultat. J'ajoute que

5 je ne sais pas quelles étaient vraiment les conditions, ce que ceci a donné

6 et quels ont été les résultats.

7 Q. Avez-vous eu personnellement la possibilité de vérifier les

8 affirmations faites par les médias concernant l'existence d'un camp de

9 concentration destiné à des Albanais, en plein stade de Pristina ?

10 R. Je n'ai pas appris grand-chose de la réaction générale des médias.

11 Début mars, j'y ai passé au moins chaque soirée de toute une semaine dans

12 cette région parce qu'on avait volé des choses dans notre bureau. Il y

13 avait eu effraction, on avait volé mon appareil photo et un journaliste m'a

14 appris qu'effectivement ces biens, qui ont été volés étaient quelquefois

15 vendus dans un magasin. Ce qui fait que j'ai passé une demi-heure, un quart

16 d'heure chaque soir dans la région, pour voir si j'allais retrouver mon

17 appareil photo mais je n'ai rien trouvé. Pour ce qui est de l'intérieur du

18 stade, je n'ai pas constaté qu'il y aurait eu des choses inhabituelles qui

19 se seraient produites dans ce stade.

20 Q. Avez-vous eu vent d'informations disant qu'il y avait là un camp de

21 concentration pour Albanais ?

22 R. J'ai été très touché lorsque j'ai entendu parler de cela. Je ne sais

23 pas si je l'ai vu à la télévision, à la radio ou si j'ai lu à propos de

24 cela mais ce que je sais, c'est qu'effectivement on a fait de telles

25 comparaisons effroyables.

Page 36998

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Milosevic. Est-ce

2 que nous pouvons revenir à l'incident de Rogovo.

3 Monsieur Hartwig, vous avez déclaré que 25 hommes morts avaient été tués,

4 certains portant l'uniforme de camouflage de l'UCK. Je m'intéresse à

5 l'uniforme de camouflage de l'UCK. Ces uniformes, quel aspect avaient-ils,

6 et comment saviez-vous qu'il s'agissait d'uniformes de camouflage de

7 l'UCK ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors de mes déplacements au Kosovo, j'ai

9 souvent été arrêté à des postes de contrôle de l'UCK. J'ai parlé aussi avec

10 des chefs de l'UCK. Il y avait deux types d'uniformes différents là où je

11 me suis trouvé. Une espèce d'uniforme de camouflage. Ici sur le coup, je ne

12 pourrais pas vous dire quel aspect cet uniforme avait parce que tous les

13 uniformes de camouflage se ressemblent dans le monde. L'autre type

14 d'uniforme que portait une partie de l'UCK, c'était un uniforme noir, sans

15 motif particulier.

16 Ce que je sais, c'est que c'est le genre d'uniforme qu'on trouve

17 partout dans le monde. Ce que je sais c'est que c'étaient des uniformes qui

18 ressemblaient à ceux que portaient l'UCK.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'était, en tout cas, quoi qu'il en

20 soit, des uniformes. Ce n'étaient pas des vêtements ordinaires, des

21 vêtements civils ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivez, Monsieur

24 Milosevic.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 36999

1 Q. Monsieur Hartwig, vous êtes-vous adressé à quelqu'un et si oui, à qui,

2 pour demander des explications au sujet de ces divergences survenant entre

3 ce que vous voyiez sur le terrain et ce qui était rapporté par les médias

4 et d'une manière générale, la version officielle rapportée en occident ?

5 R. C'est certain, j'ai posé cette question et pas seulement une seule

6 fois. Jamais je n'ai reçu de réponse.

7 Q. Je m'excuse parce que la traduction n'est peut-être pas suffisamment

8 claire. Est-ce que c'est vous qui avez posé la question ? Parce qu'on a

9 traduit de façon neutre que des questions étaient posées à ce sujet ?

10 R. Oui, oui. J'ai demandé à mon supérieur à Sarajevo d'où venaient ces

11 divergences.

12 Q. Vous avez adressé ceci à votre QG central à Sarajevo, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, à Sarajevo.

14 Q. Quelle a été la question que vous avez adressée à ce QG ? Qu'avez-vous

15 dit dans cette question ?

16 R. Je ne m'en souviens pas pour chacun de ces mots, mais dans cette

17 question, j'ai dit que je voudrais avoir des explications pour savoir d'où

18 venait cette contradiction entre la réalité et la représentation qu'on en

19 faisait. D'où venait cette différence.

20 Q. Vous n'avez, si j'ai bien compris, reçu aucune réponse à cela ?

21 R. C'est exact, je n'ai pas reçu de réponse.

22 Q. Monsieur Hartwig, dans les pièces à conviction que nous avons ici, il y

23 a plusieurs textes que j'aimerais que vous nous identifiez d'abord et

24 ensuite, nous pourrions nous consacrer à leur teneur. Je vous prie de vous

25 pencher sur l'intercalaire 1.

Page 37000

1 L'avez-vous retrouvé ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que c'est votre texte à vous ?

4 R. Oui, c'est mon texte à moi.

5 Q. Je vous demanderais de nous préciser quand est-ce que vous avez rédigé

6 ce texte ?

7 R. Je l'ai sans doute écrit aussitôt après mon retour en Allemagne.

8 Pourquoi l'ai-je écrit ? Parce que l'évolution des faits au Kosovo et,

9 surtout, la guerre qui s'en est suivie m'avait ébranlé personnellement. Si

10 je me souviens bien en écrivant ce texte, j'ai essayé de consigner par

11 écrit les choses qui se passaient et j'essayais d'évaluer les choses, de

12 reprendre les informations, les impressions que j'avais eues. Comment dire,

13 c'était une façon de me souvenir, de voir comment j'avais vu les choses à

14 un moment donné.

15 Q. Cet aide-mémoire, vous l'avez rédigé si j'ai bien compris avant la fin

16 du mois de juin 1999, n'est-ce pas ?

17 R. C'est exact. Oui, oui.

18 Q. Au plus tard vers cette date-là, n'est-ce pas, Monsieur Hartwig ?

19 R. Avant quelle date.

20 Q. Avant la fin juin 1999 ?

21 R. Oui, à ce moment-là, oui.

22 Q. À présent, j'aimerais que nous passions à ce document qui constitue des

23 observations formulées par vous-même. Au point 1, vous parlez de : "Ce qui

24 s'est passé entre le début janvier et le 19 mars 1999 ?" D'après ce que je

25 peux voir, vous êtes en train de parler de tout ce qui s'est passé dans le

Page 37001

1 cours de la période que vous aviez passé à la tête de cette Mission

2 d'observation de l'Union européenne, au Kosovo-Metohija; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. On dit : "À partir du début de l'année, il y a eu de plus en plus

5 d'attaques, d'embuscades dirigées contre les forces de sécurité yougoslave,

6 des tirs d'armes à feu, de lance-grenades, lance-roquettes et de tirs de

7 mortier dirigés contre les postes de police et des officiers, des membres

8 de la police et aussi contre l'armée yougoslave; dans beaucoup cas, des

9 policiers yougoslaves ont été tués, le plus souvent, grièvement blessés ou

10 parfois, enlevés."

11 Est-ce que c'est ce qui découlait des rapports que vous receviez et de vos

12 constatations personnelles sur le terrain, lorsque vous avez annoté ce que

13 vous avez annoté ?

14 R. Ce que je dis, je ne le base pas sur des soupçons, des impressions ou

15 sous l'influence de qui que ce soit. Je me suis, pour l'essentiel, basé sur

16 les informations que je recevais des équipes, et il est certain que j'ai

17 des conversations qui m'ont permis d'avoir des informations de contexte,

18 mais pour ce qui est des incidents, ce qui est repris ici et ce que je

19 décris, je le tiens de documents officiels et tout ceux-ci peut être

20 confirmé, étayé.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Hartwig, il y a une chose

22 que je ne comprends pas. Quand, précisément, avez-vous rédigé ce rapport ?

23 En réponse à une question posée par M. Milosevic, vous avez dit avant juin

24 1999. Pourriez-vous êtes plus précis ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement pas. Ce doit être au cours de

Page 37002

1 cette période qui a suivi aussitôt ce moment-là. C'est à ce moment-là que

2 j'ai commencé à rédiger ce rapport. Je le regrette, je ne peux pas vous

3 donner de date exacte.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela c'est basé sur des

5 informations que vous avez reçues ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand avez-vous reçu ces

8 informations ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai reçu des rapports faisant état d'attaques

10 dirigées sur des postes de police ou sur des individus, dans les 24 heures

11 qui suivaient l'incident, je recevais des rapports que j'avais sur mon

12 bureau.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque vous avez rédigé ce rapport,

14 vous aviez consulté ces renseignements que vous aviez ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais encore des souvenirs très frais et

16 j'ai aussi utilisé, ou j'avais en tête ces informations que j'avais pour

17 les rapports hebdomadaires. J'ai eu de la chance, j'avais pu conserver mon

18 agenda dans lequel je consignais les incidents quotidiens.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, poursuivez Monsieur Milosevic.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez écrit cet

21 article, vous vous êtes servi de votre ordinateur et vous avez utilisé quel

22 programme, quel logiciel, est-ce que vous avez conservé ce dossier dans

23 votre ordinateur portable ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quand

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1 précisément, ce document-ci a été imprimé ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Impossible de vous le dire. Il se peut qu'un

3 moment donné je l'aie imprimé plus tard. Il est possible que je l'aie

4 imprimé lorsqu'on m'a fait comprendre que j'allais peut-être venir à La

5 Haye.

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. NICE : [interprétation] Avant de poursuivre, permettez-moi de dire ceci.

8 Je constate ce que dit le témoin à savoir que ce rapport provient de

9 documents officiels ou semi officiels et ceci peut être vérifié ou étayé a-

10 t-il dit ?

11 Les documents de sa mission, je m'attendais à ce qu'il les ait apportés. Si

12 je peux les examiner, je pourrais en parler, de façon plus satisfaisante,

13 au cours du contre-interrogatoire. Si ce n'est pas le cas, s'il ne les a

14 pas apportés, je dois dire à la Chambre que je ne dispose pas des documents

15 sous une forme que je peux utiliser. Nous avons certains documents

16 concernant cette mission et, sous réserve, une certaine restriction que

17 nous avons en partie enfreinte, mais il ne peut parler qu'en application de

18 l'Article 68 du Règlement. Si le témoin dit avoir été un fonctionnaire et

19 s'il n'a pas été en mesure d'apporter les documents dont il parle, je me

20 trouvais face à certaines difficultés.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, nous vous avons

22 entendu.

