Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 15 mars 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parlons tout d'abord des

6 questions qui n'ont pas encore été réglées et qui ont trait aux pièces à

7 conviction. Nous avons décidé d'accepter le versement au dossier de la

8 cassette vidéo, des dix séquences. Cela représente une pièce.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D287. Sous

10 pli scellé ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous allons donner une

12 cote aux fins d'identification en attendant la traduction. Les pages du

13 document figurant à l'intercalaire numéro 1 qui sont les suivantes : toutes

14 les pages à l'exception des pages 47 à 126.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D288, aux

16 fins d'identification, avec l'abréviation MFI.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour ce qui est de

18 l'intercalaire numéro 2, nous avons décidé de ne pas mettre le document qui

19 y figure. Nous avons décidé d'accepter le versement au dossier des deux

20 déclarations présentées par l'Accusation, celle du Témoin 3 ainsi que celle

21 de l'enquêteur Sutch.

22 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Je me souviens qu'il y a

23 encore une pièce sur laquelle il n'a pas été statué, une pièce de

24 l'Accusation. C'est la séquence de CNN qui a été diffusée comme un contre-

25 interrogatoire de Bakic. Je me souviens que quand j'ai demandé à que se

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1 soit versé au dossier, Me Higgins s'est intervenue. Elle n'est pas

2 aujourd'hui mais Me Kay est sans doute prêt à prendre sa place.

3 Vous vous souviendrez que quand nous avons visionné cette séquence il

4 y avait du son, mais que nous n'avons pas pu entendre -- enfin,

5 potentiellement, mais que nous n'avons pas pu l'entendre vu les contraintes

6 de temps qui sont les nôtres. Je n'ai pas demandé à la cabine technique de

7 remédier à ce problème immédiatement, parce que ce qui était important,

8 c'est ce qu'on voyait à l'image. Le témoin a reconnu qu'effectivement sur

9 une partie de cette séquence, on voyait l'un des camps de Blace.

10 Je souhaiterais demander le versement au dossier, mais je ne sais pas

11 quelles sont les objections de la Défense.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne sais pas si Maître Kay

13 peut répondre.

14 M. KAY : [interprétation] C'est Me Higgins qui allait en parler mais je

15 suis au courant de toutes ces questions. Il s'agissait d'un enregistrement

16 qui a été présenté et au sujet de laquelle le témoin nous a dit qu'une des

17 séquences représentait le camp de Blace. Nous estimons qu'il s'agit d'un

18 élément de preuve matériel qui doit être versé au dossier.

19 S'agissant des autres séquences dont le versement n'a pas été

20 accepté, nous n'avons eu aucun élément quant à la date à laquelle ces

21 images avaient été prises ni qu'il s'agissait d'images prises à Blace, ni

22 d'autres éléments permettant de se faire une idée de l'origine de cet

23 enregistrement - l'heure, le lieu, la date à laquelle ils avaient été

24 réalisés - si bien que nous estimons que ces éléments ne permettent pas au

25 procès d'avancer de quelque manière que ce soit.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro] Le témoin a contesté, si

3 vous vous en souvenez bien, ce qui a été dit en accompagnement de ces

4 vidéos.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'ai pas entendu. Je n'ai

6 pas eu de traduction.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a contesté tout ce qui a été

8 dit en accompagnement de ces clips vidéo, et ce type de clip devrait être

9 versé par le truchement d'un autre type de témoin.

10 Mais, puisque j'en parle, je voudrais dire aussi que s'agissant du

11 témoin précédent, à l'intercalaire numéro 1, à savoir, les bandes vidéo,

12 j'ai dit dès le début que ces enregistrements étaient assez longs, que cela

13 durait plus de trois heures. A titre d'illustration, j'ai prélevé quelques

14 extraits, mais je demande à ce que ces enregistrements vidéo soient versés

15 dans leur totalité au dossier. Cela est à votre disposition. Vous pouvez

16 les consulter, les visionner, et il y a in extenso toutes les interviews

17 qui ont eu lieu avec des Albanais, des Egyptiens et des Rom.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

20 M. NICE : [interprétation] S'agissant du dernier point évoqué, à ma

21 connaissance, les enregistrements fournis concernent les pages 1 à 44, et

22 127 à la fin du document figurant à l'intercalaire 1. J'imagine que c'est

23 au sujet de ces enregistrements que vous avez décidé d'accepter le

24 versement au dossier des éléments présentés. Nous n'avons pas d'objection,

25 mais si on devait admettre l'autre partie de l'enregistrement, à ce moment-

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1 là nous y opposerions. Il y a également un enregistrement qui correspond à

2 la transcription de l'intercalaire 2 et nous nous y opposons, bien entendu.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous estimez qu'on ne doit accepter

4 que la partie --

5 M. NICE : [interprétation] Seulement les pages 1 à 44, et les pages 127 à

6 la fin du document figurant à l'intercalaire 1, qui devraient être admises,

7 rien d'autre.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. NICE : [interprétation] C'est parce que c'est tout ce dont nous

10 disposons. Nous avons passé en revue tout cela pendant le week-end. C'est

11 ce qui nous a été fourni.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous maintenons

14 notre ordonnance relative aux éléments qui vont être admis ou ceux qui vont

15 recevoir une cote aux fins d'identification. Il s'agira des passages de la

16 cassette qui correspondent aux pages 1 à 44, ainsi que les pages 127 à la

17 fin du document.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Puis-je donner une cote aux deux

19 déclarations, je vous prie. Il s'agira de 837 pour la déclaration de Sutch,

20 et 838 pour le Témoin 3.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que

22 M. Milosevic souhaite intervenir.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'estime qu'il n'est pas approprié d'accepter

24 des déclarations procurées par le biais de coup de fil effectué par M.

25 Nice. Il s'agit du Témoin 3, que nous avons sur les enregistrements vidéo.

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1 Si M. Nice souhaite contester quoi que ce soit de ce qu'a dit ce témoin, il

2 peut le citer à comparaître pour qu'il témoigne. Mais, procurer des

3 déclarations téléphoniques au sujet duquel on ne sait pas du tout de quoi

4 il s'agit, et qui ne contestent rien de tout ce qui a été dit aux

5 enregistrements vidéo, cela se trouve être tout à fait inapproprié. Lui, il

6 peut citer à comparaître ce témoin, qu'il vienne ici et qu'il témoigne.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maintenant, Monsieur Milosevic, à

8 vous entendre on croirait avoir affaire à un juriste de "common law," mais

9 sachez que nous admettons les preuves par ouï-dire ici.

10 M. NICE : [interprétation] S'agissant de ce qui a été dit au sujet des

11 images réalisées par CNN à Blace, la Chambre souhaitera sans doute se

12 souvenir que le témoin, soudain, sans prévenir a lancé des allégations au

13 sujet de CNN puis de la BBC, les accusant d'avoir monté de toutes pièces

14 ses images. C'est pourquoi nous avons mis la main sur cet enregistrement

15 réalisé par CNN, pour montrer que c'était un enregistrement réalisé au

16 moment des événements. C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions que

17 ce soit versé au dossier. Si le fait qu'on n'a pas entendu la bande sonore

18 pose problème, à ce moment-là on pourrait l'écouter plus tard. Mais je

19 pense que l'on peut accepter la cassette et l'enregistrement tels qu'ils se

20 présentent, étant donné que ce n'est pas nous qui avons soulevé cette

21 question et qui avons occasionné la présentation de cette cassette, mais le

22 témoin lui-même.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, il va nous falloir

25 passer en revue la transcription pour rafraîchir notre mémoire au sujet de

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1 cette pièce. Nous rendrons notre décision ultérieurement.

2 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Dans l'intervalle, je vais

3 faire en sorte que l'on puisse écouter à nouveau la bande son au cas où il

4 y a des éléments que je souhaite mettre en exergue à votre intention.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

6 Monsieur Milosevic, le témoin suivant.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Je cite à comparaître

8 le témoin, le général Radomir Gojovic.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

11 prononcer la déclaration solennelle.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: RADOMIR GOJOVIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez prendre place.

17 Monsieur Milosevic, vous pouvez entamer votre interrogatoire principal.

18 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

19 Q. [interprétation] Général Gojovic, dites-nous où vous êtes né et quand.

20 R. Je suis né le 1er février 1943, au village Sekiraca, municipalité de

21 Kursumlija, République de Serbie.

22 Q. Qu'est-ce que vous avez fait comme classe ?

23 R. Après mes études primaires, j'ai fait une école secondaire d'infanterie

24 militaire et j'ai terminé des études de droit, puis je suis devenu agrégé

25 en droit.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, veuillez m'écouter. Les

2 interprètes ne sont pas en mesure de vous suivre parce que vous parlez

3 beaucoup trop vite. Veuillez avoir l'amabilité de parler un peu moins vite,

4 s'il vous plaît.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Voulez-vous que je répète ce que j'ai dit ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, s'il vous plaît, moins vite.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Après mes études primaires, j'ai terminé

8 une école de sous-officier dans l'infanterie à Sarajevo, à une école

9 technique et une faculté de droit toujours à Sarajevo.

10 Puis j'ai fait un diplôme d'études avancées à la faculté de droit à la

11 chaire de Belgrade en droit pénal.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Général, veuillez nous dire brièvement où est-ce que vous avez

14 travaillé, quelles sont les fonctions que vous avez exercées, et quels sont

15 les titres et les grades que vous avez obtenus ?

16 R. A la fin de mes études, je suis resté au centre scolaire de Sarajevo,

17 j'y ai passé cinq ans. J'ai été commandant d'un peloton et d'une classe de

18 cadets, puis je suis resté dans le même centre scolaire pour devenir

19 commandant d'un peloton de mortiers de 82 millimètres pendant deux ans et

20 demi, puis j'ai été commandant d'un peloton pour ce qui est de canons sans

21 recul d'un calibre de 82 millimètres également. Entre-temps, j'ai terminé

22 mes études de droit et je suis passé au service juridique. Je suis passé au

23 tribunal militaire de Sarajevo. Après mon examen professionnel, je suis

24 devenu adjoint du procureur militaire à Sarajevo pendant quatre ans. Puis,

25 j'ai été juge d'instruction au tribunal militaire de Sarajevo pendant

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1 quatre ans. C'était la durée des mandats, d'ailleurs, à l'époque. Puis

2 pendant cinq ans, j'ai été adjoint de l'avocat général militaire à Sarajevo

3 et je suis devenu secrétaire du tribunal disciplinaire, de la cour

4 disciplinaire du commandement de la 7e Armée.

5 Je suis revenu au tribunal, je suis devenu président de la chambre pendant

6 quatre ans, puis j'ai été adjoint du procureur militaire de Sarajevo, puis

7 procureur militaire en chef à Sarajevo toujours. Je suis passé ensuite à

8 Belgrade, et je suis devenu adjoint du procureur général de l'armée pendant

9 deux ans et demi, puis je suis devenu président de la cour militaire de

10 Belgrade pendant cinq ans. Cela se situe entre janvier 1994 jusqu'au 16

11 juin 1999. Je suis devenu directeur des services juridiques au Grand état-

12 major, je suis devenu chef de l'administration militaire du ministère de la

13 Défense jusqu'au 31 mars 2001, date à laquelle j'ai pris ma retraite après

14 40 ans de service actif.

15 J'ai eu des grades de caporal, puis de sergent, sergent-chef. Quand j'ai

16 terminé mes études universitaires, je suis devenu lieutenant. Par la suite,

17 j'ai progressé, j'ai eu des promotions régulières. Pour devenir commandant,

18 j'ai eu un examen militaire particulier et je suis devenu commandant. Pour

19 ce qui est des autres grades, il n'y a pas eu d'épreuves particulières à

20 passer.

21 Q. Une petite précision, Général. Après avoir terminé vos études de droit

22 en votre qualité de militaire d'active, vous êtes passé au service

23 juridique de la JNA à l'époque, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Quand avez-vous entamé vos activités au service juridique ? Vous êtes

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1 passé du domaine militaire vers le domaine juridique. Quand est-ce que cela

2 se situe ?

3 R. Le 13 octobre 1971.

4 Q. Vous aviez du 13 octobre 1971 jusqu'en l'an 2001, des fonctions

5 juridiques, judiciaires et autres, sans interruption ?

6 R. En effet.

7 Q. Merci, Général. Une petite question qui ne vous concerne pas tellement

8 pour ce qui est des activités qui étaient les vôtres, mais dites-nous,

9 quelle était la composition ethnique des membres de la JNA tout au fil de

10 votre carrière ?

11 R. Pour ce qui est de cette composition ethnique lorsqu'il est question

12 des militaires, cela était proportionnel à la composition ethnique et des

13 conscrits qui venaient faire leur service militaire. Maintenant pour ce qui

14 est des cadres, des officiers, tout dépendait du nombre de personnes qui

15 avaient choisi, qui avaient opté en faveur d'une carrière militaire. Il y

16 avait des concours. Les gens se présentaient de leur plein gré. Pour ce qui

17 est de la composition ethnique au niveau les plus élevés du commandement,

18 la composition ethnique était à peu près la même pour les différents

19 groupes ethniques, cela n'était pas proportionnel aux représentations de

20 cette population au sein du pays parce qu'il y avait beaucoup de groupes

21 ethniques.

22 Pour ce qui est du département juridique, il y avait pratiquement une

23 proportionnalité. Je parle ici du tribunal de Sarajevo et du bureau du

24 procureur pour ce qui est de ces départements juridiques. Pour ce qui est

25 des unités régulières, la situation se présentait comme je l'ai décrite.

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1 Q. Fort bien, Général. Nous n'avons pas d'informations détaillées au sujet

2 de la composition ethnique au niveau des officiers de la JNA, mais nous

3 avons un aperçu à l'intercalaire 1. J'ai un problème de classeur. Bon.

4 Intercalaire 1, disais-je, je voudrais que vous vous penchiez sur cet

5 intercalaire, on pourrait peut-être passer cette page sur le

6 rétroprojecteur, et la photocopie que j'ai, elle n'est pas très nette, et

7 si vous avez votre exemplaire --

8 LE TEMOIN : [interprétation] Oui. Si les Juges de la Chambre le permettent,

9 je pourrais sortir cette feuille de mon classeur.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez utiliser votre

11 propre copie, en effet.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. J'ai souligné tout à l'heure que nous n'avions pas ici de

14 renseignements au sujet portant sur une période prolongée, mais nous avons

15 ici un aperçu de la structure ethnique de la JNA et du départ des cadres

16 dans le courant de l'année 1992. Il s'agit de l'année où il y a eu

17 sécession formelle de la Slovénie et de la Croatie et, par la suite, de la

18 Bosnie-Herzégovine. Je vous demanderais de placer sur le rétroprojecteur

19 cette feuille-là.

20 R. Attendez que je retrouve mon exemplaire ici.

21 Q. Oui, nous l'avons. En version anglaise, on voit les choses très

22 nettement.

23 R. Nous avons ici un aperçu de la structure ethnique au sein de la JNA

24 vers la fin de l'année 1992. Jusqu'à cette date certains cadres sont déjà

25 partis, mais ils n'ont pas été très nombreux. Au numéro 1, on voit les

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1 Monténégrins - on parle des cadres dirigeants - on voit que c'était 1975, à

2 savoir 5,46 %; les Croates étaient au nombre de 2 678, à savoir 7.41 %; les

3 Macédoniens étaient 2 915, à savoir 8,07 %; les Musulmans étaient 2 079 et

4 constituaient 5,75 %; les Slovènes étaient 396, à savoir 1,10 %; les Serbes

5 étaient 21 338, à savoir 59,04 %; les Albanais étaient 472, c'est-à-dire

6 1,31 %; les Yougoslaves ceux qui s'étaient déclarés comme étant yougoslaves

7 étaient 3 386, à savoir 9,37 %; et les autres, les minorités ethniques

8 autres, 902, à savoir 2,5 %.

9 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Général. Ici, il s'agit uniquement de

10 cadres supérieurs ?

11 R. Oui, oui.

12 Q. Il ne s'agit pas de soldats, de recrus, mais d'officiers ?

13 R. Officiers, sous-officiers, oui, en effet.

14 Q. Nous parlons de la date du 31 décembre 1991 ?

15 R. Oui, en effet.

16 Q. Date à laquelle il y a eu déjà des départs ?

17 R. La plupart des Slovènes étaient déjà partis, une partie des Croates

18 étaient déjà partis aussi, les autres avaient nettement moins quitté les

19 rangs de la JNA.

20 Q. Puis ensuite, nous avons la rubrique 1992.

21 R. Oui. On voit aussi le nombre de personnes qui sont parties dans la

22 courant de 1992. Les Monténégrins ont été 295 à quitter, à savoir 2,46 %;

23 les Croates ont été 1 517 à s'en aller, à savoir

24 12,64 %; les Macédoniens ont été 2 190 à partir, à savoir 18,25 %; les

25 Musulmans étaient 1 363 à partir, à savoir 11,36 %; les Slovènes, 211, à

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1 savoir 1,76%; les Serbes 4 771, à savoir 39,75 %; les Albanais, 319, voir

2 2,68 %; les Yougoslaves, 1 116, à savoir 9,3 %; et les autres groupes

3 ethniques 220, ce qui constituait 1,83 %.

4 Q. Fort bien.

5 R. La dernière rubrique nous montre la structure du personnel restant au

6 31 décembre 1992.

7 Q. C'est là qu'on voit la structure, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci, Général.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que cet intercalaire numéro 1 soit

11 versé au dossier.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Est-ce que je peux attribuer un côte.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Donnez-nous une côte.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le D289.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Général, vous avez passé toute votre carrière professionnelle, toute

18 entière, dans l'armée ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que le fonctionnement dans l'armée, il importait de savoir qui

21 était de quels groupes ethniques ?

22 R. Cela importait très peu ou pas du tout. La question ne se posait pas.

23 En matière politique, on tenait toutefois compte de la nécessité d'avoir,

24 aux postes de commandement, un nombre égal de représentants des différents

25 groupes ethniques. Au niveau inférieur, la chose n'était pas du tout

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1 remarquée et n'avait revêtu aucune importance. Ce qui importait, c'était la

2 qualité de la prestation de chacun.

3 Q. Mais, de par leur composition, la JNA était véritablement une

4 institution yougoslave ?

5 R. L'armée populaire yougoslave, tel que nous dit son nom, était

6 yougoslave et populaire. Cela était véritablement une institution

7 yougoslave. Partant de ces fondements, elle a été créée sur ces bases-là

8 dans le courant de la guerre de libération nationale. Elle s'est développée

9 et s'est renforcée et a fonctionné sur ces bases jusqu'à l'éclatement de

10 cette crise dans l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie.

11 Q. Maintenant qu'on en vient à cette accentuation des circonstances et de

12 la crise en ex-RSFY, veuillez nous dire comment ces forces qui, en Slovénie

13 et en Croatie, et par la suite, dans d'autres parties de cette Yougoslavie

14 se sont employées en faveur de la sécession, comment ont-elles commencé à

15 se comporter vis-à-vis de la JNA ? De quelle façon avaient-ils commencé à

16 la prendre en considération ?

17 R. Avec l'entrée en scène de ces forces séparatistes sur la scène

18 publique, l'armée populaire yougoslave a d'abord fait l'objet d'une

19 campagne de propagande tout à fait injustifiée. On a voulu dire que l'armée

20 était tout à fait inutile, qu'elle ne faisait que dépenser de gros moyens

21 budgétaires et qu'elle n'était pas dans l'intérêt de tous les groupes

22 ethniques. D'abord, il y a eu ce plan de propagande. Puis, par la suite,

23 comme cela a porté certains fruits, il y a eu des situations, des

24 incidents, des provocations vis-à-vis des soldats dans d'autres

25 républiques. Etant donné que la composition ethnique des soldats était

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1 mixte dans toutes les républiques, au match de football, dans les endroits

2 publics, dans les restaurants, on a cherché à provoquer, à dénigrer les

3 soldats, puis les officiers. Par la suite, afin d'éviter tous ces

4 désagréments, il a été donné des ordres pour qu'on aille au travail et

5 qu'on revienne du travail en vêtements civils, parce qu'à l'époque, on y

6 allait en uniforme. Cela faisait partie du règlement. Cela était une mesure

7 que les membres de l'armée ont très mal pris, pour ne pas être exposé à

8 toutes sortes de provocations.

9 Par la suite, il y a eu d'autres mesures publiques sur un plan

10 général. D'abord, il y a eu refus de certaines recrues de partir faire leur

11 service militaire --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci, Général.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Très bien, Général. Dites-nous où vous vous trouviez au moment du début

15 de cette crise yougoslave que vous avez décrite tout à l'heure ? Où les

16 premiers grands problèmes vous ont-ils trouvé lorsque la JNA a dû faire

17 face à ces problèmes en tant qu'armée conjointe ?

18 R. J'étais à Sarajevo, comme je vous l'ai dit, j'étais procureur public à

19 Sarajevo. Ce qui fait que tous ces problèmes ne m'étaient pas inconnus

20 puisque des plaintes étaient portées au ministère public de l'armée,

21 puisqu'il y a eu des attaques contre la JNA.

22 Q. Où vous trouviez-vous avant et au moment où les conflits ont éclaté en

23 Bosnie-Herzégovine ?

24 R. J'étais dans la caserne Viktor Bubanj et le ministère public de l'armée

25 se trouvait là-bas.

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1 Q. Pourriez-vous nous indiquer brièvement quelles ont été vos expériences

2 datant de ce séjour dans la caserne Viktor Bubanj, et je parle de la

3 période où ces incidents ont commencé en allant jusqu'à votre départ de

4 Sarajevo. Essayez d'abord de nous délimiter cette période de temps, de nous

5 indiquer certaines dates éventuellement, si possible, et de nous indiquer

6 ce que vous avez vécu. J'aimerais que vous expliquiez auparavant où se

7 trouvait cette caserne de Viktor Bubanj et si c'était bien le siège des

8 organes judiciaires de l'armée ?

