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1 Le jeudi 8 décembre 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, vous pouvez
7 poursuivre votre contre-interrogatoire.
8 LE TÉMOIN: KRSMAN JELIC [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]
11 Q. [interprétation] Hier, nous parlions de Kotlina. Il y avait une
12 question qui était restée en suspens, question posée par
13 M. le Juge Bonomy hier, et je souhaite en terminer à propos de Kotlina et
14 en terminer avec cette question.
15 Monsieur Jelic, je vous ai posé un certain nombre de questions hier. Vous
16 vous souviendrez que les allégations comprennent le fait que 17 personnes
17 ont été tuées dans des endroits décrits comme étant des puits en
18 l'utilisation d'engins explosifs. Regardons les pièces 54, 55 et 57A pour
19 nous rappeler les moyens de preuve dont il s'agit.
20 M. NICE : [interprétation] La Chambre de première instance se souviendra
21 peut-être de l'objet de ces pièces à conviction. Veuillez nous mettre cela
22 sur le rétroprojecteur.
23 Q. Il ne s'agit pas de puits, mais de trous importants dans lesquels --
24 dans le bois dans lesquels les corps ont été déposés. Vous souvenez de ce
25 type d'endroit, Monsieur Jelic, ces trous dans le sol ?
26 R. Je ne me souviens absolument pas de trous dans le sol, ni de grottes de
27 ce type car je ne me trouvais pas à cet endroit-là avec mes hommes.
28 Q. Des observations ont été faites sur le fait que les hommes qu'on y a
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1 retrouvés étaient des membres de l'UCK. On n'a jamais contesté le fait
2 qu'il y avait des hommes de l'UCK ici impliqués ou que ces hommes-là ont
3 été tués, ou qu'il s'agissait, en tout cas, de personnes qui défendaient
4 les intérêts de l'UCK. Pièce 59A.
5 M. NICE : [interprétation] Je souhaite rappeler à la Chambre de première
6 instance à quoi ressemblaient les personnes qui ont été tuées, très
7 brièvement de façon à ce que nous puissions en venir au fait. : La planche
8 suivante, s'il vous plaît. Merci. Ensuite, la planche suivante encore, s'il
9 vous plaît. Merci beaucoup. Veuillez me rendre ces planches maintenant,
10 s'il vous plaît.
11 Nous allons maintenant placer sur le rétroprojecteur la pièce 163. Merci
12 beaucoup. Veuillez me les redonner. 163, intercalaire numéro 4,
13 intercalaire numéro 3 et 4. Ceci se rapporte à la question posée par M. le
14 Juge Bonomy.
15 163, intercalaire numéro 4 est un rapport de lieux de crimes du
16 Kosovo, recherche faite par les Autrichiens. Messieurs les Juges, nous
17 allons en parler en détail. Veuillez, s'il vous plaît, placer ceci sur le
18 rétroprojecteur.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, il ne s'agit pas de
20 réentendre la thèse de l'Accusation. Ce qui m'inquiétait c'est que le
21 témoin avait établi une distinction entre Kacanik et Kotlina, et cela
22 n'était pas très clair lorsqu'il a répondu. Je souhaitais simplement
23 expliquer cela. Il ne s'agit pas de ressasser toute la thèse de
24 l'Accusation parce que nous n'avons pas le temps de faire cela.
25 M. NICE : [interprétation] Non, non, Monsieur le Juge, ce qui me
26 préoccupait, comme je vous l'ai dit, c'est qu'il y avait Kotlina et
27 Kacanik, et la réponse avait été fournie par le témoin. Ce qui s'est passé,
28 je le passe sur le rétroprojecteur. La préoccupation de la part du témoin,
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1 et je pensais que c'était cela qui vous inquiétait, mais ce sont les
2 Autrichiens qui ont examiné les lieux du crime, et ceci parle -- cette
3 pièce parle de cela, et ensuite ce sont qui ont découvert les corps, et
4 ensuite ce sont -- c'est l'équipe suisse qui a fait l'autopsie et qui a
5 procédé à un examen détaillé. Ce sont eux qui ont examiné les cadavres à
6 Kacanik qui se trouvaient à cinq kilomètres. C'est la raison pour laquelle
7 les morts trouvés à Kotlina ont été découverts.
8 Si vous voulez bien me rendre ce document, s'il vous plaît.
9 Pour, finalement -- pour en terminer avec ces questions, à savoir si
10 ces personnes-là étaient des membres de l'UCK ou non, le témoin a nié toute
11 activité de l'UCK. Je souhaite vous montrer un court extrait de l'ouvrage :
12 "As Seen, As Told," "Ce que nous avons vu, ce que nous avons raconté." Cela
13 figure du reste dans les deux ouvrages. Page 219, il y a eu -- de plus, il
14 y a eu les témoignages de d'autres témoins -- ajoute l'interprète.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Milosevic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Nice nous dit que le témoin a nié toute
18 activité de la part de l'UCK. Cela n'est pas vrai du tout; au contraire il
19 a parlé de l'activité de membres de l'UCK dans la région.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur Milosevic.
21 M. NICE : [interprétation] Dans la mesure où on -- ceux qui sont morts
22 n'ont pas pu nier ce type d'activité, on en parle ici dans ces passages,
23 c'est un extrait de l'ouvrage "As Seen, As Told," "Ce que nous avons vu, ce
24 que nous avons raconté." Je vais vous lire cet extrait en anglais. On
25 parle, en haut de la page 22, du fait que des personnes, semble-t-il,
26 étaient tuées. Ensuite, nous avons un récit détaillé, et les réserves qui
27 sont émises par les membres de l'OSCE suite à une enquête sur site, comment
28 ils ont pu confirmer des éléments qui leur avaient été rapportés par des
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1 corps qui ont été retrouvés dans ces trous dans le sol, et parle : "De ces
2 22 personnes," - en bas de la page - "11, semble-t-il, n'étaient pas armés
3 et c'étaient des soldats de l'UCK portant des habits civils, ils ont été
4 emmenés dans la région près de l'endroit où se trouvaient les trous, 'les
5 puits'," - et en bas de la page - "où ils ont été passés à tabac, des coups
6 de feu ont été entendus par la suite, ce qui était sans doute une
7 exécution, et ce que nous avons entendu ensuite après, c'était des bruits
8 d'explosion…"
9 Q. Très rapidement, une partie du témoignage qui porte sur la question que
10 vous avez posée, à savoir, Kotlina et Kacanik, et la question que je vous
11 pose, pour finir, et après y avoir réfléchi pendant la nuit : est-ce que
12 vous pouvez nous fournir une quelconque explication pour le fait que ces
13 hommes, qui ont été trouvés dans des puits ou se trouvaient cantonner vos
14 hommes dans cette région, pourquoi ont-ils été trouvés mort, suite à des
15 explosions qui ressemblaient à des explosions de grenade ?
16 R. La région que vous avez citée, la région de Kotlina, se trouve à 15
17 kilomètres de Kacanik, et non pas à trois à cinq kilomètres. Kotlina se
18 trouve dans la zone frontalière à l'intérieur, à cinq kilomètres. Dans le
19 cours de mon témoignage jusqu'à présent, j'ai dit qu'à partir de Kotlina,
20 il y avait des attaques incessantes sur nos unités qui se trouvaient à
21 l'intérieur de la frontière. Il y avait avec les terroristes des échanges
22 de feu dans toute la région pendant un certain temps, dans toute la région
23 depuis le village de Pustenik. Il y avait une forte concentration des
24 forces terroristes à cet endroit-là. On nous avait donné un ordre. Je crois
25 du reste que je vous en ai parlé ici, depuis 1998 on avait interdit à
26 l'armée d'entrer dans des zones habitées, surtout en possession d'armes
27 lourdes, et c'est quelque chose que nous observions aux pieds de la lettre.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, avez-vous une réponse à
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1 nous fournir à la question, oui ou non, à savoir si vous avez une
2 explication à nous donner pourquoi ces hommes trouvés dans des puits, dans
3 les endroits où vos troupes opéraient, pourquoi ces hommes ont été
4 retrouvés mort suite à un bruit d'explosion, ou à des explosions qui
5 étaient équivalentes à des explosions de grenade ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas d'explication à vous fournir car
7 je ne suis jamais entré dans le village, je n'ai jamais entendu parler de
8 ce fossé, et je n'en ai jamais entendu parler. Ce n'est que par la suite
9 ici devant un Tribunal que j'ai entendu parler de ces victimes qui, semble-
10 t-il, sont des civils.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
12 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mon Général, qu'a-t-il pu advenir de
13 ces personnes ? Il semble que ces personnes aient été attaquées d'une
14 manière ou d'une autre ? Qu'est-ce qui aurait pu leur arriver d'autre ?
15 Bon, peut-être que c'était justifié, mais tout semble indiquer qu'ils sont
16 morts suite à une attaque. Vous ne savez rien à ce propos ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'avais aucun élément d'information à leur
18 sujet car, à ce moment-là, l'armée n'était pas entrée dans le village de
19 Kotlina.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. Je suppose, Monsieur Jelic, que vous laissez entendre que dans une
22 région dans laquelle vous étiez déployé, vous assuriez la couverture de la
23 route qui allait de Djeneral Jankovic et vous dites que le long de cette
24 voie de communication les militants de l'UCK étaient présents, vous êtes en
25 train de dire que l'armée les chassaient simplement et les faisaient partir
26 le long de la route, parce que vous ne vouliez pas rentrer dans les
27 villages, car vous craigniez d'être attaqué par les gens de l'UCK. C'est
28 effectivement cela ce que vous dites dans votre déposition ?
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1 R. Je ne sais pas très bien ce que vous entendez par là, si vous dites :
2 "Qu'il fallait remonter la route dans un sens et dans un autre." Je ne sais
3 pas s'il s'agit d'une ballade le long de la route mais les unités se
4 déplaçaient le long de la route.
5 Q. Ce que vous dites, en fait, que votre armée n'est jamais entrée dans
6 les villages, on savait qu'il y avait des militants de l'UCK dans les
7 villages. Si vous n'êtes pas entré dans les villages, comment les
8 terroristes ont-ils pu vous attaquer ? Nous n'avons pas vos journaux de
9 bord. Nous n'avons pas les archives de vos unités, ni les comptes rendus.
10 Comment les membres l'UCK aurait-il pu vous attaquer si vous n'êtes pas
11 entré dans leurs villages ?
12 R. Je crois que cinq à six reprises j'ai déjà dit devant cette Chambre
13 quelle était la tactique adoptée par l'UCK. Il s'agissait de civils armés.
14 Ils n'attaquaient pas à partir de villages, mais ils attaquaient le long
15 des routes, la route l'axe nord-sud, autrement, Djeneral Jankovic et
16 Globocica. Autrement dit, ils n'étaient jamais dans les villages et ne
17 recherchaient jamais la protection d'un village. Bien le contraire, étant
18 donné que c'est une région très boisée, on ne peut pas le voir sur cette
19 carte car c'est une photocopie, l'altitude est de 1 000 mètres environ.
20 C'est très boisé dans cette partie-là et c'est très peu accessible. Ces
21 personnes marchaient, tiraient quelques coups de feu et, ensuite, lorsqu'on
22 ripostait à ces coups de feu, ils fuyaient à travers les bois, sans doute
23 pour aller chez eux ou pour retourner à leur base, nous ne savons pas de
24 quels villages ils venaient. On ne pouvait jamais obtenir de renseignement
25 sur ces questions-là, mais nous savions que c'étaient des personnes qui
26 venaient des villages voisins.
27 Comme vous pouvez le constater à l'est et à l'ouest nous n'avions pas
28 ce genre de difficultés, car tout était été concentré dans la région où
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1 étaient positionnées nos troupes de combat. Ce qui indique qu'ils
2 attaquaient nos unités de façon sans cesse.
3 Q. Autrement dit, vous dites que vous n'êtes jamais entré dans un village
4 pour essayer d'en faire sortir l'UCK, pour ne pas parler en spécialiste que
5 les choses soient claires ?
6 R. L'armée n'est jamais entrée dans un village pour neutraliser les
7 membres de l'UCK pour ce qui est de la zone qui entourait le village, cela
8 c'est très différent.
9 Q. Passons au point suivant à propos duquel je souhaite vous poser des
10 questions. Ivaja. J'ai très peu de temps. Paragraphe 63(k) de l'acte
11 d'accusation, où il est dit, je cite, paragraphe 63(k) : "Kacanik : Entre
12 mars et mai 1998, les forces de la FRY et de la Serbie ont attaqué des
13 villages de la municipalité de Kacanik et la ville de Kacanik elle-même.
14 Cette attaque s'est soldée par la destruction de maisons et de sites
15 religieux dont les mosquées de Kotlina et Ivaja."
16 Pouvons-nous regarder ici quelques extraits de cet ouvrage qui se
17 trouve à la pièce 321 ? Monsieur Jelic, il s'agit de compte rendu, c'est un
18 format que connaît bien la Chambre. C'est un document qui vient de la
19 Mission de l'OSCE. On parle ici du 9 mars. Avant qu'il y soit question d'un
20 état d'urgence ou d'un état de guerre, les représentants -- les
21 observateurs ont constaté qu'il y avait une opération de la VJ du MUP pour
22 écarter l'UCK de Djeneral Jankovic et de cette région. Tout d'abord, l'OSCE
23 s'est-elle trompée lorsqu'elle a dit que c'est un exercice -- ou dans une
24 manœuvre organisée conjointement par la VJ ou le MUP. Il s'agissait de
25 débarrasser, dans la région, des membres de l'UCK, cette région qui va à
26 Djeneral Jankovic.
27 R. La région de Djeneral Jankovic, c'est une région très étendue et
28 très peuplée. Il n'y avait pas de plan à cet effet, de débarrasser de
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1 l'UCK. Il s'agissait simplement de nous défaire des attaques terroristes.
2 Q. Vous étiez là avec le MUP et vous n'étiez pas là pour nettoyer
3 l'endroit, la région ?
4 R. Ecoutez, si vous me posez la question à moi personnellement. Non. Mes
5 unités se trouvaient dans la région et ils s'y sont trouvés pendant plus
6 d'un an et après la sécession de la république de Macédoine car c'est là
7 qu'il y a une frontière.
8 Q. Je vous pose une question non pas à vous-même, mais une question qui a
9 trait à vos unités. Donc, je vais reformuler ma question. Vos unités se
10 sont-elles trouvées à cet endroit-là pour faire quelque chose ou agir
11 contre l'UCK, mais non pas pour nettoyer la région; oui ou non ?
12 R. Les unités étaient présentes pendant tout ce temps. Vous pouvez du
13 reste le confirmer sur ce tableau. C'était sur cette carte. C'était une
14 décision du gouvernement fédéral. Il n'y avait de police, de membres de la
15 police le long de la frontière, à l'exception de Djeneral Jankovic.
16 Q. Donc, poursuivons. Comment l'OSCE ou le MVK ont-ils dans leur rapport
17 indiqué ceci ? "Leurs patrouilles ont été -- on a empêché à leurs
18 patrouilles de pénétrer dans les villages en question. Les forces du MUP et
19 de la VJ ont ensuite suivi un plan et ont encerclé les villages de la
20 région en forçant les habitants à fuir car ils faisaient usage de tirs
21 directs et indirects. Au milieu de l'après-midi, les maisons à Gajre,
22 Ivaja, Straza, Alil Mahala brûlaient. Les Unités du MUP avaient semblé
23 déterminer à détruire ces villages."
24 Y a-t-il une raison de mettre en doute les dires de l'OSCE qui ont
25 été consignés ici, y compris ce qui a été constaté à propos d'Ivaja ?
26 R. Vous avez parlé de plusieurs villages ici. Il s'agit quasiment de
27 l'ensemble de la municipalité. L'armée ne pouvait pas quitter ces zones de
28 responsabilité. L'armée ne partait pas. Je ne sais pas de quelle patrouille
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1 vous voulez parler. Vous dites quand les patrouilles ont arrêté et bloqué.
2 Je parle des patrouilles du MUP parce qu'il s'agit des patrouilles
3 officielles. C'est cela que vous entendiez ? Je ne comprends pas comment
4 votre question, ni la formulation de votre question. Quelle patrouille ?
5 Est-ce que vous parlez des patrouilles de l'UCK ?
6 Q. Je vais vous laisser une dernière chance --
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas ce que M. Nice cite ici
9 dans ce document, document de l'OSCE. C'est un rapport de l'OSCE. Je ne
10 suis pas en possession d'un tel document.
11 M. NICE : [interprétation] Pièce 321. Peut-être que l'accusé ne se souvient
12 pas. Je vais le lui rappeler. Il s'agit d'un document qui a été utilisé à
13 de multiples reprises. C'est une compilation de rapports quotidiens, des
14 observateurs de l'OSCE qui se trouvaient sur le terrain.
15 Q. Monsieur Jelic, vous n'avez pas compris ce que j'ai dit. Je vais
16 répéter ma question pour qu'elle soit plus simple.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sur le rétroprojecteur.
18 L'ACCUSÉ : Monsieur Robinson.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, le document se
20 trouve sur le rétroprojecteur.
21 M. NICE : [interprétation]
22 Q. Le rapport de l'OSCE --
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas un document de l'OSCE. C'est un
25 extrait de l'ouvrage : "As Seen, As Told," "Ce que nous avons vu, ce que
26 nous avons raconté." Il y a toutes sortes choses qui figurent dans cet
27 ouvrage.
28 M. NICE : [interprétation] Puis-je continuer mon contre-interrogatoire,
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1 s'il vous plaît ?
2 L'INTERPRÈTE : Microphone pour M. Nice, s'il vous plaît.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quoiqu'il en soit, c'est le document
4 qui se trouve sur le rétroprojecteur.
5 Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Je disais -- donc, je vais vous soumettre mon idée de façon plus
8 simple. Les observateurs de l'OSCE sur le terrain ont rapporté que les
9 forces du MUP et de la VJ ont encerclé les villages, ont forcé les
10 habitants à fuir sous les coups de feu direct et indirect, et ont mis le
11 feu à des maisons et même des maisons à Ivaja; est-ce que ceci peut-il
12 correspondre à la vérité ?
13 R. Non. Ceci n'est absolument pas vrai. L'armée n'est jamais entrée dans
14 les villages, n'a jamais mis le feu à des bâtiments et n'a jamais chassé la
15 population. Ce sont nos propres gens. Pourquoi est-ce que nous voudrions
16 les chasser ?
17 Q. Est-ce que vous dites qu'il a été question d'une opération conjointe
18 organisée par vous et le MUP sur la voie de communication Straza, Ivaja,
19 Gajre, Kotlina ? Y a-t-il eu question de ce type d'opérations à aucun
20 moment ? Oui ou non ?
21 R. Non. Il n'y a pas eu d'opérations conjointes. Nous nous sommes
22 simplement battus contre -- nous avons simplement combattu les terroristes
23 vraiment où ceux-ci surgissaient.
24 Q. Je vais maintenant vous citer ce qui a été consigné à propos du jour
25 suivant. Ensuite, nous en aurons terminé avec Ivaja. Le lendemain, c'est
26 toujours la même équipe de l'OSCE, la mission a rapporté ce qui suit, donc,
27 à propos d'Ivaja. Leur patrouille de reconnaissance numéro 5, je crois --
28 non, oubliez.
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1 "Le MVK a escorté et d'un convoi de la HCR des Nations Unies, ils ont
2 été arrêtés par la VJ et le MUP. Mais, pour finir, ils ont été autorisés à
3 poursuivre et trois corps en habit civil ont été retrouvés à Ivaja, village
4 complètement désert comme l'est Gajre.
5 Ensuite, les observateurs ont apporté leurs commentaires. Ils ont dit
6 que la VJ avait une petite garnison de soldats et du matériel militaire.
7 Quatre BOV et quatre véhicules de transport de cargos à Djeneral Jankovic."
8 Que pouvez-vous nous dire à propos de ces trois corps retrouvés en
9 habit civil, ces trois corps à Ivaja ?
10 R. Je ne peux vous fournir aucune explication pour ces trois cadavres
11 retrouvés à Ivaja car ils sont en habit civil et aucun terroriste ne
12 portait un uniforme pendant toute la durée de la guerre et en 1998, ils
13 portaient des habits civils et ils portaient des armes à la main, des
14 fusils à la main. Ces trois personnes, ce sont, sans doute, battus contre
15 les soldats et ont été tués, et à savoir si ceci porte sur Djeneral
16 Jankovic, non.
17 Q. C'est lié --
18 R. Vous avez dit --
19 Q. Ceci a trait avec Ivaja. L'accusé vous a posé des questions sur Ivaja.
20 Donc, vous saviez que la question à propos d'Ivaja allait être posé et nous
21 n'avons vu aucun document nous permettant de dire ce qu'ont fait vos
22 hommes, ce jour-là, encore moins, pour le 9 et le 10. Pouvez-vous nous dire
23 quelque chose ou nous fournir une quelconque explication sur ce -- les
24 raisons pour lesquelles ces trois hommes ont été tués à Ivaja, le 9 ou le
25 10 ?
26 R. Je ne sais pas comment ils ont été tués, mais c'est vous qui avez dit
27 que l'armée se trouvait cantonnée dans la garnison de Djeneral Jankovic.
28 Donc, je ne l'ai dit par hasard.
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1 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à ce que le deuxième microphone du
2 témoin soit branché car lorsqu'il est tourné vers
3 M. Nice, nous avons du mal à l'entendre.
4 M. NICE : [interprétation] Si vous voulez bien allumer l'autre microphone,
5 s'il vous plaît, Madame l'Huissière.
6 Q. Veuillez regarder ce document, s'il vous plaît, qui vous est en B/C/S.
7 Nous allons mettre la version anglaise sur le rétroprojecteur.
8 Bien. C'est un document qui est daté du 9 mars. Voici ce qu'on y lit.
9 On y lit que : "En commençant à 5 heures 30, le 8 mars, les membres du SUP
10 d'Urosevac et du SUP -- l'Unité spéciale de la Police de Gnjilane,
11 accompagnés de membres de la VJ, ont lancé une opération pour nettoyer les
12 villages de Straza, Ivaja, Gajre et Kotlina. Dans la municipalité de
13 Kacanik, des groupes terroristes qui ont mené des opérations terroristes
14 dans la région en attaquant des membres de la police et cetera."
15 Qu'avez-vous à dire à propos de ce document ? Vous niez qu'il y a eu
16 une quelconque opération conjointe. Donc, qu'avez-vous à dire à propos de
17 ce document-ci ?
