Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 15 septembre 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Nice.

7 M. NICE : [interprétation] Je suis à même de distribuer l'extrait du livre

8 dont le témoin a lu, un extrait qui se trouvait sur le rétroprojecteur. Je

9 demanderais une cote, après que le document a été distribué. Rappelez-vous,

10 il disait qu'il allait se trouver aux banc des accusés en gardant une place

11 libre pour l'accusé, comment l'accusé pouvait être envoyé à La Haye sans

12 Kertes, Simatovic, Frenki, et les autres.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation 900.

14 LE TÉMOIN: VOJISLAV SESELJ [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]

17 Q. [interprétation] Monsieur Seselj, nous avons été un peu rapide à

18 l'examen de ce point hier, j'y reviens donc. Comment se fait-il qu'en 1994

19 vous puissiez reconnaître comme candidat en puissance à être jugé ici

20 Bogdanovic, Simatovic, Kertes, Stanisic, Badza ?

21 R. En premier lieu, c'était une espèce d'astuce marrante pour répondre à

22 ce que M. Milosevic a dit comme quoi il m'enverrait à La Haye. Alors, je

23 disais que je lui garderais une chaise vacante, ainsi que ses principaux

24 responsables. C'était une espèce de rigolade politique pour faire rire le

25 public. Le public a trouvé la blague bonne. Ces échanges de tirs sur le

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1 plan politique viennent à être traités par vous de façon sérieuse. Or, ceci

2 a été plutôt une espèce de plaisanterie et un trait d'humour. Je suppose

3 que M. Milosevic a été énervé par cela à l'époque, et mon objectif avait

4 été celui de l'énerver. Mais il n'y a pas de signification plus profonde à

5 cela.

6 Q. Fort bien, si c'est ce que vous dites. Pour ce qui est des documents

7 que vous avez présentés, pour les avoir préparés et tirés de plusieurs

8 livres pendant le week-end, est-ce que je peux les résumer de cette façon :

9 vous avez dit des choses dès la fin des années 1990, 1998 ou 1999, est-ce

10 que vous avez dit quelque chose qui revenait à dire que c'étaient les

11 services secrets français qui étaient impliqués dans Srebrenica ?

12 R. Oui. D'après ce que j'ai appris en ma qualité de vice-premier ministre

13 de Serbie, les services de renseignement français ont mis en scène ce

14 massacre de prisonniers de guerre musulmans à Srebrenica.

15 Q. Deuxième chose : vous n'avez produit aucune référence dans vos écrits

16 où vous diriez, où que ce soit, que ce que vous avez dit à propos de

17 l'accusé en 1993 était faux.

18 R. Je vous ai fourni hier des extraits de plusieurs livres que j'ai

19 écrits, un nombre d'extraits importants où j'explique que tout ceci a été

20 dit dans le feu du combat politique, dans le cadre de ce conflit et de

21 cette guerre de propagande. Vous évitez de montrer cela aux Juges.

22 Q. Ecoutez la question, s'il vous plaît. Pourriez-vous, s'il vous plaît,

23 nous indiquer l'un de ces 60 ou 80 ouvrages que vous avez publiés où vous

24 auriez dit : Voici, en 1993, j'ai dit toutes ces choses qui étaient tout à

25 fait fausses à propos de Milosevic. Il n'avait rien à voir avec l'envoi de

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1 volontaires ici ou là. Ce n'était pas lui qui était aux commandes.

2 Est-ce qu'il y a un endroit dans vos écrits où on trouvait ce genre de

3 chose ? C'est cela que je voudrais savoir.

4 R. Premièrement, je parle plusieurs années après de ce que j'ai dit de M.

5 Milosevic, et j'ai dit qu'il y avait une position générale qui sous-

6 entendait le tout. Quel homme normal ou homme politique sérieux y

7 reviendrait ? Sur un plan concret, j'ai dit : Voilà, il s'agissait du

8 couple Ceausescu, et maintenant, je le retire. J'ai dit : la Sorcière

9 rouge, et maintenant, je le retire. J'ai dit : le Dictateur rouge de

10 Dedinje, et maintenant, je le retire. Donc, d'une façon générale, j'ai

11 contesté le tout sans avoir à reprendre le détail de tout ce que j'ai dit

12 auparavant. Pourquoi le reprendrai-je si d'une façon générale, j'ai retiré

13 le tout ?

14 Q. Nous avons votre réponse de toute façon.

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que la réponse revient à dire

16 qu'il n'y a rien sur papier ?

17 M. NICE : [interprétation] C'est comme cela que je l'ai comprise.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.

19 M. NICE : [interprétation] Si j'ai raté quelque chose, bien sûr, je tiens à

20 tout prix à être corrigé. Je n'attends que cela, mais c'est la raison pour

21 laquelle --

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact. Ce n'est pas ce que j'ai

23 répondu. J'ai dit qu'il y avait quelque chose de placé par écrit, mais M.

24 Nice ne veut pas vous le montrer. Il ne veut pas vous indiquer quels sont

25 les extraits que j'ai indiqués moi-même hier.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, vous dites que dans les livres

2 que vous avez remis hier, il y a un extrait qui montre clairement que vous

3 avez induit l'opinion publique en erreur dans ce que vous aviez fait comme

4 déclaration plus tôt, au début des années 1990 ou vers le milieu des années

5 1990 ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des écrits qui disent clairement que

7 toutes mes attaques contre Milosevic entre 1993 et 1996 ont été effectuées

8 dans un objectif qui visait à réaliser des objectifs politiques concrets,

9 dans un contexte de conflit, et cela réfute la valeur factuelle.

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous avez repéré et indiqué

11 un tel passage dans les extraits que vous avez donnés pour copies à M. Nice

12 hier ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, j'ai tout surligné. L'élément

14 crucial est le suivant, je vais vous rappeler : les scolastiques avaient

15 débattu du nombre de dents qu'avaient les ânes.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que vous pourriez simplement

17 répondre à la question, ce serait quand même bien. Est-ce que vous êtes en

18 train de dire que vous avez indiqué dans un de ces ouvrages que vous avez

19 remis à M. Nice hier, un des passages qui répond à cette question, à une

20 déclaration où vous auriez dit clairement par écrit que ce que vous aviez

21 dit précédemment était de la propagande politique induisant en erreur ou

22 est-ce que vous dites que c'est écrit ailleurs et qu'il faut le trouver

23 ailleurs ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est la dernière option ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, tout se trouve dans les

2 extraits que j'ai fournis hier. Précisément cela, le fait qu'il s'agissait

3 d'une propagande politique.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En fait, vous avez indiqué le passage

5 qui montre clairement que vous avez fait des déclarations qui déformaient

6 les propos, qui induisaient en erreur, et vous avez remis ceci pour copie à

7 M. Nice. C'est votre réponse ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Sept ou huit.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

10 Alors, Monsieur Nice, est-ce que vous allez donner copie de tout ce qui a

11 été indiqué ?

12 M. NICE : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que cela va être traduit ?

14 M. NICE : [interprétation] Pour le moment, bien sûr, nous avons des

15 moutures de traduction; ce n'est pas terminé.

16 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais nous pourrons demander qu'une

17 traduction soit faite. Nous verrons ce que cela donnera.

18 M. NICE : [interprétation] Vu la réponse donnée, je vais revenir sur la

19 question. Mais d'après ce que j'avais compris à une première lecture,

20 c'était pratiquement pour cela que j'avais posé la question. Nous verrons

21 ce qu'il en est pendant la pause et nous verrons ce que nous aurons pu

22 obtenir comme résultat.

23 Q. Ma dernière question à propos de ces documents que vous avez fournis :

24 je vous avais demandé si les autorités de Serbie avaient reconnu

25 publiquement ce qui s'était passé à Srebrenica avant l'entretien

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1 d'Erdemovic avec un journaliste, avant le moment où cet entretien allait

2 être rendu public. La date étant celle du 21 février 1996. Est-ce que dans

3 vos écrits il y a quoi que ce soit qui montre que les autorités de Serbie

4 ont reconnu publiquement ce qui s'était passé à Srebrenica avant le 21

5 février 1996 ?

6 R. Vous êtes en train de modifier le sujet du débat. A compter de juillet

7 1995, date où le crime à Srebrenica a été commis, et l'arrestation

8 d'Erdemovic, je n'ai rien dit du tout à ce sujet parce que je ne savais

9 rien de particulier. J'ai ouï dire de quelque chose, mais cela ne suffisait

10 pas pour parler de la question en public. Il s'est passé moins d'un an.

11 Mais je n'ai pas eu de renseignements disant que les autorités en auraient

12 parlé.

13 Q. Monsieur Seselj, merci. Donc, la réponse simple, c'est non. Nous

14 reviendrons en temps utile à Srebrenica. Je voulais simplement ici examiner

15 les documents que vous avez produits.

16 Revenons sur d'autres choses que vous avez dites. Je pense que nous allons

17 commencer par le 39. Est-ce que ceci a été déjà distribué ? Cela va l'être.

18 Extrait d'un de vos livres, "Les Radicaux sont pour la ville, le village,

19 et le travail honnête". C'est publié le 12 décembre 1993. Page 91 en B/C/S.

20 En anglais, nous avons un extrait bref, c'est le deuxième des deux passages

21 indiqués à votre page 91.

22 R. Excusez-moi, qu'est-ce que c'est le B/C/S ? Je ne comprends pas.

23 Q. Vous voulez dire que vous ne comprenez pas le mot ? Le terme tel qu'il

24 s'utilise dans ce Tribunal ou est-ce que vous avez décidé de dire que vous

25 ne le comprenez pas ? C'est le terme qu'on utilise ici au Tribunal de façon

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1 périodique ou régulière pour désigner une langue parlée dans certaines

2 parties de l'ex-Yougoslavie. Vous ne comprenez pas ?

3 R. Vous inventez de nouvelles appellations pour la langue serbe. Avez-vous

4 un fondement linguistique pour ce faire ? N'offensez pas la langue qui est

5 la mienne. Il existe une langue serbe. Vous essayez de la transformer en

6 B/C/S, et c'est contraire à tous les critères linguistiques et à toutes les

7 règles linguistiques. N'offensez pas mon peuple et ma langue de cette

8 façon. Je parle la langue serbe et je ne comprends que la langue serbe.

9 Vous avez d'abord inventé une nation bosniaque, maintenant vous voulez

10 inventer une langue bosnienne.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avançons, avançons.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Il ne vous revient pas de décider de la façon dont les questions sont

14 posées et dont on y répond. Je pense qu'en général j'ai parlé avec vous de

15 la "langue serbe." Mais c'est une habitude ici. Nous parlons de "B/C/S"

16 dans ce Tribunal pour des raisons notamment de neutralité politique. Vos

17 remarques sont dûment notées.

18 Maintenant, prenez la page 91 du document qui se trouve sous vos yeux dans

19 une langue que vous comprenez. Je vais vous demander d'examiner l'extrait

20 indiqué. C'est le deuxième des deux extraits indiqués -- non, excusez-moi.

21 Oui, c'est bien l'intercalaire 39.

22 Est-ce qu'il dit ceci - il s'agit d'une lettre : "La lettre a été

23 écrite dans le cabinet de Slobodan Milosevic. Milosevic avait appelé

24 Martic, Hadzic, Bjegovic et Mile Novakovic et les avait forcés à signer

25 cette lettre. Il n'a pas dû…"

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1 R. Je demande à l'interprète de lire l'original.

2 Q. A ce moment-là, vous-même, vous allez lire l'original, et nous suivrons

3 ce qui est en anglais --

4 R. Je puis le lire, cela n'est guère difficile pour moi.

5 Q. Faites alors.

6 R. S'agissant d'une question de journaliste qu'on n'indique pas ici, et il

7 est en train d'être parlé d'un communiqué de presse de Milan Martic avec un

8 groupe de dirigeants de la Krajina Serbie, et j'ai répondu en m'attaquant à

9 Milan Martic. Le journaliste me pose une question sur cette lettre. Nous ne

10 voyons pas la question ici, et je réponds à la question "oui." Je dis : "La

11 lettre a été rédigée au cabinet de Slobodan Milosevic. Milosevic a convoqué

12 Martic, Hadzic, Begovic et Mile Novakovic et les a obligés à signer cette

13 lettre. Hadzic n'avait pas à être obligé, il a signé tout de suite."

14 Bjegovic, lui, est très lié au régime du Parti socialiste et il se

15 trouve actuellement dans ce Parti serbe des socialistes que le régime a

16 créé à partir d'ici dans la Krajina et qui n'a pas de base dans le peuple,

17 mais qui bénéficie d'un soutien direct du régime ici. Mile Novakovic, après

18 ces deux fiascos, notamment le fiasco du mois de septembre, a des positions

19 qui sont très secouées dans la Krajina. On a parlé de sa révocation, et

20 tout était déjà prêt pour sa révocation. Il fallait que le général Mile

21 Mrksic aille le remplacer aux fonctions de commandant, à savoir, de chef

22 d'état-major de l'armée serbe. Dans une situation de ce genre, il signe

23 également. Milan Martic, lui, hésite. Il s'y oppose quelque peu. Toutefois,

24 comme Milosevic a lancé un ultimatum et l'a menacé, il a signé. Dès qu'il a

25 signé, il s'est vendu pour tout, et ainsi de suite.

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1 Q. Ceci suffira. Dès lors, merci d'avoir lu la totalité du passage.

2 Il y avait uniquement deux brefs passages qui avaient été extraits. Est-ce

3 que ceci montre l'autorité qu'avait l'accusé sur plusieurs personnes, mais

4 notamment, sur Martic et Hadzic ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez tout simplement inventé

7 pour le mettre dans un livre ?

8 R. Je ne l'ai pas simplement inventé; la vérité se trouve à mi-chemin,

9 Monsieur Nice, et je vais vous la dire. Tout d'abord,

10 M. Milosevic exerçait une certaine influence à l'égard de ces hommes-là.

11 L'influence était plus grande pour certains, plus petite pour d'autres. Sur

12 certains, il n'avait pas la possibilité d'influer, parce que Hadzic était

13 en relation si hostile, que lui n'attendait qu'une chose; c'était de

14 signer. Cependant, en ce moment-ci, il est un fait que Milan Martic,

15 Bjegovic et Mile Novakovic, en plein conflit radical avec le Parti

16 socialiste et M. Milosevic, ont fait un communiqué pour condamner les

17 radicaux et nous condamner en personne. Alors, je construis une hypothèse.

18 Je ne sais pas s'ils sont allés voir M. Milosevic. Je n'ai pas vu cette

19 réunion, je n'ai pas d'information disant qu'il y a eu réunion. Mais

20 j'insinue et je suppose que cela s'est fait sous son influence à lui. Je me

21 présente devant le public avec cette affirmation.

22 Q. Est-ce que vous pourriez arrêter de crier; c'est vraiment difficile de

23 vous écouter.

24 R. Je ne crie pas du tout.

25 Q. Prenons la fin de votre réponse. Vous dites que vous vous appuyez sur

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1 une thèse, que vous n'avez jamais vu cette réunion, et vous vous êtes dit,

2 que voilà, il était sous son influence, et vous avez simplement couché ceci

3 sur papier, c'est cela ?

4 R. Oui. J'émets une supposition, et je dis que cela a été fait sous

5 influence de M. Milosevic, voire sous l'influence de la direction de son

6 parti politique.

7 M. NICE : [interprétation] Je demande que ceci soit versé au dossier.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a autre chose. Il dit : "Je ne me

9 suis pas contenté de l'inventer; c'est au milieu que se trouve la vérité."

10 Il dit tout d'abord : "M. Milosevic avait une certaine influence sur ces

11 gens."

12 M. NICE : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

13 Q. Vous me rappelez, Monsieur le Juge, que vous avez reconnu, Monsieur le

14 Témoin, que Milosevic avait une certaine influence sur ces gens. Mais pour

15 ce qui est de l'ensemble de votre réponse, ici, vous faites des

16 suppositions, et c'est là-dessus que vous vous basez, n'est-ce pas ?

17 R. Le fait même qu'il se présente en public avec un communiqué contre moi

18 en personne et contre le Parti radical serbe, et ceci lorsque le conflit

19 bat son plein entre nous et le Parti socialiste de M. Milosevic, en dit

20 assez long pour dire qu'ils ont pris parti. Bjegovic qui était le président

21 de ces socialistes de la Krajina serbe, j'affirme que cela a été créé par

22 le régime. J'exagère. Ils ont été créés là-bas avec l'aide du Parti

23 socialiste de Serbie, quoique n'ayant aucun appui là-bas, parce qu'il n'y a

24 pas eu de Parti démocratique serbe là-bas non plus. Il n'y a pas eu de

25 relation. Le Parti socialiste de Serbie voulait avoir là-bas un parti qui

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1 lui serait similaire.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, les interprètes

3 vous demandent de ralentir.

4 Je voudrais vous demander ceci : vous n'avez pas de preuve tangible

5 attestant du fait que M. Milosevic aurait forcé Bjegovic et Martic à

6 signer ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'ai aucune preuve. Ce que je veux,

8 c'est les disqualifier sur le plan politique en insinuant, en laissant

9 entendre, qu'ils ont été placés sous des pressions, qu'ils ont été soumis à

10 des pressions en signant cela. Ils m'ont attaqué, et je rétorque en disant

11 : Vous avez fait cela parce que Milosevic vous a obligé de le faire. Donc,

12 c'est une espèce d'échange de tir politique.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour ce qui est de Martic, vous

14 n'avez pas de preuve précise montrant que M. Milosevic lui aurait imposé un

15 ultimatum, qu'il l'avait menacé, et qu'il avait donc signé.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, je n'ai aucune preuve. Comme vous

17 pouvez le voir à partir de ce texte, j'essaie, je laisse entendre qu'il y a

18 des divergences entre les signataires, parce que je veux susciter des

19 divergences entre eux. Je dis : Hadzic n'attendait qu'une chose; c'était de

20 signer une chose pareille. Bjegovic est socialiste de toute façon. Martic a

21 hésité, et a fini par accepter, et ainsi de suite. J'ai un front

22 d'opposants politiques devant moi, et dans ma tactique politique, j'essaie

23 de briser ce front, de la fragmenter, d'établir des différences entre eux.

24 Vous n'avez pas sous les yeux ce qu'ils ont dis à mon propos. Ce sont des

25 insinuations, des inventions de toutes pièces, et ainsi de suite. Je

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1 riposte à ce qu'ils ont inventé eux-mêmes.

2 M. LE JUGE BONOMY: [interprétation] Au début de cette réponse, je pense que

3 vous avez essayé de nous fournir une présentation assez véritable de votre

4 position, et vous ne répercutiez pas ce que vous aviez écrit auparavant.

5 Vous avez dit qu'il y avait eu des fluctuations dans l'influence

6 qu'exerçait Milosevic en fonction de la personne. Puis, si on voit la façon

7 dont vous avez présenté chacun de ces individus, est-ce que vous pensez,

8 qu'à votre avis, il avait beaucoup d'influence sur Hadzic ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas dire à présent qu'il a exercé

10 une influence importante vis-à-vis de Hadzic. Parce qu'avec Hadzic, j'étais

11 déjà depuis des années dans des relations d'hostilité. Hadzic n'attendait

12 qu'une chose; c'était d'intervenir contre moi. Pour ce qui est de Bjegovic,

13 il a exercé une influence, parce que c'est grâce au Parti socialiste de

14 Serbie qu'il a été créé un Parti socialiste de la Krajina. Milan Martic,

15 lui, a opté en faveur d'une partie. Il était en bonne relation avec moi,

16 puis il a opté de façon claire en faveur de M. Milosevic et contre moi-

17 même.

18 Voyez-vous, le discours politique ne requiert pas à chaque fois pour tous

19 les détails des éléments de preuve concrets comme cela est le cas d'une

20 procédure en justice. Ce qui est dit dans un discours politique ne peut pas

21 être considéré de façon analogue à ce qui est dit dans un discours

22 politique. Du moins, c'est mon avis.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Encore une fois, je vais devoir vous

24 demander de ralentir votre débit. Les interprètes m'ont demandé de le

25 faire.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne comprends pas vraiment ce que

2 vous êtes en train de dire, car au début de cet échange, vous avez dit tout

3 d'abord : "M. Milosevic a exercé une certaine influence sur ces gens-là,

4 davantage sur certains que sur d'autres." Vous en avez nommé quatre. J'ai

5 tout simplement essayé de savoir sur lesquels il a exercé davantage

6 d'influence. Est-ce que vous pouvez nous répondre à cette question ? Sur

7 lesquels ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Il a exercé la plus grande influence

9 sur Bjegovic. C'est cela que je vais vous dire, car le Parti serbe des

10 socialistes de Bjegovic a été créé en Krajina avec une assistance directe

11 du parti de M. Milosevic. Attention, ce sont les fonctionnaires les plus

12 hauts.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Quelle a été l'influence qu'il a

14 exercée sur Hadzic, d'après vous ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Concrètement, en l'occurrence, il y a eu

16 concordance des intérêts. M. Milosevic cherchait un appui dans son conflit

17 qui l'opposait personnellement aux radicaux serbes, et d'autre part, M.

18 Hadzic, lui, souhaitait s'associer à cette attaque sur le Parti radical

19 serbe parce qu'il y avait déjà une hostilité entre nous deux. Je ne sais

20 pas concrètement quelles ont été ses relations avec M. Milosevic puisque je

21 n'ai jamais été présent lors de leurs contacts. Vous me demander des choses

22 impossibles. Vous voulez que je vous explique quelles ont été les relations

23 entre

24 M. Milosevic et M. Hadzic, et c'est depuis 1991, que je suis en conflit

25 avec M. Hadzic. Je n'ai fait que des déclarations négatives à son adresse.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Par conséquent, Monsieur Seselj, cet

2 extrait n'est pas fiable dans sa totalité pour ce qui est de l'influence

3 que M. Milosevic a exercée sur ces personnes, en tout cas, pour ce qui est

4 de M. Bjegovic, c'est le cas. Il est dit ici qu'il l'a forcé à signer la

5 lettre.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bjegovic ?

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il n'est pas dit ici, il n'est dit nulle

9 part qu'il a dû forcer Bjegovic. Il est dit ici qu'il a dû forcer Martic.

10 Monsieur Robinson, ce n'est pas ce qui est dit pour Bjegovic. Je dis qu'il

11 est très proche du régime du Parti socialiste serbe; c'est cela que je dis.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Corrigez-moi si ma mémoire n'est pas

13 bonne. Pendant l'interrogatoire principal, lorsque nous avons examiné la

14 question de l'implication d'autres personnes alléguées comme membres de

15 l'entreprise criminelle commune à l'acte d'accusation, est-ce que vous

16 n'avez pas dit qu'il n'est pas question que M. Hadzic ait été impliqué à

17 une entreprise criminelle commune quelle quel soit avec l'accusé ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit qu'il est impossible qu'il ait pris

19 part avec moi dans quoi que ce soit, puisqu'il y a eu un conflit permanent

20 entre nous deux. J'affirme que l'accusé n'a pris part à aucune entreprise

21 criminelle commune d'aucune sorte. Il y a un autre détail, Monsieur Bonomy.

22 Ici, au moment où Milan Babic a été remplacé, le président de la République

23 serbe de Krajina est devenu Goran Hadzic. Les autorités de Belgrade ont

24 estimé que Goran Hadzic est une meilleure solution que Babic, cela est un

25 fait. C'est un fait qui ne peut pas être contesté.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai pensé que précédemment dans votre

2 réponse vous entendiez qu'il n'y avait pas lieu de parler de participation

3 à l'entreprise criminelle commune entre l'accusé et Hadzic. Maintenant, je

4 remarque vous n'avez jamais été présent. Donc, vous ne savez pas quelle a

5 été la nature de leur relation ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je continue d'affirmer qu'il n'y a eu aucune

7 entreprise criminelle commune. Il n'y en a absolument pas eu du côté serbe

8 au niveau le plus élevé des dirigeants serbes. Je continue de maintenir

9 ceci, cette affirmation-là. Je vous montre ici autre chose : les relations

10 entre M. Milosevic et les différents individus nommés ici, ces relations

11 n'ont pas toujours été les mêmes. Il a été plus proche ou moins proche avec

12 certains. Il a été plus correct ou moins à l'égard d'eux et en plein

13 conflit avec

14 M. Milosevic. Alors que mon conflit avec M. Milosevic était à l'apogée,

15 j'ai dit la même chose.

