Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 15117

1 (Lundi 14 avril 2003.)

2 (Audience publique.)

3 (L'accusé est dans le prétoire.)

4 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour. Veuillez prendre place.

6 Veuillez nous donner le numéro de l'Affaire, s'il vous plaît.

7 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Affaire IT-97-24-T, le Procureur

8 contre Milomir Stakic.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 Je vais demander aux parties de se présenter.

11 M. Koumjian (interprétation): Bonjour, Nicholas Koumjian, je suis

12 accompagné de Mme Ann Sutherland et de Mme Ruth Karper.

13 M. le Président (interprétation): Merci. Et pour la défense.

14 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Branko Lukic et John Ostojic pour la

15 défense.

16 M. le Président (interprétation): Je souhaiterais faire quelques

17 observations avant de commencer.

18 (Questions relatives à la procédure.)

19 Tout d'abord, j'ai appris par le Greffe que les parties et les Juges de la

20 Chambre vont se voir remettre des Cédéroms sur lesquels seront rassemblés

21 la totalité des comptes rendus d'audience y compris les réquisitoires et

22 plaidoiries. Ce Cédérom nous sera remis dès que possible. Je pense qu'il

23 serait bon que les parties indiquent au Greffe le nombre de copies dont

24 elles ont besoin pour leur préparation.

25 Je ne sais pas de combien de temps la défense aura besoin pour prononcer

Page 15118

1 sa plaidoirie. La défense disposera du temps dont elle aura besoin -c'est

2 indéniable-, mais je pense qu'il est prématuré ce matin de préciser s'il

3 est nécessaire de prévoir une réplique, une duplique et des questions des

4 Juges demain.

5 Autre question plus essentielle que je souhaiterais aborder avec vous

6 maintenant. Les parties savent qu'en juillet de l'année dernière, sur la

7 base des éléments de preuve dont nous disposions à l'époque, nous avions

8 évoqué la possibilité de trouver un consensus pour déterminer l'issue de

9 l'Affaire.

10 Plus tard, nous avons rendu une décision aux termes de l'Article 98bis sur

11 l'évaluation des éléments de preuve par les Juges qui siégeaient à

12 l'époque dans la Chambre, et la décision qu'aurait pu rendre un Juge des

13 faits raisonnables. Nous avons fait la distinction de manière très claire

14 et ceci également lorsque plus tard la composition de la Chambre a été

15 modifiée.

16 Cependant, il convient de stipuler très clairement, surtout vu les

17 éléments de preuve qui nous ont été communiqués au cours du mois passé et

18 surtout après avoir entendu le réquisitoire prononcé par le Bureau du

19 Procureur, nous souhaitons donc rappeler que, comme cela avait été stipulé

20 dans notre décision 98bis, tout est possible, tout est envisageable:

21 acquittement ou peine demandée par le Bureau du Procureur. Tout est

22 envisageable.

23 Je voudrais donc éviter qu'il y ait un quelconque malentendu qui reste,

24 surtout du côté de la défense. La défense doit savoir que tout est

25 envisageable et que les choses ont beaucoup évolué depuis juillet 2002 et

Page 15119

1 depuis le 31 octobre 2002.

2 Je pensais indispensable de vous rappeler cela avant de donner la parole à

3 la défense pour qu'elle puisse prononcer sa plaidoirie.

4 (Plaidoirie de la défense.)

5 M. Ostojic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

6 Monsieur les Juges, éminents collègues de l'accusation, Maître Lukic,

7 Docteur Stakic.

8 En premier lieu, je souhaiterais exprimer nos remerciements envers les

9 Juges de la Chambre, envers le personnel de la Chambre, les représentants

10 du Greffe ainsi que tous ceux qui ont participé au procès, à la procédure,

11 traducteurs, sténotypistes, les membres du service de protection des

12 victimes et des témoins qui sont tous indispensables pour permettre la

13 tenue d'un procès efficace et rapide. Au nom du docteur Stakic et de

14 l'ensemble de l'équipe de la défense, nous vous remercions.

15 En premier lieu, je souhaiterais faire quelques remarques avant de mettre

16 en lumière certains éléments de preuve et de revenir sur des observations

17 faites par le Bureau du Procureur dans le réquisitoire vendredi dernier.

18 Nous sommes effectivement confrontés à une affaire complexe, difficile.

19 Une affaire difficile, pourquoi? Parce que nous estimons que le Bureau du

20 Procureur a exagéré, a déformé les faits, ceci afin de remplir sa mission.

21 C'est une affaire qui est complexe parce qu'elle repose uniquement sur des

22 éléments de preuve indirects; des éléments de preuve indirects qui selon

23 nous reposent sur le ouï-dire, sur la spéculation, sur des insinuations et

24 sur des spéculations.

