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1 Le mercredi 22 juin 2005
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vois que vous
7 avez satisfait à l'ordonnance de la Chambre pour ce qui est de la requête
8 aux fins d'ajout de documents à la liste visée par le 265 ter, des
9 documents nombreux d'ailleurs. Vous dites que s'agissant de la déposition
10 de M. Delic, vous les avez obtenus comme cela les documents.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis sur le bon canal, mais je ne reçois
12 aucune interprétation, je ne sais pas si le témoin peut entendre
13 l'interprétation.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une nouvelle
15 tentative. Est-ce que cela marche, maintenant ? Monsieur le Témoin, vous
16 m'entendez ? Oui, apparemment.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'entends toujours rien.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faisons une nouvelle tentative,
19 disais-je. Vous m'entendez maintenant ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, cela ne marche pas.
21 Je l'entends maintenant, j'ai dû me mettre sur le canal numéro 6.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je disais, Monsieur Milosevic,
23 que je voyais --
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai entendu ce que vous avez dit, Monsieur
25 Robinson, mais je voulais juste attirer votre attention sur le fait que je
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1 ne recevais pas d'interprétation.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je disais de façon plus précise que
3 dans votre requête écrite, vous dites que les documents concernés par la
4 déposition de M. Delic avaient été obtenus au plus tôt au cours du deuxième
5 semestre 2004. J'aurais voulu avoir un complément d'information à ce
6 propos. Au cours de quel mois de 2004 avez-vous obtenu ces documents ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes ces informations vous sont communiquées
8 par mes collaborateurs qui sont au courant des dates d'obtention des
9 documents. Comme vous le savez, je ne suis personnellement pas en mesure de
10 me procurer ces documents moi-même, et ils ont indiqué que ces documents
11 ont été obtenus dans la deuxième moitié de cette année. Mais je crois
12 savoir qu'il s'agit de l'automne 2004 et que c'est là que les documents ont
13 commencé à nous parvenir successivement, ils sont venus en plusieurs
14 tournées.
15 Ce que je voudrais vous dire au sujet du document que nous étudions à
16 présent, le service qui a fourni ces documents les a fournis pour ce qui
17 concerne un témoin déterminé. Ils ont fourni une partie des documents qui
18 concerne la zone de responsabilité du général Delic. C'est la raison pour
19 laquelle dans ces documents il n'y a pas tous les autres éléments de ce
20 rapport, mais seulement ceux qui se rapportent à la zone de responsabilité
21 du général Delic.
22 Lorsque nous aurons un autre témoin avec une autre zone de responsabilité,
23 je suppose que nous recevrons le reste de ces documents.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous devez
25 assumer vos responsabilités s'agissant de la présentation de vos moyens, il
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1 ne suffit pas vraiment de dire que vos associés savent ceci ou cela. C'est
2 vous qui devez savoir.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, pourriez-vous m'aider,
4 j'ai l'impression, elle est peut-être erronée, impression, disais-je, qu'au
5 cours de la présentation des moyens à charge certains documents ont été
6 présentés qui n'étaient pas nécessairement repris dans la liste visée par
7 le 65 ter.
8 M. NICE : [interprétation] Tout à fait.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'à ce moment-là vous avez
10 présenté une requête sous cette forme aux fins d'ajout à la liste ?
11 M. NICE : [interprétation] En général pas. Parfois, c'est arrivé
12 effectivement, mais voici ce qu'il en est, ce n'était pas une fourniture en
13 vrac de documents en dehors de cette liste du 65 ter. Nous avons fait du
14 mieux que nous pouvions pour fournir en vertu de cette liste de documents.
15 Quelquefois, ces documents sont arrivés suite à des demandes précises et
16 ils sont arrivés à la dernière minute, mais nous avons toujours accepté que
17 l'accusé nous fournisse tardivement des documents.
18 Nous avons toujours communiqué des documents qui ne faisaient pas
19 partie de cette liste 65 ter dès que nous les avions ou dès que nous avons
20 compris que nous allions vouloir les utiliser. Bien sûr, par ce Statut ou
21 dans ce cadre, ce mécanisme, l'accusé a reçu ces documents, les documents
22 visés par le 65 ter par la liste, mais il a été avisé bien à l'avance des
23 témoins que nous voulions appeler et des documents qu'ils allaient
24 produire.
25 Effectivement, nous avons produit des documents tardivement en dehors
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1 de cette liste, mais nous avons fait l'impossible pour essayer de
2 satisfaire aux critères imposés par le Règlement et nous n'avons pas fourni
3 autant de documents et sur une telle base.
4 S'agissant de ce que l'accusé a dit et de sa requête écrite,
5 j'aimerais attirer l'attention des Juges sur ce point. Si, effectivement,
6 il y a eu 10 400 documents et cassettes vidéo comme le dit le paragraphe
7 3(A) ou semble le dire ce paragraphe 3(A) de sa requête et si, comme
8 l'indique le paragraphe 3(B), cette documentation provient d'archives, mais
9 également des archives personnelles du présent témoin et comme semble le
10 dire plusieurs membres de la VJ, et je suppose que ceux-ci agissent sur
11 demande du témoin ou des associés, et si ces personnes ont fourni des
12 documents personnels venant de leurs propres archives, je veux indiquer la
13 grande probabilité suivante : celle que si vous avez 10 000 documents
14 venant d'autant de sources, nous avons fait des demandes d'assistance
15 mutuelle mais qui sont restées sans succès pour obtenir des documents, si
16 ces documents ont été produits suite à des demandes en vertu de
17 l'assistance mutuelle, c'est probable, mais si on demandait autant de
18 documents, source dans laquelle a pu puiser l'accusé, ce sont des documents
19 sans nul doute que nous aurions voulu voir. Il aurait eu toute latitude.
20 Rappelez-vous ce qu'il disait hier qu'il ne faisait pas de rétention du
21 tout. Il aurait fort bien pu nous dire qu'il avait 10 000 documents dans
22 lesquels il allait faire un tri à partir de plusieurs sources, et nous
23 aurions pu les examiner tous. Bien sûr, il n'est pas obligé de le faire. Il
24 rencontre des difficultés avec ses écritures ou ses dépôts en vertu du 65
25 ter parce qu'il sait qu'il a toute une bibliothèque, il ne veut pas faire
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1 une dernière sélection, il aurait pu le faire. En tout cas, nous avons reçu
2 ces documents la semaine dernière et nous ne les avons pas du tout reçus
3 auparavant, et malheureusement, je me dois de dire ceci : Mme Dicklich fait
4 des demandes régulières aux fins d'obtention des documents, car elle
5 connaît les problèmes que nous allons rencontrer. Elle les anticipe. On lui
6 a dit de façon précise qu'il n'est pas possible de recevoir ces documents
7 tant que le feu vert définitif n'est pas donné par l'accusé pour que ces
8 documents nous soient transmis. S'il y a un envoi en vrac au Greffe, je ne
9 sais plus quand c'était, c'était en avril ou en mai, il y a deux mois. Cela
10 aurait pu être fourni à l'Accusation, mais cela ne l'a pas été. Voilà la
11 situation telle qu'elle se présente, c'est tout ce que je peux faire pour
12 vous aider, Messieurs les Juges, vu les circonstances et la difficulté
13 qu'elles présentent.
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le problème que j'éprouve, la
15 difficulté que je ressens, c'est le principe qui est l'intérêt supérieur de
16 la justice.
17 M. NICE : [interprétation] Bien entendu.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Parce que si on rejetait en vrac ces
19 documents, ce ne serait pas de nature à nous permettre d'arriver au bon
20 verdict dans ce procès.
21 M. NICE : [interprétation] Je l'ai dit clairement hier lorsque j'ai appelé
22 votre attention sur les problèmes que nous rencontrions parce que dans le
23 recueil de documents déjà fourni, les documents que nous aimerions utiliser
24 et je garde à l'esprit vos préoccupations.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il est très frustrant de voir que ce
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1 genre de demande qui a été faite est tout à fait inadéquat, car nous ne
2 recevons pas d'indices précis quant à la source de ces documents, la date à
3 laquelle ils sont arrivés, dans quelles circonstances ils sont arrivés,
4 mais la requête le dit fort justement, il y a un problème qui se pose,
5 celui de l'intérêt supérieur de la justice.
6 Il y a violation flagrante du Règlement, car nous avons un article du
7 Règlement qui dit qu'il faut communiquer, dire que la Défense va
8 communiquer les documents à l'Accusation. Cela ne doit passer par le Greffe
9 parce que c'est ce qu'a dit hier de façon très désinvolte l'accusé. Il les
10 a donnés au Greffe a-t-il dit. Il y a certains délais à respecter, cela
11 doit être fourni à l'Accusation.
12 Il faudra accepter la frustration qui accompagne cette façon
13 inadéquate de présenter une Défense dans l'intérêt supérieur des choses
14 afin d'éviter que ceci ne se répète.
15 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je peux revenir à ce point ?
16 Auparavant, j'aimerais dire ceci : il y a un effet en cascades si vous
17 voulez, un effet boule de neige lorsque l'accusé fait un choix délibéré
18 s'agissant de la présentation de sa défense. Lorsqu'il présente autant de
19 documents et dans ces conditions, il nous rend la tâche impossible. Il est
20 impossible pour nous de nous mettre d'accord avec lui à l'avance sur quoi
21 que ce soit. S'il avait adopté pour politique de recourir au 89(F),
22 d'utiliser des rapports quels qu'ils soient plutôt que de nous produire
23 autant de documents, la Chambre l'a souvent conseillé de ne pas le faire,
24 il s'agit des ressources que nous avons. Je pense qu'avec les faibles
25 ressources que nous avons, nous aurions pu travailler à l'avance et nous
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1 mettre d'accord là où c'était possible d'avoir un terrain d'entente. Ainsi
2 l'accusé aurait eu plus de temps pour présenter la totalité de ses moyens.
3 Mais lorsqu'il agit de la sorte, lorsqu'il présente ses moyens de cette
4 façon, rappelez-vous Stevanovic et ce sera sans doute le cas pour ce
5 témoin-ci, il prend énormément de temps. Je suis sûr qu'à un moment donné,
6 il va demander à avoir plus ses 150 jours. Il nous a dit qu'il avait
7 l'intention de le faire. A un moment donné, la Chambre devra prendre une
8 décision difficile. Elle devra dire, voilà l'accusé devra pâtir des
9 conséquences qu'il a lui-même produites parce qu'il a fourni trop
10 tardivement des documents.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il a décidé de ne pas utiliser
12 les ressources qui sont manifestement nécessaires pour présenter ce genre
13 de défense. Il devra en endosser la responsabilité en temps utile quelle
14 que soit finalement cette responsabilité. Ce qui me préoccupe davantage,
15 c'est de savoir s'il est possible d'améliorer la situation à l'avenir,
16 parce qu'il faudra peut-être à un moment rejeter et exclure des documents
17 tout entier ou un ensemble de documents parce qu'on n'a pas pu bien
18 présenter les moyens et que l'intérêt supérieur de la justice est lésé vu
19 la façon dont les documents sont présentés.
20 M. NICE : [interprétation] Oui, tout à fait, et j'avais voulu encore
21 répondre à une de vos observations. Vous parliez de l'intérêt supérieur de
22 la justice, voici ce que j'ai à dire : nous avons eu des témoins comme
23 Jasovic ou Stevanovic. Ils quittent La Haye avec une grande partie des
24 documents qu'ils ont produits et qui ne sont toujours pas traduits. J'ai
25 certaines ressources pour fournir des traductions sous forme de projets,
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1 mais ceci ne suffit pas pour aider la Chambre au moment du contre-
2 interrogatoire des documents pertinents.
3 Le problème immédiat va sans doute bientôt surgir au niveau de Momir
4 Bulatovic. Cela fait combien ? Mille documents, enfin, c'est énorme comme
5 quantité. Apparemment, d'après ce que j'ai entendu dire, il y a des procès-
6 verbaux de séances de travail que nous ne connaissons pas, ce sont sans
7 doute des documents tout à fait conséquents. Nous avons insisté pour les
8 obtenir suite à l'audience d'hier, on nous a, au moins, dit aujourd'hui,
9 parce que Mme Dicklich a parlé directement à l'accusé ou plus exactement
10 aux associés de l'accusé qui sont en dehors du prétoire, mais nous avons pu
11 les attraper l'espace d'un instant ce matin lorsqu'on amenait nos chariots,
12 et il a confirmé le fait que nous allions recevoir un CD cet après-midi.
13 Lorsqu'on a des CD de ce genre, les documents ne sont pas du tout
14 ordonnés et il est difficile de faire un lien. C'est plus difficile qu'avec
15 un classeur où on a des intercalaires, mais c'est mieux que rien. Nous
16 pourrons peut-être commencer à travailler sur la déposition de Bulatovic
17 aujourd'hui, mais c'est là vraiment quelque chose de tout à fait difficile
18 comme mécanisme.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais soulever un point. Si les
20 629 documents qui sont produits comprennent des documents à propos desquels
21 l'Accusation avait fait une requête de production de ces documents, et si
22 la Chambre elle-même avait rendu une ordonnance en application du 54 bis
23 concernant ces documents, je pense que c'est une question importante pour
24 l'accusé, mais aussi pour l'Etat de Serbie parce que cela implique la
25 responsabilité du gouvernement serbe à un moment donné.
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1 M. NICE : [interprétation] Ce serait une question grave si on fait un lien
2 entre les documents, les requêtes ou ordonnances, c'est un exercice
3 difficile et lourd qui n'est pas -- disons qui est plutôt secondaire par
4 rapport à la production de documents en prétoire.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez fait ce commentaire en
6 disant que d'après ce qu'a appris Mme Dicklich, les documents ne sont pas
7 fournis tant qu'il n'y a pas approbation de l'accusé.
8 M. NICE : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'était dans quel contexte ?
10 M. NICE : [interprétation] Jusqu'au dernier témoin Jasovic, non plutôt
11 jusqu'à ce témoin-ci que nous avons dans le prétoire. On nous disait que
12 nous ne pouvions pas avoir les documents tant qu'il n'y avait pas l'aval
13 définitif de l'accusé. L'accusé a dit : non, non, ce n'est pas vrai. Il n'y
14 a jamais eu de droit de censure ou définitif que j'imposerais, a-t-il dit,
15 pour ce qui de la production des documents. Mais nous avons souvent demandé
16 des documents et nous avons toujours reçu la même réponse.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que le gouvernement de
18 Serbie doit comprendre que là peut surgir une question concernant leur
19 responsabilité en tant qu'Etat. Si l'Etat de Serbie ne produit pas des
20 documents concernés par une ordonnance de la Chambre alors que ces
21 documents sont disponibles, c'est une question grave qui se pose.
22 Il ne revient pas à M. Milosevic de la régler.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous faisons droit à la requête,
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1 mais le Juge Bonomy voudrait évoquer un point et porter ceci à l'attention
2 de M. Milosevic.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Milosevic, je tiens à
4 insister sur une chose. Vous devriez être conscient de cela. Je parle ici
5 du libellé du 65 ter, en son paragraphe (G)(ii). Il s'agit ici des listes
6 de pièces à conviction. On dit qu'en même temps que la liste des pièces à
7 conviction que vous avez produite - il y a près d'un an de cela déjà - la
8 Défense doit présenter directement à l'Accusation des copies des pièces
9 énumérées dans cette liste.
10 Ceci doit s'appliquer à tout document dont vous apprenez l'existence plus
11 tard, au fil de la présentation de vos moyens. Vous avez pour obligation de
12 veiller à ce que, dès qu'un document risque de devenir une pièce, ce
13 document soit fourni à l'Accusation. Si vous n'adoptez pas, si vous ne
14 faites pas vôtre cette démarche et procédure, je serais enclin à avoir une
15 oreille moins attentive à ce genre de requête aux fins d'ajout de documents
16 à la liste du 65 ter. Je voulais vous en avertir dès maintenant à ce stade
17 de la procédure.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je me dois de vous dire
20 quelque chose au sujet de ce que M. Nice a affirmé ou ce que M. Bonomy
21 vient d'expliquer. En effet, vous vous souviendrez - et quand je dis
22 "vous", je parle de vous en personne et de M. Kwon - vous vous souviendrez,
23 que très souvent, M. Nice me communiquait des documents aujourd'hui pour le
24 lendemain. Il s'agissait de classeurs entiers, plusieurs classeurs à la
25 fois. En demandant comment je pourrais en prendre connaissance, on
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1 m'affirmait, on me disait, de -M. feu le Juge May m'a dit -- me disait :
2 Vous avez le temps pendant la nuit de voir de quoi il s'agit, et de vous
3 préparer pour le contre-interrogatoire. Vous vous en souvenez fort bien de
4 cela.
5 Mis à part ce fait, la question de communication des pièces se trouve à
6 être en corrélation directe avec le fait que je n'ai jamais eu suffisamment
7 de temps pour mes préparatifs. Cela, vous le savez très bien. Lorsque j'ai
8 reçu 600 000 pages dans le courant de la procédure relative au Kosovo, puis
9 la Croatie et la Bosnie, M. May disait : "On se penchera sur la question."
10 Cela n'a jamais été étudié. Maintenant, M. Nice abuse de ce fait. Il sait
11 pertinemment bien que je n'ai pas eu suffisamment de temps. Il sait que je
12 n'ai pas eu d'intervalle de temps où j'aurais pu me pencher dessus, lire
13 tout cela et me préparer.
14 Mis à part cela, je n'ai pas disposé d'archives du tout. Vous avez constaté
15 vous-même que même ces documents ou plutôt mes collaborateurs, se sont vus
16 confiés ces documents-là fin 2004 seulement. Par conséquent, ce sont là des
17 raisons claires et objectives.
18 Tout à l'heure, M. Nice a parlé de M. Bulatovic qui se trouvait être
19 résident du Monténégro, puis, premier ministre fédéral pendant ces dix
20 années en question. Sur la liste des documents qui le concerne, il y a un
21 certain nombre de PV du conseil suprême de la Défense. Je vais vous dire
22 toute suite, tous ces PV du conseil suprême de la Défense m'ont été
23 communiqués par le bureau de M. Nice, on ne me les a pas communiqués du
24 tout.
25 M. Nice, l'année passée, a dit qu'il avait quelque 5 000 pages de procès-
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1 verbaux du conseil suprême de la Défense, et alors, en demandant au bureau
2 de M. Nice l'obtention de ces documents, nous avons fini par avoir
3 l'occasion de nous pencher dessus et d'en sortir certains documents, enfin
4 de certaines pièces qui pourraient être présentées avec le témoignage de M.
5 Bulatovic. Donc, ces constatations ne tiennent pas debout du tout.
6 Autre chose, M. Bonomy vient d'expliquer que cette façon de présenter les
7 choses ne convenait pas. Je ne comprends pas ce que cela signifie. J'ai cru
8 comprendre que la façon de présenter les documents était celle de faire
9 témoigner le témoin, de lui présenter des documents et de vous les
10 présenter à même temps, à savoir, les pièces à conviction concernant son
11 témoignage à lui, et que c'était la seule façon de procéder pour ce qui est
12 de la présentation des pièces qui se trouverait être possible. Je ne sais
13 pas de quelle autre façon de présenter les documents qu'on est en train de
14 parler. Donnez-moi une explication à ce sujet-là afin que je comprenne bien
15 ce que vous êtes en train de me demander en réalité.
16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il faut aborder trois points suite à
17 votre intervention. Premier point, si vous aviez bien écouté ce matin, vous
18 auriez compris que j'ai tenu compte du fait que l'Accusation a parfois
19 présenté des documents sans qu'il y ait requête, requête que nous avons
20 demandé de présenter. J'en ai tenu compte. A ce stade-ci de la procédure,
21 lorsque vous avez des documents, vous avez pour devoir de les communiquer.
22 Comme je l'ai déjà dit, une espèce de revanche par rapport à l'Accusation
23 n'est pas la bonne démarche à retenir.
24 Deuxième point, s'agissant du mode de présentation, là se pose deux
25 questions distinctes. Une question, c'est la présentation à la Défense dans
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1 le sens où vous avisez, donc, vous devez envoyer des exemplaires. Cela
2 revient au premier point que j'ai déjà évoqué - afin que l'Accusation sache
3 quels sont les documents que vous voulez utiliser. Pour ce qui est de la
4 présentation des éléments de preuve en prétoire, vous avez toute latitude.
5 Vous pouvez présenter des déclarations écrites de témoins qui vont évoquer
6 beaucoup de documents. Ces documents pourraient être repris dans les
7 déclarations écrites pour accélérer la présentation de l'interrogatoire
8 principal. Vous pourrez, pour ce qui est de la partie orale de la
9 déposition du témoin, vous pourrez vous concentrer sur les éléments les
10 plus cruciaux, les plus importants. Ceux qui vous conseillent, vos
11 associés, Me Kay, sont parfaitement à même de vous guider, de vous
12 prodiguer des conseils. Jusqu'à présent, vous n'avez montré aucune
13 propension à agir de la sorte. M. Nice n'a cessé de vous inviter à adopter
14 cette façon de procéder au cours du procès.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter ceci. Monsieur
16 Milosevic, je sais qu'il y a une espèce de distorsion lorsque vous dites
17 que la plupart des documents de l'Accusation vous ont été communiqués très
18 tardivement. Il y a effectivement des documents qui ont été communiqués
19 tardivement, mais je pense, quand même, que la plupart des documents vous
20 ont été remis au début du procès. Vous recevez des copies qu'on appelle de
21 courtoisie, si vous voulez un double, qui vous est remis la veille ou
22 l'avant-veille. Est-ce que j'ai bien compris la situation, M. Nice ?
