Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 19 mars 2003.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 10.)

4 M. le Président (interprétation): Mesdames, Messieurs, bonjour. Je demande

5 à la Greffière de citer l'affaire et je demanderais aussi par là même à

6 l'huissier de faire entrer le témoin.

7 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Il s'agit de l'Affaire IT-97-24-T,

8 le Procureur contre Milomir Stakic.

9 (Le témoin, M. Srdja Trifkovic, est introduit dans le prétoire.)

10 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter

11 s'il vous plaît?

12 L'accusation.

13 Mme Korner (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Joanna Korner,

14 Ann Sutherland avec notre assistante Ruth Karper.

15 M. le Président (interprétation): Très bien.

16 La défense peut-elle se présenter?

17 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Branko Lukic,

18 John Ostojic et Danilo Cirkovic pour la défense.

19 M. le Président (interprétation): Une question très brève puisque nous

20 aurons besoin d'avoir une réponse pendant la première pause. Il serait

21 possible de déplacer l'audience de l'après-midi à la matinée du 24 mars

22 ainsi que le 7 avril. De par le passé, ceci n'a pas été possible, mais il

23 serait mieux à notre avis de siéger le matin.

24 Y a-t-il des objections?

25 Mme Korner (interprétation): Non, Monsieur le Président.

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1 M. Lukic (interprétation): Que se passe-t-il s'il vous plaît le 7 avril?

2 Peut-on le savoir?

3 M. le Président (interprétation): Nous sommes encore en train de voir.

4 Comme vous le savez, d'après notre agenda, il y aura la réplique, la

5 duplique et, par la suite, les plaidoiries. Mais aujourd'hui je ne peux

6 pas encore vous le dire de manière précise puisque nous devons voir ce qui

7 se passera avec les derniers témoins.

8 M. Lukic (interprétation): Nous n'avons pas d'objection.

9 M. le Président (interprétation): Très bien. A ce moment-là, nous allons

10 siéger dans la matinée le 24 et le 7 avril.

11 Nous pouvons à présent poursuivre avec le contre-interrogatoire de M.

12 Trifkovic.

13 (Matières relatives aux éléments de preuve.)

14 M. Trifkovic (interprétation): Avant de commencer, Monsieur le Président,

15 on m'a demandé de fournir des documents. Je les ai sur moi.

16 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

17 M. Trifkovic (interprétation): Dans ce jeu de documents, nous avons tout

18 d'abord une copie du premier rapport sur les contributions volontaires de

19 la part des Etats, et ceci est daté du mois d'août 1994.

20 On voit que la Malaisie a fourni une contribution d'un montant de 2

21 millions de dollar et le Pakistan d'un montant de 1 million de dollar pour

22 un ensemble de 94% à peu près. Il y a donc eu une contribution de 3,2

23 millions de dollar.

24 Un deuxième document, il s'agit d'un article rédigé par Alfred Rubin, un

25 professeur très connu du droit international que j'ai mentionné hier, et

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1 dont l'article m'a servi de base pour les commentaires que j'ai formulés

2 dans mon article de 1996.

3 J'ai ici également un troisième article qui est une copie de l'article

4 1996, et c'est le seul sur lequel je peux fournir des commentaires

5 réellement.

6 (Intervention de l'huissier.)

7 M. le Président (interprétation): Je souhaite que ces documents soient

8 tout d'abord montrés à la défense et par la suite aussi à l'accusation.

9 M. Trifkovic (interprétation): Oui, c'est le même jeu de documents.

10 En outre, si vous me le permettez, j'ai un autre document qui consiste en

11 une seule page et il s'agit d'un échantillon d'un commentaire au sujet de

12 mon travail sur l'islam. Je suis plutôt préoccupé par certains

13 commentaires qui ont été faits ici hier au sujet de mes travaux sur ce

14 sujet et j'espère que ceci fournira des compléments d'information montrant

15 qu'au moins aux Etats-Unis, mes travaux ne sont nullement considérés comme

16 extrêmes, pas plus qu'excentriques ou appartenant à une idéologie quelle

17 qu'elle soit.

18 De manière générale, je crois pouvoir dire que nous sommes témoins d'une

19 différence qui apparaît dans les discours prononcés aux Etats-Unis ou en

20 Europe sur des questions décisives qui concernent l'avenir de notre

21 civilisation commune. Il ne nous appartient pas de commenter ce sujet

22 aujourd'hui, mais j'aimerais fournir cela en tant qu'illustration de notre

23 position.

24 M. le Président (interprétation): Ceci ne peut être communiqué devant ce

25 Tribunal que par l'une des parties en présence. Par conséquent, il n'y a

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1 rien à dire à ce sujet tant que nous n'avons pas reçu une requête de la

2 part de l'une des parties afin de verser ce document.

3 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, bien entendu, il

4 appartient à la Chambre de se prononcer au sujet du travail de M.

5 Trifkovic, mais nous n'avons pas d'objection s'il souhaite présenter ce

6 qui, d'après ce qu'il dit, constitue les opinions américaines formulées au

7 sujet de son travail.

8 M. le Président (interprétation): Je pense que nous ne devrions pas perdre

9 de temps dans cette affaire.

10 Encore une fois, ce qui nous intéresse ici, c'est la responsabilité

11 individuelle de M. Stakic et ceci n'a rien à voir avec les Etats-Unis. Il

12 y a des opinions divergentes. Le point important fait hier concerne un

13 manque de tolérance évident, ainsi que le fait qu'il n'y a pas de base

14 factuelle suffisante pour ce qui est des sources de première main ou des

15 sources les plus importantes. Nous n'allons pas entrer dans les détails;

16 nous en avons discuté hier. Et, comme je l'ai déjà dit hier, ceci n'a rien

17 à voir avec M. Stakic et les charges qui ont été formulées contre lui

18 devant ce Tribunal.

19 Dès le début de cette affaire, je n'ai pas voulu qu'on entre trop dans les

20 détails historiques puisque, bien entendu, chacun a son point de vue à ce

21 sujet, et, bien entendu, chacun a le droit d'avoir son point de vue. Nous

22 devons nous polariser à l'encontre de M. Stakic.

23 Je vous prie de poursuivre.

24 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Srdja Trifkovic, par Mme Korner.)

25 Mme Korner (interprétation): Monsieur Trifkovic, je voudrais maintenant me

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1 référer au deuxième article, celui que vous avez rédigé en mars de l'an

2 2000.

3 M. Trifkovic (interprétation): Je dois dire que, malheureusement, je n'ai

4 pas pu le trouver sur le site Internet. Il a également été publié dans un

5 journal, mais il n'a pas été publié sur Internet. Au début de l'année

6 2000, nous avons en fait une compilation de deux articles que j'ai rédigés

7 et, au fond, je suis prêt à vous fournir ce document après avoir déposé

8 ici. Mais cet article concernait avant tout la situation au Kosovo. Je ne

9 l'ai pas sur moi.

10 Question: Excusez-moi, je voudrais savoir pourquoi vous n'avez pas pu vous

11 procurer l'article de l'an 2000.

12 Réponse: J'ai eu en tout l'ordinateur à ma disposition pour 1 heure 45

13 minutes, pour faire mes recherches sur Internet. Pendant ce laps de temps,

14 j'ai cherché, j'ai parcouru l'ensemble de mes articles que j'ai pu

15 consulter. Celui-là, l'article de 1996, eh bien, il était accessible grâce

16 à une source tierce, mais l'article de 2000, non.

17 Mme Korner (interprétation): Très bien. Je voudrais maintenant revenir à

18 votre rapport et notamment à deux points au sujet desquels nous avons déjà

19 parlé hier.

20 En page 3, pendant votre déposition, au moment de l'interrogatoire

21 principal, Me Lukic vous a demandé de décrire le rôle joué par le docteur

22 Stakic. Et on voit cela en page 2 de la note. Et en page 3, vous dites -je

23 cite-: "Pendant la période qui a suivi le printemps 1992, je pense que ce

24 qui est particulièrement frappant, c'est l'entretien ou plutôt le rapport

25 que nous avons eu au sujet de la visite que l'évêque a rendue à Prijedor".

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1 (Fin de citation.)

2 C'est le document qui a été fourni par la défense, je voudrais vous

3 demander si c'est bien celui auquel vous vous référez?

4 Il s'agit du document 87 dans le jeu de documents que la défense nous a

5 procuré, Monsieur le Président. Je peux vous communiquer l'original. Si

6 vous ne pouvez pas le retrouver, je demanderais qu'on place sur le

7 rétroprojecteur la version anglaise.

8 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous vous référez à la ligne

9 18?

10 Mme Korner (interprétation): Il s'agit de la ligne 17 sur mon exemplaire.

11 M. le Président (interprétation): S'agit-il bien de l'article daté du 9

12 octobre 1992?

13 M. Trifkovic (interprétation): Oui, tout à fait.

14 Mme Korner (interprétation): Il s'agit donc de relations interethniques

15 qui devraient être cultivées sur la base de la confiance mutuelle. Eh

16 bien, c'est à peine le printemps 1992, n'est-ce pas?

17 M. Trifkovic (interprétation): Il me semble que j'ai utilisé les termes

18 "au lendemain du printemps 1992".

19 Question Après le printemps 1992? Cela ne s'est donc pas produit à

20 l'automne 1992?

21 Réponse: Je me suis servi du printemps 1992 comme d'un moment à partir

22 duquel il y a eu une rupture dramatique dans la ville de Prijedor et le

23 discours du docteur Stakic a continué à être le même, à savoir qu'il a

24 lancé des appels à une confiance mutuelle même après ces événements.

25 Question: Très bien. C'est ce que vous nous avez dit hier; c'était en page

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1 22 de la note. Vous avez expliqué à Me Ostojic que vous ne vous êtes pas

2 particulièrement intéressé aux menus détails de qui a dit quoi, à qui,

3 dans la municipalité de Prijedor. Est-ce que cela veut dire que vous ne

4 vous êtes jamais penché sur les détails du tout, quant à ce qui s'est

5 passé à Prijedor entre mai et juillet 1992?

6 Réponse: En fait, ces menus détails concernaient la question qui m'a été

7 posée au sujet des comptes rendus des réunions de l'assemblée municipale

8 de Prijedor, pendant la période qui a précédé le printemps 1992. Et même

9 ici, si ce terme de "menus détails" n'est peut-être pas le mieux choisi,

10 compte tenu de ce qui nous intéresse ici, il m'a été spécifiquement

11 demandé si je m'étais penché sur les comptes rendus de ces réunions et

12 j'ai dit que j'étais au courant de l'existence de ces réunions, même si je

13 ne m'étais pas penché sur les détails des comptes rendus.

14 Question: Vous étiez au courant du fait qu'il y a eu une purification

15 ethnique à grande échelle qui s'est produite pendant cette période, à

16 Prijedor?

17 Réponse: Je suis au courant de déplacements massifs des populations

18 pendant cette période et je vous assure que le terme "menus détails"

19 concernait les comptes rendus des réunions des assemblées avant ces

20 événements et non pas les événements eux-mêmes.

21 Question: Très bien. Donc, lorsque vous parlez des déplacements de

22 populations, vous êtes au courant du fait qu'il y a eu détention d'à peu

23 près 3.000 personnes dans le camp d'Omarska?

24 Réponse: Oui, je suis au courant de la détention d'à peu près, de presque

25 3.000 personnes au camp d'Omarska.

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1 Question: Et vous êtes au courant des attaques qui ont été menées contre

2 des villages?

3 Réponse: Je voulais particulièrement me consacrer à l'analyse politique et

4 historique, sauf à des moments où c'étaient des événements militaires qui

5 commençaient à avoir une importance prédominante.

6 Je peux dire aussi que je suis conscient du fait que les premiers coups de

7 feu dans la municipalité de Prijedor ont été tirés à Hambarine et qu'ils

8 étaient la conséquence d'une confrontation entre les Musulmans, qui

9 tenaient une barricade, et un convoi de l'armée yougoslave.

10 Question: Très bien. A votre point de vue, est-ce que cela justifie le

11 pilonnage de Kozarac et de Hambarine, donc des événements qui se sont

12 produits par la suite?

13 Réponse: Je suis convaincu qu'un expert militaire serait mieux placé pour

14 répondre à cette question, à savoir quelle est la réponse appropriée à ce

15 genre de provocation.

16 Question: Dans votre rapport, il y a un titre –je cite-: "Les événements

17 de Prijedor en 1991 et 1992".

18 Si vous faisiez un rapport sur les événements de Prijedor, ne pensez-vous

19 pas que vous deviez connaître les événements?

20 Réponse: Eh bien, je ne nie pas que j'ai une idée assez précise de ce qui

21 s'est passé sur place. Je les connais de manière plutôt précise donc; mais

22 je ne suis pas un expert militaire.

23 Question: Je ne vous demande pas de vous prononcer en tant qu'expert

24 militaire, je vous demande votre opinion en tant qu'être humain, mais en

25 tant qu'être humain qui sait ce qui s'est produit.

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1 Réponse: En tant qu'être humain, je pense qu'il est très important

2 d'analyser l'impact des premiers coups de feu qui ont été tirés dans une

3 situation extrêmement explosive.

4 Question: Vous nous avez dit hier que vous n'avez pas lu les comptes

5 rendus soit du club des députés, des membres du SDS, soit les autres

6 comptes rendus, puisque vous aviez l'impression que ceci n'allait rien

7 vous apporter en plus.

8 Réponse: Et aussi que j'ai eu des limitations temporelles.

9 Si j'avais eu à ma disposition beaucoup plus de temps, j'aurais pu

10 consacrer plus de temps à ce sujet. Je vous assure qu'à ce moment-là,

11 j'aurais pu me consacrer aussi à ces sources, à ces documents originels,

12 et j'aurais pu aussi produire un rapport plus détaillé.

13 Question: Je pense que vous nous avez déjà dit cela, vous nous avez dit

14 que ce discours, en fait, était prononcé dans une perspective future, en

15 tenant compte de l'avenir.

16 Réponse: C'est ce que j'ai dit effectivement au sujet des trois groupes

17 ethniques en présence en Bosnie, à savoir qu'à partir du début de

18 l'automne 1991, de toutes parts, il y avait une prise de position publique

19 qui n'était pas tout à fait conforme à un agenda ou à un programme caché;

20 et chacune des parties s'est comportée de la même façon.

21 Mme Korner (interprétation): Je souhaite vous demander la chose suivante:

22 vous est-il venu à l'esprit à un moment quelconque, lorsque vous vous êtes

23 penché sur cet article, qu'à l'époque, lorsque le docteur Stakic et

24 l'évêque Komarica se sont rencontrés, qu'il n'y avait pas de Musulmans

25 pour que l'on se préoccupe de leur sort dans la municipalité de Prijedor?

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1 M. Trifkovic (interprétation): Oui, il y a eu un changement dans la

2 composition ethnique sur place pendant la période qui est couverte dans

3 cet article.

4 M. le Président (interprétation): Maître Lukic?

5 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Président, si Mme Korner cherche à

6 déposer, d'accord, mais si c'est une question qu'elle pose, elle doit

7 présenter les documents sur la base desquels elle affirme qu'il n'y avait

8 plus de Musulmans à Prijedor à cette époque. Ceci n'est tout simplement

9 pas vrai.

10 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, j'ai dit "presque, il

11 n'y avait presque plus de Musulmans".

12 Et si Me Ostojic souhaite soulever une objection, il peut bien sûr

13 soulever son objection.

14 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas...

15 M. Lukic (interprétation): A en juger d'après les démographes qui sont

16 venus comparaître ici, cités par l'accusation, cette affirmation n'est pas

17 exacte.

18 M. le Président (interprétation): Je pense que nous sommes d'accord sur le

19 fait qu'il faut restreindre… présenter ces affirmations avec quelques

20 réserves des deux côtés.

21 Je vous prie de poursuivre.

22 M. Trifkovic (interprétation): Quant à la composition ethnique à Prijedor,

23 elle a été modifiée pendant la période qui nous intéresse, mais elle n'a

24 pas été modifiée à cause des déclarations publiques du docteur Stakic, qui

25 a continué à s'engager publiquement pour une compréhension mutuelle entre

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1 les différentes ethnies.

2 Ce que j'ai donc répondu, c'est qu'indépendamment des circonstances, il y

3 a une constante pendant cette période malheureuse qui va de l'automne 1991

4 à l'automne 1992, à savoir que M. Stakic a continué à insister sur la

5 conciliation ethnique; il n'y avait pas de haine dans ses propos.

6 Question: Vous est-il venu à l'esprit à un moment quelconque que le

7 docteur Stakic faisait ses déclarations délibérément à l'intention du

8 public?

9 Réponse: Si le docteur Stakic ne faisait cela que pour séduire l'opinion,

10 eh bien, à ce moment-là, à l'automne de 1991 et l'hiver 1991-1992, je dois

11 dire que ce serait étonnant puisqu'il y a une continuité dans ses

12 déclarations. Ceci ne serait donc pas le cas si elles avaient été conçues

13 uniquement pour tromper le public.

14 Question: Mais vous ne savez pas, vous ne connaissez pas le docteur Stakic

15 depuis toujours? Vous ne l'avez rencontré que deux fois, pendant deux

16 heures en tout.

17 Réponse: J'insiste sur le fait qu'il faut prendre en compte la continuité

18 de ses prises de position publique, telles qu'elles peuvent être

19 consultées grâce à ce qui existe dans le domaine public, par exemple, le

20 journal "Kozarski Vjesnik". On voit qu'il s'agit de quelqu'un qui est

21 modéré, qui cherche la conciliation.

22 Tout simplement, je ne le dis pas sur la base du fait que je le connais

23 plus ou moins bien. Même sans avoir rencontré le docteur Stakic, j'aurais

24 dit la même chose puisque j'ai consulté les déclarations qu'il a faites

25 -six ou sept déclarations- datant de novembre-décembre 1991 et datant

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1 également de janvier-février 1992 jusqu'au mois d'octobre 1992. Ce n'est

2 donc pas du tout le même type de déclarations que ce qu'on entend de la

3 part de personnes moins responsables, d'autres dirigeants faisant partie

4 des deux autres camps en présence.

5 Question: Très bien. Une dernière question sur ce sujet. Les personnalités

6 publiques ne peuvent-elles pas dire une chose dans leurs déclarations

7 publiques et en faire une autre, plutôt à l'opposé de leurs propos tenus

8 publiquement?

9 Réponse: Oui, c'est presque toujours le cas des hommes politiques

10 expérimentés. Il me semble néanmoins, sur la base des documents et aussi

11 sur la base de l'entretien bref, direct que j'ai eu à deux occasions avec

12 M. Stakic, qu'il s'agissait de quelqu'un qui n'était pas un homme

13 politique très expérimenté et qu'il n'aurait donc pas pu garder une pose,

14 adopter une attitude complètement artificielle.

15 Question: C'est bien votre impression?

16 Réponse: C'est mon impression.

17 Question: Est-ce qu'on peut revenir à votre rapport, s'il vous plaît, en

18 page 8?

19 Je vous ai posé des questions au sujet des Musulmans de Bosnie qui ont

20 combattu en uniforme allemand. Alors il y a là une note en bas de page, la

21 note en bas de page n°13, et vous vous référez au professeur Donia?

22 Réponse: Oui.

23 Question: La seule question au sujet de laquelle je voudrais vous poser…,

24 la seule question qui m'intéresse à présent est la suivante: c'est lorsque

25 vous dites qu'il est typique de voir à quel point les observateurs

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1 étrangers présents sur le terrain en Bosnie étaient prêts à considérer

2 comme des faits avérés les choses qu'ils souhaitaient être vraies.

3 Est-ce bien cela votre position?

4 Réponse: Non, je voulais dire cela au sujet de la période de la Deuxième

5 Guerre mondiale, en particulier, que souvent des personnes étrangères

6 avaient tendance à accepter ce qu'on pourrait qualifier de mythe, d'un

7 côté ou de l'autre des parties, émanant des parties en présence.

8 Pour ce qui est de la Grande-Bretagne, on pourrait par exemple mentionner

9 ceux qui étaient plutôt prêts à accepter la version des résistants, par

10 exemple; comme nous avons eu un certain nombre de documents allant dans ce

11 sens.

12 Question: Vous ne l'avez pas qualifié comme cela: vous avez dit qu'il

13 s'agissait d'observateurs étrangers, c'est tout. Est-ce que vous voulez

14 dire tous les observateurs étrangers ou certains d'entre eux seulement?

15 Réponse: Il serait tout à fait absurde de dire cela parce qu'il y avait

16 des observateurs étrangers absolument remarquables. Il faut regarder au-

17 delà de cet écran qu'ils ont pu présenter. Prétendre que "de nombreux

18 observateurs", ce qui a été le terme utilisé, n'est pas véritablement très

19 précis et ne correspond pas à la situation sur le terrain à ce moment-là.

20 Question: Je ne souhaite pas y consacrer trop de temps. Vous ne dites pas

21 "nombreux", vous dites simplement que "les observateurs étrangers…", en

22 page 8. Regardez votre note en bas de page, s'il vous plaît.

23 Réponse: Lorsque je dis "les observateurs étrangers de la scène en

24 Bosnie", je fais référence ici à des universitaires qui ont pris position.

25 Et je parle en particulier de la guerre en Bosnie; j'en parle dans le

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1 contexte britannique et je pense que ceci n'est pas particulièrement

2 pertinent eu égard à ce rapport.

3 Simplement, je souhaite dire que, 50 ans après la Deuxième Guerre

4 mondiale, il y a eu une guerre qui s'est… La question de Tito, Mihajlovic,

5 la politique des alliés et la tentative avortée dans les Balkans, la

6 stratégie de Churchill, directe ou indirecte, est quelque chose dont les

7 universitaires ont débattu pendant 50 ans après la Deuxième Guerre

8 mondiale. Cela ne signifie pas pour autant qu'il s'agit de tous les

9 observateurs ici, mais un nombre très important d'universitaires qui, sans

10 pour autant avoir des intérêts directs dans la question, se sont

11 intéressés à la guerre civile en ex-Yougoslavie.

12 Question: Je vous ai dit que je ne voulais pas y consacrer trop de temps.

13 Pourriez-vous passer à la page suivante, s'il vous plaît? Une note en bas

14 de page où vous critiquez le docteur Donia et vous dites que ce n'est pas

15 un historien de la Deuxième Guerre mondiale: estimez-vous que vous êtes un

16 historien de la Deuxième Guerre mondiale vous-même?

17 Réponse: Je prétends être un historien politologue. Je m'intéresse plus

18 particulièrement à la Deuxième Guerre mondiale qui était le sujet de ma

19 thèse, et la Hoover Institution. Je me suis également intéressé à la

20 guerre en Yougoslavie.

21 Question: Vous dites que certains "titoïstes" -ce sont les personnes qui

22 ont créé des mythes- et le rapport de Prijedor -je crois que c'est est en

23 page 3-, vous dites que les deux parties ont encouru des pertes humaines

24 importantes. Avez-vous ici ce rapport avec vous?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Je pense qu'il doit être en votre possession; en tout cas, la

2 défense doit l'avoir. Il s'agit ici du rapport du docteur Donia sur

3 Prijedor.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 Pourriez-vous vous tourner vers la page 3, s'il vous plaît, lorsque le

6 docteur Donia dit que "chacune des parties a souffert. Et il y a eu des

7 pertes humaines de part et d'autre"?

8 Il s'agit de SK42. Vous constaterez que c'est au deuxième paragraphe après

9 le paragraphe n°6. "Les partisans, en petit nombre, se sont battus

10 vaillamment et chacune des parties a encouru des pertes humaines dans la

11 bataille pour le contrôle du Mont Kozara".

12 Et dans les notes en bas de page, il cite sa source: Enver Redic. Avez-

13 vous lu ce livre?

14 Réponse: Non, je ne l'ai pas lu.

15 Question: Alors vous poursuivez en disant que, dans la note en bas de

16 page, du côté allemand, il y a eu des pertes humaines, mais du côté des

17 partisans, les Allemands ont eu des pertes humaines. En revanche… Et les

18 personnes qui sont décédées en grand nombre étaient des civils serbes.

19 Quelle est votre source ici?

20 Réponse: Très bien. Il s'agit ici, lorsque vous parlez des pertes humaines

21 du côté allemand, il s'agit du journal tenu par un commandant allemand.

22 C'est une source aisément disponible. Il s'agit d'un document qui figure

23 dans les archives militaires; il porte la signature OKWKTB.

24 Lorsqu'on parle en fait de plusieurs douzaines, il s'agit de plusieurs

25 milliers, même si vous appliquez ce chiffre aux Oustachis. De plus, que

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1 vous ajoutiez cela aux pertes allemandes, de toute façon, le chiffre

2 auquel vous arriverez ne sera que des centaines de morts et non pas des

3 milliers de morts.

4 De même si vous regardez Zvornik, qui est la source primaire qui permet

5 aux historiographes de se documenter sur la Deuxième Guerre mondiale

6 -"Drugi Svjetski Rat" en serbo-croate-, il s'agit ici des annales sur la

7 libération des peuples. C'est très documenté sur les pertes des partisans

8 de la région de Kozarac.

9 Egalement, on y trouve de façon moins détaillée du reste quelques

10 estimations des Serbes civils de certains villages, Serbes qui ont été

11 déportés après la chute de la résistance partisane de la région. Et ce

12 chiffre s'élève à quelques milliers.

13 Mme Korner (interprétation): Je souhaite vous arrêter.

14 M. Lukic (interprétation): Je soulève une objection. Nous n'avons jamais

15 pu interrompre aucune des réponses des témoins de l'accusation. Par

16 conséquent, permettez au témoin de terminer sa phrase.

17 Mme Korner (interprétation): Si ce témoin souhaite ajouter quelque chose,

18 je suis tout à fait disposée à le laisser ajouter quelque chose.

19 M. Trifkovic (interprétation): Ce que je souhaite dire, c'est que ces

20 notes en bas de page reflètent quelque chose qui correspond à la réalité.

21 C'est la raison pour laquelle je ne me suis pas étendu dessus: c'est parce

22 que j'estimais que ce n'est pas particulièrement pertinent eu égard à ce

23 rapport. Je souhaitais que le compte rendu historique soit suffisamment

24 succinct tout en maintenant la véracité du contexte.

25 Les faits sont les suivants: l'armée régulière allemande n'a pas eu de

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1 pertes humaines très importantes dans l'opération de Kozarac en 1942.

2 Cela étant dit, et encore une fois cela fait partie du mythe des

3 partisans. Dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie, en Serbie par exemple, il

4 y a eu un massacre de 26 soldats allemands et des milliers d'otages ont

5 été tués. La résistance partisane était très efficace. Des contre-mesures

6 ont été prises et servaient les intérêts de Tito parce qu'ils avaient un

7 nombre très important de conscrits dans ces rangs. Mais la résistance

8 partisane, jusqu'à 1943, n'était pas très efficace et ne permettait pas

9 d'infliger des pertes humaines à l'armée allemande. Dans le conflit entre

10 les partisans et les soldats allemands, c'étaient les soldats allemands en

11 général qui étaient en meilleure position.

12 Question: Dans vos notes en bas de page, pourquoi n'avez-vous pas cité vos

13 sources lorsque vous faites une telle affirmation?

14 Réponse: C'eût été une note en bas de page à l'intérieur d'une note en bas

15 de page, et je pense que ce que j'avance est quelque chose qui est

16 tellement connu des professionnels, que cela m'a paru superflu.

17 Pour ce qui est des pertes humaines de part et d'autre, pendant la

18 Deuxième Guerre mondiale, je crois que, sur le plan administratif,

19 bureaucratique, je crois qu'on ne peut contester aucunement l'efficacité

20 de la Wehrmacht.

21 Question: Vous comprenez fort bien, en tant qu'historien, l'importance des

22 notes en bas de page qui permettent de citer les sources et de corroborer

23 les informations, de façon à ce que les personnes puissent vérifier. Par

24 conséquent, vous pouvez vérifier les sources du docteur Donia. En

25 revanche, on ne peut aucunement vérifier les sources de vos propos

Page 13834

1 aujourd'hui, sans faire des recherches très importantes.

2 Réponse: Pour ce qui est des notes en bas de page du docteur Donia

3 lorsqu'il parle des 1.000 pertes humaines, c'est pire qu'aucune note de

4 bas de page, parce qu'il s'agit ici d'erreurs qui se sont glissées. Et si

5 cette note en bas de page fait référence à l'ouvrage que vous avez évoqué,

6 cela voudrait dire que les pertes humaines de part et d'autre auraient été

7 importantes, à savoir des milliers de pertes humaines; ce qui n'était pas

8 le cas. Donc je pense qu'il vaut mieux s'en tenir aux faits réels.

9 Question: Autrement dit, vous dites qu'un ouvrage que vous n'avez jamais

10 lu n'est pas exact?

11 Réponse: Si vous parlez, en fait, des pertes humaines dans la région de

12 Kozarac, sans lire l'ouvrage, je dis que c'est totalement inexact et que

13 le nombre de pertes humaines de part et d'autre n'était pas de l'ordre de

14 milliers.

15 Question: Très bien. Pouvons-nous regarder la page suivante?

16 En page 10, s'il vous plaît: lorsque vous corrigez ici le récapitulatif

17 quelque peu innocent du professeur du Donia, vous dites que "les Serbes

18 dans la région de Prijedor n'avaient pas de schéma directeur, mais étaient

19 quelque peu confus". Sur quoi basez-vous cela?

20 Réponse: Je fonde cela sur le manque…, sur le ton adopté dans "Kozarski

21 Vjesnik" qui est aucunement triomphant et, très visiblement, n'est pas du

22 tout sûr de son fait. Etant donné qu'il s'agit de personnes de Prijedor

23 que je ne connais pas personnellement, c'est la seule source que je puisse

24 utiliser.

25 Il y a des personnes, en fait, qui sont nostalgiques du passé de

Page 13835

1 l'héritage socialiste, et les associations d'anciens combattants et du

2 mouvement de la Yougoslavie sont citées ici. A l'automne 1991, il y a

3 certes d'aucuns qui rendent des comptes rendus nostalgiques sur un passé

4 tolérant et d'harmonie ethnique; et d'autres voix s'élèvent sur les

5 violences de la guerre en Croatie et le souci sur l'effondrement des

6 services administratifs et municipaux, ainsi qu'un niveau de vie en chute

7 libre.

8 Et cela ne fait aucun sens. Ici, je ne fais référence à aucun article en

9 particulier. Cela n'a aucun sens. On ne sent pas ici une communauté se

10 dirigeant ou affirmant des objectifs très clairs.

11 Question: Si vous dites n'avoir jamais lu aucun des documents produits par

12 les Serbes avant la période en question, comment pouvez-vous affirmer que

13 ceci n'était ni planifié ni organisé?

14 M. Trifkovic (interprétation): Si nous parlons ici des documents que le

15 Parti démocratique serbe, le SDS, a fournis, nous parlons ici d'une partie

16 de l'opinion serbe à Prijedor. Et dans la note en bas de page dont il est

17 question et en réponse à votre question, nous parlons ici des Serbes de

18 manière collective.

19 Et j'aimerais vous soumettre la chose suivante: c'est que le SDS n'était

20 pas le seul à exprimer l'opinion serbe. Et les Serbes en tant que

21 collectivité ne s'élevaient pas en une seule et même voix pour défendre la

22 seule chose. La seule chose qu'ils avaient en commun était ce qu'ils ne

23 voulaient pas; autrement dit, ils ne voulaient pas sortir de la

24 Yougoslavie contre leur gré.

25 Mme Korner (interprétation): Pourrions-nous maintenant passer à…

Page 13836

1 M. le Président (interprétation): Pour éviter de revenir sur ce point,

2 quelle est la source qui vous permet d'arriver à cette conclusion?

3 M. Trifkovic (interprétation): De quelle conclusion s'agit-il?

4 M. le Président (interprétation): La dernière conclusion que vous nous

5 avez donnée. Je vous soumets la chose suivante: "Là-bas, le SDS à Prijedor

6 n'était pas le seul à exprimer l'opinion serbe et les Serbes en tant que

7 collectivité ne s'élevaient pas en une seule et même voix. La seule chose

8 qui les unissait, c'était de savoir ce qu'ils ne voulaient pas.

9 M. Trifkovic (interprétation): Comme je vous l'ai dit précédemment, basé

10 sur les différents articles qui n'étaient pas foncièrement de nature

11 politique, extraits du "Kozarski Vjesnik", qui traite des questions comme

12 les conditions dans les municipalités, l'éducation, l'approvisionnement,

13 l'afflux de réfugiés en Bosnie, le problème des différentes familles, les

14 problèmes dus à l'absence de réservistes appartenant aux deux unités de

15 Prijedor, qui ont été envoyées en Slovénie au printemps et à l'été 1991,

16 tous ces différents éléments, encore une fois, si je devais m'étendre là-

17 dessus, si j'en avais le temps, cela pourrait être un exercice intéressant

18 en matière d'anthropologie sociale.

19 M. le Président (interprétation): La seule question que je vous pose porte

20 sur la source et, d'après ce que vous dites, votre seule et unique source

21 était le "Kozarski Vjesnik" et des journaux qui ont été contestés par les

22 témoins, même de la défense: ils ne constituent pas en soi une source

23 fiable.

