Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 30 août 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

7 continuer votre interrogatoire principal. J'aimerais que vous nous

8 indiquiez combien de temps pensez-vous avoir encore à passer avec ce

9 témoin.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai besoin d'au moins deux jours encore, mais

11 je crois que pendant les trois jours de cette semaine j'en aurai terminé.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne reçois pas d'interprétation,

13 essayez une fois de plus.

14 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise dit qu'il était sur le

15 mauvais canal.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez recommencer, Monsieur

17 Milosevic.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] En me penchant sur mes notes, Monsieur

19 Robinson, j'estime avoir besoin des trois jours que nous avons devant nous

20 pour en terminer avec l'interrogatoire principal de M. Seselj.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, Monsieur Milosevic.

22 Monsieur Seselj, j'aimerais que vous gardiez à l'esprit deux choses,

23 d'abord les interprètes, donc ne parlez pas trop vite et ne parlez pas trop

24 fort non plus.

25 Vous pouvez commencer, Monsieur Milosevic.

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1 LE TÉMOIN: VOJISLAV SESELJ [Reprise]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 Interrogatoire principal par M. Milosevic : [Suite]

4 Q. [interprétation] Monsieur Seselj, la fois passée, nous avons entendu

5 des allégations de la bouche de M. Nice disant que l'objectif de ce qui

6 s'est passé avant était celui de l'agrandissement des territoires. Etant

7 donné que vous avez été dans la Krajina en Bosnie, dites-moi si les Serbes

8 de la Krajina et de la Bosnie ont réagi aux périls qui les ont menacé pour

9 agrandir leur territoire.

10 R. Non, c'est absolument exclu. Les Serbes ont réagi au démantèlement

11 illicite de l'ordre constitutionnel. L'ordre constitutionnel de la

12 Yougoslavie de l'époque ne permettait pas la sécession des unités

13 fédérales. En suivant les principes généraux de la constitution, il y avait

14 le droit des peuples à l'autodétermination, on a estimé que ce droit-là des

15 peuples --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps une seconde,

17 Monsieur Seselj.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais exprimer une opinion

20 concernant ce qui se passe ici, ce qui me préoccupe en effet, c'est de voir

21 trois journées encore de consacrées à l'interrogatoire principal qui, à mon

22 avis, ne se trouve pas à être conforme aux meilleures des intérêts de M.

23 Milosevic.

24 A mon avis, cette question a été simple, vous avez déjà répondu à

25 cette question et vous recommencez à parler de l'ordre constitutionnel,

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1 mais vous l'avez déjà dit à plusieurs reprises comme bon nombre d'autres

2 témoins. J'aimerais que vous vous penchiez sur le fait de savoir si ce type

3 de réponse est d'une utilité quelconque à l'intention des Juges et je crois

4 qu'on pourrait apporter une réponse simple à une question simple.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poser une autre

6 question, Monsieur Milosevic.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais poser une question concrète.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Vous avez parlé d'avoir vu des barrages routiers dans la Krajina, que

10 vous vous êtes rendu personnellement compte de la situation. Est-ce que

11 dans la Krajina, on a posé des barrages routiers aux fins d'accroître les

12 territoires occupés ou alors pour se protéger vis-à-vis des dangers qui ont

13 menacé les gens ? Veuillez nous indiquer quels sont les périls auxquels ont

14 été exposés les gens.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je regrette beaucoup que les Juges de la

16 Chambre ne m'aient communiqué à la l'avance une liste des réponses

17 souhaitables pour que je puisse répondre comme on veut que je le fasse. Par

18 contre, je suis venu témoigner ici sur des faits.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que ceci est tout à fait

20 inconvenable. Je vous convie à faire montre de respect en répondant aux

21 questions.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je fais preuve d'un respect maximum, mais vous

23 ne faites pas montre de respect à mon égard. Je ne sais pas pourquoi vous

24 êtes fâché, nerveux et irrité. Je n'ai jamais fait montre d'une nervosité

25 ou d'une tension ici, Monsieur Bonomy.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, veuillez répondre

2 aux questions. Allons de l'avant.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes sur le territoire croate de l'unité

4 fédérale croate se sont sentis menacés. Le régime à Tudjman leur a supprimé

5 le statut de peuple constitutif. Il a rétabli les symboles oustachi de

6 l'époque et il a commencé immédiatement à persécuter la population serbe.

7 La population serbe avait souvenance de la Deuxième guerre mondiale et du

8 génocide perpétré à l'époque --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu à la question.

10 Question suivante maintenant. Nous n'avons pas besoin d'une répétition

11 incessante de témoignages ou d'éléments de preuve qui nous ont déjà été

12 communiqués. Ceci n'est pas une façon utile de mettre à profit le temps des

13 Juges de la Chambre. Passez à un domaine dont vous n'avez pas encore parlé

14 parce que ces sujets-là, on en a déjà parlé.

15 M. MILOSEVIC : [interprétation]

16 Q. Ne parlons pas maintenant des modifications constitutionnelles et de

17 droit qui se sont faites à son détriment, mais avait-il été clair ou avait-

18 il été laissé comprendre que l'existence des Serbes sur ces territoires

19 était en péril ?

20 R. Oui. Il y a eu bon nombre de situations ou d'incidents où les Serbes

21 ont été victimes. Je tiens à vous rappeler le cas de Miroslav Mlinar,

22 originaire de Benkovci, qui a été arrêté de façon illicite et passé à

23 tabac, il a survécu à grande peine ce passage à tabac.

24 Il y a eu bon nombre de cas de cette nature tout au large de cette unité

25 fédérale croate.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez que je répondre à cette question

3 de façon concrète ou pas, Monsieur Robinson ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez déjà répondu. Vous avez

5 dit qu'il y a eu bons nombres d'incidents et, qu'à votre avis, ce n'était

6 pas une appréhension vague.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. A votre avis, s'agissait-il de la défense de son propre territoire ou

9 de son propre logis ?

10 R. Oui. Il s'agissait de défendre leurs localités et leurs maisons. Dans

11 les territoires où les Serbes étaient majoritaires sur le territoire de

12 l'unité fédérale croate, je dirais que la majorité était des Serbes et les

13 policiers étaient des Serbes. Or, des policiers croates sont venus faire

14 irruption dans ces localités pour se saisir des armes dans les postes de

15 police afin que la police dans ses localités ne puisse pas disposer d'armes

16 dignes de ce nom.

17 Ce sont là des incidents qui ont généré un grand mécontentement et cela a

18 généré des conflits directs entre la population serbe et les forces de

19 police spéciale de la Croatie. Nous avons bon nombre d'exemples, y compris

20 l'exemple de Pakrac début 1991.

21 Q. Est-ce que ces conflits voulaient laisser entendre que les Serbes

22 avaient pour intention d'accroître les territoires sur leur contrôle ?

23 R. Les Serbes n'ont jamais manifesté la volonté, ni le souhait de

24 contrôler un territoire dans lequel il n'aurait pas été majoritaire. Ils ne

25 voulaient pas une sécession vis-à-vis de l'unité fédérale croate, ils se

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1 sont sentis menacés sur le plan existentiel et ils ont voulu empêcher que

2 les forces spéciales de la police portant des insignes oustachi ne viennent

3 s'emparer du contrôle de leurs localités et de leurs villes compte tenu de

4 l'expérience de la Deuxième guerre mondiale époque à laquelle où les Serbes

5 ont été massivement exterminés et où il y a eu un génocide de commis.

6 Q. Bien, penchons-nous maintenant sur l'exemple de Bosnie-Herzégovine. Y

7 a-t-il eu des raisons pour lesquelles il serait donné de conclure que les

8 Serbes de Bosnie-Herzégovine ont réagi aux problèmes auxquels ils faisaient

9 face pour agrandir leurs territoires ?

10 R. Il y a eu deux raisons : leur première raison, c'est que la direction

11 politique musulmane a créé ce qu'ils ont appelé la Ligue patriotique, et

12 cette Ligue patriotique a créé une organisation paramilitaire à elle qui

13 s'appelait les Bérets verts. Cela s'est fait bien avant le début de la

14 guerre civile en Bosnie-Herzégovine.

15 Deuxièmement, il y a eu bon nombre de situations ou d'incidents. L'un des

16 incidents date du 1er mars 1992. A l'occasion d'un mariage serbe dans la

17 vieille église serbe de Sarajevo, église qui date de plusieurs siècles,

18 c'est l'une des plus anciennes églises serbes de Bosnie-Herzégovine, il y

19 avait un mariage serbe. Un groupe de Musulmans a tué le père du jeune

20 marié, Nikola Gajdovic. C'est ce qui a alarmé tous les Serbes tout au large

21 de la Bosnie-Herzégovine et ils ont compris ce qu'on leur réservait comme

22 sort. Une grande partie des Musulmans pendant la Deuxième guerre mondiale

23 avaient été des alliés du régime fasciste en place et ils ont participé au

24 mouvement oustachi, celui-ci a constitué la variante croate des troupes SS,

25 et ces troupes SS --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci, Monsieur Seselj. D'une

2 façon générale, je ne vais pas autoriser des réponses qui excèderaient

3 d'une façon générale quatre ou cinq phrases. Ceci est une règle générale.

4 Je me propose d'exercer mon droit discrétionnaire à cet effet.

5 Monsieur Milosevic, je vous presse de passer des questions générales à des

6 questions concrètes. Il ne s'agit pas seulement du fait de savoir si les

7 Serbes avaient à répondre à quoi que ce soit, la réponse a été apportée à

8 la question que vous avez posée. Ce qui importe, c'est de savoir si les

9 réponses de la part des Serbes se trouvaient en corrélation avec l'un

10 quelconque des incidents cités à l'acte d'accusation. C'est la raison pour

11 laquelle je vous demande de vous concentrer sur ces faits-là. Passez donc

12 des éléments généraux vers les éléments concrets. Nous savons d'ores et

13 déjà quelles sont les thèses de la Défense d'une manière générale.

14 Maintenant, ce que nous voulons savoir c'est si vous disposez d'éléments de

15 preuve qui contesteront les incidents concrets cités à l'acte d'accusation.

16 Veuillez passer à votre question suivante.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne perds pas de vue l'une

18 des thèses principales énoncées par M. Nice et dont nous avons parlé de par

19 le passé, à savoir que l'intention avait été d'accroître le territoire sous

20 notre contrôle. Ce que je veux démontrer, c'est que c'est complètement

21 dénué de sens. Cette allégation se trouve être complètement dénuée de sens.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Seselj, dites-nous si vous avez eu connaissance du plan

24 Cutileiro ?

25 R. Oui.

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1 Q. Je vais vous poser la question qui suit : est-ce que les Serbes ont

2 accepté le plan Cutileiro ?

3 R. Les Serbes ont accepté le plan Cutileiro et ce plan Cutileiro a été

4 établi suivant les instructions de la Communauté européenne, cela

5 s'appelait encore la Communauté européenne, et cela se fondait sur un

6 partage territoriale de la Bosnie-Herzégovine en trois cantons principaux

7 partant de la structure ethnique de la population suivant le recensement

8 datant de 1991.

9 Q. Monsieur Seselj, savez-vous qu'en vertu de ce plan Cutileiro, les

10 Serbes étaient censés posséder quelque 44 % des territoires ?

11 R. Oui, à peu près. Je ne sais plus si c'était 43 ou 44.

12 Q. Peu importe. D'une manière générale, ils ont accepté moins de

13 territoire qu'ils n'en ont obtenu par les accords de Dayton.

14 R. Oui. Tout le monde l'a accepté; les Serbes, les Musulmans et les

15 Croates.

16 Q. Je vous fais revenir à la question qui suit : est-ce là quelque chose

17 qui montre qu'aucune intention n'était là pour ce qui est d'agrandir leur

18 territoire étant donné qu'ils avaient accepté ce que la Communauté

19 européenne leur avait proposé avec cette équipe de négociateurs qui se

20 trouvait à la tête --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. C'est une question

22 directrice. Il n'est pas approprié de poser des questions de cet ordre.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Vous avez répondu en disant qu'ils ont accepté les 44 % du territoire.

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1 Quelle a été votre attitude vis-à-vis de ce plan Cutileiro ?

2 R. Personnellement ainsi que le Parti radical serbe dont je fais partie

3 avons accepté ce plan. Nous avons voulu que les Serbes conservent leur

4 statut de peuple constitutif de la Bosnie-Herzégovine, que celle-ci reste

5 au sein de la Yougoslavie ou pas. Il ne fallait pas qu'on touche à cette

6 qualité de peuple constitutif.

7 Mais dès que le plan a été accepté, la Communauté européenne a reconnu de

8 façon unilatérale l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, et immédiatement

9 après les Musulmans ont renoncé au plan Cutileiro.

10 Je vous rappelle qu'à Sarajevo, c'est vers le 18 mars 1992 que le plan a

11 été entériné. Le 6 avril, coïncidence bizarre, juste à l'anniversaire du

12 bombardement de Belgrade par Hitler pendant la Deuxième guerre mondiale, on

13 reconnaît l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Les Musulmans n'ont plus

14 voulu du plan Cutileiro.

15 Q. Monsieur Seselj, quelles sont vos connaissances au sujet de l'attitude

16 des autres partis politiques ou des groupements politiques au sein de la

17 RFY et de Bosnie-Herzégovine vis-à-vis de ce plan ?

18 R. Pour autant que je me souvienne, aucun parti ou aucune institution

19 politique n'a rejeté le plan Cutileiro jusqu'au moment où les Musulmans n'y

20 ont renoncé après la déclaration de l'indépendance de la Bosnie-

21 Herzégovine. Qui plus est --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez répondu à la question.

23 Merci.

24 M. MILOSEVIC : [interprétation]

25 Q. Qu'est-il arrivé par la suite ?

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1 R. Vers le 18 mars, je ne suis pas tout à fait certain de la date, dès que

2 ce plan Cutileiro a été accepté par toutes les parties, les Serbes et les

3 Musulmans ont commencé à abandonner le contrôle dans les postes de police,

4 dans les localités appartenant à l'un ou à l'autre canton ou province.

5 Appelez-les comme vous voulez. Lorsque les Musulmans ont renoncé au plan

6 Cutileiro, ils ont essayé par la force de regagner certains postes de

7 police qu'ils avaient confiés aux Serbes auparavant, étant donné que cela

8 se trouvait sur le territoire prévu pour qu'il y soit créé un canton serbe.

9 C'est là qu'il y a eu des incidents.

10 Q. Vous parlez de printemps 1992 ?

11 R. Oui, je parle du mois d'avril 1992.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, je me dis que

13 les interprètes, très bientôt, vous demanderont de ralentir. Faites une

14 pause entre les questions et les réponses. D'une manière générale, vous

15 parlez trop vite, Monsieur Seselj.

16 Veuillez continuer, je vous prie.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Tout à l'heure, dans l'une de vos réponses, vous avez mentionné la

19 formation ou la création de cette Ligue patriotique, à savoir, d'une

20 organisation militaire des Musulmans mise au service des conflits armés.

21 Avez-vous connaissance du fait qu'à la date du

22 31 mars 1991, date qui devance d'une année les conflits armés, constitue de

23 nos jours encore une fête dans cette fédération musulmano-croate en sa

24 qualité de date d'anniversaire de la Ligue patriotique ?

25 R. Oui, j'en ai connaissance.

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1 Q. Quelle a été votre attitude à vous vis-à-vis du plan Vance-Owen ?

2 R. Le Parti radical serbe et moi-même avons été contre l'acceptation du

3 plan Vance-Owen. Vous avez soutenu ce plan en votre qualité du poste de

4 président de la République de Serbie. Les autorités de Serbie et de la

5 République fédérale de Yougoslavie l'ont soutenu, l'ont appuyé. Mais le

6 plan a été rejeté par la Republika Srpska. Nous avons été nous aussi contre

7 ce plan, parce qu'en application de ce plan, la Bosnie-Herzégovine s'est

8 vue partagée en neuf cantons avec un statut particulier pour Sarajevo, en

9 sa qualité de 10e canton, du 10e district, peu importe le nom. Trois cantons

10 avaient été prévus avec une majorité serbe, trois avec une majorité croate

11 et trois avec une majorité musulmane. Pour les Serbes, le problème, c'est

12 qu'il n'y avait pas de lien territorial entre ces cantons-là. C'est ce qui

13 a été inacceptable pour les Serbes. Toutefois, ce plan Vance-Owen a donné

14 lieu à des conflits violents entre les Musulmans et les Croates. Parce que

15 dans trois cantons, quoique les Croates aient constitué 17 % de la

16 population, se voyaient attribués 25 % du territoire. Dans trois cantons,

17 les Croates n'avaient pas été majoritaires sur le plan absolu, mais ils

18 étaient relativement majoritaires et ils se sont dépêchés de chasser leurs

19 alliés jusque-là les Musulmans, parce qu'ils voulaient avoir une majorité

20 absolue de la population. C'est ce qui a donné lieu à une guerre encore

21 plus violente que ne l'a été celle entre les Serbes et les Musulmans.

22 Q. Vous avez dit que la Republika Srpska a rejeté ce plan. Vous souvenez-

23 vous du fait que Radovan Karadzic ait signé ce plan à Athènes à l'occasion

24 des négociations conduites pendant le mois de mai ou au début mai 1992 ?

25 R. D'après mes souvenirs, Radovan Karadzic a posé à titre conditionnel sa

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1 signature sur ce plan en attendant une position prise par le parlement

2 national. Le parlement national à Pale a rejeté cela. Vous avez d'ailleurs

3 été présent vous aussi, ainsi que Dobrica Cosic, le président de l'époque

4 de la République fédérale de Yougoslavie, et il y avait le premier ministre

5 de Grèce

6 M. Mitsotakis. Vous avez essayé de convaincre les Serbes de Bosnie

7 d'accepter ce plan. Ils ne vous ont pas écouté; ils ont rejeté ce plan. Je

8 crois que c'est à la session suivante du parlement de la Republika Srpska,

9 Bijeljina, que le plan a été définitivement rejeté.

10 Q. Quelle a été l'attitude des autres partis politiques au sein de la RFY

11 vis-à-vis de ce plan Vance-Owen ? Vous nous avez expliqué qu'elle avait été

12 l'attitude du Parti radical serbe déjà.

13 R. En Serbie, il n'y a que le Parti socialiste de Serbie qui a accepté le

14 plan Vance-Owen. Tous les autres partis de l'opposition, y compris le Parti

15 radical serbe et le Mouvement du Renouveau serbe ont rejeté ce plan Vance-

16 Owen. Cela peut être vu à partir de la tentative d'une tenue d'une

17 assemblée pan-serbe au palais des congrès Sava à Belgrade où étaient censés

18 être présents tous les députés de la République de Serbie, du Monténégro,

19 de la République fédérale de Yougoslavie, de la Republika Srpska et de la

20 République de la Krajina serbe.

21 Parmi le comité d'initiative, enfin de la part du comité d'initiative, il

22 avait été envisagé d'exercer des pressions sur les représentants de la

23 Republika Srpska pour accepter le plan. Mais tous les partis d'opposition

24 ont refusé d'assister à cette session. Le Parti radical serbe a été

25 présent. Nous nous sommes attaqués au plan à l'occasion de cette session,

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1 et tous sont sortis. C'est sans notre présence que cette assemblée n'a pas

2 eu de quorum. Ce qui fait que cette assemblée pan-serbe n'a pu décider de

3 façon valable et de façon valide de cette question.

4 Q. Veuillez nous indiquer quelle a été votre position pour ce qui est du

5 conflit survenu à l'occasion de ce plan entre les autorités de la Serbie,

6 de la République fédérale de Yougoslavie d'une part et de la Republika

7 Srpska d'autre part ?

8 R. Le Parti radical serbe et moi-même, nous nous sommes mis du côté de la

9 direction de la Republika Srpska en nous opposant à vous-même, aux

10 autorités de la Serbie et aux autorités de la République fédérale de

11 Yougoslavie. Nous avons d'abord organisé un grand rassemblement populaire

12 de protestation à Loznica, puis je suis allé Knezina, dans la Republika

13 Srpska pour réclamer de la part des combattants les plus éminents et des

14 commandants militaires de l'armée serbe qui se trouvaient être membres du

15 Parti radical serbe pour en faire de nouveaux vojvodas, de nouveaux ducs de

16 guerre ou chef de guerre serbe pour aller ensuite insister auprès de la

17 direction serbe aux fins qu'elle rejette le plan Vance-Owen.

18 Q. Dites-nous si quelqu'un d'autre l'a fait en Serbie ?

19 R. Tous l'ont fait, y compris Zoran Djindjic, à savoir, le Parti

20 démocratique où il était vice-président, parce que le président du parti

21 était encore Micunovic. Puis, le Mouvement du Renouveau serbe lui aussi

22 était très réservé. Ils n'ont pas apporté leur soutien à la direction de la

23 Republika Srpska, mais ils étaient opposés aux pouvoirs que vous

24 représentiez. Je ne me souviens plus des déclarations officielles faites à

25 l'époque, mais en tout état cause, il n'y a que votre Parti socialiste et

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1 l'autorité que vous aviez qui avaient soutenu ce plan Vance-Owen.

2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous préciser l'une des

3 questions que vous venez de donner ? Une partie de la réponse que vous

4 venez d'apporter a été traduite en disant que : "Les commandants militaires

5 les plus en vue du peuple serbe étaient membres du Parti radical. Je les ai

6 proclamés ducs du Parti radical." Pouvez-vous expliquer cette traduction ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un problème qui vient de vos

8 traducteurs, Monsieur Bonomy. Je les ai proclamés ducs chetniks serbes.

9 D'après nos plus anciennes traditions, le duc chetnik en vie qui est le

10 plus âgé a le droit de proclamer les autres ducs serbes. Je me suis appuyé

11 sur ce droit afin de montrer notre gratitude pour les contributions à

12 l'effort de la guerre. Ils n'étaient pas à la tête de grandes unités

13 militaires. C'était à peu près jusqu'au niveau de la compagnie qu'ils

14 commandaient des troupes. Mais c'étaient des héros de la guerre, de cette

15 guerre.

16 Je ne sais pas si vous êtes au courant : le seul duc chetnik serbe en vie,

17 Momcilo Djuic, duc de la Seconde guerre mondiale qui vivait aux Etats-Unis,

18 il m'a proclamé en 1989 duc - c'était bien avant la guerre - s'il était

19 décédé avant que je ne sois proclamé, la continuité aurait été interrompue.

20 Mais puisqu'il a pu faire ce geste, on a préservé la continuité. Par la

21 suite, j'ai proclamé jusqu'à 20, peut-être, ducs chetniks nouveaux. Je ne

22 peux pas me rappeler tous les noms, mais il y en a un bon nombre dont je me

23 souviens.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je peux --

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci, vous m'avez expliqué la chose.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, est-ce que vous

3 avez entendu la réaction des interprètes ? Ils disent que vous parlez trop

4 fort. Pouvez-vous faire quelque chose pour remédier à cela ? C'est dans

5 votre intérêt.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrête pas de faire des efforts, Monsieur

7 Robinson. Mais parfois, je me laisse emporter par la réponse. Enfin, je

8 ferai des efforts.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Seselj, quelle a été votre attitude à l'égard du plan Owen-

12 Stoltenberg ?

13 R. Le plan Owen-Stoltenberg, c'est un plan, que nous les radicaux serbes,

14 avons accepté. Nous l'avons soutenu, il a été soutenu par tous les partis

15 en Serbie. Il a été accepté par les dirigeants de la Republika Srpska, mais

16 le plan Owen-Stoltenberg a été rejeté par les dirigeants musulmans. Ce plan

17 a été relativement satisfaisant, relativement bon. Il s'appuyait sur le

18 fait qu'en Bosnie-Herzégovine vivaient trois peuples constitutifs, que ces

19 trois peuples avaient sous leur contrôle des cantons ou des provinces ou

20 des entités quel que soit le terme que l'on choisirait. Je ne me souviens

21 pas exactement du terme choisi dans ce plan. Egalement, d'après ce plan, il

22 me semble que la Republika Srpska s'est vue attribuer un peu plus de 54 %

23 du territoire. Cependant, les Musulmans l'ont rejeté, parce qu'ils ne

24 souhaitaient accepter aucun plan qui diviserait la Bosnie-Herzégovine en

25 trois entités. Ce plan-là, il envisageait d'aménager la Bosnie-Herzégovine

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1 de sens qu'elle soit quelque chose à mi-chemin entre une fédération et une

2 confédération. Par certains aspects, ce plan correspondait aux accords de

3 Dayton qui seront signés plus tard.

4 Q. Vous ai-je bien compris ? La raison principale pour laquelle on a

5 accepté ce plan, c'était parce que les trois peuples étaient placés sur un

6 pied d'égalité, et cette égalité était confirmée ?