23 Continuez, Monsieur Milosevic.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Au sujet de ce que vous venez dire, un petit éclaircissement, Monsieur

Page 37004

1 Hartwig, comment y a-t-il eu destruction d'une partie de votre

2 documentation à Pristina ?

3 R. J'avais fait des notes, j'avais rassemblé ces notes, et à la mi-mars,

4 j'ai été absent pendant quelques jours, et c'est pendant cette période que

5 mes équipes ont été évacuées de l'endroit où elles se trouvaient vers

6 Skopje et une partie des bureaux ont évacué, et c'est pendant cette

7 période, à cette occasion que mes notes ont été détruites.

8 Q. Merci, Monsieur Hartwig. Revenons maintenant à l'intercalaire 1. Vous

9 dites un peu plus loin : "De plus, on enregistrait un nombre de plus en

10 plus important d'opérations contre des installations dans les villes que

11 l'on pourrait qualifier de point de rencontre de socialisation des Serbes."

12 On lit ensuite : "Grenades à main lancées dans les cafés ou les bars,

13 rafale de mitraillettes ou rafale de fusils visant les clients a Pristina,

14 Pec, Djakovica, et cetera. Des opérations semblables ne se passaient qu'en

15 dehors des villes ou des villages."

16 Vous dites encore et "normal" "les meurtres normaux des civils serbes ou

17 des Albanais soupçonnaient de coopérer avec les Serbes ou de travailler

18 pour les Serbes, ou pour des entreprises, ou pour l'administration

19 yougoslave se sont poursuivis."

20 Vous dites ensuite le 11 février l'OSCE a signalé que dix Albanais avaient

21 été enlevés par l'UCK car ils étaient soupçonnés d'entretenir des relations

22 avec les Serbes et que ces pratiques se sont même multipliées.

23 Est-ce que ce sont là des événements que vous avez pu suivre au quotidien

24 en votre qualité de chef de cette Mission d'observation de l'Union

25 européenne au Kosovo ?

Page 37005

1 R. Comme je l'ai déjà dit, ces incidents, je les apprenais au plus tard 24

2 heures après qu'ils soient survenus, on m'en informait, donc j'étais

3 toujours au courant. La question de ce qu'on appelle ici les meurtres

4 "normaux" sont indéniables la manifestation d'une impression personnelle de

5 ma part, parce qu'il régnait là une atmosphère qui était si tendue que la

6 mort d'une personne finalement était considérée comme quelque chose de

7 normale dans le climat qui était celui de l'époque.

8 Q. Vous dites un peu plus loin dans ce même texte : "Le 24 janvier, l'UCK

9 a essayé de faire pression sur la communauté internationale, l'UCK est prêt

10 à avoir ou mené une campagne plus active si la communauté internationale ne

11 devait pas réagir à Racak et que ceci ait des conséquences plus bénéfiques

12 pour la cause albanaise."

13 Pourriez-vous étoffer votre propos ?

14 R. Je sais que dans une déclaration, bon, c'est quelque chose que j'ai

15 lue, disons l'UCK a annoncé qu'elle aurait des actions -- qu'elle

16 augmenterait l'intensité de ses actions si la communauté internationale ne

17 tirait les conséquences de Racak et de ce qui s'était passé à Racak.

18 Q. Monsieur Hartwig, je ne pense que nous ayons le temps de parcourir le

19 texte entier, j'aimerais attirer votre attention sur plusieurs éléments

20 encore.

21 Tout en bas de page, vous dites : "Je souhaiterais insister sur le fait

22 qu'à tout moment seulement jusqu'au 19 mars 1999, les forces de sécurité de

23 la Yougoslavie et la VJ l'armée yougoslave ont réagi dans la discipline la

24 plus stricte et de manière très contrôlée aux attaques et aux provocations

25 de l'UCK. En revanche, dès que les forces de sécurité yougoslave ou la VJ

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1 l'armée yougoslave réagissaient aux attaques ou aux provocations de l'UCK,

2 l'UCK avec beaucoup d'adresse et de manière très vociférante montrait du

3 doigt les Serbes et la Yougoslavie et l'accusait d'opérations arbitraires.

4 "La tactique et les opérations qui sont employées dans un conflit contre

5 une armée clandestine ne permet pas malheureusement de prendre en compte

6 autant qu'il le faudrait les vies humaines ou l'opinion des nations qui ne

7 sont pas directement concernées par ce qui se passe."

8 Je veux relever ce point, vous indiquez que ces forces yougoslaves et les

9 forces de sécurité ainsi que l'armée ont réagi de façon disciplinée et

10 contrôlée s'agissant des provocations de la part de l'UCK. Est-ce que vous

11 pouvez étoffer votre propos à ce sujet-là ?

12 R. Oui, quand je dis cela --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne vois pas

14 très bien ici ce que l'on entend par rapport à l'intercalaire numéro 1.

15 Est-ce qu'il s'agissait ici, Monsieur le Témoin, d'un rapport que vous avez

16 préparé afin de le remettre à une institution quelle quel soit, ou c'est un

17 rapport que vous avez rédigé pour vous-même ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est essentiellement un rapport que j'ai

19 rédigé pour moi-même.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Ce que nous avons sous les

21 yeux, j'imagine que c'est une traduction. Une traduction d'un texte qui

22 initialement était en allemand. Ou est-ce qu'il était en anglais au

23 départ ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, c'est un texte que j'ai

25 indéniablement rédigé en anglais.

Page 37007

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Parfois je l'ai rédigé en anglais pour ne pas

3 perdre la main et pour m'exercer à rédiger en anglais.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le résultat est tout à fait

5 excellent.

6 Poursuivez, je vous prie. Poursuivez, Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne perds pas de vue le

8 fait que M. Hartwig se trouvait à la tête de la Mission d'observation de

9 l'Union européenne et qu'il note -- qu'il consigne ici des choses dont il

10 s'est rendu compte partant des faits -- partant de ce qu'il a constaté lui-

11 même ou partant des rapports présentés par ces équipes à lui, et il est

12 venu témoigner à ce sujet.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, la raison pour

14 laquelle j'ai posé cette question, c'est parce qu'à l'intercalaire numéro 1

15 nous présente ce rapport comme étant un projet de rapport, ce qui semble

16 indiquer qu'il y a été préparé afin d'être transmis à une instance, à une

17 autorité quelconque. Or, il apparaît qu'en réalité, il s'agit ici de

18 l'évaluation personnelle qu'a faite M. Hartwig de la situation du Kosovo.

19 C'est une évaluation qu'il a couchée sur le papier pour lui-même.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que cela ne diminue en rien

21 l'importance --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, en aucun cas. Ce n'est

23 nullement ce que j'ai voulu dire. Je voulais simplement que les choses

24 soient claires, que nous soyons, tout à fait, au fait de ce que nous sommes

25 en train de regarder.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Au départ, ce document était un document qui

2 était destiné à moi-même, mais, après la guerre, j'ai demandé en Allemagne

3 à pouvoir avoir des entretiens, afin de voir d'où venait la différence

4 entre la réalité et la façon dont elle était présentée. Si cet entretien

5 avait eu lieu, j'aurais sans doute indéniablement utilisé ces informations

6 -- utilisé ce document, mais on n'en a jamais arrivé à ce rencontre, ou à

7 ce point.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Veuillez continuer, Monsieur

9 Milosevic.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Robinson.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Hartwig, partant de ce que vous avez constaté ici, il découle

13 le fait que l'armée, soit les forces de sécurité, n'ont fait que riposter à

14 des provocations. Vous le dites bien : "Provocation de la part de l'UCK."

15 Ensuite, à chaque fois qu'il y a eu riposte suite à des provocations, il y

16 a eu des accusations à l'encontre de la police et de l'armée, aux termes

17 desquels elle procéderait à des actes de violence de son plein gré, de

18 façon arbitraire. Est-ce que cela correspond à ce que vous avez

19 effectivement vu sur le terrain ?

20 R. Oui. En principe, c'est d'ailleurs la tactique de la guérilla qui a été

21 utilisée ici, c'est-à-dire que l'on procède à des attaques qui sont des

22 attaques après desquels on se retire aussi rapidement que possible, après

23 les attaques surprises, et qu'on essaie de se fondre dans la vie normale,

24 afin de ne pas pouvoir donner prise à des enquêtes, et qu'on ne puisse

25 établir aucun lien; sinon, j'ai eu l'impression formelle qu'il y avait eu

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1 des provocations, et lorsque les forces de sécurité ont riposté aux

2 provocations, à ce moment-là, on leur a reproché de faire preuve

3 d'arbitraire.

4 Permettez-moi de donner un exemple. Cela me rappelait à ce qui se

5 passait dans ma jeunesse. J'avais une petite sœur et, parfois, elle

6 m'énervait beaucoup. Parfois, elle se mettait à hurler, et elle prétendait

7 que c'était de ma faute.

8 Q. Monsieur Hartwig, je m'efforcerais d'aller le plus vite possible, mais

9 pas au détriment de certains faits. Je vous demande de vous pencher sur la

10 page 2. Vous dites, une fois arrivé à Pristina, au sujet de ce point A.1, à

11 votre arrivée à Pristina, vous êtes entretenus avec la totalité des membres

12 de cette Mission occidentale, et vous dites, je donne lecture de ce que

13 vous avez rédigé : "Ils m'ont tous dit qu'il existait une contradiction

14 manifeste entre leurs rapports envoyés à leurs capitales (gouvernements)

15 d'une part, et la situation au Kosovo telle qu'elle a été présentée par

16 leurs gouvernements."

17 Est-ce ceci avait constitué une règle, un phénomène régulier que vous avez

18 constaté pendant tout votre séjour là-bas, en qualité de chef de cette

19 mission ?

