Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 17 juin 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, avant de vous laisser

7 poursuivre, je souhaiterais simplement noter que nous avons reçu des

8 écritures de la part, ou plutôt un mémo de la part de la section

9 d'interprétation au sujet du passage contesté de son interprétation. Il

10 convient de corriger le compte rendu en anglais de la manière suivante, je

11 cite : "Tous ceux qui étaient membres ouvraient le feu depuis les

12 fortifications en direction de la police."

13 L'INTERPRÈTE : En anglais, il s'agit "wood open fire."

14 Je vous remercie.

15 M. Milosevic, il convient de vous remercier de votre intervention sur ce

16 point.

17 LE TÉMOIN: DRAGAN JASOVIC [Reprise]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Reprise]

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

21 M. NICE : [interprétation]

22 Q. Monsieur Jasovic, je parlais des décès en détention hier. Je vais

23 continuer à en parler avec vous pendant quelques instants.

24 Kacanik, c'est également une localité qui faisait partie de vos activités ?

25 R. Monsieur le Procureur, ce que je peux vous dire, c'est que la zone de

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1 Kacanik est une zone au sujet de laquelle je dispose de beaucoup moins

2 d'informations que pour la zone Stimlje, car à Kacanik, la situation était

3 calme pratiquement jusqu'à --

4 Q. Très bien.

5 R. Jusqu'à --

6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu le mois.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai beaucoup moins d'informations sur ce

8 point.

9 M. NICE : [interprétation]

10 Q. Je suis en train d'interroger le témoin sur un document que l'on trouve

11 au volume 26, intercalaire 9 sur 17.

12 Est-ce que vous vous souvenez d'un incident qui a eu lieu à la mi-1998

13 lorsqu'un officier serbe a tué un autre policier serbe dans la zone de

14 Kacanik ? Il s'agissait de Slobodan Jankovic et Ljubisa Boskovic. Il s'agit

15 d'un crime commis par un Serbe sur un autre Serbe. Vous en souvenez-vous ?

16 R. Monsieur Nice, ce n'est pas vrai de dire qu'un policier serbe a tué un

17 autre policier. Ceci s'est déroulé dans un village, mais je ne me souviens

18 pas de ce village maintenant.

19 Je me souviens qu'il y a eu un crime qui a été commis, qui relevait

20 de l'Article 125 du Code pénal de la Yougoslavie.

21 Ljubisa Boskovic était quelqu'un que je connaissais. Je crois que c'était

22 l'adjoint du commandant chargé de l'organe de l'Intérieur.

23 Q. Dans ces conditions, comment se fait-il qu'il ne figure pas ici dans

24 cette affaire ?

25 R. Je me souviens de cela depuis Urosevac, et je sais que ce n'était pas

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1 lui, celui qui a tué.

2 Q. Comment pouvez-vous dire cela ? Je vous ai interrogé au sujet du

3 meurtre d'un Serbe par un autre Serbe. J'ai dit que Ljubisa Boskovic avait

4 tué quelqu'un. Vous êtes au courant ? Vous dites qu'il n'a pas participé. A

5 quel crime est-ce que j'étais en train de faire référence ?

6 R. C'est vous-même qui me l'avez dit. Vous m'avez dit qu'un policier serbe

7 avait tué un autre policier serbe. Je ne me souviens pas de cette affaire.

8 Q. Boskovic, enfin.

9 R. C'est vous-même qui avez dit qu'il avait été tué par Ljubisa Boskovic.

10 C'est vous qui avez donné son nom.

11 Q. Boskovic Ljubisa a commis le crime en question ?

12 R. Non. J'affirme en toute conscience que ce n'est pas vrai.

13 Q. Monsieur Jasovic, merci beaucoup. Je vais procéder maintenant de la

14 manière suivante pour ma dernière question : il s'agissait d'un Serbe tué

15 par un Serbe. Danica Marinkovic a été impliquée, a dit qu'il fallait

16 traiter de cela, et présenter la chose comme un attentant de l'UCK afin de

17 dissimuler ce crime. L'accusé a envoyé un télégramme avec d'autres

18 dignitaires pour chanter les louanges du policier décédé et le féliciter de

19 son courage. C'est comme cela que cela se passait au Kosovo à la mi-1998,

20 n'est-ce pas ?

21 R. Non, ce n'est pas vrai, Monsieur Nice. Je suis désolé, cela me gêne

22 d'avoir à dire cela. Vous ne cessez de me poser des questions qui n'ont

23 rien à voir avec mes activités professionnelles. Je peux vous répondre sur

24 la base des documents dont je dispose, mais je ne peux pas répondre à des

25 questions au nom du SUP d'Urosevac ou au nom du chef des enquêtes

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1 criminelles. Parce que c'est ces personnes-là qui étaient chargées de

2 traiter de tout ce qui se passait et de toutes les affaires qui relevaient

3 du secrétariat.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel était le nom du policier qui a

5 été tué, Monsieur Jasovic.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire très franchement que je ne

7 me souviens pas de son nom. Je ne m'en souviens pas. Je n'y arrive pas.

8 C'était en 1998, on est en 2005. Cela fait sept ans. Je ne peux pas vous

9 donner son nom.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

11 M. NICE : [interprétation] Je passe à l'intercalaire numéro 10.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel était la référence du document ?

13 M. NICE : Il s'agissait du document 9.

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] 9 dans le volume 2 ?

15 M. NICE : [interprétation] Oui. Page 9.

16 Q. Passons maintenant à l'intercalaire numéro 10. Il s'agit de quelqu'un

17 qui a eu des contacts ou quelqu'un en relation directe avec les événements

18 de l'époque, le témoin SS376. A la page 11 dudit document. Non, pardon,

19 paragraphe 64 page 12.

20 Cette personne est venue en 1993 ou en 1994 au poste de police lorsqu'on a

21 emmené un corps, et a trouvé un corps, le corps de quelqu'un dont on dit

22 qu'il s'était suicidé en sautant par la fenêtre du quatrième étage. Vous en

23 souvenez-vous ? Vous souvenez-vous de cet incident ? Ce qui a été présenté

24 comme un suicide, le suicide de quelqu'un qui avant sauté du quatrième

25 étage en 1993 ou 1994. Est-ce que cela vous dit quelque chose ?

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1 R. Monsieur le Procureur, une fois encore, je suis très gêné, mais il faut

2 que je répète ce que j'ai déjà dit, que je répète que je ne me souviens pas

3 de cela. Au quatrième étage, on trouvait les bureaux de la Sûreté de

4 l'Etat.

5 Q. Examinons ce poste de police. Examinons une photographie. On voit que

6 c'est un bâtiment qui est assez important. Cela va nous donner une idée de

7 la dimension du bâtiment. On peut placer le document sur le

8 rétroprojecteur.

9 On peut voir, on peut avoir une idée de la dimension de ce bâtiment.

10 Si des prisonniers ou des personnes détenues sont dits s'être suicidés en

11 sautant du quatrième étage, j'espère que ce genre d'événement ne fait pas

12 partie du quotidien. J'imagine que c'est le genre d'événement qui troublait

13 la police.

14 Est-ce que vous ne vous souvenez absolument pas qu'un prisonnier ait

15 trouvé la mort dans ce poste de police ?

16 R. Je ne m'en souviens pas. En toute conscience j'affirme ce fait. Vous me

17 dites qu'il a sauté d'une fenêtre du quatrième étage. J'affirme en toute

18 conscience que je ne m'en souviens pas.

19 Q. Je ne dis nullement qu'il a sauté du quatrième étage; je dis simplement

20 qu'on a présenté la chose comme telle, que c'est ce qui a été inventé pour

21 camoufler ce qui s'était passé. On a dit qu'il était sauté d'une fenêtre du

22 quatrième étage. Je vous demande maintenant ce qui s'est effectivement

23 passé.

24 R. Monsieur le Procureur, si je me souvenais de cela, je vous répondrais,

25 mais je ne m'en souviens pas. Cela me gêne de ne pas m'en souvenir.

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1 D'ailleurs, je n'ai pas été impliqué dans cette affaire. Je ne m'en

2 souviens pas.

3 Q. Passons maintenant à l'intercalaire numéro 11, K56. Il s'agit d'un

4 autre de vos collègues. D'abord, est-ce que ce collègue a raison quand il

5 dit au paragraphe 25 que des documents officiels de la police ont été

6 brûlés avant que vous ne déguerpissiez du Kosovo ?

7 R. Je peux vous parler de ce qui concerne mes documents, les documents de

8 mon service qui avaient trait aux affaires terroristes. J'ai emmené cela

9 avec moi. Je ne sais pas ce qu'il est advenu du reste des dossiers, des

10 documents, parce qu'il y avait plusieurs services, plusieurs domaines de

11 travail : homicide, enquêtes criminelles, crimes sexuels, et cetera. Je ne

12 peux pas vous en parler. Le chef de l'organe de la sécurité serait sans

13 doute vraiment en mesure de vous répondre. Je n'ai pas suivi la chose, je

14 ne peux pas vous dire si ces documents ont effectivement été brûlés ou pas.

15 Q. Passons maintenant à 1998. Un document que je vais demander que l'on

16 place sur le rétroprojecteur. Je n'en ai qu'un exemplaire. Il s'agit d'un

17 rapport qui vient du centre chargé du droit humanitaire en 1998, et qui

18 parle de la violence policière et des brutalités policières. Je vais en

19 lire deux passages. Il s'agit d'événements de 1998. Nous allons voir si

20 vous vous souvenez de ces événements.

21 Il est dit ici qu'un certain Rexhep Bislimi, un militant des droits

22 de l'homme et un ancien objecteur de conscience est décédé à l'hôpital de

23 Pristina le 21 juillet. Le 3 juillet, il avait fait l'objet d'une demande

24 d'enquête de la part du procureur du district, il était accusé de sédition

25 et de conspiration. Il a été arrêté à Urosevac le 6 juillet, emmené à la

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1 prison de Gnjilane, transféré à l'hôpital. Il était couvert d'hématomes. Il

2 avait un bras cassé. On a pris des photographies de son corps, et on a

3 constaté qu'il avait trois côtes cassées.

4 Il est décédé suite à un passage à tabac qu'il a subi au poste de

5 police. Est-ce que vous savez quoi que ce soit au sujet de ce Rexhep

6 Bislimi ?

7 R. Je ne connais pas cette personne, ce Rexhep Bislimi. Je ne comprends

8 pas ce qui est dit ici en anglais, mais vous nous dites que cet homme a été

9 envoyé à la prison de district de Gnjilane.

10 Q. Vous dites que c'est la prison du district qui l'a tué ? C'est ce que

11 vous dites ? Allez-y si vous voulez le dire.

12 R. Non, non, non. Ce n'est pas du tout ce que je veux dire. Je ne sais pas

13 si cette personne a été tuée. Si on parle de Gnjilane, il faut savoir que

14 des membres de la Sûreté de l'Etat d'Urosevac relevaient des services de

15 sûreté de Gnjilane et du centre qui s'y trouvait. Ce que j'essaie de dire,

16 c'est que l'officier chargé des opérations de la Sûreté de l'Etat de

17 Gnjilane travaillait fort probablement de concert avec ces gens-là. Je ne

18 me souviens absolument pas de Rexhep Bislimi. Je dois le dire, et cela me

19 gêne de ne pas le reconnaître.

20 Q. Cela vous gêne.

21 R. Je ne sais pas quoi vous répondre. Je n'ai pas été tenu au courant de

22 cela. Je n'ai pas participé à ce type de travail. Je n'en connais rien.

23 Q. Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que dans ce poste de police

24 il s'est passé des atrocités, ce poste de police que nous venons de voir

25 sur cette photographie, et vous me dites que vous n'en savez rien, que

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1 n'avez pas eu vent de tout ce qui s'est passé ?

2 R. Monsieur le Procureur, je ne sais pas si au poste de police d'Urosevac

3 on a eu recours à la violence ou si des personnes ont été tuées. Je ne sais

4 pas.

5 Q. Dans la partie suivante du rapport on lit la chose

6 suivante : "D'après le bureau de Prizren du comité du Kosovo chargé de la

7 protection des droits de l'homme, Maksut Caflesi du village de Belobrade

8 est décédé le 23 août après avoir été torturé par la police à Urosevac. Son

9 frère a déclaré que Caflesi avait été arrêté et passé à tabac par la police

10 sur la route de Prizren-Urosevac. Il n'a reçu aucun soin médical à

11 Urosevac. Il a ensuite été emmené à l'hôpital de Pristina où il est

12 décédé."

13 On peut lire ensuite dans le rapport, je cite : "Biljal Salja, un

14 enseignant de 47 ans et membre du Parti socio-démocrate albanais, est

15 décédé au poste de police d'Urosevac le 29 août. Il avait été arrêté le 28

16 août avec son fils Agron qui a été remis en liberté ce même jour. Agron a

17 entendu les pleurs de son père pendant que celui-ci était interrogé par la

18 police. Le 30 août, la famille a été informée qu'elle pouvait récupérer le

19 corps de Salja à la morgue de l'hôpital de Pristina. La famille a déclaré

20 que le corps était couvert d'hématomes."

21 Qu'avez-vous à dire au sujet de ces décès en détention, de quoi vous

22 souvenez-vous à ce sujet ?

23 R. Je n'ai interrogé aucune de ces personnes. Je dois vous dire

24 franchement, je ne me souviens absolument pas de tout cela. Je ne me

25 souviens pas, non plus, que ces personnes soient décédées au poste de

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1 police d'Urosevac.

2 Q. Mais vous vous en souvenez très bien, Monsieur Jasovic, il est même

3 possible que vous soyez impliqué, c'est pour cela que tout ceci vous gêne.

4 R. Monsieur le Procureur, non. Non.

5 Q. Ceci vous gêne --

6 R. Pas du tout, pas du tout. Je ne m'en souviens pas, c'est tout. Je peux

7 vous garantir que vous pouvez aller sur place et vérifier que je n'étais

8 impliqué dans aucune de ces affaires, ni dans celle que vous venez de

9 mentionner, ni dans celle que vous avez mentionnée précédemment; je

10 l'affirme de manière tout à fait catégorique.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jasovic, au poste de police

12 d'Urosevac, il y a de la place pour combien de prisonniers ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne me suis rendu

14 dans la cellule que deux fois, alors que j'étais adjoint du commandant du

15 poste de police. Vraiment, je ne connais pas très bien cette pièce, je ne

16 peux pas vous dire si elle faisait deux mètres sur trois ou deux mètres sur

17 quatre. Je ne m'en souviens vraiment pas parce que quand j'y suis allé et à

18 deux reprises seulement, c'était en 1980 ou quelque chose comme cela. Je

19 vous le dis et c'est la vérité, vraiment, je n'ai aucune raison de cacher

20 quoi que ce soit, de mentir sur la dimension de cette pièce. Je ne sais pas

21 quelle était la dimension. C'était une cellule qui se trouvait en face du

22 bureau du secrétariat. Je ne peux pas vous dire si on pouvait y mettre 20

23 ou 30 personnes, je n'en suis pas sûr.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'était un lieu de détention, c'est

25 là qu'on détenait un certain nombre de personnes; c'était une cellule.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela se trouvait au rez-de-chaussée, en

2 face du bureau de l'officier de permanence.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ignorez la dimension de cette

4 cellule destinée aux gardes à vue dans votre poste de police ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne pourrais pas vous le dire. J'ignore

6 les dimensions exactes, j'ignore la largeur et la longueur de cette pièce.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. En 1998, l'état policier dans lequel vous fonctionniez était un état

10 dans lequel vous jouissiez d'une impunité totale et vous pouviez faire tout

11 ce que vous qui plaisait ?

12 R. Non, ce n'est pas exact. J'agissais dans le cadre de la loi. Je suis

13 professionnel et j'ai le statut de fonctionnaire de police habilité; il est

14 faux de dire que j'aurais peur, si j'avais outrepassé mes attributions.

15 Q. Bien --

16 R. La loi était la même pour tout le monde.

17 Q. Non seulement vous étiez -- excusez-moi, Monsieur le Président ?

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jasovic, n'avez-vous jamais

19 arrêté qui que ce soit ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne participais pas très souvent à des

21 opérations. Je n'ai jamais arrêté qui que ce soit. Je peux le garantir.

22 M. NICE : [interprétation]

23 Q. Non seulement vous étiez un homme extrêmement violent, mais en 1998,

24 vers cette période, vous étiez très impliqué dans tout cela. Votre ancien

25 collègue - à l'intercalaire 9, page 17 sur 25 [comme interprété] - déclare

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1 que vous vous empariez des passeports de certaines personnes pour les

2 empêcher de se déplacer et ceci dans l'intérêt de la cause serbe.

3 R. C'est faux. Les personnes qui étaient placées en détention et qui

4 venaient fournir des informations volontairement n'étaient généralement pas

5 munies de leur passeport. Je ne me rendais pas sur le terrain et je

6 n'interceptais pas les gens dans la rue pour m'emparer de leurs passeports

7 ou de leurs autres papiers d'identité.

8 Q. Vous --

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais, s'il vous plaît, que vous

10 réexaminiez le passage ou plutôt, pourriez-vous nous redonner la référence

11 de ce passage, Monsieur Nice ?

12 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Intercalaire 9,

13 page 17, il me semble que c'est ce que j'ai dit -- non, apparemment, je me

14 suis trompé parce qu'il n'y a que 16 pages. Non, page 7, paragraphe 25.

15 Q. Monsieur le Témoin, on voit une autre manière que vous aviez de

16 manifester votre engagement politique, c'est que vous étiez très troublé de

17 voir un certain nombre de personnes, des Albanais, acheter des terrains aux

18 Serbes. Vous souvenez-vous avoir manifesté votre angoisse sur ce point ?

19 R. Il est faux de dire que j'étais perturbé par cela. Ce que je peux dire,

20 c'est qu'il existait une loi qui limitait la vente de biens immobiliers et

21 qui stipulait que si un certain nombre de Serbes qui habitaient une rue ou

22 un certain endroit présentait une pétition, à ce moment-là, il fallait

23 prendre un certain nombre de mesures conformément à la législation. Je

24 crois qu'ici, on parle, également, d'un délit qui a été commis.

25 Q. Je vois que vous avez participé, vous avez été impliqué dans ces

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1 délits, vous vous êtes intéressé, vous vous êtes penché sur ces affaires,

2 sur ces délits, alors qu'en réalité, c'était le terrorisme qui relevait de

3 votre compétence. Or, vous vous êtes impliqué dans les enquêtes sur ce type

4 de délits relatifs à la vente de terrains ?

5 R. Non, pas du tout. Généralement, cela passe par la police, ce type de

6 plaintes pour délits ou pour affaires criminelles.

7 Q. Passons à autre chose. Intercalaire 12, toujours le même classeur, une

8 personne à laquelle nous avons fait référence, hier, le Dr Xhela Recica.

9 Savez-vous que ce médecin a gardé trace des personnes torturées au poste de

10 police ?

11 R. Je vous ai dit, hier ou avant-hier, que je ne connais pas ce médecin

12 bien que je connaisse un grand nombre de médecins albanais, mais celui-là,

13 je ne le connais pas.

14 Q. J'aimerais demander aux Juges de se référer à la page K0505383, il

15 s'agit de notes. Je vais demander à l'Huissier de bien vouloir s'approcher

16 et de placer le document en question sur le rétroprojecteur.

17 Voyez-vous, Monsieur le Témoin, ce médecin, à partir de 1991, a gardé

18 la trace en latin; il a répertorié les cas de tous ceux qui venaient le

19 voir dans son cabinet, après avoir été mis à pied de son emploi de médecin,

20 précédemment. Avez-vous connaissance de l'existence de ce docteur ?

21 R. Je vous ai déjà dit que pour ce qui est de ce nom et prénom, en dépit

22 du fait que je connais bon nombre de médecins albanais, celui-là, je ne le

23 connais vraiment pas.

24 Q. Auriez-vous l'amabilité -- nous allons, d'abord, nous référer à 1991;

25 puis, nous passerons à 1998.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'il serait juste de montrer au

4 témoin les documents dont on parle dans une langue qu'il est à même de

5 comprendre.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet. Monsieur Nice, d'où ce

7 document vient-il ?

8 M. NICE : [interprétation] Le médecin a tenu à jour un journal en latin,

9 pour ce qui est des personnes qui venaient le voir et se plaindre des

10 blessures qu'on leur avait portées au poste de police. Nous n'avons pas une

11 traduction.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Peut-être pourrions-nous le placer

13 sur le rétroprojecteur --

14 M. NICE : [interprétation] Je vous en suis reconnaissant.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- afin que les interprètes puissent

16 le traduire.

17 M. NICE : [interprétation] Bien --

18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il s'agissait d'un document en

19 manuscrit ou cela a été tapé sur ordinateur ?

20 M. NICE : [interprétation] Non.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il l'avait gardé sur ordinateur.

22 M. NICE : [interprétation] Il a transféré les données sur ordinateur.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Transféré ?

24 M. NICE : [interprétation] Je ne me souviens pas de tous les détails, je

25 crois qu'il a pris les notes à la main et qu'il a tapé, ensuite -- il a

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1 tenu à jour une sorte de journal, on peut le trouver dans sa déclaration;

2 il s'agit des paragraphes 9 et 10 de sa déclaration, page 3.

3 Il dit, je cite : "J'ai rédigé les diagnostics en latin." Il le dit

4 au paragraphe 9. "Ensuite, sur mon ordinateur, je décrivais la visite du

5 patient, les blessures, le diagnostic et le traitement prescrit à

6 l'intention de ce patient."

7 C'est ce que nous dit le document en question.

8 Q. Monsieur Jasovic, je vous demande de vous pencher sur l'écran et tout

9 ce que je voudrais que vous fassiez, c'est que vous consultiez les noms;

10 vous pouvez commencer par Behxhet Hyseni; puis, vous avez Milazim Murati,

11 Afrim Xhafai, Ahmet Hoxha et ainsi de suite. Dites-nous, vous souvenez-vous

12 avoir eu affaire à l'une quelconque de ces personnes ? Il est vrai que

13 c'était il y a longtemps, en 1991, mais je voudrais savoir si l'un

14 quelconque de ces noms vous dit quelque chose et nous ferons, ensuite, la

15 même chose pour 1998 et je précise que pendant toute cette période, ce

16 journal a été tenu à jour. Alors, avez-vous connaissance de l'un quelconque

17 de ces noms ?