25 Jamais le Bureau du Procureur n'affirme publiquement ou en privé qu'il est

Page 15120

1 satisfait d'un acquittement ou d'une déclaration de culpabilité avec une

2 peine légère tant que le procès a été équitable. Bien au contraire, le

3 Bureau du Procureur -aussi bien de manière formelle que de manière

4 informelle- s'acharne à obtenir ce qui fait l'objet de sa mission, à

5 savoir un certain nombre de condamnations.

6 Et cet objectif, celui d'obtenir une condamnation à tout prix, est tout à

7 fait clair. Il est tout à fait clair dans notre affaire. On voit bien que

8 le Bureau du Procureur a décidé que cet objectif surpassait l'objectif du

9 Tribunal ainsi que les obligations de la défense. Quel objectif? C'est

10 celui de faire ressortir la vérité. Nous voyons bien quelle est la mission

11 du Bureau du Procureur au vu des témoins sur les faits qui ont été cités à

12 la barre par l'accusation. On le voit également dans la façon dont le

13 Bureau du Procureur a choisi ses propres experts qui travaillent pour le

14 Bureau du Procureur. On le voit dans les efforts inlassables faits par le

15 Bureau du Procureur pour faire reposer la charge de la preuve sur la

16 défense, et la façon dont le Bureau du Procureur a soulevé des questions

17 qui sont totalement dénuées de pertinence et de véracité. Tout ceci pour

18 atteindre ses objectifs.

19 Les témoins de l'accusation sur les faits, à quelques exceptions près, se

20 sont rappelés des détails extraordinairement précis, des détails qui

21 parfois étaient complètement faux, qui parfois allaient à l'encontre de ce

22 qui avait été déclaré dans des déclarations préalables et certains détails

23 qui reposaient sur des déclarations par ouï-dire, et puis, aussi des

24 détails qui reposaient sur des suppositions, des conjectures.

25 Il est indéniable qu'après 10 ans, 10 ans après les événements tragiques

Page 15121

1 qui ont eu lieu à Prijedor au cours de l'été, du printemps 1992, pendant 6

2 à 8 semaines, il est indéniable qu'il est tout à fait normal que les gens

3 ne se souviennent pas de tous les détails avec précision. Ce qui est peut-

4 être le plus intéressant, ce qui est peut-être le plus significatif, c'est

5 que ces témoins qui sont venus déposer sur les faits au Bureau du

6 Procureur, ces témoins lorsque la Chambre leur a demandé de se rappeler de

7 leur relation avec le docteur Stakic ou de l'opinion qu'il avait d'eux,

8 ces témoins ont catégoriquement affirmé qu'ils se souvenaient de lui comme

9 d'un homme honnête, direct.

10 Cependant, ce qui ne nous surprend pas mais qui sur le plan professionnel

11 est très gênant, c'est que le Bureau du Procureur n'a jamais posé à ses

12 propres témoins de questions au sujet du docteur Stakic. Et nous sommes

13 infiniment reconnaissants aux Juges de la Chambre d'avoir posé des

14 questions aux témoins à charge au sujet de la personnalité, de la

15 réputation, de la moralité du docteur Stakic.

16 Nous estimons que l'obligation et le pouvoir du Bureau du Procureur,

17 c'était de présenter la vérité; son obligation c'était de présenter des

18 éléments de preuve qui permettraient de juger l'affaire sur le fond de

19 manière équitable. Or, nous estimons que le Bureau du Procureur n'a pas

20 rempli cette obligation. Dans son réquisitoire, le Bureau du Procureur

21 affirme sans rougir que nous n'avons pas à faire un procès contre les

22 Serbes de Prijedor, contre les Serbes de Bosnie-Herzégovine, contre les

23 Serbes de Republika Srpska.

24 Je me demande, comme nous devrions tous le faire, je me demande combien de

25 témoins serbes le Bureau du Procureur a cité à la barre? Combien de ces

Page 15122

1 héros serbes dont le Bureau du Procureur nous dit qu'ils existent

2 aujourd'hui, combien de ces héros serbes le Procureur a-t-il cité à la

3 barre? Combien de ces militaires honorables et nobles dans le respect

4 qu'ils ont montré des lois de la guerre, combien de ces héros le Bureau du

5 Procureur a-t-il cité à la barre? Aucun. Il doit bien y avoir une raison à

6 cela.

7 Si l'on veut présenter à un Tribunal, aux Juges d'une Chambre une vision

8 juste d'une situation, ces témoins doivent être cités à la barre, peut-

9 être pas en direct, mais peut-être en utilisant d'autres mécanismes qui

10 sont prévus par le Règlement de procédure et de preuve.

11 Notre position n'était pas d'affirmer que le docteur Stakic était un

12 héros. Notre position est la suivante: le docteur Stakic est innocent.

13 Notre position indéniablement c'est que sur la base de tous les éléments

14 de preuve que nous ont été présentés, le Bureau du Procureur,

15 indéniablement donc, n'a pas assumé la charge de la preuve qui est la

16 sienne.

