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1 Le mardi 25 octobre 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, veuillez poursuivre.
7 LE TÉMOIN: MILOS DJOSAN [Reprise]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. NICE : [interprétation] Vous vous souviendrez la semaine dernière --
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson. Je vous ai promis de me
11 procurer, de la part de M. Tomanovic, le journal de guerre, si vous vous en
12 souvenez, on en avait parlé. J'ai ici tout ce que M. Tomanovic avait en sa
13 possession. J'ai un exemplaire pour moi et je peux confier deux exemplaires
14 à M. Nice.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur l'Huissier, pourriez-vous
16 prendre ces documents.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je tiens à préciser que ce n'est pas le journal
18 entier, M. Tomanovic a envoyé une demande officielle pour qu'il lui soit
19 communiquer le journal complet. Dans ce journal incomplet, il y a les dates
20 critiques qui intéressaient M. Nice, à savoir celle du 27 avril notamment,
21 il y est fait état de cette opération antiterroriste. Ce qui l'intéressait
22 existe déjà dans ce que j'ai en ma possession.
23 Pour ce qui est du document complet, une requête a déjà été présentée.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette copie va être remise au bureau
25 du Procureur.
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1 M. NICE : [interprétation] La semaine dernière, après l'audience, nous
2 avons été informé de la façon dont le document se présentait.
3 Effectivement, la structure n'était pas claire tel que ce document se
4 présentait à vos yeux, je n'ai pas de raison de douter de l'exactitude de
5 ce qu'a dit un des collaborateurs de l'accusé à Mme Dicklich, à savoir que
6 les documents qui étaient disponibles ou le journal dans sa version
7 originale, c'était peut-être un extrait de ce journal plus exactement, que
8 ceci avait été en partie transcrit pour que ce soit plus lisible pour
9 l'accusé, ce qui explique qu'il y a des passages dans la pièce qui sont en
10 cyrillique et dactylographiés, et nous n'avons pas de raison de douter, car
11 lui aussi peut avoir des difficultés à lire l'écriture de quelqu'un
12 d'autre. Il n'y a rien de négatif dans tout cela.
13 Puis, il y a eu une partie qui a été traduite à partir du cyrillique,
14 dactylographié ou pas, peu importe, traduction en anglais, c'est ce que
15 nous avions nous.
16 Je reviens à ce que disait l'accusé à propos des 27 et 28, je viens
17 d'examiner ces dates-là moi-même, à l'instant. Je devrais ajouter que,
18 d'après ce qu'a appris Mme Dicklich par ses conversations avec les
19 collaborateurs de l'accusé, le CLSS a refusé de traduire certaines
20 catégories de documents, et il se peut que ce document relève de cette
21 catégorie. Par exemple, des éléments manuscrits de ce genre. Pas de raison
22 de douter des dires de l'accusé. Rien de ce que j'ai soulevé comme
23 possibilité la semaine dernière ne serait être retenu contre lui, je tenais
24 à le préciser.
25 Ceci étant dit, je peux vous dire ce qu'il m'est possible de voir
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1 maintenant. Bien sûr, si ceci ne nous était parvenu plus tôt hier, je ne me
2 plains pas, c'était un jour férié des Nations Unies, nous n'avons pas
3 travaillé, mais en puissance ces documents sont très importants ou très
4 précieux et ceux qui avaient été fournis, c'étaient certains éléments qui
5 avaient été sélectionnés et qui nous avaient été présentés à l'intercalaire
6 6, on commençait simplement par la rubrique du 24 mars. Apparemment, c'est
7 la même chose si je compare le texte de l'intercalaire avec celui que j'ai
8 reçu à l'instant même. Il n'y a pas d'ajouts.
9 Il y avait un incident pour lequel je devais demander à comparer et,
10 pour ne pas perdre de temps ici, je vais peut-être demander à ce que ceci
11 soit reporté, une suspension. Une suspension elle même prendrait du temps;
12 je pense qu'il est plus utile de le faire maintenant.
13 Les premières pages que vous avez en original nous ont été fournies. Je ne
14 pense pas qu'on y ait ajouté quoi que ce soit. Puis, il y a des pages
15 manuscrites originales, mais qui se présentent sous forme différente pour
16 ce qui est du 1er, du 2 et du 3 avril. Vous vous souviendrez sans doute,
17 Messieurs les Juges, qu'il y avait quelques pages dactylographiées en
18 anglais en ce qui concerne les dates à partir du 4 avril. Apparemment les
19 1ère, 2e et 3e semblent être des pages nouvelles, je vais demander qu'on les
20 examine dans un instant.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous estimons qu'il
22 vous faut utiliser la pause pour procéder à cet exercice.
23 M. NICE : [interprétation] Merci beaucoup, mais j'ai pratiquement terminé.
24 Bien sûr, il faut qu'on fasse une pause.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, utilisez la pause.
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1 M. NICE : [interprétation] Mais j'en aurais sans doute terminer de mon
2 contre-interrogatoire à ce moment-là, c'est pour cela, je ne voulais pas
3 ici faire d'hiatus entre cette déposition-ci et une autre.
4 Puis, nous avons quelques pages manuscrites. Apparemment, il y a une série
5 de pages qui concernent les journées qui vont du 25 au 28 avril, là aussi
6 la présentation est un petit peu différente et tous les jours ne se suivent
7 pas. Je vais simplement demander que les membres de mon équipe examinent ce
8 document. J'y reviendrai soit avant la pause ou en tant que de besoin peu
9 de temps après la pause, mais apparemment il y a quelques éléments
10 supplémentaires qui viennent du document que nous a fourni l'accusé dans
11 les modalités qu'il nous a décrites.
12 Je vous remercie.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas tout à fait suivi l'endroit
14 où vous avez dit que le CLSS, notre service de traduction n'avait pas voulu
15 traduire les documents manuscrits. Pourquoi ?
16 M. NICE : [interprétation] Il ne me revient pas de répondre à votre
17 question, de vous expliquer quelles sont les pratiques de ce service, ni de
18 façon implicite de le critiquer. Je suppose que vous savez que si on donne
19 un gros document manuscrit à ce service de traduction, cela prend beaucoup
20 de personnes. Le service ne veut pas faire une traduction intégrale d'un
21 document manuscrit important en pages. Je ne sais pas, parce que vous savez
22 ceci nécessite des ressources énormes. Il faut déchiffrer et traduire; cela
23 prend beaucoup plus de temps que lorsque vous avez des documents. En
24 fonction des priorités, le service opte pour les documents dactylographiés.
25 Mais je crois cette politique, nous la connaissons depuis un certain temps.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si l'écriture de ces documents n'est
3 pas meilleure que la mienne, je comprends ces difficultés
4 M. NICE : [interprétation] Très bien.
5 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]
6 Q. [interprétation] Je reviens à ce que nous disions à propos de ce
7 journal de guerre. S'agissant de cette commission de la VJ chargée de la
8 Collaboration, est-ce que c'est la commission qui décide des documents qui
9 vont vous être fournis à vous ou directement aux collaborateurs de
10 l'accusé ?
11 R. Je ne me suis pas aventuré à étudier la méthodologie du fonctionnement
12 de la commission. Comme je l'ai déjà dit il y a quelques jours, la
13 commission m'a convié moi et m'a montré un texte figurant dans le livre et
14 elle m'a demandé, s'agissant de certains événements, de faire une
15 déposition. Pour moi, cela a été suffisant.
16 Pour ce qui est de la méthode de travail de cette commission, je
17 n'avais nul besoin de chercher à la connaître.
18 Q. Essayons de faire un petit récapitulatif. Vous avez, dans vos
19 déclarations faites à la commission de la VJ, des événements, mais des
20 événements qui étaient englobés par des documents rédigés à l'époque qui se
21 trouvent maintenant dans les archives, n'est-ce pas ?
22 R. Je le suppose.
23 Q. Est-ce que vous avez cherché à voir ces documents, si vous en avez fait
24 la demande, est-ce que vous avez été autorisé à les voir avant de fournir
25 une déclaration à la commission de la VJ ?
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1 R. Non.
2 Q. Vous en êtes sûr ?
3 R. Bien sûr.
4 Q. Acceptez-vous l'idée selon laquelle, les documents rédigés à l'époque
5 sont les plus utiles pour des gens tels que les Juges qui se saisissent
6 d'événements survenus il y a plusieurs années ?
7 R. Ma conviction est la suivante, à savoir que les documents les plus
8 précieux sont ceux qui ont été créés à l'époque des événements mêmes, les
9 événements de l'époque, à savoir, de la période de temps en question.
10 Q. Est-ce qu'on vous a, plus exactement, la commission de la VJ vous a
11 expliqué pourquoi elle servait de filtre entre des documents originaux que
12 demandait souvent le bureau du Procureur et le présent Tribunal, est-ce
13 qu'on vous a donné une raison expliquant pourquoi la VJ, la commission de
14 la VJ a servi de filtre, a agi en tant que filtre ?
15 R. D'abord, je ne pense pas que cela ait été filtré. Je ne vois aucune
16 raison pour moi, me concernant, de me poser la question. Ils ne m'ont pas
17 donné de prétextes pour générer ce type de conclusion. On m'a dit : "Mon
18 général, vous voyez ce qui est écrit ici et j'aimerais que vous fassiez une
19 déposition au sujet des événements en question."
20 Q. Si vous le voulez bien, nous allons examiner l'intercalaire 7 parmi vos
21 documents, pour prendre un exemple.
22 Je vais vous expliquer les deux finalités qui sont les miennes, avant
23 d'examiner le document. Vous nous avez dit, ce matin, que la commission
24 vous a appelé, vous a convoqué et vous a montré le texte écrit dans ce
25 livre "Dit comme vu." Rappelez-nous : est-ce que vous même vous avez lu ce
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1 livre ou pas ?
2 R. J'ai lu les parties qui se rapportaient aux événements qui ont fait
3 l'objet de questions à mon égard, le reste du livre je ne l'ai pas lu.
4 Q. Est-ce que vous avez douté de l'auteur de ce livre, pensez-vous que
5 c'était l'OSCE ou est-ce que vous pensiez que c'était Natasa Kandic elle-
6 même qui l'avait écrit ?
7 R. De nos jours encore, j'ai des raisons de douter de ce livre, parce que
8 je n'en connais pas les auteurs. Qui est la personne qui a vu et qui a
9 raconté, parce que c'est une chose de publier un livre, c'est une autre
10 chose que de l'écrire et c'est une troisième chose que de voir, d'observer
11 et de le noter.
12 Parce que le titre "Tel vu, tel dit" met les choses en doute. Il
13 demande à ce que nous nous penchions sur le fait de savoir qui est-ce qui a
14 vu, qui est-ce qui a relaté les choses. Le fait de savoir qu'est-ce qui l'a
15 publié revêt moins d'importance. J'aimerais que l'on me communique à moi,
16 ne serait-ce que l'un des noms des auteurs qui aurait vu ces choses-là et
17 qui les auraient relatées.
18 Q. Ne vous en faites, Monsieur Djosan. La personne qui a procédé à la
19 compilation de ce livre est venue ici même nous dire comment cela a été
20 fait, en expliquant parfaitement la méthode.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais je ne pense pas que c'est ce à
22 quoi veut en venir le témoin. Il dit que ce qui compte ici, les vrais
23 auteurs, ce sont les personnes qui ont fourni les informations, pas les
24 personnes qui les ont rassemblées.
25 M. NICE : [interprétation] Je comprends.
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1 Q. Mais prenons la deuxième page de votre déclaration, avant- dernier
2 paragraphe; voici ce que vous dites en anglais : "J'ai lu les informations
3 selon lesquelles les forces de la RFY auraient participé à la destruction
4 de ces parties de la ville, dans un livre publié par le centre du droit
5 humanitaire du Kosovo : "As Seen, As Told." De quelle page parlez-vous ? De
6 quel paragraphe du livre s'agit-il ?
7 R. Je n'ai pas sous les yeux ce livre-là et je ne me souviens pas avec
8 précision de tous les passages de ce livre. Mais j'aimerais savoir qui est-
9 ce qui a vu. Vous ne me l'avez pas dit. Qui est-ce qui a vu cela et qui
10 est-ce qui l'a écrit ?
11 Q. Attendez, attendez, ne répétez pas. Vous êtes ici pour déposer à propos
12 d'événements. Vous dites, dans une déclaration, que vous avez lu quelque
13 chose et maintenant, vous le contestez. Vous êtes un homme intelligent, un
14 homme instruit. Si vous voulez contester quelque chose, il faut que vous
15 nous donniez tous les tenants et tous les aboutissants de ce que vous
16 contestez parce que je posais une question de suivi par rapport à ce que
17 demandait le Juge Bonomy. Si vous nous donnez une page, un numéro de
18 paragraphe, je peux vous montrer comment ce livre-ci est assorti de notes
19 de bas de page qui dit qu'il ne faut pas nécessairement donner le nom des
20 témoins, mais qu'il y a des témoins. Est-ce que vous savez qu'il y a
21 partout, dans ce livre, des notes de bas de page qui montrent l'existence,
22 le nombre de témoins ainsi que le pseudonyme qui leur a été donné à
23 chacun ? Vous le saviez ?
24 R. J'ai écrit ici quelque chose au sujet d'un événement concret et je n'ai
25 pas répondu à des notes de bas de page de ce livre.
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1 Q. Écoutez la question, s'il vous plaît. Vous vous êtes plaint du fait
2 qu'on n'indiquait pas les auteurs de ce livre. Or, ici, vous avez un
3 passage, une déclaration que vous voulez présenter aux Juges comme étant
4 une pièce sur laquelle s'appuyer parce qu'elle est fiable. Là, vous parlez
5 de quelque chose. Dites-moi de quel paragraphe il s'agit et à ce moment-là,
6 je vais vous demander de voir ce qu'il en est, de comparer vos vues à
7 celles des auteurs et de voir qui ils sont ? Dites-moi où est ce passage
8 parce que si vous n'êtes pas en mesure de le faire, nous ne pouvons pas
9 répondre à cette affirmation qui est la vôtre. Est-ce que vous me
10 comprenez ?
11 R. Je vous dis, une fois de plus, que j'ai rédigé une déposition
12 concernant les événements du 24 mars 1999. Je l'ai fait en fonction de mes
13 souvenirs et des connaissances que j'en avais ainsi que des connaissances
14 qu'en avaient mes officiers subordonnés.
15 Si j'avais su que vous alliez me demander de répondre au sujet de
16 chaque petit trait et de chaque note de bas de page, j'aurais répondu de la
17 sorte, mais on m'a demandé de fournir une description à moi des événements
18 et les connaissances qui étaient les miennes.
19 Q. Arrêtez-vous parce qu'on a déjà parlé de cela et vous ne répondez pas à
20 ma question. Vous faites référence à des notes de bas de page. Alors,
21 reprenez cette partie-ci de ma question : vu ce que vous dites dans votre
22 déclaration à propos de ce livre, "As Seen, As Told" et vu ce que vous avez
23 dit à ces Juges à propos des auteurs de ce récit repris dans ce livre, est-
24 ce que vous saviez ou non, à l'époque, que dans ce livre, il y avait des
25 notes de bas de page qui donnaient les sources utilisées ? Parce que vu la
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1 façon dont vous nous lisiez votre déclaration, ceci ne semble pas être le
2 cas.
3 R. J'essaie de vous expliquer une fois de plus. Je n'ai pas commenté moi-
4 même en réplique par rapport à ceux qui ont rédigé les notes de bas de
5 page. Je me suis adressé à la commission pour faire une déposition et je
6 l'ai signé et je maintiens ce que j'ai signé. Je crois que cela est tout à
7 fait suffisant pour ce qui nous regarde ici.
8 Q. Bien --
9 R. J'aimerais bien apprendre qui est l'auteur de cette note de bas de
10 page.
11 Q. Rappelez-vous, je vous ai demandé les numéros de page, les numéros de
12 paragraphe que vous auriez lus dans ce livre, mais vous n'avez pas répondu.
13 Je vous laisse entendre que la commission de la VJ a sans doute fait un
14 résumé des plus généraux qui, d'après vous, se trouvait dans votre livre.
15 Puis, vous avez notamment Vukovic et il dit que ce n'était pas possible de
16 lire plus loin parce qu'il était dégoûté par Natasa Kandic. Est-ce que
17 c'est dire ce qui s'est passé ? Est-ce qu'il vous a dit : "Voilà ce que dit
18 ce livre, c'est le livre de Natasa Kandic ?"
19 R. Tout d'abord, vous avez tort. Vous avez tort de dire que la commission
20 nous a raconté ce que disait ce livre. J'avais ce livre chez moi pendant
21 deux jours. J'ai feuilleté ce livre et j'ai consulté la partie qui
22 m'intéressait. Je n'avais pas du tout l'intention de polémiquer avec
23 quelqu'un qui serait indiqué par un nom, prénom, pseudonyme dans une note
24 de bas de page. J'ai décrit ce que j'ai vu et j'ai dit quelles étaient mes
25 informations.
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1 Maintenant, de là à savoir ce que M. Vukovic a rédigé et je dirais
2 que c'est son droit d'aimer ou de ne pas aimer quelqu'un.
3 Q. Fort bien. Je reviens à la première page de la même déclaration. Nous
4 allons voir ce que vous avez dit jusqu'à présent, pour ce qui est des
5 détails. Vers le milieu de la première page, dans votre version, c'est un
6 peu plus avant dans la version en anglais, il y a un paragraphe qui dit
7 ceci : "Au cours de la nuit où a commencé l'agression de l'OTAN --" vous
8 avez maintenant ce document sur le rétroprojecteur.
9 "Au cours de la nuit où a commencé l'agression de l'OTAN, je me
10 trouvais sur la colline de Cabrat, près de Djakovica. Le centre
11 opérationnel de la brigade se trouvait au pied de la colline. Le régiment
12 ou le bataillon de logistique se trouvait à Djakovica. Il y avait
13 déploiement d'unités organisationnelles. Le commandement du bataillon se
14 trouvait aux abords de la ville, près de Cabrat. Nous avons eu un logement
15 de la maison Marsenic où nous avions abrité notre personnel et les armes
16 que nous avions utilisées, que nous avions mises en place auparavant sur la
17 colline. Mais nous avons déplacé nos radars P-15 que nous utilisions pour
18 suivre, pour surveiller l'espace aérien de cet endroit pour aller ailleurs.
19 Nous nous attendions à ce que nous soyons pris pour cible par l'avion de
20 l'OTAN au cours des premiers moments de l'agression de l'OTAN."
21 "Puis, la première cible qui a été frappée par les missiles de
22 croisière, c'était la caserne Devet Jugovica."
23 Le texte continue. Tout ceci, vous vous en souveniez ou est-ce que
24 vous avez quelque part des notes, que ce soit des notes de bas de page,
25 pour vous rafraîchir la mémoire ?
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1 R. Je les ai rédigées de mémoire.
2 Q. Vous étiez, à ce moment-là, général ou général à la retraite et vous
3 pensiez vraiment qu'en novembre 2002, c'était quelque chose de satisfaisant
4 que d'utiliser uniquement sa mémoire, ses propres souvenirs pour relater
5 des événements survenus trois années auparavant ?
6 R. Ce type d'événement est gravé dans la mémoire pendant très longtemps.
7 Le début de l'agression, le début de la guerre, c'est quelque chose dont on
8 se souvient très longtemps.
9 Q. Bien entendu, vous ne donnez pas d'heures, de jours. Vous ne donnez pas
10 de noms, si ce n'est celui d'une famille. Prenons, si vous le voulez bien,
11 dès lors, l'intercalaire 10.
12 Nous avons une autre déclaration que vous avez faite, cette fois-là, le 27
13 décembre 2002. Cette déclaration concerne des activités du 1er avril 1999.
14 Prenez le paragraphe qui suit, celui où on explique le déplacement des
15 forces, mais autant regardez celui-ci.
16 Est-ce que vous vous êtes souvenu que le 1er Bataillon de roquettes,
17 d'artillerie se trouvait dans le secteur de Kijevo, le deuxième dans celui
18 de Gnjilane, le troisième dans celui de Djakovica ? Vous vous souveniez de
19 tout cela, précisément ? Vous avez tout retenu ?
20 R. Ils se trouvaient là-bas à partir du 9. Cette partie-là de ma
21 déclaration était une sorte d'avant-propos. Il se trouvait là-bas à partir
22 du 9 avril et c'est à l'époque qu'il se trouvait encore dans le secteur de
23 Djakovica.
24 Vous avez vu qu'il y a un avant-propos ici qui donne une sorte
25 d'introduction concernant ce que je faisais, à quelle date et quel était le
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1 déploiement des unités. Le 1er avril, mes unités n'étaient ni à Gnjilane, ni
2 à Beca, ni à Kijevo, ni à Gracanica.
3 Q. Prenons le paragraphe suivant. Vous dites : "En sus des unités
4 susmentionnées, il y avait une batterie de roquettes avec un système de
5 missiles KUB-M qui venaient des effectifs du
6 311e Régiment de roquettes autopropulsées qui se trouvaient dans la région
7 générale de Bec. Vers 22 heures 30, le 31 mars 1999, deux avions de l'OTAN
8 se sont approchées venant de la direction de Prizren."
9 Tout ceci vous le dites trois ans, trois ans et demi plus tard. D'où
10 est-ce que vous avez tenu ces notions précises comme l'heure, par exemple ?
11 R. L'heure est exacte parce qu'à ce moment-là, je me trouvais sur place et
12 je me souviens de tout ce qui s'est passé. J'ai pris part à tout ceci.
13 C'est moi qui ai sauvé ces soldats. Comment voulez-vous que je ne me
14 souvienne pas d'événements aussi importants ?
15 Q. Je vois. Vous n'avez même pas cherché à vérifier. Vous saviez que vous
16 alliez déposer ici. Est-ce que vous pensiez que c'était dix heures ou dix
17 heures et demie ? Est-ce que vous avez voulu vérifier ? Non, non, vous êtes
18 satisfait de vos souvenirs, même s'il y a des documents qui pourraient
19 prouver, documents que nous avons ou plus exactement que le bureau du
20 Procureur avait et qu'il cherchait à obtenir, alors que ces documents se
21 trouvaient à attendre dans les archives. C'est cela ?
22 R. Je n'en ai eu nullement besoin.
23 Q. Je vois. Vous n'avez pas non plus le souhait de le faire, vous qui
24 étiez un militaire. Vous n'avez pas eu envie de vérifier les archives ?
25 R. Pour un événement de cette nature, où il a été tué des soldats à moi,
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1 je n'avais pas besoin d'aller consulter les archives pour savoir quand,
2 comment et de quelle façon ont été tués ces gens qui ont été placés sous
3 mes ordres. Il y a d'autres hommes avec qui je me suis entretenu. Il y a un
4 dénommé Vukasinovic dont la déposition figure également ici.
5 Q. Qu'est-ce que vous dites ? Qui vous aurait parlé dans la commission,
6 qui aurait partagé avec vous leurs souvenirs, plutôt que de consulter les
7 archives ? Est-ce que personne n'a dit à la commission, lors de ces
8 réunions : "Ecoutez, est-ce qu'il est possible de revoir ces documents que
9 nous avons rédigés ?" Personne ne l'a fait, n'a cherché à revoir ces
10 documents qui se trouvaient dans les archives ?