18 R. Je n'arrive pas à me souvenir de ces noms. Vous avez bien fait de

19 préciser que c'est en 1991 et je ne sais même pas --

20 Q. D'accord.

21 R. -- en vertu de quoi ces personnes auraient été emmenées au SUP. Je ne

22 sais vraiment pas si elles l'ont été et je ne sais pas si ce document est

23 digne de foi.

24 Q. Je vais demander à M. l'Huissier --

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle date sommes-nous en train

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1 de parler ou plutôt, quel est le diagnostic fourni ?

2 M. NICE : [interprétation] Les diagnostics sont très variés. Mon latin

3 n'est pas très fort, mais vous verrez qu'il y a contusions, fractures,

4 ecchymoses -- enfin, nous n'avons pas tout fait traduire parce qu'on n'a

5 pas eu suffisamment de temps pour le faire. Mais il s'agissait de personnes

6 s'étant plaints de venir, d'arriver du poste de police d'Urosevac, pour la

7 plupart des cas.

8 Je voudrais que M. l'Huissier tourne la page 28 et on verra qu'au

9 total, il y a quelque huit pages comportant les noms de

10 83 personnes qui se sont plaintes dans le courant de l'année 1998.

11 Q. Je vous demande de vous pencher sur ces 14 premiers noms et prénoms --

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il semble qu'ils se plaignent

13 tous de coups reçus sur le corps et la tête.

14 M. NICE : [interprétation] Oui.

15 Q. Xhevat, Abdullah et ainsi de suite. Je vous prie de consulter la

16 totalité de ces noms jusqu'au bas de la page et de nous dire si l'un

17 quelconque de ces noms peut faire l'objet d'une assistance de votre part.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce rapport médical est mis en corrélation avec

21 le poste de police. Je ne comprends pas. Les gens s'adressent aux médecins,

22 d'habitude, pour des raisons variées. Pourquoi, maintenant, M. Nice, en

23 2005, affirme-t-il que ces personnes ont été au poste de police et qu'elles

24 y ont été battues ?

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il pose des questions au témoin

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1 et le témoin peut y répondre. Ensuite, peut-être établirons-nous une

2 corrélation.

3 M. NICE : [interprétation] Si l'accusé estime utile et s'il a le temps de

4 le consulter, mais je crois qu'il a reçu ce classeur depuis la semaine

5 passée et peut-être dans le courant du week-end qui vient, aura-t-il le

6 temps de lire la déclaration du médecin qui accompagne ce journal et y

7 trouvera la réponse à sa question.

8 Q. Y a-t-il des noms que vous reconnaîtriez, Monsieur Jasovic ?

9 R. Monsieur le Procureur, je n'arrive pas à me souvenir de ces noms, tout

10 simplement.

11 Q. Je vais revenir, tout à l'heure, sur la question du docteur. Mais je

12 voudrais, auparavant, que nous nous occupions brièvement de documents

13 autres que nous avons sur vous, Monsieur Jasovic. Il s'agit de déclarations

14 variées.

15 Tout d'abord, je vous réfère à l'intercalaire numéro 13. Plutôt, je

16 ne sais pas s'il convient de se pencher sur

17 l'intercalaire 13. Oui. Je dois rester sur l'intercalaire 13.

18 Avez-vous connu un homme répondant au nom de Ruzhdi Jashari ?

19 R. Je ne connais pas en personne le dénommé Ruzhdi Jashari, mais je sais

20 que dans les différentes déclarations, on a fait état de son affiliation ou

21 de sa qualité de membre de l'UCK.

22 Q. Oui, c'est ce qu'il dit dans la déclaration, mais il se

23 trouve, également, être membre du conseil de la défense des droits et des

24 libertés de l'homme.

25 R. Je n'en ai pas entendu parler. Mais je crois qu'il était correspondant

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1 de presse d'un journal quelconque.

2 Q. Des gens venaient à lui pour lui remettre des plaintes écrites par

3 leurs soins et je vous demande de vous pencher sur la page 505193.

4 Il y a l'original écrit à la main; les derniers chiffres sont 193

5 [comme interprété].

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 64 vient avant le 97.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cela n'a pas été rangé dans

8 l'ordre.

9 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup. Je m'excuse à propos de --

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que les pages ne coïncident pas

11 entre les pages manuscrites et les pages tapées à la machine.

12 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est cela.

13 Q. Il s'agit, ici, d'un document manuscrit. La date qui figure est celle

14 du 8 juin 1998. Il parle des modalités de son arrestation, puis, il dit :

15 "Vers 10 heures 30, moi-même et un autre homme ou plutôt, six d'entre nous

16 âgés entre 20 et 25 ans avons été emmenés au poste de police d'Urosevac.

17 Nous avons été battus brutalement, comme des bêtes jusqu'à ce qu'on nous

18 jette dans la cellule." Il donne les noms des personnes détenues.

19 Puis, il dit : "On nous a interrogé pour savoir si on savait qui

20 avait tué un policier et ils nous ont pris nos renseignements personnels,

21 nos coordonnées et ils nous ont dit de restituer nos armes d'ici samedi.

22 Personnellement, j'ai été blessé à l'œil gauche, à la mâchoire, ma femme a

23 été blessée à la tête." Vous voyez le nom de cet homme en haut de la page.

24 C'est Mehdi Sopaj, un homme qui a écrit, qui a rédigé sa plainte, à ce

25 moment-là. Il a remis cette plainte au conseil chargé de la protection des

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1 droits de l'homme. Avez-vous souvenir de ce Mehdi Sopaj ?

2 R. Non. Cet homme-là n'est jamais venu pour être interrogé par mes soins.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question.

4 M. NICE : [interprétation] Oui, excusez-moi.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A quel étage aviez-vous votre bureau ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Au troisième étage, bureau

7 numéro 59.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, avez-vous l'intention

10 de citer à comparaître certains de ces informateurs, certains informateurs

11 à vous dans la réplique ?

12 M. NICE : [interprétation] Si besoin est, à l'occasion de la réplique, je

13 pourrais citer à comparaître les auteurs de ces plaintes. Il ne faudrait

14 pas qu'il s'agisse là de témoignage par ouï-dire. Je vais citer ces

15 personnes-là, elles-mêmes à comparaître. Cela ne me pose pas de problème.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis en train de me faire une

17 idée de l'importance de ces déclarations afin que nous puissions prendre

18 position comme il se doit.

19 M. NICE : [interprétation] Tous ces gens sont disponibles. Il y a une autre

20 personne qui fait partie de la même connexion.

21 Je demanderais à Monsieur l'Huissier de retrouver la page 5196.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il ne s'agit pas là de déclarations par ouï-

25 dire; ce sont des déclarations de troisième main. Tenez, écoutez, penchez-

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1 vous sur l'intercalaire numéro 13, qui est cité actuellement par M. Nice.

2 On dit ici en anglais : "Ils se sont plaints en ma présence, et ils ont

3 rédigé leur déclaration en ma présence, en présence de Keli."

4 Si des Albanais ont fait des déclarations à cet homme-là, c'est lui

5 qui les a rédigées, et M. Nice est en train de verser cela au dossier, sans

6 témoin, sans contre-interrogatoire, sans rien du tout.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je ne vous ai

8 pas convié à entamer un débat sur cette question.

9 M. NICE : [interprétation] Je vais apporter un commentaire. Je ne veux pas

10 créer de difficulté, mais je tiens à préciser à l'accusé la situation telle

11 qu'elle se présente. Ce niveau de témoignage de deuxième main se trouve

12 être identique à la situation où Danica Marinkovic a apporté des

13 déclarations de ces témoins à elle, où ils ont parlé de certaines choses.

14 C'est tout à fait identique.

15 Je demanderais maintenant à Monsieur l'Huissier --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous avez autre chose à dire ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement, concernant le fait de mentionner Mme

18 Marinkovic. Mme Danica Marinkovic, juge d'instruction a expliqué ici

19 qu'elle a recueilli des déclarations en présence du procureur public de

20 l'accusé, du suspect et du conseil de la Défense du suspect. Si cela est du

21 même niveau que ce qu'il est en train de nous présenter, alors je --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le moment n'est

23 pas venu de débattre de ce point-là.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Si nous nous penchons sur ces déclarations, il s'agit de quelqu'un qui

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1 s'est adressé au conseil chargé de la protection des droits et de liberté

2 de l'homme. Il vient du village de Suva Reka, et il a dit qu'il voulait

3 compléter une déclaration préalable. Il dit : "Pendant que j'étais dans une

4 prison improvisée, dans une maison privée à Urosevac qui se trouvait à côté

5 de l'école technique où j'ai été gardé en otage, j'ai assisté à des

6 tortures inhumaines de la part de la police et des soldats serbes. Ils se

7 sont servis des moyens les plus barbares, y compris les chocs électriques."

8 Cette déclaration émane d'Osman Halili.

9 Vous souvenez-vous du dénommé Osman Halili ?

10 R. Je ne me souviens pas de cet homme-là, Monsieur le Procureur. Si vous

11 avez une déclaration de sa part, je veux bien me pencher sur ce qu'il a

12 dit. Je crois qu'il a déclaré ceci le

13 9 août 2004. Je vois cela en langue albanaise. Je vois que cela a été fait

14 à Suva Reka.

15 Q. Voyez-vous, le choc électrique, en sa qualité de méthode de torture

16 utilisée par votre poste de police, est une chose à laquelle on se réfère

17 dans bon nombre de sources indépendantes. Comment pouvez-vous le

18 commenter ? Comment se fait-il qu'un certain nombre de personnes venant de

19 parties différentes du pays se plaignent de choc électrique ?

20 R. Ce n'est pas vrai, Monsieur le Procureur. Aucun choc électrique n'a été

21 utilisé. Je ne sais pas de quel choc électrique du tout vous êtes en train

22 de parler. Je vous affirme en toute responsabilité qu'il n'y a aucune

23 vérité au sujet de ces chocs électriques ou au sujet de l'utilisation

24 quelconque du courant électrique.

25 Q. L'intercalaire d'après est l'intercalaire 14. Il y a une déclaration

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1 qui est faite dans l'affaire Limaj dans le cadre de la Défense. Cette

2 déclarations nous est parvenue par le biais des accusés de cette affaire-

3 là. Ce que je tiens à préciser, c'est tout d'abord le fait que vous pouvez

4 vous pencher sur la version manuscrite.

5 Vous voyez le nom de cet homme-là. Connaissez-vous le dénommé Adem

6 Selmani ?

7 R. Je n'ai pas le texte.

8 Q. On vous le donnera.

9 R. Oui, je vois Adem Selmani en haut. On vient de me le donner en langue

10 albanaise.

11 M. NICE : [interprétation] Hors micro.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, on ne dit pas ici que

13 cela a été établi pour les besoins de la Défense de Limaj.

14 M. NICE : [interprétation] Oui, vous avez raison. Cela n'est pas précis, en

15 effet, mais laissez-moi vérifier.

16 Oui, Monsieur le Juge a raison. Cette déclaration est parvenue aux

17 personnes qui sont chargées de l'affaire Limaj. On nous l'a mise à

18 disposition dans le courant de l'enquête à nous.

19 Q. Je crains fort que l'écriture ne soit pas aisée à lire.

20 R. Je parle albanais, mais pour ce qui est de l'écriture, c'est très dur à

21 lire.

22 Q. Oui, je comprends qu'il ne soit pas facile de le lire, mais je vais

23 vous en donner lecture d'un ou deux passages de ces déclarations d'Adem

24 Selmani. Cela se trouve tout en bas de la page en langue anglaise. En

25 décrivant ce qui s'est produit dans l'école où il a été détenu dans le

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1 courant du mois de mai 1999. Lorsqu'il est arrivé à l'école, vous, Nebojsa

2 Djordjevic et Sparavalo étiez là-bas. Vous l'avez emmené dans les salles de

3 classe.

4 Tout d'abord, dites-nous s'il est exact de dire qu'en mai 1999, vous vous

5 êtes servi d'une école pour la détention de personnes et pour les

6 interrogatoires ?

7 R. Tout d'abord, on n'a pas utilisé d'école du tout. Deux, je ne suis pas

8 allé dans des écoles. Je n'ai pas quitté mes bureaux surtout pas pour aller

9 dans des écoles. Je ne me souviens pas de l'intéressé, mais je vois que sa

10 déclaration date du 13 mai 2005. Il aurait pu se plaindre à la KFOR, à la

11 MINUK dès notre départ. Il aurait pu se plaindre à d'autres organisations

12 compétentes au Kosovo-Metohija dès notre départ.

13 Q. Voyez-vous, il affirme que vous l'avez battu, que vous lui avez donné

14 l'ordre de chanter des chansons serbes et d'embrasser la photo de l'accusé.

15 L'avez-vous fait ?

16 R. Tout d'abord, on ne l'a pas battu, on ne l'a pas obligé à chanter du

17 tout, et troisièmement, la photo de l'accusé, je ne l'avais pas du tout

18 dans mon bureau.

19 Q. En page de la version anglaise, il est en train de parler du café

20 Pranvera. Vous souvenez-vous de ce café ?

21 R. Oui. Je vous ai déjà dit, qu'en raison des craintes ou de la peur des

22 bombardements, le secrétariat à l'Intérieur d'Urosevac a déménagé; ce qui

23 fait que les questions relatives à la criminalité générale a été installé

24 au Café Pranvera qui se trouve juste à côté d'Elektro Kosovo; la compagnie

25 de distribution d'électricité.

Page 40984

1 Q. Oui. Il dit deux choses au sujet de ces personnes qui ont été détenues.

2 D'abord, il dit qu'elles ont été battues, puis qu'elles ont été soumises à

3 des chocs électriques. Je suppose que vous allez également dire que ce

4 n'est pas vrai.

5 R. Oui, vous avez raison. Ce n'est pas vrai. Je ne sais pas du tout de

6 quels chocs électriques ils sont en train de parler.

7 Q. Ensuite, il affirme que lorsque la situation est devenue plus

8 dangereuse encore, les policiers avaient fui la cafétéria en y laissant les

9 détenus. Ils ne pouvaient pas sortir du bâtiment parce que le bâtiment

10 était miné. Dans une première déclaration recueillie par M. Kelly, on

11 explique de quoi il est question. Ils ont précisé que les mines ont été

12 passées à l'extérieur du bâtiment. Dites-nous, est-ce que cette cafétéria

13 Pranvera a été minée pour que l'on y garde les personnes à l'intérieur

14 quand on le voulait ?

15 R. Il n'y a aucune vérité dans tout cela, Monsieur le Procureur. Je n'ai

16 jamais fui mes bureaux ni moi, ni mes collègues. C'est une invention pure

17 et simple. Je vous l'affirme en toute responsabilité. Qu'est-ce que c'est

18 que ces bêtises ? Moi, m'enfuir et laisser des gens dans une cafétéria pour

19 sauver ma peau ? Il n'y aucune vérité dans tout cela.

20 Q. Mais c'est ce qu'on a dit.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, à la

22 ligne 3 de cette déclaration, on mentionne une localité. Je ne sais pas si

23 on pense à S-h-t-i-m-l-j-e ?

24 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est une orthographe différente seulement.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jasovic, est-ce que l'école

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1 de Stimlje a été utilisée de quelque façon que ce soit par la police ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en ai pas connaissance, Monsieur le Juge.

3 Je ne sais pas si cela a été utilisé, parce que moi, pendant les

4 bombardements de l'OTAN, je n'ai pas été à Stimlje du tout. Je ne me suis

5 pas déplacé là-bas.

6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous connaissez l'intéressé

7 répondant au nom d'Emin Duraku ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'il y a une rue appelée Emin Duraku

9 à Urosevac, mais je ne sais pas exactement dans quel quartier de la ville

10 elle se trouvait. Emin Duraku. Le nom de la rue existe.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

12 M. NICE : [interprétation] Je demanderais à Monsieur l'Huissier à remettre

13 au témoin la déclaration figurant è l'intercalaire 16 dans une langue qu'il

14 est à même de comprendre. La version anglaise devrait être passée sur le

15 rétroprojecteur. Ce qui nous intéresse, c'est la page 2 de cette version

16 anglaise. C'est vers la fin du document que cela se trouve. Nous

17 reviendrons ensuite à l'original. Q. Veuillez vous pencher sur la fin de

18 ce document. Ici, un dénommé Avdi Hysenaj est en train de raconter qu'il

19 vous a vu à la télévision pendant votre témoignage contre les libérateurs

20 de l'UCK qui ont apporté la liberté à cette population. Il était surpris de

21 vous entendre témoigner, parce que vous les avez torturés, et vous avez eu

22 le toupet de venir dans un prétoire pour dissimuler vos crimes. C'est ainsi

23 qu'il a pu vous identifier. Il l'a dit au représentant au bureau du

24 Procureur.

25 Il décrit ce qui s'est produit avec lui en date du

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1 1er février 1999. Il a été emmené au poste de police de Stimlje. Il a été

2 emmené en jeep jusqu'à Urosevac, et il indique vous êtes allé le chercher

3 là-bas.

4 Donc, Avdi Hysenaj, fils de Gjevat. Que savez-vous de lui ?

5 R. Je ne le connais pas. Bien sûr que j'ai travaillé à Stimlje. Les

6 citoyens de Stimlje et d'Urosevac me connaissent forcément. Cet intéressé-

7 là, je ne le connais pas, je ne peux pas m'en souvenir. Si vous avez sa

8 déclaration, je veux bien qu'on me la donner pour que je vois.

9 Q. Oui, nous avons une déclaration. La déclaration, vous l'avez sous les

10 yeux. Vous voyez bien ce qu'il a dit. Nous allons parcourir ensemble pour

11 voir ce qu'il dit.

12 R. Au secrétariat de l'Intérieur, je n'ai pas eu un intéressé répondant à

13 ce nom. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

14 Q. Voyons ce qu'il dit. Milieu de la page 1 : Une fois emmené à Urosevac

15 où vous avez demandé après lui, il dit : "On m'a dit d'entrer, et dès le

16 début, un policier serbe répondant au prénom de Cedo m'a provoqué."

17 Connaissez un policier ?

18 R. Je connais un dénommé Cedo, mais il n'a pas travaillé â Urosevac. Il a

19 travaillé à Stimlje, au poste de police de Stimlje. On voit bien tout de

20 suite quelle est la tournure que prend sa déclaration.

21 Q. D'accord. Très bien. Ensuite, il indique : "Par la suite, sept ou huit

22 policiers ont commencé à me battre de façon incontrôlée. Au bout d'un

23 certain temps, un policier est descendu de l'étage, et il a dit que

24 l'inspecteur Jasovic voulait me voir. Lui, Jasovic, m'a demandé pourquoi je

25 saignais. Je lui ai répondu que ses policiers à lui m'avaient battu. Lui, a

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1 demandé pourquoi j'ai été battu et pourquoi je n'ai pas reconnu ce qu'on

2 m'a demandé d'avouer. Alors, je lui ai dit que je ne savais pas ce qu'il

3 fallait avouer. Je lui ai dit que j'aurais dit quelque chose, enfin, que

4 j'aurais dit ce que je savais si je le savais. Jasovic m'a demandé si je

5 lui répondrais à ses questions. Alors, je lui ai dit si je savais répondre,

6 je lui ai dit que je répondrais. Il m'a dit : Si tu veux revoir tes

7 enfants, tu a intérêt à répondre, sinon, avant minuit, on te décapitera."

8 Vous souvenez-vous d'une conversation que vous auriez eue avec Avdi

9 Hyseni ?

10 R. Monsieur le Procureur, je ne m'en souviens pas du tout. Je n'ai jamais

11 demandé à voir cette personne. Je ne pouvais pas savoir que c'était un

12 individu qui se trouvait au rez-de-chaussée du secrétariat à l'Intérieur

13 d'Urosevac. Je n'arrive vraiment pas à me souvenir de cet homme-là. S'il y

14 a une déclaration de sa part, je veux bien me pencher dessus pour voir ce

15 qu'il a déclaré. Mais je n'ai aucune idée d'une personne que j'aurais

16 demandé à voir.

17 Q. Il dit que vous aviez demandé à le voir. Voyons ensuite ce que vous

18 avez fait, d'après lui.

19 "Jasovic m'a dit que si je voulais survivre, il fallait que j'aille à

20 Petrove, et à Laniste, et lui ramener une liste des armes et des

21 équipements à l'UCK, autrement, je serais tué. Jasovic m'a demandé les noms

22 de membres de l'UCK au village de Petrove. Je n'en savais rien, puisque je

23 résidais à Stimlje, dit-il. Etant donné que ma maison au village a été

24 incendiée, je n'ai eu aucun contact avec les gens de mon village. Jasovic

25 m'a ensuite demandé qui est-ce qui avait incendié ma maison. Je lui ai dit

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1 que ma maison a été incendiée lorsque les forces serbes sont entrées dans

2 le village."

3 Par la suite, vous êtes tombé en colère, et vous avez commencé à le battre.

4 Vous lui avez dit : "C'est toi qui l'as voulu." Ceci n'est pas le Kosovo;

5 ceci est la Serbie.

6 Une fois qu'il a pu quitter le poste de police, il s'est procuré un

7 constat médical concernant son état de santé quoique nous ne l'ayons pas.

8 Que dites-vous, et avez-vous affirmé que ce n'est pas le Kosovo mais la

9 Serbie ?

10 R. Je n'ai jamais prononcé de tels mots. Rien de ce qui figure ici

11 correspond à la vérité. Parce que si les choses s'étaient passées comme

12 cela - je le répète - pourquoi est-ce qu'il ne s'est pas plaint après la

13 guerre ? Il y avait des représentants internationaux très nombreux au

14 Kosovo-Metohija à ce moment-là. Je ne sais même pas si cet homme est venu

15 me voir à quelque moment que ce soit. J'aimerais qu'on me montre une preuve

16 de cela. Si cet homme s'est trouvé devant moi, il est vraisemblable que

17 j'ai eu avec lui un entretien informatif et que j'ai recueilli une

18 déposition de sa part. J'ai dû rédiger une note à son sujet en présence de

19 M. Sparavalo qui se trouvait toujours là à coté de moi dans ces conditions.

20 Q. C'est tout ce dont j'aurais besoin pour le moment - non, il y a un

21 autre intercalaire dont j'aimerais m'occuper. C'est l'intercalaire 19.

22 Regardons-le rapidement.

23 Cet intercalaire revient sur les documents émanant du médecin. Je

24 vais vous en expliquer le format. Certains de ces documents sont présentés

25 sous forme récapitulative traduite. Monsieur l'Huissier, peut-être serait-

Page 40989

1 il préférable que vous m'apportiez d'abord à moi le document avant de le

2 remettre au témoin.

