Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 25 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 09 heures 07.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je souhaite, avant que de

9 commencer à travailler, présenter une objection. Vous n'ignorez pas, en

10 effet, que, la semaine passée, je n'ai pas été absent parce que je le

11 voulais. Je retiens votre attention sur l'Article 21 de vos Statuts,

12 Article 4, et vous ne l'ignorez guère il est question de garanties de

13 droits minimums. On parle de droit et de garanties minimales, je cite le

14 point (D) pour être tout à fait concret : "J'ai le droit d'être présent au

15 procès." Je dois être au courant de l'évolution de l'affaire, aussi

16 estimais-je que mes droits ont été lésés si l'on a essayé de faire quoi que

17 ce soit en mon absence.

18 J'attire également votre attention sur l'Article 14(D), il s'agit d'un

19 accord international sur les Droits civils des individus et on parle de

20 droits minimums garantis. Par conséquent, il s'agit jus cogens, et il n'y a

21 aucune exception qui permettrait de décider de poursuivre l'affaire en mon

22 absence. C'est la raison pour laquelle je présente l'objection que je viens

23 de vous formuler.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, la Chambre se

25 penchera sur cette question et elle a décidée -- elle a rendue une

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1 décision. Elle a estimée que dans les circonstances survenues, la

2 continuation de nos travaux était appropriée. S'il s'en fait que vous

3 persistez à avoir des objections, et si vous insistez de le faire, vous

4 pouvez les soulever ailleurs.

5 Monsieur Nice, veuillez continuer avec votre contre-interrogatoire.

6 LE TÉMOIN: KOSTA BULATOVIC [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]

9 Q. [interprétation] Monsieur Bulatovic, l'accusé a procédé en -- plutôt

10 l'accusé est devenu à poser les intérêts manifestés par votre groupe, en

11 1986, 1987; n'est-il pas vrai ?

12 R. Non, ce n'est pas vrai.

13 Q. Par la suite, il a mis -- a profit votre propre groupe pour ses

14 intérêts à lui, notamment, pour ce qui concentrait à centraliser la Serbie,

15 et ceci, par le biais du limogeage de la direction du Montenegro et de la

16 Vojvodina ?

17 R. Non.

18 Q. Puis il vous a rejeté, étant donné qu'il n'avait plus aucune utilité à

19 vous garder ?

20 R. Je dois répondre ?

21 Q. Oui.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je vous prie de répondre.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Nice et Messieurs les Juges de la

24 Chambre, je n'ai jamais fait partie des pouvoirs, ni avant Milosevic, ni

25 après. Je n'ai jamais été membre de la police, je n'ai jamais été un espion

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1 quelconque. Je n'ai pas pris part à la guerre non plus et je ne sais pas

2 comment j'aurai pu intervenir au niveau du pouvoir. Comment aurais-je pu

3 être utilisé, puis rejeté, si je n'ai pas été utilisé ?

4 M. NICE : [interprétation]

5 Q. Je vous interromps. Car il se peut que l'on vienne à constater

6 que le temps qui m'est imparti est fort limité, l'accusé a été vulnérable

7 aux pressions des nationalistes serbes, comme vous, du type dont vous

8 faites partie, jusqu'en fin 1990, et jusque vers la mi-1994. Cela a été

9 clairement dit; vous en souvenez-vous ?

10 R. Non, je ne m'en souviens pas du tout.

11 Q. Bien. En 1994, et nous allons revenir, si vous le voulez bien, à votre

12 pétition datant de 1985 qui, entre-temps, a été traduite en anglais. Mais

13 étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps à notre disposition,

14 nous allons directement à l'année 1994.

15 Vous avez été signataire d'une première pétition puis d'une deuxième

16 pétition, et cette pétition montre qu'il y a une corrélation entre les

17 nationalistes serbes, le Kosovo, et les autres guerres au sujet desquels

18 l'accusé ici présent a fait l'objet d'acte d'accusation.

19 M. NICE : [interprétation] Je voudrais que ce document-ci soit distribué.

20 Nous avons vu, Messieurs les Juges, les documents en question dans le passé

21 déjà, mais nous n'avons pas vu cette version-ci. Il y a une version

22 traduite qui accompagne le document lui-même. La photocopie que nous avons

23 ici ne commence avec la signature numéro un.

24 Mais je crois que M. Bulatovic pourra nous confirmer qu'il a été,

25 effectivement, le signataire numéro un.

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1 Q. Monsieur Bulatovic, si vous le voulez bien, nous allons parcourir

2 quelques paragraphes de cette pétition. Au troisième paragraphe de la dite

3 pétition, il est dit : "Les autorités serbes actuelles ont une opportunité

4 historique ainsi qu'une obligation historique, tout comme une

5 responsabilité, qui est celle de se pencher sérieusement pour résoudre, sur

6 la solution du plus grand des problèmes de la nation serbe qui a été

7 contournée à quatre reprises déjà pour ce qui du Kosmet.

8 Le paragraphe suivant dit : "La question serbe du Kosovo et Metohija

9 est devenue une modalité, pour ce qui est d'arriver au pouvoir et de la

10 conserver ce pouvoir. Le Kosovo a été décrit comme étant un élément

11 militant, un élément trouble où il s'agissait de consentir au sacrifice

12 pour le salut. C'est la raison pour laquelle la question serbe au Kosovo

13 est devenue un fardeau pour les autorités et une question soulevée

14 volontiers par l'opposition. Cette question a été jusque-là évitée

15 soigneusement."

16 Nous allons passer au paragraphe suivant et nous allons dire

17 maintenant qu'il y a un début de passage qui dit : "En raison d'une

18 politique mal définie et incohérente de la part de la Serbie," à la ligne

19 6, on dit : "En mars 1995, cela fera cinq ans qu'il a été adopté un

20 programme serbe de colonisation du Kosmet, à savoir, du Kosovo Methohija

21 qui promettait l'installation là-bas d'une centaine de milliers de Serbes.

22 Malheureusement, non seulement on y a installé un nombre négligeable de

23 personnes mais, au contraire, l'exode de là-bas a continué et en même

24 temps, il y a eu plus de 25 000 nouvelles naissance parmi les Albanais."

25 A la fin de neuf requêtes ou revendications énumérées au numéro 2, on

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1 demande qu'il soit mis un terme à ce processus d'albanisation là-bas. Au

2 numéro 4, il est question de faire tomber cet Etat ethnique parallèle mis

3 en place et au numéro 7, il est question de la colonisation du Kosovo.

4 Il s'agit là d'une pétition dont vous avez été signataire numéro un

5 en 1994; exact ou pas ?

6 R. Je ne suis pas signataire.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Interrompant.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai rien signé et je ne peux pas affirmer.

9 Il n'y a pas de signature à moi ici.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous voulez dire

11 quelque chose ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne veux pas entrer dans les détails,

13 Monsieur Robinson, pour ce qui est des modalités de traduction de ce texte,

14 mais il n'y aucun terme de colonisation serbe dans le texte, dans l'énoncé

15 de cette pétition et M. Nice a parlé à deux reprises de colonisation du

16 Kosovo de la part des Serbes. Or, ici, il n'est pas du tout question de

17 colonisation de la part des Serbes.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce qui figure dans le texte

19 anglais. Est-ce que nous pouvons obtenir une autre traduction de ce texte

20 en B/C/S, au numéro 7 notamment, au

21 paragraphe 7 ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] On dit, le témoin dit "installation". Il s'agit

23 d'adopter un programme d'installation de personnes au Kosovo et d'adopter

24 les modalités de sa réalisation mais il n'est pas question d'une

25 colonisation quelconque.

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1 M. NICE : [interprétation] Nous allons, si vous le voulez bien, nous

2 pencher sur le document suivant.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je tiens à remercier

4 M. Milosevic de cette explication parce que le terme de colonisation est un

5 terme assez lourd de signification.

6 M. NICE : [interprétation] Si vous le voulez bien, nous allons nous pencher

7 sur un article, daté du 21 octobre 1994, un article de journal.

8 Monsieur Milosevic, je vous demande de vous pencher sur cet article, je

9 vous demande de vous pencher d'abord sur la version originale et une

10 photographie et le titre dit : "Milosevic nous a trahis".

11 Je demanderais à ce que le témoin obtienne une version en serbe.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je viens d'obtenir le même article que celui de

15 tout à l'heure de la part de, lu par M. Nice. Mais il est en train de

16 parler d'un autre article, or, on m'a donné le même que tout à l'heure. Je

17 voudrais avoir ma copie à moi.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Justement, veuillez à ce que

19 l'accusé obtienne la bonne version ou plutôt, le bon texte.

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Vous voyez cet article ? Alors, cet article est intitulé : "Milosevic

22 nous a trahis". On y voit votre photo à vous et c'est daté du 21 octobre

23 1994. Je me propose maintenant de vous donner lecture de quelques passages

24 de cet article.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que ce n'est que maintenant

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1 qu'on vient de nous donner le bon article, Monsieur Nice.

2 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse pour l'erreur survenue.

3 Q. La version anglaise de cet article, en première page, dit ceci de vous-

4 même, Monsieur Bulatovic, et je me réfère notamment au milieu de la page,

5 version anglaise : "Il n'y a pas de personnes plus conviées que Bulatovic

6 pour ce qui est de témoigner du mécontentement des Serbes du Kosovo. La

7 raison en est la réactivation de ce mouvement de résistance et

8 l'organisation de la signature d'une nouvelles pétition et une fois de plus

9 sa signature figure en première position".

10 Trois paragraphes plus bas, on voit que c'est vous qui auriez dit ce qui

11 suit : "Notre pétition a été motivée, bien entendu, par cette peur. Cette

12 peur nous a tirés de la somnolence où nous nous trouvions et, si Milosevic

13 renonce à la Republika Srpska, du jour au lendemain où il y a une

14 population et territoire, qu'adviendra-t-il de cette partie-ci de la

15 Serbie, où il n'y a ni population, ni de territoire parce que nous sommes

16 moins de 200 000 Serbes au Kosovo ? Or, le territoire se trouve entre les

17 mains des Albanais".

18 Dans votre réponse suivante, vous dites : "Bien entendu, il s'agit là d'un

19 combat conjoint et il dépendra de ce combat de savoir si l'on réussira à

20 défendre le territoire occupé par le peuple serbe de l'autre côté de la

21 Drina et cela dépendra aussi de notre aptitude à défendre et à renforcer

22 les intérêts serbes ici".

23 Vous dites par la suite, encore, Monsieur Bulatovic, dans cet interview, ce

24 qui suit : "Deuxièmement, étant donné que, nous, Serbes du Kosovo, avons

25 créé -- avons fait Milosevic, puisque c'est nous qui avons s'échapper son

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1 génie du flacon, c'est nous qui sommes coupables de tout ce qui se passe

2 avec le peuple serbe en Serbie aujourd'hui. Milosevic est monté au trône en

3 prenant appui sur les épaules du mouvement de résistance serbe au Kosovo et

4 Metohija. C'est nous qui lui avons scellé son cheval et c'est nous qui lui

5 avons rendu possible la réalisation de ce que c'est bon -- semblait de

6 faire."

7 Puis le journaliste vous demande ce qui suit : "Vous laissez

8 l'impression de quelqu'un qui est déçu par le président de la Serbie ? Vous

9 répondez : 'Nous autres Serbes n'avons pas pu avoir un malheur plus grand

10 que celui qui est celui de voir les communistes restés au pouvoir, et au

11 lieu d'avoir Josip Broz Tito, nous avons un petit Broz à sa place'."

12 Question de la part du journaliste : "Mais le fait est que vous avez

13 apporté votre soutien à Milosevic et que vous vous êtes mis à ses côtés,"

14 et vous répondez : "Ce n'est pas exact. Milosevic s'est mis de mon côté à

15 moi. Lorsqu'il avait besoin de moi-même et de ce mouvement serbe de

16 résistance. Ce mouvement a été créé à compter de 1981 il y a eu maturation

17 en 1986, Milosevic est arrivé à Kosovo Polje en avril 1987, et il nous a eu

18 avec cette fameuse phrase disant, que personne n'oserait nous taper dessus.

19 Il avait besoin de nous jusqu'au tout début 1989, date à laquelle il a créé

20 le bégonia rouge, et il a donné ces couleurs-là à toute cette question."

21 Est-ce que vous acceptez tout ce que vous avez déclaré dans cette

22 interview, Monsieur Bulatovic ?

23 R. En partie, oui; en partie non. Nous avons accepté les propos prononcés

24 par le président Milosevic à ce rassemblement de Kosovo Polje. Ce matin à 6

25 heures 30, cela a fait exactement 19 ans de cette journée mémorable. C'est

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1 à ce moment-là que M. Milosevic s'est adressé à nous, tout comme les autres

2 hommes politiques arrivant de Belgrade chez nous. Nous n'étions pas

3 d'accord avec ceux qui l'ont précédé. Ils ont eux quitté le Kosovo et nous

4 ont laissé tombés. Je parle de la direction de la Serbie, c'est la raison

5 pour laquelle nous avons été très critiques à l'encontre de la direction de

6 la Serbie, de la bouche de ces prédécesseurs. Nous voulions influer par nos

7 critiques sur une amélioration quelconque à l'avantage de la population

8 serbe, afin que celle-ci aie une position d'égalité, d'égal à égal avec les

9 Albanais du Kosovo et les autres. Ce n'est pas nous qui avons créé

10 Milosevic, et ce n'est pas lui qui nous a créés. Nous, nous avons été créés

11 par la souffrance --

12 Q. Je vous interromps pour une minute.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous serais reconnaissant de ne

14 pas parler tous les deux à la fois.

15 Q. Monsieur Bulatovic, vous vous êtes une fois de plus servi de terme

16 "Siptars" au sujet des Albanais du Kosovo, et ce n'est pas la première

17 fois. Vous n'ignorez pas le fait que cela est offensant lorsque prononcé

18 par un Serbe.

19 R. Oui.

20 Q. Pourquoi vous servez-vous de cela ?

21 R. Non, ce n'est pas une offense. Ils appellent leur Etat Sipu; vous, vous

22 ne le savez peut-être pas.

23 Q. Ce n'est pas offensant ?

24 R. Ce n'est pas offensant du tout.

25 Q. Je sais qu'ils appellent leur pays ainsi.

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1 R. S'ils ne l'appelaient pas ainsi, ce serait offensant, mais c'est être

2 ressortissant de cet Etat.

3 Q. Monsieur Bulatovic, il est offensant d'appeler de qualifier les

4 Albanais de Siptars, si vous n'êtes pas Albanais vous-même, et vous le

5 savez fort bien vous-même. Vous n'ignorez pas le fait que, dans ce

6 Tribunal, dans ce prétoire, il y a également des Albanais. Je vous

7 demanderais de les décrire, ou d'en parler d'une façon moins offensante.

8 R. Je suis content de savoir qu'il y a des Albanais ici.

9 Q. Nous avons déjà entendu des témoignages à ce sujet. Au sujet de ce

10 terme, par exemple, il s'agit d'un terme qui, en anglais, est utilisé à

11 propos des Polonais, on les appelle les Polaks. J'affirme que ce terme de

12 est offensant, lorsqu'il est utilisé par les non-Albanais, tout comme on

13 offenserait les Polonais, en les appelant Polaks, même si eux-mêmes

14 s'appellent ainsi.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je comprends.

16 M. Milosevic a posé la question au témoin, et le témoin a répondu qu'ils se

17 qualifiaient ainsi eux-mêmes, ils s'interpellaient ainsi eux-mêmes. Mais je

18 comprends ce que vous voulez dire. Si un non-Albanais se sert du même

19 terme, alors c'est offensant pour les Albanais.

20 M. NICE : [interprétation] Tout à fait exact. Ici, dans ce prétoire, il y a

21 des Albanais, des gens qui parlent l'albanais.

22 Q. Mais, à présent, Monsieur Bulatovic, je voudrais vous donner lecture de

23 deux autres passages de votre interview.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais où est-ce que cela nous amène ?

25 Je n'ai pas réussi à comprendre quoi que ce soit des questions et réponses

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1 parce que, de la façon dont vous avez posé votre question, Monsieur Nice,

2 il découle inévitablement la réponse qui a été apportée et,

3 malheureusement, cela ne nous a mené nulle part, à moins que vous nous

4 dirigiez vers la conclusion à tirer de tout ceci, de cette réponse.

5 M. NICE : [interprétation] Oui, certainement.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais au sujet de sa réponse, je ne

7 sais pas ce qu'il a accepté de la part de ce que vous avez dit, et ce qu'il

8 a rejeté, s'agissant de ce que vous avez dit.

9 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, le problème c'est qu'il a

10 apporté une longue réponse, sans apporter de réponse véritable à ma

11 question.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je n'en suis pas tout à fait

13 certain. Je crois que votre question a inévitablement produit sa réponse.

14 Il a dit qu'il acceptait quelque chose, et je ne sais pas ce qu'il

15 acceptait, ce qu'il a rejeté.

16 M. NICE : [interprétation] Si vous le voulez bien, nous allons nous pencher

17 sur quelque chose d'autre. Vous n'ignorez pas quelles sont les limitations

18 de temps qui sont les miennes, si je ne m'adapte pas à la règle des deux

19 tiers. Etant donné que la réponse du témoin a été longue, mais, sans être

20 concrète, je voulais lui donner lecture de deux passages et --

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre pour ma

22 part, Monsieur Nice, mais, dans une première partie de sa réponse, le

23 témoin a nié le fait d'avoir signé ce document. Or, le document commence

24 par la phrase qui dit : "Kosta Bulatovic est le premier des signataires de

25 ce document."

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1 M. NICE : [interprétation] Oui, je voulais y revenir, mais je peux passer à

2 cela tout de suite.

3 Q. Monsieur Bulatovic, cette interview vous a identifié comme étant la

4 première des personnes à avoir signé ce document; est-ce exact ou pas ?

5 Étant donné que notre photocopie à nous ne fait que commencer par un numéro

6 6.

7 R. Croyez-moi bien que je n'arrive pas à me rappeler de ce texte. Mais

8 pour ce qui est de la pétition des 2 016 personnes, oui, j'ai été le

9 premier signataire, et il y a là 219 des plus grands intellectuels de la

10 population serbe qui ont soutenu cela, et je l'ai dit, dès la première

11 journée de mon témoignage ici devant cette Chambre. Je crois que la chose

12 n'est nullement contestée. Or, lorsqu'il est question de critique, à

13 l'intention à l'égard de

14 M. Milosevic, cela prouve que nous Serbes n'avons pas été satisfaits de ce

15 manque de mesure prise au Kosovo-Metohija après sa visite au Kosovo-

16 Metohija. Vous l'accusez d'avoir fait des tas de choses là-bas - comment

17 dirais-je - il faut que je les appelle non pas les Siptars, mais les

18 Albanais. C'est ce que vous voulez, donc il ne faut pas que cela vexe les

19 Albanais. Mais nous les Albanais, on appelle les Albanais ceux des Albanais

20 qui sont venus d'Albanie, Monsieur Robinson, mais ceux qui sont nés sur

21 place, ceux qui sont autochtones, nous les appelons Siptars, nous les

22 Serbes nous les appelons ainsi. Est-ce que les choses maintenant sont

23 claires de ce point de vue-là. Je n'estime pas les avoir offensés en quoi

24 que ce soit. Vous pouvez me croire ou ne pas croire. Vous êtes bien le

25 premier à me faire ces observations depuis 60 ans. Je suis né là-bas, il y

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1 a 62 ans, et aucun d'Albanais ne m'a jamais attiré l'attention sur ce fait.

2 Vous pouvez ne pas me croire, mais c'est bien la vérité.

3 Q. Je voudrais vous demander de vous pencher sur d'autres passages, dans

4 cette même interview, je me propose par la suite de vous poser des

5 questions à ce sujet. En version anglaise, je parle de la page 2, vers les

6 trois quarts de la page, ou plutôt vers la moitié de la page 2, vous

7 mentionnez les pivoines rouges et c'est la raison pour laquelle vous

8 estimez qu'il y a eu un règlement de compte avec les membres de la

9 résistance serbe pour les proclamer traîtres, transformer cette plate-forme

10 en plate-forme du Parti communiste. Il avait peur de ce mouvement de

11 résistance et il savait que j'étais anti-communiste. Etant donné que je

12 savais pour le cas où j'irais plus de l'avant, je risquais d'être écrasé

13 par une voiture ou de recevoir une brique d'une maison sur ma tête, j'ai

14 décidé de renoncer."

15 En somme ici, vous êtes en train de décrire ce qui risquait d'être

16 arrivé à ceux qui n'étaient pas d'accord avec le pouvoir; est-ce bien

17 exact ?

18 R. Mais il en va de même en Serbie de nos jours encore. Il arrive des

19 choses plus graves encore --

20 Q. Il en allait ainsi, à l'époque, également lorsque l'accusé était au

21 pouvoir.

22 R. Je vais vous répondre très clairement à cette question. Ce texte est

23 une critique qui visait à faire en sorte que le président, M. Slobodan

24 Milosevic soit contraint à faire quelque chose au Kosovo et Metohija parce

25 que jusque-là, il n'avait rien fait. Vous, d'un côté, vous acceptez une

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1 chose qui s'agissant de vous avait été provocatrice, mais il fallait que

2 les autorités soient contraintes à faire quelque chose parce qu'on ne

3 faisait rien. Pour nous, Belgrade était plus difficile à bouger que

4 Pristina, alors que Belgrade était une autorité de haut niveau de la

5 République.

6 Q. Je vous demande de vous arrêter ici -- je vous demande de vous arrêter

7 ici --

8 R. Mais on s'attendait à sa protection et il n'a rien fait pour nous

9 protéger.

10 Q. Arrêtez-vous ici. Votre réponse suivante dit : "Le fait est qu'il n'a

11 pas changé le système politique, mais qu'il s'est efforcé de résoudre les

12 problèmes conformément au vieux mécanisme de l'Etat et c'est ce qui a causé

13 notre déception. Il est resté tout à fait communiste et cela peut être vu

14 dans le fait que les intérêts du parti avaient plus d'importance à ses yeux

15 que les intérêts nationaux. C'est la raison pour laquelle il a abandonné la

16 question, le problème des territoires serbes de l'autre côté de la Drina.

17 Il a installé des sanctions plus sévères et plus graves à l'encontre de la

18 Republika Srpska que le conseil de Sécurité des Nations Unies, non, n'a mis

19 en place contre la Yougoslavie."

20 Nous allons nous arrêtés ici. Vous n'ignorez pas quel était le degré de

21 soutien au quotidien dont l'accusé avait bénéficié pour ce qui est des

22 Serbes de l'autre côté de la Drina et de ce blocus; vous le saviez ?

23 R. Non. Nous ne savions pas du tout qu'il y avait ingérence de la Serbie

24 là-bas, mais nous estimions que la Serbie devait forcément se mêler des

25 questions là-bas parce que nous ne pouvions pas laisser que notre

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1 population soit massacrée tout comme pendant la Deuxième guerre mondiale.