17 D'ailleurs, c'est quelque chose qui n'a jamais été mentionné dans le

18 réquisitoire du Bureau du Procureur. Il ne mentionne pas cette charge de

19 la preuve. Pourquoi? Non pas parce qu'il pense que cela n'a pas de

20 pertinence, mais il pense que si on prend ce concept de la charge de la

21 preuve et si on applique les normes requises, le droit, eh bien, le Bureau

22 du Procureur n'aura pas rempli cette obligation. Sur la base de tous les

23 éléments de preuve, y compris les témoins des faits à charge, un

24 acquittement est justifié en l'espèce.

25 Pas une seule fois le Bureau du Procureur n'a parlé du poids qu'il

Page 15123

1 convenait d'accorder à certains documents, du poids qu'il convenait

2 d'accorder aux dépositions de certains témoins, du poids qu'il convenait

3 d'accorder aux documents et aux témoignages lorsqu'ils sont incompatibles.

4 Et pas une seule fois le Bureau du Procureur n'a évoqué les éléments de

5 preuve qu'il a lui-même produits et qui exonèrent le docteur Stakic. Non,

6 le Bureau du Procureur joue sur nos émotions et rapporte des meurtres qui

7 sont incontestés, des meurtres atroces qui ont été commis par des

8 criminels barbares à Prijedor.

9 Pas une seule fois le Bureau du Procureur n'a évoqué le droit et la

10 manière dont ce droit devait s'appliquer aux faits.

11 Pas une seule fois, le Bureau du Procureur n'a évoqué le droit tel qu'on

12 le retrouve au paragraphe 83 dans Krnojelac, -je cite-: "Sans élément de

13 preuve direct, une Chambre de première instance ne saurait en arriver à la

14 conclusion d'une mens rea, d'une intention délictueuse, à moins que cette

15 conclusion ne soit la conclusion logique à tirer de ces faits.". (Fin de

16 citation.)

17 Pas une seule fois le Bureau du Procureur n'a repris sa théorie sur

18 l'existence d'un plan pour détruire tous les Croates et les Musulmans afin

19 de voir si cette théorie était confirmée par les faits.

20 Pas une seule fois ils n'ont essayé d'appliquer leur théorie aux faits

21 tels qu'ils avaient été présentés.

22 En dépit de la volonté du Procureur, nous ne pouvons pas, nous ne devons

23 pas ignorer les déclarations des témoins sur les faits, témoins aussi bien

24 à charge qu'à décharge. Ces témoins ont parlé de l'état mental du docteur

25 Stakic: ils ont parlé de son attitude, de ses opinions ainsi que de son

Page 15124

1 intention délictueuse; de son intention avant, pendant ainsi qu'après la

2 période visée au quatrième Acte d'accusation modifié, ou plutôt ce que je

3 préfère appeler une quatrième plainte modifiée parce qu'une telle

4 distinction est reconnue dans le droit.

5 Et ce que nous avons entendu vendredi, ce n'était que la répétition de ce

6 qui nous avait été déjà dit lors des déclarations liminaires, de ce qui

7 avait été dit lors des débats au sujet de l'Article 98bis, sans que l'on

8 ait discuté de l'application du droit, de la charge de la preuve et des

9 faits dans leur totalité.

10 Nous sommes reconnaissants à la Chambre de nous avoir donné la possibilité

11 de présenter des éléments de preuve et de présenter notre thèse devant ce

12 Tribunal. Et nous ne sommes pas surpris qu'à la fin de cette affaire, le

13 Bureau du Procureur ait abandonné ses experts démographiques et militaires

14 et s'appuie maintenant uniquement sur une théorie peu convaincante et

15 totalement spéculative au sujet des liens qui existaient entre le docteur

16 Stakic et la police.

17 Pourquoi le Bureau du Procureur avec les ressources infinies dont il

18 dispose, pourquoi le Bureau du Procureur n'a-t-il jamais cité à la barre

19 un expert en matière d'affaire policière pour établir la vérité et pour

20 montrer si effectivement des dirigeants politiques et civils tels que le

21 docteur Stakic avaient ou pas une influence sur la police?

22 Pourquoi le Bureau du Procureur n'a-t-il pas présenté, n'a-t-il pas remis

23 à son expert militaire tous les règlements qui s'appliquent au sein de la

24 police? Ceci afin d'établir la vérité et ceci afin de déterminer si

25 effectivement un dirigeant politique et civil tel que le docteur Stakic

Page 15125

1 pouvait exercer une quelconque influence sur la police.

2 Je m'excuse, la question que je pose est peut-être un petit peu simple, un

3 petit peu sotte, mais je pense que la réponse est tout à fait simple et

4 tout à fait évidente. Le Bureau du Procureur n'a pas remis à son expert

5 militaire, à ce docteur Brown, le règlement relatif à la police, etc., ni

6 ceux de la police.

7 Mais qu'est-ce qu'on peut en déduire lorsqu'on cite à la barre un expert

8 militaire pour évoquer les liens entre les autorités civiles et l'armée et

9 que l'on affirme, que l'on se plaint dans un Acte d'accusation du fait

10 qu'il y avait un lien entre l'armée et les autorités civiles?