20 R. Ce que j'apprenais par les premières discussions avec les représentants

21 des différentes communautés, ces premières discussions ont éveillés mon

22 intérêt, et m'ont permis de me rendre compte que c'était peut-être un

23 élément qu'il convenait de prendre en compte, auquel il fallait faire très

24 attention. Cela ne se passait pas au quotidien, mais, dès que c'était

25 possible, ou quand cela a été possible, j'ai pu constaté que ces

Page 37010

1 différences dont nous avons déjà parlé au début de ma déposition, à savoir

2 la différence entre ce qui se passait, effectivement, et la différence et

3 la manière dont ces événements étaient présentés, j'ai pu constater que

4 cette différence existait bel et bien.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, si on regarde la

6 phrase suivante, je cite : "Jusqu'à présent, je suis tout à fait d'accord

7 avec le lien que vous établissez entre l'engagement tardive de l'OTAN en

8 Bosnie-Herzégovine, et l'engagement précoce et injustifié de l'OTAN au

9 Kosovo."

10 Le lien que vous établissez, vous, c'est ce que vous décrivez dans votre

11 rapport. De qui parlez-vous, Monsieur le Témoin, quand vous parlez de "your

12 link", le lien que vous établissez ? Qui est-ce vous ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est personne en particulier. J'essayais

14 simplement de coucher, sur le papier mes impressions, mes idées, ma vision

15 des choses. Ce n'était personne, en particulier, que j'ai désigné ici.

16 C'était une sorte d'interlocuteur fantôme.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous auriez pu plutôt aussi bien

18 parler d'un lien établi, sans préciser par qui.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je savais que cela allait être présenté

20 devant un Tribunal, j'aurais sans doute fait beaucoup plus d'attention aux

21 termes que j'ai choisis, mais non. En fait, je ne m'adressais à personne,

22 en particulier. Il s'agissait simplement pour moi de coucher sur le papier

23 mes sentiments, mes préoccupations également, en ce qui concernait la

24 situation. Ce document n'avait pas vocation initialement à être publiée.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hartwig, il s'agit du

Page 37011

1 deuxième paragraphe numéroté dans une partie qui est intitulée : "En ce qui

2 concerne A," à l'attention de A. A la page suivante, on voit qu'il est

3 écrit "To B", c'est-à-dire, à l'attention de B. Est-ce qu'il s'agit des

4 questions qui vous avaient été posées, auxquelles vous avez répondu ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Peut-être que je travaillais

6 sur la passée d'un plan, que j'ai utilisé une sorte de plan où j'avais

7 inscrit la synthèse de ce que je voulais aborder avec des paragraphes.

8 Peut-être qu'en fait, je faisais référence à un plan que j'avais établi

9 initialement, avant de commencer à écrire.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En dessous du point 2, on voit peut-

12 être l'explication, ou il est écrit : "Avant le point principal, des

13 questions plus faciles doivent peut-être faire l'objet d'une réponse : a)

14 qu'est-ce qui s'est vraiment passé ? b) qu'est-ce qui a été rapporté par

15 les médias ? Je pense que c'est les questions qu'il se posait.

16 Veuillez continuer, Monsieur Milosevic.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson, parce que j'ai sauté

18 les questions qui s'y posaient, et les explications concernant ce qui s'est

19 produit dans la réalité.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Au point 2 (a) : "Comme cela a déjà été indiqué précédemment, jusqu'au

22 19 mars 1999, il n'y avait aucune raison quelle quel soit pour quiconque

23 d'intervenir dans l'administration par la Yougoslavie du Kosovo.

24 "Tous les hommes politiques de premier plan à la demande -- ainsi que le

25 chef de la Mission de vérification au Kosovo à la demande de l'OSCE ont

Page 37012

1 essayé de reprendre le contrôle des forces de sécurité et des forces

2 yougoslaves qui avaient été mis sur les dents par les attaques permanentes,

3 les provocations, les manœuvres d'harcèlement de l'UCK, et les nombreux

4 meurtres de leurs collègues sans avoir pourtant la possibilité de riposte."

5 Entre parenthèses, on peut lire : "Armée clandestine."

6 Au point 3, vous dites : "Au sein des forces de sécurité de la Yougoslavie,

7 on comptait non seulement des Serbes mais aussi des Albanais qui étaient

8 les cibles désignées de l'UCK en raison de la coopération manifeste qu'ils

9 apportaient aux Serbes."

10 Monsieur Hartwig, pouvez-vous nous commenter ceci, et établir le lien entre

11 ce que vous avez constaté vous-même en votre qualité de chef de cette

12 Mission d'observation de la Communauté européenne au Kosovo ?

13 R. Je ne comprends pas la question. Je ne comprends votre question.

14 Excusez-moi.

15 Q. Je vous ai cité ce point 2, où vous dites : "Comme on l'a indiqué

16 jusqu'au 19 mars 1999 ou plutôt jusqu'à la fin de votre mission jusqu'à

17 votre retrait, il n'y avait aucune raison pour qui que ce soit de se mêler

18 à ce que faisait l'administration yougoslave au Kosovo."

19 Toute votre expérience en votre qualité de chef de cette Mission

20 d'observation européen disait qu'il n'y avait aucune raison de ce faire,

21 n'est-ce pas ? Est-ce que c'est là la conclusion principale que vous avez

22 tirée ?

23 R. A partir de ce que j'ai vu -- à partir de ce que j'ai constaté, à

24 partir des informations qui m'ont été communiquées, oui, effectivement,

25 c'est le cas. C'est exact.

Page 37013

1 Q. Parcourons brièvement, je vous prie. A la fin de ce paragraphe, de ce

2 point A, vous dites, je cite : "Il y a un aspect qui n'a été nullement

3 mentionné jusqu'à présent. La rivalité entre les clans albanais

4 traditionnels et anciens vivant au Kosovo, ils ne coopéraient pas. On n'a

5 pas vu s'interrompre l'application de l'ancien code du Kanoun [phon] et des

6 vengeances, cette culture de vengeance traditionnelle, et en fait, ils ont

7 utilisé la situation critique qui régnait pour renforcer leur position. On

8 a dit avoir trouvé -- qu'on avait trouvé une fausse commune aux alentours

9 de Srbica avec quelques 40 cadavres, et que c'était le résultat d'un

10 affrontement entre les clans même si les Serbes ont été rendus responsables

11 de ce fait."

12 Comment avez-vous fait pour aboutir à cette conclusion-là ?

13 R. Je crois qu'il s'agit du charnier de Donje Crnje [phon], je suis allé

14 sur place. On m'a dit qu'il s'agissait d'un charnier qui contenait des

15 cadavres de personnes tuées par les Serbes, et je ne sais pas qui a tué ces

16 personnes, mais j'ai parlé avec les gens et pas uniquement au sujet de

17 Donje Crnje, mais je me suis entretenu avec les gens, et lors l'une de ces

18 conversations, je me souviens plus avec qui, on m'a dit soudain que ceux

19 qui avaient été à Donje Crnje n'étaient pas tombés aux mains d'une attaque

20 ou d'une unité serbe mais qu'il s'agissait du résultat d'un affrontement

21 entre deux clans.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, est-ce que dans

23 l'acte d'accusation on parle de Srbica et du charnier qui a été trouvé ?

24 M. NICE : [interprétation] Je vais vérifier.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'essaie de

Page 37014

1 déterminer si dans l'acte d'accusation, il y a quelque chose qui se

2 rapporte à ce charnier parce que, rappelez-vous une chose, Monsieur

3 Milosevic, vous renforcerez votre position si ce témoin qui appartenait à

4 la MCCE est en mesure de donner des informations précises sur la base de

5 rapports et d'informations qui lui ont été fournis, et qu'ils pourraient

6 éventuellement contredire ce qui figure peut-être dans l'acte d'accusation.

7 Cela peut se révéler beaucoup plus utile pour vous que des observations

8 générales faites par lui au sujet de la situation.

9 M. KAY : [interprétation] Paragraphe 66(G).

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il ne s'agit pas seulement

11 de Srbica. Ici, tout ce qui s'est produit a été reproché au côté serbe,

12 toutes les tueries, et même s'il y a eu beaucoup de conflits, et même ce

13 que j'ai cité au point 3. Où il est dit, au sein des forces de sécurité il

14 n'y avait pas seulement des Serbes mais aussi des Albanais qui faisaient

15 l'objet d'attaques ciblées de la part de l'UCK par ce qui coopérait

16 manifestement avec les Serbes. D'après les renseignements dont nous

17 disposions les terroristes albanais dans le courant de 1998 ont tué plus

18 d'Albanais que de Serbes.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement, au paragraphe 66(G)

20 il y a des allégations relatives à Srbica ou plutôt Ivica.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, dans la municipalité de Skenderaj.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On parle de Srbica au paragraphe

23 63(C).

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poursuivre ?0

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

Page 37015

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, merci.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Je vous prie de vous pencher sur ce que vous avez noté au point B. Vous

4 expliquez : "Pendant assez longtemps personne ne s'est intéressé à ce qui

5 se passait au Kosovo. Peut-être les Européens s'étaient-ils lassés après

6 toutes les décisions prises, les décisions très difficiles prises au sujet

7 de l'intervention de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine. Mais soudain le Kosovo

8 est revenu à l'ordre du jour, on a vu de plus en plus d'informations

9 publiées au sujet de l'oppression des Albanais par l'administration serbe

10 yougoslave au sujet des attaques contre les Albanais, au sujet des

11 incendies criminelles contre les maisons albanaises, de la discrimination

12 contre les Albanais dans les entreprises et dans les écoles.

13 "Après l'expérience que l'on avait eu avec 'les Serbes' en Croatie et en

14 Bosnie-Herzégovine, il n'y aucun doute que ces informations que ces

15 rapports étaient conformes à la réalité. Mais il n'y a aucune réaction

16 européenne jusqu'à ce que les médias commencent à parler du nettoyage

17 ethnique et des atrocités visant les Albanais."

18 Monsieur Hartwig, ici, il s'agit d'un récit aisément admis au terme duquel

19 les serbes sont ceux qui commettent des crimes. En réalité, cela était

20 lancé dans le publique sans fondement. Est-ce que c'est bien là ce dont

21 vous pourriez témoigner ici ?