16 M. NICE : [interprétation]

17 Q. J'ai une question que je souhaite vous poser au sujet de ce paragraphe.

18 Je le fais pour montrer quelle est la thèse de l'Accusation. Monsieur

19 Seselj, lorsque vous fournissez ce genre de détail comme dans ce

20 paragraphe, lorsque vous faites la différence entre telle ou telle

21 personne, en fait, vous révélez que vous êtes en train de dire la vérité.

22 Par cette vérité, vous cherchez à cacher que vous êtes en train de mentir.

23 C'est ce que je suis en train d'affirmer contre vous en tant que témoin.

24 R. Votre thèse est erronée, menteuse. Je dis que j'ai attaqué les

25 signataires d'un communiqué. Ici, bien sûr, j'ai glissé quelques

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1 insinuations. Vous savez, il y a quelque chose qu'on appelle la symbolique

2 du discours politique. Lorsqu'on dit "au cabinet de

3 M. Milosevic," ceci ne veut pas dire littéralement dans son cabinet; cela

4 veut dire sous son influence.

5 M. NICE : [interprétation] Je souhaite verser ce document.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

7 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut attribuer une cote ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la cote ?

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 901.

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Je vous invite maintenant à examiner une pièce qui a déjà été versée.

12 C'est la pièce 326. Il s'agit de l'intercalaire 11. C'est la carte de la

13 République serbe de Krajina qui a été versée par l'intermédiaire de la

14 déposition de Milan Babic.

15 M. NICE : [interprétation] Je demanderais que l'on communique un exemplaire

16 à la Chambre et au témoin.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai toujours pas reçu un exemplaire de

18 cela.

19 M. NICE : [interprétation] Nous allons le placer sur le rétroprojecteur.

20 Vous allez voir cela à l'écran. M. l'Huissier restera près de vous.

21 Q. Une question générale pour commencer : si l'on examine les frontières

22 de la République serbe de la Krajina, ces frontières correspondent-elles

23 jusqu'à un certain point à la partie appropriée de la frontière de la

24 Grande Serbie pour laquelle vous vous êtes toujours battu ? Répondez-moi

25 par oui ou non.

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1 R. On ne peut pas dire que cela correspond aux frontières de la Grande

2 Serbie. La frontière occidentale de la Grande Serbie, dans la projection

3 idéologique du Parti radical serbe, c'est la ligne Karlobag-Ogulin-

4 Karlovac-Virovitica. Ici, la Krajina serbe a une frontière un peu plus au

5 sud de Karlobag, bien plus au sud qu'Ogulin.

6 Q. Mais c'est semblable.

7 R. Non. On ne peut pas dire que c'est semblable. Quant à savoir quelle est

8 la différence-clé, on pourrait dire d'un point de vue formel que la

9 frontière occidentale est semblable. Mais toute la Slavonie centrale fait

10 partie de notre projet idéologique de la Grande Serbie. Or, cette Slavonie-

11 là n'a pas fait partie de la République serbe de la Krajina. Dans notre

12 programme idéologique, ici, il n'y a pas de vide, il n'y a pas d'espace

13 vide.

14 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, pourriez-vous, s'il vous

15 plaît, remettre la carte au témoin, et je vous invite à placer le document

16 anglais sur le rétroprojecteur.

17 Q. Nous verrons lorsqu'on examine la légende, que c'est la carte du

18 génocide oustachi commis contre le peuple de Serbie au sein de l'état

19 indépendant de Croatie entre 1941 et 1945. Il est fait référence ici à un

20 représentant allemand qui invite les Oustachi en disant qu'un million de

21 Serbes orthodoxes, d'enfants, de femmes, de personnes âgées ont été

22 massacrés. Nous voyons qu'il est question de génocide massif commis contre

23 le peuple serbe, et cetera. Ces choses qui accompagnent la carte ont été

24 publiées au moment où a existé la République serbe de Krajina.

25 Monsieur Seselj, acceptez-vous la chose suivante, attirer l'attention de la

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1 population dans les années 1990 sur ces moments tragiques de l'histoire ?

2 Est-ce que vous acceptez le fait que ceci avait pour objectif d'inciter les

3 gens à avoir recours à la violence ?

4 R. Tout d'abord, il y a un faux ici. Les Oustachi n'ont pas tué le peuple

5 de Serbie, mais le peuple serbe qui a vécu pendant des siècles sur le

6 territoire de ce qu'on a appelé l'état indépendant de Croatie. C'est un

7 faux flagrant anti-serbe, de nature anti-serbe. Vous le trouvez au début de

8 ce document.

9 Un deuxième point, jusqu'à l'année 1990, jusqu'à la chute du communisme, il

10 a été interdit d'ouvrir les fosses communes serbes datant de la Seconde

11 guerre mondiale. Ce n'est qu'au moment, où en Bosnie-Herzégovine, les

12 partis nationaux l'ont emporté, le Parti de l'action démocrate musulman, le

13 SDS et le HDZ, donc pour les Serbes et les Croates, on a accepté qu'on

14 ouvre les fosses communes et que l'on procède à l'ensevelissement des

15 restes des civils serbes massacrés pendant la Seconde guerre mondiale.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, vous avez fourni

17 quelques informations contextuelles, et à présent, je vous invite à

18 répondre à la question.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est ce que je suis en train de faire,

20 de répondre à la question, le fait qu'on ait ouvert les fosses communes.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre un

22 peu directement.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1990 et en 1991, on a exhumé les fosses

24 communes serbes de la Seconde guerre mondiale pour procéder à un

25 ensevelissement digne des victimes, pour qu'on puisse procéder à des rites

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1 religieux. C'est cela qui a été fait, et cela n'a pas été fait dans le

2 cadre des préparatifs à la guerre.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, je vais vous poser

4 la question que M. Nice vous a posée initialement. Est-ce que vous acceptez

5 la thèse que le fait d'attirer l'attention de la population dans les années

6 1990 sur des événements tragiques qui se sont déroulés dans l'histoire, les

7 événements des années 1940, a eu pour objectif d'inciter le peuple à la

8 violence ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Monsieur Nice.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il a fallu que je vous fournisse mon

12 explication, Monsieur Robinson. Autrement, ma réponse n'aurait pas été

13 complète.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous ai donné

15 la possibilité de le faire. Mais à un certain moment, il faut bien qu'on

16 obtienne la réponse.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Monsieur Seselj, est-ce que vous avez senti que vous avez toute la

19 liberté de prendre la parole à tout moment de votre choix de ces événements

20 tragiques, lorsque vous avez parlé des Oustachi qui ont commis un génocide

21 contre les Serbes ?

22 R. Personnellement, je me suis exprimé librement. Ceci étant dit, dans les

23 années 1980, des mesures de répression pouvaient intervenir de la part du

24 régime, et j'en ai été victime de nombreuses mesures de répression. Aussi,

25 il faut savoir qu'en 1990, Tudjman l'a emporté en Croatie, et il déclare

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1 qu'il s'inscrit dans la continuité du régime oustachi, qu'il poursuit ces

2 traditions-là.

3 Q. Monsieur Seselj, pourriez-vous, s'il vous plaît, écoutez ma question

4 avec la plus grande attention, et si vous pouvez, s'il vous plaît, répondre

5 à mes questions. Est-ce que vous acceptez le fait qu'en polarisant

6 l'attention du peuple sur ces événements passés, cela avait pour objectif

7 de diviser la société, de créer, d'une certaine façon, une société qui se

8 partageait entre "nous et eux" ?

9 R. Non. Du côté serbe, de manière organisée, personne n'a cherché à

10 attirer l'attention sur cela. Tout d'abord, dès qu'il y a eu changement au

11 pouvoir, on a commencé à s'auto-organiser et à exhumer les fosses communes.

12 Les familles des victimes de la Seconde guerre mondiale ont procédé à

13 l'ensevelissement de leurs proches à des cimetières orthodoxes, des

14 cimetières près des églises. Ce n'était pas une manipulation. C'est la

15 première fois que les gens ont été libres d'enterrer leurs proches de la

16 manière dont l'impose leur religion et leur code éthique.

17 Q. Enfin, sur ce point, une question générale : est-ce que vous acceptez

18 le fait que deux types d'événements, le fait de rappeler l'histoire, les

19 moments douloureux ou tragiques du passé, et le fait de diviser les gens en

20 créant cette culture où il y a "nous et eux," que ces deux choses, en

21 coïncidant, ont pu inciter les gens à accepter facilement des crimes

22 génocidaires ?

23 R. Ceci n'est pas exact. Dans cette dernière guerre qui s'est déroulée, il

24 n'y a pas eu de crimes génocidaires. Même si vous avez falsifié ici des

25 données concernant Srebrenica, vous avez essayé de prouver qu'il y a eu

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1 génocide. Mais cela, c'est un faux, et le tribunal de l'histoire, si ce

2 n'est pas ailleurs, prouvera que ceci n'a pas eu lieu, parce qu'il n'y a

3 pas eu de génocide là-bas.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je voudrais élucider un point : les

5 fosses communes ont été exhumées, d'après vous, au début des années 1990.

6 Vous parlez de fosses communes situées en Bosnie ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'étaient des fosses en Bosnie.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

9 M. NICE : [interprétation]

10 Q. On peut reprendre ce document. C'est un document qui constitue déjà une

11 pièce à conviction. Il n'y a pas lieu de s'en occuper davantage. A présent,

12 je voudrais que l'on examine la page de garde du numéro 9 de la revue

13 Grande Serbie qui date des années 1990. C'est la revue de votre parti. Nous

14 pourrions peut-être placer les deux feuilles sur le rétroprojecteur.

15 L'INTERPRÈTE : Peut-on savoir quel est l'intercalaire ?

16 M. NICE : [interprétation] Tout à fait. Je vais vous indiquer

17 l'intercalaire; c'est 46 [comme interprété].

18 Q. Nous pouvons lire dans le titre : "D'Ohrid jusqu'aux plages de

19 l'Adriatique, partout se trouvent les gardes du général Draza."

20 R. Vous voyez bien que ce sont des vers. Cela rime. C'est l'un des poèmes

21 populaires, d'Ohrid jusqu'aux plages de l'Adriatique, partout on trouve les

22 gardes du général Draza. Vous voyez bien que ce sont des vers. Vous voulez

23 que je me lance dans une analyse de la poésie populaire serbe à présent ?

24 Q. Non. Ce qui m'intéresse davantage, c'est ce qu'on lit en bas à gauche.

25 Mais avant de venir à cela, dites-nous de quelle carte il s'agit ici ?

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1 C'est bien la carte de la Grande Serbie ?

2 R. Oui. Celle-ci, c'est bien la carte de la Grande Serbie.

3 Q. Donc, c'est la carte qui comprend ce qui, aux yeux des autres, serait

4 la Bosnie, et des parties considérables de ce qui, de l'avis d'autres

5 personnes, serait la Croatie ?

6 R. Premièrement, qui d'autre ? Je dis que cette carte englobe la Bosnie,

7 mais cette carte n'englobe pas la Croatie. Ce sont des terres serbes. C'est

8 là que vit le peuple serbe, des Serbes orthodoxes, musulmans, et les Serbes

9 catholiques. Le premier jour, je vous ai expliqué cela, et cette carte

10 confirme mon explication.

11 Q. Oui, c'est votre définition. Mais eux-mêmes, ils ne l'acceptent pas. En

12 bas, on a un passage où on lit --

13 R. On lit : "Frères serbes, n'oubliez pas, ce sont des terres serbes."

14 Q. Quel a été l'effet escompté pour vous ? Quel genre d'impact vouliez-

15 vous avoir sur les lecteurs de cette revue, les gens qui en 1990 allaient

16 lire ceci et voir que des terres considérées par d'autres comme leur

17 appartenant, leur appartenant à la Bosnie ou à la Croatie, étaient

18 présentées comme terres serbes ? Quel a été l'effet que vous avez recherché

19 en publiant cela en page de garde ou où que ce soit ?

20 R. Ce que vous venez de présenter, tout d'abord, c'était en quatrième de

21 couverture. Mais il y avait une autre carte dans le deuxième numéro de

22 notre revue, en page de garde, et c'était une carte comparable. Donc, votre

23 erreur n'est pas très importante.

24 Puis, un deuxième point, nous disons clairement, enfin nous, membres

25 de la rédaction, nous disons clairement, ce n'est pas que moi : "Frères

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1 serbes, n'oubliez pas."

2 Troisièmement, vous dites, ce qui est sans aucun doute bosniaque ou

3 croate, et de manière définitive. Mais vous devriez savoir que dans

4 l'histoire, rien n'est définitif. Votre Grande-Bretagne, elle non plus

5 n'est pas définitive. Dieu seul sait ce que l'histoire nous apportera. Mais

6 c'est dit clairement ici : "Frères serbes, n'oubliez pas, ce sont les

7 terres serbes." C'est ce qui nous a été légué et c'est ce que nous devons

8 léguer à nos descendants, à nos fils, à nos petits-enfants. Ce sont les

9 terres serbes et ceci doit rester serbe.

10 Q. C'est en 1990, et vous publiez, et vous avez la possibilité de publier

11 des documents qui vont tout simplement inciter les gens à aller se battre,

12 et en même temps, vous disiez ce genre de chose. Vous leur rappeliez les

13 atrocités, les souffrances terribles de la Seconde guerre mondiale. Est-ce

14 que vous vous rendez compte à quel point vous avez constitué un danger,

15 Monsieur Seselj, à ce moment-là ?

16 R. Non, je n'ai absolument pas été dangereux. Je représentais une valeur

17 populaire serbe à ce moment-là, que de nombreux ne reconnaissaient pas,

18 mais j'étais conscient de cette valeur.

19 Deuxièmement, l'année 1990, c'est déjà l'année où on commence à deviner

20 qu'il va y avoir démembrement de la Yougoslavie. Le séparatisme slovène bat

21 son plein, la Slovénie s'en va. En 1990, Tudjman arrive déjà au pouvoir. La

22 revue Grande Serbie, nous l'avons lancée en juillet 1990. Or, Tudjman, il

23 est arrivé en mai 1990. Donc, deux mois après l'arrivé au pouvoir de

24 Tudjman, nous lançons cette revue "Grande Serbie."

25 Troisièmement, dans les années 1980, avant que M. Milosevic n'arrive au

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1 pouvoir, le climat était déjà un peu plus libéral à Belgrade. Vladimir

2 Dedijer a publié un livre très important, un recueil de documents, "Le

3 Vatican et Jasenovac". Puis, Milan Bulajic a publié plusieurs volumes

4 d'ouvrages dédiés aux crimes oustachi à Jasenovac. Puis, Antun Miletic, qui

5 est un Croate, d'ailleurs vous l'avez --

6 M. NICE : [interprétation] Peut-on montrer cette pièce à conviction, s'il

7 vous plaît.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez l'original de

9 cette édition ?

10 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons --

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pour qu'on puisse bien voir la carte,

12 puisque la photocopie est vraiment très mauvaise.

13 M. NICE : [interprétation] Je vais vérifier, et je vais vous apporter la

14 réponse dans quelques minutes.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 902.

16 M. NICE : [interprétation] Si nous avons l'original, je demanderais le

17 versement au dossier de l'original, du moins pour le dossier de l'espèce.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. NICE : [interprétation]

20 Q. Vukovar, quelle a été la justification présentée par les Serbes pour

21 s'emparer de Vukovar ? Aidez-nous là-dessus.

22 R. Tout d'abord, Vukovar était une ville serbe depuis toujours.

23 Avant la guerre, ni les Serbes, ni les Croates n'y avaient --

24 Q. Mais qu'entendez-vous par là ? Quelle a été la population de cette

25 ville au moment où elle a été attaquée ? Quels ont été les pourcentages ?

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1 R. Vukovar n'a pas été attaquée. Vukovar a été libérée.

2 Q. Au moment de sa libération donc, quelle a été la composition ethnique ?

3 Quels ont été les pourcentages des différents groupes ethniques ?

4 R. Si ma mémoire ne flanche pas - bien entendu, elle ne peut pas être

5 absolument certaine - ni les Serbes, ni les Croates n'y disposaient d'une

6 majorité absolue. Mais il y avait à peu près autant de Serbes que de

7 Croates. Il y avait quelques Yougoslaves d'autres appartenances ethniques,

8 mais toujours est-il que ni les Serbes, ni les Croates n'avaient plus de

9 50 %.

10 Q. Je vous arrête là un instant. Etaient-ce de vrais Croates, qui

11 parlaient le cajkavian ou l'ékavien ou étaient-ce de faux Croates qui

12 parlaient le dialecte stokavien ? De quels Croates s'agissait-il ?

13 R. C'étaient de faux Croates qui parlaient stokavian. La politique menée

14 pendant un siècle par l'église catholique les a leurrés, les a incités à

15 penser qu'ils sont Croates.

16 Q. Les gens qui ont perdu leur vie et qui étaient des victimes de ce

17 processus de libération, en fait, d'après votre estimation, ce sont des

18 Serbes. Mais eux, ils ne le savaient pas. Ils s'imaginaient qu'ils étaient

19 des Croates. Mais en réalité, c'étaient des Serbes. Donc, pourquoi les

20 Serbes ont-ils attaqué des Serbes, d'après votre interprétation de

21 l'histoire ?

22 R. Non, ce ne sont pas des Serbes qui ont attaqué des Serbes. Ce sont les

23 unités paramilitaires croates qui ont attaqué la caserne de la JNA à

24 Vukovar. C'est comme cela que le conflit a commencé.

25 Un deuxième point, on a vu apparaître des unités paramilitaires de Franjo

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1 Tudjman à Vukovar. Elles ont commencé à malmener la population serbe

2 orthodoxe avant le début du conflit. Ils ont commencé à s'attaquer aux

3 villages serbes dans les environs de Vukovar, et vous devriez connaître une

4 information qui porte sur la Seconde guerre mondiale, de nombreux villages

5 dans les environs de Vukovar ont été catholicisés de force pour en faire de

6 soi-disant Croates. A Bobota, par exemple, les Serbes qui vivaient dans ce

7 coin ont eu peur à l'arrivée de Tudjman au pouvoir. Ils se sont sentis

8 menacés dans leur existence, et ce sont les unités paramilitaires de Franjo

9 Tudjman qui ont attaqué les premières. Elles ont attaqué la caserne de la

10 JNA à Vukovar. Donc, ce ne sont pas les Serbes qui ont attaqué; ce sont les

11 unités paramilitaires croates.

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous iriez jusqu'à affirmer que

13 Tudjman lui aussi était un Serbe qui se croyait Croate ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Tudjman est d'origine allemand, tout le

15 monde le sait. Son nom de famille le montre. "Tudjman," cela veut dire

16 "étranger," "strange man."

17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. NICE : [interprétation] Je m'adresse aux interprètes. Nous allons

19 maintenant examiner l'intercalaire 56. C'est une transcription. Ceci va

20 être présenté par le logiciel d'affichage électronique Sanction. Je dois en

21 informer la régie. Est-ce que ceci peut-être diffuser ?

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Arrivés à Vukovar, les Oustachi et les fascistes n'ont aucune chance

25 de réussir. Les gars qui sont venus ici savent pourquoi ils sont venus. Ils

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1 n'ont pas à être convaincus des raisons pour lesquelles ils doivent se

2 battre. Le régime de Serbie nous a confié une caserne à Bubanj Potok. Une

3 caserne entière a été confiée aux volontaires du Parti radical serbe. Nous

4 avons rassemblé les volontaires à Belgrade, et nous recevions des

5 uniformes, des armes et des autocars pour les transporter vers le front, et

6 ainsi de suite."

7 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

8 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je m'intéressais

9 seulement --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les faux habituels diffusés par la BBC. Jamais

12 M. Seselj n'a prononcé le mot de "Serbie". A aucun moment. Dans le sous-

13 titrage, on parle trois fois de "Serbie." Or, lui n'a jamais prononcé le

14 mot de "Serbie" dans tout ce qu'il a dit. Alors, je ne sais pas comment

15 vous pouvez permettre l'utilisation de faux de telle nature d'un jour à

16 l'autre, parce que les faux de la BBC, c'est quelque chose d'incroyable,

17 d'inconcevable.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si c'est le cas, nous vous

19 remercions de nous avoir signalé cette erreur. Il y aura correction.

20 M. NICE : [interprétation] Vous vous souviendrez des difficultés que nous

21 rencontrons quelquefois. Il n'est pas toujours facile d'avoir des

22 traductions récentes toutes fraîches. Ce qui nous intéresse d'abord, c'est

23 le premier passage. Apparemment, il n'y a pas de référence à la "Serbie."

24 Q. Mais on vous voit devant un groupe d'hommes armés, et vous dites :

25 "C'est le plus fort bastion oustachi. A la chute de Vukovar, les Oustachi

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1 n'auront aucune chance. On comprend que quelqu'un qui est venu ici

2 combattre volontairement sait pourquoi il est venu, pourquoi il combat. Ce

3 n'est pas nécessaire de le convaincre d'aller au combat."

4 Alors, vos hommes, les hommes de Seselj qui sont allés à Vukovar,

5 qu'allaient-ils faire à Vukovar ?

6 R. Ils sont allés se battre pour la liberté de Vukovar et pour vaincre les

7 formations oustachi qui s'emparaient de Vukovar. Et les Oustachi, ce sont

8 des fascistes croates.

9 Q. Vous vous souvenez que tout au début des questions que je vous ai

10 posées, je vous ai demandé comment vous alliez faire la distinction entre

11 les Oustachi et les non-Oustachi, si vous alliez dire que c'était une

12 différence entre civils et non civils ? A Vukovar, comment devait-on

13 protéger ces malheureux civils qui pensaient qu'ils étaient Croates ?

14 R. Tout d'abord, la JNA se chargeait de protéger la totalité des civils,

15 les Serbes orthodoxes, les catholiques et tous les autres.

16 Deuxièmement, les Oustachi se sont déclarés de façon ouverte et

17 publique à Vukovar dans le cadre de ce qu'il était convenu d'appeler le

18 rassemblement de la Garde nationale. C'était une formation paramilitaire

19 oustachi de Franjo Tudjman qui a été créée de façon tout à fait illégale.

20 Au nord de Vukovar, à Osijek, il y a eu une formation qui existait et qui

21 disait ouvertement pour soi qu'elle était Oustachi. C'était la formation de

22 Glavas. Ils portaient des uniformes noirs à l'image de ceux que les

23 Oustachi portaient pendant la Deuxième guerre mondiale. Le peuple serbe,

24 lui, a fait la distinction très claire entre le peuple croate et les

25 Oustachi. Il n'y a jamais eu de confusion à ce niveau-là.

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1 Q. Est-ce que vos hommes allaient à Vukovar sachant qu'ils devaient

2 s'attendre à tuer les gens qu'ils allaient y trouver ?

3 R. Non. J'ai sans cesse tenu des discours au départ raccompagnant les

4 volontaires à Belgrade. Je leur disais comment les soldats serbes devaient

5 se battre de façon honorable, chevaleresque et sur le champ de bataille, et

6 je disais comment il fallait se comporter à l'égard des prisonniers, des

7 civils, des blessés, et ainsi de suite.

8 Q. Toute opération, disons, de "nettoyage," opération qui vise à nettoyer

9 une région d'un groupe ethnique, va forcément entraîner, charrier la mort,

10 la destruction, n'est-ce pas ?

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il est d'accord pour dire

12 qu'il y avait une opération ?

13 M. NICE : [interprétation] Non, c'est une question un peu rhétorique ou --

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

15 M. NICE : [interprétation] Je vais y revenir plus tard.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Supposons --

19 R. Vous voulez que je réponde à cette question, Monsieur Nice, pour ce qui

20 est du nettoyage ethnique ?

