Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 17 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 20.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour.

6 Interprète: Monsieur le Président, micro s'il vous plaît?

7 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-97-24-T, le

8 Procureur contre Milomir Stakic.

9 Interprète: Monsieur le Président, micro s'il vous plaît?

10 Mme Korner (interprétation): Je voudrais présenter une juriste qui vient

11 de rejoindre notre équipe et qui va nous donner des informations. Elle

12 s'appelle Katarina Margretts, et elle va nous informer sur la loi

13 allemande et sur des questions procédurales.

14 M. Lukic (interprétation): Nous sommes ravis. Nous n'avons malheureusement

15 pas d'expert pour la loi allemande dans notre équipe.

16 M. le Président (interprétation): Merci pour la défense.

17 Y a-t-il des problèmes? Est-ce que Me Ostojic a des problèmes?

18 M. Lukic (interprétation): Il a promis qu'il serait là demain.

19 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez quelque chose à

20 mentionner. Madame Korner?

21 Mme Korner (interprétation): Oui, il s'agit de la requête en vertu de

22 l'Article 92. Il était mentionné que les dix pages étaient le montant

23 maximum pour rédiger ces motions, ces requêtes. Je pense que ceci est

24 insuffisant, aussi bien pour la défense que pour nous, pour représenter

25 les différents faits de cette affaire.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, accepté en ce qui me concerne. Cela

2 n'a aucun sens. Ceci facilite les parties, bien sûr, s'il n'y a que dix

3 pages, mais je pense en fait qu'il ne devrait pas y avoir de limite au

4 niveau du nombre de pages.

5 Je voudrais également saisir cette occasion pour mentionner quelque chose

6 que nous avons déjà abordé avant de rentrer dans cette Chambre d'audience.

7 Vous devriez être conscients de cela -et vous l'avez certainement devant

8 les yeux, vous avez le calendrier pour la deuxième partie de l'année

9 2002-, vous êtes conscients que la Chambre a invité les parties à trouver

10 un accord et une solution idéale, et ceci aussi rapidement que possible.

11 Je ne vois pas de mouvement d'un côté ou de l'autre.

12 Cependant, ce que nous avons abordé est la chose suivante: ce ne serait

13 pas approprié d'essayer de surmonter ces requêtes, les réponses, les

14 rejets, les décisions du Tribunal en quatre semaines pour arriver

15 finalement à un accord entre les différentes parties si nous devons aller

16 de l'avant dans cette affaire de la défense, plutôt que de perdre

17 énormément de temps et dépenser énormément de ressources humaines pour

18 cette décision officielle.

19 Je voulais savoir si l'on ne pourrait pas avoir un accord, ici, de façon à

20 éviter cette requête ce faisant.

21 Encore une fois, c'est une invitation et nous en avons discuté avant de

22 rentrer dans cette Chambre d'audience. J'ai saisi cette occasion pour le

23 mentionner immédiatement. Si c'est possible, si c'est nécessaire, il est

24 donc évident que la restriction, au niveau du nombre de pages, ne

25 constituera pas un obstacle si vous souhaitez rédiger un document plus

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1 long. Si c'est nécessaire.

2 Mme Korner (interprétation): Bien sûr, nous sommes conscients du préambule

3 au calendrier que vous, Monsieur le Président, vous avez produit. Et nous

4 n'avons pas eu, en fait, l'occasion d'en discuter avec nos collègues de la

5 défense, Me Ostojic n'était pas présent. Mais avant les vacances

6 judiciaires, nous avons l'intention d'en discuter avec les conseils de la

7 défense de façon à voir s'il y a une possibilité d'arriver à un accord.

8 Nous ferons bien sûr de notre mieux pour répondre à vos attentes, Monsieur

9 le Président, Messieurs les Juges.

10 M. le Président (interprétation): Je vous en serais très reconnaissant, et

11 faites-le-nous savoir. Si c'est nécessaire, je crois que nous essaierons

12 d'arriver à une solution aussi rapidement que possible en ce qui concerne

13 cette affaire, car nous devons être tous conscients que, de plus en plus,

14 au vu de l'opinion publique, la longueur de nos procès n'est plus

15 acceptable par rapport à la longueur des audiences par rapport à des

16 crimes qui sont presque aussi difficiles que ceux que nous avons, ici,

17 dans notre affaire.

18 Nous devons donc nous assurer que nous ne perdons pas la confiance de la

19 communauté internationale qui nous a confié ces travaux, même si leurs

20 préoccupations ne doivent pas constituer une priorité, pour nous,

21 absolument.

22 Je prends bonne note de vos propos. Et ceci constitue peut-être un signal

23 qui signifierait que vous arriverez à un accord. Nous avons indiqué une

24 possibilité de façon à faciliter ce processus et à accélérer également

25 cette procédure.

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1 Je voudrais savoir s'il y a d'autres points qui sont à soulever par les

2 parties. Madame Korner?

3 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Nous sommes en audience publique et il

5 n'y a aucune mesure de protection?

6 Mme Korner (interprétation): C'est exact.

7 M. le Président (interprétation): Puis-je demander à l'huissier de faire

8 rentrer le témoin, s'il vous plaît?

9 (Le témoin, M. James Barnabas Burke Mayhew, est introduit dans le

10 prétoire.)

11 Bonjour, Monsieur le Témoin. Encore une fois bonjour, Monsieur le Témoin.

12 Vous n'avez pas de problème avec les écouteurs?

13 M. Mayhew (interprétation): Non.

14 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous faire votre déclaration

15 solennelle, s'il vous plaît?

16 M. Mayhew (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir et nous allons

19 procéder immédiatement à l'interrogatoire principal.

20 (Interrogatoire principal du témoin, M. James Barnabas Burke Mayhew, par

21 Mme Korner.)

22 Mme Korner (interprétation): Est-ce que votre nom complet est James

23 Barnabas Burke? Et, d'après les rapports que nous avons vus, est-ce que

24 l'on vous appelle plutôt Barnabas Mayhew?

25 M. Mayhew (interprétation): Oui.

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1 Question: Monsieur, je crois que je vous ai expliqué déjà que tout ceci va

2 être traduit et qu'il devrait y avoir, donc, un retard ou disons un écart

3 entre les questions et les réponses.

4 Je voudrais savoir si vous avez fait des études à Oxford, à l'université

5 de Oxford donc?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Et après avoir obtenu votre diplôme d'Oxford, est-ce que vous

8 vous êtes engagé dans l'armée? Est-ce que vous avez été dans l'armée entre

9 septembre 1997 et décembre 1991?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Pour le compte rendu, est-ce que vous étiez en fait un officier

12 dans le régiment qui n'existe plus mais qui s'appelle en fait le 47e

13 Régiment?

14 Réponse: Oui, c'est exact.

15 Question: Pendant que vous étiez dans l'armée, est-ce que vous étiez dans

16 des forces de maintien de la paix à Chypre, des Nations Unies donc?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Et ensuite, est-ce que vous avez participé à un déploiement de

19 l'OTAN en Allemagne?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Ensuite, vous avez été dans la force de défense post-

22 indépendance de la Namibie?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Et ensuite vous avez été posté en Irlande du nord?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et après avoir quitté l'armée…

2 Réponse: En décembre 1991.

3 Question: Oui, je m'excuse. J'attendais simplement que le compte rendu

4 d'audience nous rattrape. Est-ce que, par le biais du bureau du

5 Commonwealth et des Affaires étrangères, est-ce que vous avez fait partie

6 de la MCCE?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez décidé de

9 rejoindre la MCCE?

10 Réponse: J'ai quitté l'armée en 1991, un peu plus tard que je le pensais.

11 Je pensais, en fait, servir pendant trois ans mais en fait j'ai prolongé

12 car j'ai trouvé que ceci en valait la peine. Et mon objectif pour

13 rejoindre l'armée était similaire aux objectifs que j'avais en rejoignant

14 la mission de la MCCE.

15 Mais j'avais toujours été intéressé dans les aspects de la réconciliation

16 depuis l'université. Et dès que j'ai quitté l'armée, un peu plus d'un mois

17 après, j'ai vu une annonce pour un poste au niveau de la MCCE. C'était

18 très clair à ce moment-là que c'était exactement ce que je voulais faire.

19 C'est la raison pour laquelle j'ai fait une demande immédiatement et j'ai

20 été, en fait, envoyé en mission deux semaines plus tard.

21 Question: Est-ce que, au départ, vous êtes allé à Zagreb, vous êtes arrivé

22 au début du mois de mars 1992?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire, nous donner quelques

25 renseignements sur la structure de la MCCE? Comment les rapports par

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1 exemple, étaient rédigés?

2 Réponse: La MCCE avait un certain nombre d'équipes, de nombreuses équipes,

3 environ 50 à l'époque, qui étaient déployées sur le terrain. Les rapports

4 étaient envoyés tous les jours. Et, au quartier-général, il y avait

5 quelques membres du personnel qui devaient compiler les rapports des

6 missions des différentes unités de la MCCE. Ceux-ci étaient ensuite

7 envoyés au chef de la mission qui signait ces rapports. C'était envoyé

8 ensuite aux 12 capitales de l'Union européenne -à l'époque, il n'y en

9 avait que 12-, ainsi que les 4 autres pays qui envoyaient également du

10 personnel.

11 Question: Quand vous êtes allé sur le terrain, vous avez également fait

12 des rapports. Donc je voudrais savoir ce qui, selon vous, était important

13 sur le type de rapport que vous, vous envoyiez?

14 Réponse: Il était très clair -et durant notre formation, c'était tout à

15 fait cohérent également avec ce qu'on nous avait expliqué-, il fallait

16 qu'il y ait une distinction très claire entre des données vérifiées et

17 confirmées que nous avions pu corroborer nous-mêmes et les autres

18 commentaires ou les autres opinions qui n'avaient pas été corroborés et

19 qui devaient être mentionnés comme tels.

20 Donc les rapports avaient une teneur militaire, étaient relativement brefs

21 en laissant de côté des opinions qui auraient peut-être voulu être

22 exprimées, mais il fallait se conformer aux règles de l'établissement des

23 rapports factuels. Notre rôle, en tant que mission de surveillance, était

24 un objectif de vérifier et non de fournir des informations sur ce que l'on

25 avait entendu de ouï-dires.

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1 Question: Donc, à Zagreb, vous avez commencé votre mission à Zagreb. Votre

2 objectif était de compiler les rapports de terrain et de faire la synthèse

3 de ces rapports et de l'envoyer ensuite en un seul rapport?

4 Réponse: C'est exact. Je ne me souviens pas exactement si j'ai commencé

5 sur le terrain ou si j'ai commencé par un travail plus sédentaire à

6 Zagreb, mais, à de nombreux moments dans la mission, mon rôle était de

7 compiler, de faire la synthèse des rapports, notamment parce qu'en fait

8 j'étais anglophone de naissance.

9 Question: Oui, vous avez dit que vous alliez sur le terrain. Mais à cette

10 époque, en mars 1992, est-ce que vous faisiez partie d'une équipe qui

11 surveillait les lignes de cessez-le-feu dans la région de Pakrac et de

12 Lipik, en Croatie. Et vous étiez donc surveillé?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Et vous opériez donc au niveau de la ligne de la partie croate?

15 Réponse: Oui.

16 Question: A la fin du mois de mars 1992, vous avez demandé d'être

17 transféré au bureau de Banja Luka, est-ce exact?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Est-ce que cette demande de mutation a été acceptée?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Avant d'arriver à Banja Luka, est-ce que vous êtes d'abord allé

22 à Sarajevo?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que c'était au début du mois d'avril 1992?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Est-ce que vous étiez en fait à Sarajevo lorsque les premiers

2 coups de feu ont été tirés?

3 Réponse: Oui, c'est exact. Je devais passer par Sarajevo car, en fait, les

4 lignes aériennes passaient par Sarajevo et il n'était pas possible de

5 traverser la ligne de front. Donc il fallait passer par Sarajevo.

6 L'objectif était ensuite d'aller directement au nord en direction de Banja

7 Luka, mais étant donné que les premiers tirs ont eu lieu à Sarajevo, je

8 suis resté quelques jours là-bas et nous avons fait ce que nous pouvions

9 faire compte tenu de la situation. Et ceci a retardé un peu ma mutation.

10 Question: Donc quelque temps après les premiers coups de feu à Sarajevo,

11 est-ce que vous vous êtes ensuite rendu à Banja Luka?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Où était basé l'équipe de la MCCE, à Banja Luka?

14 Réponse: A l'hôtel Bosna dans le centre de la ville.

15 Question: Combien y avait-il de personnes?

16 Réponse: Environ sept agents. Et puis, il y avait également quatre

17 conducteurs et nous avions également des interprètes locaux.

18 Question: Et quelles étaient vos fonctions à Banja Luka, à cette époque?

19 Réponse: On avait une définition assez vaste de notre poste. Mais, en

20 fait, il y avait deux principales parties, deux principaux volets. Tout

21 d'abord, il fallait surveiller le cessez-le-feu au niveau de la ligne

22 croate, et mon objectif était également de m'assurer que j'avais une

23 opinion aussi équilibrée que possible des deux côtés de la ligne de front.

24 Et puis l'autre objectif, l'autre volet de ma fonction était également de

25 contrôler la situation en Bosnie -ce qui était principalement considéré

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1 comme allant en se détériorant-, et de faire ce que nous pouvions pour

2 essayer de voir ce qui se passait et pour, par le biais également de la

3 persuasion, d'essayer d'empêcher également que l'on évolue en direction de

4 la guerre.

5 Mme Korner (interprétation): Et en ce qui concerne la deuxième...

6 M. le Président (interprétation): S'il vous plaît, est-ce que vous pouvez

7 un peu ralentir.

8 M. Mayhew (interprétation): Est-ce que je parle trop vite?

9 Mme Korner (interprétation): Je crois que c'est ma faute, Monsieur Mayhew.

10 Je pose les questions trop rapidement après vos réponses.

11 Alors, en ce qui concerne le deuxième volet de vos fonctions, à savoir le

12 contrôle de la situation en Bosnie, qu'est-ce que cela comprenait?

13 M. Mayhew (interprétation): Tout d'abord, il fallait établir des contacts

14 et une relation ouverte avec les dirigeants au niveau des principaux

15 centres de population comme Banja Luka, Prijedor et Derventa qui étaient

16 les trois principaux centres, mais il y en avait d'autres également.

17 Il fallait essayer de comprendre quelle était la situation, c'était

18 compliqué. Et nous devions, par conséquent, parler aux personnes qui, nous

19 pensions, pourraient nous donner une synthèse ou la toile de fond de la

20 situation.

21 On a donc essayé de parler au représentant de chacune des communautés -que

22 ce soient les communautés laïques ou religieuses-, et de toujours vérifier

23 également les informations en posant des questions à des civils auxquels

24 on rendait visite dans les petites villes, dans les villages.

25 C'était donc notre premier objectif d'essayer de comprendre ce qui se

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1 passait, une situation qui était en mutation constante et qui était

2 complexe.

3 Notre deuxième rôle était en fait laissé à notre discrétion. Nous

4 essayions de faire ce que nous pouvions pour essayer de calmer le jeu. Si

5 ceci signifiait qu'il fallait vérifier qu'une rumeur au sujet d'une

6 atrocité était vraie ou fausse, et très souvent c'était en fait faux. Dans

7 ce cas-là, nous pouvions envoyer un rapport en disant que ceci ne s'était

8 pas passé, et essayer d'avoir une vision beaucoup plus exacte de la

9 situation qui était comprise par toutes les parties concernées et de

10 persuader également les commandants militaires, dans certains cas, de

11 façon à ce qu'ils n'ouvrent pas le feu et également d'essayer de calmer le

12 jeu au niveau de leur propre population.

13 Bien sûr, durant cette période, une tâche essentielle était

14 l'établissement des rapports, donc on devait constamment rédiger des

15 rapports de façon à ce qu'on puisse dresser le portrait de la situation à

16 la mission de la MCCE, au niveau le plus élevé, au niveau diplomatique

17 également, de façon à recentrer beaucoup plus les débats.

18 Question: D'accord. Essayons de reprendre un peu les différents points que

19 vous avez mentionnés. Vous avez parlé des rumeurs et vous avez dit que

20 vous essayiez de vous assurer de la véracité de certaines rumeurs ou, au

21 contraire, de les infirmer. Alors, est-ce que ces types de rumeur étaient

22 très importants sur les atrocités?

23 Réponse: C'était en fait quelque chose de très important, et il y avait

24 des rumeurs au niveau de combats; c'était la cause en fait de combats ou

25 de violence. Nous avons vu, en fait, qu'il y avait un certain schéma qui

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1 se développait. Dans un village, on entendait parler d'une atrocité qui

2 avait été perpétrée dans une autre région.

3 Par exemple, on disait que deux personnes avaient été tuées par des

4 Croates, deux Serbes avaient été tués -c'est un exemple- par des Croates.

5 La communauté serbe, dans ce cas- là, était furieuse et prenait peur

6 également. Il y avait cette rumeur qui se propageait. Il y avait également

7 quelquefois des représailles dans leur propre ville. Et l'on se rendait

8 compte après que la rumeur d'origine était fausse. Mais en fait, là, il y

9 avait vraiment des atrocités qui avaient été commises: un meurtre ou des

10 viols ou des vols.

11 Et, dans une autre ville, on entendait parler de ces atrocités mais ceci

12 était grossi; il n'y avait pas que deux ou trois personnes, mais on

13 rapportait qu'il y avait en fait dix, vingt ou cent personnes qui avaient

14 été tuées.