11 On affirme cela donc, mais on ne remet à cet expert militaire aucun

12 exemplaire des règlements, des statuts qui prévalaient au sein de l'armée.

13 Or, pourtant, le Bureau du Procureur affirme qu'aux termes de l'Article

14 7.3 du Statut, et de fait et de droit, affirme donc que le docteur Stakic

15 est coupable de cela.

16 Est-ce qu'ils n'ont pas remis donc ces règlements et ces statuts au

17 docteur Brown?

18 Si on se souvient de ce qu'il a dit, ce docteur M. Brown, lorsqu'il est

19 venu déposer, il a dit -je cite-: "Mon domaine d'expertise", il l'a évoqué

20 à plusieurs reprises. Or, son domaine d'expertise ainsi que sa mission qui

21 lui avait été confiée, c'était d'examiner de manière très spécifique un

22 des éléments très étroit, très réduit de l'Affaire pour aller abonder dans

23 le sens de l'Acte d'accusation. Et c'est ce qu'a dit M. Brown parce que

24 c'est ce pourquoi il est payé.

25 Monsieur Koumjian semble penser que lorsqu'on est payé par quelqu'un, on

Page 15126

1 fait tout ce que ce quelqu'un vous demande; et c'est le genre de questions

2 qu'il a posé à certains de nos témoins qui occupaient certains postes.

3 Mais pourquoi ne pas appliquer maintenant cette logique, la logique du

4 Bureau du Procureur, en pensant que les experts du Bureau du Procureur

5 n'ont pas fait preuve d'objectivité dans l'analyse des faits qu'ils leur

6 avait été confiée?

7 Le Bureau du Procureur nous dit qu'il ne faut pas en arriver à une telle

8 conclusion parce que ce serait injuste. Or, pourtant, c'est un argument

9 qui a été utilisé contre la défense. Ils estiment qu'il serait injuste que

10 la défense puisse avoir recours à des documents qui pourraient permettre

11 de faire éclater la vérité ou qui pourraient permettre de faire planer un

12 doute raisonnable sur les éléments essentiels de notre Affaire.

13 Je suis, quant à moi, convaincu que le Bureau du Procureur non seulement a

14 toutes les ressources nécessaires -des ressources illimitées- pour citer à

15 la barre un expert en matière de police, et je pense que le Bureau du

16 Procureur a décidé de ne pas le faire.

17 On pourrait nous répondre: "Nous n'avons pas d'expert en matière

18 d'affaires policières" ou plutôt qu'il existait bien un lien entre la

19 police et le docteur Stakic. Tout ceci est renforcé. Or, c'est ce lien qui

20 est le plus important. Notre argument est renforcé par la façon dont le

21 Bureau du Procureur s'est comporté parce que le Bureau du Procureur

22 disposait effectivement d'experts qui pouvaient parler de la situation de

23 la police.

24 Nous en avons entendu deux, il y avait M. Inayat et M. O'Donnell qui,

25 d'après leurs propres dires, étaient des gens qui avaient énormément

Page 15127

1 d'expérience, qui étaient d'anciens policiers et qui nous ont fourni un

2 grand nombre d'éléments d'information au sujet de la filière de

3 conservation des documents; et on l'a bien vu sur la base des éléments de

4 preuve documentaires qu'ils ont pu fournir à une reprise après une

5 ordonnance rendue par la Chambre et, la deuxième fois, des éléments de

6 preuve qu'ils ont fournis par le truchement du Bureau du Procureur sans

7 qu'une ordonnance n'ait été rendue.

8 N'est-il pas essentiel d'avoir un expert de ce genre dans cette Affaire?

9 Est-ce qu'il n'est pas important d'étudier avec attention les règlements

10 qui existaient dans la police et les lois qui s'appliquaient à la police?

11 Ce n'est pas important finalement si on a envie de déformer les éléments

12 de preuve, ce n'est pas important si on préfère que la vérité n'éclate

13 jamais au grand jour, ce n'est pas important si on souhaite que jamais on

14 ne puisse en arriver à se demander si oui ou non il existait un doute

15 raisonnable.

16 Si on accepte la théorie du Bureau du Procureur qu'il y avait des liens

17 entre le docteur Stakic et la police dans cette affaire, et que le docteur

18 Stakic était responsable de tous les crimes commis par la police, dans ces

19 conditions si on adopte ce point de vue, on ne peut pas ignorer toutes ces

20 questions parce que si on le fait, j'estime qu'à ce moment-là qu'il y a

21 déni de justice.