18 R. Je dois d'abord lire le document avant de dire quoique ce soit. Mais, à
19 aucun moment, je n'ai nié qu'il y ait eu un combat conjoint contre le
20 terrorisme. Vous avez dit tout à l'heure que l'armée entrait avec la police
21 dans des villages pour chasser la population. Ce n'est pas la même chose.
22 Dans les secteurs qui sont mentionnés ici, on parle de l'emplacement des
23 unités. Si vous vous penchez convenablement sur la carte, vous allez voir
24 le déploiement au combat des unités. J'ai dit au sujet de toutes les unités
25 qu'il y avait des bataillons ou des batteries chargées de la lutte contre
26 le terrorisme, une des unités d'intervention en quelque sorte. Au cas où il
27 y aurait des attaques contre l'armée de Yougoslavie, nous prenions des
28 mesures.
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1 Q. Juste un instant, je vous prie. Laissez-moi vous rappeler la question
2 que j'ai posée il y a quelques instants et la réponse que vous avez fournie
3 il y a quelques instants également.
4 Je vous ai demandé s'il y a eu des opérations conjointes entre vous et le
5 MUP dans les villages de Straza, Ivaja, Gajre, et je vous ai demandé s'il y
6 avait une possibilité quelconque d'une opération conjointe. Vous avez
7 répondu que : "Il n'y avait pas d'opération conjointe, qu'il n'y a eu que
8 des combats contre le terrorisme, là où ils faisaient leur apparition." Par
9 conséquent, Monsieur Jelic, il semblerait que vos réponses maintenant et
10 celles de tout à l'heure ne coïncident pas. Pourquoi avez-vous dit une
11 chose et pourquoi avez-vous changé d'avis ? Pourquoi ? Est-ce que c'est
12 parce que nous vous avons pris au piège en vous montrant ce document ?
13 R. Non, au contraire. Mais vous n'avez pas présenté ce que vous avez ici -
14 - la question que vous avec posée. Ce que vous avez omis délibérément,
15 expulsion et nettoyage du terrain, pour prouver que nous avons fait ce que
16 vous voulez démontrer que nous avons fait. Relisez une fois de plus votre
17 question en entier et vous verrez que le compte rendu d'audience coïncide.
18 Q. Monsieur Jelic, écoutez les questions et répondez ici. Regardez ce
19 paragraphe et vous verrez qu'il est clairement dit que l'armée et le MUP
20 ont réalisé une opération conjointe de nettoyage de villages. Il y a 10 à
21 15 minutes, vous avez dit que vous n'êtes jamais entré dans les villages.
22 Alors qu'en est-il ?
23 R. Jamais l'armée n'est entrée dans les villages. Je le répète une fois de
24 plus : jamais l'armée n'est entrée dans les villages.
25 Q. Dites-nous ce que l'armée avait fait dans cette opération conjointe
26 dont vous ne vous souveniez pas il y a cinq minutes. Quelle était votre
27 mission ?
28 R. Ecoutez, il y a cinq minutes ou il y a cinq jours, et c'est quelques
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1 années en arrière et j'ai bonne souvenance de ce que nous avons fait.
2 L'armée lorsqu'il y avait des groupes terroristes, où des terroristes
3 faisaient leur apparition, l'armée avait pour mission de bloquer, et au cas
4 où ils se trouveraient dans des agglomérations, la chose était laissée et
5 confiée aux instances du MUP. Ailleurs, il s'agissait pour l'armée de se
6 battre jusqu'à extermination.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a une incompréhension des plus ordinaires
10 ici. Monsieur Jelic est un militaire professionnel --
11 M. NICE : [interprétation] Normalement quand l'accusé commence à faire ce
12 genre de chose, il cherche à aider le témoin à répondre, donc je voudrais
13 que l'accusé n'ait pas l'autorisation de le faire.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, si vous voulez
15 faire un commentaire, je ne vais pas vous le permettre. Si vous avez une
16 objection, vous pouvez y aller.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux faire un commentaire. Je dis que M.
18 Jelic est un militaire professionnel.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, vous ne pouvez pas le
20 faire. Vous pouvez soulever la question dans vos questions complémentaires,
21 mais il vous appartient de nous aider à comprendre. Vous pouvez poser des
22 questions lorsque votre tour viendra.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais j'essaie de vous aider à comprendre de
24 quoi il s'agit.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais vous n'êtes pas en train
26 de témoigner. Vous n'êtes pas sur le banc du témoin. Vous ne comprenez pas
27 la façon de procéder.
28 M. NICE : [interprétation] Avec l'autorisation des Juges, je voudrais
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1 continuer.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Nice.
3 M. NICE : [interprétation]
4 Q. Monsieur Jelic, ce que je voulais dire c'est que les rapports de l'OSCE
5 disent que le MUP et l'armée ont attaqué ensemble les villages, est-ce que
6 ce qui est dit ici est exact ?
7 R. Non, l'armée n'a pas attaqué les villages. Là où il y a eu des membres
8 de l'UCK, l'armée s'est chargée de boucler ces secteurs. Vous avez parlé du
9 village d'Ivaja. Vous ne m'avez pas laissé lire jusqu'à la fin. Regardez le
10 paragraphe 3. On dit que : "Les forces de la police spéciale sont entrées,
11 ont brisé le groupe terroriste et sont entrées dans leur QG dans le
12 village." Cela ne fait que confirmé ce que je vous ai dit tout à l'heure en
13 répondant à votre question précédente. C'est en principe ce qui a été fait
14 dans la totalité des villages.
15 Q. Oui. Lisons ce qui se trouve au bas du paragraphe.
16 R. Allons-y.
17 Q. On dit : "Au village d'Ivaja, les forces spéciales de la police ont
18 brisé un grand groupe de terroristes et ont détruit le QG de ce qu'il est
19 convenu d'appeler l'UCK de la 162e Brigade. Dans cette opération, il a été
20 saisi une grande quantité d'explosifs, de mines, d'armes d'infanterie, de
21 lance-roquettes portatifs, et ainsi de suite.
22 "Ensuite, on a saisi une grande quantité de matériel médical et une
23 documentation parlant de l'organisation de groupes terroristes et de leurs
24 opérations. Cette opération visant à nettoyer le territoire de groupes
25 terroristes s'est terminée à 17 heures 30."
26 Bien sûr, je ne peux pas vous affirmer de quelle façon les combats se sont
27 déroulés dans le village, et comment les personnes dans les villages ont
28 été tuées, mais il est clairement dit ici qu'il s'agissait d'une opération
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1 conjointe menée à bon terme. L'armée a participé à cette opération
2 conjointe. L'armée a certainement noté quelque chose au sujet de ce qui
3 s'est passé. Pourquoi, il y a quelques instants, lorsque je vous ai demandé
4 si vous aviez des explications concernant la façon dont ces trois hommes
5 ont été tués à Ivaja, pourquoi ne nous avez pas dit que c'était là la
6 conséquence d'une opération menée conjointement ?
7 R. Vous avez indiqué que trois hommes ont été tués là-bas. Mais moi, je
8 ne sais pas quand et comment ces gens-là ont été tués. Vous pouvez indiquer
9 quelque moment que ce soit sans présenter de documents, moi, je ne peux pas
10 m'en souvenir. Il serait absurde de demander à quelqu'un de demander à se
11 rappeler de la totalité des détails.
12 Q. Justement, justement, sans document, vous ne pouvez pas vous en
13 rappeler. Ne pensez-vous pas qu'il soit offensant pour l'intelligence de
14 quiconque de venir devant ce Tribunal sans faire l'effort de se pencher sur
15 l'un quelconque des documents créés à l'époque ? Ne pensez-vous pas que ce
16 soit offensant pour quelque personne intelligente que ce soit ?
17 R. Je ne vois pas en quoi cela serait offensant. De quels documents
18 parlez-vous ? Si je n'ai pas ces documents, je ne peux pas les commenter et
19 je ne peux pas vous donner une évaluation quelconque.
20 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jelic, il y a quelques
21 minutes, vous nous avez dit que vous aviez souvenance de toutes ces choses
22 et "que vous vous souveniez de vos réponses d'il y a cinq minutes et de ce
23 qui s'est passé il y a cinq ans." C'est vous qui vous êtes servi de cette
24 expression. On vous a demandé, il y a quelque temps, de nous expliquer ou
25 on vous a demandé de nous dire si vous pouviez expliquer comment il se
26 faisait qu'on ait retrouvé, à Ivaja, trois cadavres. Vous n'avez rien dit.
27 Vous auriez peut-être pu dire que : "C'était une opération de la police
28 dont vous aviez le souvenir pour ce qui est des dates allant du 8 au 10
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1 mars."
2 Pourquoi ne le faites-vous pas ? Pourquoi n'essayez-vous pas d'aider les
3 Juges de la Chambre à déterminer la vérité sur ces questions ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne peux pas répondre et
5 aider cette Chambre pour apporter des réponses forfaitaires. Je me souviens
6 des réponses et je me souviens des questions qui m'ont été posées. Je me
7 souviens également de la teneur globalement parlant des documents.
8 Maintenant, pour ce qui est de savoir où est-ce que quelqu'un a été tué et
9 dans quelles circonstances, il serait absurde de demander à quelqu'un de
10 s'en souvenir sur un territoire très grand, alors qu'il n'a pas de
11 documents à ce sujet.
12 On essaie de faire passer le sujet sur ce terrain concret et avant cela il
13 a été question de nettoyage du terrain autour de Djeneral Jankovic et d'une
14 opération conjointe entre la police et l'armée.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Jelic, Monsieur Jelic la
16 question était celle de nous dire : "Ce que faisait l'armée dans
17 l'opération conjointe ?" dont vous ne vous souveniez pas il y a cinq
18 minutes. Je vous ai demandé quelle a été votre rôle et vous avez dit : "Je
19 me souviens très bien de ce qui se passait, il y a cinq minutes, il y a
20 cinq jours et cinq ans."
21 Est-ce que vous voulez retirer cette réponse ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne retire pas ma réponse. L'armée devait
23 sécuriser ses flancs, ses ailes et elle devait se sécuriser à l'égard des
24 terroristes et combattre ces terroristes. C'était sa mission fondamentale.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
26 M. NICE : [interprétation]
27 Q. Avant que de passer au dernier des sujets. J'aimerais que vous me
28 confirmiez ce qui suit : d'après ce que vous en savez, êtes-vous la seule
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1 personne de votre brigade qui est venue témoignée ici pour la défense de
2 l'accusé ?
3 R. Pour autant que je le sache, oui.
4 Q. Venir ici sans documents de l'époque fournir des réponses de nature
5 générale, si nous n'arrivons pas à nous procurer des documents de l'époque,
6 nous ne serons jamais à même de déterminer ce que vos unités ont fait là-
7 bas aux dates du 9 et 10 mars 1999, n'est-ce pas ?
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que ce témoin-ci ne saurait
9 vous répondre. Allez de l'avant, Monsieur Nice.
10 M. NICE : [interprétation] Comme Monsieur le Juge le voudra. Les Juges de
11 la Chambre vont vouloir savoir que le document que nous avons consulté tout
12 à l'heure était la pièce de la Défense numéro 312, intercalaire 24.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document de Janicevic.
14 M. NICE : [interprétation] Oui, le document de M. Janicevic.
15 Q. Nous allons passer à un troisième domaine, très brièvement. Il s'agit
16 de Stagovo. Voyons ce que dit l'acte d'accusation au sujet de Stagovo, il
17 s'agit du 63(k)(ii) et 66(l)(iii). Passons d'abord au 66(l)(iii).
18 Nous parlons de la date du 21 mai 1999 ou vers cette date : "Le village de
19 Stagovo a été encerclé par les forces de la FRY et de la Serbie. La
20 population a essayé de fuir en direction des montagnes situées à l'est du
21 village. Au cours de cette action, au moins 12 personnes ont été tuées. La
22 plus grande partie du village a été pillée et incendiée."
23 Que savez-vous nous dire à ce sujet ? Je vais vous aider avec les dates, il
24 s'agit de la date du 21 mai 1999.
25 R. J'ai déjà dit que le village de Stagovo était très caractéristique,
26 parce que depuis, non pas du village, mais de ce secteur, il y a eu des
27 attaques constantes contre les détachements blindés, ce sont les petits
28 rectangles qui sont dessinés sur la carte en direction de Kamena Glava.
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1 Les attaques se faisaient généralement la nuit et, à plusieurs reprises,
2 les terroristes sont entrés dans des champs de mines. L'armée n'a fait que
3 riposter puisqu'elle ne pouvait pas quitter ses pièces d'artillerie et
4 aller les poursuivre dans les villages. L'armée n'est pas entrée dans le
5 village de Stagovo, elle n'a fait que combattre au nord du village de
6 Stagovo pour se battre contre les terroristes. Pour ce qui est des
7 opérations conjointes et d'entrer dans le village de Stagovo, je dirais
8 qu'il n'y en a pas eu.
9 Si cette défense est considérée comme étant une opération, moi, je veux
10 bien.
11 Q. Bien, les éléments de preuve présentés devant la Chambre s'agissant de
12 Stagovo englobent ce qui suit : ce jour-là, les soldats de l'armée de
13 Yougoslavie ont été vus dans ce secteur, ils ont été vus par le témoin
14 Dashi. Les gens se sont retirés. On a pu entendre des tirs de mortier et
15 des tirs d'arme d'infanterie, une fois que les forces serbes se sont
16 retirées, on a retrouvé dans le village des cadavres.
17 Pouvez-vous, je vous prie, nous expliquer comment se fait-il que ces gens-
18 là aient été tués dans le village en question ?
19 R. Tout d'abord, je dirais que cette unité n'a pas disposé de mortier et
20 d'artillerie antichar. Comment ces gens-là ont été tués, cela je ne le sais
21 vraiment pas. Je ne puis que supposer qu'ils ont dû s'aventurer à entrer en
22 conflit. L'armée a toujours été, et comme il dit qu'il a vu les soldats,
23 oui, il les a vus, il les a vus entre Stari Kacanik et Stagovo, c'est là
24 que les soldats ont été déployés.
25 Q. Ces gens qui se sont battus ont bien pu perdre leurs vies de la sorte,
26 et vous nous avez dit que lorsqu'il y avait décès, il fallait bien que la
27 chose soit consignée. Donc quelque part dans les documents de l'armée, il
28 doit bien y avoir consignation de la façon dont ces personnes ont perdu la
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1 vie. Il se peut que cela ait été dit en termes généraux ou en termes
2 concrets, mais il doit y avoir des notes à ce sujet ?
3 R. Lors de l'assainissement des champs de bataille, là, où l'on a retrouvé
4 des cadavres de quelque façon que ce soit, il se peut qu'il y ait eu des
5 activités criminelles ou quoi que ce soit d'autre, donc chaque fois qu'on
6 retrouve un cadavre, il faut procéder conformément à la loi et conformément
7 aux ordres donnés par le commandement du Corps d'armée, et en application
8 du droit international. On doit récupérer les corps, les inhumer de façon
9 digne et remettre une documentation aux autorités locales. Dans ce cas
10 concret, il s'agirait des autorités de Kacanik.
11 Q. Nous pouvons être sûrs que la documentation remise aux autorités de
12 Kacanik au sujet des personnes tuées à Stagovo sauraient très probablement
13 nous fournir des informations au sujet du fait que les personnes qui ont
14 été ramassées là-bas étaient armées et ont participé au combat, n'est-ce
15 pas ?
16 R. Je ne peux pas vous dire ce qui est dit dans cette documentation. Cela
17 dépend de l'identité de ceux qu'ils ont retrouvés. Si ce sont des
18 autorités, ce sont le Juge d'instruction et autres instances qui devaient
19 intervenir. Ces endroits devaient être marqués. Ces personnes devaient être
20 inhumées de façon digne de ce nom, et la procédure devait s'accompagner
21 d'une documentation appropriée.
22 M. NICE : [interprétation] Avec l'autorisation des Juges de la Chambre.
23 Q. Nous allons placer ce document-ci sur le rétroprojecteur. Il s'agit
24 d'une partie de la pièce à conviction 163, intercalaire 11. Le document est
25 en langue anglaise, mais je vais vous donner lecture de ce qui importe. Ce
26 document provient d'un rapport médico-légal suisse, ils ont effectué leur
27 enquête le 24 et 25 septembre 1999, date à laquelle ils se sont penchés sur
28 une fosse commune à Stagovo. Vous pouvez voir vous-même que, parmi les
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1 personnes tuées, il y a une femme de 74 ans, un garçon de sept ans, une
2 femme née en 1954, elle devait avoir donc à l'époque 45 ans, puis, une
3 femme née en 1916, ensuite une autre femme née en 1943.
4 Q. Auriez-vous l'amabilité de nous aider. Partant de vos souvenirs,
5 Monsieur Jelic, dites-nous comment, dans une opération avec la
6 participation de l'armée, il y a eu mort de ces personnes-là ? Parce que
7 tous ceux qui sont intéressés par ce qui s'est passé là-bas voudraient le
8 savoir. Dites-le nous.
9 R. Vous dites que l'armée a participé à cette opération. Je répète et j'ai
10 répété à plusieurs reprises que l'armée n'a pas participé à cette
11 opération. L'armée n'est pas entrée dans le village de Stagovo et n'a pas
12 réalisé d'opération.
13 S'agissant du décès de ces personnes-là, je n'ai aucune raison de ne pas
14 croire que ces personnes ont péri effectivement, mais je ne sais pas où et
15 je ne sais pas qui est-ce qui a fourni ces renseignements.
16 Je peux en douter. Je n'ai pas à en douter non plus. Parce que ces
17 renseignements sont, enfin, ce sont peut-être des gens qui sont morts de
18 mort naturelle. Je ne sais pas du tout. N'oubliez pas quand on est né en
19 1976, il se peut très bien que ce soit une personne morte de mort
20 naturelle.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, merci, mon Général. Allons de
22 l'avant.
23 M. NICE : [interprétation] Soit dit en passant il s'agit de mort par balle
24 et mort à l'arme blanche.
25 Q. Autre chose au sujet, de Stagovo d'autres éléments que nous avons
26 présentés aux Juges de la Chambre et parmi ces choses-là, il y a un recueil
27 de pièces à conviction parlant de la même chose.
28 M. NICE : [interprétation] Je voudrais que, sur le rétroprojecteur, on
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1 place la page 221 et, notamment, le coin gauche, en bas, où il est question
2 du 30 avril.
3 Q. On dit : "Que le 30 avril, Stagovo, à l'est de la route numéro 2, en
4 dessous de Stari Kacanik, non loin des chemins de fer, ont été pilonnés, et
5 la police n'est pas entrée dans le village, mais a encerclé le village."
6 On dit qu'il y a eu des combats.
7 Ensuite, on dit : "Qu'au mois de mai, l'UCK avait une espèce de place
8 forte, non loin du village et le 21 mai, Stagovo a été attaqué, une fois de
9 plus. L'armée et la police ont pilonné le village. Les villageois ont
10 commencé à fuir vers les montagnes."
11 Donc, il est explicitement dit qu'il s'agissait de l'armée de Yougoslavie.
12 Avez-vous souvenance de ce que l'armée faisait là-bas, le 21 mai ?
13 R. C'est vous qui confirmez ce que j'ai dit, tout à l'heure, à savoir
14 qu'elle s'est battue contre les terroristes. Les terroristes qui se
15 trouvaient au village de Stagovo. Quand vous dites "ce village," vous dites
16 -- vous pensez au centre du village, mais on ne peut pas cibler l'armée à
17 partir du centre du village. A chaque fois qu'il y avait des terroristes,
18 l'armée s'est battue de façon violente contre ces terroristes. Mais, ici,
19 je ne comprends pas parce que vous me faites une traduction, mais on dirait
20 que le MUP a fouillé le village de Stagovo à la recherche de cette bande de
21 terroristes que vous venez de mentionner.
22 Q. Vous pouvez --
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, ce qui me préoccupe
24 c'est qu'en aussi peu de temps que vous avez, vous êtes en train de contre-
25 interroger sur des documents qui ne font pas partie des pièces à
26 conviction.
27 M. NICE : [interprétation] Oui. C'est le cas.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous avez dit que ce n'était pas versé
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1 au dossier.
2 M. NICE : [interprétation] Je n'ai pas dit que cela ne faisait pas partie
3 de nos éléments de preuve. Etant donné que cela est fait, effectivement --
4 partie de nos éléments de preuve.
5 Q. Mais la raison pour laquelle je mentionne ceci est la suivante. Il est
6 dit ici de façon concrète -- et laissez-moi un instant pour que je retrouve
7 le passage.
8 Alors, ici, on dit que des exécutions ont été l'œuvre de
9 paramilitaires. Il est question d'interviews et on dit que des témoins ont
10 déclaré que des personnes parmi lesquelles des femmes ainsi qu'une grand-
11 mère paralysée ont été exécutées par des paramilitaires et que leurs
12 maisons ont été ensuite incendiées.
13 Alors, avez-vous souvenance de ce que les militaires ont fait avec la
14 participation de la police et est-ce qu'il y a parmi ces souvenirs un
15 souvenir relatif à la participation de paramilitaires également ? Oui ou
16 non ?
17 R. Cela, c'est un mensonge des plus absolus, des plus patents.
18 Q. Je vois. Donc, ceux qui ont décrit la mort de femmes et d'enfants sont
19 -- ou plutôt, dites-moi : y a-t-il possibilité de voir les soldats reconnus
20 à tort et on aurait estimé que c'étaient des paramilitaires ?
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous replacer cette pièce sur
22 le rétroprojecteur, je vous prie, pour mes besoins ?
23 Monsieur Nice, où se trouve ce passage que vous venez de lire, à
24 savoir le passage disant que le village a été pilonné de loin ?
25 M. NICE : [interprétation] "En date du 21 mai, Stagovo a été attaqué une
26 fois de plus. L'armée de Yougoslavie et la police ont pilonné le village de
27 loin. Les villageois ont commencé à fuir vers les montagnes."
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Je voudrais justement poser
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1 une question au général à ce sujet. Il nous a constamment dit que l'armée
2 n'est jamais entrée dans les villages.
3 Est-ce que ceci se trouve être cohérent avec ce que vous avez déjà dit, à
4 savoir que les pilonnages se faisaient de loin ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement, Monsieur le Président. L'armée n'a
6 jamais attaqué des villages. Nous n'avons pas la compétence. Nous ne sommes
7 pas habilités à attaquer ou à inspecter des villages. S'il y a une
8 fortification de construite dans un village, c'est l'armée, à l'armée que
9 revient la tâche de briser à l'artillerie la fortification en question mais
10 pour ce qui est de combattre les terroristes, procéder à des inspections de
11 villages et à des arrestations, c'est la police qui en est chargée. C'est
12 le MUP. Donc, on dit ici qu'il y avait là un groupe de terroristes. C'est
13 la raison pour laquelle j'ai dit, je me suis servi des termes que j'ai
14 utilisés.