3 Vous avez bien compris, n'est-ce pas, Monsieur Jasovic, que j'ai

4 appelé votre attention sur des sources diverses, des témoins ayant témoigné

5 dans d'autres affaires, des rapports médicaux. Nous avons examiné des

6 rapports d'organisations des droits de l'homme, nous avons commencé à

7 regarder les dépositions des personnes qui ont fait des dépositions devant

8 vous et tout cela donne une image de violence et de mort centrée sur votre

9 poste de police.

10 Ici, nous avons un rapport récapitulatif dû à une organisation des

11 droits de l'homme au Kosovo et sur le rétroprojecteur, vous avez la

12 première page de ce rapport qui traite de violence serbe contre la

13 population civile albanaise pendant la guerre, à savoir, depuis le début de

14 1998 jusqu'à juin 1999. Les gens se faisaient tuer, il est écrit, ici, que

15 dans la municipalité de Ferizaj, 124 personnes ont été tuées par la police,

16 l'armée et les paramilitaires serbes, au cours de la guerre et le texte se

17 poursuit en disant que six personnes ont été tuées en 1998; neuf, de

18 janvier à mars 1999, 101, de mars à juin 1999. Ensuite, il est question du

19 mois d'août et cela se poursuit jusqu'en l'an 2000.

20 Est-ce que vous contestez que six personnes aient été tuées par la

21 police en 1998 comme cela est écrit ici ? Nous pourrons, également,

22 examiner les documents à l'appui de ce récapitulatif, si nous en avons le

23 temps, mais je ne vais pas le faire immédiatement.

24 Il s'agit d'une organisation des droits de l'homme qui établit un

25 tableau statistique émanant de sources diverses et c'est ce que vous avez

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1 sous les yeux. Est-ce que vous contestez le contenu de ce document ?

2 R. Je le conteste. Je ne sais pas quoi vous répondre. Je ne sais pas

3 ce que je pourrais répondre à cela.

4 Q. Dernier point sur ces rapports, il est temps, maintenant, que je

5 revienne à une observation que j'ai déjà faite il y a quelques instants.

6 Voyez-vous, la même organisation était une organisation qui s'occupait de

7 toute la région, la population de la région de Ferizaj. Nous lisons ce qui

8 suit : la population de Ferizaj et au Kosovo --

9 R. Urosevac, Kacanik, Lipjan --

10 Q. Voyez-vous, ce que dit ce document est la chose suivante, je cite :

11 "J'ai examiné ces patients qui ont été blessés par la police sous la garde

12 de --" et les noms suivent, "-- de médecins qui travaillaient dans cette

13 clinique privée." C'est le médecin dont nous avons déjà parlé qui s'exprime

14 ici. L'analyse porte sur 449 cas des municipalités dont les noms sont

15 énumérés dans le texte, ensuite, les municipalités sont segmentés en

16 Ferizaj et autres municipalités pertinentes de la région et voyez-vous, les

17 résultats de ce tableau statistique permettent de penser, comme le fait

18 cette organisation des droits de l'homme, que 82,6 % des plaintes émanaient

19 de Ferizaj.

20 Souvenez-vous, j'ai dit, dans une partie précédente de mon interrogatoire,

21 que votre poste de police semblait être un poste particulièrement violent

22 et c'est le cas, selon ce rapport, n'est-ce pas ? C'était bien un poste de

23 police particulièrement violent ?

24 R. Ceci n'est pas vrai. En dehors de notre région, nous voyons qu'il y a

25 d'autres régions mentionnées, Lipjan, Pristina. Lipjan fait parti de la

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1 région de Pristina; il y a aussi Gnjilane, et cetera.

2 Q. Regardons ces statistiques qui portent sur les mauvais traitements

3 subis par des personnes en détention. Votre poste de police arrive en

4 numéro un, sur tous les plans, n'est-ce pas ?

5 R. Monsieur le Procureur, je ne sais pas que répondre à vos questions. Je

6 pense qu'un officier supérieur serait sans doute plus à même d'y répondre.

7 Les officiers supérieurs disposent de toutes les statistiques; j'étais

8 inspecteur de la police judiciaire, simple policier. Je ne sais vraiment

9 pas que répondre à ces questions relatives à Pristina, et cetera.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les statistiques de Ferizaj

11 concernent un poste de police ou plusieurs ?

12 M. NICE : [interprétation] Si j'ai bien compris, elles concernent

13 uniquement le poste de police de Ferizaj. Mais peut-être Stimlje est-elle

14 incluse, je n'en suis pas absolument certain, à l'instant même. Il faudrait

15 que je vérifie. Il s'agit probablement de tout le secteur de la

16 municipalité.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'Urosevac est inclue dans ce

18 secteur ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Shtima appartient à --

20 M. NICE : [interprétation] Malheureusement, les localités ont toujours deux

21 noms. Ferizaj, c'est Urosevac.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est un seul et même

23 poste de police ?

24 M. NICE : [interprétation] Pour autant que je le sache, c'est une seule et

25 même municipalité et un seul et même poste de police.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] A Urosevac, il y avait un seul de poste de

2 police, le poste de police public et il y en avait un autre qui était

3 chargé des problèmes de circulation routière.

4 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, les choses sont très

5 claires car quatre rubriques plus bas, nous trouvons mentions de Stimlje et

6 je pense que Stimlje est incluse.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel est le numéro d'intercalaire de

8 ce document ?

9 M. NICE : [interprétation] Intercalaire 19. J'ai encore une question à

10 poser sur ce document.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la page ?

12 M. NICE : [interprétation] L'intercalaire 19 se trouve, à peu près, dans la

13 deuxième moitié des documents de cette troisième série. Je crains fort

14 qu'il n'y ait pas de numérotation, pas de pagination et que je ne puisse

15 être plus précis.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Première page.

17 M. NICE : [interprétation] Troisième série de documents, première page avec

18 l'analyse à l'appui, l'analyse qui conclut ces documents. Avec votre

19 autorisation, je reviendrais, maintenant, au premier document que j'ai

20 montré tout à l'heure dans cet intercalaire car j'ai encore une question

21 que j'aimerais poser à ce sujet. J'ai l'original et je demanderais que les

22 Juges se rendent en page 3 de ce document et que M. l'Huissier la place sur

23 le rétroprojecteur.

24 Q. Monsieur Jasovic, est-ce que vous pourriez vous rendre en page 2 du

25 document dans votre version. Vous verrez un paragraphe qui commence par un

Page 40993

1 titre 1998 et qui se termine par les cinq lignes suivantes : "De nombreux

2 militants politiques et des droits de l'homme ont été emprisonnés en juin

3 et juillet de cette année 1998. Cela inclut Sylejman Bytyci, Cen Dugolli,

4 Agim Recica du LDK." Puis, des militants du NKDM, tels que Bislimi, Zymberi

5 et d'autres, tous condamnés par les tribunaux serbes à 15 ans de prison,

6 alors que Bislimi, Rexhep Bislimi et Bilall Shala ont été torturés à mort

7 dans des prisons serbes."

8 Dans le paragraphe suivant où il est question de la mort des militants,

9 nous lisons ce qui suit, je cite : "Après leur emprisonnement, ces trois

10 hommes ont été torturés de la façon la plus violente et la plus diversifiée

11 par les policiers et inspecteurs serbes de la prison et ils sont morts.

12 Bislimi, militant arrêté le

13 6 juillet, est mort quelques jours plus tard. Un deuxième homme, arrêté le

14 21 juin, est mort le 17 août dans la prison de Pristina et Bilall Shala,

15 arrêté le 28 août, est mort 48 heures plus tard dans le poste de police

16 d'Urosevac, Ferizaj. Les tortures sont prouvées par des photos prises après

17 la mort. Ce sont des meurtres sans jugement."

18 Votre poste de police est impliqué. Que savez-vous de la mort de ces trois

19 hommes ?

20 R. Je dirais, d'abord, qu'aucun de ces trois hommes ne s'est trouvé dans

21 mon bureau pour un entretien informatif. Je ne saurais rien dire à leur

22 sujet. Mais je suppose qu'il est possible que ces hommes aient été amenés

23 pour entretien informatif dans les locaux de la sécurité d'état. C'est une

24 supposition de ma part, mais je ne sais rien à leur sujet, je ne sais pas

25 si ces personnes ont été appréhendées ou pas, emprisonnées ou pas. Je ne

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1 sais pas si elles se sont trouvées dans les locaux du secrétariat à

2 l'Intérieur d'Urosevac, du tout.

3 Q. Encore une fois, est-il exact que si ces décès se sont produits en

4 détention ou suite à une détention, est-il exact que vous, représentant

5 d'un poste de police, n'ayez rien su, ne sachez rien à ce sujet ?

6 R. Monsieur le Procureur, vous parlez de détention et de personne

7 appréhendée et je vous dis qu'il n'y a eu absolument aucune mort parmi les

8 personnes en détention ou parmi les personnes appréhendées. Prouvez-moi que

9 quelqu'un serait mort dans cette pièce, à savoir, dans la cellule de

10 détention. Je pense avoir déjà dit cela.

11 Q. Pas nécessairement dans la cellule de détention, Monsieur Jasevic, vous

12 le savez bien. Mais après le traitement subi dans votre bureau ou ailleurs,

13 ces hommes, il leur arrivait de se jeter par la fenêtre ou d'être poussés

14 hors de la fenêtre; vous ne savez rien de cela, non plus ?

15 R. Monsieur le Procureur, dans mon bureau, personne ne s'est jeté par la

16 fenêtre. Vous essayez de m'amener, ici, à vous dire ce qui s'est passé dans

17 tout le bâtiment du secrétariat. Je ne sais que ce que j'ai fait, moi-même;

18 je ne peux parler que de cela. J'ai déjà dit, tout à l'heure, que les

19 questions que vous posez, ceux qui pourraient y répondre sont des officiers

20 supérieurs qui ont une vision plus globale que moi, de la situation.

21 Comment est-ce que je pourrais savoir si ces hommes sont venus dans les

22 locaux du secrétariat ou pas et s'ils ont été placés en détention ou pas ?

23 Q. Monsieur Jasovic, nous allons, maintenant, passer à un autre sujet,

24 classeur 2 des documents.

25 M. NICE : [interprétation] Je demanderais à la Chambre de se saisir de ce

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1 deuxième classeur des documents Racak. Je pensais que j'en avais fini avec

2 ce dossier, mais il y a certains points sur lesquels j'aimerais encore

3 appeler l'attention des Juges de la Chambre et celle du témoin, d'ailleurs,

4 pour essayer d'obtenir un récit concernant les actions des Serbes. Le

5 témoin peut sans doute nous aider sur ce point.

6 Je sais que certains documents ne constituent pas encore des intercalaires

7 en tant que tels, mais ont simplement un numéro temporaire en haut de la

8 page. Si les Juges le souhaitent ou veulent bien me suivre, je leur

9 demanderais de se rendre à l'intercalaire 5, le document qui a un numéro 5,

10 en haut de la première page -- le voici. Monsieur l'Huissier, pouvez-vous

11 le remettre au témoin. Je demanderais, également, que cet intercalaire 5

12 soit placé sur le rétroprojecteur, en version anglaise et que l'original

13 soit remis au témoin.

14 Veuillez vous rendre, Monsieur Jasovic, d'abord, à la dernière page de la

15 version anglaise et à la dernière page de l'original serbe.

16 Pourquoi est-ce que nous examinons cette dernière page ? Pour une raison

17 très simple : le document dactylographié, à moins qu'il n'ait été faxé,

18 semble porter la signature de quelqu'un dont le nom est Janicevic, le

19 prénom étant Bogoljub. Avez-vous le moindre doute quant au fait qu'il

20 s'agit bien de votre supérieur hiérarchique ?

21 Q. Il s'agit bien de votre supérieur hiérarchique, n'est-ce pas ?

22 R. M. Bogoljub Janicevic était à l'époque chef du secrétariat à

23 l'Intérieur d'Urosevac.

24 Q. Monsieur l'Huissier, je vous demanderais, maintenant, de revenir au

25 début du document, c'est-à-dire, à la première page.

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1 Je vous demanderais de bien suivre le texte avec moi, Monsieur Jasovic.

2 R. Oui.

3 Q. Vous lisez ce document, nous pouvons le suivre, également, en

4 traduction grâce au système d'affichage publique; il porte la date du 15

5 janvier, le jour même.

6 Au premier paragraphe, nous lisons que des mesures ont été prises pour

7 isoler le village en vue de capturer et de détruire un groupe terroriste.

8 Il n'est pas question d'arrestation, de mise en détention ou

9 d'interrogatoire, n'est-ce pas ? Il est dit, capturer et détruire, n'est-ce

10 pas ? Ce sont les mots utilisés dans ce texte.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les mots utilisés dans la version originale

13 dans ce texte qui vient du chef du SUP, c'est B/C/S, c'est-à-dire, en vue

14 d'attraper.

15 M. NICE : [interprétation] Et --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas de destruction ? Le mot

17 destruction n'est pas utilisé ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ensuite, le mot suivant est le mot utilisé.

19 Mais le mot important, c'est appréhender, attraper. M. Nice insiste sur les

20 mots capture et destruction. Ici, il est dit, la nécessité d'appréhender,

21 de liquider un groupe de terroristes. Ce sont des termes couramment

22 utilisés par les policiers; donc, appréhender.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Voyez-vous, vous vous souviendrez que nous avons entendu parler de

25 cette émission de télévision ou Goran Radosavljevic avait dit avoir reçu

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1 des ordres en vue d'attaquer et de détruire les terroristes et il utilise

2 un peu plus loin le mot liquider. Ce document, Monsieur Jasovic, parle de

3 capture ou la nécessité de les capturer ou de les appréhender et de

4 détruire un groupe terroriste. Est-ce que vous avez bien compris quel était

5 l'objet de cet exercice, de cette tâche ?

6 R. Dans le but d'appréhender, de découvrir parce que la police n'a jamais

7 pour but de détruire un groupe terroriste. Son but est de trouver les

8 responsables, de les exposer et de les capturer. Il est bien question

9 d'auteurs potentiels d'attentats, et cetera.

10 Q. Ecoutez, Monsieur Jasovic, utilisez votre cerveau et parlez-nous de

11 votre connaissance de la langue.

12 Passons au paragraphe suivant qui commence par : "La bataille" --

13 R. Monsieur le Procureur, je ne peux pas comprendre ce qu'on appelle

14 liquidation d'un groupe terroriste. Je sais que l'objectif était de les

15 découvrir et de les priver de liberté.

16 Q. Liquidation, cela signifie tuer, n'est-ce pas ? C'est tout simple.

17 R. Priver de liberté ne signifie pas tuer.

18 Q. Mais liquidation signifie tuer.

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Ne le savez-vous pas ? Alors, regardez le paragraphe suivant et voyez

21 si vous pouvez nous aider.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais --

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, Monsieur le Procureur, vous me

24 parlez d'une émission de télévision, vous me parlez d'un télégramme ou d'un

25 document signé par le chef du SUP, Bogoljub Janicevic et je ne saurais

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1 commenter cette émission. Je ne connais pas un seul policier de police

2 judiciaire qui écrirait quelque chose à la place du chef du SUP. Je ne peux

3 pas le commenter à sa place.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jasovic, le paragraphe qui

5 commence par les mots : A 3 heures 00, le 15 janvier, est-ce que vous

6 pourriez lire les trois premières lignes ou les trois premières phrases de

7 ce paragraphe, je vous prie ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je cite : "Le 15 janvier 1999, à partir de 3

9 heures, des mesures ont été prises pour isoler le village de Racak,

10 municipalité de Stimlje, en vue d'appréhender et de réduire à néant le

11 groupe terroriste qui, selon nos informations, aurait commis un certain

12 nombre d'attentats terroristes avec conséquences mortelles sur le

13 territoire d'Urosevac."

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci beaucoup.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Est-ce que nous pourrons maintenant regarder le paragraphe suivant qui

17 nous permettra de mieux comprendre la signification du mot liquidé. Ce

18 paragraphe se lit comme suit, n'est-ce pas, je cite : "La bataille contre

19 les terroristes a duré jusqu'à 15 heures 30. Pendant la fouille du village,

20 on a ouvert le feu sur des représentants de la police à l'aide d'un

21 Browning de calibre 12,7 millimètres et d'un mortier. Le groupe terroriste

22 a été liquidé au prix d'efforts maximaux de la part de la police."

23 Liquidation, cela signifie tuer, parce que c'est bien ce qui s'est

24 passé dans ce cas précis, n'est-ce pas ?

25 R. Le mot liquidé signifie liquidé, tué.

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1 Q. Merci, au paragraphe suivant --

2 R. Ou tuer.

3 Q. Au paragraphe suivant, il est question des blessures par ricochet

4 subies pas Bojan Trajkovic, et au paragraphe suivant, sur lequel j'appelle

5 votre attention pour deux raisons - donc deux sources d'intérêt - il est

6 question d'une embuscade au cours de la période où le village était isolé,

7 qui a été dressée entre les villages de Luznica et de Rance, derrière les

8 tranchées et les passages reliant les tranchées des terroristes. Au cours

9 de cette opération menée par une unité déterminée, des tentatives ont été

10 faites pour appréhender les membres du groupe terroriste. Il est fait

11 référence à des actions visant à appréhender ces hommes qui sont tombés

12 dans l'embuscade. "Les terroristes ouvrent le feu à ce moment-là, et après

13 quelques heures de combat, ils sont liquidés, après avoir été appelés à se

14 rendre. Aucun des terroristes ne s'est rendu, ne s'est livré."

15 Dans ce paragraphe, il est fait référence à des actes visant à appréhender

16 ces hommes, à les arrêter. Le mot "embuscade" est utilisé ainsi que le mot

17 liquidé, n'est-ce pas ? Je ne vais pas faire des efforts d'interprétation.

18 Est-ce que cela correspond à vos souvenirs de ce que vous on dit vos

19 collègues ?

20 R. La localité est celle de Luznica qui ne fait partie de la municipalité

21 de Stimlje ou d'Urosevac. Je ne sais où se trouve cette localité. Je ne

22 sais pas où a eu lieu cette embuscade. Je ne peux pas parler de cela, j'en

23 entends parler pour la première fois. Je ne sais rien de cette opération.

24 Q. En dehors du fait que dans la phrase suivante le mot liquidé est

25 utilisé encore une fois, les Juges pourront se rendre en page 2 de la

Page 41000

1 version anglaise, et vous-même, Monsieur Jasovic, en page 3 de la version

2 serbe. Nous trouvons en bas de la page en anglais et en haut de la page en

3 serbe la phrase suivante, je cite : "Sept personnes ont été placées en

4 détention afin d'être interrogées sur des questions liées au terrorisme.

5 Elles ont été remises pour la suite des opérations au OSL du SUP

6 d'Urosevac."

7 Cela doit être vous, Monsieur Jasovic. Le terrorisme, les gens

8 interrogés, sept d'entre eux. Où étaient-ils ?

9 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas le dire comme cela de mémoire. Comment

10 est-ce que je pourrais savoir où se trouvaient ces personnes ? Si j'avais

11 un document sous les yeux, je pourrais peut-être en parler, ou si vous

12 savez quelque chose de précis à leur sujet et que vous avez des

13 déclarations qui en parlent. Mais comme cela, au pied levé, je ne sais

14 vraiment pas quoi vous répondre. Cela s'est tout de même passé il y a six

15 ans. Il n'y a pas qu'un seul document dans cette affaire. Comme je l'ai

16 dit, le nombre de documents est très, très important. Je n'ai aucun besoin

17 de dissimuler l'identité de ces personnes si je la connaissais.

18 Q. Est-ce qu'on vous a dit quel était l'objectif du travail que vous

19 deviez faire avec ces témoins en les interrogeant dès la journée du 16

20 janvier ? Vous étiez au courant ? Est-ce qu'on vous a présenté des

21 personnes à interroger ?

22 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. Si j'avais les dépositions et

23 que je pourrais les relire, je pourrais peut-être vous répondre. Mais du

24 point de vue du jour, j'ai des dépositions liées à la date du 16 janvier;

25 cela est certain. J'ai mené des interrogatoires. S'il n'y a pas de

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1 déposition, alors je ne peux pas vous le dire avec certitude.

2 Q. Vous vous souvenez de la question qui vous a été posée il y a quelques

3 instants ? Est-ce qu'une personne interrogée aurait parlé de la façon dont

4 les assassinats ont eu lieu ? Nous vous avons remis ce texte du chef de la

5 police qui résume manifestement la situation. Est-ce que vous avez d'autres

6 dépositions, d'autres témoins ?

7 R. Je ne saurais vous répondre. Le chef du secrétariat, le texte dont nous

8 avons parlé en rapport avec lui, c'était une dépêche, un télégramme.