7 R. Oui, absolument. C'était la raison principale.

8 Q. Par la suite, vous nous avez expliqué quelle a été l'évolution de la

9 situation, que la partie musulmane a refusé le plan. Quelle a été votre

10 attitude à l'égard du plan du Groupe de contact ?

11 R. Pour ce qui est du plan du Groupe de contact, nous avons eu quelques

12 réserves à son sujet, et ce, pour la raison suivante : c'est par avance que

13 la Republika Srpska aurait dû relancer un tiers du territoire qui, à ce

14 moment-là, était placé sous le contrôle de l'armée serbe. C'était plus de

15 70 % de la Bosnie-Herzégovine de l'époque que cela soit ramené à 49 %, et

16 qu'on accepte cela de principe sans qu'il y ait d'accord ou de disposition

17 politique. C'est cela qui a posé problème à nos yeux avant tout. Bien

18 entendu, nous avons fait preuve d'une attitude raisonnable à ce moment-là

19 également. Nous avons estimé que 49 % de la Bosnie-Herzégovine était

20 favorable au peuple serbe. Mais nous avons pris en compte le fait que d'un

21 point du vue économique, c'étaient des territoires moins intéressants.

22 Aussi, il y a un troisième point, qui allait convaincre les Serbes qui

23 vivent sur une autre portion du territoire de se déplacer pour aller

24 s'installer sur des terres qu'ils ne connaissent pas, qu'ils partent vers

25 l'inconnu. C'est cela qui a posé problème aux dirigeants serbes.

Page 43333

1 Ce plan du Groupe de contact ne garantissait pas une solution

2 politique définitive favorable au peuple serbe. Ce plan a demandé en même

3 temps que les dirigeants serbes acceptent par avance que la Republika

4 Srpska soit ramenée à 49 % du territoire.

5 Q. Quelles sont les informations que vous avez au sujet de l'attitude

6 réservée par d'autres groupes ou partis politiques en Yougoslavie à l'égard

7 de ce plan ?

8 R. Si ma mémoire est bonne, votre parti a accepté à l'unisson le plan du

9 Groupe de contact. Il me semble que Draskovic lui a apporté son soutien

10 également à l'époque. Encore une fois, le Parti radical serbe l'a rejeté,

11 et les deux partis démocratiques l'ont rejeté, et ce, pour des raisons que

12 j'ai énoncées.

13 Q. Pour éviter le conflit des autorités de la République de Serbie, les

14 autorités yougoslaves, et d'autre part, des pouvoirs des autorités de la

15 Republika Srpska, qu'avez-vous fait ?

16 R. C'était une question de position adoptée par votre Parti socialiste.

17 C'était en 1995. Vous avez opéré un blocus à l'égard de la Republika Srpska

18 à l'époque. Vous avez interdit à tous les membres des autorités de la

19 Republika Srpska de franchir la Drina à ce moment-là. Nous avons été

20 catégoriquement opposés à ce blocus. En fait, il avait été instauré même

21 avant. Mais en 1995, la situation s'est aggravée. Vous avez même fait venir

22 des observateurs internationaux pour qu'ils surveillent ce blocus,

23 puisqu'il y avait des voix qui s'élevaient à l'étranger en disant que le

24 blocus n'était pas effectif ou efficace, qu'il y avait des violations de

25 celui-ci de la part de la Republika Srpska. En fait, à tous les postes-

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1 frontières sur la Drina, vous avez fait venir des observateurs étrangers.

2 Je dis que c'était votre pouvoir, votre parti, et non pas vous

3 personnellement.

4 Q. Monsieur Seselj, était-ce une forme de pression afin de faire accepter

5 le plan du Groupe de contact comme une base de négociations ?

6 R. Oui, c'était une forme de pression exercée par les autorités serbes et

7 celles de la République fédérale de Yougoslavie, pression exercée sur les

8 autorités de la Republika Srpska --

9 M. NICE : [interprétation] C'est une question directrice même si elle est

10 subtilement formulée. Si l'accusé souhaite apporter une explication à

11 l'objectif qui était celui des événements de l'époque, il peut présenter

12 des éléments de preuve à ce sujet, mais il ne peut pas avancer des thèses à

13 cet effet à l'intention du témoin.

14 Plusieurs choses que je souhaite dire également pendant que j'ai la

15 parole. Ce témoin ne semble pas ralentir et ne semble pas baisser le volume

16 de sa voix. Il est extrêmement difficile de suivre sa déposition. Avec tous

17 nos respects, nous estimons que lui ne fait pas preuve de suffisamment de

18 respect à l'intention de la Chambre.

19 Un deuxième point est que les éléments qu'il apporte, qui ne manquent

20 pas tout à fait de pertinence, il y a beaucoup d'éléments qui ont déjà été

21 évoqués soit par le biais d'autres témoins pendant le contre-interrogatoire

22 ou dans des rapports ou pendant les interrogatoires principaux. Je

23 demanderais à la Chambre de tenir compte du fait que l'accusé a demandé six

24 jours pendant l'interrogatoire principal de ce témoin. Si ceci a lieu, nous

25 aurons utilisé une partie considérable du temps qui lui est imparti pour

Page 43335

1 présenter sa cause.

2 Mon dernier point est que si les éléments que nous venons d'entendre

3 sont valables, et même si c'est quelque chose qui, de toute évidence était

4 très bien préparé, si ces éléments sont valables, ils auraient dû être

5 apportés et auraient pu être apportés par écrit. Mais je demande à la

6 Chambre de demander à ce témoin de ralentir son débit et de parler plus

7 doucement, moins fort.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, pour ce qui est du

9 dernier point qui a été soulevé par l'Accusation, encore une fois, je me

10 suis adressé à vous nombre de fois pour vous dire que vous parliez beaucoup

11 trop vite et beaucoup trop fort. Je regrette de dire, qu'à mon sens, ceci

12 semble traduire une forme d'insécurité émotionnelle si vous avez besoin de

13 parler aussi vite et aussi fort. Pourquoi est-ce nécessaire ? C'est quelque

14 chose que vous pouvez maîtriser; ce qui pose problème aux interprètes.

15 Aussi, ceci a un impact sur l'efficacité de nos débats, si toutes les cinq

16 ou dix minutes, les interprètes doivent vous demander de ralentir votre

17 débit et de parler moins fort.

18 Monsieur Milosevic, vous avez posé une question qui était de toute

19 évidence, une question directrice. Je vous prie, de la reformuler et je

20 vous prie de ne pas perdre de vue le temps qui vous est imparti. Avez-vous

21 vraiment besoin de passer autant de temps à interroger ce témoin ? Parce

22 que nous allons devoir calculer cela au moment où vous allez nous adresser

23 une requête aux fins d'extension du temps au moment où les 150 jours auront

24 expiré. Au lieu de passer les trois jours à venir avec ce témoin, d'après

25 mes appréciations, vous pourriez n'en passer que deux tout en restant aussi

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1 efficace et productif.

2 Je vous en prie, poursuivez.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je tiens compte du fait que

4 M. Seselj est un témoin authentique des événements très importants ou

5 plutôt de tous les événements-clés qui se sont produits dans l'espace de

6 l'ex-Yougoslavie.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Seselj, je vais reformuler ma question. La mise en place de

9 l'embargo, c'était de toute évidence une mesure douloureuse. Dites-nous

10 pourquoi avons-nous opté pour cette mesure ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je dois protester de manière

12 énergique à cause de la qualification psychiatrique de l'insécurité

13 émotionnelle dont s'est servi, Monsieur Robinson, pour qualifier ma prise

14 de parole. Je pense que ceci n'est pas adapté, Monsieur Robinson, puisque

15 dans le domaine psychiatrique, c'est de manière très négative qu'est

16 connotée l'insécurité émotionnelle.

17 La manière dont je parlais, c'est une manière que j'ai depuis que je suis

18 né. Je ne peux pas m'adapter de manière tout à fait outrancière à vos

19 exigences et à vos expectatives. Je parle de manière claire, de manière

20 concentrée --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous interrompre. Je vous ai

22 permis de formuler un commentaire sur ma qualification, la caractérisation

23 que j'ai faite. Je pense que vous avez le droit de le faire.

24 Maintenant, quant à savoir si c'est le cas ou non, c'est dans l'intérêt de

25 M. Milosevic et de toutes les personnes présentes, Monsieur Seselj, que

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1 vous parliez moins fort et moins rapidement. Peu importe ma qualification.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de la question posée par M.

3 Milosevic. Je vais y répondre.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y. Quelle a été la

5 question --

6 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- la question qu'il vous a posée a

8 été une question directrice, me semble-t-il.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais vous m'avez donné la parole pour que j'y

10 réponde. Je me suis servi --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La question a été la suivante : "La

12 mise en place de cet embargo a été sans aucun doute une mesure douloureuse.

13 Pourquoi avons-nous opté pour cette mesure ?" Apportez un commentaire très,

14 très bref à cela.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette mesure a été prise par les autorités de

16 Serbie et de la République fédérale de Yougoslavie, et ce parce que les

17 forces occidentales, compte tenu du fait que d'après leurs appréciations

18 les dirigeants de la Republika Srpska ne souhaitaient pas faire preuve de

19 souplesse, exerçaient des pressions sur Belgrade pour que M. Milosevic joue

20 tout le temps le rôle de médiateur entre les forces occidentales et les

21 autorités de la Republika Srpska. Elles ont cherché à ce qu'il apporte son

22 appui à tout effort de paix.

23 Quant à la République fédérale de Yougoslavie, des sanctions très sévères

24 lui ont été imposées par les forces occidentales sous prétexte qu'elles ne

25 faisaient pas preuve de coopération dans les négociations de paix, il n'y

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1 avait absolument aucune compétence à Belgrade sur les autorités de la

2 Republika Srpska.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Très bien, Monsieur Seselj. Dites-nous quel a été et dites-nous quelle

5 est aujourd'hui votre attitude à l'égard des accords de Dayton ?

6 R. Le Parti radical serbe a été hostile aux accords de Dayton, et ce, pour

7 plusieurs raisons. Tout d'abord, de principe, nous aurions pu nous mettre

8 d'accord pour que la Republika Srpska soit ramenée à 49 % du territoire de

9 l'ex --

10 M. NICE : [interprétation] Quelle est la pertinence dans le cadre de ce

11 procès de la position de ce témoin ou de la position de son parti à l'égard

12 de Dayton ? S'il y a une pertinence, j'écouterais son témoignage avec

13 beaucoup d'intérêt.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la pertinence, Monsieur

15 Milosevic ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] L'accord de Dayton a signifié la fin de la

17 guerre en Bosnie-Herzégovine. L'accord de Dayton a confirmé la Republika

18 Srpska ainsi que la fédération croate ou musulmane. Il est essentiel de

19 savoir quelle a été son importance, sa valeur et quelle a été l'attitude

20 des facteurs politiques en République fédérale de Yougoslavie et en Bosnie-

21 Herzégovine à cet égard.

22 Monsieur Seselj a dit que son parti politique était hostile à cet accord.

23 Je souhaite lui demander, par conséquent, puisque l'accord de Dayton était

24 plus favorable pour la partie serbe que le plan Cutileiro, qu'il nous

25 explique pourquoi -- enfin ce n'est pas lui l'accusé ici, ce n'est pas à

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1 lui de se justifier, mais qu'il nous explique pourquoi ils ont réservé une

2 attitude négative à l'égard de l'accord de Dayton alors qu'ils ont été

3 favorables au plan Cutileiro ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît,

5 Monsieur Milosevic.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre estime que cette question

8 est pertinente.

9 Apportez-nous votre réponse brièvement.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Le Parti radical serbe s'est mis à la tête

11 d'une tendance politique qui militait pour rejeter l'accord de Dayton en

12 Serbie. Nous avons été suivi dans ce mouvement par le Parti démocratique et

13 le Parti démocratique de Serbie. Nous étions hostiles à l'accord de Dayton,

14 et ce, pour la raison suivante : la Republika Srpska ne s'est pas vue

15 accorder une issue à la mer par l'échange des territoires avec la Croatie

16 comme ceci avait été promis dans le secteur de Debelo Brdo, au sud de

17 Cavtat.

18 Ensuite, on n'a pas garanti le lien territorial entre les parties

19 occidentales et orientales de la Republika Srpska, également les Serbes

20 auraient dû quitter tout Sarajevo, voire même Grbavica, et aussi parce que

21 le statut de Brcko a été réglé d'une manière perfide, à savoir on l'a

22 laissé à l'avenir pour que l'arbitrage international en décide. On a dit

23 que la ligne de partage entre les entités au niveau de Brcko allait faire

24 l'objet d'arbitrage. Ceci a été une grande supercherie parce que Brcko dans

25 son ensemble a été extrait de la Republika Srpska pour être proclamé un

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1 district indépendant. On a brisé la continuité territoriale entre les

2 parties occidentales et orientales de la Republika Srpska et lors d'une

3 crise éventuelle future, la partie occidentale se retrouverait complètement

4 coupée et encerclée. Telles ont été nos raisons principales.

5 Aujourd'hui, le Parti radical serbe lutte intensément pour la préservation

6 de l'accord de Dayton car des gouverneurs internationaux en Bosnie-

7 Herzégovine en pratique ont déjà grandement violé les dispositions de

8 l'accord de Dayton, et ce, dans l'objectif de transformer la Bosnie-

9 Herzégovine en un Etat unitaire. D'après les termes des accords de Dayton,

10 les entités avaient une compétence sur les deux armées. Or, maintenant, on

11 a vu ces armées proclamées armée unique. Aujourd'hui, on détruit les

12 entités, on détruit la Republika Srpska pour que les Serbes, voire aussi

13 les Croates de Bosnie-Herzégovine, ne soient que des otages des tentatives

14 internationales visant à éviter la création d'un Etat musulman en Europe.

15 Nous, Serbes, sommes des victimes à double titre.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Je ne vous comprends pas. Vous attribuez cela à l'accord de Dayton ou à

18 la violation de celui-ci ?

19 R. Je vous ai déjà dit quelle a été notre attitude au moment de la

20 signature de l'accord de Dayton, mais à présent l'accord de Dayton est

21 violé surtout par les protagonistes internationaux qui devraient le

22 préserver et le mettre en œuvre. C'est cela le danger principal qui pèse

23 sur le peuple serbe. On fait du chantage sans arrêt aux autorités serbes

24 par toute sorte de menaces même en les menaçant qu'ils se retrouveront à La

25 Haye s'ils n'acceptent pas les ultimatums d'un certain nombre

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1 d'intermédiaires internationaux ou plutôt du gouverneur en Bosnie-

2 Herzégovine. Aujourd'hui, c'est Paddy Ashdown, avant c'était un autre,

3 c'était l'autrichien Westendorf.

4 Q. Très bien, Monsieur Seselj, y avait-il une possibilité telle quelle

5 soit, pouvait-on modifier les accords de Dayton sans qu'il y ait

6 approbation --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Nous n'avons pas besoin

8 d'aborder cela. Passons à un autre sujet.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Seselj, vous avez évoqué le moment où nous nous sommes

12 rencontrés pour la première fois, le moment où nous nous sommes entretenus

13 pour la première fois. Prenons maintenant cette première occasion, la

14 deuxième ou ces différentes occasions, essayez de situer cela dans le

15 temps. Mais la chose qui m'intéresse le plus, c'est la chose suivante : que

16 ce soit d'après le moment où ils se sont situés ou d'après la substance de

17 nos entretiens, comment est-ce qu'ils rentrent dans le cadre de ces thèses

18 de l'entreprise criminelle commune ?

19 R. Ceci ne cadre absolument pas avec la thèse de l'entreprise criminelle

20 commune parce que nous avons eu des périodes de coopération --

21 M. NICE : [interprétation] Mais de quel genre de questions s'agit-il ici ?

22 Ce qui pourrait apporter des éléments à la Chambre, ce serait des questions

23 portant sur des faits, des faits au sujet de ces rencontres. Il appartient

24 à la Chambre, en dernière instance, de trancher si ceci rentre dans la

25 thèse de l'entreprise criminelle commune ou non. Je dois dire que ce sont

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1 des questions qui semblent appeler des réponses préparées à l'avance.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, il ne sera pas

3 utile que la Chambre entende des éléments de preuve qui portent sur le fait

4 de savoir comment les entretiens entre M. Seselj et vous-même cadrent avec

5 la thèse de l'entreprise criminelle commune. Nous souhaiterions que vous

6 posiez des questions spécifiques puisque les questions générales ne vont

7 pas nous aider. Posez à M. Seselj des questions spécifiques relatives à

8 l'acte d'accusation ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne comprends pas cette

10 explication qui vient d'être apportée par M. Nice, à savoir que ces

11 questions et ces réponses ont été préparées par avance. Je ne vois pas où

12 il veut en venir ? Que veut-il dire par cela ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux pas rentrer dans ce

14 débat, absolument pas. Ceci ne me préoccupe pas. Ce qui m'intéresse, c'est

15 de savoir si les questions que vous posez sont pertinentes et si elles vont

16 apporter des éléments utiles à la Chambre.

17 Compte tenu de la manière dont vous avez formulé votre dernière question,

18 elle ne nous sera pas utile. Posez une autre question.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Seselj, procédons de manière purement factuelle. A quel moment

22 nous sommes-nous rencontrés et de quoi avons-nous parlé, à plusieurs

23 reprises, au cours de ces années-là, à partir de notre première rencontre

24 jusqu'à la fin de la guerre ?

25 R. Donc --

Page 43343

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous ne voulons pas savoir de quoi

2 vous avez parlé avec M. Seselj. Nous voulons savoir la teneur de vos

3 conversations qui a à voir avec un point spécifique de l'acte d'accusation.

4 [La Chambre de première instance se concerte]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, mes collègues

6 voient où vous voulez en venir, mais vous n'avez pas posé votre question de

7 manière adéquate. Vous pouvez, par exemple, obtenir une réponse disant que

8 vous avez eu juste des conversations informelles. Mais ce n'est pas quelque

9 chose qui nous intéresse.

10 Il y a une allégation disant que vous-même, M. Seselj, ainsi que d'autres

11 personnes avaient participé à une entreprise criminelle commune. Il

12 pourrait être pertinent de savoir quel genre de discussions vous avez eu à

13 cet égard. Mais de la manière dont vous l'avez formulé, vous risquiez de

14 recevoir une autre réponse. Je voudrais que vous reformuliez votre

15 question.

16 M. MILOSEVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur Seselj, à quel moment nous sommes-nous rencontrés et de quoi

18 avons-nous parlé ?

19 R. Comme je l'ai déjà dit, nous nous sommes rencontrés pour la première

20 fois, en mai 1992. Nous avons parlé, à ce moment-là, des élections

21 fédérales qui allaient se produire dans peu de temps.

22 Q. Je vous interromps un instant. En mai 1992, lorsque nous avons parlé

23 des élections fédérales qui allaient venir, est-ce qu'à ce moment-là, nous

24 avons abordé la question de la Bosnie-Herzégovine ou de la Croatie, ou tout

25 autre sujet hormis la question des élections fédérales ?

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1 R. Non, les autres sujets n'ont pas été abordés. Toute cette conversation

2 a duré une heure ou deux. Je n'arrive pas à me rappeler précisément, mais

3 toute cette conversation portait sur le fait que d'après les instructions

4 des ambassades étrangères à Belgrade et des services secrets étrangers, il

5 y a eu refus des partis politiques pro-occidentaux de participer aux

6 élections. Les élections se sont ramenées à deux seuls partis de taille,

7 votre Parti socialiste et le Parti radical serbe. Vous vouliez entendre mon

8 avis là-dessus. Vous vouliez savoir si notre parti allait boycotter les

9 élections ou non. A ce moment-là, je vous ai fait savoir quelles étaient

10 les informations que nous avions sur l'activité des services de

11 Renseignement étrangers. Je vous ai dit que, très catégoriquement, nous

12 allions participer aux élections puisque nous avions reconnu la République

13 fédérale de Yougoslavie telle que proclamée le 27 avril.

14 Q. Ces partis politiques qui ont boycotté les élections, quelle a été leur

15 attitude à l'égard des électeurs, les citoyens, puisque eux, ils sont allés

16 voter, non ?

17 R. Dans leur grande majorité, les électeurs sont allés voter. Le Parti

18 radical serbe a remporté lors de ces élections fédérales à peu près un

19 tiers des sièges pour ce qui est du territoire de Serbie et trois sièges au

20 Monténégro.

21 Q. Très bien. Cette rencontre nous l'avons eue en mai 1992, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Cette rencontre a concerné les élections fédérales en République

24 fédérale de Yougoslavie. La prochaine rencontre, vous vous en souvenez ?

25 R. Je me souviens de la plupart de ces rencontres et même de manière assez

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1 précise. La fois suivante, c'était après les élections, vous m'avez

2 convoqué. Vous m'avez demandé que Dobrica Cosic soit notre candidat au

3 poste du président de la République fédérale de Yougoslavie, même si notre

4 candidat précédemment nommé d'après les négociations qu'il y a eues entre

5 les différents partis, c'était Svetozar Marovic [phon], mais les radicaux

6 étaient favorables à Kostic. Vous m'avez proposé de favoriser Cosic, ce que

7 j'ai accepté. Mais Cosic ne voulait pas être un candidat des différents

8 partis politiques, il voulait être candidat des différentes associations de

9 Serbes de Croatie et de Serbie. C'est ce que nous avons fait, nous avons

10 procédé de cette manière-là et les Monténégrins l'ont accepté.

11 Nous nous sommes rencontrés ensuite au moment de la candidature de Panic,

12 Milan Panic qui était candidat au président du gouvernement fédéral.

13 C'était un businessman américain de Californie. Notre opinion publique le

14 connaissait déjà parce qu'il avait participé à la privatisation de

15 Galenika. Cette rencontre se situait un samedi, je m'en souviens bien. Vous

16 avez envoyé quelqu'un de la Présidence de Serbie à 11 heures du soir, venir

17 me chercher pour que je signe. On m'a proposé de signer un communiqué

18 public que vous aviez déjà signé vous-même ainsi que Vlajko Stojiljkovic

19 qui était, à l'époque, président de la Chambre de commerce de Serbie pour

20 que Milan Panic soit notre candidat commun. A l'époque, je n'avais entendu

21 rien de mal au sujet de Panic. Je pensais que c'était un patriote serbe de

22 Californie et de principe, j'étais d'accord et j'ai signé ce communiqué.

23 Dès le lendemain matin, ce communiqué a été diffusé par tous les médias.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur

25 Milosevic, continuez.

Page 43346

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Vous souvenez-vous d'autres réunions que nous avons eues, Monsieur

3 Seselj ?

4 R. Si je me souviens bien, nous avons eu une autre réunion, cette année-

5 là. J'ai essayé de vous convaincre de la nécessité de renverser Milan Panic

6 à l'assemblée fédérale, vous aviez eu beaucoup de critiques, vous aussi.

7 Mais cette fois-là, vous ne vouliez que votre parti participe à cette

8 tentative. Donc, c'est à l'initiative du Parti radical serbe qu'il y a eu

9 un vote, et nous avons été les seuls à voter en faveur de son renversement.

10 Il y a eu un autre tour, un autre vote, et vous avez voté avec nous, votre

11 Parti radical serbe. C'était une décision prise par le dirigeant de votre

12 parti au parlement dans ce sens.