15 Il y avait un groupe de terroristes dans Stagovo et on s'attendait à
16 ce que l'armée fasse son travail. Autrement, elle ne l'aurait pas -- elle
17 n'aurait pas accompli sa mission.
18 La dernière des questions est celle de savoir comment un simple citoyen
19 pourrait parler, savoir parler de paramilitaires dans un village du fin
20 fond de la campagne. Avec tout le respect que je dois à l'éducation de ces
21 gens et à la localité où ils vivaient, quand ils voyaient un homme, ils
22 voyaient soit un policier ou un soldat, mais ils ne savaient pas faire la
23 distinction entre eux et les paramilitaires. On a inventé cela de toute
24 pièce pour jeter une souillure sur ma brigade. J'aimerais qu'on me donne le
25 nom, ne serait-ce que d'un de ces soldats à avoir été un "paramilitaire"
26 dans mes rangs et je veux bien, alors, dans ce cas-là, assurer une pleine
27 et entière responsabilité de tout ce qui s'est passé.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, d'une manière générale, la
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1 stratégie demandait à l'armée d'opérer de loin et le MUP entrait dans les
2 villages pour s'occuper --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est le principe général.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Ma dernière question sur ce --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mon Général, est-ce que vous excluez
9 toute possibilité qu'il y ait eue une personne ou des personnes à avoir été
10 armée sans pour autant faire partie des rangs de l'armée ou de la police,
11 que ce soit légal ou illégal ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'exclus pas cette possibilité. Il se peut
13 qu'il y ait eu des bandes d'individus, de criminels, comme cela est le cas
14 en temps de paix, dans des conditions de vie, tout à fait, normales. Il y a
15 toujours des criminels. Il est très probable que les criminels aient
16 pilulés en des temps où il y avait des circonstances de guerre.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, les hommes ordinaires auraient pu
18 les qualifier de paramilitaires ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, mais, dans notre langue, c'est un
20 terme qui n'a été utilisé qu'au fil des quelques dernières années. C'est un
21 terme qui a été importé. On a parlé de hors la loi. On a parlé de policiers
22 ou de militaires mais "paramilitaire," c'est un terme qui nous est venu
23 d'ailleurs, qui nous a été imposé par autrui.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle des unités organisées.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Revenons à Stagovo, est-il exact de dire
27 que l'armée a pilonné le village ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée n'a pas pilonné le village. Le groupe
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1 terroriste qui se trouvait au nord de Stagovo a été repoussé là-bas par la
2 police parce que ce groupe avait attaqué la police de Kacanik. Ils ont été
3 repoussés là et ils ont essayé de passer par les positions tenues par un
4 Détachement antichar, antiblindé et par Kamena Glava et c'était là
5 qu'étaient déployées nos forces à nous.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etes-vous en train de dire que l'armée
7 n'a jamais pilonné ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle n'a pas pilonné le village. Elle n'a
9 jamais pilonné le village car le village avait été pilonné, j'aurais reçu
10 un rapport de quelque nature qu'il soit.
11 Or, ce qui a été écrit - et je l'ai dit à plusieurs reprises - c'est
12 que des combats ont eu lieu au-dessus de Stagovo et que certains hommes ont
13 même sauté sur de mines, probablement en tentant de fuir les forces du MUP
14 ou de se rapprocher de leurs positions.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Ma question n'était pas
16 bien posée. L'armée a pilonné l'endroit d'où des tirs étaient partis; c'est
17 bien cela, n'est-ce pas ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
20 M. NICE : [interprétation]
21 Q. Ma dernière question qui d'une certaine façon, fait suite à celle de M.
22 le Juge Kwon est la suivante : Vous m'avez dit qu'il était hors de question
23 que l'on puisse confondre vos soldats avec des hommes que l'on a l'habitude
24 de qualifier de militaire. Il est exact, n'est-ce pas, et même certain que,
25 dans l'ordre du 26 mars, vous donniez des ordres non seulement à l'armée,
26 mais également à des hommes non Siptar armés, c'est-à-dire, à des Serbes
27 qui avaient reçu des armes.
28 Est-ce que ces personnes, à votre avis, auraient pu être prises pour
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1 quelqu'un d'autre et notamment pour ce que l'on a l'habitude d'appeler des
2 "paramilitaires" ?
3 R. Les différentes expressions ou les différents termes qui pouvaient être
4 utilisés par les uns ou par les autres, je n'en sais rien, et il est sans
5 doute impossible à qui que ce soit aujourd'hui de préciser avec une total
6 certitude ce que telle ou telle personne aurait pu utiliser pour terme pour
7 qualifier ce genre de gens à l'époque.
8 Quant à ce que dit le document auquel vous faites référence, en dehors de
9 l'armée de Yougoslavie, il y avait le ministère de la Défense qui avait
10 distribué des armes à des personnes pour leur permettre de défendre des
11 installations d'une importance vitale, comme les bureaux de poste, les
12 banques, les centres téléphoniques, les transformateurs d'électricité, et
13 autres installations tout à fait capitales qui se trouvaient dans la zone
14 de responsabilité.
15 Toutes ces personnes étaient organisées; elles étaient placées sous un
16 commandement qui était soit le ministère, soit l'armée, soit le MUP et
17 elles ne pouvaient pas être qualifiées de paramilitaires car ce qu'elles
18 faisaient n'était pas totalement séparé de l'action de l'armée. Leurs
19 activités entraient dans le cadre des activités menées par les soldats
20 également. Elles avaient un travail particulier à effectuer.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, vous dites que la
22 stratégie générale de l'armée consistait à opérer de loin, alors que la
23 police entrait dans les villages pour s'occuper des rebelles ou quelque
24 soit le nom qu'on leur donne. Pour quel -- est-ce que -- est-ce que tout
25 cela était dû à des raisons tactiques ou imposé par la constitution et par
26 la législation ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, voyez-vous lorsque des groupes
28 terroristes font leur apparition à un endroit déterminé, les choses sont
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1 tout à fait claires et tout à fait simples. Ces groupes sont encerclés et
2 détruits; cependant, si ces groupes fuient vers des zones habitées, les
3 militaires se voient contraints d'encercler le village, à partir d'un point
4 déterminé et ensuite le MUP pénètre dans le village, fouille les bâtiments
5 et mène des combats dans des secteurs habités. L'armée pour sa part ne
6 pénètre pas dans les villages et elle ne tire pas parce que, si elle le
7 faisait, cela reviendrait à tirer au hasard. Il n'y a pas de front dans une
8 telle situation. Il n'y a pas d'armée en face d'une autre armée. En
9 général, ces groupes comptaient une quinzaine et jusqu'à une cinquantaine
10 d'hommes tout au plus.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Encore une question. De quand date
12 le terme "paramilitaires" dans votre pays ? Vous dites qu'il est d'usage
13 récent.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire que ce terme de "paramilitaires"
15 a commencé à être utilisé disons dans les années 1990. Malheureusement
16 c'est un terme qui a commencé à être utilisé au moment où a commencé la
17 désintégration de la Yougoslavie, au moment où certains partis politiques,
18 non seulement en Serbie, mais dans toute la Yougoslavie ont commencé à se
19 servir de ce terme et tout cela avec des intérêts bien particuliers à
20 défendre.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez terminé, Monsieur
22 Nice.
23 M. NICE : [interprétation] J'ai encore trois sujets, Monsieur le
24 Président. J'aurais voulu poser deux autres questions de nature générale au
25 témoin avec l'autorisation de la Chambre.
26 Q. Mon Général, y a-t-il des textes dont vous ayez souvenir qui -- où il
27 soit question à quelque endroit que ce soit de la prise de prisonniers de
28 guerre, de la capture de prisonniers de guerre ?
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1 R. Si cette question s'adresse à moi, je dirais que, s'agissant des
2 prisonniers de guerre --
3 Q. Oui.
4 R. -- les documents à ce sujet, s'ils existent, sont conservés par le MUP
5 et par les organes de sécurité. Quant à moi, je n'avais pas de prisonniers
6 de guerre et nous ne tenions pas de registres. Il y avait des gens que nous
7 ne gardions pas auprès de nous en état de détention pendant un jour ou
8 deux, comme le montre les documents du commandement du corps d'armée, mais
9 nous n'avions pas de prisonniers de guerre.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Votre dernière question, Monsieur
11 Nice.
12 M. NICE : [interprétation]
13 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de vous rendre à la centrale électrique
14 d'Obilic à Prizren ?
15 R. Je n'ai pas compris la question. Une centrale à Prizren.
16 Q. Je parlais d'une centrale électrique.
17 R. Il n'y en a pas à Prizren.
18 Q. Très bien. C'est tout ce que je voulais savoir.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic --
20 M. NICE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais
21 j'aurais encore un point à border à huis clos partiel, si vous m'y
22 autorisez.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
24 [Audience à huis clos partiel]
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4 [Audience publique]
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas de
6 centrale électrique à Pristina, pas plus qu'à Prizren. Il n'y en a pas non
7 plus à Pristina.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Nice, y a-t-il une raison
9 précise pour laquelle la mention de la correction qui vient d'être apportée
10 et qui figure au compte rendu d'audience doit l'être dans le cadre d'un
11 huis clos partiel ?
12 M. NICE : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.
14 M. KAY : [interprétation] Pourquoi ? Vraiment, l'Accusation va un peu trop
15 loin à mon avis dans le cas présent. A mon avis, absolument rien de ce qu'a
16 dit l'Accusation ne risque en quoi que ce soit de nuire aux intérêts de la
17 justice en l'espèce. Aucun nom propre n'a été prononcé.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Intérêts de la justice et sécurité.
19 M. KAY : [interprétation] Où est-ce que cela peut créer un danger ? Aucune
20 identification n'a été formulée, la réponse a été très courte, un oui, sans
21 aucune explication. Il est fort possible que ce soit une réaction
22 personnelle de M. Nice sur le coup du moment. A notre avis, aucun détail
23 n'a été fourni et l'Accusation devrait démontrer le fait que la question
24 est délicate pour demander un huis clos en tout état de cause --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Monsieur Nice, veuillez
26 justifier de votre demande. Je pense que Me Kay a raison.
27 M. NICE : [interprétation] Bien, le fait de laisser entendre que je
28 pourrais avoir une réaction subite et personnelle va trop loin à mon avis.
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1 Nous pouvons revenir sur le compte rendu d'audience, à mon avis, cela
2 suffira pour démontrer la justesse de ce que j'ai fait. Page 31, lignes 12
3 à 14, première partie --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Sommes-nous à huis clos partiel ou
5 pas ?
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] En audience publique.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous vouliez que nous soyons à huis
8 clos partiel, n'est-ce pas ?
9 M. NICE : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
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8 [Audience publique]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic. Nous n'avons pas
10 besoin d'entendre un commentaire superflu. Le moment est venu pour vous de
11 poser vos questions supplémentaires, et je tiens à vous rappeler quel est
12 l'objet des questions supplémentaires. Il ne faut pas que vous soyez trop
13 long. Concentrez-vous sur les questions les plus importantes, à savoir
14 celles pour lesquelles vous pensez que le témoin a besoin d'être
15 réhabilité. Veuillez commencer.
16 Nouvel interrogatoire par M. Milosevic :
17 Q. [interprétation] Mon Général, est-ce qu'un tank a fonctionné, a opéré à
18 Racak ?
19 R. Pas un seul.
20 Q. Y avait-il qui que ce soit qui possédait un char là-bas en dehors de
21 vous ?
22 R. Personne d'autre que mon unité ne possédait un char.
23 Q. Etes-vous en mesure de dire à une certitude à 100 % qu'aucun char n'a
24 opéré ?
25 R. Je dis avec une certitude de 100 % que pendant la journée du 15 pas un
26 char n'a tiré. Je ne parle pas des journées du 17, du 18 ou du 19, mais le
27 15 aucun char n'a tiré.
28 Q. Très bien. Est-ce qu'un char aurait pu tirer sans que vous le sachiez ?
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1 R. Absolument pas, c'était impossible.
2 Q. Pourquoi impossible ?
3 R. A cause de la hiérarchie, des ordres, du bruit qu'aurait fait un tir de
4 canon d'un char --
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, un instant. J'entends
6 que les interprètes souffrent et je vous demande de ménager une pause entre
7 les questions et les réponses.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'un char n'a pas tiré dans la
9 direction de Belince le 15 ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'a pratiquement jamais été tiré dans la
11 direction de Belince. Ce sont des PAM et des Praga qui tiraient sur
12 Belince. Les tirs visaient un endroit qui était au sud de Belince, c'est
13 dans ces conditions que l'armée a ouvert le feu à certains moments.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation]
15 Q. Même lorsqu'il y a eu des tirs, ils ne provenaient pas d'un char.
16 R. Non, il ne provenait pas d'un char.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous me rappeler ce qu'est un
18 PAM, je vous prie.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Il s'agit d'une
20 mitrailleuse antiaérienne. C'est un sigle.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] De calibre 12,7 millimètres.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Mon Général, vous êtes un soldat de métier. Quel est le sens militaire
25 à donner au mot "opération ?"
26 R. Une opération implique une action qui se mène au plus haut niveau.
27 C'est-à-dire au niveau du Corps d'armée ou au niveau supérieur de la
28 hiérarchie dans les unités.
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1 Q. Très bien. Dans l'endroit dont nous parlons est-ce qu'il serait permis
2 de parler de quelque chose qui serait mené là-bas et qui serait une
3 opération ?
4 R. Aucunement, ni au niveau de l'importance hiérarchique --
5 Q. Très bien. Mais alors pourquoi est-ce que vous utilisez le mot
6 "opération" ?
7 R. Une opération cela implique --
8 Q. Non. Je vous demande pour quelle raison vous utilisez le mot
9 "opération" lorsque vous répondez aux questions de M. Nice ?
10 R. Une opération cela implique une action qui se mène pour régler un
11 problème déterminé et ce au niveau le plus élevé de la hiérarchie.
12 Q. Très bien. Cette action que vous décrivez, disons dans une situation où
13 un groupe terroriste aurait tiré sur votre unité, vous auriez riposté en
14 tirant sur ce groupe ?
15 R. Oui, ce n'est pas une opération. C'est un combat.
16 Q. Très bien. Alors est-ce que vous avez mené des combats conjoints avec
17 le MUP pour combattre certains groupes terroristes sur ce terrain ? Si oui,
18 quand ?
19 R. Dans notre lutte contre les groupes terroristes, nous n'avons jamais
20 appliqué de plan, parce que nous ne savions pas et n'étions pas en mesure
21 de déterminer à quel moment les attaques terroristes auraient lieu.
22 Simplement lorsqu'une attaque terroriste se produisait, l'armée isolait la
23 région et fouillait le secteur.
24 Q. Très bien. Donc la date des attaques était, en fait, imposée par les
25 terroristes qui en décidaient ?
26 R. C'est tout à fait cela. N'oubliez pas M. Milosevic que la carte que
27 nous avons ici et les ordres que nous avons eus sous les yeux règlent tout,
28 régissent tout. Malheureusement, nous n'avons pas examiné totalement la
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1 carte et ces documents. Mais la carte en question et l'ordre dans son
2 intégralité régissent toutes les actions que fait l'armée dans ces
3 conditions.
4 Q. Très bien. Ouvrez donc cet ordre et voyons-en les détails. Parce que
5 mon Général, il est très important que vous expliquiez tout cela en détail,
6 dans la mesure où c'est sans doute le seul cas au monde où lorsqu'un Etat
7 combat des terroristes sur son propre territoire, on appelle cela à
8 l'extérieur un acte criminel.
9 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, les interprètes
11 demandent une référence précise. Quel est le document que vous demandez au
12 témoin de citer.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vois, c'est l'intercalaire --
14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai trouvé c'est l'intercalaire 19.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un ordre qui a été rédigé par le témoin,
16 c'est-à-dire, le général Jelic.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. Mon Général, nous n'allons nous référer à cet ordre que par rapport aux
19 explications que vous avez déjà fournies pendant le contre-interrogatoire,
20 c'est-à-dire pour les passages qui concernent la lutte contre les
21 terroristes. Qu'avez-vous écrit à ce niveau ?
22 R. Voici, paragraphe 8.3 page 8 : "Pendant les actions de lutte contre le
23 sabotage et le terrorisme, il importe de se concentrer sur la nécessité de
24 détecter, de surveiller, d'écraser et de détruire les groupes de sabotage
25 et les groupes terroristes ainsi que les forces insurgées dans la zone de
26 responsabilité de la brigade." Donc, les combats sont menés contre les
27 forces des terroristes et des éléments responsables du sabotage ainsi que
28 des forces insurgées qui attaquent les installations militaires et les
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1 bâtiments de la brigade, autrement dit, des bâtiments militaires. La police
2 militaire doit avant tout se concentrer sur cette mission.
3 Q. Qu'est-il dit quant à l'engagement de la police militaire ?
4 R. Le 2e Peloton de la Police militaire participe à cette action, c'est ce
5 qui est écrit ici.
6 Q. Donc, vous parlez d'un Peloton de la Police militaire ?
7 R. Oui.
8 Q. Il est important de déterminer quelle est l'importance numérique de
9 l'unité qui a participé à tout cela ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous engagez, dans cette action, un Peloton de la Police militaire pour
12 réagir à ce qui s'est passé.
13 R. C'est exact. Au vu de l'aspect particulier de l'action concernée, ces
14 hommes ont été choisis parce qu'ils étaient entraînés et équipés à lutter
15 contre de petits groupes terroristes.
16 Q. Combien de soldats composent un peloton ?
17 R. 45 à 50.
18 Q. Très bien. Qu'est-il dit dans le texte ? Le 1er Peloton de la police
19 militaire doit agir à titre de soutien.
20 R. Oui, ceci conformément à l'ordre donné par moi. C'est la détermination,
21 la description exacte des tâches à mener. Chacun sait ce qu'il doit faire
22 dans quel lieu déterminé. Mais ce qui est important c'est le sous
23 paragraphe A auquel j'ai fait référence.
24 Puis, il y a la surveillance de la circulation, et cetera.
25 Q. Pas besoin d'expliquer ces éléments secondaires. Donc, ce qui est
26 dit ici dans l'ordre signé par vous, c'est que votre réaction, votre
27 intention était de la nature qui vient d'être décrite et c'est ce qui a
28 justifié votre comportement ?
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1 R. Oui, absolument. C'est unités étaient entraînées et prêtes à agir à ce
2 moment-là contre les terroristes qui n'avaient pas lancé d'attaque directe,
3 mais qui avaient attaqué par voie de sabotage et qui essayaient de s'enfuir
4 le plus rapidement que possible.
5 Q. Très bien. Il est dit ici que vous n'avez pas su comment répondre à la
6 question de dire ce que faisaient vos unités le 9 et le 10 mars.
7 R. Bien entendu, je sais ce que faisaient mes unités, Monsieur Milosevic.
8 Nous avons combattu dans ce secteur tout le temps. Je vous donnerai un
9 exemple. Le 9 mars, une attaque a eu lieu contre le groupe de combat numéro
10 3, c'est-à-dire, dans le secteur de Globocica. A ce moment-là, deux de nos
11 soldats ont été blessés. Ils ont perdu une jambe. Je sais quelles sont les
12 pertes au sein de mes unités. Ce que je ne sais pas c'est quelles ont été
13 les pertes subies par les terroristes, parce qu'ils en ont certainement eu
14 des blessés et des morts.
15 Q. Nous en avons terminé de cette question. M. Robinson vous a demandé si
16 votre stratégie consistait à combattre de loin et si celle de la police
17 consistait à investir certains secteurs. Quelle était exactement cette
18 stratégie, mon Général, parce que je n'ai pas très bien compris ?
19 R. Stratégie est peut-être un grand mot.
20 Q. Vous ne devez pas nous dévoiler toute votre stratégie, mais dans quel
21 sens est-ce que vous utilisez ce mot ? En tout cas j'aimerais mieux
22 comprendre ce que vous avez expliqué ?
23 R. S'il y a un groupe terroriste dans un secteur et que ce secteur est à
24 découvert par rapport à l'armée, celle-ci réagit immédiatement en engageant
25 des forces qui combattent les terroristes. Au cas où les terroristes
26 s'enfuient dans des zones habitées et même si la zone vers laquelle
27 s'enfuient les terroristes n'est pas habitée, l'armée isole le secteur,
28 c'est-à-dire qu'elle vient du nord, du sud, de l'est et de l'ouest et
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1 qu'elle encercle le secteur et elle rend immédiatement compte aux instances
2 du MUP qui en est donc informé. Le MUP arrive, pratique des fouilles, donc
3 vérifie ce qui se passe dans les maisons, les bâtiments, les installations
4 qui se trouvent dans le secteur, y compris d'ailleurs dans des entreprises
5 d'Etat, mais aussi dans des habitations privées.
6 Q. Ce qui veut dire que de façon réglementaire l'armée n'est pas sensée
7 entrer dans les villages.
8 R. De façon réglementaire et conformément aux ordres donnés par le général
9 en chef de l'armée depuis 1998, il nous était interdit de pénétrer des les
10 villages.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourriez-vous
12 répéter votre question, les interprètes n'ont pas pu suivre car vous parlez
13 trop rapidement. Je vous en prie, ne parlez pas tous les deux ensembles,
14 mais un à la fois.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'y penserais, Monsieur Kwon.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Donc, dans la stratégie dont il a été question, y a-t-il eu un ordre
18 qui est venu des niveaux hiérarchiques les plus élevés de l'armée, et qui
19 interdisait de pénétrer dans les villages ?
20 R. Il venait du Grand état-major, du chef du Grand état-major, et est
21 descendu tous les niveaux hiérarchiques jusqu'au niveau du bataillon, des
22 commandants de bataillon. Il interdisait à l'armée de pénétrer dans des
23 secteurs habités au cours des combats. Aucun combat ne devait être engagé
24 dans des zones habitées, et les zones habitées ne pouvaient être
25 encerclées, assiégées, que sur ordre particulier, avec interdiction
26 d'utiliser des pièces d'artillerie lourdes, de façon à éviter que des
27 bâtiments et des installations, privées ou publiques, soient détruites, et
28 que des civils puissent être tués ou blessés.