9 R. Oui. C'était là le siège du tribunal militaire et du procureur

10 militaire. Il y avait là les cellules de détention provisoire. Il y avait,

11 à l'époque aussi, un établissement chargé de la cartographie militaire et

12 il y avait une petite partie réservée à la police militaire qui était

13 placée sous les ordres des organes judiciaires et du commandement.

14 Q. Cette caserne Viktor Bubanj se trouvait être, en tout état de cause, le

15 siège d'unités non-combattantes, mise à part cette unité de la police

16 militaire qui était là pour sécuriser le tribunal, l'unité de détention et

17 cet établissement chargé de la cartographie. Donc, d'une institution ?

18 R. En effet. S'agissant de ces expériences, je dirais que nous avons eu

19 des événements avant que l'on ne s'attaque à la caserne elle-même. Il y a

20 une partie qui est assez illustrative, les premiers conflits, les premières

21 provocations ont commencé bien avant. Cela se situait dans le secteur de

22 Mostar, sur la route de Listica à Mostar il y a eu un transport militaire,

23 à savoir un tracteur avait tiré un char en panne, il était escorté par une

24 patrouille de la police civile de Mostar et passait devant ces policiers.

25 Ils sont arrivés à un endroit où l'on passait entre deux rochers. La police

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1 avait pris les devants et, tout à coup, il y a eu des chutes de pierre, un

2 Slovaque ou un Hongrois, Chek Royo [phon] de son nom, s'est arrêté avec son

3 camion, son tracteur et, à ce moment-là, quelqu'un a ouvert le feu et l'a

4 tué. Derrière lui, il y avait un caporal qui a ouvert le feu dans la

5 direction de la provenance des tirs. Les attaquants ont fui, e sur place,

6 on a trouvé, Ludvig Pavlovic de tué. Ce Ludvig Pavlovic avait purgé une

7 peine de 20 ans de prison parce qu'il avait fait partie d'un groupe de

8 terroristes infiltrés en 1971 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

9 C'est un groupe qui avait été jugé et ceux qui ont été capturés ont été

10 condamnés à mort et ils ont été exécutés. Mais, il ne pouvait pas, lui,

11 être condamné à mort parce qu'il n'avait que 21 ans, et il a été puni de 21

12 ans de prison. Il a été libéré au bout de ses 20 ans de prison, un an

13 auparavant.

14 Le premier incident avec perte de vie humaine s'est produit dans ce secteur

15 non loin de Mostar avec la participation du dénommé Ludvig Pavlovic qui a

16 passé déjà 20 ans en prison et qui a tout de suite pris part à une activité

17 terroriste.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que ces

19 incidents au sujet d'attaques contre la caserne font l'objet d'un chef

20 d'accusation quelconque au niveau de l'acte d'accusation ? Est-ce que ce

21 témoignage constitue une réponse à des allégations faites au niveau de

22 l'acte d'accusation, et si ce n'est pas le cas, nous ne voulons pas en

23 apprendre davantage à ce sujet. Passons à des points plus pertinents, à

24 savoir des chefs d'accusation énoncés à l'acte d'accusation.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, la substance même de ce qui

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1 est dit dans ce que vous qualifiez d'acte d'accusation, c'est qu'il y a eu

2 une entreprise criminelle commune dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine,

3 j'entends où l'objectif aurait été de chasser les Musulmans. La question

4 qui se pose : de quelle entreprise criminelle commune il pourrait s'agir

5 si, ici, il est question du comportement de la partie adverse et non pas de

6 celle qui est accusée d'une telle entreprise telle que qualifiée tout à

7 l'heure ? Qui peut parler d'un plan qui aurait été mis sur pied ? Qui au

8 niveau de la JNA ou de la Yougoslavie, voire de la Serbie aurait planifié

9 des attaques contre la JNA ? Ce que le général vient de nous raconter, cela

10 a été une grande surprise pour lui, pour les autres officiers et pour

11 l'opinion publique yougoslave en général.

12 En pleine période de paix, quelqu'un s'est attaqué à un transport qui

13 n'avait aucune affectation ou aucune visée combattante, avec morts de

14 soldats. Cela est important. C'est ainsi qu'ont commencé --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ceci constitue

16 une toile de fond pour le témoignage que vous dirigez à des éléments qui se

17 trouveraient définitivement placer en corrélation avec les chefs

18 d'accusation de l'acte d'accusation ?

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très certainement.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Je veux être tout à fait

21 clair pour ce qui est d'affirmer que nous n'accepterons aucun témoignage

22 qui ne se trouverait pas en corrélation avec l'acte d'accusation. Il faut

23 que tous ces témoignages soient en corrélation avec les allégations

24 figurant à l'acte d'accusation. Si cette caserne a été attaquée et si les

25 Serbes ont riposté, puis suite à cette riposte il y a eu des Serbes ou des

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1 Musulmans de tuer et que cela fasse partie des allégations figurant à

2 l'acte d'accusation, cela se trouverait, en effet, de façon évidente

3 pertinent. Mais si ce n'est pas le cas, vous allez avoir à vous évertuer à

4 déterminer la pertinence. Je vais vous laisser continuer, veuillez aller de

5 l'avant.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Général, dites-nous combien de temps vous avez été bloqué dans cette

9 caserne à Viktor Bubanj ?

10 R. Nous avons été sous blocus total dans cette caserne Viktor Bubanj

11 pendant un mois et demi. Avant cela, il y a eu des contrôles, des postes

12 d'observations, des enregistrements, des entrées, des sorties dans cette

13 caserne, pendant un mois et demi le blocus a été complet. On nous a coupé

14 l'électricité et l'eau. Ce qui fait que de ce point de vue-là, nous étions

15 complètement isolés.

16 Q. Général, veuillez nous indiquer si l'armée, je dis "l'armée," je parle

17 de l'armée au sens le plus large de ce terme, je parle de votre

18 établissement, de votre tribunal, de votre unité de la police militaire qui

19 était là pour sécuriser, et en général l'armée sur le territoire de

20 Sarajevo aurait-elle occasionné ou donné naissance à des incidents qui

21 auraient pu justifier ce blocus de la caserne ?

22 R. L'armée, la JNA, à l'époque n'a été à l'origine d'aucun incident,

23 d'aucune provocation, il n'y a aucune mise en scène, c'est la partie

24 adverse qui a tout fait comme on le constatera plus tard, qui a donné

25 naissance à tout ceci. Les soldats et les officiers ont été en grand nombre

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1 victimes pour ne pas se faire reprocher d'avoir provoqué qui que ce soit.

2 Q. A-t-on ouvert le feu en direction de la caserne Viktor Bubanj ou à

3 proximité à l'époque où vous étiez bloqués là-bas ?

4 R. Je parle de ce blocus en avril, mai 1992. D'abord, précisons la période

5 de temps. Au début, il y a eu des contrôles, des vérifications. Par la

6 suite, on a fermé les entrées et sorties, plutôt il y avait une entrée et

7 une sortie, celle-ci a été bloquée par des camions et des autobus de

8 transport urbain. Il a eu d'abord des provocations qui, dès la première

9 tombée de la nuit, au crépuscule, on commençait déjà à nous tirer dessus à

10 l'arme d'infanterie, avec des balles traçantes.

11 Ils tiraient par-dessus la caserne du côté opposé où il y avait une cité.

12 La caserne, je précise se trouve sur une petite élévation et de l'autre il

13 y avait des maisons privées sur la colline Mojmilo qui n'ont pas été

14 construites de façon planifiée, puis autour il y avait des agglomérations

15 appelées Otoka et autrement. Ils tiraient avec des balles traçantes, nous

16 étions surpris de savoir pourquoi ils tiraient avec ce type de balles. Je

17 me suis posé la question et j'ai demandé au capitaine de la police

18 militaire et il a dit : "Je ne sais pas pourquoi ils le font, ils veulent

19 probablement nous provoquer pour que nous ripostions." Ceci est resté une

20 question en suspens jusqu'au moment où j'ai écouté les nouvelles à la radio

21 où l'on a entendu un reporter, un journaliste, j'avais noté son nom, mais

22 c'était un nom et prénom musulman, il a dit : "Je me trouve à proximité du

23 centre de distribution d'eau et je vois de la caserne de Viktor Bubanj les

24 unités de la JNA qui tirent de façon criminelle sur la ville et sur les

25 cités des agglomérations environnantes. J'ai compris pourquoi ils tiraient

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1 par-dessus les bâtiments de la caserne et non pas sur les bâtiments. Ils

2 ont tiré avec des balles traçantes. Il y avait dans gens qui habitaient là,

3 qui étaient là et ils pouvaient le voir. De façon erronée, on pouvait avoir

4 effectivement l'impression que ces tirs provenaient de la caserne.

5 En plus de ces balles traçantes, ils se servaient de mortiers, de tout

6 petits mortiers de 60 millimètres de calibre. Ils avaient placé cela dans

7 les cours des bâtiments autour de la caserne, et c'est à partir de là

8 qu'ils tiraient vers le centre de la ville en direction d'une cité appelée

9 Hrasno, c'est là qu'il y une école, un internat pour des enfants

10 handicapés. Ils ont tiré en direction de cette école. Le reporter dit :

11 "Maintenant aux mortiers, ils sont en train de tirer sur l'école où il y a

12 des enfants." Evidemment cela provoque une réaction parfaitement

13 émotionnelle de la part des citoyens et il y a eu des citoyens --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci, Général. Je dois vous

15 dire que je préférerais des réponses plus brèves. Monsieur Milosevic, vous

16 devriez poser des questions spécifiques de façon à obtenir des réponses

17 brèves. De cette façon-là, le témoignage sera mieux apprécier et mieux

18 compris.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson. Monsieur

20 Robinson, à plusieurs reprises, on a pris une carte de Sarajevo à plusieurs

21 reprises pour en faire un élément de preuve ici. J'espère que vous allez

22 nous autoriser à placer une carte de Sarajevo sur le rétroprojecteur afin

23 que le général nous montre ces emplacements, c'est très important. Dans la

24 caserne Viktor Bubanj, il n'y avait pas d'unités de combat. Il nous l'a

25 déjà expliqué. De la colline Mojmilo, du pied de la colline Mojmilo, il y

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1 avait des paramilitaires musulmans qui ont tiré par-dessus la caserne en

2 direction d'installations civiles et la radio disait que depuis la caserne

3 Viktor Bubanj, l'armée tirait en direction d'installations civiles et il

4 faudrait que le témoin puisse nous le montrer. La carte de Sarajevo a été

5 versée au dossier à plusieurs reprises, point n'est nécessaire de la

6 reverser au dossier, mais j'aimerais qu'on la montre sur le rétroprojecteur

7 afin qu'il nous indique les différents emplacements.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous allons veiller à ce que ce

9 soit fait. Veillez à ce que les attaques de la caserne fassent bel et bien

10 l'objet d'allégations à l'acte d'accusation, et vous n'avez pas en ce

11 moment encore touché à un point particulier de l'acte d'accusation. Vous

12 obtenez des réponses de nature générale, cela ne vous fait pas avancer.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il a été avancé bon nombre

14 d'allégations au sujet de forces serbes, telles que vous les qualifiez, et

15 pour la JNA, on a dit que c'était des Serbes. On a affirmé que la JNA avait

16 perpétré des crimes contre la population civile. Il y a bon nombre

17 d'éléments à l'acte d'accusation qui en parlent. Cela n'est pas du tout

18 contesté.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Général, pouvez-vous nous le montrer ?

21 R. Bien, l'image est assez floue. On ne voit presque rien. D'ailleurs, je

22 tiens dire que mes lunettes ne sont pas assez bonnes pour voir si petit.

23 Voilà, ici.

24 Q. Non, non, non. Ce n'est pas sur le moniteur qu'il faudrait que vous

25 montriez.

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1 R. Oui.

2 Q. Il faudrait que vous montriez sur le rétroprojecteur pour que nous

3 voyions tous.

4 R. Voilà, ici se trouvait la caserne de Viktor Bubanj, ce petit carré

5 vide, et ici on voit la cité Otoka. Il y a là plusieurs gratte-ciel de 20

6 étages à peu près. Ils se trouvent sur les hauteurs qui surplombent la

7 caserne. Ici on voit la colline de Mojmilo, ou la pente Mojmilo. C'est

8 assez habité. Les installations de distribution ou d'alimentation en eau

9 potable se situent ici, là où il y a Novi Grad. C'est là qu'on pompe l'eau,

10 comme c'est sur une hauteur, après en chute libre l'eau va vers la ville.

11 On a tiré par-dessus la caserne à partir d'ici, en direction d'autre part

12 en passant par-dessus les bâtiments et en direction de cette cité que l'on

13 voit sur la droite.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Général.

15 Monsieur Nice, est-ce que ces attaques contre la caserne de Viktor

16 Bubanj se trouvent mentionnées où que ce soit à l'acte d'accusation ?

17 M. NICE : [interprétation] Je n'en ai aucun souvenir. Cela ne figure pas.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, je ne vais pas entendre

19 davantage d'éléments de preuve au sujet de cet incident particulier.

20 Passons à un autre sujet, je vous prie.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que ceci constitue une présentation

22 assez formaliste et cela n'est pas très correcte, parce que les chefs 4 à

23 7, page 14 de la version serbe de l'acte d'accusation, je vais en

24 rechercher d'autre, le problème ne se pose pas.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle page parlez-vous ?

Page 37409

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je parle de la traduction serbe et j'ai ici la

2 page 14 de l'acte d'accusation Bosnie-Herzégovine. Donc, on dit : "Du 1er

3 mars jusqu'au 31 décembre, Slobodan Milosevic, seul ou en concertation avec

4 d'autres intervenants dans cette entreprise criminelle commune a planifié,

5 encouragé, ordonné commis ou autrement aidé ou apporté son soutien à la

6 préparation d'exécution de meurtres ou de privation de leur vie de

7 Musulmans de Bosnie," et ainsi de suite, et ainsi de suite. On énumère,

8 entre autres, la ville de Sarajevo parmi les villes qui sont citées ici.

9 Vous verrez à l'acte d'accusation 1 million et 1 choses dénuées de

10 tout sens et d'aberration. Nous avons mis ici un général qui était présent

11 dans cette caserne Viktor Bubanj, qui a observé les forces musulmanes

12 ouvrir le feu en direction d'installations civiles qui étaient les leurs

13 pour m'accuser ce dont vous m'accusez ici.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai déjà décidé

15 que je n'allais pas entendre davantage d'éléments de preuve à ce sujet.

16 Vous ne m'avez pas présenté des éléments de preuve satisfaisants. Je vous

17 demande de passer à un autre sujet, vu que celui n'est pas suffisamment

18 pertinent.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je sois encore plus clair, Monsieur

21 Milosevic : les éléments de preuve relatifs aux souffrances des Serbes

22 peuvent être pertinents. Cela peut l'être au cas, comme je l'ai dit déjà

23 auparavant, où cette caserne aurait été attaquée et où il y aurait eu

24 riposte de la part des Serbes, ou quelqu'un à l'occasion de cette riposte

25 il y aurait eu des Serbes de tués, si cela fait partie de l'allégation

Page 37410

1 précisée ou avancée à l'acte d'accusation, cela serait votre réponse à ces

2 allégations. Mais si vous dites qu'il y a des violences à l'encontre de

3 Serbes qui ne sont pas citées à l'acte d'accusation, cela ne correspond pas

4 aux exigences de pertinence.

5 S'il y a un paragraphe de cet acte d'accusation s'y rapporte,

6 j'aimerais que vous me le montriez. M. Nice nous a dit qu'il n'y en avait

7 pas et nous nous efforçons encore d'essayer de trouver ce paragraphe à

8 l'acte d'accusation. S'il existe on se penchera.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, tirons une chose au clair,

10 Monsieur Robinson : il ne s'agit pas ici de prouver des souffrances du côté

11 des Serbes. Le général Gojovic, dans ce cas concret, dans la réponse

12 concrète qu'il a apportée, vient témoigner pour dire de quelle façon les

13 forces musulmanes ont tiré sur des quartiers musulmans de Sarajevo, pour

14 que ceci soit attribué à la JNA. Il ne s'agit pas de souffrance de Serbes,

15 mais de souffrance de la population civile dans son ensemble que les forces

16 musulmanes ont attribué à sa caserne où il se trouvait. Il s'avèrerait que

17 le tribunal militaire ou le procureur militaire aurait tiré sur des

18 bâtiments environnants. C'était une propagande anti-serbe, ou plutôt, anti-

19 yougoslave, une propagande anti-JNA, et il s'agit-là de crimes dont il est

20 en train de témoigner. Donc, il ne parle pas de souffrance de Serbes; il

21 parle de souffrance de la population civile, et il parle du fait des forces

22 musulmanes qui ont tiré vers leur propre cité d'habitation.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais vous auriez dû

24 expliquer cela auparavant. Vous affirmez par conséquent que ce qui est

25 attribué à l'acte d'accusation à des Serbes, ce qui est reproché plutôt à

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1 des Serbes devrait être reproché plutôt à des Musulmans. Cela est une

2 question tout à fait différente.

3 Quelle partie de l'acte d'accusation cela se trouve-t-il ?

4 Au chef 37 ?

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, peut-être pourriez-vous

6 nous aider. Le seul chef d'accusation restant au niveau de Sarajevo est le

7 pilonnage de Markale ?

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, M. Milosevic attire

9 notre attention sur la page 13 de l'acte d'accusation de Bosnie, chef

10 d'accusation 47, extermination, meurtre et assassinat, et il est question

11 de Sarajevo, notamment pour ce qui est des passages cités entre

12 parenthèses. Je crois comprendre qu'il veut laisser entendre que ces

13 attaques que l'on a reprochées à la JNA sont des attaques perpétrées par

14 d'autre en réalité. Il n'est point de doute que c'est là ce qui constitue

15 sa défense. Mais, si je crois bien comprendre, le témoin n'a parlé que de

16 balles traçantes jusqu'à présent. Je ne me souviens pas qu'il ait parlé de

17 quelques attaques contre les Musulmans qui auraient été diligentées par qui

18 que ce soit. En réalité, il a parlé d'une tentative qui visait à faire

19 croire à la presse, à l'opinion publique, que c'était la JNA qui avait

20 attaqué. En réalité, ce qui a été utilisé c'était des balles traçantes pour

21 laisser entendre qu'il s'agissait d'une attaque.

22 M. NICE : [interprétation] J'aimerais demander à l'accusé par le truchement

23 des Juges et de ceux qui m'assiste dans mon travail, je sais qu'il ne garde

24 intérêt pour les questions de procédure, mais j'aimerais l'inviter à

25 veiller au fait qu'à la fin de la présentation des éléments de

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1 l'Accusation, nous avons produit un document en format électronique qui

2 résume, paragraphe par paragraphe, chaque accusation. Il y a, y compris,

3 des paragraphes de contexte pour deux des chefs d'accusation, et ce sont

4 les éléments sur lesquels s'est appuyée l'Accusation. Ces éléments sont --

5 il est possible de les rechercher et de les trouver électroniquement. Si

6 l'accusé souhaite évoquer quelque chose qui à un rapport avec la caserne

7 Viktor Bubanj, il y a moyen très facile de le faire, ou en tout cas ses

8 associés ont ce moyen à leur disposition, c'est-à-dire qu'ils peuvent

9 retrouver tout ce qui a été dit à ce sujet. Pour le moment, je suis en

10 train, moi-même, de rechercher ces éléments par le système LiveNote.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous dites que

12 l'Accusation ne s'est peut-être pas fondée sur l'élément dont il est

13 question actuellement ?

14 M. NICE : [interprétation] Je suis en train de vérifier s'il a été question

15 de cette caserne. L'accusé est libre de décider, lui et ses associés qui

16 sont des professionnels. Ils peuvent décider avant de débattre d'un élément

17 particulier comme cela a été le cas ce matin, de vérifier les éléments qui

18 ont été présentés à la Chambre qui peuvent tous être retrouvés sur les

19 ordinateurs afin de se concentrer sur les éléments qui sont effectivement

20 des éléments de preuve.

21 Maintenant, nous n'avons pas de déclarations préalables détaillées des

22 témoins. Nous ne pouvons pas dire à l'avance que tels ou tels éléments, ou

23 affirmations, est pertinentes ou non-pertinentes, parce que nous ne savons

24 pas ce qui va être dit tant que le témoin n'a pas ouvert la bouche.

25 J'insisterais vivement l'accusé et son équipe -- je remarque qu'il prend le

Page 37413

1 plus grand soin à montrer qu'il ne s'intéresse pas à ce que je suis en

2 train de dire. En tout cas, je l'invite à concentrer son travail.

3 Quelquefois, j'ai l'impression de parler pour ne rien dire, mais enfin

4 j'essaie de l'aider.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, à l'avenir,

7 lorsque vous citerez à la barre des témoins dont le rôle consiste à

8 témoigner au sujet des faits, je vous demanderais avant d'entendre ces

9 témoins d'indiquer quel est le chef d'accusation ou le paragraphe de l'acte

10 d'accusation auxquels ce témoignage se rapporte. Il a fallu l'aide de pas

11 mal de gens autour de nous pour nous permettre de retrouver le paragraphe

12 36, où se trouve cette référence à Sarajevo et à Novi Grad. Compte tenu de

13 la thèse que vous avancez, à savoir que ce qui dans l'acte d'accusation est

14 imputé à la JNA devrait être imputé aux Musulmans, compte tenu de cela nous

15 autorisons la suite de la déposition sur ce point, mais je ne sais pas très

16 bien si vous avez encore beaucoup de choses à obtenir du témoin dans ce

17 domaine.

18 L'INTERPRÈTE : Monsieur Milosevic, hors micro.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le micro n'était pas allumé.

20 Monsieur Robinson, mon objectif principal en citant ce témoin à la barre

21 consistait à discuter de Kosovo. Puisque ce témoin était en fonction à

22 Sarajevo, il était présent sur place et je ne vais pas le citer à la barre

23 deux fois.