13 Notre réunion suivante, c'était en décembre 1993 après les élections,

14 mais plutôt en janvier 1994. Nous avions un nouveau premier ministre

15 fédéral à l'époque. Vous étiez président de Parti socialiste de Serbie, et

16 j'étais président du Parti radical serbe. Vous étiez aussi président de la

17 République de Serbie.

18 Nous nous sommes dits que Milan Panic ne pouvait pas, de toute façon,

19 quoi qu'il en soit, rester premier ministre. Notre parti avait déjà décidé

20 qu'il fallait un vote de méfiance à son égard, qu'une requête motion devait

21 être déposée dans ce sens, et nous étions en faveur de Radoje Kontic du

22 Monténégro.

23 Q. Vous venez de parler que de 1992, de 1993 et 1994.

24 R. Oui, maintenant nous parlons de 1993.

25 Q. Fort bien.

Page 43347

1 R. C'est en décembre 1992 qu'ont eu lieu les élections. Notre réunion

2 suivante devait parler du plan Vance-Owen.

3 Q. Vous avez déjà expliqué cela; le plan Vance-Owen.

4 R. Je voudrais vous rappeler une autre règle. La dernière fois que vous

5 avez essayé de me persuader d'accepter le plan Vance-Owen, c'était dans la

6 rue Boticeva, dans la villa d'Etat. Vous m'avez appelé, je suis venu. Vous

7 avez essayé de me persuader, de me convaincre. Cela a pris longtemps, mais

8 vous n'y êtes pas parvenu.

9 Q. Donc, c'est en 1993.

10 R. En mai 1993.

11 Q. Le sujet de cette réunion, c'était la façon de mettre fin à la guerre

12 en Bosnie-Herzégovine. C'est là-dessus que portait le plan Vance-Owen.

13 R. Oui, vous essayiez de me montrer les avantages que représentait ce

14 plan. J'y étais opposé, et j'y ai présenté des arguments pour le contrer,

15 et nous ne sommes pas parvenus à un accord quel qu'il soit.

16 Q. Fort bien. Puisque l'ordre du jour le sujet était la Bosnie dans son

17 sens le plus large, cette discussion que nous avons eue à propos du plan

18 Vance-Owen, est-ce que ceci peut se remettre dans le contexte d'une

19 entreprise criminelle commune quelconque ?

20 R. Pour moi, le plan Vance-Owen, c'était un plan de paix; ce n'était pas

21 une entreprise criminelle.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce genre de commentaire est hors de

23 propos.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus à dire à propos de nos

2 réunions ?

3 R. Nous avons eu une autre rencontre, si je me souviens bien, au début du

4 mois de septembre 1993. Le Parti radical serbe avait pris des mesures pour

5 essayer d'entraîner le remplacement du gouvernement qui était dirigé par

6 Nikola Sainovic. Nous avions soutenu ce gouvernement minoritaire pendant

7 six mois. Vous avez essayé de ne pas tenter de renverser le gouvernement.

8 Vous aviez toutes sortes de mesures dans le cadre d'un programme

9 économique, mais le rapport était très perturbé à ce point à cause du plan

10 Vance-Owen que nous ne sommes pas parvenus à un accord. Très vite, il y a

11 eu une forte opposition entre nos deux partis.

12 Q. C'est tout ce que vous pouvez dire à propos de nos réunions ?

13 R. Il n'y a pas eu d'autres réunions, et ce, jusqu'en 1997. La réunion

14 suivante, elle a eu lieu en 1997 au moment où vous avez été élu président.

15 Nous, les radicaux serbes, nous avions voté contre vous. Mais une fois que

16 vous avez été élu, nous avons assisté à une réception que vous aviez

17 organisée dans le bâtiment de l'assemblée fédérale à l'occasion de cette

18 élection.

19 Q. Pendant toute la durée de ces contacts que nous avons eus -ici, je ne

20 veux pas poser de questions directrices - je vous demande ceci : comment a-

21 t-on traité du problème que représentait la guerre civile en Bosnie-

22 Herzégovine ?

23 R. Vous n'avez eu de cesse que de soutenir toutes les activités de paix.

24 Mon parti en a soutenu certaines, en a rejeté d'autres. Il y avait le plan

25 Cutileiro, le plan Owen-Stoltenberg. Pour nous, c'étaient des plans qui

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1 nous semblaient corrects. On était assez d'accord vous et moi, mais nous

2 n'étions pas du tout sur la même longueur d'onde pour le plan, ou l'accord

3 de Dayton. On ne peut pas dire qu'il y avait un point de vue commun entre

4 nous. Nous les radicaux serbes en principe, nous nous imposions à toute

5 ingérence étrangère dans les affaires des Balkans, car nous n'avons jamais

6 fait confiance aux puissances occidentales. On a toujours pensé qu'elles

7 essayaient de nous duper, de nous tromper, de faire du mal au peuple serbe.

8 Et vous, vous avez toujours été prêt à négocier.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Seselj, j'espère que nous avons maintenant précisé la nature

12 des rapports qui existaient entre ces soi-disant participants à la

13 prétendue entreprise criminelle commune.

14 R. Oui, mais je vous rappelle que ceci n'était en rapport qu'avec ce qu'on

15 appelle le volet croate de l'acte d'accusation. Mais dans l'acte

16 d'accusation portant sur la Bosnie, certains noms sont différents.

17 Q. Où se trouve la différence entre ces deux actes d'accusation ?

18 R. Pour ce qui est des noms des représentants officiels de la Republika

19 Srpska ou de la RSK qui sont mentionnés.

20 Q. Je ne vous ai pas posé de questions à propos des noms qui se trouvent

21 dans le volet Bosnie de l'acte d'accusation.

22 R. Exact.

23 Q. Même s'il y a le même nombre de chefs d'accusation, si je ne m'abuse,

24 mais enfin je vais vérifier.

25 R. Ici, on donne le nom de Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik, Biljana

Page 43350

1 Plavsic, Ratko Mladic, qui eux, ne sont pas mentionnés dans ce qu'on

2 appelle apparemment le volet croate de l'acte d'accusation.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit de quel paragraphe ?

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Paragraphe 7 du soi-disant acte d'accusation

5 concernant la Bosnie. Nous avons quatre noms qui ne figuraient pas

6 auparavant en tant que participants à la soi-disant entreprise criminelle

7 commune.

8 M. MILOSEVIC : [interprétation]

9 Q. Quels sont ces noms ?

10 R. Radovan Karadzic, Momcilo Krajisnik, Biljana Plavsic et Ratko Mladic.

11 Q. En d'autres termes, les dirigeants de la Republika Srpska.

12 R. Oui.

13 Q. Nous avons parlé des participants à l'entreprise criminelle commune

14 dans cette liste, mis à part ces quatre noms. Parlez-nous de ces quatre

15 noms, et parlez-nous de l'attitude que vous avez envers de chacune de ces

16 personnes. D'abord, Karadzic.

17 R. J'ai rencontré pour la première fois Radovan Karadzic dans la seconde

18 quinzaine du mois de mars 1991. J'étais à la tête d'une délégation du Parti

19 radical serbe. Nous sommes arrivés à Pale. Nous avons parlé de questions

20 politiques générales, nous avons parlé de la situation qui prévalait dans

21 toutes les terres serbes. Radovan Karadzic s'intéressait particulièrement à

22 ce que nous pensions de la situation en Serbie après les événements bien

23 connus du 9 mars. C'est quelque chose qui avait été provoqué par les partis

24 politiques pro-occidentaux.

25 Puis, nous nous sommes rencontrés le 6 mai 1992. Je suis revenu à ce

Page 43351

1 moment-là en Republika Srpska, pas loin de la cave de Novak en Romanija. Il

2 y a eu un grand rassemblement. J'avais un rendez-vous avec la

3 radiotélévision de Sarajevo. C'était en 1991. Là aussi, certains

4 protagonistes politiques musulmans avaient organisé une manifestation

5 s'opposant à ce que je fasse partie de cette émission. L'émission a été

6 supprimée. Aleksandar Tijanic et Mirjana Bobic qui avaient organisé, qui

7 étaient les présentateurs ont pratiquement été lynchés. Je me suis

8 recueilli sur la tombe de mon père. Je suis allé voir ma sœur à Sarajevo.

9 Le cimetière où je suis allé est dans un quartier où il y a surtout des

10 Musulmans. Il n'y a eu aucun incident même si beaucoup m'ont vu. Ils ont

11 attaqué quand même les animateurs de cette émission télévisée, qui étaient

12 venus de Belgrade pour faire cette émission à Sarajevo.

13 J'avais de bons rapports avec Radovan Karadzic. Il a toujours eu des

14 rapports beaucoup plus amicaux avec Zoran Djindjic et Vojislav Kostunica

15 qu'avec moi, parce que Karadzic était jaloux de notre parti politique. Nous

16 avions notre Parti radical serbe en Serbie, et Karadzic ne voulait pas que

17 quelqu'un soit son rival en Republika Srpska, surtout lorsque le

18 patriotisme était en jeu. Il était dans une coalition avec le Parti du

19 Renouveau serbe de Vuk Draskovic et lorsque les députés quittaient

20 l'assemblée, parce que les Musulmans et les Croates voulaient avoir plus de

21 votes, plus de voix qu'eux. C'était important.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Merci.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très important.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, j'aimerais vous

Page 43352

1 demander une chose. A votre avis, qu'est-ce qui a tellement indigné les

2 protagonistes politiques musulmans pour les pousser à faire une

3 manifestation contre cette émission télévisée à laquelle vous deviez

4 participer ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais bien connu dans toute l'ex-Yougoslavie

6 en tant que nationaliste serbe. Certains facteurs politiques musulmans

7 étaient un peu provoqués par le fait, que de façon publique et catégorique,

8 que j'aie affirmé qu'il n'y avait pas de nation musulmane, que c'était là

9 une nation artificielle qui avait été construite par les communistes, en

10 fait, que c'étaient des Serbes de confession musulmane dont les origines

11 étaient serbes, qui parlaient serbes, et qui, pendant l'occupation turque,

12 s'étaient convertis à l'Islam afin de maintenir leur statut social ou pour

13 grimper dans l'échelle sociale. C'est ce qui a tellement indigné certains

14 lecteurs politiques ou certains facteurs. Ils n'étaient pas dans le

15 gouvernement, si je me souviens bien. Je parle ici de cette opposition

16 politique. Leur dirigeant Muhamed Filipovic a parlé à l'occasion de ce

17 meeting de protestation, si je me souviens bien.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite Monsieur Seselj ? Quel genre de

22 rapports avez-vous eus ou existait-il entre les députés serbes de Bosnie-

23 Herzégovine au parlement, vu leur affiliation de partis lorsqu'ils ont été

24 battus au niveau de voix et à l'occasion de cette session de nuit sans les

25 Serbes ?

Page 43353

1 R. Après les élections parlementaires en Bosnie-Herzégovine, une coalition

2 forte avait été établie entre le Parti démocratique serbe de Radovan

3 Karadzic et le Mouvement de Renouveau serbe de Vuk Draskovic qui avait

4 plusieurs députés. Pas beaucoup; trois, quatre ou cinq. C'était important.

5 Parce que tous les partis serbes étaient solidaires. Ces deux partis ont

6 quitté la séance de l'assemblée et ont établi l'assemblée du peuple serbe

7 de Bosnie-Herzégovine. Ils ont été rejoints par des députés des forces

8 réformatrices, de ce mouvement qui avait à sa tête Ante Markovic et Dragan

9 Kalinic, qui était leur dirigeant à l'assemblée. Dragan Kalinic a rejoint

10 lui aussi l'assemblée du peuple serbe. Je ne sais pas combien de temps

11 s'est écoulé avant qu'il ne devienne membre du Parti radical serbe.

12 Q. Vous parlez de Radovan Karadzic en ce moment. Dites-moi, quel genre de

13 coopération avez-vous eue ? Sur quoi portait-elle ? Est-ce qu'on peut

14 établir un lien entre cela et les allégations de

15 M. Nice ?

16 R. Nous avions une position patriotique en principe. C'était lui aussi un

17 nationaliste serbe. Il était votre rival idéologique parce qu'il était

18 aussi anticommuniste. Il était contre la gauche. Je ne peux pas dire que

19 votre parti était un parti communiste plus tard, mais c'était un parti de

20 gauche. Vous n'auriez pas pu être sur la même longueur d'onde sur le plan

21 idéologique. Le Parti radical serbe et le parti de Radovan Karadzic

22 voulaient que soit rétabli le Mouvement chetnik serbe. Votre Parti

23 socialiste a toujours été radicalement contre cette idée de rétablir, de

24 restaurer le Mouvement chetnik serbe.

25 Q. Je vous demande dans quelle mesure vos rapports avec Radovan Karadzic

Page 43354

1 peuvent venir étayer cette allégation qui invoque - et je vais parler de

2 façon en utilisant un euphémisme - qui parle d'une opposition par rapport

3 aux Musulmans et Croates ?

4 R. Radovan Karadzic n'était pas contre les Musulmans et les Croates. Il

5 les a avertis à temps. Il leur a dit de ne pas faire sécession, parce

6 qu'une telle chose risquait d'entraîner un conflit sanglant dans lequel les

7 Musulmans allaient souffrir. Je ne peux pas vous redonner intégralement ce

8 qu'il a dit, mais c'est ce qu'il a dit au fond à l'assemblée de Bosnie-

9 Herzégovine avant la déclaration de l'indépendance.

10 Q. Précisons ceci. D'après ce que vous savez et d'après tous les rapports

11 que vous avez eus avec lui, Karadzic n'avait jamais eu une attitude

12 négative contre les Musulmans et les Croates.

13 R. Jamais, de principe. Plus tard, il a collaboré intensivement avec les

14 Croates pendant toute la guerre. Il y avait énormément de coopération avec

15 Boban qui était le président de la communauté croate d'Herceg-Bosna, qui

16 est devenue plus tard la République croate d'Herceg-Bosna, si je me

17 souviens bien. A plus d'une reprise, il a sauvé les Croates. Par exemple,

18 l'armée de la Republika Srpska a sauvé les Croates à Vares lorsqu'il y

19 avait de nombreux combats entre les Musulmans et les Croates, et l'un où

20 des Croates civils avaient été encerclés. Il a sauvé 5 000 personnes à

21 Kiseljak en Herzégovine. Il y a eu coopération entre eux.

22 Q. Par conséquent, les Serbes n'ont pas combattu les Croates en Bosnie.

23 R. Mis à part 1991, avant le début de la vraie guerre en Bosnie-

24 Herzégovine, lorsque les forces paramilitaires croates ont pris

25 l'Herzégovine occidentale. A ce moment-là, il y a eu une opposition entre

Page 43355

1 ces formes paramilitaires et la JNA lorsqu'on a appelé le théâtre de guerre

2 de Mostar. Par la suite, il n'y a plus eu de conflit véritable avec les

3 Croates, et ce, jusqu'en 1995.

4 En 1995, il y a eu des combats après le bombardement de la Republika

5 Srpska, parce que l'armée croate avec l'armée musulmane a attaqué sur tous

6 les fronts, et avec l'aide de bombardiers ou de chasseurs occidentaux, ils

7 ont pris une grande partie de la Republika Srpska.

8 Q. Nous parlions de vos rapports avec Radovan Karadzic. Y aurait-il quoi

9 que ce soit susceptible d'indiquer que vous ou Radovan Karadzic aviez une

10 attitude négative envers les Musulmans ? Laissons de côté les Croates

11 puisqu'il n'a pas de problème avec eux.

12 R. Il y avait une guerre entre les Musulmans et les Serbes orthodoxes.

13 Nous étions du côté des Serbes orthodoxes. Nous nous sommes rangés d'un

14 côté de la guerre. Lui, il dirigeait la Republika Srpska, je dirigeais le

15 Parti nationaliste serbe. Nous avons soutenu les nôtres. Nous voulions être

16 vainqueurs, mais jamais nous n'avons méprisé les Musulmans. Il n'y avait

17 pas de condescendance, de haine. Nous avons toujours dit qu'on avait abusé

18 des Musulmans dans cette guerre contre les Serbes, que ce sont eux qui

19 étaient les victimes à combattre pour des intérêts étrangers et pas pour

20 leurs propres intérêts.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au cours du week-end, j'ai trouvé certains

24 documents qui s'inscrivent dans les questions que je suis en train de poser

25 à M. Seselj en ce qui concerne les activités de

Page 43356

1 M. Karadzic à l'époque. Malheureusement, je n'ai pas pu faire de photocopie

2 ce week-end. Je n'ai le texte qu'en anglais et en serbe. Je vais demander à

3 M. Seselj de donner lecture du texte en serbe --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devez demander d'abord

5 l'autorisation de la Chambre.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. NICE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, tout d'abord savoir

8 de quelle catégorie de documents il s'agit ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Sur quoi porte ce document ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un ordre donné par Radovan Karadzic

11 le 19 août 1992. C'est l'année 1992. Je vais demander à M. Seselj s'il a

12 des informations à propos de ce genre d'activités, à propos de ces efforts.

13 Cela a été traduit en anglais. La signature est celle de Radovan Karadzic

14 parce que cela a été envoyé, à l'époque, à des représentants du monde

15 politique international déjà présents en 1992 en Bosnie-Herzégovine.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plaçons la version en anglais sur le

17 rétroprojecteur.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est dans le classeur ?

20 M. MILOSEVIC : [interprétation]

21 Q. Non, non. Je l'ai trouvé ce week-end seulement. Je vais vous demander

22 d'examiner ce document. Première page -- est-ce que vous le voyez cet

23 ordre ? Il est adressé au Grand état-major de la République serbe, c'est

24 comme cela qu'il s'appelait à l'époque, ministère de l'Intérieur et c'est

25 adressé à tous les centres de sécurité publique.

Page 43357

1 R. Vous savez, je ne parle pas anglais. Alors donnez-moi le texte en

2 serbe.

3 Q. Fort bien. Le voici. Cela veut dire que je n'aurai pas le texte sous

4 les yeux, mais je vais vous demander de lire les points les plus

5 importants, y compris la fin. J'ai souligné certains passages, je vous

6 demande de les lire, l'ordre n'est pas long. Ce sera plus facile de lire

7 les points les plus importants.

8 Voici ma question, Monsieur Seselj : êtes-vous au courant des activités,

9 des efforts entrepris par les dirigeants de la Republika Srpska avec, à

10 leur tête, Radovan Karadzic pour trouver une solution à la problématique

11 mentionnée ici ? L'anglais est sur le rétroprojecteur, lisez le texte.

12 R. Dans ce document, en tant que président de la République serbe, Radovan

13 Karadzic, s'adresse aux membres du Grand état-major dans la Republika

14 Srpska, après s'adresse à tous les centres de la sécurité publique et dit

15 ceci : "D'après l'application de l'ordre officiel du 30 juin 1992, en ce

16 qui concerne le respect des lois internationales de la guerre, je répète

17 mon ordre." Donc, ce n'est pas la première fois qu'il donne cet ordre.

18 Il dit que : "Toutes les obligations du droit humanitaire

19 international, surtout les 3e et 4e conventions de Genève, soient appliquées

20 par tous.

21 "2. J'ordonne que toutes les instructions soient données à tous les soldats

22 et officiers du ministère de l'Intérieur pour que soit respecté les

23 personnes emprisonnées, les civils, les installations médicales, les lieux

24 publics et privés, l'emblème de la Croix Rouge, son personnel, ainsi que

25 les installations des Nations Unies.

Page 43358

1 "3. Que soit empêché le transfert forcé d'individus et toutes autres

2 mesures illégales. Tout certificat concernant la vente de biens ou des

3 déclarations écrites faites par des réfugiés qui promettent ce faisant de

4 ne pas rentrer chez eux, de décider que de tels certificats sont légalement

5 nuls et non avenus.

6 "4. Que les mesures soient prises immédiatement pour améliorer les

7 conditions qui prévalent dans les lieux de détention en République serbe,

8 conformément aux recommandations faites par la Croix Rouge internationale à

9 l'occasion de ses visites dans ces endroits. Il est ordonné aussi que tous

10 les prisonniers de guerre qui ne sont pas en bonne santé et qui ne sont pas

11 susceptibles de rejoindre l'armée ennemie soient libérés immédiatement.

12 "5. Que la Croix Rouge internationale soit informée immédiatement de tous

13 les lieux de détention situés en république serbe et que soient données les

14 listes exactes de toutes les personnes se trouvant dans ces lieux de

15 détention.

16 "6. J'ordonne que tous les membres de l'armée et de la police de la

17 République serbe respectent leur obligation qui est de soutenir le

18 personnel de la Croix Rouge internationale, du Haut-commissariat des

19 Nations Unies aux réfugiés et d'autres organisations humanitaires. Toute la

20 sécurité de ces personnes doit être assurée et elles doivent pouvoir avoir

21 accès à tous les lieux de détention où se trouvent des prisonniers de

22 guerre.

23 "Instruction générale : Toutes les instances de l'armée et de la police

24 dans leurs zones de responsabilité respective ont pour obligation de mener

25 des enquêtes complètes s'il a des doutes ou des signes quant à la violation

Page 43359

1 du droit international humanitaire."

2 Le numéro est 01-530/92, août 1992.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous allez dire merci au Juge Kwon

4 qui vous dira que c'est déjà une pièce de la Défense qui porte la cote 193.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je remercie Monsieur Kwon. Je sais que cela a

6 été versé au dossier et je représente ce document ici parce que je voulais

7 savoir ce qu'allait dire M. Seselj. Quant à ce qu'il sait, lui, des efforts

8 entrepris par les dirigeants de la Republika Srpska et, en particulier, par

9 son président, Radovan Karadzic, efforts entrepris pour que toutes les

10 mesures nécessaires soient prises afin d'assurer la protection de membres

11 de la communauté d'appartenance musulmane ou croate, quelle que soit

12 l'appartenance ethnique de ces personnes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous posez ce genre de questions,

14 vous allez avoir une réponse longue. Or, je veux qu'elle soit courte.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je suis à même de vous

16 confier certaines connaissances personnelles que j'ai parce que j'ai parlé

17 en juin 1996 avec Radovan Karadzic. Ce qui ne se retrouve pas dans ce

18 document. J'étais avec une délégation du Parti radical serbe, j'étais avec

19 Tomislav Nikolic, Poplasen qui est notre représentant en Republika Srpska,

20 Mirko Blagojevic et d'autres associés, c'étaient des proches associés.

21 Notre conversation avec Karadzic a duré une journée près de Pale, à Gorane.

22 C'était en juin 1996, Krajisnik, Koljevic était là aussi. Biljana Plavsic

23 nous a rejoints plus tard et j'ai demandé, notamment --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que ceci est en rapport avec

25 la question portant sur l'application et le respect du droit international

Page 43360

1 humanitaire ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Soyez bref.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé plusieurs questions à Radovan

5 Karadzic, questions qui concernaient Srebrenica. Il a dit, sans aucune

6 ambiguïté, que les forces serbes n'avaient pas chassé de civils musulmans.

7 Il a dit que des forces serbes avaient offert aux civils musulmans de

8 rester sur place, tout en étant pleinement protégés, mais les représentants

9 des civils musulmans ont insisté sur la nécessité de partir. Un accord a

10 été alors signé qui parlait du départ volontaire des civils musulmans. Cela

11 a été signé par le représentant musulman, du côté serbe, cela a été signé

12 par Deronjic et cela a été signé par le commandant du Bataillon

13 néerlandais, du Dutchbat.

14 Il m'a montré ce document. Je n'en ai pas copie ici, mais il faut

15 nécessairement que ce document existe quelque part dans les archives de la

16 Republika Srpska.

17 Il m'a montré ce document signé le représentant musulman, par Deronjic

18 ainsi que par ce commandant néerlandais. Ce document disait que les

19 Musulmans allaient quitter de leur plein gré et que leur transport serait

20 assuré par les forces serbes.

21 Ensuite, je lui ai posé une question à propos du traitement réservé aux

22 prisonniers de guerre. Il a dit que personne parmi les principaux

23 dirigeants politiques et militaires n'avait donné d'ordres en vue de

24 l'exécution de prisonniers. Il a dit qu'il y avait une exécution, que 1 000

25 prisonniers avaient été exécutés, sur laquelle il n'avait aucun contrôle.

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1 Il a dit qu'il y avait une enquête en cours et qu'elle allait dans le sens

2 d'une implication de services secrets étrangers.