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1 Q. Très bien. Répondant à une question de M. Robinson, vous avez dit que
2 vous avez pilonné de loin. Comment pouvez-vous expliquer cela ? Qu'est-ce
3 que vous pilonniez de loin ? Est-ce que vous pilonniez de loin une plaine
4 ou autre chose ? Je ne vous pose pas de question autre. Je vous demande de
5 répondre à la question qui vous a déjà été posée par M. Robinson. Vous avez
6 dit que vous pilonniez de loin, mais qu'est-ce que vous pilonniez de loin ?
7 R. Stagovo, où un groupe terroriste se trouvait, comme le Procureur l'a
8 dit, un peu au-dessus de Stagovo. Automatiquement, l'armée a réagi en
9 tirant sur ce groupe terroriste. Elle a utilisé des pièces d'artillerie
10 pour tirer sur ce groupe terroriste, ainsi que des mortiers.
11 Q. Un instant, mais qu'est-ce que vous pilonniez à Stagovo de loin ?
12 R. Pas Stagovo, mais un groupe--
13 Q. Attendez un instant, mon Général. Vous vous souvenez bien ce que vous
14 faisiez, et de la façon dont vous avez répondu. Si le Juge Robinson vous a
15 interrogé au sujet d'un pilonnage de Stagovo de loin, cela veut dire que
16 vous pilonniez un village de loin.
17 R. Excusez-moi, je suis désolé.
18 Q. Je vous disais --
19 R. C'était un Groupe de combat.
20 Q. Un instant. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le groupe de combat. Ce
21 qui m'intéresse, c'est si vous tiriez sur un village de loin, ou sur un
22 groupe de combat.
23 R. Pas sur un village, mais sur secteur où se trouvait un groupe de
24 combat. Ce n'était pas un village.
25 Q. Sur quoi exactement tiriez-vous ?
26 R. Sur les terroristes qui avaient été chassés de Kacanik.
27 Q. Sur quoi tiriez-vous ? Ne nous donnez pas les détails de l'histoire,
28 mais sur quoi tiriez-vous ?
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1 R. Sur des terroristes, des objectifs militaires, l'UCK, des gens en
2 armes.
3 Q. Où se trouvaient-ils ?
4 R. Au nord de Stagovo.
5 Q. A quelle distance au nord ?
6 R. A 400, 500 mètres de nos positions de combat.
7 Q. Très bien. Où vous trouviez-vous lorsque vous tiriez ?
8 R. A -- juste en dessous de Kacanik. Je vais vous le montrer sur la carte.
9 Q. Montrez-le sur la carte.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin le montre sur la
11 carte.
12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'entendent pas l'intervenant.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous ne vous avons pas entendu, mon
14 Général. Veuillez répéter.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, je répète que nous étions
16 ici, que là se trouvaient nos positions, que là se trouve le village de
17 Stagovo, juste ici, et que le groupe de terroristes était ici, un peu plus
18 vers l'est de ce Détachement de blindés.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites que cela se trouve à 400
20 mètres au nord de Stagovo ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, à 400 mètres à l'est de nos positions de
22 combat. 400 ou 500 mètres. Si vous voyez ce que je vous montre ici, c'est
23 dans la zone boisée, aux bords de la forêt ici, sur une colline qui fait
24 400 à 500 mètres d'altitude, environ.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, nous allons
26 faire une pause de 20 minutes, et nous reprendrons ensuite.
27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.
28 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
Page 47191
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic.
2 M. MILOSEVIC : [interprétation]
3 Q. Mon Général, on utilise ici, souvent le terme de pilonnage. Je suppose
4 que ceci se rapporte à des tirs avec des pièces d'artillerie, des pièces
5 lourdes. C'est bien ainsi qu'on l'entend ?
6 R. Oui, littéralement traduit, c'est ainsi que cela se présente.
7 Q. Bien. Alors, est-ce que vos unités qui ont disposé de pièces lourdes,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Est-ce qu'elles ont du tout, à quelque moment, que ce soit, pilonné un
11 village ?
12 R. Aucun village n'a été pilonné par quelques unités que ce soit. Elles
13 n'avaient pas le droit de le faire puisque les ordres, on les donnait par
14 le commandement supérieur. Je vous l'ai dit, d'ailleurs, et mes ordres à
15 moi ont été donnés dans ce sens. Ces ordres ont été strictement respectés.
16 Q. Mais, lorsqu'on procède à des tirs à l'artillerie, est-ce que ces
17 pièces d'artillerie doivent avoir des cibles bien définies ou est-ce que
18 c'est une cible de principe ?
19 R. D'abord, la cible doit être visible avec tous les éléments de mesurés,
20 la distance, la grandeur de la cible, la résistance de la cible et c'est
21 ensuite qu'on décide avec quelle arme on va la cibler.
22 Q. Mais qu'est-ce qui pouvait être "cible" dans vos tirs à l'artillerie,
23 dans quelques situations que ce soit ?
24 R. Pour ce qui est des pièces d'artillerie et des chars, les cibles ne
25 peuvent être constituées que par des sites bien déterminés, des
26 constructions dures, des constructions en béton ou, éventuellement,
27 d'autres constructions qui peuvent être -- seraient utilisés à des fins qui
28 ne sont pas les fins d'origine et cela peut dans ce cas-là constituer des
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1 cibles militaires et, éventuellement, même des maisons.
2 Q. Mais quand est-ce que les maisons ou d'autres installations, d'autres
3 constructions peuvent être une cible ?
4 R. D'abord, il s'agit de procéder à des reconnaissances pour savoir ce qui
5 se trouve dans la cible, dans la construction. Est-ce que ce sont des
6 terroristes ? Est-ce qu'ils disposent d'armes ? Est-ce qu'ils ouvrent le
7 feu en direction des membres de l'armée ?
8 Q. Bien. Mais est-ce que cela signifie que les cibles de tir ne peuvent
9 être que des constructions à partir desquelles on vous tire, ou est-ce que
10 cela peut être n'importe quoi ?
11 R. C'est la construction qui sert de point de tir ou des installations, un
12 groupe d'installations. Cela ne peut être considéré qu'en tant que cible
13 unique.
14 Q. Bien. Mais est-ce que vous avez eu des cas où on ouvrirait le feu en
15 direction de cible flou, en direction d'un village entier ?
16 R. Non. On n'a jamais tiré dans le flou. On a toujours tiré à découvert
17 avec des calibres inférieurs, avec des mortiers, dans les forêts, les
18 fossés, les vallons, là où, par exemple, les terroristes ont cherché à fuir
19 ou à se cacher.
20 Q. Bien. Revenons brièvement à Kotlina. M. Nice a pris le livre : "As
21 Seen, As Told," pour parler d'exécution ou de meurtre de personnes dans ce
22 site de Kotlina, comme il l'a dit.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, j'aimerais que l'on place sur le
24 rétroprojecteur ces photographies-ci. Je précise qu'il s'agit de photos
25 prises à l'occasion du constat, à l'occasion du même jour du 24 mars, comme
26 on le voit dans le rapport qui suive les photos, qui accompagne les photos,
27 en leur qualité de partie textuelle.
28 Q. On voit ici quelques maisons, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui, je vois.
2 Q. La dernière se trouve tout à fait à droite, à l'angle droit.
3 R. Je vois, j'en vois trois.
4 Q. En bas, on en voit au moins deux.
5 R. Oui, c'est cela.
6 Q. Est-ce que l'une quelconque de ces maisons se trouveraient être
7 détruites ?
8 R. Sur ces maisons, il n'y en n'a pas une seule de détruite, je dirais
9 même qu'elles sont en très bon état. D'après le petit jardin qui se trouve
10 devant, la porte d'entrée on voit la coupole de l'antenne satellite. On ne
11 voit aucune ruine. On ne voit aucun monticule de débris.
12 Q. Allez plus loin, je vous prie.
13 R. Alors, sur la photo du haut on voit que la maison est entière ou plutôt
14 on en voit deux, et la troisième se trouve tout à fait à droite. Elles sont
15 en bon état.
16 Q. Très bien.
17 M. KWON : [interprétation] Quel est le numéro de la pièce que vous êtes en
18 train de montrer ? Ou est-ce que cela fait partie du cas Stevanovic.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, cela fait partie des pièces à conviction
20 dans le témoignage Stevanovic. Je n'ai pas sous les yeux le numéro de
21 l'intercalaire exact, mais maintenant on va me le fournir. Il s'agit de
22 l'intercalaire numéro 212.
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Alors, Monsieur le Témoin, allons de l'avant. Voyons un peu ces
25 photographies brièvement.
26 R. On voit en bas une troisième maison, l'entrée, et cetera.
27 Q. Bon, bon, point n'est besoin d'expliquer davantage. Je n'ai pas de
28 questions à ce sujet. On dit ici que c'était là le QG de l'UCK. Est-ce que
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1 c'est bien ce que dit le texte ?
2 R. Oui. On dit que : "C'était probablement là qu'était installé le QG de
3 ce qu'il est convenu d'appeler l'UCK dans le village de Kotlina."
4 Q. Bien. Passons à autre chose. Que voit-on ici ?
5 R. Ici on voit une pièce, photo numéro 1 et c'est une photo prise à partir
6 de la porte d'entrée.
7 Q. Passez à la photo suivante, je vous prie.
8 R. On voit les équipements. On voit le poêle à chauffer.
9 Q. Passez à la page suivante, je vous prie.
10 R. Ici on voit une partie de l'armement et de l'équipement, du matériel.
11 Q. Bien. Page suivante, je vous prie.
12 R. On voit ici des armes et du matériel.
13 Q. Ensuite, on voit photo du matériel et des armes.
14 R. Matériel et armes.
15 Q. Encore des armes et du matériel retrouvé. Tout cela c'est à Kotlina, et
16 documentation photographique.
17 M. NICE : [interprétation] Je ne sais pas où ceci nous mène et à partir de
18 quoi cela vient d'être montré. Donc, j'ai déjà à plusieurs reprises dit que
19 j'acceptais qu'il y ait eu des activités déployées par l'UCK et c'est bien
20 ce qui ai dit dans le livre : "As Seen, As Told."
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce n'est pas le témoin qui a
22 conduit cette enquête.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Passez à autre chose.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, je voudrais poser des
25 questions au sujet de ce que M. Nice a constamment appelé ou qualifié de
26 puits ou de trous. Or, ce n'est pas des trous ou des puits, c'est des
27 abris. On lui a demandé ce qu'il savait au sujet de puits, alors il ne peut
28 rien savoir au sujet de puits puisqu'il ne s'agissait pas de puits, il
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1 s'agissait de bunkers.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous avons déjà cela dans les
3 pièces à conviction.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parfait. Alors, nous n'allons pas aller plus
5 loin.
6 On voit sur les photos les terroristes tués avec des armes à côté de ces
7 abris. Vous avez déjà eu l'occasion de voir ceci.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Alors, on vous a posé la question, mon Général, à savoir comment se
10 faisait-il que des personnes arrivaient à périr avec l'utilisation de
11 grenades. Alors, est-ce qu'on utilise des armes à feu, des armes
12 d'infanterie, des grenades à main ou pas quand on se bat contre des
13 terroristes ?
14 R. Oui. Des grenades à main, c'est un moyen de combat rapproché et cela
15 est utilisé au combat. Cela peut être une arme offensive ou défensive,
16 mais, en principe, on s'en sert pour se défendre et on peut jeter cela à 30
17 ou 50 mètres de distance.
18 Q. Bien. Nous n'allons pas nous attarder davantage.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que l'on laisse
20 entendre par là que les trois ou je ne sais combien de victimes auraient
21 été tuées dans des activités de combat rapproché, où il y a eu usage -- où
22 il y a eu utilisation des grenades ? Est-ce que c'est ce que l'on affirme
23 ici ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici on présente une documentation photo de ce
25 qui a été retrouvé, le constat a été fait le jour même de la conduite de
26 cette action antiterroriste. C'est une documentation photographique faite
27 par la police scientifique lors du constat. Je n'ai pas le rapport entier à
28 portée de main, mais il s'agit là d'un groupe de terroristes tués au
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1 village de Kotlina qui ont disposé de ces deux bunkers en guise d'abris et
2 qui ressemblaient à des puits.
3 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais il n'y a aucune finalité à poser
4 ces questions, à moins que le témoin ne puisse nous dire qui est-ce qui a
5 participé à ce combat rapproché. Dites-nous ce que le témoin sait à ce
6 sujet. Dites-nous ce qu'il sait au sujet d'utilisation de grenades à main à
7 l'occasion de combat rapproché dans Kotlina. Savez-vous nous dire quoi que
8 ce soit à ce sujet, Monsieur le Témoin ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Des grenades à main ont probablement été
10 utilisées pour une défense dans l'immédiat, donc de manière rapprochée. On
11 la jette à la main la grenade, mais on ne peut pas la jeter à plus de 30 ou
12 50 mètres.
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais qui est-ce qui s'est servi de ces
14 grenades pour se servir ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour se défendre, c'était utilisé
16 essentiellement par les terroristes.
17 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] D'après votre théorie, ils se seraient
18 tués, eux-mêmes.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela c'est à titre défensif. A titre offensif,
20 cela avait utilisé par le MUP et par l'armée. On peut s'en servir pour
21 attaquer, donc, c'est une utilisation offensive et pour se défendre et dans
22 ce cas-là l'utilisation est défensive.
23 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Donc, l'armée n'était pas là-bas et
24 n'était pas impliquée. Dites-nous alors qui est-ce qui s'est servi des
25 grenades ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans des agglomérations, il ne pouvait y avoir
27 qu'utilisation de la part du MUP et des terroristes.
28 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Merci.
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1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Très bien. Passons au sujet suivant. On a placé devant vous, M. Nice
3 vous a fourni au tout début un télégramme émanant de vous datant de 1994.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai obtenu pour ma part un exemplaire. Je ne
5 sais pas si on peut en donner un exemplaire au témoin le télégramme qui a
6 été montré par M. Nice.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'on le fasse.
8 M. MILOSEVIC : [interprétation]
9 Q. Vous avez cela sous les yeux ?
10 R. Oui.
11 Q. Vous n'allez pas vous pencher sur les deux pages parce que je ne vais
12 pas vous poser des questions de détail. Je voulais juste qu'on nous dise ce
13 dont il s'agit. Veuillez nous donner lecture de la première phrase.
14 R. Certes. Il est question du commandement de Pristina.
15 On dit : "Partant de votre télégramme numéro --"
16 Q. Peut importe le numéro. Dites la date.
17 R. "Du 26 juillet 1994, nous vous communiquerons les renseignements qu'ils
18 demandaient."
19 Q. Vous leur communiquez des renseignements qu'ils vous ont demandés ?
20 R. C'est cela.
21 Q. Il y a un télégramme à eux, auquel vous vous référez, et où il est
22 question de vous demander des renseignements ?
23 R. C'est exact.
24 M. NICE : [interprétation] Cela me semble être une question directrice.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous posez des
26 questions directrices.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Comment, directrice ? Je lui ai posé la
28 question. Il vous donne lecture de ce qu'il dit. On dit : "En réponse à
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1 votre télégramme confidentiel numéro un tel, daté du
2 26 juillet 1994, nous vous communiquons les renseignements demandés." Cela
3 sous-entend que le numéro de télégramme un tel, lui a demandé de
4 communiquer des renseignements.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je communique les renseignements
6 demandés.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas posé de questions directrices.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est une question directrice. Vous
9 auriez dû lui demander ce que cela sous-entendait. Vous avez le droit de le
10 faire. Vous n'avez pas à lui dire que cela sous-entend telle chose parce
11 que c'est une question directrice dans ce cas-là. Cela fait déjà trois ans
12 que vous défendez -- quatre ans que vous vous défendez vous-même. Vous
13 devez comprendre ce que c'est qu'une question directrice. Vous devez
14 comprendre également qu'elle est -- enfin le sujet dont on parle. Ceci --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, c'est limite
16 avec outrage au Tribunal.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me demande ce que -- pourquoi
18 M. Nice a soulevé la question. Vous auriez dû le lui dire, à lui.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passez à une autre question.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
21 M. MILOSEVIC : [interprétation]
22 Q. M. Nice vous a posé des questions au sujet de la carte de déploiement
23 de la 243e Brigade ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous avez expliqué qu'il s'agissait là d'une carte qui faisait partie
26 de l'ordre destiné à votre brigade, à savoir que cela émanait en tant
27 qu'élément de l'ordre en provenance du Corps de Pristina ?
28 R. Oui, c'est ce qui est dit en en-tête.
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1 Q. Ensuite, il vous a demandé si vous avez apposé l'emplacement de toutes
2 vos unités. Vous avez dit que oui.
3 R. C'est cela.
4 Q. Pourquoi n'a-t-on pas apposé l'emplacement des autres unités ?
5 Expliquez votre réponse, je vous prie. Parce que vous avez dit en réponse,
6 que dans votre extrait à vous, votre déploiement est donné dans le détail,
7 alors que le déploiement des autres unités n'est donné qu'en principe.
8 Qu'est-ce que cela signifie ? La
9 549e Brigade n'est pas fournie dans le détail. Dans quel sens est-elle
10 fournie dans le principe ? Est-ce qu'on donne son numéro, ou est-ce qu'on
11 donne encore autre chose ?
12 R. Je vais vous le dire. Parce que là, c'est une question de terminologie
13 assez spécifique, et peut-être nous ne nous comprenons pas comme il faut.
14 Quand il y a cette carte, il y a un ordre écrit, un document, et c'est
15 transposé sur la carte. La décision est transposée sur la carte, La carte
16 relative au corps d'armée n'est pas communiquée à toutes les unités parce
17 que ce serait une carte énorme. On donne des extraits à l'intention des
18 unités qui sont chargées de différents territoires. On leur dit quelle est
19 leur mission. On délimite les choses, à gauche et à droite. Si, à par
20 exemple, l'unité se trouve en profondeur, on lui dit qui se trouve devant
21 et qui se trouve derrière. On indique qui sont les voisins et quelles sont
22 leurs missions principales. C'est la raison pour laquelle, la 549e qui est
23 indiquée ici, voilà, là, elle n'a été qu'indiquée, et une partie des unités
24 qui en font partie afin qu'on sache quelle est là et qu'on sache quelle est
25 sa mission.
26 Q. C'est votre mission à vous qui est dessinée dans le détail sur la carte,
27 n'est-ce pas ?
28 R. Oui, dans le détail.
Page 47200
1 Q. On vous indique qui sont vos voisins.
2 R. Oui. On dit, à gauche et à droite, il y a la 175e ici et l'autre là-
3 bas.
4 Q. Bien. On vous a également demandé ce que signifiaient certains symboles
5 sur la carte. Sur la carte qu'on a montrée à ce moment-là - je ne l'ai pas
6 ici. M. Nice a sorti une carte et on a montré des bleus - alors, quand vous
7 avez dit les bleus, qu'avez-vous voulu dire au juste ?
8 R. Voyez-vous, sur cette carte-ci, tout ce qui est rouge, se sont nos
9 forces à nous.
10 Q. Bien.
11 R. Donc, ce sont les effectifs de l'armée de Yougoslavie.
12 Q. Bien.
13 R. En bleu, d'après nos Règles de combat, c'est l'ennemi. En plus de ma
14 brigade en rouge, il y a les voisins qui sont indiqués, et on appose
15 l'emplacement des bleus. Donc, on a indiqué quelles sont les unités qui
16 sont groupées aux frontières face à la République fédérale de Yougoslavie.
17 Il y a cinq brigades de forces terroristes Siptar et un groupe tactique qui
18 avait une brigade de blindés, deux brigades mécanisées.
19 Q. De qui ?
20 R. De forces multinationales installées en Macédoine.
21 Q. Vous parlez de l'OTAN ?
22 R. Oui, des brigades de l'OTAN. Il y en avait une qui se trouvait à
23 Tetovo, plus au sud; une brigade qui se trouvait à proximité de Skopje; et
24 une autre à Tito Veles. Une brigade se trouvait à Petrovac, à l'aéroport;
25 une brigade de parachutistes. Une cinquantaine d'hélicoptères étaient déjà
26 à l'aéroport, là-bas. On a montré comment ils ont été acheminés là. Le
27 groupe tactique avait pour intention d'entrer sur le territoire du Kosovo-
28 Metohija. L'axe de déplacement principal est indiqué ici sur la carte.
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1 C'est l'axe Debelbel, pour ce qui est du gros des forces, et Kacanik. Donc,
2 sur cet axe Kosovo.
3 Q. Expliquez-nous, Mon Général, en bleu, sur notre territoire, ce n'est
4 pas l'emplacement des forces, mais on a dessiné l'axe de pénétration, l'axe
5 d'avancement.
6 R. Oui. On explique l'objectif de leur intervention.
7 Q. Donc, c'est l'objectif ?
8 R. Oui. Leur objectif est fourni en phase 1 et en phase 2.
9 Q. J'espère qu'on a expliqué à présent la teneur de cette carte.
10 M. Nice vous a présenté ici un document à vous du commandement de la 243e
11 Brigade, dit-on. La date est celle du 8, mais laissez-moi voir de plus
12 près. Il s'agit du 8 août 1998. 8 août 1998, disais-je. Avez-vous ce
13 document ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pièce à conviction 933.
15 M. MILOSEVIC : [interprétation]
16 Q. Je ne vais pas citer ce que M. Nice a cité, mais je me propose de citer
17 la fin du premier paragraphe. Penchez-vous sur ce qui est dit à la fin du
18 premier paragraphe. On parle du "matériel de combat de l'armée de
19 Yougoslavie." Vous venez de nous donner vous-même.
20 R. Juste un moment.
21 Q. Je précise que c'est un rapport à vous, signé par Krsman Jelic. Page 1,
22 avant-dernier paragraphe, juste avant le paragraphe numéro 2.
23 R. Oui. "Matériel de combat de l'armée de Yougoslavie se trouve être
24 déployé conformément aux Règlements --"
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la page 2 en version
26 anglaise.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] -- n'est intervenu que dans les cas
28 indispensables."
Page 47202
1 M. MILOSEVIC : [interprétation]
2 Q. Attendez que l'on retrouve sur le rétroprojecteur la version anglaise.
3 Plus bas. Voilà. Levez la page, je vous prie, Madame l'Huissière. Voilà. On
4 dit que les forces ont été utilisées, une "full accordance," conformément.
5 R. Je redonne lecture. "L'armée de la Yougoslavie et son matériel ont été
6 utilisés en pleine conformité avec les Règlements régissant le combat. On a
7 utilisé la puissance de feu que seulement en cas de nécessité absolue pour
8 ce qui est des abris, des routes, des bunkers et des sites fortifiés où se
9 trouvaient les terroristes Siptar."