24 M. Nice, à mon avis, vient de dire quelque chose qui est tellement

25 simpliste que cela est une offense à l'intelligence de qui que ce soit.

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1 Ici, il n'est pas question de savoir si l'on parle de la caserne de Viktor

2 Bubanj ou d'autre chose. M. Gojovic aurait pu se trouver n'importe où.

3 Autrement dit, j'affirme que le général Gojovic n'est pas en train de

4 témoigner au sujet de la caserne Viktor Bubanj. Il aurait pu se trouver

5 n'importe où ailleurs. Ce qui fait l'objet de son témoignage c'est qu'il a

6 vu personnellement des tirs qui partaient de la colline de Mojmilo pour

7 viser des cibles civiles en face, et il écoutait en même temps à la radio

8 une émission où il a entendu que la caserne de Viktor Bubanj qui abritait

9 la JNA et les Serbes. Il a entendu à la radio dire que la caserne était en

10 train de tirer --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur

12 Milosevic. J'ai déjà expliqué les circonstances dans lesquelles nous vous

13 autorisons à poursuivre cet interrogatoire principal.

14 Je regarde le résumé au titre de l'Article 65 ter du règlement, et nous

15 avons autorisé la production de ce résumé qui est très court. Je n'y vois

16 aucune référence à Sarajevo. J'insiste pour qu'à l'avenir, lorsque vous

17 faites comparaître un témoin, vous disiez aux Juges quel est le chef

18 d'accusation ou le paragraphe de l'acte d'accusation auxquels se rapportent

19 la déposition du témoin. Veuillez poursuivre.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux plus de discussion.

22 Continuez. Si vous ne voulez pas continuer, nous pouvons mettre un terme à

23 l'interrogatoire principal.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai pas l'intention de

25 vous répondre, mais je demande à comprendre. Je demande une explication.

Page 37415

1 Ayez l'amabilité, puisque vous êtes professionnel en la matière, expliquez

2 moi. Voilà quelle est ma question : en page 2, point 5, et vous le trouvez

3 également dans d'autres actes d'accusation.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Page 2, point 5 de quoi ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] De ce document bosniaque. Regardez ce qu'on

6 peut lire à cet endroit. Quand le mot "auteur" est utilisé dans l'acte

7 d'accusation. "Le Procureur n'a pas l'intention de laisser entendre que

8 l'auteur a commis lui-même personnellement l'un des crimes évoqués."

9 L'auteur dans cet acte d'accusation renvoie à la participation à une

10 entreprise criminelle commune auteur et co-auteur ensemble.

11 Puis au paragraphe 6, nous lisons : "Slobodan Milosevic a participé à

12 une entreprise criminelle commune telle que décrite ci-dessous. Cette

13 entreprise criminelle commune avait pour objet d'expulser par la force et

14 de façon permanente la majorité des non-Serbes, principalement des

15 Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie de vastes régions de la

16 République de Bosnie-Herzégovine," et cetera, et cetera. On voit qu'une

17 sorte d'entreprise criminelle commune aurait été planifiée. C'est ce qui

18 est indiqué dans le texte.

19 Expliquez-moi, je vous prie, de façon générale je suis accusé, la Serbie

20 est accusée, et la JNA est accusée de tout ce qui s'est passé sur le

21 territoire de l'ex-Yougoslavie. Est-ce que c'est cela en soit qui est le

22 fondement d'où vous partez, parce que prenons une métaphore, la caserne

23 Viktor Bubanj est évoquée ou quelque chose d'autre, vous n'avez pas de

24 crimes précis dont je serais accusé ou dont d'autres seraient accusés comme

25 ayant participé à une entreprise criminelle commune, qui n'a aucune base

Page 37416

1 dans un quelconque élément de preuve pour en prouver l'existence et qui ne

2 peut pas être prouvé par les éléments de preuve évoqués, car il est tout à

3 fait clair que personne n'aurait pu planifier la sécession de la Croatie et

4 de la Slovénie puisque que personne ne pensait qu'elle aurait lieu à

5 quelque moment que ce soit.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre à présent

7 parce que ceci est trop long. Nous avons déjà trouvé un chef, un paragraphe

8 de l'acte d'accusation qui se rapporte à la caserne Viktor Bubanj. J'ai dit

9 que dans ces conditions, compte tenu de la thèse que vous avancez, je vous

10 autorise à présenter une partie de la déposition à ce sujet. Veuillez

11 procéder.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Général Gojovic, est-ce que vous avez quelque information que ce soit

14 au sujet d'attaques par des tireurs embusqués à Sarajevo ? Je serais plus

15 précis : est-ce que personnellement vous avez été pris pour cible par des

16 tireurs embusqués ?

17 R. Oui, j'ai été la cible de tireurs embusqués lorsque l'attaque sur la

18 caserne Viktor Bubanj a commencé. C'était dimanche matin, à 5 heures du

19 matin, à la mi-mai 1992. La caserne était attaquée de toute part parce

20 qu'elle se trouve dans un quartier urbanisé. C'est le moment qu'ils ont

21 choisi aux premières heures de la matinée, une heure à laquelle les gens,

22 en général, vont aux toilettes après s'être réveillé. Donc, dès que je me

23 suis réveillé, je suis allé aux toilettes et une balle tirée par un tireur

24 embusqué m'a prise pour cible. Heureusement, la fenêtre avait un cadre

25 métallique qui avait à peu près une dizaine de centimètres d'épaisseur et

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1 la balle a frappée le cadre métallique ce qui m'a sauvé la vie, car, dans

2 le cas contraire, j'aurais été atteint en plein front. Seul un tireur

3 embusqué aurait pu tirer à une telle distance, car ils étaient les seuls à

4 utiliser des systèmes de visée optique.

5 Je travaillais, à ce moment-là, en tant que procureur, mon bureau a

6 été attaqué par un lance-roquettes portable, un Armbrust qui est fabriqué

7 en Allemagne. Pour autant que je m'en souvienne, l'obus n'a pas explosé,

8 j'ai eu de la chance. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à penser que

9 je devais être particulièrement protégé par la chance parce que la caserne

10 a été attaquée trois fois.

11 La première attaque a été la plus dure, c'était une attaque par des

12 tireurs embusqués à la mitrailleuse et au lance-roquettes portable. La

13 deuxième attaque a été celle qui a visé le bureau du commandant de l'unité,

14 il était capitaine, et l'Armbrust a réussi à toucher son bureau. Son

15 collègue m'a appelé avant au téléphone, ou plutôt l'a appelé lui dans son

16 bureau. Il espérait le trouver à son poste. Cependant, il était passé à un

17 autre bureau. Il se rendait compte que quelque chose allait mal. Il a

18 cherché à s'abriter dans un autre bureau. Au moment où il parlait au

19 téléphone, car on lui demandait de se rendre, son bureau à lui a été

20 totalement détruit. L'explosion a été terrible, tous les murs sont tombés

21 et j'ai vu que l'obus était vraiment un obus très puissant. C'est ce que

22 j'ai vu personnellement à ce moment-là.

23 Q. Général, en dehors de l'attaque sur la caserne Viktor Bubanj qui

24 n'était pas dans une zone de combat, est-ce que vous vous souvenez d'une

25 attaque contre le centre de l'armée populaire yougoslave ? Pour être très

Page 37418

1 clair et que chacun comprenne ici, ce centre sert de club pour les

2 officiers, c'est un centre culturel de la JNA.

3 R. Oui, c'est ce qui s'est passé. Je présente mes excuses aux Juges de la

4 Chambre, mais je pense qu'il faut prendre en compte l'ensemble de la

5 situation à Sarajevo. Alors ne me le reprochez pas, je n'ai aucune

6 intention de vous donner des leçons. Mais Sarajevo était le centre et la

7 source du conflit. C'était également le lieu où s'est déroulé la dernière

8 étape de ce conflit. Toute la direction se trouvait là et tout ce qui est

9 important s'est passé à cet endroit. C'est pourquoi Sarajevo a une telle

10 importance. Au mois de mai, qui a également une importance critique, les

11 1er, 2 et 3 mai, s'agissant des unités de la JNA, sont un moment

12 particulièrement important.

13 Donc, le 1er mai, un véhicule a été attaqué. Un véhicule qui

14 transportait des vivres, cela s'est passé presqu'au même endroit où s'était

15 produit l'incident précédent, au moment où un chauffeur, un soldat avait

16 été tué. Belic, un avocat qui était officier au bureau du procureur que je

17 dirigeais était de service et c'est lui qui transportait les vivres en

18 question pour le déjeuner des officiers. Le soldat qui conduisait a réussi

19 à conduire encore sur 200 mètres, et il est mort à ce moment-là.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis très heureux également

21 d'entendre parler de fenêtre qui vous a sauvé la vie de façon à ce que vous

22 puissiez déposer ici aujourd'hui, mais concentrez vos réponses et essayez

23 d'être le plus bref possible.

24 Monsieur Milosevic à vous.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je regrette, mais je n'ai pas encore terminé

Page 37419

1 ma réponse sur le club des officiers de la JNA. J'ai dit que trois jours

2 critiques avaient eu lieu au mois de mai. Nous parlions du 2 mai, c'est le

3 jour où le club a été attaqué, il se trouve au centre de la ville. C'est un

4 centre culturel. Je ne sais pas pour quelle raison ils voulaient

5 l'attaquer. Mais, en tout cas, un commandant, un Macédonien commandait à

6 cet endroit. Il dirigeait le club. Il avait quelques soldats avec lui, puis

7 il y avait des membres de son équipe qui étaient des civils. Le directeur

8 du club a été blessé très gravement. Il a survécu, mais a subi des

9 blessures très graves et quelques soldats ont également été blessés, ils

10 ont eu besoin de soins médicaux. Un blindé transport de troupe a été les

11 chercher. Ce n'est pas une ambulance qui a été envoyée, mais un transport

12 de troupe blindé de façon à éviter toutes attaques ultérieures.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, j'ai beaucoup de

14 mal à trouver les éléments de preuve dans cette partie de la déposition.

15 Vous devez guider le témoin, pour qu'il fournisse des éléments pertinents.

16 Vous ne serez plus autorisé à le laisser parler dans le vague.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense à tous les témoins

18 qui ont témoigné ici au sujet des présumés méfaits commis par les Serbes à

19 Sarajevo, ils étaient tous censés apporter de l'eau au moulin des

20 affirmations de M. Nice, ce n'est pas simplement ce qui est écrit dans ce

21 texte qui importe, mais également les dires des témoins de M. Nice.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Général Gojovic, est-ce que vous avez des informations au sujet de tirs

24 de tireurs embusqués après le temps où vous vous êtes trouvé à cet

25 endroit ?

Page 37420

1 R. J'ai des informations au sujet de tirs de tireurs embusqués. Ils

2 venaient de la ville et prenaient pour cible des civils. J'ai des

3 renseignements à ce sujet. Les tireurs embusqués visaient en tout premier

4 lieu les civils. Lorsque des gens en uniforme passaient dans la rue,

5 personne ne tirait sur eux, mais on ne tirait que sur des civils. Donc, si

6 nous parlons de vrais adversaires, il aurait fallu que ce soit des ennemis

7 d'en face qui soient attaqués. Ce sont des Serbes qui étaient tués

8 majoritairement, nous nous demandions pourquoi. Les femmes serbes portent

9 le noir en signe de deuil. Les femmes musulmanes ne portent pas le noir en

10 signe de deuil. Donc, il leur était facile de distinguer en se fondant sur

11 les vêtements portés par les gens qui étaient Musulmans, Serbes, et cetera.

12 Tout cela c'était des provocations pour déclarer ensuite que des tireurs

13 embusqués serbes avaient tiré. Voilà les informations que j'ai reçu de gens

14 qui étaient des témoins oculaires de tout cela. C'est cela que je

15 souhaitais dire ici, c'est ce que tout le monde sait bien.

16 Q. Dites-nous Général, à l'époque vous étiez procureur militaire, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous avez entamé des poursuites par rapport aux événements

20 dont vous venez nous parler ?

21 R. Oui, des poursuites ont été lancées par rapport aux événements de la

22 rue Dobrovoljacka où un commandant de la 7e armée était en train de passer

23 d'un bâtiment à un autre sous la protection des forces des Nations Unies

24 commandées par le général MacKenzie, général canadien qui se trouvait là à

25 l'époque, et une équipe entière a été tuée par des décharges à haute

Page 37421

1 tension. C'était le 8 mai.

2 Puis le 3 mai, dans une autre rue, cinq officiers, un colonel, un

3 lieutenant-colonel du corps médical et un civil également membre des

4 services de l'armée et trois autres officiers ont été blessés, un général

5 et plusieurs soldats.

6 Des actions judiciaires ont été intentées à l'époque contre Ejub Ganic,

7 parce qu'il soutenait Alija Izetbegovic, qui n'était pas dans le pays à

8 l'époque. Il le remplaçait, c'est lui qui était responsable de toute cette

9 opération.

10 Puis, Avdo Hebib assistant du ministre de l'Intérieur, l'un des plus haut

11 placé au ministère; Dragan Vikic, commandant des unités spéciales du MUP de

12 la police; et puis Jusuf Prazina, criminel bien connu qui dirigeait une

13 unité paramilitaire commandée par lui; et deux ou trois autres personnes si

14 je me souviens bien ont été mis en accusation.

15 Le procureur a émis l'acte d'accusation, tous ces documents ont été fournis

16 au bureau du procureur du tribunal, mais aucune action n'a été prise par

17 rapport à tout cela. C'est ce que je tiens à souligner.

18 Un accord a été conclu quant au fait que tout le commandement de l'armée

19 partirait sous la protection des Nations Unies. En tête de colonne se

20 trouvait un véhicule des Nations Unies, de couleur blanche --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, de quoi étaient accusées

22 toutes ces personnes ? Vous avez évoqué quatre personnes si je ne m'abuse.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelles personnes ?

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Ejub Ganic, Hebib --

Page 37422

1 R. Ah, oui, oui. D'avoir organisé et mené à bien une attaque contre une

2 colonne qui passait d'un bâtiment à un autre. Huit personnes ont été tuées,

3 trois colonels blessés, trois officiers, je peux citer leurs noms et celui

4 de plusieurs soldats également.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les attaques sur les civils ont-

6 elles fait l'objet des accusations ? Ont-ils été poursuivis pour attaque

7 sur les civils ou l'incident qui leur était reproché était-il de nature

8 différente ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parlez d'Ejub Ganic ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci concernait précisément une attaque contre

12 cette colonne où des gens ont été tués.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Général --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, une seconde. Quel a été

16 le résultat de ces poursuites judiciaires ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] L'enquête a été terminée, mais ces personnes

18 ne se sont pas présentées aux autorités. La JNA s'est ensuite retirée.

19 L'affaire a été transférée à Belgrade. Un mandat d'arrêt a été émis, mais

20 ces personnes n'ont pas comparu en justice. Tous les documents ont été

21 transmis au bureau du Procureur du Tribunal ici, parce que cette colonne

22 n'était pas une colonne de combattants et la sécurité qui était assurée

23 n'était pas une sécurité au titre de combats. Il n'y avait pas de

24 déploiement de force. Il y avait simplement la protection des Nations

25 Unies.

Page 37423

1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je ne sais pas si vous

3 êtes en mesure de nous apporter votre aide. Car voyez-vous, nous venons de

4 discuter entre les Juges de cette question très particulière de la

5 pertinence. Chaque fois que j'interroge M. Milosevic au sujet de la

6 pertinence, il me renvoie à une réponse toute faite en disant qu'il est

7 accusé d'entreprise criminelle commune, comme si cela justifiait la

8 présentation de toutes formes d'éléments de preuve à sa disposition. Or,

9 cela ne peut pas être le cas.

10 Je l'ai autorisé à poursuivre son interrogatoire en me fondant sur un

11 élément très particulier, à savoir que la thèse qu'il avance consiste à

12 dire que les faits imputés à la JNA dans l'acte d'accusation par rapport à

13 Sarajevo auraient dû être imputés aux Musulmans, mais la déposition ne

14 semble pas aller dans ce sens.

15 M. KAY : [interprétation] C'est peut être une question de forme, de

16 présentation. J'étais en train d'étudier l'acte d'accusation pendant que la

17 déposition se poursuivait, notamment, le chef numéro 3, ou plutôt 33, et

18 vous constaterez également qu'au paragraphe 34, nous trouvons des éléments.

19 Sarajevo est évoquée au paragraphe 33 et ce qui est allégué au paragraphe

20 34, c'est qu'en recourant à la force, en s'emparant de villes et de

21 villages de Bosnie, des conditions propres à la persécution ont été créées.

22 Sarajevo est définie dans l'Annexe A à l'acte d'accusation, comme un lieu

23 d'assassinats, mais ceci a été exclu au titre de l'Article 98 qui a fait

24 l'objet d'une décision de la Chambre. Cela étant, les questions relatives à

25 Sarajevo sont, tout de même, demeurées dans l'acte d'accusation et si le

Page 37424

1 témoin décrit les conditions de vie à Sarajevo telles qu'il les a vécues

2 personnellement, et dont il est permis de dire qu'elles relèvent de la

3 responsabilité des forces musulmanes et non des forces sous le contrôle des

4 autorités serbes, alors, présenter cela à la Chambre constitue un mode de

5 défense tout à fait valable. Maintenant, quelle devrait être la durée,

6 l'importance quantitative de cette déposition, cela c'est un autre

7 problème, mais on voit aux paragraphes 33 et 34 de l'acte d'accusation que

8 ces questions peuvent faire l'objet d'éléments de preuve dans ce contexte.

9 Des allégations très vagues sont émises dans ces actes d'accusation

10 et c'est peut-être de là que vient le problème en partie. C'est peut-être

11 ce qui justifie que l'on se penche sur un aussi grand nombre de questions.

12 En effet, on peut partir d'un cadre très périphérique. Ces questions

13 périphériques sont soumises à la Chambre en raison de la nature même des

14 éléments contenus dans l'acte d'accusation.

15 Si l'intention consiste à utiliser ce témoin pour traiter de cet

16 aspect des choses, cela peut être fondé. A bien des égards si l'on examine

17 les éléments de preuve liés à ce témoin, ils portent surtout sur le rôle

18 joué par lui au sein du système d'accusation militaire sur le plan

19 judiciaire qui, peut-être, est plus important que son expérience

20 personnelle, à ce moment-là.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay. Donc, nous

22 autorisons ces questions en tant, dirons-nous, éléments de preuve de

23 contexte pour déterminer ce qui s'est passé à Sarajevo. Ces éléments de

24 preuve établissent le contexte dans lequel les crimes présumés sont censés

25 avoir eu lieu.

Page 37425

1 Mais, Monsieur Milosevic, vous ne devriez pas poursuivre trop longtemps sur

2 ce sujet.

3 Nous allons faire la pause pendant 20 minutes, puis nous reprendrons

4 nos débats. J'aimerais que nous passions à des éléments plus directement

5 pertinents.

6 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Mme Dicklich vient

7 de retrouver un passage de la déposition de Lord Owen où il est fait

8 référence à cette caserne. Rapport du secrétaire général Boutros-Ghali a

9 été lu par l'accusé et il y est stipulé que la caserne était attaquée. Ceci

10 n'a pas été contesté.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'autres l'ont également abordé

12 cette question.

13 M. NICE : [interprétation] Oui, à des titres différents. Vous êtes

14 plus rapide que moi, Monsieur le Juge. Je me contenterais de redire et je

15 ne vois pas ce que je pourrais faire de plus que redire à l'accusé qu'il

16 devrait utiliser les instruments que nous lui avons communiqués s'il

17 souhaite que ses éléments de preuve soient plus précis. Tout a été fait

18 pour l'aider.

19 M. KAY : [interprétation] Parlant de cela, M. Nice évoque les documents

20 d'un contexte qui, je crois --

21 M. NICE : [interprétation] Absolument.

22 M. KAY : [interprétation] Oui, ce sont les documents les plus importants.

23 M. NICE : [interprétation] Ceci est un document que j'ai fourni à plusieurs

24 reprises. J'espère que je continuerai à le faire car il peut aider les

25 parties.

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1 M. KAY : [interprétation] C'est très utile.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, les

3 éléments préparés par le Procureur sont à votre disposition, vous pouvez

4 les utiliser. Nous faisons la pause de 20 minutes.

5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

6 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

8 M. NICE : [interprétation] Une intervention très brève au sujet du temps

9 qui a été consacré ce matin à des questions de procédure. Vous savez,

10 Messieurs les Juges, deux tiers du temps doit être consacré au contre-

11 interrogatoire et à des questions de procédure par rapport au temps pris

12 pendant l'interrogatoire principal. Lorsqu'il y a des questions de

13 procédure qui sont soulevées au cours de l'interrogatoire principal, ceci a

14 des répercussions doubles sur le temps consacré au contre-interrogatoire,

15 et les deux tiers du temps consacré au contre-interrogatoire diminue.

16 Vous constaterez que je suis toujours parvenu jusqu'à présent et ces

17 derniers temps à ne consacrer à mes contre-interrogatoires que 50 % du

18 temps consacré à l'interrogatoire principal. Vous vous demanderez peut-être

19 pourquoi je ne suis pas intervenu immédiatement vu le temps consacré ce

20 matin aux questions d'ordre et de procédure et qui sont dues à la manière

21 dont l'accusé se prépare ou plutôt ne se prépare pas à l'interrogatoire de

22 ses témoins. Si bien que le temps qui a été consacré à ses questions ne

23 devrait pas être considéré comme du temps consacré à des questions d'ordre

24 administratif, mais bel et bien à l'interrogatoire principal en tant que

25 tel afin de ne pas réduire le temps imparti à l'Accusation. Je vous invite

Page 37427

1 à réfléchir à cette question.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il faudrait ici se lancer dans

3 de longs calculs qui me dépassent un petit peu pour l'instant.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous savez qu'au bout du compte, le

5 temps qui est pris en compte c'est celui de l'interrogatoire principal et

6 des questions supplémentaires.