9 Q. Regardez l'intercalaire 15.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jasovic, est-ce que les

11 événements de Racak ont été considérés comme un moment important qui a

12 conduit à la guerre, aux bombardements ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas, Monsieur le Juge. Je

14 ne sais pas quoi vous répondre. Je ne vois pas ce que je pourrais répondre

15 à cette question consistante, à savoir, si c'était un moment important qui

16 a conduit aux bombardements de l'OTAN. Je ne sais vraiment pas.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me parler

18 d'un quelconque autre incident à l'issue duquel 40 ou 45 personnes auraient

19 trouvé la mort, et ce, dans des conditions ou suite à cet incident, vous

20 auriez pu interroger les témoins de la scène qui a conduit à ces décès ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas d'un autre incident où

22 45 personnes auraient été tuées. Comme je l'ai dit hier, je n'ai pas eu

23 accès à des témoins oculaires habitant le village de Racak pour me parler

24 de ces événements du 15 janvier 1999.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voulez-vous bien répondre à la

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1 question que je vous ai posée précisément ? Pourriez-vous me citer un autre

2 événement à l'issue duquel 40 ou 45 personnes auraient été tuées, donc un

3 nombre très important de personnes auraient été tuées, et après lequel vous

4 auriez eu la possibilité d'interroger des témoins de cet événement ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] En me fondant sur des dépositions, je ne me

6 souviens pas d'avoir reçu des informations au sujet d'événements où 45

7 personnes auraient été tuées, sur la base des interrogatoires menés avec

8 des personnes d'appartenance ethnique albanaise.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai beaucoup de difficulté à

10 comprendre pourquoi vous ne vous souvenez pas d'avoir interrogé ou de ne

11 pas avoir interrogé des gens après les événements de Racak.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé à des ressortissants d'appartenance

13 albanaise. J'ai mené des interrogatoires, des entretiens informatifs. Comme

14 je l'ai dit, pour parler à des policiers - ce que je n'ai pas fait -

15 j'aurais eu besoin de l'autorisation de mes supérieurs, de mon chef.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous ne parlons pas de cela pour ce

17 moment; nous parlons de sept personnes qui, selon ce rapport, ont été

18 placées en détention à Racak. J'ai beaucoup de mal à comprendre que vous ne

19 vous souveniez pas d'avoir interrogé ou de ne pas avoir interrogé ces

20 personnes en détention.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit en toute responsabilité que je ne

22 connaissais pas le nom des gens qui ont été placés en détention. Je ne peux

23 pas vous donner les noms comme cela au pied levé. Si je ne me souviens pas

24 de cela, c'est très simple. C'est parce que six années se sont écoulées

25 depuis. Si on me montrait leur déposition, je pourrais me rappeler ce qui a

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1 été dit. Mais je dis en toute responsabilité, que comme cela dans les

2 conditions présentes, je ne sais pas. Je ne me souviens pas. Je n'ai aucune

3 nécessité de cacher quoi que ce soit au sujet des faits. Si j'ai interrogé

4 quelqu'un alors je l'ai fait. Je dis simplement que je ne me souviens pas.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous vous considérez comme

6 quelqu'un qui a une mémoire normale ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, le passage du temps est

8 important. Il s'agit de plus de six ans. Si quelqu'un a été placé en

9 détention, elle a peut-être été amenée devant moi. Peut-être est-ce le

10 secteur de la Sécurité d'état qui est responsable de la mise en détention

11 de ces personnes. Je ne me souviens pas, mais je pense être quelqu'un qui a

12 une mémoire normale.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy, j'aimerais apporter mon aide.

17 Puis-je apporter mon aide à vous et au témoin ?

18 A l'intercalaire 1.44, on trouve une déposition de quelqu'un et des

19 dépositions recueillies le 16 janvier, par exemple. Peut-être pourriez-vous

20 voir de quoi il s'agit. Le témoin dit avoir recueilli 700 dépositions de ce

21 genre. Vous pourrez suivre l'ordre chronologique à l'aide des dates. Ce

22 sont des pièces à conviction.

23 M. NICE : [interprétation] Nous y reviendrons rapidement.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

25 M. NICE : [interprétation] En tout cas, je le ferai dans mon intérêt. Je ne

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1 sais pas si la Chambre veut voir ces textes maintenant.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais nous allons d'abord faire

3 la pause, 20 minutes.

4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

5 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Monsieur Jasovic, avant de poursuivre, il y a deux ou trois détails sur

9 lesquels je souhaiterais vous interroger parce que je veux être sûr de bien

10 comprendre. Vous nous dites que les déclarations en question ont été faites

11 volontairement par des personnes qui sont venues au poste de police, pour

12 ce faire. Est-ce que ce qu'on voit figurer dans ces déclarations, c'est ce

13 que ces personnes vous ont dit, vous ont dicté ou est-ce que ce que l'on

14 voit dans les déclarations, c'est une reformulation de ces propos ?

15 R. Ce n'est pas vrai. Ce qu'ils ont dit a été retranscrit dans les

16 déclarations.

17 Q. Par exemple, il n'y a pas de questions importantes qui manquent dans

18 les déclarations et qui manquent pour bien comprendre. Par exemple, une

19 question de type : "Dites-moi si telle ou telle personne était membre de

20 l'UCK ?" Est-ce que ce genre de questions ont été posées à l'occasion ?

21 R. Au début des interrogatoires, comme la personne est résidente du

22 village donné ou était résidente du village, on l'interrogeait généralement

23 sur les points suivants : est-ce qu'il y a des membres de l'UCK dans ce

24 village ou dans les villages environnants et est-ce que la personne peut

25 nous donner les noms de ces membres, éventuellement. Ensuite, au cours du

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1 reste de l'interrogatoire, on demandait si ces personnes participaient aux

2 attaques terroristes, et cetera.

3 Q. Les noms qui étaient cités étaient cités de manière totalement

4 volontaire par ces personnes en réponse à des questions tout à fait

5 neutres; c'est ce que vous êtes en train de nous dire ?

6 R. Il ne s'agissait pas de questions neutres. Si la personne en question

7 était membre de Racak, je disais : "Est-ce qu'il y a des membres de l'UCK à

8 cet endroit ? Qui sont-ils ? Est-ce qu'il y a des tranchées, des tranchées

9 de communication qui ont été creusées, et cetera." C'est la procédure tout

10 à fait habituelle suivie au sein de l'organe du ministère de l'Intérieur.

11 Q. Mais est-ce qu'il vous est arrivé de poser des questions insistantes du

12 genre : "Est-ce que telle ou telle personne est membre de l'UCK ?"

13 R. Ecoutez, ma méthode de travail était la suivante : si la personne

14 interrogée me donnait un certain nombre de noms, à ce moment-là, j'y

15 revenais; j'y revenais pour déterminer de manière absolue que c'était bien

16 ces noms-là et je voulais également savoir si ces personnes étaient ou non-

17 membres de l'UCK.

18 Q. Deuxième détail mineur. Quand on procédait à la dactylographie de ces

19 déclarations, est-ce qu'effectivement, vous nous dites - c'est ce que vous

20 nous avez dit, mais je voudrais que vous le confirmiez - est-ce que ces

21 déclarations dactylographiées étaient, ensuite, relues aux personnes

22 interrogées ?

23 R. Je dictais chaque déclaration à M. Momcilo Sparavalo et il tapait cela

24 à la machine.

25 Q. Est-ce que la déclaration était, ensuite, relue à celui qui l'avait

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1 faite ?

2 R. Soit on lisait la déclaration à la personne, soit on la lui donnait

3 afin qu'elle la lise, si la personne parlait bien serbe.

4 Q. Ensuite, tout le monde signait joyeusement sa déclaration, sans aucun

5 problème ?

6 R. Après avoir lu les déclarations, ils les signaient volontairement ce

7 qui, selon moi, entrait dans la nature des choses, parce que ces

8 déclarations avaient été recueillies sans avoir recours à la coercition,

9 sans avoir fait l'objet d'aucune pression.

10 Q. Personne ne s'est jamais opposé à l'emploi de cette phrase que vous

11 avez coutume d'utiliser dans toutes les déclarations, "la soi-disant armée

12 de libération, la soi-disant UCK."

13 R. Non. Jamais je n'ai eu, face à moi, quelqu'un qui se soit opposé à

14 l'emploi de cette phrase.

15 Q. Mais ce ne sont pas ces personnes qui vous disaient, par exemple :

16 "Monsieur Jasovic, mon fils était membre de la soi-disant UCK." C'est vous

17 qui ajoutiez ces deux mots et les gens ne sont jamais offusqués de cette

18 chose ?

19 R. Non, je ne l'ai jamais ajouté. Ce sont eux qui utilisaient ce terme de

20 "soi-disant," pour désigner cette organisation illégale.

21 Q. Essayons d'approfondir un peu. Dans toutes les déclarations de ces

22 Albanais où il est dit, cette "soi-disant UCK," chaque fois, ces personnes,

23 quand ils vous parlaient, vous disaient : "Monsieur Jasovic, mon fils était

24 membre de cette soi-disant UCK." C'est cela que vous êtes en train

25 d'affirmer ?

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1 R. Je vous dis qu'on interrogeait les gens qui avaient été amenés et c'est

2 eux-mêmes qui nous disaient que cette soi-disant armée de libération du

3 Kosovo avait été constituée et on avait des problèmes.

4 Q. Inutile de poursuivre. Cette réponse me satisfait tout à fait. Nous

5 allons, maintenant, passer à un autre sujet.

6 Un point de détail. Stimlje disposait de son propre poste de police et

7 Racak était du ressort du poste de police de Stimlje où les violences

8 policières étaient très rares. Comment se fait-il que les habitants de

9 Racak aient été interrogés par vous -- enfin, dans votre poste de police à

10 vous ?

11 R. Au poste de police, nous n'avions pas de division des enquêtes

12 criminelles. Or, ces affaires-là relevaient de la compétence du service des

13 enquêtes criminelles et le bureau de Stimlje relevait du SUP d'Urosevac. La

14 loi sur les affaires intérieures détermine avec précision quelles sont les

15 questions qui relèvent de la compétence de la police.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, la solidité de

17 l'argumentation que vous présentez au sujet de l'emploi de ce terme de

18 "soi-disant" dépend de l'utilisation de ce terme en serbe. Peut-être n'a-t-

19 il pas la même conation que celle que nous connaissons en anglais.

20 M. NICE : [interprétation] Je vais me renseigner.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cela dépend également de la

22 connotation de cette phrase en albanais et pas uniquement en serbe.

23 M. NICE : [interprétation] Si possible, j'y reviendrai plus tard.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je sais qu'il y a une différence. M.

25 Milosevic se fera un plaisir de nous en informer.

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1 M. NICE : [interprétation] Effectivement, on peut s'attendre à ce qu'il

2 contribue au débat.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, on peut s'attendre à une

4 contribution de sa part.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Monsieur Jasovic, vous êtes un policier d'expérience et vous pouvez

7 confirmer que les criminels, les truands, ceux qui s'engagent dans les

8 activités de conspiration essaient de dissimuler leur crime, mais que

9 souvent, ils n'arrivent pas à le faire de manière tout à fait complète et

10 c'est de cette manière qu'ils se font prendre ?

11 R. Monsieur le Procureur, je vous prie de m'excuser, mais je

12 n'interrogeais pas de criminels, ni des prisonniers, généralement.

13 Q. Je vais vous dire une chose parce que je veux que ce soit très clair.

14 Goran Radosavljevic, Danica Marinkovic, votre chef; le chef de l'armée dont

15 nous ne connaissons pas le nom; Djordjevic, Sainovic et les autres se

16 comportaient comme des criminels de droit commun afin d'essayer de

17 dissimuler ce qu'ils avaient fait et indéniablement au nom de cet accusé, à

18 Racak, mais vous n'êtes pas parvenu suffisamment à couvrir, à éliminer tous

19 les indices. Est-ce que vous m'avez compris ?

20 R. Oui, je vous ai bien compris, mais ce n'est pas vrai, sauf s'agissant

21 de M. Bogoljub Janicevic et Mme Danica Marinkovic, que j'ai accompagnés

22 pour procéder à une enquête sur les lieux au moment du meurtre du chef de

23 police de Kacanik; ces gens-là, je les connais uniquement par la voie

24 officielle, je n'ai eu que des contacts officiels avec eux. Cette dame, je

25 l'ai rencontrée ce jour-là. Sinon, j'en ai entendu parler, mais je ne les

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1 connais pas personnellement.

2 M. NICE : [interprétation] Je ne vais pas faire la liaison et le rapport

3 entre ceci et le témoin qui figure à l'intercalaire 9, mais en procédant

4 par ordre, les Juges pourront, eux-mêmes, y réfléchir et voir que ma

5 question au témoin découle du point suivant et se formule comme suit :

6 Q. Est-ce que vous voyez une seule raison pour laquelle Janicevic, votre

7 patron, ait nié toute implication de la VJ dans cette opération dès le 16

8 janvier 1999 ?

9 R. Monsieur le Procureur, je ne connais pas la réponse à cette question.

10 Il est probable que mon ancien chef serait en mesure de vous répondre.

11 Q. J'indique à la Chambre qu'elle trouvera la réponse et cet élément,

12 d'ailleurs, dans la pièce 446; il y est montré que dès

13 juin 1998, un plan impliquant Gajic, Lukic, Radosavljevic et d'autres, un

14 plan avait été mis sur pied pour traiter du terrorisme, pour s'occuper du

15 terrorisme; c'est ainsi que cela a été présenté, mais sans pour autant

16 déclarer l'état d'urgence et sans état d'urgence, il n'aurait pas été

17 approprié de faire intervenir l'armée.

18 Essayez de réfléchir à ce qui s'est passé. Je sais que vous affirmez

19 que vous n'occupiez qu'un poste de rang inférieur, mais n'est-il pas exact

20 que l'accusé et ceux qui ont décidé de ne pas proclamer l'état d'urgence et

21 que dans ces conditions, le recours à l'armée pour lutter contre ce qu'on

22 qualifiait de terrorisme n'était pas approprié ? Est-ce que cela correspond

23 à la manière dont vous vous souvenez des événements ?

24 R. Monsieur le Procureur, une fois encore, je m'excuse. Je ne peux

25 pas, non plus, répondre à cette question. Comment pouvais-je le savoir ?

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1 Ces gens étaient placés au-dessus de moi, dans la hiérarchie. Je ne pouvais

2 pas savoir ce qu'ils pensaient; ils ne m'ont pas informé de tout.

3 Q. Revenons à des éléments qui relèvent de votre échelon, intercalaire 15.

4 Nous allons vous remettre le document serbe et l'onglet va être placé sur

5 le rétroprojecteur, un document du

6 17 janvier de Bogoljub Janicevic et qui ne nous donne qu'une partie très

7 limitée de tout ce qui s'est passé.

8 Ce rapport du 17 janvier, nous allons le lire :

9 "Sadik Mujota, fils de Murat, né le 20 février 1943, dans le village

10 de Malopoljce, dans la municipalité de Stimlje où il résidait ainsi que sa

11 fille qui était activement impliquée dans les activités de la soi-disant

12 UCK, ont été exécutés le 15 janvier…"

13 Pourquoi cette jeune fille, cette adolescente a-t-elle été exécutée ?

14 R. Sadik Mujota et sa fille ainsi que Jasic Mujota [phon], son fils - je

15 vous le dis après avoir recueilli des déclarations, après avoir interrogé

16 des personnes - ils sont partis du village de Malopoljce pour rejoindre les

17 membres de l'UCK, à Racak, parce que le fils de Sadik Mujota est marié à la

18 fille de Mehmed Mustafa.

19 Q. Mais dites-nous ce qu'avait fait cette jeune adolescente pour mériter

20 d'être exécutée.

21 R. J'ignore ce qu'elle a fait. Mais je sais qu'elle appartenait à l'UCK.

22 Je ne sais pas. Je n'ai pas d'informations selon lesquelles elle aurait

23 commis des meurtres, par exemple.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais vous demander de me dire où je peux

Page 41011

1 trouver ce document. M. Nice nous a parlé de l'intercalaire 15; il a dit

2 que c'était un rapport en date du

3 17 janvier 1999.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'un document qui s'intitule

5 "Information."

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cela se trouve dans le classeur

7 Racak ?

8 M. NICE : [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans sa version.

10 M. NICE : [interprétation] Oui, effectivement, un document qui porte dans

11 sa version le numéro de référence K0225863. Je peux donner ma copie, si

12 c'est nécessaire, si cela peut nous permettre de ne pas perdre de temps.

13 Q. Monsieur Jasovic, nous répondre en disant que vous saviez que quelqu'un

14 était membre de l'UCK, cela ne présente pas un grand intérêt. Veuillez dire

15 aux Juges de la Chambre ce que cette jeune adolescente, la fille de Sadik

16 Mujota, a fait ce 15 janvier ou ce qu'elle a fait dans les jours qui ont

17 précédé cette journée pour mériter d'être exécutée.

18 R. Monsieur le Procureur, je crois que j'ai été concis et précis dans ma

19 réponse. J'ignore quelles étaient les activités de cette personne au sein

20 de l'UCK. Tout ce que je peux vous dire, c'est ce que je sais à partir de

21 la lecture des déclarations. Je sais qu'elle appartenait à l'UCK et qu'elle

22 est allée de Malopoljce à Racak pour rejoindre les rangs de l'UCK avec son

23 frère et son père.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous savez qu'elle a été

25 exécutée le 15 janvier ?

Page 41012

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais à cause des déclarations et je

2 crois même l'avoir déjà dit hier ou avant-hier. J'ai mentionné les cinq

3 corps qui ne se trouvaient pas dans la mosquée de Racak.

4 M. NICE : [interprétation] …dans l'original, c'est --

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est justement ce que je voulais

7 mentionner. Dans ce document, il n'est fait mention d'absolument d'aucune

8 exécution. Aucune exécution. Il est dit, ici : "Le 15 janvier, dans le

9 cadre de l'opération destinée à trouver et à arrêter les terroristes

10 Siptar, Sadik Mujota, né telle ou telle date, à Malopoljce où il réside

11 ainsi que sa fille qui était membre active de la soi-disant UCK, et cetera,

12 et cetera." Ici, il n'est nullement dit que quelqu'un, qui que ce soit ait

13 été exécuté.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, il s'agirait, là, d'une

15 erreur de traduction extrêmement grave.

16 M. NICE : [interprétation] Je n'en suis pas aussi sûr. Permettez-moi de

17 poser un certain nombre de questions au témoin.

18 Q. Vous avez utilisé, à plusieurs reprises, le terme de "liquider," ce

19 matin, n'est-ce pas, Monsieur ?

20 R. Je n'ai pas utilisé le verbe ou le terme de "liquider." Je me suis

21 contenté de donner lecture de l'extrait d'une dépêche.

22 Q. Mais vous nous avez expliqué ce que cela voulait dire et vous avez dit

23 que cela signifiait, être liquidé; cela voulait dire, être tué.

24 R. C'est exact.

25 Q. Et ce n'est pas --

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1 R. Exécuter veut dire tuer.

2 Q. Mais cela ne veut pas dire que la personne ait été tuée dans un

3 accident de voiture ou que ce soit un décès pour causes naturelles; il ne

4 s'agit pas d'un accident d'alpinisme. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela

5 veut dire que la personne a été liquidée. Ce qui revient au même, à la

6 fois, pour une exécution d'une personne que de plusieurs personnes. Le

7 reconnaissez-vous ?

8 R. Liquider quelqu'un, cela veut dire, la priver de sa vie, littéralement.

9 Bien entendu, si cela se passe lors d'un accident de la circulation, on ne

10 peut pas parler de liquidation; à ce moment-là, on dit que la personne en

11 question est décédée dans un accident de la route.

12 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président --

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais qu'on place la version en

14 B/C/S sur le rétroprojecteur, le premier paragraphe, afin qu'il soit

15 traduit.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez que je lise ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est dit à l'en-tête, "Information."

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je veux que les interprètes le

20 fassent.

21 L'INTERPRÈTE : Monsieur le Président, le témoin devrait lire le texte en

22 B/C/S, et par la suite, nous ferons la traduction vers l'anglais.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Oui. Ne pouvez-vous pas

24 le lire à partir de ce qui apparaît sur le rétroprojecteur ?

25 L'INTERPRÈTE : Oui, nous pouvons, mais les règles professionnelles indique

Page 41014

1 généralement que quelqu'un devrait lire le texte, et nous le traduisons par

2 la suite.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons suivre les règles

4 professionnelles, que le témoin lise le texte et les interprètes feront la

5 traduction.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] "Information. En date du

7 15 janvier 1999, à l'occasion d'une opération visant à découvrir et à

8 capturer des bandes terroristes Siptar sur le territoire du village de

9 Racak, municipalité Stimlje, il a été procédé à la liquidation de Mujota

10 Sadik, fils de Murat, né le 20 février 1943, au village de Malopoljce,

11 municipalité de Stimlje, qui constitue son lieu de résidence, ainsi que sa

12 fille qui a activement fait partie de ce qu'il est convenu d'appeler

13 l'UCK."

14 Voulez-vous que je continue ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela suffit.

16 M. NICE : [interprétation] Merci.

17 Q. Nous savons ce que veut dire "liquider." Il y a peut-être une

18 différence avec exécuter, mais cela ne me préoccupe pas, pour l'instant.

19 Mais peut-être pourriez-vous, maintenant, nous dire ce qu'a fait cette

20 adolescente qui, d'après les informations dont nous disposons, au moment où

21 elle a été tuée, s'est précipitée vers son père; pouvez-vous nous dire ce

22 qu'elle a fait pour mériter ce sort ?

23 R. Monsieur le Procureur, tout ce que je sais à son sujet est qu'elle

24 était très active au sein de l'UCK, elle était membre de l'UCK. Je n'étais

25 pas sur les lieux --

Page 41015

1 Q. Je veux des détails. Je veux des détails sur la manière dont cette

2 jeune adolescente a été liquidée et sur le pourquoi de cette liquidation.

3 R. J'ignore comment elle a été liquidée. Je n'étais pas sur place, je

4 n'étais pas là. Comment est-ce que je pourrais le savoir ?

5 Q. Comment pourriez-vous le savoir ? Mais regardons ce document, ce

6 document qui se présente comme un rapport émanant de votre chef. Si un

7 document de ce type est communiqué à la police ou si la police se rend

8 compte que ces événements ont eu lieu le 17 janvier déjà et que la police

9 se rend compte que cette adolescente a été tuée, est-ce que ce ne serait

10 pas une raison suffisante pour que la police procède à une enquête afin de

11 déterminer si cette mort était justifiée ou si peut-être quelqu'un n'a pas

12 fait preuve d'un zèle excessif, policier ou soldat ? Est-ce que ce n'est

13 pas quelque chose qui aurait dû faire l'objet d'une enquête ?

14 R. Monsieur le Procureur, la procédure normale veut que l'on enquête sur

15 chaque affaire. Après les événements du village de Raca, nous avons

16 concentré nos activités opérationnelles sur les événements qui s'étaient

17 déroulés dans le village de Racak, sur la totalité de ces événements.

18 Q. Je suis en train d'examiner, avec les Juges et avec l'accusé, les

19 documents dont nous disposons et qui montrent, d'une manière chronologique,

20 ce que la police et la justice ont fait. J'avance que si l'on met en

21 évidence cette jeune fille, si on la présente comme une militante de l'UCK

22 dès le 17 janvier, cela révèle le fait que vous n'êtes pas en mesure de

23 justifier son décès et que vous seriez bien embêté si vous ne la présentiez

24 pas comme un membre actif de l'UCK. Est-ce que cela ne correspond pas à la

25 démarche adoptée par votre chef ?

Page 41016

1 R. Monsieur le Procureur, ce n'est pas vrai. Je vous ai dit à plusieurs

2 reprises et je peux le répéter, elle était membre de l'UCK.

3 Dans les déclarations que nous avons et qui parlent de son rôle au sein de

4 l'UCK, je n'ai pas été en mesure de déterminer exactement son rôle, quelle

5 était sa mission.