23 M. NICE : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez votre interrogatoire du
25 témoin.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je continuerai. Si vous estimez que
2 le fait de me donner 600 000 pages d'un coup est une chose tout à fait
3 normale sans donner le temps qu'il faille pour en prendre connaissance,
4 alors vous avez probablement raison.
5 LE TÉMOIN: BOZIDAR DELIC [Reprise]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]
8 Q. [interprétation] Bonjour, Général.
9 L'INTERPRÈTE : Micro pour le témoin, s'il vous plaît.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Nous nous sommes arrêtés au document --
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mettez les micros -- branchez les
13 micros pour le témoin, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier -- l'Huissier.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Je vous demande de vous pencher sur la page 54.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel document êtes-vous en train
17 de parler ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le document que nous avons examiné hier.
19 Je me réfère notamment à l'intercalaire - attendez, laissez moi voir. C'est
20 le classeur numéro 4. Il s'agit ici d'un rapport annuel pour ce qui est de
21 la reconnaissance électronique et des écoutes radio pour 1998.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Avez-vous retrouvé cette page 54, Général ?
24 R. Oui, oui.
25 Q. Je vous demande de vous pencher sur la date du 7 décembre. Je parle du
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1 quatrième paragraphe à partir du haut, et de nous donner lecture de ce qui
2 est dit.
3 R. "Nous avons appris que les membres de l'UCK ont fusillé deux Siptar
4 pour lesquels ils ont affirmé ce n'est pas des sympathisants. L'un des
5 membres de l'UCK aurait donné à l'un des gars du village 1 000 francs, mais
6 ceux des villageois qui n'avaient pas de quoi faire une contribution ont
7 été battus par les membres de l'UCK. C'est surtout ceux qui n'ont pas de
8 membres de l'UCK dans leur famille qui sont malmenés."
9 Q. Etiez-vous au courant de cette pratique mis à part ce qui est dit dans
10 ce rapport ?
11 R. Oui. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec certains Siptar, et mes
12 instances chargées de la sécurité au sein de la brigade ont eu des
13 entretiens qui leur ont fourni ce type d'information.
14 Les Siptar qui étaient jugés comme étant aisés et comme étant susceptibles
15 de donner un certain montant d'argent, d'autant plus que si les membres de
16 leur famille n'étaient pas affiliés à l'UCK.
17 Q. Etiez-vous au courant d'exécutions de certains Albanais qui n'ont pas
18 voulu apporter leur soutien à l'UCK ? Avez-vous été au courant d'événements
19 de ce type ?
20 R. J'ai eu connaissance d'un nombre de cas énorme de ce genre. Je veux
21 dire d'abord, que les Siptar qui, après 1990 et 1991 sont restés à
22 travailler dans les services publics indépendamment du fait de savoir s'il
23 s'agissait de la police, de l'entreprise de distribution de l'électricité
24 ou des PTT, ont été dans le courant de 1998, 1999 sous le coup de l'UCK.
25 Bon nombre d'entre eux ont été tués. Certaines familles de ceux qui ont été
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1 jugés loyaux à l'égard de la République de Serbie ont également eu des
2 problèmes. Dans ma zone de responsabilité, il y a eu bon nombre de cas où
3 des membres de ces familles ont été tués. Si nécessaire, je peux même vous
4 donner les noms.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qu'entendez-vous par nombre énorme de
6 cas de cette nature ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je parle d'un nombre énorme, j'entends
8 par là plusieurs dizaines de cas de ce type.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Je vous demande de vous pencher sur la page suivante qui se rapporte à
11 la date du 8 décembre. Juste le début, pas le paragraphe entier parce qu'on
12 n'a pas le temps.
13 R. "Les membres de l'UCK ont capturé et égorgé deux femmes Siptar qui, en
14 se servant de leur Motorolla, ont emmené les policiers dans le secteur de
15 Klecka et ont aidé la police à briser ces groupes de l'UCK."
16 Q. Je vous demande maintenant de vous référer au bas de la page à la date
17 du 15 décembre.
18 R. Le 15 décembre : Les Siptar ont déclaré qu'ils espéraient qu'ils ne
19 seraient pas malmenés par la police maintenant que les vérificateurs
20 étaient là. Il s'agissait pour eux de s'attaquer aux Serbes à tout moment
21 et partout. On leur disait constamment : 'Bonne chance dans cette guerre
22 qui a reprise.'"
23 Q. Est-ce que cela signifie que lorsque la Mission de vérification est
24 arrivée, ils se sont remis à tuer ?
25 R. A tuer. Après la fin de cette opération antiterroriste fin septembre,
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1 il y a eu des meurtres tout le temps, mais l'ampleur a été réduite jusqu'en
2 décembre 1998. Avec l'arrivée de ces vérificateurs, la police et l'armée
3 ont dû quitter bon nombre de points stratégiques sur la voie de
4 communication et sur le territoire. Ces points-là ont été repris par les
5 forces terroristes, et une fois de plus, ils ont lancé de nouveau des
6 attaques contre la colonne, les membres de l'armée et même contre des
7 civils.
8 Q. Que dit la dernière de ces lignes ici, sous la même date ?
9 R. "Parmi les Siptar, on a fait courir des rumeurs disant qu'au printemps,
10 il y aurait une fois de plus la guerre. On disait que ce serait 'un
11 printemps sanglant et tout devait brûler. Si besoin était, la moitié de la
12 Serbie devait être mise à feu.'"
13 Q. Penchez-vous sur la page suivante, je vous prie. Je parle du 16
14 décembre, deuxième paragraphe de cette page suivante. Vous pouvez commencer
15 à partir de la deuxième phrase, peut-être pas au tout début. Le fait que
16 bon nombre d'entre eux soient arrivés de l'étranger importe peu. On dit
17 aussi --
18 R. "S'agissant des forces de sabotage, il y en a au village d'Osljane
19 entre Klina et Vucitrn, où ils se sont installés dans plusieurs maisons
20 siptar, où ils ont amené des lits pour dormir et se sont procurés de
21 nouvelles Golfs. Dans ce camp, deux Allemands sont là pour assurer la
22 formation de quelque 60 saboteurs."
23 Q. Bien. Que dite-t-on pour la date du 19 décembre dans cet aperçu ?
24 R. Le 19 décembre dit : "Ils disent qu'au printemps, il y a aura une fois
25 de plus la guerre, et qu'il est arrivé des instructeurs et des officiers à
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1 la retraite de l'Amérique et de l'Allemagne pour les former au maniement
2 des armes modernes. Un avion plein vole tous les jours entre Zurich et
3 Tirana."
4 Q. Penchez-vous sur la date du 20 pour nous dire ce qu'il y a de
5 caractéristique. Il est question d'un Siptar originaire de l'Allemagne.
6 R. "Un Siptar de l'Allemagne a demandé de ses compatriotes au Kosovo des
7 renseignements pour ce qui est de savoir comment faire venir trois
8 Moudjahiddines qu'il avait chez lui. On lui a conseillé d'essayer de passer
9 par l'Alliance démocratique du Kosovo à Budapest."
10 Q. Le 22 décembre, il est question d'un certain nombre de personnes
11 formées en Albanie. Je vous demande de nous donner lecture de cette phrase-
12 là seulement, et de nous commenter ce que vous en avez appris.
13 R. "Il y a quelque 10 000 Siptar qui sont en train de s'entraîner. Parmi
14 eux, il y a également des officiers."
15 Pour nous, c'était un fait notoirement connu. Nous savions que par le
16 territoire de l'Albanie, il y avait toutes ces bases qui assuraient
17 l'entraînement des terroristes. La formation et l'entraînement ont commencé
18 en 1991 par petits groupes. Là, 10 000 hommes, 10 000 hommes, c'est des
19 préparatifs directs pour ce qui allait se produire en 1999. Si nécessaire,
20 je peux vous citer l'emplacement de ces centres.
21 Pour ce qui est de la formation et de l'entraînement, il y a eu
22 participation de certains officiers appartenant à l'armée albanaise.
23 Q. De quel centre aviez-vous connaissance ?
24 R. Il y avait les centres Kuksta Polje [phon], Vucja Dol, Sahan, Tirana.
25 Ce ne sont que quelques centres parmi bon nombre d'autres.
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1 Q. Je vous demande maintenant de vous pencher sur la date du 26 décembre
2 1998. Que dit-on dans la deuxième phrase ? On va sauter les montants,
3 enfin, l'argent et les fusils à lunette.
4 R. "Dans certaines régions, les Siptar disent que la "policia" n'y
5 viennent pas, mais qu'ils n'ont des problèmes qu'avec les membres de
6 l'UCK."
7 Q. Le 27 décembre, maintenant ?
8 R. "A l'étranger, tout Siptar ayant un emploi, prélève 1 000 marks pour le
9 Kosovo s'il travaille au noir. S'il a une société à lui et des papiers de
10 travail, il doit contribuer 2 000 marks."
11 Q. Général, on trouve ici un aperçu par la suite des membres de ces
12 effectifs de sabotage dans l'année 1998.
13 R. Oui, je viens de le retrouver la page.
14 Q. A quoi se rapportait cet aperçu ? Qui est-ce qui l'a rédigé ?
15 R. Cet aperçu concerne les membres de ces forces de sabotage et de
16 diversion et on indique ici l'emplacement approximatif où on a, par radio
17 goniomètre, découvert leur lieu de résidence et la date à laquelle on a
18 trouvé ou découvert l'emplacement des différents membres de ces groupes.
19 Q. Il est question ici de certaines des fonctions politiques exercées par
20 ces particuliers ou fonctions de commandement. Sous la dernière rubrique,
21 on dit la source et le moment de l'obtention de ce renseignement. Est-ce
22 que j'ai raison de comprendre que "RI" ici, veut dire reconnaissance
23 radio ?
24 R. Oui, tout à fait.
25 Q. Tous ces renseignements au sujet des dits noms se trouvent dans le même
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1 aperçu de 1998 et qui se rapportent aux activités de reconnaissance radio,
2 d'écoute.
3 R. Oui.
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si c'est le cas, pourquoi est-ce qu'on
5 ne voit pas partout cette mention "RI" ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est évident que tous ces renseignements
7 sont obtenus par reconnaissance radio. A compter du numéro 10 jusqu'au
8 numéro 16 ou alors du numéro 20 jusqu'au numéro 27, on n'a pas complètement
9 identifié les intéressés. On n'a pas le nom et le prénom de l'individu. Les
10 opérateurs qui étaient à l'écoute ont réussi à se procurer des prénoms, et
11 pour certains membres la goniométrie n'a pas permis de déterminer
12 l'emplacement exact de leurs points d'émission. C'était la seule façon dont
13 on pouvait se servir ou dont pouvait se servir cette unité. Il s'agit de
14 reconnaissance radio et radio goniométrie.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] On pourrait voir la chose de façon
16 différente. Pourquoi est-ce qu'on trouve cette mention de 1 à 6 et pas au
17 7, 8, 9, par exemple ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la seule explication que je sais vous
19 apporter. On voit que pour un certain nombre de certains membres de cette
20 organisation, on n'a pas pu définir l'emplacement et on n'a pas pu les
21 identifier avec leurs noms et prénoms.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais si "RI" veut simplement dire
23 renseignement ou reconnaissance radio, pourquoi est-il nécessaire d'exclure
24 ceci si on n'a pas repéré de façon de précise l'emplacement ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous apporter d'explication
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1 pour ce qui est des autres cas, pour ce qui est du fait de savoir
2 pourquoi ?
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui a établi ce document ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai déjà dit hier que ceci faisait
5 partie intégrante du document précédent.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi, oui, j'avais mal compris.
7 Ce n'est qu'une partie du rapport. Excusez-moi.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous voyez qu'on dit ici, annexe numéro
9 17. Le document comporte au moins 17 annexes, sinon plus.
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous continuer ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il me semble justifier de
14 vous demander, comme cela a été d'ailleurs coutumier, de faire en sorte que
15 ces intercalaires soient versées au dossier suivant la cadence de leur
16 présentation. Je vous signale que nous avions hier les intercalaires 1, 2,
17 et 3 qui avaient des clips vidéo que vous avez déjà vus, et il y a
18 maintenant cette intercalaire 4 qui provient de ce rapport annuel sur la
19 reconnaissance radio, la surveillance électronique pour 1998.
20 Je demande à ce que ces documents soient versés au dossier au fur et
21 à mesure que se déroule le témoignage de ce général.
22 M. NICE : [interprétation] S'agissant de ce document, je demande qu'il ne
23 soit certainement pas produit maintenant. Il faudra ce que cela donne au
24 contre-interrogatoire et cela dépendra aussi de la capacité qu'a ce témoin
25 ou qu'ont d'autres témoins de produire ces documents dont nous avons parlés
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1 hier. Je parle des documents dans leur intégralité.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. KAY : [interprétation] Me permettez-vous d'intervenir pour faire
4 une observation ? Je ne veux pas interrompre vos délibérations. Il semble
5 plus aisé de parler de la question de la recevabilité au fur et à mesure.
6 Le contre-interrogatoire de M. Nice n'est pas pertinent pour ce qui est de
7 la recevabilité de document si l'accusé en pose les bases, prouve que c'est
8 un document qui a une valeur probante et une pertinence certaine. Ce que M.
9 Nice fait aura peut-être une incidence sur le poids qu'on donne à ce
10 document, il n'a pas le droit de maîtriser la défense que présente
11 l'accusé, or, il essaie d'exercer cette maîtrise.
12 A mon avis, puisque l'accusé élabore sa thèse au fil de la
13 présentation des témoins, et il est utile de présenter les documents au fur
14 et à mesure et de rejeter les documents qui ne lui semblent pas pertinents,
15 s'il peut faire valoir un point, je crois que de cette façon la base sera
16 beaucoup plus satisfaisante, bien meilleure pour l'audition des témoins.
17 Nous nous trouvons enliser par des arguments portant sur les pièces,
18 et ceci ne permet pas une bonne progression fluide de la présentation de
19 moyens.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez peut-être raison de façon
21 générale parce que c'est plus facile de gérer ces pièces au fil de leur
22 présentation pour autant qu'on est informé et je parle d'une partie qui
23 aurait informé l'autre partie à temps de la nature de ce document, mais, si
24 se pose ici la question de l'authenticité par rapport -- apparemment, c'est
25 peut-être le cas pour ce premier document, ou je ne sais pas, mais les 13
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1 premières pages sont manquantes. On ne sait pas quand fût la date de
2 publication. On ne sait même rien en dehors de ce qu'a dit le témoin quant
3 à sa provenance. Là, l'opération est un peu plus difficile parce que
4 l'Accusation n'a pas eu suffisamment de temps pour se prononcer sur
5 l'authenticité du document.
6 M. KAY : [interprétation] Si la question de l'authenticité se pose, il
7 faudrait peut-être reprendre la pratique qui était celle de l'Accusation
8 pendant la présentation de ses moyens, c'est-à-dire, l'octroi de code
9 provisoire pour identification, or, ce n'est pas devenu la règle pour tout,
10 mais en règle générale, il y a eu des questions que nous avons pu aborder
11 de façon plus adéquate de cette façon.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Kay.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Kay, pensez-vous que mis à part
14 la déposition de ce témoin, nous pourrons entendre d'autres témoins qui
15 pourront parler de l'authenticité de ce document-ci ?
16 M. KAY : [interprétation] Je crois que l'accusé ou le témoin a posé les
17 bases quant à la provenance, ce sont des documents Delic, produits par la
18 VJ, et on sait pourquoi on leur a donné la forme qu'ils ont, et il y a
19 certains passages -- et il est aisé de comprendre pourquoi la VJ va
20 présenter les documents de cette forme-là. S'il y a des documents qui ne
21 sont pas pertinents pour ce général, pourquoi devrait-il les avoir ? Je
22 pense que c'est-là l'explication fournie, qui - il me semblait - manquait
23 du quoi du bon sens.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. Je ne vais pas vous donner
2 la parole, Monsieur Milosevic. La Chambre a pris une décision en la
3 matière. Par décision majoritaire, nous allons déclarer ces documents --
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous parlons ici de l'intercalaire 4 --
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous déclarons recevable
6 l'intercalaire 4, par décision majoritaire de la majorité des Juges. Nous
7 pensons qu'il est sage de reprendre notre ancienne pratique, qui était de
8 trancher la question de la recevabilité au fur et à mesure. C'est ce que
9 nous avons fait au début. Nous avons changé de cap, et je pense que ceci
10 entravait l'évolution souhaitable du procès, en tout cas, la rapidité du
11 procès.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les cassettes vidéo seront déclarées
13 admises aussi, mais je voudrais demander une précision.
14 Monsieur Milosevic, hier le témoin a dit que la dernière séquence, que nous
15 avons vue, avait été tournée à un dîner de donateurs au nom de M. Kerry en
16 2004. Or, dans votre sommaire, on n'y a fait pas du tout référence. Au
17 contraire, le 2(A) dit Holbrooke, Clark, et lobby albanais, un groupe de
18 pression albanais en 1998. Je pense qu'en 2004, Clark était aussi candidat
19 à la présidence américaine. Alors, peut-être qu'il y a mépris cela. Est-ce
20 qu'on pourrait tirer ceci au clair ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Sur la DVD, on voit Holbrooke à Junik. Dans le
22 premier extrait, vous l'avez vu, on voit des soldats qui prêtent serment,
23 qui disent se battre pour la réunification avec l'Albanie, juin 1998. Le
24 deuxième extrait, ce même dirigeant qui dirige la prestation de serment, se
25 trouve à Junik en compagnie de Holbrooke. C'est toujours la mi-1998.
Page 41314
1 Le troisième extrait montre le rôle de ces membres de l'administration
2 américaine de l'époque, ce qui est expliqué par les Albanais en désignant
3 Clark comme étant un vétéran de l'UCK, et Holbrooke est la "Kalachnikov
4 d'or". Alors mi-1998, on voit qu'il y a une coopération directe avec des
5 effectifs qui visent à réunifier une partie de la Serbie avec l'Albanie, et
6 la participation de ce segment de l'administration. C'est un élément de
7 preuve important, et il s'agit --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous, nous devons demander pourquoi le
9 témoin a dit que cela avait été tourné en 2004.
10 Général Delic ? Pouvez-vous répondre ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas en 1994.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez reçu une mauvaise interprétation.
13 L'interprète a dû dire 1994, mais le Juge Kwon a dû entendre 2004.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Vous avez dit qu'ils avaient
15 été filmés en 2004; est-ce exact ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. J'ai précisé que j'ai vu la version
17 complète de ce film, et à son sujet, je peux vous dire que cela dure plus
18 d'une heure. Il y a là bon nombre de détails concernant l'armement de l'UCK
19 dans le courant de 1998, puis différentes réunions avec la diaspora
20 albanaise en Amérique, et l'une de ces dernières réunions dont parle cet
21 extrait, c'est précisément une réunion à une soirée de collecte de fonds,
22 où des Albanais apportent leurs contributions à la campagne électorale.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La confusion continue de régner dans mon
24 esprit.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois, Monsieur Kwon, que vous pouvez
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1 visionner le film sous entier. On nous vous a fourni trois extraits qui
2 sont, sans aucun doute, authentiques, mais, si cela vous intéresse, on
3 pourra vous montrer le film entier, et vous y verrez bon nombre d'autres
4 événements intéressants que je n'ai pas le temps ici de vous présenter.
5 M. NICE : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que je peux --
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, mais là, vous vous méprenez tout
7 à fait sur votre rôle. Vous avez pour rôle de présenter vos moyens à
8 décharge, et nous, nous essayons de tirer au clair pourquoi une séquence,
9 que vous nous avez montrée, en ce qui concerne 2004, est indiquée dans
10 votre sommaire comme étant une réunion de 1998. Cela ne tient pas. Si vous
11 voulez en rester-là, en ce qui me concerne, il faut refuser le versement au
12 dossier de cette séquence vidéo.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est certain que ce dîner, où on voit Clark
14 et Holbrooke en veston smoking, cela ne se rapporte pas à leur rencontre
15 avec les terroristes en 1998. Si, au niveau de l'indexe, il y a une erreur
16 de commise, je me pencherais dessus, et je vous apporterais une explication
17 complémentaire. Mais il est certain que ce dîner --
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Maintenant, vous dites que c'était en
19 2004 ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne le dis pas. C'est le témoin qui l'a dit.
21 Je vous ai montré l'année 1998, où l'on voit qu'il a coopération directe
22 des représentants de l'administration américaine de l'époque avec les
23 terroristes, et vous avez vu, ensuite, en Amérique, à la fin de tout ceci,
24 et j'ai cru comprendre dans l'extrait que j'ai revu ici en même temps que
25 vous qu'il s'agissait de la fin de 1999, mais il est certain que dans le
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1 clip, il y a des passages qui reprennent cette soirée de collecte de fonds.