22 R. Je le répète, vu ce que j'ai observé, il est exact de dire que bon

23 nombre délits ont été imputés aux serbes et ceci de façon automatique.

24 Q. Tout le monde pouvait aisément le croire grâce, entre autres, à cette

25 propagande, vrai ou faux ?

Page 37016

1 R. Je suis d'accord pour dire qu'automatique, le fait de trouver un

2 auteur, d'attribuer la responsabilité de façon automatique, rend la vie

3 plus facile à certains.

4 Q. Voyons un peu plus loin.

5 "Il faut supposer qu'à ce moment-là, il y avait déjà un plan politique

6 visant à chercher à trouver une occasion d'attaquer le Kosovo. Puisqu'il

7 n'était pas possible d'offrir un objectif politique justifiant un

8 engagement militaire au public, à l'opinion publique, il fallait trouver

9 des atrocités de grandes envergures

10 "Tout ce qui a été rapporté par les albanais a été accepté avec

11 reconnaissance, avec gratitude. Le fait de présenter une vision équilibrée

12 des choses c'est devenu un mot étranger.

13 Je ne veux pas qu'on se méprenne, je suis tout à fait favorable à ce qu'on

14 fasse clairement rapport de cas de crimes, d'atrocités si ce sont des cas

15 véritables, si c'est la réalité. Mais je suis carrément opposé à toute

16 manipulation de situation, de déclarations ou de rapports."

17 Ensuite, lorsque j'ai effectué des visites de politesse aux dirigeants du

18 clergé du monde politique serbe, je l'ai fait aussi pour les albanais et

19 j'ai toujours été le premier "européen". Par conséquent, ce n'est pas

20 étonnant que les entretiens et les rapports aient été asses unilatéraux. En

21 aucun cas impartial, manifestement, il n'avait pas vocation à être

22 objectif.

23 Q. Vous dites : "Le point principal dans la plupart des entretiens que

24 j'ai avant les attaques aériennes de l'OTAN semblait essayer de dépeindre

25 la situation de la façon la pire possible et de montrer la Yougoslavie sous

Page 37017

1 un angle, sous un éclairage le plus défavorable possible. Les rapports, les

2 médias, ce que j'interprète, ont fait rapport de tout et jusqu'au moindre

3 détails. Plus c'était mauvais, mieux c'était.

4 "Les gens ordinaires ne pouvaient pas faire la différence entre la

5 propagande et la réalité. Même si des hommes politiques ont déclaré que

6 celles-ci étaient honnêtes et véritables et véridiques, plus exactement, ce

7 que --

8 "Il était essentiel de montrer les atrocités parce que ceci permettait aux

9 médias de justifier tout engagement militaire de l'OTAN, son propre

10 engagement."

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez pratiquement pris tout une

12 page de compte rendu d'audience pour lire ce texte. Le temps est venu de

13 poser une question.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste cette petite phrase encore : "Et cette

15 prescription, cette formule elle a marché on croit encore aujourd'hui que

16 c'était, je veux dire on croit que ce sont les médias qui ont échoué parce

17 qu'il n'était pas un élément permettant de contrôler la politique mais

18 plutôt des serviteurs dociles."

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Hartwig, est-ce qu'il s'agissait là d'une chose dont vous avez

21 pu rendre compte à savoir une guerre médiatique parallèle qui permettait de

22 faire aboutir à une intervention militaire réelle ?

23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si cette

24 question est autorisée. Je ne me suis pas opposé à plusieurs questions,

25 mais, à cette question, le témoin a été très prudent dans ses réponses.

Page 37018

1 Mais là je me demande si ce genre de clarification est utile.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Reformulez votre question, Monsieur

3 Milosevic

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Hartwig, à ce moment-là, à cette époque, au moment où vous

6 avez formulé ces observations qui sont les vôtres, comment avez-vous

7 qualifié le rapport entre la campagne médiatique et la campagne militaire ?

8 R. C'est très simple, je crois. Aujourd'hui, il n'est plus aussi possible,

9 aussi facile de commencer une guerre aujourd'hui. Vu l'expérience acquise

10 dans l'histoire, il faut préparer sous une forme ou une autre la guerre, et

11 de préparer une guerre, il faut, à mon avis, que l'opinion publique

12 soutienne ce genre d'action. C'est pourquoi je pense que c'est une

13 possibilité, et l'histoire l'a prouvé. Lorsque des choses se sont

14 véritablement passées et aussi simplement on invente des ventes ou aussi on

15 les présente de façon exagérée, à ce moment-là, c'est pour faire sortir les

16 gens dans la rue et pour permettre une intervention militaire.

17 Q. Pour finir à la fin de ce paragraphe 1, vous dites : "Jusqu'au début

18 des attaques aériennes de l'OTAN au Kosovo, les serbes n'ont pas chassée la

19 population du Kosovo."

20 Comme la partie que j'ai citée tout à l'heure a déjà été commentée, puisque

21 vous indiquez que la recette a marché et que les médias ont suivi, ensuite,

22 vous dites à la page suivante : "Campagne n'a de sens que si on peut

23 répondre à la question posée auparavant. Est-ce qu'il est vraiment réaliste

24 de supposer que les droits de l'homme ont été défendus ou rétablis ? Est-ce

25 qu'il y a des faits très clairs qui prouvent que les serbes (l'armée

Page 37019

1 yougoslave -VJ - et le MUP) auraient commis des crimes allant contre

2 d'autres groupes éthiques avant les débuts des frappes aériennes de

3 l'Otan ? Ou est que les médias n'étaient que les serviteurs dociles

4 politique et n'ont fait état que ce que les hommes politiques voulaient

5 entendre. Si c'est le cas, il serait intéressant de savoir qui avait

6 intérêt à donner une idée ou une image ou une image manipulée ou même

7 fausse de la situation qui existait au Kosovo."

8 Est-il nécessaire de commenter ceci, Monsieur Hartwig ? Est-ce que c'est en

9 d'autres termes la position claire et nette que vous avez exprimée de votre

10 part ce texte ?

11 R. C'est une expression personnelle, peut être exagérément personnelle de

12 ce que j'ai vu, de ce que j'ai vécu.

13 Q. Vous terminez votre texte en disant : "Ceci dit qu'apparemment, la

14 volonté de 'défendre les droits de l'homme' et que cette volonté d'éviter

15 une catastrophe humanitaire sous les yeux de la Communauté européenne, ce

16 n'est ni vrai, ni honnête."

17 Constatons une fois de plus, Monsieur Hartwig, vous l'avez bel et bien

18 rédigé en 1999, à l'époque, que vous vous trouviez à la tête de cette

19 Mission d'observateur européen pour Kosovo et Metohija, n'est-ce pas ?

20 R. Ce n'est pas pendant ma mission en temps que chef du bureau, mais

21 plus tard. Puisque nous avons été évacués le 19 mars, c'est plus tard.

22 C'est après que j'ai consigné ces notes.

23 Q. Oui, certes, mais en 1999 toujours.

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin nous a déjà dit que

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1 c'était avant le mois de juin 1999.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en suis sûr que c'était avant, pour la plus

3 grande partie. Ce n'est pas un texte travaillé en un seul jet. J'avais

4 préparé un brouillon, j'avais établi, j'avais repris certains points, mais

5 à partir de ce brouillon, de ce plan, j'ai créé ce texte. Il se peut que

6 j'aie ajouté ou que j'aie retravaillé l'une ou l'autre phrase, mais ce

7 document en temps que tel, je l'ai rédigé à cette époque là, effectivement.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'avez-vous fait de ce document ?

9 Est-ce que vous vous en êtes servi après l'avoir écrit ? Manifestement,

10 c'est un avis assez musclé, une opinion très ferme.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Je ne me suis pas servi de ce

12 document. Dans des cas isolés, au cours de discussions, des discussions

13 personnelles, qui n'étaient pas publiques, au cours de discussions privées,

14 j'ai effectivement fait part de mon expérience.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est venu de faire la

16 pause. Pause de 20 minutes.

17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

18 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, poursuivez,

20 s'il vous plaît.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je me suis référé à cet

22 intercalaire 1. J'aimerais que cet intercalaire soit versé au dossier.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Hartwig, j'espère que nous allons parcourir plus brièvement

Page 37021

1 l'intercalaire 2. Je demande maintenant de vous référer maintenant cet

2 intercalaire 2, des pièces à conviction.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout d'abord une cote, Madame la

4 Greffière.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La liasse complète portera la cote

6 D283.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que vous avez cet intercalaire 2 sous

8 les yeux, Monsieur Robinson.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Hartwig, est-ce que ceci correspond à la présentation que vous

12 faites à l'attention de l'Union européenne ?

13 R. Il s'agit ici du texte d'une contribution que j'ai faite à une

14 conférence qui s'est tenue à Sarajevo. C'était destiné au personnel

15 travaillant au quartier général au siège principal.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parlez-nous de cette conférence. Qui

17 l'a organisé ? Sous les auspices de qui ? De quelles instances s'est-elle

18 tenue ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Début de l'année 1999, la République fédérale

20 d'Allemagne avait pris la présidence de l'Union européenne. A ce moment-là,

21 un chef de Mission allemand était nommé. Ce mandat est de six mois et il y

22 avait, au milieu de cette période, une conférence de la zone de

23 responsabilité. J'ai reçu pour mission de présenter la situation telle

24 qu'elle se présentait au Kosovo, dans le cadre de cette conférence.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle était la finalité de cette

Page 37022

1 conférence ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de mettre à jour ces personnes

3 en leur donnant des informations sur la situation dans tel ou tel domaine,

4 et quels devaient être les moments forts des trois mois qui allaient

5 suivre. On a parlé de l'histoire des Balkans.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivez

7 Monsieur Milosevic.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Essayons d'interpréter cette première page. On dit : Présidence

10 allemande de cette mission, MCCE, 1er janvier 1999 au 30 juin 1999. Il

11 s'agit là de la période où l'Allemagne a présidé, n'est-ce pas ? Cela

12 n'indique que la présidence de l'Allemagne à l'époque, n'est-ce pas,

13 Monsieur le Témoin ?

14 R. Oui.

15 Q. "Le titre principal". "CAOR", Conférence secteur de responsabilité,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Exact.