15 Je dis c'est un exemple que je donne. Je pourrais en fait citer des

16 exemples si ceci peut vous aider, mais vous avez en fait cet effet boule

17 de neige qui était à l'origine d'une rumeur. Il fallait, en fait, vérifier

18 la véracité de ces rumeurs, retourner à la source. Et c'est vrai que

19 quelque chose s'était passé, mais c'était de moindre envergure si vous

20 voulez. Il fallait établir ces rapports.

21 Question: Je vois pourquoi les interprètes ont des problèmes. Vous parlez

22 en fait assez vite, Monsieur le Témoin.

23 Vous avez donc dit que vous pouviez nous donner un exemple pour nous aider

24 à mieux comprendre. Peut-être que vous pourriez nous donner un exemple.

25 Réponse: Oui. Dès Derventa, nous avons traversé la ligne de front à

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1 l'ouest de Derventa. Il y avait en fait une ligne de front informelle qui

2 s'était créée et les personnes s'étaient rassemblées dans leurs

3 différentes positions. Le commandement militaire serbe était à l'ouest de

4 Derventa et nous l'avons trouvé. Il nous a dit qu'il avait des

5 informations et qu'il y avait 400 personnes qui étaient détenues dans la

6 cave, dans le sous-sol d'un bâtiment de la ville de Derventa, et qu'on les

7 obligeait à donner du sang pour les forces musulmanes et croates et qu'il

8 y en avait qui étaient morts de cela.

9 Je ne me souviens plus, en fait, s'il avait dit exactement cela, mais il

10 fallait arrêter cela immédiatement et qu'il utiliserait tous les moyens.

11 Nous avons utilisé tous les moyens à notre disposition pour empêcher que

12 ceci soit perpétré et que ces atrocités soient perpétrées.

13 Mon collègue est allé voir dans le sous-sol de ce bâtiment, sans préavis.

14 Il s'est rendu compte qu'il n'y avait en fait que huit personnes et non

15 cent ou deux cents personnes, et pas de signe que des personnes étaient

16 détenues et pas de signe également que ces personnes avaient donné du sang

17 dans ce sous-sol.

18 Nous avons pu ensuite re-contacter le commandant serbe et nous avons dit

19 que nous avons vu, de nos yeux vu, qu'il n'y avait pas eu cette situation-

20 là. C'est ainsi que nous avons géré cette rumeur et, en général, il

21 acceptait nos commentaires. Mais après, il disait: "Maintenant, j'ai des

22 informations beaucoup plus fiables", et une autre rumeur commençait à être

23 lancée.

24 Il parlait, par exemple, d'une enclave dans une zone à prédominance serbe

25 à Derventa qui était encerclée, qui allait être attaquée, et que tout le

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1 monde allait être tué si rien n'était fait. Dans ce cas-là, il utiliserait

2 tous les moyens à sa disposition, etc., etc.

3 C'était donc la langue qu'ils utilisaient et nous essayions de vérifier la

4 véracité de ces rumeurs. Ensuite, on les re-contactait. Et là, il y avait

5 encore une autre rumeur qui nous était communiquée. C'était donc en fait

6 une bataille que l'on perdait continuellement. On ne pouvait pas en fait

7 garder la cadence.

8 Je vais m'efforcer de parler plus lentement, excusez-moi.

9 Question: Contrairement à votre collègue, M. McLeod, c'est la première

10 fois que vous témoignez ici. C'est peut-être un élément qui vous excuse,

11 Monsieur le Témoin.

12 Vous travailliez donc par le biais des interprètes?

13 Réponse: oui.

14 Question: Qui vous a fourni ces interprètes?

15 Réponse: Eh bien, presque toujours c'étaient les autorités locales qui

16 dépendaient du maire de Banja Luka.

17 Question: Vous avez parlé de ces rumeurs. Par le biais des interprètes,

18 étiez-vous en mesure de savoir ce qui se présentait dans les médias, à la

19 télé, ou à la radio.

20 Réponse: Oui, nous ne faisions pas vraiment attention aux médias locaux,

21 parce que c'était plutôt le témoignage direct des gens sur le terrain qui

22 nous intéressait. Et si ces gens avaient été influencés par les médias, eh

23 bien, nous le voyions à travers les interviews que nous avions eues avec

24 ces gens.

25 Mais c'était intéressant de voir de quelle façon on utilisait les médias

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1 au deuxième degré; c'est-à-dire que nous avions l'impression que les

2 autorités utilisaient les médias absolument partout, aussi bien en Croatie

3 qu'en Bosnie, pour le besoin de la propagande. Les annonces faites dans

4 les médias en partie servaient à faire peur à leur propre peuple pour les

5 faire croire aux rumeurs, aux histoires avancées par l'autre côté, et pour

6 polariser la situation, pour les motiver à prendre les armes, pour leur

7 faire croire que s'ils ne le faisaient pas c'est l'autre côté qui allait

8 attaquer.

9 Nous, on a eu l'impression que ces gens, les gens ordinaires ont été

10 contents de vivre ensemble pendant si longtemps. Mais à l'intérieur de

11 chacune des communautés, il y avait toujours un petit groupe de gens qui

12 étaient déterminés à empoisonner les esprits de leur groupe, des gens de

13 leur groupe contre l'autre côté, pour justement polariser les opinions et

14 pour créer la discorde.

15 Question: Vous nous avez parlé de ces personnes, de gens ordinaires que

16 vous rencontriez. Est-ce que, en ce qui concerne par exemple Prijedor,

17 vous avez rencontré les dirigeants des partis politiques de Prijedor?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Est-ce que vous avez rencontré quelqu'un de particulier dont

20 vous vous souvenez?

21 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, au mois d'avril, nous avons rencontré le

22 conseil de la région; il s'agissait donc des dirigeants des trois groupes

23 ethniques qui travaillaient au sein de ce conseil.

24 Question: Etes-vous en mesure de vous rappeler à présent le nom de ces

25 trois partis politiques?

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1 Réponse: SDA, SDS, donc le parti musulman, le parti serbe, et puis il y

2 avait aussi le parti principal croate; je pense que c'était le HDZ, mais

3 je ne suis pas certain.

4 Question: Et donc, vous dites que vous rencontriez les dirigeants de ces

5 partis. Est-ce que vous les avez rencontrés ensemble ou bien un par un?

6 Réponse: Eh bien, nous n'avons eu qu'une véritable réunion à Prijedor avec

7 le conseil, et ceci s'est fait en deux parties. Nous avons demandé à les

8 voir séparément, mais nous avons aussi rencontré les trois dirigeants

9 ensemble, c'est-à-dire le conseil, les membres du conseil. Ensuite, nous

10 avons fait un communiqué de presse.

11 Chaque dirigeant de chaque groupe ethnique nous a fourni sa version des

12 événements, et évidemment il y avait des différences entre les trois

13 versions des choses, des faits. Chacun des dirigeants disait que leur côté

14 s'était bien comporté jusqu'à présent, qu'il souhaitait continuer une

15 cohabitation paisible, démocratique et constructive, et que leur côté

16 avait le droit de vivre, de continuer à exister.

17 Question: Vous souvenez-vous ce que vous a dit notamment le dirigeant du

18 SDS?

19 Réponse: Oui, je m'en souviens, je m'en souviens tout particulièrement

20 parce que son opinion était peu habituelle, son point de vue concernant la

21 démocratie. Par exemple, il a fait usage de cartes pour montrer que les

22 Serbes de Bosnie, par exemple dans la région, possédaient la majorité des

23 terrains -je pense que c'était 75% ou quelque chose comme cela- et,

24 d'après lui, c'était ce qui leur donnait leur droit dans le cadre de ces

25 structures démocratiques. C'est-à-dire qu'ils avaient l'impression d'avoir

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1 plus de droit, plus de pouvoir parce qu'ils étaient propriétaire d'une

2 partie importante du pays. Cet argument était tout à fait nouveau pour

3 nous, nous ne l'avions jamais entendu auparavant, et c'est pour cela qu'il

4 s'est gravé dans ma mémoire.

5 Question: Quand vous dites que la proportion de la population n'était pas

6 égale à la proportion de terre qu'ils possédaient, vous voulez dire que

7 finalement ils ne faisaient pas la majorité de la population?

8 Réponse: Eh bien, je ne me souviens pas exactement de tous les chiffres,

9 de tous les pourcentages concernant cette région-là, mais, apparemment,

10 ils possédaient plus de terres qu'ils n'étaient nombreux.

11 Question: Donc, grosso modo, quel était le niveau des dirigeants auxquels

12 vous avez eu affaire, je parle de la MCCE?

13 Réponse: Au nord de la Bosnie, eh bien, nous traitions avec les maires et

14 ensuite leurs subordonnés. Ensuite, à un moment, plus tard, nous avons

15 rencontré le général Mladic, mais il était juste en visite. Alors que

16 c'était plutôt, par exemple pour le côté civil, le maire; et pour le côté

17 militaire, le niveau du Général de brigade par exemple, et les

18 subalternes.

19 Question: Et quel était le rôle de maire dans la région, d'après ce que

20 vous avez compris à l'époque?

21 Réponse: A l'époque, c'était surtout un problème politique. Ensuite c'est

22 devenu un problème militaire. Et pour nous, cela nous paraissait naturel

23 que de s'adresser tout d'abord aux dirigeants politiques.

24 Question: Donc vous vous êtes basé à Banja Luka. Est-ce que vous avez

25 rencontré le maire de Banja Luka, M. Predrag Radic?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Donc la MCCE part au mois de mai. Avant ce moment-là, vous

3 l'avez rencontré à combien de fois -je parle de M. Radic?

4 Réponse: Eh bien, assez souvent, peut-être tous les deux ou trois jours.

5 C'est d'ailleurs son bureau qui nous fournissait le personnel de sécurité

6 et les interprètes. Donc nous étions obligés de garder contact avec son

7 bureau de façon assez permanente, presque quotidienne, tout au moins au

8 niveau administratif.

9 Mme Korner (interprétation): Je voudrais maintenant vous demander

10 d'examiner le rapport que vous avez fait suite à la réunion que vous avez

11 eue avec M. Radic, le 30 avril 1992.

12 Monsieur le Président, il s'agit de l'annexe 2 de la déclaration

13 préalable.

14 Monsieur le Président, si, pour une raison quelconque, vous ne l'avez pas,

15 nous avons plusieurs exemplaires.

16 M. le Président (interprétation): C'est que nous avons plusieurs pièces

17 jointes, et il faut tout simplement retrouver la bonne. Mais voilà, nous

18 l'avons trouvée.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce bien le rapport

21 que vous avez signé ainsi qu'une autre personne? Il s'agit d'une copie

22 imprimée. Je pense que la deuxième personne c'est M. Botonakis?

23 M. Mayhew (interprétation): Oui.

24 Question: Est-ce que c'est un exemple classique de rapport que vous

25 renvoyez ou bien, est-ce que c'était quelque chose de particulier?

Page 6032

1 Réponse: C'était un rapport extraordinaire qui a été fait en plus de ces

2 rapports quotidiens, car c'était une réunion particulièrement intéressante

3 où nous avons obtenu des informations intéressantes.

4 Question: Eh bien, si l'on parcourt ce rapport, on va voir que la date sur

5 le fax est écrite de la façon américaine, mais en réalité cela veut dire

6 que l'on vous l'a envoyé le 19 avril 1992?

7 Réponse: Non, non. C'était envoyé probablement le même jour par le système

8 appelé Capeset, ce qui a été le e-mail avant la lettre. Donc probablement

9 le 1er avril ou le 14 avril.

10 Question: Et qu'est-ce que c'est que cette notion UT temps ou leur UT?

11 Réponse: Eh bien, c'est probablement que ce document a été faxé

12 ultérieurement encore une fois.

13 Question: Très bien.

14 Réponse: C'est-à-dire une fois que le quartier-général l'a reçu.

15 Question: Et ensuite on l'envoie au centre régional de Sarajevo, n'est-ce

16 pas?

17 Réponse: Oui, oui, c'est le centre régional de Sarajevo. C'était une

18 espèce de sous quartier-général de la MCCE.

19 Question: Et de Banja Luka 1, qu'est-ce que cela veut dire?

20 Réponse: Cela veut dire l'équipe n°1 de Banja Luka. Je pense qu'il y avait

21 trois équipes à Banja Luka. Donc c'est le nom, le numéro de l'équipe dont

22 je faisais partie.

23 Question: Et donc, la date est le 13 avril 1992 et le titre "La République

24 serbe à l'intérieur de Bosnie-Herzégovine".

25 Le point n°1: "A la réunion d'aujourd'hui, le maire de Banja Luka, M.

Page 6033

1 Predrag Radic, a souligné son point de vue concernant la République serbe

2 à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine." (Fin de citation.)

3 Donc, avant de voir ce qu'il a dit exactement, pourriez-vous nous dire

4 tout simplement comment vous en êtes venu à ce sujet?

5 Réponse: Je vous ai déjà dit que nous nous sommes rencontrés fréquemment.

6 Et donc, cette fois-ci, à cette réunion particulière il est arrivé qu'il

7 nous a fait part de cette vision de ce que devrait devenir la partie serbe

8 de Bosnie. Peut-être que quelqu'un lui a demandé: "Comment voyez-vous le

9 futur?", et voici la réponse. C'était une question que nous avions

10 fréquemment posée à différents dirigeants politiques.

11 Question: Et voilà ce qu'il répond: "On a l'impression qu'il a bien

12 réfléchi à son point de vue. Il s'attend à être nommé au poste de vice-

13 Président de cette République dans l'avenir proche. Donc, il est important

14 de noter son commentaire car ceci indique quelle est la position du SDS."

15 Paragraphe n°2: "La République serbe à l'intérieur de la Bosnie-

16 Herzégovine consistera en six parties: Semberija. Et ensuite, on énumère

17 les municipalités. Ensuite, la Bosnie du nord, Romanija Birac, Bosanska

18 Krajina qui inclut un certain nombre de municipalités différentes y

19 compris Prijedor, la municipalité de Prijedor. Et ensuite, un certain

20 nombre de parties de la région de Krajina qui n'ont pas été spécifiées.

21 Est-ce bien cela qu'il a dit ou bien, est-ce que vous n'avez pas pu noter

22 le nom de ces régions?

23 Réponse: Non, non, non, il a dit qu'il s'agissait de régions de la Krajina

24 qui se trouvent à l'extérieur de la frontière de Bosnie. Il a dit que

25 probablement il y aurait un certain nombre de régions de la Krajina à

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1 l'extérieur de la Bosnie, mais que ceci restait à décider; c'est-à-dire

2 qu'il voulait tout simplement attirer notre attention sur le fait que

3 cette entité ne consistera pas seulement en régions faisant partie de la

4 Bosnie, mais même à l'extérieur, la Krajina.

5 Question: Vous voulez dire la Krajina croate?

6 Réponse: Oui, si l'on regarde les frontières, apparemment c'est sans doute

7 ce que M. Radic avait en tête car c'était une région à dominance serbe, et

8 je pense que, d'après lui, ce n'était pas la Croatie tout simplement.

9 Question: Et ensuite F: l'Herzégovine de l'Est avec les municipalités

10 différentes. Le paragraphe n°3: "La capitale sera Banja Luka. Les six

11 entités formeront une confédération à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine

12 et la République serbe jouira d'une grande autonomie. Cette entité gardera

13 les contacts très proches avec la Serbie, y compris l'utilisation du dinar

14 serbe en tant que monnaie."

15 Le paragraphe n°4: "A partir du moment où les entités musulmanes et

16 croates seront constituées, Radic voit un gouvernement central avec des

17 responsabilités en ce qui concerne la politique fiscale et la politique

18 étrangère. Il y aura une rotation des trois ministres des Affaires

19 étrangères qui vont avoir leur poste pour six mois chacun. Le gouvernement

20 central n'aura pas de responsabilité en matière de la défense."

21 Le paragraphe n°5: "Radic était assez évasif quand on lui a demandé si le

22 plébiscite des 9 et 10 novembre 1991 leur a donné cette autorité pour

23 réfléchir à l'entité de la République serbe. Il a répondu assez vaguement

24 en disant que la République était le résultat de souhaits du peuple

25 serbe".

Page 6035

1 Est-ce que je peux vous demander, Monsieur le Témoin, dans quelle mesure

2 vous étiez vraiment au courant de ces événements qui ont mené au

3 plébiscite et qui ont suivi?

4 Réponse: Eh bien, cela s'est produit au mois de novembre 1991. C'est vrai

5 qu'on m'a briefé là-dessus, mais c'était assez limité. Je savais à peu

6 près de quoi il en était, pas plus. Maintenant, je ne m'en souviens pas

7 très bien.

8 Question: Le paragraphe n°6, on lui a demandé quelle était son opinion

9 concernant la déclaration de principe, Bruxelles, 9 mars 1992, Sarajevo 18

10 mars 1992. Il a répondu que: "Cela ne fournissait pas suffisamment

11 d'autonomie aux entités constituantes, voir section D de la déclaration de

12 principe".

13 A nouveau, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez me dire quelle était

14 cette déclaration de principe à laquelle vous faites référence?

15 Réponse: Je ne me souviens pas de détails, c'était une initiative

16 diplomatique de l'époque. Je me souviens que l'on en avait parlé à

17 l'époque à travers différents entretiens, mais je ne me souviens pas

18 exactement des détails.

19 Question: Numéro 7, finalement il a dit que: "Les régions à dominance

20 serbe au sud-est de Bosnie-Herzégovine, donc l'Herzégovine de l'est, vont

21 joindre à la fin le Monténégro."

22 Le paragraphe n°8: "Le maire a fréquemment dit que la communauté

23 européenne préfère clairement la Croatie et la Slovénie, et l'on avait

24 l'impression qu'il y croyait vraiment. Il a aussi dit, de façon moins

25 virulente, qu'il existe une campagne de la communauté européenne contre

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1 l'église orthodoxe. Et cette plainte a été souvent entendue avant".

