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1 Le jeudi 5 mai 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, hier vous aviez
7 pratiquement terminé l'interrogatoire du témoin s'agissant des allégations
8 découlant du paragraphe 63 et, plus précisément, dans son alinéa (e). Je
9 vous avais suggéré de terminer là-dessus, mais vous avez dit que vous aviez
10 d'autres questions à soulever. Pourriez-vous nous dire quels sont les
11 domaines que vous aimeriez évoquer dans le reste de votre interrogatoire
12 principal ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous le dire, je me propose d'en finir
14 avec ce point (e), qui parle d'expulsion; ensuite, brièvement je parlerai
15 du comportement des policiers en cas d'attaque aérienne, et la question de
16 subordination de la police à l'armée partant de l'expérience de ce colonel
17 qui était à Pec. Ensuite, on parlera de ce que la police a entrepris aux
18 fins d'empêcher les cas avec des séquelles fatales, et ce qui est contenu
19 dans les tableaux, puis une question au sujet de la coopération avec la
20 KFOR et la MUNIK, puis je souhaite parcourir certaines données numériques
21 qui figurent aux intercalaires. Ensuite, je dois m'attarder un peu plus
22 longtemps sur le point. Je vais vous dire tout de suite. C'est le 6(K).
23 Puisque le témoin était présent sur les lieux, cela se trouve sur son
24 secteur, la prison de Dubrava, nous avons un enregistrement vidéo qui
25 provient de la documentation liée à l'enquête.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce point semble être le domaine le
2 plus important, le plus substantiel pour ce qui est de la poursuite de
3 votre interrogatoire. Il est peut-être souhaitable que vous vous
4 concentriez là-dessus.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais me concentrer sur ce point-là très
6 certainement, Monsieur Robinson. Je voulais que l'on en finesse avec les
7 éclaircissements apportés sur les points précis.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Poursuivez.
9 LE TÉMOIN: RADOVAN PAPONJAK [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
12 Q. [interprétation] Mon Colonel, vous nous avez décrit hier, l'apparence
13 de ce centre de Pec, avec la masse de gens qui s'étaient rassemblés et
14 ainsi de suite, vous étiez sur place, n'est-ce pas ?
15 R. Oui
16 Q. Veuillez nous dire comment vous avez fait pour vous déplacer dans cette
17 foule ? Comment vous étiez vêtue ? Dites-nous si vous étiez armé; si oui,
18 comment ?
19 R. J'étais armé pendant tout ce temps de mon pistolet. J'avais mon
20 ceinturon, mon revolver et un uniforme de police avec mon grade.
21 Q. Vous étiez dans un uniforme de police dont le pistolet faisait partie ?
22 R. Oui.
23 Q. Aviez-vous une autre arme ?
24 R. Non, je n'en portais pas, jamais d'autre.
25 Q. Est-ce que vous étiez accompagné par un policier avec une arme longue,
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1 un canon long, j'entends pour vous escorter ?
2 R. Non.
3 Q. Est-ce qu'il y avait un cordon de police, au sujet du faible nombre de
4 policiers que vous avez mentionné, donc y avait-il des cordons de police à
5 quelque endroit que ce soit ?
6 R. Non, non.
7 Q. Cordon qui serait intervenu ?
8 R. Non. La population se trouvait sur les trottoirs et sur la place. Dans
9 la rue, on avait ménagé un passage, mais ce n'était pas la police qui avait
10 ménagé ce passage. Il y avait une espèce de passage qui permettait aux
11 voitures de passer. Je suis arrivé jusqu'au centre, jusqu'au siège de la
12 municipalité, sur la place.
13 Q. Bien. Vous nous avez décrit que personne ne s'était adressé aux
14 citoyens et c'est les citoyens eux-mêmes qui s'étaient servis de mégaphone
15 pour prendre la parole ?
16 R. Exactement.
17 Q. Quand est-ce que les citoyens ont quitté la place ?
18 R. Je ne peux pas dire qu'ils ont quitté. Je crois qu'ils s'en sont allés
19 au fur et a mesure. Il y avait un grand nombre de personnes, certains s'en
20 allaient, d'autres arrivaient. Ce ne s'est pas fait en une heure ou deux;
21 en un jour ou deux, peut-être.
22 Q. Ils se rassemblaient pendant un jour ou deux, certains arrivaient,
23 d'autres partaient.
24 R. Oui, exactement.
25 Q. Vous avez également dit que vous avez vu des autocars.
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1 R. Oui.
2 Q. Mais vous avez dit que vous n'avez pas vu de camions ?
3 R. Non. J'ai dit que j'ai vu des autocars qui transportaient des
4 personnes. J'ai vu des camions aussi, mais je ne les ai pas vu transporter
5 des gens. Je n'ai pas pu voir ce qu'il y avait sous les bâches.
6 Q. Bien. Dites-nous maintenant, dans ce point(e), on dit qu'à Prizren, les
7 albanais de Kosovo ont été forcés à quitter les autocars et ainsi de suite.
8 Est-ce que les autocars circulaient régulièrement entre Pec et Prizren ?
9 R. Il y avait plusieurs lignes, des lignes régulières entre Djakovica-Pec,
10 Belgrade-Pec, Prizren-Pec, et cetera.
11 Q. Bien. Mais je voulais seulement que nous déterminions ce qui suit.
12 S'agissant de cette ligne Pec-Prizren --
13 R. Oui.
14 Q. -- est-ce qu'elles allaient jusqu'à Prizren, ou elles allaient jusqu'à
15 la frontière albanaise ?
16 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas ce qui se
17 passait sur le territoire de Prizren. Je peux parler de ce qui se passait
18 sur mon territoire à moi -- dans mon secteur à moi.
19 Q. Indiquez-nous encore, dans quelle direction s'en allaient les gens qui
20 quittaient la ville.
21 R. Ils allaient dans toute direction possible. Ils s'en allaient vers
22 Prizren, en passant par Decani et Djakovica, puis vers Pristina en passant
23 par Klina, puis en direction de Mitrovica vers Istok, et vers le Monténégro
24 en passant par Kula.
25 Q. Ce sont les quatre directions qui permettaient de quitter la ville.
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1 Donc, le nord Mitrovica, puis au sud Pristina, au sud-est vers Prizren,
2 vers l'ouest pour aller au Monténégro ?
3 R. Exactement. Il y avait une autre direction en passant par Cakor, par le
4 canyon de Rugova, mais c'est un itinéraire vers avec une route en macadam
5 et la route était assez mauvaise, ce qui fait qu'on a évité. Les serbes
6 l'évitaient constamment parce que ce terrain était gardé par l'UCK. Il y a
7 eu plusieurs enlèvements de serbes et d'albanais dans ce secteur et le
8 terrain était considéré comme étant tout à fait impraticable du point de
9 vue de la sécurité.
10 Q. Tirons des conclusions maintenant. Est-ce que vous êtes en train de
11 nous affirmer qu'aucune autorité -- vous avez, d'abord, dit que l'armée ne
12 s'y trouvait pas du tout et qu'il n'y avait que la police, et que les
13 autorités n'ont pas obligé les citoyens à quitter la ville de Pec.
14 R. C'est ce que j'affirme. On ne pouvait pas les obliger de toute manière.
15 Comment pouvez-vous obliger une telle masse de gens à s'en aller ? Enfin,
16 tous ceux qui exercent mon métier savent que, s'il y a 10 000 personnes, 10
17 policiers ne peuvent rien faire. Même quand ils voudraient, 50 ou 100
18 policiers ne sont pas à même de les déplacer s'ils ne veulent pas bouger.
19 Nous avons eu des expériences de cette nature depuis le tout début des
20 manifestations massives au Kosovo-Metohija. Aucune sorte d'effectif
21 policier ne saurait apporter une solution quelconque.
22 Q. Indiquez-nous maintenant quel a été le comportement des policiers
23 prévus pour les attaques aériennes.
24 R. En cas d'attaques aériennes, notre objectif c'était de situer
25 l'emplacement de l'attaque. Si ce n'était pas, par exemple, à l'endroit que
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1 nous sommes en mesure de voir. Il s'agit de localiser l'endroit, d'arriver
2 au plus vite là-bas et de faire en sorte que les blessés soient évacués,
3 qu'on leur vienne en aide pour sécuriser les lieux, et procéder à un
4 marquage pour le cas où il y aurait des bombes à fragmentation qui
5 resteraient sans avoir exposé au précédent. Donc, procédez à des activités
6 liées au constat sur les lieux. Je précise qu'il y a des endroits où nous
7 ne pouvions pas accéder et ils étaient inaccessibles parce que sous
8 contrôle de l'UCK, du moins pour ce qui est des routes d'accès, ce qui fait
9 que nous n'avons pas pu procéder à un certain nombre de constats sur les
10 lieux.
11 Pour ce qui est des plaintes au pénal, nous n'en avons pas présenté
12 du tout, nous avons fait que recenser les cas d'attaques.
13 Q. Pendant cet état de guerre - et nous sommes en train de parler de ce
14 que vous savez nous dire au sujet du secrétariat de Pec - est-ce qu'il y a
15 eu ce resubordination de la police vis-à-vis de l'armée ?
16 R. Oui.
17 Q. Sous quels aspects cela s'est-il fait ?
18 R. Du point de vue des activités de combats. S'il y a eu des activités de
19 combats, les membres de la police sont resubordonés à l'armée. Dans le
20 cadre de la sécurisation du terrain, voir de l'assainissement du terrain,
21 ils sont chargés de ce type de tâches.
22 Q. Mais, outre ce type d'activités, la police avait à faire quoi ?
23 R. La police devait exercer ses fonctions normales. S'il n'y avait pas
24 d'opération de combat - et je dirais qu'à l'époque - nous n'avons pas eu
25 d'opération de combat, du moins pas sur le terrain où j'étais. Nous avons
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1 fait notre travail régulier.
2 Q. Lorsqu'il y a eu remplacement de nos effectifs par les effectifs de la
3 KFOR, dans quelle mesure la population serbe a-t-elle quitté le Kosovo-
4 Metohija et, si oui, quand l'a-t-elle fait ?
5 R. S'agissant de mon secteur, je dirais que pratiquement tous sont partis.
6 Pour ce qui est du secteur de Pec, il est resté quelque mille habitants
7 dans les villages de Gorazdevac, et une vingtaine de personnes au village
8 de Sokolac. Les autres sont partis, tous.
9 Q. Est-ce qu'à l'époque il y a eu des crimes perpétrés contre les serbes ?
10 R. Mais c'est la raison précisément pour laquelle les serbes s'en allaient
11 de cette raison. Après l'arrivée des effectifs de la KFOR, après la prise
12 du contrôle à l'égard du territoire, par leurs soins, et j'ai été celui qui
13 a remis aux forces de la KFOR, les compétences qui étaient les nôtres, ils
14 avaient garanti la sécurité de toutes les personnes et ils avaient garanti
15 le rétablissement de l'ordre public, mais cela ne s'est pas produit. Peut-
16 être en même temps qu'au moment où ils sont arrivés, il est arrivé des
17 membres de l'UCK, en uniforme. Ils ont patrouillé dans la ville, ils ont
18 cherché soi-disant des criminels serbes, des membres de l'armée ou de la
19 police. Ils vérifiaient les pièces d'identité des gens. Ils emmenaient bon
20 nombre de ces personnes, ils faisaient irruption dans les maisons. Un grand
21 nombre de personnes ont été tuées, plus de 50 personnes ont été tuées. Bon
22 nombre de femmes ont été violées puis tuées; on a même tué des enfants, des
23 vieillards.
24 La population a quitté ces maisons, et je suis parti, moi-même, le 25
25 juin, donc, 14 jours après leur arrivée.
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1 Q. Ce que vous venez de décrire ressemble à une situation chaotique avec
2 des crimes en masse ?
3 R. C'est précisément comme cela que cela s'est passé.
4 Q. Mais KFOR a-t-elle réalisée sa mission qui était celle de sécuriser la
5 population ?
6 R. Non. Ils ont ouvertement dit qu'ils ne pouvaient pas nous garantir
7 notre sécurité, cela s'est fait après le 20 juin, lorsque des colonnes
8 interminables d'Albanais arrivaient, affluaient. Comme des sauvages ils
9 faisaient irruption dans la maison, ils occupaient la maison, ils
10 chassaient les Serbes de là. Alors, les forces de la KFOR nous ont dit
11 qu'elles ne pouvaient pas nous garantir notre sécurité et c'est sous leur
12 protection à eux que nous avons quitté les lieux. Il s'agissait de convois
13 entier de Serbes protégés par les forces de la KFOR avec des chars, des
14 véhicules blindés.
15 Q. Peut-on dire, puisque nous sommes en train de nous pencher sur la
16 période entière qui fait l'objet de votre témoignage, et dans ces
17 documentations ici, il est bon nombre de renseignements. Peut-on partant de
18 là dire que tous les morts Albanais et Serbes ou membres des autres
19 minorités ethniques ou communautés ethniques ont été retrouvés parce que
20 chez vous on a constaté dans le détail tous les cas individuels recensés
21 dans la documentation ?
22 R. Non, on ne peut pas dire qu'on a découvert tous les cadavres. Tout
23 simplement, nous n'étions pas en mesure de le faire. Il y a eu bon nombre
24 d'endroits qui nous étaient inaccessibles. Ensuite, les membres de -- qu'on
25 appelait l'armée de libération du Kosovo, ont évité ou plutôt ont emportés
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1 leurs morts de là où ils se trouvaient. Ils emportaient les autres aussi
2 avant que nous n'arrivions, ils emportaient ces cadavres pour plusieurs
3 raisons. Parce que, si nous retrouvions les morts nous allions les
4 identifier et notre attention allait être centrée sur l'identification et
5 les mesures de poursuite en justice à prendre. C'était l'une des raisons.
6 Ils voulaient dissimuler leurs propres crimes, ce qui fait que les
7 Serbes tuaient. Tous les cadavres qu'ils pouvaient trouver ont été
8 dissimulés. Nous ne pouvions pas nous rendre sur les lieux dans l'immédiat
9 parce qu'il y avait danger d'être attaqué -- des risques d'être attaqué, et
10 les constats devaient être réalisés avec une sécurisation très ample des
11 lieux. Cela ne s'est pas fait seulement en 1999, mais cela était le cas en
12 1997 et 1998. En 1997, nous avons dû d'abord sécuriser en profondeur les
13 lieux pour être prêts à riposter une attaque éventuelle et, ensuite,
14 seulement une équipe d'enquête venait avec un Juge d'instruction ou sans
15 Juge d'instruction; c'est ce qui se passait en 1997 et tout au fil, tout au
16 long de l'année 1998. Lorsqu'on a procédé à un constat sur les lieux sur ce
17 qui est du décès de Vasic Desimir, nous avons sécurisé les lieux avec un
18 hélicoptère.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête, Monsieur Milosevic,
20 pour donner le temps de poser une question.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais vous demander quelque
22 chose, permettez-moi d'intervenir brièvement.
23 Monsieur Paponjak, dans le document que nous avons examiné hier,
24 l'intercalaire 1.4, vous avez parlé des pertes humaines, des décès dans le
25 cadre de conflits armés; est-ce qu'on vous remettre l'espace de quelques
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1 instants ce document ?
2 Dans ce document, il y a mentions de beaucoup d'incidents à partir du 25
3 juin jusqu'au mois de juillet, même jusqu'au mois d'août. Je suppose que
4 c'est là le récit d'incidents qui ont fait l'objet d'enquête ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois d'abord voir de quoi il s'agit ici
6 juste.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'intercalaire 1.4 constitue la liste des
8 événements avec décès fatals concernant les conflits armés au Kosovo et
9 Metohija pour la période du 1er janvier 1998 au 1er juin 2001.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si je pose la question c'est parce que
11 vous disiez qu'après le 25 juin, c'était l'UCK qui était responsable de la
12 mort de plusieurs personnes âgées et d'enfants; est-ce qu'on trouvera ces
13 chiffres à l'intercalaire 1.4 ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que nous avons pu déterminer à prendre est
15 donné. Dans d'autres intercalaires, il y a des renseignements au sujet des
16 personnes dont le destin nous est -- ou le sort nous est inconnu. Nous
17 avons tout un chapitre dans ces documentations qui porte sur les personnes
18 enlevées ou disparues. Nous ne savons pas ce qu'il est advenu de ces gens
19 là, mais, étant donné que nous ne savons pas ce qu'il est advenu depuis
20 cinq ans avec eux, on suppose que --
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Mais essayons d'être précis,
22 Monsieur le Témoin. Vous avez déclaré que plusieurs personnes âgées et des
23 enfants avaient été tués par l'UCK après l'arrivée de la KFOR, et j'aurais
24 voulu que vous nous donniez quelques exemples en utilisant ce document.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, dans ce même document, au numéro 225,
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1 le 12 juin --
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, je parle d'événements
3 ultérieurs, à la date du 25 juin, parce que vous avez dit que c'est ce
4 jour-là que la KFOR est arrivée.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Les effectifs de la KFOR sont arrivés là-bas
6 le 13 juin.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, nous ne parlons pas du 12 juin.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pouvez prendre le 14, si vous le voulez.
9 A compter du 14, on peut compter dans l'ordre. Je vais vous donner
10 l'exemple individuel, il y au moins un cadavre.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous pourriez nous
12 montrer l'endroit où on parle des personnes âgées et des enfants qui ont
13 été tués ? C'est cela qui me préoccupe. Dès que vous donnez ce que l'UCK
14 tuait des enfants et des personnes âgées, et j'espère que vous comprenez
15 bien le sens de ma question.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends parfaitement, ici nous n'avons
17 pas les renseignements afférents aux dates de naissances, mais, dans les
18 dossiers, on pourra retrouver quelles sont les personnes qui étaient âgées,
19 ou qui étaient les enfants.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème c'est que ce document n'a
21 pas été traduit. Donc vous devez m'orienter dans l'examen de ce document,
22 mais si c'est trop difficile, n'insistons pas et nous allons demander à M.
23 Milosevic de poursuivre l'interrogatoire.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais vous
25 apporter une petite explication. Cette documentation n'a pas été faite pour
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1 les besoins de ce Tribunal, et c'est la raison pour laquelle elle n'est
2 peut-être pas tout à fait appropriée à ce qu'il vous faille. Mais nous
3 pouvons par dossier retrouver les dates de naissances des personnes tuées.
4 Nous l'avons fait pour les besoins qui étaient les nôtres, pour les besoins
5 de la police, et nous avons profité de cette opportunité pour vous les
6 présenter.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Mon Colonel,
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je continuer, Monsieur Bonomy ?
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Mon Colonel, est-ce qu'il apparaît clairement ici, vu ce tableau est
13 donner l'explication demandée par M. Bonomy. Si on prend à partir du 229,
14 donc, la date du 14 juin, le lendemain de l'arriver de la KFOR, jusqu'au
15 numéro 285, c'est la fin de la liste, là sont tous les cas qui concernent
16 des personnes qui avaient été tuées. D'après les renseignements dont vous
17 disposez, il y a 56 personnes qui ont été tuées au cours de cette personne
18 qui intéressait
19 M. Bonomy d'après vos renseignements ?
20 R. Je peux vous dire que c'est vraiment au bas mots que c'est un minimum
21 parce qu'il y a bon nombre de personnes qui sont toujours disparues, on ne
22 sait toujours pas ce qu'il est devenu de ces personnes, au moins 56
23 personnes ont été tuées.
24 Q. Vous avez des renseignements à propos de 56 personnes ?
25 R. Oui.
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1 Q. Pour d'autres, vous n'avez pas de renseignements ?
2 R. Non.
3 Q. Donc, le chiffre ne peut être que significatif.
4 R. C'est exact.
5 Q. Dites-moi ceci : si vous prenez tous les cas de décès, est-ce qu'on a
6 mentionné tous les cas de décès à la police ?
7 R. Cela, je ne peux pas vous le dire. Je suppose qu'on n'a pas mentionné
8 tous ces cas à la police, mais je ne peux pas vous le dire de façon
9 certaine.