18 Q. Mémorandum interne, vous l'avez ce mémorandum interne. Vous l'avez

19 présenté le 16 mars 1999, n'est-ce pas ?

20 R. Je l'ai sans doute transmis une semaine auparavant parce que la

21 conférence s'est tenue le 16 mars.

22 Q. Très bien, nous avons tiré les choses au clair. La conférence s'est

23 tenue en date du 16 mars, en effet, et le mémorandum interne, vous l'avez

24 communiqué une semaine avant.

25 En vous servant de ce mémorandum interne, avez-vous présenté un rapport

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1 oral à l'occasion de la tenue de cette conférence concernant la situation

2 au Kosovo-Metohija ?

3 R. Je me suis fort tenu à ce document lorsque j'ai présenté ma

4 communication.

5 Q. Nous allons brièvement parcourir ce document.

6 Dès la première phrase, vous indiquez, sur l'intitulé : "Situation

7 sur le terrain au Kosovo. D'une façon générale, la situation est différente

8 de l'image présentée par les médias, et en fait, en réalité, elle diffère

9 aussi suivant les groupes ethniques et sociaux.

10 "Les médias manifestent leur philosophie qui consistent à présenter les

11 nouvelles en fonction de leur position politique personnelle, et les médias

12 ne veillent pas toujours à présenter une image complète, véritable et

13 honnête."

14 Cette opinion de votre part, dont on a eu vent à la lecture du document

15 précédent, vous l'exposez à une conférence publique, n'est-ce pas ?

16 R. Ce n'était pas une conférence publique. C'était une conférence réservée

17 au personnel de la Mission d'observation.

18 Q. Je comprends ce rectificatif. Disons qu'il n'y a pas des journalistes

19 de présents, mais c'est une conférence tout à fait officielle avec la

20 participation de tous ceux qui sont impliqués dans la Mission

21 d'observation, si j'ai bien compris.

22 R. Des observateurs mais aussi le personnel administratif y participait.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment les présentations se sont-

24 elles faites. Est-ce qu'une fois la présentation faite, il y a des

25 questions qui ont été posées ?

Page 37024

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons entendu la

3 signification de ce sigle "AOR" ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Zone de responsabilité.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Combien de participants y a-t-il eu à cette conférence ?

8 R. De 40 à 60.

9 Q. Très bien. Quand je dis que vous avez présenté en public ces opinions,

10 vous l'avez fait publiquement devant ces 40 ou 60 personnes qui se

11 trouvaient impliquer là ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la définition que vous, vous

13 avez de conférence publique, Monsieur Milosevic.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Disons, officiellement, plutôt que de dire

15 publiquement, étant donné que c'est une conférence officielle.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Vous nous dites ici : "Les Albanais du Kosovo, dans une large mesure,

19 ne sont pas politiquement intéressés. Ce sont simplement des opportunistes

20 politiques qui n'ont pas d'avis politique personnel et qui suivent toute

21 déclaration faite par la LDK ou l'UCK qui leur promet une vie meilleure.

22 "Il n'y a qu'une faible partie des Albanais du Kosovo qui sont rarement

23 engagés sur le plan politique, plus ou moins, et qui s'occupent d'idées

24 politiques qui n'ont pas encore été bien définies, identifiées. Pire

25 encore, les Albanais du Kosovo n'ont pas réussi à se mettre d'accord pour

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1 désigner un seul représentant politique ou une seule représentation

2 politique qui aurait le droit de parler au nom de la plupart des Albanais."

3 Vous continuez pour expliquer ce que fait cette partie radicalisée

4 des Albanais du Kosovo, représentée essentiellement par l'UCK. Vous dites,

5 les objectifs politiques, tels que vous exprimez, et la première chose que

6 vous dites, c'est de se débarrasser de l'administration serbe, ensuite de

7 se débarrasser complètement de tous les Serbes du Kosovo. Puis, vous

8 expliquez qui est-ce qui a exprimé de telles vues. Puis l'objectif suivant

9 est ce qui suit : "D'établir un Kosovo albanais ayant pour objectif

10 dissimulé -- ou en ayant en vue les Albanais se trouvant au Monténégro et

11 dans ce qui était l'ancienne République yougoslave de Macédoine, ainsi que

12 l'unification avec ces parties-là."

13 Dans les explications que vous avez avancées, vous êtes-vous servi

14 de l'expression "Grande Albanie" ? Cette expression était-elle connue de

15 vous ?

16 R. Cette expression "Grande Albanie", je crois me souvenir que je

17 l'ai utilisée une fois en faisant une comparaison. J'ai dit que d'un côté,

18 l'idée d'un empire grand serbe est considérée, mais personne ne parle de ce

19 que j'ai entendu au cours d'entretiens avec des Albanais, de la

20 restauration d'un grand empire "Grand Albanais" qui aurait pour confins les

21 frontières du Moyen Âge.

22 Q. Est-ce que cela constitue à peu près, pas tout à fait, mais ce

23 que vous dites ici : "Ces visions cachées, en prenant vue les Albanais de -

24 - c'était l'ancienne République yougoslave de Macédoine et du Monténégro et

25 de la réunification avec ces parties-là." Est-ce que c'est la description

Page 37026

1 officielle de ce que vous entendiez par, ou sous la notion de Grande

2 Albanie ?

3 R. Lorsque j'ai parlé de cette Albanie, de cette Grande Albanie

4 historique, cela incluait l'Albanie actuelle. Au cours des entretiens avec

5 des Albanais pendant mon séjour au Kosovo, on avait toujours en vue la

6 partie où se trouvaient les Albanais en Macédoine et au Monténégro. J'avais

7 le sentiment que les citoyens de l'Etat d'Albanie étaient un peu le parent

8 pauvre des Albanais. C'est comme cela qu'on les voyait.

9 Q. Vous êtes en train de nous parler maintenant des Serbes -- intitulé

10 suivant. Vous décrivez la situation auprès des Serbes, en disant que : "Les

11 Serbes parlent d'erreur politique de 1989, date à laquelle Milosevic a

12 retiré l'autonomie du Kosovo, ou a enlevé au Kosovo son autonomie, où la

13 plupart des hommes politiques en fonction seraient prêts à participer à des

14 discussions avec des Albanais modérés, quant à la façon d'organiser le pays

15 à l'avenir, sur l'organisation de l'avenir."

16 Cela a constitué une ambiance générale que vous avez constatée dans vos

17 contacts avec les représentants officiels de la partie serbe à ces

18 réunions, n'est-ce pas Monsieur Hartwig ?

19 R. Pour ce qui est du fait que l'autonomie, le statut d'autonomie a été

20 enlevé au Kosovo, et ce que j'écris ici, je l'ai compris deux ou trois

21 fois. Mais ce que j'ai constaté de façon générale au cours de mes

22 entretiens, c'est qu'il y avait un besoin pressant de créer une situation

23 qui, pour les Serbes mais aussi pour les autres minorités du Kosovo,

24 pourrait constituer une base, une base de coexistence.

25 Q. C'est ce qui a constitué le point de vue des Serbes avec lesquels vous

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1 vous êtes entretenus ?

2 R. Oui.

3 Q. Très bien, merci. Vous dites plus loin : "La montée en puissance de

4 l'UCK et ses attaques 'terroristes', accomplies dans le cadre de la

5 tactique de guérilla, visant la police, les civils et la VJ, a durci la

6 position qu'avaient les Serbes même modérés, et les a rendus moins prêts à

7 accepter la négociation. Les médias et le monde politique occidentaux, de

8 l'avis des Serbes et pas seulement des Serbes du Kosovo, ont soutenu cette

9 évolution en accordant, de façon indue, une attention publique et politique

10 à l'UCK, à ses chefs, et en jetant constamment le blâme sur un seul côté,

11 sur les Serbes. Ce n'est pas par plaisir, ou par bon plaisir que nous

12 agissons. Nous sommes obligés, par le droit et par la loi, de protéger la

13 population et de garantir l'ordre public; nous le faisons de notre façon.

14 Qu'est-ce qui se passerait dans votre pays, si des patrouilles de police

15 étaient prises en embuscade, si des policiers étaient assassinés, si des

16 bombes étaient lancées dans des cafés ou des restaurants. Est-ce que votre

17 police se contenterait de rester passive et d'observer ? Ceux sont là les

18 questions que m'a posées le chef de la police du Kosovo."

19 Monsieur Hartwig, tout ceci se passe le 16 mars. Vous l'avez rédigé une

20 semaine avant, ou peut-être même un peu plus longtemps à l'avance, parce

21 que vous l'avez envoyé une semaine à l'avance. Ici, il s'agit d'une

22 situation qui voit se confirmer -- ou plutôt, est-ce que ceci confirme le

23 fait qu'il s'agissait d'une escalade de ces attaques terroristes de

24 l'UCK contre des cibles qui se trouvaient au Kosovo et Metohija ? La

25 police, l'armée, et autres sites, tels que les restaurants, cafétérias, et

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1 tout ce qui est mentionné ici.

2 M. NICE : [interprétation] Est-ce la Chambre est satisfaite de ce type de

3 question ? J'ai le sentiment que pratiquement on souffle toute la réponse

4 au témoin en la posant.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répondez à la question, Monsieur le

6 Témoin, s'il vous plaît.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les faits provenant de rapports et d'autres

8 renseignements se retrouvent ici dans ce que je déclare, à savoir qu'il y a

9 eu un nombre accru d'attaques dirigées contre l'exécutif, ou les

10 puissances, ou l'administration. Rappelez-vous qu'il y a eu les pourparlers

11 de Rambouillet. C'est tout à fait intéressant. A ce moment-là, il y a eu

12 vraiment une recrudescence des attaques. Je le répète ici sans, bien sûr,

13 le mentionner.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Hartwig, pouvez-vous me dire

15 ce que vous entendez exactement par la chose suivante quand vous posez la

16 question, je cite : "Que se passerait-il dans votre pays si les policiers

17 étaient assassinés, les patrouilles de police prises en embuscade, des

18 bombes lancées dans des cafés ? Est-ce que vous vous contenteriez

19 d'observer la chose ?" Pourquoi avez-vous posé cette question ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai écrit cette phrase pour essayer de faire

21 comprendre la situation de l'exécutif serbe, parce que ces questions, je

22 les tire d'un entretien que j'ai eu avec le général Lukic. Il m'avait lui-

23 même posé ces questions. Comme je l'ai dit, comment réagirait-on dans votre

24 pays si ce genre de chose se passait ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette observation vous a

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1 semblé être une tentative de justifier les représailles ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai absolument pas eu cette

3 impression. Globalement, d'ailleurs, pendant tout mon séjour au Kosovo,

4 j'ai eu l'impression que la police en premier lieu et également les

5 militaires, l'armée, se sont efforcés au maximum de s'en tenir aux termes

6 de l'accord Holbrooke-Milosevic. J'ai eu, notamment, une discussion avec le

7 général Lukic qui m'a dit qu'ils auraient tout à fait la possibilité

8 d'employer leur force d'une autre manière afin d'en finir avec l'UCK, mais

9 qu'ils ne voulaient pas donner de motifs à l'extérieur. Ils ne voulaient

10 pas donner de motifs pour qu'on les considère comme une partie ne s'en

11 tenant pas à leurs engagements.