10 Q. Uniquement en direction des éléments de fortification mis en place par
11 les forces terroristes Siptar.
12 R. C'est exact.
13 Q. S'agissant de ce type d'activité, mon Général, avait-il été nécessaire
14 de proclamer un état d'urgence ?
15 R. Non. L'état d'urgence n'est proclamé que --
16 Q. Non, je ne vous pose pas cette question. Je ne vous demande pas -- pour
17 ce qui est de cette action.
18 R. Non. C'est une décision qui est prise par l'état-major et le
19 commandement du Corps de Pristina.
20 Q. Très bien.
21 R. Donc, si une unité est attaquée, il n'y a pas à prendre une décision.
22 Nous informons le commandement supérieur de ce que nous allons faire.
23 Q. Que dit le paragraphe 3, le paragraphe suivant à la page d'après.
24 R. Cela commence par : "Les membres de --
25 Q. Oui. "Les membres du MUP --"
26 R. "Les membres du MUP et de l'armée de Yougoslavie se sont comportés de
27 façon appropriée à l'égard de la population civile ainsi qu'à l'égard de
28 leurs biens, sans abus, sans vol et sans criminalité ou quelconque. Dans
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1 certaines situations, les femmes et les enfants ont reçu une aide en vivres
2 et en vêtements."
3 Q. Bien. Vers la fin, on dit qu'un char a été touché le
4 25 juillet, qu'un soldat a été blessé, et que le 26, un autre char a été
5 touché, qu'il a été tué deux soldats et un officier.
6 R. Oui, un commandant.
7 Q. Veuillez nous expliquer que si ce char qui a été touché, où il y a eu
8 blessure d'un soldat, et un autre char le lendemain qui a été touché avec
9 deux morts et un blessé, est-ce que c'est la conséquence d'un comportement
10 de la population civile à votre égard, ou est-ce que c'est la conséquence
11 d'une attaque terroriste ?
12 R. Toutes ces conséquences sont des conséquences qui ont affecté l'armée.
13 Cela s'est fait avec de l'armement lourd. L'organisation terroriste était
14 très bien organisée, très bien équipée et bien armée. Il n'y a qu'une
15 organisation bien équipée qui a pu être à même de détruire un moyen de
16 combat aussi gros qu'un char. Donc, c'est des Armbrust, des lance-roquettes
17 spéciaux. Ils peuvent être habillés de vêtements civils, être dans une
18 tranchée et tirer un missile antichar en direction de nos forces.
19 Q. Penchons-nous brièvement sur cet intercalaire numéro 17.
20 M. Nice a constamment mis l'accent sur le fait que vos rapports portaient
21 l'inscription "strictement confidentiel." Vous m'avez entendu, mon
22 Général ?
23 R. Oui, je vous ai entendu.
24 Q. Dites-nous, est-ce que dans ce classeur, il y a l'un quelconque de vos
25 rapports qui ne porterait pas l'inscription de "strictement confidentiel" ?
26 R. Pour autant que je le sache, dans tout mon classeur, la totalité des
27 documents porte cette annotation "strictement confidentiel." Il n'y en a eu
28 qu'un seul de confidentiel. Les autres sont strictement confidentiels.
Page 47204
1 Q. Est-ce que c'est le régime habituel de communication de rapports
2 militaires --
3 M. NICE : [interprétation] Je ne pense pas avoir dit quoi que ce soit de
4 particulier au sujet du "strictement confidentiel." Ce qui me préoccupait,
5 c'était de savoir d'où ces documents venaient.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour répondre à votre question, je dirais que
7 le "strictement confidentiel" correspond au degré de confidentialité des
8 renseignements fournis dans le document. "Le strictement confidentiel,"
9 sous-entend un degré de confidentialité des plus élevés afin que les
10 renseignements ne se voient communiquer là où il ne faudrait pas.
11 Q. Est-ce que tous les documents militaires sont classifiés de la sorte ?
12 R. Il y a une confidentialité "interne," une confidentialité "stricte," et
13 le plus haut des degrés de confidentialité, c'est l'annotation "secret
14 d'Etat." C'est les degrés de confidentialité qui sont en vigueur pour ce
15 qui est des correspondances de service.
16 Q. Bien. Les rapports qui sont communiqués ici sont classifiés, sont
17 classés dans la catégorie du "strictement confidentiel."
18 R. C'est ainsi qu'ils ont été classés ou catégorisés par le commandement
19 supérieur.
20 Q. M. Nice a dit qu'il n'y avait rien du tout au sujet de Racak. Ici, il
21 est dit qu'à la date du 15, les forces du MUP ont bloqué et ont procédé à
22 des fouilles. Est-ce que c'est tout ce que vous avez sur Racak ?
23 R. C'est tout ce que j'ai eu à communiquer à mon commandement supérieur.
24 Q. Bien.
25 R. J'ai envoyé cela au commandement du corps, et le commandement de corps,
26 lui, a probablement communiqué cela au commandement de l'armée.
27 Q. Est-ce que dans ce rapport il est donné de voir ce que vous avez dit
28 dans votre témoignage en page 2, où il est dit : "A partir du secteur du
Page 47205
1 village de Belince." Je crois que vous avez expliqué très bien ce que
2 c'était qu'un secteur et ce que c'était qu'un village.
3 R. Oui.
4 Q. Vous précisez dans le secteur de Belince au sud à
5 700 mètres. Est-ce qu'au sud, à 700 mètres, cela signifie à
6 700 mètres du village de Belince ?
7 R. Oui. A 700 mètres de Belince, il a été utilisé des armes d'infanterie,
8 ainsi que des armes antichars et des mortiers en direction des forces de
9 déploiement de notre groupe de commandement. Nous avons riposté à la Praga
10 et au 12-millimètres. Suite à ces échanges de tir au sud du secteur de
11 Belince, dans le secteur de Vis, les tirs ont cessé.
12 Q. Est-ce que c'est ce que vous nous avez dit dans votre témoignage, et ce
13 qui figure dans votre rapport relatif à cette journée-là ?
14 R. C'est justement de cela qu'il s'agit.
15 Q. Bien. M. Nice a dit ici, a montré ici plutôt une information ou plutôt
16 un rapport, un rapport opérationnel journalier tel que la première
17 direction de l'état-major en fournissait au quotidien. J'aimerais que vous
18 nous disiez d'abord si vous voyez combien de pages comporte ledit rapport ?
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction 934.
20 M. MILOSEVIC : [interprétation]
21 Q. Est-ce que vous voyez combien de pages il y a dans tout ce rapport pour
22 ce qui est du rapport opérationnel ?
23 R. Oui, il a trois pages.
24 Q. Il y a trois pages.
25 R. En effet.
26 Q. Trois pages pour couvrir la totalité de l'armée de Yougoslavie.
27 R. Oui, cela couvre l'armée totalement, en entier.
28 Q. Est-ce que cela sous-entend également la marine de guerre ?
Page 47206
1 R. Oui.
2 Q. Est-ce qu'on parle de la situation aux frontières ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce qu'il y a activité et changement survenus dans les armées de
5 terre et autres ?
6 R. Oui. C'est au point 5.
7 Q. Les forces étrangères ?
8 R. Oui.
9 Q. Situation sur le territoire ?
10 R. Oui.
11 Q. Sécurité des arrières ?
12 R. Logistique.
13 Q. Donc, il y a là deux paragraphes seulement pour ce qui est de la 3e
14 Armée ?
15 R. Oui.
16 Q. Au premier paragraphe, il est question de tirs ouverts à Dara Glava. M.
17 Nice, lui, vous a donné citation du paragraphe numéro 2. Veuillez nous
18 donner lecture du paragraphe numéro 2 --
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Paragraphe 2, date du --
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 4, en anglais.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 24 janvier, et cetera. Est-ce que c'est le
22 passage que vous avez en tête ?
23 M. MILOSEVIC : [interprétation]
24 Q. Non, non, non. La 3e Armée mentionnée au deuxième paragraphe. Est-ce
25 que vous voyez le passage où nous lisons la
26 3e Armée. Puis, suit le deuxième paragraphe, au bas de la page 2, sur un
27 total de trois pages, avant l'intitulé situation du point de vue de la
28 logistique.
Page 47207
1 R. Un instant. Excusez-moi.
2 Q. En page 2, au bas de la page, vous voyez le titre situation du point de
3 vue de la logistique, et juste au-dessus, vous avez un passage où il est
4 question de la 3e Armée.
5 R. Je l'ai trouvé.
6 Q. Est-ce que vous pouvez en donner lecture du milieu de ce paragraphe.
7 R. "Pendant les exercices tactiques --"
8 Q. Non, non, non. Je vous ai dit le milieu du paragraphe. Tout le reste ne
9 m'intéresse pas. Cela n'a pas été cité. Le milieu du paragraphe, "Certaines
10 forces…" Est-ce que vous pouvez lire à partir de ce mot ?
11 R. "Certaines forces du BG-243-1 ont été déployées en vue de cerner le
12 village de Racak --"
13 Q. Dans la municipalité de Stimlje ?
14 R. "-- dans la municipalité de Stimlje…"
15 Q. Arrêtons la lecture ici. Est-ce que ce sont les forces au sujet
16 desquelles nous avons apporté des explications détaillées et qui se
17 trouvaient là depuis le mois d'avril de l'année précédente ?
18 R. Il s'agissait des forces qui ont subi la vérification des vérificateurs
19 lorsqu'ils sont venus.
20 Q. Nous avons vu des pièces à conviction qui les concernent. Elles sont
21 arrivées et elles ont procédé à des vérifications. Est-ce que ces forces
22 sont allées où que ce soit dans le but de cerner quelque chose ?
23 R. Non, elles ne sont allées nulle part. Elles ont simplement pris
24 position dans leur secteur.
25 Q. Elles ne sont pas allées encercler quoi que ce soit, mais l'action
26 antiterroriste a eu lieu dans leur voisinage et c'est la raison pour
27 laquelle elles ont coupé une route particulière. Est-ce exact ou pas
28 exact ?
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1 R. C'est exact. Du côté nord, pratiquement au voisinage direct de là où
2 elles se trouvaient, il y a eu coupure de la route. Sinon, elles n'avaient
3 pas été déployées là pour couper la route. Le Procureur a posé la même
4 question en s'appuyant sur une carte et il m'a demandé si cela pouvait être
5 considéré comme une opération de bouclage.
6 Q. Très bien. Vous venez de dire que ces éléments existaient depuis avril
7 1998 ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Elles ne se sont déplacées nulle part, elles ne sont allées nulle
10 part ?
11 R. Elles ne sont allées nulle part, sauf là où elles ont pris position
12 dans leur secteur, à l'endroit où elles se trouvaient.
13 Q. Très bien. Dites-moi maintenant : qu'est-il écrit plus bas, à la ligne
14 suivante ? Bien entendu, cela concerne Racak et nous lisons -- que lisons-
15 nous ?
16 R. "… des membres du MUP ont mené une action contre les terroristes Siptar
17 qui avaient tué un de leurs hommes."
18 Q. Très bien. Qui a mené cette action à Racak ?
19 R. Il est écrit, ici, que les membres du MUP l'ont menée, cette action.
20 Q. Très bien. Ce sont les membres du MUP qui ont mené cette action. C'est
21 ce qui est écrit dans ce rapport opérationnel également.
22 R. Vous voyez cela figurer dans les documents du corps d'armée également,
23 si vous les avez sous les yeux.
24 Q. C'est indubitable. Mais je souhaitais simplement que nous revenions sur
25 ce passage car il est écrit, ici, en toutes lettres que ce sont les membres
26 du MUP qui ont mené cette action.
27 M. Nice vous a soumis la pièce D395. C'est ce que j'ai écrit dans mes
28 notes. Il s'agit d'un journal manuscrit de votre commandant du groupe de
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1 combat Cafa Dulje.
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous avez ce texte sous les yeux ?
4 R. Non.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait soumettre ce texte au
6 témoin, D395 ?
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] 935.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai écrit 395, mais c'était sans doute une
9 erreur de l'interprète.
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. Est-ce que vous avez cette page sous les yeux, page 2 ? Que lit-on dans
12 cette page ? Nous lisons que Dragan Todorovic -- qui était bien lieutenant-
13 colonel, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est un lieutenant-colonel.
15 Q. Est-ce que c'était le commandant d'un groupe de combat dépendant de
16 vous, établi selon l'accord conclu avec l'OSCE, dans ce secteur ?
17 R. C'était peut-être lui ou peut-être le lieutenant-colonel Djordjevic qui
18 était commandant du groupe à l'époque.
19 Q. Très bien. En tout cas, il est écrit et c'est un document de l'époque
20 qui date de cette journée du 15.
21 R. Je pense que c'est l'original, effectivement.
22 Q. M. Nice a reçu ce document, comme vous pouvez le voir.
23 M. Nice vous a dit que Racak n'était mentionné nulle part, dans ce
24 document. Or, que lit-on dans ce document ? Que Cafa Dulje, le
25 15 janvier 1989 et ensuite ?
26 R. La position de combat de l'unité a été modifiée, si je vois bien ce qui
27 est écrit.
28 Q. Ce qui est écrit ici, c'est que la disposition de combat de l'unité est
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1 demeurée inchangée. Est-ce que ces unités auraient pu être engagées où que
2 ce soit sans modifier la disposition de combat ?
3 R. Ceci était impossible parce qu'un ordre avait été donné et pour qu'il y
4 ait modification, il aurait fallu un nouvel ordre écrit.
5 Q. C'est pourquoi je dis que c'est écrit ici. Il est dit, dans ce
6 document, que la disposition de combat de l'unité est demeurée la même, ce
7 qui veut dire que l'unité n'est allée nulle part ailleurs que là où elle
8 devait aller pour remplir ses missions régulières ?
9 R. La disposition de combat, c'est quelque chose de très important et elle
10 est demeurée inchangé.
11 Q. Très bien. Pour la journée du 16, même chose. Qu'est-il écrit, à la
12 page suivante, la journée du 16, sous l'intitulé : "Disposition de combat -
13 -"
14 R. Inchangé, paragraphe 2.
15 Q. Mon Général, je vous demande si, au cas où ces hommes auraient
16 participé à quelque chose de particulier, cela aurait été mis noir sur
17 blanc dans ce document ?
18 R. Il aurait fallu que ce soit écrit dans ce document. Je lis la page
19 suivante, sur l'ordre que j'ai émis suite à la réception par moi d'un ordre
20 du commandant du corps d'armée, l'unité a été engagée et un homme a écrit
21 ce qui figure ici. Il aurait fallu que tout soit écrit dans le document,
22 s'il y avait eu le moindre changement dans la disposition de combat.
23 Q. Très bien. Vous avez expliqué ce qu'il en était en vous fondant sur la
24 carte de déploiement et vous avez mentionné le village de Kostanje, et
25 cetera.
26 Que dites-vous au sujet de 130/2 dans ce texte ?
27 R. Un Praga.
28 Q. Très bien, 130/2?
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1 R. Oui.
2 Q. Un véhicule.
3 R. Oui.
4 Q. Quand ce point a été attaqué, quand le feu a été ouvert sur ce point,
5 que c'est-il passé ? Est-ce que les positions de combat ont été reprises ou
6 est-ce que ces hommes sont restés sous la tente ?
7 R. Les unités antiaériennes sont les unités qui ont pris position à cet
8 endroit.
9 Q. Très bien. Ce sont des positions de combat qui figurent ici et qui
10 existaient depuis plusieurs mois ?
11 R. Depuis le mois d'avril et qui se situaient au sommet de la colline de
12 Canovica. La forêt de pins, celle qui descend jusqu'à Kostanje et jusqu'à
13 la route que je montre ici.
14 Q. Ce sont les limites des positions de combat de tous ces jours-là ?
15 R. C'est la position de combat qui avait été ordonnée.
16 Q. Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il y avait des fortifications,
17 des abris creusés, et cetera ?
18 R. Oui.
19 Q. Combien de temps a-t-il fallu pour préparer le terrain de cette façon ?
20 R. Du mois d'avril, c'est-à-dire, à partir du moment où l'unité tout
21 entière s'est trouvée là et par la suite.
22 Q. A partir d'avril 1998 ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 Q. Dans ce document manuscrit, le commandant du groupe de combat dit que
25 les positions sont inchangées à partir de ce moment-là et jusqu'à la
26 journée du 15 ou du 16.
27 R. C'est exact.
28 Q. Les dispositions de combat de l'unité n'ont pas changé. Merci, mon
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1 Général.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas très bien à quel moment
3 la position de Kostanje a été attaquée. Est-ce que les hommes qui se
4 trouvaient sur la position de Kostanje ont été attaqués à quelque moment
5 que ce soit ? Si oui, cela s'est passé le
6 15 janvier, d'après vous ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les positions sur la colline de Kostanje n'ont
8 jamais été attaquées. Les positions ne se trouvaient pas dans un village,
9 mais sur une colline. C'étaient des positions où étaient stationnées des
10 armes antiaériennes. Il convient d'examiner cette position de façon
11 distincte parce que dans le rapport, il est écrit que l'unité a pris
12 position sur la colline de Canovica.
13 Sept cents mètres d'altitude environ, surplombant Stimlje, à un kilomètre,
14 un kilomètre et demi de Stimlje. Puis, il y a une position à Kostanje qui
15 est un autre point non loin de la route.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Très bien. L'unité a été attaquée à ce moment-là ?
18 R. L'unité a été attaquée et --
19 Q. Elle a pris ses positions de combat ?
20 R. Oui.
21 Q. Les hommes de cette unité ont fait cela parce qu'ils étaient attaqués ?
22 R. Oui, pour défendre les hommes et le matériel.
23 Q. Il y a eu dispersion par rapport aux positions existant précédemment ?
24 R. Oui, par rapport aux positions établies précédemment pour remplir une
25 mission particulière.
26 Q. Très bien.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que je pourrais vous demander un
28 éclaircissement linguistique parce que d'autres témoins ainsi que l'accusé
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1 ont parlé de "Kostanje," mais, mon Général, vous parlez, vous, de
2 "Kostanjevo"; est-ce que c'est la même chose ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la même chose, mais c'est une colline.
4 Sur la carte, il est difficile de distinguer les deux parce que l'échelle
5 de la carte est trop grande.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque vous parlez de "Kostanjevo,"
7 vous parlez de "la colline de Kostanje" ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Kostanje est à la cote 691. Je le vois
9 maintenant sur la carte, même si ce n'est pas très lisible, C'est au sud-
10 est de Stimlje, parallèlement à la route qui mène à Urosevac.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Venons-en maintenant à cette conversation du
14 4 février 1999 dont vous a parlé M. Nice hier. Le général de brigade
15 Maisonneuve et ses collaborateurs vous ont interrogé et je vois que le
16 colonel Kotur, chef de liaison du corps d'armée, était également présent.
17 C'était l'officier de liaison, et cetera, et cetera. J'aimerais vérifier
18 simplement ce que vous avez dit et quelle a été la teneur exacte de cette
19 conversation, de façon à vérifier auprès de vous si cela concorde avec ce
20 que vous avez dit, vous-même.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Numéro 78 dans le classeur de Racak.
22 M. NICE : [interprétation] Nous essayons de trouver un exemplaire de ce
23 texte pour le placer sur le rétroprojecteur.
24 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît. Microphone pour
25 M. Milosevic, s'il vous plaît.
26 M. MILOSEVIC : [interprétation]
27 Q. Vous n'avez pas besoin de ce texte qui n'existe qu'en anglais. Le seul
28 qu'ils peuvent placer sur le rétroprojecteur, c'est un texte anglais.
Page 47214
1 Mais je vous interroge au sujet de ce texte pour vérifier auprès de vous
2 s'il est conforme à la réalité.
3 En effet, mon Général, un certain nombre de fois et notamment au cours de
4 la déposition du général Maisonneuve, il a été dit que vous aviez refusé de
5 le rencontrer, ensuite, que Kotur vous en avait persuadé, mais nous
6 n'allons pas nous appesantir là-dessus. En page 2 - je rappelle qu'il
7 s'agit des notes prises par lui et pas par vous - je lis ce qui suit,
8 c'est-à-dire, un passage où il cite votre nom, je cite : "S'agissant du
9 retard de la réunion, notre mission quotidienne consistait à entraîner les
10 soldats."
11 R. Je n'entends pas.
12 Q. " Vous êtes plusieurs fois sans vous être annoncé..."
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, Monsieur Milosevic.
14 Mon Général, est-ce que vous entendez l'interprétation maintenant ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela va mieux.
16 M. MILOSEVIC : [interprétation]
17 Q. Je vous en prie, la question que je vous pose, c'est de savoir si c'est
18 bien à peu près ce que vous avez dit à Maisonneuve au sujet du report de la
19 réunion. Il est question de cette réunion entre vous. Vous avez pour
20 mission principale d'entraîner l'armée, et cetera, et cetera. Vous avez dit
21 qu'il était venu à plusieurs reprises sans s'être annoncé; puis, vous dites
22 un peu plus loin : "Pour organiser une rencontre entre nous, il faut que
23 nous passions par l'officier de liaison. On vous pose plusieurs questions.
24 La plupart obtiennent une réponse de la part de K --" Je suppose qu'il
25 s'agit de Kotur, et je cite la suite : "Je ne tiens pas à ajouter quoi que
26 ce soit à ce qu'il a déjà dit dans ses réponses, mais je peux le faire, si
27 on me le demande." Puis, un peu plus loin, je
28 cite : "Je fais ce qui m'est demandé réglementairement dans le cadre de mon
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1 service pour sauver la vie des soldats. Je suis désolé, mais c'est ce qui
2 se passe ici. Je regrette que vous ne teniez compte que des résultats et
3 pas des causes. L'Unité de Stimlje subissait un entraînement et a essuyé
4 des tirs. Durant l'été, nous avons perdu trois hommes qui marchaient en
5 rang. Nous avons essuyé des tirs à une distance de 500 à 600 mètres et
6 j'affirme qu'aucun soldat n'a été touché de plus près que d'une distance de
7 500 mètres."
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais quelle est la question,
9 Monsieur Milosevic ?
10 M. MILOSEVIC : [interprétation]
11 Q. La question c'est : est-ce que le témoin a bien dit cela et de quoi
12 était-il question exactement. "Il est incroyable que vous ayez dit de
13 telles choses." Voilà ce qui est écrit dans le document. Un peu plus haut,
14 dans le texte, nous lisons --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous demandez au témoin de confirmer
16 s'il a effectivement dit ce qui figure dans ce texte ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je lui demande de dire si c'est bien ce
18 qu'il a dit.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre réponse, mon
20 Général ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela porte sur plusieurs questions. Mais au
22 sujet de la réunion dont il vient d'être question, je dirais qu'elle
23 n'avait pas été annoncée pour le 16 et qu'à mon avis, il était question
24 d'une réunion uniquement avec l'officier de liaison. C'était la voie de
25 communication normale entre nous et l'OSCE; nous passions, en général, par
26 l'officier de liaison.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Contentez-vous de répondre à la
28 question. Est-ce que vous avez effectivement dit ce qui figure dans ce
Page 47216
1 texte ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Plusieurs phrases ont été citées. Il y a un
3 certain nombre d'entre elles que je n'ai pas dites exactement comme cela.