3 Je lui ai dit : "Mais on parle de plusieurs milliers, on parle peut-

4 être même de huit milliers de personnes ?" Il a répondu que : "D'après lui,

5 il avait un chiffre de 1 000 Musulmans, mais qu'il y avait beaucoup de

6 Musulmans qui avaient trouvé la mort en essayant de percer le siège serbe

7 et qu'il y avait des Musulmans armés qui avaient été tués au cours de

8 combats, que certains Musulmans avaient été tués au cours d'oppositions ou

9 de combats qui avaient éclatés entre eux autour de la question de savoir

10 s'il fallait se rendre ou pas."

11 Il a dit que le chiffre global indiquant le nombre total de Musulmans

12 portés disparus y compris certains qui étaient déjà portés manquant avant

13 que Srebrenica ne tombe entre les mains des Serbes et j'ai personnellement

14 constaté que sur ce monument érigé à la mémoire des Musulmans tués à

15 Srebrenica se trouvent les noms de certains Musulmans qui ont été chassés

16 du Monténégro en 1992 par Mile Djukanovic et qui ont été, plus tard,

17 exécutés par Deronjic.

18 D'après Radovan Karadzic, ce chiffre était de 1 200. Mais tous les

19 Musulmans qui ont été tués dans cette région, qui ont été portés disparus

20 dans cette région, on les a rassemblés pour parvenir à ce chiffre très

21 important afin de reprocher cela aux Serbes.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Pause de 20 minutes.

23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

24 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, continuez avec

Page 43362

1 vos questions, je vous prie.

2 M. MILOSEVIC : [interprétation]

3 Q. Monsieur Seselj, dans l'ordre que vous avec cité tout à l'heure, il est

4 dit qu'il s'agit d'empêcher les départs forcés et la prise d'autres mesures

5 illégales à l'encontre de la population civile, et les conformations

6 éventuelles de vente de biens immobiliers disant que les réfugiés ne

7 reviendront plus, n'ont aucune validité et sont complètement annulées.

8 Savez-vous quelles sont les mesures qui sont prises par la direction

9 et par Radovan Karadzic aux fins de protéger la population civile ?

10 R. Oui. Il y a eu des départs de Musulmans avec des signatures de

11 contrats d'échange ou de vente de biens immobiliers avec des Serbes.

12 Radovan Karadzic est intervenu à cette occasion pour empêcher la chose, en

13 supposant qu'il ne s'agissait pas d'une manifestation de la libre volonté

14 des personnes mais qu'il y avait des pressions. Il y a eu des activités

15 contraires au droit qui se sont faites de façon spontanée des trois côtés.

16 C'est tout simplement ce que cette guerre civile a apporté sans pouvoir

17 être contrôlée.

18 Radovan Karadzic s'est efforcé sans cesse en donnant cet ordre et des

19 ordres analogues pour empêcher de telles choses de se produire dans la

20 mesure du possible. A bon nombre d'autres niveaux du pouvoir, ces

21 autorités, certaines autorités ont commencé à adopter des mesures. J'ai

22 mentionné le cas de Deronjic à Bratunac. Il y a eu d'autres cas dans

23 d'autres parties de la Republika Srpska. Les autorités de la Republika

24 Srpska sont intervenues souvent pour empêcher de tels agissements, mais

25 cela n'a pas toujours été possible.

Page 43363

1 Q. Etant donné que nous sommes en train de parler de ce volet-ci et des

2 connaissances que vous avez de ces mesures prises par Radovan Karadzic, je

3 vous demanderais de vous pencher sur une lettre qu'il a adressée - et j'ai

4 cette lettre en anglais, Monsieur Robinson - une lettre datée du 8 décembre

5 1992, à l'intention de

6 Mme Sadako Ogata et M. Ahoga [phon], président de la Croix Rouge à Genève;

7 Mme Ogata étant à la tête de l'UNHCR. Il y a trois pages, mais je ne vais

8 pas vous demander de vous attarder sur la lettre entière. Ce que j'aimerais

9 --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est une autre pièce à

11 conviction que vous voulez présenter, Monsieur Milosevic ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un document que j'ai trouvé pendant

13 ce week-end-ci, Monsieur Robinson. J'en ai un exemplaire en anglais puisque

14 cela a été envoyé à Mme Ogata et à M. Sommaruga. Je l'ai en langue serbe

15 pour qu'on puisse le placer sur le rétroprojecteur. Le document porte la

16 signature de Radovan Karadzic. J'aimerais le montrer au témoin.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais que la version anglaise

18 soit placée sur le rétroprojecteur. Cela ne me semble pas inconnu.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous demande de placer sur le

20 rétroprojecteur la version anglaise. Je vais vous surligner les passages

21 que je voudrais faire voir, et j'aimerais que M. Seselj voie la version

22 serbe.

23 M. MILOSEVIC : [interprétation]

24 Q. Monsieur Seselj, je vous demande de vous pencher sur le passage

25 surligné en toute dernière page, et je vous demande de nous en donner

Page 43364

1 lecture.

2 Ma question porte sur les déportations forcées que l'on a alléguées et que

3 l'on a qualifiées de purification ethnique de Musulmans ou voire de civils

4 non-Serbes. J'aimerais que vous donniez lecture du passage que j'ai

5 surligné.

6 R. Entre autres, on dit Radovan Karadzic - et c'est Radovan Karadzic qui

7 s'adresse à Mme Ogata et à M. Sommaruga [phon] :

8 "Le 30 septembre et le 1er octobre 1992, à Génève, il y a une fois de plus

9 eu rencontre de représentants autorisés des trois partis au conflit de

10 l'ex-Bosnie-Herzégovine pour adopter des recommandations concernant la

11 situation tragique des civils en Bosnie-Herzégovine. Cette recommandation a

12 été adressée à la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie. Le

13 paragraphe 1 de la recommandation se lit comme suit : les civils qui le

14 souhaitent doivent se voir autoriser à quitter temporairement le territoire

15 placé sous le contrôle de l'une quelconque des parties pour passer sur un

16 territoire contrôlé par une autre partie."

17 Le paragraphe 3 de la même recommandation se lit comme suit : "Les civils

18 doivent se voir autoriser un départ de façon organisée et sous supervision

19 internationale, le cas échéant, avec une protection de la part de celle-ci.

20 La sûreté de chacun de ces civils sera garantie par les différentes parties

21 qui contrôlent le territoire concerné."

22 Q. Monsieur Seselj, est-ce que ces trois parties en Bosnie-Herzégovine ont

23 convenu d'autoriser les civils à circuler librement d'un territoire

24 contrôlé par une partie vers un territoire contrôlé par une autre partie ?

25 R. Oui. C'est ce qu'ont convenu les Serbes, Croates et Musulmans, et ils

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1 l'ont fait avec une médiation internationale.

2 Etant donné que la situation était chaotique, il y a eu des déplacements

3 spontanés de civils, il y a eu des expulsions également. Le problème le

4 plus important, c'était le fait qu'il y a eu des cas de contrainte de

5 civils de rester sous le contrôle d'une partie à laquelle ils ne voulaient

6 pas appartenir. Par exemple, pendant longtemps, les autorités musulmanes

7 ont empêché le départ des Serbes de Sarajevo, du moins ceux qui avaient

8 souhaité s'en aller. D'autre part, les autorités musulmanes ont empêché les

9 Serbes de quitter. On sait, par exemple, qu'à Kazani, la police et les

10 paramilitaires ont tué quelque 4 000 Serbes. Ensuite, ces civils ont été

11 obligés de creuser des tranchées du côté musulman, notamment lorsqu'il

12 s'agissait de cites dangereux.

13 L'objectif poursuivi par ce document était celui de protéger les civils et

14 de respecter leur volonté librement exprimée, à savoir, celle de quitter le

15 territoire qui était passé sous le contrôle d'une partie qu'ils

16 considéraient comme étant hostile, et de passer du côté de la partie qu'ils

17 considéraient comme étant la leur. Par la suite, il y a eu des départs

18 organisés de civils. Il y a eu des départs organisés de civils serbes de

19 Sarajevo en autocars avec supervision de la part des autorités ou des

20 forces étrangères.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que je peux tirer au clair un

22 élément. La partie que vous venez de nous lire parle d'un départ

23 temporaire. Pourriez-vous nous l'expliquer ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] On estimait, que jusqu'à la fin des

25 hostilités, à la fin des conflits armés, tout civil serait à même de

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1 revenir vers ses biens, ses propriétés et d'en disposer. C'est ce qui

2 signifiait ce départ temporaire. Mais pendant la durée des hostilités, des

3 civils avaient jugé qu'ils étaient peu sûrs sur des territoires passés sous

4 le contrôle d'une partie hostile. Ils avaient bien des raisons d'avoir

5 peur, puisqu'ils ont beaucoup souffert de la part de ces parties-là, de ces

6 autorités-là. Personne ne pouvait supprimer le droit de ces civils à

7 pouvoir disposer de leurs biens.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez expliqué. Merci.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, Monsieur Milosevic.

10 M. MILOSEVIC : [interprétation]

11 Q. Cet accord portant sur le libre départ des civils a-t-il été signé par

12 les trois parties à Genève ?

13 R. Oui. La finalité était celle de protéger au maximum les civils à

14 l'égard de persécutions, de meurtres, de souffrances d'une manière

15 générale.

16 Q. Est-il possible de parler de déportations forcées de civils que

17 d'autres groupes ethniques auraient --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur Milosevic. Vous me

19 fatiguez avec ces questions directrices. Vous savez que cela est

20 inadmissible.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, Monsieur Robinson.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Passons maintenant à une personnalité suivante qui figure au paragraphe

24 8 de l'acte d'accusation relatif à la Bosnie. Vous avez parlé des activités

25 de Radovan Karadzic. La personnalité suivante que l'on cite ici est la

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1 personne de Momcilo Krajisnik.

2 Que savez-vous de ses activités, et quels étaient vos rapports avec lui ?

3 R. Mes relations avec Momcilo Krajisnik ont toujours été meilleures

4 qu'avec Karadzic, plus proches. Il y avait plus de confiance entre nous.

5 Karadzic préférait la compagnie de Djindjic et de Kostunica à la mienne, et

6 Krajisnik avait plus de penchant à mon égard et à l'égard du Parti radical

7 serbe. A un moment donné, nous sommes entrés en litige.

8 Dans certaines parties de la Republika Srpska, je me suis attaqué à Momcilo

9 Mandic pour dire que c'était un criminel. Il s'agissait du ministère de

10 l'Intérieur. Lui, l'avait défendu, mais il s'est avéré dernièrement que le

11 dénommé Mandic est venu témoigner en public dans le procès contre

12 Krajisnik. Donc, il a pu convaincre Krajisnik également de sa nature

13 criminelle.

14 Krajisnik, en 1996, de son côté, a apporté publiquement son soutien au

15 Parti radical serbe aux élections de la République de Serbie, ou en

16 République fédérale de Yougoslavie, alors que Radovan Karadzic et Biljana

17 Plavsic étaient encore des alliés, étaient en relation amicale encore. Ils

18 ont publiquement apporté leur soutien à une coalition pro-occidentale qui

19 s'appelait Zajedno. Il s'agissait des partis de Djindjic, Kostunica,

20 Draskovic et autres. On a pu voir quelles étaient leurs orientations

21 politiques. Karadzic et Biljana Plavsic ont soutenu les partis pro-

22 occidentaux, et Krajisnik a apporté son soutien au Parti radical serbe.

23 J'ai une opinion excellente pour ce qui le concerne en sa qualité d'homme,

24 et nos relations sont amicales.

25 Q. Monsieur Seselj, la personnalité suivante ici, c'est Biljana Plavsic.

Page 43368

1 Quelles étaient les relations que vous aviez avec elle, et que savez-vous

2 nous dire à son sujet ?

3 R. Je n'ai jamais eu de relations amicales avec Biljana Plavsic. Nous nous

4 sommes rencontrés plusieurs fois au début. C'étaient des entretiens de

5 courtoisie. Ensuite, c'est devenu une hostilité non dissimulée. Je me suis

6 attaqué à elle en 1993, lorsque dans une interview accordée à une revue

7 belgradoise appelée Knin, elle a déclaré que le problème ne se poserait pas

8 si cinq millions de Serbes venaient à mourir, parce que les cinq autres

9 millions finiraient par vivre dans la liberté. Je crois que c'est à peu

10 près ce qu'elle a dit. Je me suis attaqué à elle publiquement, et entre

11 nous deux toute communication a été interrompue par la suite.

12 Maintenant, pour ce qui est de Biljana Plavsic, je dirais qu'à la réunion

13 avec Radovan Karadzic et ses collaborateurs les plus proches en juin 1996,

14 j'ai passé la journée a essayé de convaincre Radovan Karadzic à ne pas

15 déposer la candidature de Biljana Plavsic aux fonctions de président de la

16 Republika Srpska. Je lui ai dit qu'elle n'était pas normale, que je ne lui

17 faisais pas confiance, que ce n'était pas une personnalité stable, qu'il ne

18 fallait pas lui faire confiance pour ce qui est des fonctions aussi

19 éminentes pour les personnes qui n'avaient pas d'enfants, qui n'ont pas de

20 famille et qui se comportent, comme si après eux, il n'y avait plus

21 d'humanité.

22 M. NICE : [interprétation] Les caractéristiques qui viennent d'être

23 avancées se rapportent à des individus. Le témoin est en train de parler de

24 quelqu'un qui a comparu devant ce Tribunal dont l'affaire a été menée à son

25 terme. Il ne m'appartient pas de la défendre, il n'appartient à personne de

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1 la défendre, mais la question que je me pose c'est de savoir si ces

2 commentaires et notamment les tout derniers commentaires formulés se

3 trouvent être appropriés et s'ils devraient être autorisés ou interdits.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit d'un équilibre délicat,

5 Monsieur Nice. M. Milosevic, à mon avis, s'efforce de présenter des

6 éléments de preuve pour contrer les allégations parlant d'une entreprise

7 criminelle commune. C'est la raison pour laquelle, on a convié le témoin

8 ici présent à fournir des éléments de témoignage concernant les distances

9 qu'il avait prises vis-à-vis de ces personnalités et il est en train de

10 parler du caractère des personnes qu'il n'avait pas appréciées, qu'il

11 n'avait pas soutenues et peut-être cela n'a-t-il de la pertinence que d'une

12 façon marginale.

13 Mais toujours est-il, Monsieur Seselj, je vous convierais d'atténuer

14 les commentaires qui sont des commentaires de nature personnelle s'agissant

15 des personnes mentionnées au paragraphe 7 de l'acte d'accusation, parce que

16 ce que vous souhaitez dire, vous pouvez le faire sans pour autant parler de

17 remarques qui sont de nature tout à fait personnelle.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais dire quelque chose d'important très

19 brièvement.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très brièvement.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je ne parle pas de ce que

22 je pense aujourd'hui de Biljana Plavsic. Je suis en train de dire ce que

23 j'ai dit à Radovan Karadzic concernant Biljana Plavsic

24 en 1996, au mois de juin avant qu'elle ne dépose sa candidature à la

25 présidence de la république. Je tiens à ce que vous ne perdiez pas cela de

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1 vue.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cela montre quel a été votre

3 état d'esprit, je suppose.

4 Ce qui est pertinent, c'est votre état d'esprit à vous, Monsieur

5 Milosevic, parce qu'ici c'est de votre procès à vous qu'il s'agit, non pas

6 de celui de M. Seselj.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne perds pas cela de vue, Monsieur Robinson,

8 mais au paragraphe 7, il est question de ce que M. Seselj est en train de

9 nous raconter au sujet de ses contacts avec les personnes qui sont

10 englobées par l'entreprise criminelle commune figurant à l'acte

11 d'accusation. Ceci constitue un tout et on essaie de montrer ici dans

12 quelle mesure il a pu s'agir ici de relations mutuelles dans quelque

13 entreprise que ce soit et, encore moins et à plus juste titre encore, d'une

14 entreprise qui serait une entreprise criminelle commune.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les éléments de preuve qui montrent

16 que M. Seselj a eu ou n'a pas eu de relations, qu'elles soient de nature

17 criminelle ou pas peu importe, il est question là d'éléments de preuve qui

18 ne vont pas abonder nécessairement dans le sens du fait d'affirmer que vous

19 n'avez pas fait partie de cette entreprise criminelle commune étant donné

20 que M. Seselj n'est pas votre alter ego.

21 Veuillez continuer.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien sûr que ce n'est pas mon alter ego, mais

23 M. Seselj connaît bien les relations de l'époque et il est à même de

24 répondre à la question de savoir s'il y a eu une entreprise de cette nature

25 et nous parler de ce que ces personnes, dont il est question ici, avaient

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1 comme relations mutuelles. Il peut nous dire si ces personnes avaient quoi

2 que ce soit en commun ou pas.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien, Monsieur Milosevic,

4 veuillez continuer.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Juste un petit commentaire encore. Ne

6 perdez jamais de vue le fait que vous pouvez faire partie d'une entreprise

7 criminelle avec bon nombre de personnes que vous n'auriez jamais

8 rencontrées. La question qui importe, c'est la relation qui existe entre

9 vous et ces gens-là.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois, Monsieur Bonomy, que M. Seselj a très

11 bien expliqué quel a été l'engagement de ma part et l'engagement de la

12 direction de la Serbie et de la Yougoslavie pour ce qui est de

13 l'acceptation des plans de paix. Il a parlé de la position présentée ou

14 défendue par les personnes qui sont citées ici, ce qui ne fait pas partie

15 d'une entreprise criminelle commune mais qui parle de points de vue

16 politiques diamétralement opposés pour ce qui est de la guerre qui battait

17 son plein, qui faisait rage en Bosnie-Herzégovine. Je crois que là les

18 choses sont tout à fait claires.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Seselj, estimez-vous que vous en ayez suffisamment dit au

21 sujet de votre relation et de la position qui était défendue par Biljana

22 Plavsic ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, ne répondez pas à cette

24 question. M. Milosevic sait parfaitement bien qu'il n'est pas autorisé à

25 poser ce type de question. Votre question suivante.

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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. Quel a été le rôle de Mme Plavsic dans la vie politique de la Republika

3 Srpska pendant la guerre ainsi qu'après la guerre, d'après ce que vous en

4 savez ?

5 R. Elle a pris des positions des plus extrémistes pendant la guerre, elle

6 était extrémiste à un point insupportable, et même moi qui suis un

7 nationaliste serbe notoirement connu, cela m'a dérangé. Biljana Plavsic, au

8 tout début de la guerre, a fait venir Arkan et sa Garde de Volontaires

9 serbes à Bijeljina, puis elle les a visités après les opérations qu'ils ont

10 conduites à Bijeljina.

11 Vers 1992 ou début 1993, Biljana Plavsic a envoyé une lettre à l'intention

12 de Zeljko Raznjatovic Arkan, à l'intention de Mirko Jovic et de moi-même en

13 demandant à ce que nous lui envoyions des volontaires. J'ai ignoré sa

14 lettre, je crois que dans ses archives il doit forcément pouvoir être

15 retrouvée une copie de cette lettre. Je ne sais pas ce que les deux autres

16 ont répondu. Mais ce qui importe ici, ce sont les motifs de Radovan

17 Karadzic pour ce qui est d'avoir décidé de déposer sa candidature à elle

18 aux fonctions de présidente de la république. Il a jugé qu'elle était plus

19 extrémiste que lui à tous points de vue et que de cette façon-là les

20 acteurs internationaux qui s'efforçaient de l'éliminer, de le mettre de

21 côté à tout prix, auraient un problème plus grand encore. Deuxièmement, il

22 savait de Biljana Plavsic avait une hostilité insurmontable à votre égard.

23 Elle a refusé même de vous serrer la main, elle a pris des positions tout à

24 fait extrémistes à votre égard et cela a été une espèce de gifle à votre

25 intention si j'ai bien compris les choses.

Page 43373

1 Il croyait qu'elle garderait ses positions patriotiques jusqu'au

2 bout, ce qui est arrivé par contre, c'est tout à fait autre chose. Au bout

3 de quelques mois, Biljana Plavsic, après avoir été élue, a changé

4 d'orientation politique, elle a fait une volte-face de 180 degrés sous

5 l'influence de certains facteurs extérieurs avec lesquels elle s'était

6 concertée depuis.

7 Q. Merci, Monsieur Seselj. La personnalité suivante concernant cette liste

8 et où nous en finirons avec cette liste du paragraphe 7, c'est la

9 personnalité du général Ratko Mladic.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, avant que de

11 passer à Mladic, j'aimerais que vous fournissiez un exemple de cet

12 extrémisme manifesté par Mme Plavsic, notamment il a été question d'un

13 refus de serrer la main à M. Milosevic. Monsieur le Témoin, j'aimerais que

14 vous me donniez d'autres exemples à cet effet, exemples de comportements

15 avant qu'elle n'ait changé sa position de 180 degrés.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, il s'agit là de faits

17 notoirement connus. Biljana Plavsic a eu énormément de déclarations

18 publiques pour les médias, la télévision, la presse, et ainsi de suite.

19 C'est quelque chose de notoirement connu, à savoir que ses positions

20 étaient des plus extrémistes. On l'appelait l'impératrice serbe notamment

21 en raison de ses positions tout à fait extrémistes. Maintenant je n'arrive

22 plus à me souvenir à la lettre de toutes ses déclarations et je ne suis pas

23 sûr de pouvoir paraphraser exactement. Je ne voudrais pas que ce témoignage

24 sous serment soit tant soit peu fiable. Mais je sais qu'il y a un très

25 grand nombre de déclarations de cette nature s'agissant d'elle.

Page 43374

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj.

2 Monsieur Milosevic, continuez.

3 M. MILOSEVIC : [interprétation]

4 Q. Monsieur Seselj, attardons-nous très peu de temps sur le général

5 Mladic. Quelles étaient vos relations avec lui ? Que savez-vous de ses

6 activités pendant la guerre ? Quels sont les contacts que vous avez eus ?

7 R. Nous n'avons jamais eu de contacts véritables nous avons eu un bref

8 entretien téléphonique à l'époque où le général Mladic se trouvait au Corps

9 de Knin et qu'il avait le grade de colonel en novembre 1991. C'est dans une

10 conversation téléphonique de courtoisie et je ne l'ai jamais rencontrée. Je

11 n'ai fait que rencontrer l'un de ses commandants, le général Vukovic qui

12 m'a assuré, par la suite, un hélicoptère qui m'a permis d'aller de Knin via

13 Mostar et Podgorica jusqu'à Belgrade. J'ai eu deux rencontres accidentelles

14 avec le général Mladic à Belgrade, en passant. Il s'agissait d'une

15 présentation courtoise. Il était lui en civil cette fois-ci. Je n'ai pas eu

16 de communication avec lui.

17 Mais je me suis attaqué en public à lui plusieurs fois et notamment à

18 l'occasion de rassemblements populaires au sein de la Republika Srpska

19 lorsqu'il a refusé d'obéir à la direction civile. Radovan Karadzic, vers

20 1995, a essayé de le révoquer. Mladic a rejeté ses ordres portant sur sa

21 révocation. Il a bénéficié du soutien des principaux généraux en place et

22 la situation est devenue critique dans la Republika Srpska. La République

23 toute entière était en crise. A ce moment-là, je me suis mis du côté de

24 Radovan Karadzic contre Ratko Mladic. Par la suite, je n'ai plus eu de

25 contacts du tout avec lui.

Page 43375

1 Q. Avant que d'abandonner ce paragraphe 6 de l'acte d'accusation en

2 Croatie, je me propose de parler d'un détail.

3 R. Non. Nous sommes à l'acte d'accusation de Bosnie maintenant.

4 Q. Oui, certes mais nous revenons au volet croate où j'ai omis de vous

5 poser des questions sur un détail. Vous avez parlé de la Krajina. Vous avez

6 parlé de la Slavonie occidentale et orientale. Il a été question de la

7 République de Dubrovnik.

8 R. En effet.

9 Q. Que savez-vous nous dire au sujet de la République de Dubrovnik et de

10 la façon dont celle-ci a été englobée par cette liste de crimes reprochés à

11 moi ? Pouvez-vous nous en dire quelque chose ?