21 Q. Oui.

22 R. C'est délibérément que vous falsifiez les faits en faisant la confusion

23 entre deux choses. D'abord, il y a un nettoyage militaire du terrain qui

24 constitue une opération légale et légitime, qui est une opération

25 militaire, et vous avez un nettoyage ethnique qui, en application du droit

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1 international, se trouve être interdit. Vous faites la confusion, non

2 seulement dans ce procès-ci, mais dans tous les autres procès en cours.

3 Le nettoyage du terrain, cela consiste en la liquidation des différentes

4 poches de résistance qui sont restées sur le terrain.

5 Q. Arrêtez-vous, s'il vous plaît, Monsieur Seselj, et arrêtez de hurler.

6 C'est vraiment difficile de vous écouter.

7 R. Vous, vous devez suivre les interprètes; eux, ils ne crient pas.

8 Q. Je précise ici, nous parlons de nettoyage ethnique. Je répète la

9 question au cas où vous ne l'auriez pas comprise la première fois. Toute

10 opération de nettoyage ethnique entraîne avec elle la violence, la mort,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Si nettoyage ethnique il y a eu.

13 Q. Je ne sais pas ce que vous comprenez lorsque vous dites s'il y a eu,

14 mais --

15 R. Si vous vous attendez de ma part à ce que je me prononce sur ce

16 qu'apporte un nettoyage ethnique, vous pourriez, par la suite, interpréter

17 ma réponse pour dire que j'ai affirmé qu'il y a eu un nettoyage ethnique.

18 C'est une supercherie qui est indigne de vous. De toute façon, vous n'êtes

19 pas à la hauteur de ce que je pourrais répondre.

20 Q. Si quelqu'un, un dirigeant militaire --

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, M. Nice a posé sa question

22 de façon tout à fait incorrecte lorsqu'il a formulé sa question la première

23 fois. Il a parlé "nettoyage du terrain vis-à-vis ou à l'égard des

24 ressortissants des autres groupes ethniques." C'est ce qu'il a dit. Le

25 compte rendu d'audience n'est plus sur mon écran. Mais déjà dans la

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1 question, il avance un fait qui est complètement faux ou une assertion qui

2 est complètement fausse. Jamais personne n'a entendu parler du nettoyage du

3 terrain de ces ressortissants d'autres groupes ethniques.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Reformulez la question.

5 M. NICE : [interprétation] A mon humble avis, ce n'est pas nécessaire de la

6 reformuler. Le témoin ne veut pas répondre à ma question, mais je vais

7 quand même la répéter.

8 Q. Si un chef militaire, un commandant, Monsieur Seselj, ou même quelqu'un

9 qui a le commandement de forces militaires, sans s'estimer commandant, s'il

10 donne pour instruction à des gens de se livrer à un nettoyage ethnique,

11 cette personne sait, n'est-ce pas, que ce qui va suivre, c'est la violence,

12 la mort ?

13 R. Si nous parlons dans l'abstraction, si nous rejetons la possibilité de

14 votre part d'abuser de façon mal intentionnée la réponse que je vous

15 apporterais, il s'entend que tout commandant militaire qui ordonnerait un

16 nettoyage ethnique devrait être conscient que cela mènerait à des crimes.

17 Cela est le cas pour ceux qui ordonneraient un nettoyage ethnique. Mais

18 parmi les commandants serbes hauts placés, vous n'en avez trouvé encore

19 aucun qui aurait donné l'ordre de procéder à un nettoyage ethnique.

20 Q. Quiconque qui aurait été envoyé, par exemple, à Vukovar pour forcer les

21 Croates à franchir cette ligne de Karlobag-Oguline-Virovitica aurait été

22 amené à faire quelque chose qui allait forcément entraîner la violence et

23 la mort, n'est-ce pas ?

24 R. Premièrement, personne n'a reçu d'instructions révisant à repousser les

25 Croates derrière les lignes Karlobag-Karlovac-Virovitica. Il s'agissait de

Page 44119

1 battre les formations paramilitaires de Franjo Tudjman. Jusqu'à la fin de

2 1991, d'après les informations dont je disposais, l'état-major de la JNA

3 avait établi des plannings pour ce qui était de battre les forces de

4 Tudjman et de s'emparer de Zagreb. Il s'agissait de battre à plates

5 coutures ces formations paramilitaires. L'état-major de la JNA voulait

6 faire en sorte que la Croatie tout entière reste à faire partie de la

7 Yougoslavie.

8 Q. Vous ne répondez pas à ma question.

9 R. Je ne réponds pas de la façon que vous souhaiteriez entendre.

10 Q. Est-ce que nous pouvons maintenant voir un extrait. C'est le 56A, me

11 semble-t-il ?

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez le versement du

13 dernier passage ?

14 M. NICE : [interprétation] Oui. Excusez-moi, j'avais oublié.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est le passage 56 ?

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] L'enregistrement vidéo ainsi que la

17 transcription constitueront la pièce 903.

18 M. NICE : [interprétation]

19 Q. J'espère que maintenant nous allons voir un bref extrait. C'est une

20 émission, un programme télévisé qu'on a vu au moment de l'ouverture de ce

21 procès, il y a de cela déjà longtemps, mais qu'on n'a pas encore vu ou plus

22 vu depuis. On entend quelques chants chetniks. Vous allez voir en anglais,

23 comme sous-titres, la traduction. Vous connaissez sans doute ce chant, vous

24 allez le reconnaître. Dites-nous si ce que nous voyons comme sous-titres en

25 anglais est exact.

Page 44120

1 [Diffusion de cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Les réguliers fêtaient dans les rues pour lesquelles ils avaient

4 combattu, et entonnaient un chant tribal contre les Croates."

5 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai rien entendu du tout.

7 M. NICE : Essayez encore, s'il vous plaît.

8 [Diffusion de cassette vidéo]

9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

10 "Les réguliers fêtaient, parcouraient les rues pour lesquelles ils avaient

11 combattu et chantaient des chants tribaux contre les Croates."

12 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Est-ce qu'on dit dans ce chant "Que Slobo envoie une salade, qu'il y

15 aura beaucoup de viande, et qu'on va abattre les Croates" ?

16 R. Tout d'abord, c'est une chanson qui a été chantée parmi les supporteurs

17 de foot au stade vers la fin des années 1980. Cette chanson a très bien pu

18 être chantée ici, mais il faut voir qui a chanté et pour quelle raison.

19 Cette chanson n'a pas été une chanson officielle, et cela n'a jamais été

20 chanté par des membres du Parti radical serbe. Bien entendu, il y a eu

21 toutes sortes de chansons de tous les côtés dans le courant de cette

22 guerre.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on y trouvait dans ce

24 chant les mots que vous a présentés le Procureur ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai mieux entendu tout à l'heure. Oui,

Page 44121

1 en effet.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Ici, il est question d'un certain "Slobo". De s'agit-il ?

4 R. Il faudra poser la question à ceux qui ont chanté cette chanson. Jamais

5 de ma vie je n'ai chanté cette chanson-là. Je ne peux pas interpréter cette

6 poésie pseudo populaire qui fait partie plutôt de la poésie de la pègre.

7 Alors, à ceux qui ont chanté de vous l'interpréter. Je n'ai jamais chanté

8 cela de ma vie.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Pourriez-vous nous dire qui nous avons

10 vu dans cet extrait ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez vu des soldats. Lesquels, je ne sais

12 pas trop.

13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'était une partie de la JNA ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement. Il s'agit d'identifier les gens

15 qui en faisaient partie.

16 M. NICE : [interprétation]

17 Q. Excusez-moi, Monsieur le Juge. Est-ce que vous n'avez pas vu le

18 drapeau ? Si vous voulez, nous pourrions revoir ces images pour revoir ce

19 drapeau.

20 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle n'est pas sûre s'il s'agissait

21 d'irrégulier ou de régulier dans la traduction de l'extrait.

22 R. Il s'agit du drapeau chetnik traditionnel.

23 Q. Très bien.

24 R. Il convient de garder à l'esprit un fait : après la chute du

25 communisme, la balance qui a été tirée d'un côté par les communistes en

Page 44122

1 s'attaquant aux Chetniks en leur qualité d'adversaire idéologique dans le

2 peuple serbe, cette balance est partie brutalement de l'autre côté, et tout

3 le monde avait voulu dire de soi que c'étaient des Chetniks.

4 Q. C'est précisément ce que je voulais dire. Apparemment, ici, ce sont des

5 Chetniks serbes du Parti chetnik serbe ou de ce Mouvement Chetnik serbe.

6 Pourriez-vous nous rappeler quel était votre lien avec ce mouvement ?

7 R. D'abord, je dirais que le Mouvement Chetnik n'a pas fait son apparition

8 à compter du 1er août 1991, jamais sur les fronts, il n'a fait son

9 apparition en tant que telle. Lorsque le Mouvement Chetnik serbe s'est

10 réunifié, il a été créé en tant que parti politique en Serbie avec le gros

11 de ce qui avait été le Parti radical, il est resté au sein du Parti radical

12 serbe en tant que sous-organisation qui a cultivé ces traditions du peuple

13 serbe épris de liberté. En 1995, nous avons dissout ce Mouvement Chetnik

14 serbe. Vous retrouverez dans l'un de mes livres des explications à cet

15 effet. J'ai dit que tous les combattants pour la liberté se trouvaient être

16 Chetniks, que c'était là une tradition, et qu'aucun parti politique n'avait

17 le droit de s'accaparer cet élément-là. Ici, vous n'avez aucune preuve de

18 ce que vous dites.

19 Q. Ces hommes, dont on dit que c'est la lie de la société, se trouvent

20 apparemment sous la bannière du Mouvement Chetnik serbe au moment où ils

21 entraient dans Vukovar, n'est-ce pas ?

22 R. Non. D'abord, ce n'est pas le drapeau du Mouvement Chetnik serbe. Nulle

23 part sur ce drapeau il n'y a d'écrit Mouvement Chetnik serbe. Penchez-vous

24 mieux sur ce qui est écrit au niveau du drapeau. Ceci pourrait être l'un

25 des drapeaux des Chetniks mais pas du Mouvement Chetnik serbe.

Page 44123

1 Vous verrez que tous ces soldats portent des casques de la JNA; chose qui

2 n'a pas été caractéristique pour ce qui est des volontaires du Parti

3 radical serbe. Ils évitaient de porter ces casques parce qu'il y avait une

4 étoile rouge dessus. Très souvent, ils allaient, ils déambulaient tête nue.

5 Quelqu'un a chanté de façon spontanée cette chanson. Ne falsifiez ce que

6 j'ai dit. Je n'ai pas dit que c'étaient des gens de la pègre; j'ai dit que

7 la chanson provient d'une pègre sociale qui a été chantée par les

8 supporters de foot des différentes équipes, qui allaient se battre contre

9 les supporters d'autres équipes. Vous voyez ici que les gens portent tous

10 des casques.

11 Q. Arrêtez-vous un instant. Regardez cette image. Il y a beaucoup de

12 barbus. Il y en a un qui affiche la cocarde. Est-ce qu'il ne ressemble pas

13 aux Chetniks, à ce groupe dont vous étiez le dirigeant ou le commandant ?

14 C'est qui m'est rappelé.

15 R. D'abord, je n'ai pas été commandant moi-même. Deuxièmement, dans un

16 certain sens, j'ai été l'un des dirigeants du Mouvement Chetnik serbe. J'ai

17 été président de ce Mouvement Chetnik serbe, si vous pensez qu'il s'agit là

18 de leadership. Ici, vous avez des faits. Le drapeau n'est pas le drapeau du

19 Mouvement Chetnik serbe. Je peux vous faire parvenir un original de ce

20 drapeau, ce n'est pas ce drapeau-là. C'est en partie un drapeau chetnik,

21 parce qu'en bas, il y a d'écrit "la liberté ou la mort," d'après ce que je

22 puis lire. Il n'y a pas cela dans le drapeau du Mouvement Chetnik serbe,

23 parce que quand il y a un Mouvement Chetnik serbe, il y avait d'inscrit les

24 mots, "Mouvement Chetnik serbe."

25 Q. Vous étiez, bien sûr, le Vojvoda ? Vous nous en avez parlé.

Page 44124

1 R. Je n'ai pas été; je le suis de nos jours, et je serai toujours fier de

2 porter ce titre de duc chetnik serbe.

3 M. NICE : [interprétation] Une cote, s'il vous plaît. Est-ce que ceci peut

4 être versé au dossier ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Est-ce qu'il y a un problème

6 pour ce qui est de la cote à donner ?

7 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas que ceci ait déjà été versé au

8 dossier.

9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Apparemment, il n'y a pas de

10 transcription.

11 M. NICE : [interprétation] Cela n'a pas été versé au dossier. C'est-à-dire

12 que cela a été diffusé au moment de l'ouverture du procès, mais cela n'a

13 pas été versé au dossier. Donc, il faut une cote.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Partant de ce principe, cote

15 suivante.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 904.

17 M. NICE : [interprétation]

18 Q. Examinons maintenant un autre bref extrait dont je vais distribuer la

19 transcription.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, oui.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, sait-on quand est-ce que

22 cela a été filmé, où est-ce que cela a été filmé, à quel endroit cela a été

23 filmé ?

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice ?

25 M. NICE : [interprétation] Martin Bell, le journaliste qui fait ce

Page 44125

1 reportage, dit simplement que cela se passe à Vukovar. C'est tout ce qu'on

2 sait.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que ce journaliste vous aurait indiqué,

4 que peut-être, le fait de chanter ces chansons, aurait été commandé pour

5 les besoins du film ? Cela n'aurait pas été impossible et cela n'aurait pas

6 été la première fois. Parce que je vois qu'avec certains journalistes, vous

7 avez eu une coopération des plus fructueuses. Donc, la chose est tout à

8 fait possible.

9 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir l'extrait suivant. Baron

10 van Lynden, c'est un journaliste dont vous avez entendu parler.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à moi que vous posez la question ?

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. NICE : [interprétation] Nous avons maintenant, je pense, la bande son et

14 l'image montrant Baron van Lynden qui a été témoin ici, présent. Il

15 encadre, si vous voulez, une chose plus importante, ce que disent les

16 soldats.

17 [Diffusion de cassette vidéo]

18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

19 "ORATEUR : Il est arrivé à l'hôpital où le sang est encore frais de

20 ceux qui ont manifestement été assassinés. Si les ruines de Vukovar

21 symbolisent quoi que ce soit, c'est effectivement la haine qui existait

22 entre les Serbes et les Croates pendant 40 ans de paix et qui maintenant

23 montrent leur engagement mutuel envers la guerre, engagement qui ne semble

24 même pas encore rassasié après trois mois de combat. Il y a une incongruité

25 assez surréaliste de fête."

Page 44126

1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne reçois aucune interprétation.

3 M. NICE : [interprétation] Peut-on retourner au début.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas reçu de traduction.

5 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi. Je n'ai pas indiqué l'intercalaire

6 à l'adresse des interprètes. Il s'agissait de l'intercalaire 57. J'espère

7 que maintenant nous pourrons revenir au début de cet extrait, et le témoin

8 devrait recevoir l'interprétation. J'espère que le débit du journaliste van

9 Lynden n'est pas trop rapide.

10 [Diffusion de cassette vidéo]

11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

12 "ORATEUR : Qui ne sont jamais arrivés à l'hôpital ou pour ceux, qui le sang

13 encore frais, ont manifestement été assassinés. Si les ruines de Vukovar

14 symbolisent quelque chose, ce sera la haine qui existe encore entre les

15 Serbes et les Croates, qui a été dissimulée pendant 45 ans de paix, et qui

16 s'exprime maintenant dans un engagement mutuel envers la guerre, engagement

17 qui ne semble pas encore être satisfait. Dans toute cette horreur, il y a

18 une incongruité surréaliste de fête. Vous avez des miliciens, hommes et

19 femmes, Serbes, extrémistes, qui se présentent de façon triomphaliste, et

20 ils posent pour une photo de fin de bataille avant de repartir pour un

21 festival musical matinal et pour des rires alimentés par l'alcool. Leur

22 devise, celle qu'on voit sur ces drapeaux, c'est 'La liberté ou la mort,'

23 et ils ont juré de poursuivre le combat.

24 Les Serbes, qu'ont-ils besoin de prendre avant la fin de la guerre ?

25 La guerre sera terminée lorsque nous aurons notre frontière, Karlobag,

Page 44127

1 Karlovac, Ogulin, et Virovitica. Tous les endroits où les Serbes vivent

2 doivent être libres. Il faut les nettoyer des Croates.

3 Au centre de la ville, les autres miliciens affichent une même liesse sans

4 limite, un même état d'esprit."

5 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Quelques questions. Qu'avez-vous à dire, tout d'abord, du drapeau ?

8 C'était le drapeau de qui ?

9 R. Ce n'est pas le drapeau du Mouvement Chetnik serbe. Ceci est un drapeau

10 qui a été fait d'une façon artisanale de la part d'une personne qui ne

11 connaît pas les héraldiques chetniks. Cela peut être d'inspiration chetnik,

12 mais c'est un ignorant qui l'a fait.

13 Je crois que la déclaration est, de façon évidente, commandée par votre

14 journaliste. J'aurais préféré entendre la déclaration de ce soldat en

15 langue serbe. Est-ce qu'il a fait cette déclaration en anglais en version

16 originale ?

17 Q. Une pause, s'il vous plaît. Le premier soldat barbu, il a fait le signe

18 de croix. Est-ce que d'après l'aspect qu'il a, c'est un homme de Seselj ?

19 R. Vous parlez de la barbe ?

20 Q. Oui.

21 R. Je n'ai jamais porté de barbe de ma vie. Ou alors, est-ce que c'est

22 parce qu'il a fait un signe de croix ? Est-ce que vous estimez que tout

23 homme qui fait le signe de la croix est un homme à Seselj ou est-ce qu'un

24 homme portant la barbe est automatiquement un homme à Seselj ? C'est la

25 première fois de ma vie que je vois cet homme. Je ne peux pas vous dire qui

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1 c'est, ni ce qu'il est.

2 Celui qui a fait cette déclaration à van Lynden, on pourrait

3 l'identifier, lui. A la place de van Lynden, il aurait été préférable de le

4 faire venir ici pour témoigner et nous dire s'il a fait cette déclaration

5 parce que cela a été commandé par le journaliste ou est-ce qu'il l'a fait

6 parce que cela s'est fait sous mon égide ? Qu'avait-il à l'esprit ?

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est indubitable le fait que cet homme a dû

9 prononcer sa déclaration en serbe. Il faudrait que nous entendions ce qu'il

10 a dit en serbe. Nous n'avions entendu que les propos de l'interprète et

11 nous n'avons pas entendu la voix de l'homme qui a dit ce qu'il a dit devant

12 la télévision. Nous n'avons pas entendu ce soldat.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mettez-vous en doute

14 l'interprétation, Monsieur Milosevic ?

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le soldat s'est exprimé en

16 anglais, d'après cet extrait vidéo.

17 M. NICE : [interprétation] Devrions-nous le rediffuser ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Entendons ce Chetnik serbe qui parle l'anglais.

19 Je me féliciterais de pouvoir l'entendre et je crois que les spectateurs en

20 Serbie seront heureux d'entendre un Chetnik parler l'anglais. Entendons-le

21 donc.

22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, rediffusons l'extrait.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, faisons-le.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas besoin d'interprétation. Je veux

25 l'entendre parler anglais.

Page 44129

1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine française ne répètent pas la

3 bande de son.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous l'avez entendu, Monsieur

5 Milosevic. Vous avez un Chetnik serbe qui parle anglais.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, et je vois un drapeau croate qu'on nous

7 montre à la fin et que M. Seselj n'a pas commenté.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, l'image chez moi est mauvaise. On ne fait

9 pas la distinction entre le drapeau serbe et le drapeau croate. Mais

10 l'enregistrement a été commandé sur mesure.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela est le nouveau drapeau croate avec le

12 damier. Tout cela, c'est du cirque.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Votre journaliste a trouvé quelqu'un disposé à

14 lui fournir une déclaration telle que souhaitée pour dire que les Serbes

15 veulent se débarrasser des Croates.

16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'ici on est en train de

17 brûler un drapeau.

18 M. NICE : [interprétation] Effectivement.

19 Q. Maintenant, permettez-moi de poser les questions. Vous êtes allé à

20 Vukovar après les événements, n'est-ce pas ?

21 R. Je suis allé à Vukovar après la libération de celui-ci, à la

22 célébration du premier anniversaire.

23 Q. Vous n'étiez pas là pendant les combats. C'est après que vous y êtes

24 allé.

25 R. J'y suis allé deux fois pendant les combats même.

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1 Q. Ce soldat qui parle anglais dit que "La guerre sera finie lorsque nous

2 aurons notre frontière selon la ligne Karlobag, Ogulin, Virovitica,

3 Karlovac." Ceci cadre bien à vos propres souhaits, n'est-ce pas ?

4 R. Non. Là, ce sont des insinuations de votre part. D'abord, il s'agit

5 d'identifier ce soldat, de voir ce qu'il a dit et quels ont été les motifs

6 pour lesquels il l'a fait. C'est comme si vous disiez il a violé une jeune

7 fille inconnue.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas la question.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non. La question a été simple.

10 On vous demandait si l'avis exprimé par le soldat, à savoir que la

11 frontière pour les Serbes devrait être la ligne Karlovac, Karlobag,

12 Virovitica, si ceci correspondait avec vos aspirations personnelles. Parce

13 que je vous ai entendu dire quelque chose de très semblable, sinon même

14 identique.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à plusieurs reprises que je vous dirais

16 quelque chose de très ressemblant, peut-être même la même chose. Mais je ne

17 vous dirais jamais que l'opinion de ce soldat coïncide avec la mienne, en

18 aucune façon. Parce que ce qui m'intéresse, c'est la motivation pour

19 laquelle il a donné cette déclaration. Dans la première partie, dans le

20 premier segment de cette déclaration, il y a des éléments qui coïncident

21 avec l'idéologie que je défends.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question-là est différente,

23 c'est autre chose. Le moment, cependant, est venu de faire la pause.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais simplement tirer au clair

25 une chose qui n'est pas en rapport avec cet extrait-ci. C'est bien plutôt

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1 dans le cadre de votre déposition. On avait fait référence au début des

2 années 1990, et aux fosses communes dans lesquelles se trouvaient des

3 Serbes qui avaient été, à ce moment-là, exhumés. Vous vous rappelez ?

4 Auparavant, vous aviez réfuté l'idée selon laquelle les meurtres et le

5 génocide de la Deuxième guerre mondiale avaient été provoqués par les

6 Oustachi. Vous ai-je bien compris ? Est-ce que vous aviez réfuté cela ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pendant la Deuxième guerre mondiale, les

8 Oustachi croates ont réalisé un génocide à l'égard du peuple serbe. Vous

9 avez à cet effet le témoignage du représentant hitlérien à Zagreb qui --

10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui, excusez-moi. Je pensais que vous

11 l'aviez nié. Mais maintenant, vous m'avez bien expliqué que c'était le cas.

12 Merci.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que la traduction était-elle

14 erronée. J'ai dit que dans la toute dernière des guerres, il n'y a pas eu

15 de génocide. Je connais bien la définition du génocide en vertu des

16 conventions internationales. Je dirais que durant la dernière des guerres

17 qui s'est déroulée, il n'y a pas eu de génocide. Il y a eu différents

18 crimes de guerre commis, mais il n'y a pas eu de génocide. Je crois avoir

19 été clair.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je pense savoir à quoi se

21 rapporte le Juge Bonomy. Je vais essayer de retrouver ce passage pendant la

22 pause. Pause de 20 minutes.

23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

24 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez poursuivre.