2 Cette protection n'a pas été fournie, or au contraire on a interrompu tous

3 les liens avec la Republika Srpska au niveau de la frontière à la Drina. Il

4 y a eu une critique de ses positions et de cette politique. D'autre part,

5 vous vous attaquez à M. Milosevic, à notre Président, pour dire qu'il avait

6 et qu'il s'était mêlé de ce qui se passait de l'autre côté de la Drina. Or,

7 nous l'avions critiqué parce que nous voulions qu'il protège cette

8 population. Nous n'étions pas protégés, ceux de l'autre côté de la Drina

9 n'étaient pas protégés, donc il fallait qu'on nous laisse crever tout comme

10 un troupeau dans le désert.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie.

12 Monsieur Nice, pouvez-vous patienter une minute, je vous prie. J'aimerais

13 consulter mes collègues de la Chambre.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

16 M. NICE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas certain de voir cette

18 ligne ou cet axe de contre-interrogatoire abonder dans le sens de votre

19 cause. Il faudra que vous entendiez les arguments qui se fondent sur le

20 reste des éléments de preuve, mais vous vous souviendrez que la Chambre a

21 déjà entendu des témoignages au sujet de l'aide apportée à l'autre côté --

22 de l'autre côté de la Drina, en dépit de ce blocus. Le document qui a été

23 montré se doit d'être placé dans un contexte plus large.

24 M. NICE : [interprétation] Oui, avec votre permission, je me propose de

25 continuer avec mes questions.

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1 Q. Monsieur Bulatovic, au nom de ces nationalistes serbes, vous avez eu

2 l'intention d'exercer une pression à l'encontre de l'accusé parce que vous

3 estimiez qu'il n'en n'avait pas assez pour les Serbes du Kosovo et les

4 Serbes de l'autre côté de la Drina. Il a réagi à vos demandes et il a fait

5 ce que vous lui demandiez, n'est-ce pas ?

6 R. Non.

7 Q. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi étant donné que vous avez été si

8 critique à son égard et la Chambre peut voir dans le texte quels sont les

9 termes que vous avez utilisés en parlant de lui, pourquoi venez-vous à ce

10 point-là à son secours, si tant est qu'il n'a pas réagi et ne vous est pas

11 venu en aide ?

12 R. Il ne nous a pas fourni ce que nous demandions, mais il en fait une

13 partie. Voilà ce qu'il a fait : il y a une modification de la constitution

14 de la Serbie et cela a fait que les provinces qui avaient plus d'autorité

15 et plus de pouvoir que la Serbie centrale. Les provinces avec ces

16 modifications de la constitution sont replacées sous les ingérences ou sous

17 l'autorité de la Serbie. C'est une partie --

18 Q. Oui, mais cela se passe dans les années 1980. Nous sommes en train de

19 parler de 1994 ?

20 R. Il n'a rien fait contre les terroristes. Le terrorisme au Kosovo a

21 continué d'être présent et les autorités de Serbie qui avaient le pouvoir à

22 part entière n'ont rien fait là-bas. Il y a eu tant de meurtres, tant

23 d'assassinats et puisque vous avez fait de la politique, vous n'ignorez pas

24 le fait en votre qualité notamment de Procureur, vous savez certainement ce

25 que voulait --

Page 38664

1 Q. Monsieur Bulatovic, je me propose de vous poser des questions jusqu'à

2 l'obtention de vos réponses et si vous ne me répondez pas, je vous donnerai

3 la réponse que vous êtes censé apporter. Qu'est-ce que l'accusé a fait

4 entre 1994 et la date d'aujourd'hui, raison pour laquelle, vous l'appuyez

5 autant que cela si l'on ne perd pas de vue, notamment, les critiques que

6 vous avez proférées à son encontre en 1994. Est-ce que vous pouvez nous

7 aider à ce sujet ?

8 R. Monsieur Nice, la réponse est tout à fait simple. Nous lui avons

9 demandé à l'époque, on sait quoi. Vous avez le texte sous les yeux. Il ne

10 s'agit pas seulement de cette interview, mais des revendications que nous

11 avons formulées. Les modifications de la constitution ont été adoptées et

12 les mesures radicales à l'encontre ou à l'égard de la sécurité. Il fallait

13 que nous ayons une vie en toute sécurité. Il fallait que nous puissions

14 travailler en sécurité. Il fallait que nous puissions participer à la vie

15 au quotidien du Kosovo et Metohija et nous ne l'avons pas obtenu. Ce

16 mécontentement nous l'avons exprimé à l'époque déjà. Je ne sais pas si je

17 vous ai expliqué cet élément comme il se devait. Pourquoi je le défends

18 maintenant parce que cet acte d'accusation est complètement erroné. Parce

19 que s'il avait fait quoi que ce soit au Kosovo, s'il avait fait quoi que ce

20 soit de radical, mais que figurerait alors dans cet acte d'accusation. Ils

21 ont quitté le Kosovo. Ils ont abandonné le pouvoir. Ils ont abandonné les

22 écoles. Ils ont abandonné les universités. Il y a eu un sabotage public et

23 la communauté toute entière en avait conscience. On n'a rien fait et on n'a

24 apporté un soutien à cet élément terroriste, et c'est la raison pour

25 laquelle justement la population toute entière et j'imagine que vous avez

Page 38665

1 vos services de Renseignements pour le savoir. Toute la population est

2 surprise de voir -- de savoir qui a pu rédiger cet acte d'accusation. Je ne

3 crois pas que même si cela avait été rédigé à Pristina, cela eut été rédigé

4 de la sorte.

5 Q. Arrêtons-nous un instant. Vous comprenez ce que je vous avance en

6 termes généraux. L'accusé ici présent vous a laissé tomber en 1988 et en

7 1989, et il est resté tout de même vulnérable aux pressions des

8 nationalistes serbes et suite à la rédaction de cet pétition, en dépit de

9 ce blocus des Serbes de l'autre côté de la Drina, tout cela pris fin en

10 1994. C'est l'une des modalités suivant lesquelles il vous a exaucé vos

11 vœux. La deuxième raison c'est qu'il a commencé de façon institutionnalisée

12 à s'attaquer aux Albanais du Kosovo et c'est ce qui a démarré en 1995. Ceci

13 constitue ou en totalité le résultat des pressions exercées par vos soins.

14 C'est l'une des raisons pour lesquelles vous l'appuyez, Monsieur Bulatovic,

15 n'est-ce pas ?

16 R. Tout d'abord, il n'est pas exact de dire qu'il nous a laissé tomber.

17 D'abord, qui de qui par le temps ? Il n'y a pas que nous, il n'y a pas que

18 moi. Il y avait la population toute entière. Ce qui nous intéressait, ce

19 n'était pas le pouvoir, c'était de savoir si l'on pouvait subsister là-bas

20 avec nos familles. Il n'y avait pas que moi, mais toute famille serbe au

21 Kosovo-Metohija. C'est ce que vous, Monsieur Nice, ne voulez pas ou ne

22 pouvez pas comprendre. C'est là le problème.

23 Q. Je vais vous fournir quelques exemples. Je vais vous avancer quelques

24 exemples pour ma part. Vous vous souviendrez de ces fameux procès des 200

25 policiers ou de policiers albanais -- 200 policiers albanais du Kosovo ont

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1 été jugés et ont fait l'objet de peines lourdes. Cela a également été l'une

2 des réponses à la pression que vous aviez exercée vous-même.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle année parlez-vous

4 maintenant, Monsieur Nice ?

5 M. NICE : [interprétation] 1995.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas du tout.

7 M. NICE : [interprétation] En même temps, en les organisations défendant

8 les droits de l'homme, en 1995, ont enregistré une majoration de

9 l'oppression à l'encontre des albanais du Kosovo sous forme de

10 discrimination au niveau de l'emploi, puis au niveau de brutalité de la

11 part de la police, au niveau de restrictions -- des libertés de

12 l'association et il y a eu des procès politiques. Cela a été l'une des

13 réponses, aux pressions que vous avez exercées vous-même, n'est-ce pas ?

14 R. Non. Ces rapports ne sont pas exacts. Il n'y a eu aucune pression à

15 leur égard. A l'époque, nous ne savions pas qui était leur contact, nous ne

16 savions pas qu'elles étaient les forces de Parlement qui les soutenaient,

17 pour qu'ils puissent faire ce qu'ils voulaient. Nous, nous sommes un Etat -

18 - le peuple serbe, nous avions notre Etat. Eux, ils voulaient la création

19 de leur Etat, donc, ils voulaient détruire tout ce qui faisait partie de

20 notre Etat, de saboter tout cela et de se comporter - comment dirais-je -

21 de façon à détruire tout ce qui faisait, et constituait notre Etat. C'était

22 la différence entre notre population à nous et la leur. C'est ce que je

23 sais aujourd'hui, je ne le savais pas à l'époque. Je dois le reconnaître,

24 je suis venu dire la vérité devant ce Tribunal, je ne suis pas venu

25 raconter des histoires.

Page 38667

1 Q. Nous allons passer à d'autres événements. Avant que de revenir aux

2 années 1990 -- nous allons nous situer vers la fin 1990 pour illustrer la

3 concrétisation de vos pressions, s'agissant du Kosovo et des autres zones

4 de conflit. Vous souviendrez-vous qu'en 1996, en juillet 1996, donc une

5 année entière après les événements de Srebrenica, vous avez accordé une

6 "interview" à la BBC en vantant, faisant l'éloge de Radovan Karadzic, en

7 disant que c'est le serbe le plus populaire de l'actualité et qu'il devrait

8 être le président d'un pays conjoint, qui serait la Serbie et la

9 Montenegro; vous en souvenez-vous ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Est-ce que cela constitue votre opinion de nos jours encore, à savoir

12 que Radovan Karadzic, est le plus grand des serbes, vivant de nos jours,

13 est le plus populaire ?

14 R. Cela est tout à fait certain.

15 Q. Vous n'hésitez, en aucun moment, pour ce qui est de tout ce qui s'est

16 produit du temps de l'exercice de son autorité en Bosnie. Vous n'avez aucun

17 moment d'hésitation ?

18 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par hésitation ? Il s'est mis à la tête

19 de la population pour sauver cette population, pour qu'elle ne soit pas

20 massacrée, comme pendant la deuxième guerre mondiale comme à Jasenovac et

21 aux autres lieux de massacres, donc il a sauvé ce qui pouvait être sauvé.

22 Il y a eu des morts, bien sûr, la guerre c'est une guerre et par voie de

23 conséquence, Karadzic a fait tant de choses pour sa population et il a

24 protégé tout ce qu'il pouvait protéger. Ce qu'il n'a pas pu protéger, ma

25 foi, c'était la volonté de Dieu. Voilà.

Page 38668

1 Q. La dernière chose qu'a fait l'accusé et qui vous a rendu très favorable

2 à son action, Monsieur Bulatovic, c'est qu'après mars 1999, des centaines

3 de milliers d'Albanais du Kosovo ont été expulsés et des milliers d'entre

4 eux ont été tués, n'est-ce pas ? Ce qui a correspondu et a satisfait vos

5 exigences nationales serbes.

6 R. C'est votre façon de voir les choses. Ce n'est pas exact. Je vais vous

7 dire ce qu'il en est. Au Kosovo, lorsque l'agression de l'OTAN et le

8 pilonnage a commencé, agression qui a visé toute la Yougoslavie, j'étais à

9 l'hôpital en train de me faire soigner. Je vous dirai très clairement que

10 tout le monde a fuit le Kosovo. Tous ceux qui pouvaient le faire. Les

11 Serbes, les Siptars, enfin, les Albanais si vous préférez, je dirai

12 Albanais. Les Rom et tous ceux qui se trouvaient au Kosovo ont essayé de

13 fuir. Alors, imaginez-vous maintenant ce qui se serait passé si cette

14 population n'avait pas fuit le territoire bombardé ? Combien il y aurait eu

15 de morts, combien de milliers de personnes supplémentaires seraient

16 mortes ? Mais personne ne les a expulsé --

17 Q. Je vous interromps, Monsieur Bulatovic, vous ne répondez pas à ma

18 question. Les témoignages entendus dans ce prétoire suffiront peut-être

19 finalement à convaincre les juges, mais vous savez que, dans ces

20 témoignages, nous avons entendu que des milliers de personnes ont été

21 tuées, des centaines de milliers expulsées par les serbes hors du Kosovo.

22 Vous connaissez la question, n'est-ce

23 pas ? C'est la raison pour laquelle vous approuvez l'accusé, c'est la

24 raison pour laquelle vous êtes venu ici, lui apporter votre aide. R. Non

25 ce n'est pas vrai.

Page 38669

1 Q. Revenons --

2 R. D'abord, je ne suis pas au courant de ces milliers de personnes tuées

3 dans notre pays. Les chiffres disent 2.000 à 3.000 Albanais tués et à peu

4 près autant de Serbes. Un peu mois de Serbes que d'Albanais. Par

5 conséquent, tous les chiffres que vous mentionnez n'ont rien à voir avec ce

6 que je sais. J'écoute ces chiffres, je vous entends parler de plusieurs

7 dizaines de milliers pour la première fois ici. Je vais vous donner un

8 exemple. Aujourd'hui, on exhume les Serbes tués après enlèvement, par

9 exemple, mais vous vous passez là-dessus, pas un mot de votre bouche au

10 sujet des Serbes victimes, vous qui êtes procureur ici, ce qui veut dire

11 que vous avez une thèse tendancieuse.

12 Q. Vous poursuivez des remarques si vous pensez que cela peut vous aider,

13 mais dites-moi simplement, parce que cela intéresse les juges, ce qui suit.

14 En Bosnie, en Croatie, au Kosovo, vous estimez que les morts qui sont

15 tombés dans toutes ces régions, du fait de l'action des Serbes, sont tombés

16 pour de bonnes raisons, en raison de l'intérêt national ? C'est bien votre

17 position ?

18 R. Je pense qu'elles sont tombées pour sauver leur peuple et qu'ils ont

19 fait ce qui était possible pour le sauver lorsqu'il y avait une

20 possibilité. Je pense que personne, ni Karadzic, ni personne n'avait la

21 moindre tendance à vouloir sauver son peuple aux dépens des autres qu'il

22 aurait voulu détruire car, finalement, cela aurait été de travailler contre

23 son peuple et pour le bien de l'ennemi de son peuple.

24 Nous pensons que, dans notre point de vue, notre vision du monde, Monsieur

25 Nice, n'est pas la même, à vous et à moi. Si on fait le mal, on obtient que

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1 le mal à mon avis. On ne peut pas obtenir le bien en faisant le mal.

2 Q. Nous allons maintenant regarder la pétition de 1985, celle qui comporte

3 votre signature, elle n'a pas été fournie au bureau du Procureur, mais on

4 nous a dit que des mots offensants ont été utilisés dans ce texte. Enfin,

5 je vais reprendre ce texte de 1985, ce je ne vais pas mettre sur la

6 traduction. Monsieur Bulatovic, ce texte a été rédigé dix ans avant

7 l'entrée en scène ce qu'il est convenu d'appeler l'UCK, et seulement quatre

8 ans après les manifestations de Pristina de 1981. Quatre ans également

9 après votre déception nationaliste et votre incapacité à obtenir une

10 modification de la constitution, en tout cas, c'est ce que je vous affirme.

11 Voyons un peu la réalité des faits. Voyons ce que révèle cette pétition

12 modérée comme on l'a décrite, à l'époque.

13 Vous avez signé cette pétition en 1985, pétition dont le deuxième

14 paragraphe se lit comme suit : "La situation réelle est terrible, une

15 partie de la Yougoslavie est occupée, le territoire de notre entité

16 historique et nationale est occupé, alors qu'un génocide fasciste se mène

17 contre les Serbes du Kosovo-Metohija qui ont obtenus une certaine

18 reconnaissance sociale."…

19 Q. Quel est le génocide dont vous parlez dans ce paragraphe, je vous

20 prie ?

21 R. Vous dites que l'UCK a été créé au début de la guerre ce qui est

22 inexact. L'UCK a d'abord eu une action clandestine pendant toute la période

23 qui a suivi la Seconde guerre mondiale, mais elle ne se permettait pas

24 d'agir d'une façon trop ouverte. Elle enlevait des gens. Elle tuait. Elle

25 enlevait des têtes de bétails, mais attaquait des individus uniquement.

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1 Elle détruisait les toits de certaines maisons par exemple même les enfants

2 le faisaient. Voilà le genre de pressions qu'exerçaient l'UCK et cela a

3 duré depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

4 Q. Quel est ce génocide fasciste dont il est question dans ce texte,

5 Monsieur Bulatovic ? J'aimerais simplement que vous m'expliquiez ce qu'il

6 en est et que vous répondiez à mes questions. Vous avez écrit un document

7 qui a été distribué au public, à tous vos concitoyens, alors qui accusez-

8 vous de génocide fasciste en 1985, par exemple ?

9 R. Tous les terroristes albanais qui ont commis ce génocide sur tout le

10 territoire du Kosovo et Metohija, Monsieur Nice.

11 Q. Mais nous sommes en 1985 ?

12 R. Mais, Monsieur Nice, qu'est-ce que cela signifie que mettre le feu à la

13 patriarchie de Pec, qui est le centre spirituel des croyants serbes ?

14 Qu'est-ce que cela veut dire ? Je vous pose la question : est-ce que ce

15 n'est pas un génocide ? Quelle est l'intention ? Est-ce que l'intention

16 n'est pas de détruire complètement les Serbes et tout ce qui est Serbe au

17 Kosovo et Metohija ? Eux n'ont pas un seul monument historique et culturel

18 au Kosovo et Metohija, Monsieur Nice, pas un seul, qu'ils nous disent quel

19 serait le monument culturel leur appartenant, qu'ils ont au Kosovo et

20 Metohija. Quelle est la trace historique de leur présence dans ce

21 territoire ? Non, alors que nous nous avons le plus grand cimetière serbe

22 au Kosovo et Metohija. Nous avons les plus grandes -- les églises les plus

23 importantes, les monuments culturels et historiques les plus importants,

24 des Serbes s'y trouvent.

25 Q. Si vous arrachiez le cœur de quelqu'un, il ne peut plus vivre, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. C'est le cœur de la Serbie qui se trouve là et s'attaquer à cela,

3 c'était s'attaquer à ce qui est le plus profond chez les Serbes du Kosovo

4 et Metohija, s'attaquer à leur âme et en perdant leur âme, ils ne pouvaient

5 plus vivre. C'est bien un génocide.

6 Q. Mais vous vous perdez --

7 R. Si nous avions fait quelque chose contre le peuple albanais, qu'est-ce

8 qu'il dirait ? Ils étaient dans notre Etat et c'est là qu'ils nous

9 assassinaient et qu'ils nous forçaient à partir dans notre Etat. Y a-t-il

10 un autre cas de ce genre où que ce soit dans le monde. Monsieur Nice, vous

11 êtes un homme intelligent. A vos yeux, je suis un illettré. Mais y a-t-il

12 un autre endroit dans le monde où un peuple voit arrivé une minorité sur

13 son territoire et une minorité qui est le terroriste et la force à partir.

14 C'est le seul cas de ce genre qui existe, Monsieur Nice. Soyez en sûr c'est

15 la vérité que je suis en train de dire.

16 Q. Répondez à mes questions. Si tel n'est pas le cas, nous serons

17 contraints de recourir à des sanctions. Nous allons maintenant regarder une

18 séquence vidéo qui nous montrera d'où viennent vos convictions. Le système

19 électronique sera utilisé à cette fin.

20 [Diffusion de cassette vidéo]

21 M. NICE : [interprétation]

22 Q. Murat, cet homme qui suscite tant d'émotions de votre rapport est

23 mort il y a 600 ans, n'est-ce pas ?

24 R. Murat était Turc. Il est mort tout comme le Roi Lazar pendant la

25 bataille du Kosovo. C'est la seule bataille au monde. La seule dans toutes

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1 les histoires des peuples du monde où deux rois sont morts en même temps,

2 le roi serbe et le dirigeant turc.

3 Q. Regardons ces images --

4 R. Oui.

5 Q. -- ce document dont nous parlons est important et pendant que les

6 images se préparent, je vous signale que le rapport qui vous sera remis est

7 un rapport sur les droits de l'homme traitant du Kosovo dans les années

8 1980. Il montrera qu'effectivement, il y avait des incidents, des violences

9 contre des Serbes du Kosovo mais il s'agissait de violences qui n'étaient

10 pas organisées, qui étaient le fait d'individus. Il n'était pas question

11 d'organisation, d'UCK ou de quoi que ce soit de ce genre à cette époque-là,

12 en tout cas c'est ce que j'affirme. Mais si nous nous penchons sur votre

13 pétition, voilà ce que vous dites au paragraphe suivant. Je cite : "Les

14 pressions violentes exercées par les chauvins Siptar -- "

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge Kwon se demande si cette

16 séquence a été diffusée ou si nous avons entendu quelque chose.

17 M. NICE : [interprétation] Nous n'avons rien entendu car je ne voulais pas

18 gêner les Juges par rapport au compte rendu d'audience.

19 Est-ce que le son aurait dû fonctionner. Oui apparemment, il aurait dû.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons rien entendu.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des photos ont été montrées grâce au

22 système électronique.

23 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que vous avez

24 entendu la bande son?

25 [Diffusion de cassette vidéo]

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de bande son.

2 [Diffusion de cassette vidéo]

3 M. NICE : [interprétation] Je vais peut-être reposer la question dans le

4 cadre des images vidéos de façon à ce qu'il n'y ait pas le moindre doute.

5 Q. Monsieur Bulatovic, vous éprouvez toujours quelques émotions à

6 contempler le dernier souffle de quelqu'un qui est mort il y a 600 ans,

7 c'est de cette façon que vous fonctionnez sur le plan affectif, émotionnel

8 et à mon avis également sur le plan intellectuel, n'est-ce pas ?

9 R. Ce n'est pas exact. Ces images ont été tournées par la BBC, par une

10 équipe de la télévision britannique, mais il faut ajouter que j'avais

11 refusé de leur accorder une interview. Cette interview devait se faire dans

12 un village serbe. Je les ai emmenés dans le village de Crnljevo, où il n'y

13 a plus une seule maison, où il n'y a même plus une tombe serbe. Tout a été

14 détruit. Avec eux, nous avons vu des pierres tombales portant le nom des

15 personnes qui anciennement étaient enterrées là. Or, ces pierres tombales

16 sont complètement brisées. L'équipe de télévision britannique a vu tout

17 cela, mais à son retour, elle a tourné une émission totalement

18 tendancieuse. Or, ce que j'ai dit, je l'ai dit. Les mots que j'ai prononcés

19 sont ceux qui ont été prononcés, qu'on a entendus il y a quelques instants

20 devant le monument des héros du Kosovo. C'est ce que j'ai dit devant le

21 monument en question et j'ai dit que deux rois avaient été tués à la

22 bataille de Kosovo, le Tzar Lazar et le Tzar Murat. Maintenant, vous

23 concentrez tout sur Murat et vous donnez au public l'impression que Dieu

24 sait quoi aurait été dit à cet endroit. Tout ce qui a été dit était franc,

25 honnête et honorable devant ce monument.