24 Vous êtes un expert, Monsieur, et vous pensez véritablement que cela

25 suffit en tant que témoin expert. Je pose la même question bien sûr à M.

Page 13837

1 Donia et vous vous reposez sur ces sources secondaires au lieu de faire

2 des recherches dans les archives. D'après ce que j'ai compris, vous ne

3 vous êtes jamais rendu à Prijedor, vous n'avez jamais essayé d'accéder aux

4 archives de Prijedor et de Banja Luka, vous n'avez jamais essayé d'accéder

5 à d'autres sources, à savoir les procès-verbaux, les comptes rendus de

6 réunions de l'assemblée municipale serbe, la cellule de crise, etc.

7 Par conséquent,…

8 M. Trifkovic (interprétation): Monsieur le Président…

9 M. le Président (interprétation): Est-il donc vrai que vous vous êtes

10 reposé sur ces articles et vous vous êtes fié à ces articles que vous avez

11 reçus de la défense ou avez-vous essayé vos propres enquêtes en faisant

12 des recherches et en recherchant d'autres articles, d'autres journaux qui

13 traitaient de cette époque-là?

14 M. Trifkovic (interprétation): Monsieur le Président, avant de faire ma

15 déclaration, je vous ai parlé de façon générale de la situation à ce

16 moment-là. Je parle en fait des aspects non politiques de la vie de tous

17 les jours à Prijedor. Je vous ai dit que cela était fondé sur une lecture

18 assez détaillée de tous ces articles de journaux en 1991. Cela ne devait

19 pas être peu fiable, puisqu'il y avait un gouvernement multiethnique et un

20 contrôle de la rédaction. Et dans mon préambule, j'ai déjà indiqué que je

21 faisais cette affirmation en tenant compte de ce contexte-là. Il s'agit, à

22 ce moment-là, de tenir compte non pas d'une opinion de la classe

23 dirigeante, de la classe politique de l'époque, mais de tenir compte de

24 l'atmosphère qui régnait dans cette ville à ce moment-là.

25 Et ce que reprend la note en bas de page: "Les Serbes, au lieu d'avoir un

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1 schéma directeur, étaient plutôt confus et inquiets." Et si vous souhaitez

2 avoir quelque impression sur la confiance en soi d'une communauté qui sait

3 où elle va et qui a défini des objectifs très clairs, je crois que vous ne

4 trouverez pas cela dans cette source-ci: cette source-ci n'illustre

5 aucunement l'état d'esprit général des Serbes dans la communauté de

6 Prijedor à ce moment-là.

7 M. le Président (interprétation): L'accusation, vous avez la parole.

8 Mme Korner (interprétation): Pouvons-nous nous tourner vers la page 13 du

9 rapport?

10 Troisième paragraphe, vous dites: "Quand bien même on aurait oublié le

11 traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale, ils ont réagi en 1992 comme

12 auraient réagi les habitants du Texas en Arizona si, par voie de

13 référendum, ils souhaitaient être rattachés au Mexique".

14 Comment en êtes-vous arrivé à cette analogie-là?

15 M. Trifkovic (interprétation): Cette analogie vise...

16 Question: J'entends bien ce que vous dites. Pardonnez-moi, si je vous

17 interromps. La question est: comment en êtes-vous arrivé à cette analogie

18 parce que vous parlez de l'Arizona et je crois que vous venez de Chicago.

19 Réponse: Texas et Arizona sont les deux Etats américains où les

20 hispanophones seront certainement dans la majorité à la fin de cette

21 décennie et, bien évidemment, ils sont très enthousiastes et souhaitent

22 peut-être établir un lien particulier avec les Mexicains. Il s'agit ici,

23 peut-être, de faire un parallèle qui pourrait être quelque peu pertinent

24 sur le plan politique.

25 Question: Très bien, j'entends bien. C'est quelque chose qui émane de

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1 vous? C'est la question que je vous pose.

2 Réponse: D'aucuns ont déjà évoqué ce changement d'équilibre des forces

3 dans la partie sud-ouest des Etats-Unis parce qu'il y a des militants

4 hispanophones qui demandent à ce que les terrains perdus pendant la guerre

5 du Mexique, en 1948-49, leur soient restitués. Je pense donc que ceci

6 n'est pas une pensée particulièrement originale, mais on pourrait établir

7 un parallèle.

8 Question: Il s'agit ici de quelqu'un qui aurait eu la même idée dans un

9 article -une chronique de quelqu'un du nom de David Hartman, je crois que

10 c'est la personne qui a dirigé le Rockford Institut.

11 Réponse: Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas une pensée particulièrement

12 originale. Je ne savais pas que David Hartman avait utilisé cette

13 analogie-là. C'est quelque chose en fait dont les différents analystes

14 parlent en ce moment: qu'il y a des changements démographiques dans le

15 sud-ouest du pays et qui peut-être rendraient nécessaires des changements

16 de la Constitution.

17 Question: Monsieur, vous souvenez-vous que M. Hartman a écrit un article

18 intitulé "Réflexion sur la visite d'un Texan à Mexico"?

19 Réponse: Très honnêtement, non.

20 Question: Souhaitez-vous regarder cet article?

21 Réponse: Est-ce particulièrement pertinent?

22 Question: C'est la question que je vous pose!

23 Réponse: Je vous assure que, s'il s'agit ici de parler de cet équilibre

24 démographique qui se renverse aux Etats-Unis, ce n'est pas une pensée

25 particulièrement remarquable. Vous pouvez regarder sur "Google", je pense

Page 13840

1 qu'il y a suffisamment d'auteurs qui parlent et qui évoquent des sujets

2 similaires.

3 Question: Très bien. Pouvez-vous maintenant vous tourner à la page 16?

4 Encore une fois, il s'agit d'une critique de Malcom. Il s'agit en fait de

5 la note en bas de page n°27. Il s'agit ici de M. Izetbegovic, de la

6 déclaration d'Izetbegovic.

7 Vous dites là que: "il accepte les réalisations -le début de la page 16-

8 de la civilisation euro-américaine, mais uniquement dans le domaine de la

9 science et de la technologie". Vous critiquez Malcom parce qu'il n'a pas

10 ou a omis de mentionner qu'Izetbegovic avait défini de façon très précise

11 les réalisations que pouvait accomplir la civilisation occidentale en

12 matière de sciences et technologie.

13 Je souhaite avancer un petit peu et passer à la page 27, s'il vous plaît.

14 Vous citez un ouvrage de Burg et Shoup…

15 Réponse: Shoup.

16 Question: …Shoup, pages 62 et ensuite 63, où vous affirmez que "le HDZ

17 soutiendra la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, soutient la

18 souveraineté de la Bosnie-Herzégovine". Mais il s'agissait ici simplement

19 d'une position circonstancielle parce qu'en même temps, le HDZ avait mis

20 en place une communauté croate en Herceg-Bosna, en Bosnie-Herzégovine

21 occidentale et en Bosnie du Centre, de même que la communauté croate de la

22 vallée de la Sava au nord.

23 Réponse: Lorsqu'il s'agit des activités du HDZ en Bosnie-Herzégovine

24 Occidentale et Centrale, et cela dans la vallée de la rivière Sava encore,

25 il y avait pléthore de documents de source croate qui sont disponibles et

Page 13841

1 qui m'ont été remis après la rédaction de mon rapport.

2 Question: Très bien. Maintenant, j'aimerais regarder, s'il vous plaît, les

3 pages 47 et 48 de cet ouvrage et me dire où vous évoquez cette phrase à

4 laquelle vous venez de faire référence?

5 Réponse: Oui, on le voit ici. On ne peut s'empêcher d'être frappé par les

6 documents qui ont été utilisés dans le cadre du débat, documents qui

7 traitent des questions les plus basses traitées dans le cadre de la

8 politique bosnienne. Les termes utilisés sont des termes extrêmement

9 forts; c'est à la page 49.

10 Question: Excusez-moi, regardez les pages 47 et 48! C'est moi qui vous

11 induis en erreur, c'est en fait surligné. Il y a une citation. Parce que

12 vous voyez bien dans votre rapport que vous citez des pages pertinentes de

13 ce livre. Je crois que l'on fait référence justement à ce qui a été fait

14 par le HDZ, à savoir qu'il a créé une communauté croate d'Herceg-Bosna en

15 Bosnie occidentale et en Bosnie centrale; il y a également eu création

16 d'une communauté croate au sein de la vallée bosniaque de la Sava.

17 Réponse: Un instant, s'il vous plaît.

18 C'est une erreur, je m'en excuse, parce qu'en fait il aurait fallu citer

19 Kumar. Mais du fait des erreurs de mon système de traitement de texte, il

20 y a eu une erreur. On dit qu'en fait, je fais à nouveau référence en note

21 de bas de page à Burg et Shoup. Or, en fait, je fais référence au livre de

22 Kumar. Vous y avez une référence à la page précédente, note de bas de page

23 58, on fait référence à la page 49. Donc la note de bas de page 61 doit

24 faire référence encore une fois à l'ouvrage de Kumar aux pages 47 et 48 de

25 l'ouvrage de Kumar. C'est une erreur dont je suis coupable.

Page 13842

1 Question: Très bien; Nous allons maintenant revenir en arrière et nous

2 pencher à nouveau sur la page que nous regardions à l'instant, la page 16

3 de votre rapport.

4 Dites-moi une chose, Professeur Trifkovic, vous connaissez le Professeur

5 Kecmanovic?

6 Réponse: Je connais Nenad Kecmanovic, je ne l'ai jamais rencontré. Si je

7 l'ai rencontré, en fait, je ne m'en souviens plus.

8 Question: Est-ce que vous avez jamais lu un quelconque de ses ouvrages?

9 Réponse: J'ai lu un certain nombre de ses articles. Il faisait état de ses

10 souvenirs personnels dans un magazine hebdomadaire de Belgrade, le Knin.

11 Il faisait état de ce dont il se souvenait à propos de la période au cours

12 de laquelle il avait été transféré de Sarajevo à Belgrade au milieu des

13 années 90.

14 Question: Je vais vous soumettre un rapport écrit de par M. Nenad

15 Kecmanovic.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Est-ce que vous avez jamais vu ce rapport auparavant?

18 Réponse: Non.

19 Question: Ce rapport a été rédigé, si je ne m'abuse et je ne crois ne pas

20 me tromper, je crois que ce rapport a été déposé dans le cadre de

21 l'affaire Bosanski Samac, Simic et consorts.

22 J'essaie de retrouver les références de l'Acte d'accusation et je crois

23 que l'Acte d'accusation qui est cité ici est celui qui correspond à

24 l'affaire que j'ai citée.

25 Je vous demande de retourner à la page 6 de ce rapport.

Page 13843

1 Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire le paragraphe 10?

2 Réponse: Dans une phrase éminemment révélatrice, Izetbegovic discute le

3 statut des non-Musulmans dans les pays qui sont dotés d'une majorité

4 musulmane. Je cite: "Les minorités non-musulmanes au sein d'un Etat

5 islamique, à condition qu'ils soient loyaux, bénéficient d'une réelle

6 liberté de culte et de toute protection nécessaire". (Fin de citation.)

7 Question: Ça suffit.

8 Regardez maintenant le milieu du paragraphe qui apparaît en haut de la

9 page 16 de votre rapport, après la mention faite de la note de bas de page

10 27.

11 Réponse: Je cite: "Dans une phrase révélatrice, Izetbegovic discute le

12 statut des non-Musulmans dans les pays à majorité musulmane" en disant -je

13 cite-: "Les minorités non-musulmanes au sein d'Etats islamiques, à

14 condition qu'elles soient loyales -et j'ajoute cet accent-, bénéficient

15 d'une réelle liberté de culte et de toute la protection nécessaire". (Fin

16 de citation.)

17 Question: C'est une citation mot pour mot exacte, n'est-ce pas?

18 Réponse: Sauf que c'est une citation qui doit m'être attribuée parce

19 qu'elle est tirée de mon propre article portant sur les déclarations de

20 nature islamique faites par Izetbegovic.

21 Je ne sais pas à quelle date ce rapport que vous me soumettez a été

22 publié, mais je serais heureux de vous fournir les références que j'ai

23 moi-même à l'esprit.

24 Question: Donc vous dites que M. Kecmanovic a tiré de votre article des

25 citations sans vous attribuer ces citations. Et, mot pour mot, il a

Page 13844

1 utilisé la phrase qui commence par les termes: "Dans une phrase très

2 révélatrice…"

3 Réponse: Il ne me revient pas à moi de faire des commentaires sur ce qu'il

4 a pu faire. Mais ce que je peux vous assurer de façon très catégorique,

5 c'est que cette formulation qui apparaît dans mon rapport est ma

6 formulation, mon expression et ne peut que m'être attribuée à moi.

7 Question: Oui, mais il y a là une note de bas de page, la note de bas de

8 page 27, et vous dites -je cite-: "Dans le cadre d'une distorsion

9 d'expression tout à fait typique, Noël Malcom écrit, etc." (Fin de

10 citation.)

11 Et maintenant, je regarde ce qui apparaît dans la note de bas de page 11

12 du rapport de M. Kecmanovic. Et il dit exactement la même chose. Alors

13 vous dites qu'il a copié cette note de bas de page de votre propre

14 article?

15 Réponse: Excusez-moi: regarder quoi?

16 Question: Regardez d'abord votre propre note de bas de page, note de bas

17 de page 27. Donc vous dites qu'elle est votre commentaire sur les faits et

18 gestes de Noël Malcom. Vous dites -je cite-: "Dans une déformation de

19 propos tout à fait caractéristique, Noël Malcom écrit…, etc., etc.". (Fin

20 de citation.)

21 Maintenant, regardez la note de bas de page n°11 du rapport de M.

22 Kecmanovic, note de bas de page qui apparaît à la page 6.

23 Réponse: Eh bien, il se trouve que le commentaire qui est fait eu égard

24 aux faits et gestes de Noël Malcolm ne peut être attribué ni à M.

25 Kecmanovic ni à moi-même. Cette notion de déformation typique de certains

Page 13845

1 propos est tiré d'un commentaire dont je vais vous faire état de mémoire,

2 à savoir qu'une conférence portant sur l'ouvrage de Noël Malcolm, "Bosnie,

3 une brève histoire", au cours de cette conférence, ce commentaire a été

4 fait par un certain Zametica.

5 Question: Excusez-moi, Professeur Trifkovic, je vais vous poser une

6 question que je formule prudemment. Je vous suggère que ces notes de bas

7 de page reprennent vos commentaires et vous vous dites qu'il ne s'agit pas

8 de vos commentaires ni des commentaires de M. Kecmanovic. Vous attribuez

9 ces déclarations à quelqu'un d'autre à présent?

10 Réponse: Moi ce que je dis, c'est que j'ai fait un article sur la

11 déclaration islamique qui est un ouvrage d'Izetbegovic. Cette déclaration

12 précède tout ce qui a pu être dit dans ce rapport qui remonte à une date

13 ultérieure.

14 Question: Ce rapport est daté de décembre 2002. Votre rapport, tel que je

15 le comprends, a été déposé dans le courant de février de cette année,

16 2003.

17 Réponse: Je vous assure que mon article qui traite de la déclaration

18 islamique d'Izetbegovic est un ouvrage qui remonte à une année qui précède

19 2002.

20 Question: Très bien. Je vous pose une question une dernière fois: comment

21 se fait-il qu'on trouve dans les deux rapports des termes identiques

22 faisant référence à l'ouvrage de M. Malcom?

23 Réponse: Parce que dans cette note de bas de page, nous avons tous les

24 deux fait référence à la même source, à savoir le compte rendu de la

25 conférence portant sur l'ouvrage de Noel Malcom, conférence qui a été

Page 13846

1 organisée par l'Académie des sciences serbe de Belgrade à la fin des

2 années 1990, si je ne m'abuse.

3 Question: Donc, par hasard, tous les deux, vous citez cela, n'est-ce pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: C'est donc une extraordinaire coïncidence.

6 Réponse: Effectivement. Moi-même, je n'ai jamais vu ce rapport et je

7 n'aurais donc pas pu en tirer quoi que ce soit. Ce qui est frappant c'est

8 que ce qui a été dit au cours de cette conférence était extrêmement

9 intéressant et c'est quelque chose qui nous a séduits tous les deux.

10 Question: Poursuivons, si vous le voulez. Nous allons passer à l'étude

11 page 19 de votre rapport, s'il vous plaît. Est-ce que vous pouvez

12 apercevoir au milieu du premier paragraphe, la phrase qui commence par les

13 termes: "Ces événements devaient forcément avoir des conséquences

14 importantes sur la Bosnie-Herzégovine qui avait survécu malgré son passé

15 de violences ethniques et de conflits sociaux."? Vous voyez cette phrase?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et vous citez, lorsque vous faites cette déclaration, l'ouvrage

18 de Burg et Shoup.

19 Réponse: En effet.

20 Question: Est-ce que je peux vous demander de regarder ce qui apparaît à

21 la fin de la page 8 du rapport du professeur Kecmanovic?

22 (Intervention de l'huissier.)

23 Au paragraphe 15 du rapport, est-ce vous voyez une phrase qui commence par

24 les termes: "Ce qui se passait dans le reste de la Yougoslavie devait

25 forcément avoir des conséquences importantes sur la Bosnie-Herzégovine qui

Page 13847

1 a souvent été décrite comme étant une Yougoslavie miniature."? Est-ce que

2 vous n'êtes pas d'accord pour dire qui y a une similitude presque parfaite

3 entre ce qui apparaît ici et ce que vous avez écrit?

4 Réponse: Je peux vous demander une dernière fois à quelle date le rapport

5 Kecmanovic a été rédigé?

6 Mme Korner (interprétation): Le rapport Kecmanovic -laissez-moi le

7 vérifier- a été rédigé, je crois… Pardon, j'ajoute que ce rapport a été

8 rédigé en serbo-croate et que la traduction, si nous regardons à la page

9 60 de ce rapport, a été faite le 19… terminée plutôt le 19 septembre 2002.

10 M. Trifkovic (interprétation): Je voudrais que Me Ostojic confirme que le

11 projet de mon rapport, qui contenait les mots que vous avez cités, lui a

12 été remis. Est-ce qu'il peut nous dire quand il pense que je lui ai remis

13 ce projet de rapport?

14 M. le Président (interprétation): Me Ostojic ne peut pas témoigner.

15 Mme Korner (interprétation): Eh bien, revenons simplement, Professeur, à

16 ce que vous avez dit vous-même.

17 Excusez-moi, Monsieur le Président, il va falloir que je m'y retrouve un

18 petit peu. Je vous ai posé une question de cette nature au tout début de

19 mon contre-interrogatoire hier, il faut que je retrouve le passage

20 pertinent.

21 Bien, vous avez déclaré, Professeur, hier, à la page 23 du compte rendu

22 d'audience –je cite-: "J'ai préparé le premier projet de ce rapport peu de

23 temps après Noël. En fait, je l'ai préparé au cours de la première semaine

24 de la nouvelle année.". Je vous demande ensuite combien de temps il vous a

25 fallu pour se faire, et vous me répondez: "Mon rapport, je l'ai terminé

Page 13848

1 dans le courant de la deuxième semaine du mois du février".

2 M. Trifkovic (interprétation): Ce que je voulais dire c'est que le premier

3 projet qui a été communiqué, qui n'était pas le rapport en lui-même, a été

4 communiqué à une autre date. Il va falloir que j'y voie clair moi-même.

5 J'ai fait valoir dans ce projet de rapport quels étaient les points sur

6 lesquels je pensais m'attarder dans le cadre de ce rapport. Ces différents

7 points, je les ai envoyés par Internet, je les ai communiqués à un certain

8 nombre de mes contacts de par le monde.

9 Je ne connais pas le professeur Kecmanovic. Je ne souhaite pas impliquer

10 qui que ce soit dans une affaire de plagiat, mais, ce que je peux dire,

11 c'est que cette citation doit m'être attribuée et ne doit pas lui être

12 attribuée.

13 Ce que je fais dans le cadre de ma préparation de rapport, c'est que

14 j'envoie un certain nombre de messages Internet à des collègues, je les

15 appelle à me faire part de leurs opinions, de leurs commentaires sur

16 certain des points que je souhaite évoquer dans mon rapport. Et c'est ce

17 que j'ai fait dans le cadre de ce rapport, et il semble que certains de

18 mes commentaires aient été communiqués sans que j'en donne l'autorisation.

19 Question: Voyons si je vous comprends bien. Vous affirmez ici que le

20 professeur Kecmanovic, dont le rapport intégral a été traduit au mois de

21 septembre 2002 -on peut donc partir du principe que ce rapport a été écrit

22 en serbo-croate quelque temps auparavant… et laissez-moi terminer mon

23 propos- vous affirmez donc que ce professeur, d'une façon ou une autre, a

24 réussi à obtenir vos expressions propres qu'il a retranscrit mot pour mot.

25 Vous savez, Professeur Trifkovic, nous allons pouvoir, un peu plus tard,

Page 13849

1 voir qu'il y a des similarités encore plus frappantes, par la suite, de

2 votre rapport. Et vous affirmez donc qu'il a réussi à tirer des rapports

3 que vous n'aviez pas écrit des propos que vous souhaitez qu'ils vous

4 soient attribués.

5 Réponse: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que dans certains domaines

6 d'activité, il est habituel que des experts fassent circuler des projets

7 d'articles qu'ils souhaitent rédiger ou de rapports, afin de recueillir

8 les idées, les commentaires qui pourraient être inclus dans des rapports

9 et dans des communications d'ordre scientifique. Ils invitent des

10 collègues et des pairs à faire des commentaires. Moi, ce que je dis, c'est

11 qu'à l'époque où j'ai écrit mon rapport, je n'avais pas accès au rapport

12 du professeur Kecmanovic. Je ne savais même pas que ce rapport existait.

13 Et je ne sais pas si ce rapport a été communiqué au grand public, que ce

14 soit par Internet ou sur copie papier, je ne sais pas si ce rapport a été

15 diffusé au sein du grand public. Peut-être pourrez-vous me faire part de

16 la situation telle qu'elle s'est présentée.

17 Question: Excusez-moi, je ne peux pas vous apporter mon aide sur ce point,

18 en tout cas, pas pour le moment. Mais je vais simplement vous dire ce que

19 vous avez dit hier à ce propos.

20 Je cite le compte rendu, et je m'excuse auprès des interprètes, je sais

21 que je vais un petit peu vite.

22 Je vous posais la question suivante: "Docteur Trifkovic, quand vous a-t-

23 on, pour la première fois, demandé de rédiger ce rapport?" Page 21 du

24 compte rendu d'audience.

25 Vous répondez: "Dans un premier temps, on ne m'a pas demandé de rédiger ce

Page 13850

1 rapport; j'ai été contacté par Me Ostojic que je connaissais

2 personnellement depuis un certain nombre d'années. Maître Ostojic m'a

3 demandé si je pouvais envisager de servir de témoin expert pour la défense

4 dans cette affaire. Après un certain nombre de rencontres ponctuelles, qui

5 se sont tenues à plusieurs semaines d'intervalle, qui correspondent

6 d'ailleurs à une période qui va du mois de septembre au mois d'octobre,

7 après donc cette série de rencontres, nous avons établi quelle forme

8 devrait prendre ce rapport. Et c'est en septembre 2002 que nous sommes

9 arrivés à la conclusion sur la forme que devrait prendre mon rapport."

10 Est-ce que vous dites donc que, sur Internet, vous avez fait circuler un

11 certain nombre de documents relatifs à ce rapport? Est-ce que vous avez

12 fait circuler ces éléments avant le mois de septembre 2002, donc avant que

13 vous ne vous soyez mis d'accord avec Me Ostojic sur le contenu de votre

14 rapport?

15 Réponse: Non. J'ai fait circuler ces documents plus tard. Il apparaît par

16 ailleurs que, un petit peu plus tôt, nous avons fait référence à la

17 déclaration islamique d'Izetbegovic et ce que nous avons pu citer à cet

18 égard n'est peut-être pas quelque chose que j'avais particulièrement

19 rédigé pour l'inclure dans ce rapport. Il se peut fort bien que cette

20 déclaration ait fait partie de documents et articles qui ont pu être ou ne

21 pas être publiés.

22 Je voudrais faire particulièrement référence à ce qui a été dit à propos

23 des citations tirées de l'ouvrage de Burg et Shoup. Ces citations sont

24 également incluses dans des documents que j'ai publiés par ailleurs.

25 Je ne veux pas faire de commentaires, eu égard à la deuxième citation que

Page 13851

1 vous m'avez soumise, car il va falloir que je fasse quelques vérifications

2 de mon côté.

3 Mais je voudrais rajouter ici que jamais, je n'ai vu ce rapport. Et je

4 vous le demande encore une fois: quand ce rapport, le rapport de M.

5 Kecmanovic, a été rendu public?

6 Question: Je ne suis pas ici, Professeur Trifkovic, pour répondre à vos

7 questions. Je ne sais pas si ce rapport a été rendu public ou pas; mais là

8 n'est pas la question.

9 Réponse: Mais si, là est la question. Parce que si vous essayez de dire

10 que j'ai eu accès à ce rapport, si vous essayez de dire que j'ai utilisé

11 les expressions de M. Kecmanovic dans le cadre de la préparation de mon

12 rapport, alors vous sous-entendez que j'ai eu accès à ce rapport et

13 j'affirme, ici, sous serment que je n'ai pas eu accès à ce rapport. Il est

14 parfaitement légitime, par conséquent, que je vous pose la question de

15 savoir quand et dans quelles circonstances ce rapport a été rendu

16 accessible au public.

17 Question: A moins que quelqu'un vous ait donné ce rapport?

18 Réponse: Encore une fois, je vous affirme que cela n'a pas été le cas: je

19 n'ai pas eu accès à ce rapport. C'est aujourd'hui la première fois que je

20 le vois.

21 Question: Très bien. Nous allons le parcourir ensemble.

22 Je voudrais maintenant vous renvoyer à votre paragraphe qui apparaît à la

23 page 19. Deuxième paragraphe de cette page. Je vous cite: "Dans le

24 contexte bosnien, le premier signe qui a été envoyé, a été le refus des

25 partis non serbes de faire partie d'un conseil portant sur des questions

Page 13852

1 d'égalité entre les nations, qui devaient être la base constitutionnelle

2 de toute la Bosnie-Herzégovine multiethnique.

3 En 1990, l'amendement 70 de la Constitution de la République a prévu la

4 formation de cet organe qui devait compter 60 députés, 20 députés émanant

5 de chacune des trois nations constituantes. Cet organe devait décider, sur

6 la base exclusive du consensus, de quelle façon devaient être tranchées

7 les questions qui lui étaient soumises par au moins 20 députés de la

8 Chambre basse de l'assemblée". (Fin de citation.) Il y a une note de bas

9 de page qui concerne ce passage. D'où tirez-vous ce passage?

10 Réponse: L'amendement 70 de la Constitution est quelque chose qui relève

11 du domaine public; chacun peut le consulter. Mais je ne pensais pas qu'il

12 était nécessaire de faire une note de bas de page pour des documents qui

13 sont du domaine public.

14 Question: Très bien. J'accepte votre réponse. Avez-vous regardé cet

15 amendement avant d'écrire ce paragraphe?

16 Réponse: Je me suis penché sur les amendements apportés à la Constitution

17 de 1990, il y a quelques années. J'avais pris des notes relatives à

18 l'amendement 70 parce qu'il me semblait que cet amendement était très

19 intéressant et je savais qu'il avait fait l'objet d'un débat nourri.

20 Question: Donc la réponse à ma question est que vous n'avez pas regardé

21 cet amendement?

22 M. Trifkovic (interprétation): Pas précisément, et pas précisément dans le

23 cadre de la rédaction de ce paragraphe.

24 Mme Korner (interprétation): Très bien. Merci de regarder maintenant un

25 exemplaire du Journal officiel de la République de Bosnie-Herzégovine.

Page 13853

1 Nous allons vous remettre la version en BCS de ce document; il existe un

2 exemplaire de ce document qui peut être remis à la défense.

3 M. le Président (interprétation): Je voudrais rappeler à l'accusation de

4 ne pas nous tromper dans l'ordre d'attribution des cotes.

5 Est-ce que vous souhaitez verser au dossier les pages de document que vous

6 avez citées ce matin? Est-ce que ce versement vous semble nécessaire?

7 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, non, je ne crois pas

8 que ce soit nécessaire. Le témoin a déclaré qu'en fait la citation n'était

9 pas tirée de cet ouvrage; donc ce n'est pas nécessaire.

10 M. le Président (interprétation): Bien. Et qu'en est-il du rapport de M.

11 Kecmanovic? Vous souhaitez le verser au dossier?

12 Mme Korner (interprétation): Oui.

13 M. le Président (interprétation): Il s'agira donc de la cote S414A. Je

14 suppose qu'il est également disponible, ce rapport, en BCS. Est-ce qu'il

15 pourrait être remis à M. Stakic?

16 Mme Korner (interprétation): Il faudra que je m'en assure, mais sans doute

17 a-t-il été disponible en BCS.

18 M. le Président (interprétation): Très bien. Donc ce rapport reçoit la

19 cote provisoire S414.

20 Maintenant, nous parlons du document du Journal officiel du 31 juillet

21 1990; ce document est un document qui relève de l'Article 65ter. Est-ce

22 que vous souhaitez qu'il soit versé au dossier?

23 Mme Korner (interprétation): Je ne crois pas qu'il ait déjà été versé au

24 dossier. Il faut que je m'en assure.

25 M. le Président (interprétation): Donnons-lui une cote provisoire. Il

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1 s'agira de la pièce S415A.

2 Mme Korner (interprétation): Vous voyez qu'on voit sur ce document

3 l'intitulé –je cite- "Décision portant sur la proclamation des amendements

4 59 à 80 de la Constitution de la République socialiste de Bosnie-

5 Herzégovine"?

6 M. Trifkovic (interprétation): Effectivement.

7 Question: Merci de vous pencher sur le point 10 de cette décision -je

8 cite-: "Un Conseil traitant des questions permettant d'atteindre un statut

9 d'égalité entre les populations et les nationalités de Bosnie-Herzégovine

10 sera constitué au sein de l'assemblée de la République socialiste de

11 Bosnie-Herzégovine. Le Conseil sera constitué d'un nombre égal de

12 représentants de tous les peuples de Bosnie-Herzégovine, à savoir les

13 Musulmans, les Serbes et les Croates, et il sera par ailleurs constitué

14 d'un nombre adéquat de représentants des autres populations, nationalités

15 et groupes vivant en Bosnie-Herzégovine".

16 Je poursuis: "Le Conseil prend ses décisions sur la base d'un accord

17 manifesté par tous les membres représentant les différents peuples et

18 nationalités." (Fin de citation.)

19 Maintenant, je reviens à ce que vous avez écrit à la page 19 de votre

20 rapport. Vous dites –je cite-: "L'amendement 70 prévoyait la constitution

21 d'un organe comptant 60 députés, à savoir 20 députés provenant de chacune

22 des trois nations constituantes."

23 Mais où est-ce que vous voyez cela?

24 Réponse: Cela n'apparaît pas dans la lettre de l'amendement 70. En fait,

25 cela a été dit dans le cours du débat qui a présidé à la naissance de cet

Page 13855

1 organe, dans la période qui a suivi la formation de l'assemblée

2 multipartite suite aux élections de 1990.

3 Cette expression n'apparaissait pas dans la lettre de l'amendement, mais

4 il était évident que l'organe respecterait ce critère de représentation.

5 Quand je dis que cela n'apparaît pas dans l'amendement en soi, il faut

6 préciser qu'au sein des députés et suite à l'élection multipartite, il y a

7 eu une suggestion qui a été faite pour que cette expression apparaisse

8 quelque part.

9 Question: Donc, en fait, il y a eu une erreur?

10 Réponse: Oui, c'est une erreur qui a été faite, et il n'y a pas eu de

11 contestation à cet égard. Il y a eu contestation et controverse quant à la

12 formation de l'organe lui-même, mais tout le monde était d'accord pour

13 dire que, si cet organe devait être constitué, il fallait qu'il compte au

14 maximum 60 personnes, 60 députés. On pensait qu'un organe d'une taille

15 plus importante ne serait pas vraiment fonctionnel.

16 Question: Je vous demande maintenant de vous pencher sur la page 14 du

17 rapport du professeur Kecmanovic, paragraphe 26.

18 Est-ce que vous apercevez les mots –je cite-: "En 1990, un amendement

19 70..."?

20 Réponse: "Amendement à la Constitution", oui, je vois cette expression.

21 Question: Est-ce que vous ne voyez pas une adéquation parfaite entre ce

22 qui apparaît ici et ce qui apparaît dans votre rapport?

23 Réponse: Oui, c'est identique.

24 Question: Comment l'expliquez-vous?

25 Réponse: Encore une fois, je répète que j'ai fait circuler un certain

Page 13856

1 nombre d'éléments qui constituent mon rapport. J'ai envoyé ces passages à

2 un certain nombre de destinataires.