11 R. Les autres, je ne sais pas. Posez-moi des questions me concernant. Je
12 n'ai pas eu --
13 Q. Est-ce qu'il y a eu une réunion de gens avec la commission qui vous a
14 dit ce que vous alliez faire en vue de la préparation de documents sur
15 lesquels devraient s'appuyer ces juges parce qu'ils seraient fiables ou
16 est-ce que cela a été des tête-à-tête ou est-ce qu'il y a eu une réunion
17 générale où on vous a parlé à tous ? Dites-nous comment cela s'est passé.
18 R. On m'a fait venir et on m'a dit : "Général, voyez un peu ce qui est dit
19 dans ce livre. Veuillez nous faire une déposition au sujet de ces
20 événements." Ils n'ont pas influé sur moi. Ils ne m'ont pas dit ce qu'il
21 fallait que j'écrive. Ils m'ont dit juste : "Apportez votre déposition et
22 sachez que vous répondrez de votre déposition sur le plan moral, matériel
23 et pénal." Que voulez-vous que la commission me dise d'autre ? Vous ne
24 vouliez tout de même pas qu'eux me disent ce qu'il fallait que j'écrive.
25 Tout ce qui est dit ici, je le maintiens. Du reste, je n'aurais pas rédigé
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1 ce type de déposition. Ce n'était pas le cas.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez rédigé cette
3 déclaration, à ce moment-là, sur les lieux ou est-ce que vous avez pris un
4 certain temps pour y réfléchir avant de le faire ?LE TÉMOIN :
5 [interprétation] Je l'ai rédigé dans mon bureau. Je n'étais pas encore mis
6 à la retraite. J'ai été mis à disposition. J'avais encore trois mois pour
7 moi avec le droit de venir au travail et de disposer d'un bureau. C'est là
8 que j'ai tapé cette déposition sur mon ordinateur. Avant cela, j'ai
9 convoqué un officier à moi, le colonel Vukasinovic de laquelle unité
10 venaient ces soldats, mais j'étais moi-même sur place lorsque ceci est
11 arrivé. C'est moi qui ai sorti les soldats de cette zone de feu. Il
12 s'agissait du lieutenant-colonel Milic Drago.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Djosan, vous dites que la
14 commission vous avait demandé d'écrire quelque chose à propos de cet
15 événement. Pourriez-vous me dire de quelle façon on a décrit cet
16 événement ? Dans quels termes on l'a décrit lorsque vous avez reçu cette
17 demande de la part de la commission ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas ce que vous voulez dire,
19 dans quelle "langue" ou dans quels "termes." Vous parlez de style ou vous
20 parlez de langue en tant que telle ?
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non. Ce que j'aimerais savoir, c'est
22 ce qu'ils vous ont demandé précisément, sur quoi précisément devait porter
23 ce rapport ? Parce que vous dites "cet événement." Comment ont-ils formulé
24 leur demande ? En quels termes ? Demande qui a débouché sur la rédaction
25 par vous de ce document.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils m'ont donné lecture d'une partie de ce
2 livre qui se rapportait au prétendu événement de Qerim. Je savais où se
3 trouve Qerim. Cela se trouve juste à côté de l'endroit dont je suis en
4 train de parler et où ont perdu la vie mes soldats. Cela s'appelle Ljug
5 Bunar, cet endroit. J'ai décrit l'événement tel que j'en ai eu connaissance
6 et j'ai parlé de ce que je savais, à savoir que je me souvenais
7 parfaitement bien de l'événement puisque des soldats à moi ont été tués. Je
8 me trouvais à proximité immédiate de cet endroit et j'ai dit que je n'avais
9 aucune information sur --
10 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je comprends. Vous avez répondu à ma
11 question. Maintenant, j'aimerais vous demander si ceci, c'était avant ou
12 après, avant d'avoir lu ces parties du livre que vous dites avoir lues ou
13 après.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vous ai pas bien compris, excusez-moi.
15 Est-ce que vous voulez demander si cette déposition, je l'ai rédigée avant
16 ou après ?
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, non. Je vous ai d'abord demandé
18 en quels termes la commission vous avait fait cette demande. En réponse,
19 vous avez dit qu'ils vous avaient lu une partie de livre, les membres de la
20 commission. J'aimerais savoir si cela s'est passé avant que vous, vous
21 n'ayez vous-même lu le livre comme vous avez dit que vous l'aviez fait,
22 d'ailleurs ou si c'était après ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils m'ont d'abord fait venir. Je ne savais
24 même pas que ce livre avait été publié. On m'a fait venir dans cette
25 commission et on m'a dit : "Général, il a été publié un livre et il est
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1 mentionné des événements de Djakovica, un tel et un tel et un tel
2 événement. Veuillez nous indiquer quelles sont les informations dont vous
3 disposez au sujet de ces événements." Alors, j'ai rédigé l'un après l'autre
4 --
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ma question était tout à fait simple.
6 Vous dites que vous avez eu, à un moment donné, le livre chez vous pendant
7 deux jours. Je vous demande si c'étaient deux jours avant ou après qu'on
8 vous demande de rédiger ce rapport ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Après. Après qu'on m'ait demandé de présenter
10 ces dépositions.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. NICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Messieurs les
13 Juges.
14 Q. Veuillez prendre et consulter l'intercalaire 29.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si vous ne revenez pas sur ce point,
16 je voudrais terminer moi-même.
17 Ma dernière question sera celle-ci, Général : est-ce que vous avez
18 rédigé le rapport avant ou après que vous ayez lu ce livre ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Après avoir lu ce livre -- ou plutôt, la
20 partie dont j'ai parlé.
21 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. NICE : [interprétation]
23 Q. Pourrions-nous consulter l'intercalaire 29. Vous dites que vous n'aviez
24 pas de document de référence. On vous a demandé de rédiger un rapport, on
25 vous a montré le livre, puis vous avez écrit votre rapport. Vous l'avez,
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1 cet intercalaire, l'intercalaire 29 ?
2 Monsieur Nort, Monsieur l'Huissier, veuillez placer le document en anglais
3 sur le rétroprojecteur. Merci.
4 Vous avez un avant-propos, un préambule, puis, vous dites
5 ceci : "Dans le cadre de l'action menée par la VJ et le MUP afin de
6 neutraliser les activités du STS dans le secteur de Trava, l'unité a
7 participé à une opération de fermeture du secteur sur les lignes : à
8 gauche, cote 442; à droite, cote 478 Batraki, afin d'empêcher le repli des
9 STS sur l'axe des villages de Racaj et de Skivjan."
10 Tout ceci, vous l'aviez encore en mémoire ? C'est un souvenir que
11 vous aviez ?
12 R. Cela se fonde sur les souvenirs du commandant du bataillon qui a
13 commandé cette unité à moi, le lieutenant-colonel Odak.
14 Q. Par qui est-ce ? Est-ce que c'est pour cela que sa déclaration est
15 tellement semblable à la vôtre parce que nous avons la sienne à
16 l'intercalaire 30.
17 R. Je pense que s'agissant d'un événement, si on dit la vérité, toute
18 personne devrait dire quelque chose de semblable.
19 Q. Non. Vous n'avez pas obtenu de documents originaux et vous n'avez pas
20 dit que quelqu'un d'autre aurait demandé à obtenir des documents originaux,
21 mais est-ce que M. Odak, lui, avait des documents originaux lui permettant
22 de se souvenir de ces cotes ?
23 R. Le lieutenant-colonel Odak a pris la carte de Meja, étant donné qu'il
24 s'agissait de quelqu'un de l'infanterie, il connaissait la disposition des
25 endroits et il a consulté la carte pour dire où il a été. J'ai dit, moi-
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1 même, que j'ai visité ces endroits, que j'ai trouvé ces gens aux différents
2 endroits.
3 Q. En votre présence ?
4 R. Lorsqu'ils se trouvaient sur ces positions, je les ai inspectées dans
5 le courant de la journée. Tout comme les autres unités, je les ai
6 inspectées, j'ai passé une heure sur les lieux.
7 Q. Les détails ne nous intéressent pas tout de suite. Ce qui nous
8 intéresse, c'est la méthode utilisée pour rédiger. Vous avez rédigé cette
9 déclaration lorsque vous étiez assis à une table avec Odak ou est-ce que
10 lui a préparé la déclaration, il a vu une carte et est-ce qu'il en a
11 discuté avec vous ? Vous savez que sans document rédigé à l'époque, il est
12 difficile de savoir comment vous vous souvenez des cotes. Nous aimerions
13 simplement savoir quelle est la méthode que vous avez utilisée ?
14 R. Ma déposition, je l'ai rédigée partant de la déposition qu'il avait
15 faite lui même, tout comme la commission m'avait confié pour mission de
16 rédiger une déposition, je lui ai également donné l'ordre, en sa qualité
17 d'officier qui était immédiatement l'officier chargé de cet endroit-là, de
18 faire une déposition également.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains qu'il y ait une espèce de confusion
22 parce que cela a été dit dans une seule et même phrase, le témoin l'a dit,
23 mais peut-être que l'interprétation n'a-t-elle pas été suffisamment
24 précise. Le témoin a dit qu'il a inspecté cette unité sur le terrain. Il
25 n'est pas allé voir Odak pendant que celui-ci rédigeait sa déposition. Il a
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1 inspecté l'unité alors qu'elle se trouvait sur le terrain. Il parle de la
2 période de temps où, pendant l'opération, l'unité se trouvait sur le
3 terrain. C'est là le sens de ce que le témoin a dit en langue serbe.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est le cas ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. En quoi ceci nous aide t-il pour ce qui est de l'emplacement de ces
9 cotes ? Vous dites que pour écrire votre déclaration, vous vous êtes basé
10 sur celle d'Odak.
11 R. Oui, c'est exact. Odak a fait une déposition à mon intention. J'avais
12 inspecté cet endroit, j'ai vu ces lieux et j'ai confirmé le fait que les
13 choses se sont produites exactement de la façon qui est décrite par le
14 lieutenant-colonel Odak. J'affirme qu'il en a été ainsi puisque j'ai été
15 moi aussi sur les lieux.
16 Q. Montrez-moi où, dans votre déclaration, vous dites ceci, par exemple :
17 "Je confirme l'exactitude des dires de M. Odak" ou est-ce qu'il serait plus
18 exact de dire qu'on a l'impression, en lisant votre déclaration, que ce
19 sont vos souvenirs que vous consignez ou parce que vous auriez examiné les
20 documents de l'époque ? Dites-nous exactement où, dans votre déclaration,
21 vous dites que : "Vous rapportez les dires d'Odak." On ne trouve pas ce
22 genre d'endroit, n'est-ce pas?
23 Vous étiez un officier supérieur. Est-ce qu'il vous est arrivé
24 d'imposer des sanctions disciplinaires à l'un quelconque de vos hommes ?
25 R. Vous m'avez posé deux questions à la fois. La première question que
Page 45638
1 vous avez posée était celle de savoir si, dans ma déclaration à l'intention
2 de la commission, j'étais censé décrire. Si je devais le faire, c'est une
3 autre chose. Je me suis rendu compte par moi-même du fait qu'Odak avait
4 rédigé une déposition exacte. Partant de la sienne, j'ai rédigé la mienne.
5 Si vous estimez que j'aurais dû ajouter une clause confirmant la déposition
6 qui était la sienne, là, nous parlons d'une chose tout à fait autre.
7 La deuxième partie de votre question connaît la réponse suivante :
8 bien sûr que j'ai pris des mesures disciplinaires à l'encontre de ceux qui
9 n'auraient pas exécuté les ordres.
10 Q. Nous allons revenir à cette deuxième question dans un instant. Merci
11 d'avoir répondu comme vous l'avez fait à la première partie parce que cela
12 me pousse à poser cette question-ci : à votre connaissance, le fait de
13 reprendre pour faire vôtre la déclaration de quelqu'un d'autre, est-ce que
14 c'était une pratique courante au sein de la commission ?
15 R. Monsieur Nice, vous ne m'écoutez pas du tout. Je vous ai dit que
16 j'étais sur les lieux et que j'ai vu. Si je ne me fais pas confiance à moi-
17 même, à qui dois-je faire confiance. Je prête, à part entière, foi à ce
18 qu'a dit M. Odak.
19 Q. N'essayez pas de faire de digression. Revenez, s'il vous plaît, à ce
20 que vous avez dit vous-même. Vous avez dit : "J'étais convaincu qu'Odak
21 avait fait une déclaration fidèle aux faits et c'est là-dessus que je me
22 suis basé pour rédiger la mienne." C'est ce que vous avez dit vous-même, ce
23 sont vos propos. Dites aux Juges qui est censé déclarer recevable des
24 déclarations faites par la commission. Vous vous basez sur la déclaration
25 d'un autre et vous dites qu'à ce moment-là, vous rédigez votre propre
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1 rédaction. Est-ce que c'était une habitude de travail au sein de la
2 commission, oui ou non ?
3 R. Je ne peux pas vous répondre par un oui ou par un non sans plus. Je
4 vais vous dire ce qui suit : la pratique était la suivante : Odak a rédigé
5 une déposition à mon intention et je me suis rendu compte de la véracité de
6 ses dires et je n'ai eu aucune raison d'en douter. Pour ce qui est de
7 l'autre déposition rédigée par Vukasinovic, j'ai vérifié également, je sais
8 comment les choses se sont passées. Je n'acceptais aucune déposition sans
9 vérifier.
10 Q. Comment avez-vous vérifié ? Qu'est-ce que vous avez utilisé pour
11 vérifier la déclaration de quelqu'un, puisque vous avez dit que vous n'avez
12 pas eu d'archives à votre disposition, de dossiers, de quoi vous êtes-vous
13 servi pour faire ces vérifications ?
14 R. Me comprenez-vous quand je vous dis que j'étais là-bas en même temps
15 qu'Odak. J'ai rendu visite à cette unité. J'en ai les tenants et les
16 aboutissants --
17 Q. Monsieur Djosan, veuillez écouter la question, parce que nous, nous
18 écoutons ce que vous dites dans vos réponses. Les réponses que vous avez
19 fournies qui nous ont été traduites reviennent à dire ceci : vous avez
20 parlé de cette déclaration faite par Odak. Vous dites que vous n'aviez pas
21 de raison d'en douter. Puis, vous dites que c'est peut-être un lapsus -
22 vous dites : "C'est vrai pour les autres déclarations comme celle du
23 colonel Vukasinovic. Je le sais parce que j'ai vérifié au sujet d'un
24 événement."
25 R. A propos d'un autre événement.
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1 Q. Oui. Mais comment est-ce que vous avez vérifié ? Soit vous vous
2 avez un souvenir de quelque chose et à ce moment-là, vous n'avez pas besoin
3 de lire la déclaration de quelqu'un d'autre ou vous lisez une déclaration
4 ou vous voyez des documents originaux et vous dites : "Oui, il a raison
5 parce qu'il affirme que c'était à 10 heures 30 et les archives le
6 montrent." Qu'est-ce que vous vouliez dire lorsque vous avez dit que vous
7 aviez vérifié ?
8 R. Chacun de mes officiers, en rédigeant une déposition, a dû consulter
9 ses subordonnées à lui. Lui aussi le faisait. Tous ceux qui avaient
10 souvenance d'un événement ont été consultés.
11 Q. Je vois.
12 R. Je n'ai aucune raison pour ma part de douter de la déclaration de ce
13 lieutenant-colonel.
14 Q. C'est une espèce de pyramide d'historiens ? Nous avons des
15 subordonnées, des subalternes qui font des rapports et cela va d'un échelon
16 à l'autre et vous, vous acceptez simplement. Vous signez sans vérifier qui
17 est celui qui a fourni ce qui était ses souvenirs. Est-ce que c'est à peu
18 près comme cela que cela s'est passé ?
19 R. Ce n'est pas exact.
20 Q. Revenons une fois de plus à cet intercalaire 29, à votre déclaration
21 où, trois paragraphes avant la fin, on parle de cette opération de
22 fermeture du secteur qui s'était poursuivie.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'y a pas la réponse du témoin dans le
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1 compte rendu d'audience. Il a dit : "Ce n'est pas exact." Ici, le compte
2 rendu dit : "Pas d'interprétation." C'est vide.
3 M. NICE : [interprétation] Effectivement, il l'a bien dit, mais cela n'a
4 pas été répercuté au compte rendu d'audience.
5 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont rien entendu.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela l'est maintenant.
7 M. NICE : [interprétation]
8 Q. Prenons ce troisième paragraphe avant la fin, lorsqu'on passe cette
9 action de bouclage du secteur qui est interrompue à
10 16 heures. Maintenant, prenons la déclaration d'Odak qui se trouve à
11 l'intercalaire 30, on donne des références aux cotes 442, 478; c'est pour
12 le 27, rien pour le 28. Qui a fourni une déclaration que nous devrions
13 consulter pour retrouver cette référence que vous, vous faites à 18
14 heures ?
15 R. A vrai dire, je ne sais pas trop quelle déclaration il faudrait
16 vérifier. Peut-être, celle de l'une des personnes faisant partie de
17 l'unité.
18 Q. Comment avez-vous pu écrire ceci, signer, avez-vous pu chercher à
19 présenter ceci comme étant un élément de preuve ? Là où vous dites : "Cette
20 opération de bouclage du secteur, on l'avait interrompue à 18 heures ?"
21 D'où tenez-vous cette information ? Quelles sont vos sources ?
22 R. Il y a eu un rapport de la part de l'homme de permanence qui m'a fait
23 savoir que le bouclage avait pris fin.
24 Q. Où est-ce qu'on trouve ce rapport ?
25 R. Il faudrait que je consulte je ne sais combien de documents pour le
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1 retrouver.
2 Q. Mais vous ne comprenez toujours pas, Monsieur Djosan. S'il vous fallait
3 demander ces documents aujourd'hui, qu'est-ce que vous avez fait au moment
4 où vous avez préparé cette déclaration le
5 27 décembre 2002 ? Si vous n'aviez pas ces documents, il vous fallait les
6 demander. Mais qu'est-ce que vous avez fait précisément à cette date-là ?
7 R. Je vous dis une fois de plus. J'ai convoqué le lieutenant-colonel Odak
8 et il a déclaré à mon intention qu'il se trouvait à l'époque à cet endroit.
9 Je sais que je lui avais rendu visite. Je sais quel avait été le
10 déploiement de mon unité. J'ai vu l'endroit où il se trouvait et cela m'a
11 suffi qu'il en soit effectivement ainsi.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous n'avez pas répondu à la question
13 qui vous a été posée. Vous ne vous faites pas vous-même justice et cela ne
14 vous sert pas de répondre de la sorte. Vous dites que s'agissant des
15 sources d'informations concernant les événements survenus à 16 heures,
16 cette source était un rapport de l'officier de permanence. Ce rapport n'a
17 pas été rédigé par le colonel Odak.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le lieutenant-colonel Odak n'a pas noté
19 cela ici. Du moins, je ne l'ai pas relevé.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est effectivement là-dessus que
21 porte la question. On vous demande comment vous avez pu faire ce genre de
22 déclaration sans avoir consulté des dossiers, des archives ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, je ne disposais d'aucune
24 documentation. J'ai convoqué le lieutenant-colonel Odak et lui, a rédigé
25 une déposition à cet effet. Cela m'a suffi.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ce qui pose problème et ce qu'indique
2 le Procureur, c'est qu'il n'y a aucune référence à cette heure de la
3 déclaration d'Odak.
4 M. NICE : [interprétation] La dernière réponse fournie par le témoin le
5 montre très clairement. C'est Odak qui a rédigé cette déclaration-ci pour
6 lui.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous pourrez poser des questions là-
8 dessus, vous-même. Mais je reviens à ce qui avait été dit auparavant par
9 vous-même, c'est-à-dire que le colonel Odak, lui, ne fait aucunement
10 référence à cet incident ou à cette heure.
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. Veuillez répondre à la question posée par Monsieur le Juge.
13 R. Le fait que le colonel Odak n'ait pas rédigé ce point-là constitue
14 peut-être une omission de rédaction. Je ne sais pas vous dire pourquoi,
15 dans sa déposition à lui, cela n'a pas été indiqué. Du reste, il est là.
16 Posez-lui la question. Demain ou aujourd'hui, lorsque son tour viendra. Je
17 ne peux pas vous dire maintenant pourquoi le lieutenant-colonel Odak --
18 voilà ce que je dis, le lieutenant-colonel Odak, vers 16 heures --
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Non, merci. Vous avez ainsi répondu à
20 ma question.
21 M. NICE [interprétation] :
22 Q. Justement grâce à vos réponses --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je veux dire quelque chose --
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez répondu à ma question,
25 Monsieur. Merci. Si M. Milosevic ou M. Nice veulent continuer à poser des
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1 questions là-dessus, à eux de le faire.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Monsieur Djosan, vous répondiez aux préoccupations manifestées par M.
4 le Juge et vous dites ceci : "J'ai appelé le colonel Odak et il a écrit
5 cette déclaration pour moi." Est-ce que vous voulez dire vraiment cela, que
6 cette déclaration qui se trouve à notre intercalaire 29 a vraiment été
7 rédigée par Odak ? C'est ce que vous avez dit.
8 R. Non, ce n'est pas exact. Conformément aux ordres reçus par la
9 commission, j'ai donné des ordres à son intention à lui.
10 Regardez, dans la déclaration d'Odak, deuxième paragraphe, il dit :
11 "Vers 16 heures, on m'a confié la mission de prendre des mesures de
12 sécurité au combat pour faire revenir l'unité vers les rangs du bataillon."
13 L'INTERPRÈTE : Veuillez mettre cela sur le rétroprojecteur.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] La déclaration du lieutenant-colonel Odak dit
15 : "Vers 16 heures, on m'a donné pour mission de prendre des mesures
16 d'appliquer les mesures de sécurité --"
17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Les interprètes demandent à ce que ce
18 soit placé sur le rétroprojecteur, si vous allez donner lecture de ce
19 texte.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr qu'on va le faire. En titre, nous
21 lisons : "Commission pour la Coopération avec le MKTJ." Dans le texte, nous
22 lisons, "Le 28 avril 1999, l'unité --
23 M. NICE : [interprétation] Où est-ce que cela se trouve ? Quel est
24 l'intercalaire ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] 30.1.
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1 M. NICE : [interprétation]
2 Q. Malheureusement, je n'ai pas l'impression que ce numéro corresponde à
3 notre numérotation.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela semblait être la dernière page de
5 l'intercalaire 30.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux commencer ? Destiné à la commission
7 chargée de la Coopération avec le TPIY, le texte : à la demande de la
8 commission chargée de la Coopération avec le TPIY, je déclare ce qui suit :
9 "Aux environs de 16 heures, j'ai reçu pour mission de ramener l'unité au
10 sein du bataillon tout en appliquant des mesures de sécurité au combat.
11 Pendant toute cette action, il n'y a pas eu d'action de la part de mon
12 unité ou quelque contact avec la population civile."
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'y a pas de traduction de ce
14 document.
15 M. NICE : [interprétation] J'ai une traduction. J'ai une traduction de
16 trois pages. La première fois que j'en ai parlé tout à l'heure, j'avais
17 omis de remarquer la présence de la troisième page.
18 Est-ce que vous avez trouvé ce texte ? La troisième page en anglais,
19 Monsieur Nort -- Monsieur l'Huissier, commence par une date, celle du 10
20 janvier 2002. Le titre est le même que pour les autres pages et dans le
21 texte, les mots commencent par le "28 avril 1999."
22 Vous trouvez ce passage, Monsieur l'Huissier, pour le placer sur le
23 rétroprojecteur ? Sinon, je peux vous donner ma copie.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez remettre sur le
25 rétroprojecteur le document que nous avons vu il y a un instant ? J'ai
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1 l'impression que dans l'intercalaire 30 et l'intercalaire 30.1, on trouve
2 des expressions identiques.