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1 Q. Mais revenons à la pétition signée par vous en 1985 et répondez à mes

2 questions, je vous prie. Au paragraphe 3, vous voyez que des pressions ont

3 été exercées pour obtenir l'expulsion immédiate des chauvins de la Grande

4 Albanie qui, dites-vous, dirigeaient la rébellion.

5 Au paragraphe 4, le nom est donné en public de ceux qui sont accusés de

6 projeter un génocide à votre encontre.

7 Au paragraphe 5, vous dites vouloir refuser l'hospitalité aux immigrants

8 venus d'Albanie.

9 Au paragraphe 6, vous dites qu'il convient d'annuler tous les contrats

10 d'achats de biens immobiliers serbes.

11 Au paragraphe 11, vous parlez de reconstitution des dossiers personnels des

12 partisans des Nazis albanais au cours de la Seconde guerre mondiale.

13 C'était bien un document aussi provocateur que possible que vous avez signé

14 là, n'est-ce pas, Monsieur Bulatovic ?

15 R. Non. D'abord, vous parlez du paragraphe 3, et vous dites que les

16 responsables de la province auraient dû être expulsés, or, nous nous étions

17 plutôt contre la direction de la république contre la direction de la

18 province. La direction de la province défendait son peuple et se battait

19 pour ses intérêts propres. Elle voulait détruire les Serbes pour créer la

20 Grande Albanie, alors que la direction des Serbes ne s'est pas battue pour

21 empêcher cela. Nous étions plutôt en train de diriger contre les dirigeants

22 de la République de Serbie, que contre les dirigeants de la province. Nous

23 n'avons pas mis la province au premier plan, c'est assez différent de ce

24 que vous avez dit. Maintenant, donnez en public le nom des responsables,

25 c'est tout à fait justifié, qui est-ce qui défend et qui incite à la

Page 38676

1 terreur contre les Serbes au Kosovo-Metohija, terreur qui est recouverte

2 par toute sorte de phrase, de langue de bois, on va prendre des mesures, on

3 va régler les problèmes, on va s'attaquer aux individus, on parle toujours

4 d'individus qui seraient responsables, alors que tout allait bien pour tout

5 le monde là-bas.

6 Q. Revenons à la réunion de Kosovo Polje. Nous avons déjà entendu un

7 certain nombre de dépositions à ce sujet, nous n'allons pas nous appesantir

8 sur le sujet. Je vous demanderais d'avoir l'amabilité de bien vouloir

9 confirmer d'abord, qu'entre la rencontre du lundi et la rencontre du

10 vendredi, alors que vous organisez la venue des orateurs prévus, un

11 représentant de l'accusé, Mica Jakovljevic, est arrivé pour vous conseiller

12 sur la façon d'organiser les choses. Il vous a conseillé en particulier

13 d'enregistrer le moindre mot qui serait prononcé00 car la presse et les

14 différents médias pourraient s'en saisir. Vous vous souvenez de cela ?

15 R. Non, ceci n'est pas exact. Ceci est une contrevérité. Je ne connais

16 même pas Mica Jakovljevic. Vous pourrez vérifier d'ailleurs si cet homme me

17 connaissait, peut-être qu'il a entendu mon nom, mais il est certain que je

18 ne le connaissais pas ce Jakovljevic, cela c'est la vérité.

19 Q. Très bien. C'est votre réponse, tout va bien. Azem Vllasi, juriste et

20 dirigeant politique à l'époque, un homme de paix, un homme qui n'a jamais

21 participé à la moindre violence, n'est-ce pas ? Rien n'a jamais été dit à

22 ce sujet, n'est-ce pas ?

23 R. Azem Vllasi, tous ceux qui participaient à la direction n'étaient pas

24 personnellement responsables toujours de violence. Mais ils incitaient à la

25 violence, et c'est le problème. Pourquoi est-ce que la population était

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1 contre lui ? Elle était contre lui parce que, sur la base des paroles qu'il

2 prononçait en public, il a irrité cette population. Par exemple, quand le

3 journaliste Milic --

4 Q. Question suivante, je vous prie. Il s'est trouvé en opposition avec

5 vous, en opposition avec Solevic, et en opposition avec un certain nombre

6 d'homme de larges carrures durant cette réunion publique de Kosovo Polje.

7 Vous homme à large carrure, avez pris la tête de manifestations qui ont

8 terrorisé les dirigeants politiques avant de les contraindre à céder,

9 n'est-ce pas, et vous l'avez fait au nom de l'accusé présent ici, c'est

10 exact ?

11 R. Non, d'abord, Azem Vllasi, je ne le connais pas personnellement. Je ne

12 l'ai jamais vu physiquement face à moi. Croyez-moi, vérifier auprès de lui,

13 demandez-lui si nous sommes à quel que moment que ce soit rencontré et si

14 nous avons échangé ne serait-ce qu'un mot, jamais. Donc les données dont

15 vous disposez sont erronées.

16 Poursuivons, ces réunions publiques dont vous parlez, elles étaient

17 organisées par des gens de la municipalité parce qu'en Serbie, à proprement

18 parler, on ne savait pas la réalité de la situation au Kosovo-Metohija.

19 Chacun là-bas souhaitait que quelqu'un du Kosovo vienne leur parler de la

20 réalité de la situation, c'est pour cela qu'on organisait des réunions

21 publiques. Cela n'avait rien à voir avec un quelconque nationalisme. Il

22 n'existait pas de groupe nationaliste, le peuple tout entier était un

23 groupe si vous le voulez dans ces cas-là.

24 Quant à moi, vous me dites que j'ai pris la tête, mais je n'ai pas pris la

25 tête, j'étais l'un des premiers à critiquer le gouvernement, cela c'est

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1 exact. J'étais contre le gouvernement à l'époque et je le suis encore

2 aujourd'hui. Je peux vous dire que beaucoup de choses que j'ai vécues à

3 l'époque, le gouvernement que j'ai connu à l'époque n'était pas bon pour

4 cette population. Cette pétition n'a pas beaucoup d'importance.

5 Q. Miroslav Solevic, c'est un collègue à vous, c'est un très bon ami à

6 vous. Vous avez vraiment une relation très proche avec lui --

7 R. C'est exact.

8 Q. -- dans le film : "Vie et Mort de l'ex-Yougoslavie." Nous voyons que

9 des mesures sont prises pour préparer cette réunion publique, que la police

10 intervienne à Kosovo Polje. Donc, des pierres sont rassemblées de façon à

11 transformer l'événement en un événement violent.

12 R. Certainement pas. Monsieur Nice, vous ne connaissez pas Miroslav

13 Solevic. Personne n'a entassé les moindres cailloux à ce moment-là,

14 personne

15 Q. [aucune interprétation]

16 R. [aucune interprétation]

17 M. NICE : [interprétation] Nous allons voir les images.

18 [Diffusion de cassette vidéo]

19 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

20 "Il est venu avec son secrétaire exécutif."

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous besoin

22 d'interrompre maintenant ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me dois d'interrompre car j'insiste, encore

24 une fois, la traduction est totalement erronée. Nous lisons dans ce texte

25 que Milosevic a fait venir son secrétaire privé. C'est Vllasi qui serait en

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1 train de dire cela, or Vllasi est en train de dire que c'est le secrétaire

2 du comité central qui est venu. Donc, cela fait une grande différence. Le

3 secrétaire du comité central, il y avait un certain nombre de secrétaires

4 du comité central et leur devoir dans le cadre de leur fonction consistait

5 à circuler un peu partout dans l'ex-Yougoslavie. Milosevic n'avait aucun

6 secrétaire privé a envoyé sur les lieux. Donc là à la BBC nous voyons

7 encore une fois une faute de traduction. Vous entendrez d'ailleurs en

8 albanais, Vllasi qui dit : "private secretariy." Il ne s'agit pas de

9 secrétaire privé, or dans le texte en traduction, nous voyons secrétaire

10 privé. Cela n'arrête pas ces erreurs de traduction.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous ne perdrons pas cela de vue,

12 Monsieur Milosevic. Je vous remercie.

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

15 "Pour rencontrer les gens, pour nous voir, nous avons dit à tous ces

16 jeunes gens qu'ils savaient comment se battre, d'emporter tout ce qu'il

17 fallait. Pour élargir le trottoir nous avons apporté sur place deux camions

18 de pierre qui se trouvaient là, cela n'avait rien à voir avec la police.

19 Mais c'était là et, le cas échéant, cela pouvait être utilisé."

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Dans une autre partie de l'interview, il est dit également qu'il y

22 avait là des jeunes gens qui portaient des pistolets, 2 à 300 jeunes gens

23 qui se trouvaient là, et qui étaient prêts à tout. Ceci est exact, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Non.

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1 Q. Il s'est agi d'un événement violent planifié, vous en avez fait partie.

2 R. Non.

3 Q. Fort bien. Poursuivons. --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, j'aimerais tout de

5 même entendre ce que le témoin a à dire en réponse à votre affirmation.

6 S'agissant des camions pleins de pierres, je crois vous avoir entendu dire,

7 il y a quelques instants que ces camions se trouvaient là pour

8 l'aménagement de la route. Pourriez-vous donner plus de détails ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, Messieurs de la Chambre, la

10 nature de l'homme dont on parlé, Miroslav Solevic, était telle qu'il

11 faisait toujours des déclarations provocatrices et des plaisanteries quand

12 il parlait au journaliste. C'était sa caractéristique personnelle, il

13 faudrait lui demander pourquoi il agissait ainsi, mais cela n'a rien à voir

14 avec ce qui vient d'être dit. Si ce que je dis au sujet de Kosovo Polje est

15 faux, je vous demande de me mettre ici devant le Tribunal et même de me

16 suspendre par la jambe pendant heures.

17 Ce que je dis n'a rien à voir avec ce que nous venons de voir sur l'écran.

18 Je dis la vérité au sujet des propos de Solevic. Il y avait là une route

19 goudronnée, qui n'était pas encore totalement aménagée sur les côtés, quand

20 la population a commencé à s'attaquer à la police, je ne l'ai pas vu,

21 Monsieur Robinson, parce que j'étais à l'intérieur dans la salle, or ceux

22 qui faisaient cela étaient à l'extérieur. La police a répliqué contre la

23 population parce qu'il y avait plusieurs centaines de personnes devant la

24 maison de la culture. La population a commencé à courir et s'est trouvé

25 devant ce camion rempli de pierres.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela suffira, très bien, très bien.

2 Vous dites que le commentaire que nous avons vu prononcer et qui est

3 attribué à Miroslav Solevic est un commentaire sous forme de plaisanterie,

4 une espèce de provocation amusante --

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- et que dites-vous de l'autre

7 affirmation de M. Nice, à savoir qu'il y avait là 200 jeunes gens à peu

8 près armés de pistolets.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il n'y en avait qu'un seul portant un

10 pistolet, la police l'aurait désarmé immédiatement et matraqué soyez-en

11 sûr, s'il n'y en avait eu qu'un seul. Tout cela, c'est de la pure

12 invention. Je ne vois pas qui peut raconter des histoires de ce genre,

13 c'est tout à fait inexacte.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Monsieur Bulatovic, soyez sûr --

17 R. Toute la Serbie, toute la population suit cette affaire. Soyez sûr que

18 tout ce qui vient d'être dit est inexact.

19 Q. Monsieur Bulatovic, soyez assuré que M. Solevic sera interrogé au sujet

20 de ces interviews, et que je ne vous poserai pas toutes ces questions si

21 cela n'avait pas été nécessaire.

22 Je vais maintenant de vous pencher sur un autre commentaire de M. Solevic.

23 C'est une interview qui date du 10 novembre 1993. Quelques passages

24 simplement.

25 La Chambre a déjà lu ce texte, je vous soumettrai quelques phrases,

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1 simplement, ce document n'aura pas besoin d'être versé au dossier mais il

2 comporte quelques éléments très utiles.

3 Il s'agit d'une interview menée pas Slavko Curuvija, pour être plus précis,

4 je dirais le défunt Slavko Curuvija et par Milka Kovacic. Encore une fois,

5 pour que les Juges se fassent une idée plus claire de la situation, pouvez-

6 vous expliquer ce qu'il est advenu de Slavko Curuvija peu de temps après

7 les bombardements de l'OTAN. C'était un journaliste, que lui est-il

8 arrivé ?

9 R. Il me serait difficile de vous répondre à cette question. Je vivais

10 pendant les 10 dernières années à Kosovo Polje, c'est-à-dire, à Pristina.

11 Tout ce que j'en sais, c'est grâce aux journaux. Je ne pourrais rien vous

12 apporter d'autre, Messieurs.

13 Q. Mais, il a été tué par balle, n'est-ce pas ? C'était un journaliste,

14 c'est la police secrète qui l'a abattu.

15 R. Vous, vous pouvez affirmer ce genre de chose. Je ne peux vous rien dire

16 à ce sujet car je ne veux pas parler devant ce Tribunal des choses que je

17 ne connais pas.

18 Q. Très bien. Pourriez-vous examiner le bas de la première page.

19 R. C'est en anglais, je ne peux pas.

20 Q. Mais, vous. Je vais demander à l'Huissier de vous aider.

21 R. J'étais à l'hôpital à l'époque.

22 Q. Oui, mais votre très bon ami, Solevic, a dit cela au sujet de Novi Sad.

23 Vous pouvez voir cela en bas sur la gauche de votre version. Il y a une

24 question, on dit : "On sait très bien ce qui s'est passé à Novi Sad" et

25 Solevic répond de la manière suivante : "D'autres choses sont également

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1 bien connues, des rassemblements ont commencé" --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous n'avons pas

3 trouvé le passage.

4 M. NICE : [interprétation] C'est la première page en anglais, excusez-vous.

5 C'est le troisième document, on voit en haut, à droite, "séquence 11",

6 c'est le 10 février 1993 et vers la fin de la page, Solevic a dit la chose

7 suivante : "D'autres choses sont aussi bien connues. Les rassemblements ont

8 commencé et ont fait tomber les dirigeants de Vojvodina et du Montenegro."

9 Excusez-moi.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ni l'un, ni l'autre.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. "Des rassemblements ont commencé, ont fait tomber les dirigeants de

14 Vojvodina et du Monténégro.

15 Nous avons tout préparé pour renverser les dirigeants bosniaques également.

16 Nous pensions que c'est là-bas que cela serait le plus facile, mais Sloba

17 et les dirigeants serbes nous ont demandé de laisser tomber Jajce, de

18 renoncer à Jajce, c'était une erreur qu'il a faite lorsqu'il nous a

19 arrêtés. Il aurait pu, comme il l'avait fait jusqu'à ce moment-là, il

20 aurait pu prétendre qu'il n'en savait rien, jusqu'à ce qu'on s'empare de la

21 Bosnie, jusqu'à ce qu'on écrase la Bosnie."

22 Monsieur Bulatovic, encore une fois, vos activités nationalistes, ayant

23 mentionné des événements, des changements au Monténégro et en Vojvodina et

24 en Bosnie, je voudrais regarder tout cela dans son ensemble.

25 Est-ce que vous pouvez confirmer, s'il vous plaît, qu'il y ait un

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1 rassemblement prévu à Jajce, en Bosnie ?

2 R. C'est la première fois que j'en entends parler, alors que nous sommes

3 des Kums. J'étais à Pristina jusqu'à cette guerre, c'est la première fois

4 que j'entends parler d'un rassemblement en Bosnie, à Jajce.

5 Je vous ai dit, il savait qu'il savait faire ce genre de plaisanterie, il

6 vaudrait mieux que le Tribunal le convie à venir ici pour qu'il le précise,

7 je ne peux vous en dire plus.

8 Q. Oui, la Chambre en décidera. Mais vous n'avez aucune raison de douter

9 de ces propos lorsqu'il parle de cette manifestation, planifiée à Jajce,

10 n'est-ce pas ?

11 Je vais essayer de rafraîchir votre mémoire. Je vais affirmer la chose

12 suivante à votre intention. Il y a eu un coordinateur au comité central,

13 c'était Drasko Milecevic. Il était en contact en jouant l'intermédiaire

14 entre vous et le comité central, n'est-ce pas exact ?

15 R. Je ne connais pas cet homme.

16 Q. Non ? Ces manifestations prévues, planifiées, à Jajce.

17 R. Je ne me souviens pas de cet homme.

18 Q. Mais, cela été annulé parce qu'à ce moment-là, l'accusé s'est adressé à

19 vous, aux manifestants, en disant qu'il avait besoin des voix bosniaques,

20 qu'il en avait besoin à la Présidence et que si cela avait lieu, il allait

21 les perdre. C'est la raison pour laquelle la manifestation a été annulée,

22 c'est la raison pour laquelle Solevic a dit que c'était annulé.

23 Est-ce que ceci vous permet de vous rappeler ? Est-ce que ceci vous

24 rafraîchit votre mémoire ?

25 R. Monsieur Nice, vous me posez des questions dont je n'ai absolument

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1 aucune idée. Au sujet de ces choses là, je n'en sais rien. Vous pouvez me

2 poser des questions au sujet de ma déposition, pour savoir si je n'ai pas

3 dit des contre vérités devant ce Tribunal, mais là, au sujet de Solevic, au

4 sujet des entretiens qu'il a accordés, des interviews qu'il données, pour

5 ce qui est du rassemblement de Jajce, pour autant que je le sache, il n'a

6 jamais été organisé, il n'a jamais été question de l'organiser.

7 Il m'appelait, mon Colonel, c'est lui qui m'a baptisé comme cela. Mais

8 c'était juste par plaisanterie - comment dirais-je - c'était juste pour

9 rire. Il est comme cela, c'est cela son caractère, il aime plaisanter avec

10 tout le monde, il aime provoquer, mais jamais il n'a eu de mauvaises

11 intentions. Solevic n'a jamais blessé qui que ce soit, il n'a jamais vexé

12 qui que ce soit.

13 Q. Très bien. Il dit également autre chose. Je renvoie la Chambre à la

14 deuxième page, plus loin dans le texte, il dit : "Pour ce qui est du

15 personnel chargé d'organiser un rassemblement, Solevic dit qu'il voulait

16 les disperser, qu'il ne fallait rien entreprendre entre un certain

17 personnage et lui-même et Milosevic a dit qu'il ne fallait démanteler ce

18 groupe chargé d'organiser le rassemblement."

19 Est-ce que ceci correspond à vos souvenirs ? Est-ce que l'accusé lui-même a

20 insisté pour qu'on démantèle ce groupe ?

21 R. Ceci n'a pas existé. Ce groupe ou cet état-major d'organisation, il n'a

22 pas existé et je n'en sais rien. Vous n'arrêtez pas de parler de groupes

23 nationalistes, mais, Monsieur Nice, ceux-ci n'ont pas existé. S'ils avaient

24 existé, j'aurais été au courant nécessairement.

25 Q. Juste quelques questions pour en terminer. Nous n'avons pas beaucoup de

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1 temps et je le regrette parce que j'aurais souhaité vous poser bien

2 davantage de questions.

3 De la manière dont vos manifestations ont commencé en Vojvodina, un

4 exemple, pressions politiques de Belgrade, des rassemblements anarchiques

5 dans les rues, tout ceci allait faire peur aux dirigeants pour qu'ils

6 laissent tomber. Est-ce que c'est bien ce que vous avez fait, n'est-ce pas

7 ? Là, je cite ce qui figure dans l'article --

8 R. Lorsque vous parlez de la masse anarchique, en fait, c'était le peuple

9 qui cherchait le salut. Je pense que là, vous prononcez un mot vexatoire,

10 mais ce n'est pas vous qui l'avez inventé, cela vient du Kosovo. Lorsqu'il

11 y avait des gens, la population qui demandait ses droits d'être placés sur

12 un pied d'égalité avec les autres, ils employaient un terme "émeutes"; est-

13 ce que c'étaient des émeutiers qui demandaient leurs droits le 17 mars

14 2004 ? Les représentants des Nations Unies étaient présents, alors ils

15 tuaient des gens, ils incendiaient les maisons. Vous, vous me dites que

16 c'était des émeutiers.

17 Q. Prenons l'exemple de la Vojvodina. C'était une province qui avait une

18 riche histoire d'autonomie qui datait du temps de l'Autriche-Hongrie qui

19 était perçu dans toute la Yougoslavie comme un modèle de bonne co-

20 habitation interethnique. C'était un endroit où les Serbes, au moment qui

21 nous intéresse, constituaient une majorité des deux tiers. C'était

22 l'endroit que vous avez envahi par 13 différentes manifestations, vous-même

23 et votre groupe. La dernière fois, vous vous êtes installés pendant deux

24 journées entières; vous vous souvenez de cela ?

25 R. Je ne connais pas cela. Pour le premier rassemblement, j'y ai

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1 participé. Ce n'était pas un rassemblement, ou un meeting, environ 2 000

2 Serbes se sont rendus devant l'assemblée de la province de la Vojvodina,

3 pour présenter le point de vue du peuple serbe du Kosovo. Ils ont demandé à

4 la Vojvodina, en tant que province, qui soutenait les autorités pour ses

5 propres intérêts, soutenait les autorités de Kosovo et Metohija. Ils ne

6 s'intéressaient pas à la substance de ce pouvoir et la manière dont il

7 traitait le peuple serbe. Ils ont voulu rentrer à l'assemblée, mais ils ne

8 nous ont donné ni eau, ni électricité, donc personne n'est venu les

9 renverser. Ils se sont fait tomber eux-mêmes par leur prise de position.

10 Q. Quels droits avaient les Serbes du Kosovo de renverser les dirigeants

11 politiques du Monténégro et de Vojvodina ? J'affirme, en fait, que ceci ne

12 s'est pas limité au sein du Kosovo.

13 R. Ce ne sont pas les Serbes du Kosovo qui ne l'ont fait pas du tout.

14 Retrouver les enregistrements, là vous verrez comment le peuple a renversé

15 ces dirigeants-là, leur propre peuple. Il n'y a eu aucun homme présent du

16 Kosovo, n'est-ce pas, Monsieur Nice. Vous, vous pouvez, dans le cadre de

17 cet acte d'accusation dérisoire ou ridicule, avancer ce que vous voulez,

18 mais ceci n'est pas vrai.

19 Q. Dans votre propre entretien, l'homme qui a pris le trône, qui s'est mis

20 à la tête du mouvement de résistance serbe, ce n'est pas un leader qui

21 s'appuyait sur une plate-forme idéologique, mais c'était quelqu'un qui

22 avait soif du pouvoir et c'est ceci qui vous a motivé à laisser épouser

23 votre cause; ceci est exact, n'est-ce pas ?