4 Mais il me faudrait un peu plus de temps pour analyser l'ensemble de ces
5 phrases plus en détail.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parmi les phrases qui viennent
7 d'être citées par M. Milosevic, pouvez-vous nous dire celles qui ne
8 correspondent pas à ce que vous avez dit effectivement à l'époque ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit que j'avais refusé de le
10 rencontrer et que c'est le colonel Kotur qui m'en avait persuadé. Au
11 contraire.
12 Une réunion avait été convoquée à l'avance et je l'ai fait reporter parce
13 que j'étais particulièrement occupé sur le terrain et que la situation
14 était particulièrement difficile.
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] M. Milosevic vous a demandé de ne pas
16 vous attarder sur ce point. Obtempérez, je vous prie.
17 M. MILOSEVIC : [interprétation]
18 Q. S'il vous plaît, sur quoi porte cette réflexion de votre part quant au
19 fait que vous trouvez ce qu'il dit incroyable ?
20 R. Ce qui est incroyable --
21 Q. A quoi appliquez-vous ce qualificatif d'incroyable ? Est-ce que vous
22 vous rappelez, dans ce qu'il a dit, ce que vous avez considéré comme
23 incroyable ?
24 R. Je ne m'en souviens pas exactement, mais ce qui était incroyable,
25 c'était de dire - c'est ce qu'il a fait - que l'armée était allée là-bas.
26 Q. Je vais vous citer d'autres choses qu'il a affirmées. En page 1, il
27 dit, je cite : "Le 15 janvier, mes forces ont vu des chars de l'armée
28 yougoslave tirer sur des maisons abritant des civils qui n'ont pas
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1 riposté."
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous demandez au témoin
3 si c'est l'une des choses qu'il a trouvé incroyable ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je le lui demande parce que c'est ce que
5 dit Maisonneuve un peu plus haut, dans le texte. Je voulais demander au
6 témoin, avant tout, ce que Maisonneuve lui a dit que lui-même a considéré
7 comme incroyable. Le général a très bien répondu. Il a dit que ce qu'il
8 avait trouvé incroyable, c'était ce que Maisonneuve avait dit quant au fait
9 que l'armée s'était trouvée à cet endroit.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Passons à autre chose. Nous avons
11 couvert ce sujet déjà.
12 M. MILOSEVIC : [interprétation]
13 Q. Puis, vous dites un peu plus bas, dans le texte, je cite : "L'armée
14 yougoslave n'a pas mené cette opération, mais ce qu'elle a pu faire, c'est
15 se défendre à partir des positions qu'elle tenait."
16 R. C'est cela.
17 Q. Maisonneuve vous dit, à ce moment-là, je cite : "Vous avez encerclé des
18 villages pendant que le MUP opérait à l'intérieur de ces villages." Vous
19 dites, je cite : "Peut-être l'interprétation n'est-elle pas bonne. L'armée
20 a défendu ses propres positions. Si vous étiez allé à Racak, vous auriez vu
21 de vos yeux que le terrain semé d'arbres et où il n'y a pas mal de collines
22 et de montagnes ne se prête pas à l'utilisation de chars."
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre question, Monsieur
24 Milosevic ?
25 M. MILOSEVIC : [interprétation]
26 Q. Ceci correspond-t-il à la réalité ? Est-ce que c'est bien ce qui a été
27 dit lors de cette rencontre ? Est-ce que vous lui avez dit ce que vous avez
28 rapporté ici, dans votre déposition, ces jours-ci ?
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1 R. Oui. D'abord, je n'ai pas compris l'interprétation. Pas votre
2 interprétation, mais l'interprétation qui a été faite au moment de la
3 réunion. Ce qu'il disait me semblait tout à fait incroyable. Il disait que
4 nous nous étions trouvés sur les collines, mais, si vous examinez la
5 topographie des lieux, il est impossible à un véhicule de combat d'arriver
6 jusque-là, c'est impossible durant l'été et encore plus durant l'hiver.
7 Q. Puis, un peu plus loin, vous dites que vous circonscrivez les lieux à
8 la zone située entre Racak et Belinac. Lui vous dit que vous n'avez pas
9 appuyé l'opération du MUP et vous répondez : "Non, en effet."
10 R. C'est exact.
11 Q. Où vous trouviez-vous le 16 janvier, c'est-à-dire le lendemain de
12 l'opération ? Vous dites que vous étiez ici et vous ajoutez, je cite :
13 "Nous avions une réunion au QG de Pristina."
14 R. Oui, c'était une réunion qui avait été prévue à l'avance avec le
15 commandement du Corps d'armée.
16 Q. C'est ce que vous avez dit également dans votre déposition ici ?
17 R. Oui. J'étais absent ce jour-là parce que je participais à une réunion
18 au commandement du Corps de Pristina.
19 Q. Très bien, merci. A l'intercalaire 19, on trouve un ordre émis par vous
20 qui, comme le dit M. Nice a déjà été examiné, donc nous n'allons pas nous
21 attarder, mais je reviens simplement sur un aspect de ce texte pour vous
22 demander quelle est votre interprétation puisque des interprétations
23 diverses ont été présentées. Ma question est la suivante : est-ce que cet
24 ordre concerne le 26 mars ou est-ce que c'est un ordre permanent dont
25 l'exécution est demandée à partir du 26 mars ?
26 R. Le commandant peut émettre un nouvel ordre qui rend nul et non avenu un
27 ordre précédent. L'ordre que nous avons sous les yeux entrait en vigueur le
28 26 mars et devenait un ordre permanent.
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1 Q. C'est ce qui m'intéressait. Donc c'était un ordre permanent jusqu'à
2 émission d'un nouvel ordre ?
3 R. Oui, jusqu'à émission d'un nouvel ordre.
4 Q. Très bien. Donc aussi longtemps que cet ordre était valable, votre
5 brigade devait le mettre en œuvre ?
6 R. 90 % de ce que contient cet ordre est resté valable jusqu'à la fin de
7 la guerre. Dans une partie du texte, il est question de certains éléments
8 de l'unité qui ont été utilisés en titre de renfort après la mobilisation.
9 Q. Quelques questions encore. Est-ce que vous avez reçu un ordre de qui
10 que ce soit en dehors de votre commandant supérieur direct, à savoir le
11 commandant du Corps de Pristina ?
12 R. Je pense que cela est établi dans tous les Règlements ?
13 Q. Le Règlement ne m'intéresse pas. Je vous demande si vous avez reçu
14 d'autres ordres que ceux de votre commandement direct, de votre supérieur
15 direct ?
16 R. Non, personne d'autre ne pouvait me donner d'ordres.
17 Q. Très bien. Dites-moi maintenant ce que signifie en termes militaires le
18 terme "destruction des groupes terroristes," et l'expression "nettoyage des
19 terroristes sur le terrain" et d'autres expressions du même genre ?
20 J'aimerais savoir si cela signifie destruction physique, donc, le fait de
21 tuer ces terroristes ou si cela signifie briser leur force militaire et
22 éliminer le danger que ces terroristes constituent sur le plan militaire ?
23 Dans la terminologie militaire, quel est le sens exact que l'on doit donner
24 aux termes "rasbianije" [phon] des groupes terroristes et "ciscenije" du
25 terrain pour en éliminer les groupes terroristes ?
26 R. Dans notre Règlement qui concerne les niveaux inférieurs de
27 commandement, donc les niveaux des commandements, des compagnies,
28 bataillons et unités tels que les bataillons d'artillerie qui combattent
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1 les groupes terroristes dans certains secteurs et dans certaines régions,
2 vous avez mentionné le nom "rasbianije" "destruction" et vous avez parlé
3 d'arrestation, d'emprisonnement. Donc le mot "rasbianije" signifie que si
4 l'on ne parvient pas à encercler le groupe en question, on le détruit, on
5 l'élimine. Si les membres de ce groupe se rendent et déposent leurs armes,
6 alors ils sont traduits devant les tribunaux dans le cadre d'un procès en
7 bonne et due forme.
8 Q. Qu'en est-il du nettoyage "ciscenije du terrain, pouvez-vous répondre à
9 cela ?
10 R. Oui, on nettoie le terrain en éliminant les groupes terroristes qui y
11 demeurent. On trouve mention de cela dans les Règlements des bataillons
12 d'artillerie notamment.
13 Q. Très bien. Merci, mon Général.
14 M. MILOSEVIC : [interprétation] J'en ai terminé des questions
15 supplémentaires, Monsieur le Juge Robinson.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Juge Kwon a une question.
17 Questions de la Cour :
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous nous avez dit que Pero Petrovic
19 vous avait fourni à un exemplaire du procès-verbal établi par lui suite à
20 la rencontre avec M. Maisoneuve le 16 janvier, et vous avez évoqué la
21 possibilité pour nous de nous procurer ce document. Ceci est-il exact ?
22 Est-ce que vous pensez que nous avons une possibilité de nous procurer ce
23 document ?
24 R. Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir être plus complet dans ma
25 réponse, mais à la suite de toute réunion - je crois l'avoir déjà dit si je
26 me souviens bien - un procès-verbal est rédigé ainsi qu'un rapport. Le
27 lieutenant-colonel Petrovic, officier de liaison, m'a soumis ce document,
28 il m'a demandé mon avis, il en a écrit la version définitive et l'a soumise
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1 au commandement supérieur. Ce procès-verbal - c'est une obligation - doit
2 être écrit le jour-même de la réunion de façon à pouvoir être transmis au
3 niveau supérieur de la hiérarchie en temps utile.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si un tel document existe aujourd'hui,
5 où croyez-vous que nous puissions nous le procurer ?
6 R. Sur ordre, il est stipulé que tous les documents, documents de travail,
7 notes relatives aux opérations, listes diverses et variées, donc tous les
8 documents doivent être transmis au Corps de Pristina à la caserne de
9 Pristina. C'est là que tous les documents en question ont certainement été
10 transmis. Pour le reste, je ne sais pas quel a été leur sort ultérieur. Je
11 ne peux pas vous aider sur ce point.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous donne mon point de vue
13 personnel, mais ce qui m'intéresserait beaucoup c'est de voir ce document.
14 J'incite vivement les deux parties, le Procureur et ses collaborateurs de
15 même que l'accusé et ses collaborateurs à découvrir où se trouve ce
16 document. Je vous remercie.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Général, ceci met fin à votre
18 déposition, merci d'être venu devant le Tribunal pour témoigner. Vous
19 pouvez maintenant vous retirer.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
21 [Le témoin se retire]
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause
23 maintenant pendant 20 minutes. Nous reprendrons après et nous entendrons
24 les arguments sur la question qui a été évoquée plus tôt ce matin. Nous
25 allons commencer par l'accusé.
26 M. NICE : [interprétation] Eu égard à la question posée par
27 M. le Juge Kwon, nous allons nous reposer sur les observations du Juge Kwon
28 et faire cette demande auprès des autorités plutôt que de préparer une
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1 ordonnance formelle.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, oui vous pouvez effectivement
3 procéder comme cela, nous allons lever l'audience.
4 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.
5 --- L'audience est reprise à 12 heures 23.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, comme on l'a
7 déjà dit tout à l'heure, nous allons entendre les arguments présentés sur
8 la question relative à la prorogation des délais attribués à vous pour la
9 présentation de vos éléments à décharge.
10 Avez-vous des arguments à présenter et je signale qu'il y a 15 minutes pour
11 chacune des parties ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suppose que mon micro est branché. Merci,
13 Monsieur Robinson.
14 Je ne vais pas mettre à profit la totalité des 15 minutes que vous
15 avez eu l'amabilité de m'accorder. Je prendrai moins de temps pour dire
16 quelques mots. Je tiens à vous rappeler que l'article 14 du Pacte
17 international sur les droits civiques et les droits politiques au
18 paragraphe parle d'un minimum de droit, et aussi au sous-paragraphe (b) il
19 est dit qu'il s'agit d'avoir un temps adéquat pour des dispositions qui
20 sont susceptibles de faciliter la préparation de la Défense, entre autres.
21 On dit, au point(e) : "Examiner et interroger les témoins et procéder à
22 l'interrogatoire des témoins en son nom dans les mêmes conditions que cela
23 a été fait pour les témoins à charge."
24 La même chose est dite par la Convention européenne relative à la
25 protection des droits de l'homme. Je tiens aussi à vous rappeler le fait
26 que M. Kay vous a présenté, la fois passée, la quantité énorme de documents
27 et il a parlé de quelque 1 million 200 000 pages. Je tiens à vous rappeler
28 que je ne me suis jamais vu attribuer le temps nécessaire pour ne serait-ce
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1 que lire cela.
2 Je suis très sérieusement lésé du point de vue de mes droits et si
3 vous-même et M. Kwon - M. Bonomy, je ne le cite pas parce qu'il n'était pas
4 là - mais vous vous souviendrez que M. May, à ma demande en ce sens, avait
5 toujours dit que cela serait étudié et, comme vous le savez, cela n'a
6 jamais été étudié. Entre-temps, vous n'ignorez pas que j'ai réduit ma liste
7 de témoins à un strict minimum, ce qui fait que cette liste se situe à
8 quelque 190 témoins en tout et pour tout. Ce qui est véritablement le
9 minimum de ce qu'il me faut citer à comparaître. J'estime que j'aurais
10 besoin pour cela de quelque 380 heures en comptant en moyenne, deux heures
11 d'interrogatoire principal par témoin, en moyenne. Certains en
12 nécessiteront davantage, certains auraient besoin de moins, mais je dirais
13 là que ce serait là une moyenne.
14 Pour être tout à fait précis dans mes propos, j'ai besoin encore de
15 quelque 380 heures pour l'interrogatoire de mes témoins à moi. Ce serait
16 tout. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, pourquoi dites-
18 vous que votre droit à interroger les témoins sous les mêmes conditions que
19 cela a été fait s'agissant des témoins à charge se trouverait être lésé, si
20 tant est qu'il vous a été donné le même temps pour ce qui est des vraies
21 heures de travail comme cela s'est fait pour l'Accusation.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur Robinson, j'ai donné
23 citation des deux paragraphes cités au Pacte international relatif aux
24 droits civils et aux droits politiques. Il est prévu là un temps de
25 préparation qui ne m'a jamais été alloué.
26 Il en va de même pour ce qui est du temps nécessaire pour la
27 préparation des témoins. Je sais très bien que bon nombre de témoins qui
28 sont venus témoigner en faveur de la partie adverse ont passés des semaines
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1 et des semaines ici au titre de préparatifs. Mon temps pour les préparatifs
2 est strictement limité et se réduit à une heure et demie par jour dans le
3 courant des journées ouvrables et quelques heures pendant les journées que
4 vous ne considérez comme étant ouvrables, mais elles ne sont pas ouvrables
5 pour vous.
6 Il n'est pas question pour nous ici de parler d'une équité ou d'une
7 égalité en droit. Pour ce qui est du même nombre d'heures, j'estime que
8 cela n'est pas exact non plus, parce que quand j'ai additionné mes heures
9 et les heures de M. Nice, à savoir, toutes les heures, il manque sur les
10 300 journées de la durée de la présentation des affaires à charge quelque
11 70 jours. Cela n'a certainement pas été dépensé par les témoins qui sont
12 entrés dans le prétoire pour prêter serment, et cetera. Si vous vérifiez
13 les heures et si vous divisez le nombre d'heures par jour, vous allez
14 obtenir un peu plus de 200 jours. Je parle moi du droit que j'ai à --
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, vous affirmez
16 que vous avez obtenu 70 jours de moins. Vous avez déjà avancé cette
17 affirmation. Je vous ai demandé, quant à moi, de mettre cela sur papier.
18 Auriez-vous quoi que ce soit à l'appui de l'affirmation que vous venez de
19 faire ? Parce que ce que vous venez de dire ne coïncide pas avec nos
20 fichiers.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, vous avez des fichiers pour
22 ce qui est de la première mi-temps, à savoir lors des témoignages à charge,
23 utilisée par M. Nice et utilisée par moi-même. Quand on fait la somme, cela
24 ne fait pas 300 jours, mais cela fait 200 et quelques jours. Par
25 conséquent, c'est un document que vous avez et c'est à la disposition du
26 Greffe. Je n'ai pas besoin de vous le montrer. Vous l'avez déjà. Vous ne
27 pouvez pas dire que vous n'êtes pas au courant.
28 Deuxièmement, le fait que M. Nice ait cité un grand nombre de témoins en
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1 application du 92 bis, à ce sujet, je vous prie de ne pas perdre de vue le
2 fait que je n'ai pas pu me servir d'une telle possibilité parce que je n'ai
3 pas eu le temps de me préparer. Cela aurait été impossible.
4 Vous me dites que vous avez à disposition ceci ou cela, mais je n'ai
5 pas le temps de mettre à profit ce qui est à ma disposition, et bien, cela
6 ne sert à rien. Cela constitue une déformation des choses. Il faut que
7 j'aie droit à un temps adéquat. Or, cela est jugé en fonction des besoins
8 adéquats, des besoins qui sont véritablement établis pour ce qui est de la
9 présentation de ma défense.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce n'est pas une
11 chose vraie. Vous avez obtenu --
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne comprends pas.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- des ressources considérables qui
14 vous ont été mises à disposition. Vous bénéficiez d'une aide qui vous est
15 mise à disposition. Vous auriez pu vous appuyer sur cette assistance pour
16 vous préparer en application de l'article 92 bis.
17 Mais cela a été l'argumentation que vous avez présentée ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, comme vous avez, à plusieurs
19 reprises, dit que j'étais privilégié parce que j'avais une chambre, un
20 téléphone et ainsi de suite, je tiens à dire que je n'ai rien reçu de tout
21 cela jusqu'à il y a un an à peine, lorsque je devais commencer la
22 présentation de mes éléments de preuve. Pendant toute la période
23 précédente, je n'ai rien eu. Je n'ai même pas pu rencontrer mes
24 collaborateurs plus d'une ou deux fois dans la semaine parce que les temps
25 de visite étaient limités; or, c'est le temps qui a duré.
26 Si vous parlez de privilège, je tiens à dire que je suis le seul pour
27 qui le temps court, alors qu'il n'a pas de conseil de la Défense. J'estime
28 que chaque personne qui se défend elle-même -- j'ai appris que M. Seselj a
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1 l'intention de se défendre lui-même, j'estime qu'il aura, lui aussi, la
2 même possibilité de faire comme moi.
3 Il ne s'agit pas d'un privilège. Au contraire. C'est une privation de
4 possibilité à l'égard d'une personne qui veut préparer sa défense dans des
5 circonstances normales. Tout ceci se trouve être tronqué par le fait de
6 m'avoir attribué une pièce et un téléphone. Mais il ne peut pas être
7 question de privilège.
8 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Votre position est celle de refuser,
9 de façon têtue, de modifier votre façon de présenter les éléments à
10 décharge. Vous allez continuer à rejeter l'utilisation des possibilités qui
11 vous ont été mises à disposition et qui vous permettraient de présenter
12 plus rapidement les éléments de preuve en faisant en sorte que vos associés
13 et le conseil commis d'office soient utilisés de façon plus productive,
14 afin qu'ils recueillent les déclarations que vous allez présenter. Devons-
15 nous comprendre que vous allez continuer et que vous persisterez à garder
16 cette attitude non réaliste. Je pense que le fait de vous défendre vous-
17 même est, selon vous, une façon de faire qui vous permettra de faire tout,
18 tout seul.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas dit que je faisais tout, tout seul.
20 Ce sont mes collaborateurs qui se procurent les documents. Vous n'ignorez
21 pas le fait que je ne puis pas me procurer, moi-même, les documents. Ils
22 examinent ces documents. Ils ont des problèmes énormes à se procurer ces
23 documents. Il y a une tâche formidable à réaliser, à effectuer.
24 Je ne pense pas que quiconque pourrait interroger ici les gens plus
25 vite que moi. Je mets à profit le temps qui m'est imparti de façon très
26 productive. Je procède à des interrogatoires de témoins. Chacun doit
27 pouvoir interroger le témoin. Les collaborateurs ne peuvent pas le faire en
28 parallèle parce que les témoins sont appelés à témoigner ici.
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1 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Nous avons déjà eu bon nombre
2 d'exemples où les témoignages auraient pu être présentés de façon plus
3 efficace par écrit et non pas sous forme d'interrogation orale. Les
4 modalités de présentation de vos éléments à décharge portent atteinte à
5 votre défense parce que vous n'avez pas la possibilité de vous concentrer
6 sur les questions importantes. J'estime que vous devriez être conscient de
7 ce fait. Vous savez certainement que vous avez, à votre disposition, des
8 conseils de la Défense expérimentés qui peuvent préparer le matériel qu'il
9 faut pour vous. Partant de votre réponse, j'estime que vous continuerez à
10 rejeter leur aide pour faire vous-même tout le travail.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Bonomy, j'espère que vous, tout comme
12 moi, comprenez parfaitement bien ce que sous-entend le droit à se défendre
13 soi-même. C'est un droit effectif, ce n'est pas un droit déclaratif. Si je
14 me défends moi-même, je dois effectivement avoir la possibilité à profit ce
15 droit. Or vous, vous êtes en train de proposer, de recommander ma défense
16 par autrui pour gagner du temps.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, voulez-vous dire quelque
19 chose vous-même ?
20 M. KAY : [interprétation] Je ne vais pas répéter ces arguments. Je veux
21 simplement ajouter quelques autres points qui me sont venus à l'esprit. Il
22 aurait pu le dire en son propre nom.
23 Toutes les équipes de la Défense estiment que cela est très
24 difficile, compte tenu des ressources qui sont mises à leur disposition de
25 faire appliquer le 89(F) et l'article 92 bis, autrement dit, une procédure
26 qui permet de présenter les moyens de preuve. Les équipes de la Défense ne
27 disposent pas d'un grand nombre d'enquêteurs professionnels, de gens qui
28 sont capables de recueillir des déclarations de façon professionnelle.