10 Q. Fort bien. Partant de ce que vous avez pu établir vous, d'après vos
11 renseignements, est-ce que toutes les enquêtes judiciaires ont été
12 terminées ? Est-ce qu'elles pouvaient être terminées6
13 R. Non, elles n'ont pas été terminées, il y a encore des dossiers qui ne
14 sont pas clos. Il est impossible de prendre la moindre mesure s'agissant de
15 bon nombre de ces dossiers parce que nous ne sommes plus sur le territoire
16 où les crimes ont été commis. Nous devrions interroger des personnes, mais
17 nous ne pouvons pas y avoir accès à ces personnes. Il n'y a pas du tout de
18 collaboration, de coopération avec la police qui est responsable de ce
19 genre de travail aujourd'hui. Plusieurs fois nous avons pris l'initiative
20 d'essayer de travailler avec la police, on aurait pu ainsi régler de façon
21 correcte beaucoup de dossiers qui auraient pu être élucidés. On aurait pu
22 identifier les morts. J'ai trouvé ici des documents relatifs à l'exhumation
23 et l'autopsie de corps fait par les espagnols. Nous on aurait pu les
24 identifier, mais les espagnols ne l'ont toujours pas fait.
25 Q. Vous dites que vous avez proposé de coopérer avec la police pour
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1 élucider ces affaires. Est-ce que la KFOR et la MUNIK ont voulu coopérer ?
2 M. NICE : [interprétation] M. Milosevic peut utiliser le temps comme bon
3 lui semble, mais je demande respectueusement le sens de tout ceci; où veut-
4 il en venir ?
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Apparemment, ceci concerne l'Article
6 7(3), la responsabilité.
7 Monsieur Milosevic, quelle est la pertinence de ces questions ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est vous qui avez posé la question a des
9 témoins précédents. Vous avez demandé à cet autre témoin s'il avait essayé
10 de coopérer. Quand je dis "vous", je ne parle pas de vous, en particulier,
11 mais l'un de vous a demandé si la police avait essayé de coopérer avec la
12 MUNIK et la KFOR, et je répète la question au colonel Paponjak parce qu'il
13 a dit qu'il avait essayé de coopérer. Je lui demande si la MUNIK et la KFOR
14 avaient manifesté la moindre volonté de coopérer. Il vous a dit que toutes
15 les enquêtes judiciaires n'ont pas été terminées.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, brièvement, Monsieur
17 Milosevic.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il a déjà répondu.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Est-ce qu'ils ont manifesté le souhait de coopérer ?
21 R. Ils ont dit qu'ils étaient prêts à le faire. Par exemple pour ce qui
22 est de l'assassinat d'enfants, en août 2003, à Gorazdevac, mais il nous a
23 été dit qu'il était impossible d'arriver sur les lieux, et impossible de
24 contacter les personnes concernées. Nous avons dit "coopérons"; j'ai
25 proposé que deux hommes à moi se joignent à eux, mais cela n'a jamais
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1 marché, cela n'a jamais réussi.
2 L'assassinat de ces enfants n'est toujours pas élucidé, mais il n'a
3 pas été possible de collaborer, alors que nous nous avons offert
4 l'expérience de nos policiers.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons compris. Je pense que
6 vous avez suffisamment évoqué la question.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Mon Colonel, essayons d'être le plus efficace possible, voyons les
10 chiffres concernés. Ces données chiffrées qu'on trouve dans le deuxième
11 volet de ce document : "Information concernant les morts," vous avez cette
12 intitulé assez longue qui se trouve à l'intercalaire 1. Nous avions
13 commencé à l'examiner hier.
14 Au point 1.1, est-ce qu'on trouve un liste de toutes les personnes
15 identifiées, qui ont trouvé la mort au cours de cette période du 10 juin
16 1999 au 1er juin 2001 ?
17 R. Je viens de recevoir cette liste.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans le sommaire, Monsieur Milosevic,
19 c'est tout ce que nous avons en anglais. L'intitulé de cette intercalaire
20 dit ceci : "Liste des personnes identifiées qu'on a affamées et qui sont
21 mortes de faim." Est-ce qu'il y a une erreur de traduction là ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait, c'est certain parce que c'est la
23 liste des personnes qui sont mortes, qui ont perdues la vie au cours de
24 cette période. C'est sans doute un problème technique, une erreur de
25 traduction.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Soyons bref, mon Colonel. A l'intercalaire 1.1, on trouve la liste de
4 toutes personnes, en tout cas, de celles qu'on a pu identifiées et
5 présentées de deux façons. On a le numéro des affaires pour les identifier
6 et on a aussi une liste de noms par ordre alphabétique.
7 R. Exact.
8 Q. Puis vous avez une liste de dossier concernant des personnes qui n'ont
9 pas été identifiées dans le même intercalaire ?
10 R. Oui.
11 Q. Pour la même période, pour la municipalité de Pec, ou plutôt le secteur
12 sous la responsabilité du SUP de Pec ?
13 R. Oui.
14 Q. Cela c'est 1.1. Au point 1.2, j'espère que nous pourrons sans
15 difficulté aucune préciser quels sont ses renseignement.
16 Tout d'abord, tirons une chose au clair; est-ce que tous ces
17 renseignements s'appuient sur des dossiers individuels précis ?
18 R. Oui. Mais permettez-moi de relever une chose. Je ne peux pas vous dire
19 de façon certaine qu'il n'y a pas de discordance, de différence. Je vais
20 vous expliquer pourquoi.
21 Parce que ces données ont été établies à partir de ce registre, reprenant
22 les incidents qu'on a, la police peut obtenir les renseignements de tous
23 citoyens qui peuvent donner son identité ou, parfois, ne peuvent pas le
24 faire, et la police va consigner ce que lui a dit ce citoyen -- cette
25 personne, et elle va chercher a établir les faits concernés.
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1 Ici, nous avons un cas qui n'a toujours pas été élucidé, mais qui se
2 trouve dans notre dossier, mais je suis certain d'une chose. Je sais que
3 cet incident ne s'est pas vraiment produit comme il nous a été écrit. Nous
4 avons cette liste de personnes identifiées qui ont trouvé la mort au cours
5 de combats armés. Ici, nous avons une liste de 73 personnes, c'est une
6 liste que nous avons établie à partir de données recueillies au départ.
7 Mais, en fait, ce chiffre ne devrait pas être celui de 73, il devrait être
8 bien plus faible car certain de cas relèvent des autorités militaires.
9 Pourtant, ici nous avons conservé les chiffres et le nombre d'incidents qui
10 nous ont été signalés au départ parce que nous avons pensé qu'il était
11 préférable d'exagérer plutôt que de minimiser, ce genre d'erreur peut
12 toujours être corrigé si le besoins s'en fait ressentir.
13 Q. Merci, mon Colonel. Cela veut dire que la police va toujours consigner
14 qui lui sont rapportés, cela reste dans ces registres, ce qui veut dire
15 que, plus tard, si on obtient un complément d'information, ce document --
16 ce dossier est utile pour établir les faits. La police ne va pas enlever de
17 ses archives mêmes des choses qui ne sont pas complètes, des dossiers qui
18 ne sont pas complets tant que l'affaire n'est pas tout à fait terminée.
19 R. Exact.
20 Q. Prenons l'intercalaire 1.2. J'espère qu'il a été traduit parce que
21 celui que je viens de recevoir c'est le 1.3 enfin peu importe. Ce sont des
22 chiffres, donc ce ne sera pas difficile de les voir.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut mettre sur le rétroprojecteur
24 l'intercalaire 1.2 ?
25 M. NICE : [interprétation] Je tiens à préciser qu'aucun des documents
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1 mentionnés jusqu'à présent par le témoin n'a été traduit en anglais jusqu'à
2 présent.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que nous avons reçu la
4 liste A/III.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le 1.5. Oui, nous avons reçu la
6 traduction de l'intercalaire 1.5, mais rien d'autre.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Ici, je vois A3/III. De toutes les façons, je crois qu'on peut très
9 bien utiliser ces données puisqu'à l'intercalaire 1.2 que j'ai mentionné.
10 Nous avons des informations concernant le secteur tout entier relevant des
11 responsabilités du SUP de Pec, et corrigez-moi, mon Colonel, si je fais la
12 moindre erreur.
13 Dans la l'intercalaire A3/III, nous avons les mêmes données, mais
14 pour la municipalité ou le même type de données, mais pour la municipalité
15 de Klina, pourtant le dernier chiffre --
16 R. Oui. Mais le dernier chiffre est exact, n'est-ce pas ?
17 Q. Mais à une différence près, c'est que la ventilation se fait à
18 par municipalité dans un des documents, et l'autre, elle se fait en
19 fonction de la période.
20 R. Exact.
21 Q. On va peut-être mettre l'autre tableau sur le rétroprojecteur, on va
22 regarder les chiffres. Est-ce que vous avez le 1.2 sous les yeux ?
23 R. J'ai l'aperçu A2/III, c'est celui que j'ai.
24 Q. Cela c'est le 1.2. Est-ce que c'est le tableau récapitulatif des
25 incidents en matière de sécurité ayant entraîné la mort dans le cadre du
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1 conflit armé au Kosovo et Metohija du
2 1er janvier 1998 au 1er juin 2001 dans le secteur du SUP de Pec en fonction
3 du temps de l'époque. Nous avons d'abord le nombre d'incident et le nombre
4 de cadavres, de victimes. Ceci va jusqu'au milieu de l'année 1998, donc, la
5 première colonne; puis fin 1998, cela c'est la deuxième colonne; puis nous
6 avons du
7 1er janvier au 23 mars, donc jusqu'au début de la guerre; la quatrième
8 colonne, c'est celle qui est réservée à la période de la guerre; la
9 dernière colonne, étant celle qui est postérieure à la guerre.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut placer ce tableau sur le
11 rétroprojecteur ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, apparemment, il est déjà sous le
13 rétroprojecteur et je le vois affiché à l'écran devant moi.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Quelques soit le nombre d'incidents, il y a eu plusieurs incidents
16 ayant entraîné un certain nombre de morts, n'est-ce pas ?
17 On voit ce nombre.
18 R. Oui, en tout cela fait, 606.
19 Q. C'est le total, mais qui est ventilé par période, n'est-ce pas ?
20 R. Au cours des six premiers mois de 1998 on en a eu 42. Au cours des six
21 derniers mois en 1981, avant la pression de l'OTAN, 18; pendant la pression
22 de l'OTAN, 388; et après l'agression de l'OTAN, 77; en tout, cela fait 606.
23 Q. Nous avons le chiffre de 388; est-ce que celui reprend les 73 dont vous
24 avez parlé ?
25 R. Oui.
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1 Q. En dessous, on voit que sous ce nombre il y a des Albanais et d'autres.
2 Il y avait 318 Albanais décédés et 288 autres
3 R. Dans les "autres", il y a les non-Albanais, les Serbes, les Romains.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que vous cherchez à
5 établir en nous montrant ces statistiques ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère, Monsieur Robinson, que ces chiffres
7 s'expliquent, eux-mêmes, des commentaires parce qu'ils vous montrent aussi
8 bien la structure ethnique, le sexe, ainsi que l'état civil. Vous voyez,
9 civils, terroristes, inconnus, hommes, femmes dans la catégorie des
10 Albanais et dans la catégorie des autres, vous voyez membres de l'armées,
11 membres du MUP civil, hommes, femmes et enfants.
12 Ce tableau est excellent parce qu'il vous montre le nombre de personnes qui
13 ont perdu la vie dans le cadre d'attaques terroristes des albanais, ceux
14 qui ont perdu la vie à cause de bombardements de l'OTAN, ou en commettant
15 certaines infractions, certains crimes. Ce tableau est absolument important
16 parce qu'il vous permet de voir qu'aucune des allégations n'est là. Je
17 parle, bien sûr, du secteur sous la responsabilité du SUP de Pec. On verra
18 plus tard ce qu'il en est dans la totalité du Kosovo et Metohija. Mais nous
19 allons voir qu'aucune des allégations, aucun des chefs d'Accusation que le
20 Procureur présente contre les autorités de Serbie ou de la RFY ne sont --
21 aucune des allégations, n'est exacte ?
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, cela établit simplement que des
23 personnes ont perdu la vie, mais on n'explique pas dans quelles
24 circonstances, dans quelles conditions. Il n'est pas contesté que des
25 personnes aient perdu la vie.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais je viens de vous dire, Monsieur
2 Robinson, que, pour l'essentiel, ce tableau vous montre dans quelles
3 circonstances ces personnes ont trouvé la mort. Vous voyez, notamment, que
4 le nombre d'Albanais et le nombre de non-Albanais, qui ont trouvé la mort,
5 est tout à fait disproportionné. Même si vous avez des doutes s'agissant
6 des dires du colonel qui vous parlait de 73 personnes qui avaient été
7 tuées. Pour ce qui est de la structure, si on compare les Albanais et les
8 autres, les non-Albanais, vous avez ici la mort de 19 femmes, n'est-ce pas,
9 dans votre secteur ? Plus du double, 44, plus exactement, parmi la
10 population non-albanaise ?
11 R. C'est exact. On le voit clairement à la première page.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous savez, c'est très difficile de
13 suivre sans avoir l'interprétation, la traduction.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais même si vous mettez de côté --
15 L'INTERPRÈTE : Le micro de M. Milosevic n'est pas branché. La question n'a
16 pas été entendue.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux vous expliquer ce que représente
18 la première page.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Oui, faites cette explication afin que nous comprenions tous parce que
21 nous voyons tous ces chiffres à l'écran. Servez-vous du pointeur, de façon
22 à ce que nous sachions de quoi nous parlons.
23 R. Oui, ici vous avez : "Le nombre de cadavres de personnes tués par
24 structure nationale, sexe et statut ou état civil." Dans cette colonne,
25 vous avez le nombre d'Albanais tués. Vous avez le chiffre global de 318, à
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1 la dernière colonne. Puis, on fait une sub-division des corps tués
2 d'albanais en terroristes, civils, inconnus; terroristes, 245; inconnus,
3 aucun.
4 En plus, pour autant par le sexe, vous avez pour les Albanais : le
5 nombre d'hommes albanais, 298; 19 femmes; un enfant.
6 Puis vous avez le nombre d'autres corps inanimés, par genre. Donc,
7 cela vous a donné un chiffre total pour les albanais de 288. Par l'état
8 civil, vous avez le nombre de la VJ, 62; du MUP, 57; puis vous avez le
9 nombre des civils, 169.
10 En fonction du sexe : les hommes, 242; les femmes, 44; les enfants,
11 2.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais qu'est-ce que ces chiffres
13 établissent ? Les gens peuvent mourir pour toute une série de question.
14 Cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Ce qui se pose comme question, c'est
15 de savoir dans quelle circonstance ces personnes ont trouvé la mort.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est précisément ce que la page suivante
17 va vous dire. A la page suivante, Monsieur Robinson, vous avez des
18 statistiques tout à fait claires à ce propos. Prenez cette deuxième page,
19 vous allez le voir : "Nombre de personnes tuées, ventilées par
20 circonstances du décès et la structure ethnique."
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, vous avez le nombre d'incidents où il y a
22 eu attaques terroristes.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Vous savez tout ce passage, tout ce bloc qui parle des attaques
25 terroristes.
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1 R. Il y a eu 166 attaques terroristes, et 238 personnes ont trouvé la
2 mort. Puis, vous avez 53 Albanais, 185 autres. C'est ce que ce tableau vous
3 montre.
4 Q. Puis nous avons des attaques antiterroristes.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais qui a déterminé que
6 c'était une attaque terroriste ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons fait un constat sur les lieux. Des
8 Juges d'instructions sont allés sur les lieux pour faire des constats,
9 toutes les procédures ont été respectées, il y a eu dépôt de plaintes et
10 engagement de poursuites judiciaires.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Paponjak, deuxième page,
12 colonne numéro 5, qui concerne le 1er janvier 1999, jusqu'au 23 mars 1999,
13 donc, la période qui a précédé immédiatement, les bombardements.
14 Apparemment, si j'ai bien compris, il y a eu seulement deux décès suite à
15 des attaques terroristes, il y en a deux aussi dans la colonne suivante, et
16 deux, dans la colonne d'après. Cela fait, en tout, six, au cours de cette
17 période de trois mois.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, c'était étonnamment calme, cette
20 période ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible que les autorités compétentes
22 n'aient pas bien qualifié certains incidents d'attaques terroristes. Il y a
23 un problème dans notre loi, pour ce qui est de la qualification qu'on donne
24 à une attaque terroriste.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais comment pouvons-nous nous fier à
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1 ces statistiques ? On peut s'y fier ou pas ? A vous de décider.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy, ayez l'obligeance de garder à
3 l'esprit ceci. Il y a un quatrième bloc -- une quatrième section sur cette
4 page, où on vous donne des renseignements concernant des décès intervenus
5 dans le cadre d'infractions pénales. Donc, certaines choses qui étaient, en
6 fait, des attaques terroristes, on peut être qualifiées d'infractions
7 pénales, d'assassinats. Un seul et même acte a été qualifié d'acte, plutôt
8 que d'attaque terroriste.
9 Nous avons eu le Témoin Bojovic à la barre. On lui a demandé si
10 certains actes devaient être qualifiés de crimes de guerre ou
11 d'assassinats. Surtout s'il y avait des assassinats multiples, ce qui est
12 une accusation plus grave. Mais cette qualification juridique revient au
13 procureur. Ici, en l'espèce --
14 M. NICE : [aucune interprétation] -- et nous avons 14 personnes qui ont été
15 tuées.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, Monsieur Milosevic, ici, on
17 prend -- on entend, dans les quatre dépositions, des éléments qui ne font
18 pas partie de l'acte d'accusation, je me demande pourquoi. Pourquoi est-ce
19 que la déposition de ce témoin ne s'intéresse pas à des éléments concernés
20 par l'acte d'accusation ? Est-ce que c'est parce que vous n'avez rien à
21 dire à ce propos, pour appuyer votre thèse ?
22 Je parle en mon nom personnel, je pense qu'il serait plus utile
23 d'avoir des éléments de preuve très clairs, concernant la période couverte
24 par l'acte d'accusation. C'est pour cela qu'il faut s'intéresser à ces
25 mois, notamment, qui ont automatiquement -- qui ont précédé les
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1 bombardements de l'OTAN.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy, d'après ce que je vois,
3 d'après ce que je comprends, toute la période est concernée. Ce que vous
4 dites confirme ce que j'ai déjà dit précédemment, à savoir qu'il faut que
5 je prouve que ce qui figure dans l'acte d'accusation n'est pas correct,
6 alors que c'est à M. Nice de le faire, de prouver que ce qui figure dans
7 l'acte d'accusation est vrai.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous déformez mes propos
9 délibérément. C'est vous qui avez choisi de présenter ces éléments de
10 preuve, et quand vous faites cela, ce sont des éléments de preuve qui vous
11 semblent pertinents, j'imagine. Vous ne pouvez pas simplement présenter des
12 éléments de preuve, complètement sans pertinence. Seuls les éléments de
13 preuve qui vous conviennent.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy, pourquoi est-ce que ce n'est
15 pas pertinent ? Expliquez-moi. Pourquoi est-ce que la totalité de ce qui
16 s'est passé en 1999 n'est pas pertinent, ou en 1998, d'ailleurs ? On parle
17 de la période de 1996. Dans l'acte d'accusation ici, nous avons les années
18 de 1998, 1999, on va jusqu'au 5 juin 2001, donc toute cette période est
19 véritablement pertinente.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais la seule période pour laquelle
21 vous pourriez être reconnu coupable est celle du 1er janvier 1999 et de la
22 période qui a suivi. En fait, la période du 1er janvier au mois de juin
23 1999.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Bonomy. Si -- c'est
25 effectivement la période du 1er janvier 1999 au 20 juin, à ce moment-là, il
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1 faut regarder les colonnes 5 et 6, les colonnes où il y a le plus de
2 chiffres, où on voit les nombres les plus importants parce qu'on a un total
3 de plus de 400 personnes qui ont trouvé la mort; cela représente plus des
4 deux tiers du total.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Veuillez reprendre le cours de votre
6 interrogatoire principal.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Combien de personnes ont trouvé la mort au cours d'attentats
10 terroristes ? J'espère que nous avons suffisamment d'explication sur la
11 manière dont était classifier ces attentats.