24 R. Personne ne s'est associé à nous. Vos affirmations sont tendancieuses.

25 Aucun groupe nationaliste n'est venu s'associé à nous. Nous, après que le

Page 38688

1 Dr Zoran Grujicic ait été chassé, nous l'avons invité à venir à Kosovo

2 Polje et cette arrivée le gênait lui aussi. Je ne pouvais pas mentionner

3 cet homme de son nom, mais cela a gêné aussi M. Azem Vllasi et Agim Haripi

4 [phon] et Kole Shiroka, et tout ce groupe qui était installé au foyer

5 culturel de Kosovo Polje et qui écoutait les propos de ce peuple

6 malheureux. Plus de 70 personnes ont pris la parole pour dire tout ce qu'on

7 faisait à l'encontre du peuple serbe au Kosovo et Metohija. Cela ceci ne

8 vous gêne pas. Vous me citez des choses diverses et variées. Vous me

9 demandez pourquoi on a rédigé des pétitions de telle ou telle sorte. On a

10 fait au mieux qu'on n'ait pu, mais ces propos ils n'ont pas été pris en

11 considération.

12 Alors, parlons des Albanais, je veux employer ce terme. Les Albanais du

13 Kosovo, s'ils se sont vus léser dans certains droits, pourquoi ils ne se

14 sont pas vus forcer à rédiger des pétitions pour qu'on pose la question qui

15 est de savoir ce qui leur est arrivé ? Pourquoi ils n'ont eu aucune raison

16 de faire ceci ?

17 Q. Monsieur Bulatovic, ils l'ont fait, ils l'ont fait. Nous n'avons pas le

18 temps d'en parler, mais vous ne vous souvenez pas les manifestations

19 étudiantes après 1981. Les manifestations qui ont été brisées par le KGB ou

20 autres agences secrètes, mais ils ont bel et bien signé une pétition à

21 l'encontre des autorités répressives. Vous ne vous souvenez pas l'année

22 1981 et la pétition des étudiants, les étudiants qui se plaignaient des

23 mauvais traitements.

24 R. Cela ce ne sont que des machinations. Le KGB, c'est la CIA qui s'est

25 immiscée là-dedans. A l'époque, nous ne le savions pas mais maintenant on

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1 le sait. Maintenant on sait pourquoi la pomme est-elle pourrie parce qu'on

2 a apporté une pomme pourrie et on l'a installée parmi les pommes saines. On

3 sait maintenant d'où est venu le vert, cela vient de l'OTAN.

4 Q. J'ai deux questions de plus à vous poser. Dans votre entretien, lorsque

5 vous avez parlé du fait que le génie a été laissé pour s'échapper du

6 flacon, c'est la phrase que vous avez utilisée et par laquelle vous avez

7 dit la vérité, n'est-ce pas, à savoir que par la voie de vos actions, vous

8 avez permis à l'accusé de mettre en péril la Yougoslavie. C'est en partie

9 votre erreur de lui avoir permis d'accéder au pouvoir ?

10 R. Vous, vous citez maintenant ces petites provocations. On l'a placé lui

11 et les autres dirigeants dans une situation où ils allaient devoir quelque

12 chose au Kosovo. Vous me dites que c'est à cause de cela que la Yougoslavie

13 s'est effondré, non. La Yougoslavie aurait toujours été en vie si vous ne

14 vous étiez immiscé ou ingéré. Ceux qui ont signé le traité de Versailles,

15 ce sont eux qui ont brisé la Yougoslavie. Pendant la Seconde guerre

16 mondiale c'est à Jajce que Josip Broz Tito l'a cassé. Vous, vous avez dit

17 qu'un certain rassemblement aurait dû être fait à Jajce. C'est là que sur

18 les bases ethniques il a brisé la Yougoslavie. Il a créé deux provinces en

19 Serbie, alors qu'il n'y avait ni Slavonie, ni Dalmatie, ni régions

20 militaires, ni la Krajina, ni la Banija en Croatie, cela n'a pas été des

21 provinces. C'est seul la Serbie s'est vu créer des provinces sur son

22 territoire. Cela c'est la pure haine contre le peuple serbe et l'Etat

23 serbe, Monsieur Nice. Le Banija a été enlevé à la Serbie, à la Vojvodina,

24 cela a été donné à la Croatie, alors qu'elle ne s'était jamais trouvée en

25 Croatie de par le passé. Est-ce que cela c'était bien ?

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1 Q. Une toute autre question pour terminer. Ceci a à voir avec votre

2 conduite dans ce prétoire. Je tiens à vous rappeler que, dans vos réponses,

3 vous avez appelé l'accusé, "M. le Président", et vous vous êtes adressé aux

4 Juges en les appelant "Messieurs de la Chambre". Lorsque vous êtes arrivé,

5 vous avez lu la déclaration solennelle d'une autre manière que le texte

6 écrit.

7 R. Vous me parlez du serment, c'est cela ?

8 Q. Oui.

9 R. C'est de cela qu'il s'agit. Lorsque je prête serment, Monsieur, j'ai lu

10 à la fin aussi ceci, mais, d'abord, j'ai fait le serment comme je le fais

11 dans ma religion. C'est sur mon honneur que j'ai prêté le serment et,

12 après, j'ai lu les mots que ce monsieur m'a apportés. Il s'agissait du

13 serment prévu par ce Tribunal. C'est en toute honneur et avec les

14 meilleures intentions que j'ai agi et dans tous les respects, les respects

15 maximums à l'égard des Messieurs Robinson, Kwon et Bonomy. Je me suis

16 comporté avec le plus grand respect, je n'ai jamais cherché à blesser ou

17 injurier ou offenser ce Tribunal, même s'il y a eu des questions

18 provocatrices de votre part, parfois, d'une manière tendancieuse, mais vous

19 êtes le Procureur, vous devez me poser des questions de cette manière, je

20 l'accepte.

21 Q. Vous acceptez le fait que ce Tribunal est un tribunal légal ?

22 R. Qu'entendez-vous par là ?

23 M. KAY : [interprétation] Quelle pertinence est-ce que cela ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous n'avons

25 pratiquement plus le temps, au fait on a dépassé le temps. Quelle est la

Page 38691

1 question que vous avez posée ?

2 M. NICE : [interprétation] Je lui ai demandé s'il acceptait le fait que ce

3 Tribunal était légal.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne pense qu'il convienne de

5 poser cette question. Je pense que c'est inutile. Nous allons faire une

6 pause pendant 20 minutes.

7 A notre retour, nous allons nous occuper des documents que souhaitez verser

8 au dossier.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

10 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

12 M. NICE : [interprétation] Nous avons, comme pièce à conviction, la

13 pétition de 94.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel document, il s'agit ?

15 M. NICE : [interprétation] C'est le premier document. Il y est fait

16 référence dans l'article des journaux de 1994, c'était le deuxième document

17 que nous avons examiné. M. le Juge Kwon a fait remarquer que le témoin a

18 reconnu qu'il était le premier signataire de cette pétition.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous demandez que l'on verse au dossier

20 la pétition de janvier 1986 ?

21 M. NICE : [interprétation] Vous avez parfaitement raison. La pétition de

22 1986.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons le verser au dossier.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 859.

25 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir rappelé cela. Puis

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1 la pétition 94.

2 Mme HIGGINS : [interprétation] Est-ce que je peux adresser des objections

3 au sujet de cela ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

5 Mme HIGGINS : [interprétation] Il s'agit de la pétition 94, je pense que

6 ceci peut créer une confusion si on a accepté ce document, parce que le

7 témoin lorsqu'on lui a présenté le document pour la première fois, le

8 témoin a dit, qu'il n'était pas le premier signataire, il a dit qu'il ne se

9 souvenait pas avoir signé le document. M. le Juge Kwon s'est référé au fait

10 que M. Bulatovic était le premier signataire de la lettre, ou plutôt de la

11 nouvelle pétition. La réponse au sujet de cela, d'après ce que je me

12 souviens, est que le témoin a parlé de la pétition 86, mais il a dit qu'il

13 n'avait rien à voir avec la pétition 94. Je m'abuse peut-être, mais c'est

14 la manière dont je me souviens des réponses au sujet de ce document.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

16 M. NICE : [interprétation] Je pense qu'effectivement, le témoin a commencé

17 par dire qu'il ne se souvenait pas avoir signé la pétition, ou avoir été le

18 premier signataire, mais, finalement, il n'a pas contesté le fait qu'il l'a

19 été. Pour ce qui est de l'article de journaux, le seul exemplaire commence

20 au signataire numéro 6, nous n'avons pas le premier signataire. Le témoin

21 d'après ce que j'ai compris a admis que les dirigeants serbes constituaient

22 une partie importante de la chronologie des événements.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsqu'on examine le document dans

24 sa totalité, dans le cadre de la déposition du témoin, nous estimons qu'il

25 convient de -- nous estimons qu'il est recevable.

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1 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 860.

3 M. NICE : [interprétation] L'entretien avec le témoin du 21 octobre 1994,

4 dans le journal Nin, est-ce que ceci peut être versé au dossier ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce 861.

7 M. NICE : [interprétation] Suivant, c'est la traduction anglaise du

8 document qui a été présenté il y a quelques semaines par l'Accusé. Il

9 s'agit de la pétition de 1985.

10 Pour ce qui est de la traduction, je n'ai pas de position. Je ne sais pas

11 si la traduction devrait être versée séparément ou en tant que partie de la

12 pièce ou est-ce que le document doit être versé dans sa version originale ?

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit des extraits de "Nuit de

14 veille".

15 M. NICE : [interprétation] Oui, Mlle Dicklich déclare que les éléments

16 n'ont pas été présentés et que la pétition devrait être admise comme pièce

17 à conviction de l'Accusation, la pétition de 1985.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons la déclarer recevable.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce 862.

20 M. NICE : [interprétation] Le document suivant, c'est l'entretien avec M.

21 Solevic, c'est une pièce qui n'avait pas été versée. Je souhaite de toute

22 évidence que cela devienne une pièce à conviction puisque cela date du même

23 moment que les entretiens. Mais je m'en remets à la Chambre.

24 Mme HIGGINS : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons verser au dossier.

Page 38694

1 M. NICE : [interprétation] La vidéo ou Solevic parle des pierres. C'est

2 quelque chose que nous avons visionné. Le témoin n'a pas nié les choses, il

3 a expliqué ce qui a été dit.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'allons pas recevoir cette

5 pièce.

6 M. NICE : [interprétation] Nous avons eu un extrait très bref d'un

7 programme de la BBC. Le témoin a objecté. Vous vous rappellerez, il s'agit

8 d'un petit passage ou il fait part de ses sentiments au sujet de quelqu'un

9 qui est décédé sur le champ de bataille il y a plus de six siècles. J'ai

10 montré cet extrait, je demanderais que cet extrait soit versé au dossier,

11 mais, cette séquence seulement.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Maître Higgins.

13 Mme HIGGINS : [interprétation] Monsieur le Président --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, uniquement pour ce qui est de

15 cette séquence, Maître Higgins ?

16 Mme HIGGINS : [interprétation] Nous nous interrogeons sur la pertinence de

17 cette séquence. Il s'agit simplement de ce petit extrait qui nous pose

18 problème.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Higgins, nous tenons compte

20 de vos commentaires, mais nous allons recevoir.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce 863.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour que cet extrait de l'entretien de M.

24 Bulatovic, présenté par la BBC, soit versé au dossier, je pense qu'il

25 serait correct de montrer ceci à M. Bulatovic pour qu'il entende ce qu'on

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1 prétend qu'il a dit parce qu'il n'y avait pas de bande de sons. Il ne peut

2 pas se fier à la traduction anglaise. Au sujet de la traduction anglaise,

3 nous avons eu l'occasion de constater à plusieurs reprises qu'elle était

4 inexacte.

5 On n'applique pas la procédure habituelle, ici, à savoir que la pièce à

6 conviction soit présentée au témoin dans une langue qu'il comprend.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, M. Bulatovic.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je tiens à dire que, si seule la BBC a diffusé

9 cela, je ne sais pas ce qui a été diffusé, mais c'est purement tendancieux

10 parce que je les ai amenés voir un village serbe, or, il n'y a pas de

11 village serbe là-bas, tout a été détruit, il n'y a pas une seule, pas de

12 fondation, même les pierres des fondations ont été arrachées, le cimetière

13 complètement dévasté. Ils ont filmé tout cela. Cela n'a pas été accepté,

14 mais ce que j'ai dit à coté des monuments, j'ai dit que deux tzars sont

15 tombés morts là.

16 Lorsqu'on attaque un Etat, le peuple se défendra pour son Etat et pour sa

17 liberté.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pendant les

21 questions supplémentaires, vous pouvez demander qu'on visionne, encore une

22 fois, la séquence, si vous le souhaitez.

23 Avez-vous des questions supplémentaires ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur Robinson. Je serai très bref.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

Page 38696

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je pensais que vous aviez encore quelque

2 chose à terminer avant que je ne commence.

3 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :

4 Q. [interprétation] Avant tout, je tiens à préciser un point, Monsieur

5 Bulatovic. A savoir ce que M. Nice vous a dit lorsque vous employez le

6 terme "Siptars", il a dit que c'était offensant pour les Albanais.

7 [aucune interprétation]

8 R. Non, pas du tout.

9 Q. Avez-vous jamais entendu quelqu'un vexer les Albanais en disant

10 "Siptars" ?

11 R. Je n'avais jamais entendu cela, c'est la première fois aujourd'hui. Je

12 n'ai qu'un seul fils, Dieu me l'a donné quand j'avais 59 ans. Je tiens à

13 prêter serment au nom de ce fils que c'est la première aujourd'hui que j'ai

14 entendu dire que c'était vexatoire. Vous n'êtes pas obligé de me croire,

15 mais c'est comme cela.

16 Q. Monsieur Bulatovic, savez-vous que ceux qui sont présents dans la

17 galerie du public, lorsqu'ils choisissent le canal pour savoir quelle sera

18 la langue ils vont écouter dans leurs écouteurs, vous savez que

19 l'explication qui est fournie c'est le canal 3, on dit "Sip", on ne dit pas

20 "Albanie" ou "Albanais", on dit "Sip".

21 R. Monsieur le Président, cela, je ne le savais pas. Je n'étais pas au

22 courant.

23 Q. Je suppose que l'une des personnes qui s'occupe de l'administration de

24 ce Tribunal a écrit cela ? Si, vous, vous offensez quelqu'un en employant

25 le terme "Siptars", alors, eux aussi, ils les vexent quand ils emploient ce

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1 terme ? Est-ce que cela vous parait logique, Monsieur Bulatovic ?

2 R. Oui, parfaitement logique. Je dois qu'aujourd'hui, cela a semé la

3 confusion dans mon esprit quand j'ai entendu cela parce que je connais

4 énormément de ces Albanais au Kosovo. Je n'avais personne lorsque je me

5 suis adressé aux gens en les appelant "Siptars", jamais personne ne m'a

6 fait remarquer que c'était offensant.

7 Q. Très bien. Monsieur Bulatovic, je vais vous demander très brièvement

8 d'examiner cette pétition qui a été présentée ici, qui vient du livre

9 "Nuits sans sommeil"; c'est une pétition que vous avez signée. Elle date de

10 1985.

11 R. C'est cela.

12 Q. M. Nice vous a cité le deuxième paragraphe de cette pétition. Il n'est

13 pas traduit de manière tout à fait correcte. Je vais citer, encore une

14 fois, dans la langue serbe, ce même texte car ce qui était le plus

15 important c'était l'emploi du terme "génocide fasciste". Le deuxième

16 paragraphe se lit comme suit, donc de cette pétition que vous avez signée :

17 "La situation en réalité est accablante."

18 R. Oui.

19 Q. "On a occupé une partie de la Yougoslavie, une partie de notre être

20 historique et traditionnel et le génocide des fascistes contre nous, les

21 Serbes au Kosovo, a acquis le droit de citoyenneté."

22 R. Oui. Cela est la phrase telle qu'elle se lit jusqu'au point. Je ne vais

23 pas continuer de citer.

24 Avant de vous poser une question qui est en relation avec ce que M. Nice

25 vous a dit à savoir que : "Vous étiez un nationaliste parce que vous

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1 mentionné le génocide," avant cela, je vais vous donner lecture d'une

2 citation.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. le Juge Robinson, à ce propos, j'ai déjà

4 cité le même texte. C'est le texte qui vient d'Ivan Kristan, un professeur

5 Slovène, qui est venu déposer ici. Ce texte vient de son article qui a été

6 publié dans le journal socialiste en 1981, quatre ans avant la rédaction de

7 cette pétition.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Dans cet article, M. Kristan -- s'il vous plaît, prêtez

10 attention, Monsieur Bulatovic. Je vais vous le lire, il dit : "Les

11 tendances irrédentistes des séparatistes albanais du Kosovo ne sont pas de

12 date récente.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes

14 n'ont pas de texte, ils vous demandent de ralentir.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson, je vais lire très

16 lentement, il s'agit d'une citation brève.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. "Les aspirations irrédentistes des nationalistes albanais au

19 Kosovo ne datent pas d'hier. Elles sont apparues, en réalité, en tant

20 qu'enchaînement de différentes organisations. Il est fasciste qui, pendant

21 la guerre, ont combattu contre le Mouvement de libération nationale des

22 peuples yougoslaves, et cetera."

23 Ma question est la suivante, Monsieur Bulatovic. Avant que vous n'ayez

24 rédigé cette pétition, est-ce que tout le monde savait que les événements

25 en Kosovo-Metohija ont pour but le séparatisme et le chauvinisme albanais,

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1 l'expulsion des Serbes et que ce n'était, cela ne faisait que s'inscrire

2 dans le prolongement de ce mouvement baliste, fasciste qui datait de la

3 Seconde guerre mondiale de l'époque de M. Mussolini et d'Hitler ?

4 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une question

5 très tendancieuse et directrice. Je ne vois pas en quoi la réponse pourrait

6 être utile à la Chambre. Il s'agit d'une prise de position par l'accusé.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, votre

8 question est directrice, il va falloir la reformuler.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Bulatovic, veuillez nous dire si vous avez rédigé cette

12 pétition, avait été le premier à mentionner les balistes et les fascistes

13 qui ont procédé à la réalisation d'un génocide au Kosovo-Metohija, ou est-

14 ce que cela a déjà été mentionné dans l'opinion publique yougoslave d'une

15 manière générale sur un plan très vaste ?

16 R. Un nombre innombrable de reprises, dans bon nombre de journaux cela a

17 été référencé, cela a été mentionné. Pour autant que je sache, cela a été

18 justement le cas. Lorsque j'ai témoigné ici pendant la première journée

19 ici, Monsieur Robinson, j'ai bien indiqué que vers la fin de la Deuxième

20 guerre mondiale, Fadil Hoxha, s'agissant des balistes comme il les appelait

21 eux-mêmes, et les balistes c'était les fascistes, et je m'excuse pas tous

22 d'entre eux, mais s'agissant d'une partie d'entre eux qu'il avait réussi à

23 convertir, il les avait fait passer dans des Unités de Partisans. Ils sont

24 passés dans des Unités de Communistes et de Partisans à Drenica. C'est ce

25 qu'il leur a permis d'intervenir et c'est qu'a été créé ce Régiment Zenir

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1 Hajdini, dont Fadil Hoxha a été le commandant. Cette compagnie avait dans

2 ses rangs seulement trois Serbes : Toma Darlic; un dénommé, Lakicovic

3 [phon]; et Mihailo Radulovic Kacak. Tous les trois avaient des noms

4 albanais. S'ils avaient su qui ils étaient, ils les auraient liquidés.

5 C'est la raison pour laquelle on avait liquidé un commandant d'un Régiment

6 de Partisans, Vuko Popovic. Lorsqu'ils ont appris que c'était un Serbe, à

7 l'occasion d'une réunion au QG, ils l'ont abattu sur place. Ils ont changé

8 de camp, ils ont cessé d'être fascistes, pour devenir membres du Parti

9 communiste. Ils ont continué à agir partant de là. Pendant toute la guerre,

10 ils ont continué, mais la population, comme l'homme de la rue, n'a pas pu

11 le savoir. Les gens ont commencé à le comprendre et à le réaliser bien plus

12 tard. On a su, vers les années 70, qui étaient venus d'où, mais personne ne

13 pouvait s'attendre à ce que l'OTAN se mettre du côté des terroristes; cela,

14 jamais personne n'a pu se l'imaginer.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur Bulatovic, M. Nice vous a cité plusieurs points de cette

18 pétition. Il l'a fait de façon incomplète à vrai dire, aussi me proposais-

19 je de parcourir ces quelques points afin que nous puissions constater s'il

20 s'agit, effectivement, de nationalisme serbe ou de revendication

21 nationalisme serbe.

22 Le point 1 s'énonce comme suit, vous vous adressez au parlement de la RSFY

23 et au parlement de la Serbie, pour qu'ils placent à l'ordre du jour les

24 revendications.

25 R. Oui.

Page 38701

1 Q. Vous vous adressez au parlement pour cela soit mis à l'ordre du jour,

2 est-ce que c'était l'objectif des pétitions ?

3 R. En effet, c'était l'objectif des pétitions. Nous attendions à ce qu'ils

4 tiennent des réunions extraordinaires de ces parlements, afin que ce texte

5 de pétition soit pris en considération et débattu.

6 Q. Bien. Vous demandez au parlement de placer vos revendications à l'ordre

7 du jour ?

8 R. C'est tout à fait cela.

9 Q. La première revendication que vous faites, ou premièrement, on dit :

10 "Garantir de réalisation de nos droits fondamentaux de l'homme en

11 application de la constitution de la RSFY, et en application des

12 conventions internationales dont nous sommes privés, de façon absolue."

13 R. Tout à fait.

14 Q. Est-ce que c'est là l'intégralité de la première des revendications ?

15 R. Oui, c'est là l'intégralité de ce que nous avons demandé. Nous n'avons

16 pas demandé plus de droit que les autres, mais nous ne voulions pas avoir

17 moins de droit que les autres non plus. Nous ne voulions pas être

18 terrorisés, nous ne voulions pas faire l'objet de représailles, et ainsi de

19 suite.

20 Q. Fort bien, Monsieur Bulatovic. S'agissant de ce que M. Nice vous a

21 laissé entendre, à savoir, que vous avez réclamé le limogeage de personnes.

22 Je me réfère notamment au point 3 où il est dit : "Il s'agit tout de suite

23 de limoger dans les instances du pouvoir de la province et de la

24 république."

25 R. En effet.

Page 38702

1 Q. -- et de les soumettre à des mesures de responsabilité, s'agissant de

2 chauvinisme albanais qui ont aspiré le soulèvement au Kosovo-Metohija, et

3 qui ont mis en péril la Yougoslavie. Nous demandons - je souligne bien - la

4 responsabilité pour les cadres appartenant au groupe ethnique serbe, qui de

5 par leur opportunisme, carriérisme se sont placés au service de cette

6 idéologie-là.

7 R. En effet.

8 Q. Est-ce là la substance de ceux qui visaient à interdire les activités

9 des séparatistes grands albanais ?

10 R. Tout à fait.

11 Q. Indépendamment du fait de savoir, s'il s'agit de ce qui a été fait ou

12 pas fait par les Albanais ou par les Serbes ?