Page 44132

1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. La dernière question que je souhaite vous poser au sujet du document

3 que nous avons à examiner avant la pause, et que l'on ne voit pas pour le

4 moment sur le rétroprojecteur, cela porte sur le passage suivant : "Un

5 soldat à Vukovar au moment de l'incident de Vukovar, au moment des

6 événements de Vukovar, a déclaré que tous les endroits où se trouve le

7 peuple serbe doivent être libres," et il est dit en anglais : "Nous devons

8 nettoyer les Croates." On a l'impression que c'est un soldat qui comprend

9 sa mission, qui comprend que sa mission est de déplacer les Croates jusqu'à

10 la ligne Karlobag-Virovitica, n'est-ce pas ?

11 R. Non. J'ai l'impression qu'il y a là un problème de traduction. Il faut

12 bien m'expliquer cela. Dans l'original, il est dit : "Nous devons nettoyer

13 avec les Croates." Vous savez, je ne comprends pas toujours l'anglais, ou

14 je ne comprends pas tout. Ici, j'ai l'impression qu'il dit : "Nous devons

15 tirer au clair les choses qui nous opposent nous et les Croates." Or, la

16 traduction que je reçois, c'est : "Nous devons nettoyer ce territoire des

17 Croates ou nous devons nettoyer les Croates." Vous, vous comprenez mieux

18 que moi. Je ne suis pas traducteur. Donc, lorsqu'il dit : "Nous devons",

19 lorsqu'il dit : "clean up with the Croatians," je crois que cela veut dire

20 que nous devons tirer au clair tous nos différends que nous avions avec les

21 Croates.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de

23 nous dire : "Que nous devons régler les problèmes que nous avons avec les

24 Croates ?" Puisque dans ce cas-là, il faudrait qu'on l'entende encore une

25 fois en anglais.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voyez, il est dit : "We have to clean up

2 with the Croatians."

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense qu'il appartient à la Chambre

4 d'interpréter cette phrase à la lumière du contexte où c'est prononcé. Je

5 prends note du commentaire que vient de dire M. Seselj, qui n'est pas

6 fondé.

7 M. NICE : [interprétation]

8 Q. Monsieur Seselj, voyez-vous la phrase précédente, les deux pages

9 précédentes : "Un soldat précise là que la ligne

10 Karlobag-Virovitica est la ligne jusqu'à laquelle tous les Serbes qui y

11 vivent doivent être libres." On a l'impression que c'est un soldat qui doit

12 déplacer les Croates jusqu'à cette frontière-là.

13 R. Non, je n'ai pas l'impression que c'est un soldat. C'est un soldat dont

14 on ne connaît l'identité. C'est comme la tombe du soldat inconnu. Je ne

15 sais pas si c'est un soldat, je ne sais pas quel est son nom, je ne sais

16 pas s'il a dit cela et pour quelle raison.

17 Q. Revenons à la transcription précédente où vous avez dit : "Il est clair

18 que quelqu'un qui vient ici pour se battre en tant que volontaire, sait

19 pourquoi il est venu et pourquoi il se bat."

20 Je vous ai donné la possibilité de répondre à cela. J'ai affirmé que vos

21 soldats à Vukovar savaient qu'ils se battaient pour déplacer les Croates,

22 repousser les Croates au-delà de la ligne Karlobag-Virovitica.

23 R. Non, pas les Croates en tant que peuple. Enfin, ce sont des Serbes

24 catholiques qui se déclaraient en tant que Croates. Il s'agissait là

25 d'unités paramilitaires serbes. Cette ligne, Karlobag-Karlovac-Virovitica-

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1 Ogulin, cette ligne signifie que tous les Serbes catholiques, dont on fait

2 artificiellement au cours d'un siècle des Croates, restent libres avec les

3 Serbes orthodoxes et les Serbes musulmans. Ils cohabitent avec eux. Ceci

4 correspond à toutes les autres déclarations que j'ai faites; toute une

5 série de mes déclarations. Je ne vais pas vous démentir mes déclarations,

6 pas une seule. Lorsque vous tirez un parallèle entre mes déclarations et

7 celles d'un soldat inconnu, je ne vais pas vous confirmer que ce soldat

8 inconnu dit la même chose que moi. C'est impossible. Même s'il répète mot

9 pour mot mes propos, je ne vais pas vous le confirmer.

10 M. NICE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir une cote, s'il

11 vous plaît ?

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 905.

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. A présent, je souhaite que l'on examine ensemble quelque chose. Nous

15 allons examiner un extrait bref d'un entretien du mois d'août 1991. Nous

16 allons voir la transcription.

17 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, l'intercalaire 68. Cela vient de la

18 télévision de Benkovac. Excusez-moi. Cela vient de la télévision croate,

19 RHT.

20 [Diffusion de cassette vidéo]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Question: Vos volontaires constituent-ils une armée légitime ou

23 est-ce qu'ils font partie de ce qu'on peut appeler entre guillemets des

24 unités paramilitaires ?

25 Réponse de Seselj : Nous ne créons aucune sorte de formations

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1 paramilitaires dans cette Serbie tronquée. Nous rassemblons les

2 volontaires, nous les envoyons là où ils sont nécessaires, en Slavonie

3 serbe, Baranja, le Srem occidental et la Krajina serbe. Ces volontaires se

4 placent sous le commandement des commandants serbes locaux qui y vivent.

5 Ils exécutent leurs ordres concernant leurs activités sur le front. Par

6 conséquent, nous ne créons aucune unité paramilitaire, et nous sommes

7 hostiles à toutes sortes de formations paramilitaires.

8 Question : Etes-vous le commandant de toutes ces forces ?

9 Réponse : Oui, je suis le commandant de ces forces constituées de

10 volontaires là-bas.

11 Question : Vous contrôlez la situation ?

12 Réponse : Oui. Jusqu'à présent, j'ai toujours contrôlé la situation. Nos

13 volontaires font preuve d'une très grande discipline, ne posent aucun

14 problème. Chez nous, l'alcool est complètement interdit. Seuls les hommes

15 prêts à combattre, aptes à combattre qui exécutent les ordres sans problème

16 et qui font preuve d'un comportement chevaleresque à l'égard de

17 l'adversaire et de l'ennemi sont acceptés. Vous ne trouverez pas un seul

18 Croate qui va se plaindre du mauvais traitement, à moins qu'il y ait eu une

19 arme pour attaquer les villages serbes. En particulier, vous ne trouverez

20 pas une seule femme ou un enfant croate qui aurait été malmené par les

21 Serbes. Ce qui n'est pas le cas des Croates. Parce que les Croates se

22 distinguent encore une fois par la commission de crimes terribles contre la

23 population civile serbe."

24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

25 M. NICE : [interprétation]

Page 44136

1 Q. Voyez-vous, Monsieur Seselj, je place ce paragraphe dans un contexte

2 plus large, dans le contexte de votre démenti de toute intention de prendre

3 part à la création d'organisations paramilitaires, et votre affirmation

4 qu'il y avait une discipline qui régnait dans ces forces constituées de

5 volontaires. Ce qui m'intéresse maintenant est la chose suivante : on vous

6 demande si vous êtes le commandant de ces forces. Vous avez répondu : "Oui,

7 je suis le commandant de ces volontaires qui se trouvent là-bas."

8 Pouvez-vous nous l'expliquer à la lumière de votre déposition devant cette

9 Chambre ?

10 R. Oui, avec le plus grand plaisir. Vous voyez que je fais cette

11 déclaration en été. Je ne porte que des manches courtes. Il faudrait que

12 vous ayez la date de cet entretien. De toute évidence, vous n'avez pas

13 cette date. L'entretien a eu lieu après le combat --

14 Q. Je vous interromps.

15 R. Je vais vous l'expliquer, je vous en prie. Ceci se situe à un moment

16 avant que la JNA ne commence à prendre part aux combats armés. Peut-être

17 est-ce que cela a été diffusé en août, mais cela a été enregistré en

18 juillet. Parce qu'après les combats de Borovo Selo, nous avons envoyé

19 plusieurs groupes de volontaires, que ce soit à Borovo Selo ou ailleurs,

20 dans l'attente des attaques croates en représailles pour la défaite qu'ils

21 ont essuyée à Borovo Selo. Ici, je dis clairement que je suis responsable

22 de ces volontaires. C'est peut-être un terme plus fort lorsque je dis

23 "commander." Je ne peux pas commander de Belgrade, mais j'explique sous le

24 commandement de qui ils sont placés là-bas. Je dis tout à fait clairement

25 que j'assume la responsabilité pour eux et leur comportement. Ce serait

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1 cela le terme plus adéquat.

2 Mais je précise, c'est avant que la JNA ne commence à prendre part au

3 conflit. Parce que dès qu'elle s'y est engagée, nos volontaires ont été

4 exclusivement dans les rangs de la JNA. Cela n'a pu être enregistré après

5 le mois de juillet. Mais je ne nie pas par ailleurs le contenu.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

7 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une cote, s'il

8 vous plaît ? Est-ce qu'on peut verser ce document au dossier ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 906.

11 M. NICE : [interprétation]

12 Q. Brièvement, je souhaite que l'on se penche -- encore une fois, c'est un

13 entretien qui a été diffusé à la télévision.

14 M. NICE : [interprétation] Il s'agit de l'intercalaire 66.

15 Est-ce qu'on peut le diffuser ?

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

18 "Nous, les Chetniks, nous constituons partie de cette armée aujourd'hui à

19 Vukovar. Nous avons -- les officiers de l'armée commandent nos Chetniks.

20 Nous n'avons pas tous sur les casques. Un instant, nous n'avons pas les

21 aigles à deux têtes serbes, les aigles blancs sur les casques, et

22 l'officier de l'armée, le capitaine, le commandant commande nos gens. Il y

23 a une action coordonnée. Kameni, notre chef commandant à Vukovar, il

24 planifie l'action en coopération avec un commandant de l'armée dans la

25 soirée, et le lendemain, il l'exécute. A cause des soldats qui désertent

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1 leurs unités, l'armée n'a pas eu suffisamment d'hommes pour aller de

2 maisons en maisons pour s'en emparer, donc nos hommes l'ont fait. L'armée

3 attaque avec des chars, des mortiers, des obusiers, et nos hommes vont de

4 maison en maison pour les conquérir."

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Cela se passe fin 1991, il semblerait que ce soit au mois de septembre.

7 Pourquoi est-ce que votre groupe a peint des aigles blancs à deux têtes sur

8 leurs casques ?

9 R. Tout d'abord, ce n'est pas le mois de septembre. Cela peut être le mois

10 de novembre 1991, et de toute évidence, c'est à Benkovac. C'est le même

11 extrait que vous avez montré hier, seulement c'est le deuxième volet. Il y

12 a mon duel verbal avec le capitaine Dragan. Je pense que c'est la même

13 émission. Donc, novembre 1991.

14 Tout d'abord, vous n'avez pas montré cela dans sa totalité. J'essaie de

15 persuader les soldats d'enfiler les casques pour leur propre sécurité.

16 Ensuite, il s'agit de placer l'aigle blanc à deux têtes sur ces casques,

17 parce que cela fait plus de 1 000 ans que c'est le symbole national serbe.

18 Mais lorsqu'un Serbe place sur son casque un aigle blanc à deux têtes, cela

19 ne veut pas dire qu'il fait partie d'une unité paramilitaire appelée Aigles

20 blancs, pour qu'il n'y ait pas de confusion. Vous savez, l'aigle blanc

21 figure sur le blason de Serbie aujourd'hui. Elle avait un blason communiste

22 jusqu'à il y a quelques années. Aujourd'hui, son blason, c'est un aigle

23 blanc à deux têtes. Nous avons mené la campagne tout au long de l'année

24 1991 pour que l'armée ne porte plus le symbole communiste, l'étoile rouge à

25 cinq branches.

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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] N'aurait-il pas été plus approprié de

2 placer un symbole yougoslave plutôt qu'un symbole serbe sur l'équipement de

3 l'armée nationale yougoslave ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est entre les deux guerres, pendant le

5 Royaume de Yougoslavie, que l'aigle blanc à deux têtes a été le symbole

6 yougoslave.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. J'ai dû faire une erreur.

8 Il m'a semblé que vous avez dit que c'était un symbole serbe.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, pour que ce soit clair :

10 l'aigle blanc à deux têtes est un symbole serbe depuis plus de 1 000 ans.

11 Dans le Royaume de Yougoslavie, cet aigle blanc à deux têtes, en plus de la

12 croix à quatre branches à la poitrine, est devenu un blason croate et

13 slovène. Il restait donc l'aigle blanc avec trois différents blasons,

14 serbes, croates, et slovènes. C'est le seul emblème de la Yougoslavie. A la

15 création de la fédération yougoslave, elle a repris l'aigle à deux têtes,

16 mais puisqu'en 1991, on n'a pas pu se mettre d'accord là-dessus, nous avons

17 proposé une solution de compromis. Nous avons proposé qu'il y ait un

18 symbole qui portera les couleurs du drapeau yougoslave pour remplacer

19 l'étoile à cinq branches. Veljko Kadijevic a été ministre de la Défense à

20 l'époque. Il voulait à tout prix l'étoile rouge à cinq branches. Donc, cela

21 n'a pu être remplacé que quand il a été démis de ses fonctions. De nombreux

22 soldats ne voulaient pas porter de casque. A cause de cela, il y avait

23 beaucoup de blessures, plus de morts qu'il y en aurait eu normalement,

24 surtout à Benkovac où c'est un terrain rocheux. Vous avez des ricochets de

25 balle contre des rochers --

Page 44140

1 M. NICE : [interprétation]

2 Q. Donc, les unités paramilitaires d'Aigles blancs portaient bel et bien

3 des casques avec des aigles blancs ?

4 R. Pour autant que je m'en souvienne, ils ne portaient pas de casques. Ils

5 s'appelaient Aigles blancs. C'était leur dénomination, comme des Guêpes

6 jaunes. Les Guêpes jaunes ne portaient pas des guêpes ou un nid de guêpes

7 sur eux; c'était cela leur nom, leur appellation, Aigles blancs. Peut-être

8 que cela vous intéressait, un point, Monsieur Nice, si je puis vous le

9 citer. Peut-être que cela vous semblerait intéressant. Est-ce que cela vous

10 intéresse ?

11 Q. Je vais à présent, si vous voulez bien, poser ma question suivante à ce

12 sujet. Nous voyons ici que vous parlez de votre commandant à Vukovar. Vous

13 l'appelez Kameni. C'était quelqu'un qui vous était plutôt proche, n'est-ce

14 pas ? Est-ce qu'il est devenu votre garde du corps ?

15 R. Non. Il n'a jamais été mon garde du corps. Mais c'est un commandant

16 distingué de Vukovar. Il s'est distingué à Vukovar. Il est devenu membre du

17 Parti radical serbe. Je considère que c'est un ami personnel et j'ai

18 beaucoup de respect pour lui dans le cadre du Parti radical serbe. Il n'a

19 jamais été mon garde du corps. D'ailleurs, il a eu deux hémorragies

20 cérébrales très importantes après la guerre, donc il a eu beaucoup de

21 problèmes de santé.

22 Q. Il était commandant à l'époque, et vous dites très clairement qu'il est

23 en contact régulier avec les commandants de l'armée et qu'il exécute les

24 opérations tous les jours, suite aux débats menés avec le commandant de

25 l'armée de Vukovar; est-ce que c'est exact ?

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1 R. Cette histoire, je la raconte à Benkovac, et elle n'est pas tout à fait

2 précise. L'important de cette histoire ce n'est pas ce qui se passe à

3 Vukovar, c'est de convaincre les gens à accepter le port du casque. Kameni

4 était à la tête du détachement de la Défense territoriale de Leva

5 Supoderica à Vukovar. Lorsque la garde est arrivée, la garde de l'armée, ce

6 détachement était intégré à l'armée. Donc, sur ordre du commandant de la

7 garde, tous les volontaires du Parti radical serbe ont été enrôlés dans ce

8 détachement de Kameni. Ce sont là les faits.

9 Q. J'essaie de savoir quelle a été votre position à l'époque. En novembre

10 1991, ici, vous vous présentez comme quelqu'un qui contrôle et commande

11 complètement ces hommes. Vous acceptez le fait que c'est de cette manière-

12 là qu'on l'interprète ?

13 R. Oui, vous l'interprétez peut-être comme cela, mais cet entretien se

14 situe au plus tard en juillet 1991.

15 Q. Cet entretien se situe au mois de novembre à Benkovac.

16 R. Où est-ce qu'il est dit ici que je suis le commandant ?

17 Q. De la manière dont vous dites, n'est-ce pas, dont vous vous adressez

18 aux gens, vous leur dites ce qu'il faut faire. Est-ce qu'on n'a pas

19 l'impression que vous exercez un certain commandement sur eux ?

20 R. Ecoutez, en plus de chercher à convaincre les gens à porter le casque,

21 en plus, les gens se sont plaints d'un certain nombre d'officiers de la

22 JNA. J'essaie de leur faire savoir qu'il faut qu'ils soient complètement

23 disciplinés. Puis, ils m'ont dit, mais tel ou tel officier est un

24 communiste. Il se comporte de telle ou telle manière. J'essaie de les

25 persuader d'être discipliné. Bien entendu, lorsque c'est moi qui parle les

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1 autres se taisent.

2 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser cette pièce au dossier

3 ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 907.

6 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup.

7 Q. Maintenant, la pièce suivante, c'est déjà une pièce à conviction. Il

8 s'agit de la pièce 458, l'intercalaire 20. C'est l'intercalaire 60, je le

9 précise à l'attention des interprètes.

10 Si vous souhaitez voir l'original, faites-le. Cette fois-ci, c'est le mois

11 de décembre 1991, le 9 décembre. C'est l'état-major de la Défense

12 territoriale de Vukovar qui adresse une demande -- est-ce qu'on peut placer

13 sur le rétroprojecteur la version anglaise, s'il vous plaît -- donc, une

14 demande que le commandant chetnik de Vukovar, le capitaine Katic de Zemun,

15 le chef de l'état-major de guerre, Ljubisa Petkovic, et son adjoint, Zoran

16 Rankic de Belgrade, proposent les promotions suivantes : Milan Lancuzanin,

17 Predrag Milojevic, Milovan Tomic, et cetera. Il y a une liste de noms. Nous

18 voyons que ces hommes qui sont proposés à être promus qu'ils font partie du

19 groupe de Leva Supoderica.

20 R. Tout d'abord, tout ceci n'est pas exact. Il n'y a ici que trois hommes

21 qui font partie de Leva Supoderica : Milan Lancuzanin, Predrag Milojevic et

22 Predrag Dragojevic.

23 Deuxièmement, comment peut-on savoir ce que signifie cette feuille de

24 papier ? Est-ce que cela a vraiment été signé par Slobodan Katic ? Slobodan

25 Katic était adjoint de Milan Lancuzanin Kameni pour autant que je m'en

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1 souvienne. Alors là, il propose des promotions. Qu'entend-il par là ? Il

2 faudrait lui demander, à lui. Pour ce qui est de Milan Lancuzanin Kameni,

3 pour ce qui est de ses efforts de guerre, je l'ai proclamé duc chetnik en

4 1993. Donc, je l'ai promu au grade de duc chetnik. Il était capitaine de

5 première classe dans les rangs de la JNA. C'était cela son grade. Quant à

6 savoir si ce document est un original --

7 Q. Ljubisa Petkovic et Zoran Rankic sont des chefs d'état-major de guerre.

8 Mais précisez-nous de quoi il s'agit là. L'état- major de guerre de votre

9 parti politique ?

10 R. Attention, l'état-major de guerre du Parti radical serbe où Ljubisa

11 était le président, il était le vice-président du parti. Ecoutez, lui, on

12 ne lui demande pas de procéder à cette promotion, parce qu'il ne peut pas

13 le faire. Il n'a pas cette attribution. Donc, il peut proposer à la

14 promotion. Auprès de qui ? Auprès de quelqu'un au Grand état-major je

15 suppose. Pour autant que je le sache, tout cela, c'était des officiers;

16 d'actifs, de réserves, je ne peux pas le savoir exactement. Donc, ils

17 demandent au chef de l'état-major de guerre de proposer des hommes qui

18 seront promus. A qui ? Devant qui ? Ecoutez, il faudrait demander à ceux

19 qui ont rédigé ce texte. C'est la première fois de ma vie que je vois ce

20 genre de chose.

21 Q. Mais n'est-il pas vrai qu'on y voit un lien clair entre l'état-major de

22 guerre de votre parti et les membres de ce groupe de Leva Supoderica ?

23 R. Mais je vous ai dit que Milan Lancuzanin Kameni s'est affilié au Parti

24 radical serbe pendant les combats de Vukovar. Il est devenu membre du Parti

25 radical serbe. Le Parti radical Serbe n'a jamais nié qu'il a été son membre

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1 et ne le fera jamais. Mais vous n'avez pas ici que des membres du

2 Détachement de Leva Supoderica. Vous avez ici aussi, entre autres, le chef

3 de la sécurité de Vukovar, vous avez un commandant de la Défense

4 territoriale, un chef de la Défense territoriale, vous avez un commandant

5 du Détachement de Petrova Gora. Puis, vous avez aussi un certain chef de la

6 sécurité. Donc, sur les huit hommes, seuls trois viennent du Détachement de

7 Leva Supoderica.

8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ces hommes ont occupé des postes de

9 responsabilité ou des postes de commandement. Est-ce qu'ils ont servi plus

10 longtemps que les périodes brèves que vous avez indiquées, vous, pour ce

11 qui est des volontaires ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ce ne sont absolument pas des volontaires

13 de Serbie. Ce sont des gens du cru, des habitants de Vukovar. Pour autant

14 que je le sache, aucun de ces hommes, si ce n'est Slobodan Katic, qui

15 aurait signé le document, lui, il est de Belgrade. Tous les autres sont de

16 Vukovar, pour autant que je le sache. Certains noms d'ailleurs ne me sont

17 pas connus ici sur la liste.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Et Petkovic ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Petkovic, il est vice-président du Parti

20 radical serbe. Il est le chef de l'état-major de guerre. Il constitue le

21 lien direct entre notre parti et le Grand état-major.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais vous n'êtes pas en train de nous

23 dire que ce ne sont pas des volontaires du Parti radical serbe ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais qui dit que c'étaient des volontaires du

25 Parti radical serbe ? Ici, il est question de guerriers, de combattants.

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1 Pour aucun d'entre eux on ne dit qu'il a été le volontaire du Parti radical

2 serbe.

3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Alors, le chef de l'état-major de

4 guerre du Parti radical serbe, en se fondant sur quoi ferait-il cette

5 proposition que ces hommes soient promus ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Attention. De toute évidence, c'est un homme

7 illettré, pas vraiment cultivé, qui a rédigé ce texte. Il a peut-être fait

8 l'école primaire, pas l'école secondaire. Donc, il n'a pas de culture.

9 Puis, il doit savoir, de toute évidence, que Ljubisa Petkovic était en

10 contact direct avec le Grand état-major et qu'en cette capacité, il peut

11 faire des propositions de promotions. Puis, s'il s'agit de grades, s'il

12 s'agit de promotions au sein du Mouvement Chetnik, au nom du duc chetnik,

13 cela, je suppose que ceci serait précisé dans le texte.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons deux textes. Nous avons l'original

16 et la traduction anglaise. Dans la traduction anglaise, il est dit

17 "commandant chetnik de Vukovar." Or, dans l'original serbe, il n'est pas

18 dit "commandant chetnik de Vukovar." Cela devait normalement être écrit

19 "commandant chetnik de Vukovar," mais tel n'est pas le cas. Il est dit

20 "commandant chetnik, capitaine chargé de Vukovar."

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répéter votre premier point,

22 puisqu'on ne vous a pas entendu. Il n'y avait pas d'interprétation.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette première feuille, qui devrait constituer

24 la traduction anglaise, parle du "commandant chetnik de Vukovar." Or, dans

25 le texte serbe, il est dit "commandant chetnik, capitaine pour Vukovar, la

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1 ville de Vukovar." Donc, c'est complètement autre chose. Il n'a absolument

2 pas dit que c'était un commandant chetnik de Vukovar. Ce sont deux choses

3 différentes. Donc, cette traduction est totalement erronée.