22 La seule déduction raisonnable comme l'exige le droit, qui pourrait être

23 tirée du fait que le Bureau du Procureur refusait de faire déposer un

24 expert en matière de police et refusait de produire des documents qui

25 avaient trait au règlement applicable à la police, indépendamment du fait

Page 15128

1 qu'ils avaient procédé à des recherches, saisi des documents, eu un

2 mandat, obtenu tous les documents du département de la police, la seule

3 conclusion raisonnable devrait être en faveur de l'accusé, le docteur

4 Stakic.

5 Il n'a pas la charge de la preuve, malgré les efforts continus de changer

6 la charge de la preuve et de lui faire reposer sur lui. Je pense que,

7 d'après le nombre limité de témoins de fait que la défense a fait déposer

8 et qu'on a discuté des questions relatives à la police, votre Chambre peut

9 en fait décider et trancher ces questions, qu'il n'y avait absolument

10 aucun lien, absolument aucun pouvoir d'ordonner ou d'influencer la police

11 en ce qui concerne le docteur Stakic ou les autorités civiles quelles

12 qu'elles fussent.

13 Honnêtement, la raison véritable pour laquelle le Bureau du Procureur n'a

14 pas fait déposer un expert de la police, et la déduction qu'il

15 conviendrait d'en tirer, c'est parce qu'il n'y a pas d'expert, où que ce

16 soit -même ceux qui étaient employés par le Bureau du Procureur- qui

17 puisse, sous serment, honnêtement dire à votre Chambre que ce que le

18 Bureau du Procureur dit dans son Acte d'accusation, plaide dans ses

19 réquisitoires soit en quoi que ce soit proche de la vérité. Nous savons

20 que si un tel expert ou témoin existait, le Bureau du Procureur l'aurait

21 trouvé et l'aurait fait déposer.

22 Aucun expert en matière de police ne validerait jamais ou n'accepterait

23 jamais les allégations déformées, sans fondement qui sont exposées dans

24 cet Acte d'accusation dans leur théorie contre le docteur Stakic en ce qui

25 concerne ses rapports avec la police. Nous nous demandons où sont les

Page 15129

1 preuves, où sont les éléments de preuve, où sont les motifs; le

2 raisonnement qui selon le Bureau du Procureur existe pour prouver que le

3 docteur Stakic était le supérieur de M. Simo Drljaca?

4 En fait, les éléments de preuve sont plutôt uniformes pour aller dans le

5 sens que M. Simo Drljaca n'était le subordonné de personne à Prijedor,

6 n'était sous les ordres de personne. Pourquoi ignorer le fait que des

7 témoins de fait ont décrit la personnalité et le caractère de M. Drljaca

8 et sa réputation? Etait-ce une omission du Bureau du Procureur dans son

9 réquisitoire? Est-ce que nous ne devrions pas devant votre Chambre prendre

10 les éléments de preuve qui sont -dit-on- complexes et difficiles pour

11 essayer de démontrer au Tribunal comment ceci joue dans un sens ou dans

12 l'autre?

13 Pourquoi est-ce que le Bureau du Procureur a ignoré le fait que les

14 témoins de fait ont décrit le caractère de M. Drljaca, sa réputation et sa

15 personnalité? C'est parce que pour parvenir à démontrer leur théorie et

16 leur conclusion -que M. Drljaca était sous les ordres du docteur Stakic-,

17 il faut ignorer ces éléments de preuve, il ne faut en tenir aucun compte.

18 Mais heureusement, nous savons que vous ne le pouvez pas et que la charge

19 de la preuve sur chacune des questions qui se pose dans cette affaire

20 continue de reposer sur les épaules du Bureau du Procureur.

21 Pourquoi ne pas tenir compte des dépositions de fonctionnaires de police

22 qui ont dit qu'ils connaissaient M. Drljaca? L'un d'entre eux a dit sans

23 aucune équivoque que les autorités civiles n'avaient absolument aucun

24 pouvoir pour diriger, contrôler ou donner des ordres à la police et moins

25 encore au chef de la police, M. Drljaca.

Page 15130

1 Pourquoi ne pas tenir compte ou ignorer les faits que des témoins ont

2 déposé en disant que M. Drljaca n'était pas influencé et ne se laisserait

3 influencer par personne, et certes pas par des civils ou des hommes

4 politiques au cours du printemps et de l'été 1992?

5 Les éléments de preuve sont plutôt uniformes et permettent d'établir au-

6 delà d'un doute raisonnable que M. Drljaca n'était le subordonné de

7 personne à Prijedor, n'obéissait à personne.

8 Le Bureau du Procureur a posé de nombreuses questions vendredi. Certaines

9 étaient des questions rhétoriques, certaines étaient sarcastiques,

10 certaines étaient offensantes franchement. Ils ont posé une question en

11 disant qu'ils étaient surpris que les témoins présentés par le docteur

12 Stakic et que personne n'ait dit que le docteur Stakic avait aidé les

13 personnes d'une manière ou d'une autre. Ce qu'ils n'ont pas dit à la

14 Chambre c'est quelle était leur politique.

15 Je suis sûr qu'ils nous le diront dans chaque procès devant ce Tribunal,

16 dans chaque procès qui a eu lieu devant le Tribunal jusqu'à maintenant -je

17 peux le dire avec confiance- qui aura lieu à l'avenir, lorsqu'un accusé

18 présente des témoins pour démontrer ou bien que des choses n'ont pas eu

19 lieu ou bien qu'il y a des circonstances atténuantes.