13 R. Ce dont il s'agit ici, c'est de faire assumer leur responsabilité

14 devant les instances du pouvoir, tous ceux qui ont passé sous silence pour

15 aider le terrorisme, et ainsi aider le terrorisme à l'encontre du peuple

16 serbe, et de passer de faire assumer la responsabilité de ceux qui étaient

17 derrière, à savoir, c'était lui l'architecte de tout ce qui s'est passé au

18 Kosovo. C'est peut-être honteux que de parler ainsi des personnes décédées,

19 parce qu'on dit que les personnes décédées il ne faut dire que du bien,

20 mais il faut que je le dise.

21 Q. Bien. M. Nice a dit que vous vous employiez en faveur de l'expulsion

22 d'Albanais du Kosovo et Metohija. Le paragraphe 5 s'énonce comme suit : --

23 R. Oui, je vous écoute.

24 Q. Je vous en donne lecture : "Ne plus accorder l'hospitalité aux

25 émigrants originaires d'Albanie, qui se sont installés là depuis, après le

Page 38703

1 6 avril 1945 à nos jours. Indépendamment du fait de savoir s'ils se sont

2 installés suivant les programmes de Mussolini ou, par la suite, en

3 application des programmes et projets d'Enver Hoxha."

4 Monsieur Bulatovic, est-ce que vous réclamez ici que l'on expulse les

5 Albanais du Kosovo, ou réclamez-vous qu'ils soient supprimés, que ce soit

6 supprimé l'hospitalité offerte aux émigrants venus de l'Albanie sous

7 Mussolini ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

9 M. NICE : [interprétation] Ce qui a été répondu au sujet des expulsions des

10 Albanais du Kosovo n'a pas été dit, au sujet de la période 1985, mais cela

11 a été dit à une période ultérieure. Je n'ai pas d'objection s'agissant de

12 la question qui est posée, mais pour les besoins du compte rendu

13 d'audience, j'entends dire qu'en raison des limitations de temps, je ne me

14 suis référé à la totalité de ce qui est mentionné dans cette pétition,

15 étant donné que cela déjà été fait pendant l'interrogatoire principal. En

16 aucune façon, je n'ai parlé des propositions avancées par Enver Hoxha.

17 Aussi, s'agit-il de ne pas interpréter ce qui a été dit ici au sujet

18 d'Enver Hoxha, et je n'ai aucun autre point à soulever à ce sujet.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci.

20 Vous pouvez continuer, Monsieur Milosevic, mais, d'abord, répondez à

21 la question, Monsieur Bulatovic.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons demandé à ce que l'on renvoie du

23 Kosovo-Metohija les immigrants albanais qui sont arrivés là pour peupler ce

24 territoire. Les principales violences ont été perpétrées par ces gens,

25 s'agissant des Albanais qui étaient autochtones qui sont nés sur place et

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1 qui ont vécus là depuis trois siècles, c'est eux qui les ont pollués pour

2 en faire des séparatistes et qui voulaient les faire travailler pour les

3 aspirations, en faveur des aspirations grandes albanaises et séparatistes.

4 Nous voulions que ce ver soit écarté de la pomme, afin que la population

5 vive en paix.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Monsieur Bulatovic, dans la citation que vous venez d'entendre, dont je

8 viens vous donner lecture s'énonce comme suit : Révoquer l'hospitalité à

9 ceux qui ont été peuplés, qui sont venus s'installer là sous Mussolini, pas

10 quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ?

11 R. Non, personne d'autre, en effet.

12 Q. Bien. Etant donné que M. Nice a parlé du fait que vous avez par la

13 suite exigé une colonisation, alors que ce mot n'a jamais été utilisé, je

14 vais vous donner citation -- je vais vous faire citation de l'article ou du

15 paragraphe 7, qui porte sur vos revendications. Vous dites : "Nous

16 demandons à ce que sous le contrôle des autorités fédérales et de la

17 République, il soit procédé sans retard aucun, à la réinstallation des

18 familles serbes."

19 S'agit-il d'une réinstallation de familles serbes chassées du Kosovo

20 pendant la terreur exercée par les séparatistes albanais, indépendamment du

21 fait de savoir si c'était du temps du Mussolini, ou après la deuxième

22 guerre, mais toujours est-il qu'il s'agissait de familles chassées du

23 Kosovo-Metohija ?

24 R. Monsieur le Président, Monsieur Robinson, et Messieurs les Juges de la

25 Chambre, nous avons réclamé, en effet, que soient ramenés tous les serbes

Page 38705

1 chassés de là-bas, chassés de ce territoire, qui ont dû quitter ce

2 territoire sous la terreur des fascistes et balistes albanais, durant la

3 Deuxième guerre et après la Deuxième guerre mondiale, suite à la terreur

4 exercée par ces terroristes qui se sont dissimulés et qui ont agi

5 clandestinement au début. Nous n'avons pas demandé à ce qu'on touche la

6 population autochtone, à savoir, la population qui a résidé là en toute

7 esprit pacifique, il n'y avait aucun problème pour eux. Mais ceux qui

8 étaient venus d'ailleurs ont été soutenus, appuyés par les balistes et les

9 fascistes et c'est là le problème. C'est ce qui a généré la guerre par la

10 suite. Si cette pétition avait été mise à l'ordre du jour, peut-être utile

11 était possible d'éviter bien des choses, et tout le monde serait-il

12 satisfait. Mais ils n'ont prêté aucune attention à ces pétitions, ni à

13 l'une, ni à l'autre. Même si on n'en avait fait une centaine des pétitions,

14 cela aurait été pareil. Mais personne n'interdisait aux albanais, s'ils

15 étaient soumis dégâts ou préjudices que ce soit, ils pouvaient s'adresser à

16 leurs dirigeants respectifs, on aurait bien vu ce qui se serait passé. Eux

17 ont demandé de l'aide à l'extérieur des frontières du pays et nous avons de

18 l'aide, dans le cas de notre pays. Nous n'avons rien fait de malhonnête,

19 nous avons fait tout ce qu'il y avait d'honorable et d'honnête.

20 Q. Bien. Est-ce que vous voyez dans cette pétition que vous avez rédigé,

21 quoi que ce soit, et pourriez-vous me citer quelque passage que ce soit,

22 quelque revendication que ce soit, qui aurait été discriminatoire vis-à-vis

23 des Albanais du Kosovo-Metohija ?

24 R. En aucun cas. Il n'y a rien de cela. On m'a reproché le discours que

25 j'ai fait à Studenica, en date du 18 mai 1986, à l'occasion de la

Page 38706

1 célébration du 800e anniversaire de Studenica, et

2 M. Azem Vllasi, président du comité provincial de la Ligue des communistes,

3 à l'époque, a demandé aux gens de la Sûreté de l'Etat d'envoyer la teneur

4 du discours de Kosta Bulatovic à Studenica, en se disant : on va savoir ce

5 qu'il a dit contre la population albanaise. Or, lorsque le texte lui est

6 parvenu, et je l'ai ici dans mon cartable, si besoin est, je peux le sortir

7 du cartable pour en donner lecture aux Juges de la Chambre, pour qu'on en

8 finisse avec tous ces débats. Lorsqu'il a lu ce texte, il a stoppé toute

9 activité, il n'avait aucune information confirmant ce qu'il aurait entendu

10 dire. Il n'avait rien à formuler contre ce qui y figurait, donc, vous

11 pouvez lui poser la question, à savoir qu'il aurait quelques objections à

12 formuler, que ce soit vis-à-vis mon discours à Studenica.

13 Q. Fort bien, Monsieur Bulatovic.

14 M. Nice a dit, et j'en ai pris bonnes notes, en vous posant ses

15 questions ou en faisant ses commentaires, là je ne sais plus à quelle

16 occasion au juste, je ne sais plus qualifier la chose en bonne et due

17 forme. Mais il aurait dit qu'en 1995, j'aurai commencé à m'attaquer aux

18 albanais du Kosovo, en guise de réponse à ce qui figurait dans vos

19 pétitions.

20 R. Certes.

21 Q. Il a dit également qu'il y a eu des violences de la part d'individus et

22 non pas de façon organisée. Auriez-vous connaissance de l'organisation d'un

23 ministère de l'extérieur clandestin et illégal des Albanais au Kosovo ?

24 R. Je ne suis en aucune façon un collaborateur des services de

25 Renseignements.

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1 Q. Mais je ne parle pas de service de Renseignements. Je parle

2 d'événements publics.

3 R. S'agissant d'événements publics, voilà ce qui se produisait. On a pu

4 voir qu'il s'agissait, effectivement, d'une organisation. Nous avons pu

5 voir des enregistrements de Cicevic [phon] et de l'autre instituteur dont

6 le nom m'échappe. Mais je pense que l'Europe plus entière a pu voir cela.

7 Lorsqu'il a fait une déclaration, il était armé, vêtu d'un uniforme et

8 jusqu'à cet enregistrement à la télévision, nous n'y croyions pas. Nous

9 croyions que c'était des actes individuels, comme l'affirme M. Nice ici.

10 Mais après ces diffusions de l'enregistrement à la télévision, nous sommes

11 devenus conscients du fait qu'il s'agissait là d'une organisation des plus

12 dangereuses et qu'inévitablement, il fallait prendre des mesures radicales

13 parce que cela finirait par conduire à la guerre au Kosovo-Metohija. Leur

14 objectif était d'accéder à la guerre avec l'aide de l'extérieur, c'est ce

15 qui s'est produit par la suite, on l'a bien compris. Je suis issu du

16 peuple, je n'ai pas fait de la politique, mais j'étais contre cette

17 politique qui était mise en œuvre là-bas. Bien entendu, nous n'étions pas

18 contents de ce qui se faisait. Nous n'étions pas contents des solutions et

19 nous estimions que si nous nous adressions à nos dirigeants, il serait

20 honteux qu'ils ne répondent pas à nos revendications.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous voudrions des réponses un peu

22 plus concises de votre part, Monsieur le Témoin.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation] J'attire votre attention, Messieurs, sur le

24 fait que, pendant le témoignage du Juge Danica Marinkovic, à une pièce à

25 conviction de l'intercalaire 4, présenté pendant son témoignage, comportait

Page 38708

1 un acte d'accusation à l'encontre du SUP illégal au Kosovo-Metohija. Entre

2 autres, j'ai cela sous les yeux, il y a un KT181 -- 191/T94, c'est le

3 numéro de l'acte d'accusation, il s'agit d'un acte d'accusation, daté de

4 cette année là, qui était présenté au ministère public, et cela ne

5 constitue en aucune façon, le produit d'événement de 1995. Or, si quelque

6 chose s'est produit avant une date donnée, cela ne saurait en aucune façon

7 constituer la conséquence de l'acte dont il a parlé. Je voulais juste

8 attirer votre attention sur ce fait là. S'agissant de vous, Monsieur

9 Bulatovic, étant donné que ce procès était public, vous souvenez-vous du

10 fait qu'un grand nombre de membres de ce SUP clandestin a découvert -- a

11 effectivement œuvré à la création d'unités armées en vue de procéder à la

12 sécession du Kosovo-Metohija ?

13 R. En effet.

14 Q. Merci.

15 R. Cela a été dit en public, il n'y a rien de clandestin à tout cela.

16 Q. Je ne dis pas que ce la a été clandestin, le procès a été un procès

17 public.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez ici, Messieurs, une version anglaise

19 de cette pièce, et cela figure à l'intercalaire no. 4 du témoignage de Mme

20 Danica Marinkovic, juge en son Etat.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. M. Nice a dit, ensuite, qu'il a répondu -- que j'aurais répondu à

23 vos revendications. A cet effet, je vais vous demander. Si j'ai répondu

24 favorablement à vos revendications, la conséquence a été qu'il y a eu bon

25 nombre d'Albanais de tués et d'expulsés. C'est ce que M. Nice a laissé

Page 38709

1 entendre. J'aimerai que vous me disiez maintenant. Est-ce que vos

2 revendications voulaient dire que qu'on voulait ou que vous vouliez qu'on

3 tue qui que ce soit ?

4 R. Loin de là, Dieu m'en garde. Je me suis adressé au Juge Robinson pour

5 lui dire que nous n'avons demandé aucune espèce de répression à l'encontre

6 de qui que ce soit, parce que ceux qui font du mal, ne font que du mal à

7 leur propre égard. Nous n'avons pas voulu suivre ce sentier là.

8 Q. Vous n'avez pas demandé à ce que l'on tue des Albanais. Mais avez-vous

9 demandé à ce qu'on en expulse ?

10 R. Non. Non plus.

11 Q. Vous n'avez pas demandé à ce qu'on en tue, vous n'avez pas demandé à ce

12 qu'on les expulse.

13 R. Non, c'est certain. Personne ne saurait le prouver.

14 Q. Merci, Monsieur Bulatovic.

15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sauraient gré aux intervenants de ne pas

16 parler en même temps.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avez-vous

18 entendu la remarque des interprètes ?

19 Monsieur Bulatovic, nous vous demandons de procéder à des petites pauses

20 entre les questions et les réponses afin que tout ceci soit interprété en

21 bonne et due forme.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. M. Nice a dit qu'il n'y avait pas eu de violences organisées. Nous

25 avons constaté qu'il y avait un MUP illégal d'organiser. A-t-on organisé

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1 par ailleurs l'abandon des postes de travail et la création d'institutions

2 étatiques clandestines de la part des séparatistes albanais ?

3 R. Oui, en masse. Cela s'est fait de façon massive et nous, en tant que

4 peuple, nous étions pris de cours. Nous ne savions pas de quoi il

5 s'agissait, d'où venait tout ceci. Que se passait-il dans notre propre

6 Etat. Sans aucune raison on n'abandonnait les écoles. On quittait les

7 postes de travail. On quittait les établissements. Il en est resté que très

8 peu. Dans les municipalités, les gens quittaient les fonctions. Il n'y

9 avait personne pour venir occuper les postes. Tout à coup, nous nous sommes

10 trouvés, surpris, étonnés, nous ne savions pas où cela nous menait. C'est

11 vraiment la vérité, la vérité vraie que je vous dis.

12 Q. Bien. Mais étant donnée que vous, pendant toute cette période-là, vous

13 vous trouviez au Kosovo, avez-vous pu remarquer quelques mesures que ce

14 soit de discrimination à l'égard des Albanais de la part des autorités

15 serbes et de la part des Serbes en général ?

16 R. Monsieur le Président, les Albanais au Kosovo et Metohija avaient une

17 position des plus privilégiées à tout endroit et en tout domaine. Je me

18 souviens que lorsque j'étais jeune, un certain Rade Jekenovic [phon], qui

19 se trouvait être président de la cellule du Parti au village m'a confié une

20 mission à moi, alors qu'il était un jeune homme parce qu'un certain

21 officier de Belgrade avait apporté un ballon de football à un officier. Il

22 m'a dit d'apporter à Sameluk, dans un village Albanais, pour que nous

23 jouions ensemble au football avec leurs enfants pour qu'ils nous

24 fréquentent et qu'on leur dise qu'on jouera au ballon avec eux s'ils

25 venaient à l'école, parce qu'après la Deuxième guerre, ils ne voulaient pas

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1 aller à l'école. Il était très difficile de les persuader d'emmener les

2 jeunes, les enfants à l'école. Cela est la vérité. On veut vous dire par là

3 que nous les avons terrorisés. Donc, il y a là deux extrêmes. On nous parle

4 d'extrême. On est à l'un et à l'autre bout de la corde.

5 Q. Mais M. Nice vous a demandé pourquoi vous avez réagi et de façon

6 émotionnelle à la mort du Sultan Turc Murat. Je n'ai pas compris, mais il a

7 voulu qu'on voie un enregistrement vidéo. J'aimerais bien qu'on voie cet

8 enregistrement vidéo pour entendre la réaction, votre réaction à vous

9 concernant la mort de ce sultan turc il y a 600 ans ?

10 R. Il y en a eu deux de tuer. Le Roi Lazar et le Sultan Murat turc. Cette

11 image ne m'a jamais été montrée.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont du mal à entendre. C'est à peine

14 audible.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Mais cela c'était un chant populaire, c'est un chant populaire épique

17 pour d'après ce que j'ai pu entendre.

18 R. Oui, j'ai cité Radovan Becirovic. C'est lui qui a écrit les vers de la

19 bataille du Kosovo et à côté du monument aux héros du Kosovo, j'ai récité,

20 j'ai récité les vers d'un poète. Honte à eux, et honte aux médias de la

21 Grande-Bretagne d'avoir ainsi porté atteinte à l'intégrité de leurs

22 fonctions.

23 Q. Bien. Cela a été une bonne chose que d'entendre.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ce journaliste était

25 conscient du fait que vous récitiez un poème épique populaire.

Page 38712

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est que je leur ai dit. Je leur ai dit,

2 il y a un poète populaire qui a rédigé des vers et je leur ai cité les vers

3 de ce chant populaire.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Mais on voit en Serbe que c'est un poème puisque cela rime. Il n'a fait

6 autre chose que cité un poème épique populaire qui se rapporte à cette

7 bataille du Kosovo. On l'a emmené sur le site de la bataille et lui a

8 récité un champ épique populaire. Bon, on a résolu la question.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] En ce qui me concerne, vous pouvez verser cette

10 pièce au dossier autant que vous le voudrez, mais qu'on voie un peu la

11 nature de la pièce à conviction que vous versez au dossier.

12 M. MILOSEVIC : [interprétation]

13 Q. Bon. A présent, je ne serais pas d'accord.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est tout à fait dénué

15 d'importance.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne serais pas d'accord pour dire que cela

17 est dénué d'importance, mais c'est important parce que cela a été fait de

18 façon tendancieuse.

19 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être tout ceci

20 devait être vérifié pour déterminer s'il y a utilisation tendancieuse ou si

21 cela reflète le fait que ce témoin a fait son apparition dans le programme

22 en question. Je n'ai pas le temps de vérifier tout ceci, mais la

23 documentation complète est disponible et vous pouvez vous pencher dessus.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, ce qui me perturbe et

25 c'est le fait que vous faites constamment référence à cette pression de

Page 38713

1 temps. Nous ne sommes efforcés et grandement de satisfaire tout un chacun.

2 Nous n'avons probablement pas réussi mais nous nous sommes efforcés de

3 fournir aux deux parties en présence suffisamment de temps pour la

4 présentation des éléments à charge et à décharge. Toute personne comprendra

5 toute la difficulté qu'il y a de conduire un procès aussi important, un

6 procès de cette taille dans le cadre de limite de temps raisonnable. Il

7 appartient aux parties de choisir ce qu'elles vont présenter.

8 Maintenant, si vous vous référez à un extrait d'un film et que si, par la

9 suite, vous découvrez qu'il y a une réponse à ce que vous vouliez monter en

10 exergue, cela nous trouble que d'entendre par la suite des complaintes

11 disant, ou des plaintes disant que cela est dû à un manque de temps. Cela

12 est dû à la façon dont est préparé la présentation d'éléments de preuve.

13 Pour ce qui est de nous aider dans le cadre d'un temps qui vous est

14 justement et équitablement imparti.

15 M. NICE : [interprétation] Non, il ne s'agit pas d'une plainte, mais il

16 s'agit de la reconnaissance de pressions auxquelles nous sommes exposées.

17 S'agissant d'un exemple comme celui-ci, il s'agit du moins, à mon avis,

18 qu'il s'agisse là d'une réponse à ce que nous aurions allégué. J'ai dit que

19 cela a été pris dans un contexte qui a été affirmé comme étant un élément

20 sorti de son contexte et il faut toujours que nous puissions explorer en

21 partie ou à part entière, s'agissant des points que je veux examiner dans

22 le cadre de mon contre-interrogatoire. Ce sont là les difficultés réelles

23 auxquelles je suis exposé. Il ne s'agit pas là d'un manque de respect vis-

24 à-vis des décisions que vous avez faites, mais une fois que nous avons

25 identifié certains points comme, par exemple, le cas d'Enver Hoxha, je n'ai

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1 plus traité que de cet élément-là pour ne pas m'exposer au risque de me

2 faire reprocher une absence de référence à ce que le témoin a mentionné.

3 S'agissant maintenant de l'extrait qui a vraiment été très bref. Je n'ai

4 rien dit d'autre si ce n'est qu'il y avait un contexte de clip et que tout

5 un chacun pouvait prendre connaissance du contexte.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nice, je

7 ne pense pas que ce procès échoue ou faillisse à son objectif si nous ne

8 nous penchions que sur cet extrait.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Bulatovic, M. Nice a dit qu'un secrétaire exécutif du comité

12 central --

13 R. Il a dit un nom --

14 Q. Mica Jakovljevic.

15 R. Je ne connais pas cet homme.

16 Q. Indépendamment du fait de le connaître ou de ne pas le connaître, là

17 n'est pas l'importance. Dans les circonstances dans lesquelles vous avez

18 vécu vous-même, dans les protestations que vous avez effectuées, y a-t-il

19 eu quelqu'un à même de venir de Belgrade pour vous dire ce qu'il fallait

20 que vous disiez vous-même ?

21 R. Si nous avions cela, nous ne saurions pas trouver dans la situation

22 dans laquelle nous nous sommes trouvés. Nous étions une population qui ne

23 savait plus à quel saint se vouer. Nous avons rédigé des pétitions,

24 personne n'y prenait -- n'y accordait attention. Les violences de Prekally,

25 et les violences nous avons dit qu'elles ont été les violences; il y a eu

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1 un rassemblement de protestation. Les gens ont pris la parole. Je ne suis

2 pas allé dans ce village mais le seul village au monde où sous pression des

3 terroristes et fascistes albanais on les a obligés de mettre un panneau à

4 la fin -- au bout du village pour recenser les familles. Sur 22 maisons

5 dans les villages serbes, il y en avait eu 21 à vendre, donc on a dit à

6 vendre, et c'est un cas unique.

7 J'ai une photo où la femme porte un fusil et l'enfant devant porte

8 une fourche et, derrière, deux petites filles portent des sauts pour

9 ramener de l'eau depuis la source. Vous imaginez un peu dans quelles

10 circonstances cette population a pu vivre là-bas. Je n'ai aucune parole, il

11 n'est aucun propos pour décrire chose pareille. Lorsqu'on s'est entretenu

12 avec moi, il faudrait deux ans pour vous raconter tout cela et il faudrait

13 aller sur place, sur le cite, et discuter avec la population, les gens de

14 là-bas pour déterminer la vérité vraie. Ici, on a tout enveloppé dans des

15 espèces…

16 Q. Merci, Monsieur Bulatovic. M. Nice a dit au sujet de ce rassemblement à

17 Kosovo Polje lorsqu'il a parlé de l'incident survenu entre la police et les

18 citoyens. Il a affirmé qu'il y a eu des violences de planifier.

19 R. Pas du tout.

20 Q. Savez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet d'une planification

21 quelconque de violence ?

22 R. Je vous garantis devant ce Tribunal. Je veux bien qu'on me juge aussi.

23 Si quiconque saurait prouver une allégation pareille. Maintenant, ce qu'on

24 veut laisser entendre et les différentes blagues qui ont couru, c'est autre

25 chose. Mais je suis originaire de Kosovo Polje, comment voulez-vous qu'on

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1 planifie quelque chose sans que je le sache. Il semble que les autres ne le

2 sachent pas. Donc, c'est une plaisanterie, rien d'autre.