6 Q. Mais est-ce que vous avez essayé de l'apprendre ?

7 R. Oui, dans le cadre des interrogatoires, effectivement. J'ai essayé de

8 découvrir ce qu'il en était. D'ailleurs, pas uniquement pour ce qui la

9 concernait, elle. Dans les interrogatoires de ces personnes, dont je ne

10 peux pas vous donner les noms parce que je ne m'en souviens pas.

11 Q. Mais où pourrait-on trouver une trace écrite des questions que vous

12 avez posées et des efforts que vous avez entrepris pour vous renseigner au

13 sujet de cette malheureuse jeune fille ?

14 R. Monsieur le Procureur, quand on procédait à ces interrogatoires, les

15 personnes qui sont venues faire ces déclarations m'ont simplement dit

16 qu'elle était membre de l'UCK, mais n'ont pas donné plus de détails quant à

17 son rôle exact ou la mission qui était la sienne au sein de l'UCK. Je ne me

18 suis pas renseigné pour obtenir de telles informations.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Jasovic, je souhaiterais

20 vous demander si, selon vous, le simple fait qu'elle fut membre actif de

21 l'UCK aurait suffit à justifier sa liquidation ou le fait qu'elle ait été

22 tuée.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en premier lieu, je

24 souhaiterais parler d'autre chose. Son père, Sadik Mujota, était quelqu'un

25 de notoirement connu. Il avait, par le passé, violé des Albanaises.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps. Je suis désolé,

2 mais je vous ai simplement demandé si, selon vous, le fait que cette jeune

3 fille était membre de l'UCK aurait constitué une raison suffisante pour

4 justifier sa mort ? Peu importe son père. Est-ce que le simple fait qu'une

5 personne, n'importe qui, était membre de l'UCK aurait été suffisant pour

6 que cette personne soit tuée ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela ne constituait pas une raison

8 suffisante. J'ignore quelle a été le déroulement de l'opération menée. La

9 mission de la police n'était pas de tuer, n'était pas de liquider. La

10 mission de la police, c'était de trouver et d'arrêter les personnes

11 concernées.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Nice.

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, disposez-vous du nom de

14 la fille de Sadik Mujota ?

15 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait. Elle s'appelle Hanumshah.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le connaissais, Hanumshah.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Elle ne figure pas dans la liste, dans

18 le tableau numéro A, en annexe à l'acte d'accusation.

19 M. NICE : [interprétation] Non.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'elle fait partie de ces cinq

21 corps qui ont été emportés par les membres de l'UCK et enterrés dans un

22 cimetière de l'UCK ?

23 M. NICE : [interprétation] Oui, un de neuf corps. Vous avez raison, son

24 corps a été emmené. Nous pourrons une référence la concernant, mais --

25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'elle apparaît dans la liste

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1 des héros qui sont tombés au combat où se trouve peut-être Sadik Mujota ?

2 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est possible.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pas sa fille.

4 M. NICE : [interprétation] Vous trouverez une référence à l'intercalaire

5 1.50. Je ne vais pas vous demander d'examiner ce document tout de suite

6 parce qu'on va l'examiner plus tard. Mais la façon dont on l'a identifiée,

7 c'est qu'elle était la fille de Sadik Mujota, qu'il l'a amenée avec ses

8 trois fils au village de Racak dans ce sous état-major. Mais il y a un peu

9 plus en fait. On dit qu'ils étaient membres de la soi-disant UCK à

10 Malopoljce, Petrove, et Rance, et qu'ils sont allés à Racak parce que la

11 fille de quelqu'un était marié au fils de Sadik Mujota. Mais voilà tout ce

12 que nous savons. Nous examinerons la question de manière plus approfondie

13 plus tard.

14 Q. Bien. Monsieur Jasovic, passons à autre chose.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Dans ce cas-là --

16 M. NICE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais poser une question. Quelle

18 est cette traduction dont nous disposons ici ?

19 M. NICE : [interprétation] Il s'agit de la traduction officielle.

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La traduction officielle. Merci.

21 M. NICE : [interprétation] Bien entendu, ce n'est pas à moi à le dire, mais

22 tout dépend du contexte dans lequel le mot est utilisé.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Bien sûr.

24 M. NICE : [interprétation] On va constater que le mot de "liquidari" [phon]

25 est utilisé à l'envie. Je vais pouvoir vous en donner un exemple

Page 41019

1 immédiatement et je vais demander aux Juges de bien vouloir se rapporter à

2 l'intercalaire numéro 16.

3 Q. Monsieur Jasovic, je m'adresse à vous en tant que policier ayant une

4 longue expérience --

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant que d'abandonner cette

6 question, étant donné que nous savons qu'il s'agit là d'un document récent,

7 le témoin peut-il nous aider au niveau de son authenticité ?

8 M. NICE : [interprétation] De quel document parlez-vous ? L'actuel ou le

9 précédent ?

10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'intercalaire 15.

11 M. NICE : [interprétation] L'intercalaire 15 est un document que je

12 m'efforcerai d'identifier --

13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre résumé dit que c'est un document

14 nouveau. Vous pouvez re-vérifier ?

15 M. NICE : [interprétation] D'après ce que je peux lire, il s'agit d'un des

16 documents de M. Stevanovic. On dit que c'est un document récent, le Juge a

17 raison en réalité.

18 Q. Monsieur Jasovic, pouvez-vous nous aider au sujet de ce document ? Est-

19 ce que vous reconnaissez ce document ? Est-ce que vous reconnaissez cette

20 forme ?

21 R. Je n'ai pas le document sous les yeux, moi.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a une signature sur ce document.

23 Peut-être pourra-t-il reconnaître la signature également.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Certes.

Page 41020

1 R. Il s'agit du chef d'équipe du personnel de permanence. Excusez-moi un

2 instant. Vous parlez de la signature sur la page manuscrite ?

3 Q. Oui. C'est là-dessus que le Juge avait posé sa question.

4 R. Je ne pourrais pas reconnaître cette signature, non. Mais je suppose

5 que c'est une information qui aurait été transmise au département de la

6 Sûreté d'Etat à Urosevac, parce que chacune de ces déclarations avaient été

7 communiquées à ce département aussi. Je n'arrive pas à identifier la

8 signature. C'est peut-être le chef du département, voire son adjoint, qui

9 aurait reçu ce document là-haut. C'est du moins ce que je suppose.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'arrive pas à retrouver le document. De

11 quel intercalaire est-on en train de parler ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] La deuxième page.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez fournir un numéro

14 d'intercalaire pour M. Milosevic.

15 M. NICE : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 15, le document que

16 nous consultions tout à l'heure.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est le même que vous regardez.

18 M. NICE : [interprétation] Le même.

19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il semble que le signataire est l'une

20 des personnes à avoir reçu ce document, et non pas Janicevic, parce que la

21 date est celle du 27.

22 M. NICE : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document porte la date du 17 et non

24 pas celle du 27.

25 M. NICE : [interprétation] Je vais consulter Mme Dicklich, mais il me

Page 41021

1 semble qu'il s'agit-là d'une erreur au sommaire, et qu'il s'agit-là d'un

2 document émanant du recueil de documents destiné au témoin Stevanovic.

3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

4 M. NICE : [interprétation] Si vous vous penchez dessus, vous allez

5 probablement constater que le format est très similaire. Il est assez

6 difficile de le retrouver, mais je crois que le témoin ici présent ne

7 conteste pas l'authenticité du document.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais alors, pourquoi n'allons-nous pas

9 de l'avant.

10 M. NICE : [interprétation] Oui. Nous allons le faire. Nous allons passer à

11 l'intercalaire numéro 16 maintenant.

12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Je voudrais que la version anglaise soit placée sur le rétroprojecteur

15 et je voudrais que l'on fournisse au témoin l'original. Mais avant que de

16 l'étudier, je voudrais vous demander ceci, Monsieur Jasovic. L'un des

17 problèmes, pour ce qui est des criminelles, c'est que leurs jeunes

18 partenaires, parfois, ne sont pas des gens très fiables qui savent se

19 taire, et il leur arrive de causer de trop, n'est-ce pas ?

20 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, Mme Dicklich dit que c'est

21 l'intercalaire 384 de Stevanovic.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact, Monsieur le Procureur.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Si l'on se penche sur la fin du document, on pourra voir que c'est un

25 document qui émane d'un caporal de première classe, Dragan Cumpalevic.

Page 41022

1 R. Oui. Il s'agit du chef d'équipe du personnel de permanence du poste de

2 police d'Urosevac. Pendant son intervention de 00 heures à 24 heures, ils

3 ont --

4 Q. Bien.

5 R. -- rédigé un journal de ce qui s'est produit pendant cette période. Ils

6 disent qu'ils l'ont fait effectivement pour cette date. On a là tous les

7 événements qui se sont produits pendant leur équipe.

8 Q. Nous allons revenir sur les événements principaux et nous allons vous

9 demander votre aide. Sur la première page, au bas de la page, au paragraphe

10 1, et pour vous, c'est également le premier paragraphe, à quatre lignes du

11 bas de la page, il est fait mention de 12 personne que l'on a appréhendées

12 pour les interroger, et on les a confiées aux responsables du SUP à

13 Urosevac pour qu'ils s'en occupent. Alors, ici il est question de 12

14 personnes appréhendées. Pouvez-vous nous donner leurs noms, pour les

15 besoins du compte rendu d'audience. Il semblerait que ce sont là des

16 personnes appréhendées, et c'est vous qui les avez interrogées, ou

17 quelqu'un d'autre au niveau de votre poste de police.

18 R. Monsieur le Procureur, je ne sais pas du tout quelles sont les

19 personnes qui ont été appréhendées. S'il tant est qu'il y en a eu

20 d'appréhendés, ils ont pu être interrogés, en plus de ma personne, par les

21 membres de la Sûreté de l'Etat. Si je connaissais leurs noms, je vous les

22 dirais.

23 Q. Je comprends. Peut-être y a-t-il une documentation tout à fait

24 distincte portant sur les gens qui ont fait l'objet d'interrogatoires et

25 qui ont vu les éléments de Racak. Est-ce que c'est ce que vous voulez nous

Page 41023

1 laisser entendre ? Est-ce que c'est là un document qu'on pourrait nous

2 communiquer en dépit de ce que l'on nous a fait parvenir par le biais de

3 l'accusé ?

4 R. Je ne sais pas du tout de quel paragraphe vous êtes en train de parler.

5 Je ne sais pas de quelle région on a amené ces personnes.

6 Q. Premier paragraphe. Je m'excuse. C'est le sommet de la deuxième page en

7 original, et c'est la fin du paragraphe, à quelques 10 lignes à partir du

8 haut. On voit un chiffre 12, 12 personnes d'appréhendées.

9 R. La photocopie est assez mauvaise.

10 Q. Ceci, une fois de plus, est un document fourni par le biais du

11 témoignage de Stevanovic.

12 R. Pour interrogatoire, il a été acheminé 12 personnes vers le SUP à

13 Urosevac. Je ne sais pas. Je ne sais pas.

14 Q. Bon, vous ne savez pas.

15 R. Je ne sais pas d'où viennent ces personnes du tout.

16 Q. Penchons-nous alors sur le sommet de la page 2. Monsieur l'Huissier,

17 restez à l'endroit où vous vous trouviez. On dit : "Entre 11 heures et midi

18 le 16 janvier 1999, un contact a été établi entre le représentant de la

19 KDOM, la mission d'observation diplomatique au Kosovo, et le chef du

20 centre, M. Vel Dilbedson, et le représentant de l'OSCE d'une part, et le

21 chef du SUP d'Urosevac d'autre part."

22 Puis, on descend vers la moitié de la page en version anglaise et on

23 essaye de retrouver ce qui y est dit.

24 Alors, si vous regardez vers le milieu de l'écran, vous allez

25 retrouver à la même page que celle que vous êtes en train de consulter, et

Page 41024

1 j'en donnerai lecture lentement pour que vous puissiez suivre.

2 "On leur a également dit que la KDOM, et il s'agit de M. Vel, à

3 quelque 500 mètres des tranchées, il y avait une mitrailleuse lourde de

4 12,7 millimètres placée là par les terroristes."

5 Si vous vous penchez sur votre version à vous, vous trouverez le même

6 passage au deux tiers de la page à partir du haut. L'avez-vous trouvé ?

7 R. Vous me le demandez ?

8 Q. Oui. L'avez-vous trouvé ?

9 R. "A quelque 500 mètres des tranchées, il y a eu un Browning,

10 mitrailleuse lourde de 12,7 millimètres, placée par les terroristes." Oui.

11 Q. "Installée là par les terroristes aux fins de tirer en permanence sur

12 la police qui intervenait."

13 En raison des problèmes d'utilisation de certains termes plutôt que

14 d'autres, je préférais que vous donniez lecture de la phrase qui suit et on

15 nous en fournira l'interprétation.

16 R. "Qui ouvraient sans cesse le feu avec cette mitrailleuse sur la police

17 qui avançait. Après une fouille du village, les forces de la police,

18 nonobstant la résistance violente des terroristes qui étaient dans leurs

19 tranchées, se sont emparées de leurs positions. A l'occasion, plusieurs

20 terroristes ont été liquidés et d'autres se sont retirés vers la colline de

21 Krsina. Un petit nombre de policiers" --

22 Q. Continuez. Continuez à lire jusqu'à la fin du paragraphe.

23 R. "A cette occasion, il a été liquidé plusieurs terroristes. Une partie

24 des terroristes se sont retirés vers la colline de Krsina. Un autre petit

25 nombre de policiers a neutralisé les tirs à partir de Browning, et ils ont

Page 41025

1 rejoint l'équipe chargée du constat conduite par le juge d'instruction

2 Danica Marinkovic, et le procureur public adjoint, M. Sufta Ismet. On leur

3 a également dit que la police n'a pas poursuivi les terroristes au-delà des

4 tranchées et des tranchées de communication en direction des forêts, mis à

5 part un groupe de policiers qui a été envoyé pour faire cesser les tirs de

6 la Browning. Après avoir accompli leurs devoirs, cette équipe est revenue

7 au centre du village tout en étant exposée à des tirs nourris pendant leur

8 retrait. Suite à cela, et pour cette raison-là, l'équipe chargée de

9 l'enquête…"

10 Q. Cela suffit, merci. Alors, une fois de plus, comme on l'a vu dans le

11 document présenté hier, le rapport concernant le crime dans cette phase

12 parle des tranchées, parle de la possibilité de voir des hommes se déplacer

13 vers l'emplacement où se trouvait la mitrailleuse lourde, mais rien ne

14 laisse entendre que des terroristes auraient été poursuivis au-delà des

15 tranchées et des tranchées de communications; exact ?

16 R. Monsieur le Procureur, je n'étais pas sur les lieux. Je n'ai pas été

17 présent sur les lieux.

18 Q. Ecoutez, je vous en prie, Monsieur Jasovic. Ecoutez ma question et

19 essayez de nous aider. Vous êtes venu ici avec je ne sais combien de

20 centaines de documents apporté par vos soins et partant de ces documents,

21 il a été dit que cela était destiné à aider les Juges. Il est, ici,

22 d'autres documents datant de la même période émanant du poste de police.

23 Ce passage rédigé par ce caporal de première place ne révèle, en

24 aucune façon, le fait que les terroristes aient été poursuivis au-delà de

25 ces tranchées, mis à part l'objectif qu'on avait d'éliminer les tirs à

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1 partir de cette mitrailleuse Browning. La question est simple.

2 R. D'après ce qui est dit ici, comme je n'étais pas sur place, c'est le

3 chef du personnel de permanence qui a rédigé ce texte. Je ne peux pas

4 parler en son nom, moi-même. Alors, tel que cela est dit ici, c'est

5 probablement ainsi que les choses se sont produites.

6 Q. Très bien, très bien. Question suivante.

7 R. Je n'étais pas impliqué. Je n'étais pas sur les lieux.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, ceci relate des

9 événements du 16, n'est-ce pas ?

10 M. NICE : [interprétation] Non. Ce document parle de la réunion qui s'est

11 tenue le 16.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

13 M. NICE : [interprétation] Il indique ce qui a été dit à l'intention de la

14 mission de la KDOM.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce bien exact ? Si j'ai bien

16 compris, on a indiqué comment les choses se sont produites.

17 M. NICE : [interprétation] Si Monsieur le Juge veut bien se pencher sur ce

18 qui suit, dix lignes plus bas, il verra qu'il y a, là, les questions d'une

19 action de police typique entreprise en vue de capturer un groupe de

20 terroristes et ainsi de suite. C'est assez narratif et si vous vous penchez

21 sur les paragraphes suivants, vous constaterez leur signification parce

22 qu'on parle de la façon dont cela s'est produit.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Monsieur Jasovic, je vous demanderais d'avoir l'amabilité de nous

Page 41027

1 donner lecture du paragraphe d'après, une ou deux phrases qui suivent.

2 R. Vous voulez que je continue là où je m'étais arrêté ?

3 Q. Non, je parle du début du paragraphe suivant qui commence par --

4 R. Pourriez-vous me lire les premiers mots ?

5 Q. "Vel était intéressé". Deux lignes à partir du bas de la page on dit :

6 "Vel s'intéressait ou ne s'intéressait."

7 R. Vous parlez de la dernière page ?

8 Q. Non. Le bas de la page deux, les deux dernières lignes; cela commence

9 par "Vel". Les deux lignes à partir du bas.

10 R. On dit "Bel."

11 Q. Alors, "Bel."

12 R. C'est pour cela qu'il y avait confusion.

13 Q. Vous ne lisez pas le cyrillique ?

14 R. Non, on dit un B; ici, c'est une photocopie et je crois que la

15 photocopie est plutôt mauvaise. C'est pour cela je lis un B.

16 Q. Allons de l'avant.

17 R. "Vel ne s'intéressait qu'au fait de savoir qui avait planifié cette

18 action de la police, quels étaient les équipements utilisés pour réaliser

19 cette opération. Il voulait savoir s'il y avait des policiers venus

20 d'ailleurs et pourquoi l'armée avait pris part à cette opération. Il lui a

21 été dit que la police avait planifié cette action et qu'il n'y avait eu une

22 participation que des forces de la police, alors que l'armée n'y a pas pris

23 part du tout. Lorsqu'il a insisté sur le nom de la personne qui a dirigé

24 l'action, il lui a été dit que cela ne faisait pas l'objet de cet entretien

25 et lorsqu'on a été interrogé sur le fait de savoir si cela était fait de

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1 façon autonome ou suite à des ordres venus d'autrui, il lui a été répondu

2 que cela était fait en application des obligations légales et de la

3 réglementation découlant de la constitution en vue de protéger des vies

4 humaines et les biens d'autrui."

5 Q. Cela suffit. Voyez-vous, votre collègue, relativement jeune, ce caporal

6 Cumpalevic ou Cumpalevic ?

7 R. Cumpalevic.

8 Q. Votre jeune collègue, ce caporal Cumpalevic, a dit, ici, la vérité

9 parce qu'il a expliqué que Vel voulait savoir quelque chose au sujet de

10 l'armée et on voit qu'il a dit la vérité. On lui a dit que la police a été

11 la seule à planifier l'action et à réaliser cette action seule et ceci est

12 un rapport.

13 R. C'est un bulletin portant sur les événements du

14 16 janvier 1999 dans le courant de sa relève.

15 Q. Une fois de plus, je vous pose la même question : pourquoi a-t-il été

16 nécessaire, pour quelqu'un qui faisait partie de votre domaine

17 d'intervention et qui est venu de là où il est venu, pourquoi a-t-il été

18 nécessaire, pour cet homme, de mentir à l'égard de la communauté

19 internationale sur l'implication de l'armée ?

20 R. Qui, à votre avis, est en train de mentir ici ?

21 Q. Cumpalevic --

22 R. Je n'ai pas compris.

23 Q. -- dit que dans cette conversation avec la KDOM, l'homme de la KDOM, M.

24 Vel, ne voulait savoir que s'il y a eu une intervention de l'armée; or, on

25 lui a répondu que la police a été seule à réaliser cette opération.

Page 41029

1 Pourquoi l'a-t-il fait ? Pouvez-vous nous aider ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas si le dénommé Vel s'est entretenu avec

3 le chef de l'équipe du personnel de permanence. Il se peut qu'il se soit

4 entretenu avec l'un des supérieurs et que cela ait été transmis au chef

5 d'équipe pour que celui-ci en prenne bonne note dans son bulletin.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, ne mystifions pas les choses. Ici, le

9 texte est assez clair, ce caporal ou plutôt, c'est un sergent, on dit que

10 c'est un sergent et non pas un caporal qui était chef d'équipe, il a placé,

11 dans son rapport, une note au sujet de la conversation.

12 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse de mon intervention, mais cela n'est

13 pas pertinent.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est très pertinent. Il y a eu une

15 conversation entre le chef de secrétariat avec Vel et c'est la raison pour

16 laquelle --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, comme bon nombre

18 de points que vous soulevez, c'est une chose que vous pouvez aborder à

19 l'occasion des questions complémentaires; cela ne rend pas la question

20 posée inadmissible. Vous pouvez soulever le point à l'occasion de vos

21 questions complémentaires.

22 M. NICE : [interprétation] C'est exact.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je comprends parfaitement bien ce que vous êtes

24 en train de dire, Monsieur Robinson, mais il y a une question erronée de

25 posée. Il ne s'agit pas d'une conversation entre le sergent de première

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1 classe et Vel; c'est le sergent qui prend note de la conversation qu'a eue

2 le chef d'équipe avec Vel et c'est pour cela qu'il dit quelle a été la

3 question et quelle a été la réponse apportée.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cela me semble être tout à fait

5 exact.

6 M. NICE : [interprétation] Je crois que c'est bien ce que j'ai laissé

7 entendre et que cela découle clairement du document.

8 Q. Mais j'aimerais que nous revenions maintenant aux déclarations que vous

9 avez recueillies vous-même au sujet desquelles vous précisez que ce sont

10 des déclarations, des dépositions valides recueillies de façon tout à fait

11 appropriée.