20 Le Bureau du Procureur a une stratégie bien réfléchie, bien préparée. Ils

21 ne disent pas que ceci, en fait, pose des problèmes pour notre théorie ou

22 démolit notre théorie; ça peut toucher à la charge de la preuve. Au

23 contraire, ils conservent une position systématique et ils disent que si

24 l'accusé a été en mesure d'aider X, Y ou Z, cela voudrait dire qu'il

25 devait avoir du pouvoir, qu'il avait le pouvoir d'aider ces personnes et

Page 15131

1 qu'il a choisi de le faire ou a choisi de ne pas le faire.

2 La vraie raison, Monsieur Koumjian, pour laquelle la défense n'a pas pu

3 déposer des témoins pour montrer que le docteur Stakic avait quelque chose

4 d'utile ou avait aidé des personnes au cours du printemps ou de l'été 1992

5 est devant vous: c'est le fait qu'il n'avait pas de pouvoir, qu'il n'avait

6 pas d'autorité et qu'effectivement il n'était en mesure d'aider quiconque,

7 même pas lui-même; il ne pouvait pas s'aider lui-même.

8 Le Bureau du Procureur soutient que la défense voudrait -je cite-:

9 "Réécrire l'histoire." (Fin de citation.) Personnellement, j'ai trouvé

10 cela offensant. J'ai trouvé que c'était un commentaire honteux, mais peut-

11 être qu'il y a un malentendu, peut-être qu'il pense véritablement que le

12 fait de présenter la réalité serait de réécrire leur histoire telle

13 qu'elle est déformée. Parce que tout ce que la défense souhaiterait faire

14 c'est peindre la réalité, montrer au Tribunal ce qui s'est véritablement

15 passé: pourquoi et quand ceci s'est véritablement passé et pourquoi cela a

16 véritablement eu lieu. Nous voudrions dépeindre la réalité de sorte que

17 les faits en l'espèce soient bien replacés dans leur véritable contexte et

18 ceci honnêtement.

19 Ce qui s'est vraiment passé, comment ça s'est vraiment passé, pourquoi ça

20 s'est vraiment passé, c'étaient des questions qui n'ont pas été examinées

21 à fond par les enquêteurs du Bureau du Procureur dans aucune des

22 déclarations qu'ils ont recueillies des témoins qu'ils ont présentés. Ils

23 n'ont jamais examiné la détérioration de la situation économique et

24 sociale due aux cris de sécession. Ils n'ont jamais examiné la

25 détérioration de la légalité et pourquoi ceci a eu lieu dans l'ensemble de

Page 15132

1 la Bosnie-Herzégovine en 1991 et 1992. Ils n'ont jamais discuté la

2 question du chaos et pourquoi les militaires dans leurs rapports

3 militaires quotidiens ont employé ce mot, souvent ce mot, et

4 régulièrement.

5 Ce qui est intéressant, c'est lorsque leur expert militaire M. Brown a

6 déposé -la Chambre s'en souviendra-, vers la fin de l'interrogatoire

7 principal, la défense a eu l'occasion, s'est vue présenter des rapports

8 militaires quotidiens au titre de l'Article 68 du Règlement.

9 Oui, c'était tard. Oui, nous avons accepté leurs excuses "C'était une

10 erreur, un problème de transmission entre bureaux", mais ce que j'ai

11 trouvé de particulièrement troublant, c'est que l'expert militaire n'a pas

12 examiné ce que l'accusation elle-même avait appelé les éléments à décharge

13 au titre de l'Article 68 du Règlement.

14 Les experts militaires n'avaient aucun intérêt à ces documents parce que

15 sa "mission" était de trouver un lien et de voir ce qu'ils appellent les

16 critères militaires de coordination entre le la police et les militaires.

17 A quel point était objective, à quel point était approfondie l'analyse de

18 ces experts?

19 Nous savons -et ceci me surprend beaucoup- que les experts de l'accusation

20 se voient parfois offrir la possibilité de déposer une deuxième et même

21 une troisième fois; nous l'avons vu avec Mme Tabeau, démographe, qui est

22 revenue, elle est revenue après n'avoir pas réussi à répondre à certaines

23 questions.

24 Nous savons aussi que les témoins des exhumations, M. Nicolas Sebire a

25 également eu une deuxième possibilité après qu'il n'a pas réussi à

Page 15133

1 démontrer ce qui, pour nous, était une question fondamentale, à savoir qui

2 avait participé aux exhumations, combien y avait-il eu d'exhumations,

3 combien d'exhumations est-ce que le Bureau du Procureur a fait avec la

4 Fédération?

5 Il ne pouvait pas répondre à ces questions très fondamentales et très

6 simples. Or, la Chambre, dans sa sagesse, lui a donné une deuxième

7 possibilité de déposer, et effectivement c'est ce qu'il a fait.