3 Q. Monsieur Bulatovic. M. Nice a affirmé que 200 personnes avaient des

4 pistolets, étaient armées de pistolet. Dites-nous d'abord, est-ce que

5 quiconque a tiré à l'occasion se ce rassemblement ?

6 R. Personne.

7 Q. Est-ce que quelqu'un a entendu ou vu que d'aucun portait des

8 pistolets ?

9 R. Non, cela n'a rien à voir avec la vérité. Comprenez une chose, une

10 bonne fois pour toute, si on avait un seul avec une arme, la police était

11 là pour surveiller toutes les personnes qui étaient venues au

12 rassemblement. On ne sait pas ce que cet homme là serait devenu. Quelle

13 arme, il n'en est pas question d'armes. J'ai dit à la population à tout

14 endroit et la population a prêté attentive à ce que je disais. Je disais

15 que nous ne voulions rien faire si ce n'est de façon pacifique.

16 M. LE JUGE ROBINSON : Le témoin ne peut vraiment pas dire si quiconque

17 aurait vu ou pas vu que quelqu'un avait effectivement une arme sur lui.

18 Mais continuez.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Est-il contesté ou pas, le fait qu'il n'y a pas eu usage d'armes ?

21 R. Il n'y a aucune contestation à ce sujet. C'est inventé, monté de toute

22 pièce.

23 Q. Monsieur Bulatovic, vous souvenez-vous du fait que dans les journaux on

24 avait publié un rapport, un texte qui émanait d'une commission du SUP de

25 haut niveau fédéral disant que la police avait eu recours à la force de

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1 façon injustifiée à l'encontre des citoyens ?

2 R. Je m'en souviens très bien.

3 Q. Monsieur Bulatovic. M. Nice vous a posé la question de savoir d'où les

4 Serbes du Kosovo avaient-ils, s'étaient-ils arrogés le droit de faire

5 tomber le gouvernement de la Serbie et du Monténégro. Alors, vous, mais

6 quand je dis, vous, je ne pense pas à vous en personne, je parle et vous et

7 des autres Serbes du Kosovo, est-ce que vous êtes allés effectivement faire

8 tomber le gouvernement du Monténégro et du Kosovo ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous êtes allé au Monténégro et en Vojvodina pour réclamer

11 de l'aide ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'à l'occasion de l'interrogatoire principal, lorsque nous

14 avons parcouru les activités qui étaient les vôtres, est-ce que nous avons

15 soulevé des questions au sujet de la visite que vous avez effectuée à la

16 direction du Monténégro pour réclamer de l'aide ?

17 R. Oui. Mais, j'ai répondu brièvement. Je vous le redirai ici, en présence

18 des Juges de la Chambre. Je vous dirais que nous étions huit à être partis

19 au comité central du Monténégro et nous étions censés être reçus par

20 Dobroslav Culafic, le président du comité central du Monténégro.

21 Mais, à sa place, c'est le secrétaire du comité de la Ligue des

22 communistes, Velika Vuksanovic; qui nous a reçus. Nous avons été reçus par

23 un autre membre du comité central, Angl Kokovacovic [phon]; et la réunion a

24 duré quelques deux heures, deux heures et quelques. Nous lui avons présenté

25 tout ce qui se passait à l'encontre de notre population au Kosovo et

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1 Metohija et nous lui avons demandé s'il pouvait nous aider d'une façon

2 quelque chose afin que l'on mette un terme à tout ceci afin que nous

3 puissions rester sur ces territoires. Si vous n'êtes pas en mesure de le

4 faire, nous leur avons dit, mais, dites-le nous ouvertement; dites-nous que

5 vous n'allez pas nous apporter votre soutien parce que dans ce cas là, nous

6 allons nous lancer vers un exode, tous ensemble.

7 C'est la vérité, c'est la raison pour laquelle, il y a eu un exode en

8 date du 20 juin 1986. Un cordon de police a fait stopper cette population

9 et s'est placé sur la route et j'étais à Baric; chez Mijo Baric, je n'étais

10 pas au Kosovo, mais on m'a déclaré coupable. Ils ont arrêté la colonne qui

11 avait quitté avec des tracteurs, des remorques, avec leurs meubles, ils se

12 sont dirigés vers la Serbie centrale. Cela ne leur convenait; à ce moment-

13 là. Maintenant, ce qu'il leur conviendrait c'est que tout la population du

14 Kosovo et Metohija quitte le territoire, c'est ce qui se passe de nos jours

15 et cela ne va pas tarder à être une réalité, donc cela ne sera pas la faute

16 d'un groupe de nationales parce que c'est ce qu'on nous a dit. Si nous

17 avions été des nationalistes --

18 Q. Merci, merci. Très bien, Monsieur Bulatovic. Vous êtes allé au

19 Monténégro et en Vojvodina pour parler de vos problèmes ?

20 R. De nos problèmes, oui.

21 Q. Pas pour renverser le gouvernement ?

22 R. Bien sûr que non. Nous ne mêlions pas de ce genre de chose.

23 Q. Fort bien. Finalement, M. Nice vous a dit que les manifestations

24 estudiantines de 1981, enfin, soi-disant estudiantines, avaient eu lieu en

25 raison de la répression subie par les étudiants albanais. Seriez-vous au

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1 courant de l'existence d'une quelconque répression qui aurait entraînée la

2 révolte des étudiants, ou plutôt, quelle a été la raison des manifestations

3 de 1981 au Kosovo-Metohija ?

4 R. Monsieur le Président, il n'est pas exact que ceci ait eu quoi que ce

5 soit à voir avec quelconque répression. La raison c'était qu'ils

6 demandaient la création d'une république du Kosovo pendant ces

7 manifestations. C'était cela la raison. La dernière fois que Tito au Kosovo

8 à l'hôtel Grand, selon certain, il semblerait qu'il aurait dit, il ne sera

9 pas question de la Grande Albanie, il ne sera pas question d'une séparation

10 du Kosovo-Metohija par rapport à la Serbie. Vous devez admettre de vivre de

11 façon pacifique en tant que citoyens obéissants de cette république, de cet

12 Etat. Ils étaient mécontents.

13 Quand Tito est mort, à peine un an après, ils ont organisé ces

14 manifestations, Monsieur Robinson. Ils demandaient en public que le Kosovo

15 devienne une république. Ils n'ont jamais parlé d'une quelconque terreur

16 qu'ils auraient subie, ils demandaient que le Kosovo soit une république ou

17 rien. C'était le mot d'ordre de base.

18 Q. Merci, Monsieur Bulatovic.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je n'ai plus de questions

20 pour ce témoin.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Bulatovic, ceci met un

22 terme à votre déposition. Nous vous remercions d'être venu au Tribunal.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez maintenant vous retirer.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui ? Merci, Monsieur Robinson. J'aimerais

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1 faire une brève déclaration devant la Chambre de première instance si vous

2 m'y autorisé avant de repartir pour le Monténégro, si vous m'y autorisé,

3 c'est court.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, Messieurs les Juges de la

6 Chambre, avant de rentrer chez moi, je désire vous dire quelque chose.

7 D'abord, selon la décision rendue par vous, je suis censé revenir à La

8 Haye, le jeudi 5 mai, afin de rencontre compte de l'Accusation à mon

9 encontre pour outrage.

10 La deuxième chose que je voudrais dire c'est que je suis venu ici en tant

11 que témoin de la Défense du président Slobodan Milosevic, avec les

12 meilleures intentions et sans penser une seconde qu'un quelconque problème

13 pourrait surgir.

14 Troisièmement, en présence du président Slobodan Milosevic, j'ai répondu à

15 toutes les questions qu'il m'a posées ainsi qu'à celles de l'Accusation. Je

16 crois avoir démontré le respect que j'accordais à chacun.

17 Quatrièmement, en l'absence du président Slobodan Milosevic, donc, dans des

18 conditions absolument différentes, il ne m'a plus été possible de continuer

19 à témoigner.

20 Cinquièmement, mes intentions, en aucun cas, n'avaient pour but de faire

21 obstacle ou de freiner le procès, bien au contraire. L'intention, depuis le

22 début et ce jusqu'au bout, était de participer à l'éclatement de la vérité,

23 pour que la justice soit respectée dans des conditions équitables et

24 égales. A mon avis, l'honneur et la justice ce sont les deux valeurs les

25 plus importantes. Donc après une semaine de déposition, je rentre chez moi

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1 avec la conscience tranquille, conscient que j'ai su d'avoir rempli mes

2 obligations vis-à-vis de la vérité, vis-à-vis de la justice, vis-à-vis de

3 mon peuple, vis-à-vis de mon Etat, et vis-à-vis de mon président.

4 Finalement, je voudrais saisir l'occasion pour présenter mes meilleurs vœux

5 à mon président, M. Slobodan Milosevic, à qui je dis à bientôt à Belgrade.

6 Quant à vous, je tiens à vous remercier de votre patience, pour m'avoir

7 écouté car je ne suis pas un homme politique, et il est probable que je

8 n'ai pas su m'exprimer à la perfection dans mes déclarations, donc j'ai

9 peut-être été un peu long. Je vous remercie.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Bulatovic. Vous

11 pouvez vous retirer.

12 [Le témoin se retire]

13 M. NICE : [interprétation] J'aimerais revenir à des questions

14 administratives. En particulier, s'agissant de certaines pièces à

15 conviction qui ont été utilisées au début de la déposition de ce témoin.

16 Je fais cela pendant que le témoin quitte le prétoire. La Chambre se

17 souviendra des pièces à conviction 856 et 856.1 qui datent de la déposition

18 du Témoin Dobricanin, il s'agit de documents qui ont été établis par M.

19 Saxon, mon collègue où il a été question d'analyse, d'empreinte digitale,

20 sur base de document de l'époque.

21 M. Saxon a passé en revue rapidement les documents disponibles, --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Nice.

23 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] [aucune interprétation]

25 M. NICE : [interprétation] M. Saxon a découvert deux noms qui ne figuraient

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1 pas sur la dernière version de ce document. Nous demandons le remplacement

2 des pièces à conviction 856 et 856.1, par deux nouveaux documents dont je

3 demande la distribution. Vous constaterez que ces deux noms figurent bien

4 sur une page du document, la première page au niveau des numéros 6 et 7.

5 Les deux noms manquants se trouvent en première page du document.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice. Avant que

7 d'appeler dans le prétoire le prochain témoin, je rends la décision de la

8 Chambre au sujet de la pièce à conviction soumise dans le cadre de la

9 déposition de Mme le Juge, Marinkovic. Le problème s'est posé au cours du

10 contre-interrogatoire.

11 L'Article B92, intitulé, Vérité perturbante du 8 mars 2002, dont l'auteur

12 est Natasa Kandic est un article de presse qui n'a pas été accepté par le

13 témoin pendant sa déposition.

14 Autre article, celui de Borba, relatif à la pétition, il a été retiré.

15 Ensuite, dix certificats médicaux qui décrivent l'état de santé de personne

16 blessée au cours du procès intenté à la police. Aucune contestation

17 d'authenticité pour ces documents. Ils doivent être versés au dossier en

18 tant que pièce à conviction unique, décomposée en dix intercalaires.

19 J'attends simplement quelques instants que Mme l'Huissière puisse procéder

20 à la -- que Mme la Greffière puisse donner une cote à ce document. Il

21 s'agit d'une pièce à conviction décomposée en dix intercalaires.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce B864 -- de la

23 pièce D864. -- de la pièce 864.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Ensuite, protestation de

25 Fazli Bala [phon], télégramme de Fazli Bala adressé au ministère de

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1 l'Intérieur et sa protestation devant le tribunal régional. Aucune

2 contestation au sujet de l'authenticité. Ces documents sont versés au

3 dossier en qu'une pièce à conviction divisée en trois intercalaires.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, il

5 s'agira de la pièce 865.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ensuite, rapport numéro 16. Rien

7 dans ce rapport n'a été établi par le truchement du témoin, le document

8 n'est pas versé au dossier, et rejeté.

9 Ensuite, déclaration et vidéos de trois Albanais du Kosovo, dont le

10 versement est demandé pour contester des déclarations préalables selon

11 lesquelles ces hommes auraient été membres de l'UCK. Ces documents sont

12 rejetés.

13 Dernier élément, il s'agit de la note officielle du Procureur relative à

14 Racak, pièce admise au dossier.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 866.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Milosevic, témoin

17 suivant.

18 Nous n'avons pas entendu ce que vous avez dit, veuillez allumer votre

19 micro.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin suivant est M. Jasovic. Je le vois

21 d'ailleurs qui entre dans le prétoire.

22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande au témoin de prononcer la

24 déclaration solennelle. Veuillez prononcer la déclaration je vous prie. Le

25 texte qu'on vous tend sur ce morceau de papier.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 LE TÉMOIN: DRAGAN JASOVIC [Assermenté]

4 [Le témoin répond par l'interprète]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Vous pourrez vous asseoir.

6 Monsieur Milosevic, vous pouvez commencer l'interrogatoire principal.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

8 Interrogatoire principal par M. Milosevic :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jasovic.

10 R. Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Monsieur Jasovic, où et quand êtes-vous né ?

12 R. Le 20 septembre 1953, à Pec.

13 Q. Quelle est votre formation, autrement dit quelles études avez-vous

14 faites ?

15 R. J'ai fini mes études primaires et secondaires à Pec, et j'ai obtenu un

16 diplôme universitaire à la faculté de Skopje, dans le domaine de la

17 sécurité.

18 Q. Étant donné que s'agissant des événements dont il est question ici,

19 c'est-à-dire, les événements du Kosovo-Metohija, vous êtes intervenu en

20 tant qu'employé du ministère de l'Intérieur de la Serbie, veuillez nous

21 dire depuis quand vous travaillez pour le ministère et si vous travaillez

22 pour ce ministère encore aujourd'hui ?

23 R. Au ministère de l'Intérieur, c'est-à-dire, au secrétaire aux Affaires

24 intérieures du secrétariat d'Urosevac, j'ai obtenu mon emploi le 1er juillet

25 1975. Encore aujourd'hui je suis enquêteur criminel, c'est-à-dire,

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1 inspecteur du SUP d'Urosevac, qui a été transféré temporairement à Leskovac

2 depuis 1999.

3 Q. Veuillez nous dire en quelques mots dans quel secteur vous avez

4 travaillé depuis 1975, puisque vous venez de dire que c'est la date de

5 votre premier emploi au ministère de l'Intérieur ?

6 R. Depuis 1975, jusqu'en mai 1981, j'étais policier au poste de police de

7 Stimlje, un poste de police qui dépend du secrétariat aux Affaires

8 intérieures d'Urosevac. En mai 1981, j'ai été nommé chef adjoint du poste

9 de police d'Urosevac, poste que j'ai occupé jusqu'en 1986. En 1986, j'ai

10 été transféré au département des enquêtes criminelles, dans le cadre des

11 enquêtes menées pour crimes de droit commun à Urosevac. Ce sont ces mêmes

12 fonctions d'inspecteur intervenant dans des enquêtes criminelles que je

13 remplis aujourd'hui.

14 Q. Cela fait plus de 20 ans que vous êtes inspecteur aux enquêtes

15 criminelles au poste de police d'Urosevac ?

16 R. Oui.

17 Q. Si nous tenons compte des réponses que vous venez de faire, pouvons-

18 nous en conclure que vous connaissez bien la municipalité de Stimlje, aussi

19 bien sur le plan des habitants résidant dans cette ville, que des rapports

20 entre les habitants, de la géographie, de la configuration du terrain, de

21 la réalité de Stimlje. Je constate que vous y travaillez depuis plus de 20

22 ans. Pouvons-nous également conclure que vous connaissez bien Urosevac,

23 autrement dit tous les lieux qui sont au centre de l'affaire qui nous

24 intéresse ici ?

25 R. Il est permis de conclure que je connais bien le territoire de la

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1 municipalité de Stimlje, ainsi que le territoire d'Urosevac, car j'ai

2 travaillé dans ces localités. Je connaissais la configuration du terrain

3 comme d'ailleurs tous les habitants de la région de Stimlje et d'Urosevac.

4 Q. Par rapport à la situation des rapports interethniques de Stimlje et

5 Urosevac, Dites-moi, je vous prie, lorsque vous avez été transféré à

6 Urosevac dans le cadre professionnel, est-ce que vous avez interrompu vos

7 contacts professionnels avec ceux qui travaillaient au poste de police de

8 Stimlje, et plus généralement dans la région ?

9 R. Mes relations ne se sont pas interrompues avec eux car j'ai continué à

10 venir de temps en temps au poste de police de Stimlje, qui dépend également

11 du secrétariat à l'intérieur d'Urosevac.

12 Q. Monsieur Jasovic, dites-nous : puisque nous constatons que cela fait

13 plus de 20 ans, même 30 ans d'ailleurs depuis 1975, plus de 30 ans que vous

14 êtes policier professionnel, y a-t-il eu des plaintes déposées par les

15 habitants ? Là je n'entre pas dans la question de savoir s'il s'agissait

16 d'Albanais, de Serbes ou de personnes ayant d'autres appartenances

17 ethniques, mais y a-t-il eu la moindre plainte, quant à votre travail en

18 tant que professionnel de la police au cours de cette période ? Je ne vous

19 demande pas si ces plaintes étaient justifiées ou pas, je vous demande

20 simplement si elles ont existé.

21 R. Il n'y a eu aucune plainte contre moi de la part d'Albanais out de

22 Serbes. Ceci d'ailleurs peut être vérifié auprès du ministère de

23 l'Intérieur d'Urosevac, qui vient d'être transféré à Leskovac.

24 Q. Dites-nous, Monsieur Jasovic, quelle était la composition ethnique de

25 ceux qui travaillaient pour la municipalité d'Urosevac, au secrétariat

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1 municipal aux Affaires intérieures ? Pourriez-vous d'abord nous parler de

2 la situation générale de ce point de vue, c'est-à-dire de la situation au

3 cours de 90 dernières années, après quoi nous en viendrons à une période

4 plus circonscrite, c'est-à-dire 1998, 1999 ?

5 R. Je ne saurais vous donner les pourcentages exacts, mais je sais que

6 jusqu'en 1998, 1999, enfin jusqu'en 1999, ceux qui travaillaient au

7 secrétariat aux Affaires intérieures d'Urosevac étaient majoritairement des

8 Albanais, qui d'ailleurs occupaient les postes les plus importants dans ce

9 secrétariat. En 1999, il y avait une dizaine de personnes qui y

10 travaillaient, et qui étaient des Albanais ayant conservé leur emploi au

11 sein de ce secrétariat. Avdi Musa et Azem Haliti, par exemple,

12 travaillaient aux enquêtes criminelles au SUP d'Urosevac, dans le

13 département de la criminalité organisée, donc ils avaient à traiter des

14 délits et des crimes importants. Il y en avait un autre, Hebib Koku, par

15 exemple, qui était inspecteur chargé des vols les plus importants au

16 secrétariat aux Affaires intérieures de Kacanik, un autre poste de police

17 qui dépend de celui d'Urosevac, Bedri Qerimi, par exemple, qui travaillait

18 au poste de police de Stimlje, et un autre Albanais chargé des crimes

19 sexuels au département responsable des homicides.

20 Q. Cela suffira, mais un élément de précision, Monsieur Jasovic, je vous

21 prie. Les quelques inspecteurs dont vous venez de citer les noms étaient

22 vos collègues, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. C'étaient des Albanais qui étaient des inspecteurs et qui ont travaillé

25 jusqu'à la fin de la guerre en 1999, sans changer de poste ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. Ils avaient le même travail que vous et l'ont gardé jusqu'à la fin au

3 Kosovo et à Metohija, n'est-ce pas ?

4 R. Jusqu'au 12 juin 1999 et ensuite nous avons quitté la région du Kosovo

5 et Metohija.

6 Q. Tous ces inspecteurs de police dont vous avez cité les noms, qui

7 étaient des Albanais, ont travaillé et ont conservé leur emploi jusqu'au

8 bout. Mais dites-moi, je vous prie, et je ne parle pas uniquement de ceux

9 qui ont gardé leur emploi jusqu'au bout, mais il y a sans doute eu un

10 certain nombre d'Albanais qui ont quitté leur emploi dans les rangs de la

11 police dans les années 1990 ? C'est en tout cas une idée qui a été

12 largement répandue. Mais est-ce que cette idée correspondait également à la

13 réalité au SUP d'Urosevac ?

14 R. Dans les années 1990, en effet, une majorité d'Albanais qui

15 travaillaient pour le ministère de l'Intérieur au secrétariat d'Urosevac

16 ont quitté leur emploi.

17 Q. Savez-vous pour quelles raisons ils ont quitté leur emploi ?

18 R. Moi-même et mes collègues avons discuté avec ces hommes et ils nous ont

19 dit que s'ils devaient conserver leur emploi, ils seraient qualifiés de

20 traîtres au peuple albanais. Ils se verraient séparer des autres Albanais

21 de souche et ils ont dit qu'ils avaient peur pour leur sécurité personnelle

22 et pour la sécurité de leur famille si tel devait être le cas.

23 Q. Avez-vous eu, y compris sur le plan personnel, la chance de discuter

24 avec certains de ces hommes qui ont quitté leur emploi dans la police ?

25 R. Je dirais que de façon générale, nous avons discuté avec tous nos

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1 collègues qui travaillaient aux enquêtes criminelles. Nous les avons priés

2 de rester, de ne pas quitter leur emploi.

3 Q. Vous venez de dire qu'ils ont quitté leur emploi sous contrainte, une

4 contrainte exercée par leurs concitoyens albanais. Je vous demande s'il y a

5 eu un seul cas, au poste d'Urosevac où vous travaillez vous-même, un seul

6 cas d'un homme qui aurait été démis de ses fonctions pour diverses raisons,

7 et notamment le fait éventuellement qu'il aurait été d'appartenance

8 ethnique albanaise ?

9 R. Pas un seul homme n'a été démis de ses fonctions ou n'a été traité

10 d'une façon différente des autres, au motif qu'il était d'appartenance

11 ethnique albanaise.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jasovic, vous avez dit il y a

13 quelques instants que jusqu'en 1999, la majorité des hommes qui

14 travaillaient pour le ministère de l'Intérieur dans votre région étaient

15 des Albanais. A l'instant, vous dites qu'un grand nombre d'entre eux ont

16 quitté leur emploi en 1990. Je lis le compte rendu d'audience, vous avez

17 dit : "En 1990, une majorité des professionnels albanais ont quitté leur

18 emploi." Est-ce bien ce que vous avez répondu ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirai ici que la majorité des albanais qui

20 travaillaient pour notre secrétariat ont quitté leur emploi à l'automne

21 1990. Avant cette date, la majorité de ceux qui travaillaient pour le

22 secrétariat aux affaires intérieures étaient d'appartenance ethnique

23 albanaise. J'ai peut-être fait une erreur de date tout à l'heure.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais quelle était la situation en

25 1999 ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1999, comme je l'ai déjà dit, une dizaine

2 de policiers et d'autres employés d'appartenance ethnique albanaise

3 travaillaient au SUP d'Urosevac.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sur un total de combien ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous dire combien y avait-il au

6 total de personnes d'une autre appartenance ethnique dans notre

7 secrétariat.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Puisque le Juge Bonomy vient de poser cette question, il serait peut-

11 être utile de l'approfondir un petit peu. En fait, vous venez de citer un

12 certain nombre de noms de vos collègues qui étaient des enquêteurs, des

13 inspecteurs, des policiers, qui travaillaient au SUP d'Urosevac jusqu'au

14 mois de juin 1999.