12 Les Juges de la Chambre retrouveront, dans la documentation afférente

13 à Racak, que j'y ai joint des déclarations recueillies par le témoin ici

14 présent et je les ai disposées aux endroits adéquats, suivant la

15 chronologie voulue et comme c'est la dernière fois que je me réfère au

16 document de Racak, peut-être vous sera-t-il utile de savoir où est-ce que

17 vous pouvez retrouver lesdites dépositions. Je me réfère, notamment, à

18 l'intercalaire 18 de la documentation Racak. Je me propose, à présent, de

19 passer à la présentation tabellaire et les Juges de la Chambre, peut-être

20 trouveront-ils que ce tableau établi leur sera utile. En effet, les Juges

21 de la Chambre trouveront peut-être utile de consulter la page 3 de ce

22 tableau-ci, à la lumière des réponses sur ce que le témoin a vu. Si on se

23 penche sur ce qui figure en dessous de la ligne noire représentant Racak,

24 on trouvera les déclarations du 16, du 17, puis, en page suivante, les

25 dépositions datées du 20 et 23 et c'est la dernière des dépositions qui se

Page 41031

1 trouve être pertinente, pour ce qui nous intéresse. Nous allons nous

2 pencher, à présent, sur la déposition du 17, Muhadin Dzeljadini; lui, on

3 peut le retrouver à l'intercalaire 1.45, dans ce classeur numéro 1. Je

4 voudrais que le document soit montré au témoin.

5 Je me réfère au classeur intercalaire 2, dans le cadre de

6 l'intercalaire 2, le point 1.45.

7 Je voudrais qu'on enlève à présent ce tableau du rétroprojecteur.

8 J'ai dit intercalaire 2, je me suis trompé. Il s'agit de

9 l'intercalaire 5 et le sous intercalaire 1.45.

10 J'aimerais que vous vous penchiez -- à la fin de cet intercalaire,

11 vous trouverez une déclaration, une déposition et j'aimerais que celle-ci

12 soit placée sur le rétroprojecteur.

13 Je vous serais reconnaissant de nous fournir une explication très

14 attentive concernant les modalités suivant lesquelles vous avez recueilli

15 cette déclaration. Vous pouvez nous aider ?

16 R. C'est à moi que vous posez la question, Monsieur le Procureur ?

17 Q. Oui, c'est à vous que je la pose. Réfléchissez bien et donnez-nous une

18 explication concernant les modalités suivant lesquelles vous avez recueilli

19 cette déclaration.

20 R. Cette déclaration a été recueillie en date du

21 17 janvier 1999 de la part de Dzeljadini Muhadin, originaire de Stimlje. Je

22 ne sais pas si c'est une personne qu'on a appréhendé, mais on dit, ici,

23 seulement qu'une conversation, un entretien informatif a eu lieu.

24 Il a mentionné, lui, Mustafa Mehmet, âgé de quelques 60 ans, qu'il

25 l'a vu au village de Racak avec un fusil automatique. J'ai dit moi-même que

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1 c'est une honte de voir un homme de son âge faire partie de l'UCK. Il s'est

2 mis à m'insulter, et ce que je puis vous dire c'est que la fille de Mustafa

3 Mehmet a épousé le fils de Sadik Mujota, originaire de Malopoljce. "Pendant

4 --" dit-on à l'alinéa suivant, "Pendant les combats du 15 janvier 1999,

5 dans la cour de ce sous QG de l'UCK, ont perdu la vie les membres suivants

6 de l'UCK : Mujota Sadik avec sa fille dont le prénom m'échappe."

7 "Shaqiri Shaqa dans un uniforme de camouflage avec les insignes de

8 l'UCK.

9 "Enver Rashiti, originaire du village de Racak, qui se trouve dans

10 l'UCK du village de Laniste."

11 Q. Arrêtez-vous là au niveau de Shaqa Shaqiri. Il y a quelque chose

12 d'ambigu au sujet du nom de cet homme. Est-ce que ce pourrait être Shakija

13 Berisha [phon] ? Ou est-ce Suceri Sula, fils d'Ismajli ?

14 R. Ecoutez, s'agissant de ces noms et prénoms, lorsqu'une personne

15 interrogée venait nous donner une déposition, il arrivait que des personnes

16 aient deux ou trois noms de famille. Par exemple, Kadri Syla fait

17 apparition comme Ismajl Sula et pour ce qui est de Shaqiri Shaq, il a fait,

18 également, apparition sous un autre nom et prénom, mais je n'arrive pas à

19 me souvenir de cela.

20 Q. Je vous ai donné le champ entre deux possibilités. Je vous demande d'y

21 réfléchir encore, une nouvelle fois. Shakija Berisha ou Suceri Ismajli

22 Sula. Alors, est-ce que c'est l'un ou l'autre de ces noms ? Qui était le

23 nom de cet homme ?

24 R. Shyqeri Sula est le nom d'une personne. Je crois qu'il y a aussi un

25 autre nom et prénom qui sont Shaqiri, un autre nom et un autre prénom.

Page 41033

1 Q. Vous dites que Shyqeri Sula, ce n'est pas le nom de cet homme ?

2 R. Non.

3 Q. Très bien. Passons, maintenant, au reste des noms. Enver Rashiti.

4 R. Il faut que le lise ?

5 Q. Oui.

6 R. Rashiti Enver de Racak qui se trouvait dans l'OVK, c'est-à-dire, dans

7 l'UCK du village de Laniste. Ismajlji Kadri du village de Racak. Bilalli

8 Hasan Lutfi, du village de Racak, chargé de la logistique pour les arrières

9 à l'UCK. Zymberi Sherif Nijazi du village de Racak, chargé, également, de

10 la logistique à l'UCK. Un homme dont je ne connais, ni le prénom, ni le

11 nom, à part le fait de savoir qu'il vient du territoire de Kacanik et qu'il

12 était assistant de l'UCK; il a été tué dans une forêt, à 200 mètres environ

13 d'un garde de l'UCK, dans le QG auxiliaire du village de Racak. Le

14 commandant du QG auxiliaire du village de Racak est Afet Bilalli, fils de

15 Hasan, qui a été blessé grièvement et emmené jusqu'à un lieu de traitement.

16 Q. Je pourrais continuer -- vous pourriez continuer à lire mais cela

17 suffit.

18 Cette personne, Muhadin Dzeljadini, comment est-ce qu'il est venu

19 nous aider en nous affirmant qu'un, deux, trois, quatre, cinq, six hommes,

20 les six hommes en question sont membres de l'UCK, et ont été tués dans la

21 cour du QG auxiliaire de l'UCK ?

22 R. Muhadin Dzeljadini qui a fourni les noms des personnes tuées,

23 membres de l'UCK, connaissait les personnes en question car il vivait dans

24 le village de Racak, municipalité de Stimlje. Je ne vois pas que ces hommes

25 aient tués dans une maison à cet endroit. Il est dit simplement, que

Page 41034

1 pendant l'affrontement armé le 15 janvier 1999, dans la cour du QG

2 auxiliaire, les membres suivants de l'UCK ont été tués.

3 Q. Oui. C'est très détaillé. Voyez-vous, nous avons cherché un

4 témoin oculaire, mais ce n'est pas nous qui avons mis les mots dans sa

5 bouche. Il a réfléchi, il a fourni une réponse bien pensée, et a donné son

6 récit quant au lieu et aux circonstances dans lesquelles ces six membres de

7 l'UCK sont morts.

8 R. Il a fait une déposition le jour où il était sur les lieux.

9 Q. Là encore, ne tombez pas dans le piège consistant à dire ce que

10 vous pensez que je veux que vous disiez. Je souhaite que vous preniez votre

11 temps, et que vous nous disiez que ce que cet homme qui avait une

12 connaissance de première main de la situation a vu, et vous a dit avoir vu.

13 R. Je ne saurais être précis et vous donner une réponse précise, car

14 il est dit que cela s'est passé pendant les affrontements armés du 15

15 janvier 1999, dans la cour du QG auxiliaire de l'UCK. Les personnes

16 suivantes ont été tuées. Ensuite, il énumère les noms des membres de l'UCK.

17 Je suppose qu'il était sur les lieux, mais je ne me souviens pas de

18 cela. Dans ce paragraphe, on n'explique pas que cela lui a été dit par une

19 tierce personne.

20 Q. Voyez-vous, l'alternative que développe cet homme dans sa

21 déposition, c'est qu'il a été emmené dans une pièce. Il dit que c'était la

22 pièce numéro 51, mais peut-être qu'il a mal lu, et que c'était la pièce

23 dans laquelle vous travailliez. Il dit que le 16, il était à Racak, et

24 qu'il a aidé à déplacer les cadavres de la mosquée. Il a dit que 45

25 cadavres, y compris les cadavres décapités, s'y trouvaient, et que quand il

Page 41035

1 vous a parlé des cadavres décapités, il a été frappé avec un bâton. Est-ce

2 que cela s'est vraiment passé ?

3 R. Ce n'est pas vrai, Monsieur le Procureur. Je ne suis pas dans le

4 bureau 51, comme cela est dit dans cette déclaration que vous avez entre

5 les mains. Comment a-t-il pu parler de 45 personnes alors qu'il n'y en

6 avait que 40 à la mosquée ?

7 Q. Je vois. Puis, il dit au paragraphe suivant, qu'il a ensuite été emmené

8 dans une pièce plus petite, et que vous l'avez ensuite envoyé dans le sous-

9 sol où on l'a enfermé dans une pièce. Il y avait d'autres hommes présents.

10 Plus tard, on a essayé, dans ce sous-sol, de le forcer à accepter que

11 quelqu'un qui répondait au nom de Sadik Mujota avait un lance-roquettes.

12 Est-ce que vous vous rappelez quelque chose de ce genre ?

13 R. Je ne m'en souviens pas. S'il est venu me parler, alors il n'est pas

14 logique que je dise aux policiers de le placer dans le sous-sol. Après la

15 fin de l'entretien, il aurait dû être libéré.

16 Q. Il explique, qu'après l'entretien ou la rencontre en question, on lui a

17 donné un document à signer, qu'il a signé à cause du sang qu'il a vu sur

18 les murs de la cave à Ferizaj, mais qu'il n'a pas signé volontairement. Il

19 dit que cette déposition qu'il a signée ne correspond pas à la réalité à

20 plusieurs endroits. Il dit en particulier que Nijazi Zymberi - c'est le

21 dernier nom qui figure dans ce texte - n'était pas membre de l'UCK. Il dit

22 qu'il ne savait pas si Lufti Bilalli était membre de l'UCK. Il confirme que

23 Bajram Mehmeti, dont nous n'avons pas beaucoup parlé, et Mehmet Mustafa

24 étaient membres de l'UCK. Il affirme que cette déposition ne correspond pas

25 à la réalité complètement.

Page 41036

1 Est-ce que vous avez donné ce texte à signer à cet homme, le texte

2 que vous avez écrit ?

3 R. La déposition correspond à la réalité. Tout ce que cet homme a dit a

4 été introduit dans cette déposition. Le texte de cette déposition lui a été

5 lu. Je peux confirmer l'authenticité de cette déposition, parce que Darko

6 Amanovic et Momcilo Sparavalo étaient avec moi au moment du recueil de

7 cette déposition comme il est écrit à la fin de ce document. Dzeljadini

8 Muhadin a signé cette déposition de son plein gré.

9 Je comprends très bien qu'il ne veuille pas confirmer l'authenticité

10 de sa déposition. C'est tout à fait normal compte tenu des problèmes qu'il

11 risque d'avoir s'il le faisait.

12 Q. L'un des problèmes, c'est que les criminels font une déposition et

13 l'attribuent à quelqu'un d'autre; les criminels coupables de crimes graves.

14 Lorsqu'ils le font, ils ont un problème, à savoir qu'ils ne savent pas

15 quels sont les autres éléments de preuve disponibles au moment où ils

16 présentent un document falsifié comme celui-ci, Monsieur Jasovic. C'est là

17 que les problèmes commencent. En tout cas, c'est ce que je vous affirme,

18 parce que regardez la liste des noms.

19 Sadik Mujota, est-ce qu'il était membre de l'UCK ? Oui, il l'était.

20 Mais il n'est pas mort dans la cour du QG auxiliaire de l'UCK. Un autre

21 dont nous ne connaissons pas le nom. Là, il y a ambiguïté. Nous allons

22 passer à la suite.

23 Enver Rashiti. Oui, il était membre de l'UCK, mais il est mort dans

24 la casemate; dans le bunker.

25 Kadri Ismajli. Membre de l'UCK qui a été tué non loin du bunker, et

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1 pas du tout dans le vallon. Peut-être auriez-vous l'amabilité de regarder

2 avec moi.

3 Je demande l'aide de l'Huissier pour les placer sur le

4 rétroprojecteur, deux photographies tirées de la pièce à conviction 156,

5 intercalaire 7. La première est celle-ci. Monsieur l'Huissier, laissez-là

6 sur le rétroprojecteur. Maintenant, veuillez vous approcher de moi pour

7 venir chercher la deuxième photographie que vous placerez également sur le

8 rétroprojecteur.

9 Voyez-vous, pendant que vous prépariez cette déposition du

10 17 janvier, il est possible que vous n'ayez pas su qu'existaient ces

11 photographies qui ont été prises dans le vallon, et qui permettent

12 d'établir un lien entre les noms des personnes dont les cadavres sont

13 montrés ici et les conditions de ces morts. En effet, ces deux hommes ne

14 sont pas morts du tout près du QG auxiliaire de l'UCK. Il s'agit de Lufti

15 Bilalli qui est mort dans le vallon, n'est-ce pas ?

16 Photographie suivante, Monsieur l'Huissier.

17 Et de Nijazi Zymeri qui est également mort dans le vallon.

18 Comment expliquez-vous, je vous prie, cette déclaration faite

19 prétendument du plein gré de l'auteur de cette déclaration, qui contient

20 deux erreurs aussi graves sur les faits ?

21 R. Monsieur le Procureur, sur la base de la photographie, je ne sais pas

22 où cette personne a été tuée. Cette photographie ne me le dit pas. Je m'en

23 tiens à la déposition qui a été faite de son plein gré par cet individu qui

24 a été interrogé. Il m'a communiqué ces faits.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'êtes pas d'accord. Vous dites

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1 que ces hommes ne sont pas morts dans le vallon ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en tiens à ce que j'ai dit. Ce que je

3 suis en mesure de dire, c'est que Dzeljadini, Muhadin Dzeljadini a déclaré

4 ce qui figure dans le texte de sa déposition; ce qui est écrit dans le

5 document que nous avons ici. Il l'a dit devant moi et devant mes collègues.

6 Q. Est-ce que vous parlez de vos collègues dans ce que vous dites

7 aujourd'hui en même temps que de vous ou uniquement de vous ?

8 R. Je parle en mon nom propre ici aujourd'hui. Je suis conscient et je

9 garantis que mes collègues le confirmeront. Parce qu'il n'y a eu aucun

10 recours à la force, aucune coercition, aucune violence. La déposition en

11 question n'a pas été recueillie sous la contrainte, sous une contrainte

12 quelconque exercée à l'égard de cette personne.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous reconnaissez l'un de

14 ces cadavres ou est-ce que vous reconnaissez, en tout cas, le premier,

15 celui de Lufti ?

16 M. NICE : [interprétation] Lufti Bilalli.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Oui. Est-ce que vous pouvez lui

18 montrer une nouvelle fois le cadavre de Lufti Bilalli ?

19 M. NICE : [interprétation] Oui.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas Lufti Bilalli.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, je vous prie.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez poursuivre.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous allez passer à autre

25 chose, Monsieur Nice ?

Page 41039

1 M. NICE : [interprétation] Oui. J'avais encore une ou deux questions à lui

2 poser au sujet des photographies, mais après je passerai à autre chose.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jasovic, la déposition que

4 nous étions en train d'examiner, est-il permis de dire qu'elle est tout à

5 fait typique des dépositions recueillies par vous dans le cadre de votre

6 travail général de lutte contre le terrorisme ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette déposition vient d'un individu

8 particulier. Je pense qu'elle est authentique. Maintenant, s'agissant des

9 photographies --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non, non. Je ne vous demandais

11 pas si elle était authentique; je vous demandais si elle était typique, si

12 c'est un bon exemple du genre de déposition que vous aviez l'habitude de

13 recueillir dans l'exercice de vos fonctions de lutte contre le terrorisme.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je recueillais les dépositions, comme je l'ai

15 dit, en respectant les dispositions du code de procédures pénales, donc

16 selon les modalités prévues par la loi.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est exactement la question que je

18 voulais vous poser. J'aimerais savoir d'abord si ce texte est bien un

19 exemple type, un exemple particulièrement représentatif des dépositions que

20 vous recueilliez; le texte que nous avons maintenant sous les yeux.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart des dépositions étaient recueillies

22 dans des conditions absolument identiques.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci. Quel était l'objectif poursuivi

24 lorsque vous avez recueilli cette déposition.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Que voulez-vous dire ? Est-ce que vous

Page 41040

1 pourriez m'expliciter votre question ?

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne souhaiterais pas placer les mots

3 dans votre bouche; je souhaiterais que vous répondiez. Voyez-vous, les

4 officiers de police peuvent recueillir des dépositions pour que des

5 procédures soient engagées par des tribunaux ou pour permettre au juge

6 d'instruction de constituer son dossier ou avec d'autres objectifs

7 éventuels. Alors, quel était votre objectif lorsque vous avez recueilli

8 cette déposition ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette déposition n'a pas été recueillie en vue

10 d'un procès. Après les événements dans le village de Racak, il est tout à

11 fait normal, qu'à la demande du Procureur général, un entretien ait été

12 mené avec un certain nombre d'individus susceptibles de fournir des

13 renseignements quant à la façon dont ces événement s'étaient déroulés dans

14 le village de Racak, notamment sur l'action, les déplacements, les

15 effectifs et les armes détenues par les membres de l'UCK.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Un certain nombre de personnes sont

17 mentionnées dans ce document, qui n'ont pas tuées à Racak.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a Muhadin Dzeljadini qui fait une

19 déposition de son plein gré. Je répète, de son plein gré. Il parle d'un

20 endroit où des personnes se sont vues ôter la vie.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. Si vous passez à la page qui se

22 trouve à la fin de la déposition, est-ce qu'on ne trouve pas là une mention

23 - à l'avant-dernier paragraphe - une mention de gens qui n'ont pas tués à

24 Racak.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez dire là où est écrit "il y a un

Page 41041

1 mois dans le village de Racak ?"

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] "Il y a un mois, dans le village de Racak, non

4 loin de la localité désignée sous le nom de Cesta, deux membres de l'UCK

5 ont été blessés; Mehmet Agushi et un homme venu de Kacanik."

6 Sur la base de cette déposition, je suis en mesure de dire, qu'au sein de

7 l'UCK, dans le village de Racak, il y avait un individu qui venant de

8 Kacanik. Je n'en suis pas tout à fait sûr, mais je pense que cet individu a

9 été tué au cours de l'affrontement. Je réfléchis pour me rappeler son nom.

10 Je n'en suis pas absolument certain, mais on peut le déterminer en

11 regardant les documents. Je pense qu'il était membre de -- je pense que ce

12 membre de l'UCK s'appelait Beqiri, mais je ne suis pas sûr de son prénom,

13 pas plus d'ailleurs que de son nom de famille.

14 Quant à cette localité qui répond au nom de Cesta, elle est située en

15 amont de la maison de retraite de Stimlje. C'est un endroit qui fait partie

16 de Racak, en fait.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous prenez la référence antérieure

18 un peu plus haut sur la page, est-ce qu'il est dit à cet endroit que tout

19 le monde a été tué à Racak ? Le paragraphe immédiatement avant. Il est

20 question -- il est bien dit, n'est-ce pas, que tout le monde a été tué à

21 Racak ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez dire le premier paragraphe au-

23 dessus de la liste de noms. Sadik Mujota, c'est à ce paragraphe que vous

24 faites référence ?

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui. On trouve les noms de Bajram

Page 41042

1 Mehmeti, Mehmet Agushi. Quel a été le sort de ces deux hommes ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas trouvé le passage.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Immédiatement au-dessus du passage que

4 nous commentions à l'instant.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là où il est dit que Sadik Mujota a

6 perdu la vie --

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Juste au-dessus, vous voyez une

8 référence aux frères Idriz et Bajram Mehmeti.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois, les frères Idriz et Bajram Mehmeti et

10 Mehmet Agushi.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'ils ont été tués à Racak ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour Bajram, je n'ai pas d'information. Quant

13 à Idriz, je crois que son nom apparaît dans une déposition, mais je n'en

14 suis pas sûr. Quant à Mehmet Agushi, je n'ai pas d'informations. Je ne sais

15 pas s'il a perdu la vie.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Que faisiez-vous ensuite avec ces

17 dépositions une fois que vous les aviez recueillies ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Que voulez-vous dire ?

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'est-ce que vous faisiez avec ces

20 dépositions ? La question est simple.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec les dépositions, nous nous servions des

22 dépositions pour effectuer notre travail opérationnel, la suite de notre

23 travail ayant rapport avec les événements de Racak. Quant aux dépositions,

24 elles étaient transmises au chef du secrétariat à l'Intérieur, au

25 département de la Sûreté d'Etat, et le chef décidait s'il convenait ensuite

Page 41043

1 de la transmettre au QG du MUP de Pristina; responsable de l'ensemble du

2 Kosovo.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyez-vous, il y a un point de détail

4 qui n'est pas tout à fait clair. Il n'est pas dit dans ce texte si la

5 personne à l'origine de cette déposition a vu de ses yeux les événements

6 dont elle parle. C'est la raison pour laquelle je vous demande quel est

7 l'objectif pour lequel cette déposition a été recueillie.

8 Car on peut orienter les dépositions dans un sens ou dans l'autre en

9 fonction des buts que l'on poursuit. Quel était l'objectif poursuivi au

10 moment où vous avez recueilli cette déposition ? Ce n'était pas pour

11 engager des poursuites criminelles, apparemment. Quel était l'objectif dans

12 ces conditions ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'objectif ici - car bien sûr, cet individu

14 n'était pas membre de l'UCK - l'objectif était lié à la compréhension de ce

15 qui s'était passé à Racak.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas de meilleure réponse ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était en rapport avec les événements

18 sans doute liés à la volonté de comprendre quelles étaient les armes qui

19 avaient été retrouvées et la situation du point de vue numérique également

20 parce que cet homme était sur place.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si ce n'était pas une enquête grand

22 serbe sur Racak, quel a été l'objectif ? Si vous ne pouvez pas répondre, je

23 ne vais pas vous embêter plus longtemps.

24 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, avant de prendre la

25 pause, deux questions supplémentaires --

Page 41044

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, l'objectif de cette

2 déposition, le but de cette déposition -- parce qu'avant les événements,

3 nous savions déjà que le QG de l'UCK avait été créé à Racak. D'une façon

4 tout à fait normale, le recueil de cette déposition avait pour but de

5 connaître les déplacements des membres de l'UCK, le nombre des effectifs de

6 l'UCK, est-ce qu'ils avaient des armes ou pas, quelles armes ils avaient,

7 est-ce qu'ils étaient à tel ou tel endroit.