3 Enfin, est-ce que cette traduction a été faite au sein des services de

4 traduction de La Haye, la traduction du rapport de M. Kecmanovic?

5 Question: Je ne suis pas supposée répondre à vos questions, mais je

6 réponds par la négative. Je crois que cette traduction a été assurée par

7 quelqu'un que connaissait le professeur Kecmanovic; cette traduction a été

8 faite à Belgrade.

9 Réponse: Eh bien, j'ai une idée, une idée qui pourrait permettre

10 d'expliquer la situation actuelle, mais je ne voudrais pas formuler cette

11 idée en audience publique. Je voudrais d'abord vérifier exactement ce

12 qu'il en est.

13 Question: Je vais vous donner toute latitude, Professeur Trifkovic, toute

14 latitude de fournir à cette Chambre une explication permettant de nous

15 dire comment un rapport qui a été rédigé en septembre et l'autre en

16 février peuvent contenir des déclarations en tous points identiques.

17 Voulez-vous nous livrer un élément d'explication avant la pause?

18 Réponse: Non, pas pour l'instant, mais ce que je voudrais dire ici, c'est

19 que les hoquets des systèmes électroniques qui caractérisent notre époque

20 permettent à toutes sortes de choses étranges de se produire.

21 Si vous étiez à même de m'assurer que la traduction du rapport du

22 professeur Kecmanovic a été faite ici à La Haye, j'aurais bien du mal à

23 expliquer ce qui a pu se passer. Au vu du fait que certains des éléments

24 de mon rapport ont été rendus accessibles à un grand nombre de personnes,

25 il faut maintenant que je m'assure d'un

Page 13857

1 Si vous étiez à même de m'assurer que la traduction du rapport du

2 professeur Kecmanovic a été faite ici à La Haye, j'aurais bien du mal à

3 expliquer ce qui a pu se passer. Au vu du fait que certains des éléments

4 de mon rapport ont été rendus accessibles à un grand nombre de personnes,

5 il faut maintenant que je m'assure d'un certain nombre de choses: il faut

6 déjà que je m'assure de qui a été le traducteur du rapport Kecmanovic. Je

7 me demande dans quelle mesure les éléments que j'ai pu communiquer avant

8 la publication de mon rapport ont été transmis par les destinataires à des

9 tierces parties. La tâche ne va pas être simple, mais j'ai bien

10 l'intention de mener une enquête pleine et entière sur cette question.

11 Question: Est-ce que vous voulez dire que vous avez cette erreur à propos

12 de l'amendement 70 de la Constitution dans certains autres de vos

13 articles?

14 Réponse: Ce que je veux dire, c'est que les notes que j'ai utilisées pour

15 préparer ce rapport ont été diffusées sous différentes formes et dans

16 différents contextes pendant un certain nombre d'années, et pas forcément

17 seulement depuis septembre ou octobre de l'année dernière.

18 Question: Mais d'ailleurs, quelle importance que ce rapport ait été

19 traduit ici, à La Haye, ou à Belgrade?

20 Réponse: Je vais vous dire précisément la différence que cela peut faire;

21 cela fait une grande différence. Si ce rapport avait été traduit à La

22 Haye, il serait impossible d'expliquer comment une tierce partie aurait pu

23 copier et coller certains éléments que j'aurais moi-même transmis. Si ce

24 rapport a été traduit à Belgrade, alors on peut facilement envisager une

25 situation où quelqu'un aurait fait une utilisation assez créative, si je

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1 peux l'appeler ainsi, donc une utilisation assez créative de mon rapport.

2 Je voudrais moi-même savoir exactement ce qu'il en a été parce que mon

3 prestige et ma réputation sont en jeu. Et je ne vais pas abandonner le

4 morceau facilement.

5 Ce que je peux ajouter par ailleurs, c'est que j'ai été confronté à des

6 problèmes dans le cadre desquels des étudiants s'étaient rendus coupables

7 de plagiat en utilisant certaines citations qui n'avaient pas été

8 attribuées, comme elles l'auraient dû l'être. C'est une situation à

9 laquelle j'ai été confronté au cours de ma carrière universitaire et vous

10 savez quelle liberté on a en utilisant le système de traitement de texte

11 Windows, quelle liberté on a pour jouer sur telle ou telle partie de

12 texte. Mais si l'on essaie de façon très précise de retracer la séquence

13 des événements, la chronologie des événements et si l'on essaie de voir de

14 quelle façon certaines parties de document ont pu être utilisées, eh bien,

15 je pense qu'on peut trouver des choses tout à fait intéressantes.

16 Question: Je sais que l'heure de la pause arrive, Monsieur le Président,

17 mais je vais conclure ici.

18 Ce que vous nous suggérez ici, Monsieur Trifkovic, c'est la chose

19 suivante: le professeur Kecmanovic ayant copié la teneur de votre article,

20 tel qu'il apparaissait sur Internet, a traduit ce passage de l'anglais

21 vers le serbo-croate pour l'inclure dans son rapport; ensuite, son rapport

22 a à nouveau été traduit en anglais aux fins de procès dans le cadre duquel

23 ce rapport était demandé?

24 Réponse: Ah! non, ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que

25 certaines parties de ce rapport ont très manifestement été utilisées à la

Page 13859

1 fois par le professeur Kecmanovic et par moi-même, et cette utilisation a

2 été faite à partir d'une source identique.

3 Question: Et quelle est cette source?

4 Réponse: Eh bien, c'est de cela qu'il faut que je m'assure avant de dire

5 quoi que ce soit en audience publique.

6 Question: Professeur Trifkovic, à votre avis, d'où vous-même et le

7 Professeur Kecmanovic, avez-vous tiré cette information erronée portant

8 sur l'amendement 70?

9 Réponse: Du Professeur Jovan Zametica de Herceg Novi au Monténégro qui

10 travaillé pour mon compte en tant qu'assistant dans le cadre de mes

11 recherches. Il a travaillé, notamment, sur toute cette question de

12 l'amendement 70 et du débat qui avait eu cours à cet égard au sein de

13 l'assemblée bosnienne.

14 Question: Et quand cela s'est-il produit?

15 Réponse: En septembre 2002.

16 Question: Mais vous nous avez dit, il y a une minute, Professeur

17 Trifkovic, que vous n'aviez pas vérifié les éléments d'information

18 relatifs à l'amendement parce que vous avez consulté vos notes.

19 Réponse: Je n'ai pas procédé à certaines vérifications eu égard à

20 l'amendement, parce que je me suis appuyé sur des notes, notes que j'avais

21 prises lorsque je m'étais associé à un expert qui, à mes yeux, est un

22 expert hautement qualifié, qui m'a aidé justement à rédiger ces notes sur

23 l'amendement 70.

24 Question: Madame Korner, nous allons prendre une pause.

25 M. le Président (interprétation): Nous suspendons jusqu'à 11 heures 05.

Page 13860

1 (L'audience, suspendue à 10 heures 38, est reprise à 11 heures 12.)

2 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

3 Je souhaiterais que l'accusation termine dans les 90 minutes qui viennent.

4 Afin que nous puissions voir avec la défense ce qui reste à faire: peut-on

5 en terminer avec sa déposition aujourd'hui?

6 M. Lukic (interprétation): Il ne nous faudra pas plus d'une demi-heure,

7 Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Je vous prie de faire au mieux.

9 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, en fait, cela

10 dépendra: je pourrais peut-être omettre beaucoup de choses que j'avais

11 prévues de demander au témoin, si vous souhaitez que j'en termine plus

12 rapidement.

13 M. le Président (interprétation): Essayons d'avancer.

14 Mme Korner (interprétation): Monsieur Trifkovic, pour en terminer avec

15 votre page 19, vous dites, sous le chapitre intitulé "Les chances perdues

16 pour la paix", que "les trois partis au pouvoir en Bosnie-Herzégovine -le

17 SDA, le SDS et le HDZ- ont réussi, pendant la première moitié de l'année

18 1991, à coopérer plutôt bien dans cet exercice du partage du pouvoir".

19 (Fin de citation.)

20 Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous référer à la page 9 du rapport du

21 professeur Kecmanovic?

22 M. Trifkovic (interprétation): Avant de poursuivre, permettez-moi de

23 revenir à ce que nous avions abordé avant la pause, à savoir la séquence

24 précise des événements tels qu'ils se sont déroulés puisque c'est un point

25 important.

Page 13861

1 Je me suis rendu au Monténégro fin septembre 1992 afin de recueillir

2 l'avis du docteur Zametica au sujet d'un certain nombre de points qui

3 concernaient la période qui nous intéresse. Lorsqu'on prépare ce genre de

4 rapport, il est assez généralement admis de s'appuyer sur des collègues

5 qui travaillent sur le terrain, en fait sur leur travail de recueil et

6 demande d'informations. A cette occasion, il m'a fourni un certain nombre

7 de ses notes et il m'a assuré que rien de tout cela n'avait été publié ni

8 communiqué à d'autres.

9 C'est pour cela que je me suis renseigné précisément pour savoir si ce

10 matériel, qui fait partie du rapport de Kecmanovic, a été communiqué à

11 l'extérieur, a été communiqué à qui que ce soit et si ces traductions

12 avaient été faites à La Haye ou à Belgrade.

13 De toute évidence, si j'avais été au courant du fait que ce matériel -qui

14 m'a été communiqué en m'assurant que c'étaient des notes et que j'étais

15 libre de les utiliser comme je le jugeais utile-, si j'avais été au

16 courant du fait que ceci avait été diffusé et en particulier que cela

17 avait fait partie d'un autre rapport présenté devant ce Tribunal, eh bien,

18 je ne me serais pas servi de ces notes. En fait, je n'avais pas un besoin

19 absolu d'utiliser ces notes.

20 Mais je respecte l'expérience du docteur ainsi que son appréciation des

21 choses et, plus particulièrement, compte tenu du fait qu'il m'a fourni

22 d'autres renseignements utiles des articles de journaux concernant la même

23 période, eh bien, je n'avais aucune raison de me méfier et de penser qu'il

24 y avait eu double usage de ces notes.

25 Donc, si je le dis, je le dis pour que cela soit consigné au compte rendu

Page 13862

1 d'audience. J'ai l'intention de tirer cela -même davantage- au clair avec

2 lui. Je suis très étonné qu'il y ait donc ce chevauchement des rapports du

3 docteur Kecmanovic et de ce qui figure dans mon rapport.

4 Question: Très bien.

5 Réponse: Je serais ravi de pouvoir continuer à comparer les deux documents

6 et je voudrais insister sur le fait que cette confusion ne peut provenir

7 que de l'utilisation à deux reprises d'un même jeu de notes.

8 Question: Alors où se trouvent ces autres notes? Où se trouvent les notes

9 du docteur Zametica?

10 Réponse: Eh bien, j'ai ces notes chez moi, à Chicago, sur une disquette

11 informatique.

12 Question: Donc vous ne les avez pas sur vous?

13 Réponse: Non.

14 Question: Pourquoi n'avez-vous jamais dit, à un moment quel qu'il soit,

15 que c'est le docteur Zametica qui vous a fourni ces notes?

16 Réponse: Parce qu'il m'a explicitement demandé de ne pas citer son nom

17 ici. Il souhaitait donc ne pas en parler. Je ne pense donc pas qu'il

18 cherchait à se faire connaître par cette voie. Tout simplement, il m'a

19 rendu un service amical.

20 Question: Vous nous avez dit hier, et je pense que vous l'avez également

21 dit auparavant, que c'était vous l'auteur de ce rapport?

22 Réponse: Oui, mais c'est une pratique tout à fait répandue lorsqu'on

23 rédige ce genre de rapport, lorsque les universitaires font ce genre de

24 travaux, de s'appuyer donc sur une aide dans la recherche. Il y a

25 quelqu'un qui les aide. Je ne pense pas que, dans mon rapport, il y ait

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1 plus de 8 à 10% de ce genre d'éléments qui constituent les contributions

2 de quelqu'un d'autre.

3 Ces notes m'ont été communiquées en me disant explicitement qu'elles

4 n'avaient été communiquées à qui que ce soit d'autre avant de m'avoir été

5 données.

6 Bien entendu, ce serait complètement ridicule de s'appuyer sur un même jeu

7 d'informations, un même corpus de notes qu'utilise quelqu'un d'autre ou

8 que quelqu'un d'autre a déjà utilisé. Mais je peux vous assurer que je

9 suis en train de me demander si ces deux rapports ne reposent pas en fait

10 sur un même corpus de notes.

11 Question: Oui, je voudrais que ce soit tout à fait clair. Vous avez évoqué

12 la date du mois de septembre 1992: vous parliez de septembre 2002?

13 Réponse: Oui, excusez-moi, septembre 2002.

14 Question: Vous dites que, très vraisemblablement, le docteur Zametica a

15 communiqué ses notes au professeur Kecmanovic avant de vous les

16 communiquer à vous?

17 Réponse: Je suis désolé, mais j'ai l'impression que c'est la seule

18 conclusion à laquelle je puisse arriver compte tenu de la situation. Je

19 n'ai pas pu entrer en contact avec lui et vérifier cela. Je vous assure

20 que je suis ici pour dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité,

21 et que je ne vois pas pourquoi, pour quelle raison au monde, j'irais

22 m'appuyer sur des notes qui ne sont pas hors de tout soupçon, qui auraient

23 pu avoir été utilisées par quelqu'un d'autre. Et je vois encore moins

24 pourquoi j'utiliserais ce genre d'informations devant cette institution en

25 particulier. Mais il s'agit donc d'une pratique généralement répandue: on

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1 s'appuie sur des notes qui nous sont communiquées par des collaborateurs.

2 Question: Lorsque vous parlez de notes, à quoi vous référez-vous?

3 Réponse: Eh bien, il s'agit de… Je veux parler d'un certain nombre

4 d'éléments qui concernent l'évolution de la situation entre le moment où

5 s'est constituée l'assemblée pluripartite du mois de novembre 1992, et ce

6 qui s'est passé au lendemain du référendum qui a été tenu en février, vers

7 le 29 février et le 1er mars. Et lorsque je parle de notes, je pense plus

8 particulièrement aux commentaires qui ont été donnés par des parties

9 tierces au sujet de l'évolution constitutionnelle des choses.

10 Question: C'est précisément ce qui m'intéresse: vous parlez de notes en

11 vous référant à des aspects constitutionnels?

12 Réponse: C'est exact. L'évolution des choses elles-mêmes, que vous avez

13 mentionnées plus particulièrement au sujet des 60 députés, là, de toute

14 évidence, il y a un chevauchement et je vous assure que cela provient

15 d'une même source.

16 Question: Très bien. Nous pourrions nous étendre à l'infini de cette

17 manière-là pour ce qui est du rapport, mais je voudrais maintenant que

18 l'on cite un autre exemple frappant, s'il vous plaît: il s'agit de la page

19 33 de votre rapport, il s'agit d'un chapitre qui est intitulé "Une

20 dernière chance pour la paix: le plan Cutilheiro".

21 Alors, je suppose que c'est vous qui êtes l'auteur de ce qui figure ici et

22 que vous ne vous appuyez pas sur les notes du docteur Zametica? Est-ce

23 exact?

24 Réponse: C'est largement fondé sur les notes qu'il m'a fournies.

25 Question: Fondé, mais l'avez-vous rédigé vous-même, le contenu de ce qui

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1 figure ici?

2 Réponse: Il faudrait que je vérifie cela dans mon dossier originel afin de

3 pouvoir vous en assurer.

4 Mme Korner (interprétation): Pourquoi vous ne vous rapportez pas à la page

5 25 du rapport qui vient du professeur Kecmanovic? Nous avons ici un

6 paragraphe, le paragraphe 52, sous l'intitulé "Le plan Cutilheiro", qui

7 est en tout point identique, mot pour mot, au paragraphe 2 de la page 33

8 de votre rapport.

9 Le paragraphe 54, quant à lui, est identique, mot pour mot, au paragraphe

10 3 figurant en page 33 de votre rapport.

11 Le paragraphe 55 est identique, mot pour mot, à votre paragraphe 4,

12 figurant en page 33.

13 Si nous nous reportons en page 27 à présent, nous avons ici le paragraphe

14 56 du rapport du professeur Kecmanovic qui est identique à votre

15 paragraphe en page 34; il y a une seule différence, à savoir le terme

16 "néanmoins" dans le rapport du professeur Kecmanovic. Et il y a donc une

17 différence au niveau du début du paragraphe.

18 M. Trifkovic (interprétation): J'insiste sur le fait que, dans le contexte

19 de ces 40 pages de mon rapport, il y a environ trois pages qui ont été

20 insérées dans ce rapport et qui se constituent, en fait, en notes qui

21 m'ont été communiquées pour que je puisse les utiliser, sans citer la

22 source.

23 Et ceci est une manière tout à fait naturelle de procéder. Lorsqu'on

24 prépare des textes scientifiques, on travaille avec des associés, des

25 collaborateurs, sans les citer explicitement à tout endroit.

Page 13866

1 M. le Président (interprétation): Lorsque vous voyez ce genre de

2 correspondance parfaite dans un travail fait par un étudiant, par exemple,

3 comment réagiriez-vous?

4 M. Trifkovic (interprétation): Eh bien, je lancerais une petite enquête

5 afin de voir quelles sont les correspondances et, ici, je vous assure,

6 Monsieur le Président, que tout simplement j'ai été induit en erreur,

7 lorsqu'on m'a fait croire que ces notes, qui m'ont été communiquées par un

8 associé, n'avaient été communiquées à personne d'autre. Donc je pensais

9 que j'étais tout à fait libre de les utiliser, qu'elles n'avaient été

10 communiquées nulle part ailleurs et qu'aucune partie tierce n'en avait eu

11 connaissance.

12 M. le Président (interprétation): Nous sommes tous des universitaires, ici

13 présents, et ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'une erreur de fond

14 lorsqu'on ne cite pas sa source?

15 M. Trifkovic (interprétation): A cette réserve près, Monsieur le

16 Président, que lorsque la source ne fait pas partie du domaine public,

17 lorsque vous avez un collaborateur, un associé qui est un étudiant ou un

18 associé qui vous demande explicitement de ne pas être cité, eh bien, il

19 est légitime de ne pas le citer. Autrement dit, lorsque vous préparez un

20 texte scientifique et lorsque vous vous appuyez sur les travaux d'une

21 équipe ou sur le travail des associés ou sur le travail de l'un ou de deux

22 de ces associés, si eux se chargent de certains aspects d'une question, eh

23 bien, lorsque vous utilisez ce qu'ils ont recueilli comme éléments, vous

24 ne citez pas en note en bas de page ce qu'ils vous ont communiqué, puisque

25 cela vous a été fourni spécifiquement pour le texte que vous rédigez.

Page 13867

1 M. le Président (interprétation): Eh bien, ne serait-il pas correct de la

2 part d'un universitaire de citer les noms de ses assistants? Et s'ils ne

3 souhaitent pas que leur identité soit connue, eh bien, il se serait peut-

4 être correct de se référer à eux, au début ou à la fin du rapport, en les

5 remerciant.

6 M. Trifkovic (interprétation): Eh bien, j'aurais été ravi de pouvoir le

7 faire si le docteur Zametica ne m'avait pas explicitement demandé de ne

8 pas le faire en l'occurrence.

9 M. le Président (interprétation): Eh bien, en l'occurrence, vous auriez

10 peut-être pu alors citer cette personne en donnant un pseudonyme ou en le

11 décrivant d'une autre manière, en disant que vous avez bénéficié de l'aide

12 d'une partie tierce, plutôt que de donner l'impression que c'était vous

13 l'auteur de l'ensemble de ce travail.

14 M. Trifkovic (interprétation): Je ne souhaitais pas communiquer l'identité

15 de la personne, ceci aurait été une manière de trahir sa confiance et,

16 malheureusement, cette confiance vient d'être trahie malgré ma volonté, à

17 cause du fait que ce même matériel a été utilisé par quelqu'un d'autre.

18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez poursuivre.

19 Mme Korner (interprétation): Il ne s'agit pas seulement de mêmes éléments

20 d'information, mais cet assistant a rédigé et pour vous et pour le

21 professeur Kecmanovic. Il ne s'agit pas simplement d'une note.

22 M. Trifkovic (interprétation): Nous parlons maintenant d'une page sortie

23 du contexte des 40 pages et nous parlons aussi des deux paragraphes. Je

24 tiens à insister sur le fait que, compte tenu de l'ensemble de ce rapport

25 et compte tenu du fait qu'il représente une tentative plutôt complexe de

Page 13868

1 présenter très succinctement des événements qui couvrent plusieurs années,

2 et qui sont très complexes sur le plan historique et politique, il ne

3 s'agit pas là, en l'occurrence, de la partie essentielle, de la partie

4 cruciale de ce rapport en question.

5 Question: Si vous insistez, je pourrais vous faire parcourir les autres

6 pages où il s'agit d'une reproduction exacte, mot à mot, des mêmes

7 paragraphes. Mais j'aimerais savoir pourquoi ce docteur ne voulait pas que

8 son nom soit mentionné.

9 Réponse: Il ne m'appartient pas de m'exprimer là-dessus, de faire un

10 commentaire quel qu'il soit. Je devrais me renseigner, vérifier cela et je

11 voudrais aussi vérifier pourquoi et comment il s'est produit que ces

12 éléments d'information soient communiqués avant de m'être donnés et

13 étaient donnés à quelqu'un d'autre.

14 Je voudrais vous assurer encore une fois que je n'étais absolument pas au

15 courant de cela et que je n'avais aucune raison de suspecter cela.

16 Question: Et la question à ce sujet est de savoir si vous souhaitez…

17 A la page 19, vous évoquez un passage en haut de la page lorsque vous

18 parlez en fait des "opportunités manquées pour la paix". Professeur, en

19 page de la page 9, vous dites encore une fois: "Lorsque la guerre a éclaté

20 en Croatie…" Ce sont quasiment les mêmes termes, mot pour mot, que le

21 rapport du professeur à la page 10.

22 Et de la page 10 à la page 20, si vous voulez bien vous tourner à la page

23 21, vous faites référence, en février 1991, à Izetbegovic où il parle: "Je

24 sacrifierai la paix pour obtenir la souveraineté de la Bosnie-

25 Herzégovine…"

Page 13869

1 Et ensuite, vous parlez des Serbes, de cris de guerre; et les mêmes

2 citations, exactement mot pour mot, que celles du Professeur à la page 9.

3 Si vous voulez bien, s'il vous plaît, vous tourner vers la page 24. Dans

4 votre note en bas de page, le numéro 53, sur cette même page, vous dites…

5 Est-ce votre note en bas de page où est-ce la note du docteur?

6 Réponse: C'est ma propre note.

7 Question: "Les experts témoins du Bureau du Procureur ont très peu à dire

8 sur la manière dont les événements à Prijedor ont évolué grâce aux

9 initiatives prises par les Musulmans et les Croates". A quels témoins

10 faites-vous référence?

11 Réponse: Je parle des militaires et du professeur Donia dans ce cas-ci.

12 Question: Quand vous dites que "les événements ont évolué ainsi à cause de

13 l'initiative des Musulmans et des Croates à Sarajevo, et que ceci a eu un

14 effet négatif et a masqué le rôle joué par les forces du SDS", est-ce

15 votre opinion? Cette opinion est-elle une opinion fondée sur vos travaux

16 de recherche, les travaux de recherche de vos assistants, ou s'agit-il de

17 la réaction du SDS?

18 Réponse: Si vous regardez la séquence des événements à Prijedor pendant la

19 période qui a suivi le mois de juin 1991, les premiers signes de tension

20 ont vu le jour à cause de l'incapacité du SDA à accepter la nomination du

21 dirigeant serbe au poste de sécurité publique à Prijedor. Il s'agit ici de

22 l'été 1991.

23 Suite aux tensions qui sont survenues après le vote sur l'indépendance et

24 le protocole signé par l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, dans les deux

25 cas, les initiatives venaient du MUP dirigé par Delimustafic. Il

Page 13870

1 s'agissait ici du dirigeant du SDA à Sarajevo. Dans le dernier cas, il

2 s'agissait en fait des résultats du vote obtenus dans le Parlement

3 républicain à Sarajevo.

4 Ceci ne constitue pas des initiatives émanant de Prijedor. Il s'agissait

5 de décisions prises au niveau local.

6 Question: J'entends bien ce que vous dites. Que s'est-il passé exactement

7 au niveau de la République et au niveau local à Prijedor? Dans les deux

8 cas, les Serbes réagissent aux actions entreprises par les Musulmans et

9 les Croates? Ou s'agit-il d'un ensemble des deux?

10 Réponse: Je crois qu'il est effectivement surprenant…

11 Question: Je n'ai pas besoin d'explication supplémentaire.

12 Réponse: Je pense que, dans les événements importants qui se sont

13 produits, les Serbes semblent avoir réagi et n'ont pas été véritablement

14 proactifs.

15 Question: J'aimerais regarder une de ces réactions dont vous faites état.

16 A la page 27 de votre rapport, s'il vous plaît… Non, maintenant, à la

17 lumière de votre note de bas de page "Burg et Shoup", vous précisez que

18 vous avez fait une erreur et qu'à la place, il devrait y avoir Kumar.

19 Réponse: Il s'agit de 61.

20 Question: Oui, très bien. Mais en fait il s'agit de la note 63.

21 Réponse: Non, le 63 correspond à la citation de Simo Miskovic du "Kozarski

22 Vjesnik".

23 Question: Est-ce que vous êtes bien à la page 27 de votre rapport?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Si vous regardez la note en bas de page, n°63.

Page 13871

1 M. Trifkovic (interprétation): Oui.

2 Mme Korner (interprétation): Cela fait référence à la mise en place de

3 Herceg-Bosna.

4 M. le Président (interprétation): Ce que vous avez dit dans de votre

5 déclaration, un peu plus tôt ce matin, vous avez dit qu'il y avait une

6 erreur: qu'au lieu d'avoir la citation 63, il fallait ici faire référence

7 à Kumar, cité en note 60.

8 Mme Korner (interprétation): Vous êtes bien à la page 27 de votre rapport?

9 M. Trifkovic (interprétation): Oui, page 27.

10 Mme Korner (interprétation): Nous avons déjà parlé de cela. Pouvez-vous

11 nous dire donc votre rapport, celui que vous avez sous les yeux… Eh bien,

12 vous avez dû peut-être faire des modifications parce que l'exemplaire que

13 nous avons ne comporte pas la même note en bas de page.

14 Cela n'a pas d'importance, mais je me demande pourquoi nous avons une note

15 en page 61 qui fait référence aux pages 47 à 48, après que la communauté

16 croate…

17 M. le Président (interprétation): Pardonnez-moi, mais je crois qu'il va

18 falloir entrer dans les détails ici. J'aimerais parler du rapport final,

19 de la version définitive de façon à m'assurer que nous n'avons pas versé

20 au dossier le document qui n'est pas approprié, celui du témoin expert,

21 j'entends.

22 Mme Korner (interprétation): Je crois que le document qui a été versé au

23 dossier est celui qui a été déposé le 3 mars 2003. Néanmoins, le docteur

24 Trifkovic m'a clairement indiqué que c'était bien la page. Mais la note en

25 bas de page est différente puisqu'elle indique le n°61.

Page 13872

1 Est-ce que nous avons tous le document… Le document que nous avons tous

2 sous les yeux comporte la note en bas de page 63.

3 Avez-vous apporté des modifications à ce rapport?

4 M. Trifkovic (interprétation): Non, pas depuis que ce document a été remis

5 et ceci a été imprimé avant mon voyage au Moyen-Orient, il y a un mois

6 exactement.

7 Mme Korner (interprétation): Bon. Je ne vous suggère pas de passer en

8 revue l'ensemble du document, à moins que M. le Président…

9 M. le Président (interprétation): Non, je crois que c'est à la défense de

10 clarifier ce point. Peut-être qu'on peut comparer ce rapport, celui que

11 nous avons sous les yeux et qui se termine à la page 38, et dont la note

12 en bas de page est le n°101. Il semblerait que des modifications aient été

13 apportées entre-temps, par la suite.

14 Mais notre temps est un temps précieux. Par conséquent, il ne faut pas

15 perdre le temps de l'expert. Je vous prie de bien vouloir poursuivre.

16 Mme Korner (interprétation): Qu'il s'agisse du n°61ou 63, la référence,

17 quoi qu'il en soit, est erronée et ne fait donc pas référence à Burg et

18 Shoup. C'est exact?

19 M. Trifkovic (interprétation): La page 47 à 48, si je me souviens bien,

20 fait référence à la séparation et la chute de Kumar.

21 Question: Pouvez-vous regarder, s'il vous plaît, à la page 15 du rapport

22 du professeur qui évoque les services rendus du bout des lèvres, au

23 paragraphe 23?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Et il a des notes en bas de page comme vous, mais il cite

Page 13873

1 l'ouvrage exact.

2 Réponse: Oui, parce que la séquence a changé. Il a inséré ses notes en bas

3 de page avant celle où j'évoque dans ma note citée par Miskovic, à la

4 suite du plébiscite; il s'agit du plébiscite cité par Miskovic.

5 Question: Regardons maintenant votre affirmation que vous faites vous-même

6 et le professeur. Vous dites que, ce même mois, le HDZ a mis en place la

7 Communauté croate d'Herceg-Bosna.

8 A quel mois faites-vous référence?

9 Réponse: Je fais référence ici au mois d'octobre 1991.

10 Question: Où voyez-vous cela?

11 Réponse: Si vous regardez…

12 Question: Non, non, non, s'il vous plaît, dans votre rapport: où

13 mentionnez-vous le mois d'octobre?

14 Réponse: Toute référence aux différentes choses qui avaient lieu à ce

15 moment-là était contraire à la Constitution de la République de Bosnie-

16 Herzégovine, à ce moment-là.

17 Question: Non, permettez-moi, je souhaite faire une pause. Je ne vous

18 demande ce qui s'est produit à ce moment-là, je vous demande si, dans

19 votre paragraphe, vous faites référence au mois d'octobre parce que vous

20 dites: "Le HDZ semblait manifestement apporter son soutien au concept de

21 souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, mais il ne s'agissait que d'un

22 cautionnement du bout des lèvres". Vous dites: "Cependant, pendant le même

23 mois,..."

24 Réponse: Le mois auquel je fais référence est le même mois qui traite de

25 la question assez délicate de la politique en Bosnie, à savoir le résultat

Page 13874

1 du vote de l'assemblée et du consensus, etc. Il s'agit en fait des

2 événements qui se sont produits au moins d'octobre lorsque le vote sur

3 l'indépendance a eu lieu.

4 Question: Très bien, mais en fait vous ne citez pas un mois dans ce

5 paragraphe, n'est-ce pas?

6 Réponse: Je fais référence au vote qui a eu lieu à l'assemblée. C'est à la

7 page précédente: "La nuit du 14 au 15 octobre, lorsque le SDA et le HDZ

8 ont voté sur ce protocole d'indépendance...".

9 Question: Très bien. Vous parlez du mois d'octobre: le HDZ a mis en place

10 la Communauté croate d'Herceg-Bosna et ensuite le SDS a répondu en

11 organisant, les 9 et 10 novembre, un plébiscite de son côté?

12 Réponse: La réponse du SDS n'était pas en réaction au HDZ en tant que tel.

13 La réponse du SDS était surtout une réponse au vote qui avait lieu à

14 l'assemblée, vote du SDA et du HDZ le 14 octobre.

15 Question: Très bien. Vous dites donc en réponse au 10 novembre: "Il ne

16 s'agit pas en fait d'établir un lien avec la mise en place de la

17 communauté -pardonnez-moi-, la mise en place par le HDZ de la Communauté

18 croate"?

19 Réponse: Non, il faudrait lire "en même temps que le vote à l'assemblée,

20 les 14 et 15 octobre".

21 Question: Parce que vous savez parfaitement bien que les Serbes n'auraient

22 pas pu réagir au plébiscite, les 9 et 10, à la mise en place de la

23 Communauté d'Herceg-Bosna?

24 Réponse: C'est pré-daté.

25 Question: Pardonnez-moi. N'est-ce pas?

Page 13875

1 Réponse: Oui, c'est le cas.

2 Question: Le plébiscite en fait est intervenu avant la mise en place?

3 Réponse: Absolument. Je parle en fait de la réaction serbe qui est une

4 réaction à des questions très délicates et difficiles portant sur la

5 politique en Bosnie. En d'autres termes, la fin du paragraphe fait

6 référence à l'action du HDZ qui n'a pas donné lieu à une réponse de la

7 part des Serbes.

8 La réponse de la part des Serbes, qui est mentionnée au paragraphe 2, fait

9 référence au vote du SDA et du HDZ sur ce protocole.

10 Question: Oui. Vous avez dit il y a quelques instants "le même mois": vous

11 vouliez dire par là le mois d'octobre 1991? Parce que, ce même mois, le

12 HDZ avait mis en place la Communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas

13 ou non?

14 Réponse: Il s'agit d'une erreur concernant la citation de ce mois. Oui.

15 Question: Et curieusement, le professeur Kecmanovic a fait la même erreur?

16 Réponse: Oui, en fait, j'admets tout à fait qu'à la fin de ce paragraphe,

17 les notes qui m'ont été fournies par le docteur Zametica n'avaient pas été

18 rendues publiques ni diffusées et n'avaient pas été mises à la disposition

19 de tiers.