2 Quelle était cette plainte? Est-ce qu'on parlait de ce favoritisme de la

3 communauté européenne vis-à-vis de la Croatie et de la Slovénie ou de la

4 campagne menée contre l'église orthodoxe?

5 Réponse: Ce n'est apparemment pas très clair, mais c'étaient des plaintes

6 qui ont été formulées assez souvent. Je ne me souviens pas des deux.

7 Question: Numéro 9: "En dépit de ces plaintes, le comportement du maire

8 était très amical et il avait l'air convaincu de l'utilité potentielle de

9 la MCCE. Ensuite, la situation à Livna et à Duvno, M. Radic nous a avertis

10 que nous ne devrions pas être surpris s'il prenait des otages civils

11 croates pour les échanger contre les otages civils serbes détenus à

12 Rascani, près de Duvno. Nous lui avons dit que la communauté européenne

13 allait penser à cela avec beaucoup d'attention et qu'il allait perdre tout

14 avantage moral dont il bénéficiait pour l'instant.

15 Nous lui avons promis que les équipes de la MCCE allaient faire de leur

16 mieux pour aider en ce qui concerne les éventuels otages serbes, et nous

17 lui avons demandé d'être patient. La presse de Belgrade s'est beaucoup

18 intéressée à la chose, aussi bien que la presse locale.

19 Réponse: Oui, c'est vrai que les autorités serbes de Bosnie avaient un

20 grand nombre de civils, détenaient un grand nombre de civils serbes à

21 Rascani.

22 Question: Et donc, il a dit que vous ne deviez pas être surpris s'il

23 prenait des civils croates en otage. Comment avez-vous réagi?

24 Réponse: Eh bien, nous avons pris cette menace de façon très sérieuse.

25 Evidemment, il avait le pouvoir de le faire. Plus tard, les événements ont

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1 montré que des choses pareilles pourraient être faites. Donc nous avons

2 pris cela comme une éventualité assez réaliste.

3 Mme Korner (interprétation): Merci, Monsieur Mayhew. Donc c'est bien ce

4 rapport-là, je voudrais le verser au dossier.

5 M. le Président (interprétation): Donc la cote sera la cote S214.

6 Mme Korner (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des objections?

8 M. Lukic (interprétation): Non, pas d'objection, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Très bien. Donc cette pièce est admise

10 en tant que pièce S214.

11 Mme Korner (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Monsieur le Témoin, est-ce que, pendant cette période de temps, vous vous

13 êtes rendu à Prijedor?

14 M. Mayhew (interprétation): Oui.

15 Question: Oui, évidemment, puisque vous avez parlé de ces réunions que

16 vous avez eues avec les dirigeants des différents partis. Mais, avant de

17 quitter la région au mois de mai, est-ce que vous avez été au courant de

18 la prise de la ville de Prijedor par le SDS?

19 Réponse: Non, je ne me souviens pas de cela.

20 Question: Pendant que vous étiez à Banja Luka, dans la ville même de Banja

21 Luka, est-ce que, à aucun moment, vous avez appris que des membres de

22 groupes paramilitaires sont arrivés à Banja Luka; ils s'appelaient les

23 SOS?

24 Réponse: Non, pas du tout.

25 Question: Maintenant, je voudrais vous demander de nous expliquer assez

Page 6038

1 brièvement de quelle façon, comment se fait-il plutôt que la MCCE a été

2 retirée de Bosnie?

3 Réponse: Mon collègue, Bertrand Boret, a été tué au mois de mai à Mostar,

4 il était moniteur. Je pense que vous avez la date de cet incident. Et peu

5 de temps après, le chef de mission a décidé que, à cause de cet événement

6 et à cause des conditions de sécurité qui se sont détériorées, eh bien,

7 qu'il allait nous retirer pour nous consulter à Zagreb. Donc nous devions

8 continuer notre travail à Zagreb. Mais, autrement dit, c'était un

9 euphémisme pour parler de l'évacuation.

10 Question: Et donc, la MCCE s'est retirée de Bosnie complètement jusqu'au

11 mois d'août 1992?

12 Réponse: Oui, oui, ce retrait était absolu et complet. Je ne savais pas

13 pendant combien de temps nous allions être absents, mais nous espérions

14 que ceci n'allait pas excéder quelques semaines.

15 Question: Eh bien, nous allons parler de cette deuxième visite que vous

16 avez faite dans la région, pendant que vous étiez en mission dans la

17 région, mais nous allons parler de cela plus tard. Mais vous avez parlé de

18 ces rumeurs, des incidents, des intimidations.

19 Réponse: Vous parlez de quelle période?

20 Question: La période entre le début du mois d'avril et le mois de mai

21 1992.

22 Réponse: Eh bien, c'était une ambiance générale, une ambiance

23 d'intimidation. Quand nous parlions aux gens de trois groupes, eh bien, on

24 avait l'impression qu'ils avaient tous peur. Mais c'était surtout les

25 Musulmans et les Croates qui avaient peur. Et dans nos têtes, il n'y avait

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1 pas de doute qu'il y avait eu des intimidations à large échelle.

2 En ce qui concerne des incidents particuliers, eh bien, nous n'étions pas

3 en mesure de faire des enquêtes concernant par exemple des menaces faites

4 aux familles, par exemple. Nous, nous regardions la situation globale,

5 nous nous préoccupions de la situation globale sur le terrain, plutôt que

6 de faire des enquêtes au niveau des individus.

7 Par exemple, je vous ai donné deux ou trois exemples des événements qui se

8 sont produits à Derventa.

9 Question: Je vais vous arrêter un instant. Nous, ce qui nous intéresse,

10 c'est surtout Banja Luka et Prijedor.

11 Réponse: Eh bien, non, nous n'avons pas fait d'enquêtes détaillées

12 concernant des incidents particuliers. Mais nous avons entendu beaucoup

13 d'histoires, beaucoup d'allégations concernant des menaces proférées à

14 l'encontre de familles, mais nous n'avons pas enquêté en détail.

15 Question: Avant de partir, est-ce qu'il y a eu des restrictions de faites

16 concernant votre liberté de circulation dans la région?

17 Réponse: Oui. Monsieur Radic, juste quelques jours avant que l'on ne

18 parte, nous a dit qu'il se trouvait obligé de commencer à restreindre

19 notre circulation, notre liberté de circulation, et que c'était pour notre

20 propre sécurité. C'était une phrase utilisée fréquemment par les trois

21 partis. Et justement, il le faisait souvent quand il voulait cacher

22 quelque chose.

23 Evidemment, il y a eu des exceptions quand il se préoccupait véritablement

24 de notre sécurité. Mais nous, l'impression que l'on a eue, c'était qu'ils

25 avaient des raisons plus vraies, des raisons qui voulaient dire qu'en fait

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1 ils voulaient nous cacher quelque chose, ils voulaient nous empêcher de

2 voir quelque chose.

3 Question: Bien. Alors vous vous êtes retirés. Est-ce que vous êtes allés,

4 alors, à Zagreb?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Et vous êtes resté là jusqu'au mois d'août? Ou bien, je pense

7 que vous êtes resté là après cela. Mais est-ce que vous étiez là-bas

8 jusqu'à votre retour en août 1992?

9 Réponse: Oui. J'ai pu probablement faire une ou deux brèves missions d'une

10 ou deux journées, mais pour l'essentiel j'étais là.

11 Question: Pourrions-nous maintenant passer à cette visite. Avait-il été

12 décidé que la CSCE, la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en

13 Europe enverrait une mission d'inspection de ce qui avait été décrit comme

14 étant des lieux de détention en Bosnie?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Est-ce que c'était en fait le résultat essentiellement de la

17 Conférence de Londres qui s'était tenue au mois d'août?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Est-ce que cette mission d'inspection devait avoir pour chef un

20 diplomate anglais du nom de Sir John Thompson?

21 Réponse: Oui, je crois qu'il était un diplomate retraité à l'époque.

22 Question: Est-ce que la MCCE a eu comme requête de faciliter les missions

23 à la région de Banja Luka?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et parce que vous aviez été là avant cela, est-ce qu'on vous a

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1 demandé effectivement d'essayer de constituer et coordonner les choses?

2 Réponse: Oui.

3 Question: De ce fait, est-ce que vous avez obtenu la permission de visiter

4 Banja Luka avant l'arrivée de la mission?

5 Réponse: Oui, je pense que ces missions préalables ou avancées étaient

6 pour préparer notre propre retour, et il s'est trouvé que lorsque la

7 mission de la CSCE est intervenue à assez brève échéance…

8 Question: Comme nous l'avons entendu et comme nous pouvons le voir, en

9 l'occurrence sur ce stade de planification, est-ce que vous avez été

10 rejoint par Charles McLeod?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que c'est la première fois que vous deux avez travaillé

13 ensemble ou est-ce que vous avez déjà travaillé par le passé?

14 Réponse: Je crois que c'était notre première mission sur le terrain

15 ensemble, mais nous avions travaillé quelque temps avant cela au quartier

16 général.

17 Question: Est-ce que vous avez conservé vos propres notes concernant des

18 entretiens que vous avez eus avec, premièrement M. Radic et d'autres

19 personnes? Ou est-ce que vous vous fondiez pour les détails sur les

20 rapports de M. McLeod?

21 Réponse: Je n'ai pas conservé mes propres notes. Pour les détails des

22 entretiens, je me fonderai donc sur les rapports de M. McLeod.

23 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

24 je ne vais pas passer par tous les détails, on en a déjà traité avec M.

25 McLeod, mais je voudrais évoquer les différentes visites qui ont eu lieu.

Page 6042

1 Est-ce que l'on pourrait, s'il vous plaît, remettre au témoin le rapport

2 de la visite qui a eu lieu le 23 août 1992, visite à M. Radic, qui avait

3 déjà été produit en tant que pièce à conviction S...

4 Excusez-moi, Mme Karper me dit que cela n'a pas été présenté comme pièce à

5 conviction de l'accusation. Je croyais que cela avait été le cas.

6 M. le Président (interprétation): Je crois me souvenir que nous avions

7 décidé de prendre l'ensemble des notes comme constituant une seule pièce à

8 conviction.

9 Mme Korner (interprétation): Il se peut que le Greffe puisse nous aider

10 pour ce qui est du numéro du premier document et le 00950317.

11 Bien, voici un exemplaire disponible pour M. Mayhew. C'est la pièce S179.

12 Mme Dahuron (interprétation): C'est le document S171.

13 Mme Korner (interprétation): Je vous remercie beaucoup. Pour un

14 éclaircissement, est-ce qu'il s'agit de notes manuscrites? (Hors micro.)

15 Non, c'est la version dactylographiée, mais nous avons un exemplaire

16 supplémentaire.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 M. Mayhew (interprétation): Merci.

19 Mme Korner (interprétation): Je crois que Mme Karper avait tout à fait

20 raison. Je crois que lorsqu'il s'agissait de M. McLeod et que j'ai étudié

21 la question, je n'ai fait de pièces jointes qu'avec M. Stakic. Je crois

22 que le reste est passé...

23 M. le Président (interprétation): C'est exact. Et en plus, nous avons pris

24 comme élément de preuve l'ensemble des notes manuscrites.

25 Mme Korner (interprétation): Les notes manuscrites, c'est bien cela.

Page 6043

1 Monsieur le Président, Mme Karper a parfaitement raison. Et en tout état

2 de cause, je vais simplement passer en revue les réunions principales, les

3 réunions essentielles. Mais si on pouvait lui donner un exemplaire de

4 toute manière.

5 C'était ici une réunion avec M. Radic et le chef de la police de Banja

6 Luka, et les représentants de l'armée, le colonel Vukelic, M. Radic.

7 Monsieur Zupljanin, le chef de la police de Banja Luka, est-ce que vous

8 l'avez rencontré?

9 M. Mayhew (interprétation): Je ne le crois pas.

10 Question: Et le colonel Vukelic?

11 Réponse: Je ne le crois pas.

12 Question: Je voudrais déjà vous demander cela, Monsieur Mayhew: quelle

13 était l'attitude de M. Radic par rapport à votre retour?

14 Réponse: Son attitude était d'une certaine façon, généralement, positive.

15 Mais beaucoup de choses s'étaient passées depuis notre dernière entrevue,

16 et je crois que son attitude était par conséquent quelque peu contrainte,

17 sous la contrainte.

18 La situation était confuse, l'avenir était douteux. Il n'était pas sûr

19 lui-même que notre retour serait une bonne chose pour lui et pour sa

20 communauté. Il voulait nous encourager, mais il n'est pas allé jusqu'au

21 point d'affirmer, donner une permission très claire de revenir. Il voulait

22 que certains de ces points de vue soient bien compris. Nous n'avions pas

23 eu de contact pendant un certain temps, donc c'était normal. Je pense que,

24 probablement, il avait des craintes pour l'avenir, pensait que sa

25 communauté, les buts de sa communauté seraient-ils réalisés; y aurait-il

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1 une paix durable bientôt?

2 Je crois que toutes les communautés, à ce stade, étaient dans la confusion

3 et avaient peur. Et il montrait un peu de cette crainte qui est

4 parfaitement compréhensible.

5 Question: Je vous remercie.

6 Et puis, je crois que nous allons traiter la question sans vous montrer le

7 document. Est-ce que vous avez fait une deuxième visite à M. Radic le jour

8 suivant, là encore avec M. McLeod?

9 Réponse: Oui. Si le document confirme cela, je fais confiance au document.

10 Question: Bien. Alors pouvons-nous passer à l'arrivée de la mission de Sir

11 John Thomson? Est-ce que vous et M. McLeod vous avez escorté Sir John

12 Thomson? Premièrement je crois que vous êtes passé par Bozanska Gradiska,

13 que vous avez traversé Bozanska Gradiska puis Banja Luka; et puis il y a

14 eu visite à Manjaca. Et après cela, est-ce que vous êtes allé à Prijedor

15 le 31 août?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Sans vous montrer le rapport -parce que je pense que ça n'est

18 pas nécessaire M. Mayhew-, est-ce que vous vous rappelez... qu'est-ce que

19 vous vous rappelez en ce qui concerne Gradiska?

20 Réponse: Oui, c'était notre première visite. Il est clair que les

21 autorités voulaient créer une impression favorable et recevaient un

22 visiteur de très haut niveau; elles voulaient le recevoir de façon

23 officielle et très correcte. Il y avait des soldats au garde-à-vous le

24 long de la route, pour le dernier tronçon de route, avant l'arrivée

25 jusqu'au bureau du maire. Et nous avons été très courtoisement reçus par

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1 le maire.

2 Question: Alors, maintenant, passons aux fins de la présente affaire, à la

3 visite que vous avez faite à Banja Luka, Manjaca… Non ce n'est pas

4 directement lié. Mais passons à la visite maintenant à Prijedor, si vous

5 le voulez bien.

6 Je voudrais vous demander, je voudrais demander que l'on vous présente ce

7 qui avait été présenté comme éléments de preuve dans le rapport McLeod, en

8 ce qui concerne sa réunion avec le docteur Stakic, c'est-à-dire la pièce à

9 conviction S166.

10 (Intervention de l'huissier.)

11 Réponse: Merci.

12 Question: Pourrais-je vous poser la question suivante, Monsieur Mayhew:

13 d'abord, quels sont vos souvenirs, souvenirs indépendants, vos propres

14 souvenirs de cette réunion?

15 Réponse: Réunion à Prijedor?

16 Question: Oui.

17 Réponse: Mon rôle essentiel était de faciliter la mission de haut niveau

18 et donc, je ne négociais pas directement, mais je me rappelle la teneur et

19 le ton général. Certainement le ton général de cette visite et des

20 événements, mais pas le détail de cette réunion.

21 Question: Est-ce que vous avez déjà rencontré le docteur Stakic lors de

22 vos visites antérieures à Prijedor?

23 Réponse: Je ne sais pas. J'avais certainement rencontré le chef de la

24 communauté serbe ou du parti serbe, comme je l'ai dit plus tôt, mais je ne

25 me rappelle pas son nom.

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1 Question: Bien. Et si l'on vous le demande après un intervalle de 10 ans,

2 pourriez-vous être capable de reconnaître le docteur Stakic?

3 Réponse: Je ne pourrais pas en être certain.

4 Question: Je vous remercie.

5 Nous avons vu les détails avec M. McLeod. Mais est-ce que nous pourrions

6 maintenant examiner les conclusions de ce rapport?

7 Réponse: Page 5?

8 Question: Page 5, merci. Nous pouvons lire qu'il a probablement été rédigé

9 après la visite à Trnopolje parce que la réunion a eu lieu avant, je

10 crois, mais je traiterai de Trnopolje dans un instant. Il est dit que "la

11 version des événements qui a conduit à l'ouverture de Trnopolje, qui nous

12 a été… la version qui nous a été donnée par le maire était en

13 contradiction très nette avec celle des gens avec qui nous avons parlé

14 dans le camp".

15 Réponse: Je ne suis pas à la bonne page, excusez-moi.

16 Question: Excusez-moi, c'est au paragraphe 41.

17 Réponse: Oui.

18 Question: Puis 42, la conclusion: "Les autorités insistent sur le fait

19 qu'elles agissaient dans l'intérêt de toute la population dans leur

20 secteur et qu'il n'avait aucun désir de se débarrasser de la population

21 musulmane. Toutefois, ceci ne correspond pas à ce qu'ils font dans les

22 faits. Dans ce contexte, il est très difficile de tirer des conclusions

23 sur la base de ce qui a été dit".

24 Paragraphe 43: "La conclusion à tirer de ce que nous avons vu est que la

25 population musulmane n'est pas désirée et est systématiquement expulsée

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1 par quelque méthode qu'il soit disponible."