12 R. Il y a eu 166 attentats, 238 personnes tuées, 53 Albanais, 185 non-
13 Albanais.
14 Q. Dans le cadre des activités antiterroristes, c'est cela ?
15 R. Oui.
16 Q. 35 morts ?
17 R. Oui, j'essais de le placer sur le rétroprojecteur --
18 Q. -- 35 personnes ont trouvé la mort dans le cadre de ces activités
19 antiterroristes, et y compris des membres de l'UCK ?
20 R. Oui. On en vient maintenant aux chiffres concernant les bombardements
21 de l'OTAN, 24 --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Colonel, pouvez-vous m'expliquer
23 : c'est que c'est qu'un action antiterroristes ? Quelles en sont les
24 caractéristiques ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Une action antiterroriste, c'est une action
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1 menée par la police qui est planifiée et organisée par la police.
2 L'objectif étant de débloquer une partie du terrain ou de repousser les
3 terroristes. Cette action se déroule conformément à un plan qui a été conçu
4 auparavant.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, un terrain qui était occupé par les
7 terroristes.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous en mesure de nous donner
9 des exemples d'action antiterroristes et de nous donner des informations au
10 sujet de ce qui s'est passé pendant ces actions ? Je ne parle pas ici des
11 chiffres qui figurent dans le document que nous avons sous les yeux.
12 Il me semble, en effet. Monsieur Milosevic, que ce sont là des
13 éléments qui aurait une grande importance pour votre thèse. Comme je l'ai
14 déjà dit hier, si vous avez des preuves concernant des activités
15 antiterroristes menant par la police au cours desquelles des Albanais et
16 des civiles ont trouvé la mort et s'il existe dans l'acte d'accusation des
17 allégations en rapport avec ces événements à ce moment-là, les éléments
18 ainsi présentés seraient d'une grande utilité parce que je ne crois pas que
19 des statistiques qui nous montrent le nombre de personnes ayant été tuées
20 dans le cadre d'activités antiterroristes soient d'une grande utilité. Nous
21 avons besoin de connaître les circonstances dans lesquelles se sont
22 déroulées ces activités antiterroristes. Voilà qui permettrait à la Chambre
23 de statuer sur la culpabilité. Il ne suffit pas de donner de statistique,
24 c'est insuffisant, nous avons besoin de savoir dans quelles circonstances
25 les personnes concernées ont trouvé la mort.
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1 Veuillez poursuivre.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, Nous avons des documents sur
3 la base desquels ces chiffres ont été obtenus. Si nous disons que 35
4 personnes ont été tuées, ou 35 terroristes ont été tués pendant des
5 activités antiterroristes et que nous avons les documents permettant de le
6 prouver.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Mon Colonel, est-ce que l'objectif des actions antiterroristes est de
9 liquider ou d'arrêter les auteurs d'actes terroristes ?
10 R. Notre objectif n'a jamais été de les liquider; cet objectif n'est pas
11 un objectif qui existe dans le cadre des activités de police.
12 Q. Quand on lance une action antiterroriste, l'idée c'est d'appréhender
13 les coupables d'actes terroristes, et il peut y avoir des morts si les
14 auteurs de ces actes ouvrent le feu sur la police et sont tuées quant la
15 police riposte, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, tout a fait.
17 Q. Nous avons une colonne consacrée au bombardement de l'OTAN, on voit que
18 144 personnes ont trouvé la mort.
19 R. Avec 96 Albanais et 48 non-Albanais.
20 Q. Bien. Nous en arrivons maintenant aux crimes 148 personnes tuées6
21 R. Oui. Donc, 118 Albanais, et 30 autres ou divers.
22 Q. Ensuite, nous avons une catégorie autre ou diverse. Je ne sais pas
23 exactement ce que cela représente. Nous n'allons pas nous attarder là-
24 dessus.
25 R. Cela peut varier.
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1 Q. Effectivement, il s'agit peut-être des morts par suicide, des personnes
2 décédées à l'hôpital, et cetera.
3 Bien. Etant donné que vous étiez chargé de réunir tous ces documents et de
4 les classer, pouvez-vous nous dire si à partir de ces documents nous
5 pouvons voir comment ces personnes ont perdu la vie ? Est-ce que cela
6 figure dans les documents ?
7 R. Ces listes ont été préparées sur la base des documents qui étaient à
8 notre disposition. Nous avons recueilli ces documents, les avons classé et,
9 ensuite, nous avons procédé à un traitement statistique desdits documents.
10 Nous avons également des listes qui sont en rapport avec les tableaux et
11 qui ont trait aux incidents en particulier pour chaque affaire nous avons
12 les documents pertinents qui ont été fournis par le Juge d'instruction, ou
13 des documents que nous avons, nous-même, élaborés ou qui ont été recueillis
14 de manière différente.
15 Q. Au point 4, on voit ici le nombre d'enquête sur les lieux, et on voit
16 que le chiffre correspondant est celui de 126. C'est beaucoup moins que le
17 nombre d'incidents.
18 R. Oui, Il n'y a aucune proportion ici entre les deux, mais ceci
19 pourquoi ? Parce qu'il n'était pas possible de mener des enquêtes sur les
20 lieux des incidents puisqu'au départ, il y en avait 229, et en tout, il y
21 avait 288 incidents, et 126 enquêtes.
22 Q. Est-ce que le pourcentage est élevé ?
23 R. Oui, ceci grâce au effort du Juge d'instruction et des personnes
24 chargées de l'instruction.
25 Q. On voit que, dans la plupart des cas, ces enquêtes sur les lieux ont
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1 été réalisées par le Juge d'instruction ?
2 R. Oui. Dans 126 cas, il y avait seulement la police. Il y a une enquête
3 qui n'a pas pu être réalisée jusqu'au bout.
4 Q. On voit qu'il n'y a pas eu d'enquête dans 174 cas. Pouvez-vous nous
5 dire pourquoi il n'a y pas eu d'enquête ?
6 R. Parce que la situation ne permettait pas. On ne pouvait pas réaliser
7 d'enquête sur les lieux. Il était impossible de se rendre sur les lieux.
8 J'ai dit qu'il a parfois fallu mener à bien certaines enquêtes sur les
9 lieux en s'y rendant en hélicoptère, par exemple.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Milosevic, je
11 voudrais avoir des informations de la part du témoin au sujet des personnes
12 qui ont été tuées dans le cadre d'activités criminelles. Si j'ai bien
13 compris, il y en a 148 qui ont été tuées en tout. Il y a 108 personnes qui
14 sont mortes pendant toute la période concernée; donc, 93 Albanais; et 18
15 non-Albanais.
16 Peut-on avoir des précisions ? Quels sont les crimes concernés, et dans
17 quelles circonstances ces personnes ont été tuées ? J'imagine que ces
18 Albanais ont été tués par les Serbes de l'endroit, y compris les formations
19 paramilitaires. Est-ce que vous pouvez nous donner des informations, à ce
20 sujet ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris. Nous avons analysé les
22 incidents qui ont entraîné des décès. Il y avait des actes qui visaient les
23 Albanais, et nous, nous avons voulu voir de quoi il retournait.
24 Vous donnez le chiffre de 93. Il y a parmi eux 73 personnes non-
25 identifiées, où il était impossible de procéder à des vérifications, mais
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1 qui inclut ce chiffre dans le tableau. D'après certaines informations dont
2 je dispose, qui ne sont pas peut-être sûres à 100 %, il y en a peut-être
3 moins de 20. Donc, on pourrait diminuer ce chiffre de 50 immédiatement, si
4 bien que cela nous donnerait un chiffre d'environ 40.
5 Il s'agissait-là des types de crimes diverses et variés. Par exemple, le
6 cas d'un meurtre d'une femme par son mari, d'un fils par son père. Tout
7 ceci figure ici.
8 Mais je ne me souviens pas d'un incident au cours duquel un Serbe aurait
9 tué un Albanais. Je ne m'en souviens pas. Mais je pourrais sans doute vous
10 répondre si je pouvais examiner les documents.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, mon Colonel. Je crois que c'est
12 tout ce que je peux vous demander sur ce point.
13 Allez-y, Monsieur Milosevic.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Kwon.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Nous avons le chiffre de 144 pour les personnes qui sont mortes au
17 cours des bombardements de l'OTAN. Combien y a-t-il eu de bombardements de
18 l'OTAN dans votre zone ?
19 R. Je ne connais pas la date -- le chiffre exact, mais je crois qu'il y en
20 a eu une centaine; 97, cela aussi, cela figure dans les documents.
21 Q. On peut voir qu'en tout, 144 personnes sont mortes au cours des
22 bombardements de l'OTAN dans votre zone de responsabilité, dans la zone de
23 votre SUP.
24 R. C'est exact.
25 Nous avons un chiffre de 24 pour les bombardements, qui a trait aux
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1 incidents les plus graves, mais, en tout, il y a eu 97 bombardements. On
2 parle toujours de votre zone, celle ou se trouvait votre SUP, n'est-ce pas
3 ?
4 R. Oui.
5 Q. Où les bombardements ont-ils eu les conséquences les plus graves ?
6 R. Dans la prison de Dubrava -- au centre correctionnel de Dubrava, et à
7 Savine Vode, il y a 100 personnes environ qui sont mortes au centre
8 pénitentiaire de Dubrava, et 24 à Savine Vode.
9 Q. Revenons à la question des crimes -- des actes criminels. Combien y a-
10 t-il eu d'enquêtes sur les lieux en rapport avec ces crimes ? Est-ce que
11 vous avez ces chiffres ?
12 R. Pour ce qui est des enquêtes sur les lieux, il faut dire qu'on a des
13 chiffres qui concernent toutes les enquêtes. Donc, on n'a pas fait de
14 classification suivant l'origine de ces incidents, bombardements de l'OTAN,
15 activités antiterroristes, et cetera. Pendant cette période, il y a 33
16 enquêtes sur les lieux qui ont été réalisés par des Juges d'instruction, 13
17 par la police, et d'autres conjointement. Cela nous donne un total de 46.
18 Q. Bien. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui présentent un intérêt
19 particulier sur lesquels nous pourrions nous attarder dans ces tableaux ?
20 R. Je pourrais peut-être vous demander de vous reporter au nombre de
21 personnes qui ont été inhumées, et aussi sur la résolution des affaires
22 criminelles.
23 Q. Où trouve-t-on les informations relatives à la résolution des affaires
24 criminelles ?
25 R. Dernière page.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous ai
2 permis d'interroger le témoin au sujet de ces documents qui n'ont pas été
3 traduits par courtoisie, ceci afin de vous permettre de mener votre
4 interrogatoire. Je l'ai fait parce qu'on avait fait preuve de la même
5 indulgence envers l'Accusation au cours de la présentation des moyens à
6 charge, mais je dois, cependant, vous dire que j'ai beaucoup de mal à
7 suivre la teneur de ces documents. Certes, nous voyons des chiffres ici,
8 mais, quant à la signification de ces chiffres, quant à ce qu'ils
9 représentent, nous n'avons pas de traduction. J'arrive à me faire une idée
10 en vous écoutant, et en écoutant la traduction, mais, franchement, c'est
11 très difficile, et je me demande si vraiment c'est la meilleure façon de
12 procéder. Je me demande si c'est vraiment la meilleure façon de présenter
13 vos éléments de preuve. Je vais en débattre avec mes collègues, même si
14 nous avons procédé exactement de la même façon avec l'Accusation lorsque
15 les documents concernés étaient relativement brefs. Essayons peut-être
16 maintenant de passer à Dubravica en abordant les documents --
17 M. NICE : [interprétation] S'agissant de ce document et d'autres documents
18 que l'accusé souhaiterait verser au dossier pour étayer ses tableaux, je
19 réserve ma position. Quand nous nous sommes de notre côté appuyés sur ce
20 type de document, nous n'avons jamais procédé de la sorte, surtout s'il
21 fallait interroger un témoin longuement, parce qu'ici, nous avons, en fait,
22 affaire à une analyse d'expert. Donc, je réserve ma position sur ces
23 documents, même si j'attends de pouvoir poser quelques questions au témoin.
24 Mais je ne pourrais pas le contre-interroger en détail, non seulement parce
25 que les documents n'ont pas été traduits, mais pour d'autres raisons.
Page 39073
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Oui, vous avez raison.
2 L'Accusation n'a jamais présenté ce type de document, statistique, non
3 traduit. Mais, cependant, nous avons fait preuve de la même indulgence, de
4 la même courtoisie envers l'Accusation pour d'autres types de documents
5 plus brefs, qui n'avaient pas été traduits, et ceci c'est produit souvent.
6 Oui, Monsieur Milosevic.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Je souhaiterais
8 attirer votre attention sur le point suivant. Nous avons ici les documents
9 officiels venant du ministère de l'Intérieur, des documents qui ont été
10 préparés et qui ont été vérifiés par les nouvelles autorités, à partir des
11 informations et des données disponibles.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous n'avez pas bien
13 compris ce que je voulais dire. Mais continuons, et allons de l'avant un
14 peu plus vite.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation]
16 Q. Mon Colonel --
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce qu'on pourrait en
18 terminer de l'intercalaire 1 ? Hier, je vous ai déjà dit que c'était un
19 seul et unique document qui a été divisé en plusieurs documents, plusieurs
20 intercalaires, jusqu'à 1.6. Mais c'est, nonobstant ce fait, un seul et
21 unique document, un document qui contient des informations au sujet de tous
22 les décès qui se sont produits pendant cette période du 1er janvier 1998 au
23 20 juin --
24 -- plutôt au 1er juin 2001. C'est une liste de tous les incidents
25 concernés, des statistiques. Il s'agit d'un document officiel, il n'y a pas
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1 un seul auteur, mais plusieurs personnes ont participé à la préparation de
2 ce document qui a été un document qui a été contrôlé et vérifié.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné que nous avons une
4 traduction du point de l'intercalaire 1.5, est-ce qu'on pourrait pour que
5 nous comprenions mieux examiner cette partie du document ?
6 M. NICE : [interprétation] Je voudrais vous faire connaître ma position de
7 manière tout à fait claire. Si on veut utiliser le document figurant à
8 l'intercalaire 1.4 en tant que pièce pour soutenir les thèses de l'accusé,
9 et si la Chambre était tenté de permettre à l'accusé de les verser au
10 dossier, je l'inviterais à ne pas saisir cette tentation parce que nous ne
11 pourrons pas examiner tous ces documents en détails, ni moi, ni les membres
12 de mon équipe. Il n'est pas réaliste que nous demanderons au témoin de
13 revenir plus tard pour le contre-interroger. Donc, si on procède de la
14 sorte, ces documents vont tout simplement être versés au dossier, des
15 documents que personne ne pourra comprendre.
16 L'accusé est responsable de la non traduction de ces documents, il ne
17 les a pas fourni assez tôt, et il est possible que ce soit sa faute parce
18 qu'il n'a pas préparé les documents suffisamment à temps.
19 Je ne peux pas me servir, je ne peux pas travailler sur ces
20 documents, et je demanderais à la Chambre de ne pas les verser au dossier.
21 Ces documents n'auront pas aidé la Chambre et ne feront que nous encombrer.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous entends bien, je comprends
23 très bien la logique de votre position, Monsieur Nice. Le document 1.4 est
24 très long, mais il faut savoir, Monsieur Nice que par le passé nous avons
25 accepté le versement au dossier de documents aux fins d'identification
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1 avant de nous décider plus tard. Mais je comprends ce que vous dites quand
2 vous avancez qu'on interroge en ce moment le témoin sous la base de
3 documents non traduits.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous n'avez pas dit que,
5 pour l'intercalaire 1.5, ou plutôt 1.4, vous ne vous y opposeriez pas, vous
6 ne vous opposeriez pas à son versement au dossier quand on en a parlé
7 hier ?
8 M. NICE : [interprétation] Oui, hier, je ne m'y suis pas opposé parce que
9 j'essai d'être aussi conciliant que possible envers l'accusé, de faire plus
10 de générosité possible, mais je vais cesser, parce que je ne peux pas faire
11 mon travail dans ces conditions. Je ne peux pas me montrer conciliant
12 envers la Chambre ici, vous avez raison. Parfois les documents ne sont tout
13 de suite versés au dossier, on attend de disposer de la traduction, mais je
14 dis qu'ici, il ne faut pas procéder de la sorte parce qu'il n'est pas
15 réaliste de penser que nous ne pourrons jamais utiliser ces documents de
16 manière productive. La conséquence c'est que le témoin aura déposé dans
17 qu'il soit contre-interrogé comme il se doit, et je n'y peux rien.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, nous allons délibérer.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons permettre à M.
21 Milosevic de continuer à interroger le témoin sur la base des documents et
22 nous statuerons sur la demande présentée par l'Accusation après
23 l'interrogatoire principale.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me suis trompé, en donnant des
25 chiffres et des données relatives à l'intercalaire 1.5, je retire ma
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1 demande.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Permettez-moi d'apporter une précision. Pendant
3 que vous étiez en train de délibérer, j'ai examiné l'intercalaire 1.4, M.
4 Bonomy a posé des questions relatives aux personnes tuées après le 14 juin
5 1999. De 229, du paragraphe 229 au point 285, ce qui représente en tout 57
6 incidents. C'est ce que j'ai dit quand M. Bonomy avait posé sa question,
7 mais il ne s'agit pas de 57 morts, il s'agit de 57 incidents. Il est arrivé
8 qu'au cours d'un incident il y ait deux morts, ou quatre ou aucun.
9 Le nombre de morts que l'on peut voir dans le tableau, de l'incident 229 du
10 14 juin à l'incident 285, représente un nombre de morts beaucoup plus
11 important que le nombre d'incidents même. Parce que, dans la plupart des
12 cas au cours d'un incident on a enregistré un décès, mais il est arrivé
13 qu'il y ait deux décès ou quatre ou plus de décès par incident. J'aimerais
14 que vous gardiez cela à l'esprit.
15 Dans cet intercalaire 1.4, on a inclus tous les incidents au cours
16 desquels il y a eu mort d'hommes. Ceci suite au traitement statistique de
17 tous les documents pertinents, les autorités compétentes en Serbie dispose
18 de documents relatifs à tous ces incidents.
19 Je pense que l'importance de ces documents se passe de commentaires,
20 en plus il s'agit de documents officiels.
21 Il y a quelques instants, vous nous avez dit avoir reçu la
22 traduction de l'intercalaire 1.5 qui est une liste des incidents relatifs à
23 la situation en matière de sécurité et entraîné des décès du 10 juin 1999
24 au 1er juin 2001, pendant deux ans donc dans la municipalité de Pec.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Mon Colonel, j'aimerais vous demander d'examiner le document figurant à
2 l'intercalaire 1.5.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous n'avez
4 pas à traiter de document avec le témoin. Passez à autre chose. Puisque
5 j'ai dit que j'avais retiré ma question au sujet de cet intercalaire.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Kwon.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Mon Colonel, passons à l'intercalaire numéro 2. A l'intercalaire numéro
9 1, vous nous avez fourni des informations - je le répète encore une fois -
10 qui avaient trait à votre zone de responsabilité, le SUP de Pec. Des
11 informations relatives à la criminalité, aux crimes commis contre des
12 albanais. Ceci comprend la plupart des réponses aux questions posées à
13 propos des albanais en tant que victimes ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Puisque c'est vous qui avez signé ce rapport-ci, et puisque c'est vous
16 qui êtes aujourd'hui à la barre, je vais vous demander d'examiner les
17 données que vous avez fournies, à l'intercalaire 2, dans ce rapport. A la
18 deuxième page, ainsi qu'au paragraphe 2, vous dites ceci, que : "La police
19 avait eu un comportement respectueux de la loi et avait traité tous les
20 citoyens sur un pied d'égalité."