20 Question: Et je crois qu'en fait, c'est peu approprié d'en conclure que

21 vous avez copié aveuglément ce qu'avait écrit le professeur?

22 Réponse: Non, il ne s'agit pas de copier aveuglément. Il s'agit ici de

23 faire référence encore une fois à la suite de la phrase. Il est très

24 facile en fait de faire une erreur à cause du contexte de l'époque. Ce que

25 j'entendais par là, c'est que le HDZ, ce mois-là, le même mois où les

Page 13876

1 Serbes ont eu leur plébiscite, l'ordre en fait dans lequel l'argument se

2 poursuit aurait dû être inversé. Ce qui s'est passé au mois de novembre en

3 fait devrait citer le plébiscite serbe et la déclaration du HDZ.

4 Question: Mais c'est le HDZ, comme vous l'appelez, qui a réagi au

5 plébiscite tenu par les Serbes, n'est-ce pas?

6 M. Trifkovic (interprétation): La décision croate n'était pas simplement

7 une réponse ou une réaction au plébiscite serbe. Il s'agissait de

8 l'aboutissement d'une politique mise en place par Tudjman lui-même et ses

9 dirigeants lors d'une réunion qui s'est tenue avec les hommes politiques

10 croates de Bosnie-Herzégovine à Zagreb, le 10 et le 17 juin 1991.

11 Mme Korner (interprétation): Très bien. Voulez-vous bien regarder, s'il

12 vous plaît, un article du journal "Oslobodjenje"?

13 (Intervention de l'huissier.)

14 M. le Président (interprétation): Pendant que vous faites vos recherches,

15 puis-je demander au professeur, s'il vous plaît, quand avez-vous prévu de

16 partir aujourd'hui?

17 M. Trifkovic (interprétation): Malheureusement, étant donné la possibilité

18 de voir cette procédure continuer pour plus longtemps que prévu, j'ai

19 retardé mon départ ce soir et mon départ pour Londres demain matin. Donc

20 ne vous sentez pas gêné par cela, mais je ne souhaite pas dépasser le jour

21 d'aujourd'hui.

22 M. le Président (interprétation): Pardonnez-moi de vous avoir interrompu,

23 mais il faut, je crois, tenir compte du calendrier. Nous avons donc trois

24 alternatives possibles: la première donc, nous allons poursuivre jusqu'à

25 14 heures 45 et, ensuite, de 16 heures 15 à 17 heures 30, ce qui serait

Page 13877

1 une solution un petit peu tardive. C'est aux parties d'en décider.

2 Et donc de poursuivre jusqu'à 12 heures 30 et, ensuite de reprendre à 14

3 heures jusqu'à 16 heures 30.

4 Ou de poursuivre jusqu'à 13 heures 30 et de reprendre entre 15 heures et

5 16 heures 30.

6 Quelqu'un s'oppose-t-il à ce que nous poursuivions jusqu'à 12 heures 30

7 pour reprendre ensuite à 14 heures jusqu'à 16 heures 30?

8 M. Lukic (interprétation): Je n'ai pas d'objection.

9 Mme Korner (interprétation): Je n'ai pas d'objection.

10 M. le Président (interprétation): Donc nous allons continuer jusqu'à 12

11 heures 30 et reprendre à 14 heures jusqu'à 16 heures 30.

12 Mme Korner (interprétation): Avez-vous l'article original, Professeur?

13 M. Trifkovic (interprétation): Non, ce n'est pas l'original, c'est une

14 traduction.

15 Question: Je vais vous montrer l'original de façon à ce que vous

16 confirmiez que vous avez bien l'original entre les mains.

17 Il s'agit de l'article daté du 20 novembre 1991; il s'agit de l'auto-

18 organisation de la Posavina et de Herceg Bosna.

19 "La communauté de Bosanska Posavina a été créée le 12 novembre et la

20 Communauté croate de Herceg Bosna a été mise en place le 18 novembre en

21 Bosnie-Herzégovine. Comme il a été dit hier, lors d'une conférence de

22 presse du HDZ, il s'agit ici d'initiatives prises, mises en place par le

23 peuple croate d'autoproclamation du peuple croate. Et c'est une réponse

24 concrète à la formation des régions autonomes de Serbie". (Fin de

25 citation.)

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1 Je crois que nous n'avons pas besoin de lire le reste de l'article.

2 Réponse: Mais d'un autre côté, il s'agit de la mise en place d'un système

3 qui protège les intérêts du peuple croate. Nous avons, de Mate Boban lui-

4 même, une opinion tout à fait opposée -et je cite-: "Il ne s'agit pas

5 d'une réaction contre le plébiscite serbe, mais comme le résultat d'une

6 politique qui avait été mise en place par la communauté démocratique

7 croate", qui est exactement ce que je viens d'indiquer il y a quelques

8 instants, lorsque je parlais de la politique de Tudjman et sur laquelle

9 les partis étaient tombés d'accord lors de la réunion à Zagreb au mois de

10 juin 1991.

11 Question: Le fait, en fait, que ceci se soit produit une semaine ou peut-

12 être deux jours après le plébiscite serbe -dans l'autre cas, peut-être une

13 semaine-, démontre néanmoins que les Serbes ont réagi aux initiatives

14 prises par le HDZ.

15 Est-ce vraiment ce que vous êtes en train de dire?

16 Réponse: Ce que je dis, c'est que le plébiscite serbe ne peut aucunement

17 être considéré comme étant l'élément qui a conduit le HDZ à réagir de

18 cette façon parce que le plébiscite était un plébiscite officieux et qui

19 ne faisait pas valoir les intérêts ou les souhaits du peuple serbe dans sa

20 totalité, et n'avait aucune conséquence sur le plan constitutionnel ou

21 juridique. Et dans ce sens, le plébiscite diffère du référendum.

22 S'il fallait évaluer la situation décrite par ces deux articles

23 contradictoires, je dirais que Mate Boban a sans doute raison lorsqu'il

24 dit qu'il ne s'agit pas d'une réaction au plébiscite serbe, mais qu'il

25 s'agit du résultat ou de l'aboutissement d'une politique démocratique

Page 13879

1 croate qui existait déjà avant cet événement. Mais d'un autre côté,

2 Stjepan Klujic, ou quelle que soit la personne qui a fait cette

3 déclaration, a peut-être jugé prudent de mettre cette décision dans le

4 contexte à la suite du plébiscite serbe pour ainsi nous donner une

5 justification pour quelque chose qui n'avait pas été prévu.

6 Question: Encore une fois, il serait tout à fait erroné de dire que vous

7 êtes d'accord avec Mate Boban parce qu'il cautionne votre théorie serbe

8 sur ces événements?

9 Réponse: Pardonnez-moi, c'est tout à fait le contraire. Je pense que Mate

10 Boban déclarait sans doute qu'il ne s'agissait pas d'une réaction au

11 plébiscite serbe, mais de l'aboutissement d'une politique qui existait

12 auparavant du HDZ.

13 Question: S'agissait-il d'une réaction à la création des Régions autonomes

14 qui avaient été mises en place plus tôt? C'est en tout cas ce que dit

15 l'article.

16 Réponse: Si nous regardons la manière dont le peuple croate, dans cet

17 article, a parlé de ses intérêts, et Mate Boban nie qu'il s'agit d'une

18 réponse au plébiscite serbe et affirme que le pouvoir réel, légitime et

19 démocratique de la Communauté croate en Bosnie-Herzégovine fait partie

20 d'une position… est la même que la position de Mate Boban, à savoir que

21 les trois nations constitutives de Bosnie-Herzégovine, les Croates,

22 devraient être établies et se protéger de façon à défendre leurs intérêts

23 collectifs, individuels et politiques.

24 Mme Korner (interprétation): Très bien. Peut-on retourner un petit peu en

25 arrière, Monsieur le Président? J'ai une pièce ici à présenter.

Page 13880

1 M. le Président (interprétation): Il s'agit de l'auto-organisation de la

2 pièce SK416A et de l'autre 417.

3 Mme Korner (interprétation): Voulez-vous bien regarder le rapport à

4 nouveau à la page 27?

5 Vous dites: "Le plébiscite a clairement démontré que, quelles que soient

6 les personnes qui représentaient la majorité à Prijedor, ce n'était en

7 tout cas pas le SDA." Qu'entendiez-vous par là?

8 Réponse: Parce que le peuple qui a cautionné le plébiscite n'était pas

9 seulement, parce que les personnes qui ont voté en faveur du plébiscite

10 n'étaient pas simplement des électeurs du SDS.

11 En d'autres termes, il y avait des personnes qui s'étaient déclarées en

12 faveur de la Yougoslavie parce qu'à long terme, c'était leur choix en tant

13 qu'électeurs. Il y avait des personnes qui soutenaient la Ligue des

14 communistes et du mouvement pour la Yougoslavie; c'étaient des personnes

15 qui faisaient partie des associations d'anciens combattants, des personnes

16 qui se déclaraient être Yougoslaves plutôt que Serbes au sens ethnique du

17 terme.

18 Il faut se souvenir que, dans le contexte du plébiscite qui s'est tenu à

19 Prijedor, on ne considérait pas que ce plébiscite était un plébiscite en

20 faveur de la Grande Serbie, mais plutôt un plébiscite qui respectait celui

21 d'un Etat qui intégrait un gouvernement de coalition.

22 Question: Les seules personnes, à quelques exceptions près, qui ont voté

23 en faveur de ce que vous avez appelé le plébiscite étaient des Serbes.

24 Réponse: Eh bien, avec tout le respect que je vous dois, je dois souligner

25 le fait que, conformément au recensement de 1991, un nombre important de

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1 citoyens de Prijedor ont déclarés qu'ils n'étaient ni Serbes ni Musulmans

2 ni Croates, mais qu'ils étaient Yougoslaves. Je n'ai pas les chiffres

3 devant moi et bon nombre de personnes qui s'appelaient ou qui se disaient

4 Yougoslaves soutenaient le plébiscite. Il apparaît tout à fait clair,

5 d'après les déclarations et des proclamations faites à ce moment-là et

6 consignées dans le "Kozarski Vjesnik" et des organisations évoquées plus

7 haut, qu'il s'agit en fait d'un plébiscite plutôt yougoslave, qui n'avait

8 pas un caractère à proprement parler et ethniquement parlant serbe.

9 Question: Pardonnez-moi, professeur, mais acceptez-vous qu'en 1991, les

10 Musulmans étaient, au plan démographique, les plus nombreux à Prijedor?

11 Réponse: Conformément au recensement de 1991, oui, je crois que le ratio

12 était de 51 à 49.

13 Question: Très bien. Alors comment se fait-il qu'un plébiscite où les

14 Serbes se sont exprimés -et vous dites que d'autres personnes ont

15 participé à ce plébiscite-, les Yougoslaves et d'autres personnes ont

16 clairement démontré que la majorité à Prijedor était représentée par le

17 SDA?

18 Réponse: La réponse est tout à fait simple: au moment du recensement, un

19 nombre important de personnes se déclaraient ni Serbes ni Musulmans ni

20 Croates, mais Yougoslaves et ils ont voté en faveur du plébiscite parce

21 qu'ils voulaient rester à l'intérieur de la Yougoslavie. Je pense que,

22 pour les personnes qui se disaient Yougoslaves, au sens ethnique du terme,

23 il n'était pas surprenant de choisir ou de vouloir rester à l'intérieur de

24 la Yougoslavie sans pour autant vouloir se rallier à la cause du SDS.

25 Question: Pouvez-vous nous dire combien de personnes étaient Musulmanes,

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1 qui ont voté en faveur de ce plébiscite du SDS?

2 Réponse: Non, je ne peux pas. Je soupçonne néanmoins que, parmi les

3 personnes qui se disaient Yougoslaves, il y a à la fois des Serbes et des

4 Musulmans. Il s'agissait en fait de protéger et de maintenir un Etat

5 suffisamment puissant, qui puisse intégrer les différents éléments de la

6 société en Bosnie-Herzégovine et qui avait des liens forts avec les

7 partisans et les anciens combattants et les membres de l'ancien Parti

8 communiste.

9 Question: Savez-vous qu'il y avait différents scrutins de couleurs

10 différentes? Il y en avait un pour les Serbes et un pour les autres.

11 Réponse: Oui, tout à fait.

12 Question: Savez-vous qu'il y avait deux questions distinctes, une pour les

13 Serbes et une pour les non-Serbes?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Très bien, pouvons-nous avancer, s'il vous plaît?

16 J'aimerais que vous vous tourniez maintenant à une note que vous avez

17 faite à la page 26 de votre rapport où vous parlez de "la souveraineté

18 contre la légalité ou l'égalité nationale". Il s'agit de la page 13 du

19 rapport du professeur Kecmanovic et qui commence de la même façon: "La

20 souveraineté et la Constitution…".

21 Bien. A la page 29, s'il vous plaît: "Proclamation de la République serbe.

22 La mise en place des autorités serbes autonomes, loin de faire partie

23 d'une grande organisation ou d'une entreprise criminelle conjointe, peut

24 être perçue comme une réponse nécessaire à la situation d'urgence et à la

25 position à partir de laquelle il faut commencer à négocier".

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1 Qui vous a demandé de parler d'une entreprise criminelle commune?

2 Réponse: Personne. Je sais que la proclamation de la République serbe de

3 Bosnie-Herzégovine, en janvier, le 9 janvier, a été considérée comme une

4 entreprise criminelle commune. C'est comme cela qu'on l'a appelée et j'ai

5 jugé approprié d'utiliser ce terme parce que je pense que cet acte, qui

6 date du 9 janvier, est à la fois une réaction et une manière de conclure

7 et qui est est une façon d'affirmer une position qui aurait pu être

8 modifiée par les négociations ultérieures.

9 Question: Ces organes autonomes, à savoir les SAO, sont le résultat d'une

10 improvisation de quelque chose qui n'a surpris personne puisqu'il n'y

11 avait eu aucun accord schéma directeur du SDS auparavant? C'est ce que

12 vous affirmez?

13 Réponse: Je ne suis pas au courant, je ne sais pas s'il y a eu un schéma

14 directeur du SDS, mais je pense qu'il y a eu un certain nombre de

15 réactions, de réponses improvisées par le SDS pendant les mois d'octobre,

16 novembre, décembre 1991 et janvier 1992. Et ceci indique clairement qu'il

17 y a eu des tentatives un peu précipitées ou ad hoc pour mettre en place

18 quelque chose à la suite d'un plan qui aurait été conçu et bien monté sur

19 le plan stratégique.

20 Question: Avez-vous regardé, avez-vous lu le jugement de votre ancien,

21 pardonnez-moi, patron ou de votre ancien associé, Mme Plavsic?

22 M. Trifkovic (interprétation): Non, mais j'ai entendu sa déclaration.

23 Mme Korner (interprétation): J'aimerais que vous le regardiez, s'il vous

24 plaît. J'aimerais que vous le regardiez, pardonnez-moi, ce document. Il

25 s'agit ici du plaidoyer de culpabilité et des différents éléments qui en

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1 constituent le fond.

2 Je pense, Messieurs et Madame les Juges, je pense que vous avez les

3 exemplaires.

4 M. Lukic (interprétation): Je soulève une objection, Monsieur le

5 Président. Si ce témoin n'a pas été appelé à témoigner, comment pourrait-

6 il… comment pouvons-nous lui poser des questions sur sa déclaration?

7 Mme Korner (interprétation): Il s'agit en fait, Monsieur le Président, de

8 savoir non pas ce qu'elle a dit mais sa réaction à la lumière de cette

9 affirmation.

10 M. le Président (interprétation): Comme il a été décidé à plusieurs

11 reprises depuis le début de cette affaire, les parties ont le droit,

12 toutes les fois que ceci est bien fondé, elles peuvent poser des questions

13 au témoin. Il ne s'agit pas de savoir si l'auteur de ces documents ou de

14 ces déclarations va un jour témoigner devant ce Tribunal.

15 Mme Korner (interprétation): Avez-vous lu cela avant?

16 M. Trifkovic (interprétation): Oui.

17 Question: Quand l'avez-vous lu?

18 Réponse: On me l'a envoyé par Internet peu de temps après. Je savais qu'il

19 y avait un plaidoyer depuis l'automne dernier.

20 Question: Donc vous avez écrit vous-même; il s'agit en fait de votre

21 propre rapport avant de l'avoir rédigé. Vous saviez ce qu'elle avait dit,

22 vous connaissiez en fait le fondement de son plaidoyer?

23 Réponse: Le fondement du plaidoyer de Mme Plavsic est, dans ses propres

24 termes, la manière dont elle a compris les événements et son sentiment de

25 remords pour avoir participé à quelque chose ou à des événements qui ont

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1 été perçus comme tels. Aucune mention n'est faite que le leader du Parti

2 démocratique serbe,… qui pourrait indiquer que son plaidoyer avait été

3 accepté par tout le monde comme étant la position de SDS et des dirigeants

4 du SDS.

5 Question: Il s'agit de… Vous couchez ceci dans des termes absolument

6 extraordinaires, si je puis m'exprimer ainsi, Professeur Trifkovic. Vous

7 dites et vous affirmez qu'il n'y avait aucun plan directeur du SDS sur les

8 mesures à prendre?

9 Réponse: Non, pas tout à fait précisément.

10 Question: Un moment, s'il vous plaît. C'est ce que vous dites dans votre

11 rapport à la page 29.

12 Réponse: Madame Plavsic dit dans cet article, au paragraphe 9, que "la

13 réunion constitue une étape significative, eu égard à l'évolution de la

14 stratégie et des objectifs politiques et, en particulier, eu égard à la

15 détermination pour mettre en place le territoire ethniquement serbe en

16 Bosnie-Herzégovine".

17 Ceci ne signifie pas, à mon sens, qu'un accord avait été trouvé lors de la

18 réunion à la suite du vote de l'assemblée pour mettre en place les

19 territoires ethniques en Bosnie-Herzégovine. Et c'est la manière dont elle

20 comprenait les choses, mais je crois que c'était son objectif. Il s'agit

21 de deux choses différentes.

22 Question: Je suis sûre -vous êtes avocat et vous apprécierez- que les

23 Serbes souhaitaient par cela mettre en place des institutions politiques

24 qui leur permettraient de donner libre cours à leur détermination et de ne

25 pas être obligés de faire face au fait accompli; et de ne pas être obligé

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1 de sortir de la Yougoslavie sans leur plein gré. A savoir, si le docteur

2 Plavsic percevait cela comme étant l'autodétermination, la possibilité de

3 mettre en place des territoires ethniquement serbes, cela signifie qu'il

4 s'agit, par là même, du nettoyage des non-Serbes. Là, je crois qu'il

5 s'agit de quelque chose de tout à fait différent.

6 Regardons maintenant un paragraphe différent, le paragraphe 10: "Le SDS et

7 le leader serbe de Bosnie, dont le premier but était que tous les Serbes

8 de l'ex-Yougoslavie restent dans un Etat commun... Une méthode qui

9 permettrait de réaliser ces objectifs serait de séparer les communautés

10 ethniques en Bosnie-Herzégovine. Au mois d'octobre 1991, les dirigeants

11 serbes de Bosnie, y compris Mme Plavsic, savaient et avaient l'intention

12 de séparer les communautés ethniques, et cela signifie qu'il était

13 important de faire disparaître des populations ethniques, soit par

14 l'accord, soit par la force, et savaient également que tout retrait forcé

15 des non-Serbes des territoires réclamés par les Serbes impliquerait une

16 campagne discriminatoire de persécution".

17 Avez-vous dit que c'était conforme à votre affirmation qu'il n'y avait pas

18 de plan directeur mis en place par le SDS?

19 Réponse: Il s'agit en fait de la question la plus importante qui a été

20 posée aujourd'hui. Je crois que je refuse d'accepter que, d'après le

21 compte rendu de Mme Plavsic sur les intentions serbes, qu'il n'y avait

22 aucun désir universellement reconnu par les dirigeants du SDS. Si cela

23 devait en être ainsi, il serait peu convenant en fait d'y avoir été

24 associé.

25 Cependant, j'ai encore quelquefois Mme Plavsic… Je pense que tenant compte

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1 des intentions qui avaient été avancées, ce qu'on recherchait à ce moment-

2 là n'était pas partagé par les membres du SDS, en tout cas pas des hommes

3 sur le terrain.

4 Question: Très bien. Vous dites que Mme Plavsic a fait une erreur

5 absolument terrible et, à partir de 1992, elle avait l'impression qu'un

6 accord entre le SDS et les leaders serbes de Bosnie avait été conclu en

7 vue de commettre ces délits, mais qu'elle ne se trompait pas complètement?

8 Réponse: Je ne dis pas qu'elle se trompe complètement, je dis simplement

9 que, dans sa situation et eu égard aux événements qui se sont produits,

10 souvent improvisés, des hypothèses ont été avancées en vertu desquelles,

11 quelquefois et tel que cela a été illustré dans certains documents,

12 différentes choses ont été dites par différentes personnes.

13 Rappelez-vous que, dans la période en question, Mme Plavsic avait la

14 réputation d'être un membre du corps dirigeant serbe de Bosnie, quelque

15 peu animée certainement, mais elle aurait pu être perçue comme étant un

16 membre assez radical. C'était dû en fait à l'évolution de sa carrière. Et

17 elle a accepté ensuite de travailler avec la communauté internationale.

18 Cela a été une interlocutrice tout à fait utile.

19 Je ne souhaite pas spéculer sur l'étendue de son erreur ou des différentes

20 politiques sur lesquelles on est tombé d'accord peut-être. Je suggère

21 simplement qu'il s'agit de différents documents qui semblent indiquer

22 qu'une politique de persécution ethnique ait été mise en place. Il s'agit

23 en fait de nettoyage ethnique. Et elle pense qu'elle est coupable de cela.

24 Il serait très difficile pour moi d'accepter sa déclaration, comme vous

25 savez. Je ne peux pas accepter qu'il y ait des preuves concluantes

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1 cautionnant un schéma directeur, comme cela est mis en place par les

2 dirigeants serbes.

3 Question: C'est exactement la question que je vous ai posée. Vous dites en

4 fait qu'il s'agit d'un membre dirigeant des Serbes de Bosnie, un petit peu

5 animée, qu'elle avait une façon…, que l'impression qu'elle avait et ses

6 points de vue lors de ces différentes réunions étaient complètement

7 erronés. Est-ce vraiment ce que vous dites?

8 Réponse: Bon. Je crois qu'il s'agit, que c'est une question ici. Cela ne

9 fait aucun doute que le leader serbe de Bosnie avait l'intention, après la

10 suite du vote de l'assemblée du 14 octobre, de mettre en place des

11 intuitions politiques qui donneraient un sens à la détermination politique

12 du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine.

13 Cela ne fait aucun doute non plus que cette intention était d'acquérir des

14 territoires en premier lieu des communautés des municipalités et de les

15 rattacher à la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Mais ces différents

16 organes ne peuvent pas être considérés comme une réorganisation de l'ordre

17 de la Constitution.

18 Je ne suis pas tellement satisfait du témoignage de Mme Plavsic sur les

19 faits établis et d'avoir accepté de manière universelle que de tels

20 éléments aient fait partie de la prise de décision en Bosnie-Herzégovine.

21 Question: Les Serbes réagissaient-ils aux événements et non pas à une

22 stratégie qu'ils auraient planifiée d'avance?

23 Réponse: Je voudrais dire que, si l'on regarde les différents éléments

24 émanant de la structure du pouvoir qui était en place, si l'on regarde

25 notamment ce qui a été fait par Abdic Zulfikarpasic du côté musulman, on

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1 peut aisément utiliser leurs déclarations sur la base… en se disant que la

2 base de la politique d'Izetbegovic était très claire dès le départ et

3 visait à priver les Serbes de leurs droits constitutionnels.

4 Si l'on regarde les événements tels qu'ils se sont déroulés -et il y a des

5 documents qui étayent ce qui s'est passé-, on peut obtenir certaines

6 conclusions, mais qu'il faut confronter aux conclusions auxquelles on peut

7 arriver en regardant d'autres documents, des documents qui traitent de la

8 politique à respecter eu égard aux minorités ethniques. Ces documents ne

9 me laissent pas penser qu'il y avait une politique claire du SDS visant à

10 modifier l'équilibre ethnique en place par la force. Si vous estimez que

11 Mme Plavsic et ses aveux suffisent pour établir de telles affirmations au-

12 delà de tout doute raisonnable, eh bien je dois vous dire que je ne serais

13 pas d'accord avec vous dans cette démarche.

14 Mme Korner (interprétation): Mais vous comprenez bien, n'est-ce pas, la

15 différence qui existe entre une déclaration publique faite dans un journal

16 et les faits qui sont à la base d'un plaidoyer de culpabilité. Et vous

17 dites que Mme Plavsic, à tort d'après vous, a accepté de 11 ans

18 d'emprisonnement?

19 Réponse: Non, cette déclaration reflète la conviction profonde de Mme

20 Plavsic, reflète son impression sincère vis-à-vis des événements qui se

21 sont déroulés.

22 Ce que je dis, moi, c'est que lorsqu'il s'agit de déterminer les faits de

23 l'affaire, il faut envisager la possibilité d'une situation où, au moment

24 de prendre des décisions, il y a pris en compte des éléments qui ne sont

25 pas toujours clairs et qui ne sont pas toujours suffisamment compris. Et

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1 si nous prenions sa déclaration comme étant la seule indication claire de

2 l'existence d'un plan de nettoyage ethnique, nous nous avancerions en

3 terrain glissant. Et j'affirme encore une fois, et j'espère, par ailleurs,

4 sur un plan personnel, j'espère que cela n'est pas le cas. Il est

5 possible, pour des personnes différentes se trouvant dans une même pièce

6 et écoutant le même discours, il est possible que ces personnes fassent de

7 ce même discours un compte rendu assez différent par la suite.

8 Question: Professeur Trifkovic, que faudrait-il pour vous convaincre du

9 fait qu'il y avait effectivement une entreprise criminelle commune

10 existant entre les dirigeants des Serbes de Bosnie? Que faudrait-il vous

11 montrer pour vous convaincre que c'est bien ce qui existait à l'époque.

12 Réponse: C'est une question fort intéressante que vous me posez et c'est

13 une question qui mérite qu'on s'y arrête et qu'on y réfléchisse. Mais,

14 spontanément, ce que je répondrais qu'une même confession émanant d'un

15 autre membre de la direction serbe de Bosnie pourrait me pousser, à mon

16 corps défendant, à accepter qu'effectivement il y avait un plan dissimulé

17 dont seuls les dirigeants des Serbes de Bosnie avaient connaissance à

18 l'époque. Et en outre, je pense que l'émergence d'un document absolument

19 irréfragable pourrait être un élément déterminant. Je pense qu'il aurait

20 fallu que soit couchée sur papier toute intention de ce genre attribuée à

21 Mme Plavsic.

22 Question: Donc aux paragraphes 12 et 13 de ce qu'elle dit, lorsqu'elle

23 dit: "Le SDS a préparé et a distribué des instructions écrites aux

24 dirigeants municipaux du SDS, afin que ceci constitue des cellules de

25 crise et proclame des assemblées municipales serbes, etc., etc.",

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1 lorsqu'elle parle de la mise en œuvre des cellules de crise municipales,

2 de ces objectifs et de ces directives sur le terrain, y compris l'objectif

3 de séparation ethnique par la force, lorsqu'elle dit cela, elle a tort?

4 Réponse: Ne confondons pas tout. Je ne veux pas dire qu'elle a tort

5 lorsqu'elle dit cela, elle n'a pas tort de dire que certaines directives

6 du SDS ont été mises en place. Il y avait des directives du SDS qui

7 existaient bel et bien, notamment celles qui datent de 1991. Il y avait, à

8 la même époque, des directives qui émanaient des autres parties.

9 N'oublions pas que c'est une période extrêmement confuse où chacun se bat

10 pour obtenir le contrôle de la situation et des directives similaires ont

11 été données par la partie croate, ce qui a précédé la création de leur

12 communauté. Et pour ce qui est du SDA, il y a des directives qui ont

13 résulté ou qui ont été plutôt le résultat de la réunion qui s'est tenue

14 dans le hall de la police de Sarajevo le 10 juin 1991. Et tout cela a eu

15 pour effet de créer des structures de pouvoir parallèle, y compris des

16 structures militaires et politiques de pouvoir et ce six mois avant la

17 survenue des événements dont nous sommes en train de parler ici.

18 Donc, pour répondre directement à votre question, je dirais que certes on

19 ne peut pas nier que le SDS a préparé et distribué des instructions

20 écrites aux dirigeants municipaux du SDS afin qu'ils constituent des

21 cellules de crise, afin qu'ils proclament blâme des assemblées serbes,

22 mais il n'en découle pas nécessairement que l'intention et le sens et

23 l'objectif visé de ces instructions étaient tels que cela apparaît au

24 paragraphe 13 de la base factuelle du plaidoyer de culpabilité de Mme

25 Plavsic.

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1 Ce que je pense, par ailleurs, eu égard au niveau de preuve que vous me

2 demandez de donner, c'est que ces démarches ont eu une signification

3 différente pour des personnes différentes et, pour la plupart des Serbes,

4 l'intention n'était pas de chasser leurs voisins, leurs voisins

5 d'ethnicité différente, leur perception à eux était que tout cela visait à

6 permettre à la Serbie de rester au sein de l'Etat yougoslave, que l'on se

7 place dans le contexte bosniaque à la fin 1991 et au début 1992, ou que

8 l'on se place dans le cadre du contexte qui a prévalu ultérieurement,

9 c'est-à-dire plus tard en 1992.

10 Question: Comment obtenez-vous la possibilité de qualifier ces

11 généralisations de façon aussi radicale que vous le faites? Comment

12 pouvez-vous savoir ce que la plupart des Serbes souhaitaient faire et

13 répondez à ma question directement?

14 Réponse: Ces généralisations, comme vous dites, ont une certaine qualité

15 parce qu'elles reflètent une réalité qu'elle se présentait à l'époque et

16 si nous nous perdons dans les détails des événements et si nous nous

17 perdons dans le détail des déclarations faites par certains individus,

18 nous perdons de vue ce qui se passait vraiment. Les personnes ordinaires

19 ont une tendance à vouloir la paix et à vouloir le maintien de la paix.

20 Si nous regardons les événements qui sont survenus en Bosnie-Herzégovine

21 pendant l'hiver 1991-1992, mon intuition est que –et je le dis pleinement

22 conscient du fait qu'un certain nombre de contacts que je connais, qui

23 viennent de cette partie du monde, ont été convaincus comme moi-même je

24 l'ai été-, donc mon intuition est que la plupart des personnes auraient

25 fait le choix de la paix, étaient prêtes à sacrifier leurs objectifs

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1 politiques à la paix. Mais les partis politiques, certains partis

2 politiques plus radicaux étaient prêts à poursuivre leurs objectifs

3 politiques, même si cela signifiait "risquer la guerre et sacrifier la

4 paix". Je crois que des événements qui ont marqué la suite des Accords de

5 Dayton montrent bien une chose, à savoir que si les personnes vivant en

6 Bosnie-Herzégovine s'étaient vues donner le choix, si elles avaient eu par

7 ailleurs le moyen d'exprimer démocratiquement leurs vues, elles auraient

8 plutôt amoindri ou diminué leurs attentes politiques et constitutionnelles

9 plutôt que de risquer de voir se répéter le cauchemar de 1992 à 1995.

10 Question: Pour résumer votre réponse extrêmement longue, est-ce que vous

11 dites que vous ne savez pas ce que savaient la plupart des Serbes, mais

12 que vous vous livrez simplement à une devinette ou à des spéculations?

13 Réponse: Mais c'est plus que de la devinette ou de la spéculation. Il y a

14 eu, depuis la base en Bosnie-Herzégovine, un appel pour la paix. Cela a

15 été ce qui s'est passé en 1991 et c'était la réaction à la guerre qui

16 s'était déclarée en Croatie. N'oubliez pas les manifestations pour la paix

17 qui ont eu lieu à Sarajevo! N'oubliez pas que ces manifestations ont

18 précédé l'effondrement du système qui a précipité le cauchemar de 1992.

19 En anthropologie sociale, on sait bien que la direction politique, les

20 hommes politiques, qui ont une motivation beaucoup plus politique que la

21 population dans son ensemble, ont également des espoirs et des attentes

22 qui sont beaucoup plus ciblés et qui sont beaucoup plus radicaux que ceux

23 qui les suivent parfois, et que ceux qui votent pour eux.

24 Question: Avez-vous terminé?

25 M. Trifkovic (interprétation): J'essaie, avec tout le respect que je vous

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1 dois, de répondre à vos questions, Madame, et j'essaie d'y répondre du

2 mieux que je le peux. Si vous avez l'impression que tout ce que je dis

3 manque de pertinence ou n'est pas admissible, eh bien, je vous invite à

4 faire des commentaires en ce sens.

5 Mme Korner (interprétation): Ne me tentez pas! Professeur, ne me tentez

6 pas. Je ne crois pas que je vais céder à cette tentation.