2 Mais nous pouvons y revenir si vous avez des questions à poser.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous pourriez peut-être répondre
4 à la question qui vous a été posée par le Juge Kwon. Pourquoi dans le
5 sommaire est-il dit : "Holbrooke, Clark et le lobby albanais en 1998,
6 source les services du Renseignement de l'armée de Serbie et de
7 Monténégro" ? Pourquoi est-ce que c'est dit dans le sommaire si ce n'est
8 pas exact, et voulez-vous changer cette mention ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce que je vais poser la question au témoin.
10 Voilà. Il a visionné --
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il a déjà parlé de la chose. Il a
12 répondu. Quelle est votre position à ce sujet ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le lobby albanais en Amérique, et la rencontre
14 entre Holbrooke et Clark avec eux, ne datent pas de 1998. Cela, c'est une
15 chose certaine, la rencontre de Holbrooke et les Albanais en 1998 et,
16 notamment, ceux qui s'emploient en faveur de --
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais quelle est la modification que
18 vous voulez apporter au sommaire ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au sommaire, il faudrait que l'on indique la
20 date exacte pour le troisième extrait. Pour le premier et deuxième clip, on
21 voit les dates exactes. Pour le troisième clip, il s'agit de revoir le
22 film, et on apportera une explication au sommaire parce qu'il y a forcément
23 une erreur d'impression. En 1998, il n'y a pas eu cette réunion avec le
24 lobby albanais, et cette soirée ne se passe pas en 1998.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. NICE : [interprétation] Puis-je apporter mon aide ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons rediffuser la vidéo, de
3 façon à pouvoir nous prononcer.
4 M. NICE : [interprétation] Je pourrais peut-être aider sur le point suivant
5 simplement. Je crois que ce que l'accusé a en sa possession est une espèce
6 de film documentaire qui regroupe toutes sortes d'éléments disparates. Nous
7 savons que la pratique de la Cour s'agissant d'extraits de films
8 documentaires consiste à n'autoriser le versement au dossier que de
9 fragments d'une durée limitée, donc d'un nombre d'extraits soigneusement
10 choisis lors de la préparation des pièces à conviction. Il semble que
11 l'accusé ait quelques difficultés à comprendre la pratique de la Chambre à
12 cet égard.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande la rediffusion de ces
14 images.
15 [Diffusion de cassette vidéo]
16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
17 "Il est question d'armements de l'UCK et de regroupements de celle-ci et de
18 son organisation en unités capables d'affronter la police et l'armée
19 yougoslave."
20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas le bon extrait.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pendant que l'on cherche le bon extrait, j'ai
23 sous les yeux un document qui dit : "Télévision néerlandaise VPRO
24 documentaire intitulé : "La connexion de Brooklyn." C'est en néerlandais.
25 C'est un extrait d'émission de la télévision néerlandaise. Ensuite, nous
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1 lisons : "Ce documentaire suit un Kosovar, appelé Boris Krasniqi, qui
2 assiste à la soirée de collecte de fonds de John Kerry. Il y est question
3 des plans de guerre mis au point dans la région. Ensuite, est donné une
4 adresse Internet. Boris Krasniqi assiste à une soirée de collecte de fonds
5 de John Kerry en présence de Casques bleus des Nations Unies."
6 Ce troisième extrait de la vidéo dont j'ai demandé la diffusion
7 comportait des sous-titres en néerlandais comme vous avez pu le constater.
8 Le titre de ce film est; "La connexion de Brooklyn," et il a trait à
9 l'année 2004. Manifestement, le témoin a raison sur ce point, c'est lors de
10 cette soirée qu'on a appelé Clark vétéran de l'UCK et Holbrooke
11 "Kalachnikov en or".
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir les images ?
13 [Diffusion de cassette vidéo]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, ce n'est pas la bonne
15 séquence.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela, c'est la première séquence; ensuite, on a
17 la deuxième séquence où on voit Holbrooke avec le même homme qu'on voit
18 ici; et ensuite, vient la troisième.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Ces hommes disent à Clark que les groupes en question sont les siens, que
22 l'UCK est son UCK. On lui présente un homme qui est qualifié de numéro un
23 sur place. On lui dit que chacun de ces hommes a perdu quelque chose
24 pendant la guerre, l'un a perdu un bras, l'autre la jambe, le troisième le
25 cerveau."
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1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous apporter votre
3 aide, Général ? De quand date cette vidéo ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce film a été diffusé par notre télévision en
5 2004. Je l'ai regardé dans le centre national de Coopération avec le
6 Tribunal de Haye où sont regroupés tous les éléments d'information relatifs
7 aux crimes de l'UCK et à d'autres actes.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Une question simple se pose, à savoir
9 : quand ont eu lieu les événements dont nous avons vu les images ici avec
10 participation de Holbrooke et de Clark ? Quand a eu lieu cette réunion avec
11 les Kosovars ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous regardez tout le film, et je vous
13 rappelle que j'ai dit qu'il s'agissait d'une soirée de collecte de fonds en
14 faveur de John Kerry.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, cela devrait se situer en 2004.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord, c'est bien en 2004.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous constatez que dans ces images il est
19 question de Wesley Clark, commandant en chef de l'OTAN en 1999, et ensuite,
20 le représentant des Etats-unis au Kosovo en 1999 est présenté à cet homme.
21 Manifestement, les images datent de 2004 comme le témoin vient de
22 l'indiquer.
23 J'ai ici des photographies de cette même soirée. Si vous le souhaitez vous
24 pouvez les placer sur le rétroprojecteur, et vous verrez Holbrooke, Clark
25 et tous les autres participants à ce dîner organisé en 2004.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est tout à fait clair que le
3 sommaire comportait une erreur. Nous en admettons le versement au dossier
4 et la teneur de ce sommaire sera modifiée.
5 M. NICE : [interprétation] Avant de passer à autre chose, j'aimerais
6 revenir sans faire la moindre observation sur votre décision s'agissant de
7 l'intercalaire 4 qui n'a pas encore fait l'objet d'un accord complet. Je
8 voudrais toutefois dire ce qui suit : la question pour moi n'est pas
9 d'avoir le moindre contrôle sur les documents, c'est à la Chambre et au
10 Tribunal dans le respect du Règlement de déterminer si une pièce est
11 recevable ou pas, et si les questions posées au sujet de son identification
12 ont reçu des réponses suffisamment claires signifiant que le document peut
13 être recevable ou pas. A mon avis, ce n'est pas le cas ici, aux termes de
14 l'Article 95. Je devrais pouvoir rouvrir la discussion sur cette décision
15 et demander un changement de décision.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes en train de faire
17 exactement ce que vous aviez dit ce que vous n'alliez pas faire.
18 M. NICE : [interprétation] Non, non --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous cherchez à rouvrir le débat sur
20 une décision rendue par la Chambre, Monsieur Nice. Passons à autre chose.
21 Avançons.
22 M. NICE : [interprétation] J'annonce simplement ma position pour l'avenir.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce D300 pour tous les classeurs.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez
25 poursuivre. Nous avons perdu pas mal de temps.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas tout à fait bien compris. La cote
2 qui vient d'être donnée concerne les quatre pièces à conviction, donc une
3 seule cote pour les quatre pièces ou est-ce que chacune des pièces aura une
4 cote distincte ?
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une seule cote pour les quatre
6 pièces.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Général à l'intercalaire 5, nous trouvons --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez parler dans le micro, je
11 vous prie.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Général, à l'intercalaire 5, nous trouvons un rapport dont vous êtes
14 l'auteur. Il est intitulé "Situation du point de vue de la sécurité et
15 situation politique dans la municipalité de Djakovica." En page 2, nous
16 voyons que vous avez signé ce rapport. Pourriez-vous examiner ce rapport,
17 Général ?
18 R. Oui. C'est un rapport que j'ai envoyé au commandant du Corps de
19 Pristina, le 23 février 1998. Ce rapport concerne la situation politique et
20 la situation du point de vue de la sécurité sur le territoire de la
21 municipalité de Djakovica qui, par rapport aux autres secteurs placés sous
22 ma responsabilité, était extrêmement critique à l'époque.
23 Q. Nous n'allons pas lire l'intégralité de ce rapport, je vous demanderais
24 de mettre l'accent sur des passages particulièrement significatifs à votre
25 avis. Au premier paragraphe, nous lisons que : "Au cours des derniers mois
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1 de 1997, et notamment à partir du début janvier 1998, la situation
2 politique et la situation du point de vue de la sécurité s'est
3 considérablement aggravée…"
4 R. Oui. Dans ce rapport que j'ai envoyé au commandant du corps, j'ai
5 défini deux secteurs dont le premier est situé ici au nord-ouest de
6 Djakovica et, au centre de ce secteur, on trouve le village de Smonica. A
7 cet endroit, les opérations terroristes s'étaient intensifiées et tout ce
8 territoire était passé sous le contrôle des terroristes.
9 Le deuxième secteur concerné se trouve au nord-ouest de Djakovica, depuis
10 le lac de Radonjic avec le village de Kraljane, Jablanica et Glodjane,
11 Maznik aussi se trouve dans ce secteur. C'est dans ce secteur que sera créé
12 plus tard le QG opérationnel de Dukagjin.
13 Dans ce document, je dis que, selon les informations reçues, la situation
14 s'est considérablement compliquée au moment où le département policier
15 situé dans le village d'Uglane [phon] a dû se retirer à Djakovica en raison
16 du danger, donc il n'y avait plus que des patrouilles dans le secteur en
17 question.
18 Il est dit également que dès la fin de l'année 1997 dans ce territoire, le
19 recensement des hommes de la région a été effectué, des hommes âgés de 18 à
20 60 ans en vu d'une mobilisation ultérieure au sein de l'organisation connue
21 sous le nom d'UCK.
22 Un peu plus loin dans le texte il est dit que dans cette partie du
23 territoire, notamment, dans le village de Jablanica, pendant plus de dix
24 ans les instances officielles de la République de Serbie n'avaient pas
25 accès. La police n'y entrait pratiquement jamais.
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1 Q. Je vous prie de m'excuser de vous interrompre. Veuillez terminer votre
2 réponse après quoi je vous poserai une autre question.
3 R. Dans cette partie du territoire, notamment, dans le village de
4 Jablanica, personne n'entrait de l'extérieur, je veux dire les officiels,
5 les fonctionnaires de l'Etat et les représentants des grandes institutions
6 n'y rentraient plus. Pas un seul membre du MUP n'est entré dans ce village
7 en raison du risque d'attaque.
8 Q. Pourriez-vous donner quelques détails supplémentaires au sujet de ce
9 qui est dit dans le troisième paragraphe où il est question d'un système
10 appelé fermier pendant la journée, membre de l'UCK et terroriste pendant la
11 nuit.
12 R. Il est question du fait que dans ce territoire se réfugiaient tous ceux
13 qui voulaient échapper à la loi. Ils étaient armés en permanence. Je veux
14 parler des membres de l'UCK. Je parle de la période janvier et février de
15 cette année-là.
16 Sur les routes menant de Pristina et de Djakovica ainsi que Decani vers
17 Djakovica, nous sommes dans ce secteur où des groupes armés ont commencé à
18 se constituer. Je vous ai déjà expliqué ce qu'il en était. Les gens étaient
19 engagés pendant la nuit, on leur délivrait des armes et ils étaient chargés
20 de partir sur les routes pour arrêter les véhicules. Ils se présentaient
21 comme membres de l'UCK. Ils disaient tout à fait publiquement qu'ils
22 étaient sur place pour contrôler la circulation sur les routes.
23 En janvier, ils ont arrêté un autobus à bord duquel se trouvaient deux
24 hommes à moi, deux soldats. Sur la route menant à Djakovica dans le secteur
25 du village de Crmljane. Ce qui est caractéristique pour cette époque, c'est
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1 que les attaques visaient avant tout le MUP. En présence des autres
2 voyageurs à bord de cet autobus et du chauffeur, les soldats ont dû
3 rebrousser chemin, ils ont été expulsés de l'autobus. Cela s'est passé au
4 mois de janvier, mais par la suite les choses ont changé. Quand on trouvait
5 des soldats à bord d'un autobus, on ne les renvoyait pas chez eux, on les
6 kidnappait.
7 Ce que veut dire cette expression : c'est qu'il s'agit de personnes qui
8 dans la journée exerçaient leurs activités habituelles et dans la nuit
9 allaient au QG, recevaient des armes et accomplissaient les tâches qu'on
10 leur confiait, c'est-à-dire, soit monter la garde, soit accomplir d'autres
11 tâches pour le QG. Le lendemain matin, ils reprenaient leurs activités
12 quotidiennes.
13 Q. Ceci est en rapport avec la fin 1997 et le début 1998.
14 R. Oui, c'est exact. Ce rapport a été rédigé en février, et il concerne la
15 période qui commence fin 1997 et qui se poursuit jusqu'au 23 février 1998.
16 Q. Sur la base de ce rapport, peut-on constater qu'il existait déjà un
17 réseau relativement développé de l'organisation terroriste qui a fait son
18 apparition dans cette région ?
19 R. Le réseau existait dans tout le Kosovo, mais dans ce rapport, je parle
20 uniquement de ce qui caractérisait mon secteur, à savoir ces deux zones
21 restreintes autour de Jablanica et également --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'était une
23 question directrice.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Général, ne répondez pas à cette question dans ces conditions. Je
2 suppose que les explications fournies vont suffire.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'exige, Monsieur Robinson, que l'intercalaire
4 5, à savoir le rapport du général Delic, commandant d'une brigade du corps
5 d'armée soit versé au dossier.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Le document est admis.
7 Une cote, s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D300, intercalaire 5.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Général, nous allons maintenant le plus rapidement possible, nous
12 intéresser à un rapport. Comment s'appelait le chef d'état-major à
13 l'époque ?
14 R. Il s'agissait du colonel Ljubisa Lojanica.
15 Q. Très bien. Ce colonel était chef d'état-major de votre brigade, et il
16 vous était immédiatement subordonné. C'était votre adjoint d'une certaine
17 façon.
18 R. C'est exact. Il était mon adjoint. C'était le numéro deux de notre
19 brigade.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, quel était votre grade lorsque
21 vous commandiez la 549e Brigade ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été colonel de 1996 à 1999.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Votre chef d'état-major était également colonel et il était néanmoins
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1 votre subordonné.
2 R. Oui. Il était mon subordonné, mais il avait le grade de colonel,
3 effectivement.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux poursuivre ?
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, poursuivez.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour informer le Juge Kwon qui s'y intéresse,
7 je rappelle que tous les commandants de brigade dans l'armée yougoslave
8 avaient le grade de colonel. C'étaient des colonels qui commandaient toutes
9 les brigades. Le commandant du corps était le seul à avoir le grade de
10 général.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Le colonel Ljubisa Lojanica qui était votre subordonné immédiat, vous a
14 demandé, le 2 mars 1998, de rédiger un document que nous trouvons à
15 l'intercalaire 6, et qui a été adressé au commandant du corps de Pristina.
16 Vous l'avez retrouvé ce document, Général ?
17 R. Oui, Monsieur Milosevic. C'est un document qui a été produit par le
18 chef d'état-major sur mon ordre.
19 Q. C'est précisément ce que je voulais -- ce que je voulais dire, vous
20 venez de l'expliquer très clairement.
21 Dites-nous, Général, cette première portion du texte discute de la
22 situation politique et de la situation sur le plan de la sécurité en disant
23 que rien n'a changé; au paragraphe 2, qu'est-il dit ?
24 R. Il est question des événements dans la période qui suit celle qui était
25 évoquée dans le premier rapport. Il y est dit que des pilonnages dus aux
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1 terroristes Siptar se sont produits à plusieurs reprises avec des lance-
2 roquettes et des armes automatiques. Pas de victimes de ces bombardements.
3 Q. Fort bien. Au quatrième paragraphe plus bas, le
4 2 mars 1998, que dit-on ?
5 R. On dit : "Que le 2 mars 1998, aux environs de 1 heure du matin, des
6 maisons serbes d'un village ont été incendiées. Les familles serbes
7 Djackovic, Milic et Lakic ont été attaquées. Les villageois ont rejoint des
8 membres de leurs familles. Plus tard, le MUP de Djakovica s'est occupé de
9 l'affaire.
10 Je dirais, que de nos jours, il n'y a plus de maisons serbes dans ce
11 village, et plus aucune famille dont le nom de famille est serbe.
12 Q. Est-ce que vous voulez dire que ces maisons n'étaient que les maisons
13 serbes du village et qu'elles ont été attaquées ?
14 R. Oui. Il y avait d'autres maisons serbes dans ce secteur mais elles
15 avaient été désertées. Les habitants ne viennent que de temps en temps
16 visiter le village.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au compte rendu d'audience, il est dit : "Que
18 de nos jours, il n'y a plus de maisons serbes dans ce village." Le général
19 n'a pas dit qu'il n'y avait plus de maisons serbes. Il a dit que les
20 maisons serbes ont été désertées, que les habitants de ces maisons ne sont
21 plus là, qu'il n'y a plus d'habitants serbes. Car à l'époque, ces maisons
22 ont été attaquées, et c'étaient les seules familles serbes résidant du
23 village qui ont été attaquées.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons tirer ceci au
25 clair ? Général, est-ce que vous parliez de la situation actuelle ou de
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1 l'époque ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, il n'y a plus aucune famille
3 serbe présente dans le village. A l'époque, il y en avait uniquement deux
4 ou trois.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. J'espère que nous avons tiré cela au clair. Général, au quatrième
7 paragraphe, qu'est-il dit dans ce rapport de votre chef d'état-major ?
8 R. "Les événements survenus récemment et concernant les familles serbes,
9 suscitent une grande insécurité, une grande inquiétude parmi les Serbes et
10 les Monténégrins qui demeurent encore dans le village. Nombreux d'entre eux
11 envisagent de quitter le Kosovo-Metohija."
12 Q. Au paragraphe 3 ?
13 R. "Nous estimons que la situation va continuer à se compliquer, et que
14 les opérations terroristes et rassemblements de masse des Albanais
15 ethniques dans cette zone de responsabilité vont continuer à se multiplier
16 pour faire croire à l'opinion publique internationale que les Siptars du
17 Kosovo-Metohija sont menacés."
18 Q. Fort bien, Général. A l'époque, en mars 1998, le
19 2 mars 1998 pour être précis, date de la rédaction de ce rapport, il est
20 question d'événements qui se sont déroulés dans les jours précédents. Y a-
21 t-il eu des actions menées par la police ou l'armée à l'époque, qui
22 auraient pu être considérées comme dangereux ou négatif par la population
23 albanaise de la région ?
24 R. Je sais très bien que toutes mes unités se trouvaient dans leurs
25 casernes, et vaquaient à leurs occupations quotidiennes. Elles
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1 participaient à des manœuvres dans la caserne, à des exercices de tir, et
2 assuraient la sécurité des installations militaires, c'est-à-dire, des
3 entrepôts entre autres; rien d'autre, et des arsenaux.
4 Quant à la police, elle menait ses activités quotidiennes. Elle assurait la
5 sécurité des voyageurs sur les routes. La police qui avait des tâches plus
6 générales, assuraient la sécurité et vaquaient à ses occupations dans les
7 villes et les villages. Il n'y avait aucune autre opération particulière à
8 l'époque.
9 Q. Nous constatons que les terroristes ont de très nombreuses activités à
10 l'époque, et que pratiquement, il n'y a aucune représailles, aucune action
11 en réaction de la part de la police et de l'armée.
12 R. Dans ce rapport adressé au commandant du corps, on trouve des
13 avertissements émanant de moi quant à la nécessité d'entreprendre quelque
14 chose, compte tenu que la situation est en train de se compliquer très
15 rapidement.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'exige le versement au
17 dossier de cette intercalaire 6.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Document admis.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Général, encore un rapport, toujours signé par vous, émanant de vous,
21 à l'intercalaire 7. Vous avez trouvé
22 l'intercalaire 7 ?
23 R. Oui, Monsieur Milosevic.
24 Q. Quelle est la date de ce rapport que vous avez signé ?
25 R. 5 mars 1998.
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1 Q. Il concerne, comme cela est dit au début du texte, les rapports
2 précédents sont mentionnés, le développement -- l'évolution de la situation
3 dans la zone de responsabilité de la 549e Brigade motorisée au cours des
4 derniers jours est évoquée également. Quels sont les éléments
5 caractéristiques dans ce rapport ?
6 R. Les éléments caractéristiques sont les suivants : le groupe terroriste
7 du secteur de Jablanica qui était dirigé par un ancien criminel Lahi
8 Brahimi, terroriste bien connu par la suite, oncle de Haradinaj. Il est dit
9 que ce groupe s'étend dans le secteur de Jablanica; ce qui sera prouvé par
10 les documents suivants. Les attentats commis dans les villages ou voisinage
11 de Djakovica, dans les villages de Bec, de Ratis, de Crmljane, et d'autres
12 villages, Janos, Ljug Bunar et Vranic sont évoqués. Il est question de la
13 panique qui se crée, et du fait que pas mal d'habitants quittent leur
14 travail ou leurs domiciles.
15 Il est dit que ceci est le but des terroristes, et que dans une -- et nous
16 constaterons plus tard, qu'une grande partie de cet objectif a été
17 réalisée.
18 Q. Dans ce rapport, est-ce que vous parlez des différentes voies
19 permettant d'acquérir des armes ? Pouvez-vous nous donner plusieurs détails
20 à ce sujet ?