15 R. C'est exact.

16 Q. C'est ce que vous avez dit. J'ai pris note ici. Vous avez mentionné

17 l'inspecteur chargé des vols aggravés, Avdi Musa, est-ce exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Puis vous avez mentionné Azem Haliti, qui était lui aussi inspecteur ?

20 R. Oui.

21 Q. C'étaient vos collègues ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Ils travaillaient dans le même bâtiment que vous ?

24 R. On travaillait dans le même bâtiment, au troisième étage du secrétariat

25 aux affaires intérieures.

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1 Q. Ces deux personnes que vous avez mentionnées travaillaient dans le même

2 bâtiment que vous ? Par la suite, je vais vous poser une autre question. Je

3 vais vous présenter un certain nombre d'allégations qui ont été formulées

4 ici, comme quoi vous auriez cherché à faire des choses inacceptables et

5 cetera. Tous ces Albanais sont restés dans le même bâtiment que vous

6 jusqu'à ce que vous quittiez le Kosovo et Metohija en juin 1999 ?

7 R. C'est exact.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais devoir vous interrompre. Le

9 temps de l'interruption de séance est arrivé, nous allons lever la séance

10 pour 20 minutes.

11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 17.

12 --- L'audience est reprise à 12 heures 42.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous en prie, continuez, Monsieur

14 Milosevic.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Jasovic, vous avez dit qu'Avdi Musa, l'inspecteur, travaillait

17 dans la police criminelle, jusqu'à ce que vous vous soyez retiré du Kosovo,

18 en juin 1999; est-ce exact ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Savez-vous ce qui est advenu de lui après votre retrait de Kosovo ?

21 R. Mon collègue Avdi Musa, après notre départ, quand nous avons quitté le

22 Kosovo-Metohija, les terroristes albanais de l'UCK et ce, devant la cour de

23 sa maison à Urosevac, a été blessé grièvement par des armes à feu. Le 16

24 juin 1999, il est décédé au centre hospitalier de Pristina à cause des

25 blessures graves qui lui avaient été infligées, à ce moment-là.

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1 Q. Il a été pratiquement tué, il a été grièvement blessé et il est décédé

2 deux jours plus tard ?

3 R. Oui, c'est exact.

4 Q. Qu'est-il advenu de l'inspecteur Haliti que vous avez mentionné ?

5 R. Azem Haliti, à une date qui n'a pas été déterminée, pendant la deuxième

6 moitié du mois de juin 1999 et ce, de la part des terroristes albanais de

7 l'UCK, il a été enlevé par la force, il a été sorti de sa maison familiale.

8 Q. Est-il en vie ?

9 R. Cet homme, un mois plus tard, s'est vu libéré et d'après ce qu'on en

10 sait, il se trouve chez lui dans sa maison, à Urosevac.

11 Q. Comment est-ce que vous expliquez le fait qu'il y en ait eu un qui a

12 été tué et que l'autre ait été libéré ?

13 R. Oui, l'explication est la suivante : Azem Haliti avait des amis, avait

14 des liens de parenté dans les villages Petrovo, Racak, Dramljak, Malopoljce

15 et c'est là qu'était situé le noyau des états-majors de l'UCK. D'après ce

16 que j'en sais, cet homme n'a pas été tué parce qu'il avait des liens de

17 parenté et si ceci s'était produit, ses proches auraient eu des problèmes

18 avec l'UCK.

19 Q. Grâce à l'intervention de ses parents ?

20 R. Oui, probablement à cause de leur intervention.

21 Q. Dites-moi un petit détail. Est-ce que vous avez l'occasion de voir les

22 Albanais d'Urosevac ou de ce secteur, compte tenu du fait que vous

23 travaillez toujours au ministère de l'Intérieur du SUP d'Urosevac qui a été

24 déplacé ?

25 R. Je suis toujours employé du SUP d'Urosevac. Comme je vous ai dit, à

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1 titre temporaire, il a été délocalisé à Leskovac et dans ce même

2 secrétariat, on voit venir se présenter des Albanais pour des démarches

3 administratives, pour recevoir un passeport, une pièce d'identité et

4 d'autres pièces. Un certain nombre de ces Albanais souhaitent me voir,

5 souhaitent me parler; je l'accepte toujours. Lorsque je leur parle, dans le

6 cadre de ces entretiens, ils m'apprennent qu'encore, aujourd'hui, au

7 Kosovo-Metohija, c'est la terreur qui règne de la part des ex-membres de

8 l'UCK; ils sont, aujourd'hui, membres de l'armée nationale albanaise; puis,

9 ils subissent aussi la terreur de la MINUK, de la police secrète.

10 Ils se livrent à la terreur à l'encontre des Albanais qui connaissaient,

11 qui fréquentaient des ressortissants serbes, qui souhaitaient une vie

12 commune et à l'envers des Albanais qui connaissaient des membres de la

13 police.

14 Q. Très bien. M. Jasovic, vous avez mentionné ces quelques exemples, ces

15 policiers qui étaient vos collègues, qui sont restés travailler jusqu'au

16 bout. Est-ce que vous savez s'il y a eu des Albanais qui travaillaient pour

17 la Sûreté de l'Etat et qui travaillaient sur le territoire de votre

18 municipalité ? J'aimerais savoir s'il y en a eu dans la Sûreté de l'Etat,

19 je me réfère à l'année 1999.

20 R. Oui, j'ai compris. Jusqu'à notre sortie, autrement dit, jusqu'au 12

21 juin 1999, ce que je sais, c'est que dans le secteur de la Sûreté de

22 l'Etat, à Urosevac, il y avait, parmi les inspecteurs Hisni Topali et

23 Bajram Luri; aujourd'hui, ils vivent toujours à Urosevac. C'est là qu'ils

24 sont restés.

25 Q. Connaissez-vous le nom Qerimi Bedri ?

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1 R. Oui, je connais le nom Qerimi Bedri. Il s'agit d'un policier du poste

2 de police de Stimlje. Lui, il a continué de travailler dans ce poste de

3 police jusqu'à ce qu'on parte, jusqu'à ce qu'on quitte le Kosovo-Metohija,

4 en d'autres termes, jusqu'à la date du 12 juin 1999.

5 Q. Très bien. Je ne vais plus vous poser de questions au sujet des

6 Albanais qui travaillaient dans les rangs de la police.

7 Savez-vous ou plutôt, connaissez-vous des noms de certains Albanais qui ont

8 été des victimes des actes de violence parce qu'ils n'ont pas voulu faire

9 partie de l'UCK, dans votre secteur ?

10 R. Oui. Je connais un certain nombre de noms de ces Albanais, mais je

11 tiens à ajouter que les terroristes albanais de l'UCK ont commis des actes

12 de violence à l'encontre des Albanais qui ne souhaitaient pas rejoindre

13 l'UCK, à l'envers des Albanais qui fréquentaient des Serbes, qui

14 connaissaient des membres de la police et ils prenaient pour cible,

15 également, des Albanais qui, dans des entreprises d'Etat ou dans des

16 institutions d'Etat et à l'envers, également, des Albanais qui s'opposaient

17 aux actes de violence et à la terreur.

18 Q. Très bien, Monsieur Jasovic. D'après la déposition du juge

19 d'instruction, Mme Marinkovic, pour ce qui est des événements de Racak, on

20 a présenté un certain nombre de preuves, un certain nombre de documents de

21 teneur diverse.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que vous

23 allez passer au cœur de la déposition de ce témoin ? Du moins, c'est ce que

24 j'espère.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, absolument. Je pense que c'est ce qui nous

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1 intéresse au premier chef parce qu'il fallait montrer qu'il a eu des

2 collègues albanais, au moment des événements; qu'un certain nombre d'entre

3 eux ont été des victimes de violence; après notre repli du Kosovo-Metohija,

4 après notre départ et d'après ce que vous voyez, il sait des choses sur le

5 traitement qui a été réservé aux Albanais qui vivaient au Kosovo-Metohija

6 et qui travaillaient dans les services d'Etat et ce, de la part de l'UCK.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Je vous en prie, poursuivez.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Au sujet de la déposition du juge d'instruction,

10 Mme Marinkovic et au sujet des événements de Racak, un certain nombre de

11 documents ont été présentés, on voit, parmi les signataires, votre nom et

12 le nom de Momcilo Sparavalo, l'un de vos collègues. Tout d'abord, pourriez-

13 vous me dire en quelle qualité, vous avez pris part aux enquêtes concernant

14 les événements de Racak ?

15 R. Tout de suite après les événements du village de Racak, la municipalité

16 de Stimlje ou plutôt après le conflit entre les terroristes albanais de

17 l'UCK et les membres du SUP de la police d'Urosevac, sur demande du

18 procureur public, aux fins d'enquête, on a procédé à toutes sortes

19 d'entretiens d'informations avec des membres de la communauté albanaise, au

20 sujet des événements qui se sont déroulés concrètement à Racak, au sujet du

21 nombre de membres de l'UCK, leur armement et également, au sujet des

22 déplacements, des mouvements et des activités des membres de l'UCK.

23 Q. Dites-moi seulement, pour commencer : d'après ce que vous en saviez,

24 avant les événements de Racak, dans cette zone qui était sous la compétence

25 de votre ministère de l'Intérieur, il y avait combien de membres de l'UCK,

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1 dans la région de Racak ?

2 R. Sur le territoire de Stimlje, pas seulement du village de Racak et pour

3 ce qui est des villages aux environs, tout ceci a fait l'objet de notre

4 intérêt parce que depuis le mois de juin 1998 jusqu'au 15 janvier 1999, le

5 jour où s'est produit l'incident du village de Racak et ce, de la part des

6 membres albanais de l'UCK, un grand nombre d'attaques terroristes avaient

7 été menées et ces attaques prenaient pour cible des civils serbes, aussi

8 bien que des civils albanais et des membres de l'UCK. D'après les

9 entretiens d'information, les déclarations, les notes officielles et des

10 informations, nous avons recueilli un certain nombre de données, à savoir

11 que l'état-major de l'UCK, au village de Racak, comptait entre 80 et 100,

12 voire 120 membres de l'UCK.

13 Q. Très bien. Monsieur Jasovic, en tant qu'inspecteur du ministère de

14 l'Intérieur d'Urosevac et ce, avant l'incident du

15 15 janvier, est-ce que vous aviez des informations concrètes recueillies

16 grâce à votre travail au sujet des activités de l'UCK à Racak et dans les

17 environs, portant sur leurs activités ?

18 R. Même avant les événements du village de Racak, comme je viens de dire,

19 suite à des entretiens d'informations avec des membres de la communauté

20 albanaise, nous avons appris que dans le village de Racak et dans les

21 villages des alentours, dans la municipalité en question, qu'on a constitué

22 des états-majors de l'UCK.

23 Q. Très bien. Monsieur Jasovic, comment vous êtes-vous procuré des

24 informations portant sur les membres de l'UCK sur ce territoire ?

25 R. Pour ce qui est des attaques terroristes menées par l'UCK, nous, en

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1 tant que service, nous avons intensifié nos activités pour élucider ces

2 actes, pour connaître, identifier les auteurs de ces crimes. Nous avons

3 procédé à grand nombre d'entretiens d'informations avec des albanais de

4 souche qui pouvaient nous fournir les informations voulues. Je tiens aussi

5 à préciser que moi ainsi que mes collègues, que nous avions des

6 informateurs, nous avions des contacts amicaux qui nous ont fourni des

7 informations au sujet des attaques terroristes, au sujet du nombre des

8 membres de l'UCK, leurs déplacements, leurs activités.

9 Q. Très bien. Monsieur Jasovic, vous venez de mentionner des informateurs,

10 des contacts que vous aviez. Lorsque vous parlez d'informateurs, il s'agit

11 d'agents que vous aviez parmi les membres de la minorité albanaise ?

12 R. Oui. Exclusivement, j'entends par là, les membres de la communauté

13 albanaise qui, de leur propre chef, ont cherché à coopérer avec les

14 organes, les autorités de la République de Serbie. C'est de là que vient ce

15 grand nombre d'informations sur les membres de l'UCK.

16 Q. Très bien. Mais de quelle attaque terroriste il s'est agi avant

17 l'incident de l'attaque ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

18 Vous rappelez-vous ce qui s'est produit, quelles en ont été les

19 conséquences ?

20 M. NICE : [interprétation] Il y a peut-être une question qui se pose

21 maintenant. Le témoin, est-ce qu'il va s'appuyer sur les renseignements

22 qu'il a recueillis et qui ne sont pas accessibles à la Chambre ou au bureau

23 du Procureur ? Ce problème s'est déjà posé avec un témoin russe et je me

24 rappelle quelle a été l'approche adoptée par la Chambre. Mais peut-être, il

25 serait peut-être intéressant qu'on jette les fondements de manière un peu

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1 plus détaillée, avant qu'on ne s'appuie sur des éléments de renseignements.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, essayez de

3 savoir tout d'abord quelles sont les connaissances directes que le témoin

4 en a; s'il va parler des informations qu'il a reçues, il convient que vous

5 sachiez d'où proviennent ces informations et est-ce qu'il est en mesure de

6 nous communiquer ses sources.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur Jasovic, je vous prie de répondre à la question que vient de

10 formuler M. Robinson. Lorsque vous évoquez ces choses-là, est-ce que vous

11 vous appuyez sur vos connaissances directes, est-ce qu'il s'agit de choses

12 que vous avez appris directement, d'individus qui vous ont communiqué cela

13 ou est-ce que vous avez reçu cela par voie indirecte ?

14 R. Ici, je vous parle en me fondant sur les déclarations faites par des

15 individus albanais qui venaient de leur propre chef, pour faire rapport au

16 sujet des attaques terroristes. Il y a eu aussi des Albanais qui ont été

17 interpellés et amenés par le secrétariat aux Affaires intérieures qui se

18 trouvait dans les zones touchées par la guerre ou à des endroits suspects

19 et aussi, je me fonde sur des entretiens avec des informateurs ou sur des

20 entretiens avec des contacts amicaux.

21 Q. Vous tenez compte de l'ensemble de ces informations ?

22 R. Oui.

23 Q. Dites-nous très brièvement de quel genre d'attaque terroriste, il s'est

24 agit avant l'incident de Racak, dans la même zone.

25 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi d'interrompre

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1 encore une fois, mais je n'ai pas l'impression qu'on a reçu une réponse à

2 la question, à savoir, est-ce que tous ces éléments vont nous être

3 accessibles ou est-ce qu'il va y avoir des choses qui ne pourront pas être

4 communiquées parce qu'ils sont de nature confidentielle ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais poser la question. Monsieur

6 Jasovic, vous avez dit que vous avez reçu des informations, à la fois, des

7 Albanais et des Serbes --

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Des Albanais ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Des Albanais, oui. Est-ce que vous

10 êtes en mesure de nous communiquer ces informations ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des notes officielles, il y a des

12 déclarations; on a cela ici, derrière les onglets, dans le classeur.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez dire qu'il s'agit

14 d'informations qui sont contenues dans ce classeur qui contient les

15 documents, les documents qui font l'objet de votre déposition ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivons.

18 M. MILOSEVIC : [interprétation] J'espère que vous allez pouvoir me

19 répondre, maintenant, à la question. Quelles sont ces attaques terroristes

20 dont il s'est agi, avant l'incident de Racak ?

21 R. Après la création des états-majors de l'UCK sur le territoire de la

22 municipalité de Stimlje, que ce soit au village de Racak ou dans les

23 villages des alentours, les terroristes albanais de l'UCK ont fortifié le

24 terrain, ont creusé des tranchées, des casemates, ils ont créé des

25 fortifications dont ils se sont servies comme des bases pour mener des

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1 attaques à l'encontre des civils tant albanais que serbes.

2 En juin 1998, les terroristes albanais ont coupé la voie de communication

3 qui reliait Stimlje à Crni Vrh et Prizren et après avoir dressé leurs

4 postes de contrôle, ils se sont livrés à des enlèvements des civils tant

5 albanais que serbes. Pendant cette période-là, il y a eu un grand nombre

6 d'attaques terroristes menées à l'encontre des membres de la police et à

7 l'encontre des ressortissants albanais de souche serbe sur la route. A

8 cette occasion, on a tué un nombre assez important de policiers et aussi de

9 Serbes et d'Albanais.

10 Q. Monsieur Jasovic, je vous en prie. Je pensais que vous en aviez

11 terminé.

12 R. Je ne pourrais pas me rappeler tous les noms, cependant, je dirais que

13 : le 25 juillet 1998, on a tué Sladjan Miric, un policier. Le 31 juillet

14 1998, dans ce secteur, on a tué Peric Miroslav, un employé du SUP

15 d'Urosevac et, à cette occasion, on a blessé deux autres employés du SUP

16 d'Urosevac.

17 Le 2 août 1998, on a tué un policier, Boro Stevanovic. En octobre 1998, on

18 a tué un autre policier, Ranko Djordjevic. Pendant cette période-là, on a

19 tué Alurin Nazmi, un civil albanais, Resani Miftar, un autre civil

20 albanais, Enver Gashi, et je n'arrive pas à me souvenir d'autres noms.

21 Pendant cette même période, le 27 juin 1998, dans le village Gornje

22 Godance, il y a eu enlèvements, dans leur maison familiale, de plusieurs

23 civils albanais : Suceri Zumberi, Vesel Ahmeti et Agim Ademi. Le 29 juin

24 1998, au centre du village de Crni Vrh, municipalité de Stimlje, les

25 terroristes albanais de l'UCK ont arrêté un autocar qui avait une plaque

Page 38741

1 d'immatriculation de Djakovica. Sont montés à bord de cet autocar, des

2 membres de l'UCK qui étaient armés, ils avaient des fusils automatiques et

3 ils portaient des uniformes de camouflage. Les insignes qu'ils portaient

4 étaient des insignes de l'UCK. Ils sont montés à bord de cet autocar, et

5 ils ont posé des questions pour savoir s'il y avait des Serbes à bord de

6 celui-ci. A cette occasion, on a sorti de l'autocar, et ce par la force,

7 Bakrac Vojko, son fils Ivan Bakrac, Genov Stamen qui était un officier

8 d'active et Cuk Djordje.

9 Q. Qu'est-il advenu de ces individus-là ?

10 R. D'après ce que nous en avons appris, ils ont été emmenés à la prison de

11 Lapusnik de triste notoriété. Bakrac Vojko et Bakrac Ivan, ce en passant

12 par la Croix Rouge internationale, ont été libérés le 6 juillet 1998,

13 tandis que pour ce qui est de Genov Stamen et Cuk Djordje, leur sort nous

14 est resté inconnu. A en juger d'après les informations que nous avons

15 recueillies, ils ont été liquidés, c'est-à-dire, qu'ils ont été tués sur le

16 site de Velika Stena qui surplombe Lapusnik, la municipalité de Glogovac.

17 Q. Très bien. Vous venez de citer un nombre suffisant d'exemples. Dites-

18 moi à présent, puisque vous étiez inspecteur précisément dans ce secteur,

19 compte tenu de la fréquence de ces attaques, vous citez un certain nombre

20 de dates, à commencer par le milieu de l'année 1998, donc compte tenu de la

21 fréquence de ces attaques, compte tenu de l'importance de la gravité des

22 conséquences, d'après vous, pourquoi on n'a pas tenté d'arrêter ces

23 terroristes dans la zone de Racak avant, à une date antérieure ?

24 R. Pouvez-vous me répéter la question encore une fois ?

25 Q. Je vous ai posé la question suivante : compte tenu de la fréquence de

Page 38742

1 ces attaques, vous avez mentionné un certain nombre d'attaques terroristes

2 qui ont commencé par l'année 1998, compte tenu de l'importance de ces

3 attaques, compte tenu des conséquences, parce que plusieurs personnes ont

4 été tuées comme vous venez de le dire, est-ce que vous pouvez nous fournir

5 une explication quelle qu'elle soit ? Pourquoi n'a-t-on pas cherché à

6 prendre des mesures contre ce groupe de Racak avant la date du 15 janvier ?

7 R. Probablement qu'on a estimé que c'est à ce moment-là qu'il fallait

8 mener une action pour repérer, pour capturer les auteurs des actes

9 terroristes, d'attaques terroristes. Personnellement, je ne pourrais pas

10 vous en dire plus. Je suppose que mes supérieurs, le chef du secrétariat

11 aux Affaires intérieures d'Urosevac en sait plus.

12 Q. Très bien. Monsieur Jasovic, dans ce classeur que nous avons ici, il y

13 a aussi un certain nombre de déclarations. Il s'agit de déclarations que

14 vous avez recueillies vous-même et vos collègues dans le cadre de votre

15 travail, dans le cadre de vos fonctions lorsque vous cherchiez à recueillir

16 les informations sur les membres de l'UCK. Avant d'examiner ces différentes

17 déclarations, j'aimerais savoir la chose suivante : d'après la forme de ces

18 déclarations, sont-elles toutes comparables ? On cite toujours tout d'abord

19 la date, l'heure, le nom de la personne qui fait une déclaration. Ensuite,

20 on voit votre signature, on voit la signature de Momcilo Sparavalo, votre

21 collègue. Puis parfois, il y a une autre signature. D'après leur forme,

22 est-ce que ces déclarations se présentent toujours sous une forme

23 comparable ? Est-ce que c'était la procédure habituelle, est-ce que c'est

24 comme cela que vous recueilliez les déclarations en votre qualité

25 officielle ?

Page 38743

1 R. Oui, c'est exact. Moi, ainsi que mon collègue, Momcilo Sparavalo, et ce

2 pour toutes ces déclarations, nous les recueillions conformément au code de

3 procédure pénale. Donc, on recueillait des déclarations écrites. Chacun de

4 ces documents est un document authentique, et je peux l'affirmer si le

5 document en question a été signé par la personne ayant donné la

6 déclaration, ainsi que moi-même et mon collègue Momcilo Sparavalo.

7 Q. Très bien. Cela, c'est pour ce qui est de la similitude entre ces

8 différentes déclarations ?

9 R. Oui.

10 Q. Maintenant, je vous renvoie à la première déclaration, la date est

11 celle du 22 août 1998.

12 R. C'est quel onglet ?

13 Q. C'est l'onglet 1.1. L'avez-vous retrouvé ?

14 R. Oui, je l'ai trouvé.

15 Q. Très bien. Est-ce que c'est bien une déclaration qui a été recueillie

16 le 22 août 1998 ?

17 R. Oui, c'est exact. C'est une déclaration que nous avons recueillie moi-

18 même et mon collègue Momcilo Sparavalo, le 22 août 1998.