12 R. L'idée relative à la République de Dubrovnik a été lancée dans

13 l'opinion publique par Novak Kilibarda qui se trouvait être, à l'époque,

14 président du Parti populaire du Monténégro, en 1991. Vers la fin du mois de

15 septembre, voire début octobre 1991, je suis allé en visite au front de

16 Dubrovnik, au front de l'Herzégovine. En Herzégovine du sud, il y a eu des

17 conflits de la JNA avec des formations paramilitaires croates sur le

18 territoire de Dubrovnik. Je suis allé en avion jusqu'à Podgorica et en

19 attentant un véhicule qui m'emmènerait à Trebinje, j'ai visité Novak

20 Kilibarda, au siège du Parti populaire de Podgorica. J'étais en compagnie

21 de Milorad Albijenic [phon], un militant serbe de Pristina, des plus

22 éminents.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je vous interromps

24 parce que j'aurais dû demander à M. Milosevic de reformuler sa question. La

25 question est trop générale : "Que savez-vous nous dire au sujet de la

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1 République de Dubrovnik ?"

2 Quel est le point concret sur lequel vous posez votre question ?

3 Parce que ceci le convie à faire une réponse longue, de nature générale et

4 en donnant moult méandres et détails à sa réponse. J'aimerais que vous

5 posiez une question plus spécifique et moins tortueuse portant sur ce

6 concept de la République de Dubrovnik.

7 M. MILOSEVIC : [interprétation]

8 Q. Etant donné que vous connaissez les circonstances politiques de

9 l'époque, dites-nous si l'idée relative à la République de Dubrovnik, à

10 l'époque, je ne parle pas maintenant du contexte historique de quelque

11 façon que ce soit, donc, cela a-t-il quoi que ce soit à voir avec la

12 Serbie, la direction de la Serbie et moi-même en personne ?

13 R. Non, ni avec vous en personne, ni avec la direction de la Serbie. Mais

14 lorsque Novak Kilibarda a lancé cette idée, nous autres au Parti radical

15 serbe avons appuyé l'idée. Il s'est trouvé un groupe de Serbes catholiques

16 à Dubrovnik et Cavtat qui ont créé un comité d'initiative pour la création

17 de la République de Dubrovnik et Novak Kilibarda, leur a apporté son

18 soutien logistique.

19 Il va sans dire que le Parti radical serbe, en 1991, n'a pas créé une

20 organisation ou un parti au Monténégro parce que nous avons apporté notre

21 soutien au Parti populaire de Novak Kilibarda. Ce n'est qu'en mai 1992,

22 lorsque, suite à des suggestions émanant de l'ambassadeur américain à

23 Belgrade, Kilibarda a décidé de boycotter les élections fédérales au

24 Monténégro, nous, radicaux serbes, avons à la va-vite organisé une branche

25 du parti au Monténégro et nous avons interrompu notre coopération avec le

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1 Parti populaire de Kilibarda. En 1991, nos relations étaient cordiales et

2 nous avons apporté notre soutien à l'initiative faite par Kilibarda pour ce

3 qui est du rétablissement de cette République de Dubrovnik qui avait une

4 tradition de longue date, qui a duré des siècles entiers et la République

5 de Dubrovnik était habitée de Serbes catholiques.

6 Q. Vous avez initié cette idée et vous vous êtes employé en faveur de

7 cette idée sur le territoire du Monténégro.

8 R. Oui. Il s'agit du milieu politique qui était lié à un seul parti, le

9 Parti populaire du Monténégro.

10 Q. Mais ce parti populaire n'était pas au pouvoir ?

11 R. Non, c'était un parti politique d'opposition.

12 Q. Donc, c'était un parti politique d'opposition vis-à-vis du DPS, à

13 savoir du Parti démocratique des socialistes de Momir Bulatovic où Mile

14 Djukanovic était premier ministre ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que Momir Bulatovic et Mile Djukanovic avaient quoi que ce soit

17 à voir avec cette idée relative à la République de Dubrovnik ?

18 R. Je n'ai jamais entendu l'un quelconque d'entre eux parler ou s'employer

19 en faveur de la République de Dubrovnik. Il n'y a que Novak Kilibarda qui

20 en a parlé et nous radicaux serbes lui avons apporté notre soutien.

21 Q. Penchez-vous maintenant sur ce paragraphe 26 qui est assez long, en

22 page 5 ? Il y a des sous-paragraphes qui vont de (a) à (l). A cet effet, je

23 me propose de vous poser plusieurs questions. En somme, il est dit ici et

24 je parle de ce paragraphe 26, qui reprend les modalités suivant lesquelles

25 il a été procédé à la réalisation d'une entreprise criminelle commune où

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1 vous auriez participé vous-même, d'après ce que l'on dit. On parle

2 maintenant des modalités de sa réalisation.

3 On dit : "Slobodan Milosevic agissant seul ou de concert avec d'autres

4 participants à l'entreprise criminelle commune…" - or, ce sont ceux qu'on a

5 commentés tout à l'heure et qui font partie de la liste - "…a pris part à

6 celle-ci de la façon suivante :…"

7 Puis, au petit (a), on dit : "En donnant des instructions à la direction

8 politique de la SAO, SBSO, de la SAO de la Slavonie occidentale, de la SAO

9 de la Krajina et de la RSK en vue de la prise de contrôle de ces régions et

10 par la suite de déplacements forcés de la population croates et du reste de

11 la population non-serbe."

12 Monsieur Seselj, tout à l'heure, vous avez mentionné qui est-ce qui était

13 au pouvoir dans ces régions-là ? Vous avez mentionné Martic, Babic,

14 Dokmanovic, Sergej Veselinovic, il y avait Zdravko Zecevic, et autres.

15 Donc, toute une série de Serbes qui avaient détenu le pouvoir dans ces

16 municipalités-là. Est-ce là un fait ?

17 R. Ces Serbes sont arrivés au pouvoir par les élections locales qui se

18 sont tenues dans l'unité fédérale croate.

19 Q. Très bien. Mais ma question est la suivante : est-ce qu'il aurait été

20 possible que celui qui était déjà au pouvoir vienne au pouvoir ?

21 R. On ne pouvait pas entrer en fonction alors qu'il était déjà au pouvoir,

22 mais on pouvait étendre les attributions de son pouvoir.

23 Q. Très bien. Dites-moi, est-ce qu'en Serbie, il y a eu qui que ce soit

24 qui aurait nommé ces individus au pouvoir en Croatie ou ils se sont trouvés

25 au pouvoir en Croatie au moment où les Serbes se sont trouvés menacer en

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1 Croatie par les gestes du nouveau régime ?

2 R. La plupart de ces hommes étaient déjà au pouvoir. Slavko Dokmanovic

3 était le maire de Vukovar, par exemple, avant qu'il y ait eu un conflit qui

4 éclate à Vukovar.

5 Q. Et Babic ?

6 R. Babic était à la tête de la municipalité de Knin. Tout un chacun parmi

7 ces individus était, soit président de la municipalité, chef de la police

8 ou autre chose. Ils étaient déjà des fonctionnaires au niveau des autorités

9 locales.

10 Q. Au moment où les tensions ont commencé à se faire sentir, ainsi qu'au

11 moment où les conflits ont éclaté ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'on peut dire que qui ce soit leur ait apporté de l'assistance

14 pour qu'ils arrivent au pouvoir ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, si je disais que

16 vous faisiez preuve d'un esprit de provocation en revenant constamment aux

17 questions directrices, si j'arrive à cette conclusion, je prendrai un

18 certain nombre de mesures à votre encontre. Reformulez votre question.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, mais c'est une des questions

20 essentielles ici. Il est dit : "Il a apporté l'assistance à ce qu'on

21 s'empare du pouvoir des individus." Mais ces individus étaient déjà au

22 pouvoir indépendamment de qui que ce soit en Serbie.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai interrompu parce que ce

24 n'est pas cela qui nous intéresse. La question porte sur la formulation de

25 la question : "Peut-on dire par la suite qu'il y avait qui que ce soit

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1 qu'il leur aurait apporté de l'assistance pour qu'ils s'emparent du

2 pouvoir ?" Le témoin doit répondre dans ses propres mots.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Seselj, à quel moment sont-ils arrivés au pouvoir ?

6 R. Tout de suite après les élections dans l'unité fédérale croate. Si je

7 ne me trompe pas, c'était fin avril, début mai 1990 que ces élections se

8 sont tenues. Avant que le conflit armé n'éclate, ils étaient déjà des

9 personnalités qui faisaient partie des autorités locales dans les

10 différentes municipalités.

11 Q. Par la suite, il est dit qu'on leur a apporté une assistance afin qu'on

12 déplace de force la population non-croate, enfin serbe et autres non-

13 croates. Est-ce que ceci a été fait ?

14 R. Non, absolument pas. On n'a pas cherché à écarter ou déplacer

15 forcément. Je me souviens du village croate de Kijevo près de Knin. C'est

16 la municipalité de Knin. Je m'y suis rendu vers la

17 fin de l'année 1991. A ce moment-là, j'avais sur moi mon pistolet privé.

18 Nous sommes passés par ce village pour nous rendre dans plusieurs villages

19 serbes. On ne pouvait pas emprunter des chemins de détour; il fallait bien

20 passer par le village croate de Kijevo.

21 La police de Martic nous a mis en garde. Ils nous ont dit qu'il

22 fallait qu'on remette nos armes personnelles aux policiers avant qu'on ne

23 pénètre dans le village pour ne pas se faire arrêter par un policier local

24 qui aurait surpris des armes sur nous pour éviter qu'il y est justement un

25 incident. Donc, ceci est une preuve de l'activité très délicate de la part

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1 de la police de Martic. Ils évitaient tout incident.

2 Nous avons remis nos armes. Nous sommes passés pacifiquement par ce

3 village purement croate de Kijevo, et nous nous sommes rendus dans les

4 différents villages serbes que nous voulions visiter. Cependant, à partir

5 du moment où les hostilités ont éclaté, --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, rappelez-moi un

7 point. Quelles ont été vos fonctions, le poste que vous avez occupé à ce

8 moment-là ? C'est l'année 1991 -- 1991, 1992.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, j'étais le président du parti

10 politique de l'opposition qu'était le Parti radical serbe. J'étais le seul

11 député de mon parti qui avait un siège au parlement serbe. Donc, seul et

12 unique membre de mon parti; ce qui montre que nous n'étions, à l'époque,

13 qu'un tout petit parti politique.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment avez-vous appris des

15 informations portant sur cela ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'y suis trouvé sur place. J'étais à Knin.

17 Je vous parle de mes expériences personnelles.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Oui. Monsieur Milosevic.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Fort bien. Nous savons quand ils sont venus au pouvoir ainsi comment

21 ils sont venus au pouvoir.

22 R. Oui.

23 Q. C'était avant le conflit de l'année 1991.

24 R. Oui.

25 Q. Les autorités du HDZ ont-elles essayé de renvoyer des postes de pouvoir

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1 les Serbes ?

2 R. Oui. Ils l'ont fait en organisant des pénétrations de leurs unités

3 spéciales dans les postes de police dont les chefs étaient des Serbes, et

4 où la plupart des policiers étaient des Serbes. Ils s'emparaient de leurs

5 armes, des armes qu'ils avaient dans leurs entrepôts. Ceci a été un message

6 clair envoyé aux Serbes. Ils ont compris qu'un grand mal les entendait.

7 Q. Comment a réagi la population locale ?

8 R. Il y a eu des manifestations. La population civile s'est opposée aux

9 unités spéciales de la police croate. Il y a eu un conflit ouvert qui s'est

10 déclenché à Pakrac. C'était vers le début du mois de mars 1991. Il y a eu

11 un conflit au lac de Plitvice et à bien d'autres endroits.

12 Q. Monsieur Seselj, on dit à votre sujet en plus de tout ce que nous avons

13 déjà expliqué, à savoir que vous avez prôné ouvertement la création de la

14 Grande Serbie, que par la violence et par d'autres moyens illégaux vous

15 avez pris part activement à une propagande de guerre et au fait d'attiser

16 la haine interethnique --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes

18 vous demandent de citer votre référence. Est-ce que vous vous référez à un

19 endroit particulier à l'acte d'accusation ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, au point 22. Il est dit : "En plus de ce

21 que nous avons déjà vu, à savoir, la création de la Grande Serbie, il est

22 question de la violence et d'autres moyens illégaux qui ont été utilisés

23 par lui pour participer activement à la propagande de guerre et à la

24 diffusion de la haine interethnique."

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

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1 Q. Par conséquent, est-ce que cela est vrai ? Est-ce que vous avez prôné

2 la violence, et est-ce que vous avez activement participé à la propagande

3 de guerre et à la diffusion de la haine interethnique dans le contexte de

4 ces événements, bien entendu, pas de manière générale ?

5 R. Deux points doivent être distingués de manière claire. D'une part, le

6 concept de la Grande Serbie, et d'autre part, la guerre civile qui s'est

7 produite. Le concept de la Grande Serbie, quant à lui, ne saurait être

8 réalisé, sans qu'au préalable, on ait réussi à convaincre les Serbes

9 catholiques et les Serbes musulmans du fait que nous sommes un seul et même

10 peuple. Il a fallu déployer tous les efforts pour s'opposer à une politique

11 menée depuis un siècle par le Vatican et une politique menée depuis des

12 décennies par le Parti communiste. Ils ont fabriqué de toutes pièces les

13 nations croates et musulmanes, se superposant à l'être serbe.

14 Ensuite, la guerre qui a eu lieu n'a pas été provoquée par les Serbes; elle

15 a été provoquée par ceux qui voulaient démanteler la Yougoslavie.

16 Moi-même, j'ai soutenu personnellement les efforts armés de l'armée

17 populaire yougoslave afin que l'on batte en brèche les unités

18 paramilitaires du régime de Tudjman.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'interprète signale qu'il n'y a

20 aucune pause entre la question et la réponse.

21 Vous dites, d'après ce qui figure au compte rendu d'audience, "Qu'ils ont

22 inventé le peuple croate ainsi que le peuple musulman dans le cadre de

23 l'être ethnique serbe."

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de la nation croate et de la nation

25 musulmane. Votre traduction n'est pas bonne. Pour vous expliquer cela, je

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1 vous rappelle un exemple, l'exemple de la France. Là-bas, vous avez un

2 substrat ethnique différent qui a créé une nation unique. Or, le processus

3 a été inverse chez nous. Vous avez un substrat ethnique identique serbe.

4 Sur la base des différentes religions confessionnelles on a créé trois

5 nations, donc serbes, en les réduisant uniquement aux Serbes orthodoxes,

6 Croates à partir des catholiques et Musulmans à partir des Serbes

7 musulmans.

8 J'espère que vous m'aurez compris maintenant. Ce qui s'est produit en

9 Yougoslavie, n'a de comparaison possible nulle part dans le monde. Les

10 Musulmans ne sont qu'un groupe qui se détermine de manière confessionnelle.

11 Ils ne constituent une nation nulle part ailleurs. J'espère que vous

12 l'expliquez, puisque ceci paraît étonnement à tous les étrangers.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic,M. MILOSEVIC

14 : [interprétation]

15 Q. Vous ne m'avez pas répondu à une partie de la question qui porte sur le

16 fait où on prétend que vous, en agissant dans le cadre de cette entreprise

17 criminelle commune, ayez activement participé à la propagande de guerre et

18 à la diffusion de la haine interethnique. Je vous ai cité encore une fois

19 le texte.

20 R. Tout d'abord, pour pouvoir vous répondre de manière concrète, il

21 faudrait savoir de quelle propagande de guerre il s'agit. Est-ce qu'on

22 évoque ici une propagande institutionnalisée, qui est appuyée par un état

23 ou par un organisme d'état, et que moi-même, j'y ai pris part ? Dans ce

24 cas-là, je vous réponds par la négative, et ce, de manière catégorique.

25 Cependant, de nombreuses déclarations que j'ai faites lorsque j'ai pris la

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1 parole en tant qu'homme politique et en tant que président du Parti radical

2 serbe, tout ceci aurait pu ressembler à une propagande de guerre à de

3 nombreuses sémantiques politiques. Certes, cela peut sembler belliciste,

4 mais cela n'a rien avoir avec une propagande institutionnalisée.

5 Deuxième point, la diffusion de la haine interethnique, c'est une

6 expression très générale. Certains pourraient dire que je diffusais la

7 haine interethnique, lorsque je dis que les Musulmans ne constituent pas

8 une nation à part. Cependant, je fonde mes déclarations sur des faits

9 scientifiques, et j'estime qu'il ne s'agit pas là d'une diffusion de la

10 haine interethnique. Quelqu'un d'autre ne serait pas d'accord avec moi,

11 puisque je conteste ces fondements de définitions de son être national.

12 Pour ce qui est des Croates, j'ai attaqué violemment les Oustachi

13 croates. Là, vraiment, je ne me suis pas limité dans mes attaques, mais

14 j'ai cherché à prouver que la majorité des Croates sont des Serbes. Au

15 moment où on a divisé la nation serbe, une nouvelle nation croate a été

16 créée sur trois segments, à partir de trois segments, à partir de trois

17 substrats ethniques différents. Donc, vous avez les Croates d'origine qui

18 parlent la langue chakavienne, vous avez des Slovènes d'origine, qui eux,

19 parlent kajkavien, et qui vivent dans ce que qu'on appelle le Zagorje

20 croate, et à partir des Serbes catholiques qui parlent la langue

21 stokavienne. C'est la langue serbe. Donc, j'ai étayé tout cela par des

22 arguments scientifiques.

23 Peut-être que mes discours étaient enflammés; ils le sont toujours

24 d'ailleurs.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

Page 43386

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. De cette manière-là, avez-vous propagé la haine, Monsieur Seselj ?

3 R. Non, je n'ai pas diffusé la haine; j'ai diffusé l'amour. Je cherchais à

4 convaincre les gens qui se sont vus chassés de la nation serbe du fait

5 qu'ils étaient des Serbes, qu'il faut retrouver l'unité, la concorde entre

6 les Serbes catholiques, orthodoxes et musulmans pour avoir un Etat unique.

7 Q. Pour ce qui est de la Krajina et de ses régions, de manière générale,

8 est-ce que d'après les lois en vigueur à l'époque --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête. Monsieur Milosevic,

10 jetez un coup d'œil sur le compte rendu d'audience. Les interprètes vous

11 demandent de ménager une pause entre la question et la réponse. Cela

12 devient insupportable. Je n'ai pas l'impression que vous essayez vraiment

13 d'y remédier. Je m'adresse à tous les deux, Monsieur Milosevic, Monsieur

14 Seselj.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien, je pense que maintenant on aura tout

16 traduit. Je reprends ma question, et je vais essayer de parler aussi

17 lentement que je le peux. Monsieur Seselj, ou plutôt suffisamment lentement

18 pour les interprètes.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Seselj, compte tenu du fait de s'organiser dans la Krajina, la

21 Slavonie occidentale, orientale, d'après les lois en vigueur à l'époque, à

22 commencer par la constitution, est-ce que l'association des municipalités

23 était quelque chose d'autorisé ?

24 R. Oui, toutes les constitutions de l'ex-Yougoslavie autorisaient la

25 création des associations de municipalités, à une seule exception près, à

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1 savoir, la création autonome des régions. Cela a été nécessaire du fait,

2 que précédemment, les autorités croates avaient violé la constitution et

3 aussi les autorités de Bosnie-Herzégovine.

4 Q. D'après les lois en vigueur à l'époque que vous connaissez parfaitement

5 et qu'on appliquait à l'époque, quels étaient la substance, l'objectif et

6 la raison de la création des associations de municipalités ?

7 R. D'après la constitution, les municipalités pouvaient créer ce qu'on

8 appelait des associations régionales. Elles pouvaient joindre leurs efforts

9 afin de réaliser certains intérêts qu'ils soient économiques, sociaux,

10 politiques ou autres divers intérêts. Généralement, c'étaient des

11 municipalités voisines qui étaient liées par une frontière commune. Elles

12 pouvaient joindre leurs ressources financières ou autres pour arriver à

13 satisfaire leurs intérêts.

14 Q. Très bien. Je pense que nous allons pouvoir répondre à cette question.

15 Les autorités dont on parle, les dirigeants politiques dont on vient de

16 parler, dont on parle dans ce paragraphe que je vous ai cité, est-ce que

17 ces dirigeants ont déplacé de force la population croate et autres ? Est-ce

18 que je les ai aidées à se faire ?

19 R. Non, il n'y a absolument pas eu de déplacement forcé de population

20 croate ou toute autre. Il y a eu des déplacements spontanés; cela oui. Il y

21 a eu des cas individuels ou des incidents interethniques séparés. On

22 lançait des appels à la population croate, qui était minoritaire dans ces

23 municipalités-là, à rester en paix. On leur promettait des garanties. C'est

24 ce que faisaient les autorités serbes. Vous avez des traces de cela dans

25 les médias, des déclarations.

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1 Un autre phénomène s'est produit, à savoir, il y a eu armement de la

2 population croate de ces municipalités-là, et ce, de manière illégale. Le

3 régime de Tudjman a fait cela. Je peux vous citer un exemple dont je suis

4 au courant.

5 Il y a quelques jours, je vous ai témoigné de ma participation à

6 cette marche pacifique au lac de Plitvice. Ce jour-là, lorsque nous avons

7 organisé cette marche et lorsque nous avons eu des affrontements - c'est

8 peut-être un terme trop fort avec les unités de la JNA. Toujours est-il,

9 que la JNA s'y est opposée. Donc, ce jour-là, je suis revenu à Knin. La

10 police de Martic, lors d'un contrôle de routine de certaines maisons

11 croates des Croates vivant à Knin, a trouvé de nouveaux fusils automatiques

12 de fabrication hongroise cachés dans des colis de farine, dans des sacs de

13 farine. L'un de ces fusils automatiques de fabrication hongroise, Milan

14 Martic m'en a fait cadeau. En sa qualité de chef de la police, il a voulu

15 me montrer sa gratitude, parce que j'ai fait une contribution très réussie

16 à ce que la marche se déroule de manière digne et calme, tout en arrivant à

17 réaliser des objectifs politiques de cette marche.

18 Pendant longtemps j'ai gardé ce fusil automatique hongrois, qui n'a

19 pas la même qualité qu'ont nos fusils yougoslaves. C'est un fusil du type

20 de Kalashnikov.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui.

22 M. MILOSEVIC : [interprétation]

23 Q. Maintenant, puisqu'il est question de cette aide, dites-moi, quel a été

24 l'objectif de l'assistance fournie aux Serbes de la Krajina de la part de

25 la République de Serbie ? En quoi a consisté cette aide ?

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1 R. Cette aide était de nature politique et matérielle. Lorsque je dis

2 matérielle, je pense aux vivres et à d'autres biens fournis. Je pense

3 également à l'argent. D'un point de vue politique, la Serbie souhaitait que

4 ces Serbes vivant de l'autre côté de la Drina ou du Danube - c'est comme

5 cela qu'on se référait à eux parfois - qu'ils soient protégés pour ce qui

6 est de leurs droits vitaux et existentiels.

7 Q. Au petit point (b) de ce même paragraphe, il est dit : "Qu'il a fourni

8 toutes formes d'aide" - je ne vais pas énumérer ces formes d'aide - "aux

9 forces régulières et irrégulières en vue de la prise de contrôle de ces

10 régions. Par la suite, il y a eu déplacement forcé de la population croate

11 et du reste de la population non-serbe."

12 R. La Serbie n'a fourni aucune aide aux unités irrégulières, car à

13 quelques rares exceptions près que j'ai citées, lorsque j'ai parlé de la

14 Garde des Volontaires serbes, des Aigles blancs, et cetera, là-bas, il n'y

15 avait que des forces régulières qui opéraient là-bas; la JNA, la police

16 locale et la Défense territoriale placée sous le contrôle de la JNA. La

17 Serbie pouvait aider uniquement la JNA. C'était son obligation d'après la

18 constitution et d'après les lois yougoslaves qui étaient encore en vigueur.

19 Un deuxième point. La JNA qui a été la seule à agir là-bas en tant qu'une

20 force régulière, elle n'a jamais pris part au déplacement forcé de la

21 population croate ou au reste de la population non-serbe.

22 Il y a eu, certes, quelques incidents sporadiques, mais la JNA n'a jamais

23 eu cela comme objectif. Jamais on a donné d'ordres de la part des

24 commandements supérieurs de la JNA, demandant que l'on procède à cela. Du

25 moins, je ne suis au courant de l'existence d'aucun de ces ordres.