2 Maintenant quelle est votre opinion à ce sujet? Est-ce que c'est une

3 conclusion juste?

4 Réponse: D'une façon générale, oui, je pense que je l'aurais peut-être

5 libellée un peu différemment, en particulier cette dernière phrase ou ce

6 dernier membre de phrase. Je suis pleinement d'accord avec le membre de

7 phrase: "La population musulmane n'est pas désirée et est systématiquement

8 expulsée". Nous avons vu de nombreuses preuves de cela. Et si j'allais

9 être très strict dans un langage très châtié, je serais un peu plus

10 prudent pour ce qui est "par quelque méthode qu'il soit disponible".

11 A cette visite, il y avait encore un certain nombre de Musulmans qui

12 vivaient encore sur place et si les autorités avaient vraiment voulu

13 employer n'importe quelle méthode, ils auraient déjà pu les transporter à

14 la frontière ou pris d'autres mesures.

15 Personnellement, j'aurais remplacé ce membre de phrase par quelque chose

16 comme "toutes les méthodes dont ils pouvaient faire usage sans danger pour

17 eux", et j'aurais probablement laissé la place pour une divergence

18 d'opinion entre la direction des Serbes de Bosnie parce que tout le monde

19 n'était pas certain que 100% de la population musulmane devait partir. Je

20 suis sûr qu'il y avait les durs et ceux qui étaient moins durs dans le

21 Parti.

22 Mais il y avait un but, prédominant semble-t-il, de chasser suffisamment

23 de membres de la population musulmane de telle sorte que ceux qui

24 resteraient ne pourraient représenter aucune menace et seraient pleinement

25 soumis. De cela, je suis sûr.

Page 6048

1 Question: Oui, je vous remercie. On peut reprendre le rapport. Merci.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Je vais vous poser des questions sur la visite à Trnopolje. Vous avez

4 préparé un rapport, vous-même je crois, à la fois sur votre visite à

5 Trnopolje et à Manjaca, et je voudrais que l'on vous remette ce texte qui

6 était l'annexe 1 -oui l'annexe 1- à la déclaration.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Je crois que le premier document est une lettre de couverture adressée à

9 M. Gray au "Foreign et Commonwealth Office" de M. Melhuish. Qui était M.

10 Melhuish?

11 Réponse: Le chef de la mission de la MCCE.

12 Question: "Les conditions dans les camps de détention en Bosnie, la

13 mission de ce John Thomson de l'OSCE à Banja Luka, les 30 et 31 août, en

14 nous donnant deux moniteurs pour agir comme escorte. J'ai, par la suite,

15 parlé à l'un d'entre eux, Barnabas Mayhew, un des surveillants

16 britanniques pour enregistrer ses propres impressions.

17 J'annexe maintenant le document qu'il a rédigé pour l'usage qui vous

18 semblera bon comme cela avait été le cas précédemment pour le rapport de

19 Patrick Russell, ma lettre non datée adressée à Jeremy Greenstock envoyée

20 à la fin de juillet. Nous n'avons pas souvent la chance d'obtenir des

21 impressions de première main sur les conditions dans la Bosnie

22 septentrionale. Lorsque nous pouvons en obtenir nous pensons que le

23 département devrait savoir, et vous pourriez vouloir, vous pourriez

24 désirer donner une diffusion plus large à ce document."

25 Je passe maintenant au document lui-même que vous avez produit, vous dites

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1 que: "Entre le 30 août et le 2 septembre 1992, une équipe de la MCCE s'est

2 rendue en visite au camp de Manjaca et de Trnopolje, au centre de

3 réception ouvert dans la Bosnie du nord, deux fois. Nous escortions

4 premièrement le rapporteur de la mission OSCE et un représentant de la

5 présidence de la communauté européenne à la suite de la Conférence de

6 Londres. Les autorités serbes de Bosnie se sont montrées accueillantes et

7 ont déterminé que les deux lieux devraient être entièrement ouverts aux

8 fins d'inspection."

9 Il y a ensuite une section sur Manjaca, un paragraphe sur Manjaca, puis,

10 si nous passons à la page suivante on traite de Trnopolje. Trnopolje, au

11 sud-est de Prijedor, on devrait lire, je crois: "Le centre ou le camp est

12 décrit comme un centre de réception ouvert. Les barbelés ont été enlevés.

13 Environ 1.600 réfugiés de sexe masculin -là encore tous Musulmans-, s'y

14 trouvent pour leur propre sécurité, selon ce que disent les autorités

15 serbes de Bosnie, bien que certains fonctionnaires soutiennent que les

16 réfugiés soient libres de partir.

17 Toutefois, de petits postes de gardes militaires avec des sacs de sable se

18 trouvent à la lisière du centre et ils sont dirigés vers l'intérieur. Le

19 centre est dirigé par la Croix-Rouge locale et ne présente pas de signe de

20 discipline interne; les yeux ne sont pas baissés. Le centre est situé

21 autour de certains bâtiments scolaires, certains réfugiés dormant à

22 l'intérieur des bâtiments et les autres dormant dans des tentes

23 improvisées à l'extérieur. Là encore, aucune disposition n'avait été prise

24 pour l'hiver.

25 Je m'arrête un instant, je reviens à l'ensemble de la visite. Mais vous

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1 dites que vous vous référez à votre partie concernant Manjaca, je crois?

2 Réponse: Oui, à Manjaca, le commandant avait dit qu'aucune disposition

3 n'avait été prise pour l'hiver.

4 Mme Korner (interprétation): "La nourriture nous semble être limitée bien

5 que le comité international de la Croix rouge fournisse maintenant des

6 aliments. L'eau semble également insuffisante et la diarrhée est à nouveau

7 le problème médical le plus important selon le médecin du centre. Des

8 latrines ne semblent pas avoir été aménagées. Les excréments sont sur le

9 sol dans différentes parties du camp.

10 Lorsque nous avons posé des questions sans témoin aux réfugiés, on nous a

11 donné la même version qu'à Manjaca. Un groupe de la ville voisine de

12 Kozarac m'a dit que, le 24 mai, l'armée serbe de Bosnie avait pilonné

13 Kozarac avec des pièces d'artillerie pendant 30 heures avant d'entrer dans

14 la ville pour en expulser les hommes, les femmes et les enfants. Puis les

15 possessions, les biens et ce qui se trouvaient dans les maisons. Les

16 maisons ont ensuite été incendiées.

17 L'équipe a visité une partie de Kozarac et, là encore, a constaté que

18 toutes les maisons avaient été brûlées. Ces maisons ont pour la dernière

19 fois étaient vue par la MCCE en avril, avaient été vues par la MCCE en

20 avril intactes et non habitées. Plusieurs réfugiés à Trnopolje ont soutenu

21 qu'un certain nombre d'entre eux avaient essuyé des coups de feu et que

22 d'autres avaient disparu sans explication.

23 Là encore, il y a unanimité lorsqu'on leur demande ce qu'ils souhaitent

24 faire. Ils voudraient partir pour n'importe où ailleurs que Bozanska

25 Krajina, à savoir la Bosnie septentrionale occupée par les Serbes." (Fin

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1 de citation.)

2 Je traiterai du paragraphe suivant après vous avoir posé des questions sur

3 Trnopolje.

4 Maintenant, Monsieur Mayhew, si vous voulez bien, donnons plus de

5 consistance à ce rapport.

6 M. le Président (interprétation): Je voudrais vous rappeler que nous avons

7 seulement cinq minutes. Je pense qu'il convient, parce que c'est une

8 question assez longue, de faire la suspension maintenant. Suspension.

9 L'audience est suspendue jusqu'à 16 heures 10.

10 (Le témoin, M. James Barnabas Burke Mayhew, est reconduit hors du

11 prétoire.)

12 (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures 10.)

13 (Questions relatives à la procédure.)

14 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir. Je voudrais

15 saisir cette occasion pour vous informer immédiatement de ce qui s'est

16 passé ce matin en ce qui concerne les documents.

17 Cette Chambre d'instance a reçu un mémorandum intérieur du Juge Lindholm

18 en date du 17 juillet 2002, en ce qui concerne l'examen des documents de

19 l'affaire Stakic, -je cite-: "Veuillez être informés que le 17 juillet

20 2002, à 11 heures du matin, dans mon bureau, un examen des documents qui

21 ont été envoyés du quartier pénitentiaire, émanant donc du quartier

22 pénitentiaire des Nations Unies, a été réalisé conformément à l'ordre du

23 Greffe du Tribunal pour fournir ces documents en date du 5 juillet 2002.

24 Premièrement, les personnes présentes durant l'examen comprenaient le Juge

25 Lindholm, ainsi que Branko Lukic, Sanja Matesic -qui est l'assistante chef

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1 de la section de traduction.

2 L'enveloppe a été ouverte en présence de moi-même et du conseil de la

3 défense pour Milomir Stakic, tel qu'il avait reçu des instructions pour

4 cela.

5 Troisièmement, l'enveloppe contenait 22 documents. 20 documents

6 contenaient la signature du Dr Stakic. Tout document incluait des

7 inscriptions manuscrites supplémentaires de Milomir Stakic. Il y avait

8 également donc 20 documents qui contenaient la signature du Dr Stakic: un

9 document avec une copie couleur, et les 19 documents restants étaient des

10 originaux.

11 Quatrièmement, aussi bien moi-même que Branko Lukic avons examiné chacun

12 de ces documents.

13 Cinquièmement, aussi bien moi-même que Branko Lukic avons accepté qu'il

14 n'y avait pas de documents confidentiels dans l'enveloppe, et tous les

15 documents pouvaient être envoyés au Bureau du Procureur. Il a été décidé

16 d'inclure deux documents qui ne contenaient pas la signature du docteur

17 Stakic, c'est-à-dire son permis de conduire et sa carte d'identité pour

18 avoir une vision plus complète.

19 Sixièmement, tous les documents ont été placés dans une enveloppe adressée

20 au Bureau du Procureur à l'attention de Joanna Korner. Cette enveloppe

21 scellée a été donnée à Mme Gallagher pour est être fournie à Mme Joanna

22 Korner. Ce document a été admis comme pièce à conviction sous la cote J8,

23 et j'espère que, sans plus entendre un expert en graphologie, on peut

24 commencer les travaux."

25 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il y a une question

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1 qui émane de cela. En fait, je n'ai pas obtenu ces documents. Madame

2 Gallagher m'a laissé un message, mais, étant donné que j'étais dans une

3 autre audience, je n'ai pas pu les obtenir. Je pense que M. Koumjian est

4 allé les chercher ou que c'est Mme Karper qui l'a fait. Mais il y a une

5 question que M. Koumjian souhaitait soulever, et je pense que je vais tout

6 d'abord continuer l'interrogatoire principal du témoin avant la fin de la

7 journée d'aujourd'hui. Si M. Koumjian peut, il pourra peut-être soulever

8 ceci à ce moment-là.

9 M. le Président (interprétation): Oui, nous pouvons continuer

10 l'interrogatoire principal du témoin qui vient de revenir.

11 (Le témoin, M. James Barnabas Burke Mayhew, est introduit dans le

12 prétoire.)

13 Je vous remercie pour votre compréhension.

14 Nous pouvons continuer.

15 (Suite de l'interrogatoire principal du témoin, M. James Barnabas Burke

16 Mayhew, par Mme Korner.)

17 Mme Korner (interprétation): Monsieur Mayhew, encore une fois, je vous

18 demande de ne pas parler trop rapidement et je vais essayer de faire la

19 même chose.

20 Nous avons lu votre rapport que vous avez fourni au chef de la mission. Je

21 voudrais rappeler ce que vous avez dit au sujet des Trnopolje. Vous avez

22 décrit un camp où il y avait 1.600 réfugiés de sexe masculin environ.

23 Qu'est-ce qui vous a le plus marqué au sujet de ce camp?

24 M. Mayhew (interprétation): Un certain nombre de choses. Tout d'abord, il

25 y avait une atmosphère assez détendue à cette époque. On ne pouvait pas

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1 dire s'il s'agissait d'une situation récente ou si ça avait toujours été

2 le cas. Les barbelés avaient été enlevés récemment. Nous avons remarqué

3 cela. Et ceci -en plus également de l'impression qu'on avait-, montrait

4 que les situations de détention s'étaient, d'une certaine manière,

5 améliorées dans un passé récent.

6 Mais, en fait, c'est du bon sens que j'utilise; je n'ai rien pour

7 corroborer ces dires. L'atmosphère était détendue, les conditions

8 d'hygiène n'étaient pas bonnes. C'est une des impressions que j'ai eues.

9 Il y avait des excréments sur le sol, il n'y avait pas de mesures prises

10 pour les retirer. Il y avait des personnes qui vivaient dans des abris de

11 fortune couverts par des bâches en plastique et ce n'était pas un

12 logement, un hébergement qu'on pouvait considérer comme approprié, à moins

13 que ce soit un hébergement d'urgence.

14 Mais dans ce camp les personnes avaient peur et, d'une certaine manière,

15 n'étaient pas vraiment libres de partir. Il y avait des fusils qui étaient

16 dirigés dans leur direction, donc à l'intérieur, au niveau des différents

17 postes des contrôles. C'était en fait une atmosphère avec des sentiments

18 mélangés, si vous voulez.

19 Question: Vous avez dit que l'atmosphère était détendue. Comment vous

20 comparez ceci à la situation à Manjaca?

21 Réponse: L'atmosphère détendue est la caractéristique totalement

22 différente de ce qu'il y avait à Manjaca. Les détenus pouvaient évoluer

23 librement. Ils pouvaient également s'adonner à certaines activités

24 récréatives et ils pouvaient également vous regarder dans les yeux. Et je

25 pouvais également, dans un coin parler, à certains détenus pendant

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1 quelques minutes et avoir une impression de première main, mais je

2 n'aurais pas pu faire cela pendant longtemps. Mais c'était plus longtemps

3 que je pouvais le faire par rapport à Manjaca.

4 A Manjaca, les détenus regardaient de cette manière. On vous regardait

5 très rapidement. On n'échangeait pas vraiment de regards soutenus et

6 c'était beaucoup plus artificiel de manière de se comporter. Lorsqu'ils

7 évoluaient dans le camp, ils avaient la tête baissée. Notre impression

8 c'est que le régime était certainement très strict -c'est le moins qu'on

9 puisse dire-, et très dur pour arriver à ce type de réaction humaine.

10 Question: Vous avez dit -car nous avons vu, enfin cela avait été décrit

11 comme une réception ouverte-, vous avez dit -c'est ce que vous avez mis

12 dans votre rapport, "un centre de réception ouvert"; et vous avez décrit

13 qu'il y avait un fusil qui pointait à l'intérieur, il y avait également

14 des sacs de sable. Qu'est-ce que cela pouvait vous suggérer?

15 Réponse: Il était clair, lorsqu'on a une expérience militaire, que

16 l'objectif principal de ce poste d'observation était d'éviter que des

17 détenus quittent le camp, et de façon à être également univoque que ces

18 réfugiés devaient rester sur place. L'objectif également, c'était le

19 leitmotiv qu'ils étaient là pour leur sécurité.

20 Et en fait, on ne pouvait pas voir l'extérieur du camp à partir de

21 l'intérieur. Ces postes d'observation étaient donc vraiment pour

22 surveiller à l'intérieur du camp et pour empêcher que les détenus sortent

23 du camp.

24 Question: Je voudrais maintenant que vous regardiez certaines

25 photographies qui ont été prises durant cette visite par la mission. Je

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1 crois que vous n'en faisiez pas partie. Vous n'aviez pas d'appareil photo?

2 Réponse: Non, je pensais que ceci pouvait compromettre la teneur de mes

3 activités.

4 Mme Korner (interprétation): On va laisser de côté les photographies de

5 Manjaca et l'on va uniquement sélectionner celles qui ont été prises à

6 Trnopolje.

7 M. le Président (interprétation): Est-ce que j'ai bien compris: le

8 document que nous avons devant nous a été versé comme document...

9 Mme Korner (interprétation): Non, vous avez tout à fait raison, Monsieur

10 le Président, je n'ai pas encore fini avec ce document. Il y a encore un

11 paragraphe que je voudrais mentionner, mais je voudrais d'abord montrer

12 les photographies au témoin.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 Est-ce que vous pouvez tout d'abord regarder la photographie qui porte le

15 n°00456962? Si l'on peut la mettre sur le rétroprojecteur.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Vous vous souvenez de ce bâtiment?

18 M. Mayhew (interprétation): Oui, mais je ne peux pas être certain que ce

19 soit le bon bâtiment. Vous voyez qu'il y a un collègue qui est habillé en

20 blanc, et je pense que c'était le bâtiment qui était devant le camp de

21 Trnopolje.

22 Question: Est-ce que l'on pourrait passer à la photographie suivante, la

23 photographie qui porte la cote 63. Vous avez parlé de ces hébergements de

24 fortune. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

25 Réponse: Oui, c'est exact.

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1 Question: Est-ce que vous vous souvenez avoir vu des femmes?

2 Réponse: Je ne peux pas me souvenir s'il y avait une population mixte. Je

3 pense qu'il y avait principalement des hommes.

4 Question: Oui, est-ce qu'on peut passer à la photographie suivante qui

5 porte la cote 64? C'est apparemment un gros plan de ces tentes?

6 Réponse: Oui, ça ressemble aux hébergements que j'avais vus à l'époque.

7 Question: En ce qui concerne le n°65?

8 Réponse: Pour une précision, il y avait certains hébergements qui étaient

9 à l'intérieur du bâtiment. Il y en avait d'autres qui étaient à

10 l'extérieur, c'étaient ces tentes de fortune.