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1 Certaines déclarations qui représentent une trentaine ou une quarantaine de
2 pages pourraient signifier que cela représente trois ou quatre jours pour
3 un avocat et toutes les équipes de la Défense ont estimé que cela était
4 très difficile d'utiliser le temps des conseils de la Défense de cette
5 manière. Le personnel qui est là pour venir en aide à ces équipes, ces
6 personnes ne sont pas en mesure de préparer de tels documents pour le
7 procès.
8 L'Accusation dispose de ressources différentes et sont davantage en
9 mesure de faire appel à des membres du personnel qui peuvent les aider et
10 ils peuvent utiliser les ressources qui sont mises à leur disposition pour
11 préparer de telles déclarations.
12 Cela étant dit, le Règlement de procédure du Tribunal tient compte du
13 cadre fixé par ce Tribunal. Il faut en tenir compte. Il faut savoir que
14 cela existe. Le point que je souhaite faire valoir est celui-ci : cela est
15 plus difficile pour la Défense de dire qu'on peut utiliser les mêmes
16 Règles, alors qu'en réalité, c'est une procédure qui est plus adaptée aux
17 besoins de l'Accusation qu'aux besoins de n'importe quelle équipe de la
18 Défense. Bien que cela existe, néanmoins, cela est plus adapté à
19 l'Accusation. Nous avons demandé une modification du Règlement et cette
20 demande est venue de l'Accusation. La Défense n'a jamais soutenu ce type
21 d'approche par rapport à nos Règles et la jurisprudence de ce Tribunal car
22 ils étaient tout à fait conscients de leurs propres limites.
23 Je pense qu'à ce stade de la procédure, nous parlons non pas de
24 prorogation des délais pour la présentation des moyens à décharge pour un
25 acte d'accusation qui aurait été disjoint, mais simplement du Kosovo. On
26 parle, ici, des trois actes d'accusation et on parle de la situation dans
27 laquelle se trouve l'accusé par rapport à ces trois actes d'accusations.
28 Notre inquiétude à propos de ces trois actes d'accusation, comme je l'ai
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1 déjà dit, lorsque nous avons parlé de la disjonction ou de la séparation
2 des actes d'accusation, il est important que l'accusé ait suffisamment de
3 temps pour préparer sa défense, puisqu'il a assuré qu'il a une défense à
4 préparer par rapport aux actes d'accusation portant sur la Croatie et la
5 Bosnie.
6 Il souhaite avoir suffisamment de temps pour cela. Dans la présentation des
7 moyens à décharge jusqu'à ce jour - dans 85 % des cas - nous nous sommes
8 concentrés sur l'acte d'accusation portant sur le Kosovo. Ce qui
9 m'inquiète, je souhaite qu'il ait suffisamment de temps pour se préparer
10 non seulement pour le Kosovo, mais également pour la Croatie et la Bosnie.
11 Pour ce qui est du temps dont l'accusé a besoin, je n'ai pas eu le
12 temps de traduire ceci dans des chiffres ou un cadre temporel --
13 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est assez facile car
14 cela n'est pas très très loin du temps qui lui a été imparti à l'origine
15 qui représente quelque 18 mois pour les
16 360 heures qui avaient été données. Si on ajoute à 368 heures [comme
17 interprété] supplémentaires, cela représente un an et demi et un peu plus.
18 Mais nous savons déjà que ces estimations pour ces interrogatoires
19 principaux dépassent de loin le temps imparti et dépassent de loin les
20 estimations qu'il nous a fournies. D'après ce qu'il dit, je crois que les
21 éléments de présentation à décharge de la part de l'accusé prendraient
22 encore trois heures.
23 M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas tenu compte des contre-
24 interrogatoires de l'Accusation.
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Ecoutez, c'est important d'en tenir
26 compte parce que le contre-interrogatoire, effectivement, est quelque chose
27 qui en fait partie.
28 M. KAY : [interprétation] Je crois que l'histoire comprendra que
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1 l'Accusation contestera chaque élément présenté par la Défense. On ne peut
2 pas, ici, réduire les questions car sur aucun point, on ne peut trouver un
3 point d'accord.
4 Pour ce qui est de l'équité du temps qui a été donné à l'accusé,
5 d'après nous, nous pensons qu'il devrait pouvoir présenter sa thèse de
6 façon efficiente. Nous estimons qu'il n'y a pas égalité d'arme entre les
7 parties car j'estime qu'il s'agit d'un argument qui serait inconvenant car
8 nous parlons, ici, d'affectation des ressources. Quels que soient les
9 propos avancés par l'Accusation, il est clair que l'Accusation dispose d'un
10 bon nombre d'experts au plan technique et l'Accusation est en mesure de
11 produire un nombre très important de documents et de déposer des écritures
12 qui vont bien au-delà de ce que peut faire la Défense.
13 Il y a ici une inégalité et c'est la raison pour laquelle il faut
14 peut-être accorder le temps nécessaire à l'accusé pour préparer sa défense,
15 eu égard à ces actes d'accusation, quelque chose dont il faut tenir compte
16 lorsqu'on se défend contre l'affaire qui a été montée contre lui. Je parle
17 de façon générale.
18 Je ne sais pas si je peux vous aider davantage.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce que je peux ajouter
21 encore une phrase ?
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Concernant les lenteurs, écoutez, je vous en
24 prie, je tiens à vous rappeler que l'article 14 du pacte international,
25 précisément paragraphe numéro 1 que je n'ai pas cité prévoie la publicité.
26 "Chacun devrait avoir le droit à des audiences publiques et équitables." La
27 publicité des travaux, je la réalise en interrogeant en public les témoins
28 ici et cela se trouve être tout à fait conforme aux Règles ici énoncées.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas, Monsieur
2 Milosevic. Cela dépend de la manière dont vous interprétez cela. Vous savez
3 fort bien que le droit à un débat public n'est pas un droit absolu et qu'on
4 peut y déroger afin de protéger les intérêts de certaines victimes et des
5 témoins et il s'agit effectivement de faire appliquer ici le Statut du
6 Tribunal.
7 Monsieur Nice.
8 M. NICE : [interprétation] Pour ce qui est des calculs, je crois que je
9 suis assez d'accord dans les grandes lignes avec les chiffres avancés par
10 M. le Juge Bonomy. Le calcul de l'accusé qui estime que deux heures par
11 témoin correspond à peu près à la réalité. Je crois qu'en réalité, il
12 s'agit d'un tiers. Si on parle de six heures par témoin, deux heures par
13 témoin, je crois que cela représentait 30 semaines. Mais si on multiplie ce
14 chiffre pour l'interrogatoire principal, d'après la réalité, nous arrivons
15 à
16 90 semaines pour l'interrogatoire principal, 60 % du contre-interrogatoire
17 pendant trois ans.
18 La position de l'Accusation est celle-ci : il ne devrait pas y avoir
19 de prorogation car l'accusé n'a présenté aucun argument à cet effet. La
20 Chambre de première instance a calculé très soigneusement le temps utilisé
21 et a alloué le même temps à l'accusé qu'à l'Accusation et du début à la
22 fin, la Chambre a été extrêmement courtoise dans son attitude vis-à-vis de
23 l'accusé, courtoise dans le sens où la Chambre a respecté l'accusé comme
24 étant un homme intelligent. Je crois qu'il s'agit, effectivement, de
25 quelque chose de tout à fait convenable : voici ce que vous allez faire et
26 voici les conséquences que vous aurez à subir si vous continuez ainsi.
27 Il n'y a aucune raison de s'écarter de cette position-là, à moins que
28 la Chambre de première instance estime que l'accusé a été, au plan
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1 intellectuel, incapable de recueillir les avis et les conseils qui lui ont
2 été donnés et les conseils que vous lui avez prodigués sur la conduite à
3 suivre ici et comment il doit se défendre lui-même. Il s'est entêté, il a
4 refusé d'écouter ses conseils assez souvent et en réalité, il tourne la
5 tête, lorsque des questions de procédure sont soulevées, comme si cela ne
6 l'intéressait pas. Mais, en l'état, la Chambre lui a toujours prodigué les
7 meilleurs conseils qui soient et lui a toujours indiqué ce qu'il lui serait
8 bon de faire.
9 S'il n'avait pas agi ainsi et s'il n'avait pas simplement gaspillé
10 son temps, au lieu de recueillir l'avis d'avocats professionnels, il n'est
11 absolument pas en mesure de dire de quel temps nécessaire il aurait encore
12 besoin. S'il avait agi de façon raisonnable et s'il avait tenu compte de
13 cette question d'économie de temps, s'il avait tenté de réaliser le plus
14 possible dans le temps qui lui était imparti, il aurait pu dire : "J'ai
15 fait de mon mieux. J'ai besoin d'un temps supplémentaire." A ce moment-là,
16 peut-être, que la Chambre de première instance pourrait prendre ceci en
17 compte. Nous ne savons absolument pas où nous en serions s'il s'était
18 comporté de cette façon-là, de cette façon raisonnable et logique.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est le problème que j'ai
20 effectivement, Monsieur Nice. Pourriez-vous me redonner vos chiffres ? Vous
21 parlez sur la base de 190 témoins ?
22 M. NICE : [interprétation] Je crois qu'il a dit deux heures pour chaque
23 témoin, pour l'interrogatoire principal.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de
25 190 témoins ?
26 M. NICE : [interprétation] Oui, c'est exact.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Six heures, si ce sont vos
28 estimations, pour 190 témoins, cela correspond grosso modo à --
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1 M. NICE : [interprétation] Mille heures environ.
2 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Oui.
3 M. NICE : [interprétation] Mille heures divisées par quatre, cela fait 250
4 jours.
5 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je crois que c'est plutôt 300 jours.
6 M. NICE : [interprétation] C'est un temps considérable.
7 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Trois jours par semaine, sur une
8 période de 40 semaines, si cela est réalisable, cela représente un temps
9 beaucoup plus long. Je n'avais pas fait ce calcul-là. Ceci, en réalité,
10 représente un temps beaucoup plus long, beaucoup plus que trois ans.
11 M. NICE : [interprétation] Ceci est un calcul arithmétique que je fais
12 assez rapidement.
13 Messieurs les Juges, vous n'avez pas omis de remarquer que comme vous
14 l'avez entendu, il n'y a absolument aucune réduction du temps où --
15 l'accusé n'a absolument diminué en rien le temps de son interrogatoire
16 principal, ni le temps qu'il a pris pour poser des questions
17 supplémentaires, par exemple. Je crois que c'est important, ici, si on
18 parle de prorogation des délais.
19 La Chambre se souviendra certainement, pour quelle que soit la
20 raison, une décision avait été prise avec le Témoin Farkas. Je me souviens
21 que les questions supplémentaires avaient été bien menées rondement. Je
22 crois que cela avait duré 20 minutes et l'accusé sait très bien quelles
23 sont les questions sur lesquelles il souhaite poser des questions.
24 Nous sommes tout à fait convaincus que la Chambre doit avoir le
25 courage de s'en tenir à la décision qu'elle a prise, qui était dans
26 l'intérêt de l'accusé, quelque chose qui a toujours été appliqué et qui
27 tient compte de ses capacités et de son intelligence et qui indique
28 clairement que c'est l'accusé qui a décidé de se mettre dans cette
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1 situation-là ou en tout cas, il a voulu peut-être coincer la Chambre, ce
2 qui n'est pas approprié.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, nous avons donné à
4 l'accusé le même nombre d'heures de travail que l'Accusation pour la
5 présentation de ses moyens. Que diriez --
6 que répondriez-vous à l'argument suivant l'égalité des armes dans la
7 circonstance n'équivaut pas à parler d'équité ?
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que M. Nice se tourne vers l'autre
9 microphone pour qu'on puisse l'entendre, s'il vous plaît.
10 M. NICE : [interprétation] C'est l'argument que j'ai avancé un plus tôt :
11 nous ne le saurons jamais. Il se peut que l'accusé fait de son mieux pour
12 utiliser au mieux les procédures qui sont mises à sa disposition pour
13 présenter ses moyens de la meilleure façon possible, à ce moment-là, nous
14 allons terminer plus tôt et cela prendra moins de temps que l'Accusation et
15 peut-être qu'on constatera à ce moment-là que trop de temps aura été
16 consacré à certains témoins, ou alors il essaie d'épuiser son temps et de
17 dire : "Est-ce que je peux avoir davantage de temps." A ce moment-là, on
18 peut le lui accorder. Dans les services ou ressources qui sont prodigués à
19 l'un ou à l'autre, il n'y a pas de différence pour dire qu'il y a tout
20 simplement une question d'inégalité.
21 Les arguments de Me Kay, je vais en aborder un ou deux. Les argument en
22 vertu de quoi la Défense estime que c'est difficile de faire appliquer le
23 89(F) ou le 92 bis, car le conseil ne peut pas préparer suffisamment les
24 déclarations de témoins, c'est quelque chose, à mon sens, qui ne peut avoir
25 aucune incidence sur ce procès. La pratique qui consiste à utiliser des
26 déclarations écrites pour les interrogatoires principaux est une méthode
27 communément appliquée par bon nombre de tribunaux et de parlements. C'est
28 quelque chose en tout cas qui est très souvent utilisé par les tribunaux
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1 civils en Grande- Bretagne. L'expérience est à cet égard est quelque chose
2 dont chacun peut profiter.
3 Si l'accusé avait décidé de suivre les conseils prodigués par la Chambre et
4 peut-être utiliser cette pratique adoptée par l'Accusation, et utiliser le
5 89(F) et s'il estimait que cela était difficile car il n'avait pas
6 suffisamment de ressources, à ce moment-là, il aurait pu attirer
7 l'attention de la Chambre sur ce point et, à ce moment-là, on aurait pu
8 faire quelque chose, car cette Chambre a toujours répondu favorablement aux
9 demandes de l'accusé. Il est important de garder à l'esprit cette question-
10 là. Ce nouvel argument présenté sur le manque de ressources constitue
11 simplement un nouvel argument proposé par l'accusé, c'est une nouvelle arme
12 qu'il utilise.
13 J'ai attiré votre attention là-dessus il y a quelques semaines. J'ai
14 indiqué qu'il s'agissait d'un nouvel argument, mais jusqu'à ce moment-là,
15 ce n'était pas une question de pratique. L'accusé a simplement indiqué
16 qu'il était décidé à ne pas tenir compte des conseils qu'on lui prodiguait
17 car il voulait contourner la Chambre. Il a dit qu'il mettrait tout par
18 écrit et brusquement, je crois que c'était il y a un mois ou cinq semaines,
19 c'est la première fois que nous avons entendu parler de ces difficultés.
20 Il n'y a pas de difficultés. Nous l'avons vu en présence des témoins qu'il
21 a cités avec différentes feuilles de papier et lorsqu'ils ont regardé des
22 notes, ils savaient exactement quelle question allait être posée, il savait
23 exactement quel document allait être présenté. Bien sûr qu'il en est tout à
24 fait capable, étant donné qu'il doit faire appel à ses collaborateurs et
25 lorsqu'il dit qu'il fait tout ceci tout seul, c'est quelque chose qui est
26 un peu fantaisiste. Bien sûr qu'il en est tout à fait capable. Ni Mme Del
27 Ponte, ni moi-même, ne voyons chaque témoin nous-même. Elle n'en voit pas.
28 J'en vois quelques-uns, mais je ne vois pas tous les témoins avant qu'ils
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1 ne soient cités à la barre. Je surveille la préparation des témoins, mais
2 je ne fais pas tout moi-même. Ce serait impossible.
3 La proposition que vient d'avancer l'accusé quand bien même elle
4 serait prise au sérieux par un Tribunal comme celui-ci, bien sûr cela
5 rendrait son travail complètement infaisable. S'il l'avait souhaité et
6 contrairement à son désir de citer tous les témoins oralement, il aurait pu
7 mettre en place un système qui lui aurait permis de citer les déclarations
8 de témoins en vertu du 89(F) et du 92 bis, il y a plus d'un an déjà, et il
9 aurait dû procéder ainsi.
10 Je ne sais pas si je réponds suffisamment à la question que vous avez
11 posée, Messieurs les Juges, à propos de l'inégalité. Pour ce qui est de
12 l'inégalité des ressources, bien évidemment, le bureau du Procureur ici,
13 comme dans toute instance, a à disposition davantage de ressources,
14 ressources qui sont plus importantes que les ressources qui sont
15 disponibles à un avocat de la Défense. Ce qui ne fait peut-être pas
16 beaucoup de différence à ce stade de la procédure. La charge de la preuve
17 ne repose pas sur lui. Il répond aux allégations en citant les témoins à la
18 barre et il cite les pièces à conviction dont il souhaite que les témoins
19 parlent.
20 Nous avons vu un exemple très frappant d'inégalité dans le dernier cas.
21 L'inégalité en fait porte sur l'autre partie. L'accusé et ses
22 collaborateurs en ce qui concerne Jelic avaient un accès immédiat à toute
23 une série de documents dont les ordres qui se trouvent dans le classeur. Ce
24 sont des ordres que nous avons essayé de nous procurer depuis trois ans.
25 Nous avons vu d'autres exemples où, brusquement du jour au lendemain, ces
26 journaux de guerre ont été produits, alors que cela fait des années que
27 nous essayons de mettre la main dessus. Donc on ne peut pas toujours parler
28 d'inégalité. Bon.
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1 L'inégalité n'est pas un état de fait. C'est peut-être quelque chose auquel
2 -- ce n'est pas quelque chose qui requiert -- l'inégalité n'est pas lié à
3 une prorogation de temps et quand bien même on estimerait que ce temps
4 supplémentaire serait nécessaire, on ne sait toujours pas combien de temps
5 il faudrait lui donner car il a perdu beaucoup de temps de cette Chambre.
6 La seule manière qui nous permettrait d'envisager sérieusement d'accorder
7 plus de temps à l'accusé, c'est dans le cas où la Chambre, avec le recul,
8 devrait se dire : "C'est un homme intelligent, il a écouté les conseils que
9 nous lui avons prodigués et il a répondu comme il fallait par rapport aux
10 questions auxquelles il devait faire face et il en est tout à fait capable,
11 il ne l'a pas fait, il n'a pas pu le faire." En l'absence de quelque
12 conclusion à cet égard, il a refusé de répondre aux ordonnances de la
13 Chambre. Il a refusé d'écouter les conseils des Juges de la Chambre et les
14 conseils prodigués par ses avocats. C'est ce que j'ai dit dans mes
15 arguments récents, il a essayé de coincer toutes les personnes, toutes les
16 parties présentes, ce qui va retarder le procès d'une façon qui est
17 inacceptable, dans ce cas, je crois qu'il faudrait le traiter comme un
18 homme qui a pris une décision raisonnée, qui est tout à fait un homme
19 intelligent qui a décidé de ne plus citer de témoins à la barre pour
20 présenter ses moyens de preuve parce qu'il n'a plus de temps. A ce moment-
21 là, c'est quelqu'un qui a fait une décision motivée, donc, il ne pourra
22 plus appeler à la barre le témoin pour la Croatie, ni pour la Bosnie.
23 Si on regarde un petit peu en arrière, l'histoire nous donne quelques
24 exemples de retard. Lorsque cette Chambre a décidé de commettre d'office
25 des conseils, la Chambre a fait très attention. La Chambre a commis ces
26 conseils pour des raisons de santé, encore une fois faisant montre de
27 courtoisie à l'égard de l'accusé en ne rendant qu'une conclusion allant
28 contre lui. Pour ce qui est de l'ordonnance portant sur les modalités qui,
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1 évidemment, avait une incidence sur le tems imparti à l'accusé, cette
2 décision a été entièrement respectée et cette ordonnance portant sur les
3 modalités nous conduit à la situation actuelle. Donc la Chambre de première
4 instance sait que le respect de cette ordonnance, c'est quelque chose qui
5 devrait être apprécié ailleurs et plus tard, mais ceci sera abordé peut-
6 être ailleurs, à un autre endroit, à un autre moment.
7 Un seul autre sujet dont j'aimerais traiter, c'est le sujet suivant, à
8 savoir l'important volume de documents. C'est un argument qui revient
9 régulièrement et qui, à mon avis, est une façon erronée de présenter la
10 réalité, mais je dois argumenter.
11 Le volume important de papier qui a été remis à une personne qui se
12 trouve dans la situation de l'accusé, il n'est pas étonnant, car il ne peut
13 être inférieur à ce qu'il est. Il est prévisible que ce volume sera énorme.
14 Compte tenu de notre devoir de l'aider en lui transmettant des documents à
15 décharge, c'est un problème inévitable dans un procès de l'importance de
16 celui-ci, comme il l'est dans d'autres procès. C'est un problème qui peut
17 ne pas être gênant, si la Chambre tient compte de la publicité des débats.
18 C'est un problème qui peut être réglé au cas par cas en transmettant le
19 plus grand nombre possible de documents par voie électronique, de façon à
20 ce que le bénéficiaire puisse consulter ces documents dans les conditions
21 qu'il déterminera lui-même, mais en tout cas, il n'y a aucun moyen matériel
22 de réduire le volume, le nombre de pages en tant que tel. La seule
23 possibilité de réduction vient du tri que fera le bénéficiaire en décidant
24 de ce qui l'intéresse plus ou moins. J'ai demandé à des Juges d'autres
25 Chambres, ainsi qu'aux Juges de cette Chambre de présenter leurs remarques,
26 si remarques il y avait, au sujet de la facilité, de l'aisance avec
27 laquelle ces documents peuvent être récupérés par voie électronique. Parmi
28 les documents qui sont transmis à l'accusé, il y a bon nombre que Mme
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1 Dicklich décide de lui communiquer de son propre chef, de sa propre
2 initiative, sans qu'ils étaient demandés, simplement parce qu'ils ont un
3 lien plus ou moins étroit avec des témoins dont l'audition est prévue.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, veuillez poursuivre,
6 Monsieur Nice.
7 M. NICE : [interprétation] L'une des choses qui a été faite pour aider
8 l'accusé, c'est que Mme Dicklich lui a toujours transmis les documents
9 relatifs aux témoins avant l'audition de ceux-ci, afin de l'aider à avancer
10 plus vite. Il le sait très bien.
11 Nous savons que l'article 68 relatif à la communication des documents a été
12 utilisé de façon très performante pour lui permettre d'organiser ses
13 interrogatoires principaux, ainsi que nos contre-interrogatoires.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, on me rappelle que dans
16 le paragraphe 13 de nos récentes écritures déposées au mois de février de
17 cette année, on voit le Juge Robinson qui met en garde l'accusé, quant au
18 fait qu'il ne devrait pas perdre de temps, ou en tout cas qu'il devrait
19 utiliser au mieux le temps qui lui est donné, suite aux documents qui lui
20 sont communiqués, pour les étudier dans les délais --
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ces documents ont été
22 "utilisés," j'en suis sûr.