4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends. Je pense que c'est un

5 point tout à fait mineur et je ne pense pas que ceci ait un impact sur la

6 question que j'ai posée. J'essaie d'obtenir une réponse à cette question.

7 Il est clairement fait référence ici au chef d'état-major de guerre. Le

8 témoin admet que c'est le chef d'état-major de guerre du Parti radical

9 serbe. C'est lui ici qui fait une proposition ou on lui demande plutôt de

10 proposer des soldats qui doivent être promus. Tout cela est clair. On

11 s'adresse peut-être à lui pour qu'il propose à la JNA qu'elle procède à la

12 promotion de ces guerriers. Je comprends. Mais ce que j'aimerais savoir,

13 c'est si ce sont là des volontaires du Parti radical serbe. Le témoin

14 semble le nier.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne le nie pas. C'est un fait, pour

16 autant que je le sache, aucun de ces hommes n'a été volontaire du Parti

17 radical serbe si ce n'est Slobodan Katic lui-même, qui aurait signé ce

18 document, si jamais il l'a signé. Lui, il était volontaire du Parti radical

19 serbe. Il est arrivé de Belgrade à Vukovar pour combattre. Tous les autres

20 sont des habitants de Vukovar.

21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'ai compris cela. Donc, vous niez que

22 les huit hommes mentionnés ici aient été des volontaires du Parti radical

23 serbe. Je vous ai entendu.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, je voulais revenir --

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy --

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- à ce que disait M. Milosevic. Je

2 voulais savoir si le mot "capitaine" avait été omis dans la traduction.

3 Est-ce que les interprètes peuvent nous aider ? M. Milosevic dit qu'il

4 faudrait lire "commandant chetnik, commandant de Vukovar."

5 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait placer le document sur le

6 rétroprojecteur.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ce qui est dit en serbe. C'est

8 précisément ce qui est dit, comme vous venez de le lire, Monsieur Robinson;

9 "commandant chetnik, capitaine chargé de Vukovar."

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. NICE : [interprétation]

12 Q. Je voudrais votre aide sur certaines questions Monsieur Seselj : en

13 décembre 1991, que fait une personne de ce genre lorsqu'elle demande

14 l'autorité du chef de l'état-major de guerre de votre parti ? Quand je dis

15 "autorité", je devrais dire soutien peut-être.

16 R. Vous pouvez dire soutien. Il demande à l'état-major de guerre une

17 proposition de promotion. Je ne puis vous interpréter que ce que je vois

18 dans ce texte. Je n'ai pas à interpréter la lettre d'autrui. Je vois cela

19 pour la première fois moi-même. Il est dit ici qu'il demande des promotions

20 pour les combattants suivants. Il ne les appelle pas du tout volontaires;

21 il ne les qualifie pas de volontaires. Alors, Monsieur Nice, je sais de

22 façon très certaine que vous avez interrogé certaines de ces personnes.

23 Vous avez probablement leurs dépositions. Vous avez au moins dû en entendre

24 --

25 Q. Voyons un autre document qui se trouve à l'intercalaire 62. Au départ,

Page 44148

1 c'était la pièce 643, intercalaire 7, ce document ayant déjà été versé au

2 dossier. Je vais demander qu'il soit placé sur le rétroprojecteur. Si

3 voulez bien prendre l'original, Monsieur le Témoin. C'est un document qui

4 intervient un peu avant le dernier document puisque c'est jusqu'à la fin du

5 mois de novembre. On voit commandement OGU, Negoslavci. Il s'agit de la

6 resubordination et de la réintégration dans les unités originales. On dit

7 ceci : "Vu l'évolution de la situation et l'ordre donné par la 1ère Région

8 militaire, je donne pour ordre qu'il y ait retrait des volontaires et qu'il

9 y ait déploiement, resubordination du Détachement Sumadinac," et d'autres

10 mouvements de troupes sont prévus.

11 En anglais, il faut prendre le bas de la page. On voit la signature. C'est

12 celle du commandant Mile Mrksic, et les destinataires sont notamment le

13 commandant des volontaires de Seselj.

14 R. Cette traduction n'est pas bonne, Monsieur Nice. On ne dit pas

15 "retirer," mais "enlever et expédier." Il s'agit d'un déplacement. On m'a

16 traduit qu'il y avait repli ou retrait des unités. Or, on les déplace d'une

17 position pour les envoyer faire partie de la 12e MPBR. Je ne sais pas ce

18 que c'est comme brigade, mais --

19 Q. Fort bien. Intéressez-vous à la question que je vous pose. C'est envoyé

20 au commandant du détachement de volontaires des hommes de Seselj. S'ils ne

21 fonctionnaient pas en tant qu'organe séparé, pourquoi est-ce que ceci vous

22 ait été adressé ?

23 R. Voyez-vous, au point 1, on dit au détachement Leva Supoderica. C'est

24 une appellation officielle. De façon populaire, on disait, c'étaient les

25 hommes à Seselj. Quand on dit qu'on a fait huit "copies du document pour

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1 les remettre au commandant 'des hommes à Seselj'", on parle de ce

2 détachement de volontaires appelé Leva Supoderica. L'appellation

3 officielle, c'est le détachement Leva Supoderica. A titre officieux, les

4 gens appelaient cela les hommes à Seselj parce que la plupart des effectifs

5 des soldats, c'étaient des volontaires du Parti radical serbe. Cela ne fait

6 que confirmer qu'ils ont été placés sous le commandement du commandant de

7 la 1ère Brigade de la Garde, et c'est signé par le colonel, Mile Mrksic.

8 Q. Excusez-moi. Est-ce que Leva Supoderica se composait uniquement

9 d'hommes de Seselj ou est-ce qu'il y avait d'autres effectifs dans ce

10 détachement ?

11 R. Il y avait des villageois ou des gens de Vukovar, entre autres, le

12 commandant lui-même, Kameni. La majorité, c'était des hommes à Seselj.

13 Voilà comment j'interprète ce document. Le commandant de la Brigade de la

14 Garde qui était le commandant à la fois de ce Groupe opérationnel sud se

15 retire de Vukovar. La Brigade de la Garde, vers la fin 1991, s'est retirée

16 de Vukovar. C'est lui qui donne des ordres pour que ce détachement de Leva

17 Supoderica soit retiré de cette 1ère Brigade de la Garde, et aille faire

18 partie de la 12e Brigade motorisée. Je ne sais pas ce que veut dire ce

19 MPBR, mais cela me semble être une brigade d'infanterie mécanisée. Il

20 s'agit de la déplacer des rangs de la 1ère Brigade de la Garde pour les

21 envoyer faire partie des rangs d'une autre brigade. Le détachement

22 Sumadinac est un détachement constitué de gens venus de Kragujevac. Il est

23 envoyé pour faire partie de cette première MPBR, je ne sais quoi. Donc, --

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons reçu votre réponse,

25 Monsieur Seselj.

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1 M. NICE : [interprétation] J'aimerais passer à quelque chose d'autre. Nous

2 allons remonter dans le temps d'un an, plus ou moins, avant de repartir de

3 l'avant.

4 Q. Nous allons maintenant voir un extrait d'un de vos livres. Intercalaire

5 74. Ceci nous ramène en Bosnie, puisque ceci c'est un discours fait de

6 l'autre côté de la rivière.

7 R. Vous m'avez donné autre chose, un document qui se rapporte au Kosovo.

8 C'est un extrait du livre, "Mouvement Chetnik serbe". Il s'agit d'un

9 discours à moi daté de 1990.

10 Q. C'est à Mali Zvornik.

11 R. Mali Zvornik, ce n'est pas en Bosnie, Monsieur Nice.

12 Q. Oui. Je disais sur l'autre rive de la rivière. Voyons ce que vous dites

13 à ce moment-là. Nous avons indiqué le passage à la page 65 en original.

14 Pour éviter tout problème de traduction, je vais vous demander de bien

15 vouloir lire ce que vous avez dit en mars 1990 à propos du Kosovo-Metohija

16 -- août 1990.

17 R. Je dois d'abord vous dire que Mali Zvornik ne se trouve pas de l'autre

18 côté de la Drina, mais il se trouve de ce coté-ci de la Drina, et cela fait

19 partie intégrante de la Serbie. Il faut faire la différence entre Mali

20 Zvornik et Zvornik. Il s'agit de deux municipalités différentes. Cela a

21 toujours été le cas. Entre les deux, il y a la rivière Drina. Dans ce

22 discours j'ai dit : "Le Kosovo-Metohija est une terre serbe sainte. Le

23 peuple serbe, à plusieurs reprises au travers de son histoire, s'est battu

24 pour le

25 Kosovo-Metohija. Il a versé des rivières de sang et une mer de vie humaine.

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1 Nous, Serbes d'aujourd'hui, saurons apprécier cela, et nous verserons de

2 nouveaux flots de sang si nécessaire. Mais le

3 Kosovo-Metohija restera une terre serbe."

4 C'est ce que j'ai dit et je le maintiens de nos jours. Je défendrai

5 cette position jusqu'à la fin de ma vie. Tant qu'il y aura, ne serait-ce

6 qu'un seul Serbe, le peuple serbe ne renoncera pas au fait de faire en

7 sorte que le Kosovo-Metohija reste dans le cadre de la Serbie. Tous les

8 Serbes sont prêts à donner leur vie pour le Kosovo-Metohija. C'est ce que

9 je dis.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Seselj, nous avons entendu

11 votre réponse.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Même si nous ne voulons pas demander le versement de cet ouvrage, pour

14 être juste envers vous, vous avez toujours été constant dans vos vues,

15 puisqu'en 1982, vous avez publié un livre qui s'intitulait, "Réflexion sur

16 un système et la nécessité du changement," et vous avez publié certaines

17 choses à propos de l'évacuation forcée des Albanais du territoire qu'ils

18 occupaient, n'est-ce pas ?

19 R. Non, ce n'est pas exact. C'est un ouvrage à moi où je m'emploie en

20 faveur de ce qui suit, à savoir que le problème du Kosovo-Metohija soit

21 résolu. Je parle des années 1980. C'est un ouvrage scientifique individuel

22 qui a été publié dans l'ouvrage, "Démocratie et dogme". Je m'emploie en

23 faveur du fait de déménager 100 000 Albanais en Croatie, 100 000 en

24 Slovénie, 100 000 à Vojvodine, et ainsi de suite. Je donne des chiffres

25 approximatifs. Quelle est la thèse que je présente, à savoir que la

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1 situation au Kosovo-Metohija n'était pas --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous vous emportez, vous parlez trop

3 vite. Les interprètes vous demandent de ralentir.

4 M. NICE : [interprétation]

5 Q. Cela suffit pour les années 1980.

6 R. Il serait bon que M. Nice nous montre cet extrait du texte que j'ai

7 rédigé.

8 Q. Si nous avons le temps et si je décide de le faire. Ce que je veux

9 dire, c'est qu'il y a une certaine constance dans votre position.

10 Intéressons-nous maintenant à ce qui, d'après vous, serait l'effet, en

11 1990, de dire où que ce soit en ex-Yougoslavie, que je vous cite : "Nous

12 allons faire couler de nouvelles rivières de sang si c'est nécessaire."

13 Quel était l'effet probable de ce genre de rhétorique sur votre opinion

14 publique serbe, sur les Serbes qui vous entendaient ?

15 R. Premièrement, pendant 50 ans en Yougoslavie, on disait : "On allait

16 verser des rivières de sang pour tous pouces du territoire yougoslave."

17 C'était le vocabulaire habituel utilisé dans la vie politique. "Pour tous

18 pouces du territoire, nous verserons, s'il le faut, des flots de sang."

19 Deuxièmement, tout pays au monde est disposé à défendre par tous les moyens

20 toute partie de son propre territoire. Tout simplement, c'est une phrase

21 idéologique librement utilisée qui est habituelle dans le vocabulaire et

22 cela se fonde sur les traditions nationales.

23 Q. Essayons de comprendre. Est-ce que, très honnêtement, vous affirmez

24 devant ces Juges, que si vous promettez à vos auditeurs, à vos lecteurs des

25 flots de sang comme conséquence de vos ambitions politiques, est-ce que

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1 c'est là une phraséologie, terminologie pacifiste ou en faveur de la

2 liberté, un terme habituel,

3 standard ?

4 R. Oui, notamment lorsqu'il s'agit du Kosovo-Metohija. Ce que je vous dis,

5 c'est que la grande majorité du peuple serbe, de nos jours encore, a cette

6 position-là. Vous ne nous enlèverez jamais, vous ne nous arracherez jamais

7 le Kosovo-Metohija. Nous ne l'accepterons jamais. Nous sommes une fois de

8 plus disposés à nous sacrifier en tant que nation pour le Kosovo-Metohija,

9 comme nous l'avons fait tant de fois de par le passé. C'est une terre

10 sainte tout simplement. Le Kosovo-Metohija a plus de valeur que notre

11 existence en tant que peuple.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

13 Monsieur Nice, pourquoi ne pas dire directement au témoin ou demander

14 si c'est le genre de langage qui incite à la violence.

15 M. NICE : [interprétation] Oui. J'allais d'abord poser cette question-ci :

16 Q. Quel est le sang qui va créer ces flots de sang pour le lecteur ? Le

17 sang de Serbes, de Croates, d'Albanais du Kosovo ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice est en train de dire que

21 M. Seselj avait promis à ses auditeurs des flots de sang. Ce n'est pas ce

22 qui découle de cette citation. Il n'a jamais promis de flots de sang du

23 tout. Il dit, "il promet" à ses auditeurs des flots de sang.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est peut-être une question de

25 sémantique, mais je ne vois rien d'injuste dans la façon dont la question

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1 est posée.

2 M. NICE : [interprétation]

3 Q. Répondez à ma question. Ce serait le sang de qui qui constituerait ces

4 nouvelles rivières ?

5 R. Premièrement, c'est toujours du sang serbe qui a été versé en premier

6 lieu, ensuite, celui des ennemis serbes qui se sont efforcés de nous

7 arracher le territoire du Kosovo-Metohija. Au moment où je parle, en 1990,

8 le Kosovo-Metohija fait partie de la Serbie. J'énonce une menace à tous les

9 ennemis potentiels, qu'ils soient Anglais, Américains ou n'importe qui

10 d'autres qui viendraient s'emparer de notre Kosovo-Metohija. Nous n'allons

11 pas les laisser faire, indépendamment des victimes qu'il faudra consentir.

12 Dans le mythe du Kosovo et dans la tradition du Kosovo, il s'agissait en

13 premier lieu de sang serbe. Au Kosovo-Metohija, c'est une espèce de rareté.

14 Il pousse des pivoines rouges.

15 Q. En 1990, on ne pouvait pas déjà savoir comment allait évoluer la

16 situation, comment allait s'impliquer la communauté internationale. Bien

17 sûr, les Serbes avaient déjà perdu au Kosovo auparavant; nous le savons

18 tous. Mais lorsque vous dites ceci à une assistance serbe en 1990, vous

19 insistez cette assistance serbe à penser à tuer d'autres personnes, n'est-

20 ce pas ? C'est manifeste.

21 R. Non. C'est vous qui falsifiez. Ce n'est pas si évident. J'encourage le

22 peuple serbe si besoin est, à savoir, si quelqu'un s'efforcerait de

23 s'emparer du Kosovo-Metohija, je m'emploie en faveur d'un sacrifice de la

24 part de la nation pour défendre cela par tous les moyens. Le Kosovo-

25 Metohija, c'est la signification même de la survie du peuple serbe, et je

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1 crois que le combat n'est pas encore achevé. Si notre génération ne le

2 conduit pas à son terme, cela restera le devoir de nos fils, de nos petits-

3 fils. Il faut que le Kosovo-Metohija reste serbe, indépendamment des

4 sacrifices à consentir.

5 M. NICE : [interprétation] Merci. Je vais demander le versement de ce

6 document.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 908.

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. Nous allons maintenant examiner un autre passage qui vient de vous.

10 Intercalaire 74A, je le précise à l'attention des interprètes. Nous sommes

11 toujours en 1991, même si le sujet reste celui des Albanais du Kosovo.

12 C'est un extrait du livre intitulé, "Mouvement Chetnik serbe, programme du

13 Parti radical serbe."

14 Incidemment, avant de poursuivre - et je remercie

15 Mme Uertz-Retzlaff de son souvenir : ce que nous avons examiné dans la

16 dernière pièce lorsqu'on parlait des rivières de sang, est-ce que vous avez

17 critiqué quoi que ce soit à propos de Mme Plavsic, parce qu'elle aurait

18 tenu ce genre de propos ici dans le cadre de votre déposition ? Nous

19 allons, si besoin en est, retrouver ce passage. Vous souvenez-vous avoir

20 critiqué Mme Plavsic pour avoir tenu ce genre de propos ?

21 R. Ce que Biljana Plavsic disait diffère absolument de ce que je suis en

22 train de dire.

23 Q. En quoi ?

24 R. En tout.

25 Q. Est-ce qu'une partie de ses propos à elle ressemblait aux vôtres ?

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1 R. Non.

2 Q. Bien. Nous allons peut-être rechercher ce passage. Si nous le

3 retrouvons, nous y reviendrons.

4 Pour le moment, examinons ce document-ci intitulé, "Mouvement Chetnik

5 serbe". C'est la page 275 pour vous, dans une langue que vous comprenez.

6 Pour nous, ce sera la page 12. C'est le paragraphe 25. Pour éviter des

7 problèmes de traduction, je vais vous demander de donner lecture des six

8 premiers points du paragraphe 25.

9 R. Ici, il s'agit d'une déclaration liée au programme du Parti radical

10 serbe. Je dois d'abord préciser de quoi il s'agit. C'est daté de 1991. Au

11 paragraphe 25 de cette déclaration inhérente au programme, je donne lecture

12 de ce que vous avez surligné. Je peux lire le tout si vous le souhaitez, je

13 n'ai pas de difficulté. On dit : "Etouffer, par tous les moyens, le

14 soulèvement séparatiste albanais au Kosovo-Metohija. Aux fins d'interdire

15 toute récidive de cette insurrection, nous nous employons en faveur de la

16 prise urgente des mesures suivantes :

17 "Interdire de façon efficace l'établissement, de quelque forme que ce soit,

18 d'une autonomie politique territoriale du Kosovo-Metohija.

19 "Chasser immédiatement la totalité des 360 000 immigrants albanais et leurs

20 descendants.

21 "Empêcher tout financement financier de l'Etat à l'intention de la minorité

22 albanaise nationale afin de réorienter ces moyens financiers vers le

23 financement du retour des Serbes au Kosovo-Metohija.

24 "De proclamer un état de guerre au Kosovo-Metohija, de supprimer toutes

25 activités politiques, d'introduire une administration militaire pour une

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1 période d'au moins dix ans.

2 "Dissoudre immédiatement toutes les instances du pouvoir civil ainsi que

3 les institutions financées par le budget de l'Etat fonctionnant en langue

4 albanaise, telles que l'université, l'Académie des sciences et des arts,

5 les maisons d'édition et les journaux, immédiatement.

6 "Fermer et conserver la totalité des usines et des ateliers de production

7 qui fonctionnent de façon irrationnelle en raison du sabotage systématique

8 de la part des Albanais, des Siptars qui y travaillent."

9 Vous voulez que je continue ?

10 Q. Je crois que cela suffira. Si on vous demandait comment vous expliquez

11 la façon dont il faudrait chasser ces 360 000 immigrés, comme vous les

12 appelés, qu'est-ce que vous auriez utiliser ? Qu'est-ce que vous vouliez

13 utiliser comme mécanisme ?

14 R. Les faire revenir vers leur pays, l'Albanie.

15 Q. Je suis désolé, mais quel serait le mécanisme utilisé ? Réfléchissez-y.

16 Parce que vous avez été autorisé à publier ce genre de chose. De quoi

17 alliez-vous vous servir pour renvoyer 360 000 personnes en Albanie ? Est-ce

18 que vous alliez recourir à la négociation ? A la persuasion financière ? Ou

19 est-ce que vous alliez recourir à la force ?

20 R. Tous ces immigrants d'Albanie résidaient de façon illégale en Serbie

21 et en Yougoslavie et tous auraient été chassés d'une façon analogue à celle

22 qui est celle des pays occidentaux s'agissant des asilants [phon]. Donc,

23 certains repartiraient par avion, par autocar. Donc, ceux qui sont de façon

24 illégale sur notre territoire.

25 Q. Mais vous comprenez la question : ce sont des gens dont vous avez dit

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1 qu'ils constituaient la population du Kosovo-Metohija depuis la Deuxième

2 guerre mondiale. Donc, il y a des gens qui ont vécu 40 ans, avec les

3 enfants qui ont passé toute leur vie là-bas. Alors, est-ce que vous

4 pourriez dire ce que vous vouliez faire ? Est-ce que vous alliez procéder à

5 des procès ? Est-ce que vous alliez les mettre dans des centres de

6 détention pendant qu'ils faisaient une demande d'asile ailleurs ? Quelle

7 est la façon dont vous deviez vous occupez d'eux ? Est-ce que vous alliez

8 simplement les chasser ? Quelle était la mesure à laquelle vous auriez eu

9 recours ?

10 R. Premièrement, il s'agit ici d'une déclaration inhérente au programme du

11 Parti radical serbe. Ce que le Parti radical serbe --

12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais répondez à la question. Nous

13 savons ce que c'est. Alors, on vous a posé une question. Répondez

14 rapidement et essayons d'avancer.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] D'une façon analogue à celle qui est utilisée

16 par l'Allemagne, la France ou l'Angleterre pour expulser des immigrants

17 illégaux, pour expulser les demandeurs d'asile. Le fait que leurs enfants

18 soient nés en Serbie ne leur donne pas automatiquement le droit à une

19 nationalité serbe. Ils ont été systématiquement amenés en Serbie. Ils sont

20 intervenus sur des fondements séparatistes; c'est là le contexte. C'est eux

21 qui ont persécuté les Serbes de là-bas. Ils les ont forcés à s'en aller.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, je suis Juge ici et

23 en tant que tel, je ne sais pas comment l'un quelconque de ces trois pays

24 que vous avez cités règle la question des immigrants. Je ne sais pas. Je ne

25 peux pas faire de comparaison avec vos intentions. Alors, vous, vous avez à

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1 me dire quel était votre plan.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Notre plan était celui-ci : toute personne ne

3 disposant pas de la nationalité serbe devrait quitter immédiatement le

4 territoire de la Serbie, s'agissant des immigrants albanais. Nous n'avons

5 pas ici développé de technologie. Les instances du pouvoir local seraient

6 appelées à le faire une fois que nous serions arrivés au pouvoir. Donc,

7 toute personne pour laquelle il serait déterminé qu'elle ne dispose pas de

8 notre nationalité, elle devrait partir, elle devrait partir en autocars, en

9 avions, en trains, que sais-je.

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Avant de vous soumettre ce qui à mon avis est la vérité dans tout ceci,

12 essayons de rappeler aux Juges ce que vous avez dit et ce qu'un des

13 journalistes que vous avez toujours attaqué nous a dit. Il s'agissait de M.

14 Anastasijevic. En 1990, vous étiez toujours en grâce auprès de l'accusé et

15 vous aviez à ce moment-là un meilleur accès par rapport aux médias de

16 l'Etat que ce ne fut le cas pendant d'autres périodes ?

17 R. En 1990, j'étais tellement dans les grâces de M. Milosevic que ses

18 hommes à lui m'ont mis trois fois en prison dans le courant de cette même

19 année 1990.

20 Q. Vous avez déjà répondu à tout ceci. Mais je tiens à insister là-dessus.

21 Vous publiez ce programme de votre parti. Est-ce que vous étiez à ce

22 moment-là encore dans les grâces de M. Milosevic ? Est-ce que vous aviez

23 toujours aisément accès aux médias ? Est-ce que ce que vous exposez ici

24 dans votre programme est susceptible d'être davantage repris par les

25 médias, la télévision ? Vous me suivez ? Est-ce que je suis en droit de

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1 penser cela ?