3 Monsieur l'Huissier, ce document, c'est celui que nous venons de voir ?
4 M. NICE : [interprétation] C'est l'intercalaire que nous venons de voir à
5 l'instant, effectivement.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Merci. C'est 30.1.
7 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut placer la version anglaise à
8 présent sur le rétroprojecteur ?
9 M. KAY : [interprétation] Je pense que le document sans traduction se
10 trouve à l'intercalaire 30 et non à
11 l'intercalaire 30.1, Monsieur le Juge.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, justement, c'est ce qu'il me
13 semblait.
14 M. KAY : [interprétation] C'est une phrase un petit peu différente.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] A l'intercalaire 30.1, je lis la
16 phrase suivante : "Aux environs de 16 heures, les unités du MUP ont achevé
17 le ratissage du terrain et j'ai été chargé de ramener l'unité dans le
18 secteur du bataillon." Ce n'est pas la même phrase ?
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nort, Monsieur l'Huissier, est-
20 ce que vous pourriez placer la page en B/C/S, la dernière page de
21 l'intercalaire 30, sur le rétroprojecteur ? Je crois que c'est
22 l'intercalaire qu'on a vu tout à l'heure.
23 M. NICE : [interprétation] Cette page vient de l'intercalaire 30.1 en
24 anglais; il faut l'associer à ce texte en B/C/S. Le texte commence par le
25 "28 avril 1999 ..." --
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voilà celui que j'ai pour ma part.
2 M. NICE : [interprétation] C'est encore une fois différent.
3 M. KAY : [interprétation] M. le Juge Kwon a actuellement entre les mains le
4 document auquel je crois que le témoin est en train de faire référence.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mon Général, pourriez-vous nous dire si
6 ceci est bien le document dont vous venez de donner lecture où on trouve la
7 phrase qui commence par : "Aux environs de
8 16 heures ..."
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous relire cette phrase, je
11 vous prie ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] "Aux environs de 16 heures, j'ai reçu pour
13 mission dans le cadre de mesures de sécurité requises de ramener l'unité au
14 sein du bataillon."
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ce document n'a pas de
16 traduction.
17 Oui, Monsieur Milosevic.
18 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît. Microphone.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant, le micro est branché. Je tiens à
20 signaler que dans cet intercalaire 30, on trouve deux déclarations, deux
21 dépositions du lieutenant-colonel --
22 L'INTERPRÈTE : Nous n'avons pas entendu le nom du colonel.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- toutes deux fournies le 26. L'une concerne
24 les opérations menées par l'unité du 20 au 28 avril. Elle est assez longue.
25 La deuxième déposition qui constitue une troisième page, mais c'est une
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1 déposition distincte, concerne ce que l'unité a fait le 28 avril 1999 et
2 c'est le texte qui vient d'être cité. Si ces deux dépositions étaient deux
3 intercalaires distincts, il n'y aurait pas de confusion. Mais la troisième
4 page, je le répète, est une déposition différente, une deuxième déposition
5 et c'est cette deuxième déposition qui vient d'être citée par le général.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Voilà, nous pouvons récapituler. Il existe une déposition qui n'est pas
8 encore traduite, une déposition d'Odak qui mentionne ce qui s'est passé aux
9 environs de 16 heures et je vous demande si vous affirmez avoir simplement
10 reproduit ce qu'Odak a dit dans sa déposition dans la vôtre. Est-ce que
11 c'est ce que vous êtes en train de dire ?
12 R. Il dit qu'à partir du lieu de l'action, il a ramené l'unité aux
13 environs de l'heure indiquée. Je ne vois pas ce que cela a de différent de
14 ce que j'affirme moi-même dans ma propre déposition.
15 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait allumer son deuxième
16 microphone ? Merci.
17 M. NICE : [interprétation]
18 Q. Avant de revenir à un sujet qui m'est venu à l'esprit grâce à l'une de
19 vos réponses, j'aimerais vous demander votre commentaire sur le point
20 suivant : vous avez quitté Djakovica en juin 1999 ?
21 R. Le 11 juin 1999.
22 Q. Vous avez sans doute reçu des renseignements au sujet de ce qui s'est
23 passé à Djakovica par la suite. J'aimerais, si vous le pouvez, que vous
24 commentiez les trois phrases suivantes : "L'UCK s'est emparé des rues
25 quelques heures après que les forces de sécurité de police serbe se soient
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1 retirées de la municipalité de Djakovica. Elles ont guidé le retour des
2 réfugiés dans leurs maisons et leurs villages et se sont vite chargées
3 d'assurer la police dans les zones sous leur contrôle. Cette présence de
4 plus en plus importante de l'UCK a donné lieu à certain nombre
5 d'allégations de la part de victimes et de témoins oculaires dans la
6 municipalité où il est question du fait que l'UCK aurait participé à des
7 meurtres, à des enlèvements, à des emprisonnements, des expulsions, des
8 incendies de maisons, des mesures de harcèlement et d'intimidation. De
9 nombreuses allégations font état du fait que l'UCK aurait participé à des
10 agressions, à des attaques contre les minorités albanaises du Kosovo
11 lorsque ces Albanais du Kosovo n'étaient pas fidèles à la cause UCK."
12 Je sais que vous aviez quitté la région, mais je suppose que vous receviez
13 des informations sur ce qui s'y passait. Je vous demande si ce que je viens
14 de lire correspond effectivement à ce qui s'est passé avec l'UCK suite au
15 retrait des troupes serbes. Est-ce que ceci vous paraît conforme à la
16 réalité ? Il est dit, n'est-ce pas, qu'après qu'il ait pris le contrôle de
17 la région, il y a eu augmentation du nombre de présomption de meurtres,
18 d'enlèvements, d'emprisonnements, d'expulsions, de mesures de harcèlement
19 et d'intimidation de la part de l'UCK. Est-ce que ceci vous semble exact ?
20 R. Ce n'est pas le cas.
21 Q. L'UCK n'a pas fait ces choses-là.
22 R. J'ai dit que ce n'était pas exact. Mon unité est la première qui s'est
23 retirée car c'était une unité antiaérienne. Mais une partie de mon unité
24 est tout de même restée à Djakovica. C'était un bataillon des arrières qui
25 se trouvait au poste de commandement déplacé du corps d'armée. L'UCK ne
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1 s'est pas chargée d'organiser la circulation, mais des membres de l'UCK
2 sont arrivés en qualité de renfort et ont commencé à assurer la circulation
3 dans les rues.
4 Q. La deuxième partie de la phrase où il est question d'un certain nombre
5 de choses assez horribles, meurtres, enlèvements, arrestations, incendies,
6 harcèlement, intimidation, est-ce que ceci, à votre avis, semble
7 correspondre à ce que vous savez de ce qui s'est passé après l'arrivée de
8 la KFOR ?
9 R. Après l'arrivée de la KFOR, c'est certain. Mais à ce moment-là, ils
10 l'ont fait dans la mesure où ils étaient capables de le faire.
11 Q. Etes-vous au courant du fait que des allégations de ce genre qui font
12 état de souffrances vécues par la population après l'arrivée de l'UCK, est-
13 ce que vous êtes au courant du fait qu'on retrouve ces mêmes propos dans
14 l'ouvrage intitulé : "Dit comme cela a été vu," qu'une organisation
15 internationale a publié ?
16 R. Dans une mesure un peu inférieure.
17 Q. Est-ce que quelqu'un vous a montré cet ouvrage où on trouve un
18 récapitulatif des événements survenus au Kosovo, à l'époque ? Est-ce que
19 quelqu'un vous a montré ce livre intitulé : "Relaté comme cela a été vu,
20 volume numéro 2 ?"
21 R. Ceci ne peut pas être un ouvrage où on trouve un point de vue équilibré
22 sur la situation au Kosovo-Metohija. J'étais, en effet, le chef de la
23 commission chargée d'appliquer l'accord technique militaire et je sais bien
24 ce qui s'est passé à cet endroit --
25 Q. Je vous en prie. Nous manquons de temps. Est-ce que vous pourriez
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1 répondre à la question. Est-ce que quelqu'un vous a montré ce livre ?
2 R. Je n'ai pas eu ce livre sous les yeux, je ne l'ai pas vu.
3 Q. Revenons maintenant à l'ouvrage dont vous dites que vous l'avez vu, que
4 vous l'avez eu sous les yeux et que vous l'avez lu.
5 R. Le passage qui traite de Djakovica.
6 Q. En effet. Pas l'intégralité de ce passage. Ce serait trop long. Mais en
7 anglais -- je demande qu'on se réfère à la page 170. Nous ne disposons pas
8 de la version serbe ici, faute de références de page; ce que je peux faire
9 éventuellement, c'est de vous expliquer quel est le format de ce passage
10 traitant de Djakovica. Vous voyez qu'ici, il est question de la famille
11 Jakupi. Vous vous rappelez de la famille Jakupi ?
12 R. La seule chose que je vois dans ce texte anglais que je ne comprends
13 pas, ce sont des chiffres et des noms propres.
14 Q. Oui, absolument. Mais j'essaie de vous mettre au courant de la
15 structure de l'ouvrage en anglais, puisque vous dites avoir vu le même
16 livre qui, je pense, est structuré de la même façon, mais en langue serbe.
17 Il y a un chapitre historique dans lequel on trouve un passage relatif à la
18 famille Jakupi et un peu plus loin, un passage relatif à Djakovica.
19 M. NICE : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir les deux pages en même
20 temps sur le rétroprojecteur ? Très bien. Faites un peu le point, je vous
21 prie.
22 Q. Un peu plus loin, un passage relatif à la ville de Djakovica où vous
23 voyez un titre : "Events before
24 20th of March 1999," événements antérieurs au 20 mars 1999.
25 Ensuite, on tourne la page et on voit qu'il est question des
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1 événements survenus après le 20 mars 1999. C'est à peu près au bas de la
2 page. Si on passe à la colonne qui, actuellement, est à droite de l'écran,
3 page suivante, on y trouve le passage suivant dont je vais vous donner
4 lecture, je cite : "Le début des frappes aériennes de l'OTAN contre la RFY,
5 le 24 mars, a entraîné une intensification immédiate de la violence et des
6 destructions dans le centre de Djakovica durant laquelle de nombreuses
7 maisons ont été incendiées, des commerces pillés et des habitants kosovars
8 assassinés."
9 Je vous demande de revenir deux ans et demi ou trois ans et demi en
10 arrière, je pense que vous avez une assez bonne mémoire pour cela, faites
11 de votre mieux pour vous rappeler la situation : est-ce que vous vous
12 rappelez avoir vu cette phrase dans la version que vous avez eue sous les
13 yeux, une phrase dans laquelle il aurait été question d'une augmentation
14 immédiate de la violence et d'une multiplication des destructions ?
15 R. Je vais vous dire d'abord ce que je vois ici, ce que j'ai en anglais
16 sous les yeux n'est pas clair pour moi, mais si je fais confiance à votre
17 traduction, je dirais qu'il est possible que ceci ait été écrit, mais les
18 choses ne se sont pas passées ainsi. Elles ne se sont pas passées ainsi.
19 Q. On y viendra dans quelques secondes. Mais vous êtes quelqu'un d'éduqué,
20 n'est-ce pas ? Alors, je vous demanderais de regarder le texte d'un peu
21 plus près. M. l'Huissier va mettre le doigt sur la ligne où on voit les
22 mots en anglais "Citoyens albanais du Kosovo assassinés."
23 Vous voyez où l'Huissier a placé son doigt ? Il y a un signe de note
24 en bas de page. Je demanderais à M. l'Huissier d'avoir la gentillesse de
25 laisser temporairement son doigt sur cette page et de se rendre pour
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1 quelques secondes à la page 187, colonne de droite. De droite. Non, ceci
2 n'est certainement pas la page 187. 187.
3 Voilà. Vous voyez, sur la colonne de droite, on trouve cette fameuse note
4 en bas de page 23 où on voit une série de un, deux, trois, quatre, cinq,
5 six, sept, huit, neuf, dix, 11, 12, 13, 14, 15 pseudonymes différents qui
6 évoquent 15 témoins différents.
7 Je vous demande si, à quelque moment que ce soit, vous avez découvert que
8 les allégations relatives à Djakovica auraient pu venir des propos de, par
9 exemple, ces 15 témoins mentionnés ici. Est-ce que vous avez découvert cela
10 à un moment, éventuellement ?
11 R. Monsieur Nice, comment est-ce que je pourrais lire
12 15 témoignages de témoins qui se présentent sous pseudonymes alors que je
13 sais exactement ce qu'a dit l'homme dont nous parlons ? Je le connais
14 personnellement et je peux vérifier l'authenticité de ce qu'il me dit.
15 Pourquoi est-ce que j'aurais eu besoin de ces
16 15 témoignages ?
17 Q. Ecoutez, peut-être que mes propos ont été mal interprétés. C'est ma
18 faute.
19 R. Oui, absolument.
20 Q. Des dépositions ont été présentées à des Juges. Ce qui m'intéresse,
21 c'est de découvrir par quel système les dépositions sont arrivées jusqu'à
22 vous, avant que vous ne prépariez la déposition que vous dites avoir
23 préparé vous-même.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur Nice.
25 M. NICE : [interprétation] Je m'excuse.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin a dit, il y a quelques
2 instants, au moment où on lui a montré le passage de l'ouvrage, que les
3 choses ne s'étaient pas passées ainsi, comme elles sont relatées dans ce
4 passage.
5 M. NICE : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais entendre la version du
7 témoin relative à la façon dont les choses se sont passées.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque mon unité a quitté Djakovica, ceci
9 s'est passé le 11 juin 1999, aux premières heures de la matinée --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous voulez la
11 parole ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est question de la citation d'un ouvrage,
13 mais le témoin ne peut pas se référer à cette citation puisqu'elle ne lui
14 est pas présentée. M. Nice vient de mettre l'accent sur ce passage
15 accompagné d'une note en bas de page qui concerne la date du 24 mars,
16 premier jour de l'agression, où il est dit que les incendies de maison et
17 les destructions à Djakovica ont commencé ce jour-là, le premier jour de
18 l'agression, le 24 mars. Le témoin a dit qu'il suppose que ce passage lui a
19 bien été interprété, mais que les choses ne se sont pas passées ainsi. Mais
20 maintenant, le témoin parle de ce qui s'est passé après son départ, après
21 la guerre.
22 Il faut qu'un lien soit établi entre les différentes questions posées au
23 témoin. Tout à l'heure, on l'a interrogé au sujet d'une citation qui se
24 situe le 24 mars et selon laquelle les incendies de maisons et les
25 destructions ont commencé ce jour-là, le 24 mars, à Djakovica. C'est cela
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1 qu'on lui a montré, un passage accompagné d'une note en bas de page.
2 Maintenant, il est question du départ de Djakovica.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je faisais référence aux assassinats
4 de citoyens albanais. Le témoin, à ce moment-là, interrogé à ce sujet, a
5 interrompu en disant que les choses ne se sont pas passées ainsi. Je pense
6 qu'on devrait avoir la possibilité de voir comment les choses se sont
7 effectivement passées.
8 M. NICE : [interprétation] Oui. Est-ce que vous voulez que je pose les
9 questions ou vous souhaitez le faire vous-même, Monsieur le Président ?
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez le faire.
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. J'aimerais que nous tirions ce point au clair. Dans cet ouvrage, il est
13 dit que sous l'influence des événements survenus le 24 mars, la violence et
14 les destructions se sont intensifiées et qu'au cours de ces événements, un
15 grand nombre de maisons d'Albanais du Kosovo ont été incendiées et un
16 certain nombre de citoyens Albanais du Kosovo tués. A ce sujet, je vous
17 interroge au sujet du système qui existait et vous avez répondu de votre
18 propre chef que les choses ne s'étaient passées ainsi. Le Président revient
19 sur ce point et aimerait, je pense, en particulier, que vous expliquiez
20 comment, le 24 mars ou juste après le 24 mars, les choses dont il est
21 question dans cet ouvrage se sont passées, s'agissant de ce qui est évoqué
22 dans ce livre, à savoir, assassinats, incendies de maisons et expulsions.
23 R. J'ai parlé du 24 mars et j'ai dit que les premières bombes ont commencé
24 à tomber et que la première nuit de cette période, des bombes sont tombées
25 sur Djakovica, sur un certain nombre de maisons et y compris, sur notre
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1 caserne, que j'étais à Cabrat et que très peu de temps après, j'ai vu ce
2 qui s'était passé au niveau de l'église catholique et que quelques jours
3 plus tard, j'ai été témoin oculaire au quotidien des actions de l'aviation
4 contre Djakovica et les environs. Au cours de ces actions, on a vu toutes
5 sortes de choses et notamment, l'arrivée de terroristes Siptars qui sont
6 arrivés en même temps que les premières bombes de l'OTAN. Au moment même où
7 l'agression de l'OTAN a commencé, à cet instant même, tous ces terroristes
8 Siptars pour lesquels j'ai dit qu'ils étaient cachés dans pas mal de
9 maisons et que jusque-là, ils ne pouvaient pas sortir ou n'avaient pas le
10 courage de sortir, tout d'un coup, ils se sont mis en action et au même
11 moment où l'agression a commencé, ils ont commencé à sortir un peu partout
12 en ville, dans les rues. Je le dis dans le livre que j'ai écrit, mais ce
13 n'est pas le plus important. En tout cas, ce qui importe, c'est que c'est
14 bien ainsi que les choses se sont passées.
15 M. NICE : [interprétation] Monsieur, je demande à l'Huissier de revenir à
16 la page 173, en anglais, sur le rétroprojecteur. Chaque mot de ce récit
17 serait faux. Pas d'incendies, pas d'assassinats, pas de pillage, rien de
18 tout cela ?
19 R. Ce n'est pas exact. Il y a eu des incendies. J'ai dit que depuis
20 Cabrat, j'ai vu la rue de l'église catholique en feu. Quand une rue brûle,
21 c'est qu'il y a des incendies. Je ne dis pas non plus qu'il n'y a pas eu de
22 pillage. Après l'arrivée des bombes, les vitrines ont commencé à éclater.
23 Il est tout à fait logique que dans ces conditions, c'est très souvent le
24 cas, des pillages surviennent. Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait eu ni
25 pillage, ni incendies; il y en a eu, en effet.
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1 Q. A la fin du paragraphe, la phrase suivante. Je vais la lire lentement,
2 je cite : "Durant la nuit, des officiers de police et des paramilitaires
3 ont mis le feu à l'ancienne place du marché. On raconte que certains des
4 paramilitaires portaient des uniformes de la police avec les emblèmes de la
5 police et un certain nombre de familles de la région ont également reconnu
6 des Serbes et des 'Tziganes' de la région ainsi que des membres d'une autre
7 minorité." Je ne sais pas très bien comment lire ce mot en disant qu'ils
8 ont participé à des tirs contre les résidents Albanais du Kosovo à
9 l'intérieur de leurs maisons."
10 Puis, je viens à cette dernière phrase, je cite : "Des chars, des
11 camions et de l'artillerie lourde ont été vus en ville."
12 Ce qui est allégué ici est tout à fait clair, à savoir qu'un certain
13 nombre de méfaits sont constatés de la part de la police et des
14 paramilitaires. Il est même question de chars qu'on voit dans la ville à ce
15 moment-là. Est-ce que ceci n'est pas un récit conforme à la réalité ?
16 R. Ceci n'est pas un récit conforme à la réalité. Or, il est très précis
17 et je dis pour ma part, comme je l'ai déjà dit, qu'il n'y a pas eu de
18 formations paramilitaires. C'est le premier point.
19 Puis, de quels chars est-il question ici ? Comment est-ce qu'il
20 pourrait y avoir des chars dans la ville alors que les bombes pleuvaient.
21 Pas un seul véhicule ne peut survivre cinq minutes dans la rue alors que
22 des avions sont en train de bombarder, des avions ennemis. Il aurait fallu
23 être un commandant militaire complètement fou pour laisser des chars dans
24 les rues de la ville dans de telles conditions. Nos chars étaient tous
25 cachés dans des tranchées camouflées et pas du tout opérationnels à ce
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1 moment-là. Car lancer un char dans une opération, dans de telles
2 conditions, aurait scellé la mort, la destruction de ce char immédiatement.
3 Vous avez raison, ce texte est très précis, mais il ne correspond pas à la
4 réalité. Je n'emploierai pas de mots plus péjoratifs pour décrire la chose.
5 Q. La semaine dernière, le capitaine Peraj a été entendu. Ce que je vais
6 vous citer est, d'après moi, un récit tout à fait honnête et fidèle à la
7 réalité de la situation.
8 Il a regardé un certain nombre d'éléments documentaires qui traitent
9 de la présence de l'armée à Djakovica et du rôle qu'elle a pu jouer, qui
10 était un rôle bien différent de celui de la police et des paramilitaires.
11 Je vais maintenant vous dire, comme je l'ai dit à l'époque, que ceci était
12 effectivement un récit fidèle à la réalité et tout à fait honnête.
13 Nous avons une version serbe de ce texte. Je cherche la référence.
14 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez -- je vous prie, voilà la
15 page en question. Voyez où j'ai mis mon pouce. Pourriez-vous mettre sur le
16 rétroprojecteur ces deux paragraphes ? A droite immédiatement de cette
17 page. Un peu plus haut, s'il vous plaît.
18 On trouve le passage suivant, la phrase suivante où il est question
19 des gens qui ont fui "par crainte des représailles de la part des forces
20 serbes. Ils sont allés dans d'autres villages ou dans les collines
21 environnantes pour rejoindre des membres de leurs familles qui y résidaient
22 lorsque la chose était possible et comparé au sort vécu par d'autres villes
23 comme Pec qui était pratiquement désertée, la ville était encore peuplée
24 d'un certain nombre de ses habitants car la moitié de la population
25 seulement était partie, s'était enfuie."
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1 Est-ce que ceci est exact ?
2 R. Je vais essayer de répondre d'abord à la première partie de votre
3 question. Il n'y avait pas de formations paramilitaires dans la ville de
4 Djakovica ou au Kosovo-Metohija.
5 Q. Je vous interromps car cela prendra peut-être un peu de temps, mais je
6 vais vous demander de revenir un peu en arrière dans votre esprit. La
7 semaine dernière, un certain nombre d'allégations assez générales ont été
8 entendues et les Juges de cette Chambre ont demandé à plusieurs reprises :
9 "Mais quand vous dites ceci, est-ce que vous voulez dire cela exactement ?"
10 Je vous pose à peu près une question qui se situe dans le même ordre
11 d'idée. Est-ce que vous dites effectivement que pendant toute cette
12 période, il n'y a pas eu de paramilitaires nulle part au Kosovo; c'est bien
13 cela que vous dites ?
14 R. J'affirme qu'au Kosovo-Metohija, il n'y a pas de formations
15 paramilitaires. Je me fonde, pour le dire, sur les références trouvées
16 auprès des commandants des corps d'armée. Pour Djakovica, je suis encore
17 plus au courant puisque je me trouvais à Djakovica. Mais nous avions
18 également des informations venant du commandement du corps d'armée. Nous
19 recevions des renseignements du commandement du corps d'armée et jamais, à
20 aucun moment, je n'ai reçu la moindre information selon laquelle il y
21 aurait eu des formations paramilitaires là-bas.
22 Q. Revenons maintenant à cette fuite de la population avec la moitié de la
23 population qui reste sur place, qui ne s'en va pas. Est-ce que c'est
24 exact ?