21 Est-ce que cela a été le cas ? Est-ce que la police a fait une différence
22 si quelqu'un était Serbe, Rom, Albanais ou pas ?
23 R. Pas du tout.
24 M. NICE : [interprétation] Quelquefois il faut voir le bon côté des choses.
25 Maintenant, on en arrive à une modalité intéressante de l'interrogatoire.
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1 Un témoin consigne quelques observations qui sont des conclusions
2 générales, qu'il ait la capacité de le faire ou pas, et comme cela se
3 trouve dans un document, l'accusé lui repose la question. Il sera facile de
4 jauger la qualité d'une telle réponse.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. C'est une
6 question qui guide vraiment trop le témoin, celle que vous avez posée.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je reviens au sommaire, parce que
8 c'est le seul document qui nous aide, qui soit en anglais. Intercalaire 2.
9 On y dit qu'il donne : "Des informations sur des actes criminels commis et
10 ayant entraîné la mort d'Albanais." La traduction n'est pas bonne, je ne
11 pense pas. Comment est-ce qu'il faudrait traduire ce document ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce sont des crimes dont les victimes ont été
13 des Albanais. Monsieur Paponjak --
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, ce sont des Albanais qui ont
15 trouvé la mort ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas dans tous les cas, mais ce sont, de toute
17 façon, des infractions dans chacun de ces cas. Ce sont des infractions
18 commises à l'encontre d'Albanais.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] A l'intercalaire 3, vous allez trouver les
21 crimes commis contre les Serbes. Au 4, les crimes dont les Rom ont été
22 victimes. Au 5, des actes terroristes contre la police. Donc vous avez, je
23 commence à la fin, la police, je remonte, on a les Rom, les Serbes et les
24 Albanais.
25 Puis, vous avez des informations à propos d'incidents relatifs à la
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1 sécurité en ce qui concerne des personnes portées disparues, des personnes
2 enlevées à partir du 1er janvier 1998, jusqu'en juin, jusqu'au 1er juin 2001.
3 Il y a eu des enlèvements par la suite aussi, mais là-dessus nous n'avons
4 pas de renseignements. Lorsqu'il s'agit de crimes commis contre les
5 Albanais, cela veut dire que les victimes sont des Albanais. Que ces
6 Albanais aient été tués ou qu'il y ait eu pillage de leurs propriétés, peu
7 importe les modalités.
8 Vous avez dit que maintenant les questions et les réponses étaient
9 sans aucun intérêt. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que j'ai
10 cité un paragraphe de ce rapport. C'est un document officiel, où il est dit
11 que la police a pris des mesures conformes à la loi et a traité les
12 citoyens de la même façon. Je n'ai pas posé de questions directrices. J'ai
13 cité ce que le document disait, à partir de quoi j'ai posé une question au
14 témoin qui est ici, assis, pour demander si la police a traité tout le
15 monde sur un pied d'égalité. Parce que je voulais vérifier la véracité de
16 ce document.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous auriez dû demander au témoin :
18 "Comment la police avait traité les citoyens ?" Il aurait pu répondre que :
19 "Tout le monde était sur un pied d'égalité."
20 Mais j'ai oublié que l'heure était venue de faire la pause. Nous
21 allons maintenant faire une pause de 20 minutes.
22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.
23 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Mon Colonel, à la page suivante où il est question d'analyse de
3 données, nous nous étions arrêté sur cette information portant sur les
4 délits au pénal au détriment des Albanais. On dit qu'il y a eu 1 289 délits
5 au pénal ?
6 R. Oui.
7 Q. 303 au détriment des Albanais ?
8 R. 190 délits au pénal commis par des personnes inconnues et 104 où les
9 auteurs ont été identifiés.
10 Q. Bien. On dit 302 plaintes au pénal de présentées ?
11 R. Oui, 198 contre des auteurs inconnus.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
13 M. NICE : [interprétation] Je suis perdu. Je ne savais plus ce que lisait
14 l'accusé.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement, où est-ce que vous en
16 êtes précisément dans l'examen de ce document ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis actuellement à l'intercalaire 2,
18 informations relatives aux délits au pénal perpétrés au détriment des
19 Albanais. J'ai parcouru --
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est la page 3 de
21 l'intercalaire 2. Est-ce qu'on pourrait placer cette page sur le
22 rétroprojecteur. Je pense que c'est le premier paragraphe de la page qui
23 vous intéressait.
24 M. NICE : [interprétation] Si l'accusé va demander au témoin d'examiner un
25 paragraphe donné, plutôt que ce soit l'accusé qui en fasse le résumé, il
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1 demanderait au témoin de lire le paragraphe. A ce moment-là nous pourrions
2 prendre des notes nous-même, mais il est difficile de retrouver le
3 paragraphe alors que c'est l'alphabet cyrillique qui est utilisé et d'avoir
4 le résumé de ce paragraphe par l'accusé.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, c'est une
6 bonne idée.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page suivante, oui je pense que c'est
8 celle là, c'est la bonne parce que je vois un chiffre celui de 1 289.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. La page qui se trouve sous vos yeux, mon Colonel.
11 R. Oui.
12 Q. Combien de plaintes au pénal a-t-on déposées pour ce qui est des
13 plaintes au pénal ?
14 R. Au deuxième paragraphe de ce chapitre, on dit qu'il a été présenté 302
15 plaintes au pénal, dont 198 contre auteurs inconnus, 104 contre des auteurs
16 identifiés, et 191 rapports servant de complément aux plaintes au pénal
17 suite à élucidation des délits au pénal et identification des auteurs.
18 C'est la procédure habituelle s'il y a enregistrement d'un cas et
19 dépôt d'une plainte au pénal contre inconnu, il y a élucidation de ce délit
20 et on présente au procureur un rapport en guise de complément à la plainte
21 au pénal pour élucidation de délit au pénal.
22 Q. Expliquez-moi une chose, vous dites qu'au détriment des Albanais, il y
23 a eu 303 délits au pénal. Au deuxième paragraphe vous dites 302 plaintes au
24 pénal. Est-ce que cela signifie qu'il n'y a pas eu plainte de déposer une
25 fois ?
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1 R. Oui, dans un cas il n'y a pas eu de plainte de déposée, il s'agit du
2 bombardement de l'OTAN. Nous n'avons déposé de plainte au pénal contre
3 personne.
4 Q. Bien. Combien sur le total des délits au pénal perpétrés au détriment
5 des Albanais a-t-on trouvé d'auteurs sur les lieux du crime ?
6 R. Attraper quelqu'un la main dans le sac, je dirais qu'il en a eu 86 des
7 cas pareils pour ce qui est des délits au pénal où les auteurs ont été pris
8 sur le fait.
9 Q. La structure des délits élucidés ?
10 R. 27 délits de terrorisme, 14 vols, 33 vols graves, 9 brigandages. Tous
11 les cas de vols graves où il y a pillage avec meurtre, il y en a eu trois,
12 et il y a eu des personnes qui ont suscité un danger public, deux.
13 Q. Avez-vous identifié les auteurs des délits au pénal à l'encontre
14 d'Albanais partant de la structure ethnique ?
15 R. C'est l'un des paramètres qui nous a intéressé notamment à l'occasion
16 de l'élaboration de cette étude. Dans 67 % des cas, les auteurs de délits
17 au pénal sont des Albanais, toujours au détriment d'Albanais, et dans 23 %
18 des cas les auteurs de ces délits sont des Serbes. Vous allez constater
19 qu'il y a une divergence, une différence, un reste, un résidu de 10 %, cela
20 c'est les autres groupes ethniques.
21 Q. Les Rom, les Musulmans et autres ?
22 R. Nous n'avons pris en considération que ces deux groupes ethniques parce
23 que c'est ceux qui nous intéressaient le plus.
24 Q. Bien. Mais les membres de la police lorsqu'ils déployaient des mesures
25 pour protéger les citoyens et leurs biens en temps de guerre, ont-ils
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1 procédé à des arrestation de Serbes pour délits au pénal de commis à
2 l'encore d'Albanais ?
3 R. Les policiers ont arrêté tous les Serbes qui ont été suspectés d'avoir
4 commis des délits au pénal contre des Albanais. A ce moment-là, à cette
5 période, il a été mis en arrestation 70 Serbes pour des délits au pénal
6 commis au détriment d'Albanais. Parmi ces Serbes, il y avait même un
7 directeur d'une entreprise publique qui a été pris sur le fait. Nous
8 n'avons donc fait aucune distinction pour ce qui est de l'appartenance
9 ethnique. Ceux qui ont été pris à commette des délits au pénal ou ont été
10 découverts par la suite ont fait l'objet d'arrestation. Ces personnes ont
11 été mises en arrestation et une procédure au pénal a été lancée contre eux.
12 Q. Est-ce qu'on a diligenté une procédure à l'encontre, par exemple, de
13 membres de la police ?
14 R. Oui, il y a eu des délits de cette nature-là aussi. Il y a eu des
15 plaintes au pénal contre quatre policiers des effectifs réguliers et trois
16 policiers qui faisaient partie des effectifs de réserve. Ce que je peux
17 vous dire, c'est que ces policiers ont également été arrêtés après,
18 indépendamment du fait qu'il s'agissait-là de policiers. Ils ont commis des
19 délits au pénal et ils ont été arrêtés, ils ont fait l'objet de plaintes au
20 pénal et d'une procédure.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je comprends que
22 vous suivez ce que dit ce rapport, mais il nous est difficile de faire une
23 différence entre ce que vous dites en guise de commentaire et ce qui est
24 inscrit dans le rapport. Demandez au témoin de donner lecture d'un
25 paragraphe ou d'une phrase. Puis, vous pourrez si vous voulez poser des
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1 questions.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Kwon, je me suis efforcé de ne pas
3 faire de commentaire ou de poser des questions directrices, mais j'ai dit,
4 est-ce que ceci, est-ce qu'il y a eu telle chose ?
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Mais Colonel, puisqu'on nous le demande, je vous prie de donner lecture
7 premier, deuxième, troisième -- disons, à compter du cinquième paragraphe,
8 on dit : "Les auteurs des délits au pénal…" où on donne le pourcentage.
9 Vous pouvez nous donner lecture de ces quelques paragraphes.
10 R. "Les auteurs des délits au pénal dans 67 % des cas sont des Albanais."
11 Je donne lecture du cinquième paragraphe, je le précise : "Et dans 23 % des
12 cas, c'était des Serbes."
13 Q. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure.
14 R. "Les membres de la police, en prenant des mesures visant à protéger les
15 citoyens et leurs biens en temps de guerre ont appréhendé 70 Serbes pour
16 des délits au pénal commis au détriment d'Albanais. Parmi ceux-là, il a été
17 également procédé à l'arrestation d'un directeur d'une société publique. Il
18 a été présenté quatre plaintes au pénal contre des policiers des effectifs
19 réguliers et trois policiers faisant partie des effectifs de réserve."
20 Q. Pourquoi avez-vous distingué ces policiers ? Pourquoi avez-vous fait la
21 différence entre les effectifs réguliers et ceux de réserve ?
22 R. Nous, ce qui nous intéressait, c'était la structure, parce que les
23 membres de la police de réserve, ce n'est pas des policiers de profession,
24 de carrière. Ce sont des réservistes, des citoyens qui ont reçu une
25 formation pour ce qui est de l'accomplissement de tâches policières. En cas
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1 de besoin, suite à une ordonnance de la part du ministre, ils peuvent être
2 engagés pour l'accomplissement de certaines tâches pendant une période
3 déterminée. Ce ne sont pas des professionnels, ce sont des citoyens qui ont
4 suivi une formation pour l'accomplissement de ces tâches.
5 Q. Vous vouliez faire une distinction à ce niveau-là. Bien. Que dit le
6 paragraphe suivant, je vous prie ?
7 R. "Les membres de la police, en raison de doutes justifiés concernant la
8 commission de délits au pénal, ont transmis aux instances militaires 75
9 personnes faisant partie des effectifs de réserve de l'armée de
10 Yougoslavie. Nous avons fait cette distinction en disant qu'il s'agissait
11 des réservistes de l'armée de Yougoslavie, puisque la situation dans
12 laquelle nous intervenions était telle."
13 Les personnes que nous trouvions en uniforme, en uniforme qui ne
14 serait pas un uniforme de la police, ce n'était pas un policier,
15 l'intéressé -- nous avons estimé que c'était un membre de l'armée, et nous
16 le transmettions aux instances militaires, et c'est les instances
17 militaires qui étaient chargées de la procédure à venir. Nous n'étions pas
18 compétents pour ce qui était de les interroger, de déterminer de qui il
19 s'agissait, et ainsi de suite. Nous les remettions aux instances
20 militaires, mais je ne sais pas si c'était des membres de l'armée ou pas.
21 Q. Bien. Le paragraphe suivant nous parle des tentatives d'activités
22 concertées conjointes entre la police normale et la police militaire. Je
23 vous demande d'abord de donner lecture.
24 R. "Les tentatives d'activités conjointes entre la police et la police
25 militaire n'ont pas donné les résultats attendus parce que les policiers de
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1 la police militaire faisaient partie des effectifs de réserve,
2 insuffisamment formés pour l'accomplissement desdites tâches. Dans leurs
3 effectifs, il y avait des individus dont le passé indiquait la présence
4 d'un comportement criminel. La situation a été nettement améliorée après
5 l'arrivée des unités régulières de la police militaire.
6 Q. Est-ce que la situation a ensuite été normalisée pour ce qui est de la
7 coopération entre la police normale, la police civile et la police
8 militaire ?
9 R. Oui. Après la proclamation de l'état de guerre dans la ville de Pec et
10 sur le territoire de la municipalité de Pec d'une manière générale, il a
11 été procédé à la mobilisation de la police militaire parmi les réservistes,
12 et leur commandant était également un réserviste. Ils ne se sont pas très
13 bien débrouillés, parce qu'il s'agissait d'intervenir -- enfin, ils
14 venaient d'être civils jusqu'à ce moment-là, et ils n'ont pas pu se
15 débrouiller pour ce qui est du comportement et de l'attitude à adopter vis-
16 à-vis de leurs voisins d'hier. Lorsque la police militaire véritable est
17 arrivée, nous avons commencé à travailler ensemble, à patrouiller ensemble,
18 et les choses se sont mises à fonctionner normalement.
19 Q. Donnez-nous lecture de ce qui suit.
20 R. "Il n'y a pas eu de cas de libération de criminels par la police. Il
21 n'y a pas eu d'attitude tolérante. Tous les auteurs ont fait l'objet de
22 mesures prévues par la loi. Les faits disent indubitablement que la police
23 a entrepris toutes les mesures légales à l'encontre de la totalité des
24 criminels, indépendamment de leur appartenance ethnique, ou de
25 l'appartenance à telle ou telle autre formation."
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1 Page suivante. "En raison de l'arrestation d'auteurs de délits au pénal
2 parmi les Serbes, la population serbe a commenté de façon négative en
3 disant que les Serbes étaient persécutés en ce temps de guerre. Le
4 ministère de l'Intérieur, le QG à Pristina, ainsi que les responsables du
5 SUP, n'ont pas donné des instructions voire orales ou par écrit pour ce qui
6 est de rendre possible quelque co-perpétration de délit au pénal que ce
7 soit. Bien au contraire, il a été donné des ordres pour que l'on combatte
8 toutes activités criminelles, et pour que l'on prenne des mesures d'urgence
9 à l'encontre d'auteurs de ces délits au pénal."
10 Q. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait eu des protestations pour
11 persécution de Serbes en ces temps de guerre. Est-ce que cela se rapporte
12 au comportement de la police qui a arrêté des Serbes pour commission de
13 délits au pénal ?
14 R. Oui. Les citoyens ont estimé qu'ils faisaient l'objet d'injustice,
15 parce qu'ils ont d'abord été attaqués par les terroristes. Puis il y ait eu
16 bombardement. Don, des bombes tombaient un peu partout, et ils
17 s'attendaient à ce que la police les aide, ou l'armée les aide. Or, nous
18 avons procédé à des arrestations de voisins à eux, parce que ces voisins
19 avaient volé quelque chose, ou avaient commis quelque autre délit au pénal.
20 Certains citoyens avaient pensé que nous étions là pour les protéger à tous
21 points de vues. Nous ne pouvions pas les protéger pour ce qui est de ce
22 point de vue-là. Nous avons procédé à des arrestations de criminels.
23 Je venais d'arriver de Cacak. A Cacak, il n'y avait que des Serbes.
24 S'agissant d'une remarque de cette nature, je leur ai dit, mais à Cacak je
25 n'aurais pas de travail alors, parce que si je ne devais pas toucher les
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1 Serbes, étant donné qu'à Cacak il n'y a que des Serbes, donc on
2 n'arrêterait pas les criminels.
3 J'ai essayé de leur expliquer que nous étions en train de prendre des
4 mesures à l'encontre de criminels, d'auteurs de délits au pénal, et non pas
5 de prendre des mesures à l'encontre d'un groupe ethnique indépendamment du
6 groupe ethnique dont il s'agirait, Musulman, Albanais ou Serbe.
7 Q. Donc, si un Serbe a commis un délit au pénal, il n'y a pas eu
8 d'attitude tolérante ? On ne lui a pas fermé un œil sur son comportement ?
9 R. Non.
10 Q. Bien. Je voudrais que l'on passe à l'intercalaire 2, où il y a un
11 tableau pour ce qui est des délits au pénal. Il s'agit de données
12 statistiques qui ont été tirées des documents à notre disposition.
13 R. Je vais essayer de passer cela sur le rétroprojecteur.
14 Q. Combien de personnes ont fait l'objet de constats sur les lieux ?
15 R. Dans 105 cas, il a été procédé à des constats sur les lieux de la part
16 de la police, à savoir 56 avec la présence d'un Juge d'instruction, 46 avec
17 la participation du Juge d'instruction, trois avec la participation des
18 enquêteurs de l'armée, huit constats partiellement effectués, et 190 cas où
19 il n'y a pas eu de constat. La documentation de la police a été établie
20 pour 102 de ces cas.
21 Q. Merci, mon Colonel.
22 Est-ce qu'à l'intercalaire -- pensez-vous qu'il soit nécessaire de
23 commenter le 2.2 parce qu'à chaque fois, on mentionne le code pénal de la
24 République de Serbie ou de la Yougoslavie suivant la structure des délits
25 au pénal ?
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1 R. Ce tableau est plus ou moins clair si on compare avec les dispositions
2 et les différents délits au pénal. Il y a l'Article 125, il s'agit d'actes
3 de terrorisme, l'Article 125 du code pénal de la République fédérale de
4 Yougoslavie. Il y a 62 cas de cette nature. Maintenant, l'Article 126, je
5 ne peux pas vous dire. L'Article 47 du code pénal de la République de
6 Serbie se rapporte aux meurtres, il y en a eu 23. C'est passible de
7 dispositions de l'Article 47, il y a eu cinq tentatives de meurtres.
8 L'Article 53 parle de blessures, de coups et blessures. L'Article 103 du
9 code pénal de la République de Serbie parle de mœurs, viols et autres.
10 Donc, il y en a eu cinq au total ici, on a une série de délits par rapport
11 au bien d'autrui, les vols; Article 165 -- 166 du code pénal de la
12 République de Serbie, vols graves, une centaine de vols graves. L'Article
13 168, brigandage, vols qualifiés.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Colonel, excusez-moi. Est-ce qu'à l'intercalaire 2.3, vous fournissez
16 une liste tout comme cela a été le cas de la liste à l'intercalaire 1 que
17 vous nous avez fourni. Liste des délits au pénal, commis au détriment
18 d'Albanais pendant la période courant du 1er janvier 1998, au 10 ou 20 juin
19 1999 sur le territoire du SUP de Pec.