2 R. Tout d'abord, je ne sais pas de quelles bonnes grâces vous êtes en

3 train de parler. Vous avez complètement tort. Je n'ai jamais été dans les

4 bonnes grâces de M. Milosevic. Le 23 février, à Kragujevac, nous avons

5 déclaré la création du Parti radical serbe à Kragujevac et nous avons

6 rédigé par la suite cette déclaration inhérente au programme. Vous pouvez

7 voir également que nous l'avons fait partant du programme et des statuts

8 adoptés le 23 février à Kragujevac. Alors, qu'est-ce que ceci peut bien

9 avoir à voir avec M. Milosevic ?

10 Q. Je dois vous arrêter. Vous avez eu la possibilité de répondre à la

11 question. Ce que je laisse entendre, c'est que lorsque vous parlez de ces

12 360 000 immigrants, comme vous les appeler, et de leurs descendants qui ont

13 pourtant passé toutes leurs vies au Kosovo-Metohija, vous voulez, en

14 recourant à la force, les chasser; est-ce exact ?

15 R. Oui, de façon juridique, légale. La force appliquée selon la loi.

16 Q. Où est-ce que nous en trouvons le détail ? Est-ce que vous donnez des

17 livres ? Est-ce que vous donnez un programme, par exemple, où une procédure

18 judiciaire serait respectée pour ces enfants, pour ces personnes ?

19 R. C'est sous-entendu.

20 Q. Oui ?

21 R. Dans le cadre d'un Etat de droit.

22 M. NICE : [interprétation] Je demande le versement de ce document avant

23 d'en présenter un autre.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document portera la cote 909.

Page 44161

1 M. NICE : [interprétation] Le document suivant, c'est l'intercalaire 75. Un

2 autre extrait du livre intitulé, "Phantasmagorias". Ayez la pensée de

3 prendre la page 73, me semble-t-il, dans la version originale. Page 13 pour

4 vous, Messieurs les Juges. M. l'Huissier va peut-être poser sur le

5 rétroprojecteur la version en anglais. Le passage qui nous intéresse est

6 signalé.

7 Q. C'est un discours fait dans le cadre d'une campagne électorale. Je

8 suppose que vous intervenez à la télévision, dans les journaux. Nous

9 reprenons tout le paragraphe. Voici ce qui est dit : "Vous avez entendu les

10 aspects fondamentaux de notre programme national et vous serez sans doute

11 intéressé de savoir quel est le programme que nous prenons pour ce qui est

12 de la répression résolue du soulèvement séparatiste siptar au

13 Kosovo-Metohija. Les Siptars agissent à notre avantage. En grande majorité,

14 ils refusent d'être inscrits, de participer au recensement de population le

15 plus récent. Vous savez qu'un recensement démographique, c'est une

16 obligation qui découle des documents des Nations Unies pertinents. Tous les

17 pays ont pour obligation de faire un recensement de leurs populations tous

18 les dix ans."

19 Maintenant, je vais vous demander de nous lire, pour éviter tout problème

20 de traduction, la phrase suivante.

21 R. "Les Siptars nous ont facilité la tâche. Ceux qui ont boycotté le

22 recensement ne sont pas des ressortissants à nous et ils n'ont rien à faire

23 dans notre pays. Tout simplement, nous allons les encercler avec l'armée et

24 les repousser de l'autre côté de la frontière vers Albanie. A l'Occident,

25 il y aura du boucan. Ils vont faire du boucan un mois ou deux, ils vont

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1 encore faire du boucan, et ils oublieront."

2 Q. C'est un discours électoral adressé aux personnes qui vont voter. Mais

3 si on voit ceci et ce que vous avez dit aux Juges à l'instant même, vous

4 alliez parler d'un système tout à fait régulier et conforme. Entre ces deux

5 options, où se trouve la vérité ? Car c'est assez incompatible.

6 R. Tout d'abord, vous avez tout à l'heure eu entre les mains un document

7 officiel du Parti radical serbe. Il contient ce qu'il contient. Ici, vous

8 avez un discours individuel qui est le mien, qui n'est pas tout à fait

9 conforme aux documents du Parti radical serbe, en raison de quoi le Parti

10 radical serbe aurait pu me sanctionner, mais il ne l'a pas fait. J'ai

11 effectivement proféré cela, et cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il

12 convient de dissocier deux choses, ce qui est un document officiel du Parti

13 radical serbe et ce qui constitue une déclaration unilatérale de ma part.

14 Q. -- une fois, plusieurs fois. Mais tout ceci est consigné dans votre

15 livre, et dans votre livre, vous ne dites pas : "Je suis désolé de l'avoir

16 dit," n'est-ce pas ? Vous ne le dites pas, n'est-ce pas ?"

17 R. [aucune interprétation]

18 Q. Vous ne dites pas que vous êtes désolé d'avoir promis de chasser par la

19 force militaire les Albanais du Kosovo ?

20 R. Mais même de nos jours, je ne regrette pas d'avoir prononcé ce que j'ai

21 prononcé en 1991.

22 Q. Donc, en dépit de ce que vous avez dit il y a moins de cinq minutes à

23 ces Juges, vos intentions véritables en 1990, en 1991, elles étaient

24 d'encercler avec l'armée les Siptars, comme vous les appelez, pour les

25 évincer du pays où ils ont, eux et leurs enfants, passé toutes leurs vies.

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1 Vous l'avez dit parce que vous dites : Bon, il y aura peut-être un petit

2 peu du boucan fait par l'Occident, mais après, l'Occident va l'oublier,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Vous falsifiez une fois de plus. Tout à l'heure, nous avions un

5 document officiel du Parti radical serbe. Ce qui constitue un document

6 officiel du Parti radical serbe, c'est la politique officielle de ce Parti

7 radical. Cela, c'est ma déclaration à moi. Ma déclaration est beaucoup plus

8 violente, plus brutale, que celle du Parti radical serbe.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne suis pas comme M. Nice, je ne

10 vois pas qu'il y aurait de contradiction ou d'incohérence entre les deux.

11 Est-ce qu'il y a quelque chose qui n'est pas constant ?

12 M. NICE : [interprétation] Dans la mesure où j'avais pensé qu'il a dit dans

13 la réponse qu'en fait l'influence que pourrait avoir ce document --

14 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais en fait, il n'y a pas de

15 contradiction entre vos dires et le document. Parce que d'un côté, il y a

16 la politique, et de l'autre, la façon dont elle serait mise en pratique.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des incohérences, parce que le Parti

18 radical serbe n'a jamais officiellement exprimé rien de la sorte. Moi, oui.

19 Mais M. Nice passe outre un élément. Ici, il est question des Albanais qui

20 n'ont pas fait preuve de loyauté, qui ont refusé d'être recensés au

21 recensement de la population. Alors, boycotter le recensement d'une

22 population pour maintenir les falsifications de 1981 et pour faire entendre

23 qu'au Kosovo, il y avait bien plus d'Albanais qu'il y en a réellement, et

24 les immigrants albanais, de façon falsifiée, devaient être considérés comme

25 étant des citoyens de la Serbie. Ici, il convenait de faire la distinction

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1 entre ceux qui étaient recensés, ceux qui ont répondu à leur devoir

2 civique, et ceux qui ont boycotté. La déclaration est brutale, oui, en

3 effet. Elle a été prononcée par moi, mais cela n'existe pas dans les

4 documents du Parti radical serbe.

5 Les choses sont tout à fait claires.

6 M. NICE : [interprétation]

7 Q. Quand vous dites "un peu trop brutal," soit vous aviez l'intention

8 d'utiliser la force des armes pour les chasser ou soit ce n'était pas le

9 cas. Nous voulons simplement que vous aidiez les Juges en disant si vous

10 vouliez les chasser par la force des armes.

11 R. Ici, de façon rhétorique, j'ai exprimé une position, et je n'y

12 renoncerai pas. Mais je ne vous confirmerai pas que c'est effectivement de

13 cette façon que je procéderais, parce qu'il y a de la colère dans ce

14 discours, un peu de colère en raison du comportement des Albanais au

15 Kosovo-Metohija à l'égard des Serbes de là-bas.

16 Maintenant, dans une ambiance apaisée, vous voulez que je répète la chose

17 de la même façon. Non, je dis que je l'ai déclaré dans un discours de

18 propagande animé par des événements probablement survenus à l'époque.

19 Q. J'allais passer à la Bosnie, mais je vais rester un instant encore au

20 Kosovo pour une raison précise. Je voudrais votre assistance sur ceci.

21 L'attitude que vous avez à l'égard des Albanais du Kosovo, elle se

22 manifeste au début des années 1980, elle s'exprime le programme du parti,

23 dans ce discours fait au début des années 1990. Est-ce que vous avez

24 conservé cette attitude, cet avis, pendant toutes les années 1990 ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.

Page 44165

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] La question n'est pas correcte. M. Nice

3 interroge le témoin sur ses positions concernant les Albanais du Kosovo.

4 Ici, il est question de la position non pas vis-à-vis des Albanais du

5 Kosovo, mais des immigrants clandestins, ce qui est tout à fait différent.

6 Une chose, c'est les Albanais du Kosovo, et autre chose, c'est les Albanais

7 du Kosovo qui sont des immigrants clandestins là-bas.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question porte sur les

9 Albanais du Kosovo, et je pense que c'est ainsi qu'on peut interpréter la

10 réponse.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il faut voir dans quel contexte

12 se situe cette déclaration. On parle des "Siptars qui nous facilitent la

13 vie parce qu'ils ont boycotté le recensement." On ne parle pas ici

14 "d'immigrants clandestins."

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il est dit que ce ne sont pas des

16 ressortissants de chez nous. C'est bien ce qui est dit, Monsieur Bonomy,

17 n'est-ce pas ? Mais s'agissant de la toute dernière des questions posées

18 par M. Nice, je ne l'ai pas oubliée. Je dirais que le Parti radical serbe,

19 si mes souvenirs sont bons, a disposé d'un autre document relatif au

20 Kosovo-Metohija. Il date de septembre 1995. Nous avons publié un mémorandum

21 concernant la façon dont nous envisagions la solution du problème du

22 Kosovo-Metohija. Cela a été fait par un groupe de travail du peuple radical

23 serbe et cela a été signé en tant que mémorandum par la direction complète

24 du Parti radical serbe.

25 M. NICE : [interprétation]

Page 44166

1 Q. Les Juges se souviendront de l'intercalaire 30, des pièces à décharge

2 présentées par ce témoin. Il s'agissait d'un discours fait à Belgrade en

3 mars 1999. Je n'ai pas sous la main le classeur dont s'est servi le témoin,

4 et je ne sais pas s'il en avait une version dans sa propre langue.

5 Souvenez-vous, Messieurs les Juges, nous nous sommes concentrés sur un

6 passage qui se trouvait à la page 5, haut de la page 5, en anglais. Je

7 pense que le témoin va avoir besoin d'une copie du document. Nous avons une

8 copie pour lui. Je ne sais pas si l'accusé ou les conseils commis d'office

9 ont une copie de ce qu'il a dit à l'époque. Comme d'habitude, Mme Dicklich

10 a été prompte. Elle a trouvé une copie pour lui.

11 Ceci intervient plusieurs années plus tard puisque nous sommes en 1999.

12 Nous allons demander à la régie d'utiliser le logiciel Sanction pour

13 diffuser un bref extrait de ce discours.

14 [Diffusion de cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "S'il y a bombardement par le pacte de l'OTAN, s'il y a agression

17 américaine, nous Serbes, allons périr en grand nombre,

18 mais des Albanais, il n'y en aura plus au Kosovo."

19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

20 M. NICE : [interprétation]

21 Q. Vous vous souvenez que l'accusé vous a posé une question à propos de

22 cet extrait ?

23 R. Oui.

24 Q. Si vous avez maintenant le texte sous les yeux, nous l'avons à la page

25 5, en anglais. Vous avez cherché à nous expliquer comment, pourquoi il n'y

Page 44167

1 aurait plus d'Albanais au Kosovo. Calmement, je vous demande d'être calme,

2 de parler calmement et de nous dire où dans ce texte les Albanais

3 pourraient interpréter vos paroles comme autre chose que des paroles

4 porteuses de violence à leur encontre, porteuses d'expulsion forcée.

5 R. Dans le paragraphe précédent qui se trouve juste avant, je vais vous en

6 donner lecture. "Nous Serbes, nous sommes un peuple qui avons une tradition

7 démocratique manifeste. Nous nous divisons sur des plans idéologiques et

8 politiques de façons variées. Mais s'agissant de la patrie, il n'y a plus

9 de division possible. Voyons donc quel est le Serbe qui serait disposé à

10 signer un document portant sur l'arrivée de troupes étrangères sur notre

11 territoire. Voyons quel est le Serbe qui serait disposé à signer un

12 document concernant la sécession du Kosovo-Metohija vis-à-vis du territoire

13 ou de l'intégrité du territoire serbe. Nous, en tant que Serbes, avons

14 proposé aux Albanais à plusieurs reprises une autonomie du plus haut degré

15 d'économie culturelle, de faire en sorte qu'ils vivent en tant que citoyens

16 loyaux, de réglementer leur éducation, leurs activités culturelles et

17 autres. Ils ne le veulent pas; ils ne veulent que la sécession. Ils ne

18 peuvent pas faire sécession seuls. Ils se disent que les Américains

19 allaient se battre pour eux dans les Balkans. Alors, je leur communique à

20 partir de l'endroit où je me trouve, et ce n'est pas seulement un message

21 émanant du Parti radical serbe seul, je suis convaincu que c'est un message

22 émanant du peuple serbe tout entier. Les Albanais ont des chances, ont une

23 perspective seulement s'ils sont orientés en faveur d'une voie politique,

24 pacifique et démocratique."

25 Et vient maintenant la citation que vous avez montrée tout à l'heure.

Page 44168

1 Je peux vous en donner lecture si vous le souhaitez.

2 Q. Non, non.

3 R. Vous ne voulez pas que je continue, "s'il y a bombardement…" ?

4 Q. Vous pourrez lire cette citation, mais lisez aussi les quelques phrases

5 qui suivent au paragraphe suivant.

6 R. "Si bombardement il y a de la part de l'OTAN, s'il y a agression

7 américaine, nous Serbes, allons périr en grand nombre, mais il n'y aura

8 plus d'Albanais au Kosovo. J'espère qu'ils ne pensent pas, ces Américains,

9 que s'ils s'attaquent à nous, que nous allons tolérer dans notre dos des

10 bandes armées, et une population qui n'est pas loyale qui n'attend qu'une

11 chose à savoir, nous asséner des coups dans le dos. Nous n'allons pas les

12 tolérer. A eux de voir ce qu'ils feront après avec."

13 Q. Interrompez-vous et montrez-nous un autre passage. Auparavant, pourquoi

14 est-ce qu'il n'y aurait plus d'Albanais au Kosovo ?

15 R. S'il y a agression américaine, s'il y a bombardement, périront tout

16 d'abord eux, et ensuite, les Serbes.

17 Deuxièmement, nous avons déjà une expérience vécue de la Republika Srpska à

18 l'aide de l'uranium appauvri. Vous avez maintenant des cas où des enfants

19 albanais naissent avec deux têtes et autres déformations génétiques.

20 Troisièmement, ce que je dis ici, c'est que nous n'allons pas tolérer dans

21 notre dos des bandes armées.

22 Q. Nous avons déjà entendu tout cela auparavant. J'essaie simplement de

23 voir comment un Albanais du Kosovo, qui vous entend dire cela, va penser

24 autre chose que le fait qu'il va être chassé. Pourriez-vous nous

25 l'expliquer ?

Page 44169

1 R. Si je leur dis que des Albanais n'ont des perspectives que s'ils

2 s'orientent en faveur d'une vie pacifique, démocratique et politique, une

3 voie du dialogue, c'est le contraire, c'est l'opposé de la guerre. Parce

4 que la guerre n'apporte que le malheur, et surtout à eux au Kosovo-

5 Metohija. Cela me semble être très clair.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une

7 pause de 20 minutes.

8 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.

9 --- L'audience est reprise à 12 heures 42.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice, veuillez

11 poursuivre.

12 M. NICE : [interprétation] Merci.

13 Q. Monsieur Seselj, nous avons abordé la période allant de 1991 à 1999

14 pour pouvoir parler du Kosovo. Maintenant, je reviens à l'année 1992. Je

15 vais faire une remarque de nature générale. Ce qui nous intéresse, c'est le

16 contexte social dans lequel vous avez agi, ce qu'on vous a permis de

17 faire. Mon affirmation est la suivante : on vous a permis d'inciter à la

18 haine en diffusant des messages que vous avez diffusés, en menaçant ou en

19 disant ce qui se produirait, ce qui arriverait à d'autres groupes

20 ethniques.

21 Maintenant, je vais essayer d'examiner l'intercalaire 23 -- Non,

22 excusez-moi. Avant de faire cela, je voudrais demander le versement de la

23 pièce précédente, l'intercalaire 30 dans le jeu de documents du témoin.

24 C'est le deuxième extrait de "Phantasmagorias oustachi d'Orvace". Est-ce

25 qu'on peut lui attribuer une cote ?

Page 44170

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la cote 910.

3 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie. Maintenant, je vais au 23.g.3.

4 Je le précise à l'intention des interprètes. Dans la version anglaise du

5 document que vous allez recevoir, c'est la page 6 sur 8. En version

6 originale, c'est la page 174 ainsi que la page 175.

7 Q. Monsieur Seselj, nous avons ici un discours que vous avez prononcé à

8 Belgrade ou plutôt, nous avons ici des discours prononcés par des députés

9 au Parlement. Le premier extrait est le suivant.

10 Page 6. Encore une fois : "Nous allons expulser les Croates --" L'avez-vous

11 trouvé ?

12 R. Oui, je l'ai trouvé.

13 Q. "Nous allons expulser les Croates en exerçant le même droit que Tudjman

14 a exercé afin d'expulser les Serbes. Vous pouvez faire vos recherches à

15 Zagreb. Vous trouverez de quel endroit il s'agit, puisque vous n'avez

16 toujours pas soulevé une seule voix de protestation contre les crimes de

17 Tudjman, contre les expulsions des Serbes et tout le reste qui s'est

18 produit sur le territoire de la Croatie oustachi. Avant tout, il s'agit du

19 génocide contre le peuple serbe. Nous n'allons pas avoir recours aux

20 activités génocidaires parce que ceci n'est pas typique de nous, Serbes.

21 Ceci ne correspond pas à notre patrimoine génétique. Nous n'allons pas nous

22 mettre à vous tuer, bien entendu. Nous allons simplement vous mettre à bord

23 des camions et des trains pour --

24 "Puis, nous allons même vous donner des adresses des maisons serbes

25 abandonnées, des maisons, des appartements. Vous pouvez vous installer dans

Page 44171

1 ces maisons."

2 R. Pourquoi vous me lisez cela, Monsieur Nice ?

3 Q. Je vais juste vous poser ma question. Le 7 avril 1992 :

4 "Mesdames, Messieurs, députés, il s'agit de beaucoup de bruit pour rien

5 suite à une demande personnelle qui a été aussi une demande avancée par le

6 Parti radical serbe, à savoir, de prendre des mesures de rétorsion et de

7 permettre aux Croates de quitter la Serbie, puisque beaucoup de Serbes ont

8 été forcés à partir. Ceci n'a fait que renforcer ma conviction que cette

9 demande est tout à fait correcte.

10 "Le simple fait que les réactions les plus violentes à venir, les

11 réactions ne font que renforcer ma détermination. Nous avons ici tous ces

12 partis politiques qui ressemblent à des traîtres. Leurs leaders également

13 ainsi que les représentants qui ont parlé jusqu'à présent, s'ils éprouvent

14 tant de pitié pour les Croates, la meilleure solution, ce serait simplement

15 de les placer à bord d'autocars et de camions et de les emmener à Zagreb."

16 Très clairement, vous parlez de transporter des Croates; est-ce

17 exact ?

18 R. Tout d'abord, je n'avais "droit" de rien faire. C'était un droit, et

19 personne ne pouvait me le prendre. Je suis député du peuple ici. Vous

20 n'avez pas bien interprété ce que j'ai dit. Je vais tout d'abord donner

21 lecture de ces deux paragraphes dans leur totalité si la Chambre n'y voit

22 pas d'inconvénient pour que les choses soient tout à fait claires. Est-ce

23 que vous m'y autorisez, Monsieur Robinson ?

24 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Pouvez-vous nous expliquer où est

25 l'erreur ?

Page 44172

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire où

2 est l'erreur, à votre avis ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la première citation, Monsieur Nice, même

4 si ceci a été indiqué, surligné dans ce document, il n'a pas lu mon message

5 aux Croates. "Vous recevrez même des adresses des maisons abandonnées des

6 Serbes. Installez-vous dans ces maisons. Même les meubles y sont encore.

7 Vous pouvez emporter d'ici tout ce que vous voulez, tout ce dont vous avez

8 besoin." M. Nice a fait cela délibérément. Il a délibérément omis de le

9 lire.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce qui vous permet de dire

11 cela ? De quelle manière est-ce qu'on interprète autrement ce paragraphe

12 maintenant, sans ou avec ces propos ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que lorsque Tudjman a expulsé plusieurs

14 centaines de milliers de Serbes, lui, à ce moment-là, il leur a permis de

15 rien emporter, même pas les choses les plus fondamentales. Leurs maisons,

16 l'ensemble de leurs biens sont restés sur place. Ici, je demande qu'on

17 prenne des mesures de rétorsion, et je leur dis : Prenez tout ce que vous

18 voulez. Ce n'est pas un secret de polichinelle. A l'époque, cela a duré

19 plusieurs mois. Il y a eu une vague de réfugiés serbes qui sont arrivés en

20 Serbie, réfugiés, personnes déplacées. A ce moment-là, le Parti radical

21 serbe --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vois ce que vous voulez

23 dire. Monsieur Nice où on en était ?

24 M. NICE : [interprétation] Il voulait corriger un point. Il y avait un

25 problème de traduction d'après le témoin. Je lui ai demandé de nous le

Page 44173

1 signaler brièvement.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. NICE : [interprétation]

4 Q. L'autre point qui concerne la traduction, Monsieur Seselj, qu'était-ce

5 ?

6 R. Vous avez omis de donner lecture d'un point lorsque je dis aux traîtres

7 serbes qu'il faut qu'ils partent à Zagreb. Je leur dis : "Là-bas, c'est la

8 démocratie. Ils sont bien là-bas. Je ne vois pas ce qu'ils recherchent ici,

9 pourquoi restent-ils ici ? La position du peuple est évidente. Son opinion

10 est évidente. Il est évident avec quel enthousiasme il accueille cette

11 proposition. Ils n'ont pas besoin d'une telle Serbie. Une telle Serbie, ils

12 ne le veulent pas. C'est aux traîtres que je m'adresse. Cette Serbie-là ne

13 les comprend pas. Ils n'ont qu'à aller rejoindre Tudjman."

14 Encore une fois, c'est un règlement de compte. Je règle leur compte aux

15 parties adverses, au Parlement. C'est un discours au Parlement. Quant à

16 savoir si le Parti radical serbe s'est engagé en faveur des mesures de

17 rétorsion à l'époque, si, c'est vrai.

18 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que "rétorsion," revient à

19 déplacement forcé ? C'est la question qui vous a été posée.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Rétorsion, cela veut dire vengeance ou

21 représailles. Si Tudjman a expulsé les Serbes, à son tour, la Serbie doit

22 expulser les Croates. C'est cela les mesures de rétorsion.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est votre opinion, n'est-ce pas ?

24 Vous êtes en train d'exposer votre point de vue indépendamment de

25 l'innocence de ces gens qui résident en Serbie. Ils doivent être expulsés

Page 44174

1 du fait du comportement de Tudjman ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, c'est la position adoptée par

3 le Parti radical serbe sur une période de quelques mois, une période

4 limitée.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, je l'ai bien

6 compris.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous confirme ce qui s'est passé puisque je

8 dis la vérité.

9 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une cote.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 911.