19 Q. Très bien. Cette déclaration concerne-t-elle des informations ayant à

20 voir avec les activités de la soi-disant UCK dans le secteur de Racak et

21 dans les environs ?

22 R. Oui, c'est exact. Il faut savoir que c'est un individu qui s'est rendu

23 au secrétariat aux Affaires intérieures de son propre chef. Il s'est rendu

24 au secrétariat d'Urosevac et il a donné des noms des membres de l'UCK,

25 probablement du village de Racak, Petrovo et d'autres villages, je n'ai pas

Page 38744

1 vérifié.

2 Q. Très bien. Vous venez dire, Monsieur Josavic, que cet homme est venu de

3 son propre chef, de sa propre initiative à Urosevac pour faire cette

4 déclaration ?

5 R. Oui.

6 Q. Dans la première phrase, je vais donner lecture.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'entends pas l'interprétation.

8 Ça va maintenant.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. "Je déclare que je suis membre du moulin Petrovo de Stimlje, que cela

11 fait un mois que les acheteurs n'ont pas osé acheter de la farine chez moi

12 en plus grande quantité de peur que cette farine ne leur soit prise par la

13 police. Il y a à peu près un mois, j'ai vu arriver au moulin de Stimlje,

14 Rama Isuf, fils d'Hamdija du village de Racak qui m'a dit que, sans aucun

15 problème, il pouvait transporter par son tracteur ma farine jusqu'au

16 village de Petrovo. J'ai accepté sa proposition, on s'est mis d'accord que

17 pour tous les mille kilogrammes de farine transportée, quant aux parties

18 pour le service, j'allais lui payer cent marks allemands. Je ne sais pas

19 exactement, mais je pense qu'Isuf Rama, avec son tracteur, sans aucun

20 problème a pu transporter douze tonnes de farine de Stilmlje au village de

21 Petrovo.

22 "Puisque je travaille pour l'argent, je vendais ma farine à des citoyens

23 honnêtes et aussi aux membres de la soi-disant UCK."

24 Pourquoi est-il venu vous voir ? Pour se plaindre de la police ou pour

25 faire une déclaration au sujet des activités de l'UCK ?

Page 38745

1 R. Cet homme est venu non pas pour se plaindre à l'égard des membres de la

2 police, mais pour faire une déclaration portant sur les membres de l'UCK.

3 Q. Dans cette déclaration, a-t-il fourni les informations telles que

4 perçues et connues par lui ou telles que voulues être données par lui ou

5 est-ce que vous lui avez posé des questions pour lui demander s'il

6 connaissait un tel, s'il l'avait vu et ainsi de suite ? De quelle façon la

7 déclaration en tant que telle a été recueillie ?

8 R. De son plein gré, de son propre chef, il est venu faire une déposition

9 étant donné qu'il est né au village de Petrovo, dans la municipalité de

10 Stimlje.

11 Q. A quelle distance de Racak sommes-nous ?

12 R. A deux kilomètres.

13 Q. Le village de Petrovo est à deux kilomètres de Racak ?

14 R. Oui. C'est relié au village de Racak.

15 Q. Bien. Dans sa déclaration, il a indiqué les noms des membres de l'UCK

16 originaires de ce village de Petrovo qui se trouvaient dans l'UCK dans le

17 village de Rance.

18 Q. Si besoin est, je peux vous donner lecture des noms et prénoms, je vous

19 demanderai à huis clos partiel et ceci pour la sécurité de l'intéressé, en

20 premier lieu.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons répondre favorablement

22 à la demande de ce témoin ?

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. NICE : [interprétation] J'aimerais être entendu à ce sujet. Si

25 j'ai bien compris la suggestion qui vient d'être faite pour ce qui est de

Page 38746

1 l'identification de certains membres de l'UCK, elle est censée être faite à

2 huis clos partiel, mais pour des raisons de sécurité de qui ? De la

3 sécurité de la personne qui a fait cette déclaration et qui est préoccupée

4 par sa sécurité ou s'agit-il de la sécurité de quelqu'un d'autre ?

5 La Chambre se souviendra très probablement du fait que nous avons eu des

6 cas analogues. Lorsque nous avons parcouru des déclarations de ce genre,

7 nous avons pu constater qu'on pouvait trouver tout à fait le contraire.

8 Nous n'avons pas, jusqu'à présent, pu le faire étant donné que nous avons

9 traité un nombre limité, relativement limité, de déclarations recueillies

10 et qui nous sont parvenues par le biais d'autres témoins auxquels se réfère

11 l'accusé.

12 Avec les 90 déclarations que nous avons ici, cela n'est simplement pas

13 possible, de notre point de vue à nous, cette documentation devrait être

14 présentée en public. Ce qui fait que ceux qui auront l'opportunité

15 d'écouter la transmission ou de lire le compte rendu d'audience pourraient

16 être à même de rectifier si besoin était. Nous estimons, bien entendu,

17 qu'il y a lieu de se plier à l'obligation d'être prudent pour ce qui est

18 des mesures de protection de particuliers, mais il faudrait que nous

19 déterminions exactement sur quel fondement l'on se base pour faire cette

20 demande.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en effet. Je vais d'abord

22 demander au témoin ce qui suit : la sécurité de qui se trouve-t-elle en

23 danger ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, pour être concret, je pense à la sécurité

25 de la personne qui a fait la déclaration et à la sécurité de sa famille.

Page 38747

1 Pourquoi ? Parce que de nos jours encore au Kosovo et Metohija, comme je

2 vous l'ai déjà dit, les ex-membres de l'UCK, (expurgée)

3 (expurgée) il est formulé des menaces à

4 l'encontre de ressortissants de leur propre groupe ethnique, parce qu'ils

5 ont fréquenté des ressortissants du groupe ethnique serbe ou encore été

6 amis avec des policiers.

7 Je tiens également à souligner ceci : ce sont des Albanais qui nous ont

8 fait savoir qu'entre le 12 juin 1999 à aujourd'hui, il a été tuées,

9 exécutées, plusieurs personnes du groupe ethnique albanais et toutes les

10 informations indiquent que ces exécutions ont été réalisées par d'ex-

11 membres de l'UCK. Si besoin est, je peux vous indiquer les noms des

12 personnes qui ont été tuées et dont j'ai encore souvenance.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Kay.

14 M. KAY : [interprétation] Il me semble qu'il convient de procéder à une

15 expurgation du compte rendu d'audience parce qu'il est fait état d'une

16 personne dont on donne le nom et la profession à l'intercalaire 1.1. Je

17 demande à ce que cela soit fait tout de suite.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cela va être expurgé. Le juré

19 de la Chambre se chargera de m'apporter la page pertinente.

20 M. KAY : [interprétation] Oui, certes. Il me semble que la personne qui a

21 fait la déclaration est celle qui est plus mise à risque que les personnes

22 qui sont mentionnées dans le document. Mais lorsqu'il s'agit d'une

23 documentation de ce type, nous devons certainement être conscients du fait

24 qu'il ne faut pas dévoiler des informations qui risqueraient de conduire ou

25 de mener jusqu'à l'identité de la personne qui a fourni ces dépositions.

Page 38748

1 Ceci doit être fait de façon appropriée. Nous avons sous les yeux un

2 document sous forme écrite, et cela peut être fait de façon assez directe.

3 On peut en parler de façon oblique afin d'éviter de dévoiler le nom de qui

4 que ce soit.

5 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, je suis désolé mais je

6 voudrais ajouter une phrase. Ceci est précisément ce qui crée le problème

7 qui nous préoccupe. Je voudrais aider la Chambre de première instance pour

8 attirer son attention sur ce qui figure au document sous l'intercalaire

9 1.51. Je disais bien, 1.51. Vous voyez tout à fait en haut, au 038, vous

10 allez pouvoir prendre connaissance d'une déclaration qui vous a déjà été

11 montrée et vers la moitié du texte, il y a une référence 0303248, version

12 anglaise certes. Vous allez reconnaître probablement ces déclarations.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 47.

14 M. NICE : [interprétation] C'est une déclaration que nous avons déjà pu

15 voir à l'occasion du témoignage d'un autre témoin auparavant. En cette

16 occasion-là, le témoin qui a rédigé cette déclaration a été mentionné sans

17 que nous ayons pris des mesures de protection quelconque au sujet de la

18 personne qui a faite la déclaration et, cette fois-là, la personne qui a

19 fait ces déclarations a dit tout à fait le contraire. Je sais que ceci n'a

20 pas été versé au dossier. La question est tout à fait autre. A ce moment-

21 là, nous avions eu la possibilité de présenter ces déclarations, et il me

22 semble que cela s'est fait dans l'affaire Limaj, et quoi que je n'y aie pas

23 directement pris par moi-même, il me semble que cela s'est fait en audience

24 publique.

25 Je tiens à répéter ce qui nous préoccupe en l'occurrence, disais-je, ce qui

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1 nous préoccupe en l'occurrence, c'est de dire s'il y a des déclarations

2 émanant de personne comme celle-ci, et s'il n'y a quoi que ce soit à

3 raconter au niveau des circonstances dans lesquelles la déclaration a été

4 faite. Si nous en parlons à huis clos partiel, ce que nous disons nous ne

5 leur parviendrons pas, donc ils n'aurons pas l'opportunité de le contester,

6 et si nous ne sommes pas nous-mêmes à même de procéder à des enquêtes

7 concernant les circonstances dans lesquelles ces déclarations étaient

8 recueillies, alors la possibilité d'y remédier sans le faire en audience

9 publique, bien cette opportunité n'existera plus.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous quelque chose à dire,

11 Monsieur Milosevic ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. C'est ce que j'ai dit au tout début, j'ai

13 dit que j'ai cru comprendre qu'on pourrait se servir de ce nom, le témoin a

14 par la suite dit qu'il a supposé que c'était partant de sa conscience

15 professionnelle et connaissant la situation au Kosovo qu'il ne serait pas

16 bon de donner les noms des personnes qui sont toujours au Kosovo parce

17 qu'elles pourraient assumer des séquelles ou faire l'objet de représailles.

18 Etant donné qu'ils sont en péril, il a estimé d'une façon générale compte

19 tenu des circonstances prévalant au Kosovo qu'il ne serait pas souhaitable

20 d'exposer au péril la sécurité de ces personnes en donnant lecture des

21 intéressés ici en public.

22 A vous, maintenant, de juger du bien fondé de sa demande parce que jusqu'à

23 présent, je n'ai pas eu l'occasion de me pencher sur la question avec le

24 témoin lorsque je l'ai contacté. J'ai estimé qu'il fallait que nous allions

25 de l'avant s'agissant d'une demande de cette nature parce que, dès que l'on

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1 peut se douter de risques encourus par quelqu'un, il ne faudrait pas que

2 cette personne soit exposée à des dangers. On sait que la situation là-bas

3 : fait que toute personne faisant des déclarations se voient exposer à des

4 périls. Nous pouvons parler de documents sans pour autant mentionner le nom

5 de l'intéressé lorsque le témoin nous demandera de procéder ainsi.

6 Je suppose que cela ne passera pas la totalité des documents. Nous

7 pourrions le faire lorsqu'il le demandera.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, une partie du

9 problème réside dans précisément dans ce que vous venez de dire, le témoin

10 n'est pas à même d'identifier un péril particulier s'agissant de la

11 sécurité de l'intéressé, mais il s'agit d'un membre d'un groupe déterminé,

12 tout membre d'un groupe déterminé serait et pourrait être mis en péril. Il

13 n'y a rien de concret s'agissant de l'intéressé en tant que tel. Il y a

14 l'élément d'appartenance à un groupe. Nous allons délibérer à ce sujet.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] M. Nice et Me Kay, ou encore M.

17 Milosevic, savez-vous nous dire de quelle façon ce problème-là a été résolu

18 dans l'autre l'affaire dans laquelle ce même témoin a témoigné dans

19 l'affaire Limaj ?

20 M. NICE : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, il y a eu des

21 parties de témoignage qui ne correspondait pas du tout au témoignage fourni

22 ici de par ce qui a été fourni, ce qui a apporté sur les informateurs a été

23 donné à huis clos partiel. Ce que je sais, c'est ce que je peux vous

24 confirmer.

25 M. KAY : [interprétation] Bien. S'agissant du nombre de noms, nous n'avons

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1 pas été en mesure d'identifier quoi que ce soit, et de constater quoi que

2 ce soit. Je crois qu'il nous faudrait beaucoup plus de temps pour essayer

3 de le faire. Les trois noms qui sont mentionnés ici ont été prononcés en

4 audience publique de ce témoin à l'occasion du contre-interrogatoire. Les

5 autres noms, qui nous ont été communiqués à nous, n'ont pas l'objet de

6 présentation d'éléments de preuve dans l'autre affaire. Les documents que

7 nous avons dans notre affaire sont des documents en provenance de la

8 Défense, alors que, dans l'affaire Limaj, toute la documentation a été

9 utilisée autrement, étant donné que ce témoin-ci a été un témoin de

10 l'Accusation et la documentation a été présentée sous une autre forme.

11 S'agissant des documents qui nous sont rendus disponibles dans le classeur

12 mis à notre disposition, cela nous a été communiqué par le biais du témoin

13 tout comme le Témoin Marinkovic a apporté des documents dans ces classeurs

14 à elle, et ce sont là des déclarations qui sont censées illustrer les

15 enquêtes, les investigations diligentées par elle, à l'époque.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis quelque peu surpris parce que

17 ce témoin-ci n'est pas venu en s'attendant témoigner dans cette affaire-ci.

18 Il est venu pour témoigner dans une autre affaire, dans l'affaire Limaj, et

19 il doit forcément y avoir des déclarations d'ici qui ont été utilisées dans

20 l'autre affaire.

21 M. KAY : [interprétation] Je me trompe peut-être, mais c'est la conclusion

22 que j'ai tirée partant de ce que j'ai pu examiner. Cela nous demanderait

23 peut-être davantage de temps pour apporter des explications plus étoffées.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais si nous procédons à ce

25 témoignage en public, sans mentionner le nom, l'auteur de la déclaration,

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1 cela pourrait constituer une mesure de protection suffisante.

2 M. KAY : [interprétation] Oui, je crois que ce serait même assez prudent et

3 que cela devrait suffire. Parce qu'à notre avis, ce témoin-ci nous parle de

4 renseignements recueillis par lui alors qu'il était policier et de façon

5 évidente il est en train d'accomplir des tâches tout à fait autres à

6 présent.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai travaillé à l'époque de cette -- à

9 l'époque, où j'ai recueilli ces déclarations, j'ai travaillé -- j'ai fait

10 autre chose. Cela a été recueilli le 2 août -- le 22 août 1998.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a un malentendu au sujet de ce que M. Kay

13 a dit tout à l'heure, comme quoi il aurait recueilli ces déclarations alors

14 qu'il était policier et qu'il faisait autre chose. Dans un sens, plus large

15 du terme, il était policier et il est policier aujourd'hui. Il fait la même

16 chose à présent qu'avant. Il est inspecteur de police en matière de délits

17 et de la criminalité. Il était inspecteur de la police à l'époque, et il

18 est inspecteur de police maintenant. Il est au même poste de travail à

19 présent qu'à l'époque, où il a recueilli ces déclarations-ci.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons

21 poursuivre le témoignage en audience publique à condition de ne pas

22 mentionner les noms des personnes qui ont fait ces dépositions. Vous m'avez

23 bien compris ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je comprends. Je dirai toujours la

25 personne A, ou Milosevic pourra dire la personne mentionnée à

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1 l'intercalaire 1.1.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. La personne de l'intercalaire 1.1.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Jasovic, pensez-vous que cette personne pourrait être exposée

5 à des périls ?

6 R. Oui. Compte tenu de la terreur qui règne là-bas et je vous l'ai dit

7 qu'il a été tué bon nombre d'Albanais depuis 1992 à ce jour.

8 Q. Bien. Bien. Mais dans la déclaration que vous avez recueillie ici, au

9 bas de la page de cet original, de ces notes que vous avez consignées, vous

10 et votre collègue, Sparavalo, il est dit : "Que dans les rangs de l'UCK, il

11 figurait les personnes suivantes," et on énumère toute une série de noms.

12 Alors, j'aimerais savoir si c'est là des personnes originaires de Racak et

13 des environs, Rance, Racak, Petrovo. Veuillez nous indiquer, je vous prie.

14 Racak, Rance et Petrovo, est-ce un seul et même site dans un rayon d'un,

15 deux, voire même trois kilomètres ?

16 R. C'est exact. Entre Racak et Petrovo, il y a quelques deux kilomètres;

17 et entre Racak et Rance, il y a quelques trois kilomètres; et il y a autant

18 de kilomètres entre Petrovo et Rance. La personne A n'a fourni les noms des

19 membres de l'UCK, originaire de Petrovo parce qu'elles résidaient là-bas,

20 ainsi que les noms des membres de l'UCK, originaires de Racak, qui se

21 trouvaient dans les rangs de l'UCK dans le village de Rance ou un QG de

22 l'UCK a été créé début juin 1998.

23 Q. Fort bien. Lorsque vous aurez tourné la page, vous constaterez que la

24 liste se poursuit. En somme vous allez voir là qu'il y a une dizaine, voire

25 une quinzaine de noms de membres de l'UCK dont la description est fournie

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1 dans la déposition de cette personne ?

2 R. En effet.

3 Q. Au tout début on dit que le 22 août 1998, il y a eu une interview avec

4 l'intéressé et on donne ces renseignements personnels. Puis à la fin on a

5 encore écrit quelque chose avec une signature. On voit qu'il y a à la main

6 la date du 26 août 1998, juste sous la signature de la personne qui a

7 fourni cette déclaration.

8 R. Oui, Monsieur le Président. Il s'agit ici de la date et de la signature

9 à laquelle la déclaration a été transmise au département de la Sûreté de

10 l'Etat à Urosevac.

11 Q. Bien. Je voulais que vous nous l'expliquiez.

12 R. C'est ce que l'on pratiquait à chaque fois. Il y avait toujours une

13 date et une signature.

14 Q. Fort bien. Veuillez nous indiquer à présent, Monsieur Jasovic, ce qui

15 selon les informations qui vous sont parvenus, ce qui a été la cause

16 immédiate de cette opération à Racak ?

17 R. D'après ce que j'en sais le motif direct de cette intervention à Racak

18 a consisté en une attaque terroriste et assassinat d'un policier, Svetislav

19 Przic, qui a été tué dans l'une des maintes embuscades. Ce que je pourrais

20 dire en outre c'est que cette opération a été précédée, comme je l'ai dit,

21 par le meurtre et l'assassinat de Svetislav Przic, et entre juin et

22 janvier, date de son décès, il y a déjà plusieurs attaques terroristes à

23 l'encontre de policiers ou de civils du groupe ethnique tant Serbes

24 qu'Albanais.

25 Q. Bien. Penchons-nous à présent sur un renseignement tout à fait concret.

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1 A cette fin, je vous demanderais de consulter l'intercalaire 1.49. L'avez-

2 vous retrouvé ?

3 R. Oui, je l'ai retrouvé.

4 Q. Peut-on mentionner ou pas le nom de celui qui a fait ces déclarations ?

5 R. Je ne préférerais pas.

6 Q. Bien. Alors ici, vous avez recueilli une déclaration de la bouche de

7 cet homme, dont le nom figure ici. Je vous prie maintenant de nous donner

8 des commentaires au sujet de cette déclaration. Y voit-on des

9 renseignements au sujet du meurtre d'un policier ?

10 R. Je ne puis que confirmer l'authenticité de ce document. Cette

11 déclaration a été signée par la personne interviewée tout comme par moi-

12 même et mon collègue, Momcilo Sparavalo. Il s'agit également ici d'une

13 personne qui de son chef est venu au secrétariat à l'intérieur, à

14 Urosevac. D'après ce que je voie dans cette déclaration, il a fourni les

15 noms des membres de l'UCK dans le village de Malopoljce, à Stimlje,

16 municipalité de Stimlje, et a donné les noms ou l'identité des auteurs

17 présumés de cette attaque terroriste où il y a eu décès de Svetislav Przic,

18 policier dont on a parlé. Dans cette déclaration, il indique que les

19 personnes, membres de l'UCK, venaient du village de Malopoljce,

20 municipalité de Stimlje et que c'est eux qui auraient tué Svetislav Przic.

21 R. Aux fins du premier paragraphe de cette déclaration, il est question de

22 décrire leur vêtement, leur armement et leur milieu, ou plutôt vers la fin

23 du dernier tiers de ce paragraphe, il est question d'une attaque armée

24 contre une patrouille du MUP de Serbie, du MUP, du policier et, à la fin,

25 l'intéressé dit : "Qu'après cette attaque, l'assassinat du policier, ils

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1 ont été trois à retourner vers le village de Jezerce." L'intéressé, qui a

2 fait la déposition, "est retourné à Malopoljce." On fournit ici la

3 description de ce qui s'est produit après le meurtre de ce policier, c'est

4 bien de cela que parle la déclaration ?

5 R. Oui, le nom et le prénom de l'intéressé et un cousin à lui, lui aurait

6 raconté que dans une embuscade à proximité de la route nationale, Urosevac

7 Stimlje, vers le village de Slivovo, ils avaient ouvert le feu en direction

8 d'une patrouille de la police, qui venait de Stimlje qui se dirigeait vers

9 Urosevac. Il indique que c'était à l'arme automatique que cette personne --

10 Q. Bien. De quelle façon avez-vous recueilli cette déclaration. Tout ce

11 qu'on dit ici, ce que tout un chacun peut voir, cela a été traduit

12 d'ailleurs, mais de quelle façon avez-vous recueilli ces déclarations ?

13 R. Ces déclarations étaient recueillies en application du code de

14 procédure pénale, à savoir sous forme écrite. Comme je l'ai indiqué tout à

15 l'heure, je puis confirmer l'authenticité de ces déclarations du fait de

16 voir ces déclarations signées par l'intéressé, par moi-même et par Momcilo

17 Sparavalo.

18 Q. Monsieur Jasovic, est-ce que cette personne est venue de son propre gré

19 pour faire cette déclaration, ou est-ce que c'est une personne que vous

20 aviez arrêtée ?

21 R. C'est un homme qui est venu de son propre chef, parce que c'est

22 quelqu'un que je connaissais d'avant déjà.

23 Q. Fort bien. J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur

24 l'intercalaire 1.54. C'est une déclaration faite par une autre personne.

25 Cette fois-ci où on l'on parle d'événement qui se trouvait être en

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1 corrélation avec ceux de Racak. On verra à quelques intercalaires plus

2 loin, je souhaite que vous avez retrouvé le 1.54.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je suis désolé

4 d'avoir à vous interrompre. Je pensais qu'il n'y avait pas d'audience dans

5 cette salle d'audience dans l'après-midi, mais on vient de m'informer qu'il

6 y en a une. Cela signifie qu'il nous faut mettre un terme à nos travaux

7 d'aujourd'hui. Retenez la question que vous vouliez poser, et nous y

8 reviendrons demain matin.

9 L'audience est levée, elle se sera reprise demain matin à 9 heures 00.

10 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mardi 26 avril

11 2005, à 9 heures 00.

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