20 R. Oui. Tout chapitre comporte d'abord une liste. La liste a été rédigée
21 partant de dossier individuel. Cette liste donne une brève description du
22 dossier, et partant de cette liste, il a été procédé à la rédaction de ces
23 tableaux, à la collecte de ces données statistiques. Partant des listes et
24 des tableaux, il a été rédigée une brève information qui se trouve au début
25 de tout chapitre qui fournit une image générale des conditions dans
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1 lesquelles l'on a travaillé, des circonstances dans lesquelles on a
2 travaillé, des circonstances dans lesquelles ces délits se sont produits,
3 et cela nous réfère au -- cela nous fournit la possibilité de se faire une
4 idée générale lorsqu'on rencontre les dossiers pour la première fois. Donc,
5 il y a d'abord la liste, les statistiques et les événements individuels
6 partant desquels tout ceci a été rédigé.
7 Maintenant, je précise que, dans les archives du SUP de Pec, il y a des
8 dossiers pour chacun des délits au pénal, pour chacun des événements qui
9 sont cités ici. Certains de ces dossiers se trouvent être plus volumineux,
10 d'autres ont moins de pages, mais tout dépend de ce qui se produit sur le
11 terrain.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation] Cette liste est faite pour tous les délits
13 au pénal qui ont été commis au détriment d'Albanais qu'au détriment des
14 Serbes, de Rom, de policiers ainsi de suite.
15 Q. Maintenant, dites-moi, mon Colonel : peut-on partant de ces documents
16 que vous avez fourni ici, aux intercalaires tel indiqué, peut-on voir
17 comment sur des exemples concrets il a été procédé au traitement des
18 différents dossiers conformément à ce que vous venez de nous dire. Vous
19 venez de nous dire que les dossiers sont au SUP de Pec. Vous avez apporté
20 un nombre déterminé de dossiers pour illustrer à titre d'exemple.
21 R. Oui, c'est exact.
22 Q. Bon, alors, nous avons ici l'intégralité ou voir un grand nombre de
23 dossiers pour ce qui est d'un certain nombre de personnes qui ont été
24 victimes. Je vais à présent vous poser des questions suivant ce qui figure
25 dans les différents intercalaires--
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander une petite précision.
2 Nous avons les intercalaires 2.1 et 2.2 dans mon classeur et dans ceux
3 d'autres Juges, ils sont identiques. Est-ce que c'est pareil pour tout le
4 monde, toutes les personnes présentes dans ce prétoire ?
5 M. NICE : [interprétation] C'est le même document qu'on retrouve dans ces
6 deux intercalaires.
7 M. KAY : [interprétation] Non, pas pour nous. Dans le coin supérieur droit,
8 nous avons l'indication B2/III, cela est le 2.1 alors que dans
9 l'intercalaire 2.2 on a la mention B2/III.
10 M. NICE : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, la mention est différente, mais on
12 a le même contenu.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous expliquer. Au B2/III, donc à
14 l'intercalaire 2.1, la liste des événements se rapporte aux périodes de
15 temps, aux différentes périodes, alors qu'à l'intercalaire 2.2, on reprend
16 la même chose suivant les municipalités de Pec, d'Istok et de Klina.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, j'ai compris, cela suffira.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parfait. Ici, si j'ai bien compris.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'en prends bonne note.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Puisque vous avez parlé de différents dossiers, je parle de ceux qui
22 étaient détaillés, nous avons ici des exemples de listes concernant des
23 dossiers individuels. Nous avons un dossier en ce qui concerne l'assassinat
24 de Djordje Belic, un autre concernant l'assassinat de Desimir Vasic, un nom
25 de serbe, et nous avons un albanais, Alia Rizah.
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1 M. NICE : [interprétation] [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez nous
3 indiquer quels sont les documents.
4 M. NICE : [interprétation] Puisque, maintenant, l'accusé donne une
5 explication pour les documents, il semble parler du 2.3. Il semble dire,
6 mais il se peut que je l'ai mal compris, que le 2.3 c'était une sélection,
7 et que ce n'était pas toutes les pièces jointes. J'ai peine à le croire
8 parce qu'apparemment, c'est un document présenté dans une partie d'un
9 rapport qui avait des numéros d'ordre dans une série de documents; d'où ma
10 confusion.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis désolé si je n'ai pas été assez clair
12 dans la question posée au témoin. Nous avons déjà parcouru l'intercalaire
13 2.2. Le témoin a déclaré que chacun des chiffres qu'on y trouve est en fait
14 complété parle dossier. On trouve ces dossiers complets au SUP de Pec. Ici,
15 nous avons repris certains dossiers, certaines affaires à l'intercalaire
16 20, nous ne sommes plus à l'intercalaire 2, nous sommes maintenant à
17 l'intercalaire 20. Il y a d'autres intercalaires après le 20. Cela se
18 trouve dans le classeur cinq, il y en a sept en tout. Je vous disais nous
19 sommes maintenant à l'examen de l'intercalaire 20.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Mon Colonel, au 20.1 au 20.2 au 20.3 et au 20.4, est-ce qu'on trouve un
22 document détaillé concernant les assassinats ? L'assassinat, notamment, de
23 Belic, Dzordje.
24 L'INTERPRÈTE : Le témoin n'avait pas son micro branché.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous avez ce classeur ? Pourrait-on
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1 remettre ce classeur au témoin afin qu'il le garde ?
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais ceci concerne le 12 janvier
3 1998. A la fin de la présentation de vos moyens, au moment de vos
4 plaidoiries, qu'allez-vous dire à propos de ces documents ? Que sont-ils
5 censés établir, dans le cadre de votre procès ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voici ce que ceci établit --
7 L'INTERPRÈTE : Le micro de l'accusé n'est pas branché.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tirons une chose au clair, Monsieur Bonomy. Si
9 je devais parcourir la totalité des documents, vous présenter l'ensemble
10 des informations recueillies par les instances judiciaires à la disposition
11 de ceci, cela représenterait une montagne de documents. Ici, nous avons des
12 documents du SUP de Pec, et nous avons pris certains dossiers uniquement,
13 qui sont illustratifs, pour vous montrer les dossiers concernant des
14 Albanais et des Serbes. Nous voyons qu'en fait, le traitement qui leur a
15 été réservé est identique. La police et les instances judiciaires ont
16 toujours agi de la même façon, que ce soit les Albanais ou des Serbes qui
17 ont été tués. C'est la raison pour laquelle j'aimerais attirer votre
18 attention sur le fait qu'on aurait pu avoir des milliers, en tout cas, 1
19 200 ou 1 300 affaires, pour ce qui concerne les Albanais. On aurait pu en
20 avoir autant pour les Serbes, pour les Rom, pour les policiers, pour les
21 soldats, et cetera. Nous avons opéré une sélection pour retenir certains
22 incidents. A titre d'exemple, pour montrer le genre de cas traités. Je vous
23 ai parlé de Djordje Belic et il y avait un albanais, Rizah Alia. Il y avait
24 l'assassinat de Djuka Adem et Djuka Bakir, des albanais; il y avait Sukaj
25 Cerim, un autre albanais, ou Vasic Desimir, un serbe. Donc, nous avons fait
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1 une sélection, si vous voulez, pour reprendre aussi bien des Serbes que des
2 Albanais. Six jeunes hommes, dans le café Panda, ont également été tués. Ce
3 dossier se retrouve dans plusieurs intercalaires.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je répète mon commentaire. J'ai peine
5 à voir comment ceci va m'aider pour déterminer si des infractions pénales
6 ont été commises au moment de la période couverte par l'acte d'accusation.
7 M. NICE : [interprétation] Bien sûr, à vous de juger si l'accusé a droit de
8 poursuivre sur sa lancée, mais nous avons le 20.1, qui porte apparemment la
9 date du 12 janvier 1998. Il faudrait regrouper cela avec une sous rubrique
10 du 2.3. J'ai peut-être tout à fait mal compris le lien éventuel, mais la
11 date la plus proche du 12 janvier, c'est le numéro 10, à l'intercalaire
12 2.3. C'est le 10 ou 13 janvier. Jusqu'à présent je n'ai pas pu retrouver le
13 nom de Djordje Belic, donc je ne vois pas s'il est possible de recouper ces
14 incidents, ces événements.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais vous donner une explication. Nous ne
16 parlons pas des liens entre les intercalaires 2, 3 et l'intercalaire 20.
17 Nous parlons ici, du fait de vous soumettre des éléments de preuve montrant
18 que la police et les instances judiciaires ont réservé le même traitement,
19 qu'un Albanais ou qu'un Serbe ait été tué. Ils ont utilisé la même
20 procédure. On a rédigé les mêmes rapports, on a suivi la même procédure, il
21 n'y a pas eu de différence. Je vous donne plusieurs exemples.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, la réponse c'est peut-
23 être qu'au point 2.3, on n'a que des victimes albanaises. Dans les autres
24 intercalaires, il y a d'autres victimes. Donc, peut-être qu'on trouvera ce
25 nom-ci dans un autre des résumés, à une autre partie de l'intercalaire.
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1 M. NICE : [interprétation] Merci, merci. C'est ce que je commençais à me
2 dire, moi-même aussi.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je voudrais vous comprendre,
4 Monsieur Milosevic. Vous dites que cet élément de preuve est important,
5 dans la mesure où il montre que la police n'a pas agi -- de façon
6 discriminatoire envers les Albanais, que les Albanais ont été traités comme
7 les Serbes l'ont été.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Exact. S'agissant d'auteur, s'agissant de
9 victimes, le traitement a été le même. Ceci ne se rapporte pas à la
10 totalité des dépositions, mais, pour ce qui est de ces intercalaires, c'est
11 le cas parce que la déposition parle du comportement général de la police
12 et des allégations de transfert forcé, d'expulsion, et cetera. Mais, si on
13 parle d'enquête, menée suite à la commission d'infraction, du comportement
14 adopté à l'encontre d'auteurs ou de victimes de ces crimes, la victime --
15 la police a toujours agi de la même façon. Que ce soit des serbes ou des
16 albanais.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais comment allez-vous répondre à
18 la question posée par le Juge Bonomy. Pourquoi parlez-vous ici, de 1998 ?
19 Est-ce pour montrer qu'il y a eu des antécédents de non-discrimination,
20 dans le traitement réservé ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces antécédents d'absence de discrimination,
22 cela existe depuis des décennies avant cela. Si vous prenez l'année 1998,
23 il n'y avait pas de guerre. La police a eu le même comportement lorsqu'elle
24 menait une enquête, suite à un crime, s'est comportée de la même façon que
25 pendant la guerre. Elle fait toujours la même chose, quand elle mène une
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1 enquête. Elle n'a pas deux façons différentes de le faire. Elle respecte la
2 loi régissant les affaires de l'intérieur. Elle fait la même chose en tant
3 de guerre qu'en tant de paix, lorsqu'il s'agit du traitement réservé aux
4 victimes ou aux auteurs des infractions.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Essayons de terminer cette partie-ci
6 de votre interrogatoire.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je pense que ces exemples
8 sont très convaincants et étayent ce que disait le témoin, à savoir qu'un
9 même traitement a été réservé aux Albanais et aux Serbes. C'est pourquoi je
10 vous demande le versement de ces intercalaires, à partir du 20.1 jusqu'au
11 20.4.
12 Q. Ils concernent l'assassinat de Djordje Belic, à l'intercalaire 21. Je
13 ne vais pas vous donner tous les intercalaires qui en relèvent là, on parle
14 de l'assassinat de Desimir Vasic. Au 23, de l'assassinat de Rizah Alia. A
15 l'intercalaire 28, on parle de l'assassinat de Nazif Basota. A
16 l'intercalaire 33, on parle de l'assassinat de Dalibor Lazarevic. A
17 l'intercalaire 36, 7, 8, 9, et cetera, on parle de Dejan Prelevic et Mirko
18 Radunovic. C'est de ce que vous avez parlé hier, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Ce qui s'est passé à Lloxha.
21 Q. Cet intercalaire montre les pièces étayant ce qu'a dit le témoin à
22 propos des événements de Lloxha. L'UCK a lancé une attaque contre la police
23 et contre Pec à partir de Lloxha. Puis, on trouve des documents relatifs à
24 l'enlèvement et à l'assassinat de Perovic et de Rajkovic. Cela c'est
25 l'intercalaire 36.
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1 Vous avez les sous intercalaires, à l'intercalaire 37, vous avez
2 l'assassinat de Kuci Skender. 37.1, 37.2 --
3 M. NICE : [interprétation] Je relève ceci, je ne sais pas si l'accusé veut
4 s'en servir parce qu'apparemment, il y a quelque chose en anglais. Oui,
5 c'est le 36.17, me semble-t-il. Franchement, il m'est impossible de suivre
6 ce qui est ici affirmé.
7 La Chambre voudra peut-être garder ceci à l'esprit même si ces
8 documents avaient déjà été traduits, on conclut qu'il y avait égalité de
9 traitement entre des groupes ethnique c'est quelque chose que le témoin
10 devrait expliquer à partir des connaissances qu'il a personnellement ou à
11 titre d'expert. Mais soyons réalistes, ce n'est pas une conclusion que je
12 peux aborder sans préavis au moment du contre-interrogatoire. Pour
13 plusieurs raisons que j'ai évoquées, ces documents ne sont pas de nature à
14 assister la Chambre. Je ne sais pas si l'accusé peut obtenir du témoin
15 autre chose qu'une énumération de documents, à lui décider. Je ne suis pas
16 prêt à m'y opposer, mais je trouve que ce sont des documents qu'il est
17 impossible de gérer.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour le moment, l'accusé était en
19 train d'énumérer les documents dont il demande le versement, nous allons
20 l'entendre et nous prendrons une décision à la fin de la déposition.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'espère que vous vous
22 souvenez, vous et M. Kwon, combien de fois je me suis trouvé dans la même
23 situation. Des tonnes de documents ont été abordées très rapidement. On a
24 apporté tout un chariot rempli de classeurs, et je n'ai pas soulevé une
25 objection de ce genre. Après tout la valeur probante, le poids accordé à
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1 ces éléments de preuve par rapport à ce que dit M. Nice est inexistant,
2 c'est à vous de juger.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivons.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Prenons l'intercalaire 38, il concerne
5 l'assassinat de deux albanais, Adem Djuka et Bakir Djuka. Prenez
6 l'intercalaire 38, s'il vous plaît.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Au dit intercalaire, en fait, il y en a trois, intercalaires qui
9 concernent l'assassinat de Djuka Adem et Djuka Bakir. Il y a d'abord une
10 plainte ou un rapport au pénal. Une note officielle, c'est le 38.1, et le
11 38.2 là, il s'agit de renseignements relatant tout ce qui s'est passé.
12 Est-ce que c'était là la procédure habituelle afin de déterminer qui
13 étaient les auteurs des infractions ? Est-ce que c'est comme cela
14 qu'étaient, en règle générale, traitées les victimes ?
15 R. Oui, c'est la procédure tout à fait habituelle. Parce que la plainte au
16 pénal, elle vous montre comment il se fait que nous avons eu connaissance
17 de l'événement, puis quelles furent les mesures prises ultérieurement. On
18 parle qu'au matin très tôt que Shabani Ramo est venu téléphoné au SUP de
19 Pec pour les informer que sur la droite de la route locale allant de
20 Trebevic à Pec, on avait trouvé deux cadavres.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui étaient les auteurs de ces faits ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons dont ici une plainte ou plutôt un
23 rapport établissant les faits. Nous n'avons pas trouvé les auteurs, ils
24 n'ont toujours pas été trouvés. Beaucoup d'auteurs de telles infractions au
25 pénal n'ont toujours pas été trouvés. Il est possible de les identifier,
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1 mais il n'est pas possible de les appréhender car ils ne sont pas
2 accessibles.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ces exemples que vous nous
4 montrer, est-ce que vous avez des documents relatifs à des cas précis où il
5 a été établi qu'un Serbe était l'auteur du meurtre d'un Albanais.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois tout d'abord dire que ce n'est pas moi
7 qui ai sélectionné ces documents. Ces documents --
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Répondez à ma question.
9 M. Milosevic n'a pas tout le temps du monde. Répondez à ma question ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas à brûle pourpoint vous
11 répondre, vous dire si on trouve ce genre de dossiers ici parce que ce
12 n'est pas moi qui ai sélectionné ces dossiers.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Mon Colonel, il y a quelques instants vous avez dit que vous n'avez pas
15 réussi à appréhender les auteurs. Est-ce qu'il s'agissait ici manifestement
16 d'une attaque terroriste, que ces deux Albanais étaient les victimes de
17 l'UCK ?
18 R. C'était tout à fait clair pour nous, mais il nous a été impossible de
19 mettre la main sur les auteurs car ils n'étaient pas là tout simplement.
20 Q. Savez-vous que ces deux personnes tuées avaient un frère, Xhafer, qui a
21 été abattu, massacré après la venue de la KFOR ?
22 R. Mais ces deux-ci ont aussi été tués à cause de Xhafer Djuka.
23 Cette famille, la famille Djuka, c'était une famille d'Albanais
24 qu'on appelait : "Les Albanais loyaux." Xhafer avait de hautes fonctions au
25 conseil exécutif de la municipalité, le conseil exécutif du Kosovo-
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1 Metohija. Ils étaient connus comme étant des Albanais loyaux. A ce moment-
2 là les terroristes ne pouvaient pas le toucher, c'est pourquoi ils se sont
3 rabattus sur des membres de sa famille. Plus tard, lorsqu'ils en ont eu la
4 possibilité, ils ont tué Xhafer aussi.
5 Q. Xhafer Djuka faisait parti du conseil exécutif provisoire de Kosovo-
6 Metohija ?
7 R. Oui, je pense que c'était le cas.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il vous est arrivé de
9 participer à l'enquête, une enquête qui a prouvé qu'un Serbe avait tué un
10 Albanais ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement pas. Je ne me souviens pas de
12 tels cas.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Vous parlez du territoire de la municipalité de Pec ou plutôt du SUP de
15 Pec ?
16 R. Oui.
17 Q. Fort bien. Prenons l'intercalaire 40, là nous avons pas mal de
18 documents à cet intercalaire qui comprend plusieurs intercalaires; 40.1,
19 40.2 et 40.3. Il s'agit de cadavres non identifiés qu'on a retrouvés à
20 Volujacka Cuka, c'est la base des faits. Prenez l'intercalaire 40, s'il
21 vous plaît. Vous avez d'abord le rapport de la police scientifique après
22 constat sur les lieux concernant le village de Volujak.
23 Que savez-vous à propos de ce dossier qu'on trouve à l'intercalaire 40 ?
24 R. Il a été établi que des ossements et le reste d'un crâne avaient été
25 trouvés à un endroit, à un lieu dit Volujacka Cuka. La police scientifique
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1 s'est rendue sur les lieux et a établi qu'un crâne et quelques ossements
2 avaient été trouvés dans une espèce de fosse en dessous d'un rocher. La
3 fosse faisait une profondeur d'environ 20 mètres. Les dimensions étaient de
4 15 mètres sur 10, et on a trouvé les restes de cinq cadavres. C'était du
5 moins la présomption.
6 Avant, cette localité était contrôlée par ce qu'il est convenu
7 d'appeler l'UCK. Le terrain ayant été débloqué, c'est à ce moment-là qu'on
8 a trouvé ces restes humains qui ont été envoyés pour examen par expert. Cet
9 examen a été effectué. Le dossier n'a pas été clos, puis il y a eu état de
10 guerre, et le dossier n'est toujours pas clos. Tout récemment, des membres
11 de la police de la MINUK ont poursuivi à travailler sur les lieux, et il y
12 a à peine quelques jours, j'ai vu dans les journaux qu'on a trouvé une
13 vingtaine de cadavres à cet endroit.