Page 43390

1 D'ailleurs, nous avons vu quelle a été la structure des échelons les plus

2 élevés de la JNA; le nombre de Croates, Macédoniens et autres. Il est

3 impossible que le commandement de la JNA donne l'ordre que l'on expulse,

4 que l'on chasse la population croate.

5 Q. J'attends la fin de l'interprétation pour vous poser ma question

6 suivante, Monsieur Seselj.

7 Il y a un instant, vous avez expliqué quelles ont été les forces

8 régulières. Dites-nous, quelles ont été les unités irrégulières dans ce

9 secteur ?

10 R. Les forces irrégulières, c'étaient des unités de ce qu'on a appelé la

11 Garde nationale croate, cela a été créé par Franjo Tudjman. On les appelait

12 familièrement des Zenge. Cela a été la principale formation paramilitaire

13 là-bas. Les Croates en ont eu d'autres créées de leur propre chef ou

14 parfois créées par des autorités, il y avait l'Unité de Glavas, de nature

15 ouvertement oustachi a aussi été dans les environs, il y a eu aussi des

16 unités du Parti du droit croate de Dobroslav Paraga et certaines autres qui

17 portaient des noms divers. Je n'arriverais pas à me rappeler de tous ces

18 noms et de toutes ces unités.

19 Q. Monsieur Seselj, à présent je me fonde uniquement sur votre expérience

20 directe et sur ce que vous saviez. Les Serbes de la Krajina étaient-ils

21 ceux qui ont attaqué ou ont-ils eux fait l'objet d'attaques ?

22 R. De manière régulière, on les a attaqués. Le régime de Franjo Tudjman

23 voulait que le territoire qu'ils habitaient en tant que population

24 majoritaire, qu'il lui revienne à lui sous son contrôle le plus strict et

25 ces Serbes de la Krajina s'y sont opposés.

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1 Q. Très bien. Pour ne pas rentrer dans des débats scientifiques ou dans un

2 débat d'expert, est-ce que d'un point de vue juridique leurs aspirations

3 étaient fondées et légales ?

4 R. D'un point de vue juridique, c'était tout à fait constitutionnel et

5 conforme à la loi dans l'objectif de la persévération de la Yougoslavie.

6 Or, les mesures séparatistes de Tudjman étaient tout à fait absolument

7 anticonstitutionnelles. La JNA a défendu la constitution, a agi

8 conformément aux dispositions de la constitution, or, les forces opposées

9 étaient anticonstitutionnelles et devaient être poursuivies conformément au

10 code pénal fédéral de l'époque. Il y avait le délit de la rébellion armée

11 prévu par la constitution. La JNA a d'ailleurs engagé certaines poursuites

12 mais n'a pas pu traiter ces cas jusqu'au bout.

13 Vous vous rappellerez l'arrestation du général Martin Spegelj et de la

14 tentative de le juger par le tribunal militaire de Zagreb, il y a eu

15 l'arrestation de quelques autres --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, votre question suivante.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Seselj, pour être tout à fait spécifique, en Krajina qui s'est

19 fait aider d'un point de vue financier et matériel par la République de

20 Serbie, et pour quelles raisons?

21 R. La République de Serbie a fourni une aide financière et matérielle

22 uniquement aux autorités légales de la République serbe de la Krajina, et

23 ce, pour les aider à se maintenir, puisque les Croates eux bénéficiaient

24 déjà d'une aide considérable de la part de l'occident.

25 Q. A présent, je vais vous citer le sous-paragraphe (c) où il est dit :

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1 "Il a donné des instructions aux organes d'Etat de la République de Serbie

2 de créer des forces armées distinctes des forces armées fédérales…" c'est

3 ce qui est écrit dans ce texte. J'espère que vous l'avez sous les yeux ?

4 R. Oui.

5 Q. "…distinctes des forces armées fédérales afin de mener des opérations

6 de combat en dehors de la République de Serbie, en particulier dans

7 lesdites régions de Croatie et, par la suite, de procéder au déplacement

8 forcé de la population croate et du reste des habitants non-serbes."

9 R. Jamais la Serbie n'a-t-elle eu ces forces armées. Sur le territoire de

10 la Serbie, il y avait la Défense territoriale. Celle-ci était placée sous

11 le commandement de la JNA et elle n'avait absolument pas un rôle

12 indépendant. En Serbie, tous ceux qui ont pris part aux opérations armées

13 sur le territoire de l'unité fédérale croate étaient dans les rangs de la

14 JNA. Il y a eu des policiers qui ont pris part, mais à titre de

15 volontaires. En Serbie, quelqu'un pouvait être engagé de manière

16 professionnelle en tant que policier. S'il souhaitait se porter volontaire

17 dans la République serbe de Krajina dans quelconque de ces régions

18 autonomes, il devait demander une autorisation de ses supérieurs et s'y

19 rendait en tant que volontaire. Professionnellement, il se voyait protéger

20 dans son statut d'employé et il était également protégé dans ses droits en

21 tant que membre des unités de réserve de la JNA.

22 Q. De manière indirecte, je suppose que vous avez répondu à ma question,

23 mais il me faut vous reposer la question d'une manière précise : à un

24 moment quelconque la République de Serbie a-t-elle formé des unités

25 armées ?

Page 43393

1 R. Non, jamais n'a-t-elle formé des unités armées séparées des forces

2 armées fédérées, même s'il y a eu quelques initiatives prises à cet effet

3 par les partis de l'opposition. En été 1991, le Parti démocratique ainsi

4 que le Mouvement du Renouveau serbe, et ce, de manière intense, ont prôné

5 la création de l'armée serbe. A la fin de l'année 1991, j'ai été opposé

6 dans le cadre d'un débat télévisé à Zoran Djindjic, il y a eu un conflit

7 verbal entre nous deux qui a porté là-dessus. Djindjic était favorable à la

8 création d'une armée serbe. J'étais hostile à cela et je l'ai emporté sur

9 lui dans le cadre de ce duel. Je soutenais la JNA en tant que seule force

10 armée légale.

11 Q. Dans le cadre de l'Etat yougoslave, pour autant que vous le sachiez, a-

12 t-on jamais conçu un plan visant la création des forces armées serbes en

13 Serbie, et ce, de manière indépendante de la JNA ?

14 R. Jamais les autorités serbes n'ont conçu ce genre de plan. Je vous ai

15 déjà dit, il y a eu des individus et des partis politiques qui ont certes

16 défendu ce genre d'idée.

17 Q. Au petit (d) du même paragraphe, il est dit : "En participant à la

18 formation, au financement et à l'approvisionnement des forces spéciales du

19 ministère de l'Intérieur de la République de Serbie. Ces forces spéciales

20 ont été créées et appuyées pour contribuer à des crimes tombant sous le

21 coup des articles…" et cetera, "…à la réalisation de l'objectif de

22 l'entreprise criminelle commune."

23 Maintenant, je vous demande : que savez-vous des forces spéciales du

24 ministère de l'Intérieur de la République de Serbie ? A quel moment ont-

25 elles été formées ? Pour quelles raisons ? Qui les a commandées ? Quelles

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1 missions ont-elles eues ? Qu'ont-elles fait réellement ?

2 R. Pendant la guerre, il n'y a eu qu'une seule unité spéciale du ministère

3 des Affaires intérieures de Serbie, c'était l'unité spéciale

4 antiterroriste, elle a été créée au début des années 1980. Elle était

5 nécessaire compte tenu des événements au Kosovo-Metohija.

6 A ce moment-là, toutes les unités fédérales ont commencé à créer leurs

7 propres unités antiterroristes spéciales, et toutes ces unités ont pris

8 part aux activités visant à combattre la rébellion séparatiste albanaise au

9 Kosovo-Metohija, elles se sont relayées la Croate, la Slovène, la Bosnie-

10 Herzégovine, la Macédonienne, la Monténégrine et, à ce moment-là, on a créé

11 également une unité fédérale antiterroriste.

12 Pour autant que je le sache, cette unité spéciale antiterroriste n'a

13 jamais, en tant que telle, été envoyée participer à des guerres que ce soit

14 dans l'unité fédérale croate ou Bosnie-Herzégovine. Ce n'est qu'en 1996

15 qu'on a créé une autre unité spéciale, c'était l'unité spéciale de la

16 Sûreté de l'Etat dont le nom était Unité chargée des opérations spéciales

17 et populairement ils étaient connus sous le nom de Bérets rouges.

18 Q. Vous avez dit que cette unité, cette Unité chargée d'opérations

19 spéciales, JSO, avait été établie en 1996.

20 R. Si je m'en souviens bien, oui.

21 Q. Est-ce qu'on comptait dans ces rangs certains individus qui avaient une

22 certaine expérience pour ce qui est de conflits armés en différents

23 endroits de l'ex-Yougoslavie ?

24 R. C'était précisément l'idée, c'était de rassembler dans cette unité des

25 combattants éprouvés, les meilleurs combattants possibles, de les

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1 rassembler dans cette unité qui contenait environ 150 hommes, car on

2 croyait qu'une telle unité serait nécessaire à l'avenir, vu les épreuves

3 qui attendaient notre pays.

4 Certains anciens membres de la Garde des Volontaires d'Arkan se sont

5 retrouvés dans cette unité ainsi que d'anciens membres de la police de

6 Martic.

7 C'est un fait, je le sais, certains volontaires du Parti radical

8 serbe ont reçu une offre, les invitant à rejoindre cette unité et beaucoup

9 de volontaires m'en ont parlé tout en disant qu'ils allaient refuser cette

10 offre car, à l'époque, le Parti radical serbe était très vigoureusement

11 opposé à votre régime dirigé par votre parti.

12 Q. Fort bien. Si certains membres de la JSO, de cette Unité chargée

13 d'opérations spéciales, si certains de ses membres ont combattu en Krajina

14 et en Bosnie-Herzégovine, avant que ne soit établie la JSO en tant que

15 telle, est-ce qu'on peut en déduire que la JSO en tant que telle a

16 participé à ces guerres parce que du même coup on pourrait dire --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne répondez pas à cette question.

18 Vous devriez le savoir maintenant. Vous devriez pouvoir faire la

19 distinction entre les questions qui sont autorisées et faites qu'ils ne le

20 sont pas.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me plie à votre volonté et je le fais

22 depuis le jour même ceci ne me plaît pas mais je respecte toujours ce que

23 vous dites.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

25 M. MILOSEVIC : [interprétation]

Page 43396

1 Q. Vous avez dit que cette Unité chargée d'opérations spéciales avait été

2 constituée en 1996. Pourriez-vous nous donner une explication afin que nous

3 comprenions pourquoi l'engagement de cette unité en dehors de la Serbie est

4 mentionné même avant que cette unité ne soit créée ?

5 R. Je crois que la confusion, elle provient de l'utilisation du terme de

6 "Bérets rouges." En effet, plusieurs unités qui ont participé à ces guerres

7 se sont appelées elles-mêmes Bérets rouges. Parfois les soldats qui avaient

8 terminé la formation dans le camp de formation et d'entraînement du

9 capitaine Dragan s'appelaient Bérets rouges. Certaines unités ont porté en

10 tant que partie leur uniforme le béret rouge et les gens les appelaient en

11 général Bérets rouges.

12 J'ai vu deux jugements rendus par ce Tribunal contre Blagojevic et contre

13 Dragan Jokic. Dans ces jugements, j'ai lu que la VRS avait un escadron ou

14 un groupe de reconnaissance qui s'appelait les Bérets rouges. Vous le

15 verrez dans un de vos jugements, Monsieur Robinson. Donc plusieurs

16 organisations, plusieurs groupes ont été mentionnés comme étant des Bérets

17 rouges.

18 Cette unité de la Sûreté de l'Etat, la population et ses membres aussi ont

19 pris l'habitude de l'appeler Bérets rouges. C'était l'appellation populaire

20 et c'est de là, à mon avis, que vient la confusion. Cependant, tous ceux

21 qui avaient déjà une expérience de la guerre s'enorgueillaient et ils

22 pensaient qu'ils combattaient dans l'intérêt national serbe. Pour eux, il

23 n'y avait pas de différences entre leur engagement antérieur dans le cadre

24 d'autres unités et le nouveau rôle qu'ils avaient à jouer dans cette Unité

25 chargée d'opérations spéciales parce que nous étions et nous resterons un

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1 seul peuple quels que soit les efforts déployés par les puissances

2 occidentales pour essayer de nous diviser.

3 Q. Je vais vous citer une phrase qui ne m'est pas claire mais peut-être

4 que vous, vous la comprenez bien. Il s'agit ici de l'alinéa (e) dans ce

5 paragraphe 26 : "…ou contribuant à soutenir sur les plans financiers,

6 logistiques et politiques et on leur donnant des instructions." On parle

7 ici des forces serbes irrégulières et paramilitaires." Attendez que je

8 vérifie. Oui, c'est cela. "En soutenant sur les plans financiers,

9 logistiques et politiques les forces serbes irrégulières et paramilitaires.

10 Cet appui était fourni en vue d'atteindre l'objectif de l'entreprise

11 criminelle commune par des crimes tombant sous le coup…" Je vous passe le

12 reste de la phrase.

13 Dites-moi de la façon la plus concise possible quelle a été l'attitude des

14 autorités serbes envers les unités paramilitaires ?

15 R. Les autorités serbes se sont vigoureusement opposées à ces formations

16 paramilitaires pour essayer de les supprimer. Je m'en souviens parfaitement

17 parce que j'ai été député à l'assemblée de la République de Serbie, à

18 l'époque.

19 Notre législation que nous avions héritée de temps antérieurs était

20 très mauvaise dans ce domaine. La possession d'armes n'était pas un crime

21 auparavant. C'était un délit qui faisait l'objet d'une astreinte, d'une

22 sanction financière et la peine la plus stricte consistait à confisquer

23 l'arme concernée.

24 L'assemblée serbe a adopté une loi spéciale en 1992 qui disait que :

25 "Tout port d'arme illégal constituait un crime, une infraction grave qui

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1 pouvait être passible de trois ans de réclusion, voire plus. Il était

2 interdit à toute personne portant un uniforme et qui n'était pas membre de

3 la JNA de se déplacer. Cette loi est entrée en vigueur en 1992. Une telle

4 protection n'existait pas auparavant dans la loi. Ce qui veut dire que des

5 unités paramilitaires ont pu se déplacer en Serbie portant l'uniforme et

6 que la possession illégale d'armes était jusque-là considérée comme étant

7 un simple délit avec de très faibles sanctions financières.

8 Q. Excusez-moi à l'avance parce que je ne voudrais que vous pensiez que je

9 pose sans cesse la même question. C'est tout simplement qu'ici, il a été

10 allégué et répété ici à l'alinéa (f) qui dit : "En participant à la

11 planification et à la préparation de la prise de contrôle de la SAO, SBSO,

12 de la SAO de la Slavonie occidentale, de la SAO de Krajina et de la

13 République de Dubrovnik et par la suite du déplacement forcé de la

14 population croate et du reste de la population non-serbe."

15 Vous avez déjà fourni certaines explications à cet égard, mais je vous pose

16 quand même encore une fois la question : est-ce que j'ai participé à la

17 prise de pouvoir dans ces régions et que savez-vous à propos de ce supposé

18 déplacement forcé de la population et du rôle que j'y aurais joué ?

19 R. C'était impossible pour vous de participer à la prise de pouvoir. Nous

20 l'avons déjà établi. Deuxième chose, vous n'étiez pas en mesure de

21 participer au commandement de la JNA et il vous aurait été impossible de

22 participer au déplacement des Croates et non-Serbes.

23 J'ai effectué des visites sur ces lieux où se déroulait la guerre et je

24 peux vous dire ce que j'ai vu de mes propres yeux.

25 La population de la région de Dubrovnik se retirait avec des unités

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1 paramilitaires croates qui avaient combattu la JNA. Prenez Cavtat, au sud

2 de Dubrovnik, une ville. Des formations paramilitaires croates ont

3 abandonné Cavtat sans lutter. Les civils croates, ils sont restés, ils

4 continuaient à vivre. La JNA leur a donné des vivres et d'autres produits

5 de première nécessité. Il n'y a pas eu de déplacement forcé, pas le moindre

6 déplacement. Vous avez là une forte concentration de population croate

7 catholique et pourtant la JNA a essayé de l'aider cette population.

8 Nombreux seront les autres exemples de villages auxquels la JNA a réservé

9 le même traitement.

10 La population croate, elle a été déplacée uniquement là où les unités

11 paramilitaires croates ou le gouvernement croate ont organisé le

12 déplacement ou le départ de leurs propres civils.

13 Q. Je vous remercie. Prenez l'alinéa (g) qui dit ceci : "En exerçant un

14 contrôle effectif ou une influence appréciable sur la JNA, laquelle a

15 participé à la planification, à la préparation et à l'exécution de

16 l'opération consistant à déplacer par la force la population croate et le

17 reste de la population non-serbe de…" ces régions que j'ai déjà énumérées.

18 Le SDS pour la Slavonie occidentale, la Krajina," et cetera.

19 Je vais vous demander comment j'aurais exercé ce contrôle effectif,

20 mais auparavant, je dois vous demander ceci : est-ce que la JNA a participé

21 à la planification et à l'exécution de ce déplacement forcé ?

22 R. Non, elle ne l'a pas fait. Les unités de la JNA, ses effectifs, n'ont

23 pas reçu l'ordre de le faire. Mais vous, vous n'auriez pas pu exercer de

24 contrôle sur la JNA. Cela n'a pas été possible pendant toute l'année 1991,

25 et c'est resté vrai jusqu'au moment du plan Vance-Owen -- jusqu'au moment

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1 où le plan Vance a été accepté. C'est quelque chose que le général

2 Kadijevic a expliqué dans le livre qu'il a écrit après avoir quitté son

3 poste. Ce plan consistait à retirer tous les dirigeants politiques de

4 toutes les unités fédérales; la Serbie, la Croatie, la Slovénie. C'était le

5 plan tramé par l'armée. L'armée voulait prendre le pouvoir, et le général

6 Kadijevic s'est dit que l'armée allait recevoir l'appui des forces des

7 puissances occidentales. Mais une fois cet espoir disparu, il est allé

8 chercher l'appui des Russes, et Jazov, le maréchal russe, m'en a parlé

9 plusieurs années plus tard. Il a parlé de la conversation qu'il avait eue

10 avec Veljko Kadijevic, qui avait demandé l'intervention de l'armée russe.

11 Ce maréchal russe, Jazov, lui a répondu que l'armée de l'Union Soviétique

12 ne pouvait pas s'y immiscer parce qu'elle n'était pas soutenue par les

13 décisions qu'elle aurait dû recevoir de ses propres dirigeants.

14 Par conséquent, Veljko Kadijevic préparait un putsch militaire et il

15 cherchait à avoir pour ce faire l'appui des puissances occidentales. Ne

16 l'ayant pas obtenu, que ce soit à l'ouest, mais aussi à l'est, il a dû

17 abandonner cette idée fin 1991.

18 Q. Vous dites que la JNA n'a pas participé à cette planification, et je

19 crois que vous avez déjà expliqué cette allégation selon laquelle j'aurais

20 exercé un contrôle effectif. Vous dites que la JNA n'a pas participé au

21 déplacement forcé de la population.

22 Mais dites-moi ceci : comment est-ce qu'elle s'est comportée

23 lorsqu'il y avait une crise, la JNA, lorsqu'il y avait des tensions, des

24 conflits entre les membres de différentes communautés ethniques sur le

25 territoire de l'ex-Yougoslavie ? Dites-moi en particulier quelle a été

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1 l'attitude de la JNA à l'égard des civils ? Comment la JNA a-t-elle traité

2 les ressortissants des différentes communautés ethniques ?

3 R. La JNA a fait de son mieux pour empêcher des conflits, pour les

4 éliminer, pour servir de tampon entre les parties en conflit. Je vous ai

5 déjà donné l'exemple de Borovo Selo, là où une unité de la JNA est

6 intervenue dix minutes après seulement, après le début du conflit, et où

7 elle a donné l'ordre aux policiers des deux côtés de se retirer et

8 d'emmener leurs blessés. Ils avaient reçu les ordres du haut commandement

9 de traiter tous les civils de la même façon, avec soin, de les protéger, de

10 les aider, dans les zones de guerre, par tous les moyens possibles. C'était

11 là l'attitude générale de la JNA, et tous les ordres dont j'ai connaissance

12 étaient libellés dans ce sens. La JNA n'a pas fait du tout de distinction

13 pour des motifs ethniques.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est venu de faire la

15 pause. Nous allons faire une pause de 20 minutes.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Continuons, Monsieur Seselj. J'espère que le micro est maintenant

21 branché. Alinéa (h) --

22 R. Quelle page, s'il vous plaît ?

23 Q. Page 6. Vous l'avez trouvée ?

24 R. Oui.

25 L'INTERPRÈTE : Page 9 en français.

Page 43402

1 M. MILOSEVIC : [interprétation]

2 Q. "En fournissant un soutien financier, logistique et politique aux

3 unités --"

4 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent la référence exacte.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes vous demandent une

6 référence précise.

7 Il s'agit du paragraphe 26, alinéa (h), pour ce qui est du volet de

8 Croatie. Inutile de donner lecture d'ailleurs, Monsieur Milosevic. Vous

9 devriez être capable de formuler une question qui résume le sens de ce

10 paragraphe. Vous perdez du temps en lisant ce qui se trouve dans l'acte

11 d'accusation. Quoi qu'il en soit, le témoin a le texte sous les yeux dans

12 sa propre langue.

13 M. MILOSEVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Seselj, --

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est quelque chose qui est répété plusieurs

16 fois partout. M. Nice et son service l'a écrit; ce n'est pas moi qui l'ai

17 écrit. Si j'écrivais ce genre de choses, je ne devrais pas sans cesse

18 répéter cette question. Mais ces allégations se répètent.

19 M. MILOSEVIC : [interprétation]

20 Q. Alors, est-ce que j'ai fourni un soutien financier à des unités afin

21 qu'elles exécutent une entreprise criminelle sous une forme ou une autre ?

22 Est-ce que ces unités se sont livrées à cette entreprise criminelle ?

23 R. Non. Vous n'avez pas apporté votre soutien à des unités de la TO, parce

24 qu'elles se trouvaient, elles, sous le commandement de la JNA. S'il y a eu

25 un soutien militaire de votre part, il n'a pu être donné qu'à la JNA. Pour

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1 ce qui est de l'aspect financier, de l'aspect logistique, il a été donné

2 aux dirigeants politiques de la région ou de ces régions.

3 Autre chose, il n'y avait pas d'unités de la TO ou d'agences

4 gouvernementales dans la République de Dubrovnik. Celle-ci, elle est restée

5 une idée, une initiative. Elle n'est pas devenue une institution, ou il n'y

6 a pas eu d'institutions qu'il l'aurait soutenue. Ceci est répété partout

7 dans l'acte d'accusation concernant la Croatie. La République de Dubrovnik,

8 c'était une initiative de Novak Kilibarda et d'un groupe de députés de

9 Cavtat, des catholiques serbes de Cavtat et d'autres villes. C'est resté

10 plutôt une initiative dans la région de Dubrovnik.

11 Dans cette région, il n'y avait que la JNA qui opérait. Il n'y avait pas

12 d'unités paramilitaires, il n'y avait pas d'unités de la Défense

13 territoriale.

14 Q. Des unités de la TO sont mentionnées dans toutes ces régions. Est-ce

15 que des unités de la TO, des unités de volontaires ont aidé à l'exécution,

16 à la réalisation de cette entreprise criminelle commune en opérant le

17 déplacement forcé d'un tiers de la population croate ?

18 R. Le transfert forcé de la population croate n'a été l'objectif de

19 personne. Il y a eu des manifestations de persécution, mais uniquement dans

20 le cadre d'incidents. Cependant, il n'y a pas eu de conduite systématique,

21 que ce soit au niveau de l'idée ou de la manifestation en pratique de cette

22 idée.