7 M. NICE : [interprétation] Non, j'avais compris, si on prend le temps total

8 consacré -- enfin, vous avez tout à fait raison, mais cette proportion des

9 deux tiers concerne le contre-interrogatoire et les questions d'ordre

10 administratif et tout ce qui est consacré aux questions administratives

11 diminue automatiquement le temps qui nous est accordé.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A qui doit-on prendre le temps qui

13 vous manque, Monsieur Nice ?

14 M. NICE : [interprétation] Indéniablement à la Chambre.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'on peut considérer que

16 c'étaient des questions d'ordre administratif une fois que le témoin avait

17 commencé à déposer ?

18 M. NICE : [interprétation] Oui, parce que d'après ce que je sais de la

19 manière dont sont décomptées les minutes et les heures que nous passons

20 ici, toutes discussions consacrées à la procédure et qui est dû à

21 l'initiative de la Chambre est considérée comme période consacrée à des

22 questions d'ordre administratif. Je me trompe peut-être, mais enfin c'est

23 de cette manière que j'avais cru comprendre notre système.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je crois, c'est le cas.

25 Monsieur Milosevic.

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1 L'INTERPRÈTE : Monsieur Milosevic, hors micro.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le micro est allumé.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Général Gojovic, vous nous avez cité un certain nombre d'exemples qui

5 datent de la période où vous habitiez à Sarajevo, la période critique.

6 Peut-on sur la base de votre expérience à Sarajevo pendant cette période,

7 peut-on dire que la JNA était attaquée et non qu'elle attaquait qui que ce

8 soit ?

9 R. Oui, c'est tout à fait exact. Au cours de ces seules trois journées, 26

10 membres de la JNA ont été tués alors que la JNA de son côté n'a pas tiré

11 une seule balle.

12 Q. Cela signifie-t-il que la JNA n'a pas fait usage de son droit

13 fondamental à se défendre ?

14 R. C'est tout à fait ce que cela signifie.

15 Q. Vous trouviez-vous à Sarajevo au moment de l'incident de la rue Vaso

16 Miskin ?

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous nous en parler, nous parler de cet incident, et nous dire

19 ce que vous en savez ?

20 R. Je peux simplement vous dire ce que je sais et ce que m'ont dit des

21 témoins oculaires. Cela s'est passé le 27 mai. Les gens faisaient la queue

22 pour acheter du pain dans une ruelle de Vaso Miskin, une ruelle avec des

23 commerces de chaque côté de la rue. Un certain Lizdek Nedeljko, qui se

24 rendait chez un de ces amis pour y prendre des documents dans une zone

25 résidentielle située au-dessus de la place du marché de Markale, a vu des

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1 appareils photos --

2 M. NICE : [interprétation] Le témoin ne nous dit pas ce qu'il a vu ou ce

3 dont il a une expérience personnelle; il nous parle de ce que d'autres lui

4 ont confié. Etant donné la position qu'il a occupé au sein du bureau du

5 procureur du Sarajevo, en tant que juriste, le procureur militaire, il a eu

6 cet indéniable accès aux déclarations de ces témoins oculaires. Avant qu'on

7 ne laisse continuer à résumer ces déclarations qui constituent des éléments

8 de preuve par ouï-dire, il faudrait savoir de quelle manière il a obtenu

9 tous ces éléments, parce que nous devons savoir si ceci s'appuie sur des

10 éléments qui vont être ensuite présentés, des déclarations, et cetera, ou

11 il s'agit tout simplement de nous rapporter ce que d'autres personnes ont

12 dit.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, comment vous êtes-vous

14 procurer ces informations ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des événements de la rue Vaso

16 Miskin, je ne dispose pas de documents parce que cela ne relevait pas de la

17 compétence du bureau du procureur militaire. Pour ce qui est des attaques

18 menées contre des membres de la JNA, j'avais des documents. Ce que je peux

19 vous dire au sujet de la rue Vaso Miskin et de l'incident qui s'y est

20 déroulé, je peux simplement vous dire ce que m'a dit un témoin oculaire qui

21 passait le long de cette ruelle, qui a vu des caméras que l'on mettait en

22 place. Il y avait là une librairie dont la façade était entièrement vitrée,

23 la librairie Seli Maslesa [phon]. C'est une rue très étroite, une très

24 petite ruelle.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cet homme vous a donné ces

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1 informations dans quelles circonstances ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le même jour, parce qu'il se rendait

3 chez un ami pour y récupérer des documents à proximité. Je suis sorti dans

4 Lukavica le 25 mai, et tout de suite après cet événement, il a vu les

5 cadavres de personnes qui avaient été tuées, et il n'y avait nulle trace

6 d'obus ou de grenades. Il n'y avait qu'un obus de mortier qui était tombé.

7 Je connais cet homme, donc je l'ai interrogé. C'est quelqu'un qui

8 connaissait le travail de la police. C'est quelqu'un de Sarajevo. Il a dit

9 qu'il était indéniable que c'était une mise en scène.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cet homme est venu vous

11 donner ces informations dans le cadre de vos fonctions officielles. C'est

12 ce qui m'intéresse ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non pas à titre officiel. Je l'ai

14 interrogé en tant qu'ami.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous, dans le cadre de vos

16 fonctions à vous.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne l'ai pas interrogé en tant que

18 procureur militaire parce que cet incident ne relevait pas de ma

19 compétence. Cela concernait des incidents -- villes, cela ne relevait pas

20 de ma compétence. J'ai demandé à cet homme ce qui s'était produit, parce

21 que dans les rapports officiels il était dit qu'un obus avait été tiré

22 depuis les positions serbes. Il a dit que c'était absolument impossible

23 qu'on ait mis en place des appareils photos sur place avant les événements.

24 Plus tard, en rentrant, il a passé par la même rue et il a vu qu'il n'y

25 avait aucune trace de grenades, d'obus qui seraient tombés à cet endroit.

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1 Je lui ai demandé si c'était peut-être un obus qui venait de très loin, et

2 il a répondu, non, que c'était une mine.

3 Usnir Hakic [phon] était expert en matière d'explosifs dans le cadre de la

4 lutte anti-terroriste, et il avait une connaissance très approfondie des

5 méthodes utilisées pour déclancher des explosions. Le lendemain, ils ont

6 utilisé des marteaux pour faire des trous dans l'asphalte et donner

7 l'impression de dégâts qui venaient de l'extérieur.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Général, vous parlez d'un obus venant

9 de positions serbes. Cela était le rapport officiel. Vous voulez parler de

10 positions de la JNA ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Déjà à l'époque les Serbes avaient leurs

14 propres unités de la Défense territoriale qui prenaient position sur les

15 collines environnantes, et la JNA n'était nullement impliqué de quelque

16 manière que ce soit. De manière générale, la JNA n'a pris part à aucune

17 activité de combat. Nos unités étaient constituées exclusivement de

18 conscrits.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous dites avoir eu accès à des

20 documents dans le cadre de vos responsabilités. En rapport avec cette

21 question, quelles sont les allégations sur lesquelles vous avez été emmené

22 à enquêter ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai enquêté sur les incidents du 1er, du 2 et

24 du 3 mai. Le 1er mai il y a eu l'assassinat du soldat et quelqu'un d'autre a

25 été blessé --

Page 37432

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous parle de cet incident en

2 particulier. Est-ce que vous avez procédé à une enquête au sujet de cet

3 incident en particulier ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. Je me suis simplement entretenu

5 avec ce témoin oculaire.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Je suis heureux d'avoir entendu des informations

8 supplémentaires. Ceci va dans le sens de ce que je souhaite dire, à savoir

9 que ces éléments ne sont pas acceptables. On vient de nous dire que tout ce

10 soi-disant incident était une mise en scène. C'est ce que dit le témoin. Ce

11 sont des éléments qui sont apportés par ce témoin oculaire dont le nom ne

12 nous a pas encore été communiqué. Si cette personne existe, qui parle de

13 caméras qui avaient été mises en place avant les événements, si elle peut

14 donner des éléments de preuve au sujet de l'absence de toutes grenades et

15 le fait que l'on avait cassé le pavé à coup de marteaux, il faut que cette

16 personne vienne ici nous le dire. Il n'y aucune raison à ce que ce témoin

17 initial ne vienne pas ici.

18 S'agissant du rapport officiel, il doit nous être communiqué. C'est

19 quand même un élément de preuve assez important et il faut nous donner des

20 éléments de preuve détaillés à ce sujet et pas de la manière dont s'est

21 fait actuellement en rapportant des propos tenus par des tiers.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ceci ne sera pas

23 décidé au moment d'évaluer les éléments de preuve et le poids à leur

24 accorder ?

25 M. NICE : [interprétation] Oui, bien entendu, c'est toujours possible

Page 37433

1 d'évaluer les éléments de preuve sur la base du poids qu'il convient de

2 leur accorder, mais je pense qu'il y a une façon de procéder qui est de

3 dire que ces éléments ne doivent pas être communiqués de cette manière,

4 qu'il y a une meilleure manière de les communiquer. Ce serait que cet

5 élément soit communiqué par le témoin original, parce que sinon, si je dois

6 répondre à ce qui a été dit, comment faire si l'accusé ne me donne pas le

7 nom de ce témoin oculaire. Il va falloir que je l'obtienne pendant le

8 contre-interrogatoire. Alors, j'arriverai peut-être à ce moment-là à

9 trouver cette personne. Ce sera sans fin.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous n'obéissons pas

11 ici à la règle du meilleur élément de preuve. Il s'agit simplement pour les

12 éléments de preuve présentés d'être pertinent et d'avoir une valeur

13 probante.

14 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. La règle veut également que les

15 éléments de preuve ne soient pas admis si on peut se poser des questions au

16 sujet de la façon dont elles sont présentées.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je ne pense pas que

18 cette règle soit applicable ici.

19 M. NICE : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous. Permettez-moi

20 de vous le dire. Ces éléments de preuve par de secondes mains ne sont pas

21 admissibles.

22 D'autre part, est-ce que ceci correspond à la décision de la Chambre

23 d'appel sur la manière de résumer les éléments de preuve et sur le résumé

24 des éléments présentés, une décision que nous connaissons tous et que

25 j'avais presque oublié de mentionner, tant elle est présente à notre

Page 37434

1 esprit ?

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui vous a fourni cette information ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est Lizdek Nedeljko, un membre de la police

4 militaire, né à Sarajevo, dans un village à proximité de Sarajevo.

5 Malheureusement, je dois vous dire qu'il a été tué dans une embuscade mise

6 en place par les forces musulmanes sur la route de Kalinovik au cours de

7 l'année 1994.

8 M. KAY : [interprétation] Souhaitez-vous que j'intervienne, Monsieur le

9 Président.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 M. KAY : [interprétation] Bien entendu, les éléments de preuve de secondes

12 mains sont admissibles ici. Nous l'avons entendu répéter à de très

13 nombreuses reprises au cours de la présentation des moyens à charge.

14 M. Milosevic n'a rien à prouver ici, et parfois j'ai l'impression que les

15 objections présentées par l'Accusation repose sur l'idée que M. Milosevic

16 doit prouver les éléments de preuve qu'il présente comme c'est exigé de la

17 part de l'Accusation. Ce n'est pas le cas. Les détails qui nous sont

18 fournis par le témoin qui occupait un poste de responsabilité, les détails

19 qui lui ont été communiqués par une autre personne qui se trouvait à un

20 échelon inférieur à lui, ceci nous emmène dans le contexte d'une filière

21 hiérarchique de transmission de l'information --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il nous a dit que la

23 personne en question était décédée.

24 M. KAY : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ces éléments de preuve sont

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1 acceptables et recevables.

2 Continuez, Monsieur Milosevic. Soyez précis dans vos questions et

3 j'aimerais que les réponses soient brèves.

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les réponses à ces questions seront très

5 brèves.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Général, vous avez entendu de nombreuses allégations proférées ici

8 selon lesquels la JNA a fourni des armes aux Serbes en Bosnie-Herzégovine.

9 Vous avez résidé en Bosnie pendant de très longues années. Je vais donner

10 les noms des usines militaires de Vitez, Novi Travnik, Bugojno, Gorazde,

11 Bihac, Mostar. Toutes ces usines militaires fabriquant des équipements

12 militaires, je voudrais savoir si ces usines sont restées dans les mains

13 des Musulmans de Bosnie ?

14 R. Oui, mais vous avez oublié Konjic, qui était la plus grande usine

15 productrice de munitions destinées à un armement militaire.

16 Q. Je ne les ai pas tous mentionnées. Mais, par exemple, à Vitez on

17 fabriquait la plus grande partie des explosifs, ainsi, et tout ce qui a été

18 détruit a été détruit avec des explosifs venant de Vitez ?

19 R. Oui. C'était une usine qui avait été mise en place pour fabriquer des

20 explosifs militaires. C'est la plus grande usine d'explosifs.

21 Q. Merci, Général. Avez-vous eu l'occasion de parler à Alija Izetbegovic ?

22 R. Oui, au téléphone.

23 Q. A quel moment et dans quelle circonstance ?

24 R. C'est quand pour la première fois des armes ont été transportées par le

25 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Une équipe de policiers de Zagreb a

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1 transporté des armes en camion au cours de l'automne 1991, jusqu'à

2 Capljina, Mostar. C'est là que les camions sont restés. Ensuite, les

3 policiers ont rebroussé chemin.

4 Q. Les policiers de qui ?

5 R. Les policiers du MUP de Croatie, de Zagreb.

6 Q. Ils ont escorté ce transport, ces deux camions chargés d'armes venant

7 de Croatie ?

8 R. En fait, c'était un endroit situé à côté de Zagreb, Tuskanac, là où il

9 y a une base du MUP.

10 Q. Où les camions sont-ils arrivés ?

11 R. Un a Mostar, l'autre à Capljina. Donc, deux localités de Bosnie-

12 Herzégovine ?

13 Q. Donc, ils sont venus de Zagreb. Il y avait deux policiers de Zagreb.

14 Qu'on-t-ils fait ensuite ?

15 R. Les camions ont continué le long de la route de la Riviera [phon], et

16 les policiers sont revenus, ont rebroussé chemin en passant par la Bosansko

17 Grahovo. C'est une zone serbe. On les a interceptés. On a procédé à des

18 vérifications dans leur véhicule. On y a trouvé des fusils automatiques.

19 Ceci était illégal, parce qu'ils étaient autorisés uniquement à porter des

20 pistolets ou des revolvers. On les a arrêtés, on les amenés vers Bihac,

21 vers Banja Luka, puis ensuite à Sarajevo.

22 A Sarajevo, on s'est demandé ce qu'on allait faire de ces hommes. On a

23 recueilli leurs déclarations, et un jour --

24 Q. Un instant. Dans leurs déclarations ont-ils confirmés que déjà

25 précédemment ils avaient emmené deux camions remplis d'armes de Zagreb à

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1 Capljina ?

2 R. Oui, ils l'ont confirmé. Le procureur de la république ne savait pas

3 trop bien quoi faire. Manifestement, il ne voulait pas se mêler de toute

4 cette affaire. Il m'a appelé au téléphone. Il m'a informé de cette affaire.

5 Je suis venu le rencontrer. Nous avons eu une réunion dans le bureau du

6 procureur militaire, et il a été conclu que c'était un exemple de

7 préparatif pour fournir des armes destinées au combat. J'ai suggéré à ce

8 que ces hommes soient transférés dans une prison militaire avant d'être

9 jugés devant un tribunal militaire. Effectivement, on devait les emmener au

10 quartier pénitencier militaire à 7 heures du soir au plus tard ce jour-là.

11 Je suis rentré chez moi ce jour-là vers 16 heures. Le téléphone a sonné.

12 J'ai décroché et il se trouvait que c'était le bureau d'Alija Izetbegovic

13 qui m'appelait. J'étais extrêmement surpris. C'était la première fois que

14 le bureau d'Alija Izetbegovic souhaitait entrer en communication avec moi.

15 J'ai demandé ce dont il s'agissait. On m'a répondu que le président

16 Izetbegovic souhaitait me parler. Je me suis présenté. J'ai donné mon

17 grade. J'ai dit : "Monsieur le Président, je suis à votre service," et il

18 m'a répondu : "Mais je ne voulais pas vous parler. Pourquoi vous me parlez-

19 vous ?" Je lui ai répondu que l'appel venait de son bureau.

20 Ensuite, il a parlé de l'incident concernant ces deux policiers. J'ai

21 informé Izetbegovic de ce qui avait été convenu. On avait décidé de les

22 transférer à la prison militaire et Izetbegovic a dit : "Mais je voulais

23 parler à mon procureur". J'étais un petit peu déconcerté. J'ai répondu

24 peut-être de manière un peu provocante : "Mais pourquoi avez-vous votre

25 propre procureur ? Il n'y a qu'un seul procureur militaire." Ce à quoi il a

Page 37438

1 rétorqué : "Peu importe. Continuez à faire votre travail. On va s'occuper

2 des nôtres."

3 Plus tard, aux informations du soir, j'ai entendu dire que ces deux hommes

4 ont été remis en liberté. Ceci a suscité beaucoup de réactions et on les a

5 libéré pour qu'ils retournent à Zagreb.

6 Q. Expliquez moi pourquoi il était nécessaire que ce transport d'armes de

7 Mostar à Capljina entre sous la compétence du bureau du procureur

8 militaire ?

9 R. Parce que ce n'était pas légal et qu'il s'agissait de préparatifs avant

10 une insurrection militaire. Cet acte avait été commis et il relevait de la

11 compétence du procureur militaire et de son autorité.

12 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'armements militaires, d'armes militaires ?

13 R. Je ne sais pas, mais il s'agissait d'armes destinées à l'armée, pas à

14 la police. Il ne s'agissait pas du type d'armes utilisé par la police.

15 Q. Est-ce que ceci a un rapport quelconque avec la déclaration faite par

16 Mesic en 1991, une déclaration publique. Premièrement, dites-moi si vous en

17 avez parlé; en deuxième lieu, si ceci a été mis en rapport avec le fait que

18 le conflit devait être déplacé en Bosnie-Herzégovine pour décharger la

19 Croatie ?

20 R. Oui. C'est une déclaration. Quand il est parti de Belgrade à Zagreb, il

21 s'est prononcé en public. Il a dit : "J'ai fait mon devoir. La Yougoslavie

22 n'existe plus." C'est la déclaration qui a complètement stupéfait l'opinion

23 publique, puis il a continué à parler de manière équanime. Il a dit

24 maintenant le conflit doit être transféré en Bosnie-Herzégovine, ce qui

25 améliorera la situation et la position de la Croatie.

Page 37439

1 En tout cas, cette déclaration n'a pas manqué de susciter un certain

2 intérêt. Moi-même, en tant que Procureur, j'ai examiné ces déclarations, et

3 le fait qu'il ait déclaré que la Yougoslavie n'existait plus ne

4 m'intéressait pas particulièrement. Ce dont j'ai pris note, c'est ce qu'il

5 a dit au sujet du conflit par ailleurs. J'ai suivi ce qui se passait sur le

6 terrain et cette déclaration s'est accompagnée par un accroissement des

7 activités en Bosnie-Herzégovine.

8 Q. Quand avez-vous quitté Sarajevo ?

9 R. Le 30 mai 1992.

10 Q. Dans quelles circonstances ?

11 R. Après la levée du blocus des casernes. On a conclu un accord pour que

12 nous puissions quitter nos casernes. Nous sommes parties le 25 mai. Nous

13 sommes allés à Lukavica, ou plutôt, je suis allé à Lukavica. Ensuite, un

14 hélicoptère m'a transporté jusqu'à Belgrade, j'ai utilisé des voies qui

15 n'étaient pas le contrôle des unités musulmanes.

16 Q. Aviez-vous connaissance de l'ordre relatif aux retraits de la JNA de

17 Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Oui. C'est au terme de cet ordre que toutes les unités ont été

19 démantelées et déplacées. J'ai vu tout ceci se dérouler depuis la Serbie.

20 Q. C'est suite à cet ordre que vous-même, vous êtes parti de Bosnie-

21 Herzégovine ?

22 R. Oui.

23 Q. Merci, Général. Nous allons maintenant passer à un autre sujet. Je vais

24 vous interroger au sujet du Kosovo-Metohija.

25 Pouvez-vous me dire quelle position vous occupiez dans l'armée yougoslave

Page 37440

1 quand a été lancée l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie ?

2 R. A l'époque, j'étais président du tribunal militaire de Belgrade. A

3 l'époque du début de cette attaque et avec la proclamation de l'état de

4 guerre et la mobilisation qui s'en est suivie pour les tribunaux militaires

5 et les procureurs. On m'a fait connaître mon affectation en temps de guerre

6 et c'était en tant du président du tribunal militaire rattaché au

7 commandement de la première armée. C'est le poste que j'occupais à ce

8 moment-là.

9 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté à ce poste de président du

10 tribunal militaire rattaché au commandement de la 1ière Armée ?

11 R. Jusqu'au 16 avril 1999.

12 Q. Où avez-vous été ensuite affecté le 16 avril ?

13 R. A ce moment-là, j'ai été nommé chef du service juridique de l'état-

14 major général de l'armée de la Yougoslavie. C'était le service juridique

15 pendant la guerre conformément à l'organisation de l'armée en temps de

16 guerre.

17 Q. Quand vous avez cessé d'occuper vos fonctions de président du tribunal

18 militaire, est-ce qu'il avait besoin de votre accord ?

19 R. Oui.

20 Q. Pourquoi ?

21 R. Parce que ceci est prévu par la législation pour que les juges et les

22 procureurs soient relevés de leur fonction, cessent d'assurer leur fonction

23 et occupent un autre poste, il faut que les personnes concernées

24 manifestent leur accord. Nous avons dû respecter ces dispositions de la

25 législation.

Page 37441

1 Q. Savez-vous pour quelles raisons vous avez été nommé à la tête du

2 service juridique au sein de l'état-major général de l'armée yougoslave ?