14 Q. C'est une fosse commune de Serbes ?
15 R. D'après tous les faits qu'on a trouvé sur le terrain, cela semble
16 l'indiquer. Mais nous n'avons pas réussi à identifier les victimes, ni leur
17 identité.
18 Il y a plusieurs détails indiquant que c'était des Serbes. Les
19 vêtements notamment, et certaines des caractéristiques physiques. On
20 pourrait exclure que c'était des Albanais ou des Musulmans.
21 Q. Fort bien. Essayons d'être le plus bref possible. Ici, nous avons
22 un classeur, en fait, deux classeurs, les classeurs 5 et 6, contenant
23 beaucoup de documents concernant aussi bien des Serbes que des Albanais.
24 Ils sont censés servir d'exemple du traitement réservé suite à la
25 commission d'infractions pénales ayant entraîné la mort. Tout ceci se
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1 retrouve dans vos tableaux, dans vos renseignements, n'est-ce pas ?
2 R. Oui. Il peut être établi avec certitude qu'on a appliqué la même
3 procédure quel que soit le cas, que c'était absolument identique. Tout à
4 fait. Il n'est pas possible d'éviter ces procédures, ou de les détourner,
5 même si quelqu'un en avait l'intention, la velléité.
6 Q. Fort bien. Nous allons bientôt passer à autre chose. Je vais
7 essayer de parler aussitôt de Dubrava, mais auparavant, j'aimerais revenir
8 au premier classeur. Plus exactement à l'intercalaire 2.4. Il y a des
9 informations ou plutôt un rapport concernant le transfert forcé d'Albanais,
10 leur persécution pour des raisons raciales et la confiscation de leurs
11 documents d'identité.
12 Mon Colonel, dites-moi : comment ce rapport a-t-il été rédigé ? Il
13 porte le titre suivant : "Transfert forcé d'Albanais, persécution de ceux-
14 ci pour des raisons raciales," et cetera.
15 R. Je vous l'ai déjà expliqué. Ces documents ont été classés à
16 partir d'une seule et même méthode, celle du ministère de l'Intérieur de la
17 République de Serbie. Il y a un chapitre qui est indiqué par "ch" ou "dj."
18 Q. Oui, c'est "dj," c'est la lettre "dj/III."
19 R. "Transfert forcé d'Albanais, persécution de ces Albanais pour des
20 raisons raciales et confiscation de leurs documents d'identité." Le SUP de
21 Pec s'est vu confié cette mission.
22 Q. D'accord. C'est le ministère qui vous a demandé de fournir toutes
23 ces informations ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous avez transmis les informations que vous aviez ?
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1 R. Oui, nous nous sommes acquittés de cette tâche. Nous avons compilé des
2 informations et écrit ce rapport.
3 Q. Je vais vous demander de donner lecture de ce que dit votre rapport,
4 parce que je vois que vous l'avez signé, ce rapport.
5 R. Exact.
6 Q. [aucune interprétation]
7 R. Le titre est "Rapport relatif aux transferts forcés d'Albanais, à leur
8 persécution pour des raisons raciales, et confiscation de leurs documents,
9 de leurs pièces d'identité." Cela, c'est le titre.
10 Mais les informations fournies ne sont pas correctes. Ce qui suit, c'est ce
11 qui a été établi. Des membres de la Mission de vérification --
12 Q. D'accord. Je ne sais pas si cela a été traduit ou pas, ce document.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas de traduction en
14 tout cas.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Souhaitez-vous que le colonel donne
16 lecture du document qui ne fait que deux pages ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, pas dans son intégralité.
18 Indiquez-lui les passages pertinents, les passages dont vous estimez qu'ils
19 sont importants.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Mon Colonel, vous nous avez déjà expliqué que l'on vous avait demandé
22 de fournir toutes les informations dont vous disposiez au sujet de
23 l'expulsion des Albanais, de la confiscation de leurs biens, de leurs
24 cartes d'identité, et cetera.
25 R. Oui.
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1 Q. La conclusion de votre secrétariat, des hommes qui se trouvaient sur le
2 terrain, c'est que ces données ne sont pas exactes. Voilà là ce qui est
3 important ?
4 R. Oui. Ensuite, nous expliquons dans ce rapport ce que nous savions
5 effectivement de la situation. Voilà.
6 Q. Il est dit au paragraphe 3, à partir du bas de la page : "Ceci a mené
7 au rassemblement des Albanais au centre de Pec le 27 mars 1999, vers 10
8 heures, lorsqu'un certain nombre d'individus ont appelé la population à
9 quitter la zone de Pec. Au point de rassemblement, ils ont amené leurs
10 véhicules, autocars, camions, tracteurs et véhicules de fret. Il s'est
11 formé une foule importante, et la circulation a été paralysée. Après la fin
12 de ce rassemblement, les Albanais sont partis dans différentes directions,
13 aussi bien à pied que dans différents véhicules en prenant la direction de
14 Pec, Kula, le Monténégro, ou Pec-Decani-Djakovica, dans la direction de
15 l'Albanie, et Pec-Pristina pour ceux qui partaient vers la Macédoine."
16 R. Là, où je me trouvais, les tracteurs et les autocars n'avaient pas le
17 droit de circuler. Ce type de véhicules n'avait pas le droit de circuler.
18 Dans la zone où je me trouvais, il n'y avait pas de véhicule de ce type. On
19 n'a pas assisté à ce genre de chose. Il est possible que cela se soit
20 produit dans d'autres quartiers de la ville.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous avez donné
22 lecture d'un passage, et nous, nous avons compris dans la traduction qu'un
23 certain nombre de personnes, d'individus, ont appelé la population à
24 quitter Pec. Je voudrais me tourner vers M. Paponjak en lui demandant : qui
25 étaient ces personnes qui incitaient les autres à quitter Pec ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, je ne sais pas. Je ne sais pas parler
2 albanais, et je ne sais pas quelles sont les personnes. M. LE JUGE ROBINSON
3 : [interprétation] Mais quelle était leur appartenance ethnique ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'imagine qu'ils étaient Albanais parce que
5 l'albanais était la seule langue parlée là-bas.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, c'était des Albanais ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes parlaient Serbes. Le Serbes c'était
8 la langue officielle. On peut dire, de manière générale, qu'il y avait un
9 certain nombre de Serbes qui connaissaient l'albanais, mais que le plus
10 souvent on parlait serbe parce que c'était le langue officiel, et certains
11 d'entre nous ne parlaient pas albanais; moi-même je ne connais que dix mot
12 d'albanais.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ce rapport c'est vous qui
14 l'avez rédigé sur la base de ce que vous avez vu ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce que j'ai vu je vous l'ai dit. J'ai
16 effectivement signé ce rapport, mais c'est un rapport qui a été établi par
17 l'équipe compétente qui a préparé tous ces documents. Je vais vous
18 expliquer comment cela s'organisait.
19 Cette équipe est constituée de chef de service, un chef de service
20 c'est une sorte de directeur, de manager. Il y a des services, il y a le
21 service de la police de la circulation, de la police en uniforme, de la
22 police judiciaire. J'en oublie peut-être, il y aussi un service qui est
23 chargé de l'informatique ou de l'information de l'analyse d'informatique.
24 Le chef du secrétariat se contente de signer les rapports produits par cet
25 équipe si bien que je n'ai pas écrit ce rapport en personne, ce sont mes
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1 subordonnés qui s'en sont chargé, les chefs de service qui sont des
2 professionnels spécialistes dans certains domaines particuliers, mais il
3 faut bien que quelqu'un signe au bout du compte.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais si j'ai bien compris, c'est ces
5 chefs de service, ceux qui ont préparé ce rapport à partir de quelles
6 informations en sont-ils parvenu aux conclusions que nous voyons ici ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Un chef de service dans ces conditions
8 s'appuierait sur des entretiens avec différentes personnes, des civiles,
9 des policiers. Ils se sont inspirés également de sources concrètes sur le
10 terrain, enfin, ils ont fait appel à toutes les sources auxquelles la
11 police a recours pour obtenir des informations, ce sont des sources qui
12 sont très variées. On utilise également des mémos officiels, des rapports
13 officiels, et tout ceci est ensuite comparé avec d'autres sources.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Mon Colonel, est-ce que cela signifie qu'au sein du secrétariat de
16 l'Intérieur, quand on en est venu le moment de préparer ce rapport, on a
17 fait intervenir toutes sortes de personnes venant de diverses sections qui
18 se trouvent au sein du secrétariat ?
19 R. Oui, on a fait appel aux meilleurs professionnels disponibles.
20 Q. C'est-à-dire, de personnes qui étaient à Pec au moment des faits ?
21 R. Oui, les personnes qui viennent de Pec, et qui travaillent au SUP de
22 Pec.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Paponjak, est-ce qu'il faut en
24 conclure que les documents, les éléments qui sont à la base de ce document,
25 les informations brutes, est-ce que ce sont des informations qui se
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1 trouvent à Pec ? Par exemple, ces personnes, ce sont des gens qui étaient
2 sur le terrain à l'époque ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces données brutes, et c'est un terme très
4 approprié que vous venez d'utiliser se trouvent donc au secrétariat. Nous
5 n'avons face à nous qu'une synthèse de toutes ces informations.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur Kwon ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais permettez-moi de vous dire que
8 les données brutes de ce type, les éléments bruts sont beaucoup plus
9 intéressantes et importants que ce que vous nous avez présenté. Je parle
10 des données relatives à 1998 parce que ce sont des éléments qui sont en
11 rapport direct avec les accusations qui sont portées contre vous, dans
12 l'acte d'accusation.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Selon moi, ce sont ici aussi les documents que
14 nous avons ici, sont aussi des documents qui viennent du terrain des
15 documents concrets parce que ce sont des documents qui émanent
16 d'institutions officielles qui préparent des rapports sur les événements
17 qui ont eu lieux, les événements concrets.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur
19 Milosevic.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Page 2 du rapport, il est dit que : "Les Albanais sont partis dans
22 toutes les directions, dans les directions qu'ils souhaitaient que la
23 police n'a nullement restreint leur déplacement, que la police les a traité
24 de manière professionnelle et tout à fait correct."
25 R. Oui.
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1 Q. Ce qui a souhaité ce groupe chargé de préparer ce rapport, il l'a
2 consigné et vous le confirmez ?
3 R. Oui.
4 Q. Le paragraphe suivant est très court, il ne compte que deux lignes. Il
5 est dit, je cite que : "On a vu très fréquemment des albanais quitter des
6 zones rurales où la police n'était plus allée depuis longtemps." Je répète
7 : "On a remarqué de manière très caractéristique, les albanais quittaient
8 des zones rurales que la police -- où la police n'était pas allé depuis
9 très longtemps."
10 Puisque la police ne contrôlait un territoire que de 10 à 15 %?
11 R. Oui. Cette zone était pratiquement cerclée des zones contrôlées par
12 l'UCK, des localités importantes contrôlées par l'UCK qui étaient sous
13 l'emprise de l'UCK.
14 Q. Dans ces conditions, comment pouvez-vous expliquer que les albanais
15 quittaient des villages où la police n'avait plus mis des pieds depuis très
16 longtemps, où on n'avait plus vu de policiers depuis très longtemps ?
17 Pourquoi ces gens-là, ont-ils décidé de partir en Macédoine ?
18 R. Cela pourrait vous sembler illogique, mais, pour nous qui étions sur
19 place, c'était tout à fait logique. On se sentait beaucoup plus en sécurité
20 quand ils étaient là plutôt que lorsqu'ils sont partis parce que, s'ils
21 partaient, cela voulait dire que nous restions seuls, et que nous étions
22 une cible très facile à atteindre, puisque si une bombe tombait, nous
23 serions les seuls à être touchés si bien qu'en fait, nous souhaitions
24 qu'ils restent.
25 Q. Vous dites dans ce mémo que les policiers les traitaient de manière
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1 professionnelle et ne les empêchaient pas de se déplacer.
2 R. Oui. On ne pouvait pas les empêcher de partir, mais, en fait, on ne
3 voulait pas vraiment qu'ils s'en aillent parce que, s'ils s'en allaient, le
4 territoire serait non seulement ethniquement pur, mais aussi
5 professionnellement pur, c'est-à-dire qu'il n'y resterait plus que des
6 soldats et des policiers, qui feraient une cible des plus aisés, mais on ne
7 pouvait pas les empêcher de partir parce qu'on n'en avait pas le droit.
8 Cela aurait signifié que nous leur aurions fait courir un grand danger si
9 nous les avions empêché de partir.
10 Q. Ensuite, il est dit dans ce rapport que : "Là où les Albanais étaient
11 regroupés, la police a pris des mesures de sécurité afin d'empêcher des
12 crimes venant d'individus ou de groupes criminels Banjica, Prekale, et
13 cetera. A Djurakovac, Istok, Glodjane, et cetera, dans la municipalité de
14 Pec."
15 R. Oui, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour les aider, nous
16 leur avons donné à manger, à boire. A Banjica et Djurakovac, je l'ai vu de
17 mes yeux, mais je ne suis pas allé à Glodjane.
18 Q. Il est dit dans le paragraphe 6, à partir du haut, que : "Les albanais
19 catholiques n'ont pas quitté la zone. Ils sont restés à Glodanje, dans la
20 municipalité de Pec, dans la municipalité d'Istok, à Djurakovac, à Kos,
21 Drenje, à Zlokucane, Renovac, Leskovac, Budisavci et Stup, dans la
22 municipalité de Klina. Les prêtres ont pris contact avec la police et ont
23 demandé à ce que la police intervienne, ou qu'elle vienne de manière un
24 plus fréquente dans les zones peuplées par les catholiques afin d'empêcher
25 l'arrivée des terroristes dans les villages.
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1 R. Les Albanais catholiques, qui constituaient la majorité de la
2 population, dans ces zones -- dans ces villages, ne soutenait pas ce que
3 l'on appelait l'armée de libération du Kosovo, dans les années qui ont
4 précédé. Il y avait très peu de catholiques albanais qui ont rejoint les
5 rangs de l'UCK. Dans la période précédente, par exemple en 1998, ils ont
6 subis des agressions, des pressions, pour ces raisons-là. Nous avons des
7 documents qui peuvent le prouver. Nous avons des déclarations, des rapports
8 qui peuvent le prouver. Cela concerne, non seulement les Albanais
9 catholiques, mais également les Albanais musulmans, si bien que les
10 personnes, qui ont décidé de rester dans ces villages, ont demandé à la
11 police de les protéger des terroristes parce que, puisqu'on était en état
12 de guerre, ils ne pouvaient s'attendre logiquement à des agressions encore
13 plus grave. La police leur a fourni ce type de protection, ainsi d'ailleurs
14 que l'armée, lorsque l'armée est arrivée un peu plus tard. J'ai parlé avec
15 des gens qui venaient de Cacak et ils m'ont expliqué que les Albanais
16 catholiques les avaient accueillis, de manière très cordiale, parce qu'ils
17 les considéraient comme des alliés. On trouve beaucoup de gens de ce type
18 en ex-Yougoslavie.
19 Q. Fort bien. En paragraphe numéro 4, à partir du bas, il est dit : "Dans
20 le cadre de ces activités, le police a traité tous les citoyens de manière
21 égale. La police n'a pas été à l'origine du départ des Albanais et elle ne
22 s'est livrée à aucun mauvais traitement à leur encontre. Elle n'a pas
23 procédé à la fouille de maisons ou d'appartements ou d'autres installations
24 pour forcer les Albanais à quitter leurs logements. Il est vrai que, dans
25 les périodes précédentes, dans le cadre de la lutte contre les
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1 criminalités, la police a agi conformément à la loi et a, effectivement, à
2 ce moment-là, procédé à des perquisitions dans des maisons, dans des
3 locaux, appartenant à des criminels, quelque soit leur appartenance
4 ethnique, afin de trouver des criminels et des éléments se rapportant à ces
5 crimes; cependant, la police ne s'est pas livrée à ce type d'activité
6 pendant au moins 30 jours précédant le départ des Albanais de la région, ce
7 qui permet de dire que ce n'est pas en raison des activités de la police
8 qu'ils sont partis."
9 R. Oui.
10 Q. Parce qu'il est dit ici, que pendant au moins 30 jours --
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ici, vous mélangez les choses. Vous
12 faites à la fois un commentaire et une question. Ce n'est pas acceptable.
13 Quelle est la question que vous souhaitez poser ?
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
15 Q. Mon Colonel, est-ce que la police souhaitait que les Albanais quittent
16 cette région ? Oui ou non.
17 R. Non. De plus, les jours qui sont donnés ici, c'est 30 jours. Or, en
18 réalité, cela faisait peut-être deux ou trois mois que, nous, nous n'étions
19 même pas approché de leurs logements. Je vais vous expliquer pourquoi.
20 Après l'arrivée de la Mission de vérification, on nous a forcé à prévenir à
21 l'avance. La Mission de vérification, de toute action ou de toute opération
22 que nous nous apprêtions à mener, nous l'avons fait, effectivement, par le
23 truchement de nos interprètes. Nous avons été frappés par le fait qu'il
24 nous arrivait d'aller en opération, de nous rendre dans des maisons où nous
25 savions qu'il était très probable que nous trouvions l'auteur d'un crime,
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1 ou une arme. Finalement, nous nous rendions sur place et nous ne trouvions
2 absolument rien.
3 Nous nous sommes bien vite rendu compte, que d'une manière ou d'une
4 autre, les informations dont nous disposions avaient été communiqués aux
5 auteurs des crimes, qu'il y avait eu des fuites et que les auteurs de ces
6 actions avaient pu prendre la fuite. Si bien que nous faisions fou blanc
7 dans ces cas-là, puisqu'il était manifeste que les criminels concernés
8 avaient été prévenus. Je ne suis nullement en train d'avancer que les
9 vérificateurs les avaient prévenus, avaient prévenu ceux qui étaient ciblés
10 par nos opérations, mais il y avait beaucoup de monde qui était impliqué
11 dans tout cela et, notamment, les interprètes, qui, pour la plupart,
12 étaient albanais, si bien que nous avons jeté l'éponge et décidé de ne plus
13 mener ce type d'action. Nous n'intervenions que lorsque nous recevions des
14 informations sur un événement qui venait de se produire.
15 De plus, nous n'avions aucune raison de souhaiter leur départ. La police,
16 aussi bien que l'armée, voulait qu'ils restent parce que c'était dans notre
17 intérêt qu'ils restent. Il y a des éléments fondamentaux --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est venu de faire une
19 pause qui va durer 20 minutes.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous pouvez
23 poursuivre.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
25 Q. Terminons-en de l'intercalaire 2.4 que nous étions en train d'examiner.
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1 A la fin de ce rapport, il est dit, et cela a rapport avec ce que vous nous
2 disiez il y a un instant. Je cite le dernier paragraphe, avant-dernière
3 page : "Il est tout à fait certain que les citoyens serbes, pour la
4 plupart, ainsi que la police, ne voulaient pas que les Albanais quittent le
5 territoire, et qu'avec leur départ, on a vu beaucoup d'entreprises fermer
6 leurs portes. La menace de bombardement se faisait plus grande. Le
7 ravitaillement était moins bien réalisé. Le MUP a été informé de ce fait,
8 et il a été déclaré que des mesures devaient être prises pour protéger les
9 biens et les personnes."
10 On dit qu'un ordre a été donné ici. Qu'est-ce que cela veut dire ?
11 Est-ce qu'un ordre a été reçu par le MUP et par le QG ?
12 R. Oui. On nous a envoyé des dépêches qui ont ensuite été distribuées.
13 Cela ensuite était communiqué à tous ceux qui intervenaient dans différents
14 services. Les services ont transmis ces ordres, qui étaient les ordres qui
15 ont été envoyés par le ministère aux différents chefs de service, aux
16 différents employés, et cetera, selon la procédure habituelle.