11 Question: Maintenant, l'homme qui est… Il y a ce groupe, et l'homme qui

12 est au milieu du groupe par rapport aux autres personnes, il semble être

13 un peu plus mince. Est-ce que vous pouvez vous souvenir s'il y avait des

14 personnes qui avaient ce type d'aspect, si vous voulez?

15 Réponse: Oui, je me souviens qu'il y avait des personnes qui étaient

16 relativement minces voire maigres. Je ne me souviens pas exactement de la

17 proportion. Nous n'avons pas fait une étude poussée de la population. Ce

18 n'était pas vraiment exceptionnel, mais c'était une proportion importante

19 et peut-être qu'il y avait 5 ou 10% de la population qui était comme ça.

20 Question: Est-ce que je peux vous poser une question: avant d'aller à

21 cette visite, est-ce que vous aviez vu le film qui avait été fait par

22 l'équipe de télévision d'ITN News, ou une autre équipe de télévision?

23 Réponse: Non, je ne crois pas.

24 Question: Et la photographie suivante, c'est la photographie dont les deux

25 derniers chiffres de la cote sont 66.

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1 Les installations de cuisine, est-ce que c'était un peu comme cela, sur la

2 photographie, qu'ils cuisinaient?

3 Réponse: Je ne me souviens pas qu'il y ait en fait une zone où il y a eu

4 des cuisines, mais je me souviens qu'il y avait des personnes qui

5 cuisinaient de cette manière à l'extérieur, ce qui laisserait penser qu'il

6 n'y avait pas en fait de zone de cuisine. Je me souviens en fait que le

7 comité international de la Croix-Rouge apportait également de la

8 nourriture. C'était en fait une situation où l'on voyait que la nourriture

9 était apportée de cette manière.

10 Dans les conversations que j'ai eues, les conversations officieuses que

11 j'ai eues avec les responsables du CICR, il était clair que, selon leur

12 opinion, le niveau de nourriture et les rations qui étaient fournies aussi

13 bien dans ce camp-là qu'à Manjaca étaient tout à fait insuffisantes et

14 bien en deçà de la ration alimentaire journalière nécessaire.

15 Question: Est-ce que je pourrais maintenant vous montrer la photographie

16 dont les deux derniers numéros de la cote sont 67? Est-ce que vous pouvez

17 nous dire ce que l'on voit ici?

18 Réponse: Oui, en fait, c'est un camion citerne qui est livré ici. Je me

19 souviens que l'approvisionnement en eau était assez limité, mais je ne me

20 souviens pas exactement de la quantité d'eau qui était fournie. Mais, pour

21 moi, c'était une manière tout à fait raisonnable d'approvisionner en eau

22 un camp temporaire.

23 Mme Korner (interprétation): Oui, merci, Monsieur Mayhew.

24 Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait verser cette pièce à

25 conviction séparément du jeu de pièces à conviction de Mme Sutherland?

Page 6059

1 M. le Président (interprétation): Oui, dans ce cas-là, on va lui donner la

2 cote 216, ce qui signifie que le 215 est réservé au rapport qui a été

3 fourni par le témoin. Et les photographies qui sont versées auront la cote

4 216-1 à 216-6.

5 Y a-t-il des objections de la part de la défense?

6 M. Lukic (interprétation): Non, Monsieur le Président, pas d'objection,

7 mais je ne suis pas sûr que nous ayons le même jeu de photographies.

8 Mme Korner (interprétation): Tout le monde devrait avoir le même jeu de

9 photographies, mais il y a également des photographies supplémentaires qui

10 sont de Manjaca et que je n'ai pas incluses.

11 M. Lukic (interprétation): Merci. Je vérifierai ceci avec votre

12 responsable de l'affaire.

13 M. le Président (interprétation): Merci. Dans ce cas-là, on peut admettre

14 ceci comme pièce à conviction comme S216-1 à 6.

15 Mme Korner (interprétation): Dans votre rapport, vous parlez de la région

16 de Kozarac et vous avez parlé également de convois. Avant de vous parler

17 des différents aspects de cela, je voudrais savoir si vous avez observé ce

18 convoi en direction de Trnopolje ou lorsque vous êtes revenu de Trnopolje

19 ou à Manjaca?

20 M. Mayhew (interprétation): Je ne suis pas certain, mais je me souviens

21 que ce convoi partait en direction de l'est et sur la route principale qui

22 part en direction de l'est, en direction de Banja Luka.

23 Question: Dans ce cas-là, on parlera de ceci avec la dernière partie du

24 rapport que vous avez fait. C'était intitulé "mouvement de population".

25 Vous avez parlé: "Il y avait une équipe qui avait un convoi transportant

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1 environ 300 à 400 personnes et qui venaient de Sanski Most, dans une zone

2 avec une grande concentration de population musulmane à direction de

3 Travnik, qui traversait certainement la ligne de front, soit de manière

4 unilatérale, soit en échange de prisonniers serbes, des réfugiés musulmans

5 et croates", et l'autre mot est biffé.

6 Réponse: Je crois que c'était "also" en anglais, "également".

7 Question: Oui, donc "également qui continuait en direction de la Bosnie du

8 nord et de la Croatie".

9 Et puis, il y a une autre partie?

10 Réponse: Oui, je peux l'expliquer.

11 Question: Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela, s'il vous plaît?

12 Réponse: Il y a une partie du rapport qui a été retirée, et je crois qu'il

13 fallait traiter ceci avec précaution. Nous avions un problème au niveau de

14 la MCCE, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de réaction suite à nos rapports

15 lorsque ces rapports étaient envoyés au niveau des capitales européennes.

16 Il y avait un incident où le représentant résidant de l'Union européenne

17 avait condamné le pilonnage de civils à l'extérieur de Jajceka(phon), en

18 Bosnie. J'ai été très surpris de voir cela car nous savions que la presse

19 avait fait des rapports au niveau de ces bombardements de civils et nous

20 avions vérifié très soigneusement toutes les sources, et nous n'avions

21 aucun rapport fiable qui stipulait que les civils avaient en fait été

22 bombardés.

23 Nous avions rappelé ceci dans les rapports. Il y a quand même eu une

24 condamnation publique, bien qu'il n'y ait pas eu de rapport confirmé. Ceci

25 m'a en fait énervé car ceci a réduit notre crédibilité aux yeux du

Page 6061

1 leadership des Serbes de Bosnie. Et ceci semblait… En résultat de cela,

2 j'ai en fait essayé de m'assurer que ces informations devraient être

3 utilisées de manière correcte.

4 Question: En fait, nous avons, pour préciser cela, nous avons obtenu ce

5 document au niveau de la mission de la communauté européenne.

6 Réponse: Oui, je crois qu'en fait cette précision avait été retirée du

7 rapport par le chef de la mission avant qu'elle ne soit envoyée avec sa

8 lettre de couverture. C'est donc la version qui a été envoyée au ministère

9 des Affaires étrangères, à Londres.

10 Question: Je vois. Merci.

11 Est-ce que c'est la seule fois où vous avez observé, au cours de ces deux

12 ou trois jours, lorsque vous étiez donc avec Sir John, que vous avez

13 observé un de ces convois de réfugiés?

14 Réponse: Oui, en fait, je crois que Sir John n'était pas dans le véhicule

15 lorsque j'ai vu cela.

16 Question: Vous faites référence à une équipe qui a visité une partie de

17 Kozarac? Cette Chambre d'audience sait que c'est, en fait, en direction de

18 Trnopolje lorsqu'on traverse Prijedor.

19 A quoi ressemblait cette région?

20 Réponse: Est-ce que vous pouvez me reparler du paragraphe?

21 Question: C'est dans votre rapport sur Trnopolje.

22 Réponse: Ah oui! D'accord.

23 Question: Vous faites référence à cette équipe, donc, qui a visité une

24 partie de Kozarac et qui a vu que la plupart des maisons étaient brûlées?

25 Réponse: Oui, mais je ne me souviens pas si j'y suis allé personnellement,

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1 car il y avait certainement des maisons qui étaient à proximité. Je

2 faisais un rapport et je les ai décrites de cette manière, de la même

3 manière qu'on avait vu les maisons qui étaient le long des routes et les

4 maisons que j'ai vues personnellement. Et ce qui était le plus frappant

5 pour quelqu'un d'horizon militaire comme moi, c'est qu'il n'y avait pas,

6 en fait, de marques de balle ou de signes de bombardement, mais les

7 maisons étaient brûlées.

8 J'ai demandé ce qui s'était passé. On m'a répondu qu'il y avait eu une

9 bataille, mais il n'y avait pas, en fait, de preuves qu'il y avait eu une

10 bataille ou qu'il y avait des affrontements. Je n'ai pas vu et je n'ai pas

11 poursuivi ce… je n'ai pas en fait essayé d'approfondir la question à cette

12 époque, mais il était clair qu'il n'y avait pas eu d'affrontements

13 militaires tels que je définirai moi-même, mis à part peut-être des

14 actions d'intimidation.

15 Donc c'était une preuve qu'on ne nous disait pas la vérité sur ce qui

16 s'était passé à Kozarac. Ceci impliquait qu'il y avait également une

17 situation similaire dans d'autres localités de la région.

18 Mme Korner (interprétation): C'est tout ce que je voulais vous demander au

19 sujet de ce rapport.

20 Monsieur le Président, est-ce que l'on peut verser ceci comme pièce à

21 conviction?

22 M. le Président (interprétation): Il s'agira de la pièce 215. Y a-t-il des

23 objections?

24 M. Lukic (interprétation): Non, c'est évidemment le document qui a été

25 rédigé par le témoin, donc nous n'avons pas d'objection, Monsieur le

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1 Président.

2 M. le Président (interprétation): Nous pouvons donc verser ceci comme

3 pièce à conviction. Ce sera la pièce à conviction S215A et B.

4 Mme Korner (interprétation): En ce qui concerne le rapport de la mission

5 de Sir John, je voudrais maintenant vous poser la question. Je voudrais

6 savoir si vous vous êtes rendu avec Sir John dans une enclave

7 d'habitations musulmanes?

8 M. Mayhew (interprétation): Oui.

9 Question: Est-ce que vous savez où c'était?

10 Réponse: C'était dans une des banlieues ou dans des faubourgs ou dans un

11 village à proximité de Prijedor, mais je crois que c'était certainement

12 des faubourgs de Prijedor.

13 Question: Est-ce que vous avez parlé aux résidents là-bas?

14 Réponse: Oui, de manière très détendue, pendant un certain temps, pendant

15 un peu plus d'une heure.

16 Question: Est-ce que vous avez remarqué quelque chose de spécifique au

17 niveau des maisons?

18 Réponse: Oui. Il y avait des drapeaux blancs qui étaient brandis à

19 l'extérieur de la plupart des maisons, si ce n'est toutes les maisons.

20 Question: J'aurais dû vous poser cette question: en ce qui concerne les

21 maisons brûlées que vous avez remarquées sur le chemin, est-ce qu'il y

22 avait également des maisons qui n'étaient pas détruites?

23 Réponse: Oui. De manière générale, lorsqu'il y avait beaucoup de maisons

24 qui avaient été brûlées, il y avait également des maisons individuelles

25 qui avaient encore leur toit, qui étaient encore intactes, si vous voulez.

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1 Et je crois que, de toutes ces maisons, il y avait peut-être certaines

2 exceptions. Mais la plupart de ces maisons qui étaient intactes avaient la

3 marque serbe, c'est-à-dire la croix avec les quatre "C", et celles-ci

4 appartenaient à des Serbes et elles n'avaient pas été incendiées.

5 Question: D'accord. Je voudrais maintenant que vous regardiez le rapport

6 complet qui a été préparé suite à la visite de Sir John.

7 Je crois que tout le monde a une copie de ce rapport.

8 Je crois que sa référence est 65ter ou 354.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Monsieur Mayhew, pour que ceci soit clair, vous n'avez pas eu d'influence

11 dans la rédaction de ce rapport?

12 Réponse: Non.

13 Question: Mais est-ce que vous avez lu ce rapport au moment de sa

14 publication ou aux environs de la publication?

15 Réponse: Je ne m'en souviens pas, mais c'est fort probable que j'aie lu ce

16 rapport immédiatement après sa publication, car nous aurions certainement

17 reçu une copie et j'étais directement impliqué.

18 Question: Après avoir lu ce rapport, je crois que vous avez pu faire

19 quelques observations suite à votre participation à cette mission; est-ce

20 exact?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Ce rapport est intitulé…

23 Monsieur le Président, comme c'est un rapport assez long, je vais, en

24 fait, lire totalement certains passages, mais je vais en résumer d'autres.

25 Il est intitulé: "Rapport de la mission de la CSCE pour l'inspection des

Page 6065

1 zones ou des emplacements de détention en Bosnie-Herzégovine, mission du

2 29 août au 4 septembre 1992".

3 La première page, après la page de garde, est une synthèse

4 des recommandations. La première étant la suivante, à

5 savoir que "la CSCE devrait se prononcer contre la

6 politique de nettoyage ethnique et ainsi, qu'elle devra

7 fournir une base pour une résolution future des différends.

8 Deuxièmement, assister aux rendus de comptes de toutes les

9 autorités, les parties et les individus qui participent au

10 conflit.

11 Troisième recommandation: de déclarer l'expropriation

12 forcée de propriétés nulles et non avenues.

13 Quatrièmement: d'insister que tous les autres prisonniers

14 soient libérés immédiatement de manière contrôlée et sûre.

15 Cinquièmement: de recommander l'évacuation immédiate de

16 Trnopolje "centre ouvert"."

17 Et puis, je vais laisser de côté les autres recommandations

18 car il s'agissait de recommandations politiques, je pense.

19 "La neuvième recommandation, c'est-à-dire encourager le

20 comité international de la Croix-Rouge d'engager de manière

21 urgente des ressources de façon à participer au processus

22 d'identification et de contrôle des détenus."

23 Nous passons maintenant à l'introduction.

24 La première partie explique le mandat de cette mission et,

25 dans le deuxième paragraphe, vous avez la mission

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1 humanitaire qui était dirigée par Sir John Thomson du

2 Royaume-Uni, assisté par l'ambassadeur Kenneth Blackwell

3 des Etats-Unis et par un groupe de haut niveau d'experts

4 politiques, médicaux, juridiques internationaux. Une liste

5 complète des membres de cette mission est dans l'annexe G.

6 Elle stipule que: "Le rôle principal de la mission était de

7 faire une enquête sur la situation des Droits de l'homme en

8 Bosnie-Herzégovine, par le biais d'observations directes

9 des camps de détention et des centres de détention dans

10 tout le pays dans la mesure où ceci était possible, durant

11 la mission d'une durée d'une semaine.

12 L'équipe a visité des endroits de détention où des milliers

13 de personnes sont détenues, souvent dans des conditions

14 très dures et quelquefois dans des conditions de terreur.

15 La mission avait également pour objectif d'offrir des

16 propositions concrètes et de prendre les mesures

17 appropriées durant le déroulement de cette mission, qui

18 iraient dans le sens des objectifs humanitaires du comité

19 international de la Croix-Rouge, le CICR et également du

20 Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Réfugiés, le HCR,

21 ainsi que les autres instances internationales et locales".

22 L'on parle également que: "Sir John Thomson a participé à

23 la Conférence de Londres et que, durant le cours de cette

24 conférence, il a parlé à différents dirigeants des

25 différentes parties de Bosnie-Herzégovine et que la mission

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1 a pu s'assurer d'un certain soutien local. Cependant, il

2 était apparent que le soutien supposé était plutôt

3 politique que pour des raisons de considérations

4 humanitaires".

5 En ce qui concerne la méthode de travail, est-il exact de

6 dire, Monsieur Mayhew, que la mission était divisée en

7 deux?

8 Réponse: Oui, il y avait une équipe qui s'est rendue dans

9 le sud de la région, c'est-à-dire dans les zones qui

10 étaient détenues par les Croates et par les Musulmans et

11 une autre équipe qui a couvert le nord de la Bosnie.

12 Question: Ensuite, on voit l'itinéraire et les

13 remerciements. Donc, on remercie aussi votre organisation

14 MCCE et on voit aussi, ensuite, le plan du rapport.

15 Ensuite, la partie suivante parle du contexte; je pense

16 qu'il serait utile de lire au moins une partie de ce qui

17 est écrit ici.

18 "Cette histoire tragique portant sur la dissolution de

19 l'Etat yougoslave, l'éclat de la guerre et de la force est

20 bien connue à la communauté internationale; il n'est pas

21 besoin de le répéter dans le présent rapport. Cependant, il

22 serait erroné de ne pas dire, de ne pas noter que les

23 observateurs internationaux chevronnés qui étaient les

24 témoins du conflit étaient choqués par le niveau

25 d'amertume. Nous avons entendu dire que les hommes qui,

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1 pendant des années, ont vécu et cohabité en tant que

2 voisins, ont vécu ensemble ont commencé à s'accuser

3 mutuellement.

4 Il y a beaucoup de preuves anecdotiques sur les

5 dissolutions de mariages mixtes, et les divorces dans de

6 tels cas sont devenus la règle. Les barbarismes qui se sont

7 produits en masse, surtout à cause du nombre restreint des

8 habitants de Bosnie-Herzégovine, environ 4.400.000

9 personnes, ont souvent été commis par les gens qui

10 connaissaient leur victime.

11 Il ne s'agissait pas d'une guerre particulière, il s'agit

12 d'une guerre civile entre différentes communautés pour

13 aboutir à une expansion territoriale pour faire valoir une

14 ethnie.

15 La première victime étaient les rapports, les bons rapports de voisinage.

16 Et ensuite, la deuxième victime, c'était la vérité." (Fin de citation.)

17 Monsieur Mayhew, cette conclusion générale, est-ce qu'elle correspond à ce

18 que vous avez vu de la situation?