8 Maintenant, sur la base de la phrase qui vient d'être citée, je ne

9 saurais vous dire si cet homme était effectivement présent sur place ou

10 s'il a entendu dire que le 15 janvier 1999, les personnes dont il donne les

11 noms se sont vus ôter la vie.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voyez-vous, tout cela ressemble

13 beaucoup à une déposition recueillie dans le cadre d'un service secret.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle a été recueillie à la demande du

15 procureur général de façon tout à fait normale. Des entretiens sont menés

16 avec les individus qui sont capables de fournir des renseignements.

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais est-ce que vous nous dites que

18 ceci s'est fait à la demande du procureur général ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement parce que --

20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui ou non ? Vous devez certainement

21 savoir si cela s'est fait à la demande du procureur ou pas.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, Monsieur le Juge, nous avons le

23 droit, selon les règlements en vigueur, si un événement qui peut faire

24 l'objet d'une plainte criminelle se produit, nous avons le droit de

25 recueillir des informations auprès des citoyens susceptibles de nous

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1 fournir des informations.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

3 M. NICE : [interprétation] Je sais que l'heure tourne, mais j'aimerais

4 poser quelques questions complémentaires sur cette déposition.

5 Q. Dans le droit fil des questions posées par M. le Juge Bonomy, auriez-

6 vous l'amabilité de prendre le tableau ? Il y a des éléments sensibles sur

7 le tableau; M. l'Huissier, ne le placez pas immédiatement sur le

8 rétroprojecteur. Page 3 du tableau, en bas de la page, nous voyons que

9 trois dépositions ont été recueillies par vous, les 16 et 17 janvier et je

10 vous rappelle tout cela pour que nous ne perdions pas de temps. Monsieur

11 l'Huissier, placez ce texte sur le rétroprojecteur.

12 Nous avons, ici, un tableau qui indique quels sont les interlocuteurs

13 que vous aviez en face de vous qui ont identifié telle ou telle personne

14 tuée à Racak. Le bas de la page, les trois dernières lignes, merci.

15 Ensuite, la page entière, sauf la colonne de droite. La page entière, je

16 demande à l'équipe vidéo de nous aider. Merci. Veuillez faire le point.

17 Encore un peu. Merci.

18 L'objectif poursuivi dans le recueil de ce que vous appelez des

19 dépositions, Monsieur Jasovic, consistait à justifier, même de façon

20 minimale, l'assassinat des gens tués à Racak et nous voyons que dès la

21 journée du 16, vous recueillez la déposition d'un jeune homme de 16 ans qui

22 identifie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10. Vous avez apporté cette déposition

23 ici. C'est un grand succès, comme on dirait pour un chasseur, n'est-ce pas,

24 de rapporter tous ces résultats dans sa besace, dans sa gibecière, ce jeune

25 homme qui a témoigné le 16 au sujet des personnes mortes à Racak en disant

Page 41046

1 que dix étaient membres de l'UCK.

2 R. Ce n'est pas vrai, Monsieur le Procureur. Je peux vous dire qu'avant

3 les événements du village de Racak, sur la base de liste des tués qui avait

4 été établie, nous avions déjà les noms de

5 14 personnes; nous savions qu'elles étaient membres de l'UCK. Quant aux 16

6 autres, nous avons appris leurs noms par la suite.

7 Q. Vous avez les statistiques, mais avant de finir, j'aimerais vous

8 demander une confirmation parce que je crains de devoir continuer à vous

9 poser des questions après la pause.

10 R. Pas de problème.

11 Q. Est-ce que vous continuez à dire, dans le cadre de votre déposition,

12 Monsieur Jasovic, que vous avez simplement interrogé des gens qui étaient

13 membres de l'UCK et que ces personnes vous ont donné les noms qu'ils ont

14 donnés ou est-ce que vous avez dû insister un peu auprès de ces personnes

15 pour qu'elles donnent les noms des personnes qui avaient souffert à Racak ?

16 Dites-nous cela.

17 R. J'ai interrogé ces personnes, je leur ai demandé très directement à

18 quel endroit elles résidaient et au cours de notre entretien, tel ou tel de

19 mes interlocuteurs disait : "Des membres armés de l'UCK sont arrivés" et je

20 poursuivais l'entretien à partir de là. Il était tout à fait normal que je

21 poursuive à partir de là et que je demande, ensuite : "Est-ce que vous

22 connaissez les noms des membres de l'UCK qui sont arrivés ? Que faisaient

23 ces personnes" et ce genre de choses.

24 Q. Vos questions avaient pour but d'obtenir du témoin tous les noms des

25 membres de l'UCK connus, sans aucune exception, et pas simplement les

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1 personnes qui avaient été tuées à Racak, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Au cours de l'entretien, jusqu'aux événements du village de Racak,

4 c'est-à-dire, jusqu'au 15 janvier, de la façon la plus normale qui soit,

5 ils donnaient les noms des membres de l'UCK et après les événements de

6 Racak, de façon tout à fait normale, au cours de nos entretiens, mes

7 interlocuteurs m'ont donné les noms des membres de l'UCK qui avaient été

8 tués au cours de l'affrontement entre la police et les terroristes albanais

9 de l'UCK.

10 Q. Je vous affirme que lorsque vous recueilliez ces dépositions, en tout

11 cas, ce que vous appelez des dépositions de témoins, il n'y avait aucune

12 raison que vous ayez appris que Muhadin Dzeljadini a été vu par les

13 enquêteurs de ce Tribunal. On ne lui a montré aucune photographie des

14 personnes qui se trouvaient dans le vallon. Il a dit ne rien savoir de la

15 situation de Lufti Bilalli; il n'a pas contesté que Bajram Mehmeti et

16 Nijazi Zymberi aient été membres de l'UCK et nous découvrons que ces deux

17 hommes ne sont certainement pas morts à l'endroit où il dit qu'ils sont

18 morts. C'est peut-être parce que vous avez créé, vous-même, cette

19 déposition pour la lui attribuer, n'est-ce pas ?

20 R. Ceci n'est pas vrai, Monsieur le Procureur. Je m'en tiens à ce que j'ai

21 déjà dit, au sujet de ma capacité de confirmer l'authenticité de cette

22 déposition, ce que je fais. Je confirme, ici, puisque cette déposition a

23 été signée par la personne interrogée, je confirme son authenticité; je

24 sais que M. Sparavalo l'a signée, également. Je n'ai pas à réfléchir et je

25 n'avais, d'ailleurs, aucune raison d'inventer cela.

Page 41048

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vingt minutes de pause.

2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

3 --- L'audience est reprise à 12 heures 53.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Monsieur Jasovic, les autres éléments de preuve ou les autres documents

7 en provenance du côté serbe montrent que les membres de l'UCK et personne

8 d'autre, mais bien les membres de l'UCK, se sont emparés de Racak, en date

9 du 15. C'est bien ainsi que vous comprenez les événements ?

10 R. Les membres de l'UCK se trouvaient déjà à Racak.

11 Q. J'espère que ma question a été claire. D'après la compréhension qu'en

12 ont les gens, comme Goran Radosavljevic, dans ses interviews pour la chaîne

13 de télévision et à notre intention aussi, nous laissait entendre que ceux

14 qui ont lancé cette opération étaient convaincus du fait que dans le

15 village, il n'y avait que des membres de l'UCK. Est-ce que c'est ainsi que

16 vous avez compris, vous-même, la chose, à savoir qu'il n'y avait que des

17 membres de l'UCK dans le village, lorsque l'attaque a été lancée ?

18 R. Monsieur le Procureur, partant des déclarations dont je dispose, il me

19 semble avoir déjà dit que je ne savais pas pour le village de Racak.

20 J'avais reçu une déclaration, fin décembre, disant qu'il restait une

21 dizaine, une quinzaine de familles dans ce village de Racak. Le gros, le

22 reste avait quitté le village pour passer dans des villages où c'était plus

23 calme et où il n'y avait pas de conflits entre les représentants de la

24 police et ces terroristes albanais de l'UCK.

25 Q. Le 15, aidez-nous à ce sujet, selon la compréhension que vous en avez,

Page 41049

1 le 15, y avait-il encore des civils ou il n'y avait, selon vous, que des

2 membres de l'UCK ?

3 R. Je vous répète, il se peut qu'il soit resté une dizaine ou une

4 quinzaine de familles dans cette localité.

5 Q. Fort bien.

6 R. Mais je n'en parle qu'à partir de documents.

7 Q. Cela devait revêtir une importance extrême parce qu'il convenait d'être

8 très prudent et de recourir à la force de façon proportionnée aux fins

9 d'arrêter des personnes suspectées d'avoir tué un policier, n'est-ce pas ?

10 R. Je ne sais pas comment les choses se sont déroulées sur place et je ne

11 sais pas --

12 Q. Répondez à ma question, nous n'avons pas un temps illimité à notre

13 disposition. Si une opération est lancée dans un secteur où on sait que des

14 familles civiles, des civils sont présents avec, en plus, des membres de

15 l'UCK, il est extrêmement important d'avoir recours à la force de façon

16 proportionnée, vis-à-vis des suspects de l'UCK, en raison de la possibilité

17 de voir des victimes parmi des civils innocents. C'est une phrase tout à

18 fait simple. Etes-vous d'accord ?

19 R. Je ne suis pas tout à fait d'accord parce que la police y est allée aux

20 fins de trouver et d'arrêter des coupables potentiels dans les rangs de

21 l'UCK.

22 Q. Monsieur Jasovic, vous avez une formation secondaire. Vous avez été

23 policier pendant combien d'années ? 20 ans à peu près, plus ou moins. Avez-

24 vous compris ma question ?

25 R. Oui.

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1 Q. N'avez-vous pas compris ma question ?

2 R. Pouvez-vous me l'expliquer, votre question ?

3 Q. Permettez-moi de vous poser cette question : la police est-elle censée

4 faire attention aux civils, aux citoyens, lorsque leurs chemins se croisent

5 à l'occasion d'une enquête portant sur des crimes ?

6 R. Bien sûr qu'il vaut mieux en tenir compte. Les civils sont une chose,

7 les membres de l'UCK en sont une autre.

8 Q. A l'occasion de cette opération au sujet de laquelle vous saviez

9 personnellement qu'il y avait des familles résidant encore à Racak, il

10 revêtait une importance capitale de tenir compte de la proportion à donner

11 à l'usage de la force à l'encontre de personnes qu'on croyait faire partie

12 de l'UCK, n'est-ce pas ?

13 R. Il est tout à fait naturel de tenir compte de la présence de civils.

14 Q. Pouvez-vous, alors, nous expliquer, compte tendu de ces circonstances,

15 pour quelle raison les civils, les hommes qui n'ont pas été tués ont été

16 justement ceux qui se sont enfuis ? Ils ne sont pas sortis escortés par la

17 police ou par l'armée et on ne leur a pas dit où aller, ils ont dû

18 s'enfuir. Comme vous avez des résidents, des civils, pouvez-vous expliquer

19 aux Juges de la Chambre pourquoi cela s'est passé ainsi ?

20 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas s'ils se sont enfuis parce que je n'y

21 étais pas.

22 Q. Mais n'avez-vous pas enquêté à ce sujet, Monsieur Jasovic ?

23 R. J'ai eu des conversations au sujet des circonstances, mais je n'ai pas

24 interviewé de personnes à même de me fournir ce type de renseignement.

25 Q. Mais vous saviez, bien entendu, que des hommes s'étaient enfuis, n'est-

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1 ce pas ?

2 R. Je ne le savais pas.

3 Q. Vous ne saviez pas ?

4 R. Je ne savais pas.

5 Q. Une enquête au sujet de l'UCK, de l'époque de Racak, à mon avis, devait

6 forcément revêtir un grand intérêt pour ceux qui ont survécu et qui sont

7 restés des terroristes; cela les concernerait davantage que ceux qui

8 n'étaient pas terroristes ? Il serait tout à fait normal de chercher à

9 savoir qui des terroristes était encore là, était encore en vie, n'est-ce

10 pas ?

11 R. Il serait naturel, pendant l'enquête, de diriger cette enquête sur les

12 activités opérationnelles réalisées dans le courant de cette opération de

13 Racak.

14 Q. Ecoutez, peut-être ma question a-t-elle été trop compliqué. Je vais

15 essayer de la rendre plus simple. Est-ce qu'il y a eu une enquête véritable

16 de diligentée au sujet du terrorisme ?

17 R. Oui, il y a eu une enquête véritable de diligentée pour ce qui est

18 d'établir la vérité au sujet du terrorisme.

19 Q. Deuxièmement, aviez-vous intérêt à savoir qui, parmi les gens qui sont

20 encore restés vivants à Racak, étaient encore des terroristes ou des

21 membres de l'UCK ? Vous vouliez le savoir ?

22 R. Oui. On a toujours souhaité le savoir.

23 Q. Je vous demande, à présent, de vous pencher sur plusieurs photos pour

24 déterminer ce que vous saurez nous dire à leur sujet. Ceci vient de la

25 pièce 156, intercalaire 7. Je vous demande d'étudier ces photos.

Page 41052

1 Je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir prendre aussi le plan, la

2 carte que nous avons sur ce trépied.

3 Vous pouvez vous servir de ce que bon vous semblera, Monsieur

4 Jasovic. Voici une vue aérienne et on placera à vos côtés une carte pour

5 que vous puissiez vous orienter, si besoin était.

6 Prenez tout le temps qu'il vous faudra. Les instructions sont en

7 langue anglaise, mais vous pouvez voir les noms des gens et vous voyez la

8 maison de Sadik Osmani. La voyez-vous ?

9 R. Oui, je vois.

10 Q. A droite de cet endroit-là, on voit un site de crime 3, scène 7. Le

11 voyez-vous ?

12 R. Oui. Je le vois.

13 Q. Si l'on se penche sur cette carte, avec la connaissance que vous avez

14 de Racak, vous est-il possible d'établir une corrélation entre cette photo

15 et la connaissance que vous avez des lieux sur le site ? Le comprenez-

16 vous ?

17 R. Oui, je comprends. Vous m'avez indiqué, dans le village de Racak, la

18 maison de Sadik Osmani.

19 Q. C'est cela. Savez-vous que l'endroit qui est décrit comme le site de

20 crime 3, scène 7, était la maison de Drita Emini ?

21 R. Comment voulez-vous que cela me soit une chose connue ? Je ne fais que

22 le voir maintenant.

23 Q. Oui. Je vous le dis maintenant. Nous allons nous pencher sur une

24 photographie maintenant. Si vous examiniez cette photo, vous constaterez

25 qu'il y a une route qui descend le long de cette carte pour bifurquer sur

Page 41053

1 la droite. Sur le plan, cela constitue la gauche.

2 Alors, étudions cette deuxième photographie. Cette photo est

3 également à la disposition des Juges de la Chambre.

4 Voici ce tronçon de route qui descend et qui bifurque vers la gauche.

5 Je vais vous dire quelques éléments, puis je vais vous poser des questions.

6 Les habitants de la maison Emini, des femmes et enfants, ont été

7 emmenés. Les femmes et les enfants ont été passés dans la maison à côté du

8 carrefour. Les hommes ont fait l'objet de mauvais traitements de la part de

9 la police et ils ont été dirigés vers un autre endroit. Vous comprenez ce

10 que je veux dire ?

11 R. Oui, je comprends ce que vous m'avez dit.

12 Q. On leur a dit d'aller vers la colline de Bebush, et c'est là que se

13 trouve cette ravine où a retrouvé une vingtaine de cadavres. Alors, ils ont

14 descendu le long de cette route, et comme ils n'ont pas été poursuivis par

15 la police, ils ont réussi à s'enfuir.

16 Alors, vient la photo suivante qui émane de la même pièce à

17 conviction et qui nous montre une maison que nous avons déjà vue. C'est la

18 maison de Sadik Osmani. Elle est indiquée sur cette photo. Elle n'est pas

19 très loin. Ils sont arrivés dans ce secteur, les habitants de la maison

20 Drita Emini, se sont trouvés à proximité de cette maison, et en rouge, on

21 voit l'itinéraire suivi pour arriver jusqu'à la ravine où on a retrouvé une

22 vingtaine de cadavres. C'est ce que nous montrent les éléments de preuve.

23 Les hommes ont quitté la maison de Sadik Osmani, ils sont montés jusqu'à

24 cette ravine, et c'est là qu'ils ont été tués.

25 Est-ce que vous comprenez ce que je suis en train de vous expliquer ?

Page 41054

1 R. Oui, je comprends ce que vous êtes en train de m'expliquer.

2 Q. Bien. Penchez-vous à présent sur la photographie suivante. Je vais

3 procéder à une distribution aux parties.

4 Je demanderais à présent à la cabine technique de zoomer quelque peu

5 afin que nous puissions voir la totalité de la photo.

6 Revenons à la première des photos. Alors, site de crime 3, scène 7. Les

7 hommes que la police obligeait à descendre la route en leur disant de se

8 diriger vers la maison de Sadik Osmani. Puis, ils ont pris cet itinéraire

9 vers la colline où ils ont été tués. D'autres personnes se sont enfuies.

10 Les hommes de la maison de Sadik Osmani ont été obligés d'aller vers la

11 ravine pour y être tués. C'est ce que disent les éléments de preuve.

12 Nous allons maintenant voir si vous êtes à même de nous aider. Prenons

13 cette liste sur la gauche.

14 R. Oui.

15 Q. Il s'agit ici des noms des personnes qui ont quitté la maison de Sadik

16 Osmani : Ragip Bajrami, Lufti Bilalli, Bujar Hajrizi, et ainsi de suite. Il

17 s'agit des numéros 1 à 22. Voyez-vous ces noms ?

18 R. Je vois les noms.

19 Q. Ce sont des personnes qui, d'après les différents témoignages, ont été

20 emmenées vers la ravine et ont été tuées.

21 Sur la liste de droite, il y a les noms des personnes qui se trouvaient

22 dans la cave avec Drita Emini, dans sa maison à elle. Ils ont été chassés

23 de la maison et ils ont été dirigés vers la colline, là où ont été tués les

24 autres. Il y a Rama Beqa, Hamdi Beqa, Ekrem Hajrizi, et les autres. Mais

25 eux, ils se sont enfuis. Ce sont là les noms des personnes qui se sont

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1 enfuies. Le comprenez-vous ?

2 R. Je comprends.

3 Q. Penchons-nous maintenant une fois de plus sur cette liste à gauche.

4 Sous ces 22 noms, il y a encore cinq noms. Il s'agit de personnes qui ont

5 été chassées de la maison de Sadik Osmani en direction de la ravine, mais

6 ils ont réussi à s'enfuir. Il y en a cinq qui ont réussi à s'enfuir : Ali

7 Agushi, Bilall Avdiu, Imer Imeri, Nesret Shabani, et Rame Shabani.

8 Comprenez-vous maintenant ce résumé des éléments de preuve ?

9 R. Je ne peux pas comprendre votre résumé des éléments de preuve parce que

10 tout simplement je n'étais pas sur les lieux.

11 Q. Ce qui nécessite votre aide, c'est le fait que vous avez recueilli des

12 déclarations. Si vous vous penchez sur cette liste, vous verrez que des

13 noms ont été surlignés de vert, et d'autres noms sont restés non surlignés.

14 Voyez-vous la différence ?

15 R. Oui, je la vois.

16 Q. Vous, vous êtes venu devant ce Tribunal avec un document très vaste qui

17 se trouve dans les classeurs que nous avons étudiés et vous avez apporté un

18 autre jeu de documents qui n'ont pas été traduits. Regardez vers moi.

19 R. [aucune interprétation]

20 Q. Voilà, c'est cette liasse de documents. Encore des dépositions --

21 R. [aucune interprétation]

22 Q. -- où il y encore bon nombre de noms. Nous nous sommes penchés sur ces

23 dépositions. Nous les avons parcourus pour essayer de voir qui de ces

24 personnes auraient été nommées comme étant membres de l'UCK et qui

25 n'auraient jamais été désignées comme étant membres de l'UCK.

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1 R. Cela, c'est une chose dont je ne peux pas me souvenir.

2 Q. Non, non, c'est nous qui avons fait le travail pour vous. A moins que

3 nous ne nous soyons trompés à la lecture de ces dépositions, ce qui est

4 toujours possible, sur les 34 personnes qui ont fuit la maison de Drita

5 Emini, il n'y a qu'une personne, le numéro 14, qui a été nommée comme

6 faisant partie de l'UCK.

7 Si l'on se tourne maintenant vers la liste de noms à gauche. Parmi ceux qui

8 ont péri, chacune de ces personnes a été nommée dans les déclarations que

9 vous auriez recueillies, dites-vous, du plein gré de ceux qui vous les ont

10 faites, aurait été désignée comme faisant partie de l'UCK. Chacune de ces

11 personnes, exception faite de trois d'entre elles. Je disais, chacune

12 d'entre elles, exception faite de trois de ces personnes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, M. Milosevic a

14 quelque chose à dire.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai l'impression que le témoin n'a pas du tout

16 compris ce que M. Nice voulait lui demander. Il y a en bas, une légende qui

17 dit qu'en vert --

18 M. NICE : [interprétation] Je l'ai expliqué au témoin, et j'ai chaque fois

19 une inquiétude lorsque l'accusé intervient, parce qu'il y a toujours une

20 fin à cette intervention. Puis-je continuer avec mes questions.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez. On va rassurer le témoin.

22 Monsieur Jasovic, si vous ne comprenez pas quelque chose, vous devez le

23 dire.

24 M. NICE : [interprétation]

25 Q. Je vous demande, Monsieur, de vous pencher sur les noms qui figurent à

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1 gauche, la totalité des 22 noms, mis à part le 9, Ahmet Jakupi; 12,

2 Xheladin Jakupi; et le numéro 19, Sukri Saliu. Mis à part ces trois-là,

3 tous les autres, dit-on, étaient membres de l'UCK, aux termes des

4 dépositions que vous avez recueillies. Les Juges de la Chambre vont pouvoir

5 vérifier dans la déposition, puisque nous avons identifié les noms.

6 Si vous vous penchez sur cette liste de noms, sur les cinq personnes

7 qui ont eu suffisamment de chance pour s'échapper, il n'y en a qu'un seul,

8 Rame Shabani, qui a fait l'objet d'affirmations aux termes desquelles il

9 serait membre de l'UCK. Les quatre autres ne sont, nulle part, mentionnés

10 dans vos dépositions.