7 Nous allons maintenant regarder les affirmations que vous faites eu égard…

8 Excusez-moi. Je ne vais plus maintenant traiter du document relatif au

9 plaidoyer de culpabilité de Mme Plavsic. Je voudrais que ce document soit

10 versé au dossier.

11 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas s'il convient de verser

12 cela au dossier parce que nous ne savons pas quel sera le sort réservé à

13 l'avenir à ce document. Tout ce que nous avons dit apparaît dans le compte

14 rendu et donc je serais d'avis que nous ne versions pas, pour le moment,

15 ce document au dossier.

16 Mme Korner (interprétation): Nous y reviendrons plus tard, Monsieur le

17 Président, peut-être.

18 M. le Président (interprétation): Je crois que c'est ce qu'il convient de

19 faire.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Mme Korner (interprétation): Professeur, vous avez fait certains

22 commentaires eu égard à la réunion du 14 octobre 1991. Vous dites que

23 cette rencontre est la responsable de tout ce qui s'est produit par la

24 suite. Et vous avez déclaré que, lorsque le débat a été suspendu -et je me

25 penche sur la page 76 du compte rendu du 13 mars dernier-, vous avez

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1 déclaré -je cite-: "Que la veille du 14 octobre, les députés serbes sont

2 simplement partis en partant du principe que les débats avaient été

3 conclus pour la journée. Mais les Croates et les Musulmans ont, par voie

4 détournée, été invités à se réunir à nouveau -on pourrait dire qu'ils

5 l'ont fait comme des conspirateurs au beau milieu de la nuit-, pour que le

6 vote soit passé à la majorité simple." (Fin de citation.)

7 Vous vous rappelez avoir tenu ces propos?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Je pense que le procès-verbal de cette réunion est l'un des

10 rares documents originaux que vous ayez dénié consulter. N'est-ce pas

11 exact?

12 Réponse: C'est exact.

13 Question: Je souhaiterais que l'on vous remette un exemplaire de ce

14 document.

15 Monsieur le Président, je sais que l'heure avance. Peut-être que nous

16 devrions nous interrompre.

17 M. le Président (interprétation): Alors attendez. Il s'agirait de quelle

18 pièce? Quelle est la cote de ce document?

19 Mme Korner (interprétation): Il n'y a pas de cote.

20 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agira du document S418.

21 M. le Président (interprétation): Le document reçoit la cote S418.

22 (Intervention de l'huissier.)

23 Mme Korner (interprétation): Cela fait partie donc du procès-verbal de

24 cette réunion précise. Je vous demande de vous pencher sur la version en

25 BCS, du moins si vous souhaitez le faire, vous le pouvez. Ce que nous

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1 voyons, c'est qu'il s'agit ici en fait de la reprise du débat qui avait

2 commencé le 11 octobre 1991. Un certain nombre d'orateurs ont pris la

3 parole. Mme Azra Idrizbegovic prend la parole et propose la chose suivante

4 à l'assemblée de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine.

5 Ensuite, dans les paragraphes suivants, on voit à peu près ce qui a été

6 proposé aux députés.

7 Ensuite, on cite le soixantième amendement à la Constitution qui est un

8 amendement qui avait été porté à la Constitution pendant l'époque

9 communiste.

10 M. Trifkovic (interprétation): Cet amendement avait été apporté alors que

11 le régime communiste était à bout de souffle. La Ligue des communistes

12 avait accepté qu'il était désormais inévitable de tenir des élections

13 multipartites.

14 Question: On cite la chose suivante -je cite-: "Cet amendement dit que la

15 Bosnie-Herzégovine est un Etat souverain démocratique de citoyens égaux.

16 Il s'agit des peuples de Bosnie-Herzégovine, des Musulmans, des Serbes,

17 des Croates et des membres d'autres nations et nationalités qui y vivent".

18 La citation de l'amendement 60 s'arrête ici.

19 Ensuite, il y a compte rendu de la discussion qui s'est ensuivie -je

20 cite-: "La Bosnie-Herzégovine continuera à soutenir la survie d'une

21 communauté yougoslave sur des nouvelles bases, communauté qui serait

22 acceptable pour tous.".

23 Ensuite, au paragraphe 3, on dit –je cite-: "Ayant à l'esprit la

24 composition ethnique de sa population, la Bosnie-Herzégovine n'acceptera

25 aucune solution constitutionnelle pour une future communauté yougoslave

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1 qui n'inclurait pas à la fois la Serbie et la Croatie.". (Fin de

2 citation.)

3 Le texte ensuite se poursuit.

4 Si nous nous reportons maintenant à la page 3 de ce même document, je lis:

5 "Le président de l'assemblée de la Bosnie-Herzégovine, Momcilo Krajisnik,

6 informe l'assemblée que les députés du SDS n'étaient pas en accord avec

7 les recommandations formulées par Azra Idriz Begovic.". (Fin de citation.)

8 Ensuite, vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il y a clôture de la

9 séance à 23 heures 40.

10 Ensuite, le document dit -je cite-: "Reprise de la session le 14 octobre

11 1991.". Je vous invite à vous tourner à la page 4. Très clairement, il y a

12 eu un débat assez nourri animé par différents députés représentant les

13 différents partis.

14 Et nous voyons ensuite la mention faite –je cite-: "Après la pause, le

15 président a informé l'assemblée que les différentes positions n'avaient

16 pas été rapprochées; les approches relatives à la décision qui devait être

17 prise étaient différentes. Etant donné que les positions ne pouvaient être

18 réconciliées, le président, Momcilo Krajisnik, a décidé que la session

19 devait s'arrêter là, et les députés du SDS ont quitté la réunion.".

20 Il y a donc eu départ des députés du SDS, n'est-ce pas?

21 Réponse: Mais non, ce n'est pas un départ des députés du SDS, c'est la fin

22 de la session. Lorsqu'on quitte une réunion, cela veut dire que la séance

23 a encore cours, que la séance a encore cours et que le parti ou l'ensemble

24 des députés qui ne sont pas contents quitte la salle pour marquer sa

25 protestation, mais la séance se poursuit. Lorsque la présidence déclare la

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1 session suspendue et qu'un parti quitte la salle, eh bien, ce n'est pas

2 qu'il y a manifestation d'un désaccord, il y a simplement départ d'une

3 salle où la réunion a été conclue.

4 Question: Ce qui m'intéresse c'est ce que vous avez déclaré. Vous avez

5 décrit que les partis s'étaient réunis comme des conspirateurs en plein

6 milieu de la nuit. Si on regarde à nouveau ce qui a été proposé à

7 l'assemblée, on voit notamment qu'un membre de l'assemblée, M. Ljubic,

8 propose de poursuivre la réunion.

9 Etant donné que le président de l'assemblée a décidé de suspendre la

10 session contre les souhaits des députés, la conclusion a été acceptée, et

11 -je cite le texte-: "Etant donné que les représentants de l'un des partis

12 avaient abandonné la séance, Mariofil Ljubic a déclaré une pause d'une

13 heure conformément à l'article 112 du règlement de procédure de

14 l'assemblée." (Fin de citation.)

15 Ensuite le texte se poursuit, et comme vous l'avez déclaré, le protocole a

16 été accepté.

17 Alors, vous parlez, vous, de conspirateurs qui regagnent cette salle de

18 l'assemblée, mais où sont-ils ces conspirateurs?

19 Réponse: D'abord, je voudrais dire qu'après la clôture de la session par

20 Momcilo Krajisnik et après le départ des députés du SDS, il n'a pas eu

21 abandon de la réunion. Ces personnes, que je viens de citer, ont

22 l'impression que la réunion est arrivée à son terme.

23 Question: Comment le savez-vous?

24 Réponse: Eh bien, je vois bien les termes qui sont utilisés ici:

25 "fermeture de la session, départ des députés du SDS".

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1 Je voudrais savoir sur quelle base vous vous appuyez pour dire qu'ils ont

2 abandonné une réunion, réunion dont ils pouvaient penser qu'elle allait se

3 poursuivre. Nous savons -parce que ces personnes l'ont dit elles-mêmes par

4 la suite-, nous savons que ces personnes étaient convaincues que la

5 réunion était terminée.

6 Question: Je ne rentre pas dans les avantages et les inconvénients d'une

7 situation où les députés sont amenés à quitter à une réunion pour

8 manifester leur désaccord. Ce qui m'intéresse c'est la façon dont vous

9 avez décrit les événements qui ont suivi. Vous avez décrit les choses

10 d'une façon totalement erronée, vous avez induit cette Chambre en erreur.

11 Réponse: Non, je pense qu'il est assez essentiel de comprendre que la

12 décision… Je vous renvoie au paragraphe que vous avez vous-même évoqué.

13 J'ai dit ici que nous sommes au cœur de la crise bosniaque. Nous voyons là

14 que quelque chose qui a l'air assez innocent par écrit peut en fait dans

15 les faits avoir un impact tel que les conséquences qu'il entraîne sont

16 considérables.

17 Je ne suggère pas qu'en se livrant à un vote sur le protocole en l'absence

18 des députés serbes, le SDA et le HDZ ont fait augmenter le risque d'une

19 confrontation violente au sein de la République. Ça, c'est ce que

20 j'affirme. Par ailleurs, je ne suis pas le seul à l'affirmer.

21 Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de beaucoup s'étendre sur la

22 question. Il y a eu réunion de deux groupes ethniques qui ont décidé de se

23 réunir pour prendre une décision essentielle en l'absence du troisième

24 groupe ethnique qui aurait dû être consulté. En agissant de la sorte, des

25 frontières jamais franchies jusqu'à ce jour l'ont été, et à partir de ce

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1 moment, les procédures ont perdu leur caractère légal et constitutionnel.

2 Question: Supposons que ce qui s'est passé, supposons -comme cela s'est

3 passé d'ailleurs- que le SDS ait refusé catégoriquement de prendre quelque

4 part que ce soit aux réunions ou au vote portant sur le référendum.

5 D'ailleurs, j'y reviendrai cet après-midi.

6 Supposons cela, est-ce que ça veut dire que le reste des autres parties

7 aurait été totalement paralysé et incapable de prendre quelque mesure que

8 ce soit?

9 Réponse: La loi est la loi. Et si la constitution de Bosnie-Herzégovine

10 précisait qu'une participation consensuelle des trois groupes nationaux

11 ethniques était exigée pour prendre toute décision importante ayant un

12 impact sur l'avenir de la République, le fait que 61% des députés se

13 seraient prononcés en faveur d'une certaine option et que 32% auraient

14 soutenu l'avis inverse, tout cela n'aurait pas été en soit suffisant pour

15 modifier la primauté de la règle de droit qui devrait s'appliquer.

16 Si, par ailleurs, afin de permettre à la majorité de faire passer son

17 opinion sur celui, de faire prévaloir son opinion sur celle de la

18 minorité, il faut passer outre la lettre de la constitution, alors, de la

19 même façon, les Flamands peuvent obtenir ce qu'ils veulent face aux

20 Wallons en Belgique parce qu'ils sont en nombre supérieur; ils peuvent se

21 livrer à un vote et décider, par ce vote, de joindre la partie flamande de

22 la Belgique aux Pays-Bas. Je pourrais multiplier les exemples à l'envie.

23 L'objectif de l'arrangement constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine,

24 c'était précisément d'essayer d'éviter ce type de scénario que j'évoque.

25 Je ne dis pas si c'était juste ou si c'était faux, je ne dis pas si

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1 c'était quelque chose de désirable ou de condamnable, je dis simplement

2 que sur la base de la constitution de 1974, sur la base des amendements de

3 1990, sur la base de l'accord de répartition du pouvoir qui avait été

4 passé par les parties politiques, ce qui a été fait après l'élection de

5 novembre 1990 était quelque chose d'illégal, d'illégitime et

6 d'inconstitutionnel.

7 Question: Vous répondez oui à la question que je vous ai posée? J'essaie

8 d'obtenir une réponse simple.

9 Est-ce que vous dites qu'il ne se serait rien passé si le SDS avait refusé

10 de coopérer?

11 Réponse: Ce que je dis c'est qu'il n'aurait pas pu obtenir le but qu'il

12 s'était fixé. On peut parfois justifier une décision en s'appuyant sur la

13 pluralité des opinions manifestées. Mais si on fait cela, on rejette le

14 principe de la primauté et du droit.

15 Lorsqu'il y a manifestation d'une pluralité d'opinion comme c'était le cas

16 dans le cadre de l'alliance tactique ADZ/SDA, eh bien, il y a violation de

17 la constitution de la République et violation des procédures qui auraient

18 dû être respectées.

19 Mme Korner (interprétation): Monsieur Trifkovic, moi, ce que je dis, c'est

20 que votre façon de décrire les choses est erronée parce qu'elle laisse

21 penser qu'il y a eu réunion de conspirateurs pour obtenir certains

22 objectifs.

23 Vous dites, pas ailleurs, que le SDS aurait pu continuer la réunion ou

24 aurait pu continuer à accepter cette situation non pas seulement en

25 octobre, mais également par la suite. Ils auraient pu continuer à refuser

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1 de coopérer. Et que par conséquent, il y aurait eu blocus de la majorité

2 qui aurait été paralysée.

3 Est-ce que c'est bien ce que vous êtes en train d'affirmer? Répondez

4 simplement.

5 M. Trifkovic (interprétation): Nous avons deux questions différentes ici.

6 La première question est de savoir si les deux parties auraient été

7 paralysées. La seconde est de savoir si je suis en train d'induire la

8 Chambre en erreur ou pas. Je ne crois pas que je sois en train d'induire

9 la Cour en erreur parce que je pense que les Serbes étaient vraiment dans

10 l'impression que la réunion avait été suspendue.

11 Donc la question ensuite de savoir s'il y avait une marge de manœuvre ou

12 pas est une question assez différente.

13 Si après le 14 et le 15 octobre, nous étions restés dans le cadre de la

14 constitution bosniaque, alors je crois qu'il y aurait eu toutes sortes

15 d'édifices politiques que nous aurions pu essayer de construire. Mais de

16 dire qu'à l'époque, la seule solution pour sortir de la situation était de

17 voter en l'absence de l'un des partis qui aurait dû prendre part au vote,

18 eh bien, c'est se prononcer en faveur de quelque chose qui est

19 parfaitement illégal.

20 M. le Président (interprétation): La séance est suspendue jusqu'à 14

21 heures, mais j'indique aux parties que nous devons nous fixer des limites

22 de temps. N'oublions pas que la défense doit, elle aussi, bénéficier du

23 droit de poser des questions supplémentaires au témoin expert. Il faudra

24 en tenir compte lorsque nous nous retrouverons à 14 heures, comme je le

25 disais.

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1 Mme Korner (interprétation): Excusez-moi, de combien de temps disposerais-

2 je après la pause du déjeuner, juste pour savoir ce que je poserai comme

3 question au témoin ou pas?

4 M. le Président (interprétation): Je dirai que vous disposerez d'une

5 heure, une heure dix environ.

6 Mme Korner (interprétation): Merci.

7 (Le témoin, M. Srdja Trifkovic, est reconduit hors du prétoire.)

8 (L'audience, suspendue à 12 heures 43, est reprise à 14 heures 04.)

9 (Le témoin, M. Srdja Trifkovic, est introduit dans le prétoire.)

10 M. le Président (interprétation): Je vous prie de vous asseoir. Je vous

11 souhaite encore une fois bonjour. L'accusation a la parole. Veuillez

12 poursuivre.

13 Mme Korner (interprétation): Monsieur Trifkovic, un certain nombre de

14 sujets m'intéresse eu égard au référendum. Mais avant de passer à cela,

15 pourriez-vous nous dire quel est le titre que vous n'arriviez pas à

16 retrouver, le titre de l'article que vous avez rédigé au sujet de ce

17 Tribunal en mars de l'an 2000.

18 Réponse: Non, je n'ai pas écrit au sujet du Tribunal. Cet article a été

19 rédigé au lendemain de la crise kosovar et il s'agit d'un article publié

20 sur Internet, que vous avez vous-même imprimé, et celui-ci, apparemment,

21 réunissait mon article de 1996 et mon article de 1999, rédigé au lendemain

22 de la crise du Kosovo.

23 Question: De l'article de l'an 2000?

24 Réponse: Je pense que cet article sur la crise kosovar a été rédigé fin

25 1999.

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1 Question: Et son titre?

2 Réponse: Vraiment, je ne me rappelle pas de son titre sur-le-champ.

3 Question: Très bien. Je voudrais vous poser des questions au sujet du

4 référendum qui a été tenu par les Serbes, au sujet des deux aspects de ce

5 référendum.

6 Réponse: Vous parlez du plébiscite ou du référendum?

7 Question: De ce qui a été organisé par les Serbes, peu importe le titre.

8 Donc le 10, le 11 novembre 1991, c'est ça la date.

9 Réponse: Il est très important de distinguer entre ces deux choses, entre

10 ces deux termes, et je pense que les Serbes n'ont jamais prétendu qu'il

11 s'agissait d'un référendum. Le plébiscite, c'est quelque chose qui est

12 plus d'une nature où on déclare ses positions (sic). Il ne s'agit pas de

13 quelque chose qui est juridiquement et constitutionnellement contraignant.

14 Donc c'est cela la différence entre le plébiscite et le référendum.

15 Question: Très bien. Mais votre position est que le plébiscite était une

16 réponse serbe aux actions qui ont été entreprises par les Croates et les

17 Musulmans de Bosnie?

18 Réponse: Oui.

19 Question: J'ai une heure, Monsieur Trifkovic, à ma disposition et je

20 voudrais essayer de couvrir un certain nombre de sujets. Donc essayons

21 d'avancer.

22 Réponse: Oui.

23 Question: Savez-vous qui était M. Mirko Pejanovic.

24 Réponse: Oui, c'était un membre de la présidence en 1992.

25 Question: De nationalité serbe?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Il est resté membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine?

3 Réponse: Oui, mais sa base électorale n'était pas tout à fait claire et je

4 ne sais pas très exactement qui il représentait en tant que Serbe.

5 Question: Vous avez lu son livre?

6 Réponse: Non.

7 Question: Pour quelles raisons?

8 Réponse: Il y a littéralement des milliers de titres qui se penchent sur

9 toutes sortes de sujets et on est bombardé quotidiennement par ce genre de

10 publications. Ce n'est pas la seule chose à laquelle je me suis intéressé

11 au cours des ces années passées et, certainement, je n'ai pas pu me

12 consacrer exclusivement à cela.

13 Question: Peut-on affirmer que vous ne lisez et que vous ne vous référez

14 qu'aux livres qui coïncident vos propres opinions?

15 Réponse: Oh non. En revanche, je serais ravi de prendre connaissance de

16 ceux qui mettraient en question mes points de vue. Mais pour ce qui est du

17 point essentiel au sujet duquel nous avons parlé précédemment,

18 aujourd'hui, au sujet de ce vote qui a eu lieu le 14 octobre, par exemple,

19 je n'ai pas rencontré…

20 Question: Ne revenons pas à la date du 14 octobre. J'aimerais parler du

21 référendum ou plutôt du plébiscite.

22 M. Trifkovic (interprétation): Puisque nous avons des limites qui nous

23 sont imposées sur le point du temps, essayons de nous polariser sur des

24 questions qui nous intéressent et non pas sur les raisons qui m'ont incité

25 à ne pas lire le livre de M. Pejanovic.

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1 Mme Korner (interprétation): Mais je pense qu'il est important de lire ce

2 qui a été rédigé par le Serbe qui est resté au sein du gouvernement de

3 Bosnie-Herzégovine?

4 M. Lukic (interprétation): Objection.

5 Mme Korner (interprétation): En quoi consiste l'objection?

6 M. le Président (interprétation): Elle est fondée sur quoi?

7 M. Lukic (interprétation): Monsieur Pejanovic n'est pas resté à ce poste-

8 là. Il a été nommé mais il n'a jamais été élu. Donc la question n'a pas

9 été formulée de manière adéquate.

10 M. le Président (interprétation): Je vous prie de reformuler la question.

11 Mme Korner (interprétation): Je reformule ma question. Vous ne pensez pas

12 qu'il est important, pour avoir un point de vue tout à fait objectif et

13 équilibré, de prendre connaissance ce que pense un Serbe qui s'est lui-

14 même rangé au côté du gouvernement de Bosnie-Herzégovine?

15 Réponse: C'est exactement le problème auquel je me suis référé lorsque

16 j'ai dit que M. Pejanovic n'avait pas une base électorale tout à fait

17 claire, tout à fait évidente. Et de même manière, M. Milosevic a nommé un

18 Albanais loyal au sein de la présidence collective yougoslave en 1991 et

19 ses mémoires, je ne pense pas qu'elles serviraient à quelque chose qui

20 serait extrêmement utile aux étudiants qui se pencheraient sur la question

21 de la crise kosovar.

22 Question: Très bien. Je voudrais maintenant que vous consultiez la page 49

23 de son livre. Nous avons des exemplaires de cela et nous avons également

24 une copie de la page 23. Je n'aborderai pas cela pour gagner du temps.

25 (Intervention de l'huissier.)

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1 C'est la page 49 qui nous intéresse à présent.

2 S'il vous plaît, consultez cette page-là et je cite le paragraphe qui

3 commence par: "A l'automne 1991, une délégation constituée des dirigeants

4 des partis de l'opposition est venue s'adresser à Alija Izetbegovic qui

5 était à l'époque le Président de la présidence. Le SDS a annoncé la tenue

6 d'un référendum séparé, le référendum au sujet de l'avenir de la Bosnie

7 tenu sous forme de plébiscite par les membres de la nation serbe. Ce

8 referendum a eu lieu les 9 et 10 novembre et les résultats allaient en

9 faveur du maintien de la Bosnie au sein de la Yougoslavie tronquée.

10 Notre délégation -il donne les noms des personnes- s'est entretenue en

11 long avec le Président Izetbegovic, a eu une discussion approfondie. Nous

12 espérions le persuader de ne pas agir suite à cette initiative du SDS que

13 nous considérions comme anti-constitutionnelle et comme enfreignant

14 l'autorité parlementaire.

15 Après une longue discussion, cependant, le Président Izetbegovic a dit,

16 enfin, qu'il n'y avait plus rien à faire et qu'il ne voyait aucune

17 possibilité d'entreprendre quoi que ce soit pour empêcher le SDS de tenir

18 ce referendum. Il a suggéré par la suite que nous essayions de faire

19 quelque chose nous-même. Et enfin, nous nous sommes mis d'accord entre

20 nous pour dire que nous pouvions faire encore moins que lui.

21 Par la voie de ce référendum, le SDS s'est assuré le soutien pour son

22 objectif qui était d'avoir recours à la force afin de rattacher la Bosnie,

23 d'ancrer la Bosnie à la Yougoslavie." (Fin de citation.)

24 Etes-vous d'accord avec cela?

25 Réponse: Précisément avec quoi? Il y a plusieurs affirmations dans ce

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1 paragraphe que vous avez lu.

2 Premièrement, je ne suis pas d'accord avec le fait qu'il s'agit d'un

3 référendum serbe. Certainement, les Serbes ne se référaient pas à ceci

4 comme à un référendum. Et comme je l'ai déjà dit, le référendum est très

5 différent sur le plan des connotations constitutionnelles, il est très

6 différent d'un plébiscite.

7 Question: S'il vous plaît, il dit -et je cite-: "que ceci a été tenu sous

8 forme de plébiscite".

9 Réponse: Oui, mais il est très différent de parler de plébiscite et de

10 référendum tenu sous forme de plébiscite. C'est très différent.

11 Question: Très précisément. Etes-vous d'accord avec lui pour dire que

12 c'était une manière anticonstitutionnelle ou non constitutionnelle de la

13 part du SDS d'agir?

14 Réponse: Après le 14 octobre, tout était anticonstitutionnel et extra-

15 constitutionnel; comme je le dis bien dans mon rapport. Mais dire que ce

16 plébiscite allait à l'encontre de l'autorité des pouvoirs parlementaires

17 et que le parlement lui-même avait déjà violé la constitution et les

18 accords politiques à travers le vote qui a eu lieu le 14 octobre, eh bien,

19 cela me semble un petit peu prétentieux. Le parlement a nié sa propre

20 autorité par la voie du vote tenu par le SDA et le HDZ.

21 Question: Vous êtes d'accord, cependant, qu'il s'est agi d'un acte non

22 constitutionnel, mais vous ne dites pas que cela allait en violation des

23 pouvoirs parlementaires?

24 Réponse: C'est exact.

25 Question: Etes-vous d'accord pour dire que ce référendum ou plutôt ce

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1 plébiscite a permis au SDS de s'assurer à ce soutien pour son objectif qui

2 était de recourir à la force afin d'encrer la Bosnie en Yougoslavie.

3 Réponse: Non, il s'agit d'une prise de position et non d'un fait lorsqu'on

4 analyse, cette constatation. Il y a toute une série de positions très

5 tranchées qui ont pu être formulées par les trois partis et qui

6 rétroactivement peuvent être considérées comme des pas qui menaient

7 directement à la violence.

8 Question: Très bien. Passons maintenant à ce que vous avez dit dans votre

9 rapport, en page 31, au sujet du référendum.

10 Réponse: Oui, là, il y a un chevauchement à cause des références qui sont

11 faites à la même étude, étude du contexte général, oui.

12 Question: Vous dites: "Les Serbes ont boycotté en masse, mais le SDS n'a

13 néanmoins rien entrepris pour bloquer le référendum." (Fin de citation.)

14 Voulez-vous dire par là qu'ils n'ont rien fait afin d'empêcher les Serbes

15 d'y participer.

16 Réponse: Cela a fonctionné dans les deux sens. D'une part, les Serbes

17 n'ont pas essayé activement d'empêcher le vote lors de ce référendum, le

18 vote des deux groupes ethniques. D'autre part, et précisément pour ce qui

19 est de la municipalité de Prijedor, et là je me suis penché sur la liste

20 des lieux de vote, je dois dire que, là, il y a une exclusion délibérée de

21 la majorité des zones serbes.

22 Et je pense que les deux partis ont considéré que ce référendum était une

23 manière de déclarer ouvertement, pour ce qui est des Croates et de

24 Musulmans, de se prononcer ouvertement, et que les Serbes ne souhaitaient

25 pas être impliqués dans cela.

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1 Question: Très bien. Donc vous êtes en train de dire que c'était une

2 exclusion délibérée de la plupart des zones majoritairement serbe?

3 Réponse: Je ne sais pas exactement dans quelle mesure ceci s'est passé de

4 manière générale en Bosnie. Mais il y a un document qui a été publié dans

5 "Kozarski Vjesnik" où l'on voit la liste des lieux de vote à Prijedor et

6 il semble que l'ensemble du territoire n'était pas couvert, et qu'il y

7 avait une corrélation entre les zones qui étaient plutôt peuplées par les

8 Serbes et que c'étaient exactement celles où il n'y avait pas de bureau de

9 vote.

10 Question: Vous vous êtes penché sur les documents qui concernent cela et

11 qui ont été envoyés par le SDS?

12 Réponse: Oui, je n'ai pas vu les documents envoyés par le SDS au sujet des

13 obstructions rencontrées lors de ce référendum ou quoi que ce soit de ce

14 genre.

15 Question: A présent, je vous prie de vous reporter au document émanant du

16 SDS en date du 19 février 1992.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Le titre de ce document est "Le parti démocrate serbe de Bosnie-

19 Herzégovine". Le document est daté du 19 février 1992 à Sarajevo, adressé

20 aux conseils municipaux et aux conseils régionaux. Sujet: "Positions

21 concernant le référendum". Nous voyons dans l'annexe, le compte rendu de

22 l'assemblée.

23 "Vous êtes contraint d'organiser sur le champ une réunion élargie du

24 conseil ainsi que des réunions de tous les conseils locaux du SDS, avec

25 pour objectif le fait de tenir au courant le peuple serbe de la teneur des

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1 documents que nous vous envoyons.

2 Il s'agit pour vous de dresser un plan d'action afin d'empêcher toute

3 campagne visant à organiser un référendum. Il faut expliquer à tout Serbe

4 majeur que, non seulement il devrait se retenir de prendre part à ce

5 référendum en tant que vote, mais aussi qu'il ne devrait participer

6 d'aucune manière à aucune commission eu égard à ce référendum.

7 Il faut expliquer à notre personnel travaillant dans les organes

8 municipaux et autres qu'ils ne sont pas forcés de produire quelque

9 document que ce soit pour l'organisation de ce référendum ou d'y prendre

10 part d'une manière quelle qu'elle soit.

11 Après l'adoption de la constitution de la République serbe de Bosnie-

12 Herzégovine, ce qui aura lieu prochainement, ce référendum sera

13 considérant comme illégal sur le territoire qui est souverainement serbe

14 et ce référendum donc ne pourra pas avoir lieu."

15 Pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire si ce n'était pas une tentative

16 d'empêcher les Serbes de prendre part au référendum?

17 M. Trifkovic (interprétation): C'était une tentative de les empêcher de

18 prendre part mais strictement par des moyens politiques. Et je pense que

19 ce qui est décisif, la partie la plus importable de ce que vous venez de

20 citer est la partie où il est dit: "afin d'empêcher toute manipulation

21 possible du peuple serbe". Et ceci, je cite du texte. Donc ceci doit être

22 expliqué.

23 En d'autres termes, je ne pense pas que c'est exactement ce que vous venez

24 de citer. Donc, dans ce que vous venez de citer, il est impliqué d'une

25 manière quelle qu'elle soit qu'il y aurait des mesures violentes afin

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1 d'empêcher la tenue de ce référendum. Il s'agissait simplement de faire

2 campagne, de persuader les gens, mais je ne vois pas qu'ici le SDS se

3 montre prêt à recourir à la force afin d'empêcher le référendum.

4 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, il

5 y a ici la décision réellement prise par l'assemblée, qui est en annexe,

6 mais je ne souhaite pas la parcourir à présent. Nous pouvons la

7 distribuer.

8 M. le Président (interprétation): La cote provisoire sera S420.

9 Mme Korner (interprétation): On peut la communiquer à tout le monde, mais

10 je ne poserai pas de question à ce sujet.

11 M. le Président (interprétation): Certaines pages de ce livre ont été

12 provisoirement cotées S419.

13 Mme Korner (interprétation): A présent, un autre document, s'il vous

14 plaît. S'agissant de savoir s'il y avait recours à la force ou contrainte

15 ou quoi que ce soit de ce genre.

16 Peut-on communiquer ce document au témoin? Il émane du SDS de Bosanska

17 Krupa.

18 M. Lukic (interprétation): Si ce document vient de Bosanska Krupa, nous

19 estimons qu'il sort du cadre de l'Acte d'accusation, pour autant que nous

20 le sachions. Nous avons essayé de produire un certain nombre de documents

21 émanant d'autres municipalités et on ne nous l'a pas permis.

22 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, je ne serais pas

23 sortie du cadre de la municipalité si M. Trifkovic n'en avait pas parlé

24 dans son rapport. Et il vient d'ailleurs de répéter ces propos ici.

25 M. le Président (interprétation): Néanmoins, il vous est peut-être

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1 possible d'avoir uniquement des réponses des témoins ou de l'expert

2 consignant au compte rendu d'audience pour éviter qu'il y ait des

3 décisions contradictoires relatives au versement des documents. Je vous

4 prie de tenir compte de cela.

5 Mme Korner (interprétation): Je ne sais pas s'il y a eu une décision

6 contradictoire à ce propos.

7 M. le Président (interprétation): Dans le passé, à plusieurs reprises,

8 nous avons décidé qu'il fallait éviter d'aborder la question des autres

9 municipalités puisque la situation effective pouvait être et était, en

10 réalité, différente d'une municipalité à une autre.

11 Je vous prie de poursuivre.

12 Mme Korner (interprétation): Très bien. A ce moment-là, je pourrais… M.

13 Trifkovic, je vous demanderai simplement de jeter un coup d'oeil à ce

14 document, s'il vous plaît.

15 (Le témoin s'exécute.)

16 A la lumière du contenu de ce document, souhaitez-vous modifier votre

17 réponse consistant à dire qu'il n'y avait pas de contrainte et qu'il n'y a

18 pas eu de menaces utilisées afin d'empêcher les Serbes de prendre part au

19 vote?

20 M. Trifkovic (interprétation): Non, je ne vois pas de raison qui

21 m'inciterait à changer mon affirmation ou ma déposition. Elle n'est peut-

22 être pas formulée de manière très élégante et elle est chargée d'émotion,

23 mais il s'agit ici d'une formulation plutôt habituelle des positions

24 serbes.

25 Je ne pense pas que ceci contienne une menace implicite, et encore moins

Page 13914

1 explicite, de recours à la violence contre qui que ce soit qui

2 souhaiterait participer au vote. C'est un type de langage qui était

3 généralement utilisé en Bosnie, de la part de toutes les parties en

4 présence, fin 1991 et début 1992; cela reflète l'effondrement des

5 structures sociales et politiques dans cette République et cela ne traduit

6 nullement une intention violente de la part de ses auteurs.