21 R. Dans ce rapport, je détermine trois grandes directions au Kosovo-
22 Metohija par lesquelles les armes entrent dans la région. La première,
23 depuis Bajram Curi jusqu'à Junik; le secteur que je suis en train de vous
24 montrer ici. Ensuite, plus loin vers la région de Jablanica. Deuxième voie,
25 Cafa Likan, ou Cafa Dobruna que vous voyez ici à partir de Djakovica. C'est
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1 dans cette direction. Cela mène vers Rogovo, et plus loin vers Orahovac. La
2 troisième voie parle de Karaula Stejanovic qui se trouve ici sur le mont
3 Koritnik, à partir de là dans la direction de la vallée du Plav vers Opolj.
4 Q. Vous indiquez que ces trois directions sont celles par lesquelles
5 entrent les armes. Est-ce que vous aviez d'autres détails ? Car je vois en
6 première page de votre rapport, au premier paragraphe, que vous dites de
7 quelle façon les armes arrivent. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?
8 R. Dans ce rapport, puisque nous avons été confrontés à des situations de
9 ce genre à de nombreuse reprises, j'indique -- puisque la pratique en
10 vigueur jusqu'à ce moment-là, c'est que des groupes comportant un nombre
11 restreint de personnes transportaient des armes en petite quantité ou ils
12 prétendaient mener le bétail d'un endroit à un autre, et en même temps
13 transportait chacun une dizaine d'armes.
14 Compte tenu de ces préparatifs et compte tenu du fait qu'un véritable pont
15 avait été créé entre Smonica et Junik et le territoire de l'Albanie,
16 j'indique qu'il est possible qu'une action bien préparée soit en cours
17 d'élaboration, destinée à faire rentrer des milliers d'armes, de fusils ou
18 d'autres armements au cours d'une seule nuit.
19 J'indique également la possibilité - et d'ailleurs, ceci s'est avéré exact
20 par la suite - que certaines personnes sans armes, venues du territoire du
21 Kosovo-Metohija, franchissent la frontière, escortées par des terroristes.
22 Si ces personnes étaient appréhendées par la police ou par les responsables
23 de la frontière, elles n'auraient été accusées que de délit mineur. Donc,
24 les sanctions auraient été minimales.
25 Il s'agissait de personnes qui allaient en Albanie sans armes, qu'ils
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1 s'entraînaient pendant deux à sept jours en Albanie, qui obtenaient des
2 armes, et qui retournaient sur le territoire du Kosovo-Metohija avec ces
3 armes, même au prix de combat contre nos forces. Un cas de ce genre s'était
4 produit au cours duquel 800 hommes armés membres de l'UCK avaient franchi
5 la frontière après un entraînement de quelques jours en Albanie. Ils
6 l'avaient franchie en arme.
7 Q. Merci, Général.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, même question, Monsieur
9 Robinson, je demande que ce document soit versé au dossier.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Le document est admis. Nous
11 suspendons 20 minutes pour la pause.
12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
13 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Avant tout, je
16 voudrais vous dire que j'ai tiré au clair une question pendant la pause
17 s'agissant du sommaire qu'il fallait corriger comme vous l'avez dit.
18 Vous avez sous les yeux à l'intercalaire 2 une feuille de
19 remplacement. On y parle à cet endroit que la réunion avec le lobby
20 albanais s'est fait en 1998. On dit : "Holbrooke, Junik, 1998," -puis, il y
21 a une virgule, puis - "réunion entre Holbrooke, Clark et le lobby
22 albanais." Mais il n'est pas dit que cette réunion-là, la seconde, se soit
23 tenue en 1998. Ce n'est pas dit non plus dans le texte serbe. Quelqu'un a
24 dû l'ajouter. Cela doit être une coquille. Je ne dis pas que c'était
25 quelque chose d'intentionné.
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1 Une deuxième chose par rapport à ce qu'a dit M. Nice. Il a dit que
2 ses collaborateurs avaient reçu les informations de M. Tomanovic. Il faut
3 dire qu'il avait besoin de mon approbation. Je suppose que
4 M. Nice n'a pas compris ce que sa collaboratrice a dit.
5 La question était posée par celle-ci à M. Tomanovic hier. Il a dit que tout
6 avec déjà été fourni au Greffe. La question était de savoir s'il était
7 possible de recevoir les documents concernant M. Bulatovic. Il a dit :
8 "Bien entendu." M. Tomanovic a demandé s'il voulait ces documents sous
9 forme électronique ou sur papier. La réponse a été que peu importait, et
10 que cela pouvait se faire sous forme électronique également.
11 C'est ce que M. Tomanovic m'a dit pendant la pause. Je voudrais
12 corriger la chose.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez tiré bon parti de
14 votre pause. Poursuivons.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Général, dans votre rapport qui se trouve à
17 l'intercalaire 8 --
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que l'intervenant utilise le micro
19 et parle directement dans le micro.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vous demandent de
21 parler directement dans le micro car ils ne vous entendent pas.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Général, dans votre rapport qui se trouve à
24 l'intercalaire 8, vous avez écrit au commandement du Corps de Pristina.
25 Nous voyons votre signature. Est-ce que vous avez trouvé ce rapport ?
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1 J'espère que oui.
2 R. Oui, je l'ai trouvé.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a une traduction ?
4 Nous, nous n'avons pas de traduction de ce rapport. C'est un rapport assez
5 court. Je pense qu'on peut demander qu'il soit placé sur le
6 rétroprojecteur.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Le plus brièvement possible, Général, je vous demanderais de nous dire
9 à quoi se rapporte ce rapport.
10 R. Monsieur Milosevic, il s'agit ici d'un rapport que j'ai rédigé moi-même
11 et il a été signé par mes soins. Cela concerne la période allant du 3 au 9
12 mars.
13 On dit ici, parmi les remarques particulières, je tiens à souligner qu'en
14 date du 2, 3 et 4 mars, ainsi que jusqu'au 8 mars, il y a eu dans ma zone
15 plusieurs protestations de la part des Albanais. Il est question du nombre
16 d'intervenants par localité.
17 Q. Bien, Général. Ne nous attardons pas trop là-dessus. J'attire votre
18 attention sur la page 2, une phrase qui commence à la première ligne de la
19 deuxième page, où on dit : "Nous nous préparons pour la guerre, pour
20 nettoyer Suva Reka, et nous sommes prêts pour Prizren aussi."
21 R. En effet. Il s'agit ici de ce que l'on a obtenu par le biais des
22 écoutes de canal 336 à 21 heures 50.
23 Q. Bien. Général, nous n'allons plus nous attarder sur ce rapport.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma requête est la même, Monsieur Robinson, je
25 demande à ce que cette pièce soit versée au dossier.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons donner une cote
2 provisoire à ce que document en attente de sa traduction.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Le 15 mars, vous avez informé le commandement du Corps de Pristina, le
5 commandant, parce que c'est dit au commandant du Corps de Pristina en
6 personne, document qui se trouve à l'intercalaire 9.
7 Vous dites que dans la nuit du 12 au 13 --
8 R. Oui.
9 Q. -- un groupe de 20 à 25 terroristes a été introduit de l'Albanie.
10 R. Plus loin, on dit que le 13, il dit qu'effectivement on a constaté la
11 présence de ce groupe à un endroit précis, le 13. C'est la zone aux
12 alentours de Djakovica. Il s'agit ici d'un groupe de 20 à 25 personnes dont
13 on a constaté le déplacement en direction du village de Petrovac. Ces
14 hommes portaient un mélange de vêtements, il y avait des vêtements civils
15 et aussi des parties d'uniforme.
16 Ce qui est caractéristique ici, c'est qu'au cours de la nuit un groupe de
17 sept terroristes s'est précipité dans la cour de Tom Maljici dans le
18 village de Doblibare près de la rivière Dream ou plutôt dans le village de
19 Crmljan, pas dans celui de Bec. Ce groupe de personnes était composé de
20 personnes ayant des sacs à dos et une grosse caisse. Ici, cet Albanais est
21 de confession catholique, il a fait une déclaration ce monsieur qui
22 s'appelle Tom Maljici. Il a pensé qu'ils étaient Albanais vu la façon dont
23 ils parlaient. Il a emmené ce groupe à Bec.
24 Q. Il les a conduit en tracteur.
25 R. Oui. A ce moment-là, il est tombé à court de carburant, et ils l'ont
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1 giflé, et ils l'ont laissé rentrer chez lui.
2 Ce même groupe pendant la nuit, vers une heure du matin, un autre groupe de
3 ces terroristes, pendant la nuit du 14 et au 15, est arrivé à une heure du
4 matin au village de Petrovac, ou plutôt à Ljug Bunar, ils ont trouvé à se
5 loger au bâtiment administratif de la coopérative agricole, de ce qui était
6 avant une coopérative agricole, et ils se sont reposés un bref moment à cet
7 endroit.
8 Après s'être reposés, ils ont poursuivi leur route en direction du village
9 de Bec, et là, dans le village de Bec trois ou quatre groupes se sont
10 rassemblés et on a constaté la présence d'une colonne de personnes portant
11 de gros sacs à dos qui allaient vers le village de Crmljan.
12 Q. Cela s'est passé dans votre zone de responsabilité et vous en avez
13 informé le commandant du Corps de Pristina, mais vous n'êtes pas intervenu.
14 R. Nous n'avions pas d'ordres dans ce sens. Ce n'étaient pas les ordres
15 que nous avions reçus, l'armée était toujours en place, et, après tout,
16 c'est là une question dont devait se charger le MUP. Je me contentais
17 d'informer le commandant afin qu'il obtienne au quotidien des informations
18 de ce genre.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande la même chose; je
20 demande que ce document se trouvant à l'intercalaire 9 soit versé au
21 dossier.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, le document est reçu au
23 dossier.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Ce rapport que vous avez envoyé, que contenait-il en ce qui concerne le
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1 16 mars ?
2 R. Oui. Le 16 mars, une fois de plus --
3 Q. Général, soyons le plus économe possible en matière de temps, regardez
4 l'alinéa A, où il est dit qu'on a ouvert le feu sur des maisons de Serbes
5 et de Monténégrins à Bec et à Crmljan.
6 R. Il est dit qu'au cours de la nuit du 12 au 13, il y a eu, à plusieurs
7 reprises, des tirs sur des maisons de Serbes et de Monténégrins à Bec et à
8 Crmljan, alors qu'à Petrovac d'autres maisons ont été prises pour cible. Ce
9 sont les seuls villages où vivaient encore des Serbes, il n'y a pas eu de
10 blessures ou de pertes parmi les habitants de ces villages.
11 Q. Vers la fin de la première page, on fait référence au 15 mars, on parle
12 de manifestations.
13 R. Oui, ce jour-là de 11 heures à midi, il y a eu des manifestations
14 pacifiques organisées par des Siptar à Prizren et à Orahovac.
15 Q. Il y avait certains mots d'ordre écrits dans une langue étrangère, et
16 si on les traduit de façon approximative, cela veut dire : "Mettez fin à la
17 terreur serbe."
18 R. Oui, "Mettez fin à la terreur serbe."
19 Q. De quel genre de terreur pouvait-il être question ? Puisque vous, vous
20 habitiez là, qu'est-ce qui pouvait y avoir comme terreur ? Y avait-il quoi
21 que ce soit qui se passait qu'on aurait pu qualifier de mauvais traitements
22 ou de terreur à l'encontre des Albanais ? Nous sommes là le 16 mars 1998.
23 R. Manifestement, ces mots d'ordre s'adressaient à quelqu'un d'autre parce
24 qu'ils étaient écrits en anglais. "Arrêtez la terreur serbe", c'est comme
25 cela qu'on pourrait traduire.
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1 Il est caractéristique de voir que personne ne s'est adressé aux
2 manifestants et qu'on s'est contenté de les filmer. Les manifestants
3 étaient des Siptar de confession musulmane, alors que les catholiques parmi
4 les Siptar étaient beaucoup moins présents; il n'y avait peut-être que cinq
5 ou 10 % des manifestants qui étaient catholiques.
6 Q. Ici, à la dernière ligne avant de passer à l'alinéa B, qui montre vos
7 observations pour la zone frontalière, on dit ceci : "Montre que les Siptar
8 vont démontrer au monde entier en passant par les médias qu'ils sont
9 menacés par les Serbes au Kosovo-Metohija."
10 Dites-moi ceci, de façon générale, n'est-ce pas la conclusion que vous-même
11 vous avez tirée ? Est-ce que ces gens étaient menacés par les Serbes au
12 Kosovo-Metohija ?
13 R. Vu ce que j'ai déjà dit, il est manifeste de savoir qui était menacé au
14 Kosovo-Metohija. Tout ceci s'inscrit dans leur propagande, propagande qui
15 essayait de trouver un terrain fertile pour s'implanter ailleurs au-delà
16 des confins de ce pays dès lors.
17 Q. C'est ce que vous avez écrit vers le milieu du mois de mars 1998 dans
18 votre rapport.
19 R. Oui.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, peut-on aussi verser ce
21 document au dossier ? Il s'agit de ce rapport écrit par le général Delic.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Intercalaire 11, vous y trouvez une de vos notes, très courte, c'est
25 dit : "Très urgent." C'est envoyé au commandant du Corps de Pristina ou en
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1 personne au chef d'état-major.
2 R. Oui, c'est un télégramme envoyé en urgence vu la nature des
3 renseignements qu'il contenait, il fallait que le commandant soit avisé
4 sur-le-champ.
5 Un informateur a été contacté le 14 mars 1998 et on a appris qu'un
6 groupe de 50 à 60 Albanais du Kosovo, surtout des jeunes hommes, avaient
7 franchi la frontière vers l'Albanie en passant par Has. Cela se trouve,
8 Has, entre Prizren et Djakovica. Là, il y a un passage frontière. Ils ont
9 franchi la frontière pour aller en Albanie et se trouvaient basés dans la
10 zone de la ville de Kruna dans la partie albanaise de Has.
11 J'informe par ce document le commandement du corps parce qu'on
12 s'attendait au retour de ce groupe quelques jours plus tard ou dans les
13 quelques jours qui allaient suivre notre retour dans notre territoire, mais
14 c'est gens auraient des armes avec eux.
15 Q. Est-ce que c'est ce mode de comportement dont vous avez déjà parlé, que
16 vous avez expliqué, des gens partaient sans armes, ils étaient formés sur
17 place, ils revenaient sur le territoire du Kosovo-Metohija équipés
18 d'armes ?
19 R. Oui. Nous le savions bien plus tôt et cela se poursuivait pratiquement
20 tous les jours.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si un groupe de ce genre revenait
22 équipé d'armes et si vous étiez en mesure de repérer leur emplacement, quel
23 traitement leur réserviez-vous à ces hommes ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Les services frontaliers avaient des règles
25 bien connues. Lorsqu'il y a franchissement de la frontière, cela doit se
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1 faire à des passages frontières établis, désignés et quiconque franchit la
2 frontière ailleurs se rend responsable d'un acte répréhensible via la loi.
3 Le règlement des services frontaliers prévoit que ces gens soient
4 interpellés; s'ils sont armés, ils doivent être désarmés; si de telles
5 personnes refusent de répondre aux ordres donnés par les autorités
6 frontalières et si ces personnes ouvrent le feu, le service frontalier a le
7 droit de répondre à l'avenant, c'est-à-dire d'ouvrir le feu. C'est défini,
8 comme c'est le cas dans toute armée, par le règlement régissant les
9 activités de services frontaliers.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il ne vous est jamais
11 arrivé de voir vos forces forcées d'ouvrir le feu ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons dû le faire plusieurs fois,
13 effectivement. Nous avons dû le faire parce que les autorités frontalières,
14 vous le voyez ici sur cette carte, vous avez des points rouges, ce sont des
15 passages frontaliers, en général, il y a 30 hommes à chaque endroit.
16 Lorsque la situation se complique, nous renforçons les effectifs, il y
17 avait pratiquement 60 hommes pour chacun de ces passages. Mais vous devez
18 comprendre que cette région frontalière est une région montagneuse. Vous
19 avez le mont Koritnik qui fait 2 333 mètres. Il y a le col Pastrik qui se
20 trouve à quelque chose comme près de 2 000 mètres. C'est difficile
21 d'assurer la sécurité. Si vous savez que les effectifs chargés de la
22 protection frontalière venaient de partout en Yougoslavie, ils ne
23 connaissaient pas nécessairement le terrain. Si par ailleurs vous avez des
24 Albanais du Kosovo-Metohija ou des Albanais d'Albanie même qui viennent au
25 Kosovo-Metohija, ils connaissent très bien cette région frontalière. Ce qui
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1 se passe, c'est que le nombre de personnes qui franchit la frontière est
2 bien plus important que le nombre de patrouilles qui assurent la sécurité
3 de la frontière parce que ces patrouilles font trois ou quatre hommes. Si
4 c'est un poste d'observation, il n'y a que trois hommes qui le tienne, ou
5 si vous avez un poste occupant, cela fait six ou sept. Or à ce moment-là,
6 vous aviez beaucoup de personnes, quelquefois des centaines de personnes
7 qui franchissaient ces postes à ces endroits tenus par simplement cinq ou
8 six hommes.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce que je voulais savoir, c'était la
10 façon habituelle que vous aviez ou qu'avaient vos forces de réagir ou de
11 s'occuper de l'UCK.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] La façon habituelle de procéder était la
13 suivante : on procédait comme pour ce qui était prévu par le règlement de
14 service s'agissant des zones frontalières. Les personnes franchissant la
15 frontière de façon illégale sont interpellées. On leur dit stop, il y a un
16 ordre de donner. S'ils s'arrêtent lorsqu'ils entendent l'ordre, s'ils ont
17 des armes, le commandement suivant est celui de déposer les armes. Ensuite,
18 on leur donne l'ordre de lever les mains en l'air et on leur donne l'ordre,
19 on leur intime de s'éloigner de l'armement afin que les hommes chargés de
20 garder la frontière se rapprochent de ces armes et afin que ces armes ne
21 puissent pas être utilisées contre eux.
22 Si l'intéressé, l'interpellé obéi, on l'emmène, on l'appréhende
23 jusqu'à la petite caserne frontalière, on prend ses renseignements
24 individuels et on le confie au ministère de l'Intérieur. Par la suite, le
25 ministère de l'Intérieur, lui, s'adresse à une commission locale, une
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1 commission mixte pour signaler l'incident frontalier. D'habitude --
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mis à part ces incidents qui
3 surviennent à la frontière, quelle était la façon la plus habituelle ou la
4 plus courante qu'avait la VJ ou le MUP de réagir face à l'UCK ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des effectifs du MUP, leurs
6 compétences sont tout à fait autres, sont tout à fait différentes de celles
7 de l'armée. Ils ont pour mission de prévenir ces personnes interpellées, de
8 les désarmer. Le plus souvent, cela se faisait par recours à la force
9 physique. Par contre, si ces personnes se trouvent être armées et si elles
10 utilisent les armes qu'elles ont, après un avertissement au cas où ils ne
11 se conformeraient pas à l'ordre qu'il leur est donné, il est prévu de
12 pouvoir utiliser ou recourir aux armes à feu pour se défendre.
13 Il en va de même pour ce qui est de l'armée. Je précise que l'armée, elle,
14 en temps de paix, n'a pas de compétence s'agissant de civils. Mais au cas
15 où une unité se trouverait être attaquée, et cela arrivait très souvent
16 dans des embuscades, il n'y a pas le temps de lancer des avertissements. Si
17 l'unité est attaquée par des tirs, ils doivent riposter à ces tirs et
18 neutraliser l'adversaire, si possible l'emprisonner, le désarmer et,
19 suivant une procédure bien déterminée par la procédure au sein des unités
20 de polices militaires, les confier ensuite au MUP.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Poursuivez,
22 Monsieur Milosevic.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Général, vous avez noté à la fin de ce document à l'intercalaire 11,
25 puisque vous vous l'êtes procuré, de façon évidente, ces informations de la
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1 bouche de ressortissants de groupes ethniques albanais et vous dites que :
2 "Indépendamment de la source de ces renseignements qui ne pourrait pas être
3 considérée comme étant fiable (puisque c'est un ressortissant albanais)
4 nous vous envoyons ces renseignements et les renseignements obtenus de
5 sources autres."
6 Est-il habituel de signaler que la source n'est peut-être pas fiable, mais
7 l'information est quand même véhiculée avec les informations émanant de
8 sources autres ?
9 R. On sait comment il doit être procédé avec le renseignement d'une
10 manière générale. Le renseignement est classé par sa fiabilité et les
11 sources sont classées par leur fiabilité. Les renseignements venant
12 d'ailleurs sont considérés comme étant peu fiables. Cela ne veut pas dire
13 qu'un renseignement obtenu par une source peu fiable se trouverait
14 forcément être erroné. Il y a chaque fois analyse et comparaison avec
15 d'autres renseignements par recoupement pour essayer de déterminer son
16 exactitude.
17 Q. Vous procédez à la détermination, à la revérification de son exactitude
18 ?
19 R. Oui, on procède à une analyse.
20 Q. Fort bien.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ma requête est la même.
22 Intercalaire 11, rapport du général Delic à verser au dossier, je vous
23 prie.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce sera fait.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Que comporte ce bref rapport émanant de vous à l'intercalaire 12 ? Je
2 vois que cela est donné comme étant "strictement confidentiel".