3 R. D'après ce que je sais, le général Ojdanic, qui était le chef d'état-

4 major du commandement Suprême m'a appelé au téléphone et il m'a dit qu'il

5 souhaitait s'entretenir avec moi à ce sujet. Le lendemain, il est venu, il

6 est venu au tribunal. Nous nous sommes entretenus et il a dit que les

7 tribunaux mobilisés ne fonctionnaient pas aussi bien que cela était

8 souhaitable conformément à leurs obligations en temps de guerre. Il m'a dit

9 qu'on lui avait confié la tâche, la mission suivante, il m'a dit : "Le

10 président --" c'est-à-dire le président de la république, M. Milosevic --

11 "m'a demandé de trouver la solution idoine pour que ce travail soit

12 amélioré," le général Ojdanic avait précédemment parlé au président du

13 tribunal militaire suprême et au procureur de ce même tribunal, il a

14 demandé leur opinion à ces deux hommes et après consultation, ils ont

15 décidé de faire porter leur choix sur moi, parce que j'avais occupé tous

16 les postes qui existent dans le système judiciaire. J'avais l'expérience

17 requise aussi bien dans le domaine juridique que dans le domaine militaire

18 pour pouvoir travailler dans ces conditions et organiser le travail de

19 tribunaux militaires et du bureau des procureurs militaires de meilleure

20 manière.

21 Q. Soyons précis, Général. Le chef du département ou du service juridique

22 de l'état-major du commandement Suprême, c'était votre poste et, en tant

23 que tel, vous étiez le numéro un pour ces questions au sein du commandement

24 de l'armée yougoslave ?

25 R. Oui.

Page 37442

1 Q. Pouvez-vous me dire quels instruments juridiques traitaient du respect

2 du droit humanitaire international de la part des membres de la JNA au sein

3 de l'armée de la Yougoslavie, aussi bien pour la RSFY, que pour la RFY ?

4 R. Il y a toutes sortes d'instruments juridiques y afférents. La

5 constitution, les lois, les statuts, les dispositions qui en découlent. La

6 constitution de la République fédérale de la Yougoslavie, Article 16 de la

7 constitution qui est repris dans la constitution de RSFY également et qui

8 stipule que toutes les conventions et les accords internationaux qui ont

9 été confirmés et publiés conformément à la constitution, ainsi que les

10 autres règles et les règlements du droit international sont des parties

11 constituantes du système juridique interne. C'est en gros ce que dit

12 l'Article 16 et la constitution stipule que la loi relative à la défense de

13 la République fédérale de Yougoslavie en son Article 19, est une règle

14 impérieuse, une règle contraignante qui stipule expressément que les

15 membres de l'armée yougoslave participant à des opérations de combat ont le

16 devoir de respecter le droit de la guerre, le droit international de la

17 guerre, ainsi que tous le droit et les règlements relatifs au traitement

18 humain des prisonniers de guerre, des blessés, ainsi qu'à la protection des

19 populations civiles. Il s'agit de la loi de la défense, et la loi relative

20 à l'armée yougoslave contient également des dispositions semblables en son

21 Article 31 qui précise que les personnels militaires, au cours des

22 opérations de combat, ont le droit de faire emploi d'armes et d'armes à

23 feu, mais ceci en conformité avec les règles relatives aux opérations de

24 combat.

25 Ce sont ces règles et ces règlements qui valent en matière d'opérations de

Page 37443

1 combat. Il y également la loi, le droit de la République fédérale

2 yougoslave qui comporte 15 articles, et l'Article 155, en particulier, qui

3 a trait au droit humanitaire international, aux crimes, aux crimes de

4 génocide, crimes commis contre la population civile, crimes à l'encontre de

5 prisonniers de guerre ou de personnes blessées, et cetera, et cetera. Tout

6 ceci est donc prévu.

7 Il y a également la loi relative à la procédure criminelle pour les

8 tribunaux militaires, pour les procureurs militaires afin qu'ils puissent

9 entamer des poursuites contre les personnes coupables de crimes de ce type.

10 Voici les règles, les règlements et les lois qui y sont pertinents. Il y a

11 également d'autres lois ainsi que d'autres projets de loi qui donnent des

12 instructions relatives à l'application du droit de la guerre, du droit

13 international de la guerre et ceci, c'est pour faire référence aux

14 instructions données en 1998, et c'est dans ce cadre que toutes les règles

15 et les dispositions sont incorporées. Il s'agit d'une série d'instructions

16 extrêmement volumineuses. Il précise exactement comment ces règlements et

17 comment ces règles doivent être appliqués en pratique et comment on doit

18 respecter le droit humanitaire international.

19 Il y a également le droit relatif aux services au sein de l'armée de

20 la Yougoslavie, la JNA qui précise de toutes ces questions à un niveau

21 inférieur.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur

24 Milosevic.L'ACCUSÉ : [interprétation] Le général Gojovic a répondu à une

25 question que j'ai posée concernant les documents juridiques qui prévoyaient

Page 37444

1 de telles obligations. Il a parlé de la constitution de la Yougoslavie, de

2 RSFY, donc, de la RFY, de loi portant défense populaire généralisée, les

3 règlements de service, et cetera. Ce sont là des documents qui ont déjà été

4 versés au dossier. Je n'ai pas fourni ces documents dans les pièces à

5 conviction. Ce sont des normes juridiques de nature législative générale. A

6 l'intercalaire 2, j'ai fourni cette instruction dont a parlé le général

7 Gojovic en fin de son exposition. Cela a été traduit en anglais.

8 Il y a là le texte de la réglementation portant application des lois

9 internationales régissant la guerre, pour ce qui concerne les forces de la

10 RSFY.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Est-ce que c'est là les instructions que vous avez mentionnées à

13 la fin de votre exposé, tout à l'heure ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais savoir si le général Gojovic

15 a un exemplaire de ce texte ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas. Mais, c'est la seule

17 instruction qui pouvait faire son apparition et je ne pense pas qu'il y en

18 ait une autre.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé au

20 dossier.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je continuer ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendons d'abord la cote.

24 L'intercalaire 2, ce sera l'intercalaire 2.

25 M. NICE : [interprétation] L'intercalaire 2 a déjà été versé au dossier,

Page 37445

1 Mme Dicklich vient de me le communiquer. Il s'agit de ce qui figure à

2 l'intercalaire 69, par ailleurs.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ce texte.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez, continuez, je vous prie.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Général Gojovic, avez-vous connaissance du fait que l'armée de la

8 Yougoslavie avant l'agression de l'OTAN a procédé à une formation de son

9 personnel en matière de droit humanitaire international ?

10 R. Oui, il y a une formation de cette nature au sein de l'armée de

11 Yougoslavie partant des protocoles signés par le ministre de la Défense en

12 présence des représentants de la Croix Rouge internationale.

13 Q. Est-ce que dans cette formation il y a eu participation du CICR ?

14 R. Oui. Des enseignants, des formateurs du CICR y ont pris part, en effet.

15 Q. Général Gojovic, qu'est-ce que tout soldat de l'armée de Yougoslavie,

16 je vais être précis, qu'est-ce que tout soldat de l'armée de Yougoslavie

17 devait porter sur lui dans le cadre de son équipement ordinaire et qui se

18 trouverait être en corrélation avec le droit humanitaire international ?

19 R. Tout soldat disposait dans son équipement, lorsqu'il se voyait confié

20 un équipement militaire, a un règlement régissant le comportement des

21 soldats, et en très bref, on y a présenté ses droits et ses obligations

22 concernant le comportement au combat, le comportement vis-à-vis des

23 prisonniers et des blessés, et vis-à-vis de la population civile avec les

24 autres dispositions régissant la matière. C'est un petit recueil sur deux

25 pages plastifiées. C'est là une partie de ce qui lui était confié suivant

Page 37446

1 les instructions de l'état-major et du CICR. Un petit livret en cyrillique

2 qui illustrait en sus de tous ces éléments ce qu'il convenait ou ne

3 convenait pas de faire sous forme de bandes dessinées concernant le

4 comportement à adopter à l'égard de blessés et de prisonniers, et ainsi de

5 suite. Cela est extrait du règlement.

6 Q. Bien. Concentrons-nous maintenant sur le règlement régissant le

7 comportement des combattants, des soldats.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs, une photocopie vous est fournie à

9 l'intercalaire numéro 3, mais j'ai ici l'original. J'ai ici l'original pour

10 que vous puissiez avoir une idée de l'apparence de ce texte en vrai. Il

11 s'agit d'un texte en format plastifié --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous l'avons.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'en ai un aussi.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Il est dit en haut "Armée de Yougoslavie, état-major du commandement

16 Suprême." Est-ce que c'est effectivement l'autorité suprême qui donne des

17 ordres à l'intention de tous les membres des forces armées ?

18 R. Exact.

19 Q. Par voie de conséquence, les règlements de comportement à l'intention

20 des militaires et délivrés par cet état-major du commandement Suprême

21 constitue-t-il ou pas un ordre à l'intention de tous les soldats ?

22 R. En tout état de cause.

23 Q. Je vous prie maintenant d'ouvrir ce qui est fourni ici sous forme de

24 photocopie de ces quatre pages, et ici, j'ai en main le carton plastifié

25 qui n'a que deux feuillets un peu plus grands qu'un permis de conduire afin

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1 que l'on puisse le porter en poche.

2 J'aimerais que nous parcourions ce qui y est dit dans ce document fourni,

3 livré à tout soldat sous une forme qui résiste à l'usure dirais-je, afin

4 qu'il puisse l'avoir constamment sur eux. On voit ici qu'il y a trois

5 textes en première page, ou trois chapitres, quatre chapitres, je me

6 corrige, cinq chapitres sur ces trois pages si on néglige la page de garde

7 qui dit : "Etat-major du commandement Suprême de l'armée de Yougoslavie,

8 règlement de comportement à l'intention des militaires." Les règlements

9 régissant les combats : "Ne combattre que des combattants. Ne s'attaquer

10 qu'à des objectifs militaires. Respecter les civils et les installations

11 civiles. Limiter les destructions rien qu'à ce qui est le strict nécessaire

12 pour l'accomplissement de la mission. Respecter le signe de la Croix Rouge.

13 Ce signe de la Croix Rouge protège les blessés, les malades, le personnel

14 médical, le personnel de la Croix Rouge, les ambulances, les véhicules de

15 la Croix Rouge, les hôpitaux, les postes de premiers secours et les

16 installations de la Croix Rouge."

17 Deuxièmement : "Comportement à adopter à l'égard d'adversaires blessés. Les

18 ramasser du champ de bataille. Leur fournir de l'assistance. Les confier à

19 son supérieur voire à l'équipe médicale la plus proche. Respecter le

20 personnel médical ainsi que les installations médicales." Je ne lis pas les

21 numéros des alinéas mais ce sont les différents points tels que cités dans

22 l'ordre. "Protéger les blessés de l'adversaire ainsi que ses malades.

23 Protéger les civils qui sauvent les blessés. Les ennemis emprisonnés, les

24 épargner, les désarmer, les confier au supérieur hiérarchique. Les traiter

25 de façon humaine. Leurs familles doivent être informées de leur

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1 emprisonnement."

2 "S'agissant de civils, les respecter. Les traiter de façon humaine

3 quand ils vous sont confiés. Les protéger de toute violence, de toutes

4 représailles, de toutes prises d'otages qui sont interdites. Respecter

5 leurs propriétés. Ne pas l'endommager et ne pas la piller.

6 "Droit humanitaire international. En temps de guerre certaines règles

7 doivent respecter même quand il s'agit de l'ennemi. Ces règles sont

8 contenues dans quatre conventions de Genève de 1949," et ainsi de suite, et

9 ainsi de suite. "En sa qualité de signataire des conventions de Genève, la

10 Yougoslavie se doit de respecter les catégories de personnel protégé aux

11 termes des conventions de Genève, à savoir les blessés, les membres malades

12 des forces armées de l'ennemi, ainsi que le personnel médical (première

13 convention); les prisonniers de guerre, (troisième convention); les civils

14 du côté de l'ennemi ou sur territoires occupés, (quatrième convention).

15 "Article 3 qui est commun à toutes les quatre conventions qui

16 contraint à un traitement humanitaire de toute personne qui ne participe

17 pas au conflit ou qui ne participe plus au conflit. Ce règlement interdit

18 tout comportement inhumain, toute prise d'otage, toute torture et exécution

19 sans jugement."

20 On dit également que : "Ces conventions de Genève ont force

21 d'obligation s'agissant de blessés indépendamment du fait de savoir s'il

22 s'agit d'alliés ou d'ennemis; il s'agit de faire respecter l'intégrité

23 physique, l'honneur et la dignité, les droits de la famille, les droits

24 moraux et les convictions religieuses de tout particulier; interdit toute

25 torture et tout traitement inhumain; toute exécution de peine capitale sans

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1 procès préalable, toute extermination, toute prise d'otage --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, maintenant que

3 vous avez donné lecture de tout ceci, où est la finalité ? Quelle est la

4 question que vous voulez poser au témoin ?

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Général Gojovic, étant donné que l'état-major du commandement Suprême a

7 l'intention de tout soldat a distribué un règlement régissant leur

8 comportement respectif, est-ce que dans la chaîne de commandement toute

9 entière, il était tenu compte de cette nécessité et que faisait-on pour que

10 ces règles de comportements soient respectées, cela va du commandement

11 Suprême jusqu'au bas de la chaîne et cela est distribué à tout

12 commandement. Est-ce qu'on a distribué cela dans le silence ou est-ce qu'on

13 a apporté des explications ?

14 R. On a apporté des explications à tous soldats. Chacun avaient cela et

15 les officiers avaient des ordres pour ce qui est de veiller à la stricte

16 application de ces textes dans le comportement de tout à chacun dans les

17 combats.

18 Q. Vous avez dit qu'outre ces instructions fournies par l'état-major du

19 commandement Suprême, il a été donné également des règles de comportements

20 à l'intention des combattants avec des schémas, des dessins, concernant les

21 règles de comportements qui sont déjà énoncées dans ce petit recueil

22 régissant le comportement des militaires avec des cases vides pour qu'on

23 puisse y inscrire, les noms, prénoms, dates, noms du père, localités, code

24 postal, adresse et ainsi de suite à l'intention des prisonniers.

25 R. Oui. En cas d'emprisonnement, il fallait que l'on distribue ces

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1 renseignements. Cela était une sorte d'aide-mémoire pour ceux qui ont

2 davantage une mémoire visuelle pour leur permettre de mieux se débrouiller.

3 Q. De l'autre coté, comme à la première page, il est donné des

4 instructions des plus élémentaires concernant les premiers secours. Tout

5 ceci a été distribués aux combattants; est-ce exact ?

6 R. Oui. C'est tout à fait exact.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, était-ce là une

8 responsabilité de vos bureaux pour ce qui était de poursuivre en justice

9 les militaires qui auraient enfreint cette réglementation ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Le procureur militaire et le tribunal

11 militaire étaient censés organiser ces poursuites. Ma tâche consistait à

12 organiser le bon fonctionnement de ces établissements de ces institutions

13 judiciaires ainsi que l'accomplissement de toutes les tâches à même

14 d'assurer le fonctionnement de ces établissements.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Nous y reviendrons.

16 Monsieur Milosevic, veuillez continuer.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ces intercalaires 3 et 4 soient

18 versés au dossier, ce règlement, ce code de conduite de ce commandement

19 Suprême à l'intercalaire 3 et ce code de conduite à l'intention des soldats

20 avec les premiers secours.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. En effet.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. On fournit ici également un aide-mémoire à l'intention des membres de

24 l'armée de la Yougoslavie, un aide-mémoire que j'ai ici en original. C'est

25 également un petit recueil plastifié, il s'agit-là d'un aide-mémoire à

Page 37451

1 l'intention des membres de l'armée de Yougoslavie sur des territoires

2 exposés à des activités de sabotages et de diversions. C'est daté juin

3 1998. Je ne vais pas en donner lecture.

4 J'attire votre attention sur la page 6 de cet aide-mémoire, Général.

5 J'imagine que vous avez un exemplaire sur vous.

6 R. Oui.

7 Q. L'avant-dernier paragraphe dit : "Prendre des mesures énergiques pour

8 empêcher tout comportement non-conforme aux activités de combat de la part

9 d'individus et de la part des commandements." Page 7.

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est l'intercalaire 4 ou

11 l'intercalaire 5 maintenant ? Il me semble que c'est l'intercalaire 4.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela devrait être l'intercalaire 4, oui.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit d'un petit manuel.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Au numéro 2 en page 7, on dit entre autres, parce que je n'ai pas le

16 temps de tout vous citer, j'ai déjà donné suffisamment d'illustrations au

17 travers des règles de comportement du code de conduite mais on dit que

18 suite à --

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes demande, Monsieur

20 Milosevic, que l'on place le document sur le rétroprojecteur.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sur quel intitulé se trouve le passage

22 dont vous êtes en train de donner lecture ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela correspond à

24 l'intercalaire que vous venez de mentionner, Monsieur Milosevic ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Intercalaire 4, aide-mémoire à l'intention des

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1 membres de l'armée de Yougoslavie.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais quel est l'intitulé du

3 passage ?

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je donne lecture à présent ou plutôt je cite un

5 petit extrait où : Premièrement, comportement des membres de l'armée de

6 Yougoslavie et des unités en cas de mise en péril de personnes de moyens

7 matériels et d'installations sur des territoires exposés à des activités de

8 sabotages ou des activités terroristes.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, version anglais, page 3, avant-

10 dernier paragraphe.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Certes. Au paragraphe 3, on dit : "Prendre des

12 mesures énergiques pour empêcher tout comportement non-conforme au code de

13 conduite de la part des unités et des commandements." Sous le même sous-

14 titre, il est dit qu'il convient de s'en tenir au principe à l'occasion

15 d'opérations de combat. On a de petits points, alors en point 2 on dit :

16 "Lors de l'intervention de groupes ennemis à partir de places fortifiées ou

17 de places habitées, d'endroits habités, après avertissements, se servir

18 d'armements à visée directe pour détruire sélectivement l'ennemi ainsi que

19 les installations à partir desquelles ils ouvrent le feu."

20 Au paragraphe 3, on parle du comportement adopté à l'occasion de

21 l'emprisonnement des membres de ces groupes de sabotages et de groupes

22 terroristes. "Pendant que ces membres de groupes terroristes et de

23 sabotages résistent à l'arme à la main, se comporter comme le prévoit les

24 règlements de combat, et une fois qu'il a posé ses armes et qu'il a cessé

25 de résister, le comportement à adopter est le suivant : le priver de

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1 liberté" et ainsi de suite.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous n'êtes pas

3 en train de témoigner, quelle est votre question ? Je suppose que la

4 question que vous voulez poser est celle de dire qu'il existait des textes

5 de lois appropriés en la matière.

6 J'imagine que vous voulez que ceci soit versé au dossier ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Cela doit être versé au dossier de toute

8 façon.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Général Gojovic, ma question est la suivante : le code conduite à

11 l'intention des commandements de la part de l'état-major du commandement

12 Suprême, le règlement avec les illustrations dont on a parlé tout à

13 l'heure, cela a été distribué à tous les soldats. Ceci est un aide-mémoire

14 pour les membres de l'armée de Yougoslavie, est-ce que cela a été distribué

15 à tous les soldats ou est-ce que cela a été distribué aux officiers, sous-

16 officiers ?

17 R. Si ce que vous me demandez est le document que vous venez de nous

18 citer, c'est un document qui a été distribué à tous les sous-officiers et

19 officiers. Donc, les chefs de peloton, les commandants des différentes

20 compagnies, tous avaient cela. Les équipes qui desservaient certaines

21 pièces d'artilleries avaient le même manuel d'instructions.

22 Q. Bien. Général, dites-moi maintenant, s'agissant de l'intercalaire

23 numéro 5, il y est fourni un petit manuel que j'ai ici en original, il

24 s'agit d'un résumé des conventions de Genève daté du 12 août 1949 ainsi que

25 des protocoles additionnels. Il s'agit d'un livret imprimé en caractère

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1 cyrillique et il est fourni par le comité international de la Croix Rouge.

2 A qui a-t-on distribué ce résumé des conventions de Genève et des

3 protocoles additionnels ?

4 R. Ce résumé a été distribué à l'intention de tous les officiers et sous-

5 officiers. Tout cadre supérieur avait en sa possession un résumé de ces

6 conventions de Genève.

7 Q. Pour finir, je voudrais vous demander, intercalaire 6, s'agissant de ce

8 livret intitulé "Fondement du droit de guerre." Il s'agit d'un résumé à

9 l'intention d'officiers, un code de conduite au combat et un programme de

10 formation. On dit en dessous qu'il s'agit d'un extrait du manuel de F. De

11 Mulinen qui régit le droit de guerre à l'intention des forces armées. Il

12 s'agit d'un manuel utilisé dans le monde entier. En a-t-il été ainsi

13 Général Gojovic ou pas ?

14 R. Certes.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que ces deux intercalaires soient

16 également versés au dossier.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Ce sont des manuels qui ont été distribués à des cadres de

19 commandement ?

20 R. Oui. Non seulement, on l'a distribué, tous étaient censés le porter sur

21 eux.

22 Q. Oui, je m'excuse. Je n'ai pas été suffisamment précis. Je comprends

23 votre précision.

24 Outre ces mesures telle que citées, pour ce qui est du respect du

25 droit humanitaire international, mesures déployées avant l'agression, quels

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1 sont les ordres qui ont été donnés dans le courant de l'agression pour ce

2 qui est du respect du droit humanitaire international ? Quels sont les

3 ordres dont vous avez connaissance ?