7 Qui plus est, vous reconnaissez vous-même d'un document qui émane du

8 conseil municipal, donc d'un endroit précis et qu'il ne s'agit pas d'un

9 document émanant du SDS, censé couvrir l'ensemble du territoire de Bosnie-

10 Herzégovine.

11 Question: Laissons cela de côté, Monsieur le Témoin, quant à savoir si

12 c'est Krupa ou une autre municipalité, où ce genre de langage était

13 utilisé et laissons également de côté la citation du tsar Lazar.

14 J'aimerais savoir quel effet cela aurait sur les Serbes lorsqu'ils se

15 demandaient s'ils allaient voter ou non, par exemple un Serbe, le commun

16 des mortels, un paysan?

17 Réponse: Tout d'abord, vous essayez de généraliser à partir d'éléments

18 particuliers.

19 Question: Je vous demande: pour un Serbe donné, un paysan serbe, quelles

20 seraient ses réactions?

21 Réponse: Il ne s'agit pas particulièrement de Krupa ici. Tout d'abord,

22 nous devons savoir si cette brochure, ce tract de Krupa est typique des

23 appels qui étaient lancés aux Serbes afin qu'ils ne se présentent pas aux

24 urnes, quant à savoir si l'on pouvait rencontre cela sur l'ensemble du

25 territoire de Bosnie-Herzégovine. Donc j'aimerais que vous me donniez un

Page 13915

1 exemple équivalent pour Prijedor, par exemple.

2 La deuxième partie de votre question concerne le contexte émotionnel et

3 politique. Je ne considérerais pas qu'il s'agit ici d'une menace menaçant

4 l'intégrité physique de qui que ce soit.

5 Question: Pour ce que vous concerne, ce genre de document n'avait pas pour

6 objectif de terrifier les Serbes, de leur faire peur pour les empêcher

7 d'aller voter lors de ces référendums?

8 Réponse: L'analyse culturelle du langage, et en particulier l'évocation du

9 tsar Lazar disant qu'ils seront maudits par le tsar Lazar, eh bien, cela

10 les invite à ne pas aller voter, même si initialement ils avaient eu

11 l'intention de le faire.

12 Question: Très bien. Si, Monsieur le Président, vous ne souhaitez pas que

13 ce soit versé au dossier, je ne le proposerai pas au versement.

14 M. le Président (interprétation): Non. Pour des raisons de principe, nous

15 ne versons pas cela au dossier.

16 Mme Korner (interprétation): Très bien. Nous passons à la page 32 de votre

17 rapport. Je parle du troisième paragraphe de cette page qui commence par

18 "Enfin, pas plus que 62.68%". Je suis sûre que vous avez eu l'occasion de

19 consulter cela pendant la pause déjeuner.

20 Vous êtes d'accord qu'il s'agit d'un paragraphe qui est en tout point

21 identique au paragraphe 51 du rapport du professeur Kecmanovic?

22 Réponse: Oui, nous nous sommes mis d'accord là-dessus.

23 Question: Excusez-moi. Moi, je ne pense pas que nous ayons consulté cette

24 partie auparavant.

25 Réponse: Au sujet du référendum, nous avons déjà lu la page précédente et

Page 13916

1 vous vous êtes référé à cela. J'ai accepté votre position. Donc il ne me

2 semble pas utile de nous attarder là-dessus.

3 Question: Vous voyez le paragraphe suivant de votre rapport, la dernière

4 phrase de cette page où il est dit: "Mais ceci n'a pas empêché le

5 gouvernement tronqué d'Alija Izetbegovic de déclarer l'indépendance le 3

6 mars"? (Fin de citation.)

7 Réponse: Oui.

8 Question: Et d'après votre rapport…

9 Réponse: Cela vient du professeur Kecmanovic.

10 Question: Oui, du rapport du professeur Kecmanovic ou de Woodward?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Woodward ne cite pas de source à l'appui de cette affirmation.

13 Estes-vous d'accord avec moi? Souhaitez-vous vous reporter au livre?

14 Réponse: Je pense que c'est le langage ici qui traduit la nature de

15 l'affirmation. Mais, petit a), nous vions un gouvernement tronqué où il

16 n'y avait pas de SDS, donc les représentants du SDS n'en faisaient pas

17 partie, et b), sur la base du référendum, la proclamation de

18 l'indépendance a été faite, donc indépendamment de cela. S'agissant de

19 savoir s'il s'agit d'une affirmation, s'il s'agit d'une prise de position,

20 s'il s'agit d'une expression d'une réflexion, des conclusions d'une

21 argumentation appuyée, eh bien, quant à cela, nous pourrions être d'accord

22 ou en désaccord.

23 Question: Vous êtes en train de dire qu'il y a eu déclaration de

24 l'indépendance le 3 mars?

25 Réponse: Il y a eu un cocktail qui a été offert à la présidence bosniaque

Page 13917

1 et il y a eu, au lendemain du référendum, en fait, la proclamation, la

2 mise en oeuvre de l'indépendance et ce jour a été considéré comme un jour

3 férié et est considéré comme un jour férié par la République de Bosnie-

4 Herzégovine internationalement reconnu depuis ce moment-là.

5 Question: Mais vous comprenez qu'il est très important d'employer les

6 termes adéquats, n'est-ce pas, lorsque vous décrivez les événements?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Vous avez décrit ce qui s'est passé le 3 mars. Vous avez dit que

9 c'était une déclaration d'indépendance par la Bosnie-Herzégovine, vous

10 l'avez trouvé chez Woodward, c'est exact?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Tout d'abord, pouvons-nous regarder –je vais sans doute me

13 tromper dans la prononciation- quelque chose qui s'appelait la "liste de

14 Oslobodjenje", " Slucbenje List"?

15 Cabine française: Monsieur le Président, pouvez-vous demander au témoin de

16 ralentir?

17 Question: Encore une fois, d'abord je demande à ce que ce document soit

18 distribué. Est-ce qu'il peut être mis sur le rétroprojecteur s'il vous

19 plaît?

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Pourriez-vous nous dire s'il vous plaît "Slucbenje List"?

22 M. Trifkovic (interprétation): Je lis ici: "La 'Slucbenje List', Journal

23 officiel."

24 Mme Korner (interprétation): Est-ce que cela indique que… Cela ne marche

25 pas. Est-ce que cela marche pour vous Monsieur le Président?

Page 13918

1 M. le Président (interprétation): Je crois que le rétroprojecteur ne

2 marche pas. Merci. Nous l'avons trouvé. Vous pouvez poursuivre.

3 Mme Korner (interprétation): Merci. Il s'agit ici d'une annonce

4 conformément à l'article 28 des résultats du référendum, datée du 6 mars

5 1992. Vous êtes d'accord?

6 M. Trifkovic (interprétation): Oui.

7 Question: Trois jours après cela, vous dites qu'il y a eu la déclaration

8 d'indépendance.

9 Réponse: Dès la fermeture des bureaux de vote, il y avait une atmosphère

10 de fête dans la présidence de Bosnie-Herzégovine et on avait déclaré que

11 le référendum avait été un succès.

12 Si vous regardez la séquence des événements qui se sont produits après la

13 fermeture des bureaux de vote, la déclaration du Journal officiel n'était

14 qu'une confirmation rétroactive de ce qui avait été considéré comme étant

15 un acte politique.

16 Question: Vous n'avez pas répondu à ma question. Qu'il y ait eu une

17 atmosphère de fait! Il ne s'agit pas à ce moment-là d'une déclaration

18 officielle d'indépendance, n'est-ce pas?

19 Réponse: Tout un chacun se rendait compte qu'après les résultats du

20 référendum, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait considéré le fait

21 accompli comme étant terminé. J'apprécierais que plutôt que d'invoquer la

22 déclaration qui figure dans le Journal officiel, qui ne correspondait à

23 rien, le 6 mars, lorsque l'indépendance était considérée comme un état de

24 fait par toutes les parties, qu'ils aient été d'accord ou non, cela nous

25 détourne en fait de la substance politique de ce point. Il s'agit en fait

Page 13919

1 de ce référendum et, derrière ce référendum, de l'intention des personnes

2 qui ont boycotté ce référendum.

3 Il s'agit ici d'un document le "Slucbenje List" du Journal officiel qui

4 donne le détail des chiffres concernant ce référendum. De plus il indique

5 également le point politique saillant ici, à savoir qu'ils n'avaient pas

6 la majorité des deux tiers.

7 Question: Est-ce que vous comprenez ce que veut dire le terme "déclaration

8 d'indépendance"?

9 Réponse: Je vais être très clair ici. Vous pouvez déclarer l'indépendance

10 sans pour autant le traduire dans la Constitution juridique avec un tampon

11 et une signature. Vous pouvez le déclarer devant les caméras de la

12 télévision et du corps diplomatique et des correspondants, ou alors vous

13 pouvez le faire avec toute la pompe qui entoure un système

14 constitutionnel.

15 D'une manière ou d'une autre, après le référendum à Sarajevo, cela

16 correspondait au gouvernement tronqué qui avait déclaré son indépendance.

17 A savoir si cette proclamation était… -et on regarde ici tous les éléments

18 en la matière- si on regarde l'aspect constitutionnel ici, nous regardons

19 les deux parties qui agissent de concert contre une autre partie. Quoi

20 qu'il en soit, nous regardons ici la question substantielle de la suite du

21 référendum comme étant quelque chose d'irrévocable, à savoir la

22 proclamation de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine par ce

23 gouvernement qui était resté à Sarajevo.

24 Question: La raison pour laquelle je vous pose la question Professeur

25 Trifkovic, c'est parce que ce que je suggère c'est qu'à la suite de cela,

Page 13920

1 soit vous n'avez pas rédigé ce rapport du tout ou alors si vous l'avez

2 écrit certains passages n'ont pas été vérifiés par vous-même, en tout cas,

3 certains faits n'ont pas été vérifiés par vous-même.

4 Réponse: A quoi faites-vous allusion s'il vous plaît exactement? Le fait

5 que le référendum était tenu le 29 février et le 1er mars n'avait pas le

6 soutien au plan juridique et constitutionnel; c'était en fait le 1er mars

7 qu'il y a eu la proclamation de facto de cette indépendance.

8 Je veux clarifier ce point s'il vous plaît.

9 Question: Avez-vous jamais vu une déclaration d'indépendance de la

10 Slovénie et de la Croatie?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Avez-vous jamais vu un tel document à ce moment-là établi par le

13 gouvernement de Bosnie-Herzégovine?

14 Réponse: Non, mais j'ai lu les articles dans "Oslobodenje" du 2 mars qui a

15 proclamé l'indépendance de façon triomphale, les leaders en Bosnie-

16 Herzégovine déclarant la même chose.

17 Mme Korner (interprétation): J'aimerais maintenant parler de ce qu'a dit

18 M. Karadzic à ce propos en juillet 1992.

19 (Intervention de l'huissier.)

20 M. le Président (interprétation): Pour ne pas perdre le fil, "les

21 dernières conclusions" était, "les dernières conclusions" portait la cote

22 S420-1. Maintenant nous allons apporter une cote provisoire S420A et

23 S420B.

24 Madame Korner, avez-vous lu ce compte rendu de cette assemblée? Pourriez-

25 vous me dire s'il vous plaît à quelle assemblée vous faites allusion?

Page 13921

1 Mme Korner (interprétation): Oui. Si vous regardez la version BCS qui est

2 en annexe à la fin de ce document, vous voyez donc la page de couverture

3 où il est indiqué "procès-verbal et transcript de l'assemblée RS, 17e

4 séance tenue du 24 au 26 juillet 1992."

5 M. Trifkovic (interprétation): Non, je n'ai pas vu ce procès-verbal.

6 Question: Voulez-vous bien vous tourner s'il vous plaît sur la page 3 de

7 la traduction anglaise, vous êtes libre de vérifier la traduction au

8 paragraphe qui commence:

9 "Les caractéristiques de la situation politique externe du peuple serbe en

10 Bosnie-Herzégovine sont comme suit. Par la volonté de cette assemblée,

11 nous avons proclamé notre République serbe de Bosnie-Herzégovine. Nous

12 l'avons organisé ainsi. Lorsque nous avons constaté que la Bosnie-

13 Herzégovine sera reconnue, nous avons proclamé notre indépendance quelques

14 heures avant l'indépendance de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Bien que la

15 BH n'ait jamais proclamé son indépendance mais simplement soumis une

16 demande à la communauté européenne de reconnaissance de son indépendance.

17 Nous avons proclamé notre république comme indépendante."

18 C'est exact, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, tout à fait en ligne avec ce que j'ai dit précédemment.

20 Autrement dit, il n'y a pas eu de proclamation formelle d'indépendance

21 dans le même cadre et ne comportait pas l'apparat et tout ce qui entoure

22 la constitution, comme ça avait été le cas en Croatie et en Slovénie, mais

23 qu'en termes très politiques, à la suite… après le référendum, cette

24 proclamation a eu le même effet.

25 Question: Autrement dit, c'est votre opinion, et le professeur Kecmanovic

Page 13922

1 et Mme Woodward, que ceci n'a pas empêché le gouvernement d'Alija

2 Izetbegovic de déclarer son indépendance, comme vous venez de le décrire?

3 Réponse: J'apprécierais beaucoup si vous pouviez éclairer ma lanterne.

4 Autrement dit, quel est le rôle ou le sens des propos de Izetbegovic et

5 Ganic lorsqu'ils disent devant les caméras et dans la presse que la

6 communauté internationale a reconnu l'indépendance et comme étant pour la

7 république de la Bosnie-Herzégovine le jour de l'indépendance. Tout en

8 étant d'accord avec le fait que la déclaration formelle, dans le sens où

9 les Croates et les Slovènes l'ont entendue le 28 juin, n'était pas

10 identique, c'est-à-dire qu'aucune action substantielle n'avait

11 véritablement défini les conséquences politiques; cela ne fait aucun doute

12 qu'il s'agissait véritablement d'une proclamation d'indépendance.

13 Question: Bien, c'est votre réponse.

14 Voulez-vous bien regarder, s'il vous plaît, le rapport, votre rapport à la

15 page 34.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Au paragraphe 3, vous parlez en fait de la reconnaissance de la communauté

18 européenne qui a ignoré, en fait, la commission Badinter qui avait précisé

19 qu'un vote sur l'indépendance ne serait validé que si un membre important

20 et responsable des différentes communautés approuvait ce vote.

21 Encore une fois, cette affirmation réapparaît à la page 31 du professeur

22 Kecmanovic et la source de ce document est encore une fois Mme Woodward.

23 Réponse: De plus, si nous regardons le document source qui a été préparé

24 par la commission Badinter en octobre 1991, je pense que la phrase

25 utilisée ici, lorsqu'on parle d'un nombre respectable ou un nombre

Page 13923

1 convaincant représentant chaque communauté ethnique, est évoquée ici; ce

2 que je crois n'était pas l'intention de la commission Badinter lorsqu'elle

3 a émis son opinion. Elle ne pensait pas que deux groupes ethniques

4 seraient balayés par un tel vote.

5 Question: J'aimerais que vous regardiez, s'il vous plaît, l'opinion n°4

6 figurant sur la commission Badinter.

7 Question: Pardonnez-moi. Ce n'est pas la faute de Mme Karper, mais j'ai

8 parcouru rapidement la liste des documents.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 Interprète: Microphone, s'il vous plaît, Madame Korner.

11 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, nous avons agrafé les

12 différentes opinions ensemble. Pardonnez-moi.

13 M. le Président (interprétation): De façon à ce que nous ne perdions pas

14 le fil, s'il vous plaît, le dernier document porte la cote S422; nous lui

15 donnons la cote provisoire de S423.

16 Mme Korner (interprétation): Si vous voulez bien vous tourner en fait vers

17 l'opinion n°4: c'est une photocopie de mon propre exemplaire et j'ai

18 corrigé "mois de novembre" et j'ai mis le "mois de décembre" parce que,

19 dans le texte original -dont vous avez peut-être une copie-, c'est ce qui

20 est indiqué et quelqu'un l'a traduit par le mois de novembre au lieu du

21 mois de décembre.

22 Monsieur Trifkovic, j'aimerais que vous regardiez, s'il vous plaît, la

23 dernière partie de l'opinion n°4, où il est indiqué "n°4".

24 "Dans ces circonstances, la commission d'arbitrage considère que la

25 volonté des peuples de Bosnie-Herzégovine de constituer le SRBH comme un

Page 13924

1 Etat souverain et indépendant ne peut pas être considérée comme

2 complètement établie. Et ceci pourrait être revu si des garanties

3 appropriées pourraient être fournies par la République qui demande cette

4 reconnaissance, peut-être par voie de référendum de tous les citoyens de

5 SRBH, sans aucune distinction, et sous le contrôle des représentants de la

6 communauté internationale."

7 Encore une fois, Monsieur le Président, Monsieur les Juges, je ne veux pas

8 ici en témoigner, mais si vous regardez la version française, il est

9 indiqué "sans aucune distinction". C'est la manière dont cela a été

10 formulé en français. Il s'agit de la dernière page, ici. Merci. Je

11 crois…Où voyez-vous mention faite d'une majorité respectable?

12 Eh bien, parce que vous ne vous êtes concentrée que sur l'opinion n°4 ,

13 j'aimerais que vous vous tourniez vers l'avis n°2, qui indique que

14 "lorsqu'il y a un ou plusieurs groupes à l'intérieur d'un Etat qui

15 représentent plusieurs communautés linguistiques, religieuses ou

16 culturelles, ils ont le droit de reconnaissance de leur identité, en vertu

17 du droit international, et les normes du droit international assurent le

18 respect des droits des minorités, etc.".

19 Et ce que vous aimeriez faire, je suppose, c'est regarder l'avis n°4 et de

20 l'isoler des avis précédents, étant donné que l'avis n°2 parle précisément

21 de l'expression de la détermination politique des différentes communautés.

22 Par conséquent, je ne pense pas que nous puissions citer l'avis n°4 et

23 l'isoler du reste. Si vous dites que la majorité simple est ce que

24 Badinter avait l'esprit, eh bien, cela semble contredire ses déclarations

25 précédentes.

Page 13925

1 Question: Pardonnez-moi. Vous dites: "Le professeur Kecmanovic -et je

2 suppose Mme Woodward également-, que la reconnaissance de l'Union

3 européenne de la Bosnie-Herzégovine a ignoré la commission de Badinter et

4 a précisé -vous comprenez bien le mot "précisé"-, indiqué qu'un vote sur

5 l'indépendance ne serait valable que si un nombre respectable de personnes

6 représentant ces trois communautés approuveraient cela.

7 Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelles sont ces différentes

8 opinions?

9 Réponse: En fait, je trouve ceci dans l'avis n°2.

10 "Quelles que soient les circonstances, il est établi que, lorsqu'il y a un

11 ou plusieurs groupes à l'intérieur d'un Etat qui constituent des

12 communautés religieuses et ethniques différentes, ils ont le droit de la

13 reconnaissance de leur identité et les normes du droit international sur

14 le respect des droits des minorités. Ceci s'applique aux Républiques des

15 minorités et la population serbe de Bosnie-Herzégovine, par conséquent,

16 doit avoir le droit qui s'applique aux minorités, en vertu des conventions

17 internationales, ainsi que les garanties internationales qui sont

18 cohérentes avec le principe du droit international et les dispositions du

19 chapitre 2 de l'avant-projet de la convention; il s'agit ici de la

20 convention internationale des Droits de l'homme, qui s'applique au droit à

21 l'autodétermination, en vertu de l'avis n°2.

22 Ceci semble signifier que les trois groupes ethniques doivent participer à

23 cela, ou en tout cas, différents segments de ces groupes ethniques doivent

24 participer au changement apporté à la Constitution.

25 Question: Je vais réitérer ma question. A quel endroit est-il fait

Page 13926

1 allusion au propos que seul un vote sur l'indépendance ne serait valable

2 que si un nombre respectable de personnes représentant les différentes

3 communautés approuveraient cela?

4 Réponse: La formulation qui est citée dans le rapport et dans Woodward

5 vient directement de l'avis n°2. Il n'est pas contenu en tant que tel dans

6 cet avis n°2. Par conséquent, il n'est pas inclus non plus entre

7 parenthèses. Mais il semble tout à fait clair que, d'après l'avis n°2, les

8 nations constituantes de Bosnie-Herzégovine ont le droit de se voir

9 appliquer le principe de l'autodétermination, article 3 de l'avis n°2.

10 Question: Où voyez-vous qu'il est fait mention d'un vote sur

11 l'indépendance à l'avis n°2?

12 Réponse: Eh bien, encore une fois, vous me demandez de faire un

13 commentaire sur l'avis n°4, l'article 4. Et ce que je vous ai indiqué

14 c'est que l'avis n°4, article 4, devrait être analysé en rapport avec

15 l'avis n°2, article 2 et 3.

16 Je ne dis pas que les articles 2 et 3, dans l'avis n°2, ni l'article 4 et

17 l'avis n°4, en tant que tels, suffisent à fournir les éléments de réponse

18 à votre question, mais les deux ensembles signifient véritablement que la

19 participation, en particulier, dans ce cas-ci, la participation de la

20 communauté serbe est essentielle puisqu'il a le droit à

21 l'autodétermination, la protection des droits de l'Homme, etc.

22 Et si nous regardons l'article 4 de l'avis n°4, de façon isolée, à ce

23 moment-là, il semblerait que de telles exigences n'ont pas lieu d'être. Et

24 je proposerai que sur la base de l'avis n°2, ce n'était pas l'intention de

25 la commission Badinter de mettre en place un système à majorité absolue et

Page 13927

1 ethniquement neutre. C'était quelque chose de suffisant.

2 Question: Très bien. Et vous ne considérez que cette phrase représente mal

3 votre vraie position?

4 Réponse: Non, cela ne représente pas mal. Il s'agit, je crois, d'en dire

5 un petit peu trop.

6 Question: Parce que vous n'avez pas pris le soin de vérifier les

7 références de Woodward?

8 Réponse: Non, c'est tout à fait le contraire. Je connais bien les

9 conclusions de la commission Badinter ainsi que leurs recommandations. Et

10 comme vous le savez, j'ai établi le lien entre l'avis n°2 et l'avis n°4,

11 parce que les opinions qui ont suivi la commission Badinter ne les ont pas

12 niés mais, au contraire, ont apporté simplement des éléments

13 supplémentaires.

14 Question: Pour finir, Professeur Trifkovic, l'article qui parlait du

15 Kosovo, est-ce quelque chose qui a été publié dans "Liberty"?

16 Réponse: Non, il s'agit en fait du site Internet "Chronicles", il aurait

17 été publié dans "Chronicles".

18 Question: Nous avons eu un article extrait de "Liberté" et daté du 10

19 novembre 1999, intitulé "Kosovo et les massacres inventés".

20 Réponse: Eh bien, cela aurait pu être extrait du site Internet

21 "Chronicles", mais je suis quasiment sûr de ne pas avoir écrit l'article

22 entièrement moi-même.

23 Question: Vous dites en fait que c'est un article qui a été amalgamé. Je

24 veux simplement m'assurer que nous parlions ici de la même chose. Vous

25 dites que cela avait été amalgamé avec l'article de 1996.

Page 13928

1 (Intervention de l'huissier.)

2 Nous n'avons pas pu faire de photocopies encore.

3 Réponses: Non, il ne s'agit pas ici de l'article amalgamé, il s'agit d'un

4 autre article qui est une compilation d'articles de presse venant de

5 différentes sources publiées. Et très honnêtement, c'est quelque chose qui

6 est représenté… plutôt un résumé des articles de presse, plutôt qu'un

7 article donnant l'opinion de quelqu'un.

8 Question: Autrement dit, ce n'est pas un article que vous avez rédigé

9 vous-même. Il s'agit d'une compilation d'articles.

10 Réponse: Si vous lisez ceci, il y a différentes citations de "El Pais"

11 suivies de Richard Gwyn, "Toronto Star", le "Daily Mirror". Il s'agit ici

12 de ce que l'on pourrait appeler une revue de presse, et le site Internet

13 "Chronicles" est ce segment qui parle en fait des articles de la presse

14 étrangère. Je crois qu'il s'agit ici d'un article qui en a été extrait.

15 Question: Voulez-vous allumer votre microphone, s'il vous plaît.

16 Donc il ne s'agit pas d'un article que vous avez invoqué?

17 M. Trifkovic (interprétation): Il ne s'agit pas d'un article qui a été

18 intégré dans les différents articles cités sur le site Web que vous m'avez

19 présenté hier.

20 Mme Korner (interprétation): Très bien, je peux vous le redonner.

21 Interprète: Peut-on demander à Mme Korner d'allumer son microphone, s'il

22 vous plaît? Merci.

23 Mme Korner (interprétation): Donc vous m'avez demandé de vous fournir la

24 preuve en vertu de quoi, au mois d'octobre 1992, lorsque le docteur Stakic

25 a eu cette entrevue avec la presse, la plupart des Musulmans étaient déjà

Page 13929

1 partis.

2 J'aimerais que vous regardiez un document: 65ter, 378.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 Je crois qu'il n'y a pas de numéro pour cette pièce.

5 M. le Président (interprétation): Donc nous allons donner la cote

6 provisoire S424.

7 Mme Korner (interprétation): Il s'agit ici d'un document qui semble avoir

8 été adressé à SNB, la section SNB de Banja Luka. Il s'agit ici du 23

9 octobre 1992.

10 Pourriez-vous regarder, s'il vous plaît, le passage de ce rapport qui

11 commence par "à partir de là et jusqu'à aujourd'hui, les conséquences de

12 ce conflit peuvent être ressenties partout. Des dizaines de… douzaines de

13 villages ont été entièrement détruits et ne sont plus habités.".

14 Et vous donnez la liste… Il y a la liste de ces villages.

15 "Ces instructions-là ont vu le début de l'exode en masse de Musulmans et

16 de Croates. D'après les estimations, environ 38.000 Musulmans et citoyens

17 croates ont quitté la municipalité de Prijedor jusqu'à présent."

18 Ces noms sont-ils évocateurs pour vous?

19 M. Trifkovic (interprétation): Certains d'entre eux ont été évoqués en

20 rapport avec les premiers conflits et certains ne sont pas évocateurs pour

21 moi. Mais pour pouvoir éclaircir ce point, en réponse à votre question, je

22 n'ai pas nié qu'un nombre important de Musulmans avaient quitté à l'époque

23 de la visite de l'évêque Komarica.

24 Je ne sais pas pourquoi vous pensiez que j'avais besoin d'être convaincu

25 ici. Ceci a été clairement dit: l'exode des non-Serbes, nonobstant la

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1 déclaration du docteur Stakic, à l'époque qui nous concerne ici, a

2 clairement démontré un esprit… fait montre d'un esprit conciliateur malgré

3 les événements qui se sont produits autour de lui avec lesquels il avait

4 un lien ou non. Mais il ne semble pas, en tout cas, que ce soit

5 l'expression de son engagement ni de ses souhaits personnels.

6 Question: Je vous ai suggéré qu'en octobre 1992, lorsque le docteur Stakic

7 a eu cet entretien, il aurait pu évidemment parler d'accord ethnique,

8 quelle que soit l'expression utilisée, parce qu'à ce moment-là, il n'y

9 avait quasiment plus ou très peu de Musulmans à Prijedor.

10 Pourriez-vous nous dire ce qu'indique ce document au début de la page 3:

11 "Le temps passe et nous pensons que les autorités officielles ainsi que

12 les citoyens eux-mêmes se détendent parce qu'ils ont l'impression qu'avec

13 le départ des Musulmans et des Croates, tout a été accompli."?

14 Réponse: C'est effectivement une déclaration très lourde qui est faite par

15 l'individu concerné dont je ne sais, d'ailleurs, pas qui il est. Et je me

16 prononce ici de façon objective et je dis qu'il s'agit là d'une

17 déclaration extraordinairement gênante qui implique qu'il est très

18 nettement engagé pour une certaine politique. Et c'est une déclaration que

19 je trouve extraordinairement compromettante.

20 Question: Et vous pensez toujours qu'il vaut mieux lire des articles issus

21 de "Kozarski Vjesnik" et des livres rédigés par des Musulmans que des

22 documents originaux qui ont trait à la période de temps concernée?

23 Réponse: Il est à déplorer que ce document en particulier n'ait pas, pour

24 autant que je puisse le dire, n'ait pas été rendu disponible à qui que ce

25 soit, sans parler de moi-même, qu'il n'ait pas été rendu disponible à qui

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1 que ce soit jusqu'au jour d'aujourd'hui. N'est-ce pas exact?

2 Mme Korner (interprétation): Je laisse de côté l'allégation que vous

3 essayez de formuler, Professeur.

4 M. Trifkovic (interprétation): Ce n'est pas une allégation, c'est une

5 question.

6 M. Lukic (interprétation): Objection, Monsieur le Président, et la défense

7 confirme ce que vient d'affirmer M. Stakic… pardon, M. Trifkovic. Jamais

8 la défense n'a vu ce document jusqu'à aujourd'hui.

9 Mme Korner (interprétation): Ce document, je le répète une fois encore, a

10 été communiqué à la défense le 14 février 2002. Ce document est un

11 document relatif à l'Article 65ter et il porte la cote 368. Et j'invite la

12 défense à vérifier ce qu'il en est avant de se dresser pour proclamer ce

13 type d'objection.

14 M. Lukic (interprétation): Est-ce que l'accusation aurait l'obligeance de

15 nous dire quand est-ce qu'elle a communiqué à la défense les documents qui

16 ont reçu la cote S421, S420 et le reste des documents qui ont été soumis

17 aujourd'hui?

18 Mme Korner (interprétation): Si ces documents avaient déjà été

19 communiqués, ils auraient reçu une cote au titre de l'Article 65ter. Vous

20 avez parfaitement raison, personne ne pensait que ces documents avaient

21 quelque pertinence que ce soit. Nous ne le pensions pas non plus jusqu'à

22 ce que le professeur Trifkovic fasse son apparition avec son rapport en

23 main.

24 M. le Président (interprétation): Je crois que tout cela relève, de toute

25 façon, du contre-interrogatoire. Il est normal que, dans le cadre d'un

Page 13932

1 contre-interrogatoire, on couvre toutes les questions qui ont été évoquées

2 dans le cadre de l'interrogatoire principal. Je ne vois donc pas où est le

3 problème. Mais tout de même essayons de ne pas contester le versement au

4 dossier des documents; nous avons absolument besoin de chacune des minutes

5 qui sont en train de s'écouler.

6 Mme Korner (interprétation): Mais il se trouve, Monsieur le Président, que

7 j'en suis arrivée au terme de mon contre-interrogatoire de M. Trifkovic.

8 (Questions au témoin, M. Srdja Trifkovic, de M. le Président.)

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

10 Alors passons à la vitesse supérieure.

11 Quand est-ce que vous vous êtes trouvé pour la dernière fois en ex-

12 Yougoslavie, Monsieur?

13 M. Trifkovic (interprétation): C'est une question que vous me posez,

14 Monsieur le Président?

15 Question: Assurément.

16 Réponse: Lundi dernier, je m'y suis trouvé pour une journée exactement.

17 Question: Est-ce que vous vous êtes jamais rendu en Republika Srpska?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Vous êtes-vous jamais rendu à Banja Luka?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et à Prijedor?

22 Réponse: Non.

23 Question: Avez-vous jamais essayé d'avoir accès à des archives, qu'elles

24 se trouvent à Banja Luka ou à Prijedor ou en d'autres endroits, afin

25 d'avoir une idée plus précise de ce qui avait pu se passer à l'époque qui

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1 nous intéresse?

2 Réponse: L'équipe de la défense m'a dit très clairement que les seuls

3 documents que je pouvais traiter et analyser, et qui seraient considérés

4 comme recevables par la Chambre, étaient ceux qui avaient fait l'objet

5 d'une traduction officielle; je parle des documents qui étaient en version

6 originale en BCS et qui avaient déjà été soumis à l'attention de la

7 Chambre.

8 Mais, pour répondre à votre question, non je n'ai pas eu d'accès direct

9 aux archives de la Republika Srpska et je n'ai même pas connaissance qu'il

10 y ait accès libre du public à ces archives, car je pense qu'il y a une

11 partie assez importante de ces archives qui est placée sous le statut

12 d'éléments de preuve documentaires.

13 Question: Avez-vous jamais essayé d'avoir accès à ces documents?

14 Vous êtes tout de même un expert, et sans doute cela relève-t-il de votre

15 droit mais également de votre devoir, je pense, d'essayer d'avoir accès à

16 des documents plus contemporains ou à des éléments de preuve qui auraient

17 pu vous être communiqués par des témoins. Il vous revient aussi d'essayer

18 d'avoir accès à des documents qui sont plus fiables tout de même que de

19 simples articles de journaux.

20 Réponse: Monsieur le Président, vous vous rappellerez que l'intitulé de

21 mon rapport est "Evénements survenant à Prijedor dans le contexte de la

22 crise bosniaque".

23 Mon intention n'était pas tant d'analyser les événements qui sont survenus

24 à Prijedor même, mon intention était de les replacer dans un contexte plus

25 général. Je me proposais également de voir dans quelle mesure les

Page 13934

1 événements de Prijedor pouvaient être étudiés de façon isolée, eu égard

2 aux événements plus généraux qui étaient en train de reformater la

3 politique bosniaque ainsi que la société de Bosnie-Herzégovine.