23 Q. Le paragraphe ou l'alinéa (i) dit que j'aurais ordonné l'adoption de

24 lois et des règlements relatifs à l'intervention de la JNA, de la TO et

25 d'unités de volontaires en Croatie. Voici ma question : êtes-vous au

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1 courant de l'existence de lois, de règlements qui correspondraient à cette

2 description ?

3 R. Non. Cela n'a pas de sens d'en parler dans l'acte d'accusation. Il n'y

4 a pas une seule loi tant que ce n'est pas publié au journal officiel de la

5 république ou fédéral. Les lois concernant la JNA ne pouvaient être

6 adoptées que par l'assemblée fédérale. La présidence de la Yougoslavie a

7 adopté des décrets lorsqu'il y avait -- ou ayant force de loi lorsqu'il y

8 avait état de guerre, état d'urgence ou de menace de guerre. Ceci ne

9 pouvait rien à voir avec vous. Vous non plus, vous ne pouviez donner

10 l'ordre à personne au gouvernement fédéral, à la présidence fédérale pour

11 que ces gens appliquent ce genre de lois ou des règlements.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ici, on parle au paragraphe (i),

13 d'ordres ou le fait d'ordonner "effectivement". Cela veut dire, que même si

14 M. Milosevic ne l'a peut-être pas fait de jure, de facto dans les faits,

15 les faits de tout ceci, c'est que malgré tout, ces lois ont été adoptées.

16 Si je vous comprends bien, vous dites, qu'aucune loi n'a été adoptée en ce

17 qui concerne l'intervention de la JNA et de la TO, pas plus que

18 l'intervention des unités de volontaires serbes en Croatie.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le dis de manière catégorique. Aucune loi

20 en cette matière n'a été adoptée. Ce n'était pas nécessaire. En effet, les

21 lois de l'ex-Yougoslavie suffisaient. A partir des lois et règlements de

22 l'ex-Yougoslavie, le chef du Grand état-major avait la possibilité de

23 donner des ordres en vue de l'engagement de volontaires au sein de la JNA.

24 A ma connaissance, seuls ces ordres existent. Un ordre, cela ne peut pas

25 être un acte légal ayant force de loi. Vous savez que cela n'existe nulle

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1 part dans le monde, n'est-ce pas ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je tenterais être d'accord avec

3 vous, mais écoutons ce que M. Milosevic a à présenter comme élément de

4 preuve.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Puis, vous avez l'alinéa (j), le suivant : "En dirigeant, en

7 commandant, en contrôlant ou de toute autre manière en fournissant une

8 assistance ou un soutien appréciable à la JNA, aux effectifs de la TO sous

9 le contrôle serbe et aux forces de volontaires déployées en vue de la

10 réalisation de l'objectif de l'entreprise criminelle commune."

11 R. C'est impossible de facto et de jure. Je pense à autre chose

12 maintenant. Vos rivaux politiques, y compris moi, parfois dans le vif du

13 moment, vous ont accusé de ce genre de choses. On dirait que l'acte

14 d'accusation a été établi à partir des attaques que nous vous avons

15 adressées et non à partir de faits véritables.

16 Q. Je vous pose une question. On dit : "En dirigeant, en commandant, en

17 contrôlant ou en fournissant une assistance à la JNA, à la TO." Est-ce que

18 j'ai fait ce genre de choses ?

19 R. C'est impossible. Le commandement, le contrôle, c'est là quelque chose,

20 c'est une fonction purement militaire. Elle s'effectue conformément à la

21 hiérarchie militaire. Vous n'aviez aucune place dans cette hiérarchie

22 militaire. Je l'ai déjà dit et montré implicitement. Il vous aurait été

23 impossible d'influer sur Adzic ou Kadijevic. Vous pouviez leur parler, leur

24 donner des conseils. Tous les témoignages de l'époque le montrent; ces gens

25 n'écoutaient personne.

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1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que des pauses soient

2 ménagées entre les questions et les réponses.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement. Vous avez ajouté dans

4 votre réponse, que dans les faits c'était impossible. Vous avez dit que de

5 facto et de jure, c'était impossible. Alors, dites-nous pourquoi c'était

6 factuellement impossible pour

7 M. Milosevic d'avoir le contrôle de la JNA. Nous ne parlons pas maintenant

8 de la hiérarchie, donc de la situation de jure; nous parlons des faits.

9 Pourquoi est-ce que dans les faits il lui était impossible d'exercer ce

10 genre de contrôle ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une impossibilité dans les faits, vu

12 la structure du commandement de la JNA, vu que le ministre de la Défense

13 était le général Veljko Kadijevic, et que le chef du Grand état-major,

14 c'était le général Blagoje Adzic. Ces deux hommes, avec d'autres généraux,

15 ont constamment planifié un coup d'état militaire pour renverser Milosevic,

16 Tudjman, Rupel, Izetbegovic et qui sait d'autres, afin de réunifier la

17 Yougoslavie. Ils espéraient le soutien de l'étranger. Jamais, ils n'ont été

18 des partisans de

19 M. Milosevic.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans les faits, tout est possible si

21 ceci se fait en dehors de la loi. Quant à savoir si c'est faisable, n'est-

22 ce pas, cela dépend des personnalités concernées et du pouvoir qu'elles

23 peuvent avoir, du pouvoir factuel que ces personnes peuvent exercer ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Les mémoires de Borislav Jovic qui était alors

25 membre de la présidence de Yougoslavie, vous le montre, Monsieur Robinson.

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1 Borislav Jovic et Milosevic n'ont eu de cesse d'exprimer leur

2 mécontentement face au comportement d'Adzic et de Kadijevic. Il y avait

3 une intolérance, et nous tous du monde politique nous le savions.

4 Personnellement, je savais que Milosevic et Blagoje Adzic ne

5 s'entendaient pas. En fait, lorsque j'ai appris cette mésentente en 1991,

6 j'avais plutôt des sympathies pour M. Milosevic davantage que pour

7 Kadijevic et Adzic.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Milosevic.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Dites-nous, Monsieur Seselj, précisément sur ce que vous saviez à

11 l'époque, qu'est-ce qui aurait pu donner l'impression qu'il y avait une

12 alliance entre la JNA, les dirigeants serbes et les Serbes de Bosnie et de

13 Croatie ?

14 R. Uniquement parce que les dirigeants serbes et les intervenants

15 politiques les plus importants étaient loyaux envers l'armée yougoslave.

16 Ils ne voulaient pas une armée séparée et ne voulaient pas le démantèlement

17 de la Yougoslavie.

18 Q. Je vais voir si les interprètes ont terminé. Oui. C'est bon. Prenez le

19 maintien de la Yougoslavie. Est-ce que c'était illégal, est-ce que c'était

20 contraire à la loi ?

21 R. C'était la seule option légale et juste du point de vue de la

22 constitution et de l'ordre constitutionnel. Tout ce qui était autre était

23 contre la loi. Même moi qui, sur le plan idéologique, était très déçu par

24 la Yougoslavie. Idéologiquement, je ne trouvais plus la Yougoslavie

25 acceptable. Mais légalement, factuellement, j'ai toujours respecté la loi,

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1 parce que la Yougoslavie était le seul Etat à l'époque, et ses forces

2 armées étaient la seule armée régulière sur tout le territoire de la

3 Yougoslavie.

4 Q. Est-ce qu'il était légal et légitime de prôner le démantèlement de la

5 Yougoslavie ?

6 R. Non, c'était illégal, et c'était aussi contraire aux dispositions du

7 code pénal fédéral. Tous ceux qui ont mené une politique séparatiste, et

8 même sans avoir recours à la force. Parce que même cela était interdit,

9 était passible de plusieurs années d'emprisonnement.

10 Q. Le fait de prôner le maintien de la Yougoslavie, le fait de défendre la

11 Yougoslavie, est-ce que c'était la seule obligation ; une obligation

12 légitime de la JNA ?

13 R. Oui, c'était l'obligation fondamentale de la JNA pendant toute son

14 existence.

15 Q. D'après la constitution de la Yougoslavie, qui constituait aussi les

16 forces armées de la Yougoslavie ?

17 R. Il y avait la JNA et la Défense territoriale. D'après la constitution,

18 ce sont les deux piliers, les deux composantes des forces armées. Des lois

19 précisaient le moment où la Défense territoire allait être resubordonnée au

20 commandement de la JNA, parce que la TO était établie au niveau des unités

21 fédérales alors que seule la JNA s'appliquait à l'ensemble de la

22 Yougoslavie. Les régions militaires de la JNA ne coïncidaient pas avec les

23 frontières. Les républiques, par exemple, de ces régions militaires, avec

24 le siège à Sarajevo, englobaient pratiquement toute la Bosnie-Herzégovine

25 et presque toute la Slavonie, alors que celle-ci, autrement, relevait de

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1 l'unité fédérale de la Croatie. C'étaient deux régions militaires.

2 Q. Le fait de prôner le maintien de la Yougoslavie et de la défendre, est-

3 ce que ce n'était pas aussi la tâche qui revenait à la Défense

4 territoriale ?

5 R. Oui. Quelques composantes des forces armées avaient le devoir de

6 sauvegarder la Yougoslavie, de la protéger contre une agression interne, et

7 aussi de la protéger d'éléments subversifs internes si, par exemple, il y

8 avait un soulèvement armé; ce genre de choses.

9 Q. Le fait prôner le maintien, la préservation de la Yougoslavie, n'était-

10 ce pas là l'obligation qu'avait tout autre organe du gouvernement, toute

11 république, toute municipalité ?

12 R. Effectivement, qu niveau des municipalités, des républiques à tous les

13 échelons du gouvernement mais aussi pour chaque citoyen. Il y avait le

14 devoir de préserver l'intégrité territoriale, ordre légitime et le

15 territoire, la souveraineté de l'Etat de Yougoslavie.

16 Q. Le soutien, l'aide à la JNA dans l'exécution de ses devoirs

17 constitutionnels, est-ce que c'est quelque d'illégal ?

18 R. C'était son devoir. Tout ce que vous avec fait en tant que président de

19 la République de Serbie, tout ce que votre parti en tant que parti au

20 pouvoir en Serbie, tout ce que les institutions ont fait en Serbie pour

21 aider la JNA, c'était une obligation légale et constitutionnelle.

22 Q. Fort bien. De façon générale, Monsieur Seselj --

23 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux intervenants de ralentir le

24 débit et à l'accusé de ralentir sa lecture.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement.

Page 43410

1 Monsieur Seselj, vous ne faites pas de pause une fois que

2 M. Milosevic vous a posé une question; vous répondez aussitôt. Suivez M.

3 Milosevic. Maintenant il écoute l'interprétation. Il attend que les

4 interprètes aient terminé. Vous, vous répondez aussitôt, --

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] parce que vous parlez la même langue

7 donc, il y a une tendance naturelle à répondre sans faire de pause.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de faire des pauses. Parfois,

9 je m'emporte. J'espère que vous ne m'en voudrez pas, vous ne m'en voudrez

10 pas trop.

11 M. MILOSEVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur Seselj, si les unités données d'un Etat, surtout si on parle

13 des organes de l'état, d'un Etat, veulent, demandent la survie de cet Etat,

14 le défende de violence sécessionniste, vous avez dit que c'était une

15 obligation constitutionnelle, est-ce qu'on peut dire que ce cela est un

16 complot ou une entreprise criminelle commune ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je commence à me dire, Monsieur

18 Milosevic, que vous voulez à dessein provoquer en posant ces questions

19 directrices. Je me dis que je vais peut-être prendre des mesures. Question

20 suivante.

21 M. MILOSEVIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Seselj, est-ce que les forces susmentionnées - parce que vous

23 en avez parlé, de la JNA, de la Défense territoriale -ont commis des crimes

24 aux fins de réaliser cette entreprise criminelle commune ?

25 R. Non. Il y a eu des crimes, certes, mais à l'occasion d'incidents là où

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1 des particuliers ou des groupes n'ont pas pu être contrôlés. D'après ce que

2 j'en sais, certains crimes ont intentionnellement été provoqués pour donner

3 lieu à des effets de nature politique. Pour illustrer cela, je dirais le

4 fait que le général Aleksandar Vasiljevic, en sa qualité de chef des

5 services de Sécurité militaire, s'était trouvé en Slavonie occidentale, à

6 l'occasion du démantèlement de celle-ci ou d'une rupture des lignes de

7 défense, lorsqu'il y a eu des crimes de commis contre les civils, et

8 notamment à l'occasion de l'exécution des prisonniers à Ovcara non loin de

9 Vukovar. Ceci dit bien que certains éléments au sein de l'armée, pour des

10 raisons politiques, ont souhaité notamment commettre des crimes marquants

11 pour que cela soit utilisé à des fins de manipulation. Je n'ai tout

12 simplement pas d'autres explications pour ce qui s'est produit.

13 Q. Vous ne condamnez pas M. Vasiljevic; vous ne l'accusez pas.

14 R. Si, je l'accuse. Parce que le général Vasiljevic, ayant appris la

15 perpétration des crimes en Slavonie occidentale et à Ovcara, n'a pas déposé

16 de plaintes au pénal, n'a pas pris de mesures adéquates pour que les

17 tribunaux militaires, étant donné que c'étaient les seuls compétents en

18 application de l'ordre juridique prévalent à l'époque, fassent le

19 nécessaire pour punir les auteurs de ces crimes. C'était là son devoir le

20 plus élémentaire.

21 Q. Monsieur Seselj, penchons-nous sur ce que dit le sous-paragraphe (k) de

22 ce paragraphe 26 et on dit : En dirigeant, en commandant, en contrôlant ou

23 de toutes autres manières en fournissant une assistance ou un soutien

24 appréciable aux forces de la police relevant du MUP de la République de

25 Serbie, notamment la DB, dont les membres contribuaient à la réalisation de

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1 l'objectif de l'entreprise criminelle commune dans la SAO, l'une et l'autre

2 des SAO, et la République de Dubrovnik."

3 Alors, la question qui se pose c'est de savoir si le MUP de la République

4 de Serbie a pris part à la réalisation de quelque activité que ce soit sur

5 les territoires qui sont mentionnés ici et j'entends là tous les

6 territoires cités ici.

7 R. Le ministère de l'Intérieur de la République de Serbie n'a envoyé

8 aucune unité de police vers ces régions. Il y a des particuliers, des

9 policiers qui sont partis en volontaires là-bas. Parmi eux, Radovan

10 Stojicic Badza. Ils sont partis sur les champs de bataille et leurs

11 obligations au travail, à savoir leurs relations de travail avaient été

12 réglementées de façon légale comme pour les autres membres de la JNA, comme

13 pour ceux qui ont été mobilisés par la JNA, voire comme pour ceux qui sont

14 présentés à titre de volontaires dans la JNA. Ils ont gardé tous leurs

15 relations de travail et ils ont même obtenu des congés payés de la part de

16 leur entreprise parce qu'ils s'en allaient pour un mois, un mois et demi,

17 parce que c'était à peu près la période qui était généralement consacrée.

18 S'agissant de la République de Dubrovnik, il n'y a pas eu un seul

19 volontaire de Serbie, encore moins un policier originaire de Serbie. Sur le

20 territoire de Dubrovnik, il n'y a eu que la JNA à intervenir.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste un moment, Monsieur Milosevic,

22 je vous prie.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, j'essaie de me

25 rappeler quelles étaient les thèses de l'Accusation, s'agissant de ce sous-

Page 43413

1 paragraphe 4. Est-ce que vous dites que la forme de l'assistance était

2 confinée à la présence physique --

3 M. NICE : [interprétation] Non, je vais vous aider et je suis très

4 préoccupé par le fait de voir l'accusé obtenir des réponses de nature très

5 générale à toutes ces questions. Il y a bien des mois et bien des années

6 que nous lui avons fourni un tableau avec des analyses détaillées pour ce

7 qui est des chefs d'accusation à son encontre et ces résumés, cela a été

8 distribué à tout un chacun, y compris lui-même, pour l'aider. Il peut

9 toujours se référer à ce document et voir que s'agissant du 26 (k), il y a

10 à peu près une dizaine et peut-être même une douzaine d'entrées distinctes.

11 Je ne peux pas les résumer toutes ici pour répondre à votre question mais

12 je me propose de vous fournir quelques exemples pour ce qui est de ce qu'on

13 peut y retrouver. Un témoin a dit que de volontaires se sont battus dans le

14 secteur de Vukovar et que bon nombre d'entres eux ont admis avoir travaillé

15 pour le compte du MUP du gouvernement de Serbie. Une autre entrée se

16 rapporte aux incendies à proximité de l'aéroport de Bihac et d'un

17 commandant qui se trouvait là-bas avec des membres du SDB de Serbie. Puis,

18 une troisième entrée parle du témoignage de Milan Babic. Puis, un quatrième

19 entrée parle de la pièce à conviction 352, intercalaire 19.

20 Tout cela est indiqué de façon concrète pour ce qui est des

21 modalités, les thèses de l'Accusation sont appuyées par les éléments de

22 preuve présentés à ce jour. Il ne s'agit pas seulement d'une modalité

23 unique ou d'une forme seulement d'assistance. Ces formes d'assistance sont

24 multiples. Vous pouvez vous pencher sur ce qu'a dit Aleksandar Vasiljevic,

25 lui-même. Puis, vous pouvez vous pencher sur la page 188 de ce tableau et

Page 43414

1 vous y verrez qu'un employé du ministère de la Défense de Serbie a parlé de

2 Dusanko Vorkapic, originaire de Sid et il a indiqué que la Défense

3 territoriale locale des Serbes à Vukovar, venait de la défense de la

4 République de Serbie et que le système de canalisation a été utilisé à

5 cette fin et ainsi de suite.

6 Il y a énormément d'éléments de preuve concrets. Ces éléments de

7 preuve ont été communiqués à l'accusé. Ce qui fait que si lui, par le biais

8 du témoignage de ce témoin, est à même de répondre, de contrecarrer

9 certains éléments de preuve ou de les qualifier d'une façon autre, il peut

10 le faire. Mais des réponses aussi générales n'aident en rien pour ce qui

11 est des éléments de preuve qui sont déjà versés au dossier.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice. Il appartient

13 à l'accusé de définir la façon dont il posera ses questions, mais je

14 voulais me rappeler moi-même quelles étaient les thèses avancées par

15 l'Accusation sur ce point-là.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, veuillez

18 continuer.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me pose vraiment la question de savoir,

20 Monsieur Robinson, de quelle façon dois-je prouver maintenant que les

21 allégations présentées par les soi-disant témoins de M. Nice se trouvaient

22 être inexacts. Ils peuvent témoigner de tout ce qu'ils veulent, ces gens-

23 là. Ce sont des mensonges purs et simples. Je pose des questions à M.

24 Seselj, des questions liées au point de l'acte d'accusation.

25 Maintenant, si vous voulez que je prouve que ces témoins à lui, sont en

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1 train de dire des contrevérités, comment voulez-vous que je prouve des

2 faits inexistants ? Vous dites qu'il ne m'appartient pas la charge de la

3 preuve mais vous voulez que je prouve que ce que M. Nice a allégué n'est

4 pas exact au lieu de faire en sorte que lui prouve que ce qu'il a allégué

5 est exact.

6 Je pose la question à Monsieur Seselj --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui, continuez Monsieur

8 Milosevic.

9 M. MILOSEVIC : [interprétation]

10 Q. Est-ce que le ministère de l'Intérieur de la République de Serbie a

11 pris part aux opérations de combat en Croatie et en Bosnie-Herzégovine ?

12 R. Il n'y a pas pris part et aucune unité de police en tant que telle n'a

13 jamais traversé la Drina ou le Danube. Il y a eu des policiers qui eux se

14 sont présentés en tant que volontaires pour participer à la guerre aux fins

15 de défendre la population serbe de là-bas. Ces policiers sont allés en

16 volontaires là-bas pendant que leur statut au travail, le statut

17 professionnel s'était vu protégé, sauvegardé à l'époque.

18 A Vukovar, il n'y a pas eu d'unités de police d'aucune sorte. Il n'y avait

19 qu'une 1ère Brigade de la Garde et la Défense territoriale de Vukovar a été

20 subordonnée à la 1ère Brigade de la Garde. Tous les volontaires du Parti

21 radical serbe sont entrés dans la composition de la 1ère Brigade de la

22 Garde, de quelles unités de police parle-t-on alors à Vukovar ? Je ne le

23 sais pas. Ce que je vous garantis, c'est qu'il n'y a pas eu d'unités de

24 police, du tout. Je suis allé deux fois à Vukovar pendant les combats de

25 libération battaient leur plein. J'ai pratiquement visité toutes les lignes

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1 du front et toutes les rues là-bas et il ne pourrait pas qu'il y ait eu là-

2 bas quelque chose que je n'aurais pas vu moi-même.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

4 M. MILOSEVIC : [interprétation]

5 Q. Le sous-point (l) et a dit : "En finançant l'armée, la police et les

6 soldats irréguliers serbes qui ont perpétré des crimes en Croatie ainsi

7 qu'il est indiqué dans le présent acte d'accusation." Je voudrais savoir si

8 la police et l'armée de la Krajina ont perpétré des crimes et qui, du côté

9 serbe, a perpétré des crimes ?

10 R. L'armée serbe et la police de la République de la Krajina serbe, ou

11 plutôt des régions autonomes serbes énumérées tout à l'heure, n'ont pas

12 commis de crimes. Il y a eu des crimes rien que dans des incidents

13 individuels, des incidents à part qui n'ont pas pu être contrôlés.

14 S'agissant maintenant du financement, je dirais que jamais les autorités en

15 Serbie n'ont financé l'armée voire la police de la République de la Krajina

16 serbe. Elle a aidé l'autorité de là-bas, l'autorité légale, l'autorité de

17 la Krajina serbe. Cette autorité légale, une fois après avoir reçu cette

18 aide financière, décidait de ce qu'il convenait de payer avec cet argent.

19 Je n'exclus pas la possibilité qu'il y ait eu de l'aide en équipement, en

20 vivre et ainsi de suite, mais il n'y a pas eu de financement du tout de

21 l'organisation militaire ou de l'organisation policière.

22 Q. Savez-vous nous dire, Monsieur Seselj, quelle a été l'attitude des

23 autorités en Serbie, des autorités en Yougoslavie, et des autorités dans la

24 Krajina, donc des autorités dans la République de la Krajina serbe vis-à-

25 vis des crimes commis par des paramilitaires ou des soldats ayant échappé

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1 au contrôle comme on l'a dit ?

2 R. Ces trois types d'autorité étaient catégoriquement contre la

3 perpétration de crimes à l'égard de prisonniers de guerre voire de la

4 population civile. Cependant, il n'a pas toujours été possible d'empêcher

5 que de tels crimes ne soient commis. C'est là le problème.

6 Q. Avez-vous eu connaissance de cas où Milan Martic, que vous avez déjà

7 mentionné, aurait personnellement donné l'ordre d'arrêter des individus qui

8 auraient commis des crimes ?

9 R. Oui. Lorsque je suis allé à Knin en novembre 1991, en compagnie du

10 ministre de la Justice, j'ai visité la prison de Knin. Il y avait plusieurs

11 prisonniers de guerre croates qui ont par la suite tous été échangés. Il y

12 avait un groupe de Serbes, accusés d'avoir commis des crimes à l'égard de

13 civils croates. Pour autant que je m'en souvienne, c'était sur le

14 territoire de Kordun. Ils ont été jugés et je ne sais pas ce qui s'est

15 produit par la suite.

16 Q. Vous avez trouvé des Serbes en prison que la police à Martic, comme on

17 l'appelle ici, a arrêté pour des crimes perpétrés à l'égard de Croates.

18 R. Oui. J'affirme catégoriquement qu'en novembre 1991, ils se trouvaient

19 dans la prison de Knin, chose qui n'est pas si difficile que cela de

20 vérifier.

21 Q. Merci, Monsieur Seselj. Pour finir, je vais citer le sous paragraphe

22 (m), c'est le tout dernier sous paragraphe de cet article au paragraphe 26,

23 on y lit : "En contrôlant les médias publics serbes, en coopérant avec eux

24 ou de toute autre manière en se servant pour manipuler l'opinion publique

25 serbe, en répondant des informations fausses ou exagérées faisant état

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1 d'agressions perpétrées par des Croates contre des Serbes en raison de leur

2 appartenance ethnique de sorte à créer un climat de crainte et de haine

3 parmi les Serbes vivant en Serbie et en Croatie. La propagande faite par

4 les médias serbes était un moyen important de contribuer à la perpétration

5 de crimes en Croatie."