8 L'expert militaire, à notre avis, en tant que professionnel, comme il

9 prétend l'être, aurait dû de lui-même demander et exiger de pouvoir

10 examiner ces quelques 82 rapports militaires quotidiens, et lui-même par

11 le truchement du Bureau du Procureur aurait dû demander que les rapports

12 complémentaires soient joints à son rapport. Ceci aurait permis d'examiner

13 le poids attribué à cela; c'est ce qui aurait été juste.

14 Au lieu de cela, on a conservé le silence. Si la Chambre avait demandé à

15 l'expert militaire ou lui avait ordonné d'examiner ces documents, je me

16 demande vraiment si les résultats et les opinions qu'il a exprimés… ce que

17 les résultats et opinions auraient été.

18 La Chambre a bien voulu nous donner la possibilité généreusement

19 d'admettre ces documents comme éléments de preuve. J'invite la Chambre à

20 réexaminer tous les rapports militaires. J'ai confiance que vous verrez

21 comment les militaires décrivent la situation à Prijedor et en Bosnie-

22 Herzégovine lorsqu'il est question de cette situation de non droit,

23 d'illégalité, de chaos et de désordre, et où l'on parle de l'inefficacité

24 des autorités civiles, lorsqu'ils parlent des extrémistes, tant des

25 Musulmans que des Serbes, des groupes serbes, pour ce qui est des

Page 15134

1 pillages, des crimes commis, des incendies des maisons, des menaces.

2 Bien sûr, M. Brown ne veut pas inclure cela dans son rapport. Ceci ne s'y

3 adapte pas, ceci ne correspond pas à la mission qui lui a été confiée,

4 ceci ne s'adapte pas à sa théorie.

5 Les rapports militaires relèvent aussi la relation qui existait entre la

6 police et les structures qui existaient entre les deux organisations. Les

7 rapports militaires montrent aussi quand des activités de police étaient

8 illégales et ce qui avait été fait pour essayer de les prévenir ou les

9 punir, de punir ces individus qui en étaient les auteurs.

10 Bien sûr, selon le Bureau du Procureur, ces questions ne sont pas

11 pertinentes lorsqu'on en vient à la question de demander à leurs experts

12 d'examiner, d'analyser et de donner une opinion sur ce sujet. Les choses

13 ne deviennent pertinentes que lorsqu'ils peuvent plaider à partir

14 d'insinuations non fondées et hypothétiques.

15 A aucun moment leurs experts n'ont discuté de la question des réfugiés

16 serbes. A aucun moment leurs experts n'ont parlé de l'effet que des

17 personnes d'une autre ville subiraient du fait qu'il y ait cet afflux

18 d'individus, du rôle qu'ils joueraient dans la société ou à Prijedor en

19 1992. Ce n'est tout simplement pas pertinent. Les rapports militaires nous

20 donnent, en fait, une perspective de certains de ces problèmes qui étaient

21 liés à une arrivée en masse de personnes dans une ville, dans une

22 communauté.

23 A aucun moment nous n'avons entendu le Bureau du Procureur nous dire que

24 les incidents horribles et tragiques qui se sont produits, les meurtres

25 qui se sont produits à Prijedor, au printemps et en été 1992, avaient été

Page 15135

1 causés par des soldats ivres. Nous avons entendu des dépositions à ce

2 sujet.

3 Est-ce que ce n'est pas sur eux que repose le fardeau de la preuve? Est-ce

4 que ce n'est pas leur devoir d'examiner les questions que l'on trouve dans

5 les éléments de preuve à la fois dans les témoignages verbaux et les

6 rapports militaires lorsqu'il est dit que des vendettas s'exerçaient, des

7 vengeances, des comportements tout à fait criminels qui étaient le

8 résultat de certains de ces événements tragiques? Ne devraient-ils pas à

9 un moment donné examiner ces questions, tout au moins dans leurs exposés

10 oraux?

11 Non, ils ne le font pas. Ils ne le font pas parce que ceci ne correspond

12 pas à leur mission, à leur théorie, à leur mandat. Ils préfèrent balayer

13 tout cela et décrire à grands traits ces choses que d'entrer dans les

14 détails de la vérité.

15 Le non droit existait non pas à cause du docteur Stakic. L'absence de

16 droit a existé en dépit du docteur Stakic, en dépit de ce qu'il disait et

17 de ce qu'il essayait de défendre. Nous devons suivre le principe général

18 qui a été donné comme étant la base de l'autorité de ce Tribunal. Sans

19 preuve directe, nous ne pouvons pas conclure à l'existence d'une mens rea

20 criminelle, à moins que cette déduction, qui serait tirée, soit la seule

21 déduction raisonnable qui puisse être tirée de ces faits.