4 Mes conclusions à partir de la page 35 essaient de synthétiser un petit

5 peu les choses en affirmant et en établissant, en ce qui me concerne, que

6 Prijedor n'est pas un microcosme, que Prijedor a partagé le sort de la

7 République, qu'il y a eu à Prijedor des événements qui sont survenus, mais

8 qui dépassaient le contrôle d'un seul d'individu ou d'une seule

9 municipalité.

10 M. le Président (interprétation): Cela, c'est quelque chose qui découle de

11 vos méthodes de travail. Ce que vous dites par ailleurs est exact, enfin

12 je pense, et que votre méthode et votre pratique, c'est d'envoyer un

13 questionnaire à certains amis, à certains collègues, les soumettre à

14 certaines questions pour voir s'ils peuvent proposer un commentaire eu

15 égard à certains projets de déclaration que vous avez l'intention

16 d'inclure dans un rapport.

17 Est-ce que vous avez une liste complète des destinataires de ces documents

18 lorsque vous essayez de préparer un travail de référence universitaire?

19 Réponse: Tout dépend en fait de la question étudiée et, en fait, il y a

20 différents destinataires selon qu'on étudie telle ou telle question. Je

21 réitère ce que j'ai déjà dit à ce propos, du fait que j'étais très

22 perplexe vis-à-vis de certains chevauchements qui existent entre mon

23 rapport et le rapport du professeur Kecmanovic, chose qui ne m'a frappé

24 que lorsque j'ai vu très clairement qu'il y avait en fait utilisation du

25 même ensemble de sources, du même ensemble de notes de référence. Cela ne

Page 13935

1 fait pas de doute que le professeur Kecmanovic et moi-même avons eu les

2 mêmes sources à partir desquelles nous avons travaillé.

3 Question: Mais vous confirmez ce que vous avez déclaré, n'est-ce pas, dans

4 l'ensemble de ce que vous nous avez dit?

5 Réponse: Mais je ne dis pas que ce chevauchement est dû à ce que j'ai pu

6 envoyer moi par ailleurs. Ce que je dis, c'est que le même ensemble de

7 notes provenant de la même source a été transmis tant au professeur

8 Kecmanovic qu'à moi-même. Et ces notes étaient des notes que j'avais fait

9 circuler à titre purement amical et dont je ne pensais pas qu'elles

10 pouvaient devenir la source d'autant d'embarras et d'autant de

11 contestations.

12 Question: Parmi ces destinataires, est-ce qu'il n'y avait que des Serbes

13 ou bien est-ce que vous avez également soumis ces notes à des collègues

14 croates ou musulmans?

15 Réponse: Non. En fait, l'essentiel de mes demandes de commentaire ou

16 d'opinion a été transmis à des personnes qui n'avaient aucun lien ethnique

17 avec cette région du monde. Justement parce que je pensais qu'il est

18 parfois nécessaire de n'avoir aucune intervention de cette notion

19 d'ethnicité pour pouvoir être suffisamment détaché de la question, pour

20 pouvoir en faire une évaluation objective et de sang-froid.

21 Question: Est-ce que vous partagez l'opinion selon laquelle il n'y a pas

22 une seule vérité historique qui vaille?

23 Réponse: C'est une question extraordinairement vaste, Monsieur le

24 Président; elle appelle une réponse très complexe. Je pense que nous

25 n'avons pas le temps de nous livrer à ce type de réflexion.

Page 13936

1 Ce que je dirais, c'est qu'il y a une vérité en constante évolution et

2 l'exemple de cela, c'est l'histoire diplomatique qui a précédé à

3 l'éclatement de la Première Guerre mondiale. Vous savez qu'il y a eu une

4 crise en juillet 1914; cette crise a subi une certaine courbe d'évolution

5 et l'analyse qui en a été faite a évolué au cours des 80 dernières années.

6 Ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas une seule vérité coulée dans le

7 plomb, une fois et pour toujours. En fait, il faut également tenir compte

8 des nouveaux éléments de preuve, tenir compte des différents angles

9 d'approche qui peuvent être adoptés. Chaque génération éclaire l'effet

10 d'une lumière différente. Si cela n'était pas le cas, l'histoire

11 s'écrirait une fois pour toutes et serait immuable.

12 Question: Est-ce que vous avez jamais participé à la conférence des

13 représentants? Ou plutôt est-ce que vous auriez jamais participé à une

14 conférence réunissant des personnes venant de Croatie, de Slovénie, de

15 Bosnie-Herzégovine de Serbie, personnes qui se seraient réunies pour

16 essayer d'identifier un dénominateur commun, dont vous auriez pu dire

17 qu'il s'agissait d'une base sur laquelle quelque chose de commun pourrait

18 être construit?

19 Réponse: J'ai participé à un certain nombre de conférences répondant à vos

20 critères. Cela dit, ces conférences n'avaient pas pour objectif l'objectif

21 très large que vous avez évoqué, Monsieur le Président. Cette conférence

22 était placée sous l'association américaine pour la promotion des études

23 slaves. J'ai pris part à des panels de réflexion au sein desquels des

24 personnes d'appartenance ethnique diverses et d'opinions diverses sur les

25 questions de la guerre se retrouvaient et essayaient, de façon très

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1 collégiale, de faire valoir différentes opinions qui n'étaient pas

2 toujours réconciliables. Nous essayons toujours d'échanger nos points de

3 vue en personnes courtoises et appartenant au même monde qui est le monde

4 des universitaires et de la recherche.

5 Question: Est-ce que vous pourriez dire que, fin juin 1999, il y a eu une

6 guerre de cinq jours due au fait que la JNA a occupé les frontières de la

7 Slovénie?

8 Réponse: Vous pensez à 1991 et pas à 1999?

9 Question: Absolument. A la fin juin 1991.

10 Réponse: Ce qui s'est passé à la fin juin est en fait une erreur énorme,

11 qui a été due aux décisions prises par la direction de la JNA, direction

12 qui était motivée par certaines idéologies. Je ne parlerai même pas de

13 guerre: c'est un terme encore trop digne pour ce qui a été fait; une

14 guerre, c'est quelque chose qui suppose une préparation stratégique bien

15 claire. Or ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu intervention totalement

16 abusive de la JNA en Slovénie. Il s'agissait même d'une intervention

17 criminelle; elle ne peut être qualifiée de guerre.

18 Question: Est-ce que vous pouvez envisager la possibilité de considérer

19 comme une période de temps séparée la période qui va jusqu'à janvier 1992?

20 Est-ce que vous pourriez dire que, jusqu'à cette date, il y a eu une

21 guerre ouverte et en constante évolution en Croatie, évolution dans le

22 sens où elle ne faisait que s'aggraver?

23 Réponse: Le terme "guerre" est plus applicable à la situation croate, mais

24 je nuance mon propos en disant qu'il n'y avait pas totale conformité

25 d'intérêt ou d'intention entre le JNA, qui existait toujours à l'époque,

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1 et les milices locales serbes et les unités de défense territoriale qui

2 refusaient d'accepter, de reconnaître le contrôle des autorités croates

3 centrales. D'ailleurs, si l'on regarde de quelle façon les garnisons de la

4 JNA se sont rendues ou sont parties de Croatie, on s'aperçoit que, dans

5 l'esprit des Serbes de la Krajina, il y avait un grand manque de confiance

6 à l'égard de la JNA, qui était à leurs yeux motivé par certaines

7 idéologies et qui refusait, d'une certaine façon, de s'engager dans la

8 défense des intérêts serbes. Ce n'est qu'avec l'émergence de l'armée de la

9 Krajina serbe que cette espèce de dichotomie a progressivement été gommée.

10 Question: Pensez-vous que l'on puisse dire, sans que cela puisse être

11 contesté, que la JNA, après être revenue de Croatie, s'est d'abord

12 installée en Bosnie-Herzégovine?

13 Réponse: Oui.

14 Question: N'est-il pas exact par ailleurs qu'à partir de cette période et

15 jusqu'à l'automne 1992, on peut parler d'une troisième guerre, impliquant

16 ou provoquant la disparition de quelque 200.000 victimes sur le territoire

17 de la Bosnie-Herzégovine?

18 Réponse: Il y a une date de cette période qu'il faut évoquer, ne serait-ce

19 qu'en passant: c'est la date du 19 mai 1992. Elle correspond au départ des

20 cadres non bosniens et des membres non bosniens de la JNA du territoire de

21 la Bosnie-Herzégovine. Cela a correspondu à l'abandon d'un équipement et

22 d'un arsenal assez importants.

23 Alors, dans quelle mesure y a-t-il continuité entre la JNA et la VRS? Et

24 dans quelle mesure est-ce que la structure de commandement et le contrôle

25 de ces deux entités est-elle identique? Il convient de laisser aux

Page 13939

1 historiens le soin de faire toute la lumière sur cette question. Ils

2 auront encore besoin d'un certain temps pour ce faire.

3 Mais ce que je pense, c'est que les structures de commandement de la VRS

4 remontaient et ont toujours remonté jusqu'à Belgrade, même si cela

5 n'apparaissait pas de façon manifeste aux yeux des troupes qui se

6 trouvaient sur le terrain.

7 Question: Avez-vous été… Imaginons que vous ayez été contacté par le passé

8 par M. Milutinovic ou par M. Hadzihasanovic, imaginons qu'il vous aurait

9 demandé de leur faire bénéficier du même degré d'expertise que vous avez

10 impliqué dans la préparation de votre rapport pour M. Stakic, est-ce que

11 vous auriez répondu positivement à leur demande?

12 Réponse: Non.

13 Question: Pourquoi?

14 Réponse: J'aurais eu beaucoup de scrupules moraux à l'idée de prendre part

15 à un effort qui m'aurait engagé aux côtés des membres d'une structure de

16 pouvoir que je considère comme profondément défectueuse et qui a pris une

17 part assez malheureuse aux scénarios qui se sont fait jour en ex-

18 Yougoslavie dans les années 90. Monsieur Milutinovic est inséparable de

19 l'établissement du régime Milosevic. J'ai beaucoup écrit sur

20 l'établissement du régime Milosevic à Belgrade, et tout cela relève du

21 domaine public.

22 Question: Vous avez hier, évoqué le fait que vous aviez, à deux reprises,

23 rendu visite à M. Stakic au sein de l'unité de détention. Est-ce que vous

24 essayez, ce faisant, de voir si vous et M. Stakic aviez les mêmes opinions

25 politiques?

Page 13940

1 Réponse: Non, nous avons fort peu parlé de politique à proprement parler.

2 Mon objectif était bien précis: je voulais satisfaire une curiosité toute

3 personnelle qui portait sur le caractère, sur l'aura de l'homme dont nous

4 parlons. Je voulais me faire une opinion personnelle de sa sincérité

5 lorsqu'il affirme qu'il n'a jamais su le détail des événements dont il est

6 accusé, qu'il n'a jamais souhaité soutenir les événements dont on

7 l'accuse.

8 Question: En tant qu'universitaire, est-ce vous vérifiez généralement les

9 sources de ce que vous affirmez?

10 Réponse: Mais là nous sortons un peu de la pratique universitaire. Là, je

11 me suis engagé personnellement dans une question qui avait trait à mes

12 propres principes, mes propres valeurs et à ma propre conscience en tant

13 qu'individu.

14 Faisons référence à ces documents qui viennent de nous être divulgués. Si

15 on regarde la déclaration en haut de la page 3, je n'aurais pas souhaité

16 que l'on mette ce type de déclaration dans ma propre bouche, et j'aurais

17 été fort malheureux et déçu qu'une telle déclaration était attribuée à M.

18 Stakic. Cela aurait été quelque chose que j'aurais très vivement ressenti.

19 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec une phrase disant, -je

20 cite-: "Les Musulmans qui ont été créés de façon artificielle."

21 Réponse: Non, j'aurais un problème avec l'expression "Les Musulmans" qui

22 font référence à une Bosnie qui leur aurait appartenu en tant qu'ethnie

23 pendant une période s'étendant sur plusieurs siècles.

24 Question: Vous essayez d'éviter de me répondre de façon claire. Je vous

25 pose la question une fois encore, partagez-vous l'idée qui sous-tend la

Page 13941

1 phrase -je cite-: "Les Musulmans qui ont été créés de façon artificielle."

2 Réponse: Non.

3 Question: Avez-vous jamais essayé de vous assurer que "Kozarski Vjesnik"

4 était une source absolument fiable, qui était une source qui pouvait être

5 utilisée à l'exclusion de toutes les autres. Un certain nombre de

6 citations vous ont été attribuées, ont été attribuées à d'autres

7 personnes, mais tout de même avez-vous jamais essayé de contacter qui que

8 ce soit qui vous aurez confirmé dans votre impression que "Kozarski

9 Vjesnik" était une source parfaitement fiable, qui aurait pu vous dire

10 vous dire quel était exactement le rôle joué par "Kozarski Vjesnik" à

11 Projedor en 1992?

12 Réponse: "Kozarski Vjesnik" est, d'après moi, une source objective et

13 fiable jusqu'au printemps 1992. Après cette date, les choses sont

14 différentes parce qu'elle devient le porte-parole unilatéral du SDS tel

15 qu'il était installé à Prijedor.

16 C'est pour ça que je me suis surtout appuyé sur "Kozarski Vjesnik" pendant

17 toute la période où le conseil d'éditeurs, la ligne éditoriale était

18 placée sous le contrôle d'un ensemble de reporteurs appartenant à

19 différentes ethnies. J'ai seulement utilisé les rapports factuels, qui

20 faisaient état de citations directes, par exemple celles qui avaient trait

21 à la visite de l'évêque Komarica pendant la période qui a suivi.

22 Question: Mais la conclusion en serait que, pendant la période qui a

23 suivi, c'est-à-dire la période d'avril 1992 et de l'été 1992, vous

24 admettez vous-même que vous ne vous seriez pas appuyé sur cette source qui

25 ne vous aurait plus semblé être comme une source vraiment fiable.

Page 13942

1 Réponse: Mais de toute façon, Monsieur le Président, mon rapport

2 s'interrompt au moment où commence la période du printemps 1992, et de ce

3 moment-là, nous entrons effectivement dans une période de temps qui était

4 surtout, qui a surtout fait l'objet de rapports militaires.

5 Question: Pour conclure, nous pouvons dire que jamais vous n'avez essayé

6 d'obtenir, par le biais de la défense ou par le biais d'autres

7 intervenants, d'autres documents, qu'ils s'agissent de séquences vidéo, de

8 séquences audio, documents qui pourraient refléter ce qui a été dit par

9 d'autres sources pendant la période de temps qui est au cœur de votre

10 rapport.

11 Réponse: On a remis un ensemble important de documents, tiré de

12 "Oslobodjenje", de Dani, de "Slobodna Bosna". Et on m'a également

13 communiqué les mémoires de quatre commandants de l'armée de Bosnie-

14 Herzégovine qui étaient très impliqués dans les événements des tout

15 premiers jours d'existence de la Ligue patriotique.

16 Question: Mais est-ce que vous ne seriez pas d'accord avec moi pour dire

17 qu'il s'agit là de sources secondaires?

18 Réponse: Absolument, je suis d'accord avec vous, mais on peut aussi dire

19 que ce sont les sources secondaires qui permettent d'avoir une idée assez

20 générale du contexte politique qui prévalait, contexte politique dans

21 lequel s'inscrivent les événements qui se sont produits à Prijedor. Et à

22 ce titre, ces sources secondaires sont plus fiables que des sources

23 primaires qui, dans une certaine mesure, peuvent être plus utiles, mais

24 qu'il faut multiplier par 100 ou par 1000 avant d'avoir une idée complète

25 de la mosaïque que composent ces témoignages individuels.

Page 13943

1 Question: Est-ce que votre travail est directement ou indirectement

2 financé par une tierce partie?

3 Réponse: En aucun cas.

4 Question: En aucun cas?

5 Réponse: Je le maintiens. Le seul financement dont j'ai bénéficié sous la

6 forme d'une avance modeste de financement est celui qui m'a été apporté

7 par l'équipe de la défense. Il n'y a eu aucun financement de quelque

8 tierce partie que ce soit.

9 Question: Mais c'était une question plus générale que je vous posais. Elle

10 porte sur toute la période de temps qui a commencé en 1992.

11 Réponse: Alors, je m'excuse, je n'ai pas compris votre question. Pourriez-

12 vous la répéter?

13 Question: Est-ce que votre travail a été financé par qui que ce soit

14 depuis 1992, qu'il s'agisse d'un financement direct ou indirect? Il aurait

15 pu y avoir eu financement d'articles que vous auriez écrits pour tel ou

16 tel magazine, comme "Chronicles" par exemple?

17 Réponse: Vous me demandez si je suis payé lorsque j'écris des articles

18 pour la revue "Chronicles"?

19 Question: Je vous demande si vous avez reçu quelque financement que ce

20 soit, financement qui n'aurait pas été un financement ponctuel pour tel ou

21 tel article, mais qui aurait été un financement que l'on peut assimiler à

22 un soutien politique général? Tout soutien se manifeste souvent sous la

23 forme d'argent, alors est-ce que vous avez reçu quelque financement que ce

24 soit qui serait venu soutenir votre travail?

25 Réponse: Au printemps 1994, j'ai reçu un soutien financier assez limité.

Page 13944

1 Il s'agissait d'une période pendant laquelle j'essayais d'aider la

2 Republika Srpska en établissant un bureau de représentation à Londres.

3 C'est le seul financement direct que j'ai reçu.

4 Tout mon travail, en tant qu'universitaire, en tant que chercheur, a été

5 payé dès lors que ce paiement prenait la forme d'un salaire qui

6 correspondait aux dispositions d'un contrat ou qui correspondait à une

7 intervention de ma part en tant que consultant.

8 Question: Qui vous a versé ce soutien financier?

9 Réponse: Des membres de la diaspora serbe.

10 Question: Pourriez-vous nous donner des noms?

11 M. Trifkovic (interprétation): Tout cela s'est passé au cours de dîners,

12 lors d'événements au cours desquels une quête, une collecte était faite.

13 Cela me permettait généralement d'acquérir de l'équipement ou de couvrir

14 certains frais.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je vais céder la

16 parole au Juge Vassylenko.

17 (Questions au témoin, M. Srdja Trifkovic, de M. le Juge Vassylenko.)

18 M. Vassylenko (interprétation): Monsieur Trifkovic, lorsque vous avez

19 déposé vendredi dernier, vous avez déclaré en page 13.647 et 13.648 du

20 LiveNote, vous avez déclaré que, s'inscrivant dans la ligne de Pasic, il

21 s'agissait de permettre aux différentes particularités ethniques au sein

22 de la Yougoslavie de leur donner la possibilité de se prononcer, de

23 s'exprimer. J'insiste sur le fait que ceci ne permettait uniquement aux

24 très particuliers Serbes de se faire entendre, mais aussi que cette

25 possibilité serait donnée aux autres groupes.

Page 13945

1 Et à ce sujet, la question que je souhaite vous poser est la suivante:

2 êtes-vous au courant du fait que Nikola Pasic interprétait l'idée de

3 l'unité slave et l'idée des particularismes ethniques dans le cadre de

4 cette unité en tant que quelque chose qui garantirait une suprématie aux

5 Serbes, et que, pendant toute sa vie, il a fait tout ce qu'il a pu afin de

6 mettre en œuvre cette idée, et ce, conformément au projet Grand Serbe?

7 M. Trifkovic (interprétation): Afin de répondre à votre question, Monsieur

8 le Juge, il serait nécessaire de souligner que les points de vue de Pasic

9 ont évolué dans le temps. Vous vous référez à quelque chose qui est

10 vraisemblablement exact lorsque vous parlez des derniers mois de la

11 Première Guerre mondiale. Lorsque Pasic a changé son point de vue au sujet

12 de la déclaration de Corfou de 1917 et lorsqu'il a insisté sur le fait

13 que, si la Serbie devenait partie intégrante du projet yougoslave sans

14 qu'il y ait une manière de tracer nettement les frontières de ce qui leur

15 appartenait, eh bien, que ce serait une erreur.

16 Néanmoins, au début des années 20, et en particulier lorsqu'il a cherché à

17 arriver à un accord avec le Parti paysan croate de Stjepan Hadjic, Pasic a

18 été contraint de modifier ses points de vue, en particulier compte tenu du

19 fait que le régent Alexandre, qui devait devenir plus tard le roi

20 Alexander, a opté pour la Yougoslavie en 1921. Et Pasic a été obligé

21 d'agir dans le cadre de ces restrictions, de ces limites-là.

22 Afin de répondre à votre question, la réponse serait la suivante. Si Pasic

23 avait eu toute la liberté de choisir ses options politiques dans les

24 négociations qu'il a eues avec le Comité yougoslave pendant la Première

25 Guerre mondiale, il aurait préféré définir d'abord les frontières serbes

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1 et, par la suite, opérer une unification avec les Croates et les Slovènes,

2 et ce, compte tenu des restrictions des accords à l'issue de la Première

3 Guerre mondiale. Pasic a donc été forcé de modifier ses positions et de

4 négocier avec beaucoup de succès avec les Croates, ce qui a donné lieu en

5 1925 à la création d'un gouvernement de coalition.

6 Question: Vous connaissez la recherche d'Ivo Banac?

7 Réponse: Banac?

8 Question: Au sujet de la Yougoslavie.

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que vous partagez ses points de vue concernant l'activité

11 de Nikola Pasic?

12 Réponse: Je pense qu'il accorde plus de poids à l'influence exercée par

13 Pasic au sein de l'épique dirigeante politique serbe à la fin de la

14 Première Guerre mondiale que ce que nous permettent d'en penser les faits

15 historiques, puisque, si le régent Alexandre avait suivi le conseil de

16 Pasic, l'accord constitutionnel sur la base duquel a été constitué le

17 royaume aurait été très différent. Il aurait demandé bien plus de

18 précisions quant à la définition de l'unité de la Serbie au sein du

19 nouveau royaume. Mais je dois dire aussi que je connais bien le travail

20 d'Ivo Banac et je le respecte entièrement.

21 M. Vassylenko (interprétation): Je demanderai qu'on distribue les extraits

22 de ce livre aux parties présentes et il y a un exemplaire pour le Greffe.

23 Mme Dahuron (interprétation): Pièce J32, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation): Merci.

25 M. Vassylenko (interprétation): Monsieur Trifkovic, seriez-vous d'accord

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1 pour dire que le système politique et le système de l'Etat de Yougoslavie,

2 tel qu'il a été constitué après la Deuxième Guerre mondiale, était

3 destructeur en soi?

4 M. Trifkovic (interprétation): Oui.

5 Question: Est-il vrai qu'après l'effondrement du régime communiste dans

6 l'ex-Yougoslavie, l'équipe dirigeante politique serbe a essayé de

7 préserver l'unité de l'Etat et a essayé d'empêcher la désintégration de la

8 Yougoslavie?

9 Compte tenu l'échec de ces tentatives, cette équipe a opté pour la mise en

10 œuvre… pour la réalisation d'une Grande Serbie, ou plutôt de l'idée de la

11 Grande Serbie, afin de créer un Etat ethniquement homogène?

12 Réponse: Je serais d'accord avec la première partie de votre affirmation,

13 Monsieur le Juge, au sujet de leurs tentatives d'empêcher le démantèlement

14 de la Yougoslavie.

15 Pour ce qui est d'un effort concerté visant à mettre en œuvre le plan de

16 la mise sur pied de la Grande Serbie, eh bien, je doute fortement que ceci

17 ait été en réalité le scénario de Milosevic. Je pense que Milosevic a en

18 fait joué plusieurs jeux et que même certains de ses plus proches

19 collaborateurs n'étaient pas tout à fait certains quant à ses objectifs

20 ultimes. Il s'agit d'une question extrêmement complexe. Je regrette de ne

21 pas pouvoir vous donner une réponse plus tranchée mais c'est ce que je

22 pense très sincèrement.

23 Question: Ma dernière question. N'est-il pas vrai qu'en essayant

24 d'empêcher le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et d'appliquer, de mettre

25 en œuvre l'idée de la Grande Serbie, l'équipe dirigeante politique serbe a

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1 eu recours à la force armée et que ceci a donné lieu à des violations

2 flagrantes du droit humanitaire international et des normes généralement

3 reconnues des droits de l'homme?

4 M. Trifkovic (interprétation): Il est vrai que du côté serbe, il a été

5 fait recours à la force et qu'il y a eu violation de tous ces droits que

6 vous mentionnez. Il est également vrai que, compte tenu de la manière dont

7 la séparation s'est faite, en particulier pour ce qui est de la Croatie et

8 de la Bosnie-Herzégovine, il y a eu violation des normes

9 constitutionnelles yougoslaves, et que ceci a donné lieu à un sentiment

10 d'insécurité et d'incertitude, et ce, au sein d'une proportion importante

11 de la population serbe de ces Républiques.

12 Dire simplement qu'une partie a eu recours à la violence sans tenir compte

13 de la complexité et des facettes multiples de cette situation, eh bien,

14 cela me semblerait trop banal, trop simplificateur. Et je pense qu'une

15 partie du problème est que, depuis le début du démantèlement de la

16 Yougoslavie, on cherche à considérer la situation comme si elle était noir

17 et blanc.

18 M. Vassylenko (interprétation): Je vous remercie.

19 (Questions au témoin, M. Srdja Trifkovic, de Mme la Juge Argibay.)

20 Mme Argibay (interprétation): Je n'ai qu'une seule question. Monsieur

21 Trifkovic, j'espère que ce sera une seule question. Etes-vous au courant

22 du fait que la déclaration islamique de M. Izetbegovic a été publiée en

23 1970?

24 M. Trifkovic (interprétation): En 1970, elle a été publiée de manière

25 presque clandestine. C'est uniquement en 1990 qu'il y a eu une

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1 publication, pourrais-je dire, officielle de ce texte.

2 Question: Lorsque vous dites que ceci a été publié de manière semi-

3 clandestine, qu'entendez-vous par là?

4 Réponse: Puisque de l'époque de l'ex-Yougoslavie socialiste, afin de

5 pouvoir avoir l'autorisation de publier officiellement quelque chose, eh

6 bien, il fallait bénéficier de deux avis qui recommandaient la publication

7 d'un ouvrage donné et qui engageaient leur réputation professionnelle ce

8 faisant.

9 Et ceci m'incite à remonter dans le temps. Je ne voudrais pas rentrer trop

10 dans le détail, mais je me contenterai de dire qu'en 1970, les règles

11 régissant la distribution et la diffusion légale du livre n'étaient pas

12 respectées. Mais, en même temps, la publication en 1990, pour autant que

13 je le sache, n'était pas très différente, quant au contenu, différente de

14 la version précédente, donc de 1970.

15 Question: Il s'agit de deux publications identiques, d'après ce que je

16 vois?

17 Réponse: C'est exact.

18 Question: Mais alors 20 plus tard, pourquoi avez-vous décidé ou beaucoup

19 de gens ont-ils décidé que cette déclaration islamique devait être

20 considérée comme quelque chose d'extrémiste et pourquoi était-ce un fait

21 nouveau et pourquoi la Bosnie n'est-elle même pas mentionnée là-dedans?

22 Réponse: On n'a pas besoin de mentionner la Bosnie afin de faire par des

23 positions que nous connaissons tous d'ailleurs, qui sont très fortes et

24 qui parlent de l'organisation souhaitable d'une société selon des notions

25 très clairement religieuses. En fait, je pense que ceci aurait été

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1 nécessaire, donc de citer une région géographique en particulier, même si

2 cela concerne le monde islamique au sens large du terme et c'était

3 alarmant en soi.

4 Question: Une question de plus seulement à ce sujet.

5 Si vous remplacez l'adjectif islamique par l'adjectif chrétien ou par

6 l'adjectif juif, s'agirait-il, à ce moment-là, d'une différence de sens

7 importante?

8 Réponse: Cette question est très importante puisqu'il s'agit… parce que

9 nous avons aussi des tendances extrêmes dans les autres religions. Donc

10 vous pourriez avoir un intégrisme catholique ou orthodoxe qui chercherait,

11 par exemple, à revenir à des positions médiévales tout comme le fait

12 l'islam.

13 M. le Président (interprétation): Nous allons lever la séance jusqu'à 15

14 heures 55 précises.

15 (L'audience, suspendue à 15 h 45, est reprise 16 heures.)

16 M. le Président (interprétation): Dés que le témoin expert aura regagné le

17 prétoire, je donnerai la parole à la défense. Je vous prie de tenir compte

18 du fait qu'à la fin de l'audience, nous devons décider si vous souhaitez

19 verser au dossier ceci ou non. Mais, je vous en prie, poursuivez.

20 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Srdja Trifkovic,

21 par Me Lukic.)

22 M. Lukic (interprétation): Encore une fois, bonjour, Monsieur Trifkovic.

23 M. Trifkovic (interprétation): Bonjour, Monsieur.

24 Question: Il nous faut avancer très rapidement, dans les 30 minutes qui

25 viennent, pour que vous puissiez partir ce soir. Pourriez-vous nous dire

Page 13951

1 quel est le nom de votre colonne régulière dans le magazine "Chronicles"?

2 Réponse: C'est "L'intérêt américain". Souhaitez-vous en voir un

3 exemplaire?

4 Question: Non, dites-le nous, cela suffira. Merci.

5 Réponse: Et sur Internet, le titre est "Nouvelle et point de vue", qui ne

6 se prête pas à la publication par la voie de presse.

7 Question: C'est bien cela?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Est-ce que cela veut dire que vous avez tendance à critiquer et

10 est-ce bien cela votre rôle?

11 Réponse: La publication sur Internet est de nature plus polémique, elle

12 est moins rigoureusement soumise à des vérifications ou plutôt elle fait

13 moins l'objet d'exigences d'équilibre ou de modération que demande la

14 presse écrite.

15 M. Lukic (interprétation): Très bien. Page 117, ligne 12, vous en parlez.

16 Vous vous montrez très critique et, du moins en 1996, vous vous êtes

17 montré très critique à l'égard de ce Tribunal. A votre avis, il y a eu

18 aussi des critiques au sujet des Juges du Tribunal et nous souhaitons

19 distribuer cela aux parties présentes.

20 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il s'agit là d'un fait qui

21 n'est pas contesté et cela n'a rien à voir ici. Il s'agit en effet de

22 quelque chose qui est en cours, disons-le ainsi.

23 M. Trifkovic (interprétation): En plus, permettez-moi de répéter encore

24 une fois ce que j'ai déjà dit hier, à savoir que mon article de 1996 a

25 fait l'objet d'analyses, d'examens, hier et maintenant, avec une distance

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1 de sept ans. Je peux me pencher sur les espoirs que j'avais pendant toute

2 cette période, à savoir que les tribunaux des différentes Républiques

3 deviendraient mieux à même afin de pouvoir se saisir de ces affaires eux-

4 mêmes et cet espoir ne s'est pas réalisé; et aussi ce Tribunal est devenu

5 plus équitable dans la manière dont il se saisit des différentes affaires,

6 entre-temps. Donc je m'exprimerais de manière plus modérée aujourd'hui.

7 M. Lukic (interprétation): Très bien. Mais vous êtes d'accord avec moi

8 pour dire que la critique peut être constructive aussi?

9 Réponse: Oui. La critique existe afin d'enrichir les connaissances et les

10 expériences humaines.

11 Question: Vous avez également critiqué l'ex-président yougoslave, M.

12 Milosevic, et j'ai ici une liste de certains de vos articles que vous avez

13 publiés.

14 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, si cela peut être

15 utile, la question au sujet de ces articles ne lui a pas été posée afin de

16 vérifier s'il était légitime de critiquer. J'ai dit qu'il était tout à

17 fait en droit de critiquer, mais c'était la base pour des allégations que

18 le témoin a faites et pas autre chose.

19 M. Lukic (interprétation): Est-ce que je peux citer quelques titres?

20 M. le Président (interprétation): Je pense que nous connaissons la

21 déclaration et, en plus, j'ai le résumé de ces articles, des entretiens

22 par voie radiophonique, etc.

23 M. Lukic (interprétation): Je voudrais simplement citer trois ou quatre de

24 ces titres pour que vous ayez une idée générale.

25 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

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1 M. Lukic (interprétation): Il s'agit d'une émission d'informations

2 américaines. Il est dit -je cite-: "Slobodan Milosevic exploite de manière

3 civique le réveil nationaliste après le régime communiste dans la partie

4 Est de la Yougoslavie". (Fin de citation.) C'était en fait une question.

5 M. Trifkovic (interprétation): Oui, c'est exact. Et ces déclarations

6 concernent ce qui m'a été demandé par la Chambre, il y a un instant, au

7 sujet des motivations de Milosevic et j'ai essayé d'expliquer qu'il

8 s'agissait de quelque chose de complexe et qu'il est très difficile de

9 dire lequel des rôles endossés par Milosevic a été le vrai, en particulier

10 à cette époque-là.

11 Question: Et l'institution Hoover, en 1991, publie un article intitulé -je

12 cite-: "La crise yougoslave et les Etats-Unis". Là, vous avez appelé M.