6 Voilà, vous avez entendu la totalité de l'énoncé de ce sous paragraphe (m).

7 Que savez-vous nous dire au sujet de l'information en Serbie à l'époque et

8 savez-vous nous dire s'il y a eu des journaux et des chaînes de télévision

9 d'opposition ?

10 R. D'abord, ce ne sont pas des assertions juridiques mais des assertions

11 politiques. La première de toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie, la

12 Serbie a été la première à avoir mis en place une liberté de la presse, à

13 avoir commencé une privatisation des médias de l'Etat, et une mise en place

14 des médias privés.

15 Je sais de façon sûre que la télévision de l'Etat, à plusieurs reprises, a

16 refusé de diffuser des images documentaires relatives aux crimes perpétrés

17 par les Croates à l'égard de civils serbes. Je sais que les médias privés

18 ont toujours été plus disposés à condamner cette politique séparatiste et

19 la politique de la direction de l'Etat croate que cela n'a été le cas pour

20 ce qui est des médias publics. C'est un fait.

21 En Serbie, en 1991 et 1992, il a été publié une quantité énorme de journaux

22 privés, bon nombre de ces journaux ont cessé d'exister par la suite. La

23 concurrence a été très grande. Chacun pouvait publier ce que bon lui

24 semblait, à la lettre. A l'époque, il n'y a pas eu d'interdiction de

25 publier des journaux. Pour autant que je m'en souvienne en 1990, il n'y a

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1 pas eu d'interdiction de livres mis à part le livre intitulé "Les

2 Protocoles Des Sages de Sion."

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Vous avez répondu à la

4 question.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Est-ce que les médias en Serbie, et je me propose de suivre l'ordre

7 pour ce qui est des allégations faites, est-ce que ces médias en Serbie ont

8 propagé, exagéré des mensonges pour ce qui est d'attaques, d'agressions de

9 Croates à l'égard de civils serbes ?

10 R. Non. Toutes les attaques des Croates à l'égard du peuple serbe ont été

11 ethniquement motivées. Deuxièmement, ces attaques ont été nombreuses. On a

12 publié bon nombre de faits au sujet de ces agressions. Il est arrivé dans

13 les médias occidentaux de voir les agressions à l'encontre de Serbes et les

14 victimes serbes montrer comme étant des attaques serbes et des victimes du

15 côté des attaques serbes et des victimes du côté croate. On a vu des Serbes

16 tuées notamment dans les médias occidentaux, ceux de l'Autriche et de

17 l'Allemagne qui ont été montrés comme étant des Croates qui auraient été

18 tués. Même dans nos télévisions, bon nombre de chaînes de télévision

19 privées qui reprenaient des images de télévision occidentale, parce que ces

20 télévisions de l'opposition avaient une politique antiserbe mise en place.

21 Les familles des victimes arrivaient à reconnaître les leurs et appelaient

22 pour dire que c'étaient les leurs qui étaient tués et non pas des Croates

23 qui auraient été victimes. Nous avons eu bon nombre de cas de cette nature.

24 Q. Veuillez m'expliquer ce qui suit : est-ce que les médias comme on le

25 dit ici, notamment les médias appartenant à l'Etat en Serbie avaient créé

Page 43420

1 une atmosphère de haine et de peur ?

2 R. Il m'est très difficile de parler de phrase de nature très générale. Il

3 faut parler de faits. Quel est le média qui a créé cette atmosphère de

4 haine ou d'appréhension ? Parce que s'agissant de nos émissions portant sur

5 les crimes croates ne seraient être qualifiées de création d'une atmosphère

6 de peur et de haine, parce que cela pourrait être le cas. On aurait pu

7 dire, par exemple, que les Croates, les paramilitaires croates ou la police

8 croate aurait fait ceci et il se serait avéré que ce n'était pas vrai.

9 Nous, nous avons eu des exemples contraires où les Croates et les Musulmans

10 affirmaient que nous avions tué leurs civils or, cela n'était pas vrai.

11 Notamment dans le cas des Musulmans, nous avons eu des cas où les Musulmans

12 ont tué des civils à eux pour présenter cela comme étant un crime perpétré

13 par les forces serbes.

14 Q. Dites-moi, compte tenu du fait que vous avez une expérience directe et

15 personnelle de tous ces événements, quelle a été la possibilité réelle que

16 les médias de Serbie influent sur l'opinion de Krajina ? Par exemple, les

17 médias de Belgrade qu'ils aient un impact sur l'opinion dans la région de

18 Knin, Petrinja, Lika, Banja, et Kordun ?

19 R. J'y suis allé fréquemment, je suis donc témoin des événements. La

20 population était en colère, elle était mécontente de manière très intense

21 du fait que les médias belgradois ne parlaient pas suffisamment de leurs

22 souffrances. D'ailleurs, le plus souvent, la télévision de Belgrade ne

23 pouvait pas être suivie dans ces pays serbes occidentaux.

24 Les journaux de Belgrade n'arrivaient que sporadiquement et rarement,

25 donc ils ne pouvaient suivre que leurs propres médias. Avant tout, c'était

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1 des stations radio. Il est arrivé aussi qu'il y ait des journaux imprimés

2 localement, mais pour autant que je sache, l'opinion s'informait grâce à

3 des radios locales. Je pense qu'ils n'avaient même pas de quotidien édité

4 localement.

5 Q. Ils recevaient sporadiquement des journaux, mais quelle était la

6 possibilité pour les médias croates d'avoir un impact sur l'opinion là-

7 bas ?

8 R. La population de la Krajina recevait tous les programmes de la

9 télévision croate, tous les programmes de la radio croate. Ceci ne faisait

10 qu'attiser constamment ses peurs car si on peut évoquer cette expression

11 "langage de la haine", encore qu'il faudrait bien définir cela, car ici

12 ceci est qualifié de crime ou de délit, mais dans le droit international

13 jusqu'à présent c'est sans précédent, on n'a jamais qualifié cela de crime.

14 Dans les médias croates, précisément à cette époque-là, le langage de la

15 haine était bien plus fort, bien plus prononcé, bien plus sévère que dans

16 les médias serbes que ce soit à titre individuel ou général.

17 Q. Très bien. Ici, nous parlons de médias serbes car il est dit ici que

18 j'ai manipulé les médias pour créer une ambiance de la peur et de la haine.

19 R. Non, les médias serbes ont fait preuve d'articles les plus nuancés sur

20 la guerre. Ce sont les médias de l'opposition serbe qui eux ont suivi des

21 instructions des services secrets étrangers, qui ont fourni des

22 informations qui étaient dommageables à la partie serbe. Mais jamais aucun

23 de ces médias n'a été interdit même si on sait pertinemment qu'ils

24 recevaient de l'argent de l'étranger et tous les ans le Congrès américain

25 recevait des rapports sur les sommes considérables que le gouvernement

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1 américain allouait à des activités subversives sur le territoire de la

2 République fédérale de Yougoslavie. Dans l'année 2000, ceci s'est monté à

3 environ 100 millions.

4 Q. Très bien. Vous avez parlé à l'instant des médias qui étaient proches

5 des autorités ou de l'opposition. J'aimerais savoir si de manière tout à

6 fait générale, vous pouvez nous dire quel est le pourcentage des médias qui

7 étaient plutôt du côté du gouvernement ou plutôt du côté de l'opposition.

8 R. Un seul média était proche du pouvoir, à savoir, la télévision de

9 l'Etat de Serbie ou la radiotélévision de Serbie comme on l'appelait

10 officiellement. Cela, c'est la seule instance qui était proche du pouvoir.

11 Tous les autres médias de Serbie avaient adopté une attitude plus ou moins

12 de l'opposition. Toutes les autres chaînes, Studio B, tous les journaux de

13 Belgrade étaient dans l'opposition, tout ce qu'éditait la maison d'édition

14 Politika.

15 Vous vous rappellerez qu'en 1992, on a voulu transformer l'entreprise

16 Politika en entreprise publique. Il y a eu une telle réaction de

17 l'opposition qu'on n'a pas pu le faire, donc on y a renoncé.

18 Ensuite, toutes les publications de la maison d'édition Borba, y

19 compris Vecernje Novosti ont relayé les positions d'opposition. Les

20 autorités n'ont contrôlé que la chaîne de télévision de l'Etat. Lorsque je

21 parle de contrôle, ce n'est pas en terme absolu, il y a eu des exceptions,

22 mais l'Etat a nommé le conseil d'administration. Ceci étant dit, je vous

23 rappelle qu'il y avait des représentants de l'opposition, Dragoljub

24 Micunovic, par exemple, en tant que président du Parti démocratique qui

25 siégeait dans ce conseil d'administration de la radiotélévision de l'Etat.

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1 Slobodan Rakitic également du Mouvement serbe du Renouveau, je pense que

2 l'opposition avait trois membres dans ce conseil d'administration, ce qui

3 était bien davantage que la participation des députés de l'opposition à

4 l'assemblée nationale.

5 Q. Monsieur Seselj, vous faisiez partie de l'opposition la plus dure

6 à l'époque. Les médias de Serbie étaient-ils libres ou non ?

7 R. De manière catégorique, j'affirme qu'ils étaient libres, car il

8 n'y avait pas eu d'interdiction de journaux. On n'a interdit aucun livre si

9 ce n'est celui qui est intitulé Les protocoles des sages de Sion. Je sais

10 que c'est dans une édition spéciale de la Grande Serbie que nous avons

11 édité ce texte. La police est venue confisquer le texte, mais il n'y a pas

12 eu de poursuites devant les tribunaux. Ils se sont sentis gênés de procéder

13 ainsi donc ils n'ont confisqué que trois exemplaires de la publication.

14 Le pouvoir a évité d'interdire la publication de journaux ou de

15 livres, mais en tant que membre de l'opposition, je dois dire que

16 effectivement c'était un grand acquis de ce pouvoir par rapport à l'époque

17 communiste où c'était le contraire, où on interdisait des journaux ou des

18 livres. Tous ceux qui étaient opposés à la position du gouvernement ne

19 pouvaient même pas envisager d'imprimer un journal. Un intellectuel de

20 Belgrade a tenté de sortir un journal, il a été incarcéré, c'était en 1986

21 ou 1987.

22 Q. Cette exception que vous venez de citer dans pour ce qui est de

23 la période de ces dix ans, on a interdit qu'un seul livre. Pourquoi l'a-t-

24 on interdit ?

25 R. C'est un livre antisémite qui a été rédigé il y a un siècle. Ce

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1 livre ne concernait absolument pas notre situation en Yougoslavie et notre

2 contexte ex-yougoslave. Les protocoles des sages de Sion, c'est un livre

3 qui est très bien connu en tant que livre antisémite qui a été rédigé il y

4 a un siècle.

5 Q. Dites-moi quel a été l'influence exercé par des médias étrangers sur la

6 population serbe et yougoslave ?

7 R. On regardait librement les chaînes par satellites, en Serbie tout un

8 chacun pouvait choisir la chaîne qu'il souhaitait diffusée par satellite et

9 pour ce qui est des journaux étrangers, ils étaient en vente tout à fait

10 libre à Belgrade.

11 Q. A Belgrade, est-ce qu'on pouvait se procurer les principaux quotidiens

12 ou autres publications occidentales ?

13 R. Moi-même, je lisais Time, NewsWeek, parfois j'achetais Washington Post

14 et parfois New York Times, mais on pouvait également acheter tout autre

15 publication des journaux occidentaux; anglais, allemands, italiens,

16 français, pour ne citer que ceux-là.

17 Q. Pour ce qui est des médias étrangers quel impact ont-ils eu sur les

18 médias serbes et yougoslaves ?

19 R. C'était une influence importante et un grand nombre de médias privés se

20 sont trouvés sous l'influence des médias occidentaux, le Studio B, par

21 exemple, c'était une chaîne de l'Etat. La télévision de la ville de

22 Belgrade aussi a été privatisée vers 1990 et a agi en tant que chaîne de

23 l'opposition et moi en tant que député à l'assemblée fédérale, j'ai pu

24 présenter des informations factuelles montrant que l'ambassade britannique

25 leur a fourni l'équipement apporté à bord de leurs véhicules britanniques.

Page 43425

1 Des collègues ont vu cela, en ont été témoin, et j'en ai fait part aux

2 députés de l'assemblée fédérale.

3 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande qu'il y ait une pause et qu'on

4 ralentisse le débit.

5 M. MILOSEVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur Seselj, on a entendu ici entre autres en tant que témoin, M.

7 Stjepan Mesic. M. Stjepan Mesic a occupé les fonctions les plus élevées en

8 Croatie et en République fédérale de Yougoslavie, alors est-ce que vous

9 vous souvenez de ses activités ?

10 R. Oui, lorsque Stjepan Mesic a été choisi membre de la présidence

11 fédérale de Yougoslavie, le Parti radical serbe a organisé des

12 manifestations importantes devant le parlement du bâtiment fédéral, c'était

13 en mai 1991 à peu près. Sa première tentative de se faire élire a

14 d'ailleurs échoué parce qu'il n'a pas eu suffisamment de voix. Par la

15 suite, des représentants de la Communauté européenne sont venus, ils ont

16 insisté pour qu'il soit élu et ils ont même assisté à cette élection,

17 c'était une forme de pression exercée par eux. Je pense que le ministre des

18 Affaires étrangères hollandais a été présent à ce moment-là.

19 Q. Van den Broek ?

20 R. Oui. Stjepan Mesic a quitté Belgrade à un moment en 1991, il est venu

21 parler devant le parlement croate et il y a déclaré la chose suivante :

22 "J'ai rempli ma tâche, la Yougoslavie n'existe plus." Ce sont des propos

23 d'importance historique prononcés par Stjepan Mesic. Donc, il est devenu le

24 président de la Yougoslavie avec pour mission de détruire la Yougoslavie.

25 Q. Je vais vous dire ce qu'il a déclaré. Il est venu parler ici en tant

Page 43426

1 que témoin. C'est la page 10 530 du compte rendu d'audience. J'attire votre

2 attention sur le fait que le compte rendu d'audience, nous ne l'avons ici

3 qu'en langue anglaise. Je ne vous citerai que quelques éléments de sa

4 réponse.

5 "C'étaient ceux qui attaquaient et qui s'emparaient des stations de police,

6 qui, comme on l'a su de manière évidente par la suite, ont essayé d'établir

7 des frontières d'une Grande Serbie, Virovitica, Karlovac, Karlobag devaient

8 être les frontières. Si vous vous penchez sur tous les actes de provocation

9 qui se sont produits, ils étaient en train de tracer les frontières de la

10 Grande Serbie."

11 Ceci concerne les Serbes de la Krajina et l'armée populaire yougoslave.

12 Est-ce que cela est exact, Monsieur Seselj ?

13 R. Ici, il se sert à mauvais escient de l'idéologie du Parti radical

14 serbe. Notre concept de la Grande Serbie et notre thèse des frontières

15 occidentales serbes, le long de la ligne Karlovac, Virovitica, Karlobag,

16 Ogulin, c'est la frontière qu'il cite mais il ne tient pas compte du fait

17 que ces frontières occidentales serbes entendraient couvrir 10 millions de

18 Catholiques, de Musulmans, d'Albanais et de Macédoniens dans l'espace de la

19 Grande Serbie.

20 Le combat du peuple serbe afin de défendre ses droits, de défendre sa

21 liberté, sa vie, ceci n'a rien à voir avec notre projet idéologique, projet

22 de la Grande Serbie qui s'inscrit sur long terme. On ne sait pas si on

23 parviendra à le réaliser. On ne sait pas combien de générations il faudra

24 pour y arriver. A partir du moment où on aura éliminer les influences, les

25 pressions des forces occidentales, du Vatican, et cetera dans les

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1 territoires yougoslaves.

2 Cela, c'est un projet sur long terme. Je vous ai déjà dit que cela fait

3 plus de trois siècles qu'il existe. Peut-être qu'un siècle s'écoulera

4 encore avant qu'il ne se réalise.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. MILOSEVIC : [interprétation]

7 Q. Page 10 532, dans la suite de cela mais je saute quelques passages pour

8 gagner du temps, Mesic dit la chose suivante : "Les Serbes de Croatie ont

9 été trompés parce que Milosevic leur avait dit que tous les Serbes allaient

10 vivre dans un seul et même Etat et que c'était un droit qu'ils avaient,

11 parce qu'ils avaient le droit à l'autodétermination. Il a trompé le monde

12 entier parce qu'il a dit qu'il combattait pour maintenir la Yougoslavie. En

13 revanche, il a tout fait pour la détruire."

14 Mesic dit que j'ai fait tout pour briser la Yougoslavie et lorsqu'il dit

15 qu'il a accompli sa tâche, que la Yougoslavie n'existe plus, il dit aussi

16 que c'est moi qui aie brisé et démantelé la Yougoslavie.

17 R. Vous avez été l'un des rares présidents des unités fédérales qui avez

18 combattu, lutté pour la préservation de la Yougoslavie.

19 Deuxièmement, vous n'auriez pas pu tromper ou leurrer les Serbes de la

20 Krajina puisque personne n'aurait pu le faire.

21 Troisièmement, toujours vous avez défendu une politique plus modérée que

22 n'a été celle des dirigeants des Serbes de la Krajina et, à ce sujet, il

23 vous est arrivé de vous opposer à certaines équipes de dirigeants des

24 Serbes de la Krajina.

25 Quatrièmement, pour ce qui est du peuple serbe vivant dans la République

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1 serbe de la Krajina, jamais ce peuple n'aurait pu se soulever pour

2 organiser une rébellion armée pour s'opposer au caractère abusif de l'Etat

3 de Tudjman. Jamais ceci n'aurait pu se produire si ces gens n'avaient été

4 menacés dans leur existence même. Personne n'aurait pu les inciter à faire

5 cela.

6 Q. Très bien. Je vous en prie, j'ai un sujet à présent qui vous concerne

7 en tant qu'homme politique, homme politique de l'opposition de surcroît. Je

8 pense que vous en savez tout, pratiquement tout à ce sujet-là. Voyons que

9 dit Mesic au sujet de Parti radical serbe. Il dit la chose suivante et

10 c'est la même page, 10 532, du compte rendu d'audience. Il dit : "Au

11 départ, lorsque le SDS était en train de se créer, il n'a pas semblé que ce

12 parti deviendrait trop extrémiste. C'était une lutte pour une autonomie

13 culturelle qu'il affichait, mais avec le temps, il est devenu évident que

14 ce parti politique faisait l'objet de manipulations de la part de Belgrade,

15 autrement dit, de la part du régime de Slobodan Milosevic et de lui-même,

16 en personne et qu'ils ne faisaient que ce qui allait mener à la création

17 d'une Grande Serbie, la création d'un territoire ethniquement pur, nettoyé

18 de populations non-serbes.

19 "Dans les zones où le SDS s'est emparé du pouvoir. La population a été

20 entièrement purifiée, à savoir ce territoire a été nettoyé de populations

21 non-serbes. C'était une organisation qui visait à la création d'une Grande

22 Serbie sous forme d'extension de territoires."

23 Monsieur Seselj, vous venez d'entendre quels ont été les propos de M. Mesic

24 prononcés ici. Donc j'aurais manipulé le Parti démocratique serbe en

25 Krajina et là où ce parti a pris le pouvoir, il a procédé à un nettoyage

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1 ethnique de populations non-serbes afin de tracer les frontières de la

2 Grande Serbie ou plutôt pour s'emparer de nouveaux territoires pour les

3 Serbes.

4 R. C'est impossible. Il aurait été impossible que vous ayez manipulé le

5 Parti démocratique serbe car les dirigeants du Parti démocratique serbe, en

6 particulier, Jovan Raskovic qui a été son premier président, n'ont pas été

7 en contact avec vous. Ils étaient en contact avec les chefs de l'opposition

8 serbe de Belgrade. C'était un cercle de dissidents et d'anticommunistes de

9 l'époque d'avant la guerre.

10 Jovan Raskovic et un autre cercle de Serbes de Croatie se fréquentaient à

11 Belgrade et ne rencontraient que l'opposition, Dobrica Cosic, Ljubo Tadic

12 et moi-même. Jovan Raskovic, quant à lui, je l'ai rencontré en 1989 à la

13 maison de Dobrica Cosic lorsque nous entretenions des relations amicales,

14 nous nous voyions, nous critiquions le régime.

15 Il est impossible que ces personnalités fussent proches de vous; elles ont

16 été proches de l'opposition belgradoise. C'est ainsi d'ailleurs que se sont

17 créés trois partis démocratiques; celui de Serbie, celui de Croatie, de

18 l'unité fédérale croate et aussi le SDS de Bosnie-Herzégovine. Ils ont été

19 recrutés dans ces cercles d'hommes politiques qui avaient des positions

20 rapprochées.

21 Q. Lorsque Mesic dit qu'en réalité, ils ont agi en tant qu'agents de la

22 Serbie qui devaient garantir l'acquisition de nouveaux territoires à la

23 Serbie ?

24 R. Mesic a raison sur un point : dans un premier temps, le Parti

25 démocratique serbe, réellement, n'a insisté que sur une autonomie

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1 culturelle. Mais regardez, il y a un autre fait : lors des premières

2 élections pluripartites qui se sont tenues en Croatie, la plupart des

3 électeurs n'ont pas voté pour le Parti démocratique serbe. En revanche, ils

4 ont voté pour le Parti des changements démocratiques de Racan qui, parmi

5 ses membres, avaient une majorité croate.

6 Les Serbes ont été vraiment déçus par la victoire de Franjo Tudjman et du

7 HDZ. De toute évidence, c'était un parti oustachi car il a fait revenir des

8 émigrés oustachi endurcis dans le pays. Après, il les a installé aux postes

9 de ministres. Les Serbes ont compris que, de toute évidence, il fallait

10 bien qu'ils serrent leurs rangs pour se protéger, et ce, sur la base

11 ethnique. Eux, ils voulaient avoir un Etat de citoyens. Ils ne souhaitaient

12 aucune forme d'autonomie dans cette Croatie qui aurait été un Etat de

13 citoyens. Cependant, lorsqu'il est devenu évident que c'était un régime

14 fasciste qui était en train de se rétablir en Croatie, et ce, sous la

15 direction de Franjo Tudjman et que, de manière ouverte, il citait --

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

17 M. MILOSEVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Seselj, de manière très concrète : est-ce qu'ils ont voulu

19 gagner de nouveaux territoires pour la Serbie ?

20 R. Non. Ils ont voulu protéger leurs vies. Jovan Raskovic a fait savoir

21 tout à fait explicitement que si la Croatie restait au sein de la

22 Yougoslavie, ils ne revendiquaient aucune autonomie territoriale au sein de

23 la Croatie. Seule une autonomie culturelle les intéressait. Le droit à la

24 langue, la culture, leurs traditions, et cetera. Si la Croatie souhaitait

25 une confédération, à ce moment-là, ils demandaient une autonomie

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1 territoriale serbe à l'intérieur de la Croatie. C'était uniquement si la

2 Croatie allait faire sécession qu'ils allaient demander d'exercer leur

3 droit à l'autodétermination car ils voulaient rester au sein de la

4 Yougoslavie.

5 Je me permets de vous rappeler un point dans la pratique et la théorie

6 juridique yougoslave, le droit à l'autodétermination des unités fédérales

7 n'existaient pas. Le seul droit qui existait, c'était celui de

8 l'autodétermination des peuples, c'est-à-dire des nations. On a estimé que

9 ce droit a été exercé une fois pour toutes à partir du moment où la

10 Yougoslavie fédérale a été créée à l'issue de la Seconde guerre mondiale.

11 Q. Je vous remercie, Monsieur Seselj. A présent, je souhaite vous poser

12 une question qui a beaucoup à voir avec ce que nous avons cité à l'instant

13 dans ce document croate et cela concerne --

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, excusez-moi de

15 vous interrompre mais une autre affaire sera entendue ici cet après-midi à

16 14 heures 15, il nous faut lever l'audience. Nous reprendrons demain à 9

17 heures du matin.

18 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 31 août

19 2005, à 9 heures 00.

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