25 R. La proportion exacte, il me serait difficile de l'affirmer. Mais
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1 comment expliquerez-vous qu'ils aient commencé à s'enfuir le jour même où
2 les avions sont arrivés ? Comme s'il y avait eu une entente. Pourquoi est-
3 ce qu'ils ne se seraient pas enfuis dix jours plus tôt ou un mois plus
4 tôt ?
5 Q. Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Voyons la fin du
6 paragraphe et abordons-la du point de vue de sa fidélité à la réalité.
7 Après un certain nombre de détails, on arrive à la phrase qui se lit comme
8 suit, je cite : "L'armée les a vus se déplacer à partir de la caserne
9 jusqu'aux environs de l'église catholique San Antonio."
10 Est-ce que c'est exact ?
11 R. L'église San Antonio ou Saint-Antoine se trouvait pratiquement au
12 niveau de la caserne. C'était à un jet de pierre de la caserne. Un soldat
13 aurait pu passer --
14 Q. Pouvez-vous répondre à la question ?
15 R. Je ne sais pas ce qui est écrit ici, ce n'est --
16 Q. Passons, si vous le voulez bien, à la page 174. On trouve, là encore,
17 un exemple de ce qui est dit au sujet des événements dus aux paramilitaires
18 et non aux militaires. Le bas de la page 174, par exemple, côté droit de la
19 page. Un peu plus haut, Monsieur l'Huissier, sur le rétroprojecteur, s'il
20 vous plaît. Très bien. Merci.
21 La phrase qui se trouve dans le dernier paragraphe de cette page,
22 nous y lisons : "Ce jour-là et les jours suivants --" le
23 28 mars et les jours suivants, je cite : -- "la police a continué d'aller
24 de maison en maison, d'avancer rue par rue dans Djakovica --"
25 Puis, en haut de la page suivante, Monsieur l'Huissier, s'il vous plaît, je
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1 poursuis la lecture : -- "pour dire aux gens de s'en aller souvent à l'aide
2 de haut-parleurs ordonnant à la population de partir pour l'Albanie.
3 Certains réfugiés ont rendu compte de rumeurs selon lesquelles les forces
4 serbes emmenaient les femmes dans le stade de foot de Djakovica pour abuser
5 d'elles, ce qui n'a aucunement été vérifié par la suite. Cependant,
6 plusieurs interviews rendent compte du fait que des jeunes femmes ont été
7 enlevées par la police et les paramilitaires serbes."
8 Vous voyez ce passage qui traite de Djakovica et qui met l'accent sur la
9 police et les paramilitaires. J'aimerais savoir si vous affirmez que ceci
10 ne correspond pas à la réalité, si vous le niez ?
11 R. Les choses sont très simples. J'étais à Djakovica. Je commandais la
12 garnison et je n'ai jamais vu la moindre unité paramilitaire. Je ne suis
13 pas au courant. Je n'ai pas non plus entendu le moindre rapport qui aurait
14 évoqué la présence d'éléments paramilitaires dont il est question ici. Mes
15 officiers, ceux qui étaient sous mes ordres, se trouvaient un peu partout
16 en ville et ils me l'auraient certainement dit si cela avait été le cas.
17 Peraj aurait dû m'en faire état et il ne l'a pas fait, pas plus que
18 les autres.
19 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si la Chambre a l'intention de
20 faire la pause.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en effet.
22 M. NICE : [interprétation] Nous avons un passage pertinent en serbe qui
23 traite de ce qui s'est passé à ce moment-là, à Djakovica et je pense qu'il
24 pourra être utile.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous suspendons pendant 20
Page 45662
1 minutes.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
3 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.
5 M. NICE : [interprétation]
6 Q. Monsieur Djosan, je ne sais pas si vous avez utilisé la pause pour
7 examiner la version en serbe du document du livre "As Seen, As Told," "Dit
8 comme vu," je ne vous fais pas de reproche, mais est-ce que vous avez pu
9 cerner un passage de ce livre que vous auriez lu et auquel vous auriez
10 répondu dans votre déclaration qu'on trouve à notre intercalaire 7, où vous
11 dites : "J'ai lu des informations selon lesquelles 'les forces de la RFY
12 auraient participé à la destruction de ces quartiers de la ville'" à
13 Djakovica. Est-ce que vous avez pu retrouver ce passage dans le texte qui
14 vous a été fourni ?
15 R. J'ai mis à profit cette petite pause pour vérifier. J'ai constaté qu'il
16 y avait le même style, le même auteur, la même façon d'écrire, tout est
17 exactement pareil et je pourrais trouver je ne sais combien d'exemples
18 disant qu'il s'agit d'une contre-vérité évidente. J'ai sous les yeux
19 justement un passage de la sorte.
20 Q. Autant nous dire de quel passage il s'agit. Mais tout d'abord, quelle
21 est la rubrique parce que le numéro de page ne nous aidera pas et si vous
22 nous indiquez quel chapitre ou quelle rubrique c'est, M. l'Huissier va le
23 placer sous le rétroprojecteur.
24 R. Il est dit : "Meja, y compris le premier bombardement du convoi de
25 personnes déplacées."
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1 Q. Page 178, peut-être la 179. Est-ce que c'est le deuxième, le troisième
2 ou le quatrième paragraphe de ce chapitre ou de cette section ?
3 R. Le passage de droite, deuxième paragraphe.
4 Q. Ce n'est pas agencé de la même façon. Dites-nous quel paragraphe c'est.
5 R. Comment vous appelez ces parties-là ?
6 Q. Oui.
7 M. NICE : [interprétation] C'est la page 179, Monsieur l'Huissier, vers le
8 haut de la page, à gauche.
9 Q. Veuillez lire le passage qui, d'après vous, n'est pas exact.
10 R. Il est question de Meja et on parle du premier bombardement du convoi
11 de personnes déplacées par l'OTAN. "Dans la déclaration d'un garçon de 13
12 ans qui, ce matin-là, a été déplacé du village de Pacaj (non loin de
13 Dobros, Djakovica), il est donné description de ce qui suit : une fois
14 arrivé à Meja, il a entendu une explosion dans laquelle un tracteur aurait
15 été touché. La police a donné l'ordre à un groupe d'entrer dans un grand
16 bâtiment de transport accompagné d'un garage. Le garçon a dit qu'au bout de
17 15 minutes, pendant quelque 20 minutes, ils ont été bombardés par des
18 avions bariolés de couleurs de camouflage, après quoi, sa mère et quelques
19 autres 40 personnes auraient fui le village en direction des montagnes où
20 ils ont rencontré des forces de l'UCK qui leur ont conseillé de se diriger
21 vers Ramoc. L'UCK est alors entrée en combat contre la police et au bout
22 d'une heure à peu près, les policiers ont convié les villageois 'à venir
23 voir leurs parents tués.' Il a également dit que pendant les bombardements
24 de la maison, il a été tué quelque sept personnes, parmi lesquelles il y
25 avait les deux sœurs de ce garçon et deux autres membres de sa famille,
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1 alors que lui-même et sa maman ont été blessés. Il a également dit que bon
2 nombre d'autres personnes ont été tuées et il dit 'suite aux bombardements
3 du tracteur.' (Voir le chapitre 13, boucliers humains et autres mises en
4 danger de personnes qui n'étaient pas des combattants pendant les
5 opérations militaires.)"
6 Q. Qu'est-ce qu'il y a de faux dans cela et pourquoi est-ce que ce serait
7 faux ?
8 R. Tout est faux. Jamie Shea s'est tué à expliquer et à essayer de
9 justifier le fait que les pilotes aient touché ce convoi et comment cela
10 s'est passé. L'un des deux ment. Je dirais même, qui plus est, que j'étais
11 sur les lieux. Je suis arrivé après les frappes. Il y a eu deux avions F-16
12 à --
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] La question qui vous est posée est de
14 savoir ce qu'il y a d'erroné dans le récit que vous avez lu ou le passage
15 que vous avez lu ? Qu'est-ce qu'il y a d'erroné, de faux ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le récit est erroné, notamment, le fait
17 qu'ils auraient été escortés par la police et que de là, ils se seraient
18 dirigés vers les forêts pour combattre l'UCK. Est-ce que cela vous semble
19 être logique ? Si ce livre-là se fonde sur des déclarations d'un garçon de
20 13 ans, je dirais que rien --
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Essayons de ventiler votre réponse. Est-ce que vous étiez là, à
23 l'endroit où ce gamin de 13 ans dit s'être trouvé ? Est-ce que vous étiez
24 présent en chair et en os ?
25 R. Oui. Je suis arrivé après les frappes.
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1 Q. De Dobros à cet endroit-là où le tracteur a été touché ?
2 R. Un tracteur, pas un camion, un tracteur. Oui, j'ai été là-bas.
3 Q. Très bien. Combien de temps après que le tracteur a été touché vous
4 êtes-vous trouvé sur les lieux ?
5 R. A peu près une demi-heure ou une heure plus tard.
6 Q. Une demi-heure, dites-vous, à peu près. Il vous est impossible de nous
7 dire ce qu'a fait la police, n'est-ce pas ? Vous voyez, ce livre ne se
8 plaint pas, ici, de l'armée. On se plaint de la police. C'est votre premier
9 exemple et sans doute le meilleur pour penser que ce livre n'est pas digne
10 de foi. Mais vous n'étiez même pas sur les lieux, n'est-ce pas ?
11 R. Si j'avais été là-bas, j'aurais été tué, moi aussi, si je m'étais
12 trouvé sur place à ce moment-là. Je suis arrivé une demi-heure après les
13 frappes de l'aviation de l'OTAN.
14 Q. Je n'ai pas le temps d'aller plus loin. Mais est-ce qu'il y a d'autres
15 exemples dans ce passage que vous avez lu --
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais demander ceci au témoin :
17 est-ce que vous avez reçu des rapports qui auraient contredit la version
18 des événements mentionnés dans ce passage que nous venons de voir ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de rapport particulier reçu par moi qui
20 viendrait contester la chose. Ce qui est contesté ou ce qui le conteste,
21 c'est mon passage là-bas, ma déposition et ce que j'ai appris une fois
22 arrivé sur les lieux parce que s'il y avait eu la police là-bas, il y
23 aurait eu au moins un policier de tué. Ils n'ont tout de même pas cette
24 chance-là de ne pas être tués, s'ils se trouvaient à leurs côtés, à ce
25 moment-là.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous venez de faire référence aux
2 connaissances que vous avez acquises sur le terrain. C'est à cela que je
3 pensais, est-ce qu'on vous a dit quelque chose, lorsque vous êtes arrivé
4 sur les lieux, quoi que ce soit qui contredise ce qu'il dit dans ce passage
5 ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je me suis entretenu avec quelqu'un qui
7 se trouvait à la tête de la colonne. J'ai essayé de l'expliquer l'autre
8 jour, mais j'ai été interrompu. Une fois arrivé sur les lieux, je me suis
9 personnellement entretenu avec l'homme qui se trouvait à la tête de la
10 colonne. C'était un homme assez âgé qui m'a dit qu'ils marchaient. Il n'a
11 pas parlé de police du tout. Il a parlé de deux avions et il a montré de la
12 main la direction dans laquelle ces avions étaient parties et cet axe-là
13 coïncide avec l'axe observé par mes soldats qui étaient là pour observer
14 l'espace aérien. Cet homme n'a dit aucun mot au sujet de quatre avions, ni
15 au sujet des couleurs de camouflage de cet avion, ni au sujet de la police.
16 Il me l'a dit dans une langue serbe très bien maîtrisée.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Si je comprends bien le Procureur, ce
18 qu'il vous demande c'est ceci : où, dans cette ouvrage, auriez-vous trouvé
19 des allégations à propos de l'armée ? Vous venez de mentionner un passage
20 qui ne se plaint aucunement de l'armée. Je ne sais pas si j'ai mal compris,
21 mais j'ai l'impression que vous n'avez pas réussi à cerner un passage où il
22 y aurait des plaintes à propos de l'armée. Est-ce exact ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas exact. Ce que je veux dire, c'est
24 que je ne suis pas venu ici pour défendre l'armée. Je suis venu ici pour
25 dire la vérité sur les connaissances qui sont les miennes. Je n'ai jamais
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1 dissimulé de crimes si tant est que j'ai été mis au courant de crimes
2 perpétrés. Vous avez pu vous en rendre compte à partir des plaintes
3 déposées à l'encontre de mes propres soldats qui ont été envoyés au
4 tribunal pour tentative de viol.
5 Je n'ai pas, ici, l'intention, pas plus que je ne suis venu ici pour
6 défendre l'armée, mais pour dire la vérité au sujet d'événements dont j'ai
7 été informé à Djakovica et --
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Excusez-moi de vous interrompre. C'est une réponse que vous fournissez
10 à une question de M. le Juge, mais vous n'y répondez pas.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est en rapport avec la déclaration
12 que vous avez fournie à propos des événements survenus le 24 mars; c'est à
13 l'intercalaire 7.
14 M. NICE : [interprétation] Celle du 28 novembre 2002.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Là, vous dites : "J'ai lu des
16 renseignements selon lesquels les forces de la RFY auraient participé à la
17 destruction de ces quartiers-là de la ville dans un livre publié par le
18 centre de droit humanitaire."
19 Nous, nous essayons de cerner les passages dans le livre que vous avez lus
20 où il serait dit qu'il y aurait eu une participation de l'armée à la
21 destruction de certaines parties de Djakovica. Vous dites avoir parcouru ce
22 livre et avoir trouvé ces passages, mais nous n'en avons pas encore
23 entendu, ni vu pour le moment. Est-ce que vous avez réussi à trouver un
24 passage qui le dit, qui dit ce genre de choses ? La question est simple.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la question est très simple, mais il est
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1 difficile maintenant de retrouver ce passage. Parce que dans un livre de
2 cette taille, il faut beaucoup de temps pour retrouver un passage de la
3 sorte. Dans ce livre, il est question à chaque paragraphe de certaines
4 destructions, de certaines formations paramilitaires ou de crimes; cela est
5 pratiquement impossible à trouver.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Monsieur Djosan, je dois aborder ces questions de la façon la plus
8 synthétique possible, mais en bref, la vérité, la voici, n'est-ce pas : la
9 commission de la VJ n'était aucunement en place pour collaborer, elle
10 servait de filtre pour écarter les éléments qui seraient négatifs pour la
11 VJ, la police, mais surtout pour la VJ et pour permettre à des gens comme
12 vous de fournir des déclarations qui allaient blanchir les activités de la
13 VJ au cours de ce conflit. On vous l'a demandé parce que vous étiez un
14 homme faible, comme le disait le capitaine Peraj.
15 R. D'abord, je ne sais pas de quel type d'homme faible vous êtes en train
16 de parler. Mais ce que vous êtes en train de dire au sujet de la commission
17 n'est pas vrai. Nik Peraj, un jour, fait des louanges à mon égard; puis, il
18 dit que je suis un homme faible. Du reste, pourquoi ferait-il allusion à
19 moi, parce que ce que j'ai cru comprendre, c'est que Nik Peraj, lui, a fait
20 deux dépositions.
21 Q. Revenons à une question que je vous ai posée auparavant; puis, je dois
22 avancer, passer à autre chose. Lorsque vous avez imposé des sanctions
23 disciplinaires à certains de vos soldats, est-ce qu'il y a eu des exemples
24 de cours martiales ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que les gens responsables des cours martiales dans votre système
2 permettent à des soldats, à des subordonnés de faire des déclarations en
3 leurs noms propres ?
4 R. Je ne sais pas. Je ne me suis jamais mêlé des décisions du tribunal. Je
5 ne sais pas non plus comment ce tribunal-ci fonctionne.
6 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé d'être membre d'un de ces tribunaux,
7 lorsqu'il y a cour martiale, en tant que juge ?
8 R. J'étais présent.
9 Q. Fort bien. Est-ce qu'on a donné l'occasion à la personne qui était
10 accusée de déposer, de se défendre ?
11 R. C'est moi qui étais la personne censée donner des déclarations, enfin,
12 si vous permettez, j'étais allé témoigner. C'est moi qui ai fait une
13 déposition. Je ne sais pas ce que vous entendriez d'autre par témoignage.
14 J'estime que je témoigne ici également.
15 Q. Je vais essayer d'obtenir une réponse de votre part, Monsieur Djosan,
16 mais je pense qu'il est manifeste et plus que cela encore, que si vous
17 étiez en train de juger quelqu'un dans le cadre d'un cour martiale, est-ce
18 que vous vous attendriez à ce que des témoins donnent leur récit des
19 événements, leur version ou est-ce que vous vous attendez à ce qu'ils
20 rapportent les propos d'une tierce personne qui pourrait, elle aussi,
21 déposer ? Quel serait l'élément auquel vous vous attendez ?
22 R. Je n'ai jamais siégé moi-même dans un tribunal militaire. J'ai été
23 sollicité pour faire des déclarations, mais je n'ai jamais fait partie
24 Q. Très bien.
25 R. -- d'un jury militaire. Je n'ai jamais siégé dans un tribunal
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1 militaire.
2 Q. La commission de la VJ dans tout ce qu'elle a fait, a essayé de
3 pervertir le cours de l'histoire.
4 M. NICE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis clos
5 partiel, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
7 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 M. NICE : [interprétation] Je reviendrai peut-être, si j'en ai le temps,
16 mais j'en doute.
17 Q. Revenons à la question de Meja. En synthèse, on peut dire que les
18 allégations reviennent à dire qu'il y a eu une opération de nettoyage
19 ethnique pour se venger de l'assassinat d'un policier. A ce propos, vous
20 avez dit, pas du tout, cela a été uniquement une lutte antiterroriste.
21 R. C'est exact.
22 Q. À ce stade, l'UCK, c'était une entreprise, une entité assez
23 impressionnante, n'est-ce pas ?
24 R. Pendant tout ce temps-là, cela a été une organisation paramilitaire et
25 terroriste.
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1 Q. Oui.
2 R. Ce n'était pas un mouvement.
3 Q. Elle était assez formidable, dans le sens d'impressionnant; c'était un
4 groupe de personnes assez effrayantes, n'est-ce pas ?
5 R. Il s'agissait d'une organisation paramilitaire, terroriste avec un
6 grand nombre de membres dans ses rangs.
7 Q. Je ne vais pas vous le montrer, mais on pourrait retrouver Ojdanic, qui
8 dit à une réunion du conseil suprême de la Défense, intercalaire 667,
9 intercalaire 73, réunion du 25 décembre 1998. Ojdanic dit en ce qui
10 concerne les régions frontalières, 90 % des habitants avaient une attitude
11 assez négative à l'égard des services de Sécurité. Ce qui veut dire
12 qu'implicitement, beaucoup de gens soutenaient l'UCK à l'époque. Êtes-vous
13 d'accord avec moi là-dessus ?
14 R. Tout d'abord, laissez-moi vous dire que je ne sais pas ce qu'Ojdanic a
15 dit. Ojdanic est à cinq échelons au-dessus de moi. Je ne sais pas ce qu'il
16 a dit.
17 Q. S'il l'avait dit, seriez-vous d'accord avec lui et pour dire que sans
18 doute 90 % de gens soutenaient l'UCK et étaient hostiles aux forces
19 serbes ?
20 R. La population civile n'a pas soutenu dans un tel nombre ce groupement
21 terroriste de l'UCK.
22 Q. Je vois. Il n'en demeure pas moins que si on veut caractériser l'UCK,
23 c'étaient des gens dangereux et qui inspiraient la peur ?
24 R. Je dirais plutôt que c'était une organisation terroriste sur le
25 territoire d'un état souverain, une organisation paramilitaire et
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1 terroriste.
2 Q. Voyons de quelle façon M. Peraj a décrit l'opération sur ce croquis. Je
3 n'avais pas averti Mme Dicklich que j'allais utiliser cette pièce qui est
4 la pièce 143.
5 C'est M. Peraj qui a tracé ce croquis. Il nous montre l'armée en
6 formation de soutien afin de permettre au MUP de pousser des Albanais du
7 Kosovo innocents vers Meja, là où ils ont été tués par eux. C'est de cette
8 façon-là qu'il présente le dispositif général de forces serbes.
9 J'aimerais que vous me disiez ceci : l'armée ou la police, combien de
10 pertes ont-elles subi, au cours de ces deux journées de combat menées
11 contre des forces assez effrayantes, assez considérables ? Il y a eu
12 combien de pertes dans leurs rangs ?
13 R. Mon unité à moi n'a subi aucune perte.
14 Q. Très bien. Une autre unité --
15 R. Elle n'a pas eu de blessés non plus.
16 Q. Une autre unité. Puisque vous savez tout ce qui s'est passé, il y a eu
17 combien de pertes, s'il vous plaît ? Combien de pertes ?
18 R. Je ne le sais pas.
19 Q. Puis-je --
20 R. Pourquoi le saurais-je du reste ?
21 Q. Mais, Monsieur Djosan, vous avez dit au Juge que vous étiez au courant
22 de toutes sortes de choses qui n'étaient pas en rapport direct avec votre
23 zone de responsabilité. Est-ce que vous nous dites maintenant qu'alors
24 qu'il s'agit d'un événement vraiment notoire, un événement significatif à
25 Meja, pour autant qu'il y ait eu un conflit, que vous ne savez pas si
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1 d'autres soldats ou des policiers auraient été blessés ou pas ? Je voudrais
2 simplement que vous me disiez combien de pertes il y a eu.
3 R. C'est précisément ce que je dis. Je ne le sais pas parce que mon unité
4 y a pris part, mais n'a pas eu de pertes. Les autres qui ont pris part
5 n'ont pas été des subordonnés à moi, ni mes supérieurs non plus. Ils
6 n'étaient pas tenus de m'informer et ils n'avaient nul besoin de m'informer
7 de cela.
8 Q. Mais dites-nous, si les forces de la VJ et du MUP n'avaient pas subi de
9 pertes, est-ce que c'était un coup de chance ? Vous rappelez-vous avoir
10 utilisé ces termes, un coup de chance ? Lorsque vous avez dit que des gens
11 qui auraient été sur le lieu d'un bombardement auraient eu la chance d'y
12 échapper, est-ce que c'est simplement un coup de chance qu'il n'y a pas eu
13 pour autant que c'était vrai, qu'il n'y ait pas eu de victimes du côté
14 serbe, au cours de ces combats qui ont duré deux jours ?
15 R. Monsieur Nice, je n'ai pas dit qu'il n'y a pas eu de pertes dans les
16 autres unités de l'armée de Yougoslavie ou du ministère de l'Intérieur.
17 J'ai parlé de mon unité à moi. Par conséquent, il n'est pas question de
18 chance ou de coup de chance. J'ai parlé de coup de chance dans le contexte
19 qui était celui d'affirmer que toutes les bombes ne tuaient pas et que dans
20 la guerre, chaque balle ne tue pas. Parce que si toutes les bombes et
21 toutes les balles tuaient, il n'y aurait pas eu un seul survivant à
22 Dunkerque.
23 Q. Monsieur Djosan, mais vous savez, bien sûr, ce qui s'est passé à
24 Racak ?
25 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait répéter ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je l'ai appris. Il a été question, ces
2 jours-ci, de Racak.
3 M. NICE : [interprétation]
4 Q. Il n'y a pas eu de victimes du côté des Serbes à Racak. Quelqu'un a été
5 blessé parce que simplement, il y avait eu ricochet d'une balle. Est-ce que
6 ceci traduit la même réalité, c'est-à-dire, des opérations de représailles
7 avec une utilisation tout à fait excessive de la force pour tuer des gens
8 qu'on veut tuer ? Qu'en pensez-vous ?