3 R. Ici, il s'agit d'un télégramme qui a été envoyé de façon très urgente
4 au commandement du corps au chef de l'état-major. Il s'agit ici des
5 environs de Djakovica, le village de Brodosan, non loin de la rivière de
6 Beli Drim [phon], et dans les forêts non loin du ruisseau de Siza. On a
7 remarqué 15 terroristes armés, et on a estimé que ces gens-là se
8 déplaceraient comme les groupes précédents, suivant l'axe Ljug Bunar,
9 village de Bec, village de Netic, et au-delà vers Jablanica, où ces
10 groupes-là finissaient par se rejoindre.
11 Q. Vous dites ici, que très probablement dans le courant de la nuit, il y
12 aura un déplacement de ces effectifs suivant l'axe indiqué.
13 R. Oui.
14 Q. Merci, Général.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma requête est la même, Monsieur Robinson, pour
16 ce qui est du versement au dossier de cette intercalaire 12, qui constitue
17 un rapport du général Delic.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai demandé à ce que cet
20 intercalaire 12 soit également versé au dossier, car il constitue également
21 un rapport du général Delic.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] : Oui, ce document est versé au
23 dossier.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Intercalaire 13, maintenant. Il y a un autre rapport émanant de vous.
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1 C'est votre signature qu'on voit ici, Général ?
2 R. Oui, oui.
3 Q. De quoi s'agit-il ici ? Soyez bref, je vous prie.
4 R. Je serai très bref. J'informe ici, par télégramme, le commandement du
5 Corps de Pristina, à savoir, son commandant, suite à des informations
6 obtenues de source de l'autre côté de la frontière albanaise, donc, du côté
7 de la localité de Has en Albanie. Il y a eu regroupement d'armes et de
8 personnes pour infiltration sur notre territoire à compter du 17 mars. Je
9 prévois également que sur l'axe de Gora-Zupa en direction de Pastrik, il y
10 aura tentative d'infiltration, parce que c'est l'axe le plus avantageux. Je
11 demande au commandant du corps de prendre des mesures afin que cet axe-là
12 soit fermé d'urgence, parce que les effectifs du bataillon frontalier, le
13 55e qui avait pour zone de responsabilité ce secteur-là, ne disposaient pas
14 d'effectifs suffisants pour le faire. Je fournis des propositions
15 afférentes.
16 Q. Vous demandez à ce que ces renseignements soient comparés avec le
17 renseignement dont il disposait, et d'autoriser les unités du 53e et 55e
18 Bataillon frontalier pour procéder à la fermeture de la frontière à compter
19 du 18 mars.
20 R. C'est exact. Je fournis également d'autres propositions et d'autres
21 demandes pour ce qui est du matériel nécessaire.
22 Q. Il s'agit de renseignements tout à fait fiables, Général ?
23 R. Oui, tout à fait.
24 Q. Merci.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ma requête est la même, à
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1 savoir, de procéder au versement au dossier de cet intercalaire numéro 13.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est versé.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Général, il y a un rapport quelque peu plus long à l'intercalaire 14.
5 Nous n'allons pas l'examiner pour gagner du temps. Je voudrais que vous
6 prêtiez attention aux paragraphes 5 et 6 de la page 1. A quoi cela se
7 rapporte-t-il ?
8 R. Il s'agit d'une remarque caractéristique, à savoir que dans les
9 villages de Ljumbarde, Dasinovac, Donji et Gornji Ratis - et il s'agit-là
10 du territoire de la municipalité de Decani, mais cela se trouve non loin du
11 lac Radonjic. Très souvent, la nuit, on met le feu au foin et aux étables;
12 ce qui fait que les Albanais n'osent pas sortir de la maison même si leurs
13 étables étaient en train de brûler. Ils pouvaient voir les silhouettes des
14 personnes qui couraient autour. Je constate ensuite que ces actions sont
15 probablement réalisées par des membres de l'UCK. Les Albanais de la
16 localité dans ces -- enfin, de ces villages faisait courir le bruit que
17 c'étaient des Chetniks et les membres de l'armée d'Arkan qui mettaient le
18 feu aux étables. Cela visait notamment à mettre en place ou à créer la
19 panique et une sorte de revanchisme pour les encourager à entreprendre des
20 actions terroristes et pour alimenter la haine interethnique. Il est
21 demandé aux paysans du groupe ethnique serbe et monténégrin de monter la
22 garde la nuit dans le secteur de Djakovica pour se protéger des
23 terroristes.
24 Q. Quelle était la fréquence de ce type d'activités, à savoir, d'étables
25 incendiées et de foin incendié ?
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1 R. Cela se trouvera confirmé par la suite. D'une part, ceci est fait pour
2 assurer une homogénéisation des Albanais parce qu'ils étaient assez
3 nombreux à ne pas accepter l'utilisation de ces méthodes terroristes. Il
4 s'agissait de procéder à une homogénéisation de la population dans ces
5 villages. D'autre part, comme on mentionne ici, les Chetniks, l'armée à
6 Arkan, chose qui pour le moins est ridicule, mais chez les Albanais, cela
7 provoquait une espèce d'appréhension, et cela encourageait cet esprit
8 revanchard.
9 Q. Merci.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, tous ces
11 documents, d'après vous, que prouvent-ils ? Que tendent-ils à établir ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces documents démontrent que c'est de façon
13 très organisée qu'il a été procédé à cette escalade des activités
14 terroristes qui visait d'une part à mobiliser par la force. Vous l'avez vu,
15 ils fusillaient, ils égorgeaient leurs propres compatriotes, enfin, ces
16 gens de l'UCK. Ils voulaient, d'autre part, produire un effet auprès de
17 l'opinion publique internationale, effet contraire à ce que disent les
18 rapports et les faits. Or, ces rapports et faits, dont il est question ici,
19 contredisent ce que nous dit
20 M. Nice concernant le comportement de l'armée et de la police à l'époque, à
21 savoir, lorsqu'il s'agit du comportement de la partie serbe à l'époque. Il
22 s'agit, par conséquent, de renseignements très importants qui indiquent
23 quelle a été la situation véritable parce que le commandant de la brigade
24 informe son commandement supérieur de faits réels, et ne lui communique pas
25 des hypothèses.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je pense que vous aussi
2 vous avez dit que ces incidents de contexte contribuent à montrer
3 l'intention de l'accusé au moment des incidents, comme l'a dit l'acte
4 d'accusation.
5 M. KAY : [interprétation] Les accusations portées contre l'accusé
6 commencent en grand partie à partir d'octobre 1998, mais reflètent ce qui
7 s'est passé avant cette date. Pour ce qui est des éléments de contexte
8 produits par le truchement du présent témoin, c'est clair, cela montre que
9 les forces de la République fédérale de Yougoslavie se trouvaient face à
10 une force résolue et hostile qui se trouvait sur le territoire de la RFY.
11 Des témoins à charge ont été cités, qui montrent qu'au moment du
12 retrait des forces de la RFY, après l'accord Holbrooke-Milosevic, l'UCK
13 s'est déplacée pour prendre ses positions-là, et a entrepris de commettre
14 des violations de ce cessez-le-feu. Maisonneuve l'a dit, le général Naumann
15 l'a dit. Tous ces témoins de la KVM l'ont dit, on dit que c'est bien cela
16 qui s'est passé.
17 Si l'accusé peut apporter la preuve du niveau d'hostilité auquel les forces
18 faisaient face avant l'accord, et comment cette hostilité s'est intensifiée
19 après le retrait des forces de la RFY après la signature de l'accord
20 Holbrooke-Milosevic, s'il peut prouver le niveau d'intensité et la force
21 qu'avait l'UCK ainsi que les actions qu'elle menait, tout ceci est bien sûr
22 pertinent pour comprendre ce qui s'est passé après janvier 1999 lorsqu'on a
23 la thèse portée contre l'accusé et les chefs d'accusation qui l'explique
24 pour ce qui est des questions qui se posent dans ce procès.
25 Il y a là toute une logique. Il y a un raisonnement qui pousse à
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1 présenter des éléments de preuve dans ce sens, des éléments de preuve qui
2 parleront aussi de ce qui s'est passé après janvier 1999.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
4 Monsieur Milosevic.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma requête est la même. Pour ce qui est de ce
6 document à l'intercalaire 14, je voudrais qu'il soit versé au dossier.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Général, vous avez un rapport émanant ou provenant également du mois de
11 mars, adressé une fois de plus au commandement du Corps de Pristina.
12 J'aimerais que vous nous en parliez brièvement. Je n'aimerais pas que l'on
13 parcoure; je voudrais gagner du temps. Je parle maintenant de
14 l'intercalaire 15.
15 R. Il s'agit d'un télégramme adressé au commandant du Corps de Pristina, à
16 savoir, son chef d'état-major. Il est fait état de deux événements datés du
17 25 et du 26 mars 1998. Ces événements se sont produits ici sur la route
18 entre Orahovac, Malisevo et Pristina à l'occasion de quoi on a arrêté des
19 autocars ou des personnes en uniforme de l'UCK qui ont procédé à des
20 contrôles des passagers.
21 En sus de ces deux passages, je fais part de mes évaluations et de
22 mes informations pour indiquer que la situation se compliquait davantage
23 encore, parce qu'en sus du territoire bien connu, la situation sur d'autres
24 parties du territoire au-delà de Suva Reka, Orahovac, Malisevo et Stimlje,
25 cela se compliquait davantage.
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1 Q. Vous avertissez qui de droit de l'escalade de la situation.
2 R. Oui, je dis que le mont Plemilanovac [phon], le mont Gariak [phon] et
3 le mont Sanvejva [phon] habités par une population albanaise fournit des
4 possibilités de création de base et d'installation de bandes terroristes.
5 Je signale également que les routes allant du Kosovo vers la Metohija sont
6 devenues peu sûres pour la circulation routière.
7 Q. Oui. Peu sûres.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, ma requête est la même;
9 versement au dossier de cette intercalaire 15, je vous prie.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est versé au dossier.
11 M. MILOSEVIC : [interprétation]
12 Q. Dans votre document signé par vos soins, là aussi, il est question
13 maintenant des activités terroristes. Il est question aussi d'une personne
14 qui est morte. De quoi s'agit-il ici ? Est-ce que d'un jour à l'autre il
15 est donné de constater que la situation n'arrête pas de se détériorer ?
16 R. Oui. Le document suivant nous montre l'évolution par jour, et il y a
17 complication de la situation au fur et à mesure.
18 On commence par le 24 mars, et on parle du secteur du village Dubrava. Le
19 village Dubrava se trouve par ici, et il y a une attaque sur une patrouille
20 du MUP, et le policier Otovic [phon] a été tué. Un autre policier a été
21 grièvement blessé. Par la suite, il y a eu intervention du MUP de Decani en
22 direction de Djakovica et Prizren. Il y a eu blocage de ce secteur, puis
23 combat avec un groupe terroriste qui comptait quelque 40 à 50 terroristes.
24 Il s'agissait du groupe terroriste de Ramush Haradinaj.
25 Ici, j'informe plus ou moins le commandement de l'évolution du cours
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1 de l'opération. Je précise qu'il y a deux terroristes tués, un terroriste
2 emprisonné.
3 Q. Dans toute cette opération, il y en a eu deux de tués et un de
4 capturé, n'est-ce pas ?
5 R. Oui. Il y a un policier de tué et un policier grièvement blessé. Au
6 village de Dubrava, il n'existait plus qu'une seule maison serbe; la maison
7 de la famille Stojanovic.
8 Le MUP de Mrzici [phon] avait pour mission de protéger cette famille afin
9 que celle-ci ne quitte pas son logis. Cette patrouille allait là-bas et
10 elle est tombée dans une embuscade.
11 Q. La patrouille effectuait sa mission habituelle. Ils circulaient par la
12 route, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Dans ce document, vous indiquez que : "Ce qui est caractéristique,
15 c'est que les journalistes étrangers se trouvaient dans le secteur de
16 réalisation de l'opération, probablement dans la maison de terroristes, en
17 ne filmant que les tirs ouverts par les membres du MUP et en ne filmant que
18 la population qui quittait les villages environnants en s'enfuyant vers les
19 forêts. Mais ils n'ont pas filmé les activités des terroristes."
20 R. Oui, c'est exactement ce que j'ai noté.
21 Q. Vous avez dit que dans ce blocus, il y a eu intervention et
22 participation de 400 personnes après ce meurtre.
23 R. Oui. Au tout début, il y avait un petit groupe de quatre membres du MUP
24 dont l'un a été tué tout de suite dès qu'on a ouvert le feu dessus. Il y a
25 en un qui a été grièvement blessé. Ils ont demandé de l'aide. L'aide est
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1 venue du poste le plus proche, du poste de Decani, puis de Djakovica.
2 Quelques heures plus tard, il est arrivé une unité du secteur de Prizren.
3 Q. Très bien. Vu l'issue de cette opération, peut-on dire qu'un usage
4 disproportionné de la force a été fait contre les terroristes, parce qu'on
5 voit que deux ont été tués, un a été capturé, les autres ont pris la fuite.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Posez-lui la question différemment.
7 Demandez-lui quels sont les effectifs qui ont été engagés.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Vu la situation, Général, et vu les compétences que vous aviez pour
11 juger de la situation, dites-nous quels sont les effectifs engagés et
12 quelles sont les mesures qui ont été prises.
13 R. Cette fois-là, la police a agi comme elle le faisait autrement ou comme
14 le ferait tout effectif de police. La police devait fournir assistance à la
15 patrouille qui avait été attaquée. La police a dû prendre des mesures pour
16 désarmer les terroristes qui se sont divisés en plusieurs petits groupes et
17 ont réussi à s'enfuir vers certaines percées vers Jablanica. L'intervention
18 de la police a été tout à fait légale et régulière.
19 Q. Vous parlez de la fuite de civils. Qu'est-ce qui a provoqué la fuite de
20 ces civils ?
21 R. Le plus probable, c'est que c'était la peur qui régnait parmi les
22 habitants. En effet, dans ces villages, les terroristes avaient une bonne
23 base. Ils se sentaient chez eux. Ils sentaient qu'ils pouvaient chercher
24 refuge dans ces villages.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Lorsque vous avez vu ce que vous
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1 considérez être une manipulation de journalistes aux tranchées, qu'est-ce
2 que vous avez fait ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais commandant d'une brigade de l'armée.
4 Je n'avais pas de compétence, d'autorité sur les journalistes, sur les
5 civils. Tout ce que je pouvais faire, c'est précisément ce que j'ai fait,
6 c'est-à-dire que j'en ai informé mes supérieurs. Toute action que j'aurais
7 prise à l'égard de ces personnes aurait été illégale, tout contact avec les
8 civils, tout contact quel qu'il soit avec des civils, c'est quelque chose
9 qui n'est pas du ressort de l'armée, c'est quelque chose que la police a le
10 droit de gérer. Elle peut vérifier l'identité de particuliers, elle peut
11 faire des avertissements, mais ce n'est pas ce que fait l'armée.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne pensais pas à ce genre de
13 conduite, c'est intéressant de voir que c'est cela ce que serait votre
14 réaction.
15 Est-ce que vous comprenez ce qu'a fait le gouvernement pour essayer
16 de remédier à cette image, pour parer à cette image qu'allait donner les
17 journalistes de la situation ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est là une question qu'il faudrait poser au
19 gouvernement --
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sans doute qu'il faudrait poser la
21 question, mais vous, vous n'avez pas la moindre idée des mesures qui ont
22 été prises pour essayer de corriger ce que vous, vous qualifiez de
23 manipulation de personnes, de journalistes qu'on dit être des journalistes
24 étrangers ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour essayer de corriger une telle impression,
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1 je sais qu'à plusieurs reprises, il y a eu des reportages, on a filmé ce
2 qui se passait à la frontière ou sur le territoire du Kosovo-Metohija, mais
3 qu'on ne pouvait pas envoyer aux médias internationaux parce que c'était
4 contraire à l'impression générale qu'on essayait de répandre en Europe pour
5 dire ce qui se passait au Kosovo-Metohija. Cela allait à l'encontre des
6 intérêts de certains, et nous le savions pertinemment.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle est votre attitude ou plutôt
8 votre avis ? Pensez-vous qu'il est facile en général de manipuler des
9 journalistes ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le répète, je ne suis pas la personne bien
11 placée pour vous faire un commentaire sur les médias ou les journalistes.
12 Vous savez, il y a toutes sortes de journalistes et tous les journalistes
13 travaillent pour de l'argent, ils sont payés pour le travail qu'ils font.
14 Il y a parmi les journalistes certains qui chassent l'exclusivité pour
15 trouver l'élément unique de par le monde, il y en a d'autres qui
16 travaillent sous les ordres de certaines directions politiques.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Dans la deuxième partie de ce rapport, après la description qu'on fait
21 des événements, après les remarques concernant le comportement de
22 journalistes étrangers, au point 3, vous parlez de la situation qui prévaut
23 à ce moment-là dans la zone de responsabilité de la brigade et vous
24 expliquez ensuite l'incidence négative que ceci a sur le moral de la
25 population serbe et monténégrine, ce qui se manifeste de la façon suivante,
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1 dites-vous. Alors quel a été cet effet, cette incidence ?
2 R. Cette situation générale, ce climat général, ces attaques ont eu pour
3 effet que certains habitants serbes, qui avaient déjà veillé à avoir un
4 logement en Serbie, ont déplacé leurs familles, d'abord les enfants en
5 Serbie, et certains ont cherché du travail en Serbie. S'agissant des
6 familles qui n'avaient pas trouvé où se loger en Serbie, ils pensaient à
7 vendre leur maison pour partir. Cela se voit tout particulièrement dans des
8 villages où il y avait peu de maisons serbes et qui ont souvent fait
9 l'objet d'attaques terroristes.
10 On dit que : "Ceci peut entraîner un exode massif et une augmentation
11 des tensions pour ce qui est des Serbes et des Monténégrins qui restent en
12 très faible nombre dans la région."
13 Q. Je vous remercie, Général.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aurais la même demande en ce qui concerne ce
15 document; je demande le versement de ce document qui se trouve à
16 l'intercalaire 16, versement au dossier.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce document est versé au dossier.
18 M. MILOSEVIC : [interprétation]
19 Q. Maintenant vous avez une dépêche à l'intercalaire 17. Ce document nous
20 montre que le commandement de la 549e Brigade motorisée est concerné. C'est
21 un rapport quotidien, un extrait seulement de ce rapport quotidien
22 concernant la journée du 14 avril 1998.
23 Qu'est-ce que ceci concerne ?
24 R. C'est une dépêche du service de Sécurité, rapport quotidien concernant
25 le 14 avril 1998. Seule la partie qui parle du terrorisme est reprise ici.
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1 On y évoque les activités d'extrémistes siptar sur le territoire de
2 Djakovica. On dit ensuite que : "L'armement des Siptar se poursuit. C'est à
3 savoir que tous les hommes en âge de combattre sont dotés de fusils
4 automatiques et semi-automatiques et d'approvisionnement considérable. Il y
5 a une répartition, une distribution des armes qui se fait aux Siptar, aux
6 enseignants siptar par les mosquées." On dit que : "Il y a une opération
7 visant à armer par la force les catholiques siptar qui est en cours. Ils
8 sont unis. Ils sont maintenant devenus un groupe homogène. Le climat qui
9 règne est de se servir de tous les moyens, y compris du conflit armé pour
10 réaliser les objectifs que poursuivent les Siptar."
11 Puis on dit, le 26 avril : "Tous les Siptar travaillant dans des
12 institutions publiques doivent quitter leur emploi afin de créer, de semer
13 le chaos, surtout dans les hôpitaux où ils représentent plus de 90 % du
14 personnel."
15 Plus loin, il est dit : "Au village de Morina, municipalité de
16 Djakovica, Sadik Haziri est le responsable de l'organisation et il est le
17 directeur de la coopérative agricole."
18 Q. Vous dites qu'à ce moment-là, en avril 1998, 90 % du personnel
19 hospitalier était albanais. Vous parlez du directeur de la coopérative
20 agricole, qui lui aussi était albanais et qui était chargé de
21 l'organisation. Ce document parle ensuite de la formation des terroristes,
22 d'une personne venue d'Allemagne. C'est entre parenthèses, on dit qu'il
23 avait été "chassé" ou plutôt "extradé".
24 R. Oui. Ces personnes qui sont mentionnées qui étaient les organisateurs,
25 c'étaient ceux qui formaient les gens dans les villages.
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1 Q. Puis, il est dit que dans le village de Dubrava, l'organisateur
2 principal de cette formation, c'est la personne qui a passé dix mois en
3 Albanie à y suivre une formation lui-même.
4 R. Oui.
5 Q. Fort bien, Général. Puisque c'est ici la première fois que nous
6 arrivons à un moment où il nous faut vérifier l'authenticité de ce
7 document, qu'est-ce qui est dit au bas du document ? Lorsqu'on dit, on
8 parle de l'exactitude de l'extrait du télégramme, est-ce que c'est quelque
9 chose qui atteste de l'authenticité du télégramme ?
10 R. Oui. On dit que ceci a été vérifié et authentifié par Markovic, c'est
11 en fait un colonel qui est responsable de la sécurité de l'armée
12 yougoslave. A ce moment-là, il était en poste dans ce bureau. C'est lui qui
13 a produit tous ces extraits. Je parle de celui-ci et de ceux qui vont
14 suivre. Il est ainsi certifié que tous ces documents sont des documents
15 authentiques et que le bureau chargé de la sécurité en atteste de cette
16 authenticité.