17 Q. Ici, on parle du départ massif des Albanais du Kosovo et Metohija. On
18 parle du début des bombardements et du moment auquel ils ont commencé à
19 partir. Est-ce que vous savez combien de Serbes sont partis de votre zone
20 de responsabilité pour se rendre dans les pays tiers, au Serbie, et au
21 Monténégro ?
22 R. Je n'ai pas d'information s'agissant des Albanais. Je sais qu'un grand
23 nombre de Serbes sont partis; les femmes, les enfants, les personnes âgées.
24 Les Serbes, les hommes en âge de porter les armes sont restés sur place au
25 Kosovo-Metohija pour protéger leurs biens et aussi pour empêcher, si cela
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1 s'avérait nécessaire, l'intervention des terroristes, des attaques contre
2 leurs maisons, et éventuellement, s'il y avait attaque de l'OTAN, attaque
3 terrestre, pour y répondre aussi.
4 Q. Merci. Vous nous dites que vous avez préparé des documents sur ce
5 point, comme sur des documents qui avaient trait aux Albanais. Vous dites
6 avoir préparé des rapports semblables s'agissant des crimes commis contre
7 les Serbes et les Monténégrins, à l'intercalaire 3.
8 R. Oui. Mais cela s'est fait plus tard. Parce que, dans un premier temps,
9 on n'a pas pris en compte les crimes commis contre les Serbes. Mais
10 ensuite, on nous a demandé de réunir ce type d'information, c'est-à-dire de
11 répertorier les crimes commis contre les Serbes, lorsque c'étaient les
12 Serbes qui étaient lésés. Nous avons entrepris de préparer des rapports de
13 ce type dans un deuxième temps.
14 Q. Bien. Pourriez-vous nous donner l'explication suivante : on vous a
15 demandé de préparer un rapport au sujet des crimes commis contre les
16 Albanais. Mais quand ? A quel moment vous a-t-on demandé de faire cela ?
17 R. Je ne peux pas vous dire quand exactement. Mais c'était dans la
18 première phase, quand on a traité des incidents entraînant des décès et des
19 crimes commis contre les Albanais et de tout cela. Une fois que nous avons
20 terminé cette partie de notre travail, on nous a dit de nous intéresser aux
21 crimes commis contre les Serbes. On le voit puisque cette partie du rapport
22 est intitulée B astérisque. On voit que c'est un chapitre qui a été ajouté
23 ultérieurement.
24 Q. Vous avez donné la priorité aux crimes commis contre les Albanais, et
25 quand vous en avez terminé de ce travail, vous vous êtes intéressés aux
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1 crimes commis contre les Serbes.
2 R. C'est exact.
3 Q. Examinons l'intercalaire 3. Je ne vais pas m'attarder trop longtemps,
4 mais cela nous donne une idée des crimes commis contre les Serbes, les
5 plaintes déposées. Le total, c'est 403 dont 26 cas, on connaissait les
6 auteurs des crimes commis, et dans 377 cas, on n'est pas parvenu à
7 découvrir leur identité. Cela nous donne un rapport qui est moins favorable
8 entre ces deux chiffres que ce n'était le cas pour les crimes commis contre
9 les Albanais.
10 R. Oui, c'est exact, parce que nous ne pouvions pas mettre la main sur les
11 auteurs de ces crimes et nous n'avons pas été en mesure, dans la plupart
12 des cas, d'élucider ces affaires. On voit bien la nature des crimes commis.
13 320 crimes relevant de l'Article 125 du code pénal de la République
14 fédérale de Yougoslavie. Il s'agit de terrorisme. Or, c'étaient des crimes
15 que nous avions beaucoup de mal à élucider puisque les coupables étaient
16 très bien organisés en unités au Kosovo-Metohija, et nous ne pouvions pas
17 les arrêter.
18 Sur 403 crimes, il y avait 320 crimes à caractère terroriste et 83 pour les
19 autres types de crimes.
20 Q. Bien. Ceci, nous le trouvons à l'intercalaire 3. A l'intercalaire
21 numéro 4, nous avons une liste des crimes commis contre les Rom. Est-ce que
22 ce rapport a été préparé en utilisant la même méthodologie que
23 précédemment ?
24 R. Oui, mais cela, c'est venu encore plus tard, puisque ce rapport n'a été
25 préparé que beaucoup plus tard.
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1 Q. Ici aussi, nous avons une ratio très peu favorable entre les auteurs
2 connus et les auteurs inconnus. C'est-à-dire que dans un très grand nombre
3 de cas, on ne connaît pas les auteurs de ces crimes. 55 contre quatre,
4 n'est-ce pas ? Dans 48 cas, il s'agissait d'actes terroristes ?
5 R. Oui. Les Rom ne venaient même pas signaler les crimes qui étaient
6 commis contre eux, mais nous avons fini par être mis au courant. Ce sont
7 des informations qui nous ont été communiquées après les faits, au bout
8 d'un certain temps, parfois plusieurs mois, parfois même plusieurs années.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur le Témoin, ces statistiques,
10 concernent-elles tous les crimes commis dans la région, que ce soit contre
11 les Serbes, pour ce qui est de l'intercalaire numéro 2, ou contre les Rom -
12 - ou plutôt, les Serbes à l'intercalaire 3, et les Rom, à l'intercalaire
13 4 ? Est-ce que cela reprend tous les crimes commis ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tous les crimes sont pris en compte, tous
15 les crimes au sujet desquels nous avons obtenu des informations, soit parce
16 que la personne lésée a signalé la chose, ou que nous avons été prévenus de
17 manière anonyme, ou que par l'intermédiaire de nos agents, nous avons été
18 mis au courant.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, on ne se limite pas ici des
20 crimes qui auraient été commis par des Albanais.
21 LE TÉMOIN: [interprétation] Non.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous allons trouver ici des exemples
23 de cas où des Serbes ont été identifiés comme étant les auteurs de crimes
24 soit contre des Serbes, soit contre des Rom ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout a fait.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] On a même des exemples de ce type ici sur la
3 liste. Il y a même des cas de viols qui ont été perpétrés par des
4 policiers, cela figure dans le tableau.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. S'agissant des crimes contre les Serbes et les Monténégrins, nous avez-
8 vous fourni -- parce que je ne trouve pas le document -- attendez, je
9 cherche.
10 A l'intercalaire 3 au rapport qui figure ici, qui a trait aux actes
11 criminels commis contre les Serbes et les Monténégrins, est-ce que
12 l'appartenance ethnique des auteurs des crimes en question est indiquée ?
13 R. Oui, vous le trouverez à la page 2 du rapport.
14 Q. Pouvez-vous nous donner le passage concerné et donner lecture de
15 certains exemples.
16 R. Au début de la première page, il est dit qu'on a découvert les auteurs
17 de 476 crimes. A Pec 75, à Istok 60, et à Klina 340. C'est là où se
18 trouvent les membres de l'UCK qu'on a trouvé le plus grand nombre d'auteurs
19 de crimes, 442, qui avaient commis des crimes sanctionnés par l'Article 125
20 du code pénal de la République fédérale de Yougoslavie. Le chiffre de 442 a
21 trait aux auteurs des crimes et non pas au nombre de crimes commis. Les
22 autres auteurs d'actes répréhensibles étaient des civils, 32, dont un
23 membre de la police d'active ou de la police de réserve. On voit ici la
24 répartition ethnique des personnes concernées : 454 Albanais, et d'autres
25 Serbes et Monténégrins.
Page 39118
1 M. NICE : [interprétation] Je n'arrive pas à suivre.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 3.
3 M. NICE : [interprétation] Merci.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la période du 20 juin 1999 au 1er juin
5 2001, on n'a enregistré que 99 actes criminels, et ce n'est pas le chiffre
6 définitif, parce que nous n'avons pas connaissance bien entendu de tous les
7 crimes commis. Il suffit de faire une simple comparaison sans procéder à
8 une analyse très détaillée et qui permet cependant d'arriver à une
9 conclusion très intéressante quant aux risques courus par les membres des
10 différentes communautés ethniques, surtout les crimes commis dans le
11 ressort. Dans la région relevant du SUP de Pec, sur les 1 289 crimes commis
12 dans la zone du SUP de Pec, il y en avait 303 qui ont été commis contre les
13 Albanais. Cela se retrouve à l'intercalaire B. 403 ont été commis à
14 l'encontre de Serbes et de Monténégrins. Quant aux autres crimes, il s'agit
15 de crimes contre les biens publics, les biens privés, ou les biens sociaux.
16 S'agissant des autres habitants, on voit que la communauté albanaise
17 représente 85 % des cas, avec 23 % seulement de crimes commis.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, cela suffira.
19 Mais inutile d'insister, Monsieur Robinson, sur le fait que je souhaite
20 demander le versement au dossier de ces documents, des documents qui ont
21 été préparés de manière très systématique. Chacun de ces documents comprend
22 une liste de tous les crimes commis, avec le nom des coupables. Il s'agit
23 de documents officiels qui ont été dûment signés, qui portent les cachets
24 qui s'imposent.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Malheureusement, la question n'a
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1 pas trouvé de réponse qui avait trait à la composition ethnique de
2 l'ensemble des auteurs de ces crimes. Je ne crois pas que vous ayez répondu
3 à cette question. Comment se répartissaient-ils ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pensais qu'on avait répondu à cette
5 question.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] On a découvert les auteurs de 476 crimes; ceci
7 figure en haut de la page, premier paragraphe. 75 à Pec, 60 à Istok, et à
8 Klina, 341. Ce sont les membres de l'UCK qui étaient les plus nombreux
9 parmi ces auteurs de crimes. Ils étaient 424. Ils avaient commis des crimes
10 sanctionnés par l'Article 125 du code pénal de la Yougoslavie. Les autres
11 étaient des civils, 32 civils, ainsi qu'un membre de la police de réserve
12 ou de la police active. S'agissant de la répartition ethnique, elle se
13 présentait de la manière suivante :
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] 454 étaient albanais, 22 serbes et
16 monténégrins.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Merci mon Colonel. Avez-vous des renseignements analogues pour ce qui
20 est des délits commis à l'encontre des Rom ?
21 R. Oui.
22 Q. Qui en ont été les auteurs, si l'on se penche sur la structure
23 ethnique ?
24 R. Il y a là encore moins de Serbes et de Monténégrins parmi les auteurs,
25 et il s'agit essentiellement d'Albanais cette fois-ci.
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1 Q. Pour finir, suivant cette même méthodologie, vous avez procédé à la
2 rédaction de ce document qui figure à l'intercalaire 5, liste des actes
3 terroristes au détriment de la police. Il y a là la liste de toutes les
4 attaques dont la police a été victime.
5 R. Je dois vous expliquer. Cela ne s'est pas fait suite à une demande du
6 MUP. Cela s'est fait suite à une demande de ma part à moi, parce que
7 j'étais désireux de rassembler à un endroit les renseignements concernant
8 toutes les attaques dont a fait l'objet la police. Il se peut qu'une telle
9 information n'existe pas au niveau des autres secrétariats. Alors, si cela
10 n'a pas intéressé les chefs du SUP, cela n'existera pas.
11 Q. Bien. Mais pour ce qui est des autres intercalaires, les informations
12 doivent forcément exister dans les autres MUP ?
13 R. Oui, dans les autres MUP. Au ministère de l'Intérieur, d'une manière
14 générale, il y a une liste par chapitre et par dossier. Le dossier Kosovo
15 et Metohija existe au ministère de l'Intérieur de façon générale. Il s'agit
16 là de la somme de tous les dossiers des secrétariats de l'Intérieur
17 individuels du Kosovo et Metohija. Dans chaque secrétariat, il y a les
18 dossiers distincts, les dossiers à part pour la région concernée.
19 Q. Je vous remercie mon Colonel. S'agissant de l'intercalaire 6, vous nous
20 avez fourni un document qui se rapporte aux personnes disparues et enlevées
21 à compter du 1er janvier 1998.
22 R. Oui.
23 Q. Puis, vous avez plusieurs points, à savoir une énumération assez
24 détaillée, au 6.1, 2, 3, 4, 5. Alors, j'aimerais que très brièvement vous
25 nous donniez quelques informations au sujet des documents qui se rapportent
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1 aux personnes disparues et aux personnes enlevées.
2 R. S'agissant de ce volet-là de notre travail, je crois bien qu'il fera
3 encore longtemps l'objet d'activité inachevée et ne saurait être conclue de
4 sitôt. La liste des Serbes et Albanais disparus est longue, et on ignore
5 complètement leur sort. Au ministère de l'Intérieur, à savoir au niveau de
6 la communauté fédérale, je me débrouille mal avec les appellations des
7 Etats puisque cela change tout le temps. Mais dans cette communauté serbo-
8 monténégrine, il y a une commission pour ces personnes disparues et il en
9 existe une au Kosovo-Metohija. Il faudrait que ces deux commissions se
10 mettent à travailler ensemble, et pendant tous ces événements de 1998,
11 1999, il a disparu bon nombre de personnes, de tous les groupes ethniques,
12 Serbes, Monténégrins, Albanais, Rom, et cetera.
13 La plupart des enlèvements, si ce n'est pas la totalité des
14 enlèvements, constituent une forme des activités terroristes de ces
15 extrémistes albanais qui avaient pour objectif d'engendrer la peur et
16 l'insécurité parmi les citoyens, dans la création d'un sentiment d'absence
17 de perspective, en limitant la liberté de déplacements, en faisant chuter
18 le moral de la population et de la police. L'objectif était de faire que la
19 population rejoigne les rangs de l'UCK et consacre des moyens financiers
20 adéquats.
21 M. NICE : [interprétation] Le témoin fournit maintenant des
22 conclusions de nature des plus générales. Nous avons déjà établi qu'il
23 s'agit là de rapports découlant du travail d'autres personnes et non pas de
24 lui-même. Plutôt que de revenir à ces points-là, à l'occasion du contre-
25 interrogatoire, peut-être serait-il préférable de lui demander s'il parle
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1 de ses connaissances personnelles ou s'il se réfère à ce que d'autres lui
2 ont dit parce qu'on ne le voit pas dans ces rapports.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, bien entendu, vous
4 pouvez soulever la question à l'occasion du contre-interrogatoire, mais je
5 me propose de poser la question moi-même au témoin. S'agissant de ce que
6 vous venez de dire, c'est quelque chose que vous nous avez avancé partant
7 des connaissances qui sont les vôtres, ou est-ce que ce sont des
8 informations de deuxième main ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Une partie relève de ce que j'ai appris moi-
10 même, des informations qui sont les miennes, et il s'agit, en partie,
11 d'analyses faites à partir de documents. L'analyse relative aux personnes
12 disparues découle de la documentation concrète qui existe. En partie, il y
13 a mes informations à moi, qui ont été intégrées là, à l'occasion du
14 fonctionnement de ce groupe de travail, parce que j'ai dirigé les activités
15 de ce groupe de travail. Il est certain que certaines de mes opinions ont
16 été intégrées et il s'agit là de mon expérience à moi, et il y a aussi les
17 opinions et les informations des autres personnes avec la documentation
18 appropriée, à savoir, les dossiers individuels. Ce ne sont pas mes
19 positions personnelles, ce ne sont pas les positions personnelles de qui
20 que ce soit d'autre, mais c'est là le fruit du travail d'une équipe. Il
21 s'agit de l'expérience des différentes personnes qui a été collectée ou
22 assemblée ici, et ils se sont fondés sur des cas particuliers, sur lesquels
23 ils ont travaillé.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous nous avez dit, Monsieur
25 Paponjak, que l'objectif des extrémistes de l'UCK consistait à générer la
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1 peur et l'insécurité. Toutefois, il me semble que, pour autant que j'ai pu
2 le comprendre, l'objectif final était l'indépendance.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela c'est l'objectif final. Mais
4 s'agissant de la finalité ou de l'objectif des enlèvements, parce que nous
5 étions en train de parler d'enlèvements, ils ont œuvré dans plusieurs sens,
6 dans plusieurs actes. Mais je vous dis pourquoi ils enlevaient les
7 personnes.
8 Parce que si, sur un territoire, il y a disparition d'Albanais et de
9 Serbes à la fois, puis de Rom, et si l'on ne sait pas ce qu'il est advenu
10 de tous ces gens-là, il y a un sentiment d'insécurité qui est créé. Les
11 gens n'osent plus sortir de chez eux à des heures, par exemple, lorsqu'ils
12 font savoir qu'après 17 heures, les enfants qui rentreraient de l'école
13 seront enlevés. Alors les gens s'enferment chez eux, l'objectif était celui
14 de créer ce sentiment d'insécurité.
15 Bon nombre de Serbes ont quitté le Kosovo-Metohija en 1998. Mais cela
16 a déjà été fait par bon nombre d'Albanais aussi bien, pour les mêmes
17 raisons. Je sais que mes policiers avaient demandé de leur faciliter le
18 départ de leurs familles vers des endroits, des contrées plus sûres. Ce
19 sont là des faits. Je ne sais pas ce que je pourrais vous dire d'autre à ce
20 sujet.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au tout début, nous avons constaté que le
24 témoin est venu témoigné partant de ses propres informations, des
25 connaissances qu'il avait, des éléments et des documents qu'il s'est
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1 procuré en exerçant ses fonctions au poste qu'il a occupé. Par conséquent,
2 si nous avons un chef de secrétariat à l'Intérieur qui couvre plusieurs
3 municipalités, à savoir, notamment, Pec, son devoir est de disposer de
4 toutes les informations relatives à ce qui se passe sur son terrain. Il
5 n'est pas seul, bien sûr. Il se trouve à la tête de la police de cette
6 région. Il dirige les activités de la police. Il recueille toutes ces
7 informations. Il se trouve sur place. Il a des informations directes et
8 comme vous avez pu le voir, il a été présent à l'occasion de ces journées
9 où des masses de citoyens se rassemblaient au centre de Pec. Il était
10 présent également, les autres jours. Donc, il s'agit d'informations qu'il a
11 recueillies lui-même et d'informations recueillies par ses équipes dans
12 toutes les filières de fonctionnement de la police, filières existant au
13 sein de ce secrétariat à l'Intérieur et qui sont subordonnées à ses
14 fonctions. En sa qualité de chef de cette équipe et en tant que
15 participant, il vient témoigner du résultat de son travail.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuons, Monsieur Milosevic. Je
17 crois que M. Nice avait voulu déterminer comment ces éléments
18 d'informations ont été recueillis. Je crois que la réponse nous a été
19 apportée.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. S'agissant des personnes enlevées et disparues, j'espère que nous
23 avons suffisamment tiré cela au clair. A l'intercalaire 7, vous avez une
24 information concernant les conséquences des bombardements de l'OTAN sur le
25 territoire du SUP de Pec, ceci, notamment entre le 24 mars et le 10 juin
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1 1999.
2 Je me réfère à l'intercalaire 7 où l'on énumère la totalité des
3 événements. Est-ce qu'on englobe la totalité des événements ?
4 R. C'est exact. Cette information a également été rédigée suivant la même
5 méthodologie. Il y a une information textuelle qui rassemble la totalité
6 des informations, il y a un tableau et il y a une liste des événements qui
7 sont survenus à l'occasion des bombardements de l'OTAN sur le territoire
8 couvert par notre secrétariat.
9 S'agissant maintenant du territoire couvert par le secrétariat à
10 l'Intérieur de Pec, l'alliance de l'OTAN a procédé à 97 attaques aériennes
11 au total; 47 sur Pec, 31 sur Klina et 19 sur Istok. Les attaques aériennes
12 ont été réalisées à des heures différentes pour attaquer par surprise; 74
13 le jour et 23 attaques la nuit. Toutes ces attaques aériennes, dans un sens
14 général du terme, ont généré des conséquences fatales, ou des conséquences
15 graves, ou blessures légères, mais aussi beaucoup de peur et beaucoup de
16 troubles parmi les citoyens, une inquiétude pour la vie de la famille, des
17 dégâts matériels énormes, un départ massif d'Albanais et un sentiment
18 d'absence de perspective pour ce qui est de continuer à vivre sur ce
19 territoire, avec limitation de la liberté de déplacements.