9 R. Tout d'abord, je ne sais pas ce que vous voulez dire par
10 "représailles." Racak se trouvait à l'extérieur de ma zone de
11 responsabilité. Tous ces événements se trouvaient à l'extérieur de ma zone.
12 Je ne sais rien.
13 Q. D'accord. Puisqu'il en est ainsi, voyons ce qu'il en est de vos unités
14 puisque nous avons reçu maintenant des extraits de votre journal de guerre.
15 Nous avons reçu ce qui était à la disposition de l'accusé. Ne les examinez
16 pas encore, Monsieur Djosan. Essayez d'écouter ma question, d'abord, pour
17 gagner du temps. Vos effectifs, ceux de la VJ, est-ce qu'ils ont déployé un
18 peloton d'intervention au cours de cette opération-ci ?
19 R. Oui.
20 Q. Ce peloton, une section d'intervention, qu'est-ce que c'était
21 exactement ? Quelle était sa nature ?
22 R. J'ai déjà expliqué qu'à l'époque, dans la ville de Djakovica, il y
23 avait des parties de mon unité qui n'étaient pas destinées au combat. Il y
24 avait le commandement, le segment de commandement et un bataillon
25 d'artillerie avec la logistique. A l'époque, il y avait déjà eu des
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1 attaques contre nos unités. Il s'agissait d'un peloton composé de soldats
2 qui étaient tenus, en cas d'attaque contre l'unité, d'être prêts à
3 intervenir ou plutôt, à se défendre. Tout comme chacune des unités a une
4 partie de l'unité chargée de protéger celle-ci, il y avait un peloton
5 chargé de protéger, de défendre le poste de commandement de la brigade.
6 Q. Fort bien. Ce peloton d'intervention, si c'était la fonction qu'il
7 avait, qu'est-ce qu'il avait à voir avec les activités survenues les 27 et
8 28 avril, à Meja ?
9 R. On nous a confié, le commandement supérieur, à savoir, le poste de
10 commandement avancé nous a confié une mission, à savoir que cette unité à
11 nous, comme on l'a désignée, procède à un bouclage sur les cotes indiquées
12 dans l'objectif d'empêcher le passage des terroristes allant du secteur de
13 Meja. C'était déjà la vallée de Carragojs, il ne fallait pas qu'ils
14 arrivent jusqu'à la ville parce que dans la ville, il y avait notre
15 bataillon des arrières, la logistique et l'unité de commandement qui
16 auraient pu être exposés aux activités des terroristes. Chaque unité
17 normale a des effectifs chargés de sa propre protection, à savoir, de la
18 protection des éléments ou des segments les plus importants de ces
19 effectifs.
20 Q. C'étaient uniquement des forces défensives. On appelle cela un peloton
21 d'intervention, mais c'est plutôt à des fins défensives, uniquement à la
22 défensive.
23 Q. Très bien. Est-ce que vous avez une copie du plan Reka ?
24 R. Non.
25 Q. Où se trouve-t-il ?
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1 R. Je ne sais pas pourquoi je l'aurais.
2 Q. Vous savez très bien ce que c'est, ce plan, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 R. Je vous demande simplement une confirmation : si une partie, en
5 l'occurrence, le bureau du Procureur, n'a pas été autorisée à consulter ce
6 genre de documents, si c'est la commission de la VJ ou la VJ même qui ne
7 lui a pas donné accès, il n'est pas possible que le nom même, ce plan Reka,
8 Rijeka, comment voulez-vous que le bureau du Procureur connaisse
9 l'existence de ce plan ?
10 R. Est-ce que vous m'avez posé une question ?
11 Q. Mais oui, c'est une question que je vous pose parce que ce n'est pas un
12 plan d'une notoriété publique.
13 R. De quel plan de notoriété publique parlez-vous ? Posez-moi une question
14 concrète à ce sujet. Vous venez de dénoncer une constatation.
15 Q. Dites-nous ce qu'était ce plan Reka.
16 R. Il s'agissait d'une mission consistant à empêcher le regroupement des
17 forces terroristes Siptar qui s'étaient amoncelées dans la vallée Carragojs
18 dans l'objectif de grossir et de venir en renfort aux effectifs qui
19 s'attaquaient depuis Kosare avec une grande puissance.
20 Q. Apparemment, c'est ce plan qui a amené ou qui a entraîné les choses qui
21 se sont produites les 27 et 28 avril et qui a causé beaucoup de morts dans
22 la région de Meja, n'est-ce pas ?
23 R. Je ne sais pas ce qui s'est produit dans le secteur de Meja. Je sais
24 quel a été le rôle de mon unité dans cette opération.
25 Q. Revenez à la question que je vous ai posée, s'il vous plaît. Vous savez
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1 ce qu'est ce plan Reka puisque vous avez répondu par l'affirmative à ma
2 question. C'est le plan qui a dicté vos actions à vous et les actions de
3 tous les autres dans cette région de Meja les 27 et 28 avril. Est-ce que je
4 suis en droit de le dire ?
5 R. Vous dites, fonctionner, je ne sais pas ce que vous voulez dire par là.
6 Dans le cadre de ce plan, j'avais une mission et c'est tout ce que je sais
7 vous dire à ce sujet. Je sais que ce plan s'appelait Reka.
8 Q. Effectivement, il existe toujours. A moins qu'il n'ait été détruit, il
9 doit y avoir quelque part une copie de ce plan, n'est-ce pas ?
10 R. Je ne l'ai pas. Vous, je ne sais pas.
11 Q. Vous êtes général et vous avez un doctorat, vous êtes titulaire d'une
12 thèse de troisième cycle. Vous pensez pouvoir nous dire ce qui s'est passé
13 à propos de ce plan ? Vous croyez que c'est utile de nous dire ce que vous
14 savez à propos de ce plan ?
15 R. Il serait fort utile de dire et d'apprendre tout ce qui s'est produit
16 dans le courant de cette guerre.
17 Q. Monsieur Djosan, je vais vous le dire sans aucune ambiguïté. Je laisse
18 entendre que vous faites l'impossible parce que vous n'avez pas le choix
19 que pour essayer de blanchir la VJ et votre dernière réponse le montre de
20 façon très claire. Vous avez vendu la mèche. Je vous ai posé une question
21 des plus simples. Essayez d'y répondre. Je vais vous lire la totalité.
22 R. Oui, allez-y.
23 Q. Pensez-vous qu'il serait utile -- pour savoir ce qui s'est passé dans
24 une guerre, pensez-vous qu'il serait utile de savoir quel était le plan qui
25 avait été mis sur pied ? Oui ou non ?
Page 45680
1 R. Oui.
2 Q. Je vous remercie.
3 R. Ce serait utile pour ce qui est de tous les plans.
4 Q. La question n'était pas difficile, n'est-ce pas ?
5 R. Bien sûr qu'elle n'était pas difficile. J'ai suffisamment
6 d'intelligence pour comprendre les questions qu'on me pose.
7 Q. Est-ce que vous comprenez que jusqu'au moment où nous avons vu ces
8 documents qui nous ont été fournis ce matin, documents dont disposait
9 l'accusé, mais qui n'ont pas été transcrits ni traduits pour nous, que
10 jusqu'à ce moment, nous n'avions aucune connaissance de ce plan Reka comme
11 étant un plan qui explique ce qui s'est passé à Meja ces deux jours-là, en
12 avril 1999 ? Est-ce que vous acceptez cette idée ?
13 R. Non, je ne l'accepte pas.
14 Q. Donnez-nous une bonne raison. Essayez d'en trouver une. Cette
15 commission dit vouloir collaborer, coopérer avec le bureau du Procureur du
16 TPIY; pourquoi est-ce qu'une telle commission n'offre pas par votre
17 truchement ou par le truchement d'un autre témoin, n'offre-t-elle pas le
18 plan même qui a provoqué ces morts à Meja ? Donnez-nous une bonne raison
19 pour ne pas produire ce plan.
20 R. Ce terme utilisé pour ce qui est "des tués à Meja," je crois que c'est
21 quand même à mauvais escient que vous l'utilisez. Pourquoi voulez-vous que
22 cette unité -- et cette commission a été supprimée le premier jour de la
23 nomination du ministre approprié ? Il se peut que cette commission ait eu
24 l'intention de vous le communiquer.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a fait un lapsus. Il a parlé du
3 ministre des Affaires étrangères. Or, dans le compte rendu d'audience, il
4 est question du ministre de l'Intérieur. Or, lui, il parlait de façon
5 évidente du ministre de la Défense.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de M. Borislav Tadic qui se trouvait
7 être ministre de la Défense à l'époque. S'il n'avait pas aboli cette
8 commission, il est certain qu'aujourd'hui, il nous serait plus facile de
9 parler de ce sujet.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
11 M. NICE : [interprétation]
12 Q. Je reviens à ce que vous disiez auparavant. La commission avait
13 travaillé deux ans. Elle avait amplement le temps de fournir ce document
14 parce qu'elle a pris du temps à vérifier vos déclarations, celle de
15 Vukovic, celle d'Odak, entre autres. Alors, il n'y a rien qui empêche de
16 fournir ce plan.
17 R. Je ne sais pas. Je sais que j'ai fait une déclaration auprès de cette
18 commission. Je ne sais pas comment elle a fonctionné. Je sais que j'ai fait
19 une déposition et vous avez un document à cet effet.
20 Q. Lorsque Tadic a mis fin aux travaux de cette commission, est-ce que
21 cela s'est fait dans un climat où on a fait des allégations disant que la
22 commission avait agi de manière déshonorable ou malhonnête même ? Est-ce
23 que c'était cela qu'on laissait entendre quelque part à Belgrade ?
24 R. Ecoutez, mon éducation ne me permet pas de m'aventurer à juger les
25 idées du ministre. Il était ministre de l'armée. Je ne sais pas ce qu'avait
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1 été son intention et il ne m'appartient pas de commenter. Il ne m'a pas
2 demandé mon avis, pour ce qui est de mettre fin à son existence ou pas.
3 M. NICE : [interprétation] Je vous demande de pouvoir examiner les
4 documents supplémentaires qui, bien sûr, ne sont pas encore traduits. Ce
5 que je peux faire, c'est de demander à M. l'Huissier qui a un exemplaire
6 supplémentaire de le placer sur le rétroprojecteur. Le témoin a son propre
7 exemplaire. Ce document vient de l'accusé. Commençons par la fin, Monsieur
8 l'Huissier.
9 Dans cette liasse de documents que nous avons, c'est à peu près à six
10 pages à partir de la fin. Le document a cet aspect-ci. Je vous montre la
11 première page.
12 Q. Est-ce que ce document ne montre pas que le journal de guerre dont nous
13 n'avons que très peu de pages et nous en avions encore moins qui étaient
14 traduites en anglais; il y a 198 pages, dans ce journal de guerre.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me suis renseigné auparavant sur ce cachet
18 comportant ce chiffre de 198. C'est quelque chose qu'on insère lorsqu'on
19 donne un cahier vide d'un journal à une unité.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ne faites pas ce
22 genre de commentaire. Une question a été posée au témoin, qu'il y réponde.
23 Ce n'est pas à vous qu'il incombe de répondre.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous ai déjà fourni ces explications la fois
25 passée, mais cela, c'est quelque chose que je ne savais pas. Je voulais
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1 ajouter cet élément-là à mon explication, à l'explication que j'ai déjà
2 fournie.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de compléter l'explication.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans chaque commandement, il y a un registre
6 de cahiers qui ont été visés à chaque page. Quand on donne un registre
7 vierge, il y a, en haut de chaque page, un petit cachet et à la fin, il y a
8 une clause disant que tel registre comporte tel nombre de pages. Cela est
9 affirmé et visé par celui qui a signé et c'est le responsable du
10 département opérationnel qui a signé ici, le capitaine Dobrivoj Vasic. On
11 dit que cela a été fiché au registre de contrôle des registres militaires
12 du poste militaire un tel. C'est le poste militaire 1946.
13 Parce que la brigade que je commandais avait un poste militaire avec
14 un numéro, c'était le numéro 1936.
15 Une fois que le registre est restitué, une fois qu'on a rempli toutes
16 les pages, il faut que ce registre comporte le même nombre de pages. Elles
17 ne sont pas forcément toutes remplies. Si l'agression avait duré plus
18 longtemps, il se peut que toutes les pages aient été effectivement
19 remplies, mais c'est la procédure à suivre; c'est ce qu'on fait avec les
20 cahiers de notes, avec le journal tenu à jour pour ce qui est des tirs
21 effectués et des différents journaux. Tout cahier vierge, une fois qu'il
22 devient un document officiel, doit comporter des cachets. Une fois qu'il
23 est établi un journal de guerre, il faut qu'il soit recensé au niveau de ce
24 fichier. Cela se trouve recensé au numéro 552 et c'est avec intitulé
25 "Journal de guerre." Là-bas, il est indiqué combien de pages le journal en
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1 question comporte effectivement. Voilà de quoi il s'agit.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Nice.
3 M. NICE : [interprétation]
4 Q. Il y a combien de pages ?
5 R. Il y a autant de pages que de journées de guerre.
6 Q. Il y a combien de pages ? C'est tout ce que je veux savoir. La question
7 n'est pas compliquée.
8 R. Je ne sais pas vous dire par cœur. Je n'ai pas sur moi le journal de
9 guerre complet.
10 Q. Maintenant --
11 R. Mais parfois, on utilisait une page pour décrire les événements d'une
12 journée et des fois, deux pages.
13 Q. Cela me suffit. Merci.
14 R. Mais en tout état de cause, les pages doivent toutes être à leur place.
15 M. NICE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, nous allons commencer par
16 le début, c'est la seule façon qui nous permettra de comprendre quelque
17 chose. Nous allons les prendre une à une, ces pages. Prenons la première,
18 tout d'abord. Pas la page de garde.
19 Q. Ici, nous avons la date du 24 mars. Cela ne m'intéresse pas pour le
20 moment. Page suivante, je pense que c'est aussi à propos de cette journée,
21 à la fin, on parle du 25 mars. La page d'après couvre plusieurs jours.
22 Puis, nous avons le 28 mars, au début de la page suivante. Si nous
23 regardons les rubriques pour ce qui est de 21 heures 15, nous voyons :
24 renforcement par la VJ du MUP. Veuillez nous lire ce passage-là.
25 R. "Un peloton BOV pour renforcer le groupe du MUP dans le secteur de
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1 Junik." Cela a été donné comme ordre par le commandant.
2 Q. Est-ce que ceci montre le genre d'opération habituelle, opération
3 conjointe avec le MUP et la VJ ?
4 R. Les membres du MUP et de l'armée de Yougoslavie, çà et là, dans des
5 situations très bien déterminées, lorsqu'il y avait danger de voir les
6 membres du MUP tomber en difficulté, les uns venaient à l'aide des autres.
7 Q. Quel était le rapport de subordination ?
8 R. Personne n'était le subordonné de l'autre.
9 Q. Je vois. Puis, prenez 21.16, veuillez lire ce passage.
10 R. Trois BOV encore pour apporter des renforts au MUP dans le secteur de
11 Junik. Puis, on dit que cela a été donné comme ordre par le chef du Corps
12 de Pristina. J'ai donné l'ordre au commandant de la batterie et j'ai reçu
13 cet ordre de la part du chef de Corps de Pristina.
14 Q. Qui était le chef d'état-major du Corps de Pristina ? Qui était-ce ?
15 R. C'était l'officier qui se trouvait au poste de commandement avancé du
16 Corps de Pristina, sis à Djakovica et au nom du commandant, il avait le
17 droit de nous donner des ordres, à nous autres, qui étions des officiers de
18 commandement.
19 Q. Qui était, à l'époque, ce commandant ?
20 R. Le général Lazarevic.
21 Q. Lazarevic a la capacité de donner des ordres à la VJ pour que la VJ
22 opère avec le MUP et cela s'est passé de façon assez régulière, n'est-ce
23 pas ?
24 R. Oui. Cela est arrivé à chaque fois qu'il y a eu danger de voir les
25 terroristes tuer ou détruire des ressortissants, des membres du MUP.
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1 Q. Page suivante, Monsieur l'Huissier.
2 Là, on voit le début des renseignements concernant le 31 mars. A
3 droite, on voit le huitième jour de la guerre.
4 Page suivante, Monsieur l'Huissier. Cela concerne certains points que
5 j'ai déjà avancés.
6 Ici, on fait en partie référence à des pertes, c'est une des choses
7 qui m'ont intéressé. Veuillez lire ces références qui sont faites. Je pense
8 qu'un certain Djordje Cimbaljevic a été tué.
9 R. Oui, je l'ai retrouvé, Cimbaljevic.
10 Q. C'est la troisième ligne à partir du haut.
11 R. C'est exact.
12 Q. Relater les circonstances de sa mort et des blessures infligées à
13 Tadic, Aleksandar Tadic.
14 R. Oui. "Un radar a été touché et détruit et il a été tué, entre
15 parenthèses, ont brûlé les soldats Cimbaljevic, fils de Milic Djordje, né
16 le 17 août 1979 à Barani [phon], Monténégrin, faisant partie de l'armée de
17 Yougoslavie à commencer par le
18 23 septembre 1998. Ensuite, Ivanovic Zoran, fils de Tomislav, né le 22
19 juillet 1978, à Trstenik, Serbe, membre de l'armée de Yougoslavie depuis le
20 24 juin 1998.
21 Q. Je vais vous interrompre un instant. Ces deux hommes, je ne sais pas si
22 c'est Aleksandar Tadic qui a été blessé, il a été tué ou blessé au cours
23 d'un bombardement, pas par l'UCK, n'est-ce pas ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Merci.
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1 R. C'est ce qui est dit.
2 Q. Continuons. Page suivante, nous arrivons au 1er avril; là, la
3 présentation n'est pas la même. On va peut-être réfléchir parce que nous
4 n'avons pas l'original. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la
5 présentation est différente ?
6 R. Tout simplement parce que la tenue à jour d'un journal de guerre ne se
7 trouve pas être réglementée à part. Un journal de guerre doit décrire des
8 événements importants pour chaque journée au niveau de la journée d'une
9 unité. Mis à part ce fait, les journaux de guerre n'ont pas toujours été
10 tenus à jour par les mêmes personnes. L'officier qui se trouvait au QG
11 tenait à jour ce journal de guerre et certains d'entre eux partaient en
12 congé. Ce n'est pas toujours la même personne qui remplissait le journal de
13 guerre.
14 Q. Savez-vous qui a inscrit ces notes concernant le
15 1er avril 1999 ?
16 R. Je ne sais pas. Je ne m'en souviens pas.
17 Q. Mais vous n'avez pas de raison de mettre en doute --
18 R. Moi aussi, je n'arrive pas à m'en souvenir.
19 Q. Pas de raison de douter de la fiabilité, de l'exactitude de ce qui est
20 consigné ici ?
21 R. Aucune raison.
22 Q. Bien. Prenons la deuxième page qui semble concerner le
23 1er avril. Veuillez lire à cinq lignes après le début, 11 heures 50.
24 R. On dit : "Les gardes à Cabrat ont remarqué un groupe d'une trentaine
25 d'Albanais en train de quitter la ville. Il a été dit au lieutenant Krunic
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1 de les garder là jusqu'à l'arrivée MUP. Un grand groupe d'Albanais a quitté
2 la ville. Entre 18 heures et 21 heures, il a été procédé suite à l'ordre du
3 commandant de la brigade, un déplacement du poste de commandement depuis le
4 site maison Maslenica vers la maison de la Culture à Djakovica. Les
5 conditions de travail et de vie pour ce qui est de ce poste de commandement
6 se trouvent être meilleures. Ce jour-là, il n'y a pas eu de frappes de
7 l'OTAN contre nos unités, les unités de la brigade et il n'y a pas eu
8 d'activités de nos effectifs non plus contre les avions de l'OTAN."
9 Q. Je vous demande de vous interrompre un instant. Ici, on parle de tous
10 les Albanais du Kosovo, la plupart des autres en tout cas comme étant des
11 terroristes. Mais ici, pour une fois, on dit qu'on retient des hommes
12 Albanais. Pourquoi est-ce qu'on les retient quelque part en plein milieu
13 d'une guerre. On ne dit pas que ce serait des terroristes ou des membres de
14 l'UCK. On dit simplement des Albanais.
15 R. C'est exact. Tous les Albanais n'étaient pas des terroristes et tous
16 les Albanais ne faisaient pas partie de l'UCK, et bon nombre d'entres eux
17 n'apportaient pas leur soutien à l'UCK. Parce que si ceux-ci avaient été
18 des terroristes, ils auraient ouvert le feu en direction de mes soldats et
19 le lieutenant Krunic n'aurait pas eu l'occasion de les retenir, cette
20 trentaine. Or je précise qu'un peloton ne compte que 20 soldats.
21 Q. Pourquoi est-ce qu'on ne leur permet pas de partir en liberté pour
22 décider eux-mêmes de leur propre sort ?
23 R. Ils sont passés par les lignes de déploiement de notre unité. Notre
24 unité se trouvait déployée à Cabrat.
25 Q. En passant, avant de passer à autre chose, avant que je ne l'oublie,
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1 auparavant vous avez relevé une coïncidence entre les gens qui partaient du
2 Kosovo et Metohija au début des bombardements, il y a une explication toute
3 simple. Vous la connaissez aussi bien que moi. Personne n'a véritablement
4 cru que le présent accusé allait éviter des négociations jusqu'au tout
5 dernier moment. Personne n'a pensé qu'il allait permettre les bombardements
6 et pourtant, il l'a fait, c'est ce qui a retardé le départ de ces gens
7 jusqu'à ce moment-là. Est-ce que ce n'est pas la vérité ou une partie de
8 celle-ci ?
9 R. Ce sont des insinuations de votre part. Tout d'abord,
10 M. Milosevic n'a pas eu à autoriser le début des bombardements. C'est
11 quelqu'un d'autre qui a autorisé cela, mais cela, on finira bien par le
12 savoir un jour ou l'autre.
13 Deuxièmement, je tiens à dire que ce jour-là, il y a eu des gens qui ont
14 commencé à fuir Belgrade et les autres villes. Du reste, certaines de ces
15 personnes ont été accueillies par vous, dans vos villes respectives.
16 Q. Prenons la page suivante. Nous parlons maintenant du
17 2 avril, la page d'après le 3 avril. C'est pareil pour la suivante, puis,
18 on change de nouveau de présentation. Là, il s'agit du 7 avril. Page
19 suivante, le 8. La page suivante concerne le 25 avril.
20 Nous continuons pour arriver, je pense -- oui, c'est bien cela, au 27.
21 Puis, on ne sait pas où se trouve le 26. Nous n'avons pas reçu les pages
22 concernant la date du 26 avril.
23 Vous savez pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'on ne le retrouve pas dans
24 cette liasse de documents ? Il n'y a rien qui s'est passé le 26 qui vous
25 embêterait particulièrement, dont vous auriez honte, en particulier ?
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1 R. Je n'ai honte de rien du tout. Le fait que cette page manque, je dirais
2 que ce n'est pas la seule page manquante. Si vous vous procurez le journal
3 complet, vous verrez que toutes les pages sont à leur place et que cela
4 correspond tout à fait à l'attestation qui a été fournie tout à l'heure,
5 mais je n'ai aucune raison d'avoir honte de quoi ce soit.
6 Q. Petit rappel, le 27. C'est le journal de guerre de votre groupe et ce
7 qui vous intéresse en particulier, c'est la défense antiaérienne, n'est-ce
8 pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce que vous pourriez lire la première rubrique du
11 27 avril pour nous dire quelles sont les indications en matière de temps.