17 Q. C'est quelque chose qui est venu du terrain ?
18 R. Non. C'est venu du corps d'armée.
19 Q. Mais cela concerne la zone de responsabilité de votre brigade, n'est-ce
20 pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Merci.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je fais la même demande; je demande le
24 versement de ce document qui se trouve à l'intercalaire 17.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
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1 M. NICE : [interprétation] On n'a pas expliqué pourquoi nous devons nous
2 satisfaire de copies et non pas d'originaux. La Chambre se rappellera,
3 excusez-moi, mais j'essaie de retrouver la référence, dans sa requête
4 écrite déposée hier, l'accusé a donné l'explication suivante : il disait
5 que les documents venaient du témoin lui-même et venaient de membres de la
6 VJ qui donnaient suite à sa demande.
7 L'INTERPRÈTE : Le micro de M. Nice est débranché.
8 M. NICE : [interprétation] En l'absence de motifs valables, il est
9 difficile de savoir pourquoi nous devrions accepter ces copies.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est là votre objection ?
11 M. NICE : [interprétation] On ne nous a pas expliqué pourquoi nous devrions
12 avoir des documents de seconde main, alors qu'on pourrait avoir des
13 documents de première main.
14 Plus tard, je serais mieux à même, soit dit en passant, de vous expliquer
15 dans quelle mesure les documents produits ont pu faire l'objet d'une
16 requête ou d'une requête en application du 54 bis, mais il me faudrait un
17 certain temps pour cela. Manifestement, ici il y a un choix minutieux qui a
18 été opéré au niveau de ces documents, et maintenant, on nous demande de
19 nous contenter de copies sans nous donner de raison. Je ne fais pas
20 d'objection, disons que je veux vous avertir de ma position --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites que nous devons avoir des
22 originaux ici ?
23 M. NICE : [interprétation] Ce n'est pas toujours nécessaire, mais
24 normalement, on doit nous donner une explication si on se sert de copies,
25 même de copies certifiées authentiques, surtout si les originaux sont
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1 disponibles. Or, ici nous n'avons pas reçu d'explication de ce genre. Là,
2 je ne vous donne pas encore ma position, mais je vous indique déjà que j'ai
3 des réserves.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous déclarons recevables des
5 copies ici. Ce document est reçu au dossier.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Général --
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, je ne comprends toujours
10 pas, si tout ceci est vrai, s'il est vrai que l'UCK était active un an
11 auparavant déjà, et que son activité nécessitait des actions du MUP et de
12 la VJ, quelle incidence ceci a-t-il sur l'acte d'accusation ? Sans doute la
13 meilleure réponse est l'état d'esprit, l'intention qu'avait l'accusé.
14 M. KAY : [interprétation] Oui, l'ampleur, la taille du problème. Si le
15 problème n'est pas de taille importante, s'il est mineur, comment dire,
16 cela ne va pas solliciter beaucoup de ressources pour y répondre, mais s'il
17 est de taille plus conséquente ce problème, et s'il est de nature
18 généralisée, à ce moment-là, on peut considérer que c'est ici une
19 explication du niveau d'effectifs qui sera peut-être nécessaire dans une
20 région. L'état d'esprit de l'accusé, il est proportionnel aux problèmes
21 auxquels il doit faire face. Lorsqu'on dit, il faut faire ceci, il ne faut
22 pas faire cela, sans comprendre -- à la lecture de l'acte d'accusation, on
23 voit qu'on ne reconnaît pas l'ampleur du problème auquel il fallait faire
24 face sur le territoire de la RFY à ce moment-là. Cela donne une version
25 tout à fait unilatérale d'événements historiques, et on fait l'impasse sur
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1 des aspects tout à fait importants de ce procès. On dit à l'accusé,
2 concentrez-vous sur l'acte d'accusation. Bien entendu, c'est un des
3 versants de l'histoire parce que cela ne contient que la moitié des
4 éléments de l'histoire. Pour des raisons de nécessité, l'accusé maintenant
5 a pour tâche d'inclure des éléments de preuve.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La cause de l'Accusation, sa thèse
7 n'est pas de dire que l'UCK n'était pas organisée et n'était pas active, si
8 j'ai bien compris, tout du moins.
9 Monsieur Nice, est-ce que vous niez la survenue de tous ces incidents avant
10 1999 de façon générale ?
11 M. NICE : [interprétation] Je ne peux pas répondre de façon détaillée à
12 tous ces incidents, j'aurais pu le faire si j'avais reçu à l'avance ces
13 documents ou si je les avais reçus, ces informations, sous forme de
14 rapport. Bien sûr, le bureau du Procureur poursuit des membres de l'UCK
15 pour ce qui s'est passé en 1998. C'est bien connu. Il n'est pas contesté
16 qu'il y a eu des activités sous une forme ou une autre qu'on pourrait
17 qualifier d'inégales ou éventuellement qui étaient celles reprises dans ces
18 documents. Je suis tout à fait ébahi par le temps qui est consacré à
19 quelque chose qui me semble au fond être des éléments de contexte. Cela
20 n'aura peut-être qu'une valeur limitée, à l'accusé de décider du temps
21 qu'il y consacre, mais dans quelle mesure ceci a-t-il une incidence sur la
22 légalité de l'intervention devant venir plus tard, c'est une question tout
23 à fait différente.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'accusé a posé une question qui, à
25 mon avis, était tout à fait pertinente s'agissant d'un des documents
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1 précédents. C'était en rapport avec la question de proportionnalité ou de
2 la disproportionnalité des effectifs engagés, des forces utilisées. En
3 effet, ce qu'il dit, sa thèse par rapport à Racak, il dit qu'il y avait un
4 conflit opposant l'UCK et les forces serbes. Des militants, des membres
5 actifs de l'UCK ont trouvé la mort et les forces serbes, dit-il, n'ont pas
6 eu recours de façon disproportionnée à la force. Si l'accusé est en mesure
7 de montrer et de prouver que les forces serbes ont de bons antécédents, ont
8 des antécédents de bon comportement et d'usage tout à fait proportionné ou
9 proportionnel -- bon, non disproportionné de la force, à ce moment-là, cela
10 rend sa version des incidents de Racak beaucoup plus crédible, pour autant
11 que son idée soit acceptée.
12 M. NICE : [interprétation] Vous savez lorsque vous avez un appareil
13 militaire qui est bien rodée, il peut agir parfois de façon appropriée et
14 parfois s'il n'est pas pris en flagrant délit, cela peut avoir une certaine
15 pertinence, c'est peut-être intéressant pour la participation de l'armée à
16 Racak, mais pour moi cette valeur, pour autant qu'il y ait une certaine
17 valeur à cet élément, elle n'est que tout à fait périphérique.
18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je suis tout aussi préoccupé par autre
19 chose, ceci ne semble pas avoir une pertinence directe sur l'acte
20 d'accusation. Peut-être que si on se rapproche de la fin de l'année, ce
21 serait tout à fait différent. La donne était peut-être carrément
22 différente. Mais j'ai une préoccupation, c'est que tout ceci aurait pu être
23 présenté de façon tout à fait différente. Manifestement, ce sont là des
24 documents que le témoin aurait pu utiliser pour faire une déclaration, pour
25 établir un rapport, reprenant certains passages, je suis vraiment horrifié
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1 de voir qu'on doit aller jusqu'à l'intercalaire 275 pour commencer à parler
2 de la période couverte par l'acte d'accusation. A cette cadence-ci, je
3 crois qu'on aura vraiment utilisé tout le temps nécessaire ou tout le temps
4 prévu pour des questions marginales, on aurait pu le faire différemment.
5 M. KAY : [interprétation] Je ne voulais pas intervenir.
6 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Rappelez-vous, nous allons recommencer
7 les audiences mercredi, est-ce qu'on pourra remédier à la question d'ici
8 mercredi, sinon ce témoin, il est ici pour une éternité.
9 M. KAY : [interprétation] Oui. Discuter de la durée du temps qui est
10 consacré à cette audition est une question tout à fait différente, bien
11 sûr.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais simplement dire quelques mots, moi
13 aussi. D'abord, s'agissant des témoignages lorsqu'il y a un rapport public,
14 les gens qui suivent le procès sont exclus. Je sais que la réponse peut
15 consister à dire que les rapports peuvent être lus, ils peuvent être lus
16 sur Internet, mais ce n'est pas la définition d'un procès public.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous parlez du public. Nous sommes ici
18 pour juger des événements dans une institution de justice. Manifestement,
19 vous avez une attitude tout à fait différente de celle des responsables
20 judiciaires qui mettent au premier plan l'administration de la justice en
21 présence d'accusations de crimes.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ces conditions, Monsieur Bonomy, je ne
23 comprends pas pourquoi vous avez autorisé M. Nice à faire un spectacle
24 public, destiné au public, s'agissant des événements de Srebrenica où la
25 Serbie n'a rien à voir, simplement parce que c'est le dixième anniversaire
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1 des événements de Srebrenica cette année. Vous m'avez empêché de poser des
2 questions supplémentaires au général Stevanovic sur ce sujet. Laissons cela
3 de côté.
4 Je pense que ce que le général Delic dit dans son témoignage n'a rien à
5 voir en revanche avec un spectacle.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous n'avez pas
7 été empêché de poser des questions supplémentaires. J'ai mis fin aux
8 questions supplémentaires sans préjuger pour vous de la possibilité de
9 déposer une requête dans laquelle vous présenteriez les questions que vous
10 n'avez pas pu poser. Je n'ai encore reçu aucune requête de cette nature. Il
11 vous reste toujours la possibilité de la soumettre. Par rapport à cela, vos
12 collaborateurs peuvent vous aider ainsi que Me Kay et Me Higgins.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous m'avez même empêché de
14 diffuser un film au cours des questions supplémentaires, que j'avais reçu à
15 peine quelques jours avant du bureau de M. Nice, et qui porte sur
16 Srebrenica. J'avais l'intention également d'invoquer le rapport du
17 secrétaire général des Nations Unies --
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je vous ai
19 interrompu. Je n'ai aucune intention de reprendre le débat sur ce sujet.
20 S'agissant des questions supplémentaires que vous aviez l'intention de
21 poser à M. Stevanovic, j'ai été très clair. Je vous ai dis que vous pouviez
22 les mettre par écrit dans une requête où vous présenteriez vos arguments
23 quant à l'injustice que vous avez subie. Si vous déposez une requête, elle
24 sera examinée très attentivement, je peux vous en assurer.
25 M. NICE : [interprétation] J'aimerais insister pour que la Chambre rappelle
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1 une fois de plus à l'accusé la nécessité de présenter ses arguments par
2 écrit. Le Juge Bonomy a donné son avis à ce sujet, et nous insistons sur
3 cette nécessité depuis le début de la présentation des moyens de preuve de
4 l'accusé. Je demanderais à la Chambre d'accorder la plus grande priorité à
5 cette insistance de notre part qui repose sur le mépris total qu'a l'accusé
6 du Règlement du Tribunal dans ses demandes d'extension de la durée de ses
7 auditions. Je ne saurais être davantage d'accord avec l'observation de M.
8 le Juge Bonomy, et j'aurai certainement mon mot également à dire à un
9 certain moment, au moment opportun, lorsque j'aurai procédé aux
10 vérifications préalables nécessaires sur ce sujet. J'aurai certainement à
11 contester certains des documents qui, à mon avis, n'avaient pas nécessité
12 d'être admis.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic, veuillez
14 poursuivre.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Je n'ai aucune
16 intention de considérer M. Nice comme un modèle de bon comportement. Quant
17 au reste, je vous ai dit dès le début en répondant aux questions relatives
18 à la teneur de la déposition à venir du témoin, que dans le document
19 présenté par M. Nice, on trouve constamment référence à un modèle, à un
20 schéma de comportement. Chacun sait désormais, qu'à chaque paragraphe de ce
21 document, il est affirmé que les forces de la RFY et de la Serbie ont
22 encerclé tel ou tel endroit, l'ont pilonné avant d'y pénétrer, de séparer
23 les hommes des femmes, d'exécuter les hommes, et cetera, et cetera.
24 Puisque vous n'avez pas entendu un grand nombre de généraux de l'armée,
25 vous avez ici en face de vous aujourd'hui un général qui commandait une
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1 unité importante responsable d'un territoire vaste. Il avait 14 000 hommes
2 sous ses ordres. Vous pouvez constater que l'armée a réagi avec des délais
3 très longs. C'est ce que j'essaie de traiter le plus rapidement possible.
4 J'essaie de traiter d'événements qui ont un lien direct avec les
5 allégations contenues dans le document de M. Nice, mais les allégations de
6 M. Nice ne peuvent pas constituer un cadre de départ pour la présentation
7 des éléments que je tiens, à présenter, notamment en raison du fait qu'il
8 présente les choses totalement à l'envers. I y a une déformation manifeste
9 des faits dans sa façon de les présenter.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai entendu. Veuillez
11 poursuivre.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de
13 l'intercalaire 17. C'est le document auquel M. Nice a réagi.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Général, à l'intercalaire 18, on trouve la carte de travail du
17 commandant de la 549e Brigade. C'est une carte qui est le résultat de votre
18 travail.
19 Je vous demanderais de bien vouloir expliquer ce que présente cette carte
20 dont chacun ici dispose. Je voudrais savoir si la carte de travail est
21 actuellement sur le chevalet.
22 R. Oui, elle est là. Elle concerne la période qui s'étend entre le 22
23 avril 1998, 14 heures, au 10 septembre 1998, 14 heures.
24 Q. J'aimerais vérifier encore une fois les dates. Donc,
25 22 avril 1998 au 10 septembre 1998.
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1 R. Oui, c'est une carte qui reprend les divers incidents survenus dans ma
2 zone de responsabilité. Cette carte se trouvait dans mon bureau, et mon
3 officier chargé du renseignement a annoté cette carte. Chaque fois, chaque
4 jour où un incident particulier survenait, il le notait sur la carte.
5 On voit que des incidents ont pris pour cible des civils d'une part, des
6 membres du MUP d'autre part et des membres de l'armée également. La date
7 des incidents en particulier est répertoriée sur cette carte ainsi que les
8 répercussions de ces incidents.
9 Q. Général, on voit qu'il y a des couleurs sur cette carte. Je vous
10 demande à quoi correspondent ces couleurs, puisque vous venez de mentionner
11 des incidents visant les civils, le MUP et les militaires.
12 R. Le symbole que je vous montre ici concerne le MUP. La couleur utilisée
13 pour le MUP est le bleu. On voit que ceci figure d'ailleurs dans la
14 légende.
15 Les incidents visant des civils figurent en jaune, et ceux qui visent des
16 militaires figurent en noir. Ce que nous voyons ici, ce sont les incidents
17 les plus significatifs, car il y a eu de très nombreux incidents mais
18 certains n'ont pas eu des conséquences particulièrement graves. Lorsque mon
19 officier chargé du renseignement considérait que l'importance, la gravité
20 de l'incident ne méritait que celui-ci figure sur la carte, il se
21 contentait de m'en informer oralement, et l'incident ne faisait pas l'objet
22 d'une annotation sur la carte. Mais tous les incidents majeurs survenus
23 dans ma zone de responsabilité figurent bel et bien sur cette carte.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cette carte nous dit
25 également quelles ont été les réactions de l'armée ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que cette carte répertoriait les
2 incidents survenus dans ma zone de responsabilité dans cette période.
3 S'agissant de l'armée, on peut tout de même y voir où se trouvaient les
4 positions de l'armée. Ici, vous voyez la garnison de Prizren. Il est annoté
5 ici qu'il s'agissait de mon commandement. Vous trouvez également les postes
6 frontières, celui de Karaula, en tout cas. Vous trouvez également sur cette
7 carte la position de mon deuxième bataillon motorisé.
8 Ce qui figure ici en rouge, ces petits drapeaux rouges dans le secteur du
9 lac Radonjici - nous y viendrons plus tard - illustre le fait qu'au mois
10 d'avril, le commandant du corps d'armée a donné l'ordre qu'une partie de
11 l'unité, c'est-à-dire, ce que nous appelons les forces prêtes à intervenir,
12 des garnisons de Prizren et de Djakovica se rendent dans ce secteur
13 particulier. Le deuxième bataillon est intervenu dans le secteur de Babaj
14 Boks. Ici, vous en avez un autre qui est intervenu dans la région de
15 Landovica. Nous parlerons de cela plus tard, des affectations données à ces
16 unités.
17 Sur cette carte, on constate simplement que ces unités ont été
18 déployées. Ce qui a une importance tout à fait fondamentale, c'est que
19 cette carte recense les incidents survenus dans ma zone de responsabilité
20 dans la période en question, qui ont visé des civils, des membres du
21 ministère de l'Intérieur et des militaires.
22 M. MILOSEVIC : [interprétation]
23 Q. Général, sur cette carte, en temps réel, les incidents étaient annotés
24 chaque fois qu'ils se produisaient.
25 R. Oui. Jour après jour, dès qu'un incident était survenu, il était
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1 immédiatement consigné par écrit sur cette carte.
2 Q. Merci, Général.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande, Monsieur Robinson, que cette carte
4 de travail soit versée au dossier. C'est la carte dont l'auteur est le
5 commandant que vous avez devant vous.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cette carte est admise.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation]
8 Q. Est-ce que vous pouvez dire quelques mots de l'incident survenu à
9 Morina et Karaula; l'incident de frontière ? Il est repris à l'intercalaire
10 19, et ce document est signé par le commandant.
11 R. Il s'agit d'un incident frontalier survenu à Morina. Un groupe de
12 personnes a franchi illégalement la frontière albanaise pour pénétrer sur
13 le territoire de la République fédérale yougoslave. Au moment où nous
14 instances officielles l'ont remarqué, elles ont arrêté ces groupes dans le
15 respect du règlement. Cependant, les ordres reçus n'ont pas été obéis. Les
16 groupes en question ont tiré sur nos représentants officiels, et ont battu
17 en retraite vers le territoire albanais laissant derrière eux leurs armes
18 et leurs équipements.
19 Ceci est une note officielle qui a été établie par le responsable de la
20 police scientifique de mon unité le sergent Mirko Miletic d'une compagnie
21 de la police militaire de mon unité.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez allumer
23 votre micro.
24 M. MILOSEVIC : [interprétation]
25 Q. Je disais, qu'il y a quelque temps, M. Robinson a posé la question de
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1 savoir comment réagissait l'armée lorsqu'elle se rendait compte qu'il y
2 avait passage illégal de la frontière par certains individus. Vous avez
3 répondu à cette question. Je vous demande si ce document constitue un
4 exemple typique susceptible d'illustrer votre réponse.
5 R. Oui. Ceci est un document qui montre la façon dont réagissaient
6 régulièrement les instances officielles. Dans le cas précis, il n'y a pas
7 eu de blessés, car les gardes-frontières ont fait leur sommation. Suite à
8 cela, les groupes en question ont franchi une nouvelle fois la frontière en
9 sens inverse pour retourner en Albanie en laissant leurs armes derrière
10 elles ainsi que leurs équipements. Vous avez d'ailleurs ici la liste de
11 tout ce qui a été trouvé sur place.
12 Q. Ils ont tiré sur l'armée, ils ont abandonné leurs équipements et leurs
13 armes, et il n'y a eu aucune conséquence, aucune perte humaine ni d'un
14 côté, ni de l'autre.
15 R. C'est cela.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause
17 maintenant. La Chambre va réfléchir aux décisions qu'il serait
18 éventuellement possible de prendre, pour raccourcir ces auditions, Monsieur
19 Milosevic. Nous y réfléchissons toujours.
20 Par ailleurs, le problème de la pertinence me préoccupe toujours. Je ne
21 suis pas en train de dire que tout ceci n'a aucune pertinence, mais je ne
22 suis pas sûr que Me Kay ait défini très précisément en quoi tout ceci est
23 pertinent, car évoquer un schéma de comportement ne me paraît pas tout à
24 fait suffisant.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Général, est-ce qu'à un certain
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1 moment, au cours de l'examen de tous ces documents, nous aurons sous les
2 yeux un document décrivant les actions entreprises par l'armée, qui ont
3 fait des victimes parmi les terroristes de l'UCK avant janvier 1999 ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Des incidents de cette nature seront évoqués
5 selon ce qui a été prévu. De nombreux incidents vont être évoqués encore.
6 J'ai pu constater en parcourrant la documentation que des événements de ce
7 genre seront mentionnés.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois me rappeler que nous en
9 avons déjà vu un d'ailleurs relatif à un incident où deux Albanais ont été
10 tués.
11 Suspension de 20 minutes.
12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.
13 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Étant donné que j'ai été interrompu pour des
17 raisons de pause, je voulais ajouter quelques arguments. L'essentiel n'est
18 pas dans ce que M. Kay a dit, il ne s'agit de l'état d'esprit, il ne s'agit
19 pas seulement de voir le mode de comportement généralisé, mais il convient
20 de tenir compte d'une chose, à savoir que chacun de ces rapports - et on
21 voit qu'ils sont faits en continuité, qu'ils sont faits au quotidien -
22 comporte toujours le qualificatif de terrorisme.