20 Pour ce qui est des objectifs des cibles, on peut dire que les cibles ont
21 été, 36 sur le plan militaire; 8, au niveau policier; et 69 au niveau
22 civil.
23 Q. Maintenant en partant des renseignements que vous venez de nous lire,
24 on voit que les cibles civiles étaient plus nombreuses que les cibles
25 militaires bombardées.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où êtes-vous en train de lire,
2 Monsieur le Témoin ? Est-ce que c'est un document que nous avons ou un
3 autre document.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Intercalaire 7.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Intercalaire 7, intitulé : "Informations
6 relatives aux événements et conséquences des bombardements de l'OTAN sur le
7 territoire du secrétariat de Pec." En haut, vous voyez un J/III. On peut le
8 placer sur le rétroprojecteur.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Mon Colonel -- ou plutôt --
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je vous prie de ne pas
13 perdre de vue la demande que je formule de verser au dossier l'intercalaire
14 7 dans sa totalité, je n'ai pas le temps d'entrer dans tous les détails. Je
15 viens d'entendre le témoin constater le nombre d'attaques dont ils ont fait
16 l'objet et je lui ai demandé s'il y avait plus de cibles civiles que
17 militaires et on a pu constater que les cibles civiles ont été plus
18 nombreuses à être bombardées que les cibles militaires.
19 Je demande à ce que cet intercalaire-ci soit versé au dossier, tout comme
20 les intercalaires précédents parce que cela constitue des documents
21 officiels.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je commence à
23 être préoccupé par la longueur de votre interrogatoire principal. Vous avez
24 prévu cinq heures pour ce témoin-ci. Or, nous avons dépassé largement ce
25 délai, nous en sommes à la fin de la deuxième journée de votre
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1 interrogatoire. Vous allez, j'espère, terminer aujourd'hui votre
2 interrogatoire principal ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je suis préoccupé également par la durée
4 que cela nous prend, mais il y a beaucoup de documents malheureusement. Il
5 y a bon nombre de documents dont pourraient témoigner 20 ou 30 témoins. De
6 cette façon-ci justement, je pense être en train d'économiser notre temps,
7 notamment, lorsqu'il s'agit de documents officiels qui sont directement en
8 corrélation avec la connaissance qu'a ce témoin des faits.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Votre présentation des éléments à
10 décharge aurait été bien plus efficace si vous l'aviez fait ainsi, mais
11 quoi qu'il en soit, continuez.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Mon Colonel, à l'intercalaire 8, nous avons une information sur les
15 attaques aériennes de l'OTAN au centre pénitentiaire Dubrava à Istok. Il
16 s'agit d'une information relative aux attaques lancées le 19, 21, 24 mai
17 1999. On dit qu'il y a eu : "Des conséquences fatales avec gros dégâts
18 matériels" ? Intercalaire 8, Monsieur Robinson, je demande à ce que cela
19 soit versé au dossier, nous pouvons nous pencher brièvement sur sa teneur.
20 Je vous demanderais ce qui suit : Mon Colonel, dites-nous : où se
21 trouve cette unité pénitentiaire ?
22 R. Ce pénitencier Dubrava se trouve au village de Dubrava à l'est du
23 village d'Istok, à quelque deux ou trois kilomètres de là.
24 Q. Nous allons parcourir rapidement les éléments d'informations. Combien
25 de détenus y avait-il dans cette unité pénitentiaire ?
Page 39128
1 R. Mille quatre exactement.
2 Q. Quels types de détenus se trouvaient là-bas ?
3 R. C'étaient des personnes privées de leur liberté, en détention
4 provisoire, mises en accusation ou condamnées déjà pour les plus graves des
5 délits au pénal de l'époque, terrorisme, association aux fins d'exercer des
6 activités hostiles, possession illicite d'armes et de munitions, meurtres
7 et autres délits au pénal graves.
8 Q. Bien. Où étaient-ils installés ces détenus ?
9 R. Ils étaient installés dans des pavillons d'habitation à l'intérieur de
10 ce pénitencier. Le pénitencier, je précise, était entouré d'un mur.
11 Q. Bien, comme toute prison.
12 R. A l'intérieur il y avait des parties closes, clôturées et des parties
13 non clôturées, tous étaient dans ces parties clôturées.
14 Q. Bien. Ce pénitencier était-il sécurisé par des membres du MUP ?
15 R. Les membres du ministère de l'Intérieur n'étaient pas là pour assurer
16 la sécurité de ce pénitencier parce que la réalisation des peines
17 prononcées relève du ministère de la Justice. Mais le pénitencier était
18 placé sur surveillance assidue et vigilante du ministère de l'Intérieur
19 étant donné que se trouvaient privées de liberté à cet endroit là un très
20 grand nombre de personnes intéressantes à nos yeux pour ce qui est du point
21 de vue de la sécurité, mais ils étaient intéressants pour les terroristes
22 également et pour leurs dirigeants. Nous nous attendions à ce qu'ils
23 lancent une attaque dans ces circonstances aux fins de libérer les leurs.
24 Quand je dis que nous avons été vigilants, je précise que nous avons envoyé
25 des patrouilles fréquentes à cet endroit afin que celles-ci surveillent et
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1 vérifient qu'il n'y ait pas de déplacements de terroristes en direction du
2 pénitencier aux fins de libérer quelqu'un. Mais nous n'y sommes pas entrés.
3 Q. Je comprends, mais ma question voulait dire que je demandais si c'était
4 vous qui assuriez la garde ou s'il y avait un service de garde qui relevait
5 du ministère de la Justice et pas du ministère de la Police ?
6 R. Exactement, cela n'avait rien à voir avec nous.
7 Q. Vous n'aviez pas accès à l'intérieur de la prison ?
8 R. Non.
9 Q. Aviez-vous des informations directes concernant ce qui s'est produit
10 dans la prison de Dubrava dans cette période allant du 19 au 24 mai. La
11 question est précise, avez-vous des informations directes, personnelles ?
12 R. Oui, j'ai des informations directes parce qu'à plusieurs reprises
13 durant ces jours-là je me trouvais sur les lieux, je me trouvais dans ce
14 pénitencier appelé Dubrava en date du 19 mai.
15 Q. Quand est-ce que l'OTAN a lancé sa première attaque sur ce
16 pénitencier ?
17 R. La première attaque a eu lieu le 19 mai.
18 Q. Vous venez de dire que vous étiez là-bas. Est-ce que vous êtes arrivé
19 juste après l'attaque, ou est-ce que vous vous y trouviez déjà ?
20 R. Je suis arrivé après l'attaque. Des que nous avons appris que cette
21 attaque avait eu lieu, nous sommes arrivés nous aussi là-bas. Je faisais
22 partie de l'équipe qui est allée là-bas. Il y avait un certain nombre
23 d'autres policiers avec moi, et nous sommes allés pour prendre des mesures
24 qui relevaient de notre devoir. C'est ce que nous avons fait.
25 Q. Cela est conforme à ce que vous nous avez dit tout à l'heure s'agissant
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1 de la façon dont procédait la police en cas d'attaques aériennes. Vous avez
2 dit que vous sortiez sur les lieux dès qu'il y avait une attaque, c'est ce
3 qui s'est produit j'imagine dans ce cas-ci ?
4 R. C'est exactement ce qui s'est produit dans ce cas-ci.
5 Q. Combien de personnes y a-t-il eu de tuées lors de cette première
6 attaque ?
7 R. Ce jour-là, nous avons déterminé la mort de trois condamnés que nous
8 avons identifiés; il s'agit de Tahiri Abdulah --
9 Q. Non, non, pas la peine de nous donner les noms. On ne va pas entrer
10 dans tous ces détails. Vous avez identifié trois morts cette fois-là, se
11 peut-il qu'il y en ait eu davantage de tués ce premier jour ?
12 R. C'est possible parce qu'il n'a pas été possible de tout déterminer le
13 premier jour.
14 Q. Combien de blessés y a-t-il eu à l'occasion de cette première attaque ?
15 R. Il y a eu cinq blessés dont deux gardiens et trois détenus.
16 Q. Les blessés ont-ils bénéficié d'une assistance médicale ?
17 R. Les blessés ont d'abord été transportés jusqu'à l'hôpital d'Istok et
18 ensuite, au centre hospitalier de Pec.
19 Q. Tout ceci se rapporte à la journée du 19.
20 R. Oui, le 19 entre 14 heures et 15 heures.
21 Q. A-t-on procédé à un constant sur les lieux ?
22 R. Un constat a été effectué ce jour même.
23 Q. Qui est-ce qui l'a fait et qui est-ce qui était présent ?
24 R. Etant donné que toutes les personnes compétentes ont immédiatement été
25 informées, ce n'est pas le Juge d'instruction de Pec qui s'est déplacé,
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1 mais ce sont le président et le Juge d'instruction du tribunal
2 départemental de Pec qui se sont déplacés.
3 Q. Avez-vous filmé ?
4 R. Oui, nous avons filmé.
5 Q. Qui est-ce qui l'a fait ?
6 R. Nous avons filmé à l'appareil photo et à la caméra vidéo, cela a été
7 fait par la police scientifique du SUP de Pec.
8 Q. Je voudrais que nous voyions cet enregistrement de l'intercalaire 50
9 qui se rapporte à la date du 19 mai. J'espère que le Pr Rakic a mis tout au
10 point avec la cabine technique. J'espère que le témoin une fois qu'on aura
11 visionné pourra nous apporter des explications. Après ses commentaires,
12 nous verrons la partie qui a été tournée le 21 mai et, ensuite, la partie
13 qui a été tournée le 24 mai et ultérieurement.
14 M. NICE : [interprétation] A moins que l'accusé n'ait déjà fait
15 quelque chose au niveau de la longueur de ces vidéos, il me semble que les
16 enregistrements prennent deux heures.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce bien exact, Monsieur
18 Milosevic ? Est-ce que cela dure deux heures ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela dure, au total, 1 heure, 50 minutes,
20 Monsieur Robinson. Ce que je souhaitais, c'est de les faire passer en
21 version accélérée. On peut regarder en version accélérée. Il y a une
22 transcription de ce que l'on entend qui a été distribuée aux interprètes
23 dans leurs cabines, et nous pouvons ultérieurement apporter des
24 commentaires.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais à quoi se rapporte cet
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1 enregistrement vidéo ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cet enregistrement vidéo, comme vient de nous
3 l'expliquer le témoin, fait partie de la documentation officielle après
4 constat sur les lieux. Je vous prie de ne pas perdre de vue le fait que M.
5 Nice a cité à comparaître plusieurs témoins qui ont parlé de cet événement
6 de Dubrava d'une façon entièrement et tout à fait inexacte. Alors, cet
7 enregistrement vidéo remplace le témoignage de bon nombre de témoins qui
8 seraient susceptibles de nous en parler. J'espère que vous tiendrez compte
9 de ce fait. On se réfère ici à un article concret de l'acte d'accusation, à
10 savoir--
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas. Je sais ce que
12 dit le paragraphe 66(k) de l'acte d'accusation, mais je ne vois pas
13 pourquoi je devrais souffrir le visionnement d'une vidéo qui dure plus
14 d'une heure.
15 Je vais consulter mes collègues.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que de consulter vos collègues, je vous
17 demanderais de m'entendre. J'ai eu également ce problème de temps. Cette
18 vidéo, lorsqu'on la passe en accéléré, on peut la regarder, mais on
19 n'entend pas le son. On peut voir la totalité en une douzaine de minutes.
20 On peut voir les ruines, on peut voir les personnes ensevelies sous les
21 ruines. On voit des jambes ou des bras qui sortent de dessous les ruines.
22 On voit les effets des bombardements. On voit les personnes tuées. Tout
23 cela est visible. Etant donné que cet enregistrement est fourni comme
24 élément de preuve permet un visionnement intégral pour ceux qui
25 s'intéresseraient à l'intégralité. Donc, ce n'est pas un montage
Page 39133
1 d'extraits, mais c'est l'enregistrement entier, intégral, et sa valeur
2 constitue une documentation à ce sujet.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais que voulez-vous établir avec
4 cette vidéo qui n'aurait pas déjà été établi ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cet enregistrement nous permet de déterminer,
6 outre le témoignage présenté par ce témoin, et j'espère par d'autres
7 témoins également, nous permettra de déterminer que ce qui figure au
8 paragraphe - et attendez que je le retrouve - au paragraphe (k) n'est pas
9 exact. Parce qu'ici, Monsieur Robinson, on dit bien que des centaines de
10 détenus ont été sortis pour être exécutés par les forces quelconques qui se
11 seraient trouvées là-bas. Partant de la documentation et des faits, il vous
12 sera donner de voir qu'il s'agit d'un très grand bombardement où il y a eu
13 des morts à l'occasion des bombardements, et ce qu'on dit dans l'acte
14 d'accusation se trouve à être tout à fait absurde.
15 Or, je vous demande de ne pas perdre de vue une chose. Tout à
16 l'heure, le témoin vient de nous dire qu'il y avait 1 000 détenus. Il y a
17 des preuves matérielles qui disent que 750 ont été évacués vers d'autres
18 prisons. Plusieurs dizaines ont été hospitalisés, pour ce qui est des
19 blessés. Il y en a eu une centaine de tués. Alors, pensez-vous, Monsieur
20 Robinson, que quelqu'un, s'il voulait exécuter 1 000 prisonniers,
21 emmènerait des blessés vers les hôpitaux et évacuerait 80 % vers d'autres
22 prisons ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Je vous ai
24 posé la question suivante - en fait, elle n'apparaît pas dans le compte
25 rendu d'audience. Je demandais ce que vous essayiez d'établir en nous
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1 montrant cette vidéo qui n'aurait pas déjà été établi. C'est suite à cette
2 question, que vous avez donné votre réponse.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous aider
4 davantage. L'acte d'accusation dressé contre vous affirme qu'il y a eu des
5 meurtres le 22 et le 23. Or, cette vidéo, elle était filmée le 19. Que
6 peut-on établir avec cette vidéo, bien sûr, au regard des chefs
7 d'accusation retenus dans l'acte d'accusation ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] On peut déterminer que les allégations à
9 l'acte d'accusation sont fausses, sont inexactes. Parce que l'on peut
10 déterminer qu'il y a eu un bombardement le 19, et que dès le 19, il y a des
11 morts. Puis, vous avez un enregistrement vidéo qui se rapporte à la date du
12 21 mai, qui a été tourné le 21 mai, où l'on voit également les conséquences
13 de l'attaque. Puis, on a un enregistrement fait le 24 mai. On film chaque
14 fois juste après l'événement, après le bombardement. Mais les bombardements
15 sont allés du 19 jusqu'au 24 ou 25. Cela a duré pendant plusieurs journées
16 successives.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ces enregistrements ne nous disent
18 pas s'il y a eu des assassinats les 22 et 23, n'est-ce pas ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais bien sûr que ceci parle des assassinats.
20 Vous voyez qu'ils sont la conséquence des bombardements de l'OTAN, alors
21 que dans l'acte d'accusation, on fait des affirmations tout à fait
22 absurdes.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
25 Passez-le, cet enregistrement, en version accélérée. Vous avez 12 minutes,
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1 de façon à terminer avant la fin de l'audience.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Bien sûr, sous réserve de ne pas les
3 voir, ces 12 minutes, d'un seul coup. Nous allons voir le 19 mai tout
4 d'abord, puis le témoin pourra nous en parler, puisque ce jour-là, il a été
5 présent, aussitôt après l'attaque, et il est parti. Puis, nous verrons le
6 21 mai, et le troisième volet, c'est celui du 24 mai.
7 Ces images sont toujours filmées après les événements. Il y a une enquête,
8 et ces enregistrements font partie du dossier d'instruction.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. On commence la diffusion.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voyez bien la date, c'est celle du 19 mai
14 1999, à 16 heures 03, le 19.
15 Vous voyez ici que les toits, les murs, ont été troués d'énormes orifices.
16 Il y a des débris partout. Toutes les fenêtres ont été brisées.
17 Il y a de la fumée qui se dégage du bâtiment, celui-ci et de celui d'en
18 face.
19 Tout ceci se passe le 19 mai.
20 Vous voyez ici les éclats de balles. Il y a des obus qui ont explosé
21 ici devant. C'est très clair.
22 Vous voyez ici, les barreaux des pavillons où se trouvaient des
23 détenus ont été touchés de plein fouet.
24 Vous voyez ici, les volées d'escaliers et des escaliers qui ont été
25 détruits.
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1 Ici, vous voyez les malheureux qui ont été touchés.
2 Dans l'acte d'accusation, celui qu'on voit ici, apparemment, il
3 aurait été exécuté par la police.
4 Il a la tête à moitié arrachée. Vous voyez un genou qui dépasse les
5 décombres, un bras, une main d'une de ces malheureuses victimes.
6 Vous voyez ici les dortoirs.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] On perd beaucoup d'éléments importants
8 lorsqu'on a cette diffusion accélérée. On n'a pas la bande-son, et nous
9 parlions de la fuite des prisonniers qui fuyaient les locaux et la façon
10 dont ils prenaient la fuite.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Vous voyez qu'ils ont essayé, pendant le bombardement, pris de panique,
13 de casser les portes pour sortir.
14 R. Oui, je connais cet enregistrement, et la bande-son explique comment
15 ils s'y sont pris pour essayer de sortir, et les membres de la police
16 scientifique vous le montrent. Ils se sont servis de barres de fer pour
17 essayer de sortir.
18 Q. Oui, vous voyez les barres de fer dont ils se sont servis comme levier
19 pour forcer les portes.
20 R. J'espère qu'au moins cette partie-là aurait été traduite.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, on voit de nouveau des cadavres.
22 Regardez cette personne ici. Il a été décapité.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne gagnez rien à nous montrer
24 ce genre de chose, Monsieur Milosevic.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voici un fragment de bombe. Vous voyez même le
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1 numéro de série.
2 M. NICE : [interprétation] Vous vous souviendrez sans doute que personne ne
3 conteste qu'il y ait eu, les 19 et 21 mai, des bombardements de l'OTAN. Je
4 peux d'ailleurs vous donner des renseignements sur le nombre de bombes qui
5 ont été larguées.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Evidemment, le nombre de tués est
8 différent.
9 M. NICE : [interprétation] Cela, c'est une question d'administration de la
10 preuve. Tout est administration de la preuve, mais les informations
11 relatives aux dates, au nombre de bombes, tout ceci vient de l'OTAN. Mais
12 il est possible d'obtenir des éléments plus clairs si vous le voulez.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, Messieurs, n'oubliez pas
14 qu'à l'annexe J, à la liste J, comme c'est dit au paragraphe (k), on a une
15 liste de ceux qui auraient été exécutés; il y en a 26. Nous avons établi
16 que les bombardements avaient tué plus de 90 personnes à Istok.
17 Maintenant, nous allons enchaîner.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Colonel, pourriez-vous brièvement commenter ces images.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, plusieurs
21 choses. Tout d'abord, il y a une question de temps qui se pose, parce que
22 maintenant nous allons devoir suspendre l'audience. A la reprise de
23 l'audience, je voudrais que vous posiez des questions précises au témoin.
24 Ne lui demandez pas d'apporter un commentaire général, mais des questions
25 précises, disais-je, sur les sujets qui se posent dans ce procès.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Demain, une audience différente va
3 commencer à 9 heures; cependant, les parties doivent être prêtes --
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] c'était hier.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- au cas où nous pourrions
6 reprendre l'audience de ce présent procès à 10 heures. Donc, il faut que
7 les parties soient présentes et prêtes à reprendre l'audience à 10 heures.
8 Rien n'est sûr, mais les parties devraient être prêtes à cette éventualité.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson. Monsieur Robinson.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que c'est sûr -- est-ce qu'on va
12 commencer avant 10 heures ? C'est certain ?
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est plutôt pas certain,
14 mais, de toute façon, vous ne devez pas être ici avant 10 heures.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est tout ce que je voulais savoir. Je
16 vous remercie.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'audience est levée.
18 --- L'audience est levée à 13 heures 46, sine die.
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