19 Réponse: Oui, je pense que c'est très bien dit.

20 Question: Ensuite, dans la suite, on parle de la façon dont il faut

21 traiter les problèmes et ensuite on parle de suites, enfin de conséquences

22 de ce qui s'est passé. Le nationalisme qui existe dans l'ex-Yougoslavie et

23 qui provoque des destructions sur une échelle énorme. Des milliers de

24 foyers ont été détruits et on évalue que 1.900.000 personnes ont été soit

25 chassées ou bien sont devenues des réfugiés.

Page 6069

1 Ensuite, on parle de l'économie et il y a un bref rappel historique des

2 Balkans.

3 Ensuite, la première partie, cinquième page: ici à nouveau, on dit quels

4 sont les buts de la mission et on dit aussi quelles sont les contraintes

5 de la mission. Il n'est pas… "Il n'y a pas de doute qu'il y a eu des

6 infractions graves de droit humanitaire et à large échelle. Il y a eu

7 beaucoup de preuves aussi dans les médias que par des témoignages de

8 centaines de témoins qui témoignent de cette tragédie terrible,

9 insoutenable pour les personnes qui l'ont vécue.

10 La République de Bosnie-Herzégovine s'est trouvée dans le tumulte

11 yougoslave de cette folie et maintenant se trouve déchirée. Les passions

12 qui ont déchiré cette République qui, à l'époque était paisible, ont

13 produit, ont mené à une situation dans laquelle la vérité se trouve

14 détruite."(Fin de citation.)

15 Cette deuxième partie, Monsieur Mayhew, est-ce que ceci correspond à

16 l'expérience que vous avez eu des événements qui se sont produits en ex-

17 Yougoslavie?

18 Réponse: Oui, à nouveau, je dois dire que tout ceci a été très bien écrit

19 et moi-même, j'aurais écrit quelque chose de semblable.

20 Question: Et ensuite, comme je l'ai dit, dans le prochain paragraphe, on

21 parle de limite des enquêtes menées. Ensuite, à la fin, avant de passer au

22 paragraphe, on parle de la détention et du renseignement, on dit dans ce

23 rapport…

24 Ce qui a été dit exclut toute affirmation que ce rapport pourrait avoir le

25 dernier mot concernant la situation en Bosnie-Herzégovine. Il s'agit, en

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1 effet, du premier rapport en la matière.

2 Ensuite on parle de la détention, du renseignement, des efforts fournis

3 par M. Mazowiecki qui était membre du comité international de la Croix-

4 Rouge et de l'UNHCR.

5 Et ensuite, à la page 6, on parle du nombre de centres de détention qui

6 ont été visités par la Croix-Rouge internationale et on parle des

7 difficultés concernant les renseignements par rapport à ces centres de

8 détention.

9 Ensuite, il est dit que les rapports dont nous disposions disent

10 clairement que les forces serbes en Bosnie-Herzégovine détiennent un grand

11 nombre de détenus. Nous ne pouvons pas fournir le nombre exact des détenus

12 et des personnes détenues des deux côtés.

13 Ensuite, on parle de ces prisonniers "privés" ou des villages entiers ont

14 été transformés en centre de détention.

15 Ensuite, on parle de différents endroits, de différents sites qu'ils ont

16 visités, en effet; et nous passons à la page 7.

17 "M. Karadzic, le dirigeant des Serbes de Bosnie a expliqué aux membres de

18 la mission qu'à Pale, le centre de son gouvernement, il n'y a pas de

19 centre de détention ou de camp.

20 A peu près en même temps, ces hommes ont informé la Croix-Rouge

21 internationale qu'il y a à peu près une cinquantaine de prisonniers à

22 Pale. Donc ici, il s'agit d'une erreur. C'est le moins que l'on puisse

23 dire; et d'après nous, il est assez souvent arrivé que l'on nie

24 l'existence de centres de détention. Les gouvernements locaux essayent de

25 nous tromper et essaient de nous annoncer leur propre vérité. Et la

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1 communauté internationale devrait insister en vertu des Conventions de

2 Genève pour vraiment dire quelle est la situation.

3 Ensuite, en ce qui concerne le manque de respect de la population civile,

4 la mission a établi que toutes les catégories d'individus, les hommes, les

5 femmes, les jeunes et les personnes âgées, se trouvent détenus dans

6 différents endroits partout en Bosnie-Herzégovine. Nous avons rencontré

7 des détenus qui avaient 17 ans ou même qui étaient plus jeunes que cela,

8 et nous en avons rencontré qui avaient plus de 83 ans.

9 Ce qui est le plus important c'est de dire que tous ces détenus étaient

10 détenus contre leur volonté ou bien qu'ils se trouvaient détenus à cause

11 des conditions qui prévalaient dans leur lieu d'origine."

12 D'après ce que vous avez pu voir, Monsieur Mayhew, ici, il est dit: "Les

13 personnes qui avaient moins de 17 ans ou bien les personnes qui avaient

14 plus de 83 ans", est-ce que vous, vous avez été en mesure de voir qu'il y

15 avait des détenus qui avaient à peu près cet âge-là?

16 Réponse: Je n'ai pas demandé aux gens quel était leur âge, mais j'estime

17 qu'il est fort probable qu'il y ait eu des personnes âgées et sans doute

18 qu'il y a eu des personnes qui étaient aussi âgées que cela, et aussi il

19 est fort possible qu'il y ait eu des hommes qui avaient 17 ans ou moins

20 que 17 ans, à condition qu'ils aient l'air d'être aptes à porter les

21 armes, eh bien il est fort possible qu'ils aient été détenus aussi. Car le

22 but n'était pas de fournir les limites d'âge pour les détenus, ce qu'il

23 fallait c'était réduire l'éventuel danger qui aurait pu provenir de ces

24 personnes. Les critères c'était donc de voir si les personnes étaient

25 aptes ou non à porter les armes.

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1 Question: Pourquoi vous avez eu cette impression? Pourquoi vous avez eu

2 cette impression-là, à savoir qu'ils ont voulu détenir, enfermer toutes

3 les personnes aptes à porter les armes?

4 Réponse: Eh bien, quand j'ai observé la situation à Trnopolje et à

5 Manjaca, la plupart des personnes étaient aptes à porter les armes.

6 Mme Korner (interprétation): Et maintenant, on parle des prisonniers de

7 guerre, on dit que: "Ces prisonniers avaient participé aux hostilités et

8 qu'ils pouvaient être détenus de façon légale, mais les membres de la

9 mission n'en ont vu que très peu. L'impression que nous avons eue c'est

10 que ces combats menaient souvent à la mort."

11 Maintenant la deuxième partie, eh bien nous la laissons à côté. Est-ce que

12 vous avez eu l'impression qu'ils ont participé au combat?

13 M. Mayhew (interprétation): Oui, oui, c'est l'impression que nous avons

14 eue. Evidemment, ils portaient tous des vêtements civils, mais c'est tout

15 de même l'impression que nous avons eue parce qu'ils connaissaient très

16 bien la situation sur le terrain. Nous avons entendu leurs histoires, nous

17 les avons entendu parler, et il était évident qu'ils disaient la vérité et

18 ils ne savaient même pas pourquoi ils étaient détenus. Et ils ont dit que

19 toutes les personnes qui se trouvaient là-bas étaient des personnes

20 civiles. Avec le temps, nous avons appris à faire la différence entre les

21 personnes qui mentent et les personnes qui disent la vérité.

22 Il y a eu beaucoup de mensonges dans ce que nous avons entendu, surtout

23 lors de réunions que nous avons eues avec les dirigeants, donc les

24 réunions que nous avons eues avec les dirigeants. Je dois dire qu'un des

25 buts de notre mission consistait à faire la différence entre la vérité et

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1 les mensonges. Je ne dis pas que j'étais toujours en mesure de savoir à

2 quel moment ils ne disaient pas la vérité, mais après avoir passé

3 plusieurs mois sur le terrain, et suite à mon expérience militaire

4 précédente, je pense que j'étais en mesure, plus ou moins, de dire s'il

5 s'agissait de la vérité ou non.

6 M. le Président (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre, mais

7 ici, dans le compte rendu d'audience, il est dit que les paragraphes dont

8 vous venez de donner lecture "les prisonniers de guerre", qui vient d'être

9 cité, qui s'appelle donc "les prisonniers de guerre", il faudrait ajouter

10 que les prisonniers, en vertu de la 3e Convention de Genève de 1949,

11 devraient être détenus de façon légale.

12 Mme Korner (interprétation): Oui, effectivement, j'ai oublié de le dire.

13 Merci, Monsieur le Président.

14 Puisque nous parlons de cela, Monsieur Mayhew, pour que les Juges de la

15 Chambre comprennent bien la situation sur le terrain et les événements,

16 fort de votre expérience en Bosnie-Herzégovine, êtes-vous allé travailler

17 au Rwanda?

18 M. Mayhew (interprétation): Oui.

19 Question: Je pense que vous êtes parti au Congo?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Donc au jour d'aujourd'hui, vous pouvez dire que vous êtes fort

22 d'un certain nombre d'expériences?

23 Réponse: Oui, juste après le génocide, je me suis rendu au Rwanda, et

24 ensuite, je suis allé au Congo après qu'il y ait eu deux guerres au Congo,

25 et j'y suis allé en tant que représentant des Nations Unies et d'une

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1 organisation non gouvernementale.

2 Question: Très bien. Maintenant nous allons examiner cette deuxième

3 catégorie, la catégorie 2B: "Les personnes qui soi-disant cachaient les

4 armes dans leur foyer ou bien avaient des informations d'une importance

5 militaire potentielle. Leur statut de civils, à la différence du statut de

6 combattant, était censé les protéger des détentions militaires, même s'ils

7 auraient pu être poursuivis en justice. Sans doute qu'il existe un grand

8 nombre de tels détenus."

9 Ensuite, la catégorie C: "Les gens qui ont été emprisonnés car ils

10 travaillaient ou bien habitaient dans les zones de guerre. Ces personnes

11 n'ont pas participé au combat, mais on les considère comme étant des

12 ennemis à cause de leur appartenance ethnique. Leur statut de civil, à la

13 différence du statut de combattant, aurait dû les protéger de la

14 détention. Il est fort probable qu'il y ait un grand nombre de tels

15 détenus, et ce sont ceux qui sont les plus nombreux. Notre expérience nous

16 montre qu'il y a très peu de pourcentage de prisonniers de guerre, les

17 autres n'auraient jamais dû être détenus.

18 Nous n'avons pas été impressionnés par les affirmations indiquant qu'ils

19 ont été enfermés pour leur propre sécurité ou bien, tout simplement parce

20 qu'ils habitaient dans une zone touchée par la guerre. Il est impossible

21 de ne pas arriver à la conclusion que le plus grand nombre de prisonniers

22 était des gens innocents, pris en otage pour promouvoir le nettoyage

23 ethnique. Il ne s'agit que des pions dans le jeu pourri mené par les

24 politiques nationalistes. Il faudrait immédiatement libérer ces gens

25 innocents." (Fin de citation.)

Page 6075

1 Monsieur Mayhew, le paragraphe C, donc la troisième catégorie des gens,

2 est-ce que tout d'abord vous pouvez nous dire si, d'après ce que vous avez

3 vu, il s'agit de la catégorie la plus représentée?

4 Réponse: Oui, oui, en effet. Je pense que j'en ai parlé dans le rapport

5 portant sur le camp de Manjaca où je dis que souvent on définit un

6 prisonnier de guerre comme la personne ayant été arrêtée dans une zone

7 touchée par la guerre. C'est tout simplement la définition adoptée, la

8 définition que nous avons reçue quand nous avons posé la question aux

9 autorités du camp et nous avons été effectivement très surpris par la

10 définition qu'ils nous ont fournie, alors qu'ils n'ont même pas essayé de

11 nous donner une autre raison.

12 Question: Et donc la conclusion, c'est-à-dire quand on dit que la plupart

13 des prisonniers étaient des personnes innocentes détenues en temps que

14 prises en otage pour promouvoir le nettoyage ethnique, est-ce que vous

15 êtes d'accord avec cette affirmation?

16 Réponse: Oui. Je pense qu'un petit nombre d'entre eux était prêt à prendre

17 les armes pour se défendre ou bien à participer à une attaque éventuelle.

18 Après tout, ils éprouvaient un sentiment de loyauté par rapport à leur

19 communauté, mais moi j'ai eu l'impression que le plus grand nombre d'entre

20 eux de toute façon n'avait même pas la possibilité de le faire et que

21 c'est pour cela que leur détention n'était pas légale.

22 Question: Ensuite, le paragraphe suivant, je pense que vous n'avez pas vu,

23 par exemple, des cas où tout un village aurait été transformé en camp.

24 Réponse: Non, non. En effet, je n'ai pas vu cela.

25 Question: Ensuite, le paragraphe suivant, il est écrit: "Souvent et de

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1 façon volontaire, on a détruit des villages, des populations locales quel

2 que soit le groupe ethnique, eh bien, ces actions n'ont jamais pu être

3 excusées en disant qu'il s'agissait de but militaire comme cela a été dit

4 aux membres d'une mission.

5 Ces incendies sélectifs, en fonction de critères ethniques des maisons,

6 correspondent forcément aux graves infractions au Droit humanitaire

7 international, et les dirigeants militaires ou politiques qui auraient pu

8 empêcher de telles actions devraient répondre en leur nom en justice."

9 Ensuite, on parle du dilemme portant sur l'évaluation ou la catégorisation

10 des détenus et des groupes des belligérants. Peut-être que je devrais lire

11 la deuxième partie du paragraphe en question.

12 "Il existe différents groupes portant des uniformes ou pas mais armés, qui

13 participent au conflit. Il y en a qui sont des chefs de guerre locaux,

14 d'autres représentent des forces de défense ou protection civile, et la

15 troisième partie correspond aux bras armés d'un parti extrémiste. A part

16 cela, il y a eu des individus qui ont été "mobilisés" directement de leurs

17 foyers et qui combattent vêtus de vêtements civils. Toutes les autorités

18 nous ont dit que les prisonniers qu'ils ont placés en détention sont des

19 prisonniers de guerre légitimes."

20 Nous allons revenir là-dessus un instant, Monsieur le Témoin. Donc ceci

21 correspondait à leur définition des prisonniers de guerre, n'est-ce pas?

22 Les autorités civiles (inaudible) qui avaient le droit de détenir des

23 individus qui ont été arrêtés dans les endroits touchés par les conflits.

24 Monsieur le Témoin, est-ce que ceci correspond à ce que vous venez de

25 dire?

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1 Réponse: Oui, oui. Si par exemple les impressions que nous avons eues à

2 Kozarac étaient exactes, eh bien, de toute façon ces critères n'auraient

3 pas pu être appliqués puisqu'il n'y a pas eu de conflit à Kozarac, il n'y

4 a pas eu de combat à Kozarac.

5 Question: Et ensuite, on parle des experts juridiques internationaux. Il

6 est écrit: "Par la suite, au cours des entretiens que nous avons eus avec

7 des centaines de détenus dans les centres de détention serbes, musulmans

8 et croates, nous avons découvert un grand… extraordinaire d'individus pour

9 lesquels nous croyons qu'ils ne sont que des civils qui n'ont aucun lien

10 ou très peu de liens avec les conflits.

11 Nous sommes très préoccupés à cause des affirmations venant des parties

12 belligérantes, indiquant que de nombreuses personnes sont détenues dans

13 des conditions aussi difficiles pour leur "propre protection".

14 Les autorités serbes de Prijedor, par exemple, affirment protéger les

15 Musulmans des "extrémistes musulmans" qui mènent une guérilla depuis le

16 site sur la Kozara où, auparavant, il y avait des partisans.

17 Nous demandons qu'on produise des efforts nécessaires pour identifier ces

18 civils innocents qui se trouvent placés en détention, et pour que des

19 mesures soient prises pour les libérer immédiatement et pour les protéger

20 de façon adéquate après leur libération." (Fin de citation.)

21 Et ensuite, eh bien, on parle de l'approche de l'hiver, et vous avez parlé

22 de cela.

23 Ensuite, on parle de la responsabilité des supérieurs, des supérieurs

24 hiérarchiques: "En dépit de l'existence des "chefs des guerres", un grand

25 nombre de preuves indiquent que les chefs actuels sont responsables. Les

Page 6078

1 membres de la mission croient que les dirigeants en général possèdent un

2 degré de contrôle efficace sur leurs structures militaires et civiles.

3 Contrairement à ce que d'habitude on appelle des "éléments non contrôlés",

4 eh bien, ces éléments sont tout à fait marginaux. Ils existent, mais

5 certains dirigeants ont donné trop d'importance à ces éléments, car ils

6 les utilisent comme prétexte à différentes actions barbares.

7 La mission a vu les camps, les camps qui sont bien organisés avec les

8 personnels militaires ou bien les policiers qui font ce qu'on demande de

9 faire". (Fin de citation.)

10 Monsieur Mayhew, ce paragraphe, de quelle façon correspond-il à votre

11 aperçu de la situation sur le terrain?

12 Réponse: Il correspond très bien à ce que j'ai pu voir sur le terrain. Au

13 nord de la Bosnie, les dirigeants n'ont presque jamais dit qu'il y avait

14 des territoires qui n'étaient pas sous leur contrôle. Et c'est

15 parfaitement compréhensible, puisqu'un des buts politiques qu'ils avaient

16 à l'époque était de nous convaincre, nous, ainsi que la communauté

17 internationale, qu'ils s'approchaient de la nation ou d'une nation

18 souveraine. Et donc ils voulaient nous faire croire qu'ils disposaient

19 d'un certain degré d'autorité et de contrôle. Et nous, nous n'avons jamais

20 eu de preuve qu'un chef de guerre local opère dans la Bosnie du nord et

21 qu'il a un contrôle autonome.