23 Ce qualificatif de terrorisme ne vient pas d'en haut pour descendre
24 vers le bas, mais cela vient du terrain, des lieux qui constituent
25 l'expression des faits. Cela fait tomber la thèse principale de
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1 l'Accusation qui dit qu'il s'agit d'une entreprise criminelle commune qui
2 est planifiée. Il fallait riposter parce qu'on tuait des gens partout au
3 Kosovo-Metohija.
4 Deuxièmement, si l'on observe les choses attentivement pour ce qui
5 est de ce que faisait l'armée, cela, c'est ce qu'on peut voir partant des
6 renseignements ici, c'est une chose qu'on voit d'un jour à l'autre et cela
7 nous apporte la réponse à la question de savoir ce qui s'est passé,
8 pourquoi l'armée se trouvait à tel ou tel autre endroit, est-ce qu'elle
9 était là-bas pour faire peur aux citoyens, pour les persécuter ou pour
10 faire face au terrorisme. C'est ce qu'on voit dans ces rapports-là. Toutes
11 les accusations avancées par M. Nice, s'agissant de ces accusations, je ne
12 peux pas prouver en disant ce que l'armée n'a pas fait, mais je peux
13 montrer ce que l'armée a réellement fait. Chacune de ces activités se
14 trouvent être notées, documentées. On peut le voir et le constater et on
15 constatera qu'elle n'a pas du tout fait ce que M. Nice affirme qu'elle a
16 fait.
17 Les éléments de preuve avancés par M. le général Delic nous montrent
18 qu'il y a eu des fois des exceptions au règlement de service et les
19 réactions montrent qu'il y a eu nécessité de se conformer au règlement et
20 cela a été en public, ce n'est pas un show, un show programme, mais il
21 s'agit de montrer au public que l'on est en train d'aboutir à la justice.
22 Il faudrait que nous parcourions des documents qui sont accessibles à tout
23 un chacun.
24 Il y a une série d'arguments pour lesquels j'estime que tout ceci se
25 doit d'être présenté précisément de la sorte.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il convient de répondre à
3 ceci, notamment pour ce qui est des derniers éléments dont vous avez parlé.
4 Comme vous le savez à partir du système légal national où la majorité de la
5 documentation est fournie sous forme écrite aux fins de démontrer qu'il y a
6 administration de justice ou administration de la justice visible est une
7 chose qui n'a rien à voir avec la garantie qu'il y a de faire en sorte que
8 tout propos tenu se doit d'être tenu oralement.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur
10 Milosevic.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson. Je ne me souviens pas
12 si j'ai demandé le versement au dossier de l'intercalaire numéro 19, mais
13 si ce n'est pas fait, je le fais à présent.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Alors brièvement --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Celui-là n'a pas été traduit. Il
17 aura une cote provisoire en attendant la traduction.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Nous passons maintenant à l'intercalaire numéro 20, Général. Est-ce que
21 cela se rapporte aux mêmes événements avec descriptif complet des
22 événements et des mesures prises ?
23 R. Oui. Tout à fait, le premier document était un rapport de service et
24 ici c'est un rapport extraordinaire adressé au commandement du corps, mais
25 cela se rapporte au même événement.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que ce document-ci a été traduit et
2 qu'il pourra être versé au dossier, Monsieur Robinson.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela n'est pas traduit, il aura une
4 cote pour identification en attente.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Général, vous avez apporté ici des enregistrements vidéo où on a filmé
8 les incidents à ce poste-frontière de Morina le 16 et le 19 avril 1998 et
9 le 24 -- le 23 avril 1998 à ce poste-frontière à Kosare. J'aimerais qu'on
10 nous montre cet enregistrement.
11 C'est l'intercalaire 21.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cela commence à partir du
14 troisième film, pas à partir du premier des clips.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela, on l'a vu.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas cet intercalaire-là, cela c'est
17 l'intercalaire numéro 2 qu'on est en train de voir. Je demande à la cabine
18 technique de nous montrer ce qui figure à l'intercalaire 21 où il y a trois
19 clips.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit du numéro 5. Oui, poste-
21 frontière Morina.
22 [Diffusion de cassette vidéo]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "Jusqu'à la création de formations militaires plus fortes qui seraient à
25 même de s'opposer non seulement aux instances du MUP de la République de
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1 Serbie, mais également aux unités de l'armée de la Yougoslavie. Les
2 opérations individuelles des terroristes Siptar ont revêtu le caractère
3 d'une insurrection armée."
4 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas d'interprétation,
6 Monsieur Milosevic et nous ne comprenons pas ce qui est dit.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'attendais à ce que l'on filme les
8 incidents qui sont produits au poste-frontière Morina et Kosare.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela arrive dans deux ou trois secondes.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Revenons maintenant au clip vidéo
11 alors.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "Création de corridors et de zones libres. La formation militaire, les
15 exercices de tirs, et tout le reste. Le 16 avril 1998 à zéro une heure et
16 quart au secteur C7 dans le secteur du poste-frontière Morina en provenance
17 d'Albanie, il y a eu l'arrivée d'un groupe de terroristes avec 12 chevaux
18 chargés d'équipements militaires et d'armes. Les terroristes ont ouvert le
19 feu en direction de nos autorités. Il a été également ouvert des tirs à
20 partir du territoire de l'Albanie. Nos instances ont riposté et ce groupe
21 terroriste a été démantelé."
22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a encore deux clips qui parlent de ces
24 incidents frontaliers et qui illustrent ce que le général nous a dit à ce
25 sujet. Ils ont jeté leurs armes et équipements et ils se sont retournés en
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1 fuyant vers l'Albanie et il y a un film qui est tourné. Deuxième clip.
2 [Diffusion de cassette vidéo]
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais là, on reprend le même clip vidéo de tout
4 à l'heure. Allez de l'avant. Cabine technique, allez de l'avant.
5 M. NICE : [interprétation] Il est très difficile de tirer quelque valeur
6 que ce soit de ce clip vidéo à moins de disposer de transcriptions, je ne
7 pense pas que les interprètes puissent nous aider.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande aux interprètes de nous
9 traduire autant que faire se pourra.
10 Est-ce qu'on peut revoir le premier clip, celui de tout à l'heure ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, c'est le clip suivant.
12 C'est le suivant qui s'enchaîne.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été filmé par la patrouille de la
14 police militaire. Le 19 avril 1998, nos patrouilles frontalières ont ouvert
15 le feu vers un groupe de personnes qui voulaient clandestinement traverser
16 la frontière. Ceux qui ont essayé de traverser la frontière sont retournés
17 sur le territoire de l'Albanie en laissant les armements qu'ils ont essayé
18 de transporter clandestinement, et nos autorités ont trouvé deux fusils
19 automatiques, trois fusils semi-automatiques, 16 bombes, 300 et quelque
20 balles, 7 chargeurs de fusils automatiques, trois sacs de combat de
21 fabrication suédoise, et des vêtements --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est tout, Monsieur
23 Milosevic ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a trois incidents de filmés. Celui-ci en
25 est un. Maintenant, on devrait voir le deuxième et le troisième. Pour
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1 gagner du temps, nous allons demander au général de nous commenter ces
2 clips vidéo les trois ensemble puisque cela se produit à des intervalles de
3 temps très rapproché.
4 [Diffusion de cassette vidéo]
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 23 avril --
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le général ne peut pas
7 commenter en même temps que les interprètes sont en train d'essayer de
8 traduire ce qui est dit à l'enregistrement vidéo. C'est soit l'un, soit
9 l'autre ou c'est l'autre.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai souhaité voir les trois
11 enregistrements vidéo, et ensuite entendre les commentaires du général à la
12 fois pour gagner du temps.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuons ainsi, et les
14 interprètes vont essayer de traduire.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela, c'est le précédent.
16 [Diffusion de cassette vidéo]
17 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
18 "On entend une personne parler. Ils sont tombés sur une embuscade à
19 nous. Nous leur avons dit de stopper. Ils ne sont pas arrêtés, mais ils
20 nous ont tiré dessus. On a riposté. Ils ont jeté les affaires qu'ils
21 transportaient et ils ont commencé à fuir dans la panique.
22 Il y en a un qui est resté mort."
23 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais que la cabine
25 technique interrompe cette projection. Je ne pense pas que ce soit là la
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1 vidéo que l'accusé voulait nous montrer. Je crois que ce serait plutôt le
2 numéro 7 qui est daté du 23 avril.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur
4 Kwon. On entend le texte de la troisième vidéo.
5 [Diffusion de cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]
7 "Le 23 avril, dans le secteur du poste-frontière Kosare, non loin de la
8 frontière de l'Etat, il y a un groupe de 150 à 200 personnes armées qui ont
9 traversé la frontière de façon illégale en venant de l'Albanie. Nos
10 autorités ont ouvert le feu, ont tué 19 personnes et emprisonné deux
11 hommes. Les personnes emprisonnées
12 sont : Tarira Mustafa Gazmin, professeur de langue anglaise né en 1980 à
13 Eric, municipalité de Djakovica; et Metaj Iber [phon], technicien en
14 agronomie né le 13 décembre 1961 au village d'Eric, municipalité de
15 Djakovica."
16 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général --
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a encore un clip vidéo.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Il y en a encore un qui suit, c'est un troisième.
21 R. Non, c'est un quatrième plutôt.
22 Q. Enfin, il s'enchaîne.
23 R. Oui, c'est le poste-frontière Likan.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui est-ce qui conduit la présentation
25 des éléments de preuve ? Parce que vous avez annoncé trois clips vidéo et
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1 le sommaire fait état de trois clips.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici à l'intercalaire 21, on parle de trois DVD
3 qui se rapportent aux incidents de Morina et de Kosare, ce sont des postes-
4 frontières; 16, 19 et 23 avril 1998. Ce sont ces trois enregistrements
5 vidéo qu'on aurait dû nous montrer. On en a vu deux.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, on en a vu trois.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Général, je vous demande de nous commenter brièvement ce qu'on a vu ?
10 C'est votre zone de responsabilité, votre unité.
11 R. Il s'agit du 53e Bataillon frontalier qui a pour siège Djakovica et qui
12 se trouve directement lié au Corps de Pristina. Il n'est responsable à mon
13 égard que pour ce qui est des aspects disciplinaires vu qu'ils ont pour
14 siège ma caserne à moi.
15 Le constat a été effectué par la compagnie de la police militaire de ma
16 brigade, parce que ma brigade avait responsabilité territoriale pour tout
17 le secteur de la Metohija.
18 Que voit-on sur ces clips vidéo ou plutôt dans ces notes ? On voit, dirais-
19 je, une façon typique suivant laquelle les armes ont été apportées au
20 Kosovo-Metohija. Le premier clip nous montre un petit groupe de personnes
21 avec 12 chevaux essayant de s'infiltrer avec des armes. Ils sont tombés sur
22 une embuscade de la patrouille. Ils ne sont pas arrêtés lorsqu'on leur a
23 sommé de s'arrêter, ils ont ouvert le feu, vous avez vu qu'il y avait même
24 des chevaux qui ont été tués, et le groupe a réussi à fuir pour regagner le
25 territoire de l'Albanie. On voit plusieurs dizaines de fusils automatiques,
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1 semi-automatiques qui, à ce moment-là, ont été jetés et abandonnés à cet
2 endroit.
3 Dans le deuxième enregistrement, la situation est analogue, la différence
4 c'est que la quantité d'armes est plus petite. Il n'y a que trois fusils
5 automatiques et deux fusils semi-automatiques. Dans le troisième cas, c'est
6 un grand groupe de quelque 150 personnes armées qui est arrivé, et sur les
7 150, il y en a 19 qui ont été tués dans le conflit qui est survenu avec les
8 services frontaliers.
9 Q. Général --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-il advenu des autres membres
11 du groupe ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant des autres membres du groupe,
13 puisque ce groupe était très nombreux, certains ont réussi à contourner
14 l'encerclement pour pénétrer sur le territoire de la République de la
15 Yougoslavie, et d'autres parmi les membres de ce groupe sont retournés en
16 Albanie.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous fait des prisonniers ?
18 Deux prisonniers; c'est cela ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours de l'un de ces incidents, deux hommes
20 ont été faits prisonniers. L'un était professeur d'anglais, originaire du
21 village d'Eric. Le village d'Eric se trouve ici, sur la route menant de
22 Djakovica à Decani.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-il advenu de lui finalement,
24 par la suite ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Après son arrestation, et le travail
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1 d'identification qu'il a fallu mener à bien, des hommes dans cette
2 situation sont remis aux instances du MUP, et sans doute, mis en examen. En
3 tout cas, c'est le plus probable. Je ne suis pas absolument au courant,
4 mais il est fort probable que ces hommes étaient condamnés pour avoir
5 franchi illégalement la frontière, et ouvert le feu sur les gardes de
6 frontière.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez
8 poursuivre.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Général, combien d'unités de l'armée yougoslave sont venues à
11 l'encontre de ce groupe nombreux dont il est dit dans la séquence vidéo
12 qu'elle comptait 150 à 200 hommes ?
13 R. Il y a eu une embuscade qui a été dressée dans les conditions
14 habituelles d'une embuscade, par six soldats et un sous-officier.
15 Q. Mais quel était le rapport numérique au cours de cet affrontement ?
16 R. Les terroristes étaient considérablement plus nombreux que les gardes
17 de frontière dans ce cas précis, alors que, dans les deux autres cas,
18 l'équilibre était mieux respecté.
19 Q. Général, est-ce que les membres de l'armée yougoslave ont respecté les
20 Règlements de service de leur fonction ou est-ce qu'il s'est passé autre
21 chose ?
22 R. Comme toujours, en tout cas, ici, vous voyez qu'au moment où les
23 constations étaient faites, des représentants albanais ont été convoqués
24 pour y participer également. La commission local numéro 4 est une
25 commission de composition mixte qui se compose de représentants à nous,
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1 mais également de représentants de la République d'Albanie.
2 A plusieurs reprises, cette commission est allée sur les lieux des
3 incidents pour vérifier les conditions dans lesquelles ils s'étaient
4 déroulés. Je sais simplement qu'une fois, des tirs sont venus en provenance
5 d'Albanie, et la commission en question n'a pas pu procéder aux constations
6 habituelles car elle a, elle-même, été prise pour cible, et a dû fuir en
7 raison du danger.
8 Q. Merci, Général.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que nous disposons des rapports
10 établis par la commission d'enquête dans les trois cas qui ont fait l'objet
11 des images vidéo que nous venons de voir ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, nous en disposons pour l'un de ces
13 incidents. J'ai lu ce rapport. Tous les rapports établis par ma police
14 militaire, je les ai chez moi. Il y en a au total plusieurs centaines.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quel est le numéro d'intercalaire du
16 rapport dont nous disposons ici, selon vous ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'intercalaire -- il y en a deux. Ce
18 sont les intercalaires 19 et 20. 19 et 20.
19 M. MILOSEVIC : [interprétation]
20 Q. Les intercalaires 19 et 20 sont des notes officielles; pour
21 l'intercalaire 19, c'est rapport officiel; au sujet de l'incident Karaula-
22 Morina, pour l'intercalaire 20.
23 R. Pour tous ces incidents, vous avez vu les annotations sur la carte. Il
24 y a également les rapports d'enquête de la police judiciaire, qui sont
25 établis comme c'est toujours le cas lors d'incidents de ce genre.
Page 41382
1 Q. Vous avez parlé de la commission chargée de travailler à la frontière,
2 commission mixte, composée de Yougoslaves et d'Albanais. Est-ce que cette
3 commission était toujours informée et invitée à venir sur place dans ces
4 cas de ce genre ?
5 R. Oui, dans tous les cas. En 1997 et dans la période antérieure, la
6 procédure type voulait que deux commissions différentes viennent sur les
7 lieux, mais, en 1998, ces commissions n'ont pu se rendre sur les lieux que
8 quelques rare fois, en raison du danger important.
9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la commission s'est rendue
10 sur place dans les trois cas que nous venons de discuter ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le rapport, vous constaterez que -- et
12 cela figure à l'intercalaire 19. Je vous demande quelques instants pour
13 vérifier rapidement --
14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pourrais le voir moi-même quand le
15 texte sera traduit, mais, pour l'instant, j'ai besoin de votre aide car il
16 n'est pas traduit.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] La partie yougoslave de la commission locale
18 numéro 4 a informé le Bataillon de Djakovica qu'elle n'avait pas pu faire
19 les constatations d'usage sur place en raison du danger, et en raison du
20 fait qu'elle n'a pas pu établir le contact avec les membres albanais de la
21 commission mixte. C'est le commandant, Goran Sorak [phon], qui a été le
22 seul membre de cette commission mixte à se rendre sur place.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais j'avais cru comprendre dans une
24 de vos réponses antérieures que ces réunions de la commission avaient lieu,
25 je cite : "La commission était informée et invitée à se rendre sur place
Page 41383
1 dans tous les cas." Or, ici nous avons un exemple où certains membres de la
2 commission n'ont pas pu être contactés. Est-ce que vous savez quelle était
3 la position de la commission au sujet de l'incident au cours duquel 19
4 hommes ont été tués ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je puisse le constater, nous
6 ne disposons pas ici -- un instant, s'il vous plaît. Nous n'avons pas ce
7 rapport. Donc, je ne puis affirmer avec une totale certitude, que les
8 commissions mixtes locales se sont réunies. Mais l'enquête a eu lieu.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. La séquence vidéo que nous venons de voir, a-t-elle été filmée pendant
11 cette enquête sur place ?
12 R. Oui. Chaque fois qu'il y a enquête sur les lieux, des caméras vidéo
13 filment l'événement.
14 Q. Quelle est l'instance qui est chargée de l'enquête sur les lieux en cas
15 d'incident frontalier de ce genre, c'est-à-dire, lorsque des groupes armés
16 franchissent la frontière ?
17 R. C'est le Juge d'instruction de Nis qui vient sur place chaque fois que
18 des événements de ce genre ont lieux avec conséquences graves. Il bénéficie
19 de l'aide de membres de la police judiciaire, qui, dans le cas précis,
20 venaient de la police militaire placée sous mes ordres.
21 Q. Fort bien.
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais j'ai cru comprendre il y quelques
23 instants que vous aviez dit que c'est votre brigade qui avait la
24 responsabilité de mener l'enquête sur place. Etes-vous en train de dire que
25 dans chacun de ces incidents, le Juge d'instruction est venu enquêter sur
Page 41384
1 place ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il est écrit ici, dans chacune de ces
3 notes officielles, que le Juge d'instruction était informé, et c'est en
4 fonction des conséquences. Si, au nombre des conséquences, il y a mort
5 d'hommes, et s'il n'y a pas d'opérations armées à la frontière, c'est-à-
6 dire, si l'on peut s'y rendre en toute sécurité, le Juge d'instruction s'y
7 rend. Mais si cela n'est pas possible, il informe la police scientifique de
8 la police militaire de se placer sous les ordres de ma brigade, et ce sont
9 ces membres de la police scientifique qui se rendent sur place pour prendre
10 les constatations.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais, s'agissant de l'incident où 19
12 hommes ont été tués, est-ce que c'est simplement la police scientifique qui
13 s'est rendue sur place pour enquêter ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, mes
15 techniciens ont aidé le Juge d'instruction ce jour-là, en prenant des
16 photos et en faisant ce que le Juge d'instruction leur commandait de faire.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Qui était ce juge ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de juge d'instruction du tribunal
19 militaire de Nis. Le colonel Miladinovic de Nis présidait le tribunal
20 militaire et c'est lui qui choisissait les hommes qui se rendaient sur
21 place. Mais ces Juges ont été nombreux. Je ne me rappelle pas le nom de
22 chacun d'entre eux, je l'ai rencontré simplement lorsqu'ils venaient me
23 voir pour demander une escorte de la police militaire afin de se rendre sur
24 place.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais, Général, s'il existait une
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1 autre version de ces incidents, si, par exemple, l'un des survivants
2 affirmait que les membres de son groupe étaient désarmés sans armes et que
3 vos hommes ont ouvert le feu sur eux, où est-ce que nous pourrions trouver
4 une déclaration de ce genre provenant d'un survivant ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous ceux qui franchissaient illégalement la
6 frontière et qui étaient appréhendés ont été interrogés; cela c'est
7 certain. Je pense que l'Accusation, elle-même, est en possession d'un
8 nombre assez important de dépositions provenant d'Albanais, qui
9 franchissaient illégalement la frontière. Je crois savoir que le bureau du
10 Procureur est en possession de telles dépositions depuis 2002 déjà. Il y a
11 aussi des cassettes vidéo enregistrées durant les interrogatoires de ces
12 personnes responsables d'affranchissement illégal de la frontière.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si l'un des survivants avait été
14 jugé traduit en justice, il y aurait également les documents présentés par
15 ces conseils.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est certain que tous ces incidents ont
17 fait l'objet de poursuites judiciaires.
18 Je me souviens d'un incident qui est survenu plus tard, il y avait
19 déjà l'OSCE sur place, donc peut-être au mois de décembre c'était aussi
20 Saban Zimeci [phon], qui est le nom de l'Albanais qui a été appréhendé lors
21 de cet incident. Je me souviens que les membres de la Mission de
22 vérification m'ont demandé d'aller sur place à l'endroit où cet homme avait
23 été arrêté alors qu'il portait des armes. Ils s'y sont allés pour discuter
24 avec lui car l'autorisation leur a été fournie. On peut vérifier également
25 dans ces documents.