12 M. NICE : [interprétation]

13 Q. Maintenant, encore une fois, un petit extrait pour insister sur le même

14 point. Il s'agit de l'intercalaire 23F.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Robinson, je peux ajouter un point ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis ici en ma qualité de député, député

18 d'opposition du Parti radical serbe au sein du Parlement, personne ne peut

19 m'empêcher de prononcer ce genre de discours à l'assemblée nationale. Je

20 vois ce qu'insinue M. Nice, que c'est M. Milosevic qui m'a autorisé à faire

21 cela. Mais il n'avait rien à voir avec cela. Voyez-vous, s'il s'agit d'un

22 comportement contraire à la loi, il vient de moi et de mon parti. Il n'a

23 rien à voir avec M. Milosevic.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, j'allais vous

25 demander d'élucider ce point dans la mesure où il s'agit de votre thèse.

Page 44175

1 Est-ce que vous vous attendez à ce que la Chambre tire des conclusions de

2 ces discours prononcés par le témoin au Parlement et ailleurs, demandant ou

3 prônant le déplacement forcé des Croates, est-ce que vous vous attendez à

4 ce qu'on tire les mêmes conclusions ou les conclusions que les membres de

5 l'entreprise criminelle commune partageaient les mêmes points de vue que M.

6 Milosevic ?

7 M. NICE : [interprétation] Oui, il se pourrait que ce soit une conclusion à

8 laquelle je vous invite, mais pour le moment et par l'intermédiaire de ce

9 témoin, je limite mes questions à l'autre hypothèse, à savoir que le témoin

10 s'est trouvé dans un climat où il lui a été permis de dire ce genre de

11 chose, les autorités l'autorisaient à faire cela; il a eu des hauts et des

12 bas dans ses relations avec l'accusé, et effectivement, la question est de

13 savoir s'il avait besoin de l'autorisation de l'accusé pour dire certaines

14 choses. Mais je rappelle à la Chambre les éléments de preuve que nous avons

15 entendus de M. Zwaan au sujet des mécanismes qui concernent le crime du

16 type génocidaire.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons devoir nous pencher avec

18 beaucoup d'attention sur ces éléments.

19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ici, en l'occurrence, le président de

20 l'assemblée l'attaque pour ce qu'il dit puisque ce qu'il dit est

21 anticonstitutionnel.

22 M. NICE : [interprétation] Oui. Nous allons maintenant examiner un bref

23 extrait de l'ouvrage, "La Politique en tant qu'un défi à la conscience,"

24 publié, je ne sais pas exactement à quelle date. Mais l'entretien date du

25 22 avril 1992.

Page 44176

1 Q. Si vous l'avez, Monsieur Seselj, je vais citer juste un petit

2 paragraphe. Vous dites : "J'expulserai les Croates pour plusieurs raisons.

3 Tout d'abord et la chose la plus importante, parce que les Croates manquent

4 extrêmement de loyauté en tant qu'habitants de Serbie, puisque l'écrasante

5 majorité des Croates sont des membres du HDZ, ils agissent de la même façon

6 que leurs collaborateurs étrangers, et ils font tout ce qu'ils peuvent pour

7 déstabiliser la situation interne en Serbie. Qui plus est, les Croates se

8 sont prouvés être des collaborateurs directs des Oustachi, ils ont rendu

9 possible le transfert de Vukovar à la Hongrie en passant par Backa. Qui

10 plus est, nous devons prendre des mesures de rétorsion contre les Croates

11 parce que Tudjman a expulsé 160 000 Serbes."

12 La question que je souhaite vous poser au sujet du paragraphe est la

13 suivante : sans opérer une distinction quelle qu'elle soit ou sans

14 discriminer, vous parlez ici de tous les Croates. Ce livre a été publié en

15 1993 à Belgrade.

16 R. Non, je ne parle pas ici de tous les Croates. Je parle ici uniquement

17 des Croates qui vivent en Serbie. J'énumère les différentes

18 caractéristiques qui sont les leurs, celles des Croates qui devraient être

19 expulsés.

20 Q. Tout Croate qui résiste, qui vit en Serbie et qui entend ce discours --

21 R. Non.

22 Q. Attendez. Entendant ce discours comprendrait qu'il serait expulsé tous

23 les Croates de manière générale ?

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il a accepté votre affirmation.

25 Il a dit que tous les Croates vivant en Serbie doivent être expulsés. C'est

Page 44177

1 ce qu'il vient de dire.

2 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une cote pour cette

3 pièce.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Attention, ce que vous n'avez pas lu, c'est la

5 chose suivante : "Nous devons mettre sur pied des mesures de rétorsion

6 contre les Croates puisque Tudjman a expulsé 160 000 Serbes."

7 Vous l'avez lu, je pense. Par la suite, je dis : "C'est le nombre

8 enregistré officiellement, mais je suppose qu'il s'agit d'un chiffre deux

9 fois plus important puisque les Serbes ne sont pas venus se déclarer en

10 tant que réfugiés; ils sont venus se placer chez des amis, chez des

11 proches. De nombreux Serbes se sont également exilés à l'étranger. Quant à

12 ces Serbes-là, il faut bien les prendre en charge quelque part, il faut

13 leur trouver un emploi, il faut qu'ils puissent avoir des moyens de

14 subsistance. Nous n'avons pas suffisamment d'argent pour construire des

15 blocs de logement entiers, de créer de nouvelles usines ou créer de

16 nouveaux emplois, et cetera."

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela suffit.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 912.

19 M. NICE : [interprétation] Nous en sommes maintenant à un petit extrait

20 vidéo; il s'agit de la pièce 23.g.2, je le dis pour les interprètes. Il

21 s'agit de Hrtkovci en Vojvodina, qui a été abandonné par des personnes qui

22 croyaient qu'ils étaient des Croates.

23 Q. Monsieur Seselj, il est vrai, n'est-ce pas, que ces gens qui

24 s'imaginaient être des Croates, qu'ils ont quitté Hrtkovci après votre

25 discours qui a été prononcé le 6 mai 1992 ?

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1 R. Pas un seul Croate n'a été chassé de Serbie. Il y a un certain nombre

2 de Croates qui sont partis, mais avant cela, de manière légale, ils ont

3 tous procédé à l'échange des biens avec des Serbes qui avaient, eux, déjà

4 été chassés. Pour cet échange de biens, l'intermédiaire a été l'Eglise

5 catholique serbe. Agissant d'abord par ses filières, elle déterminait, tout

6 d'abord, si les biens serbes abandonnés en Croatie étaient en bon état et

7 ce n'est que dans ce cas-là que des contrats confirmant l'échange étaient

8 passés.

9 Il y a d'une part, ma position, la position que je défends, et d'autre

10 part, il y a le fait que personne n'a été chassé de Serbie. Alors quant à

11 savoir si j'ai prôné des mesures de rétorsion face au régime de Tudjman,

12 cela, oui, c'est un fait tout à fait incontestable.

13 Q. Vous avez donné lecture de noms et voilà comment vous expliquez ce que

14 vous avez fait à la télévision. Vous avez lu des noms des personnes qui

15 devaient partir.

16 [Diffusion de la cassette vidéo]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Un autre point, s'agissant de ce qui est

18 dit dans l'acte d'accusation, ils mentent et je vais prouver qu'ils

19 mentent. A Hrtkovci, je n'ai pas cité des noms de Croates qui devraient

20 être expulsés; j'ai lu la liste de Croates de Hrtkovci qui sont partis en

21 Croatie pour servir dans le Corps de la garde oustachi.

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 M. NICE : [interprétation] Je vais recommencer ceci encore une fois.

24 [Diffusion de la cassette vidéo]

25 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix] "Je prouverai qu'ils mentent. A Hrtkovci, je

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1 n'ai pas cité les noms des Croates qui devraient être expulsés. J'ai donné

2 la lecture de la liste des Croates de Hrtkovci qui sont allés en Croatie

3 pour servir dans les rangs de la Garde Oustashi. Puis, il n'y a pas eu

4 d'expulsions et s'agissant de mes déclarations, je ne les ai pas faites

5 comme quelqu'un qui faisait partie du gouvernement, mais quelqu'un qui

6 était dans l'opposition."

7 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

8 M. NICE : [interprétation]

9 Q. Est-ce que vous avez donné lecture de ces noms quels qu'ils soient pour

10 encourager les autres à partir ?

11 R. Je n'ai donné lecture d'aucun nom, mais un militant du Parti radical

12 serbe qui a pris la parole lors de ce rassemblement avant moi, lui, il a

13 donné lecture de quelques noms de Croates qui avaient quitté Hrtkovci pour

14 aller en Croatie et qui sont devenus membres de la Garde nationale.

15 Q. Vous avez dit que vous avez donné lecture d'une liste de noms, à moins

16 que je n'aie mal compris. L'avez-vous fait ou non ?

17 R. Mais vous êtes tellement impatient. Ce n'est pas moi qui l'aie lu.

18 C'était un membre de Parti radical serbe. Mais c'était comme si je l'avais

19 lu moi-même, je me tenais à côté de lui pendant qu'il la lisait. En

20 expliquant cela, je n'ai pas le temps de rentrer dans les détails. Mais je

21 suis prêt à signer, je maintiens cette liste. Le membre de mon parti qui se

22 tenait à côté de moi, il l'a lue. J'ai publié dans le livre, "L'apprenti du

23 diable, le Pape criminel Jean-Paul II," je l'ai publié. Votre collègue a eu

24 entre ses mains ce livre puisque j'ai remis ce livre à ma Chambre de

25 première instance à cause d'un autre point. Vous avez dans ce livre tout le

Page 44180

1 contenu des événements qui se sont déroulés lors de ce rassemblement. De

2 toute façon, je suis prêt à appuyer tout ce qu'il a lu; c'était un membre

3 de mon parti.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Seselj.

5 M. NICE : [interprétation]

6 Q. Quelle était la conséquence à laquelle on pouvait s'attendre suite à la

7 lecture de ces noms ? Que les gens restent ou qu'ils partent ?

8 R. Mais cela faisait belle lurette que ces gens étaient déjà partis, les

9 gens dont on a lu les noms.

10 Q. Très bien. Mais ce déplacement des gens de Hrtkovci devait se faire

11 d'une manière civilisée, de la manière dont vous interprétez ce terme,

12 "civilisé," n'est-ce pas ?

13 R. Ecoutez, je suis vraiment étonné que vous ne vous soyez pas procuré un

14 enregistrement de ce rassemblement pour qu'on puisse parler des faits, des

15 choses concrètes. C'est la campagne électorale, un rassemblement dans le

16 cadre de celle-ci. J'explique ce que nous allons faire une fois arrivés au

17 pouvoir. Aux Serbes exilés, nous allons donner les adresses des Croates

18 pour qu'ils puissent s'adresser à eux pour leur dire : écoutez, échangeons

19 nos biens. C'est cela que je propose et je suis vraiment étonné que votre

20 collègue, cette dame --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous prie de ralentir, Monsieur

22 Seselj, ralentissez.

23 M. NICE : [interprétation]

24 Q. Que se serait-il passé si ces gens n'avaient pas voulu faire l'objet

25 d'un échange. Est-ce qu'ils auraient, de toute façon, dû partir ? La

Page 44181

1 frontière allait être fermée.

2 R. Personne n'est parti sans avoir, au préalable, procédé à un échange des

3 biens et enregistré cela dans les tribunaux. Les Croates de Serbie ont

4 régulièrement obtenu des biens qui avaient une valeur plus grande que ceux

5 qu'ils abandonnaient. Je vous le garantis et je vous garantis que vous ne

6 sauriez mentionner le nom d'un seul Croate qui aurait été expulsé de

7 Serbie.

8 M. NICE : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce sera la

10 cote 913.

11 M. NICE : [interprétation] Merci.

12 Q. J'ai encore un autre document; c'est un extrait qui se trouve à

13 l'intercalaire 23.g.3.4. Il est plus long, cet extrait-ci. Mais je vais

14 n'en prendre qu'une partie. Au cours des questions supplémentaires, les

15 autres extraits pourront être abordés. Ceci provient d'un livre que vous

16 avez écrit. Pour vous, c'est la

17 page 701; est-ce que vous voyez cet extrait ? Excusez-moi, c'est la page

18 280 dans votre texte. Ici, on parle de Hrtkovci, échange civilisé de

19 population, vous dites ceci : "C'était censé être fait de façon plus

20 civilisée que cela n'a été le cas. Mais quoi qu'il en soit, nous sommes

21 satisfaits des résultats. Des milliers de familles serbes ont pu être

22 logées, elles ont reçu des maisons, dans une partie et des appartements à

23 Hrtkovci, ce qui est, aujourd'hui, Srbislavci."

24 Qu'est-ce qui a été moins civilisé que ce qui avait été prévu ? Pourriez-

25 vous nous le dire ?

Page 44182

1 R. Il y a eu des incidents quelque part. Une grande masse de réfugiés

2 serbes a afflué en Serbie et ces réfugiés sont surtout allés en Vojvodina.

3 C'est en masse qu'ils sont venus dans les localités où résidaient des

4 Croates. Il arrivait sporadiquement des incidents que nous avons,

5 d'ailleurs, condamnés, que nous rejetions en tant que tels. Mais dans une

6 ambiance surchauffée, cela n'a pas pu être évité. Mais j'aimerais, Monsieur

7 Nice, qu'on donne lecture de tous les passages surlignés, les choses

8 seraient claires.

9 Q. Qui est-ce qui a fait monter la température, si ce n'était pas vous ?

10 R. L'ambiance surchauffée et les incidents, ce n'était pas notre œuvre à

11 nous.

12 Q. Est-ce que c'est vous qui avez fait monter la température par ces

13 discours incendiaires ? Dites-le-nous, s'il vous plaît.

14 R. Nous n'avons pas généré les incidents. Nous nous sommes employés en

15 faveur d'un échange de biens entre les Croates de Serbie et les Serbes

16 chassés de Croatie. Vous pouvez le voir dans toutes mes allocutions.

17 M. NICE : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu plusieurs incidents avec

19 l'intervention de la police et condamnation des auteurs. Je sais qu'il y a

20 eu deux cas où les auteurs ont fait l'objet de sentences.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous avons entendu votre réponse.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 914.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] 914.

24 M. NICE : [interprétation] Parlons maintenant de Srebrenica, non pas en

25 1993, mais en 1995.

Page 44183

1 Q. Pourriez-vous nous rappeler quelle était votre fonction ou votre

2 situation sociale dans la société de l'époque ?

3 R. En 1995 ? En 1995, j'étais en prison sous le pouvoir de

4 M. Milosevic.

5 Q. Vous êtes resté combien de temps en prison ?

6 R. Au Nouvel An, j'étais en prison. J'y ai passé au total quatre mois. On

7 m'a relâché le 9 janvier. Le 3 juin, j'ai, une fois de plus, été arrêté à

8 Gnjilane avec mes collaborateurs les plus proches et j'ai passé encore deux

9 mois en prison.

10 Q. Vous nous avez dit non pas tout ce que vous saviez, mais ce

11 qu'apparemment vous savez concernant les événements de Srebrenica; c'est

12 bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. En tant que vice-premier ministre, vous vous êtes attaché beaucoup à

15 cette question, n'est-ce pas ?

16 Q. Oui.

17 Q. Vous nous avez déjà dit qu'il "n'y avait eu que" mille personnes qui

18 avaient été tuées et que c'était le service secret français qui était dans

19 les coulisses, qui était à la base de tout ceci. Je vous ai demandé, la

20 semaine dernière, si vous pouviez nous donner les documents le prouvant,

21 des documents originaux et vous aviez dit que vous pouviez le faire,

22 présenter les documents à l'appui de l'implication des services secrets

23 français.

24 R. Je ne suis pas, à présent, à même de vous montrer les documents, mais

25 je peux vous indiquer où est-ce que vous pourriez les retrouver : au

Page 44184

1 Parlement hollandais. Il a été présenté un document où, d'après les

2 estimations des officiers hollandais, il était affirmé que quelque 1 000

3 prisonniers musulmans ont été exécutés. En ma qualité de vice-premier

4 ministre, j'ai obtenu une information officielle de la part des services

5 compétents de chez nous. Mais ce document, je ne l'ai pas, à présent, entre

6 les mains.

7 Q. Puisque vous étiez vice-premier ministre, mis à part ce document que

8 vous avez désormais indiqué, dites-nous quel genre d'enquête on a diligenté

9 à propos de Srebrenica, qui les a menées et sur quel rapport elles ont

10 débouché, ces enquêtes ? Qui s'en est chargé ?

11 R. Je ne peux pas parler des activités des instances chargées de

12 l'investigation. Je ne suis pas chargé de cela. Vous avez eu entre les

13 mains un document relatif à Erdemovic, mais je peux vous parler de ce que

14 j'ai fait de mon côté, sur ma propre initiative, en ma qualité de vice-

15 premier ministre et je peux vous indiquer ce que j'ai fait auparavant,

16 avant d'être vice-premier ministre aux fins de m'informer de la façon la

17 plus détaillée possible sur les événements de Srebrenica. Alors, en ma

18 qualité de vice-premier ministre chargé de l'économie et des finances, je

19 n'ai pas eu de compétence vis-à-vis du domaine de la justice; ce qui fait

20 que je n'ai pas pu juger de ses activités. Mais en ma qualité de vice-

21 premier ministre, je me suis, toutefois, efforcé, de toutes les façons

22 possibles qui étaient mises à ma disposition, d'en apprendre le plus

23 possible sur les détails relatifs aux événements de Srebrenica.

24 Q. Mais je voudrais d'abord que vous répondiez à ma question et je vous

25 poserai une question à propos de votre réponse qui n'en est pas une; ce

Page 44185

1 sont des choses que vous avez affirmées.

2 Quelles sont les enquêtes qui ont été diligentées à propos de Srebrenica, à

3 l'époque ? Quand est-ce que cela a été fait ? Qui s'est chargé de ces

4 enquêtes et qu'est-ce que cela a donné comme résultat ? C'est simple pour

5 quelqu'un qui est au gouvernement. Alors, dites-nous.

6 R. En ce qui me concerne en ma qualité de vice-premier ministre, j'ai été

7 informé par le service de la Sûreté de l'Etat pour ce qui est des efforts

8 déployés par elle concernant la vérité complète à connaître sur Srebrenica.

9 Nous avions, au gouvernement, un système régulier d'informations du premier

10 ministre et des vice-premiers ministres. Nous avions des rapports

11 réguliers, périodiques de ces services de Sûreté de l'Etat.

12 Q. Monsieur Seselj, un instant. Calmez-vous, arrêtez. Les services de la

13 Sûreté de l'Etat vous ont informé des efforts entrepris par ses services,

14 pour tirer ceci au clair, pour faire toute la vérité. Quels sont ces

15 efforts entrepris par la Sûreté de l'Etat pour autant qu'il y en ait eu ?

16 R. Quels sont les efforts déployés et ce qui a été fait, ce n'est pas ce

17 qui a fait l'objet des informations de ces services de la Sûreté de l'état.

18 Les informations quotidiennes ne comportaient qu'une, deux ou plus trois

19 pages sur ce qui s'est produit dans la journée précédente. Cela était

20 parfois codé, et des fois c'était des connaissances de nature générale.

21 Donc, je ne peux pas m'aventurer dans la méthodologie des informations

22 recueillies par ce service de la Sûreté de l'Etat. Mais je puis le faire

23 pour ce qui est des renseignements mis à ma disposition en ma qualité de

24 premier ministre, informé par ces services-là.

25 Q. Pourquoi pas ?

Page 44186

1 R. Mais pourquoi pas ?

2 Q. Pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas parler de la méthode utilisée ?

3 Pourquoi ? Pourquoi ne pas pouvoir nous dire ce que ces services ont fait ?

4 Si vous voulez dire à ces Juges --

5 R. Comment voulez-vous que je le sache, Monsieur Nice ? Les rapports de ce

6 service de la Sûreté de l'Etat nous arrivaient sans signature, avec une

7 inscription "secret d'état", "confidentialité", et un cachet. Cela venait

8 dans une enveloppe scellée, et il fallait les restituer dès que lus. Ces

9 rapports n'ont pas été conservés au siège du gouvernement, mais ont été

10 envoyés par estafette au service de la Sûreté de l'Etat. Vous ne pensez

11 tout de même pas que ces services de la Sûreté de l'Etat auraient donné

12 tout cela à tous les ministres et à tout le monde ? Comment voulez-vous que

13 ce service subsiste en cas de fonctionnement de cette nature ?

14 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de distribuer

15 l'intercalaire 119 ou, tout du moins, le placer sur le rétroprojecteur ? Je

16 pense que c'est ce que nous allons faire.

17 Q. C'est un document qu'a en sa possession le bureau du Procureur. C'est

18 en anglais. Malheureusement, c'est en anglais. Nous avons demandé au

19 gouvernement de la Serbie-et-Monténégro en novembre 1993 qu'ils nous

20 fournissent tous les documents, rapports et mémos, quelque soit la date de

21 la rédaction, relatifs à la situation à Srebrenica et dans ses alentours,

22 entre le 1er avril et le 31 décembre 1995, pour parler notamment des

23 documents venant du grand état-major de l'armée; du ministère fédéral de la

24 Défense; des services du renseignement militaire; du RDB, RJB, du MUP de la

25 République de Serbie.

Page 44187

1 Selon votre déposition, s'il y avait des rapports des services du

2 renseignement, plus exactement, qui avaient été préparés dans le cadre de

3 Srebrenica, est-ce qu'ils n'auraient pas dû être fournis suite à cette

4 demande d'assistance ?

5 R. Tout d'abord, Monsieur Nice, je ne comprends pas à qui est-ce que j'ai

6 été extradé. Quand est-ce j'ai été extradé ? Vous dites que j'ai été

7 extradé. Je n'ai pas été extradé.

8 Deuxièmement, ces documents du service de la Sûreté de l'Etat existaient du

9 temps où j'étais vice-premier ministre. Quel a été leur sort par la suite,

10 je ne le sais pas. Je ne sais qu'une chose; c'est qu'une quantité énorme de

11 documents du service de la Sûreté de l'Etat après le 5 octobre 2000 a été

12 brûlée à l'institut chargé de la Sécurité à Belgrade. Ce qu'on a brûlé et

13 comment cela a été fait, je ne le sais pas. Comment voulez-vous que je le

14 sache ? Du reste, au pouvoir en Serbie, vous avez des gens, des chouchous à

15 vous. Pourquoi eux ne viennent-ils pas au devant de vos demandes ? Parce

16 que les gens qui ont été posés par vos patrons au pouvoir en Serbie, ils

17 refusent de répondre à vos demandes. Que voulez-vous que j'aie à faire avec

18 cela ?

19 Q. Interrompez-vous, Monsieur Seselj. Répondez à ma question. Si ce que

20 vous avez dit dans votre déposition est exact, sous réserve de ce que vous

21 avez dit à propos des documents brûlés et détruits, si ce que vous dites

22 est exact, ce document aurait dû déclencher un mécanisme par lequel des

23 rapports étaient produits. Parce que vous dites avoir vu des rapports qui

24 vous ont permis de venir dire sous serment à ces Juges que, mis à part ces

25 mille prisonniers de la guerre qui sont tombés sous le coup des actes

Page 44188

1 répréhensibles d'un seul détachement de sabotage, il ne s'est rien passé

2 d'autre, et qu'en fait, tout ceci à été l'œuvre des Français. Alors,

3 normalement, il y aurait des documents pour le prouver, n'est-ce pas ?

4 R. Non. Pourquoi cela signifierait-il cela ? Le 17 novembre 2003, si

5 j'avais été premier ministre fédéral, et si j'avais reçu ce courrier de

6 votre part, je vous aurais répondu : Nous ne voulons pas coopérer avec vous

7 et nous ne vous donnerons rien du tout. C'est ce que j'aurais répondu si

8 j'avais été premier ministre moi-même.