22 Cependant, dans la Bosnie du sud-ouest, il y a eu de tels cas, mais pas en

23 Bosnie du nord.

24 Question: Dans cette phrase où l'on parle de ces camps bien organisés,

25 est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Est-ce que vous considérez que

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1 ces camps étaient bien organisés?

2 Réponse: Oui, oui, oui. Il était bien clair qu'il existait une chaîne de

3 commandement bien organisée, bien définie, surtout à Manjaca, mais aussi à

4 Trnopolje. Il était bien clair que les hommes en uniforme contrôlaient la

5 situation sur le terrain, dans les camps.

6 Question: Maintenant, dans le reste du paragraphe, je ne vais pas vous

7 donner lecture de tout cela, mais l'on parle d'un certain nombre d'accords

8 qui ont été signés. Ensuite, on continue la page suivante, avec la lecture

9 de la page suivante où il est dit: "Cependant, la mission est tout à fait

10 consciente du fait qu'il y a eu des nombreuses entraves aux Conventions de

11 Genève de tous les côtés et ceci de façon systématique, et que ceci se

12 poursuit. Les parties belligérantes violent les Conventions de Genève, et

13 ces violations qui ont été commises par tous les côtés se transforment par

14 des détentions assez longues, plus longues que trois mois dans la plupart

15 des cas, des détentions des civils qu'on ne peut pas traiter de

16 prisonniers de guerre.

17 Il apparaît que le plus grand nombre de cas est arrivé du côté serbe, donc

18 il faudrait que la communauté internationale fasse pression sur tous les

19 partis. La mission est très préoccupée par le manque en ce qui concerne

20 les prisonniers.

21 Les dirigeants et les gens que nous avons rencontrés fonctionnent comme…

22 Ils fonctionnaient dans l'ancien système communiste et qui était toujours

23 douteux et qui manquait de transparence.

24 Justement ce manque de transparence provoque l'amertume et mène à une

25 situation où on croit à toutes les histoires et à tous les massacres. Il

Page 6080

1 est évident que celle-ci fait de l'effet même à l'intérieur du camp mais

2 aussi à l'extérieur. C'est pour cela qu'il est difficile de vérifier quoi

3 que ce soit à part cette peur qui se voit dans les yeux des prisonniers".

4 Monsieur Mayhew, donc dans ce rapport, effectivement on voit le reflet

5 dans ce que vous nous avez dit concernant votre expérience, aussi bien à

6 Banja Luka, dans la région de Banja Luka au mois d'avril?

7 Réponse: Oui, oui, c'est très, c'est assez bien écrit.

8 Mme Korner (interprétation): Ensuite on parle des opérations ethniques. On

9 dit qu'à cause de ces opérations de nettoyage ethnique qui se poursuivent

10 avec l'accord tacite des autorités ou bien avec leur support direct, les

11 gens dans leur foyer se trouvent complètement sans aide. Les meurtres, les

12 viols, les pillages, les attaques et les passages à tabac continuent à se

13 produire. Les victimes et les autres habitants de ces sites, souvent,

14 connaissent personnellement les auteurs de ces crimes. Il y en a eu

15 quelques-uns qui soit disant auraient été traduits en justice.

16 Monsieur Mayhew, quelle est la source de cette information, l'information

17 qui figure dans le rapport?

18 (L'interprète présente ses excuses. L'un des micros ne marchait pas.)

19 M. le Président (interprétation): Le micro marche maintenant. Je crois que

20 nous pouvons poursuivre.

21 M. Mayhew (interprétation): Je voudrais ajouter quelque chose à ma réponse

22 précédente. Je crois que le comité international de la Croix-Rouge est

23 également une source importante de renseignements par rapport à la

24 question que vous veniez juste de poser, Madame Korner.

25 Mme Korner (interprétation): A moins qu'on ne m'arrête pour me dire que la

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1 traduction ne marche pas, je voudrais relire la partie que je lisais: "Les

2 autorités locales qui prétendaient être sans aucun pouvoir pour empêcher

3 de tels abus et qui soutenait qu'elle n'avait pas connaissance des faits

4 ne devrait pas être autorisée à continuer à prétendre cela."

5 Là encore, Monsieur Mayhew, comment est-ce que vous voyez cette

6 déclaration?

7 M. Mayhew (interprétation): Il est tout à fait possible qu'il y ait eu des

8 incidents isolés que véritablement… sur lesquels véritablement les

9 autorités locales ne pouvaient rien faire ou très peu. Mais d'une façon

10 générale, la situation… de contrôle effectif dans ces secteurs par les

11 autorités gouvernementales.

12 Et je suis d'accord avec cette phrase pour cette raison-là.

13 Question: Le reste du paragraphe qui traite des dangers qui visaient à

14 fermer les camps et à faire partir les personnes qui s'y trouvaient, il

15 faut donc prendre acte de leur propre point de vue sur Trnopolje.

16 "Nous voudrions appeler l'attention du Président sur le prétendu centre

17 ouvert de Trnopolje dans la région conquise par les Serbes proches de

18 Prijedor. Ce lieu n'a plus de barbelés autour et les fonctionnaires serbes

19 ont insisté sur le fait que les personnes se trouvant dans le camp étaient

20 libres d'aller et de venir comme ils leur plaisaient.

21 Les interviews que nous avons eues avec les personnes dans les locaux nous

22 ont donné une perspective extrêmement différente. La plupart des 2.000

23 personnes ou quelque 2.000 étaient des Musulmans qui avaient été expulsés

24 de leur domicile dans la région par les forces serbes. Leurs maisons

25 avaient été brûlées, bombardées ou occupées par des familles serbes qui

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1 immigraient ne leur laissant aucun endroit où ils pourraient se rendre

2 s'ils souhaitaient le faire. Un grand nombre de détenus qui ont quitté le

3 camp n'est jamais revenu. Et lorsque la nuit tombe, le niveau de sécurité

4 personnelle chute de façon catastrophique.

5 Nous avons discuté de cette situation avec les autorités qui exerçaient le

6 contrôle politique. Et, à la suite de cela, un plan d'action a été conçu

7 qui est exposé dans la deuxième partie du présent document".

8 Alors deux questions, Monsieur Mayhew: la référence qui est faite aux

9 détenus qui avaient quitté le camp et qui ne revenaient pas, est-ce que

10 c'est quelque chose dont vous avez entendu parler ou ce sont d'autres

11 membres de la mission qui en ont entendu parler?

12 Réponse: Ce sont d'autres membres de la mission.

13 Question: Qu'en est-il de cette question du niveau de sécurité personnelle

14 qui chuterait de façon spectaculaire?

15 Réponse: Je n'ai pas entendu de détail particulier sur cette question,

16 mais ceci est conforme à l'impression générale qu'ils avaient peur, qu'ils

17 ne se sentaient pas en sécurité à ce moment-là dans le camp, et aussi du

18 fait que l'expérience quotidienne était évidemment une impression

19 d'insécurité et de crainte. En quelque sorte ce type de crainte correspond

20 bien à la crainte d'être tué ou passé à tabac lorsque personne ne regarde.

21 Mais personne ne m'a dit –il se peut que je me rappelle-, sauf dans le cas

22 où j'ai pu le consigner dans ce rapport, que des personnes avaient été

23 tuées par balle. Je pense que j'ai peut-être dit dans un rapport sur

24 Trnopolje, j'ai peut-être dit cela pour être précis.

25 Question: Et ensuite, êtes-vous parti à des entretiens avec les autorités

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1 politiques après cette visite?

2 Réponse: J'ai participé aux réunions de cette mission, et je ne me

3 rappelle pas s'il y a eu une réunion avec les autorités après la visite à

4 l'extérieur, enfin la visite au camp de Trnopolje. Mais si cela a été le

5 cas, j'aurais été présent. Peut-être qu'on se réfère ici, non à

6 l'évidence, on ne se réfère pas aux autorités du camp présentes sur le

7 terrain, à moins qu'elles n'aient été accompagnées par les autorités

8 politiques au camp pendant la visite, auquel cas il s'agirait de la

9 discussion à laquelle il se réfère.

10 Question: Ensuite, il y a le paragraphe suivant: "Traitement des

11 prisonniers par les autorités. A très peu d'exception près, les autorités

12 du camp ont peu de sympathie pour les détenus. Nous avons été témoins du

13 résultat des passages à tabac, de blessures, de fractures et d'autres

14 blessures dans des camps contrôlés par les Serbes, les Musulmans et les

15 autorités croates. Et nous avons des raisons de croire que des prisonniers

16 innocents de tous les partis ont été exécutés.

17 Les prisonniers interviewés sont réticents dans la plupart des cas à

18 donner des détails précis concernant les atrocités, mais de nombreux

19 prisonniers ont répondu par des allusions. Nous avons compris que

20 certaines autorités du camp avaient traité les détenus de façon

21 relativement juste, compte tenu des circonstances actuelles, tandis que

22 d'autres s'étaient clairement rendues coupables d'abus ou tout au moins

23 avaient toléré que des détenus fussent maltraités".

24 Alors avez-vous vu des signes, vous-même, à Trnopolje de passages à tabac

25 ou d'autres blessures?

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1 Réponse: Non, je ne crois pas.

2 Question: Avez-vous vu quoi que ce soit de ce genre à Manjaca?

3 Réponse: Là encore, je ne pense pas, bien qu'il y ait eu des personnes au

4 centre médical qui avaient un certain nombre de problèmes de santé, y

5 compris des blessures.

6 Question: Alors, on continue en parlant des conditions générales dans les

7 centres, et on parle du type d'installation qui existait, on parle du fait

8 qu'il y avait trop de gens, on parle de l'eau, de la nourriture et des

9 sanitaires et de l'hygiène, et puis de la santé des prisonniers.

10 "Bien que de nombreux civils en Bosnie-Herzégovine seraient à court

11 d'aliment, il n'y a aucun doute que la majorité des prisonniers souffrent

12 de privations graves. A Manjaca, la plupart des prisonniers, il y a une

13 concentration qui était à ce moment-là sur Manjaca."

14 Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que, d'après ce que vous avez

15 dit, ceci était le pire que vous ayez vu?

16 Réponse: Manjaca était le pire de tout ce que j'ai vu.

17 Question: En ce qui concerne la malnutrition?

18 Réponse: Oui, en ce qui concerne la malnutrition. Et nous étions toujours

19 conscients du fait que c'était un camp qu'on voulait bien nous montrer,

20 qui, à ce stade, avait été préparé pour être montré au monde extérieur,

21 après que notification ou avis ait été donné.

22 De sorte que ce que nous voyions, ce qu'on nous montrait, c'était ce qu'il

23 y avait de mieux. Et s'il y avait eu quoi que ce soit de pire -il était

24 raisonnable d'estimer qu'il y en aurait eu-, on ne nous le montrait pas.

25 Ceci s'est passé après quelques mois d'ailleurs. Je pense donc que, très

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1 raisonnablement, nous étions en train de déduire par implication que les

2 conditions précédentes avaient été considérablement pires que ce que nous

3 voyions. Bien entendu, nous n'avons pas fait de rapport sur ce que nous

4 n'avions pas vu, mais je pense que c'était une déduction raisonnable.

5 Question: Ensuite, on parle des interviews des prisonniers, de la crainte

6 qu'ils exprimaient et du comportement que vous avez déjà décrit, de la

7 façon dont ils marchaient par exemple à Manjaca. Et là encore, il est

8 question des services médicaux, des travaux physiques, des visites du CICR

9 et des visites des membres des familles. Enfin, il est question des

10 violations du Droit international humanitaire, et il est en fait

11 essentiellement traité des questions juridiques, des conséquences

12 juridiques selon les rédacteurs de ce rapport.

13 Alors, puisque nous sommes sur cette question, après avoir lu ce rapport,

14 à nouveau en vous rappelant, qui aurait été responsable de ce rapport en

15 fait?

16 Réponse: Sir John Thomson. L'ensemble de son équipe aurait eu la

17 responsabilité de lui faire rapport parce qu'ils ont tous été d'accord

18 avec cela. Mais ce qui me frappe c'est que ceci a été écrit par lui

19 directement ou, tout au moins, une grande partie a été rédigée ou éditée

20 par lui.

21 Question: Ensuite, nous en venons aux recommandations. Et là encore, je

22 vais les résumer. Ce qui semble avoir préoccupé la mission était le fait

23 que l'hiver s'approchait.

24 Seriez-vous d'accord, Monsieur Mayhew, que c'était un véritable problème?

25 Réponse: Oui, l'un des grands problèmes, je me rappelle... Et je voudrais

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1 ajouter quelque chose en ce qui concerne les conditions du point de vue de

2 l'eau

3 Vous m'avez montré une photographie, et en y réfléchissant un peu plus, il

4 était clair que les conditions de l'hygiène et les conditions médicales

5 des prisonniers, que nous avons trouvés dans le centre médical, ainsi

6 qu'un certain nombre de personnes qui se plaignaient de diarrhée et ainsi

7 de suite, que l'eau, la possibilité de disposer d'eau était très

8 inférieure aux besoins. Et il est très difficile de dire qu'il y avait

9 tellement peu d'eau que les autorités ne pouvaient pas en donner

10 davantage.

11 Or, il y avait beaucoup d'eau. Il faut simplement du carburant pour la

12 faire venir sur place, mais cela n'est pas vraiment le même argument que

13 celui qu'on pourrait utiliser pour la nourriture. Dans cette culture, de

14 grandes quantités d'eau pour fondamentalement faire la toilette ou

15 l'hygiène et la santé sont véritablement nécessaires. Je voulais donc être

16 bien sûr que ceci avait été noté.

17 Question: Oui. Je ne suis pas tout à fait sûre que nous ayons besoin

18 d'entrer dans les recommandations, parce que je pense que nous en avons

19 traité de façon résumée au début du rapport. Je vais donc sauter certes la

20 carte, je vais sauter la carte.

21 Puis il y a une liste des lieux où il y aurait eu détention, basée sur les

22 listes fournies. Vous voyez, il y aurait eu les camps de concentration

23 pour des Serbes en Bosnie.

24 Puis, ensuite, à la page 21, les prisons à Sarajevo contenant des Serbes,

25 un grand nombre d'entre eux.

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1 Puis, si nous passons à la page 23, nous voyons la liste qui a été reçue

2 du maire de Banja Luka. Et là, encore ce sont des lieux où des Serbes

3 auraient été mis en détention.

4 Il y a un mémorandum spécial, si nous passons à la page 25, concernant

5 Trnopolje. Oui, il est question d'arrangements spéciaux qui devraient

6 avoir trait à Trnopolje. La raison: étant donné que le nombre de détenus

7 dans le centre était en grande majorité de la foi musulmane, on pensait

8 que c'était environ… avoisinant 2.000 personnes. Ces personnes vivent dans

9 la terreur, et la mission de la CSCE pense qu'elles ont des raisons très

10 fondées pour leurs craintes.

11 Et des recommandations sont ensuite faites pour que des équipes puissent

12 aller enregistrer, par exemple, le manque d'aliments et autres nécessités.

13 D'où le fait qu'il soit évoqué d'essayer de fermer ce camp.

14 Puis, il y a un accord qui a lieu à Genève au mois de mai.

15 Puis, si nous passons à la page 32, nous voyons qu'il y a des lieux de

16 détention, les véritables lieux, ceux qui sont allégués, ont été inspectés

17 au cours de la mission, les deux premiers Bihac.

18 Est-ce que vous avez visité Bihac vous-même?

19 Réponse: Non.

20 Mme Korner (interprétation): Ensuite, nous voyons au point 3, je crois, ce

21 serait Manjaca et non pas Menjaca. Probablement 3.000 détenus serbes, des

22 Musulmans, 1.800.

23 Et ensuite, la liste des autres lieux qui ont été visités.

24 Et puis, ensuite, il y a une autre description de chacun des endroits qui

25 ont été visités au cours de la mission. Je crois qu'il y a à la page 47

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1 une nouvelle description de Trnopolje.

2 M. le Président (interprétation): Au fait, que je pense qu'il pourrait

3 être nécessaire de lire cela en intégralité.

4 Je propose d'avoir maintenant une suspension de séance, et nous

5 reprendrons à 18 heures 05.

6 L'audience est suspendue.

7 (L'audience, suspendue à 17 heures 40, est reprise à 18 heures 10.)

8 Qui souhaite parler au nom du Procureur?

9 M. Koumjian (interprétation): Nous souhaitons parler de ce témoin pour

10 lequel vous avez dit hier que vous auriez préféré l'entendre de vive voix.

11 Je pense qu'il s'agit du Témoin 27. Nous avons contacté ce témoin

12 aujourd'hui, il y a juste une demi-heure, et le témoin est en mesure de

13 nous confirmer qu'il pouvait venir dimanche pour témoigner lundi. Et celui

14 que nous aurions dû entendre lundi pourra témoigner mardi.

15 Cependant, on nous a dit, de la section des témoins, qu'il existait une

16 règle comme quoi il faut les prévenir cinq jours à l'avance pour préparer

17 le voyage du témoin. Je ne voudrais pas en faire une règle, une habitude,

18 mais je voudrais tout de même demander aux Juges de demander au Greffe de

19 nous aider car ceci peut avancer les choses.

20 Car, dans le cas particulier, puisque nous n'avons personne d'autre, je

21 voudrais demander aux Juges de la Chambre de faire une requête auprès du

22 Greffe ou bien de la section des victimes et des témoins pour nous aider à

23 faire venir ce témoin, puisque le témoin est tout à fait prêt à venir.