12 Par là, il voulait dire qu'on voulait s'engager à respecter au maximum

13 l'accord Holbrooke-Milosevic, et l'idée c'était de s'en tenir à tous les

14 termes de cet accord pour ne créer aucune difficulté, aucun désaccord.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Hartwig, M. Bonomy parle de "représailles", c'est un terme

17 qu'il vient d'utiliser il y a quelques instants. Est-ce qu'à quelque moment

18 que ce soit pendant votre séjour au Kosovo, vous avez eu l'impression que

19 la police ou l'armée s'était lancée dans des opérations de représailles,

20 que ces forces s'étaient engagées dans des opérations que l'on pourrait

21 qualifier d'opérations de représailles ? Est-ce que vous avez eu cette

22 impression ?

23 R. Non, je n'ai eu aucun rapport, aucune information dans laquelle on

24 aurait même fait allusion à ce type de formulation, à ce type d'expression.

25 Quant à mon impression personnelle, moi, cela allait dans le même sens.

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1 C'est à dire que moi personnellement, je n'ai rien vu qui ressemble à de la

2 vengeance ou à des représailles. J'ai eu, par contre, beaucoup de

3 discussions avec des Albanais et jamais on a fait de reproches contre la

4 police ou l'armée en général au sujet de violations du droit humanitaire.

5 On m'a dit que des personnes avaient été enfermées par la police ou par

6 l'armée Serbe et qu'on ne savait pas où ils étaient. Cependant, jamais on

7 ne m'a donné d'informations précises, d'informations vérifiables dans ces

8 conversations au sujet d'opérations de représailles ou de vengeance.

9 Je dois dire aussi une chose personnelle, que cela n'exclut peut-être

10 pas des actes individuels de ce type, ce qui est toujours possible. Il est

11 toujours possible qu'un individu ait commis ce type de chose. Mais dire que

12 du haut seraient venues des instructions pour que ceci soit mené de manière

13 systématique et organisée, non. Je n'ai rien vu qui aille conforter cette

14 idée.

15 Q. Monsieur Hartwig, vous donnez des informations au sujet de l'UCK. "Le

16 28 février 1998, l'UCK a attaqué une patrouille de police dans le village

17 de Likosani. Quand deux policiers ont été tués…", et cetera. "Deux

18 blessés…", et cetera ". Ensuite, vous dites : "Depuis lors, les tactiques

19 de guérilla de l'UCK se sont développées, les opérations se sont

20 améliorées d'ailleurs, en même temps que la qualité du matériel et des

21 armes d'infanterie légère à leur disposition. La formation militaire, les

22 compétences, l'organisation des forces se sont améliorées également et le

23 nombre des hommes engagés dans les combats ainsi que dans l'appui au

24 personnel au combat augmentait".

25 Ensuite, vous dites, je cite : " Le recteur de l'université d'Albanie à

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1 Pristina a annoncé qu'il se réjouissait dès qu'il apprenait qu'un étudiant

2 allait rejoindre les rangs de l'UCK ou l'avait fait."

3 Comment avez-vous appris ce fait ?

4 R. Cela s'est dit lors d'une réunion ou d'un entretien que j'ai eu avec

5 lui. C'est une chose qu'il a dite à ce moment-là.

6 Q. Merci beaucoup. C'est quelque chose qu'il vous a dit personnellement ?

7 Que vous avez appris dans un contact personnel avec lui ?

8 R. Oui.

9 Q. "Les postes de police et du MUP, ainsi que les patrouilles de police

10 ont continué à être les cibles principales des attaques l'année dernière,

11 alors que la VJ n'a pas été visée jusqu'à la fin de 1998; mais ceci a

12 changé en 1999, puisqu'à de très nombreuses reprises et de manière répétée,

13 on a assisté à des attaques par l'UCK de convois de la VJ. L'UCK qui essaie

14 de plus en plus de diriger l'évolution des événements et de lui dicter son

15 cours".

16 Comment en êtes-vous arrivé à ces conclusions au sujet des objectifs de

17 l'UCK ? Est-ce que vous aviez des informations, ou avez-vous eu des

18 informations au sujet des conflits, à l'origine desquels se serait trouvée

19 l'armée ou la police ?

20 R. Commençons par la deuxième question. Je n'ai connaissance d'aucun

21 conflit qui ait été initié de cette manière. Je n'ai pas eu de rapport dans

22 ce sens et je n'ai rien vu qui aille dans ce sens. Je n'ai rien entendu non

23 plus qui aille dans ce sens.

24 Maintenant, quant à la question relative aux objectifs que s'était

25 fixé l'UCK. J'avais l'impression personnellement que de par ses actions,

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1 l'UCK de manière délibérée en partie était prête à sacrifier les siens, à

2 faire souffrir son propre peuple dans le cadre du conflit du Kosovo afin

3 que l'intérêt de l'opinion publique pour le conflit du Kosovo reste reste

4 bien vivant, reste bien présent.

5 Q. Vous donnez deux exemples. Le premier exemple, au deuxième paragraphe,

6 vous dites, je cite : "Un exemple, c'est celui d'une équipe d'enquêteurs

7 serbes de Pristina qui a essuyé des tirs de l'UCK. Au cours de cet échange

8 de tirs cinq membres du MUP ont été blessés, alors qu'ils essayaient

9 d'enquêter sur le meurtre d'un Serbe et sur un incident au cours duquel

10 deux Serbes avaient été blessés, les 22 et 23 février à Bukos; les médias

11 ont surtout insisté sur les réactions du MUP lors de cet incident, c'est

12 là-dessus qu'a porté essentiellement leur attention".

13 Est-ce qu'il s'agit là d'un exemple de cette déformation faite par les

14 médias de la réalité.

15 R. Je n'ai pas parlé de cela tellement pour parler des médias, même si

16 cela a été également le cas, et si cela été également utilisé de cette

17 manière. J'ai donné cet exemple parce que cela nous montrait et cela

18 démontrait l'évolution de l'UCK, sa montée en puissance. Si bien que cela

19 ne touchait pas uniquement l'exécutif, mais qu'on avait affaire à des

20 troupes illégales. Par exemple, en mars 1999, j'ai essayé d'obtenir une

21 enquête sur ce qui s'était passé dans nos bureaux, lorsqu'on y était entré

22 par effraction, mais on m'a répondu que la police ne voulait pas enquêter

23 parce qu'elle ne se sentait pas en sécurité.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que voulez-vous dire, Monsieur le

25 Témoin, quand vous dites que les médias ont fait la part trop belle aux

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1 réactions du MUP lors de cet incident. De quelles réactions parlez-vous ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] L'incident qui est à la base de tout cela est

3 le suivant : au début, il y avait beaucoup de journalistes qui venaient au

4 Kosovo et qui venaient dans notre bureau. Ils s'informaient de la situation

5 au Kosovo. Au fil du temps, on a vu que les journalistes ont eu de plus en

6 plus tendance à se rendre auprès des Albanais pour s'informer de la

7 situation. Cette évolution a fait qu'ils donnaient plus d'informations sur

8 les informations pour lesquelles ils avaient des sources directes. J'ai

9 constaté chaque fois que je m'entretenais avec la partie serbe, que

10 pratiquement personne n'allait voir les Serbes, personne ne s'intéressait à

11 l'autre version des faits.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Ensuite, vous donnez des informations très détaillées sur le

14 fonctionnement, la façon dont se déroulent les opérations elles-mêmes. Dans

15 la dernière page, vous dites, je cite : "On infiltre les villages

16 systématiquement, les habitants des villages se voient convaincre par la

17 force ou volontairement de soutenir ou de rejoindre les rangs de l'UCK, en

18 tout cas de soutenir les activités de l'UCK et, dès que la police apprend

19 que l'UCK est entré dans ce village, le village en question devient une

20 cible potentielle. Là, s'il y a un incident quelconque à proximité

21 immédiate de ce village, la police part immédiatement du principe que les

22 auteurs de des exactions viennent du village et prennent -- réagissent en

23 conséquence. Les opérations menées contre des guérilleros sont les

24 opérations militaires les plus difficiles qui se puissent imaginer et, en

25 conséquence, une action de grande envergure est la seule qui puisse -- qui

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1 semble devoir être envisagée. Tout ceci obéit à une méthode bien calculée.

2 Bien entendu, la communauté internationale se range du côté des Albanais,

3 et de l'UCK, et prouve de la sympathie pour les Albanais, et l'UCK,

4 lorsqu'à la télévision on voit les corps de civils tués ou de leurs

5 villages détruits, qu'il s'agit d'une action ou d'une réaction des forces

6 de sécurité. Enfin, la libération par l'UCK et les éventuelles

7 perquisitions ou manœuvres de représailles des forces de sécurité sont le

8 résultat d'un cercle vicieux pour les habitants du village. Puisque pour

9 eux, il n'y a seulement une alternative qui se présente, être tué par l'UCK

10 ou par les forces de sécurité serbe."