11 Pouvez-vous nous expliquer, je vous prie, qu'à part ces deux exceptions,

12 seules les morts sont identifiés comme membres de l'UCK, alors que les

13 survivants ne le sont pas ? Est-ce que vous pouvez l'expliquer, cela, à

14 notre intention ?

15 R. Monsieur le Procureur, je m'en tiens à ce que j'ai déjà dit. Les

16 personnes interrogées qui sont venues de leur propre gré ont cité ces noms

17 volontairement parce que c'est de cette façon qu'elles l'ont faite. En

18 effet, il y a une différence entre une note officielle et une déposition.

19 Une note officielle, c'est le résultat d'un entretien qui est mené avec un

20 informateur, une relation amicale, ou une connaissance.

21 Q. Monsieur Jasovic --

22 R. Les noms de ces personnes ne figurent pas uniquement dans ces

23 déclarations.

24 Q. Je savais que vous alliez dire cela. C'est la seule chose que vous

25 pouviez dire. Mais j'aimerais que vous aidiez à résoudre un problème de

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1 logique. Je vous proposerais, pour ma part, ce que je vous ai déjà dit, à

2 savoir que ces déclarations ont été produites dans un but totalement

3 différent. Elles ont été produites pour créer un registre de suspects

4 d'appartenance à l'UCK, et suite à Racak, l'objectif était de maquiller les

5 traces, de couvrir le caractère illégal bien connu de cette agression.

6 Voilà pourquoi ces dépositions ont été établies. Ai-je raison ou pas ?

7 R. Vous n'avez pas raison, et ce n'est pas vrai. Parce qu'en plus des

8 dépositions en question, il y a aussi des notes officielles, et il y a des

9 renseignements.

10 Q. Rien n'a été fait avec ces dépositions. Personne n'a jamais été

11 poursuivi en justice, mis en accusation. Il n'y a pas eu de rapports

12 d'enquête. Il n'y a rien eu du tout de ce genre. Ces dépositions sont

13 restées là pour couvrir d'une feuille très, très mince le caractère

14 grossièrement criminel de l'acte auquel vous avez participé.

15 R. Ce n'est pas vrai, Monsieur le Procureur. J'affirme, en toute

16 responsabilité, que ceci n'est pas vrai. Je m'en tiens totalement au

17 contenu des notes officielles, des notes d'information, des dépositions,

18 qui n'ont pas été prises sous la contrainte, qui n'ont absolument pas été

19 prises sous la torture ou à l'aide d'une quelconque violence.

20 Je comprends bien que toutes ces personnes ne souhaitent pas aujourd'hui

21 confirmer l'authenticité de leurs dépositions, parce que cela risquerait de

22 leur poser des problèmes.

23 Q. Je comprends tout à fait que dans la région, 20, 30, 40, 50 personnes

24 ne puissent pas avoir raison contre une seule. Vous comprenez bien cette

25 situation, mais je souhaite vous aider à résoudre ce problème également.

Page 41059

1 Comment se fait-il que si on enquête sur les vivants et les morts liés à

2 l'UCK avec pour intérêt évident de s'intéresser aux survivants, comment se

3 fait-il que dans deux maison différentes, qui avaient le même objectif, il

4 y ait une différence aussi grande que celle-ci, à savoir que les

5 survivants, à l'exception d'un seul, ne sont pas dans une maison considérée

6 comme membre de l'UCK ?

7 R. Monsieur le Procureur, je ne sais pas s'ils étaient dans la même maison

8 et dans le même ravin. Ceci ne prouve pas, à mes yeux, que tel était le

9 cas.

10 Q. Quelques questions encore sur les déclarations individuelles, comme on

11 les appelle, ces dépositions, Messieurs les Juges, et je passerai à autre

12 chose. Je ne vais pas répéter ma thèse pour chacune des dépositions de ces

13 témoins. Ma thèse est résumée dans le tableau. Nous pouvons revenir au

14 document 1.49 --

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais avant de revenir à ce document, si

16 nous ne parlons plus de 148, je sais qu'il est d'une très grande importance

17 de savoir à qui appartient ce nom de Zymberi et Bilalli, qui auraient été

18 tués dans la cour du QG auxiliaire de l'UCK. Il est vrai, n'est-ce pas, que

19 cela signifie que les deux cadavres pourraient avoir été déplacés dans la

20 nuit ? N'est-ce pas le cas, puisque vous dites que la déposition était

21 recueillie pour maquiller les faits ? Ai-je raison ?

22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Juge, oui, absolument.

23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Alors, est-ce que la cour du QG

24 auxiliaire de l'UCK est une des scènes de crime ?

25 M. NICE : [interprétation] Non, c'est un endroit qui est situé près d'une

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1 scène de crime, mais cela n'en est pas une. Mais j'aimerais vérifier --

2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il y a des gens qui ont été tués

3 dans ce QG auxiliaire.

4 M. NICE : [interprétation] Pas vraiment dans le QG, d'après ce que je crois

5 savoir. Oui. Non. En fait, la scène de crime la plus du QG en question se

6 trouve assez loin de la route. Je vais vérifier le numéro.

7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous le pouvez, j'aimerais qu'on

8 indique l'emplacement sur la carte.

9 M. NICE : [interprétation] Je demanderais à M. Kelly d'installer la

10 deuxième carte géographique.

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pendant que nous attendons, je vous

12 demande deux autres éclaircissements. La fille de M. Sadik Mujota, est-ce

13 que ce n'est pas la jeune fille dont on trouve le nom dans le tableau comme

14 étant Hanumshah Mehmeti, l'une des deux femmes ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux expliquer cela.

16 M. NICE : [interprétation] Non, il s'agit de deux personnes différentes.

17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Deux personnes différentes.

18 M. NICE : [interprétation] Je vais maintenant répondre à votre première

19 question, si je le puis.

20 Je demanderais à M. l'Huissier de rapporter la carte.

21 Je vous demanderais de ne plus faire uniquement attention à la

22 légende de cette carte. Regardez cette carte. Vous voyez un symbole de

23 forme carrée. Est-ce que la régie pourrait afficher à l'écran la carte en

24 question.

25 Bien. Alors, Messieurs les Juges, regardez en bas de la carte. Entre

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1 le 1 et le 2, vous avez un carré, un carré qui en contient un autre. C'est-

2 là que se trouvait le QG secondaire. Par conséquent, les scènes de crime de

3 trouvent à deux endroits différents, mais à une certaine distance de la

4 cour de ce QG secondaire, soit au point 1, soit au point 2.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le QG ne figure pas sur cette carte

6 comme étant l'une des scènes de crime.

7 M. NICE : [interprétation] Non, pas du tout.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Dernier point, il a un rapport

9 avec la pièce à conviction 446. Mais il faudrait déterminer le numéro

10 d'intercalaire parce que le numéro de pièce à conviction date d'un certain

11 temps; on le fera peut-être plus tard pour le compte rendu d'audience.

12 M. NICE : [interprétation] Très bien. Puis-je, maintenant, revenir à

13 l'intercalaire suivant dont je voulais traiter, à savoir, l'intercalaire 6

14 de la pièce 466, Monsieur le Président.

15 Il s'agit du document 1.49 que nous avons déjà examiné avant-hier. Le

16 témoin a reçu quelques passages traduits dans cette déposition, nous les

17 avons passés en revue l'autre jour.

18 Monsieur le Président, j'espère que ce document existe. Dans la masse

19 de documents qui se trouvent dans le classeur numéro 1, je demanderais à M.

20 l'Huissier de vérifier si, par hasard, ce texte ne se trouve pas dans ce

21 classeur. Sinon, nous devrons nous passer de la traduction. Je propose que

22 s'il n'y a pas de traduction disponible, je lise les différentes lignes à

23 haute voix au témoin.

24 Monsieur l'Huissier, vous avez trouvé le texte qui contient les passages

25 traduits en anglais, n'est-ce pas ? Voilà, Monsieur l'Huissier, je peux

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1 vous donner mon exemplaire. Ce texte est pour le témoin.

2 Q. Nous avons examiné le paragraphe 8 de la version anglaise, il y a deux

3 jours, si je ne m'abuse. Je vous demanderais, Monsieur l'Huissier, de

4 placer le paragraphe 9, aujourd'hui, sur le rétroprojecteur qui se lit

5 comme suit, je cite : "On nous a emmené dans les cellules qui se trouvaient

6 dans le sous-sol, on nous y a enlevé nos chaussures et nos ceintures, on

7 m'a pris ma montre et mon portefeuille qui contenait 300 deutsche marks que

8 je n'ai jamais revus par la suite. On m'a frappé à plusieurs reprises sur

9 la tête. Quatre policiers me frappaient, les murs des cellules étaient

10 couverts de sang et portaient des empreintes de paumes de mains trempées

11 dans le sang. Il y avait aussi pas mal de cheveux humains à cet endroit. Un

12 policier a dit : Va chercher un fusil. Je veux les tuer. Un autre avait une

13 matraque et on nous a frappé sur les bras, les jambes, les mains, j'ai

14 crié, mais mon frère n'a pas crié et vers minuit ou 1 heure du matin, j'ai

15 demandé si on pouvait nous donner un peu d'eau. On m'a dit que je pourrais

16 recevoir de l'eau, mais avec une balle dans le front. Ce policier a dit :

17 'Tu n'es pas ici à ta place. Tu devrais être en Albanie.'"

18 Est-ce que c'est vous, Monsieur Jasovic, qui avait dit tout cela ?

19 R. Monsieur le Procureur, je vous dis, en toute responsabilité, que cette

20 personne est venue me voir de son plein gré, volontairement. Il n'est pas

21 venu me voir une fois, il est venu deux ou trois fois.

22 Q. Il n'est pas tombé, n'est-ce pas, quand il était au poste de police ?

23 Il n'a eu aucun accident, rien de ce genre ?

24 R. Je ne vois pas comment il aurait pu tomber puisque quand il s'est fait

25 connaître à la réception du poste de police, l'agent de service qui

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1 travaillait à l'entrée m'a dit que telle et telle personne était venue me

2 voir et c'est ce que j'affirme en toute responsabilité.

3 Q. Paragraphe 10 qui se lit comme suit : "Aux environs de

4 3 heures du matin, deux policiers sont arrivés et ont recommencé à nous

5 frapper. L'un parlait albanais, je ne l'ai pas reconnu. Il a

6 dit : Vous êtes de la famille Mujota et pour cette raison, il vous sera

7 difficile de sortir d'ici.

8 "Aux environs de 7 heures du matin, ils sont revenus et ont emmené

9 mon frère. Je ne savais pas ce qui allait lui arriver. Quinze à vingt

10 minutes plus tard, ils sont venus me chercher et m'ont emmené une nouvelle

11 fois dans le bureau de Jasovic. Il a dit : Est-ce que vous avez réfléchi à

12 tout cela ? J'ai dit que je n'avais rien à réfléchir. Il a répondu qu'il

13 m'enverrait à Nis. Je suppose qu'il voulait dire la prison de Nis car

14 Sparavalo a dit : Vous ne sortirez jamais de ce bureau parce qu'il n'y a

15 pas de Dieu dans ce bureau. J'ai demandé si je pouvais avoir quelque chose

16 à manger et quelqu'un m'a apporté un peu de nourriture. Je ne sais pas qui.

17 Il a dit : Soit tu dis la vérité, soit tu seras tué.

18 "Jasovic a demandé qui commandait l'UCK à Malopoljce et combien il y

19 avait de membres de l'UCK. J'ai répondu que je ne savais rien de tout

20 cela."

21 Est-ce qu'il y a un grain de vérité dans tout cela ou pas du tout ? Dites-

22 le nous ?

23 R. Il n'y a pas un grain de vérité dans tout cela. Je l'ai dit, je me

24 souviens que la deuxième fois, il est venu chercher un document, il m'a

25 demandé mon aide, en tout cas, au sujet d'un document. J'ai oublié les

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1 détails, aujourd'hui. Quant à la vérité, il n'y en a pas dans ce qui vient

2 d'être dit, mais je comprends très bien cet homme; cet homme n'était pas

3 membre de l'UCK et aujourd'hui, il est probablement contraint de se

4 justifier d'une façon ou d'une autre, de façon à ne pas subir de

5 conséquences négatives.

6 Q. Le paragraphe 13 se lit comme suit, veuillez le suivre, je vous prie.

7 Je cite : "J'ai effectivement signé une déposition quand j'étais en

8 détention à Ferizaj, le deuxième jour, mais je n'ai vu personne compiler

9 cette déclaration ou prendre des notes pendant qu'on m'interrogeait. On m'a

10 simplement présenté les dépositions qu'il fallait que je signe. Je ne sais

11 pas qui ou comment ces dépositions ont été établies. Les enquêteurs m'ont

12 soumis un document. Je reconnais ma signature. J'ai été forcé de signer

13 cette déposition et Jasovic m'a dit que si je ne le faisais pas, la seule

14 alternative était la mort. Je voyais à peine les pages, quand j'ai signé

15 parce que mes yeux étaient terriblement gonflés, après les coups. Je ne

16 comprends pas le serbe. Ce document m'a été lu en albanais. Aujourd'hui, je

17 n'admets pas cette déposition et ce qu'elle contient. Je ne sais pas. Je me

18 souviens que Jasovic a dit qu'il écrirait une déposition, lui-même, même si

19 je ne disais pas un mot et il a déclaré qu'il la signerait, lui-même."

20 C'est bien ce que vous avez fait ?

21 R. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai qu'il se soit plaint auprès de

22 moi, ni de mes collègues. Je vous affirme qu'il n'y a qu'une seule vérité

23 et je la dis en toute responsabilité, à savoir que la vérité est que cet

24 individu est venu me voir de son plein gré. Je me souviens même que j'étais

25 occupé, je lui ai demandé d'attendre à l'extérieur, deux ou trois minutes,

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1 dans le hall. Nous avons parlé ensemble dans mon bureau ainsi qu'à

2 l'extérieur, dans le hall. Je sais que la deuxième fois qu'il est venu, il

3 m'a demandé de l'aider en rapport avec un document. Je mentirais, si je

4 vous disais que je sais précisément s'il s'agit d'un passeport ou d'une

5 carte d'identité, en tout cas, c'était un papier d'identité. Mais je le

6 comprends très bien. Je comprends pourquoi il ne veut pas confirmer

7 l'authenticité de sa déposition aujourd'hui.

8 Q. Lorsqu'il a été relâché, il est allé voir un médecin à Ferizaj et on

9 lui a donné des médicaments, une prescription de médicaments contre la

10 douleur. Il ne voyait pas d'un œil en raison du passage à tabac et d'autres

11 problèmes.

12 Que dites-vous de cela ?

13 R. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'a pas été frappé et qu'aucune force,

14 aucune violence n'a été exercée à son encontre.

15 Q. Nous avons un document qui émane d'un médecin datant du

16 4 février 1999. La Chambre peut le voir. Je crains qu'il soit en latin et

17 qu'il n'ait pas été traduit, mais on le retrouve vers la fin de cette

18 liasse de documents. On peut le placer sur le rétroprojecteur rapidement et

19 nous passerons à autre chose après.

20 M. NICE : [interprétation] Je vais demander la traduction, Monsieur le

21 Président. Je suis désolé que cela n'ait pas été traduit.

22 Q. Mais je vous demande, Monsieur, si vous pouvez expliquer les problèmes

23 évoqués par ce médecin, les ecchymoses, en particulier ?

24 R. Je ne peux pas les expliquer, aujourd'hui, mais je garantis que la

25 force n'a pas été utilisée, pas de violence du tout. Je ne peux pas

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1 considérer ce document comme un document authentique. Je ne l'admets pas.

2 Q. Je vous ai déjà interrogé au sujet de ce document en vous demandant si

3 vous aviez quelque chose à mettre en cause. Vous avez dit que non. Vous

4 avez changé d'avis ?

5 R. Je ne connais pas cet homme, le Dr Xhela, je ne le connais pas. Je ne

6 peux pas, non plus, discuter des raisons pour lesquelles il a émis cette

7 prescription. Je ne sais pas quelles étaient les blessures en question. Je

8 ne connais pas l'homme en question; je ne peux pas dire.

9 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous

10 verrez que dans cette liasse de documents, il y a encore un autre document

11 qui date d'un jour ultérieur en 2004 et qui constitue une mise à jour de la

12 situation de cet homme sur le plan médical. Mais j'aimerais l'aide du

13 témoin pour nous lire ce texte.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] En haut, il est dit que Naser Mujota, puis, je

15 lis 19, à moins que le deuxième chiffre ne soit un 7 ou peut-être un 5.

16 Non, 19 et le chiffre d'après, je crois que c'est un 7 et ensuite, le

17 dernier chiffre, un 5, je crois.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. Lisez simplement et nous entendrons l'interprétation.

20 R. Il est dit, en latin -- parce que c'est en latin.

21 Q. La partie d'en bas ?

22 R. En bas, c'est en albanais. Il est dit qu'il n'est pas nécessaire de

23 contrôler -- c'est la note qui est écrite en albanais et il est dit que

24 Basri Ibrahimi est orthopédiste.

25 Q. En albanais, pouvez-vous lire tout cela depuis le début ? Nous

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1 n'entendons pas l'interprétation.

2 R. Mais est-ce que vous voulez que je lise encore une fois ?

3 Q. Pouvez-vous lire tout cela en albanais ?

4 R. Il se plaint de douleur aux extrémités des membres inférieurs; il a des

5 maux de tête et des pertes de conscience.

6 Q. Voyez-vous, cet homme est allé voir le médecin, le jour même et il

7 affirme avoir souffert sans discontinuer depuis, suite aux passages à tabac

8 que vous lui avez infligés, à ce moment-là. Vrai ou faux ?

9 R. Ce que je vois, c'est la date du 15, le jour et 2004.

10 Q. Très bien.

11 R. Le 15 juin. 15/06/04. Vous dites qu'il est allé voir le médecin, le

12 même jour ?

13 Q. Non, le premier document date de février 1999.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cet homme, déclare-t-il avoir été

15 frappé par le témoin ?

16 M. NICE : [interprétation] Paragraphe 8, il parle d'un policier -- je relis

17 le texte. Il a été frappé, traîné jusqu'en haut, reconnu l'un des policiers

18 qu'il a vu clairement à la télévision avant cela et qu'il reconnaît comme

19 étant Dragan Jasovic.

20 On peut remettre en place les documents. Excusez l'absence de

21 traduction. J'ai essayé de préciser les choses autant que possible, pour le

22 compte rendu d'audience. Monsieur le Président, j'espère pouvoir être

23 excusé, compte tenu des circonstances et des allégations très détaillées

24 contenues dans d'autres dépositions de témoins.

25 Quant à la répartition des identifications des membres de l'UCK, on

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1 les trouve sur le tableau. Il est évident que tout ce qui est dit avant les

2 événements de Racak, est considéré par nous comme n'ayant guerre

3 d'importance. J'aurais dû expliquer qu'il faudrait que les Juges se

4 penchent sur les rubriques en noir dans la version révisée, la version

5 actualisée du tableau parce qu'il y a des rubriques qui reprennent ce qui

6 figurait dans l'ancien tableau et il y en a des nouvelles, mais nous avons

7 fait de notre mieux en l'absence de traduction. On trouve ces lignes en

8 noir sur la page 4 du tableau.

9 Maintenant, j'aurais encore une ou deux questions à poser au témoin à

10 ce sujet.

11 Q. D'abord, vous parlez albanais et je vous demande quel est le mot qui

12 convient le mieux pour dire en albanais "ce qu'il est convenu d'appeler" ou

13 "la soi-disant."

14 R. J'ai besoin de réfléchir un peu. Je suis déconnecté de tout cela depuis

15 six ans. Enfin, cela fait six ans que je ne parle plus l'albanais.

16 Q. Pourtant, tous ces hommes, dans toutes leurs dépositions, chaque fois

17 qu'ils parlent de l'UCK, ils la font précéder d'un mot qui si vous vous le

18 remémorez en serbe, signifie "soi-disant" ou "ce qu'il est convenu

19 d'appeler." Vous ne pouvez vraiment pas nous aider ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson ?

21 M. NICE : [interprétation] L'assistance nécessaire va bientôt arriver.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin réponde, d'abord,

23 Monsieur Milosevic.

24 Oui, veuillez répondre.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart d'entre eux connaissaient le serbe

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1 et ils se désignaient, eux-mêmes, de cette façon. Ils savaient qu'ils

2 représentaient une organisation illégale et c'est la raison qu'ils

3 utilisaient ce terme en serbe parce que la plupart d'entres eux

4 connaissaient le serbe et parlaient le serbe.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. D'abord, cette proposition est erronée car pratiquement tous ne parlent

7 que l'albanais et pas le serbe. Réfléchissez encore un peu. Est-ce que vous

8 avez retrouvé l'équivalent du mot "soi-disant" ou "ce qu'il est convenu

9 d'appeler ?"

10 R. Ecoutez il me faut un petit peu de temps. Je m'en souviendrai sans

11 doute dans quelques instants, mais six ans se sont écoulés depuis.

12 Q. "te eksteemiteteve te postme" [phon], est-ce que cela vous dit quelque

13 chose ? Est-ce que ce serait le mot que vous cherchez ?

14 R. Je ne sais pas. Vous prononcez sans doute mal l'albanais et je ne

15 pourrais vous répondre précisément parce que leur prononciation est assez

16 particulière. Il y a certaines syllabes qu'ils prononcent avec la langue

17 retournée.

18 Q. Monsieur Jasovic, pendant toute cette période et plus particulièrement

19 en 1999, vous étiez le mécanicien de l'état policier mis en place par

20 l'accusé présent ici, au Kosovo, n'est-ce pas ? Un mécanisme destiné à

21 frapper les Albanais.

22 R. C'est inexact. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.

23 Q. Ainsi que dans les efforts déployés pour s'associer avec des gens tels

24 que Marinkovic et des soldats pour essayer de dissimuler, de maquiller

25 l'agression dont des civils ont été victimes, une agression absolument

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1 inexcusable de votre part.

2 R. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas exact, ce n'est pas vrai et je le dis

3 en toute responsabilité. C'est simplement votre avis personnel.

4 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'allons pas commencer les

6 questions supplémentaires de la Défense immédiatement car une audience se

7 tient dans ce prétoire cet après-midi.

8 Suspension jusqu'à lundi, 9 heures du matin.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 42 et reprendra le lundi 20 juin 2005,

10 à 9 heures 00.

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