12 On voit Putarak [phon] à gauche, qu'est-ce que ceci nous dit ?
13 R. Oui. Cela dit que c'était le 27 avril et que cette année-là, c'était un
14 mardi et je cite : "Avec plus d'intensité que la veille, l'aviation ennemie
15 frappe l'espace aérien depuis le matin."
16 Q. Poursuivez.
17 R. J'ai un peu de mal à lire cette écriture. Je continue.
18 "Les actions sont menées sur les bâtiments habituels comme le montre
19 l'objectif Devet Jugovica et le MUP ainsi que les numéros. Le nettoyage des
20 forces Siptar de Reka auxquelles participe la batterie mixte de la 1ère
21 Division PVO à l'aide d'un bataillon des arrières commandé par --"
22 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait lire un peu plus lentement ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Djosan, vous êtes prié de
24 lire plus lentement pour les interprètes.
25 M. NICE : [interprétation] Cela aiderait la Chambre de savoir que vous êtes
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1 arrivé à la ligne qui suit la ligne 0600 ou peut-être la ligne qui est
2 juste au-dessus de celle-ci.
3 Q. J'aimerais que vous repreniez votre lecture à partir de "L'opération de
4 nettoyage de Reka."
5 R. "L'opération de nettoyage des Siptar qui s'appelaient Reka a commencé…"
6 là je parle de mon unité "…avec un bataillon mixte du 1er SARD. C'est la 1ère
7 Division, un peloton comptant des effectifs égaux à ceux d'une compagnie et
8 une compagnie d'une division. L'action a été menée selon le plan et selon
9 la dynamique prévue et, en raison de l'absence du commandant qui se trouve
10 au sein du 2e PVO division des roquettes, le commandement a été transféré.
11 Les opérations ont commencé conformément à ce qui était prévu dans le
12 plan."
13 Q. On se concentre là-dessus, mais j'aimerais que les Juges soient
14 rassurés en ce qui concerne les données relatives au temps. Vous voyez à
15 gauche, dans la colonne à gauche 0600, 0830, 1100. Est-ce que tout cela, ce
16 sont des mentions relatives à la défense aérienne ?
17 R. Oui.
18 Q. Il y a mention d'un soldat blessé à 12 heures, si je ne m'abuse. Est-ce
19 que son nom est Ilic ?
20 R. Toplica Ilic.
21 Q. Oui, Toplica Ilic. Il est blessé suite à quoi ? Par quoi ? Le
22 bombardement, n'est-ce pas ?
23 R. Non. Il a été blessé dans le village de Kijevo suite aux actions des
24 terroristes Siptar. Ce n'est pas ici que cela se passe.
25 Q. Pourriez-vous lire cette rubrique intégralement ?
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1 R. Oui. Je cite : "Le colonel Trajkovic de Pristina fait savoir que dans
2 la brigade KM, le soldat Toplica Ilic, membre du
3 1er PVO SARD, est mort des suites de ses blessures de la veille. Transféré
4 pour recueil des données nécessaires au KBC de Pristina."
5 Q. Cet homme a été blessé; il est ensuite mort de ses blessures, mais il
6 n'a pas été blessé pendant la campagne ou le conflit de Meja, quel que soit
7 le nom qu'on veuille lui donner, mais il a été blessé au cours d'un
8 événement antérieur. Quand et où ?
9 R. Il a été blessé à 100 kilomètres de là dans le secteur de la division.
10 Q. D'accord. On n'a pas à s'y intéresser, pas de rapport avec Meja.
11 R. A l'endroit du 1er Bataillon d'artillerie.
12 Q. Maintenant, revenons à la rubrique qui nous intéresse vraiment, ce
13 jour-là.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un point d'intendance.
15 M. NICE : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nice, vous avez dit que la page
17 correspondant au 26 avril ne figure pas dans ce journal de guerre.
18 M. NICE : [interprétation] Mais on le trouve dans l'original.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je l'ai trouvé dans la traduction
20 anglaise, mais je n'ai pas trouvé la page correspondante en B/C/S original.
21 M. NICE : [interprétation] Oui, vous avez absolument raison, Monsieur le
22 Juge, c'est d'ailleurs cette constatation qui m'a alerté et m'a montré
23 qu'il fallait que nous regardions de plus près les dates des journées du 27
24 et du 28. Je ne vois pas d'explications pour cela, Monsieur le Juge. Peut-
25 être des vérifications complémentaires pourront-elles nous permettre de
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1 découvrir cette page correspondant au 26, quel que soit son numéro,
2 d'ailleurs ?
3 Q. Regardons cette rubrique correspondant à 0600, c'est-à-dire, 6 heures
4 du matin; visiblement, il est question de forces terroristes Siptar et
5 d'une batterie mixte, peloton autopropulsé -- c'est une formation qui
6 dépendait de vous ?
7 R. Oui.
8 Q. Un peloton d'infanterie du bataillon chargé de la logistique. Est-ce
9 qu'il dépendait de vous aussi ?
10 R. Oui.
11 Q. Deux bataillons d'infanterie ne dépendant pas de vous, n'est-ce pas ?
12 R. Ce ne sont pas des bataillons, mais deux pelotons ou détachements.
13 Q. Une chose à la fois, s'il vous plaît.
14 R. -- de deux bataillons.
15 Q. Vous avez lu le mot bataillon, c'était peut-être un lapsus, mais voyons
16 le texte. Qu'est-ce qui est écrit là ? Quel est le mot qui figure ?
17 Bataillons ou pelotons ?
18 R. Peloton de deux bataillons différents. La division du commandement
19 mais, en tout cas, c'est un peloton, un détachement, ce n'est pas un
20 bataillon. Un bataillon est une unité tout à fait différente.
21 Q. Très bien. D'accord, puisque la vérification a été faite, alors,
22 qu'est-ce que votre unité de défense aérienne a fait puisqu'elle a apporté
23 des effectifs pour participer à cette opération ? Quelle était sa
24 destination ?
25 R. Mon unité dans cette opération, d'ailleurs, ce n'est pas une opération,
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1 c'est une action antiterroriste, se trouvait sur la ligne de bouclage dont
2 j'ai parlé quand nous avons discuté de la carte. Ici, dans ce texte, on a
3 un texte qui reprend la description de la situation illustrée par la carte
4 et je suis tout à fait d'accord --
5 Q. Non, non. Ce n'est pas cela que cela décrit. On voit ici "mention du
6 plan envisagé." Le plan, c'est un plan Reka dont nous n'avions aucune
7 connaissance jusqu'à ce qu'il en soit question ici, ce matin. Pour répondre
8 à votre dernière phrase où vous disiez que ceci reprend au mot la situation
9 illustrée par la carte, je vous dis non, ce n'est pas le cas.
10 Maintenant, penchons-nous sur le jour suivant --
11 R. Ce que je voulais dire parce que -- reprenons cette phrase, le
12 déroulement a eu lieu selon le plan, cela signifie que l'unité qui était
13 chargée de telle ou telle affectation, à savoir la mienne, a rempli sa
14 tâche -- sa mission conformément à ce qui était prévu, ce qui signifie
15 qu'elle a tenu la ligne de bouclage comme elle devait le faire. Parce qu'on
16 inscrit dans un journal de guerre, c'est la description des actions menées
17 par sa propre unité.
18 Q. Bien sûr, nous voyons ici un certain nombre d'unités sous vos ordres,
19 nous voyons leur segmentation, ce qui tout de même fait un nombre
20 considérable au total, on a à la base, au niveau inférieur, le peloton,
21 puis, on monte dans l'hiérarchie en passant à la compagnie, à la brigade,
22 tout cela. Cela donne pas mal d'archives, pas de documentation finalement,
23 n'est-ce pas, à l'époque ?
24 R. Les archives, on les garde à un endroit bien déterminé. Les archives de
25 la brigade, c'était la formation que je commandais, étaient conservées dans
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1 un lieu déterminé. Les archives d'une autre unité dans un lieu différent.
2 Le Corps d'armée, lui, il a ces archives dans un troisième lieu encore. Si
3 nous parlons sur un mode hypothétique et qu'on envisage que par hypothèse,
4 toutes ces archives se trouvent dans le même bâtiment, cela ferait pas mal
5 de documents, cela ferait une grosse masse de documents, mais cela n'existe
6 pas en un seul lieu.
7 Q. Je vois que vous n'affirmez pas que ces archives ont pu être détruites
8 par les avions de l'OTAN, ou est-ce que vous l'affirmez ?
9 R. Qui a parlé de bombardement à l'instant ? Je n'ai pas dit que mes
10 archives avaient été détruites par les avions de qui que ce soit et encore
11 moins les archives de quelqu'un d'autre. Ne me mettez pas des mots dans la
12 bouche que je n'ai pas prononcés, s'il vous plaît.
13 Q. Combien a-t-on fait de prisonniers, le 27, dans ce que vous dites être
14 une opération antiterroriste ? Est-ce qu'il y a eu des prisonniers ? Ou
15 est-ce que comme à Racak, il n'y a pas eu de prisonniers ?
16 R. Mon unité n'a fait aucun prisonnier.
17 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre a fait des prisonniers ? Est-ce qu'une
18 autre formation de l'armée yougoslave ou du MUP, de la police ou est-ce que
19 des paramilitaires auraient fait des prisonniers ?
20 R. Ecoutez, est-ce qu'il faut vraiment que je vous explique cinq fois
21 qu'il n'y avait pas de forces paramilitaires ? Ecoutez, respectez-moi au
22 moins un peu quand je vous parle. C'est le premier point.
23 Deuxièmement, je ne sais pas quelles autres unités ont fait quoi. Ce
24 n'était pas ma responsabilité.
25 Q. Mais voyez-vous --
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1 R. L'unité que je commandais n'a pas eu de contact --
2 Q. Vous avez très librement fourni des renseignements de seconde main
3 quant à la présence ou l'absence de paramilitaires au Kosovo et vous nous
4 avez dit qu'il n'y avait pas de paramilitaires. Vous aviez de nombreuses
5 sources d'information pour le vérifier. Quand je vous ai posé une question
6 au sujet de cela, mais plus près de la situation qui vous concerne, nous
7 sommes dans une situation différente. On peut obtenir des registres ou des
8 documents de quelqu'un d'autre, voyez-vous, pour vérifier. Je vous demande
9 simplement s'il y a des documents qui traitent de ce sujet, mais je ne sais
10 pas ce qu'il en est pour le moment avant que vous m'ayez répondu. Répondez.
11 Y a-t-il eu des prisonniers qui aient été faits à Meja les 27 et 28 ? Oui
12 ou non ou je ne sais pas éventuellement ?
13 R. Je ne sais pas.
14 Q. Reparlons du 28, voyons le journal.
15 Je demande à mon confrère si je ne me trompe dans l'identification du
16 passage, mais on voit le 28, puis, une, deux, trois rubriques, 0700, 0800,
17 1500 heures, toutes ces rubriques concernent la défense aérienne, n'est-ce
18 pas ?
19 R. Jusqu'à 18 heures, oui, c'est le rapport fait par l'officier de service
20 ce jour-là…
21 Q. Voyons ce qui figure face à l'indication horaire 0700, pourriez-vous
22 lire ce passage ?
23 R. Je cite : "Accord rapide entre les organes de commandement de la
24 brigade pour les autorisations du jour où il est souligné que des unités
25 sont engagées dans la zone Reka, que le chef du génie et le NABHO, en cas
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1 de destruction du pont, devront identifier des trajets de rechange,
2 quelques mots des ordres à donner uniquement aux soldats subordonnés."
3 Q. Je me permets de vous interrompre, mais si vous voulez, vous pourrez
4 continuer la lecture.
5 R. Je peux m'arrêter ici aussi. C'est vous qui décidez.
6 Q. Il est dit, n'est-ce pas, dans ce passage, qu'il y a une courte réunion
7 entre tous les commandants de la brigade pour organiser la journée ? Dites-
8 moi, je vous prie, où on trouve trace de cette réunion ? Pourquoi n'en
9 trouve pas t-on trace dans ce texte ?
10 R. Vous en avez une trace ici. C'est de cela qu'il est question ici. Cela
11 fait office de rapport.
12 Q. Mais on ne trouve pas mention de l'endroit où telle ou telle personne a
13 été déployée, de ce qui a pu se passer concrètement. On dit simplement que
14 l'unité d'intervention est toujours engagée dans le secteur de Reka.
15 Qu'est-ce que cela signifie ?
16 R. Cela signifie que ce que je vous dis depuis quelques jours, à savoir
17 qu'elle se trouvait à l'endroit où elle allait rester jusqu'à 16 heures, ce
18 jour-là. C'est ce que confirment ma déposition et la déposition du
19 lieutenant-colonel Odak.
20 Q. Mais les unités dont nous avons parlé plus tôt, laquelle d'entre elles
21 est le peloton d'intervention parce que vous avez parlé de votre peloton ou
22 détachement, mais laquelle des unités dont nous avons parlé jusqu'à présent
23 constitue le peloton d'intervention ?
24 R. Le peloton d'intervention, c'est un terme général qui désigne une unité
25 créée en cas d'attaque ou de mise en danger d'un certain nombre de points
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1 précis. Chacun au sein d'une division, au cas où il y a attaque simultanée
2 depuis la terre, parce que les unités sont des cibles constantes pour une
3 attaque aérienne, puisque la mission de ces unités consistait à attaquer
4 les terroristes, s'il y avait en même temps attaque à partir de la terre et
5 attaque aérienne, il fallait qu'intervienne cette unité d'intervention. Or,
6 c'est bien ainsi que les choses se sont passées suite à la coordination, à
7 l'accord entre l'UCK et l'OTAN.
8 Q. Voyons maintenant les autres rubriques correspondant à la désignation
9 horaire de 0800 heures, puis 15 heures.
10 R. Pour 8 heures, je cite : "Les organes du commandement effectuent leur
11 mission conformément au plan."
12 Q. Alors ?
13 R. Puis, 15 heures : "Le commandant et le chef, le chef du groupe
14 opérationnel ont séjourné au sein du 3e PVO et contrôlé les batteries de
15 roquettes où ont été constatés sur place un certain nombre d'insuffisances
16 et des remarques concrètes ont été faites. Le chef d'état-major au sein du
17 commandement dans le secteur de Reka, l'aviation ennemie intensifie ses
18 inspections et intervient de temps en temps contre des objectifs choisis
19 dans la caserne du Devet Jugovica."
20 Q. Arrêtez-vous un instant.
21 R. "A 10 heures 15, ils ont attaqué --"
22 Q. Arrêtez-vous un instant.
23 R. "-- les casernes Devet Jugovica."
24 Q. S'agissant de ce qu'on peut constater à la lecture de ce texte de ce
25 qui a pu se passer à Meja, qui est ce chef d'état-major ?
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1 R. Il s'agit du colonel Novica Stankovic.
2 Q. Colonel Stojanovic ?
3 R. Non, Novica Stankovic. Colonel Novica Stankovic.
4 Q. On a sa déposition dans la documentation dont on dispose ici. Est-ce
5 que c'est vous qui avez produit cette déposition de Stankovic ?
6 R. Je ne lui ai pas demandé la moindre déposition. Je ne sais pas comment
7 je pourrais l'avoir.
8 Q. Mais elle se trouve dans notre documentation.
9 R. Pas dans la mienne.
10 Q. Est-il en vie ? Se porte t-il bien, ce Stankovic ?
11 R. Oui.
12 Q. Où habite t-il ?
13 R. A Leskovac.
14 Q. Est-ce qu'il y a une raison précise pour laquelle il ne serait pas prêt
15 à déposer au sujet de l'unité qu'il commandait ?
16 R. Je ne vois pas, je ne vois aucune raison de ce genre chez lui. Je ne
17 cois pas qu'il ait quoi que ce soit à cacher.
18 Q. Toute personne ayant une importance potentielle a été convoquée par la
19 commission, mais celle-ci était tout de même un peu dépendante de la
20 coopération ou la non coopération de ces personnes. Est-ce que vous savez
21 si cet homme a été convoqué par la commission ?
22 R. Non, il n'a pas été convoqué.
23 Q. Tous ceux qui connaissaient ou avaient lu l'ouvrage intitulé "Raconté,
24 relaté comme les choses ont été vues" ou l'ouvrage "Aux ordres" ou un
25 certain nombre d'autres récits relatifs à Meja et qui savent que l'armée
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1 était censée garder le territoire pendant que certains procédaient aux
2 assassinats, l'homme responsable du peloton d'intervention aurait dû, dans
3 ce cas-là, être au courant de ce genre de choses, n'est-ce pas, que ces
4 choses soient vraies ou pas ? Il en savait plus que d'autres parce qu'il
5 était plus près de l'action.
6 R. Non.
7 Q. Non, ce n'est pas vrai ?
8 R. Non, ce n'est pas vrai.
9 Q. Pourquoi pas ? Qu'est-ce qui n'est pas vrai ? Dites-le- nous, je vous
10 prie. Où est-ce que je me suis trompé ?
11 R. Ce qui n'est pas vrai, c'est que l'armée n'a pas assuré la sécurité à
12 qui que ce soit en train d'assassiner qui que ce soit. L'armée et la police
13 de Kosovo-Metohija n'ont tué personne. Ils combattaient les terroristes
14 comme on les combat partout dans le monde.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous allons faire 20
16 minutes de pause.
17 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.
18 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, à vous.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. S'agissant des volontaires, revenons sur ce que vous avez dit. Vous
22 avez dit que les volontaires n'étaient jamais autorisés à constituer la
23 partie majoritaire ou l'entièreté d'une unité. La pièce à conviction qui a
24 été examinée en rapport avec Vukovic,
25 intercalaire 4A, si je me souviens bien de la numérotation, j'aimerais que
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1 nous reprenions ce texte. Sur le rétroprojecteur, Monsieur l'Huissier, il y
2 a une partie surlignée en haut de la page. Vous voyez, je cite : "Le
3 peloton des volontaires fantômes et l'escadron Zverka de la compagnie de
4 Reconnaissance." Qu'est-ce que c'est que ce peloton des volontaires de
5 fantômes ? C'était bien un peloton de volontaires, semble-t-il ?
6 R. C'est la première fois que j'entends parler de cela. Vukovic n'est pas
7 mon supérieur. Je n'ai pas la moindre idée de ce que je lis ici. Je ne suis
8 absolument pas au courant. Il faut que vous posiez la question à Vukovic.
9 Q. Mais, Monsieur, il apparaît que votre connaissance générale de ce qui
10 se passait au Kosovo est assez peu solide. Apparemment, il se pouvait que
11 des choses se passent sous votre nez sans que vous soyez au courant; c'est
12 bien cela ? Je lis une partie de ce que vous avez dit, entre autres, sur ce
13 sujet, je cite : "Il est impossible de trouver dix volontaires dans un
14 peloton de 30 hommes." Apparemment, il est question d'un peloton entier.
15 R. En effet, c'est exact qu'il ne peut pas y avoir plus de dix hommes,
16 grand maximum.
17 Q. Mais est-ce qu'on pourrait maintenant regarder le document suivant ? Je
18 crois qu'il s'agit de la pièce 13A, n'est-ce pas ?
19 R. Je voudrais répondre. Je parlais de mon unité à moi. Le colonel Vukovic
20 ne faisait pas partie de mon unité; je ne peux pas parler en son nom.
21 Q. Serait-il prudent pour nous de réexaminer votre déposition, pour le
22 revoir sous ce jour-là, à savoir que tout ce que vous avez dit ne
23 concernait uniquement et exclusivement que votre unité ? Est-ce que ce
24 serait une attitude prudente de notre part, à votre avis ?
25 R. Absolument. Je ne parle, ici, dans mon témoignage, que de mon unité, de
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1 ce qu'elle a fait et des missions qui lui ont été confiées.
2 Q. Mais alors, c'était quoi ? Des propos regrettables, malhonnêtes ou
3 mensongers, lorsque vous avez répondu de façon plus générale ?
4 R. Malhonnête, cela n'a sûrement pas été le cas. Je suis venu ici pour
5 dire la vérité et je refuse de faire des conjectures. Vous exigez de moi
6 que je devine, que je suppute, que j'émette des conjectures et je m'y
7 refuse.
8 Q. Monsieur Djosan, nous ne serions pas en train de parler de tout cela,
9 si vous n'aviez pas choisi, si vous n'aviez pas été volontaire pour
10 présenter des déclarations très générales au sujet des militaires et de la
11 pratique qui a été appliquée dans l'ensemble du Kosovo. Ceci découle des
12 réponses faites par vous et par personne d'autre.
13 Examinons la pièce 13A de Farkas, je vous prie, sur la question des
14 volontaires et des paramilitaires en même temps car nous parlerons
15 rapidement des paramilitaires.
16 C'est un document qui va être produit par Farkas, je crois, 13A.
17 J'aimerais qu'on le passe sur le rétroprojecteur.
18 Le paragraphe du bas. Il s'agit du 20 avril 1999, je cite : "Dans la
19 première période, aucune organisation des volontaires n'a été mise sur pied
20 au PC de Bubanj Potok. Ils ont simplement été regroupés et emmenés au 3e PC
21 de l'armée et souvent, sans leur accord et sans aucune coordination avec
22 eux. Ils appartenaient principalement à des groupes paramilitaires créés
23 antérieurement et un certain nombre d'entre eux étaient inaptes au service
24 militaire
25 (il s'agissait d'hommes qui boitillaient, d'alcooliques, de gens qui
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1 avaient une mauvaise vue, et cetera.) Finalement, ils ont été envoyés dans
2 la 1ère branche de l'armée. Un certain nombre de volontaires s'est retrouvé
3 sur des positions déterminées."
4 Mais ce que je veux vous demander, c'est : est-ce qu'il est exact que
5 d'après ce qu'on lit ici, les volontaires ont été regroupés pour se
6 retrouver au sein de la 3e Armée et qu'ils venaient, pour la plupart,
7 d'anciens groupes paramilitaires et pour certains, de groupes de
8 délinquants ?
9 R. Je ne sais pas ce que Farkas voulait dire exactement en parlant
10 ainsi, mais vous avez sa déposition. C'est à lui qu'il faut que vous posiez
11 la question.
12 Q. Est-il exact, parce que je sais que maintenant, vous tenez beaucoup à
13 dire que ce que vous dites dans votre déposition ne concerne que votre
14 unité et les environs immédiats, mais vous vous êtes exprimé un peu
15 différemment précédemment. Est-il exact que ces gens qui combattaient sur
16 ce territoire et avaient commencé en tant que délinquants pour, ensuite,
17 devenir paramilitaires et ont été versés dans l'armée par le processus du
18 volontariat ? Ceci est-il exact ?
19 R. Je ne suis pas au courant de cela. Ce que je sais au sujet des
20 volontaires que j'avais sous mes ordres, c'était que c'étaient des hommes
21 tout à fait corrects, tout à fait respectables et qu'ils faisaient partie
22 d'unités en bonne et due forme. Maintenant, s'agissant de ce qui s'est
23 passé ailleurs, dans d'autres groupes, je ne saurais en parler car ce
24 serait supputer de la situation ailleurs.
25 Q. Alors, on parle des volontaires et on parle de vos réponses assez
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1 générales. Est-ce que vous connaissez les Skorpions, ces gens qui, dit-on,
2 ont été filmés alors qu'ils commettaient des assassinats ? On en parle
3 beaucoup à Belgrade. Est-ce que vous les connaissez ?