23 M. NICE : [interprétation] En tout cas, l'accusé relate les faits d'une
24 façon totalement contraire à la réalité, car si l'on devait le suivre, ce
25 procès pourrait ne jamais se finir. C'est sans doute ce qu'il veut, mais
26 c'est ce à quoi il convient de s'opposer.
27 La Chambre a toujours agi, je le répète, dans la plus grande équité et la
28 plus grande courtoisie à l'égard de l'accusé, et la Chambre devrait
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1 convenir qu'un moment doit venir où ce procès doit s'achever. Je vous
2 remercie.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, est-ce que vous
6 avez quelque chose à dire au sujet des derniers rapports médicaux ? Je suis
7 sûr que vous en avez eu connaissance.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne les ai pas vus dans la dernière période.
9 Peut-être ont-ils été communiqués à M. Rakic. Ces derniers jours, je n'ai
10 pas eu sous les yeux le moindre rapport médical.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment cela se fait-il ?
12 Monsieur le Juriste de la Chambre, je vous prie de vous approcher.
13 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, est-ce que vous avez
15 reçu ces documents ?
16 M. KAY : [interprétation] Nous avons reçu un exemplaire de l'expert qui
17 s'occupe des oreilles en tout cas, c'est ce terme que j'utilise pour parler
18 de lui dans mes notes.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est le dernier rapport, n'est-ce
20 pas ?
21 M. KAY : [interprétation] Oui. Je pense que c'était le 6 --
22 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Il y a aussi un rapport du Dr van
23 Dijkman.
24 M. KAY : [interprétation] A quelle date, Monsieur le Juge ?
25 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est sans doute le deuxième rapport.
26 M. KAY : [interprétation] Je vais essayer de vérifier.
27 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le 2 décembre.
28 M. KAY : [hors micro]
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne puis comprendre, Monsieur
2 Milosevic, quelles sont les circonstances qui vous ont empêché de recevoir
3 ces rapports.
4 M. KAY : [interprétation] Le rapport du spécialiste des oreilles 6 décembre
5 2005, nous l'avons reçu le 7, et au mois de décembre, je n'en ai pas reçu
6 d'autres.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez reçu un rapport
8 du neuroradiologue ?
9 M. KAY : [interprétation] Nous avons reçu un rapport du Dr Dijkman datant
10 du 1er décembre, premier rapport en effet. Mais pas d'autres cette semaine.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Vous venez de parler d'un rapport
12 datant du 6 qui vient du Dr Delarts [phon], n'est-ce pas ?
13 M. KAY : [interprétation] Le 29 novembre, en effet. Puis, il y en a un
14 autre --
15 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Le Dr Delarts a confirmé les dires du
16 Dr Andric au sujet des problèmes d'audition et de la nature exacte de ce
17 trouble. Les autres rapports traitaient davantage des répercussions
18 éventuelles des problèmes cardiovasculaires. Je pense que le rapport du
19 neuroradiologue traitait de six points et proposait une méthode susceptible
20 de régler le problème. Le Dr Delarts, pour sa part, je crois me rappeler
21 qu'il s'occupait des problèmes d'audition de M. Milosevic dans le prétoire.
22 M. KAY : [interprétation] Oui, c'était le rapport technique, où on trouvait
23 --
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que nous avons bien tout
25 passé en revue.
26 M. KAY : [interprétation] Nous avons bien reçu tous ces rapports.
27 [La Chambre de première instance se concerte]
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Kay, pourriez-vous être
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1 plus clair ? Est-ce que vous avez reçu le rapport du neuroradiologue, le Dr
2 Aart ?
3 M. KAY : [interprétation] Aart ?
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, le dernier rapport.
5 M. KAY : [interprétation] Oui, oui, oui. Le 6 décembre, celui du 6
6 décembre. Mais apparemment, il n'est pas dans mon classeur ici. Il est sans
7 doute dans la pièce à côté. Mais en tout cas, oui, nous l'avons reçu le 6.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas pourquoi
9 l'accusé ne l'a pas reçu.
10 M. KAY : [interprétation] Nous, nous l'avons reçu. Le Dr Rakic -- ou
11 plutôt, je ne devrais pas lui donner le titre de docteur. Le
12 Pr Rakic est ici, et il ne fait aucun doute qu'il a dû le recevoir, puisque
13 son nom figure sur la liste des destinataires de ce genre de courrier.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
15 M. KAY : [interprétation] Nous veillerons à ce qu'un exemplaire soit
16 distribué.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic, ce que vous avez
18 dit au sujet des 380 heures pourrait être valable -- ou plutôt, ce que vous
19 avez dit, au sujet des 380 heures supplémentaires dont vous avez besoin,
20 serait synonyme d'une prolongation de ce procès de trois ans à peu près.
21 Pouvez-vous me dire pourquoi il ne serait pas raisonnable de ma part de
22 partir du principe que vous n'avez pas parlé sérieusement et de façon
23 responsable, et pouvez-vous me dire pourquoi je ne devrais pas me trouver
24 dans la situation d'estimer que ceci est un signe du plus grand sinistre
25 par rapport à la tâche qui incombe à cette Chambre, à savoir, garantir un
26 procès équitable et rapide, donc, la conclusion rapide de ce procès ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, d'abord, je ne puis
28 comprendre comment vous faites équivaloir 380 heures et trois ans. Cela
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1 reviendrait à penser que pour vous, une année compte 100 heures. C'est sans
2 doute lié à un problème d'intelligence de votre part.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Milosevic,
4 M. Nice a fait ce calcul. Ce qu'il vous appartient de faire, c'est de nous
5 dire pourquoi vous avez besoin d'un nombre aussi important d'heures.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, dans les efforts que je
7 déploie pour réduire autant que faire se peut la durée, le temps dont j'ai
8 besoin et pour réduire autant que faire se peut le nombre de témoins que je
9 souhaite entendre et, après toutes ces réductions, je suis arrivé à 380
10 heures. Comme vous le savez, ce n'est pas beaucoup. Chacun ici doit bien
11 savoir à quoi équivalent
12 380 heures. J'insiste sur le fait que ces 380 heures ont été calculées sur
13 la base de deux heures par témoin en moyenne. J'aimerais que vous soyez
14 assuré que pas un seul instant je n'ai pensé à prolonger la durée du
15 procès. Bien au contraire. Je m'efforce d'utiliser le temps de la façon la
16 plus rationnelle qu'il soit.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne perdez pas de vue que le temps
18 que vous avez déjà utilisé équivaut à peu près à deux fois le temps qui
19 vous était imparti au départ. Voilà ce qui s'est passé effectivement. Là,
20 nous ne parlons pas de conjecture ou de supputation.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela, c'est un autre problème car les
22 appréciations à l'avance du temps qui sera nécessaire pour entendre tel ou
23 tel témoin, je ne saurais dire qu'elles ont toujours été exactes. Bien au
24 contraire. Parfois, un témoin nécessite une durée d'audition plus longue
25 parce qu'il y a pas mal de questions à aborder, puis diverses circonstances
26 surgissent, qui expliquent les interruptions et les prolongations de son
27 audition. S'agissant de ce que je fais, je calcule le temps de la façon la
28 plus efficace qu'il soit. Parce que tout de même, je vous en prie, chaque
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1 journée de travail compte à peu près 4 heures et 15 minutes. Disons, quatre
2 heures pour arrondir et 380 heures, je ne vois pas comment M. Nice fait
3 équivaloir ce chiffre de 380 à trois années. Car c'est bien moins que 100
4 jours de travail. 400 heures, cela fait 100 jours de travail. Or, je ne
5 parle que de 380 heures, ce qui fait moins. Ce qui fait, disons, à peu près
6 90 jours de travail environ. Cela n'atteint même pas, et de loin, une
7 année.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne comptez pas les contre-
9 interrogatoires. Vous n'avez pas inclus les contre-interrogatoires,
10 Monsieur Milosevic.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, si j'en arrive à
12 90 journées, si j'inclus les contre-interrogatoires, cela fait un total de
13 150 jours. De toute façon, c'est encore loin d'une année et encore beaucoup
14 plus loin de trois années de travail. Je ne sais pas quelle est la méthode
15 de calcul qu'a utilisé M. Nice et de quelle école il est sorti, mais en
16 tout cas, par aucune méthode, on ne peut arriver à quatre années.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci met un terme à l'audience
19 d'aujourd'hui -- au présent débat.
20 Je demande que l'on fasse entrer dans le prétoire M. Sel.
21 M. NICE : [interprétation] Je demande un huis clos partiel avant
22 l'entrée du témoin pour évoquer un point de procédure.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je demande le huis clos
24 partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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22 [Audience publique]
23 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, je crains de ne pouvoir
24 conclure le contre-interrogatoire aujourd'hui.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre estimation du temps
26 qu'il vous faudra ?
27 M. NICE : [interprétation] Sous réserve que nos propositions soient
28 acceptées, je pense à une séance entière --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une séance uniquement.
2 M. NICE : [interprétation] Je l'espère. Nous verrons de quelle façon les
3 choses se dérouleront sur la base des questions que je poserai.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir, Monsieur
6 Sel.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes toujours sous
9 l'effet de la déclaration solennelle prononcée par vous au début de votre
10 déposition.
11 LE TÉMOIN: JANOS SEL [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 Contre-interrogatoire par M. Nice : [Suite]
14 Q. [interprétation] Monsieur Sel, cette partie de l'interrogatoire
15 reposera sur un certain nombre de déclarations qui sont parvenues à
16 l'Accusation de la part de deux hommes auxquels ont parlé les enquêteurs du
17 bureau du Procureur, et qui ont cité le nom de Colovic, comme confirmant
18 l'existence de ces journaux. La Chambre a demandé que le journal en
19 question lui soit remis. Il s'agit de journaux, manuscrits. Ce que nous
20 avons en notre possession, ce sont des photocopies. Les originaux ont été
21 conservés à Belgrade.
22 M. NICE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous
23 avons fait traduire un nombre déterminé de pages assez peu nombreuses. Je
24 vais faire distribuer l'intégralité de ces journaux, si vous me le
25 permettez. Au début de cette liasse de documents, chacun trouvera les pages
26 traduites qui sont en nombre assez limité, avec l'original d'abord, la
27 traduction ensuite. Ceci pour respecter la pratique mise en vigueur par la
28 Chambre, notamment s'agissant du nombre limité de pages qui peuvent
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1 constituer une pièce à conviction.
2 Nous disposons d'un texte intégral pour le témoin, car nous tenons
3 absolument à ce qu'il puisse voir l'intégralité du texte.
4 Les pages de ces journaux sont numérotées pour permettre une
5 plus grande lisibilité. La Chambre constatera, que sur chaque page figure
6 très souvent un numéro ou quelquefois deux numéros. Moi, par exemple, j'ai
7 sous les yeux les pages 67, 68 et 68, 69. La numérotation est un -- du
8 début à la fin de ce document et ce qui constituait deux pages sur les
9 photocopies originales est repris ici en pleine page, d'où les deux
10 chiffres qui figurent sur chaque page.
11 Pour aller plus vite, nous nous fonderons sur la version anglaise de
12 ces pages et si cela s'avère nécessaire, nous prendrons les originaux en
13 Serbe.
14 Q. Monsieur Sel, est-ce que vous pourriez jeter un coup d'œil à la version
15 qui vient de vous être remise, qui ne sera pas versée au dossier en tant
16 que pièce à conviction dans son intégralité, mais qui vous est donnée pour
17 votre convenance personnelle. Ces documents viennent de Belgrade, du
18 ministère des Affaires étrangères et de l'armée. Jetez-y un coup d'œil et
19 vous verrez qu'il s'agit d'une copie de vos deux journaux.
20 R. Monsieur Nice, je tiens à vous corriger. Ces documents ne sont pas des
21 journaux. Ce sont des carnets de notes. Je commandais une compagnie. Je ne
22 tenais pas un journal personnel.
23 Q. Très bien. Un carnet de notes. Le vôtre, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, oui, c'est mon carnet de notes qui date de 1998-1999.
25 Q. Je vais maintenant passer en revue un certain nombre de pages assez
26 rapidement, sujet par sujet. Le premier sujet, vous pourrez en traiter sans
27 doute assez vite. Il a déjà été abordé la dernière fois, à la dernière
28 audience où vous étiez présent. Vous avez dit ne rien savoir d'Ersad ou de
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1 Semso Colovic, n'est-ce pas ? Est-ce que vous pourriez vous rendre en page
2 33, le coin en bas, à droit de la page 33. A droite de cette page, sous la
3 rubrique concernant le 25juin 1998, vous trouvez la rubrique --
4 R. Un instant, s'il vous plaît. Je n'ai pas cette page dans ma
5 documentation.
6 Q. Nous allons vous fournir la page qu'il faut après le 33.
7 M. MILOSEVIC : [interprétation] L'interprète a dit 43 et je vois, au compte
8 rendu d'audience, que M. Nice a dit 33. Il doit y avoir eu une erreur de
9 traduction parce que ce n'est pas 43 comme l'interprète l'a dit, mais 33.
10 C'est la raison pour laquelle le témoin ne peut pas le trouver.
11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] C'est, en réalité, la
12 page 33, Monsieur Sel et la date est celle du 25 juin 1998.
13 M. NICE : [interprétation]
14 Q. C'est rédigé à la main, votre main. Il s'agit de rechercher Colovic ?
15 R. Oui, Monsieur Nice, c'est rédigé à ma main. Colovic Ersad, c'est
16 quelqu'un - je vais vous l'expliquer - c'est quelqu'un qui a été envoyé
17 pour une visite médicale. Nous sommes sortis à Sulane [phon] vers le 15 ou
18 le 16 juin, me semble-t-il et il a été relâché pour partir voir un médecin
19 à l'hôpital militaire de Nis. Il ne s'est pas présenté à l'hôpital
20 militaire de Nis et il n'a plus été revu à l'unité.
21 Q. Vous n'aviez plus souvenir de Colovic la dernière fois. Qu'est-ce qui a
22 rafraîchi votre mémoire ?
23 R. Monsieur Nice, il s'agit de 1998. C'est la raison pour laquelle j'avais
24 dit que je souhaitais avoir mon carnet de notes pour ne pas en venir à
25 penser que je ne dis pas la vérité. Colovic Ersad, c'était un jeune soldat
26 qui a fait partie des rangs de mon unité, génération 1998 et il a été
27 transféré -- permettez-moi de vous le dire. Il a été transféré vers le 15
28 juin vers mon unité, vers les rangs de mon unité. Pour des raisons de
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1 maladie, il a été relâché du campement où nous étions pour être examiné
2 médicalement et il n'a plus fait son apparition dans les rangs de l'unité.
3 Q. Le détail --
4 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Mais ceci ne répond pas à la question
5 qui a été posée.
6 M. NICE : [interprétation]
7 Q. Voyez-vous, la dernière fois que vous êtes venu ici, vous ne saviez
8 rien nous dire du tout au sujet de Colovic. Nous ne pouvons pas lire tout
9 ce qui figure sur cette page du carnet, mais dites-nous s'il est dit qu'il
10 est parti à l'hôpital et qu'il n'est pas revenu parce que nous, nous avons
11 réussi à lire juste "Recherche de Colovic Ersad." Il n'est pas question
12 d'hôpital.
13 R. Monsieur Nice, nous n'avions pas, au campement, de médecins et c'est
14 avec un accompagnateur qu'il a été envoyé vers Djakovica, vers un
15 dispensaire pour se faire examiner médicalement et --
16 Q. Mais écoutez ma question.
17 R. -- d'habitude, les soldats étaient envoyés vers la caserne, pour ce
18 faire.
19 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Sel, on vous a demandé
20 pourquoi vous n'avez pas pu vous souvenir de cette personne la dernière
21 fois que vous êtes venu ici et maintenant, vous avez réussi à vous rappeler
22 tous ces détails alors que dans votre journal ou dans votre carnet, il n'y
23 a que son nom ? Comprenez-vous la question qui vous est posée ? Si oui,
24 répondez.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends très bien, mais j'ai l'impression
26 que vous ne me comprenez pas. Partant du carnet de notes que j'ai ici, sous
27 les yeux, je me suis rappelé ce soldat. Je vous ai dit que sans mes notes,
28 en témoignant la fois passée, j'ai dit que je ne pouvais pas confirmer que
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1 telle ou telle chose était vraie ou pas. C'est la raison pour laquelle j'ai
2 donné l'ordre, le 25 juin 1998, de lancer des recherches, j'ai lancé un
3 avis de recherche après l'intéressé Colovic.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes en train de nous dire que
5 maintenant que vous avez revu ce nom, vous vous êtes souvenu de tout cela ?
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il n'y a pas que le nom. Il y a
7 aussi "avis de recherche."
8 M. NICE : [interprétation] Mais je ne veux pas gaspiller notre temps là-
9 dessus, mais en page 37, du côté gauche, pour ce qui est des entrées qu'on
10 y a apposées.
11 Q. En page 37, du côté gauche, on voit, à un autre endroit, mentionné --
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle page ?
13 M. NICE : [interprétation] Page 36, je m'excuse, si je ne l'ai pas dit.
14 Q. Ceci n'a pas été traduit et je viens de m'en rendre compte. Mais on a
15 identifié l'endroit à mon intention. Vous voyez à gauche, sur la page 36,
16 une autre entrée, une fois de plus, il est fait mention d'un avis de
17 recherche après Colovic. C'est cela, au milieu de la page ?
18 R. Non, Monsieur Nice. On a reçu un rapport, entre-temps, qu'il se
19 trouvait à l'hôpital parce qu'il y a le mot "bolmica [phon]" qui signifie
20 "hôpital."
21 Q. J'aimerais que vous nous donniez lecture de ce qui est écrit et nous
22 dire si c'est votre écriture ?
23 R. Je ne vois pas très bien. "Colovic" et son prénom échappe ici et il y a
24 -- non pas "hôpital," mais "Poternica [phon]" qui signifie avis de
25 recherche parce qu'en ma qualité de responsable de l'unité, je devais
26 lancer un avis de recherche puisqu'il ne s'est plus présenté dans son
27 unité.
28 Q. Maintenant, la page suivante qui nous intéresse, c'est la page 56. Une
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1 fois de plus, nous retrouvons le nom de l'intéressé. Il est présenté, ici,
2 toute une liste de gens et lui y figure au
3 numéro 2 : Colovic Ersad ?
4 R. Ici, Monsieur Nice, il y a le mot "Begstro [phon]" qui veut dire
5 "Fuite." Le dénommé Colovic est en fuite. Sur le plan légal, il a fait
6 l'objet d'un avis de recherche par le biais des instances chargées de la
7 Sécurité ou plutôt, par le service chargé des recherches parce que le jour
8 où il devait aller à l'hôpital, il a déjà brillé par son absence. Nous
9 parlons toujours de 1998, Monsieur Nice.
10 Q. Page 68, maintenant. Vous voyez, Monsieur Sel, vous avez peut-être déjà
11 répondu à la question, mais -- un moment, je vous prie -- ou plutôt,
12 laissez tomber la page 68.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] N'oubliez pas que nous ne pourrons
14 pas aller au-delà de 1 heure 43.
15 M. NICE : [interprétation]
16 Q. Nous allons continuer pour arriver à la page -- laissez-moi voir -- non
17 pas 35. La page 170. Si ce n'est pas le cas, je vais quand même poser ma
18 question. Laissez tomber 170 aussi.
19 Nous avons retrouvé trois endroits dans votre carnet de notes où il est
20 fait mention du nom d'Ersad Colovic. La dernière fois, lorsque j'ai dit que
21 des dires émanaient du dénommé Ersad Colovic, vous avez nié qu'il faisait
22 partie de votre unité. Est-ce que vous avez nié parce que vous saviez que
23 cet homme était peut-être à même de dire la vérité à votre sujet ?
24 R. Monsieur Nice, il s'agit d'une période de temps assez longue et d'un
25 écart de temps assez long. Si vous avez été suffisamment attentif, vous
26 m'auriez entendu dire que sans mes carnets de notes, je ne pouvais pas vous
27 confirmer si cet homme avait fait partie de mon unité ou pas. A partir du
28 28 juin, cet homme a pris la fuite. Comment a-t-il pu faire des
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1 déclarations à mon sujet pour 1999, alors qu'il n'a pas du tout fait partie
2 de l'unité ?
3 Q. Juste encore une petite question pour enchaîner sur ce que M. Bonomy a
4 dit. Est-ce que votre cerveau fonctionne de manière à voir un mot, tel que
5 le nom de "Colovic" et indépendamment de ce que vous avez déjà entendu
6 auparavant, ce n'est qu'une fois que vous voyez ce mot écrit sur une
7 feuille de papier que cela rafraîchit votre mémoire, cela le fait revenir à
8 votre mémoire ? Est-ce que c'est ce qui se passe dans votre cerveau ?
9 R. Monsieur Nice, nous n'allons pas parler maintenant des modalités de
10 fonctionnement du cerveau d'un tel ou d'un tel autre. J'ai dit que j'avais
11 besoin de mon carnet de notes pour constater si cet homme avait fait partie
12 des rangs de mon unité ou pas. Comme vous pouvez le constater, il est
13 arrivé dans mon unité vers le 15 juin et le 20 juin, il s'est éloigné. Il
14 n'est plus revenu et je parle de 1998. Il se trouve être fugitif depuis. Il
15 n'a pas pu faire de déclaration à mon sujet puisque nous avions un
16 entraînement en campement. Mon unité n'a pris part à aucune activité de
17 combat, à cette époque-là.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Nice, je tiens à constater
19 seulement qu'il ne s'agit pas d'un seul mot qui est le nom de "Colovic." Il
20 y a trois ou quatre mots qui disent "Avis de recherche après Colovic" et
21 c'est peut-être ce qui a rappelé --
22 M. NICE : [interprétation] Mais il n'a pas été fait référence à l'hôpital
23 ou à quoi que ce soit d'autre. Mais je vais m'interrompre.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Robinson, il y a un phénomène qu'on
25 appelle la mémorisation visuelle et une fois que quelqu'un voit son carnet
26 de notes, il me semble assez normal d'avoir des choses qui reviennent à la
27 mémoire.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais c'est un commentaire que
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1 vous pouvez faire en une autre occasion.
2 M. NICE : [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons à présent interrompre
4 nos travaux, Monsieur Sel. Vous devrez revenir ici lundi, à 9 heures du
5 matin.
6 L'audience est levée.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le lundi 12 décembre
8 2005, à 9 heures 00.
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