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1 Je sais qu'une plainte en justice a été déposée à l'encontre de cet
2 homme qu'il a été interrogé à Nis, et qu'ensuite en 2001, il a été relâché.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez
4 poursuivre.
5 M. MILOSEVIC : [interprétation]
6 Q. Général, y a-t-il quelque chose qui n'est pas clair ici quant au fait
7 qu'un groupe de 150 à 200 hommes, en tout cas, au minimum un groupe de 250
8 hommes a franchi illégalement la frontière et a participé à un affrontement
9 armé avec nos gardes de frontière ?
10 R. Ce qui était typique, à l'époque, c'était que tous les groupes de ce
11 genre étaient armés.
12 Q. Donc, portant des armes, ils franchissent illégalement la frontière et
13 attaque les gardes de frontière ? C'est cela qui est caractéristique dans
14 ce document, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est cela qui est caractéristique dans les années antérieures en
16 1995, 1996. La frontière était surtout affectée par la contrebande de
17 cigarettes. Il n'y avait pas d'affrontements armés, ni d'un côté, ni de
18 l'autre. En général, les contrebandiers rebroussaient chemin ensuite pour
19 repartir en Albanie dès qu'il y avait un problème. Mais, par la suite,
20 après ces années-là, il y a toujours eu des tirs lors de tels incidents.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande le versement au
22 dossier des intercalaires de l'intercalaire 21 et des séquences vidéo qui
23 l'accompagnent.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Admis.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Général, pourriez-vous nous donner quelques détails complémentaires en
2 étant le plus bref possible au sujet des ordres donnés pour engager les
3 forces prêtes à intervenir ces ordre que l'on trouve à l'intercalaire 22 et
4 que vous avez donné le 22 avril ?
5 R. Oui, ceci est un document strictement confidentiel qui a été rédigé sur
6 l'ordre du commandement du corps d'armée car il y a aussi un ordre émanant
7 du commandant du corps d'armée. Cet ordre porte sur l'engagement de forces
8 prêtes à intervenir de la 549e Brigade motorisée.
9 Il est dit dans ce document quelle est la situation sur le terrain à
10 savoir qu'il y a eu escalade des actions terroristes et que, sur le
11 territoire de Djakovica et de Decani, des patrouilles villageoises ont été
12 mises en place qu'on a observé la présence de groupes terroristes
13 importants et que des travaux de construction et de renforcement ont été
14 observés dans les villages de Skvijane, Stubla, Popovac, qui se trouvent à
15 l'ouest de Djakovica, c'est-à-dire, sur la route qui mène de Djakovica à
16 Ponosevac. L'autre secteur, Glodjane, se trouve au nord-est du lac de
17 Djakovica dans le secteur du lac de Radonjic.
18 Ensuite, on évoque Orahovac, Suva Reka, la municipalité de Prizren
19 également, Djakovica, Decani et Pec, où des groupes terroristes comptant
20 jusqu'à 500 terroristes ont sans doute été créés. Il est dit que l'armement
21 de la population vivant dans le secteur compris entre Drim et la frontière
22 albanaise est en cours.
23 Que le but c'est grâce à des opérations terroristes de contrôler la
24 plus grande superficie possible du territoire du Kosovo-Metohija; de
25 procéder à une mobilisation et d'armer le plus grand nombre possible de
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1 citoyens Siptar; et, avec l'aide de quelques pays occidentaux et de la
2 République d'Albanie, de lancer un soulèvement armé pour s'emparer du
3 pouvoir et mettre en place la République du Kosovo.
4 Alors, le commandant du corps d'armée m'a donné une tâche à accomplir
5 ceci figure au paragraphe 2, à savoir, assurer la sécurité de mes
6 installations militaires et qu'une partie du groupe 1 et du groupe 2 soit
7 en engagée selon les axes visés qui vont vers la frontière, empêcher toute
8 opération de la part des groupes terroristes, empêcher l'introduction sur
9 le territoire en provenance d'Albanie et de Macédoine des armes et autres
10 équipements militaires; et utiliser les hommes restants pour assurer la
11 sécurité des installations militaires à savoir notamment des casernes et de
12 la zone située dans ce secteur.
13 Qu'est-ce que cela veut dire concrètement ? On voit au troisième
14 paragraphe quels sont les hommes qui m'accompagnent dans mon travail et au
15 paragraphe 4 on trouve la décision du commandant de la brigade.
16 Q. J'aimerais, Général, que nous établissions un lien entre le
17 paragraphe 4 et la tâche qui est évoquée au paragraphe 2. Il est écrit ici
18 : "Engager pour intervention suivant les axes visés empêcher toute
19 opération des groupes terroristes et empêcher l'introduction à partir de
20 l'Albanie et de la Macédoine sur le territoire du Kosovo-Metohija d'armes
21 et de matériels militaires." Donc, voilà quelles étaient les tâches qui
22 vous étaient confiées. Les tâches qui vous étaient confiées, interdire aux
23 groupes terroristes de franchir la frontière ?
24 R. Ce sont les ordres que j'ai reçu du commandant du corps d'armée. En
25 tant que commandant de brigade, je n'ai aucun droit de modifier en quoi que
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1 ce soit ces ordres. Je dois accomplir les tâches qui m'ont été confiées. On
2 voit au paragraphe 4 que c'est ma décision également de mener à bien ces
3 tâches, puisque je distribue des tâches aux unités sous mes ordres.
4 Q. Au paragraphe 4, vous faites référence encore une fois à des actes de
5 sabotage et de terrorisme et aux tâches qui sont les vôtres pour contrer ce
6 terrorisme.
7 R. Oui. Les forces sont prêtes à intervenir, c'est le terme que l'on
8 utilise, sont prêtes au combat depuis six heures au moins. Lorsque le
9 signal est donné, par exemple, un signal d'alerte ou un signal de combat,
10 elles doivent être prêtes à intervenir immédiatement. Finalement, dans les
11 derniers moments, elles sont absolument prêtes à intervenir. Le groupe de
12 combat 1 qui était stationné dans la garnison de Prizren, il est dit ici
13 quelle est sa composition; il se compose d'une compagnie motorisée, d'une
14 compagnie de mortiers, de neuf pelotons K11, et d'un peloton de logistique,
15 ainsi que d'un peloton de pionniers. Cela, c'est le groupe qui doit
16 intervenir selon l'axe menant à Landovica. Vous voyez qui commande ce
17 bataillon.
18 Sur l'axe de Djakovica, donc à partir de mon bataillon, le groupe de combat
19 numéro 2 est chargé de cet autre secteur, et vous trouvez la composition de
20 ce groupe également. Il y a des flèches qui montrent les axes suivants
21 lesquels ces groupes doivent intervenir.
22 Dans le secteur ici où se trouve le groupe de combat numéro 1, ce groupe a
23 investi mon poste de combat en temps de guerre qui se trouve au voisinage
24 immédiat de Landovica et des vignobles, ainsi que de la coopérative
25 agricole de Prizren. Quant à l'autre groupe, au nord-ouest vers la
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1 direction de l'Albanie, vous avez l'autre axe d'intervention. Vous avez des
2 flèches qui indiquent selon quels axes ce groupe de combat est censé
3 intervenir en cas de nécessité. Puis, les heures sont mentionnées
4 également. Donc, si le groupe doit assurer la sécurité de sa caserne, s'il
5 est appelé à apporter son aide aux gardes frontières de Karaula, au cas où
6 des groupes nombreux de terroristes arrivent, et aux cas où des incidents
7 surviennent, comme, par exemple, un transport armes.
8 Q. Vous voyez la frontière de Karaula sur la carte, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. Les flèches indiquent la direction des postes frontières et vous
10 voyez également les effectifs de ces gardes frontières.
11 Ensuite, il y a le secteur de Suva Reka, qui relevait du groupe de combat
12 numéro 1. Pourquoi Suva Reka ? Parce qu'il y avait là deux entrepôts dont
13 j'étais responsable, aux villages de Djinovce et de Ljubizda. Ce groupe
14 numéro un a été chargé en cas de mise en danger des entrepôts dont je suis
15 responsable d'intervenir selon ces axes.
16 Q. Merci, général.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, j'ai toujours la même
18 demande, à savoir que ce document ainsi que la carte qui l'accompagne
19 soient versés au dossier. Il s'agit de l'intercalaire 22, à savoir de
20 l'ordre d'engagement des forces que vient de discuter le général Delic et
21 qui accompagne la carte au sujet de laquelle le général a également fait
22 des commentaires un instant.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ces documents sont admis.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
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1 Q. Général, est-ce que vous connaissez la note de service que l'on trouve
2 à l'intercalaire 23 ? Document confidentiel, numéro 25/03 et la date est
3 celle du 24 avril 1998. De quoi est-il question dans cette note
4 officielle ?
5 R. Il est question de ce que vient d'évoquer le Juge Bonomy. On revient
6 sur l'incident ayant causé la mort de 19 hommes.
7 Il est dit que des techniciens de la police scientifique se sont rendus sur
8 place, que 19 cadavres ont été trouvés sur place, ainsi qu'un grand nombre
9 d'armes et de munitions, que le juge d'instruction du tribunal militaire de
10 Nis s'est rendu sur place, que deux personnes avaient essayé de franchir la
11 frontière illégalement, et que ces hommes ont été appréhendés et
12 immédiatement transférés à Nis par hélicoptère le même jour.
13 Il est dit également que la documentation officielle ne peut pas être
14 complètement établie en raison du grand nombre d'éléments que le juge
15 d'instruction a emporté avec lui.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Ensuite, intercalaire 24, autre notre officielle relative au même jour.
18 Est-ce que c'est la même chose ?
19 R. Non.
20 Q. Non, non. C'est un autre incident. Nous n'allons pas en parler en temps
21 que du document précédent. Revenons sur l'intercalaire 23. C'est bien
22 l'intercalaire qui a rapport avec l'incident survenu à Kosare qui a donné
23 lieu à 19 --
24 R. Aux images que nous avons vu.
25 Q. Oui, au film que nous avons diffusé.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je demande également le
2 versement au dossier de l'intercalaire 23.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, admis. Enfin, il est enregistré
4 aux fins d'identification dans l'attente de la traduction.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. A l'intercalaire 24, vous avez une note officielle qui porte sur le
8 secteur frontalier Karaula Gorozup qui dépend de la garnison de Prizren.
9 R. Oui. C'est Karaula Gorozup, tout près du lac de Vrbici sur le mont
10 Pastrik. C'est le 55e Bataillon qui est responsable.
11 Q. Pourriez-vous simplement m'aider sur un point général ? A
12 l'intercalaire suivant, à l'intercalaire 25, une fois de plus on fait
13 référence à ce qu'on appelle le poste de frontière de Gorozup. Est-ce qu'il
14 s'agit du même incident ou est-ce qu'il s'agit de deux incidents
15 distincts ?
16 R. C'est le même incident. Cependant, c'est le plus grand nombre d'armes
17 et de munitions qui a été saisi en seul jour à la frontière. Mais la zone
18 de Gorozup se trouve dans la zone du mont Pastrik, 1 588 mètres d'altitude.
19 Je me souviens fort bien que ce jour-là, il y avait du brouillard.
20 Lorsqu'on m'a dit qu'il y avait un incident à la frontière, et qu'il y
21 avait eu échange de tirs, il m'a été dit qu'il y avait eu saisie ou plus --
22 non, non, que ces personnes avaient franchi illégalement la frontière, et
23 après avoir ouvert le feu, ces hommes se sont retirés, repliés sur le
24 territoire d'Albanie. On m'a informé d'une faible quantité dont on a parlé
25 ici; on parle d'une grenade à main, ou plutôt exactement de 80 ou 90.
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1 Q. A cet intercalaire 24, on dit que le 22 avril 1998, vers 19 heures 50,
2 et cetera, et il est fait référence au 26 dans la note de service suivante.
3 Il est fait référence au 26 avril, mais l'endroit est le même. C'est bien
4 ce que dit cette note ?
5 R. Je me souviens que la quantité de munitions était énorme, et qu'il
6 s'agissait de plusieurs armes différentes. Personnellement, suite à des
7 ordres donnés par le commandant du corps, je me suis trouvé sur place, au
8 sommet du mont Pastrik. Deux hélicoptères ont dû venir trois fois. Je crois
9 qu'il y avait à peu près six tonnes de matériel, toute sorte de matériel
10 militaire.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, avez-vous dit que les
12 intercalaire 24 et 25 font référence au même événement ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'intercalaire 24 concerne le 22 avril, alors
14 que l'intercalaire 25 parle du 26 avril.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Mais l'endroit est le même.
17 R. Oui, je m'étais dit la veille, parce qu'ici on parle du 26, et je
18 m'étais dit qu'au fond dans le brouillard les responsables des organes
19 chargés de la frontière de Gorozup avaient trouvé ces personnes qui
20 franchissaient clandestinement la frontière, ils avaient ouvert le feu, et
21 ces personnes s'étaient repliées sur le territoire de l'Albanie. Comme il
22 n'y avait que cinq hommes dans cette patrouille frontalière, étant donné
23 les intempéries, ces cinq hommes n'ont pas poursuivi ce groupe clandestin,
24 ils se sont contentés d'en faire rapport.
25 Le lendemain, une patrouille composée d'un plus grand nombre de gardes
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1 frontaliers s'est rendu sur la zone et a trouvé une grande quantité
2 d'armes. Après cela, lorsque le commandant du corps a reçu ce rapport, j'ai
3 reçu l'ordre de me rendre sur les lieux moi-même.
4 Vous verrez à l'intercalaire 25, il est fait référence à ce matériel qu'on
5 a trouvé.
6 Q. Il est dit également ici, je cite : "Nous n'avons pas pu faire le
7 décompte de toutes les armes qui ont été trouvées sur les lieux étant donné
8 quelles étaient très nombreuses. Nous avons dû les transporter par
9 hélicoptère à Nis, il est impossible de donner des renseignements précis,
10 et après recherches et fouilles du terrain, on a trouvé davantage de
11 matériel, et ceci va être prouvé sous forme de documents."
12 Est-ce qu'il y a eu des blessés et des morts ? Je ne vois rien de ce genre.
13 R. Non, ni tués ni blessés. C'est tout à fait classique. D'après nos
14 estimations, il y avait tellement d'armes qui étaient éparpillées sur une
15 surface assez grande plus d'un kilomètre et demi, et il a fallu environ 100
16 chevaux pour amener tout ce matériel à cet endroit, parce que nous l'avons
17 vu, cela avait amené à dos de cheval. Nous avons vu la trace de pas de
18 cheval, de fers à cheval.
19 Q. Cette une énorme quantité d'armes ont été trouvées mais il n'y a pas eu
20 de perte d'hommes ni d'un côté ni de l'autre.
21 R. Non, personne n'a été tué.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande, Monsieur Robinson, la même chose;
23 je demande que ce soit versé au dossier les intercalaires 24 et 25 en ce
24 qui concerne l'incident frontalier à Gorozup où il y a eu saisie de
25 beaucoup d'armes.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sera une cote provisoire aux fins
2 d'identification tant que nous n'aurons pas la traduction de ces
3 intercalaires.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai bien compris, vous avez une traduction ou
5 pas ?
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Oui, nous avons une traduction
7 du 25.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, je vois, je vois. Merci. Merci. Je ne
9 l'avais pas vu.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Général, le général Pavkovic est mentionné à l'intercalaire 26,
12 commandant du Corps de Pristina, général Pavkovic, pour autant que je
13 puisse le voir ici, il est question du 9 mai 1998.
14 R. Oui. Il s'agit ici d'un ordre donné aux membres du corps d'armée. Tous
15 les véhicules motorisés militaires et les véhicules civils transportant les
16 membres du corps sur l'axe routier allant à Pristina-Klina-Djakovica, en
17 passant par Pec ne sont plus autorisés à utiliser cette voie vu que des
18 bandes terroristes opèrent sur cette route. Il faut prendre des mesures de
19 sécurité pour sauvegarder la vie des membres du corps.
20 Puis, il est dit dans la deuxième partie puisqu'il y a cinq routes entre le
21 Kosovo-Metohija, deux de ces axes routiers n'étant pas sûrs, on précise
22 quels sont les axes routiers qu'il est possible d'utiliser sans
23 compromettre la sécurité à cette époque-là. C'est le gendre d'ordres qu'on
24 recevait du corps d'armée tous les jours.
25 Bien entendu, en cours de transport, nous sommes tenus de respecter toutes
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1 les mesures sécuritaires qui étaient comprises dans des ordres précédents.
2 Je m'explique : si un véhicule quittait Prizren pour aller à Pristina,
3 l'officier de service devait informer l'officier des services à Pristina
4 pour lui dire qu'à telle ou telle heure un véhicule partait de Pristina, et
5 lorsqu'il allait arriver ce véhicule au col de Dulje, c'est là le dernier
6 endroit où il y peut y avoir une transmission radio avec Prizren, à ce
7 moment-là, cette personne est censée appeler l'officier de service à
8 Pristina pour dire qu'il avait passer le col de Dulje, et lorsqu'il arrive
9 à Stimlje, il doit faire rapport au centre opérationnel de Pristina, au
10 centre opérationnel du Corps Pristina pour dire qu'il a franchi la gorge de
11 Semuljeva [phon] et le centre opérationnel de Pristina doit nous avertir du
12 fait que notre véhicule est passé sans encombre sur cette route et est
13 arrivé à Pristina. Il fallait respecter cette procédure pour tout véhicule.
14 Q. Pourquoi autant de précaution ? Autant de sécurité ? Pourquoi on parle
15 d'autant de mesures ?
16 R. C'était nécessaire car on pouvait avoir des attaques ciblant ce
17 véhicule. Si le véhicule n'apparaissait pas, nous savions combien de temps
18 il fallait pour franchir cette route dangereuse, pour intervenir. Si ce
19 véhicule n'arrivait pas, à ce moment-là, on pouvait partir à sa recherche.
20 Q. Très bien. Je vous remercie, Général.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que ceci a été traduit; j'en demande
22 le versement, je parle de l'intercalaire 26.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il est versé.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais avancer et je voudrais demander le
25 versement de l'intercalaire 27, car cela concerne le même genre
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1 d'incidents.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais en passant par un itinéraire différent.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je demande le versement de l'intercalaire
4 27.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.
6 M. MILOSEVIC : [interprétation]
7 Q. Très bien. Nous avons un renseignement venant du colonel Lazarevic qui
8 est le chef d'état-major du corps. Ceci se trouve à l'intercalaire 28. Sur
9 quoi ce document porte-t-il ?
10 R. Il est dit ici qu'il y avait une route qui avait été fermée, la route
11 allant de Djakovica à Ponosevac, Junik et Decani, c'est la deuxième route,
12 parce qu'il y a une voie plus directe de Djakovica à Decani, mais celle-ci
13 c'est une voie goudronnée qui va à Decani. C'est important pour l'armée
14 parce que c'est sur cet itinéraire que les patrouilles frontalières
15 recevaient leurs approvisionnements, elle avait été fermée les jours
16 précédents cette voie. Ici, le chef d'état-major du corps nous informe nous
17 commandants du fait que le 23 mai la route Djakovica, Ponosevac et Morina a
18 été dégagée. On précise quelles sont les unités qui ont participé à la
19 levée de ce blocus.
20 Q. Très bien. Cela a été traduit.
21 R. Il est dit aussi que cinq terroristes ont été capturés.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a audience cet après-midi, ce
23 qui veut dire que nous ne pouvons pas dépasser le temps qui nous est
24 habituellement imparti. Nous allons devoir lever l'audience. Monsieur Nice,
25 vous voulez intervenir. Réponse très rapidement.
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1 M. NICE : [interprétation] La déposition dure déjà une heure et demie. On
2 avait prévu 12 heures, trois journées d'audience. Nous avons maintenant
3 consulté un vingtième des pièces prévues par l'accusé. Est-ce que l'accusé
4 pourrait nous dire maintenant combien de temps il lui faudra pour son
5 interrogatoire principal ? D'après nos estimations cela va faire 20
6 journées à l'interrogatoire principal, mais si on continue à cette cadence
7 il faudrait que nous en soyons informés.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question est raisonnable,
9 Monsieur Milosevic. Alors, quelles sont vos estimations actuelles ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour faire
11 l'utilisation la plus rationnelle possible du temps qui m'est donné, mais
12 lorsque nous allons passer à l'examen des pièces concernant les rapports
13 existant entre l'armée et la KVM, et il y a beaucoup de documents qui
14 parlent de ces rapports, à ce moment-là, je vais demander au témoin de
15 parcourir ces documents de façon globale pour en retirer simplement
16 quelques éléments saillants qui sont caractéristiques sans qu'il s'attarde
17 à l'examen de chacun de ces documents. Mais tous ces documents attestent de
18 la continuité qui existe dans ces rapports.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est très clair que même si la
20 Chambre n'a pas limité l'Accusation lorsqu'elle procédait à ses
21 interrogatoires principaux, la Chambre a toujours le pouvoir
22 discrétionnaire de maîtriser la tenue du procès, et si elle estime que vous
23 ne faites pas bon parti du temps qui vous est imparti, nous allons limiter
24 le temps que vous avez pour l'interrogatoire principal.
25 L'audience reprendra mercredi prochain.
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1 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 29 juin
2 2005, à 9 heures 00.
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