9 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Seselj, vous avez présenté

10 une version des événements qui se seraient produits à Srebrenica. Il nous

11 semble important de pouvoir voir tout document qui viendrait à l'appui de

12 la version que vous avez présentée. Le Procureur essaye maintenant de

13 cerner les documents qui serviraient d'appui. C'est dans l'intérêt de tout

14 le monde qui a un lien quelconque avec l'ex-Yougoslavie. Il est utile de

15 présenter des documents qui viendraient corroborer votre version.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur Bonomy. Mais il me pose des

17 questions erronées, où il provoque davantage mon esprit de contradiction

18 qu'autre chose. S'il pense qu'en ma qualité de vice-premier ministre,

19 j'avais ou je n'avais pas ces documents, il faut qu'il le dise. S'il croit

20 par contre que je disposais de ces documents, je puis parler de ce que je

21 me souviens au sujet de la teneur de ces documents, mais je ne peux pas

22 changer de peau. Je ne peux pas lui expliquer pourquoi le gouvernement

23 fédéral ne lui a rien envoyé du tout.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il essaye simplement de trouver ces

25 documents, et je dois vous faire part de la préoccupation qui est la mienne

Page 44189

1 devant votre réponse. Vous dites que si vous aviez reçu ce document,

2 document standard, vous auriez dit : Non, je ne veux pas coopérer. Je ne

3 veux rien fournir. Mais qu'est-ce que c'est là pour une attitude, si vous

4 êtes un homme politique responsable ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé au conditionnel, Monsieur Bonomy.

6 J'ai dit que si j'avais été à ce moment-là premier ministre fédéral, mon

7 opinion aurait été celle de dire que ce Tribunal est illégal, et j'aurais

8 refuser de coopérer avec. Mais je n'ai pas été, malheureusement. Cela est

9 une position. Mais laissons à côté cette position-là.

10 Deuxièmement, ce que j'affirme, c'est que nos services de sécurité ont

11 traité du problème de Srebrenica et ont cherché à savoir ce qui s'était

12 produit à Srebrenica exactement. Je l'affirme. Vous pouvez me croire ou ne

13 pas me croire. Je ne peux pas changer de peau. Que voulez-vous que je

14 fasse ?

15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends bien. Mais est-ce que

16 vous ne pouvez rien nous indiquer qui viendrait soutenir la version que

17 vous avez fournie ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, vous pouvez vérifier en

19 Serbie. Vous avez suffisamment de ressources. Le bureau du Procureur en a

20 suffisamment. Vous avez suffisamment d'argent à vous là-bas. Vous pouvez

21 vérifier le fait que les services de la Sûreté de l'Etat envoyaient à un

22 cercle restreint de fonctionnaires de l'Etat des informations quotidiennes

23 concernant ce qu'elle avait appris. Cela est une chose vérifiable. Ce type

24 de communication a en effet existé. Il y avait aussi des rapports

25 périodiques et, de temps en temps, nous recevions des services de

Page 44190

1 renseignement militaire des informations pertinentes, s'ils estimaient que

2 cela devait concerner le gouvernement de Serbie. Ce qui fait que Momcilo

3 Perisic et Jovica Stanisic ont été recrutés par la CIA pour travailler pour

4 elle. C'est ce que les services de renseignement de l'armée nous ont fait

5 savoir, et nous avons lu un rapport dans ce sens. C'est la raison pour

6 laquelle nous avons décidé de faire évoquer Stanisic.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce n'est pas de cela que nous parlons

8 pour le moment. Nous avons entendu votre version des faits.

9 Personnellement, je tiens compte de ce que vous dites à propos des

10 documents à la base de votre version. Est-ce qu'il y autre chose, quelque

11 chose de tangible sur quoi on peut mettre la main ? Si j'ai bien compris

12 votre réponse, vous dites n'avoir pas connaissance de l'existence d'un tel

13 document. C'est ici une question que je vous pose. Je suppose que jamais il

14 n'y a eu une enquête transparente menée en Serbie suite aux événements de

15 Srebrenica.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Bonomy, en application des lois de la

17 Serbie, les enquêtes sont confiées aux tribunaux, les services de police,

18 la police secrète, les services secrets et tout le reste vaquent à la

19 collecte d'information. La collecte d'information ce n'est pas une enquête.

20 Ces informations comportent des degrés variés de fiabilité. Des fois, ils

21 disent source fiable. Des fois, ils disent source relativement fiable. Des

22 fois, ils disent la source n'est pas tout à fait fiable. Puis, ils disent

23 la source est des fois fiable, des fois pas fiable. Des fois, ils disent la

24 source n'est pas fiable. Ce sont les inscriptions qui figurent sur ce type

25 d'information.

Page 44191

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Voici comment je comprends les choses

2 : si une enquête a été menée à un stade ultérieur, on est passé à une autre

3 phase ou plutôt, volte-face et on a décidé de libérer les gens dont vous

4 dites qu'ils avaient été impliqués. Donc ce qui veut dire qu'il n'y a

5 jamais eu vraiment un examen ouvert et public de la question en Serbie.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Une enquête a été diligentée à titre officiel

7 comme nous avons déjà disposé de quelque chose, et nous avions des

8 suspects, du type Pelemic, Petrusic et autres. Je crois me souvenir du fait

9 qu'ils étaient cinq. C'est là qu'il y a eu une enquête. C'est le début

10 2000, si mes souvenirs sont bons. C'est là que nous avions quelque chose de

11 palpable. Ce type d'enquête est assez compliqué. Nous avons publié

12 certaines informations qui nous sommes parvenues. M. Nice sait que j'en ai

13 parlé bien avant le premier ministre fédéral. Pas tous les détails, mais

14 certains éléments. Il peut le lire dans le livre que je lui ai donné.

15 Alors, nous avons diligenté une enquête et nous avons voulu la conduire à

16 son terme et nous avons voulu poursuivre en justice, puis, il y a eu

17 changement du pouvoir. Il y a eu coup d'état. Ces gens-là, tout à coup,

18 viennent à être relâchés de prison, libérés, et on leur prononce des

19 sanctions insignifiantes, et ce, à concurrence des journées qu'ils ont déjà

20 passé en prison pour que l'Etat ne leur rembourse pas ou ne paie pas

21 d'indemnité.

22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne voulais pas que vous répétiez ce

23 que vous avez déjà dit. Je comprends parfaitement.

24 Continuez, Monsieur Nice.

25 M. NICE : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une cote pour ce

Page 44192

1 document ?

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le document portant la cote

4 915.

5 M. NICE : [interprétation] Document suivant, intercalaire 120. Les

6 documents sont en annexe. Ici, c'est la réponse du ministère des Affaires

7 étrangères de Serbie-et-Monténégro. Sont énumérés neuf documents : un

8 rapport du commandement de la 1ère Armée; un deuxième rapport de ce même

9 commandement; et nous avons un rapport du commandement du 2e Corps d'armée;

10 puis, du Corps d'Uzice; information de l'administration du grand état-major

11 de la VJ; rapport périodique du commandement de la 2e Armée; rapport

12 quotidien du 10e Groupe de contre renseignement; et un document de

13 l'administration de la VJ.

14 Q. Je ne sais pas si vous voulez le regarder, mais si vous regardez le

15 sommaire. Est-ce qu'il y a dans ce sommaire des documents sur lesquels vous

16 vous êtes appuyé pour dire aux Juges quelle est votre version des faits en

17 ce qui concerne Srebrenica ?

18 R. Je ne crois pas qu'il y ait eu un quelconque de ces documents, parce

19 que ceux que nous recevions ce n'était pas des rapports de ce type-ci. Nous

20 recevions des informations déjà traitées, à savoir : nous recevions, par

21 exemple, deux ou trois feuilles de papier et sur la demie de la page il y

22 avait une information de traiter sur une question déterminée. L'autre

23 moitié de la page c'était une information concernant une question tout à

24 fait autre, et ainsi de suite. Ce type de documents militaires nous n'en

25 avons jamais reçus.

Page 44193

1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, cette demande

2 d'assistance faite en novembre 2003, était-ce la première faite par le

3 bureau du Procureur ?

4 M. NICE : [interprétation] Je ne peux pas vous le dire, mais je peux

5 vérifier, mais effectivement, c'est la première requête signée dans cette

6 série de requêtes.

7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je pense que nous n'étions pas à même

8 de faire ce genre de requêtes auparavant.

9 M. NICE : [interprétation] Oui. Je pense que nous avons des traces dans les

10 documents qui sont antérieurs à ceux-ci. Je pense qu'il y a une demande

11 détaillée.

12 Voyez la réponse. Vous l'avez à l'intercalaire 121.

13 Je demande le versement du dernier document.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi devrions-nous admettre ce

16 document ?

17 M. NICE : [interprétation] A deux titres. Tout d'abord, ce sont des

18 documents du gouvernement. Je pense qu'à ce moment-là, il est possible et

19 c'est utile de les admettre sans qu'il y soit identification par un témoin.

20 Rappelez-vous la question posée par

21 M. le Juge Bonomy. Nous voulions demander au témoin par référence à

22 d'autres demandes qu'a posées -- aux questions posées par le Juge Bonomy,

23 ce qui était disponible.

24 Puis, nous essayons de déterminer par les réponses fournies par le témoin

25 quels étaient les documents qui existaient lui permettant de se forger une

Page 44194

1 opinion. Il n'a pas examiné tous les documents mais il a examiné le

2 sommaire, et il a déjà à titre provisoire estimé que ce ne sont pas ces

3 documents. Donc, c'est déjà en soi tout à fait significatif et c'est

4 important. Il est important de voir ce qui existait et ce qui a été dit à

5 propos de ce sujet. Ceci constitue l'exercice général que nous essayons de

6 faire.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas la deuxième

8 partie de votre réponse, Monsieur Nice.

9 M. NICE : [interprétation] Les autorités ont produit --

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il dit, je parle du témoin, que ce

11 ne sont pas ces documents, pourquoi est-ce que cela deviendrait une base ?

12 M. NICE : [interprétation] Je suppose que cela identifie davantage le genre

13 de documents sur lesquels il dit s'appuyer. Cela dit aussi qu'il ne

14 s'appuyait pas sur ces documents qui risquent d'être significatifs. Je

15 pense que nous avons la possibilité et l'obligation raisonnable de les

16 présenter par le truchement de ce témoin. Nous allons le dire plus tard que

17 si rien d'utile n'existait --

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends ce que vous voulez

19 dire.

20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande ce que la Défense a dit.

21 M. KAY : [interprétation] Je pense que le témoin était en détention au

22 moment où cette requête a été envoyée; il ne peut répondre.

23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il n'est pas possible de comprendre la

24 réponse à la question, si vous n'avez pas ce document-ci. Ce n'est pas un

25 de ces documents dont on se sert pour éprouver la fiabilité du témoin ou

Page 44195

1 pour soutenir la thèse de l'Accusation. C'est simplement aux fins de voir à

2 quel moment la requête a été faite et on a eu une réponse. Je suppose que

3 vous acceptez que c'est la réponse qui a été présentée par un Procureur

4 responsable et que c'est la réponse donnée. Cela n'inclut pas tout ce à

5 quoi le témoin s'est référé, mais cela me semble être nécessaire pour

6 rendre les choses claires.

7 M. KAY : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit un point sur lequel

8 il puisse nous aider parce qu'il revient au gouvernement dont il ne faisait

9 pas partie de présenter ces documents parce que ce sont des documents qui

10 sont apparus après la mise en détention du témoin. Je pense qu'il serait

11 préférable de parler de documents qui sont contemporains à l'époque où il

12 était dans une fonction de pouvoir et qui seraient relatifs à une requête.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, qu'est-ce que

14 vous avez à dire à ce propos ?

15 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'agissant des documents envoyés par Belgrade

17 suite à la demande formulée par M. Nice, il s'agit probablement de

18 documents dont on a disposé dans les archives militaires en premier lieu.

19 Ce que M. Nice indique ici, à savoir qu'il n'y a rien-là de potentiellement

20 pertinent au sujet de Srebrenica se trouve être inexact parce qu'ici, dans

21 ce document, il y a plusieurs documents. Il y a, d'abord, un rapport du

22 commandement de la 1ère Armée qui englobe la totalité des domaines ainsi

23 que la frontière vis-à-vis de la République serbe, de la Krajina serbe et

24 de la Republika Srpska où on indique les activités de la Mission

25 d'observation des Nations Unies, Alpha [phon], et ainsi de suite, et tout

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1 ce qui s'est produit. Il s'agit de cette année 1995 et je précise qu'il

2 s'agit du mois d'avril.

3 Ensuite, un document volumineux qui est un document régulier émanant des

4 militaires; puis, vous avez la date du 7 juin où, également, on parle de

5 rapports de ce qu'il a pu être vu depuis notre territoire puisqu'il est

6 tombé certains obus sur notre territoire et ainsi de suite. Cela nous

7 montre que nos instances à nous n'ont aucune idée de ce qui se passe de

8 l'autre côté de la frontière. Ces rapports indiquent qu'ils informent de ce

9 qui s'est produit de notre côté parce que de notre coté, il est tombé,

10 parfois, des obus. S'ils avaient su ce qui se passait de l'autre côté de la

11 frontière, ils l'auraient marqué ici; c'est pour cela que ceci se trouve

12 être pertinent.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris,

14 Monsieur Milosevic ? Vous ne vous opposez pas à ce que ce document soit

15 versé au dossier ? La

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai aucune objection pour ce qui est de

17 verser cela au dossier. Voyez-vous une chose, Monsieur Robinson. Vous avez

18 le commandement de la 2e armée, document daté du 17 juillet.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. C'est une base

20 suffisante.

21 M. NICE : [interprétation] Permettez-moi de reprendre le reste.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 916.

23 M. NICE : [interprétation] Nous reprenons le reste de la filière

24 d'acheminement des documents. Nous avons, maintenant, l'intercalaire 121,

25 document qui a déjà été distribué. Vous allez le découvrir à la lecture.

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1 Q. Monsieur Seselj, on prend note de la réponse fournie auparavant. Il est

2 constaté que la requête était suffisamment large pour englober plusieurs

3 instituions de l'état. Puis, on dit que : "Pour bien informer la Chambre de

4 première instance des efforts entrepris par le bureau du Procureur pour

5 obtenir des preuves utiles et tangibles, on reprend les efforts entrepris

6 par le bureau du Procureur, et celui-ci demande une explication pour savoir

7 quelles ont été les mesures prises pour répondre à la requête initiale. On

8 mentionne les noms des institutions et on précise par écrit quelles sont

9 les mesures prises."

10 Puis, vous avez l'intercalaire 122, je précise pour les interprètes.

11 Cette réponse-ci nous est parvenue le 4 novembre.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez.

15 M. NICE : [interprétation]

16 Q. Ce document porte la date du 4 novembre, il fait état de la requête

17 supplémentaire et il dit, au deuxième paragraphe, ceci : "Suite à la

18 requête du bureau du Procureur, cette requête a été transmise au ministère

19 de la Défense de la Serbie-et-Monténégro, au ministère de l'Intérieur de la

20 République de Serbie, et il y a eu réponse des autorités mentionnées pour

21 dire que ces autorités n'avaient pas d'autres connaissances à propos des

22 événements de Srebrenica, mis à part les documents déjà fournis au bureau

23 du Procureur."

24 Il est ensuite dit que : "La commission de Srebrenica du gouvernement de la

25 Republika Srpska a fait la même requête à la Serbie-et-Monténégro, et qu'en

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1 réponse, ce ministère a transmis ceci à plusieurs autres institutions, que

2 la réponse est la même que les documents fournis au bureau du Procureur."

3 En synthèse, ces documents sont tout ce que nous ont fourni les autorités.

4 Lorsque les Juges m'ont demandé en quoi ces documents étaient pertinents,

5 j'aurais dû le dire auparavant, et je remercie

6 Mme Uertz-Retzlaff de me le rappeler, car ceci me permet de le dire

7 désormais. La conclusion que devrait tirer les Juges, c'est que ces neuf

8 documents sont les seuls documents fournis; vous dites qu'il y en a

9 d'autres ? Cette affirmation est tout simplement inexacte. Vous me suivez ?

10 R. Je comprends ce que vous dites. Il se peut que ces documents n'existent

11 plus. Mais je vous affirme que j'avais entre les mains plusieurs types de

12 documents où nos services de sécurité ont étudié la question de Srebrenica.

13 De là à savoir si ces documents existent encore de nos jours, c'est une

14 question tout à fait autre. Nous avions des rapports au quotidien,

15 périodiques concernant leurs informations et il y avait aussi des

16 informations analytiques, à savoir, des analyses de la totalité des

17 éléments. Cela est un fait. Maintenant, si cela n'existe plus et si Vuk

18 Draskovic, en sa qualité de ministre, vous dit que cela n'existe plus,

19 alors cela n'existe plus.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Nous avons entendu

21 votre réponse.

22 M. NICE : [interprétation] Je demanderais sur ce même principe, sur cette

23 même base, le versement de ces deux documents.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. NICE : [interprétation] Avant la fin de l'audience, je voudrais

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1 rapidement évoquer un autre sujet.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons étudier la question

4 d'ici à demain, Monsieur Nice.

5 M. NICE : [interprétation] Je vous remercie.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous aviez encore une question avant

7 la levée de l'audience ?

8 M. NICE : [interprétation] Oui, rapidement.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

10 M. NICE : [interprétation]

11 Q. Je souhaite vous montrer une photo…

12 C'est une photo tirée de l'enregistrement concernant les Skorpions;

13 elle va être placée sur le projecteur. Veuillez la regarder. C'est une

14 image extraite de cet enregistrement vidéo où on voit deux jeunes hommes

15 emmenés d'une région proche de Trnovo qu'on va emmener pour être exécutés.

16 Nous allons, maintenant, voir une de vos écritures déposées devant le

17 présent Tribunal.

18 Voici ce que vous avez dit à ce Tribunal, eu égard à cet

19 enregistrement vidéo. Vous avez parlé de Natasa Kandic et vous avez dit

20 ceci : "La Chambre la connaît aussi comme étant la personne qui a fourni au

21 bureau du Procureur ce montage de 12 minutes où on voit des gens qui

22 seraient abattus près de Trnovo, comme si cela était en rapport avec

23 Srebrenica. Si on avait montré tout ce montage, on aurait vu comment ces

24 personnes, qui sont censées être victimes, se sont relevées et leurs mains

25 sont déliées. Le bureau du Procureur, c'est à dessein qu'il n'a pas montré

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1 tout le montage, même s'il sait parfaitement que c'est quelque chose qui a

2 été monté par deux cameramen à partir d'un scénario déjà existant. Le

3 bureau du Procureur sait que c'est un montage car il a toute la séquence,

4 et c'est précisément pour cela qu'il n'a pas demandé à ce que ce soit versé

5 au dossier car ceci montrerait les malversations du bureau du Procureur et

6 de son agent en Serbie, Natasa Kandic."

7 Cette séquence a été diffusée largement en Serbie. Alors, sur quoi

8 vous basez-vous pour affirmer ce que vous affirmez ? C'est que ces gens

9 dont les familles ont pu reconnaître leur fils disparus, sur quoi vous

10 basez-vous pour dire que ceci est monté de toutes pièces ? Quelles sont vos

11 connaissances à ce propos ?

12 R. Premièrement, ceci a été préparé par les services professionnels qui

13 m'aident à préparer ma défense. Je leur ai envoyé un courrier à Belgrade.

14 L'objectif de ce document -- laissez-moi vous expliquer de quoi il en

15 retourne. Je ne renonce pas. D'abord, voyons de quoi il s'agit ici.

16 Ceci est l'une de mes écritures où j'informe le bureau du Procureur,

17 conformément à l'Article 67 du Règlement de procédure et de preuve, de

18 l'intention que j'ai de présenter une défense déterminée. Dans mes

19 écritures, je m'efforce de disqualifier l'un de vos témoins qui n'est pas

20 protégé, le Dr Zoran Stankovic, général et ex-chef de l'académie médicale

21 militaire. Ce n'est pas un témoin protégé; il n'y a aucune raison de ne pas

22 mentionner son nom. J'ai chargé les membres de mon équipe de retrouver des

23 éléments de preuve pour le discréditer moralement en sa qualité de témoin

24 potentiel. Mes hommes ont trouvé des renseignements disant que ce film a

25 été monté de toutes pièces. Je vais vous donner un seul argument. Qui est

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1 suffisamment stupide pour prendre un groupe de Musulmans capturés à

2 Srebrenica, pour les emmener jusqu'à Trnovo, 200 kilomètres presque de

3 Srebrenica et les exécuter là-bas et filmer à la caméra ces exécutions ?

4 Savez-vous où se trouve Trnovo ? Trnovo se trouve derrière Sarajevo. Pour

5 arriver de Srebrenica à Sarajevo, il faut arriver, d'abord, à Bratunac;

6 puis, à Vlasenica; puis, à Han Pijesak; puis, à Sokolac; puis, à Pale;

7 puis, passer par le mont Trebevic; puis, par des chemins contournés,

8 arriver à Trnovo.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Arrêtez-vous, Monsieur Seselj. Je

10 vous ai donné, comme d'habitude, le temps de placer ceci dans son contexte.

11 Maintenant, répondez à la question qui vous a été posée.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle question ?

13 M. NICE : [interprétation]

14 Q. Que savez-vous, quels sont les éléments dont vous disposez pour

15 affirmer que c'est un montage, un faux ?

16 R. Les membres de mon équipe technique ont des éléments de preuve et je

17 les présenterai au bureau du Procureur une fois que je les aurais reçus

18 parce qu'ils n'ont pas écrit ce qu'ils ont écrit par cœur.

19 Q. Qu'affirmez-vous ? Ces jeunes hommes qu'on voit dans ce film, ils sont

20 toujours en vie ? C'est cela que vous voulez que les gens croient ?

21 R. Je ne le sais pas. Ce que j'affirme, c'est que le film des exécutions

22 est mis en scène. Cela a été improvisé et j'affirme que cela a été fait

23 pour les besoins politiques de propagande de quelqu'un. Je l'affirme,

24 également.

25 Troisièmement, je n'ai pas encore une ligne téléphonique privilégiée avec

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1 mes conseils juridiques et les membres du personnel technique chargés de ma

2 défense. Je ne peux pas avoir de conversations confidentielles, et je suis

3 privé de bon nombre d'informations. Il se peut qu'ils se soient procurés le

4 clip entier.

5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Cette écriture, elle a été déposée

6 quand ?

7 M. NICE : [interprétation] Le 8 septembre de cette année.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du 29 août de cette année-ci. Cela

9 m'a été communiqué dans le courant du mois de juillet. Etant donné que j'ai

10 été bloqué de façon tout à fait illicite, les courriers ne m'ont pas été

11 remis pendant deux mois, et ceci est arrivé ici, dans le courant du mois de

12 juillet.

13 M. NICE : [interprétation] Si vous me le permettez, Messieurs les Juges,

14 j'avais deux questions à poser. Je vais vous les donner et vous verrez si

15 je peux les poser. La première question, c'est de nous donner ces moyens de

16 preuve d'ici demain, de nous dire où ils sont, ce qu'ils sont. Deuxième

17 question : est-ce que nous pourrions revoir l'extrait de la séquence qui

18 montre le discours du témoin à Hrtkovci ? Ce serait très utile qu'il l'ait

19 d'ici à demain.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] L'enregistrement de mon discours à Hrtkovci,

21 je ne l'ai pas ici. Les membres de mon équipe l'ont à Belgrade. Mais ici,

22 j'ai le texte complet de ce qui s'est dit au rassemblement populaire; c'est

23 publié dans "L'Apprenti du diable, le Pape criminel Jean-Paul II." Il y a

24 quelques jours, j'ai remis un document analogue au bureau du Procureur où

25 je parle du cas de Natasa Kandic et de la façon dont elle a collecté des

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1 éléments de preuve contre les Serbes. J'ai toute une série de preuves à cet

2 effet. C'est dans ce contexte-là qu'on pourra parler de cet enregistrement

3 vidéo qu'elle se serait soi-disant procurée elle-même. On verrait de quelle

4 façon elle se le serait procurée.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. L'audience est suspendue.

6 Elle reprendra demain à 9 heures.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le vendredi

8 16 septembre 2005, à 9 heures 00.

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