4 R. J'ai connaissance de deux ordres qui ont été donnés par l'état-

5 major du commandement Suprême. L'un a été donné le 2 avril 1999 et l'autre

6 a été donné le 10 mai. Cet ordre du 10 mai, c'est moi qui l'ai rédigé, et

7 cela a été signé par le général Ojdanic en sa qualité de chef d'état-major

8 du commandement Suprême. Dans le premier ordre, il s'agissait d'ordres

9 émanant du commandement Suprême pour ce qui est du respect du droit

10 humanitaire international, et ils ont fourni un résumé interprétatif. Cela

11 accompagnait la totalité des instructions dont nous avons parlé tout à

12 l'heure.

13 Le 10 mai, il a été promulgué un autre ordre qui était plus impérieux

14 encore, plus concret, plus explicite, pour indiquer que tout d'abord, il

15 s'agissait de respecter. Tout officier était censé prendre des mesures pour

16 faire respecter au sein de ses unités, les dispositions de cet ordre. Au

17 cas de manquements, il y a des mesures de responsabilités. Il y a quatre

18 points que j'interprèterai, je ne peux pas les citer à la lettre. Ils

19 étaient censés empêcher toute violation grave et au cas de violations, de

20 prendre des mesures pour découvrir les auteurs et pour prendre des mesures

21 aux fins de les poursuivre en justice, communiquer les pièces au procureur

22 compétent, et les mesures pour ce qui est de soumettre à des procès en

23 justice, tout fautif. Il y avait des mesures de responsabilités

24 personnelles, individuelles de tout officier s'agissant de la mise en œuvre

25 des instructions qui sont données.

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1 Q. Fort bien. Vous êtes en train de parler d'un document émanant du

2 QG du commandement Suprême s'agissant des responsabilités individuelles. Je

3 voudrais parler du paragraphe 2 de cet ordre. Il est dit : "J'ordonne", et

4 je dis que seront tenus --

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me réfère notamment, Messieurs les

6 Juges, à l'intercalaire numéro 7, paragraphe 2.

7 Q. -- et tenus personnellement responsable pour toute violation du

8 droit de guerre international. Tout individu ou tout civil qui violerait

9 ces dispositions ou qui donnerait l'ordre --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les

11 interprètes n'arrivent pas à vous suivre. Vous êtes en train de parler de

12 l'intercalaire 7, n'est-ce pas ?

13 M. NICE : [interprétation] Cela a été déjà versé au dossier en tant

14 que pièce 323, intercalaire 5.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Fort bien. Point 2 : "Et personnellement tenu responsable pour

17 toute violation des principes, des règlements et du code de conduite --"

18 j'espère que les interprètes ont la version anglaise -- "code de conduite

19 prévu par le droit de guerre international s'agissant de tout individu,

20 militaire ou civil, qui serait l'auteur de cette violation ou qui en

21 donnerait sa perpétration, voire qui encouragerait, aiderait ou coopérait à

22 la perpétration d'une telle violation. La méconnaissance de dispositions de

23 ces règles et code de conduite du droit de guerre international n'exclut

24 pas la responsabilité de ceux qui ont enfreint ces dispositions."

25 On dit au point 4 : "Sont tenus personnellement responsable tous les

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1 officiers qui savent que des violations de ces principes, de ces règles, de

2 ces codes de conduite prévus par le droit de guerre international auraient

3 été commises sans pour autant entamer une procédure disciplinaire ou pénal

4 à l'encontre de leurs auteurs."

5 On dit que : "Toute personne qui ferait le contraire des dispositions

6 énoncées aux paragraphes 1 à 4 de cet ordre, le supérieur hiérarchique est

7 censé recueillir tous les preuves nécessaires pour une poursuite au pénal."

8 On dit aussi qu'au paragraphe 6 : "Tous les membres des commandements, des

9 QG, des unités, des établissements de l'armée de Yougoslavie sont censés

10 étudier l'ordre pour ce qui est de la responsabilité pénale en matière de

11 crimes de guerre, ainsi qu'autres violations graves du droit de guerre

12 international pour ce qui est des délits au pénal contre l'humanité et le

13 droit international."

14 Il s'agit pour tous les membres de l'armée d'étudier "les avenants

15 aux dispositions régissant les crimes de guerre et le droit humanitaire

16 international ainsi que le droit de guerre international." Il s'agit ici

17 d'un avenant assez exhaustif. Je ne vais donner lecture de la totalité de

18 ce texte.

19 J'aimerais savoir si vous avez une observation particulière à

20 formuler, Général, étant donné que vous avez été de ceux qui ont élaboré

21 ces documents.

22 R. J'ajouterai simplement quelques mots que ce à quoi que je tenais

23 particulièrement, c'est que de façon explicite, pour éviter que quiconque

24 puisse penser qu'une tolérance pouvait être admissible, j'ai insisté pour

25 que ceci soit mis à la connaissance de tous les organes, de tous les

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1 commandements, de tous les officiers, de tous les responsables concernés,

2 que ceci soit dit explicitement et qu'il soit bien insisté sur le fait

3 qu'aucune infraction ne serait tolérer et que la responsabilité de chacun

4 serait engagée en cas d'infractions.

5 Q. Fort bien, Général. Maintenant --

6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général Gojovic, pourriez-vous me

7 dire pourquoi cet ordre a été promulgué le 10 mai 1999 ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'avant, il existait des

9 règlements datant du 2 avril 1999. Ici, on voit dans le dernier paragraphe

10 que le règlement précédent n'est plus applicable. Ceci figure au paragraphe

11 7. Il est dit que les règlements du 2 avril 1999 ne sont plus en vigueur.

12 L'objectif consistait au plus haut niveau, c'est-à-dire, au niveau du

13 commandement Suprême, non seulement, de distribuer ces règlements généraux

14 qui remplaçaient les précédents, mais également, de donner autorité au

15 commandement Suprême, au grand quartier général de réglementer en cette

16 matière, parce qu'à cette époque et nous le constaterons lorsque nous

17 reviendrons sur les procès qui ont été intentés, il y avait eu un certain

18 nombre de cas ou des incidents qui avaient entraîné la mort de certaines

19 personnes. C'est pour cette raison que le commandement Suprême de l'armée a

20 promulgué cet ordre à titre de précautions supplémentaires.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, est-ce que vous avez sur

22 vous l'ordre du 2 avril ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement pas.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me permettrai d'ajouter que le texte

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1 dont nous discutons actuellement est une paraphrase de ce qui existait

2 précédemment d'une façon plus précise. J'ai proposé à mes supérieurs que

3 les choses soient dites de façon plus explicite, plus précise que cela n'a

4 été le cas dans les autres conventions. Voilà la seule différence entre la

5 situation antérieure et la situation dont nous discutons.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Général, est-ce que vous pourriez faire en sorte que nous

8 obtenions ces règlements du 2 avril, également ?

9 R. Mais oui, c'est possible, je l'ai dans les archives, mais simplement je

10 ne l'ai pas recherché jusqu'à présent. Je peux les trouver. Ces ordres, on

11 peut les retrouver.

12 Q. Très bien. Merci. Maintenant, Général --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous demande un instant.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez la

16 parole.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Général Gojovic, cependant et je dirais même malheureusement, en dépit

19 de toutes les mesures prises, vous venez de décrire les mesures qui ont été

20 prises avant et pendant le conflit et qui avaient toutes pour but de faire

21 respecter le droit international humanitaire, en dépit de cela il y a tout

22 de même eu des infractions du droit humanitaire par des soldats de nos

23 forces armées.

24 R. Oui, il y en a eu.

25 Q. Est-il permis de dire que votre action principale pendant l'agression

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1 était liée au suivi du travail accompli par les organes judiciaires, et

2 notamment en matière d'infractions du droit international humanitaire en

3 matière d'identification des auteurs de ces actes, et cetera ?

4 R. Oui. Dans le cadre du travail du procureur général et des tribunaux

5 militaires en cas de guerre, l'un de nos devoirs consistait à vérifier et à

6 suivre la situation du point de vue des procès engagés, notamment lorsqu'il

7 y avait infraction au droit international humanitaire, mais bien sûr il y a

8 d'autres infractions qui ont été commises également. Il y a toute une série

9 d'infractions qui sont qualifiées et qui relèvent toutes des instances

10 judiciaires.

11 Q. Je suppose que le nombre des autres infractions était plus élevé.

12 R. Oui, oui. Bien sûr.

13 Q. Car il y a toute une pyramide d'importance depuis les infractions les

14 plus bénignes jusqu'aux infractions les plus graves.

15 R. Oui. Bien sûr.

16 Q. Vous venez de parler des tribunaux militaires --

17 M. NICE : [interprétation] Ceci est une question directive et tendancieuse

18 et très intéressante sans doute à des fins bien précises, mais nous y

19 reviendrons au cours des questions supplémentaires. Pour l'instant, nous

20 aimerions que le règlement soit appliqué.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les questions

22 directrices ne sont pas autorisées.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas encore posé ma question, Monsieur

24 Robinson, je m'apprêtais à le faire à l'instant.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non. Les mots que vous

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1 avez prononcés constituent une question directive.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'efforçais, Monsieur Robinson, de

3 comprendre parfaitement ce que le témoin venait de dire. Car il a dit :

4 "Qu'il y a eu bien d'autres infractions commises également, or comme dans

5 toute pyramide de gravité des actes criminels, il est permis de parler

6 d'autres infractions et pas seulement des infractions liées au droit

7 international humanitaire. Le vol, par exemple, le cambriolage est une des

8 infractions les plus courantes."

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, n'ergotez pas.

10 Vous savez très bien ce quel est le problème, le caractère directif d'une

11 question, et vous êtes parfaitement capable de poser des questions de bonne

12 manière. C'est ce que j'attends de vous.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, très bien, Monsieur Robinson. Je

14 n'insisterai pas tant que nous n'en viendrons pas au statistique. Ce

15 n'était pas indispensable d'évoquer cet aspect.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Général, vous avez dit que vous suiviez le travail de toutes les

18 instances judiciaires militaires, vous avez parlé précisément de la

19 création des tribunaux militaires et des bureaux des procureurs militaires.

20 Ma question est la suivante : à quel moment ont été créés les tribunaux

21 militaires et les bureaux de procureurs militaires en tant qu'instances

22 existantes en temps de guerre ?

23 R. Immédiatement que l'état de guerre a été enregistré, la mobilisation

24 date du 26 mars 1999, sur la base de l'ordre en vue de mobilisation, tous

25 les procureurs militaires et tribunaux militaires ont été mis en fonction

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1 comme cela doit être le cas en temps de guerre.

2 Q. Dites-moi quand ces tribunaux et ces bureaux de procureurs militaires

3 en temps de guerre ont-ils été démantelés ?

4 R. A la fin des activités de guerre, ceci est précisément prévu par la loi

5 relative aux tribunaux de guerre et aux bureaux de procureurs militaires.

6 Ils sont créés au moment où la guerre commence et cesse de fonctionner au

7 moment où la guerre s'achève, ensuite sont décrites les conditions

8 techniques de leur cessation d'activités.

9 Q. Général, dites-moi quand avant 1999 avaient existé des tribunaux

10 militaires pour la dernière fois en temps de guerre ?

11 R. C'était au moment de la Seconde guerre mondiale. Pour la dernière fois

12 avant 1999, et ils ont cessé à l'époque de fonctionner en 1947, dans le

13 laps de temps séparant ces deux dates, heureusement il n'y a pas eu de

14 guerre sur le territoire de la Yougoslavie.

15 Q. Au moment où ils ont été créés, ils ont été créés dans des conditions

16 tout à fait légales dès lors que l'état de guerre est enregistré sur le

17 plan officiel, c'est à ce moment-là que les tribunaux de guerre commencent

18 à exister, n'est-ce pas ?

19 R. Il existe un chapitre de la loi particulier qui traite de la création

20 dans ces conditions bien définies des tribunaux de guerre, en temps de

21 guerre.

22 Q. Fort bien. Dites-moi, maintenant à quel niveau se prend la conclusion

23 selon laquelle le système des tribunaux militaires et bureaux des

24 procureurs militaires est considéré comme ne fonctionnant pas avec

25 suffisamment d'efficacité et à l'initiative de qui ce manque d'efficacité

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1 est-il noté ?

2 Vous avez parlé de mobilisation et ainsi de suite. Dites-moi d'abord, quels

3 étaient les problèmes qui se posaient dans le travail de ces tribunaux de

4 guerre dans les premiers jours de leur fonctionnement ?

5 R. Dans les premiers jours de leur fonctionnement, un certain nombre de

6 difficultés sont apparues en particulier dues au fait que le

7 dimensionnement des besoins avait mal été évalué, donc, peu après, il a été

8 décidé que les formations devaient être étoffées. Cela, c'est la première

9 chose. Puis la deuxième difficulté, c'est qu'en temps de paix il n'y avait

10 pas suffisamment d'officiers qui agissaient en tant qu'avocats généraux. Il

11 fallait recourir aux effectifs de réserve pour combler les vacances de tous

12 ces postes puisqu'il fallait 24 tribunaux au total. Il y avait des hommes

13 qui avaient des diplômes de droit, qui étaient qualifiés, qui avaient passé

14 des examens à la faculté de droit, mais c'étaient des officiers de réserve

15 qui n'avaient jusque là pas travailler dans des tribunaux. Il a fallu les

16 nommer à ces postes. Il a fallu les former un petit peu et ceci a créé des

17 difficultés à retarder la mise en place et le fonctionnement tout à fait

18 efficace de ces tribunaux militaires, puisque ces hommes avaient d'autres

19 emplois précédemment.

20 Q. Vous parlez d'autres emplois mais ce faisant, vous évoquez les emplois

21 qui étaient les leurs en temps de paix, avant d'être mobilisés ?

22 R. Oui, oui, ils avaient des emplois qui étaient dans le cadre de réserve.

23 Q. Bien. Maintenant répondez à mon autre question : sur quoi se fonde le

24 système qui régit les tribunaux militaires et les bureaux des procureurs

25 militaires et qui détermine éventuellement que ces tribunaux militaires ne

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1 fonctionnent pas suffisamment bien, à l'initiative de qui est-il décidé de

2 prendre des mesures pour accroître cette efficacité ?

3 R. C'est dans une concertation avec le général Ojdanic que celui-ci m'a

4 dit que le travail devait être amélioré et que certaines difficultés se

5 présentaient et que le président Milosevic exigeait qu'une solution soit

6 trouvée à ces problèmes de façon à corriger ce défaut d'organisation. C'est

7 de cette façon que la formation m'est arrivée. J'ai été consulté parce que

8 j'avais une expérience personnelle dans tous ces domaines.

9 Q. Fort bien. Dites-moi, maintenant rapidement, comment sont réglementés

10 l'organisation et le travail des tribunaux militaires en temps de guerre

11 R. L'organisation et le travail des tribunaux militaires, quand je parle

12 de "tribunaux militaires" je recouvre par ce terme aussi bien le procureur

13 que les tribunaux en tant que tel. Donc, le travail de ces instances en

14 temps de guerre est régi par la loi relative aux tribunaux militaires et

15 particulièrement par les Articles 74 à 76, trois articles de loi qui

16 régissent ce fonctionnement. Dans l'autre loi, ce sont les Articles 36 à

17 38.

18 Il est stipulé dans ces articles de loi qu'en temps de guerre les

19 tribunaux qui fonctionnaient en temps de paix cessent de fonctionner,

20 qu'ils sont mis hors service et qu'ils sont remplacés par des tribunaux

21 militaires. Des détails supplémentaires sont fournis dans le décret ayant

22 force de loi qui régit le travail du procureur militaire et des tribunaux

23 militaires, et qui permet l'application de ces textes de loi aux tribunaux

24 militaires en temps de guerre. Le gouvernement a développé les textes de

25 loi.

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1 Q. Fort bien. Merci, Général.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'aimerais revenir sur les

3 éléments de preuve fournis par le général à l'instant. J'appelle

4 l'attention de chacun sur le fait qu'à l'intercalaire 8 vous trouverez une

5 photocopie du journal officiel qui contient le texte de loi sur les

6 tribunaux militaires et les procureurs militaires en temps de guerre. C'est

7 la loi que le général vient d'évoquer.

8 Ensuite, à l'intercalaire 9 vous trouverez le texte de loi sur les

9 tribunaux militaires à laquelle le général a fait référence également.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Général, vous avez parlé d'un autre document, d'un autre élément, est-

12 ce que c'est bien ce qu'on trouve en page 2 de ce texte de loi, au chapitre

13 XI qui établit l'organisation et la compétence de ces tribunaux. Nous

14 lisons :

15 "Organisation et travail des tribunaux militaires en temps de guerre",

16 Article 74 : "En cas d'état de guerre les tribunaux militaires de première

17 instance évoqués à l'Article 8 de la présente loi, cesse d'exister alors

18 que le tribunal militaire suprême continu à fonctionner au siège du

19 commandement Suprême. En temps de guerre, les tribunaux militaires de

20 première instance sont créés au niveau des commandements des régions

21 militaires, des divisions des corps d'armées, des armées, des forces

22 aériennes et du commandement des forces de défense ainsi qu'au commandement

23 de la marine."

24 Ensuite, on a d'autres articles qui traitent de la nomination, de la

25 relégation et du remplacement à leurs postes des présidents, des juges, des

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1 jurés, des tribunaux militaires par le président de la république sous

2 recommandation du chef d'état-major.

3 L'article suivant traite du règlement qui régit les tribunaux

4 militaires et les procédures devant ces tribunaux en cas d'état de guerre

5 et qui dépendent du gouvernement fédéral.

6 A l'intercalaire 10, nous avons un autre journal officiel.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons atteint l'heure de

8 la deuxième pause. Nous faisons une pause de vingt minutes.

9 M. KAY : [interprétation] Il faudrait verser au dossier les intercalaires 8

10 et 9.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je dois dire que l'intercalaire 5 qui a

13 été versé au dossier n'est pas traduit.

14 M. KAY : [interprétation] Il existe une version anglaise, mais elle est

15 très difficile à obtenir. Il n'y en a pas à Genève au CICR selon ce qu'on

16 nous a dit, mais nous essayons de retrouver cette version anglaise.

17 L'intercalaire 6 a déjà été versé au dossier comme vous le savez sans

18 doute, Monsieur le Juge Kwon.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Un point simplement. Mes associés ont été

20 informés du fait que ce document peut être trouvé sur un site Internet,

21 celui de la Croix Rouge internationale, du CICR. C'est pourquoi nous

22 n'avons pas demandé qu'une traduction soit faite.

23 Dans cet intercalaire du classeur, nous avons des documents en cyrillique

24 que nous utilisons, c'est un document qui est normalement publié par le

25 CICR. Notre version est tout à fait identique à la version que l'on peut

Page 37467

1 trouver dans les documents du CICR, simplement nous n'avons pas traduit les

2 conventions de Genève pour ne pas perdre de temps ou gaspiller des moyens

3 financiers.

4 Je crois que ce document ici peut être versé au dossier, il est recevable

5 car c'est un document du CICR, donc un document public simplement il est en

6 cyrillique et en serbe.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause 20

8 minutes de suspension.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 42.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

12 Milosevic.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

14 M. MILOSEVIC : [interprétation]

15 Q. Nous sommes interrompus, si je me souviens bien, alors que vous avez

16 accepté le versement au dossier de l'intercalaire 9.

17 Général Gojovic, j'ai cité dans l'intercalaire 9, une partie du texte qui

18 stipule que c'est le gouvernement fédéral qui régit le fonctionnement des

19 tribunaux militaires et des bureaux de procureurs militaires en temps de

20 guerre. Ensuite, nous en arrivons à l'intercalaire 10. Journal officiel de

21 la République fédérale de Yougoslavie, du 4 avril 1999, où l'on trouve le

22 décret sur l'application de la loi sur les procédures pénales en temps de

23 guerre. Texte adopté par le gouvernement fédéral.

24 S'agissant de ce décret sur l'application de la loi sur le plan matériel,

25 qu'est-ce que se distingue des réglementations en vigueur en temps de

Page 37468

1 paix ? De façon générale, où se situe la différence entre les deux ?

2 R. S'agissant de ce décret sur l'application de la loi sur les procédures

3 pénales, la différence c'est que les procédures sont accélérées et le

4 fonctionnement des instances responsables qui se situent au niveau de

5 l'Accusation et des tribunaux est rendu plus efficace dans ces rapports

6 avec les autorités compétentes.

7 J'aimerais souligner certains des articles de ce texte. Je ne vais pas les

8 lire tous, mais il y ait question du fonctionnement des bureaux de

9 procureurs militaires en temps de guerre, et dans ce cas, l'accusé ne peut

10 invoquer l'immunité ou un mandat officiel quel qu'il soit et des peines de

11 prison de cinq ans peuvent être imposées.

12 C'est une disposition importante. Cette peine de prison de cinq ans est une

13 augmentation par rapport à la peine d'un an qui est appliqué en temps de

14 paix dans les mêmes circonstances, là il y a également une différence.

15 Puis une autre différence c'est que dans notre législation pénale en temps

16 de paix c'est le tribunal qui mène l'instruction et pas le bureau du

17 procureur. Alors qu'en temps de guerre, le bureau du procureur peut le

18 faire. Puis, en situation exceptionnelle, le juge d'instruction est

19 autorisé à entreprendre certaines activités, y compris sans l'autorisation

20 du bureau du procureur, et les instances policières dépendant du ministère

21 de l'Intérieur peuvent également en temps de guerre entreprendre certaines

22 activités en dehors sans accord du bureau du procureur, mais celui-ci doit

23 être informé de façon à pouvoir poursuivre son travail.

24 Ce sont les différences du point de vue de l'enquête et de l'instruction.

25 Par ailleurs, le procureur peut émettre un acte d'accusation sans l'accord

Page 37469

1 du juge d'instruction et sans avoir mené une enquête préalable si les

2 éléments de base de la plainte le justifient. Voilà les différences

3 principales. Puis les délais par rapport à l'acte d'accusation sont

4 raccourcis. En temps normal, huit jours sont prévus pour la signification

5 de l'acte d'accusation, alors qu'ici ce délai est réduit à 24 heures. Par

6 ailleurs, le délai de huit jours habituels est remplacé par un délai de 48

7 heures pour l'expiration du délai de signification. Les délais pour

8 interjeter appel également par rapport à une condamnation sont raccourcis.