11 Dans une situation telle que vous la décrivez, est-ce que vous avez pu voir

12 des situations suivantes se produire ? L'UCK occupait un village, se

13 lançait ensuite dans des mesures de provocations contre la police, par

14 exemple, ceci entraînant le départ des habitants du village pour se

15 réfugier ailleurs ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous parlez de

17 provocations, d'embuscades tendues à la police ici. Ce qui fait de votre

18 question, une question éminemment directrice. J'estime que vous ne faites

19 pas preuve dans le cas de votre interrogatoire principal suffisamment de

20 retenue.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Vous dites encore, et je vais à nouveau donner lecture d'un passage de

24 votre rapport. Je ne vais pas ici poser de question directrices, mais vous

25 citez : "S'il devait y avoir un incident à proximité immédiate de ce

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1 village." Quand vous parlez d'incident à proximité immédiate d'un village,

2 est-ce que vous parlez d'un incident causé par la police, ou un incident

3 qui est dû à l'UCK ?

4 R. Je pense qu'il n'y a pas eu de cas, de provocation par la police. Il

5 s'agissait d'incident au cours desquels on a vu la police réagir à ces

6 incidents.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, quel passage

8 êtes-vous en train de nous lire ? A quelle page se situe-t-il je vous

9 prie ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de relire un passage que

11 j'avais déjà lu et qui se trouve au milieu de la page dont j'avais déjà

12 donné lecture précédemment. Je suis revenu.

13 Je cite : "En cas d'incident à proximité immédiate de ce village," et

14 cetera. Cela se trouve au milieu du dernier paragraphe de cette page. Un

15 paragraphe qui commence par le mot suivant : "UCK." J'ai demandé à M.

16 Hartwig, s'il s'agissait dans le cas de figure qu'il décrit d'un incident

17 dû à la police ou à l'UCK, et M. Hartwig a répondu qu'il s'agissait

18 d'incident provoqué par l'UCK. Maintenant, j'espère que je vais pouvoir lui

19 poser une question à caractère non directeur.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Quand il y avait un incident du type d'une embuscade ou quand il y

22 avait meurtre d'un soldat ou d'un policier qui était suivi par une

23 confrontation des affrontements. Est-ce que vous avez remarqué si les

24 civils du village -- les habitants du village avaient tendance à partir ou

25 à se mettre à l'abri --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez lui demander ce que

2 faisaient les habitants du village.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur Robinson.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Je vais demander au témoin ce que faisaient les civils.

6 R. D'après ce que nous avons observé en règle générale il n'y avait pas

7 d'incident au cours desquels un policier était abattu et cela a été suivi -

8 - que cela a été suivi immédiatement d'un échange de tir. Cette occupation

9 des villages avait lieu beaucoup plus tard généralement, lorsque la police

10 essayait de mettre la main sur les responsables de ces actes, sur les

11 coupables. A ce moment-là, on se trouvait dans la situation suivante : les

12 habitants du village en question se trouvaient pris en tenailles, en deux

13 feux. Il y avait d'un côté ceux qui avaient mené l'attaque contre la

14 patrouille de police en question et, d'un autre côté, il y avait le tir de

15 riposte de défense, enfin quelle que soit la façon dont on caractérise

16 cette réaction, des forces de sécurité de l'autre côté. C'est souvent la

17 raison pour laquelle lorsqu'il se passait un tel incident la population

18 civile du village quittait le village ou l'avait déjà quitté.

19 Q. Merci. C'est tout ce que je voulais savoir. Dans les contacts que vous

20 avez eus avec l'administration de la police au Kosovo, est-ce qu'on vous a

21 parlé des préoccupations, des efforts, des ordres données par la police

22 afin d'éviter au maximum toutes victimes civiles ?

23 R. Je n'ai pas connaissance de manière directe de telles ordres, mais en

24 tout cas, j'ai eu des entretiens au cours desquels j'ai l'opération très

25 nette que l'on voulait à tout prix éviter de susciter l'intérêt de par ce

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1 fait de la communauté internationale d'une telle manière ce qui aurait

2 entraîné une aggravation de ce qui aurait nui à l'image de la Serbie dans

3 l'opinion publique internationale.

4 Q. Merci, Monsieur Hartwig. Vous nous parlez ici de la police. "Le MUP, la

5 police fédérale sous le commandement du secrétariat fédéral, s'occupe de la

6 circulation et qu'il y a également des points de contrôle du MUP sur des

7 routes définies. En dehors, de l'observation et du contrôle de la

8 circulation le MUP intervient dans des opérations semi militaires autour

9 des villages. Il s'agit de troupes qui sont très disciplinées et qui

10 disposent d'équipements de bonne qualité avec des véhicules blindés, des

11 armes automatiques, et des armes d'infanterie légères."

12 Ensuite, vous dites : "Les Unités du MUP, des unités dépendant du MUP ou

13 des Unités du MUP, à part entière, sont engagées contre les éléments de

14 l'UCK afin d'empêcher ou de suivre les opérations qui sont menées sur le

15 terrain et de patrouiller des zones dangereuses."

16 Ici, on parle de l'UCK et des problèmes rencontrés par la police, problèmes

17 causés par l'UCK. On parle également de ceux qui sont ici à l'origine des

18 incidents. Avez-vous connaissance, personnellement ou, à partir de rapports

19 que vous auriez lus, avez-vous connaissance d'incidents au cours desquels

20 ce serait la police qui aurait attaqué des civils ?

21 R. J'ai déjà dit que de tels incidents, je n'en ai pas eu connaissance.

22 Enfin, si j'interprète cela de la manière suivante à savoir, des cas de

23 figures où on aurait vu la police menée une attaque contre la population

24 civile de manière spontanée. Je n'ai pas connaissance de tels incidents.

25 Q. Ensuite, plus bas quand vous parlez de la situation humanitaire après

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1 l'intitulé : "Situation humanitaire," au deuxième paragraphe, vous dites,

2 je cite : "Le nombre des réfugiés varient beaucoup au cours de la première

3 semaine de mars, le HCR des Nations Unies a signalé la présence de plus de

4 3 000 réfugiés dans la zone Djeneral Jankovic, le long de l'axe Pristina

5 Skopje et près de la frontière, près du franchissement de la frontière

6 Djeneral Jankovic. Nous avons envoyé une équipe sur place à deux reprises

7 et jamais les membres de nos équipes n'ont compté plus de 300 à 400

8 personnes. A l'issue des actions menées par le MUP, le HCR a publié des

9 nombres de réfugiés qui correspondaient parfois à deux ou trois fois le

10 nombre effectif des habitants des villages concernés. Ceci s'explique

11 partiellement par le fait que les habitants des villages concernés

12 abritaient, eux-mêmes des réfugiés."

13 Veuillez me dire et nous dire sur la base de ce que vous savez, vous-même

14 personnellement, pourquoi le HCR des Nations Unies donnaient-elle ainsi un

15 nombre de réfugiés supérieurs à la réalité -- supérieurs de dix fois la

16 réalité. On parle de 3 000 réfugiés, par exemple, 3 000 réfugiés signalés

17 par le HCR dans Nations Unies, alors qu'en réalité, il n'y en avait que 300

18 ou 400. C'est ce que vous avez trouvé sur le terrain en tout cas ?

19 R. J'ai déjà dit précédemment que je ne connais pas la raison de fait. Je

20 sais simplement que j'ai peut-être une ou deux explications à vous donner.

21 En premier lieu, c'est peut-être le cas que le HCR des Nations Unies a

22 donné les chiffres, les chiffres qui lui avaient été donnés par des

23 personnes sur le terrain. Peut-être les habitants des villages eux-mêmes.

24 En deuxième raison, toute cette situation relative à l'aide humanitaire,

25 l'aide humanitaire dépend beaucoup des chiffres. En ce qui concerne

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1 notamment les lettres qui sont effectivement apportées. Cela dépend du

2 chiffre des personnes qui en ont besoin. Je ne connais pas la raison

3 exacte, j'ai des explications qui me viennent à l'esprit et peut-être que

4 dans l'excitation du moment, quelqu'un, sans vraiment avoir d'informations

5 précises de l'ancien chiffre comme cela. Mais on ne peut non plus exclure

6 l'idée qu'on est envisagé qu'en donnant un chiffre supérieur à la réalité,

7 on puisse obtenir plus de moyens. Mais cela, c'est une spéculation de ma

8 part. Je ne veux nullement affirmer cela de manière catégorique.

9 Q. Je ne vais pas insister sur ce point. Existe-t-il des relations de

10 coopérations ou autres entre la Mission de vérification du Kosovo et votre

11 mission ?

12 R. Notre mission existait déjà au Kosovo, était déjà présentée au Kosovo

13 au moment où la -- je répète, notre mission était déjà au Kosovo quand

14 l'OSCE est venue au Kosovo et nous les avons aidé à s'installer. Au départ,

15 nous leur avons même fait part de nos rapports et notre collaboration était

16 habituelle comme elle existe entre différentes organisations

17 internationales. Parfois, nous avons rencontré quelques difficultés

18 particulières à notre profession parce que tout militaire digne de ce nom à

19 sa propre zone de responsabilités et des que quelqu'un intervient en dehors

20 de sa zone, à l'intérieur de sa zone de responsabilité, cela ne lui plaît

21 pas. Nous nous trouvions dans une zone de responsabilité de l'OSCE, mais

22 nous ne leur étions pas subordonnés. Ce qui signifie -- alors, nous

23 n'étions pas sous le commandement de l'OSCE. Ce qui aurait peut-être été

24 leurs souhaits.

25 Q. Votre mission était indépendante de la Mission de vérification de

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1 l'OSCE ?

2 R. Nous étions tout à fait indépendants.

3 Q. Maintenant, j'aimerais passer à un autre sujet. Dites-nous en quelques

4 mots ce que vous savez, vu votre expérience et vu les contacts que vous

5 avez eus avec les représentants de l'administration serbe au Kosovo, ainsi

6 qu'en Serbie, ainsi qu'avec les représentants des Albanais du Kosovo. Les

7 autorités de Serbie, que voulaient-elles obtenir ? Quels étaient les

8 objectifs poursuivis par les dirigeants albanais du Kosovo puisque vous

9 avez ce que vous ont dit les dirigeants de l'UCK que vous avez rencontrés.