13 Milosevic démagogue et populiste.

14 Réponse: Oui, j'ai employé cette expression et je pense que je l'ai

15 employée à plusieurs reprises. Je pense que c'était vrai et que cela le

16 concerne pendant toute la période où il a été au pouvoir.

17 Question: Et puis aussi, le 6 septembre 1992, vous dites… il est dit que

18 vous étiez critique à l'égard du régime autoritaire du Président serbe

19 Slobodan Milosevic. Vous vous rappelez avoir été cité dans cet article?

20 Réponse: Oui, mais de manière pas tout à fait précise. Je pense que ceci a

21 été correctement cité.

22 Question: Et puis, je voudrais choisir aussi celui-ci: A Londres, "The

23 Times", le 23 novembre 1995, -je cite-: "Faire confiance à Milosevic,

24 c'est comme donner une bande de sang au Comte Dracula".

25 Réponse: Oui, c'était un article où j'ai été cité de manière exacte, pour

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1 autant que je m'en souvienne.

2 Question: Et puis, une autre citation: "Milosevic a peur que Mladic et

3 Karadzic se retrouvent à La Haye, non pas parce qu'il y aurait eu un feed-

4 back négatif en Serbie même, mais parce que ces deux personnages en

5 connaissent beaucoup sur le régime de Milosevic pendant ses premiers jours

6 de pouvoir, pendant les premiers jours de la guerre yougoslave en 1991 et

7 1992".

8 Ceci vient de la BBC, de son service mondial, émission télévisée diffusée

9 le 29 mai 1996.

10 Réponse: Oui, je pense que cette citation est exacte.

11 Question: Alors les pièces S16, SK46 peuvent-elles être communiquées au

12 témoin? Cela vient du jeu de documents relatifs à Donia.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 Vous avez à présent devant vous la version en BCS, si je le vois bien, et

15 je vous prie de vous reporter en page 2.

16 (Le témoin acquiesce.)

17 Et je vous prie, puisque vous êtes en mesure de lire cette version en BCS,

18 je vous prie de vous reporter au milieu de la page où on voit figurer le

19 nom de Milomir Stakic, ou bien vous pourriez peut-être aussi vous servir

20 de la version anglaise si c'est plus facile pour vous. Vous voyez le nom

21 "Milomir Stakic"?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Alors j'en donne lecture: "Le 30 avril 1992, ici, -entre

24 parenthèses- 'municipalité de Prijedor', est appliquée la Constitution de

25 la République serbe de Bosnie-Herzégovine et conformément à cela, les

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1 lois, conformément à la Constitution, à savoir là où il n'y a pas eu vote

2 de nouvelles lois, ce sont les anciennes qui sont en vigueur. Les deux ou

3 trois mois qui sont devant nous seront les mois décisifs. La paix doit

4 être préservée à tout prix et il faut s'assurer qu'il y a un essor

5 économique." (Fin de citation.)

6 L'accusation vous a posé des questions au sujet des déclarations données

7 en septembre-octobre 1992 par Stakic, au moment où tous les Musulmans

8 avaient déjà été écartés du territoire de la municipalité. J'aimerais

9 savoir quelle est la date de ce compte rendu.

10 Réponse: La date est le 9 mai 1992.

11 Question: A ce moment-là, pouvez-vous nous dire quelle était la

12 composition nationale de la population dans la municipalité de Prijedor,

13 si vous le savez?

14 Réponse: Eh bien, pour vous répondre directement, j'aurai quelque mal,

15 puisqu'il y avait déjà des gens qui se sont mis à partir de manière

16 spontanée pendant la période où l'assemblée municipale multiethnique était

17 encore en exercice.

18 Question: Je pourrais peut-être reformuler ma question. Etait-ce la

19 période qui a immédiatement suivi la prise de pouvoir?

20 Réponse: Eh bien, pour répondre à votre question, je vais dire que le

21 départ dramatique du gros de la population qui était partie en octobre

22 1992, eh bien, n'était pas encore partie, pourtant que je m'en souvienne

23 et que je le sache, eh bien, n'était pas encore partie au moment où ce

24 rapport a été rédigé, à savoir au mois de mai, début mai.

25 Question: Vous rappelez-vous avoir lu ce compte rendu?

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1 Réponse: En fait, je me rappelle avoir vu des références à cette

2 déclaration disant qu'il est nécessaire de respecter les lois, que je l'ai

3 vu dans "Kozarski Vjesnik", mais je ne me rappelle pas en particulier

4 d'avoir vu cet article et le fait que l'on parle du maintien en vigueur de

5 l'ancienne législation yougoslave. Mais, bien sûr, cela semblerait tout à

6 fait normal que ces lois soient encore en vigueur tant qu'il n'y en ait

7 pas de nouvelles.

8 Question: Je vous remercie, Monsieur. Nous n'aurons plus besoin de ce

9 document.

10 En déposant, en page 54, ligne 14, aujourd'hui, on vous a montré un

11 document où figurait le nom de Mate Boban.

12 Réponse: Oui.

13 Question: Mate Boban était membre de quel parti politique et quelles sont

14 les fonctions qu'il a exercées au printemps-été 1992, si vous le savez?

15 Réponse: Mate Boban était membre de l'Union démocratique croate de Bosnie-

16 Herzégovine, et, au printemps 1992, il était à sa tête, il représentait le

17 peuple croate. Je pense qu'on peut le dire ainsi, qu'il serait exact de le

18 dire ainsi, puisque le HDZ était la formation politique qui représentait

19 la plupart des Croates dans les négociations eu égard au projet de

20 Cutilheiro, négociations qui se sont déroulées à Sarajevo, à Lisbonne, à

21 Graz et ailleurs.

22 Question: Monsieur, à propos de ce document qui porte le titre "A travers

23 les yeux d'un Bosniaque - Les mémoires politiques d'un Serbe de Bosnie",

24 il s'agit ici d'une introduction par Robert Donia, non de Mirka Pejanovic.

25 Il s'agit ici de la traduction des remarques liminaires.

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1 Réponse: Mirko Pejanovic a écrit un petit ouvrage.

2 Question: Il a écrit un petit ouvrage qui s'intitule "A travers les yeux

3 d'un Bosniaque", et nous avons posé la question à savoir si cet homme

4 était un membre d'une quelconque structure politique et s'il représentait

5 le peuple serbe. Vous avez répondu qu'il n'a jamais été élu par des

6 Serbes.

7 Il se trouve que ce monsieur a fait quelques commentaires sur des actes

8 jugés inconstitutionnels et qui sembleraient remettre en cause l'autorité

9 du parlement. Quelle est la profession de Mirko Pejanovic?

10 M. Trifkovic (interprétation): Je serais très surpris que Mirko Pejanovic

11 soit d'une manière ou d'une autre versé dans le domaine du droit.

12 M. Lukic (interprétation): S'il ne l'est pas, je ne peux pas l'assurer.

13 Quoi qu'il en soit, merci.

14 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, j'ai l'ouvrage complet

15 ici, mais je ne l'ai pas versé au dossier.

16 M. Lukic (interprétation): Professeur Trifkovic, est-ce le même nom qui

17 figure sur la première page, en bas de la page. Non, pardonnez-moi, il

18 s'agit du bas de la traduction "Introduction et notes de Robert J. Donia".

19 Est-ce le même nom qui figure?

20 M. Trifkovic (interprétation): Oui.

21 M. Lukic (interprétation): S'agit-il ici du même nom qui figure sur la

22 déclaration de l'expert témoin, d'un historien qui a été proposé par

23 l'accusation?

24 M. Trifkovic (interprétation): Il semblerait que ce soit le cas.

25 Mme Korner (interprétation): Je peux le confirmer, mais j'aimerais savoir

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1 où vous voulez en venir, s'il vous plaît?

2 M. le Président (interprétation): Il est inutile d'avoir des différends

3 sur certains points. Je crois que la Chambre de première instance sait

4 lire.

5 M. Lukic (interprétation): Je suis en train d'aller un peu vite dans

6 l'analyse de ces documents. On vous a parlé de la base factuelle

7 aujourd'hui à propos du plaidoyer de culpabilité de Mme Plavsic: ne

8 semblait-il pas clair, d'après ce document, que ce document n'a pas été

9 rédigé par Mme Plavsic?

10 Mme Korner (interprétation): Je n'ai pour l'instant aucune objection à

11 propos des questions directrices, mais je crois qu'il s'agit ici du

12 fondement du plaidoyer de culpabilité de Mme Plavsic elle-même. Je crois

13 qu'on ne peut pas poser ce genre de questions.

14 M. le Président (interprétation): Objection retenue.

15 M. Lukic (interprétation): Je vais reformuler. Merci, Monsieur le

16 Président.

17 Au paragraphe 10, il est indiqué que: "en octobre 1991, les dirigeants

18 serbes de Bosnie, y compris Mme Plavsic…".

19 Ce paragraphe indique-t-il qu'il y avait peut-être quelqu'un d'autre qui

20 aurait rédigé ceci?

21 Mme Korner (interprétation): Je m'y oppose! Il s'agit d'une question

22 directrice. Comprenez-vous bien ce terme: vous pouvez demander au témoin

23 de proposer son point de vue, mais vous ne pouvez pas le faire de façon

24 orientée comme ceci.

25 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, s'il vous plaît, restez

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1 courtois! Je crois que l'objection est fondée.

2 M. Lukic (interprétation): Est-ce normal, dans notre langue ou dans la

3 langue anglaise, que quelqu'un rédige ou compose un document en parlant de

4 lui-même à la troisième personne du singulier?

5 M. Trifkovic (interprétation): Oui. S'il s'agit de patriarche et de

6 représentants de la famille royale, oui.

7 Question: Merci. Il est peu commun que quelqu'un se décrive à la troisième

8 personne du singulier.

9 Réponse: Très honnêtement, je me sens incapable d'apporter un commentaire

10 sur la question et sur le rôle de Mme Plavsic dans la préparation de sa

11 propre déclaration. Je préférerais m'en tenir uniquement aux réponses que

12 j'ai données à l'équipe de l'accusation; elle a droit, je crois, au

13 bénéfice du doute.

14 Ce qui a tendance à souligner le fait que les sentiments ou opinions

15 exprimés dans cette déclaration ne constituent pas l'établissement final

16 de l'existence de lignes directives et de différents objectifs mis en

17 place par l'ensemble des dirigeants du SDS. Je ne me sens pas capable de

18 faire un commentaire à ce sujet sur les circonstances personnelles de la

19 préparation de sa déclaration.

20 Question: Merci. Alors, pour ce qui est du plébiscite, vous nous avez dit

21 qu'il ne s'agit pas de quelque chose d'exécutoire et qu'il s'agit

22 simplement de l'expression d'une des nations. Pour quelle raison y avait-

23 il deux bulletins de vote de couleurs différentes à ce moment-là?

24 M. Trifkovic (interprétation): Parce que les personnes qui ne s'étaient

25 pas déclarées comme Serbes pouvaient également participer au vote, ce qui,

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1 je dois le dire, était une façon peut-être un peu bête d'utiliser ce genre

2 de chose. Il s'agit d'une improvisation peut-être un peu ad hoc, peut-être

3 maladroite sur le plan politique. Et en substance, en décrivant ce que

4 cela représentait, je ne suggère aucunement qu'il s'agissait ici d'une

5 manière fortuite de faire les choses.

6 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le professeur Trifkovic. Je

7 veux m'assurer que vous puissiez partir à temps et nous n'avons plus de

8 questions à vous poser. Je vous remercie.

9 (Matières relatives aux éléments de preuve.)

10 M. le Président (interprétation): Y a-t-il d'autres questions de

11 l'accusation?

12 Mme Korner (interprétation): Non, mais j'aimerais clarifier ceci. Parce

13 que le professeur Trifkovic nous a dit qu'il devait partir aujourd'hui, il

14 y avait un certain nombre d'aspects et d'affirmations basés sur des faits

15 que je n'ai pas pu couvrir aujourd'hui. J'aimerais donc clairement

16 expliquer cela et l'accusation propose que ce rapport, hormis les points

17 que nous avons couverts aujourd'hui, est inexact sur le plan des faits.

18 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il est temps de préparer les

19 conclusions orales et le mémoire final et les mémoires de clôture, et je

20 crois que c'est le lieu d'en parler à propos de ce document.

21 Mme Korner (interprétation): Oui, Monsieur le Président, c'est bien là le

22 problème. Parce que nous avons manqué de temps, il y a certains éléments

23 de ce rapport que je n'ai pas pu présenter au témoin et je souhaitais que

24 cela soit dit.

25 M. le Président (interprétation): Est-ce un avis partagé?

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1 M. Lukic (interprétation): Je sais que quelquefois nous devons interroger

2 les témoins de l'accusation rapidement également, donc cela s'applique à

3 tout le moins, je crois.

4 M. le Président (interprétation): J'avais l'impression que vous aviez

5 peut-être omis de nous donner certains numéros de documents. Par

6 conséquent…

7 M. Lukic (interprétation): Oui, bien sûr, nous avons passé sur bon nombre

8 de documents.

9 M. le Président (interprétation): Donc je crois qu'il ne serait que juste

10 et équitable que de donner aux deux parties les mêmes droits, eu égard à

11 cette déclaration et le témoignage tel qu'il est reflété dans le compte

12 rendu d'audience; c'est en tout cas la manière dont je comprends les

13 choses soulève une objection quant au fait l'autre document n'a pas été

14 proposé au témoin. Pouvons-nous être d'accord là-dessus?

15 Ensuite, la première question: est-ce l'intention de la défense de verser

16 ce document au dossier?

17 M. Lukic (interprétation): Le professeur Trifkovic n'a évoqué que le

18 chapitre n°5.

19 M. Trifkovic (interprétation): Je n'avais pas l'intention de traiter

20 l'ouvrage entier. On m'a parlé du rôle des Mudjahidine au début des

21 années 1990 et je ne pouvais pas citer, de mémoire, les différents

22 détails. Par conséquent, je souhaitais évoquer les passages pertinents de

23 cet ouvrage et que ceci constitue des éléments de dossier à verser au

24 dossier.

25 M. Lukic (interprétation): Nous aimerions proposer que ce chapitre 5 soit

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1 versé au dossier.

2 M. le Président (interprétation): Puis-je, puisque c'est vraiment une

3 question délicate quant à la pertinence, ici, pour ce qui est des éléments

4 concrets de cette affaire, nous avons les commentaires dans le compte

5 rendu d'audience qui a été proposé par le témoin et je ne vois vraiment

6 pas, pour l'heure, de quelle façon ceci puisse apporter une valeur

7 probante supplémentaire.

8 Je souhaite, par conséquent, ne pas caractériser ce document et est-ce que

9 l'on peut dire qu'en l'espèce, ici, ceci ne constitue pas un élément

10 pertinent?

11 M. Lukic (interprétation): Je suis d'accord, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Je vais demander à M. le greffier de

13 remettre ces ouvrages au témoin et, également, Madame la Greffière et

14 l'accusation.

15 Mme Korner (interprétation): Eh bien, moi je souhaite le garder parce que

16 cet ouvrage est impossible à trouver dans ce pays et il y a différentes

17 citations extraites de cet ouvrage et je trouve que c'est utile. Je

18 souhaite le garder.

19 M. le Président (interprétation): Vous dites que non.

20 Mme Korner (interprétation): Je ne demande pas à ce que cet ouvrage soit

21 versé au dossier, je demande simplement à pouvoir garder mon exemplaire de

22 cet ouvrage.

23 M. Trifkovic (interprétation): On a proposé cet ouvrage. On a considéré

24 que c'était un document qui pouvait être versé. Il ne s'agissait pas de

25 vous faire un cadeau sur le plan personnel.

Page 13963

1 Mme Korner (interprétation): Ne vous inquiétez pas, je vous redonnerai

2 votre ouvrage et je vais essayer de m'en procurer un autre ailleurs.

3 M. le Président (interprétation): Nous avons donc clarifié ce point.

4 Il y a toute une série de documents qui n'ont pas été versés au dossier

5 encore, mais nous devons le faire en présence du témoin expert si jamais

6 il y avait un différend sur la question.

7 Donc nous allons partir… Nous allons, dans l'ordre inverse, proposé S424:

8 "Evaluation de la sécurité dans la municipalité de Prijedor".

9 Y a-t-il des objections? Donc 424: " Evaluation de la sécurité dans la

10 municipalité de Prijedor, 23 octobre 1992".

11 M. Lukic (interprétation): Nous soulevons une objection parce que c'est en

12 dehors de la portée de l'Acte d'accusation. Je ne trouve pas ce document,

13 il n'est pas signé.

14 (Intervention de l'huissier.)

15 M. le Président (interprétation): L'accusation, s'il vous plaît?

16 Madame Korner, puis-je entendre l'argument de l'accusation, s'il vous

17 plaît?

18 Mme Korner (interprétation): Pardonnez-moi, je n'ai pas entendu

19 l'objection, Monsieur le Président. J'ai parcouru ceci un certain nombre

20 de fois; cela a été rédigé après la période qui concerne l'Acte

21 d'accusation. Néanmoins, il fait référence, de façon assez claire, à tous

22 les événements qui ont eu lieu à cet endroit-là et qui sont couverts par

23 l'Acte d'accusation.

24 M. le Président (interprétation): En fait, nous devons fonder notre

25 décision non pas sur la date où ceci a été écrit, mais sur la période qui

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1 commence à partir du mois de mai 1992. Par conséquent, cela ne fait pas

2 partie du domaine de la période citée ici et ce sera versé au dossier sous

3 la cote S424A et B, respectivement.

4 S423, ce sont les propositions ou opinions de M. Badinter. Y a-t-il des

5 objections?

6 M. Lukic (interprétation): Non, pas d'objection.

7 M. le Président (interprétation): Donc versé au dossier sous la cote S423A

8 et 423B, respectivement.

9 Pour ce qui est de S422, malheureusement, nous n'avons pas la page de

10 couverture. Je peux reconnaître ici -c'est en cyrillique-, il s'agit d'un

11 compte rendu d'audience de l'Assemblée nationale, de la dixième séance

12 tenue du 24 au 26 juillet 1992, et d'un enregistrement audio également. Y

13 a-t-il des objections?

14 M. Lukic (interprétation): Nous ne soulevons aucune objection, mais nous

15 aimerions que ce type de document nous soit remis, si c'est possible,

16 parce que celui-ci ne nous a jamais été communiqué. Et si l'accusation a

17 un document qui ressemble à celui-ci, nous serions heureux de pouvoir en

18 disposer.

19 M. le Président (interprétation): Si cela pose problème et s'il y a des

20 problèmes entre les parties, je vous prie de bien vouloir les résoudre

21 entre vous.

22 Pour l'heure, nous n'avons que ce document sous les yeux, qui a été versé

23 au dossier sous la cote S422A et B, respectivement.

24 Et pour ce qui est de S421, c'est le document daté du 6 mars 1992, signé

25 par le Président Mirko Boskovic. Y a-t-il des objections?

Page 13965

1 M. Lukic (interprétation):…

2 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agit des résultats du référendum.

3 M. le Président (interprétation): Vous faites allusion au terme

4 référendum?

5 M. Lukic (interprétation): Il s'agit du Journal officiel, donc nous

6 n'avons aucune objection.

7 M. le Président (interprétation): Par conséquent, nous allons verser au

8 dossier ce document sous la cote S421, et 421A et B, respectivement.

9 Pour ce qui est S420-1, les conclusions de l'assemblée de la République

10 serbe de Bosnie-Herzégovine lors de la séance du 26 janvier 1992, y a-t-il

11 des objections?

12 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection.

13 M. le Président (interprétation): Versé au dossier sous les numéros de

14 cote précités.

15 Alors retournons maintenant au document 420. Je vais demander à Mme la

16 greffière de m'aider en la matière.

17 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agit du document daté du 19 février

18 1992 du comité exécutif du parti SDS de Bosnie-Herzégovine concernant les

19 points de vue proposés en rapport avec la mise en place du référendum.

20 M. le Président (interprétation): C'est un document, ceci est un document

21 qui présente les conclusions qui viennent d'être versées au dossier.

22 Y a-t-il des objections?

23 M. Lukic (interprétation): Nous n'arrivons pas à retrouver le document,

24 pardonnez-moi. La seule objection que nous ferions c'est que ce document

25 n'est pas signé.

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1 M. le Président (interprétation): Conformément à notre pratique, ce

2 document est donc sous la cote n°420A et B respectivement.

3 Madame la Greffière, pourriez-vous continuer à m'assister s'il vous plaît?

4 Mme Dahuron (interprétation): S419. Il s'agit ici d'un extrait du livre de

5 M. Pejanovic.

6 Objection?

7 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Versé au dossier.

9 Madame la Greffière?

10 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agit du procès-verbal de l'assemblée

11 commune de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine ERN03075714.

12 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

13 M. le Président (interprétation): Versé au dossier.

14 Mme Dahuron (interprétation): S417. Un article d'Oslobodenje, une

15 formulation des intérêts du peuple croate.

16 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation): Versé au dossier.

18 Sous la cote S416?

19 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Versé au dossier.

21 Sous la cote S415?

22 Mme Dahuron (interprétation): Le Journal officiel de la République

23 socialiste de Bosnie-Herzégovine.

24 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Nous avons donc versé au dossier. Nous

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1 avons eu un problème avec le document S414. Je propose, par conséquent,

2 que nous versions au dossier le document S sous la cote S413 en proposant

3 une mise en garde, car à la suite du témoignage de l'expert témoin, il

4 s'agit ici d'une compilation d'articles entre 1996 et l'an 2000, qui n'ont

5 pas été publiés ou dont l'auteur ou l'expert témoin n'est pas responsable

6 de la publication. S413-1, il s'agit donc d'un article daté du mois de

7 juin 1996.

8 M. Trifkovic (interprétation): Ceci a été rédigé en 1996 et publié dans le

9 magazine "Chronicles" en août 1996. Il s'agit donc d'un numéro du journal,

10 du magazine "Chronicles".

11 M. le Président (interprétation): Nous parlons du même document. Vous avez

12 dit dans votre témoignage que vous n'aviez pas, avec le peu de temps que

13 vous aviez, pu retrouver l'article qui avait été rédigé en l'an 2000, est-

14 ce exact?

15 M. Trifkovic (interprétation): Oui, c'est exact.

16 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation): Nous versons au dossier sous la cote

18 S413, S413-1. Ensuite, nous avons la question J32, la question nationale

19 d'Ivo Banac, la question sur la Yougoslavie d'Ivo Banac.

20 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection.

21 M. le Président (interprétation): Il s'agit donc de la cote, dont je viens

22 de citer, numéro J32. Nous n'avons pas le temps de traiter l'autre lot de

23 documents ou liasse, et nous pourrions procéder de la manière dont nous

24 avons procédé avec les documents de M. Donia.

25 Par conséquent, j'invite les différentes parties à bien vouloir nous dire

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1 si oui ou non elles sont arrivées à un accord de façon que nous ayons à

2 prendre une décision que sur les points contestés.

3 Madame la Greffière d'audience m'indique qu'il y aurait un petit problème

4 en ce qui concerne le S414. Il s'agit du rapport de M. Kecmanovic. Je

5 crois qu'il est obligatoire de disposer de ce rapport. Le témoin expert

6 lui-même s'est senti attaqué par ce qui était dit eu égard à la teneur de

7 ce rapport.

8 Il faut souligner par ailleurs que ces articles ont été en partie publiés

9 dans un autre document qui a été tout récemment soumis à l'attention de

10 cette Chambre dans le cadre d'une autre affaire.

11 Y a-t-il alors des objections eu égard au versement au dossier des

12 documents S414 A et B?

13 M. Lukic (interprétation): Pas d'objection Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Il est donc admis au dossier sous les

15 cotes que je viens d'annoncer.

16 Y a-t-il quoi que ce soit d'autre que les parties souhaitent évoquer

17 auprès des Juges de la Chambre? Y a-t-il des éclaircissements que vous

18 souhaitiez obtenir?

19 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, effectivement. Nous

20 avons ici un document en BCS, c'est là version BCS de ce rapport, mais ce

21 que je dois dire, c'est que je ne suis pas certaine qu'il s'agisse de la

22 version originale du rapport tel que rédigé par l'auteur. Est-ce que c'est

23 une traduction que nous avons faite vers le BCS du rapport tel qu'il avait

24 été traduit vers l'anglais?

25 M. le Président (interprétation): Alors peut-être que l'accusé pourrait

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1 nous aider en lisant ce document dans son intégralité? Peut-être qu'il est

2 bon que l'accusé puisse disposer de ce document dans sa langue maternelle?

3 Mme Korner (interprétation): Nous en ferons donc une copie ce soir.

4 M. le Président (interprétation): Très bien. Le problème essentiel qu'il

5 nous reste à résoudre est celui-ci: il y a apparemment deux rapports de

6 l'expert. Alors, est-ce que nous pourrions essayer de bénéficier de l'aide

7 de la défense? Est-ce que la défense, avec l'aide du témoin expert,

8 pourrait essayer de déterminer quel est le rapport sur lequel nous devons

9 nous appuyer? Je sais que cela a été versé au dossier: est-ce que cela a

10 été fait de façon intentionnelle? Est-ce que cette version abrégée a été

11 versée au dossier de façon volontaire? Qu'en est-il?

12 M. Ostojic (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas eu la

13 possibilité de comparer le rapport que le professeur Trifkovic a entre les

14 mains avec celui qui a été déposé au dossier. D'après ce que je comprends,

15 le professeur Trifkovic utilise un ordinateur un peu différent de

16 l'ordinateur initial et je pense qu'il y a simplement un problème eu égard

17 à la pagination. Peut-être qu'après cette procédure, nous pourrions nous

18 saisir de l'exemplaire du professeur Trifkovic et le passer en revue ligne

19 par ligne. Je crois simplement que la pagination est un petit peu

20 différente et que les caractères typographiques sont un peu différents. Je

21 crois que c'est la différence qui existe entre le rapport du professeur

22 Trifkovic et celui qui a été versé.

23 Mme Korner (interprétation): Je crois qu'il n'y a pas seulement une

24 différence en matière de pagination: il y a des notes de bas de page qui

25 ne correspondent pas d'une version à l'autre.

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1 M. le Président (interprétation): Effectivement. Il y a des problèmes de

2 notes de bas de page. Il y a une note de bas de page qui a été appelée la

3 note de bas de page 61, dans un des rapports, et, dans le rapport qui a

4 été versé au dossier, il s'agissait de la note de bas de page 63. Il y

5 avait donc une incohérence et il faut absolument que nous tirions cela au

6 clair. Je ne peux qu'inviter le juriste de la Chambre à travailler avec la

7 défense et avec un représentant du Bureau du Procureur. Il convient que

8 ces personnes passent en revue la teneur du rapport et, demain, nous

9 saurons quelle est la version qui est la version que vous avez rédigée,

10 Professeur, et pour laquelle vous assumez toute responsabilité.

11 M. Trifkovic (interprétation): Je peux vous répondre dès à présent,

12 Monsieur le Président. Il s'agit de la version que détient l'équipe de la

13 défense et qu'elle a communiquée aux différentes parties. Cette

14 incohérence est peut-être due au fait qu'avant la tenue de ces audiences,

15 j'ai imprimé une version de mon rapport depuis mon ordinateur portable que

16 j'avais amené avec moi. Et le dossier, dans mon ordinateur portable, était

17 peut-être quelque peu différent du dossier qui se trouve dans mon

18 ordinateur, celui que j'ai chez moi et qui est celui à partir duquel que

19 j'ai imprimé l'exemplaire que j'ai remis à la défense les 18 ou 19 février

20 dernier. Cela est donc dû au fait que je n'ai cessé de me déplacer depuis

21 cette date.

22 Si l'on m'avait donné simplement une photocopie de l'exemplaire du rapport

23 qui a été donné à la défense et à la Chambre, par le même biais, je suis

24 certain que cette incohérence n'aurait pas surgi. Mais je suis à peu près

25 catégorique sur ce que je viens d'avancer: la version qui a été remise à

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1 la défense et qui a ensuite été remise à la Chambre est la version qui

2 doit faire foi.

3 M. le Président (interprétation): Cela tombe sur le coup de votre

4 responsabilité, Professeur. Vous avez signé un rapport et vous serez tenu

5 responsable de tous les mots qui y apparaissent. Je pense donc qu'il est

6 bon de procéder à la vérification que j'évoquais à l'instant. Vous

7 vérifiez tout avec la défense et si, d'ici à demain, la défense ou le

8 juriste de la Chambre font état du fait que nous vous n'êtes pas d'accord

9 avec l'une ou l'autre des parties du document qui a été versé, alors nous

10 partirons du principe que vous assumez toute responsabilité eu égard à

11 l'intégralité du rapport tel que versé au dossier par la défense.

12 Est-ce que cela vous convient?

13 M. Trifkovic (interprétation): Très bien.

14 Mme Korner (interprétation): Monsieur le Président, de toute façon, il

15 faut que le rapport qui fasse foi soit celui que le professeur Trifkovic a

16 signé. Je ne sais pas si c'est celui qu'il a entre les mains ou si c'est

17 celui dont nous disposons.

18 M. le Président (interprétation): Je crois que cette responsabilité

19 incombe au témoin expert. Le témoin vient de nous livrer une explication

20 du problème qui s'est posé; il est prêt à assumer la responsabilité que je

21 viens d'évoquer. Donc il faut que la défense et le témoin essaient de voir

22 si quelque chose a été ajouté ou supprimé, ce qui n'aurait donc pas reçu

23 l'accord et la caution du témoin expert.

24 Y a-t-il autre chose qui requiert que nous l'examinions dès à présent?

25 Est-ce qu'il y a une question urgente qui doit encore être soulevée

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1 aujourd'hui?

2 Si ce n'est pas le cas, nous nous attendons à voir comparaître devant nous

3 le général Wilmont. Il commencera sa déposition à 9 heures demain matin,

4 comme prévu.

5 Et essayons d'utiliser le temps de façon équitable. Il ne nous reste pas

6 beaucoup de temps, justement; il nous reste deux matinées de travail. Et,

7 après ces deux matinées de travail, le témoin expert ne sera plus

8 disponible. Je ne souhaite pas, dès à présent, vous fixer des limites de

9 temps, mais soyez bien conscients du fait que ce témoin ne peut être parmi

10 nous que demain et après-demain.

11 J'ai déjà demandé au Bureau du Procureur quels étaient les projets du

12 Bureau du Procureur pour ce qui est de la semaine prochaine, qui est

13 normalement la période consacrée au droit de réplique. Nous sommes

14 parvenus à un accord: pendant la période consacrée au droit de réplique,

15 la Chambre pourra faire venir devant elle ses propres témoins.

16 En conséquence, nous commencerons la semaine avec l'audition du témoin

17 PST. Il viendra devant nous lundi. Nous n'avons pas une confirmation

18 définitive eu égard au témoin suivant de la Chambre qui devrait

19 normalement venir devant nous mercredi. Nous vous avertirons dans les

20 meilleurs délais de ce qu'il en est.

21 Mais pour ce qui est des jours de travail qui suivent, de la semaine

22 prochaine, nous pensons pouvoir demain vous dire ce qu'il va en être

23 exactement et nous voudrions également savoir ce que souhaite faire

24 l'accusation.

25 Mme Korner (interprétation): Je vais en parler avec mon équipe et avec M.

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1 Koumjian.

2 M. le Président (interprétation): Très bien. Tout de suite après la

3 période consacrée au droit de réplique, la défense -qui ne pourra se

4 prononcer d'ailleurs qu'à ce moment-là-, la défense devra nous dire aussi

5 rapidement que possible ce qu'elle souhaite faire dans le cadre de son

6 droit de duplique.

7 Je ne vois pas d'autres points à aborder aujourd'hui. Je dois simplement

8 vous remercier, Professeur Trifkovic. Merci d'être venu à La Haye.

9 Ce Tribunal n'est pas un tribunal pénal ordinaire. Ce Tribunal accomplit

10 tout ce qui est à accomplir stricto sensu, tout ce qui relève d'un

11 tribunal pénal, mais il accomplit également tout ce qui lui revient au

12 titre des dispositions du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies.

13 La Charte des Nations Unies envisage –cela ne fait aucun doute- le respect

14 des principes de paix et de tolérance.

15 Et, à titre exclusivement personnel, je voudrais dire que vous êtes, bien

16 sûr, une personne éminemment intelligente et je pense qu'il est de votre

17 droit et de votre devoir d'exprimer certaines critiques à l'encontre de

18 cette institution. Mais vous devez également être bien conscient du fait

19 que des mots placés hors contexte peuvent être utilisés de façon parfois

20 abusive par des personnes qui utiliseront ces mots comme de véritables

21 armes.

22 Vous en êtes arrivé au terme de votre déposition.

23 Je vais demander à l'huissier de bien vouloir accompagner le témoin hors

24 de ce prétoire.

25 (Le témoin, M. Srdja Trifkovic, est reconduit hors du prétoire.)

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1 L'audience est suspendue jusqu'à demain matin, 9 heures.

2 (L'audience est levée à 16 heures 50.)

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