9 En temps de paix, ils sont de 15 jours.

10 Il y a également certaines dispositions qui concernent le dépôt de

11 plaintes. Si le Tribunal estime que ce n'est pas indispensable, il n'est

12 pas nécessaire de convoquer les parties pour l'examen de cette plainte.

13 Toutes ces mesures sont destinées à accélérer la procédure et à

14 la rendre plus efficace.

15 Q. Général, considérez-vous que vous avez cité tous les éléments les plus

16 importants s'agissant de la façon dont fonctionnent les instances

17 judiciaires en temps de guerre ?

18 R. Les compétences des instances judiciaires, si nous parlons de la

19 compétence matériel, elle est identique à celle qui existe en temps de

20 paix, à savoir que les plaintes déposées contre les membres de l'Armée

21 yougoslave sont recueillies par les tribunaux militaires dans des

22 conditions spécifiées par le texte de loi suite à une accusation. Ceci, du

23 point de vue de la procédure, ne se distingue pas de ce qui existe en temps

24 de paix.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demanderais le versement au dossier de

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1 l'intercalaire 10.

2 Quant à l'intercalaire 11, on y trouve un décret loi relatif au travail du

3 procureur militaire. J'appelle l'attention de chacun sur le chapitre 5,

4 Article 11, où il est question du fonctionnement et du travail du bureau du

5 procureur militaire en temps de guerre. Je pense que nous avons passé assez

6 de temps à présenter ces explications. Je n'ai pas nécessité de continuer

7 dans ce sens, mais je demande que l'intercalaire 11, où l'on trouve le

8 décret loi relatif au travail du procureur militaire, soit également versé

9 au dossier.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les intercalaires 10 et 11 sont

11 admis.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Dites-moi, Général, rapidement, quels sont les problèmes qui se sont

15 posés à vous, s'agissant d'améliorer le travail des bureaux de procureurs

16 militaires et des tribunaux militaires. Vous avez déjà rapidement parlé de

17 la mobilisation, des problèmes d'organisation, de formation, des

18 compétences, mais je vous demande rapidement de revenir sur ces points en

19 disant quels sont les problèmes qu'il fallait régler pour améliorer le

20 travail ?

21 R. Il y a d'abord eu remplacement de tous les procureurs qui

22 n'avaient pas travaillé à des postes judiciaires. Ils ont été remplacés par

23 des hommes qui sont venus des tribunaux civils et qui ont été mobilisés, et

24 qui ont entrepris leurs activités. Il y a des hommes qui n'avaient pas de

25 grades précédemment. Ils ont reçu un grade et ont été promus dans des

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1 conditions tout à fait légales de façon à ce qu'ils puissent agir en tant

2 que juge dans des tribunaux militaires. Au total 125 nouveaux juges et

3 nouveaux procureurs ont été nommés dans les instances judiciaires

4 militaires. Voilà ce qui s'est passé du point de vue de travail du

5 procureur et des tribunaux.

6 Par ailleurs, il y a eu augmentation du nombre des procureurs et des

7 juges pour augmenter l'efficacité du travail. Puis sur le plan technique,

8 du côté du personnel technique, il y a eu remplacement des hommes qui se

9 servaient de dactylos, et qui depuis longtemps n'avaient pas rempli ces

10 fonctions, ont été remplacés par des femmes qui avaient davantage

11 l'habitude de ce travail. Sur le plan des juges et sur le plan technique,

12 des remplacements importants sont intervenus dans un sens d'amélioration du

13 travail. Par ailleurs, d'autres conditions ont été créées pour améliorer

14 les communications avec les commandants des unités au sein desquelles des

15 tribunaux militaires étaient créés. Voilà les problèmes fondamentaux qui

16 ont été réglés.

17 Q. Merci, Général. A quel niveau de commandement se sont créés les

18 tribunaux militaires de première instance en temps de guerre ?

19 R. Les tribunaux militaires de première instance et les bureaux de

20 procureurs de première instance créés au niveau du commandement des armées,

21 ensuite au niveau des commandements des corps d'armée, puis au niveau des

22 commandements des divisions, et au niveau des commandements des régions

23 militaires. Voilà sur le plan opérationnel les premiers éléments qui vont

24 jusqu'au niveau du commandement où on trouve les dirigeants militaires qui

25 reprennent en dernière analyse les divers niveaux hiérarchiques des

Page 37472

1 tribunaux en temps de paix. Tout cela pour la première instance.

2 Q. Qu'en est-il de la prise de décision au niveau des appels ?

3 R. Ceci se fait par la cour suprême et le bureau du procureur suprême qui

4 poursuivent le travail au niveau supérieur, qui, au niveau des différents

5 échelons de commandement militaire, prennent leurs responsabilités en

6 deuxième instance.

7 Q. Combien y avait-il de tribunaux militaires et de bureaux de procureurs

8 de temps de guerre au deux niveaux d'instance ?

9 R. J'ai omis de dire qu'il y avait les mêmes structures au sein de la

10 marine et des forces aériennes. Je complète ma réponse précédente : quant

11 au total, il y avait 20 tribunaux militaires et bureaux de procureurs

12 militaires de première instance, et quatre structures de deuxième instance,

13 autrement dit, d'appels au sein des états-majors du commandement Suprême;

14 ce qui fait 24 au total.

15 Q. Combien de juges et de procureurs y avait-il ? J'appelle l'attention de

16 chacun sur l'intercalaire 12 dans lequel on trouve des tableaux décrivant

17 la structure des juges et procureurs, les noms des commandants, et cetera.

18 RF, je suppose que cela veut dire, créer en temps de guerre, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, tout à fait.

20 Q. Nous y voyons la liste des différents postes qui existaient au sein de

21 ces instances militaires, intercalaire 12. Combien y avait-il de juges ?

22 R. Il y avait 155 juges et 92 procureurs. Nous avions également un certain

23 nombre de civils qui agissaient en tant que Juge en première instance, mais

24 qui ne faisaient pas partie des structures militaires.

25 Q. Fort bien. Page 1, de l'intercalaire 12, nous voyons la liste des

Page 37473

1 postes créés au sein des organes judiciaires militaires. Puis, nous avons

2 le tribunal suprême militaire, première armée, deuxième armée, troisième

3 armée, ensuite les forces aériennes et la marine; cela fait un total de

4 155. Ensuite, nous passons aux procureurs militaires suprêmes qui

5 correspondent à une structure similaire, le nombre de 92 pour les

6 procureurs, au total. Le total est écrit à la main, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez ajouté les deux chiffres ?

9 R. Oui, oui. 155, au total, si vous regardez pour la première instance et

10 pour les appels, puis, il y a les procureurs. Donc 155 juges, 92

11 procureurs. Au total, 247 personnes sont nommées au poste de compétence

12 leur correspondant. En temps de paix, le total est de 55 juges et

13 procureurs. Donc, les effectifs manquants devraient pris dans les forces de

14 réserve.

15 Q. Ceci implique une multiplication par 5, à peu près ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc, au total, cela fait en fait 520, 525 même avec les juges civils,

18 125 juges et procureurs ont été promus à leur poste avec addition des

19 effectifs venant de la réserve.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'intercalaire 12 soit versé au

21 dossier.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Général Gojovic, il y a quelques instants, si je vous ai bien compris,

25 si ce n'est pas le cas je vous prie de me le dire, mais j'ai cru comprendre

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1 que la spécificité des procédures engagées devant les tribunaux militaires

2 en temps de guerre venait, avant tout, d'un raccourcissement des délais.

3 Vous ai-je bien compris ?

4 R. Oui.

5 Q. Dites-moi à présent si ces procédures accélérées devant les tribunaux

6 militaires en temps de guerre impliquaient une façon d'agir différente par

7 rapport à l'application normale des textes de loi en matière criminelle ?

8 R. Non, il n'y avait pas de différence. Si tel avait été le cas, cela

9 aurait été une infraction à la législation puisqu'un procès en peut être

10 intenté que suite au dépôt d'une plainte.

11 Q. S'agissant du travail effectué par les tribunaux militaires, tous les

12 actes internationaux et nationaux existant en vue de garantir les droits

13 des personnes mises en accusation étaient-ils respectés ?

14 R. Oui, tous les droits étaient respectés, tous les droits des personnes

15 mises en accusation. J'aimerais si vous me le permettez apporter une

16 explication complémentaire. Les conseils de Défense n'étaient pas prévus,

17 or, il en fallait. Donc, ces institutions destinées à la Défense ont été

18 créées également. Autrement dit, auprès des barreaux, nous avons cherché

19 les personnes les plus compétentes afin de nommer un certain nombre de

20 conseils de la Défense qui ont été mis en attente. Autrement dit, chaque

21 fois qu'il était nécessaire d'avoir recours à un défenseur qui, bien

22 entendu, était gratuit, on faisait appel à ces hommes qui n'étaient pas

23 mobilisés toutefois. Donc, la seule différence entre eux et les autres

24 personnes travaillant devant les tribunaux militaires étaient que les

25 premiers ne portaient pas l'uniforme.

Page 37475

1 Q. Merci. Général, pendant que vous étiez en poste à l'état-major du

2 commandement Suprême, vous êtes-vous rendu dans les bureaux des procureurs

3 militaires, dans les tribunaux, pour voir la manière dont on travaillait ?

4 R. J'ai fait le tour de tous les tribunaux militaires et de tous les

5 bureaux de procureurs militaires qui ont été mis en place.

6 Q. Vous êtes rendu dans tous ces endroits ?

7 R. Oui. J'ai vu la manière dont on travaillait. J'ai pu me faire une idée

8 des difficultés rencontrées sur le terrain, si l'on peut dire, parce que,

9 bien entendu, il y a toujours une différence entre la lettre des

10 instructions et la manière dont elles se traduisent sur le terrain.

11 Q. Général, est-ce qu'à l'état-major du commandement Suprême, on insistait

12 pour que ces organes judiciaires soient aussi efficaces que possible ?

13 R. Oui, au quotidien. C'est l'état-major du commandement Suprême qui ne

14 cessait de faire pression sur moi pour que j'accélère la mise en place de

15 ces tribunaux, et que je fasse accélérer également les bureaux des

16 procureurs. Ils parvenaient à le faire, mais généralement c'est plus facile

17 pour les procureurs que pour les tribunaux. Cependant, on a rencontré des

18 difficultés, des obstacles. Même dans les tribunaux, il fallait se tenir à

19 des délais qui n'étaient pas toujours faciles. Il y avait d'autres

20 difficultés. Il était difficile de décerner des injonctions à comparaître

21 et des actes d'accusation pour des inculpés. On était en guerre, après

22 tout. Mais, ces difficultés, on est parvenu à les surmonter.

23 Je pense, et c'est ma conviction intime, d'ailleurs, que l'on a atteint un

24 très haut niveau d'efficacité.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-vous lui demander combien il y

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1 a eu de poursuites dans la période du 1er janvier au 20 juin 1999 ou plus

2 tard ? Ou si des poursuites ont été entamées et se sont poursuivies après

3 le 20 juin 1999 ? Est-ce que vous allez en arriver à ce point pendant votre

4 interrogatoire ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait, Monsieur Robinson, puisque c'est

6 une question que l'on ne peut éviter.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Dans ces conditions, je

8 vous laisse continuer.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Vous venez de nous expliquer, quand je vous ai demandé si l'état-major

11 du commandement insistait pour que les tribunaux de temps de guerre

12 fonctionnent de manière efficace, vous aviez répondu qu'effectivement

13 c'était le cas. Précédemment, vous nous avez dit vous êtes rendu dans tous

14 les tribunaux.

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez déployé des efforts personnels afin que l'efficacité soit

17 maximale. A l'intercalaire 13, nous trouvons un document, et d'après ce que

18 j'ai compris, c'est vous-même qui avez établi ce document. Est-ce que vous

19 l'avez fait après vous être rendu dans les tribunaux pour vous faire une

20 idée de la nature de la situation. Est-ce que vous l'avez fait après avoir

21 vu de vos yeux ce qui se passait ? Vous êtes renseigné personnellement.

22 Est-ce que c'est quelque chose qu'il a fallu faire en plus, ou est-ce qu'il

23 s'agissait d'apporter un concours supplémentaire. Est-ce qu'il s'agissait

24 d'aider au travail des organes dans lesquels vous vous étiez rendus ?

25 R. Oui. Je voulais adopter une attitude et une approche pratique. C'est la

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1 raison pour laquelle j'ai dicté ces orientations, ces lignes de conduite.

2 Même quand j'étais président du tribunal de temps guerre de la première

3 armée, j'ai réalisé que ce type de document était nécessaire pour deux

4 raisons.

5 Premièrement, comme quelque chose, une sorte d'aide-mémoire pour

6 aider les chefs, les commandants, même au plus bas d'échelons pour leur

7 rappeler comment il fallait agir en cas de crimes ou de délits. On y

8 dictait ce que devait faire un officier responsable face à l'auteur d'un

9 crime.

10 Je voudrais insister sur le fait que pour ce qui est de la police

11 militaire -- mais je parle trop vite. Beaucoup n'avaient pas ce type

12 d'activité en temps de paix, si bien qu'ils ne pouvaient pas voir ce que se

13 passait dans toutes les unités. Si bien qu'il était nécessaire d'apporter

14 une aide à la police militaire en leur fournissant ce résumé dans lequel on

15 explique ce qu'il faut faire lorsqu'un crime est commis, quels sont les

16 types de mesures à caractère juridique qu'il faut prendre. Parce qu'il ne

17 faut pas simplement agir, faire quelque chose, il faut le faire

18 conformément à la loi.

19 Les organes chargés de la sécurité ont aussi reçu des consignes et

20 des instructions relatives à leur autorité et à la manière dont il faut

21 procéder à une arrestation, leurs obligations, et cetera.

22 Enfin, pour le procureur on explique ce que doit faire un procureur.

23 Je ne veux pas que vous mal compreniez. Cela ne veut pas dire que les

24 procureurs ignoraient ce qu'ils devaient faire. Ils le savaient

25 pertinemment. Mais il y a toute une procédure qu'il faut suivre. Il était

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1 nécessaire de l'accoucher sur le papier pour que tout soit bien clair.

2 Cela concernait aussi les présidents des chambres de première

3 instance qui intervenaient dans cette procédure aussi. Il fallait que tout

4 le monde comprenne bien comment interagissaient tous les organes au sein de

5 la structure militaire.

6 Voilà le type d'efficacité que nous recherchions, le type de

7 transparence que nous recherchions. C'est un document à caractère pratique

8 que tout le monde a bien accueilli. Bien entendu, il fallait mettre en

9 œuvre toutes les dispositions juridiques pertinentes, et ceci était un

10 document à caractère pratique pour faciliter le travail des personnes

11 concernées. On se trouvait quand même en temps de guerre, dans une

12 situation qui est différente.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général Gojovic, pourquoi ce document

15 est-il confidentiel et marqué du sceau du secret militaire ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'était pas un secret militaire. En

17 fait, c'était la pratique habituelle pour les dactylos, ceux qui faisaient

18 ce type de travail. Ils mettaient toujours cette mention au cas où. Mais en

19 faite, non, il ne s'agit pas d'un secret militaire. C'est le document du

20 général Matovic qui a été distribué à toutes les unités, ce n'était pas un

21 secret militaire. C'est l'entête qui figure, mais cela ne veut pas du tout

22 dire que c'était un secret militaire. C'est juste une erreur, une

23 maladresse.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Pour ce qui est du document en tant que tel, on voit que rien n'y

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1 indique qu'il s'agit de secret militaire.

2 R. Bien sûr que non.

3 Q. Ce document a été remis à tous les employés ?

4 R. Oui. A tous les commandants, à tous les organes ou les institutions

5 chargées sur d'éventuels crimes ou délits.

6 Q. Je vais vous demander de donner lecture de la dernière phrase de la

7 lettre où il est dit qu'il s'agit d'un secret militaire. Pouvez-vous lire

8 la dernière phrase ?

9 R. "Informez tous les membres de l'armée yougoslave de la teneur de ces

10 principes directeurs."

11 Q. Oui, tous les membres de l'armée yougoslave.

12 Merci, Général. Vous nous avez parlé de l'organisation de vos services, des

13 difficultés rencontrées. Je voudrais savoir la chose suivante : quand vous

14 êtes rendu dans les tribunaux militaires, quand vous avez pris connaissance

15 de leur travail au quotidien, quelle était la nature des problèmes qu'ils

16 rencontraient au quotidien vu l'état de guerre qui régnait?

17 R. Ils avaient toutes sortes de difficultés. Ils insistaient surtout sur

18 le problème de la sécurité pour le travail de ces tribunaux militaires car

19 ces tribunaux se situaient dans les zones relevant des postes de

20 commandement des unités auxquelles ils étaient rattachés. Ils pouvaient

21 faire l'objet très fréquemment d'attaques de l'OTAN. Ils leur fallaient

22 souvent déménager, se déplacer et complètement réorganiser leur travail à

23 un nouvel endroit. Il y avait un problème de sécurité qui se posait.

24 Puis, il y avait des problèmes pratiques, le problème de

25 communication, par exemple, avec les unités. Les transmissions ne

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1 fonctionnaient pas. Les lignes de téléphones ne fonctionnaient pas. Il

2 existait d'autres moyens de communication. On pouvait faire affaire à des

3 estafettes, par exemple. Mais c'était aussi très difficile d'envoyer les

4 documents aux suspects, à toutes les personnes concernées, parce que les

5 déplacements étaient de manière générale assez problématique. Voici la

6 nature des problèmes auxquels ils étaient confrontés. Justement, ils

7 avaient besoin d'explications, de conseils.

8 Il ne faut pas oublier qu'il y avait aussi beaucoup d'enquêtes, et

9 quand ils allaient sur les lieux pour réaliser une enquête, c'était très

10 difficile. Il y avait des unités qu'il était pratiquement impossible de

11 retrouver puisque les unités se déplaçaient tout comme eux, d'un endroit à

12 l'autre sur le terrain afin d'échapper aux attaques de l'OTAN. Il arrivait

13 qu'elles changent de positions trois fois en une journée. Ils apprenaient

14 qu'une unité, l'unité qu'ils recherchaient se trouvaient à un endroit et il

15 y arrivait pour apprendre que cette unité entre-temps s'était déplacée. Les

16 communications posaient problèmes.

17 Q. Mais quoi qu'il en soit, tous ces transferts, ces changements ont eu un

18 impact concret, physique sur leur travail, sur les enquêtes, sur

19 l'arrestation des suspects, et cetera. Mais comme vous l'avez dit

20 précédemment, l'efficacité était à un niveau excellent.

21 R. Oui, effectivement, et on va le voir quand on parlera du nombre

22 d'affaires qui ont été examinées, le nombre de poursuites, le nombre de

23 jugement, et cetera. Ceci, au cours d'une période très brève de deux mois

24 et demi. Vous verrez comment ils ont fonctionné en temps de guerre.

25 Q. En plus de ces systèmes judiciaires de temps de guerre, veuillez nous

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1 parler du système judiciaire civil, si on peut dire. Est-ce qu'il y a des

2 procédures qui ont été entamées devant les organes judiciaires civils en

3 matière des violations des droits humanitaires.

4 R. Oui. Chaque fois que les tribunaux militaires n'étaient pas compétents,

5 car comme je l'ai dit, ils se chargeaient de poursuivre exclusivement les

6 membres de l'armée yougoslave quand il y avait violation du droit

7 humanitaire ou du droit de la guerre. Toutes les autres personnes se

8 rendant coupable de telles violations relevaient des tribunaux habituels,

9 qui, eux, devaient intervenir, à ce moment-là, si bien que les membres de

10 la police et du MUP, eux, ne relevaient pas du système judiciaire militaire

11 mais du système judiciaire régulier.

12 Et que les choses se soient passées dans une situation de combat ou

13 pas, c'était le système judiciaire civil qui était chargé de poursuivre les

14 membres du MUP.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Général, dans ces conditions,

16 j'aimerais que vous m'apportiez une précision parce que, manifestement,

17 j'ai mal compris ce que vous aviez déclaré précédemment. Vous nous avez dit

18 que depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale il n'y avait pas eu de

19 tribunaux militaires. Il n'y en avait pas eu avant 1999. A vous entendre

20 ainsi, je suis parti du principe que le droit militaire, à partir de mars

21 de 1999 avait pris le relais de tous les autres systèmes qui existaient

22 précédemment. Malheureusement, vu ce que vous venez de nous dire ce n'était

23 pas le cas.

24 Il y a une chose que je ne comprends pas, c'est le fait qu'il n'y ait eu

25 aucun tribunal militaire de la fin de la Deuxième guerre mondiale à la

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1 période de 1999. Manifestement, j'ai dû me méprendre et en vous écoutant à

2 un moment donné, j'ai dû me tromper.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, vous ne m'avez pas bien

4 compris parce qu'il y a toujours eu des tribunaux militaires ceci depuis

5 160 ans sur le territoire de la Serbie-et-Monténégro, mais il s'agit là de

6 tribunaux militaires de temps de paix qui ont existé constamment. Ce dont

7 je parlais, c'étaient des tribunaux établis en temps de guerre, et ceci en

8 référence à la question que m'a posée le président Milosevic qui m'a

9 demandé quand, pour la dernière fois, on avait eu des tribunaux de temps de

10 guerre. Ils avaient fonctionné jusqu'en 1947. C'est dans ce sens que j'ai

11 utilisé ce concept. Je parle des tribunaux existant en temps de guerre.