10 Vous avez eu des contacts avec les deux parties, n'est-ce pas ?

11 R. Ces autorités au sein de l'administration du Kosovo, elles étaient

12 données. J'ai parlé avec les préfets, les ministres et je vous l'ai déjà

13 dit. J'ai constaté que c'était tout à fait discernable, ces autorités

14 voulaient s'efforcer de trouver une solution acceptable et pacifique.

15 C'était un peu différent albanais. En effet, dès le départ, il y avait la

16 volonté d'un Kosovo indépendant. C'était manifestement leurs objectifs des

17 Albanais et l'indépendance du Kosovo, cela ne m'a jamais été décrit en

18 parallèle, ou dans le contexte d'une présence serbe. Cela a été dit le plus

19 clairement par ce vice-président désigné du Kosovo indépendant qui a dit :

20 "Pas avec des Serbes et pas sous les Serbes et si les Serbes restent au

21 Kosovo, ils n'auront pas les droits accordés à une minorité." C'était

22 l'objectif; le principe, c'était l'indépendance.

23 Q. Je vous remercie de votre réponse fort claire. Un petit complément,

24 s'il vous plaît. Vous avez utilisé ce terme de se débarrasser des Serbes,

25 en faveur de quoi, s'employaient les commandants de l'UCK. Est-ce que cela

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1 sous-entendait seulement le départ de la Serbie de Yougoslavie où

2 l'élimination de la population yougoslave du Kosovo et Metohija -- des

3 serbes du Kosovo ?

4 R. Mes impressions que j'ai recueillies au cours de ces entretiens étaient

5 très, très claires. Le Kosovo devait être indépendant et avoir une

6 administration uniquement albanaise. Il n'y a jamais eu aucun écart. Il n'y

7 a pas eu des différends, qui m'auraient été présentés par rapport à cela.

8 Il fallait que le Kosovo soit séparé de la Yougoslavie, soit indépendant.

9 J'ai parlé avec le Dr Jakobi pour lui demander ce qu'il fallait comprendre

10 dans ce concept d'indépendance parce que le Kosovo n'est pas grand, 11 000

11 kilomètres carrés, économique. Le Kosovo ne peut pas être indépendant, ne

12 serait-ce, que sur ce plan-là. J'ai eu l'impression que cette notion

13 d'indépendance, elle était interprétée de façon tout à fait diverse.

14 Q. De quelle façon diverse ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous prévoyez de

16 terminer quand ? Parce qu'au départ, vous aviez prévu deux heures pour

17 l'interrogatoire principal. Au rythme où l'on va, il va sans doute vous

18 falloir deux ou trois fois plus. Vraiment, nous n'avons progressé très

19 lentement.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère pouvoir terminer en une heure encore

21 pour ce qui est de mon interrogatoire principal, il s'entend.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il nous reste dix minutes. Tirez-en

23 les meilleures parties.

24 M. NICE : [interprétation] Je voudrais vous saisir de quelques questions.

25 Cela devrait prendre cinq minutes.

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1 Je ne sais pas, il y a que deux questions qui concernent ce témoin et deux

2 qui ne concernent pas ce témoin. Pas plus de cinq minutes.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez encore cinq minutes,

4 Monsieur Milosevic, parce qu'aujourd'hui, nous devons nous arrêter à 13

5 heures 45.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Je peux vous poser une question tout à fait directe,

8 Monsieur Hartwig. Est-ce que cette interprétation relative au Kosovo

9 indépendant sous-entendait, oui ou non, partant des conversations que vous

10 avez eues et des informations que vous avez recueillies ? Est-ce que cela

11 sous-entendait l'élimination de la population serbe du Kosovo ?

12 R. Ce que ce vice-président ne m'a dit pas avec les Serbes et pas sous les

13 Serbes, pour moi, cela voulait dire très nettement qu'on n'envisageait pas

14 une co-existence pacifique avec les Serbes. Quand on ne dit pas avec les

15 Serbes, pour moi, cela voulait dire qu'il fallait qu'ils s'en aillent du

16 Kosovo.

17 Q. Monsieur Hartwig, vous passez pratiquement six mois à Pristina ou

18 plutôt je ne vais pas dire combien vous avez passé, vous y êtes resté du

19 mois de novembre au 19 mars, et vous avez tout ce temps à Pristina. Comment

20 se présentait la situation dans cette ville pendant que vous vous trouviez

21 à Pristina, y compris la période de préparatifs et vos fonctions

22 officielles de responsable des observateurs européens ? Dites-nous : quelle

23 était cette situation qui prévalait à Pristina ?

24 R. Indépendamment du fait que je ne pouvais pas communiquer vu le problème

25 de langue, je me suis déplacé à Pristina comme je le fais dans d'autres

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1 villes. Je ne me suis pas senti menacer. Je ne me sentais pas en péril, en

2 danger. Le soir, on pouvait aller au restaurant sans craindre de

3 restriction. Je dirais que la vie était normale. Je reviens tout juste de

4 Kabul, il y a à peine une semaine. Là, je peux vous dire que ce n'était

5 vraiment pas possible de le faire.

6 Q. Pendant cette période-là, vous a-t-il été donné la possibilité de

7 constater quelques actes que ce soit de discrimination de la part vis-à-vis

8 de citoyens albanais, vis-à-vis d'autorités quelconques ou de représentants

9 quelconques des autorités serbes au Kosovo ?

10 R. Pour être précis, je n'en sais rien. Je connais un exemple. Chez nous,

11 dans notre immeuble habitait un couple, le monsieur, il travaillait au

12 ministère serbe de la Santé, me semble-t-il, et sa femme était professeur à

13 l'université, un fils était médecin, et l'autre est à la faculté de

14 Médecine. Apparemment, ces gens avaient limogé, licencié parce que

15 c'étaient des Albanais. J'ai saisi une occasion pour parler à la fille.

16 Elle m'a expliqué que le père était parti à la retraite parce qu'il était à

17 l'âge de la retraite, et elle était aussi âgée, elle avait renoncé à ses

18 fonctions parce qu'elle voulait passer son temps avec son mari. Quant au

19 fils, il avait refusé un jour de soigner un patient serbe à l'hôpital, donc

20 il avait été licencié. Quant à elle, elle ne pouvait pas perdre son poste

21 de travail parce qu'elle n'en avait pas. Elle était étudiante. C'est un

22 seul exemple que je fournis. Je ne dis pas que c'est quelque chose de

23 systématique qui s'est reproduit dans tout le Kosovo. J'ai toujours entendu

24 dire qu'il y a apparemment que 180 000 Albanais avaient été licenciés,

25 étaient devenus sans emploi. Jamais personne ne m'a donné un cas concret

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1 qu'on aurait pu vraiment comprendre.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons nous

3 arrêter pour aujourd'hui.

4 Monsieur Nice, vous vouliez intervenir.

5 M. NICE : [interprétation] Très rapidement. S'agissant de ce témoin et

6 avant qu'il ne sorte du prétoire, j'aimerais dire ceci. Vu ce que nous

7 voulons poser et vu la question posée par le Juge Kwon pour l'intercalaire

8 1, puisque le témoin doit revenir, il lui est loisible de vérifier ce qu'il

9 en ait dans son ordinateur personnel et si cet intercalaire 1 a été tapé

10 dans son ordinateur, on pourra voir la date de création du document.

11 Deuxième chose, je demanderais au témoin de regarder dans son ordinateur,

12 dans ses archives, pour voir s'il le décide -- s'il peut nous envoyer la

13 lettre qu'il a envoyée au général Stredal Lukic, le 24 mars 200, me semble-

14 t-il. Quoiqu'il en soit, il sait de quoi je parle. J'ai un type d'élément

15 de preuve secondaire, mais ce serait utile d'avoir cette lettre qu'il a

16 envoyée au général Lukic. Je regrette de ne pas avoir de document que je

17 peux soumettre au témoin pour qui puisse le lire à l'avance avant le

18 contre-interrogatoire parce que c'est seulement au début de la déposition

19 que j'ai eu connaissance de document dont j'aurais peut-être besoin. Sans

20 encombre, si les choses changent si d'ici à la semaine prochaine, je trouve

21 ce document, est-ce que vous me donnez l'autorisation pour autant que le

22 témoin en soit d'accord de lui présenté des documents. Je pense que c'est

23 peu probable mais cela nous permettrait de gagner du temps.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez entendu, Monsieur le

25 Témoin, ce que vient de dire le Procureur. Il y a ces deux documents. Si

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1 vous les avez, apportez-les. Autre chose, il se peut que le Procureur soit

2 en mesure de vous donner des documents que vous pourrez lire à l'avance, et

3 s'il les a, il vous les procurera d'ici au weekend. Est-ce que vous seriez

4 d'accord pour lire à l'avance ces documents ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je suis aussi prêt à faire des recherches

6 dans mon ordinateur. C'est un ordinateur qui a 12 ans. Je pense que j'ai

7 envoyé cette lettre à Lukic au moins deux ans après mon séjour, et je sais

8 que je ne l'ai pas conservée.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci de votre aide.

10 M. NICE : [interprétation] Deux questions qui ne concernent pas le témoin,

11 mais il n'est pas nécessaire qu'il sorte du prétoire maintenant.

12 Première chose avant d'oublier. L'extrait vidéo de Blace avait été accepté

13 en partie par le témoin. Je ne sais pas si cela avait été versé au dossier

14 en partie.

15 Mme HIGGINS : [interprétation] Il y a des objections techniques sous

16 réserve de ce que va dire M. Milosevic. Je pourrais en parler rapidement --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On le ferra plus tard.

18 M. NICE : [interprétation] Une dernière chose. Est-ce que je pourrais

19 passer à huis clos partiel l'espace d'un instant ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En présence du témoin ?

21 M. NICE : [interprétation] Peu importe. Je ne veux pas perdre de temps.

22 [Audience à huis clos partiel]

23 (expurgée)

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19 (expurgée)

20 [Audience publique]

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande de verser l'intercalaire numéro

22 2 au dossier. Il s'agit de cette présentation faite par le témoin à la

23 Conférence de Sarajevo.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ce sera versé au dossier.

25 L'audience est levée. Elle reprendra mardi prochain, 9 heures.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mardi 8 mars 2005,

2 à 9 heures 00.

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