4 R. J'en ai entendu parler par la télévision, mais je n'ai aucun
5 renseignement concret à ce sujet. Tout ce que j'ai entendu à la télévision,
6 je peux vous en parler, c'est tout ce que je sais.
7 Q. Savez-vous que les Skorpions ont été utilisés au Kosovo, compte tenu
8 des besoins et que leur première action a consisté à aller tuer des civils
9 à Podujevo; après quoi, on les a retirés, puis, on les a réengagés là-bas.
10 Selon le général Vasiljevic qui a déposé ici, on les a déployés une
11 nouvelle fois dans une autre région et ils ont tué 20 civils à Gnjilane.
12 Est-ce que vous étiez au courant de cela ? L'assassinat de 20 civils par un
13 groupe paramilitaire, d'après le général Vasiljevic, c'est un groupe assez
14 nombreux tout de même ?
15 R. Je ne suis pas au courant de cela. Il faut lui poser la question. S'il
16 l'a dit, je suppose qu'il a des idées précises au sujet de ce qu'il dit. Je
17 ne suis pas au courant.
18 Q. Au sujet de ce que dit le général Vasiljevic sur des faits, des faits
19 qui appartiennent à l'histoire, c'est bien cela ?
20 R. J'ai tendance pour ma part à mettre en doute tout ce que mes yeux n'ont
21 pas vu eux-mêmes, tout ce que je n'ai pas entendu moi-même ou lu moi-même.
22 Q. Mais vous avez entendu la question. Sentez-vous libre de dire ce que
23 vous voulez au sujet de qui que ce soit devant ce Tribunal ? Vous nous avez
24 dit que vous aviez des raisons de douter de ce que le général Vasiljevic a
25 dit devant ce Tribunal dans sa déposition; c'est bien cela ?
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1 R. Je ne sais pas ce qu'il a pu dire et tout ce qu'il a pu dire. La seule
2 chose que j'ai entendue, j'ai dit à son sujet que j'avais des raisons de
3 douter de ce que je n'avais pas entendu ou vu moi-même.
4 Q. Mais s'agissant d'incendier des bâtiments, j'aimerais que vous vous
5 penchiez, si vous voulez bien, sur la pièce à conviction Delic, pièce
6 produite par le témoin Delic. Est-ce que vous avez des raisons de douter ?
7 Il s'agit de l'intercalaire 72 de la pièce D299. Avez-vous des raisons de
8 mettre en doute ce qu'a dit le général Delic ?
9 R. Comme je l'ai déjà dit et je le répète, j'ai tendance à mettre en doute
10 tout ce que je n'ai pas vu, entendu ou fait moi-même.
11 Q. Dans ce procès-verbal d'une réunion de l'état-major du MUP, le 11 mai
12 1999, à Pristina, c'est cela qui fait l'objet de ce texte, page 12 de la
13 version anglaise, la 124e Brigade et son commandant, un certain Colic.
14 Voilà ce qu'on lit dans ce passage du texte. Est-ce que vous le
15 connaissez ? Vous connaissez Colic ?
16 R. Non. Je ne le connais pas.
17 Q. Vous avez trouvé ce paragraphe 12. Une fois que vous aurez trouvé le
18 paragraphe 12, je vous demanderais de vous rendre au dernier paragraphe de
19 ce procès-verbal d'une réunion du MUP, le
20 11 mai 1999 et qui, c'est écrit dans le texte, s'est tenue à Djakovica. Je
21 cite : "Les citoyens et les réfugiés de la ville de Djakovica ont été
22 traités correctement pendant les opérations. Cependant, après toutes les
23 actions, des réservistes de l'armée yougoslave ont mis le feu à des maisons
24 et ont pénétré dans ces maisons. Nous avons informé les commandants de la
25 VJ, armée yougoslave, pour que de telles actions soient empêchées."
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1 Vous nous avez dit vous être retrouvé sur place et vous voyez que des
2 réservistes de la VJ disent ce qui s'est passé et que c'est enregistré dans
3 un procès-verbal de réunion du MUP ?
4 R. Je n'ai pas assisté à cette réunion du MUP et je ne suis pas au courant
5 de cela. Le général Delic avait une zone de responsabilité beaucoup plus
6 vaste que la mienne. Je me concentrais principalement antiaérienne.
7 Q. Vous réduisez la portée de votre déposition en disant que ce vous dites
8 ne concerne que ce vous connaissiez. Mais répondez : était-il possible
9 qu'une maison soit incendiée à Djakovica par des réservistes de l'armée
10 sans que vous soyez au courant ? Ou était-ce quelque chose dont le MUP
11 aurait été informé et il essaierait de faire porter le chapeau à l'armée ?
12 Dites-le nous.
13 R. De nombreuses maisons de Djakovica ont brûlé. C'est après le 24 mars,
14 après les opérations aériennes de l'aviation que la majorité des maisons a
15 brûlé. Je n'ai jamais entendu dire et je n'ai jamais été informé du fait
16 que des réservistes de l'armée yougoslave auraient mis le feu à des maisons
17 ou seraient entrés par effraction dans des maisons. Je ne peux que le
18 répéter. Je n'ai jamais appris qu'un de mes subordonnées aurait commis un
19 acte de ce genre.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] J'aimerais reprendre la première
21 partie de la question et vous demander d'écouter attentivement et de
22 répondre à cette première partie de la question. Est-il possible que des
23 maisons aient été incendiées à Djakovica par des réservistes de l'armée
24 sans que vous ayez été au courant ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela aurait été difficile.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
2 M. NICE : [interprétation]
3 Q. Mais qu'en est-il des maisons qui ont été incendiées avant l'arrivée
4 des avions de l'OTAN ? Comme vous le dites, qui les a incendiées ? Qui a
5 mis le feu à ces maisons ? Ce n'était pas des Albanais du Kosovo qui
6 mettaient le feu à leurs propres maisons, n'est-ce pas ? Alors, qui a mis
7 le feu ?
8 R. J'ai dit que je ne savais pas, que je n'avais pas d'informations sur ce
9 point.
10 Q. Vous avez dit et je reprends votre réponse, Monsieur Djosan. Nous
11 n'essayons de vous tendre un piège. Nous suivons la logique de vos
12 réponses. Vous avez dit qu'un grand nombre de maisons de Djakovica ont été
13 incendiées et que la majorité d'entre elles l'ont été après le 24 mars.
14 Manifestement, vous aviez en tête des maisons qui auraient été incendiées
15 avant. Ou était-ce simplement une façon de vous exprimer un peu trop sur
16 ces maisons qui ont brûlé ? Est-ce qu'elles ont brûlé par auto combustion
17 ou est-ce que quelqu'un y a mis le feu avec une cigarette qui serait tombée
18 dans une chambre à coucher ? Dites-nous, expliquez-nous comment cela a pu
19 se passer.
20 R. Écoutez, je ne vois pas -- répétez, mais je ne vois pas ce que vous
21 dites que j'aurais dit.
22 Q. Vous avez dit que certaines maisons --
23 R. Veuillez répéter ce que j'ai dit dans son intégralité.
24 Q. Je vais répéter un passage, pas l'intégralité. Vous avez dit, je cite :
25 "De nombreuses maisons de Djakovica ont été incendiées, la majorité d'entre
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1 elles l'ont été après le 24 mars, après les frappes des avions de l'OTAN."
2 Si vous dites que quelque chose s'est passé après un certain moment, on est
3 tout à fait en droit d'en déduire que la même chose s'est passée aussi
4 avant, n'est-ce pas ?
5 R. Non. J'ai dit que la majorité des maisons, parce que cela veut dire que
6 toutes les maisons de Djakovica n'ont pas brûlé. Si j'avais dit que toutes
7 les maisons de Djakovica ont brûlé et que la majorité d'entre elles ont
8 brûlé après le 24 mars, votre déduction serait juste. J'ai dit que de
9 nombreuses maisons ont brûlé après le 24 mars. Mais il y en a beaucoup
10 aussi qui sont restées debout. C'est ma façon d'interpréter ce que j'ai
11 dit.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait sûr que ce
13 soit la bonne façon d'interpréter la chose, mais c'est peut-être également
14 un problème d'interprétation parce qu'il n'a jamais été dit que toutes les
15 maisons de Djakovica ont été incendiées. Mais ce que vous avez dit, c'est
16 que parmi les maisons incendiées, la majorité a été brûlée après le 24 et
17 la question suivante qui vous a été posée consistait à vous demander quelle
18 était la cause de l'incendie des maisons qui ont brûlé avant le 24.
19 Pourriez-vous, je vous prie, répondre à cette question ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux. Je ne suis pas au courant du fait que
21 des maisons auraient été incendiées avant le 24 mars. Je ne suis pas au
22 courant. Je n'ai reçu aucun rapport l'indiquant. Je n'ai vu aucune maison
23 en feu avant le 24 mars.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] En d'autres termes, votre réponse
25 précédente était erronée. Ou est-ce que c'était un lapsus de votre part ou
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1 une erreur ou quoi ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que de nombreuses maisons ont brûlé
3 après le 24 mars et par ces mots, je ne sous-entendais pas que certaines
4 maisons avaient brûlé avant le 24 mars. Ce que je sous-entendais, c'était
5 que certaines maisons étaient restées intactes, debout, n'avaient pas été
6 la proie des flammes.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
8 M. NICE : [interprétation]
9 Q. Je n'ai pas le temps de parcourir les cartes que vous avez présentées,
10 s'agissant des bombardements. Deux points seulement : est-ce que vous avez
11 tenu compte du rapport d'expert de Patrick Ball à propos de la corrélation
12 établie entre les bombardements et les mouvements des réfugiés, les
13 déplacements des réfugiés ?
14 R. Non.
15 Q. Il dit qu'il n'y a pas de corrélation entre la cadence des
16 bombardements et les déplacements de réfugiés. Vous ne les avez pas vus,
17 ces rapports; vous ne pouvez pas répondre. Mais vous n'avez pas de
18 statistiques pour ce qui est des dates auxquelles il y aurait eu ces
19 bombardements ? On ne voit, sur vos cartes, aucune date en ce qui concerne
20 les dates de ces bombardements.
21 R. La plupart de ces sites se trouvent à être authentiques. On ne peut pas
22 porter sur cette carte le moindre détail. J'affirme que sur certaines
23 cartes, à savoir concrètement sur la carte relative au 2e Bataillon
24 d'infanterie, chaque endroit indiqué correspond à des endroits de frappes
25 de l'aviation de l'OTAN. Si on avait voulu montrer tous les endroits
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1 frappés par l'OTAN, il nous faudrait une carte qui aurait la superficie
2 d'un kilomètre carré.
3 Q. Cela peut-être des petites bombes, des plus grosses, d'autres qui ont
4 eu pour effet de semer la peur, il peut y avoir toutes sortes de choses,
5 toutes sortes d'aspects, cela peut être des bombes qui ont tendance à créer
6 des diversions --
7 R. Bien sûr.
8 Q. Si je vous dis que la plupart des gens étaient déjà partis avant le
9 début du plus gros des bombardements, est-ce que vous accepteriez ceci ?
10 Une grande partie des déplacements de la population s'est effectuée avant
11 la phase la plus aiguë des bombardements ? Est-ce que vous acceptez cette
12 idée ?
13 R. Je ne sais pas ce que vous entendez par la phase la plus aiguë des
14 bombardements. La première bombe qui est tombée a initié le flux des
15 réfugiés. Les individus s'en sont en allés tout de suite. Certains
16 s'attendaient à ce que cela ne dure pas longtemps et sont restés. Au fur et
17 à mesure que l'agression ou plutôt au fur et à mesure que les intervalles
18 de bombardements se sont accrus ou se sont intensifiés, le nombre des
19 réfugiés lui aussi a crû. Par conséquent, dans le courant de toute cette
20 agression de l'OTAN, il y a eu des flux de réfugiés. Certains sont restés
21 plus longtemps à certains endroits, d'autres sont restés moins longtemps à
22 ces mêmes endroits. Je n'ai pas dit que tous les réfugiés se sont déplacés
23 en même temps.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Djosan, êtes-vous en train
25 de dire qu'il n'y a pas eu de fuite de réfugiés avant les bombardements ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant le bombardement, avant le 24 mars, il
2 n'y a pas eu de départ dans le sens où cela est démontré comme étant des
3 départs vers l'Albanie. Il y a eu des départs de gens qui quittaient les
4 endroits où il y a eu des conflits entre les membres de l'armée ou du MUP
5 avec les terroristes. Cela, oui, mais des déplacements massifs de réfugiés,
6 ceux-là n'ont commencé qu'une fois que les bombes de l'OTAN ont commencé à
7 pleuvoir.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. NICE : [interprétation]
10 Q. Crime et châtiment. Vous avez parlé des indications de viol. Je ne vais
11 pas en parler. Je n'en ai pas le temps.
12 Est-ce qu'il y a des preuves qui montrent que des soldats qui avaient été
13 accusés, par exemple, d'incendie volontaire, d'avoir tué des gens, de les
14 avoir chassés, est-ce qu'il y a quoi que ce soit dans des archives, des
15 traces de tout cela ?
16 R. D'après ce que j'en sais, il existe des informations détaillées au
17 sujet de mes soldats. Etant donné que je n'avais pas de compétence, puisque
18 cela relevait du domaine des instances judiciaires, je ne saurais vous en
19 dire davantage parce que la justice est intervenue. Il y a eu des dépôts de
20 plaintes au pénal. Il y a eu des dépôts de plaintes provenant de mon unité
21 à moi et je suppose que les autres commandants s'ils ont eu des cas
22 analogues ont rapporté cela. Je ne peux parler pour ma part que de mon
23 unité à moi.
24 Q. Vous le savez, n'est-ce pas, il n'y a pratiquement pas de traces au
25 Kosovo de ce que des gens auraient été poursuivis ou punis pour des crimes
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1 qui équivalent à des crimes de nettoyage ethnique ? Il n'y a aucune trace
2 de ce genre, n'est-ce pas ? Pas d'enquêtes qui auraient été menées ?
3 R. Tout d'abord, il n'y a pas eu de nettoyage ethnique. Deuxièmement, je
4 ne dispose que des informations qui se rapportent à mes soldats à moi que
5 j'ai confiées au tribunal militaire. Je ne sais pas ce qui s'est passé au
6 niveau des unités. Comment voulez-vous que je le sache ?
7 Q. Manifestement, c'est la Chambre qui devra statuer s'il y a eu nettoyage
8 ethnique ou pas, mais une chose est claire c'est que s'il y a eu nettoyage
9 ethnique, on a rien fait pour punir ou poursuivre les personnes qui en
10 étaient responsables.
11 R. Il y a nettoyage ethnique. Ce nettoyage s'est produit maintenant. C'est
12 maintenant qu'a lieu le nettoyage ethnique au Kosovo-Metohija. C'est
13 maintenant que le Kosovo-Metohija se trouve être ethniquement nettoyé.
14 Savez-vous qui il y a maintenant au Kosovo-Metohija ?
15 Q. Oui, oui, je comprends bien votre question, même si je ne vais pas y
16 répondre. Ceci m'apporte à mon avant-dernier sujet de façon tout à fait
17 adéquate, je reparle de la commission de la VJ. Est-ce que vous êtes un de
18 ces Serbes qui dit que les Albanais du Kosovo raconteront n'importe quoi si
19 on les contacte, si nous les contactons, ils vont nous raconter des
20 bobards. Est-ce que c'est ce genre d'attitude que vous avez à l'égard des
21 Albanais du Kosovo ?
22 R. Je le pense au sujet de certains témoins qui se sont trouvés exposer à
23 des menaces. Je ne généralise jamais, je n'ai jamais dit que c'était tout
24 le monde. Je n'ai pas pu parler des autres unités, des autres soldats des
25 autres unités, je ne peux pas parler non plus des autres Albanais. Il
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1 serait logique de s'attendre à ce que la plupart des témoins disent bon
2 nombre de choses parce qu'exposés à des pressions, mais je n'ai pas dit que
3 tout le monde le ferait. Comment voulez-vous que je sache que tout un
4 chacun le ferait ?
5 Q. Vous voyez, si on analyse bien si ce qui s'est passé au Kosovo, ceci
6 apparaît : en termes politiques et militaires, c'est l'UCK qui a gagné et
7 les Serbes ont été battus et chassés. Nous n'avons pas d'avis dans un sens
8 ou dans un autre, c'est un simple fait, n'est-ce pas ? Nous ne disons pas
9 si c'est bien ou mal, c'est bien cela ?
10 R. D'où tirez-vous cette idée aux termes de laquelle l'UCK a été capable
11 de battre une armée régulière au sein d'un pays ? Comment appelez-vous
12 cela ? Comment qualifier vous cela dans votre pays à vous ?
13 Q. Si vous n'acceptez pas mon hypothèse, je passe à autre chose. Mais
14 l'UCK - est-ce que vous accepteriez ceci - l'UCK se trouve maintenant dans
15 un environnement où elle n'a rien à craindre ou peu de choses à craindre
16 des Serbes parce qu'il n'y a pas beaucoup de Serbes au Kosovo et parce que
17 les Albanais du Kosovo dirigent et administrent leur propre pays, enfin, je
18 ne vais pas ici m'exprimer là-dessus non plus, en tout cas, ils
19 administrent le Kosovo.
20 R. Les Albanais du Kosovo ne gèrent pas le Kosovo tout seul, tout comme
21 les Serbes ne gèrent pas le Kosovo-Metohija tout seuls. On sait qui est-ce
22 qui gère, comment il le fait et comment on en est arrivé là.
23 Q. Les Serbes du Kosovo, vous en êtes un, à Belgrade se trouvent en but à
24 des pressions extrêmes, lorsqu'ils sont pour ainsi dire organisés par des
25 gens comme la commission de la VJ, les pressions exercées sur vous sont
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1 extrêmes, énormes sur vous tous.
2 R. Je ne comprends pas du tout ce que signifie ce terme de "pressions."
3 Quelles pressions avez-vous à l'esprit ?
4 Q. Ce n'est pas vous qui avez perdu, vous qui n'êtes pas parvenu à
5 conserver le Kosovo en dépit d'actes de criminalité graves, vous risquez
6 tous d'être exposés pour les crimes que vous avez commis, c'est pour cela
7 qu'il vous faut rester ensemble. Est-ce que c'est bien ce qu'on voit dans
8 cette déposition qui est la vôtre, dans ces documents que vous produisez
9 bien des années après les événements ? Vous vous tenez tous vous et vos
10 collègues. Vous vous protégez.
11 R. D'où tirez-vous cette idée qui consiste à dire que nous n'avons pas pu
12 préserver le Kosovo ? Cela, c'est une offense pour l'intelligence de ce
13 Tribunal et je ne vais pas entendre parler de cette propagande. Je ne sais
14 pas à qui sont les positions que vous avancez ici, mais vous étiez très
15 proche ou très près d'une aide et d'une assistance apportée à l'UCK.
16 Q. Vous vous souvenez que vous avez dit que vous ne vous êtes pas opposé
17 au général Vasiljevic. Vous avez dit que vous ne pouvez pas, bien sûr, vous
18 exprimer en connaissance de cause, vous n'aviez pas d'avis négatif. Mais
19 savez-vous pourquoi cette commission qui a organisé votre déposition ici
20 essaie de l'empêcher, lui, de venir déposer, essaie de limiter, d'entraver
21 l'accès ou a essayé d'entraver son accès au bureau du Procureur avant qu'il
22 n'ait le courage de prendre lui-même l'initiative ? Pourquoi est-ce que la
23 commission de la VJ interviendrait de cette façon-là auprès d'un homme
24 comme lui ?
25 R. S'agissant du général Vasiljevic, je ne veux pas me casser la tête
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1 avec. Pourquoi voulez-vous que je réfléchisse à son cas. Cela le regarde,
2 c'est son opinion à lui pour ce qui des choses qu'il va proférer. Cela en
3 dira long au sujet de lui-même.
4 Q. Très bien.
5 R. C'est quelqu'un que je ne connais même pas.
6 Q. Très bien. Dernière question, sujet différent. Vous êtes resté à
7 Djakovica. En tout cas, vous y étiez vers le milieu de l'année 1998. Je
8 vais vous demander d'examiner un document déjà versé au dossier. Il s'agit
9 de l'intercalaire 35 de la pièce 677 [comme interprété]. Je vous explique
10 quel est ce document pendant qu'on le distribue. Ici, ce sont les notes
11 intégrales recueillies au cours d'une réunion du conseil suprême de
12 Défense. C'est produit par les autorités de Serbie et du Monténégro. Son
13 authenticité n'a jamais été contestée jusqu'à présent et on y précise ce
14 qu'ont dit certains hauts placés intégralement et littéralement. La
15 réunion, celle-ci s'est tenue le 13 avril 1995. Elle concerne Djakovica, ce
16 qui explique que je vous pose la question.
17 J'espère que vous avez cette page sous les yeux ? Monsieur
18 l'Huissier, placez la page 24 en anglais sur le rétroprojecteur. Oui,
19 Monsieur l'Huissier, trouvez le bon passage. Replacez ceci dans le
20 contexte. Oui.
21 L'accusé, Slobodan Milosevic, a dit ceci dans un entretien avec Perisic et
22 Lilic : "...'d'abord, 15 jours de terroriste ... les premiers jours ...'
23 puis, vous avez 130 000. Non, vous n'avez pas que 130 000, vous avez en
24 plus 100 000 policiers qui vont intervenir dans des situations où il y a
25 des terroristes ou d'autres situations, surtout les unités spéciales de la
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1 police qui vont coopérer avec l'armée."
2 C'est en 1995.
3 R. J'aimerais qu'on ne parle pas si haut.
4 Q. Excusez-moi. Il dit qu'il avait 130 000 hommes et : "...tu vas avoir
5 100 000 policiers de plus qui vont intervenir dans des situations des
6 terroristes ou d'autres, des unités spéciales de la police qui vont
7 collaborer avec l'armée."
8 1995. Vous étiez en 1998, mais vous deviez connaître un petit peu
9 l'histoire. Est-il exact de dire qu'il y avait à disposition
10 100 000 policiers ?
11 R. Mais il n'en est pas question.
12 Q. Voici ce que dit Perisic : "Bien. Je pensais que ce n'était pas moi qui
13 étais chargé de proposer tout ceci." L'accusé
14 dit : "Oui, je comprends, mais tout ceci doit être en corrélation. Par
15 exemple, la plus belle ville du Kosovo, celle où les séparatistes Siptar
16 ont le plus investi, c'est le groupe de Djakovica. Djakovica, il n'y a pas
17 de ville plus jolie, plus riche, mieux organisée que celle-là au Kosovo.
18 Elle se trouve dans un endroit qui n'a pas son pareil. Il y a une ancienne
19 caserne un peu en surplomb, elle est maintenant abandonnée."
20 Est-ce qu'il est ironique ou sincère, Perisic ? Est-ce que c'était un bel
21 endroit, Djakovica ?
22 R. Djakovica, c'était une très jolie ville. On vivait bien à Djakovica et
23 la colline dont il est question est une jolie colline sur les hauteurs de
24 Djakovica, en effet.
25 Q. L'accusé dit ceci : "Une ancienne caserne et une unité motorisée de
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1 blindés devaient y être installées afin qu'ils sachent que ce trésor, ce
2 joyau va être attaqué demain, si quelque chose ne commence pas à passer. Il
3 faut qu'ils sachent que l'armée existe et qu'elle est là."