12 C'est une autre organisation que ce qui existe en temps de paix. Bien que

13 les compétences, la juridiction reste la même, sauf que le nombre des

14 tribunaux a augmenté et que leur travail s'est multiplié. Je ne sais pas si

15 j'ai été assez clair.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous comprends bien. Est-ce que

17 cela signifie qu'entre 1990 et 1995, on n'a pris aucune disposition

18 particulière pour remettre en place les tribunaux militaires de temps de

19 guerre, ou de trouver un plus grand nombre de juges et de procureurs à

20 cause de la guerre justement.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant cette période, l'état de guerre

22 n'avait pas été proclamé. Si bien qu'on n'a pas mis en place de nouveaux

23 tribunaux. Il y avait des tribunaux militaires de temps de paix qui étaient

24 en mesure de traiter de toutes les affaires qui se présentaient, et ceci

25 avec succès. Pour qu'on établisse des tribunaux militaires de temps de

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1 guerre, il faut qu'il ait une guerre, il faut que l'état de guerre soit

2 déclaré. Ceci s'est passé le 24 mars 1999. Parce que précédemment, sur le

3 territoire de la RSFY, on n'avait pas proclamé l'état de guerre.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Ajoutons à cela une explication supplémentaire. Aux termes de la loi

7 relative aux tribunaux militaires, et on a passé en revue tous les onglets

8 concernés, ces tribunaux militaires réguliers deviennent des tribunaux de

9 temps de guerre une fois que l'état de guerre est proclamé. Ces tribunaux

10 cessent d'être des tribunaux de temps de guerre une fois qu'on déclare la

11 fin de l'état de guerre; est-ce bien exact, Général ?

12 R. Oui.

13 Q. Tant qu'on est en guerre, les tribunaux deviennent des tribunaux de

14 temps de guerre.

15 R. Oui, je vais apporter une autre précision. Ce n'est qu'à Belgrade, Nis

16 et Podgorica qu'il y a des tribunaux militaires et des bureaux de

17 procureurs militaires en temps de paix. On a vu que pendant la guerre, il y

18 avait 24 tribunaux militaires qui ont été mis en place, avec 20 tribunaux

19 de première instance. Pendant la guerre, il y avait 20 tribunaux de

20 première instance et quatre tribunaux d'appel, ou de deuxième instance.

21 Pourquoi ? Bien, pour poursuivre les personnes soupçonnées de crimes dans

22 toutes les unités et suffisamment rapidement. Je crois maintenant que j'ai

23 suffisamment explicité la chose, je pense.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Continuez, Monsieur Milosevic.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur Robinson.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Vous nous avez expliqué, bien entendu, ce n'est pas l'objet de votre

3 déposition, l'objet principal, vous nous avez expliqué qu'il y avait dans

4 les tribunaux réguliers également des procédures. Je ne vais pas vous

5 interroger sur ce point, d'autres témoins viendront nous en parler.

6 Cependant, j'aimerais savoir, malgré tout, à ce sujet s'il y avait

7 transfert, s'il y avait déferrement d'affaires entre les tribunaux civils

8 et militaires ? Si c'est le cas, dans quel cas ?

9 R. Oui, il y a eu des personnes qui ont été transférées ou des affaires

10 transférées d'un tribunal à l'autre parce qu'il se trouvait que l'un des

11 tribunaux en question n'était pas compétent soit en raison du lieu où le

12 crime en question avait commis, ou pour toutes autres raisons. Quand il y

13 avait crime, le juge d'instruction se rendait sur les lieux et pouvait, par

14 exemple, se rendre compte que ce qui s'était passé ne révélait pas de sa

15 compétence. Dans ces cas-là, il renvoyait l'affaire devant le bureau du

16 procureur militaire et l'inverse pouvait également se passer; si les

17 enquêteurs ou les autorités civiles avaient déjà réalisé une enquête sur

18 les lieux d'un crime et finissaient par se rendre compte que l'affaire ne

19 relevait pas de leurs compétences, à ce moment-là, elles transféraient

20 l'affaire devant un autre tribunal.

21 Si la procédure était déjà en cours, s'il y avait déjà un acte

22 d'accusation, à la fin de l'état de guerre, toutes les affaires ont été

23 déférées devant des tribunaux militaires de temps de paix parce que les

24 tribunaux militaires de temps de guerre ne peuvent exister lorsqu'il n'y a

25 plus d'état de guerre. A ce moment-là, ils n'ont plus de juridiction.

Page 37485

1 Q. Veuillez me dire en deux mots, Mon Général, quels sont les crimes

2 autres que les violations du droit de la guerre pour lesquelles les

3 tribunaux militaires étaient compétents ?

4 R. Tous les crimes dans lesquels étaient impliqués des membres de l'armée

5 y compris les conscrits.

6 Q. Comment procédait-on à ce moment-là ?

7 R. Dans ces cas aussi, il y avait des procès, et pour les procédures qui

8 ne concernaient pas les violations du droit humanitaire ou du droit de la

9 guerre, les procédures étaient plus faciles et se passaient plus

10 rapidement.

11 Q. Parlons des crimes qui constituent des violations du droit humanitaire

12 international. Si on se concentre uniquement sur ce type d'activités

13 criminelles, est-ce que les bureaux des procureurs décident s'il convient

14 ou non de considérer qu'un crime est d'une gravité supérieure ou inférieure

15 à ce qu'on pensait ? En d'autres termes, de requérir une peine plus lourde

16 ou moins lourde.

17 R. Non. En temps normal, un procureur demande toujours la peine la plus

18 sévère. Quand il y avait eu décès et que le procureur estimait qu'il y

19 avait eu crime, il essayait de plaider le meurtre, parce qu'aux termes de

20 la loi en vigueur en Serbie-et-Monténégro, il est impossible de demander

21 une peine supérieure à celle qui est prévue par le droit fédéral qui, par

22 exemple, prévoit la peine de mort pour un crime de guerre. Aux termes du

23 droit de la république ou de la loi de la république la peine prévue est

24 une peine de cinq à 20 ans, parce qu'aux termes de cette loi, on applique

25 plus la peine de mort. Parce que la peine de mort n'a été abolie il y a

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1 seulement un an. Même la peine maximale prévue, la peine d'emprisonnement

2 maximale était supérieure en temps de guerre. Le procureur était inspiré

3 par cela et requérait des peines supérieures même pour des actes criminels

4 qui n'avaient pas provoqué ou entraîné de décès, comme par exemple, les

5 attaques à main armée, les agressions, et cetera.

6 Q. Au poste que vous occupiez, comment étiez-vous informé ? Comment

7 receviez-vous des rapports ? Vous m'avez dit que vous vous êtes rendu en

8 personne dans tous les organes de justice militaire, mais comment étiez-

9 vous informé du travail accompli ?

10 R. D'abord par le bureau suprême, le bureau du procureur militaire

11 suprême, ainsi que le tribunal militaire suprême, parce qu'ils recevaient

12 des rapports quotidiens des tribunaux situés à des échelons inférieurs. Il

13 recevait des rapports au quotidien sur le nombre de poursuites, le nombre

14 de jugements, le nombre de procès. Ce qui était suivi ensuite par des

15 rapports écrits élaborés par les commandants adjoints compétents chargés

16 des affaires juridiques.

17 Ces rapports étaient ensuite compilés et envoyés au commandement

18 Suprême, à l'état-major du commandement Suprême, ce qui donnait lieu

19 ensuite à des résumés qui reprenaient toutes ces informations afin que

20 l'état-major du commandement Suprême puisse être informé de ce qui se

21 passait, du nombre d'enquêtes, du nombre de condamnations, par catégorie,

22 suivant la nature de l'auteur des activités criminelles concernées et

23 suivant la nature des crimes commis.

24 Q. J'imagine que vous receviez ces informations régulièrement ?

25 R. Oui.

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1 Q. A l'intercalaire numéro 14, nous avons un certain nombre de tableaux.

2 Est-ce que ce sont là des exemples du type de rapports réguliers que vous

3 venez d'évoquer ? J'espère que vous avez cet intercalaire numéro 14.

4 R. En effet, ce sont les aperçus qui étaient élaborés.

5 Q. A l'intercalaire 14, il y en a plusieurs de ces aperçus. La première de

6 ces listes, j'aimerais que vous nous donniez lecture vous-même de quoi il

7 s'agit.

8 Il y a ici aussi, une certification de la conformité de la photocopie

9 et de l'original. On parle de personnes condamnées par catégorie de délits

10 au pénal et longueur des peines. On dit d'abord, constats effectués, nombre

11 de constats, convocations sans réponse et vous avez différents rapports de

12 présentés. J'aimerais que vous nous apportiez plusieurs commentaires à ce

13 sujet ?

14 R. Je ferais plutôt une petite digression. Je me propose d'abord de

15 parler des personnes accusées et ensuite des personnes condamnées. Alors,

16 nous avons l'aperçu des personnes accusées en date du 15 mai et on parle de

17 catégories.

18 Dans la première rubrique, on voit les officiers, sous-officiers,

19 soldats, conscrits, réservistes, civils dans l'armée, civils à l'extérieur

20 de l'armée et autres. Tout ceci faisait partie des compétences des

21 tribunaux militaires.

22 S'agissant des délits au pénal contre l'armée de la Yougoslavie, d'un

23 manquement à l'appel sur les drapeaux, et il y a là les conscrits, ce sont

24 ceux qui sont censés commettre ce type de délits. Ils sont au total --

25 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nombre.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite, nous avons ceux qui ont évité de

2 répondre à l'appel sous les drapeaux, nous avons neuf officiers, quatre

3 sous-officiers et 649 soldats. Cela nous donne un total de 662.

4 La rubrique d'après, c'est ceux qui n'ont pas réalisé les ordres ou qui ont

5 refuse de se conformer aux ordres. On voit qu'il y a eu deux officiers, un

6 sous-officier, 21 soldats et au total, 24. Je disais, officiers deux; sous-

7 officier un; soldats 21; et au total cela nous donne 24.

8 Maintenant, les délits au pénal contre les biens d'autrui. Nous avons là tous

9 les délits confondus. Ils sont plusieurs. Mais, on les a tous rangé dans la

10 même catégorie. Soldats, 118; conscrits, 81.

11 Ensuite, on a les délits au pénal contre la vie d'autrui et l'intégrité

12 physique d'autrui. Alors, il y a les blessures mortelles, les blessures

13 graves et les blessures légères. Accusés : officier un; soldats, 20;

14 conscrits militaires, 34; au total 55.

15 A la rubrique d'après, ce sont les autres délits au pénal contre l'armée de

16 Yougoslavie. Ils sont nombreux, mais ils ont tous été classés dans une même

17 catégorie. Ils sont au total 75.

18 Dans le total, nous voyons qu'il y a 3 897 personnes accusées pour

19 différents délits au pénal.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Général, alors les meurtres ce sont les délits au pénal contre la vie

22 et l'intégrité physique d'autrui ?

23 R. En effet. La liste d'après, c'est la liste des personnes condamnées

24 suivant les mêmes délits au pénal et la longueur des peines prononcées par

25 l'instance compétente. On a le même aperçu, et on voit --

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1 Q. On voit qu'il y en a moins.

2 R. Oui, bien moins, parce qu'on a pas eu le temps de traiter toutes ces

3 affaires. Q. Bien. Alors, penchez-vous -- attendez, dites-nous ce que vous

4 voulez dire. R. On dit, par exemple, contre la vie d'autrui et l'intégrité

5 physique, huit. On voit pour ce qui est des délits au pénal contre les

6 biens d'autrui, 60, et ainsi de suite. On donne les peines prononcées.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, les interprètes ont-ils la

8 bonne liste parce qu'ils ont l'impression de donner lecture d'une mauvaise

9 liste.L'ACCUSÉ : [interprétation] Il devrait l'avoir puisque j'ai vu la liste

10 tout à l'heure sur rétroprojecteur.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela se trouve sur le

12 rétroprojecteur ? On a dit 66. L'ACCUSÉ : [interprétation] 66, dites-vous?

13 Oui,c'est l'aperçu en page 66, il s'agit

14 d'un aperçu de la situation pour ce qui est des constats effectués, des

15 enquêtes diligentées et des condamnations prononcées par les tribunaux

16 militaires au sein de l'armée de Yougoslavie à la date du 15 mai 1999.

17 Puis, on donne : "Les tribunaux militaires dans la zone de responsabilité

18 de la 1ière Armée" puis de 2e Armée et de la 3e Armée. Puis, on donne la

19 zone de responsabilité de l'aviation militaire et la défense aérienne et la

20 zone de responsabilité de la marine de guerre.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de continuer si vous le voulez

22 bien pour ce qui est des explications que j'avais à apporter.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation] Q. Allez-y, Général ?

24 R. Le premier aperçu dont j'ai parlé, c'était pour

25 tous les tribunaux confondus. Ce

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1 qui est maintenant sur le rétroprojecteur nous fournit un aperçu qui est le

2 même, mais qui nous reprend la totalité des tribunaux. On voit combien

3 d'affaires tel tribunal a eu en instance. L'aperçu dont j'ai parlé tout à

4 l'heure représente la somme de tous les tribunaux. Celui qui est à présent

5 sur le rétroprojecteur reprend les mêmes renseignements pour ce qui des

6 chiffres, mais, maintenant, on nous donne les différents tribunaux pris

7 individuellement.

8 Q. Oui. Mais, en page 66, il est question de données statistiques pour ce

9 qui est des constats effectués, des enquêtes diligentées et des condamnations

10 prononcées par les tribunaux militaires au sein de l'armée de Yougoslavie

11 en date du 15 mai 1999.

12 Celui que vous avez commencé tout à l'heure --

13 R. On voit clairement de quoi il s'agit.

14 Q. Ecoutez, Général, compte tenu de la date qui est celle du 15 mai --

15 R. Oui. Q.--les tribunaux ont

16 continué à exercer leurs activités comme vous l'avez décrit à

17 compter donc, du 24 ou 25 mars déjà. Cela ferait un peu plus d'un mois à la

18 date de l'aperçu. Est-ce que, partant de normes qui sont celles que vous

19 preniez en considération pour ce qui est du fonctionnement des tribunaux,

20 ceci constituerait s'agissant du nombre de personnes condamnées, de

21 personnes accusées et condamnées dans un délai d'un mois et demi, est-ce là

22 une chose qui indique qu'il y a efficacité; bonne, moyenne, médiocre, très

23 mauvaise ? Enfin, en votre qualité de juge et de procureur de longue date,

24 comment qualifieriez-vous cela ?

25 R. Si je me penche maintenant sur le total et j'aimerais qu'on se penche

Page 37491

1 aussi sur le total. Il y a eu 205 constats, 300 et

2 quelque enquêtes et il y a 832 condamnations, 102 jugements d'acquittements.

3 Les tribunaux militaires ont reçu 7 000 et quelque plaintes au pénal,

4 2 911 demandes d'enquêtes. L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas ce tableau.

5 LE TÉMOIN : [interprétation]

6 Alors indépendamment du nombre de ces tribunaux, ceci constitue un travail

7 très efficace, un travail de haut niveau d'efficacité.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je voulais juste

9 demander au général comment une enquête était-elle initiée ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Les enquêtes ont été initiées en premier lieu

11 par les officiers supérieurs des unités, c'était leur devoir. Un commandant

12 de compagnie a pour mission de présenter une plainte au pénal au cas où il

13 aurait vent d'une infraction au pénal. Au cas où il n'aurait pas

14 d'information au sujet ou il aurait commis une omission, il y a les

15 instances de la police militaire et les instances de la sécurité et il y a

16 le niveau de la brigade et du bataillon autonome. Dans ces unités-là, il y

17 a pour le commandant en mission de découvrir les délits et les auteurs et

18 de collecter les éléments de preuve. C'est eux qui communiquent au

19 procureur tous les éléments nécessaires et les enquêtes sont diligentés par

20 ces mêmes instances, à savoir, par le juge d'instruction et par ceux qui

21 ont été chargés du constat.

22 S'il est évident qu'il y a délit au pénal, le procureur prend en

23 charge la procédure pour assurer sa poursuite.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais des civils ne pouvaient

25 pas demander le lancement d'une enquête ?

Page 37492

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Certes. Si les organes du ministère de

2 l'Intérieur avaient découvert un crime perpétré et s'il constatait que

3 c'était de la compétence du tribunal militaire, le procureur militaire

4 était saisi, et d'office, il avait pour mission de diligenter une enquête.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que j'essaie de constater, c'est

6 le fait de savoir si un civil pouvait se plaindre directement aux autorités

7 militaires, à vos autorités ou le civil devait-il porter plainte auprès

8 d'une instance civile ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Un citoyen pouvait le faire, pouvait informer

10 les instances compétentes, à savoir, la police militaire ou le procureur

11 militaire pour ce qui est d'un délit de leur compétence. Une fois qu'ils

12 ont appris cela par écrit ou verbalement, ils avaient pour mission de faire

13 le nécessaire, et bon nombre de plaintes étaient déposées par des citoyens

14 ordinaires. Ils n'avaient pour mission de réagir à toutes plaintes déposées

15 par même un citoyen que ce soit sous forme écrite ou sous forme orale.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis un petit peu curieux : Monsieur

18 Nice, vous avez une version B/C/S de ce document ?

19 M. NICE : [interprétation] Oui. En effet.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ici, vers le bas de page, je vois une

21 adresse. Il me semble que cette adresse nous indique quel est le site à

22 consulter pour retrouver le document. Est-ce que ceci signifie que ce

23 document a été fourni depuis la collection électronique des documents de

24 l'Accusation ?

25 M. NICE : [interprétation] Puisque je suis sur mes pieds, puisque je suis

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1 debout, je vous demanderais de vous penchez sur la version anglaise des

2 tableaux 2 et 3, et il se peut, il est très probable que je dois attirer

3 votre attention sur la ligne 5 du tableau 3 qui fourni une erreur, qui

4 reproduit une erreur. C'est la répétition de la ligne 5 du tableau 2. Il

5 s'agit de négliger ces chiffres qui figurent à la ligne 5 parce que, sinon,

6 les sommes, les totaux ne seront pas exacts.

7 Maintenant, si vous vous penchez sur la version B/C/S au tableau 3,

8 pour ce qui est des numéros 0, 22, 75, 35, 29, et 11, il faudrait qu'on

9 vous mette 12, 175, 50, 47, 2 et 1. Il est clair ce qui est arrivé, il

10 semblerait que le traducteur ait reproduit la mauvaise ligne et on a répété

11 la ligne du tableau 2 vers le tableau 3.

12 Mais pour ce qui est de la source du document, je m'efforcerai de

13 l'identifier.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que vous parliez de l'adresse

16 électronique qui figure en bas de page 66 à l'intercalaire 3. On parle de

17 "Documents de l'administration juridique de l'état-major général de l'armée

18 de Yougoslavie." C'est ce qui est dit tout en bas de page 66 si c'est bien

19 de celle-là dont vous parliez. C'est là l'adresse électronique. A la page

20 67, vous avez la même chose : "47 documents de l'administration juridique

21 GSVJ," à savoir, Grand état-major de l'armée de Yougoslavie.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je crois que c'est le site du

23 "common drive". Mais on apprendra par la suite si cela vient de

24 l'ordinateur de ce Tribunal.

25 M. NICE : [interprétation] Mme Dicklich vient de me dire qu'il semblerait

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1 que cela provient d'un disque dur, mais a l'impression qu'il ne s'agit pas

2 de la collection électronique de documents de ce Tribunal. Ce doit être un

3 document de la Défense.

4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, ce sont des documents qui proviennent de

7 l'administration juridique de l'état-major de l'armée de Yougoslavie et la

8 date est celle du 15 mai 1999.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Alors, Monsieur le Témoin, je vous ai posé une question au sujet de

11 l'efficacité du fonctionnement. Vous avez jugé que l'efficacité se situait

12 à un niveau très élevé. Alors, je ne perds pas de vu le fait qu'il s'agisse

13 d'une période de temps assez courte, fin mars, mi-mai. Cela fait à peine un

14 peu plus d'un mois et demi. Pour ce qui est des tableaux 1 et 2 de

15 l'intercalaire 14, je vous demanderais un commentaire, Général.

16 Par exemple, au tableau numéro 2, on voit que pour ce qui est des

17 peines au pénal contre la vie et l'intégrité physique de personnes, il y a,

18 et j'entends là des meurtres aussi, il y a au total 55 accusés et huit

19 condamnés. Est-ce que dans ce délai-là, cela indique qu'il y a une grande

20 efficacité, une efficacité moyenne ou médiocre ?

21 R. Lorsqu'il s'agit de mise en accusation, c'est une efficacité très

22 élevée. Le procureur a, lui, fait son travail, a recueillit tous les

23 renseignements nécessaires et a dressé un acte d'accusation. Pour ce qui

24 est des condamnations, effectivement, les choses se font plus lentement. Il

25 y a eu huit affaires de diligenter, de terminer et je suppose qu'il n'y

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1 avait pas de préalables nécessaires pour ce qui est d'achever les procès

2 d'autres personnes. Mais je sais que, par exemple, en un jour les juges

3 avaient 30 procès au corps de Pristina. Mais on a pu réaliser pour cette

4 journée que trois audiences parce qu'il n'y a eu que trois accusés d'amener

5 au tribunal.

6 C'est ce qui nous permet de constater pourquoi le tribunal n'a pas pu

7 suivre cette cadence.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, ce sera la dernière

9 question dont nous parlerons aujourd'hui. Quel est le type de meurtre, de

10 la privation de la vie d'autrui qui ferait l'objet d'une condamnation d'un

11 soldat pour ce qui est d'une peine d'emprisonnement prononcée ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous meurtres, par inadvertance ou avec

13 préméditation, qu'il s'agisse d'une personne ou de plusieurs personnes en

14 guise d'auteurs, c'est un délit au pénal qui est pris en considération par

15 nos instances s'il est possible d'en apporter la preuve.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On en parlera davantage, mais nous

17 n'avons pas le temps.

18 Nous allons faire une pause à présent, Général. Je vous demande de

19 revenir demain matin à 9 heures, heure à laquelle vous allez continuer

20 votre témoignage.

21 L'audience est levée.

22 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le mercredi 16 mars

23 2005, à 9 heures 00.

24

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