24 Sinon, nous n'aurions probablement pas suffisamment de témoins pour

25 remplir notre calendrier de la semaine. Donc ceci nous conviendrait

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1 vraiment, ceci serait très utile, puisque nous avons beaucoup de témoins

2 que nous souhaitons faire témoigner dans un espace assez réduit. Donc nous

3 devons essayer de le faire venir dimanche.

4 M. le Président (interprétation): Pour les raisons fournies par le Greffe,

5 les Juges de la Chambre demandent gentiment au Greffe de faire le

6 nécessaire pour faire venir le Témoin 27, pour qu'il puisse déposer lundi

7 de la semaine prochaine puisque le temps nous est précieux.

8 Merci, je pense que cela suffira. Si besoin est, le Greffier peut me

9 contacter immédiatement. Je sais qu'il est toujours ici. Donc il est

10 possible de rentrer en contact avec lui. Donc s'il y a un problème

11 quelconque, je vais faire le nécessaire.

12 M. Koumjian (interprétation): Je vais aller voir immédiatement la section

13 d'aide aux victimes et aux témoins.

14 M. le Président (interprétation): Très bien. Dites-nous ce qu'il en est.

15 (Monsieur Koumjian sort du prétoire.)

16 Juste pour avoir toutes les garanties, je n'ai pas vu d'objection de la

17 part de la défense, car les conseils de la défense ont déjà reçu tout le

18 matériel supplémentaire. Donc normalement, il n'y a pas d'objection, mais

19 je vous pose la question tout de même.

20 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection.

21 M. le Président (interprétation): Madame Korner, vous pouvez continuer

22 avec l'interrogatoire principal.

23 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi pour cette petite intervention

24 administrative.

25 Pourrions-nous maintenant regarder cette partie du rapport où l'on parle

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1 des camps en détail. Il s'agit du camp de Trnopolje et de la page 47:

2 "Vu le site, apparemment ce camp était organisé autour d'un bâtiment de

3 deux étages qui, auparavant, était utilisé comme une école.

4 Donc est-ce que cela correspond à la photo que nous avons vue de ces

5 bâtiments?

6 M. Mayhew (interprétation): Oui.

7 Question: "Donc la clôture n'était enlevée que récemment, et, à la

8 périphérie de cet endroit, il y avait des autorités armées portant des

9 uniformes, armées de fusils automatiques. Un grand nombre de détenus

10 étaient logés à l'école, mais d'autres étaient dans des tentes

11 improvisées: des morceaux de bois et des barbelés couverts de bâches et

12 d'autres matériaux pour les abriter de la pluie et de l'humidité. Il y en

13 avait qui se sont improvisés une maison dans un camion".

14 Ensuite: "Il y a un grand nombre de détenus. Nous avons compté entre 1.600

15 et 2.000 Musulmans, des hommes principalement, dans ce centre. Il y a des

16 adolescents et d'autres qui ont à peu près 60 ans. Et on considère qu'ils

17 ont tous été victimes du nettoyage ethnique. Ils ont été arrêtés dans

18 leurs maisons, dans des villes environnantes et dans les villages. Il y en

19 a qui ont été placés dans ce centre après avoir séjourné et vécu les

20 horreurs de centre de détention d'Omarska qui a été démantelé et qui se

21 trouve à proximité. Avec quelques exceptions, leurs familles ont été

22 déplacées de ces régions et leurs maisons ont été détruites ou occupées

23 par les Serbes."

24 La période de détention: "La plupart ont été détenus pendant deux ou trois

25 mois, alors qu'un plus petit nombre n'est venu ici que récemment venant

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1 d'autres centres de détention."

2 Les conditions générales à Trnopolje: "On nous a fait croire que

3 l'autorité est plutôt détendue au cours de la matinée et jusqu'à 3 heures

4 de l'après-midi, quand la personne en charge a fait sa revue, son tour de

5 garde. Jusqu'à ce moment-là, les détenus peuvent quitter le centre pour

6 aller chercher de la nourriture sans peur de représailles.

7 Cependant, au début de la soirée, des gardes qui ne sont pas contrôlés

8 souvent maltraitent les détenus sans qu'il y ait eu de provocations

9 apparentes. Les passages à tabac sont communs et il y a de bonnes raisons

10 pour croire qu'il y a des détenus qui ont été déplacés et, par la suite,

11 tués ou bien on n'en a jamais entendu parler depuis. Ce centre,

12 apparemment, n'a pas de véritable organisation et il s'agissait d'un

13 désastre imminent.

14 Les conditions de santé et d'hygiène, l'eau que l'on consomme et l'eau

15 pour faire la lessive est apportée dans le centre dans des camions-

16 citernes la plupart du temps. Et pour le restant du temps, les détenus

17 remplissent des récipients qu'ils possèdent, souvent des bouteilles en

18 plastique, etc.

19 Il est impossible de maintenir l'hygiène personnelle dans ces

20 circonstances. Il y a aussi un puits qui n'est pas maintenu et qui est

21 complètement contraire aux normes d'hygiène élémentaire.

22 Même s'il n'y a pas de repas fournis par les autorités, il y a moins de

23 preuves de détenus mal nourris dans ce centre que dans d'autres lieux de

24 détention. On leur a permis de quitter le centre pour chercher de la

25 nourriture auprès de leurs parents ou de leurs amis qui, parfois,

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1 apportent de la nourriture qu'ils ont pu garder pour eux.

2 Au cours de la dernière semaine ou au cours de cette période-là, le comité

3 international de la Croix-Rouge a livré des repas tout prêts pour chaque

4 détenu.

5 Plusieurs détenus souffrent d'une malnutrition grave. Souvent, il s'agit

6 de personnes qui sont arrivées récemment d'Omarska ou bien d'autres places

7 de détention où prévalent des conditions moins humaines. Nous n'avons pas

8 été en mesure d'évaluer l'état de santé général des détenus, mais il est

9 évident qu'ils vivent dans des campements de fortune, comme des nomades,

10 et que la situation va se détériorer avec le froid et l'humidité qui vont

11 arriver dans quelques semaines.

12 Dans cette situation-là, ces individus courront un risque évident.

13 Cependant, il y a des preuves évidentes qui indiquent que les détenus dans

14 ce centre ont souffert d'un stress psychologique préalable dans d'autres

15 centres de détention. Cependant, ils ont gardé un certain niveau de

16 contact avec le monde extérieur qui les a protégés, en quelque sorte. Il

17 n'y a pas de doute qu'ils partagent la plupart des peurs et l'insécurité

18 ressenties par les détenues de Manjaca et les détenus d'autres centres.

19 Cependant, on peut dire qu'ils circulent relativement dans le centre,

20 qu'ils peuvent jouer aux échecs ou bien tout simplement parler avec les

21 codétenus. Une ambulance a été improvisée dans une des salles de classe,

22 avec deux étudiants en médecine, qui semblent être assez préoccupés par

23 leurs patients. Mais ils n'ont que peu de choses à offrir en ce qui

24 concerne les soins médicaux, puisque, tout simplement, il n'y a que très

25 peu de médicaments. Les personnes qui ont été gravement blessées ou

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1 souffrantes ont été transférées dans un hôpital local, mais ce n'était pas

2 le cas très fréquemment.

3 D'après ce que nous savons, on ne permet pas fréquemment aux détenus de

4 travailler pour nettoyer les sols, pour améliorer les conditions d'hygiène

5 et ils ont en ce moment beaucoup d'opportunités pour rester dehors et

6 rester au soleil.

7 Le comité international de la Croix-Rouge a pu visiter Trnopolje au cours

8 des deux ou trois semaines et a fourni des informations détaillées

9 concernant les détenus et a pu organiser quelques livraisons de

10 nourriture. On a aussi permis librement aux parents et aux amis de visiter

11 les détenus au cours de la journée. On nous a dit que la Croix-Rouge

12 livrait fréquemment du pain aux détenus qui peuvent payer." (Fin de

13 citation.)

14 Ensuite, on parle d'une visite qui s'est déroulée le 31 août. Ensuite, on

15 parle de Manjaca et ensuite d'autres endroits qui ont été visités. Et

16 donc, à la fin du rapport, on voit la liste des gens qui ont participé à

17 la mission.

18 Donc vous nous avez dit que la fin de la mission s'est séparée. Sir John

19 Thomson est parti avec vous. Est-ce que vous savez qui d'autre y est allé?

20 Réponse: Je me souviens qu'il y en avait un qui était un conseiller local

21 ou bien un conseiller pour la région, qui parlait justement la langue du

22 pays et qui faisait partie de l'équipe. Je pense que c'était M. Davico

23 dont le nom figure en bas de la liste, mais je ne suis pas certain.

24 Question: Je pense que c'est bien exact. Vous nous avez parlé de M. Telle

25 le connaissiez-vous?

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1 Réponse: Oui, oui, je connais M. Telle. Je l'ai mentionné en plusieurs

2 fois et je ne peux pas être certain de l'avoir rencontré lors de cette

3 mission.

4 Mme Korner (interprétation): Est-ce que je peux demander le versement au

5 dossier de ce document?

6 M. le Président (interprétation): 217.

7 Mme Korner (interprétation): 217.

8 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des objections?

9 M. Lukic (interprétation): Est-ce qu'il possible, Monsieur le Président,

10 de réserver notre réponse pour après le contre-interrogatoire du témoin?

11 M. le Président (interprétation): Très bien, donc il s'agit d'une cote

12 provisoire 217 et nous attendons la fin du contre-interrogatoire.

13 Mme Korner (interprétation): Après que vous ayez terminé votre mission, je

14 pense que vous nous avez dit que vous avez escorté quelqu'un à Manjaca?

15 M. Mayhew (interprétation): Oui, c'est vrai. Il s'agissait d'un certain

16 docteur Gill Bert Greenhalgh qui était envoyé par le gouvernement

17 britannique. Je pense aussi qu'il était un peu sous l'autorité de la

18 présidence de la communauté européenne.

19 Question: Ensuite, vous êtes retourné à Zagreb?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Maintenant, nous allons parler plus particulièrement de Manjaca.

22 Est-ce que vous avez participé à l'évacuation de quelque 69 Musulmans

23 malades détenus à Manjaca et c'était organisé principalement par la Croix-

24 Rouge?

25 Réponse: En effet, oui. Je ne sais pas s'ils étaient tous de Manjaca mais

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1 ceci figure dans le rapport car j'ai l'impression qu'il y en avait aussi

2 qui sont venus des hôpitaux de la région.

3 Question: Oui, effectivement, vous avez raison car apparemment ce n'est

4 pas très clair dans le rapport. Il y en a qui étaient venus de Banja Luka.

5 Je vais vérifier. Je ne vais pas demander le versement au dossier, mais je

6 voudrais montrer au témoin son rapport du 15 septembre. Il s'agit de la

7 pièce jointe n°4.

8 (Intervention de l'huissier.)

9 Donc il s'agit de votre rapport quotidien, celui que vous envoyez

10 d'habitude et que vous venez d'écrire?

11 Réponse: Oui, mais celui est un peu différent car il vient du centre

12 régional de Sarajevo. Comme vous pouvez le voir sur le document en haut à

13 droite. Et nous n'avions pas de personnel permanent en Bosnie du tout

14 alors que le centre régional de Sarajevo existait à l'extérieur et nous

15 espérions pouvoir y revenir car nous étions à Zagreb de façon provisoire.

16 Donc j'ai gardé ce nom et c'était un rapport quotidien que j'ai produit.

17 Question: (Inaudible)… question humanitaire: le pont aérien instigué par

18 le CICR pour 69 Musulmans malades a été réalisé aujourd'hui. Les trois

19 observateurs, les trois équipes d'observateurs de la MCCE ont contrôlé

20 cette opération. Et bien qu'il n'y ait pas participé directement, le CICR

21 a également fait savoir qu'ils étaient très reconnaissants de cela.

22 Un appareil d'aéroflotte qui avait été affrété est parti à 15 heures 40 et

23 l'on a espéré que ceci pourrait donner un élan de départ de façon à

24 encourager une plus grande vague d'évacuation de personnes qui avaient

25 perdu leur maison et qui étaient menacées de ce qui pourrait se passer

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1 durant l'hiver compte tenu de la situation de sécurité.

2 D'autres questions, les diverses, c'est le paragraphe 6 alors qu'ils

3 étaient retardés à Banja Luka pendant trois jours, une équipe de la MCCE a

4 rencontré trois principaux dirigeants religieux. Ces trois dirigeants

5 religieux souhaitaient vraiment que la MCCE se redéploie de manière

6 permanente dans la région et fasse tout ce qui est en son pouvoir pour

7 améliorer la situation qui avait empiré après que la MCCE ait quitté la

8 région en avril.

9 L'équipe a également rencontré le général Mladic qui avait réitéré de

10 nombreuses opinions connues et a exigé… et des demandes également qui

11 étaient très connues. Vous voyez ici qu'il y a la référence au général

12 Mladic.

13 Monsieur le Président, je crois que c'est ma faute. Il faudrait que ce

14 soit une pièce à conviction car ceci fait référence à Trnopolje et je l'ai

15 lue.

16 M. le Président (interprétation): Donc, s'il n'y a pas d'objection, je

17 voudrais que cette pièce soit versée comme pièce à conviction avec la cote

18 S218.

19 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection.

20 M. le Président (interprétation): La pièce est admise sous la cote S218.

21 Mme Korner (interprétation): Je peux vous demander maintenant de consulter

22 votre rapport du 26 septembre qui est à la pièce jointe n°3?

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Et avant de consulter cela, je voudrais mentionner, Monsieur Mayhew, de

25 savoir si vous avez reçu une lettre de remerciement du CICR qui était

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1 passée par le truchement du chef de la mission?

2 M. Mayhew (interprétation): Oui. Cela c'était pour votre intendance, pont

3 aérien.

4 Question: Encore une fois un rapport, c'est donc votre rapport quotidien.

5 Vous avez d'abord la situation générale, situation politique, NTR qui veut

6 dire "rien à signaler", "RAS", et puis situation militaire opérationnelle:

7 "Le docteur Karadzic, la nuit dernière, a refusé la permission par

8 téléphone pour permettre à la MCCE de se redéployer à Banja Luka ou dans

9 les autres zones contrôlées par les Serbes de la de la Bosnie-Herzégovine,

10 la raison est que des Musulmans au niveau local attendent que la MCCE

11 revienne et que ceci pourrait créer en fait un désordre et un soulèvement.

12 Le redéploiement de la MCCE ne ferait qu'aggraver les choses. Est-ce que

13 vous êtes retourné dans le nord de la Bosnie avant de partir?

14 M. Mayhew (interprétation): Je ne m'en souviens pas exactement. Ma

15 principale activité, pour le reste de mon temps, c'est-à-dire jusqu'en

16 mars 1993 était en fait le responsable du bureau pour la Bosnie, c'était

17 la personne qui gérait l'unité de Sarajevo. Notre principal objectif était

18 de remettre sur pied des équipes dans les trois zones de la Bosnie et nous

19 étions arrivés à le faire dans les zones contrôlées par les Croates et par

20 les zones contrôlées par les Musulmans mais au moment où je suis parti

21 nous n'avions pas de présence permanente dans la zone qui était contrôlée

22 par les Serbes de Bosnie ce qui était en fait un grand regret pour moi.

23 Bien sûr, ceci a créé un déséquilibre malheureux dans l'établissement de

24 nos rapports et nous avons essayé à plusieurs reprises d'essayer d'obtenir

25 gain de cause et je ne me souviens pas d'une visite spécifique que

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1 j'aurais réalisée. Il est donc possible que j'y sois de nouveau allé, mais

2 je pourrai en fait vérifier ceci par les rapports. Il y aurait des

3 rapports si je m'y étais rendu.

4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que l'on peut

5 verser cette pièce comme pièce à conviction avec la cote S219?

6 M. le Président (interprétation): Je ne vois pas d'objection. S219.

7 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, c'est tout ce que

8 j'avais demandé à M. Mayhew. Monsieur Mayhew, merci beaucoup.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 Qu'en est-il du contre-interrogatoire? Est-ce que vous êtes prêt à

11 comment, Maître Lukic?

12 M. Lukic (interprétation): Si possible, nous aimerions commencer demain

13 car Me Ostojic sera présent demain et pourra réaliser le contre-

14 interrogatoire.

15 M. le Président (interprétation): Je crois que ceci se comprend.

16 Mme Korner (interprétation): J'allais dire, Monsieur le Président,

17 j'espère qu'il sera là.

18 Monsieur le Président, ceci nous satisfait tout à fait. Monsieur Mayhew

19 est tout à fait d'accord pour revenir demain, mais ce serait difficile si

20 cela se poursuivait vendredi pour lui. Mais pour ce qui est de demain ce

21 n'est pas un problème.

22 M. le Président (interprétation): Oui. Eh bien, je vous remercie pour

23 aujourd'hui.

24 Vous avez compris qu'on va vous poser des questions au niveau de la

25 défense, mais également les Juges vont aussi vous poser des questions,

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1 mais je suis convaincu que nous pourrons conclure votre interrogatoire,

2 votre déposition demain. S'il n'y a rien d'autre à rajouter.

3 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, il y a un point que je

4 voulais soulever au niveau des mentions manuscrites, mais je crois que ce

5 point sera plutôt soulevé demain, car je ne sais pas exactement encore ce

6 que M. Koumjian... quels sont les points que M. Koumjian devait soulever.

7 M. le Président (interprétation): D'accord. Je crois que toutes les

8 parties sont d'accord et que nous pouvons conclure notre audience pour

9 aujourd'hui et nous reprendrons notre séance demain à 14 heures 15. Merci.

10 (L'audience est levée à 18 heures 40.)

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