4 Perisic dit ceci : "Mais nous y avons une caserne."
5 L'accusé dit : "Tu n'y a rien."
6 Perisic : "J'y ai un régiment."
7 L'accusé : "Non, non, tu n'as qu'une caserne vide."
8 Passons à la page suivante. Perisic : "Mais qu'est-ce que je serais comme
9 chef d'état-major, si je ne le savais pas ? Il y a un bataillon à
10 Djakovica, à la sortie vers Dzapa Prusica, sur la gauche. J'y étais trois
11 jours."
12 L'accusé : "Mais cette caserne qui se trouve sur les hauteurs de Djakovica,
13 pourquoi est-ce qu'elle est abandonnée ?"
14 Perisic : "Elle est abandonnée depuis longtemps."
15 L'accusé : "Je ne veux pas dire que vous l'avez abandonné. J'ai dit qu'elle
16 est en état de désaffectation depuis longtemps."
17 Perisic : "Quelqu'un l'a désertée, je ne sais pas pourquoi. Toutes les
18 villes du Kosovo ont une caserne et l'armée, mais je n'ai pas assez de
19 soldats."
20 Avant de lire le passage suivant, est-il vrai de dire qu'il y avait une
21 caserne désaffectée et qu'elle a été remplie, réutilisée entre 1995 et
22 1998 ?
23 R. Je vais vous dire : Feu mon père Miko, en 1932, a fait son service
24 militaire à Djakovica dans la caserne qui s'appelait la caserne du 156e
25 Régiment blindé.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Contentez-vous de répondre à la
2 question, Monsieur Djosan et laissez de côté le caractère anecdotique.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet, il y a eu une caserne
4 d'abandonnée.
5 M. NICE : [interprétation]
6 Q. Mais est-ce qu'elle a été réoccupée entre 1995 et 1998 ?
7 R. Oui. Il est arrivé une brigade chargée de la Défense antiarienne, la
8 brigade dont j'ai été le commandant moi-même.
9 Q. Précisément. Lorsqu'on voit l'accusé qui dit, eux, les occupants de ce
10 bel endroit doivent savoir que l'armée existe et qu'elle est là sur les
11 lieux, c'est notamment vous qui avez rempli, réalisé cette partie-là de ses
12 objectifs ?
13 R. Mais chez vous, dans les belles villes ou dans les beaux endroits, il
14 n'y a pas de soldats. Qu'est-ce que cela signifie que d'avoir une belle
15 localité où les soldats n'auraient pas le droit d'accès. L'unité de défense
16 antiaérienne dont j'ai été le commandant avait pour mission, étant donné
17 qu'à partir de 1996 il y a eu des avions sans pilote d'envoyés depuis
18 l'Albanie et vous savez quand est-ce que la chose a été installée, cela n'a
19 pas été destiné à l'espionnage de l'Italie ou de la Grèce, très
20 certainement, à partir de 1996, il y a eu des avions sans pilote qui
21 faisaient leur apparition. Il est tout à fait normal qu'une unité de la
22 défense antiaérienne se voie placer là pour empêcher ces incursions dans
23 l'espace aérien.
24 Q. Mais est-ce que vous saviez que Perisic n'était pas favorable à cette
25 idée et que c'est l'accusé, en tout cas, c'était son intention en 1995, qui
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1 voulait qu'il y ait une présence militaire visible qui surplombe la ville
2 de Djakovica ?
3 R. Cette unité de défense antiaérienne est une unité que tout un chacun a
4 vue.
5 Mais comment voulez-vous que je sache ce que Perisic avait à l'esprit
6 à l'époque ?
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Répétez votre réponse, s'il vous
8 plaît.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que cette unité de défense
10 antiaérienne n'est pas une unité qu'on pouvait ne pas voir. C'est une
11 brigade.
12 Deuxièmement, comment voulez-vous que je sache quelles ont été les
13 réflexions du général Perisic ? Quand bien même je l'aurais su, il ne
14 m'appartient pas de les commenter puisqu'à l'époque, j'étais commandant
15 d'un régiment seulement.
16 M. NICE : [interprétation]
17 Q. Lisons le tout dernier passage, où l'accusé dit
18 ceci : "Le Kosovo c'est notre territoire le plus sûr." Je m'interromps.
19 Vous vous souvenez, ce sont les notes sténographiques de ce qu'il dit.
20 "Nous avons envoyé 9 000 étudiants à l'université de Pristina; les filles
21 serbes qui sont des filles uniques peuvent sortir à Pristina dans la rue au
22 milieu de la nuit, toutes seules. Mais elles se sont dit que ce n'est pas
23 une bonne chose à faire. Elles ont vu ce qui s'était passé en Bosnie. Mais
24 c'est bon que nous ayons cet endroit, que vous les ayez là et que cela
25 marche. On sait très bien que c'est "la peur qui assure la meilleure
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1 sécurité de la maison."
2 R. Je n'ai pas retrouvé ce passage. Je pense ne pas avoir disposé des
3 pages dont vous êtes en train de donner lecture.
4 Q. Dernière partie du passage. Il décrit la vie quotidienne réelle au
5 Kosovo, en 1995. Sécurité, paix, sécurité dans la rue, il n'en demeure pas
6 moins qu'il est nécessaire de semer la peur du militaire dans cette ville
7 car comme l'adage le dit, c'est la peur qui est la meilleure gardienne de
8 la maison. J'espère que les interprètes en cabine anglaise pourront me
9 donner la bonne traduction. Je pense que c'est : "Strah Kucu, cuva ?"
10 R. L'armée de Yougoslavie n'a jamais eu ni l'intention, ni l'objectif, ni
11 la mission qui serait celle de faire peur à la population. Pourquoi ferait-
12 elle peur à ses propres citoyens ?
13 Q. Vous avez été placé là pour intimider, pour se venger de la mort d'un
14 policier qui lui-même était sans doute un criminel de guerre. Vous le savez
15 fort bien. Vous n'avez pas seulement gardé la maison, mais vous avez gardé
16 le MUP lorsque ce MUP a commencé à abattre, à égorger des gens à Meja. Vous
17 le savez, n'est-ce pas ? C'est la vérité.
18 R. Ce sont des insinuations que vous faites et peut-être des souhaits que
19 vous exprimez. Je suppose que ce sont même vous souhaits. Mais ce n'est
20 certainement pas la vérité.
21 Q. Je vous remercie.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Nice.
23 Monsieur Milosevic, avez-vous des questions supplémentaires ? Si vous
24 en avez, qu'elles soient courtes et précises.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais poser des questions au sujet des
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1 questions soulevées par M. Nice à l'occasion du contre-interrogatoire.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Rapprochez, je vous prie, le micro.
3 Poursuivez. Tous les points soulevés par M. Nice ne nécessitent pas
4 forcément une question supplémentaire de votre part.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas l'intention et je l'ai bien dit,
6 Monsieur Robinson, je serai bref, je me résumerai. Mais il est des points
7 tout de même que M. Nice a soulevé à l'occasion de son contre-
8 interrogatoire que je ne saurais contourner. Mais je n'ai certainement pas
9 l'intention de revenir à toutes les questions qui ont été posées par M.
10 Nice à l'occasion du contre-interrogatoire. Cependant, il a soulevé des
11 questions tout à fait nouvelles et il a inversé la présentation de
12 certaines choses.
13 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :
14 Q. [interprétation] Mon Général, M. Nice, au tout début, vous a posé des
15 questions qui sont rapportées à vos activités suivant les différentes
16 années de votre service. Vous en souvenez-vous ?
17 R. Oui.
18 Q. Entre autres, vous avez expliqué que vous avez fait partie de l'Armée
19 serbe de la Krajina entre le 1er janvier et le
20 30 juin 1995 ?
21 R. C'est exact.
22 Q. C'est exact ?
23 R. Oui. C'est exact.
24 Q. Dites-nous, Mon Général, qui est-ce qui vous a envoyé dans l'Armée
25 serbe de la Krajina ?
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1 R. S'agissant de l'armée serbe de la Krajina, j'y suis allé suite à une
2 demande de ma part, à une demande que j'ai faite moi-même et en passant par
3 le 40e Centre chargé du Personnel.
4 Q. En passant, vous avez mentionné, mais ensuite, M. Nice a omis de vous
5 poser des questions à ce sujet, vous avez mentionné le fait que vous n'avez
6 pas touché d'allocations pour le fait d'être séparé des vôtres. Vous avez,
7 je pense, dit que pendant que vous étiez à Pristina, vous touchiez des
8 allocations pour une vie séparée de votre famille et que lorsque vous étiez
9 dans la Krajina, vous n'aviez plus touché ces allocations-là. Dites-moi
10 maintenant qui est-ce qui a droit à des allocations pour une vie séparée de
11 sa famille et pourquoi cette allocation est-elle versée ?
12 R. Ces allocations relèvent des droits des membres de l'armée de
13 Yougoslavie qui interviennent dans des garnisons où ils n'ont pas installé
14 leurs familles. Ma famille se trouvait à Belgrade, alors que j'étais à
15 Pristina. Partant des dépenses que j'ai eues, étant donné que j'étais
16 éloigné de ma famille, je percevais cette espèce d'indemnité ou de prime
17 d'éloignement. Cela n'est perçu que lorsqu'un officier fait son service à
18 l'extérieur de l'endroit où il a son appartement, sa maison familiale.
19 Q. Est-ce que cela était en vigueur pour tous les membres de l'armée de la
20 Yougoslavie ?
21 R. Oui, pour tous les membres.
22 Q. Lorsque vous étiez dans les rangs de l'armée serbe de la Krajina en
23 tant que volontaire, est-ce que votre famille est allée avec vous à Knin ?
24 R. Non. Elle était à Belgrade.
25 Q. Pourquoi n'avez-vous pas touché cette prime d'éloignement à ce moment-
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1 là ?
2 R. Je n'y avais pas droit.
3 Q. Pourquoi n'y avez-vous pas eu droit ?
4 R. Parce que l'état ne voulait pas payer de prime d'éloignement à
5 l'intention de ceux qui sont allés dans la Krajina serbe de leur plein gré.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites des pauses entre les
7 questions et les réponses, s'il vous plaît.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Avez-vous dit, tout à l'heure, que tous les membres de l'armée avaient
11 perçu ou avaient droit à une prime d'éloignement si, suite à l'ordre qui
12 leur a été donné, ils devaient partir travailler dans une autre garnison ?
13 R. Oui. S'ils partaient vers une autre garnison suite aux ordres reçus.
14 Q. Pourquoi n'avez-vous pas perçu cette prime ?
15 R. Parce que je n'ai pas été là-bas suite à un ordre. J'y suis allé suite
16 à une requête de ma part. Une requête présentée de mon plein gré.
17 Q. Est-ce que pendant cette période-là, vous étiez considéré comme étant
18 membre de l'armée de la Yougoslavie ou de l'Armée serbe de la Krajina ?
19 R. J'étais membre de l'Armée serbe de la Krajina, à ce moment-là.
20 Q. Merci. M. Nice vous a également posé des questions au sujet de
21 l'exhumation de cadavres à Batajnica en établissant une corrélation à
22 plusieurs reprises entre ce fait-là et le fait que vous ayez indiqué que
23 vous avez servi une partie de votre service à Batajnica. Vous en souvenez-
24 vous ?
25 R. Je m'en souviens.
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1 Q. Est-ce que l'endroit où vous avez fait votre service à Batajnica a quoi
2 que ce soit à voir avec l'endroit où on a exhumé des cadavres ?
3 R. Non, rien à voir. J'ai été de service à l'aéroport de Batajnica. A la
4 fin, au bout de la piste, nous avions une déposition de cette batterie de
5 missiles avec des SAM 3 et c'est là que se trouvaient nos positions. Par
6 conséquent, je faisais mon service à l'aéroport de Batajnica.
7 Q. Pour ce qui est de cet événement lié à l'exhumation, vous aviez que
8 cela est plutôt incroyable de voir survenir chose pareille pendant la
9 guerre parce qu'il était difficile de transporter quoi que ce soit puisque
10 vous-même, avec une voiture personnelle, vous avez voyagé trois jours par
11 aller rendre visite à votre famille. Vous avez estimé qu'il était
12 incroyable que cela se produise en temps de guerre. Ce sont vos termes.
13 Mais est-ce que vous estimez que cela serait possible en temps de paix ?
14 R. Cela pourrait se faire.
15 Q. M. Nice vous a dit qu'on savait fort bien que les Albanais n'étaient
16 pas les bienvenus en Serbie. Savez-vous nous dire combien d'Albanais il
17 réside à Belgrade ou dans d'autres régions de la Serbie, mis à part le
18 Kosovo ?
19 R. A Belgrade, autant que je le sache, il doit y avoir quelque 100 000
20 Albanais, peut-être un peu moins. Je ne peux pas vous donner de chiffre
21 exact, mais je veux dire par là qu'un très grand nombre d'Albanais résident
22 à Belgrade.
23 Q. Bien. Avez-vous ouï dire que sur ces quelque
24 70 000 Albanais --
25 M. NICE : [interprétation] Cela se peut que j'aie dit quelque chose de ce
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1 goût-là, mais je ne me souviens pas avoir dit cela en ces termes-là. C'est
2 peut-être retiré de son contexte. Je me trompe peut-être, mais je ne pense
3 pas avoir tenu ce genre de propos.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne m'en souviens pas non plus.
5 Est-ce que vous pouvez replacer ceci dans son contexte ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le compte rendu d'audience est là pour nous
7 rafraîchir la mémoire. Maintenant, je ne sais pas si
8 M. Nice l'a dit lorsqu'il a posé la question de la manipulation des
9 Albanais parce que les Albanais, a-t-il dit, ne seraient pas les bienvenus
10 en Serbie. Je voulais savoir à partir de quoi peut-on affirmer que les
11 Albanais ne sont pas les bienvenus en Serbie et je veux savoir combien il y
12 en avait à Belgrade et à l'extérieur du territoire du Kosovo en général.
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Mon Général, Monsieur Djosan, avez-vous ouï dire qu'il se serait
15 produit quelque chose à l'encontre d'un Albanais quelconque à Belgrade
16 pendant la guerre du Kosovo ?
17 R. Non.
18 Q. Avez-vous appris qu'on aurait cassé la vitrine d'un magasin
19 d'Albanais ? J'imagine que vous en avez vu bon nombre de ces magasins en
20 déambulant dans les rues.
21 R. Je n'ai jamais appris la chose et ils ont beaucoup de magasins et aux
22 endroits les meilleurs.
23 Q. Est-ce qu'on voit les noms des propriétaires et est-ce que les noms des
24 propriétaires laissent bien entendre qu'il s'agit d'Albanais ?
25 R. Oui, en effet.
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1 Q. M. Nice vous a demandé au sujet du témoignage de Nik Peraj qui était un
2 officier dont vous avez été le supérieur hiérarchique et il vous a posé
3 des questions au sujet de son caractère, de son honnêteté.
4 Vous souvenez-vous d'avoir répondu, de ma part, au sujet des
5 questions que je vous ai posées, des questions relatives à Nik Peraj et à
6 son caractère ?
7 R. Non. Vous avez posé des questions sur des faits et non pas sur son
8 caractère.
9 Q. Si, à trois endroits, il a parlé de la présence d'une brigade de la
10 Republika Srpska à Djakovica, est-ce que c'est un trait de caractère ou
11 est-ce que c'est un fait ?
12 R. C'est un trait de caractère.
13 Q. Est-ce qu'il y a eu une brigade de la Republika Srpska à Djakovica ou
14 pas ? Est-ce que c'est un fait que vous pourriez contester ?
15 R. C'est un fait.
16 Q. Ou est-ce que c'est quelque chose de tout à fait équilibré comme le dit
17 M. Nice ?
18 R. Je parle de fait parce que j'ai coopéré avec la SFOR dans la Republika
19 Srpska et je sais qu'il n'était pas possible à l'un quelconque des soldats
20 de la Republika Srpska de venir jusque-là et encore moins une brigade de
21 blindés. C'est une méconnaissance des plus élémentaires ou alors une
22 contrevérité flagrante.
23 Q. Il s'agit de façon claire d'une contestation des faits et non pas d'une
24 contestation de traits de caractère. Si lui vous dit que vous avez arrêté
25 Micunovic, est-ce que c'est un fait ou un trait de caractère, si vous
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1 répondez : "Je ne l'ai pas arrêté et je n'ai pas eu affaire à lui ?"
2 R. Oui. On pourrait dire que c'est un trait de caractère. Je pourrais même
3 dire qu'il ment carrément.
4 M. NICE : [interprétation] S'il a dit -- je ne vois pas où vont ces
5 questions, tout d'abord, parce que la personnalité est toujours mise en
6 cause au cours du contre-interrogatoire. Puis, c'est une question de fait,
7 l'accusé n'a pas posé une question à propos de l'honnêteté de M. Peraj et
8 la réponse a été : oui, je savais qu'à ce moment-là, il était honnête. Mais
9 je ne vois pas trop bien où vont ces questions.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Moi-même, je ne vois pas trop où
11 vont vos questions, à quoi elles mènent. Il revient aux Juges de déterminer
12 la question de crédibilité.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] N. Nice s'est efforcé de réhabiliter le
14 témoignage de son témoin à lui, M. Nik Peraj et s'agissant de toute une
15 série de points qui se rapportent à des témoignages de faits, le général
16 Djosan, lui, a dit que c'étaient des contrevérités complètes. Par exemple,
17 une brigade de la Republika Srpska présente à Djakovica, l'arrestation du
18 commandant Micunovic; ensuite, les formations paramilitaires. Toute une
19 série de faits matériels qui ont fait l'objet du témoignage de Nik Peraj et
20 qui ont été contestés --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- par le général Djosan et qui ont été
23 contestés ou réfutés de façon catégorique.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous avons reçu ces
25 éléments de preuve, il nous revient de les analyser. Vous pourrez aborder
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1 ces questions en temps voulu, mais maintenant, ce n'est pas le bon moment.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Ce que je souhaitais, c'était d'indiquer
3 le fait que le général Djosan parlant de faits qu'il a contestés de la
4 bouche de Nik Peraj et M. Nice a voulu lui demander si c'était un homme
5 honnête, si c'étaient des choses équilibrées, ce que l'autre témoin avait
6 dit. Or, il a dit des mensonges notoires.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic. Pas de
8 commentaires, s'il vous plaît. Continuez, avancez.
9 M. MILOSEVIC : [interprétation]
10 Q. Par conséquent, si Nik Peraj a pu dire que votre officier, le
11 commandant Winter, aurait rédigé un rapport à l'intention de la
12 3e Armée, parlant de la façon dont des terroristes auraient été tués à
13 Meja, s'il a pu rédiger un rapport de cette nature, a-t-il dit la vérité ou
14 a-t-il menti ?
15 R. Il a menti.
16 Q. Je ne vais plus m'attarder sur Nik Peraj parce que ce témoin-là ne le
17 mérite pas. Je vais m'attarder sur un autre point, toutefois.
18 M. Nice vous a, à plusieurs reprises et concernant des aspects différents,
19 posé la question de savoir pourquoi vous estimiez que les témoins albanais
20 étaient des témoins sous pression ou soumis à des pressions. Vous souvenez-
21 vous du fait qu'il vous ait posé cette question ?
22 R. Oui, je m'en souviens.
23 Q. Je vais vous donner lecture à présent d'un extrait, un seul extrait
24 assez bref, qui se rapporte à une réponse de la part de
25 M. Nice concernant une requête relative à Ramush Haradinaj. C'est la même
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1 partie qui affirme que les Albanais ne sont pas exposés là-bas à des
2 pressions. Au --
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. -- point 7 -- au paragraphe 7 --
5 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas si c'est pertinent, mais
6 apparemment, c'est un autre cas de ouï-dire, de quelque chose que quelqu'un
7 d'autre aurait dit dans un autre cas, dans un autre procès.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour veiller à respecter à la bonne
9 tenue des audiences, nous allons veiller à terminer l'audience
10 d'aujourd'hui à une heure 43 car il y en a une autre cet après-midi, dans
11 ce même prétoire.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Je vais juste lire cette brève
13 citation.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Il s'agit ici d'une écriture officielle de la partie représentée par M.
16 Nice, à l'intention des Juges de la Chambre, composée par Agius,
17 Brydensholt et Eser et au paragraphe 7, il est dit ce qui suit : "Le Kosovo
18 est encore une région très peu sûre, instable."
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Arrêtez, Monsieur Milosevic. Dites-
20 nous à quoi vous faites référence. Je ne le sais pas. Ce sont des arguments
21 présentés par qui ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me réfère à des écritures adressées par
23 Stefan Waespi, avocat.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois, un membre du bureau du
25 Procureur.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. C'est quelqu'un du bureau du Procureur. Ce
2 sont leurs écritures à eux et dans ces écritures qui portent la date du --
3 je vais vous le dire, du 13 octobre 2005 et comme vous le savez, nous
4 sommes à quelques jours plus tard, il est dit : "Le Kosovo est toujours une
5 région peu sûre. Les victimes et les témoins sont régulièrement contactés
6 par l'Accusation pour exprimer leur inquiétude à l'idée que cet accusé --"
7 je pense qu'il s'agit de Haradinaj -- "a peut-être été remis en liberté
8 provisoire et à l'idée que d'autres accusés pourraient, eux aussi, être
9 placés en liberté provisoire. La décision qui est de relâcher les
10 conditions strictes imposées à cette mise en liberté provisoire n'avait
11 fait qu'accroître les angoisses et l'anxiété des témoins et 'des
12 victimes.'"
13 M. MILOSEVIC : [interprétation]
14 Q. Voit-on à partir de ceci, Mon Général, que la partie représentée par M.
15 Nice sait pertinemment bien pourquoi les témoins albanais se trouvent être
16 dans le trouble --
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. -- et bouleversés ?
19 R. C'est tout à fait clair.
20 M. NICE : [interprétation] Mis à part le fait que ce genre de documents est
21 tout à fait irrecevable et dénué de pertinence, je voudrais qu'on comprenne
22 qu'il s'agit d'Albanais qui viennent déposer dans le cadre de procès
23 intentés à des Albanais du Kosovo. Ce n'est pas vraiment très utile.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce n'est pas une question très
25 porteuse. Il ne vous est pas possible de poser ce genre de questions à ce
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1 témoin-ci.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.
3 M. MILOSEVIC : [interprétation]
4 Q. Vous ai-je mal compris ou avez-vous expliqué que les Albanais, dans ces
5 circonstances-ci, doivent forcément témoigner conformément aux attentes qui
6 sont celles de l'UCK par peur pour leurs propres vies ou pour une autre
7 raison ?
8 R. Par peur pour leurs propres vies ou pour la vie de leurs proches.
9 Q. Merci, Monsieur. Vous avez également indiqué, en répondant à une
10 question posée par M. Nice, où il a été touché un sujet tout à fait nouveau
11 auquel je n'ai pas touché à l'occasion de l'interrogatoire principal, à
12 savoir que vous vous êtes trouvé à la tête de la commission chargée de
13 l'application de cet accord technique militaire.
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Vous avez dit ce qui expliquait le manque d'objectivité vis-à-vis des
16 Serbes ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez, en effet, commencé à parler de l'ouverture d'une fosse
19 commune où on a trouvé le cadavre d'un Serbe et suite à une demande du
20 représentant de la partie représentée ici par M. Nice, la fosse commune a
21 été immédiatement refermée.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comme je l'ai indiqué --
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai déjà indiqué qu'il nous faut
25 suspendre l'audience à 1 heure 43. Or, il est 1 heure 43. L'audience
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1 reprendra demain, à 9 heures.
2 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le mercredi 26 octobre
3 2005, à 9 heures 00.
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