22 Est-ce que l'accusation était véritablement si convaincante lorsqu'ils ont

23 précisé que c'était une affaire d'indices et de preuves indirectes? Si

24 nous regardons ces déductions, les éléments de preuve que nous avons, est-

25 ce que c'est la seule déduction raisonnable? Est-ce que la déduction

Page 15136

1 qu'ils essaient d'en tirer est raisonnable? Tant lorsqu'on applique ceci

2 aux faits et lorsque l'on prend une analyse objective des éléments de

3 preuve, la réponse est évidemment non.

4 Par conséquent, le Bureau du Procureur ne parvient pas et ne peut pas

5 étayer sa thèse et ses griefs pour convaincre de ces faits le docteur

6 Stakic.

7 Alors, peut-être, le moment est-il venu d'examiner certains des faits, des

8 faits qui ont été présentés. Maintenant, m'écartant de certaines de mes

9 observations préliminaires, je vais examiner certains des faits qui selon

10 le Bureau du Procureur révèlent le fait que le docteur Stakic avait une

11 intention criminelle, qu'il était associé à cet élément criminel et qu'il

12 a commis en vertu de cette association les crimes en question tels qu'ils

13 sont décrits dans la plainte, je veux dire l'Acte d'accusation.

14 Le Bureau du Procureur voudrait que la Chambre croie qu'il y avait une

15 entreprise criminelle, une entreprise criminelle conjointe dès 1991 dans

16 laquelle les Serbes, plus particulièrement le docteur Stakic, désiraient,

17 souhaitaient et avaient l'intention -je cite, ceci est à la page 10 de la

18 plaidoirie-, le docteur Stakic avait l'intention, souhaitait et désirait

19 "détruire et changer pour toujours les données démographiques de

20 Prijedor."

21 Un plan criminel dont ils étaient convenus, dont l'objectif était pour

22 toujours de changer la composition de Prijedor et dont l'objectif direct

23 et unique pour cette entreprise criminelle commune était -je cite-: "Avait

24 pour but de détruire les Croates, et plus particulièrement les communautés

25 musulmanes qui étaient devenues la majorité dans la ville de Prijedor.".

Page 15137

1 Examinons les éléments de preuve sur lesquels il se fonde avec tant de

2 soin et examinons ces éléments de preuve pour voir s'il y a quelque vérité

3 ou au moins un doute raisonnable en ce qui concerne leurs théories et

4 leurs allégations.

5 Avec la permission de la Chambre, nous voudrions présenter la pièce à

6 conviction 94A, S94A, je vous prie.

7 Nous avons demandé, Monsieur le Président, de nous aider, mais peut-être

8 devrions-nous suspendre un moment afin que l'on puisse coordonner les

9 choses et que les techniciens puissent placer les éléments de preuve sur

10 le rétroprojecteur comme le Bureau du Procureur l'avait fait.

11 M. le Président (interprétation): La séance est suspendue jusqu'à 11

12 heures moins le quart.

13 (L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 49.)

14 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

15 Je vous en prie, Maître, veuillez poursuivre.

16 M. Ostojic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame et

17 Monsieur les Juges.

18 Comme je viens de le dire avant la suspension d'audience, l'accusation

19 aurait aimé que la Chambre de première instance croie en l'existence d'une

20 campagne, d'un plan criminel engagé depuis 1991. Les vues qui sont de

21 l'accusation pourraient être considérées comme suit: d'abord, nous devons

22 voir en quoi consistait la vérité en cette période donnée; deuxièmement,

23 nous devons examiner les éléments de preuve pour voir s'il y a un doute

24 quelconque quant à la charge des éléments de preuve avancés par

25 l'accusation devant cette Chambre de première instance.

Page 15138

1 A l'examen de ces éléments de preuve, nous ne pouvons que conclure que les

2 deux vont au profit du docteur Stakic. Une fois que nous les aurons

3 examinés, ces éléments de preuve, nous allons constater qu'il doit y avoir

4 une conclusion logique et substantielle, à savoir que chez le docteur

5 Stakic il n'y avait aucune intention délictueuse, que lui n'avait pas de

6 connaissance et qu'il ne pouvait pas, par conséquent, exercer un contrôle

7 effectif quant aux comportements et agissements criminels d'aucuns et qui

8 ont eu pour aboutissement la tragédie de Prijedor.

9 Il a été soutenu que cette campagne criminelle conjointe devait exister

10 depuis 1991. Ainsi pense l'accusation qui dit que cette campagne, ce plan

11 avait pour objectif et fin de détruire les Croates et particulièrement les

12 Musulmans, par conséquent les communautés de ces deux derniers qui

13 constituaient la majorité de la population de Prijedor en 1991.

14 Devrions-nous éprouver quelques doutes à l'égard de la théorie qui est la

15 leur et à l'égard des faits avancés par eux? Avant la suspension

16 d'audience, nous disions que nous voulions présenter un élément de preuve

17 avancé par l'accusation; lesquels éléments de preuve ont été repris lors

18 du réquisitoire.

19 Mais essayons de voir cet élément à la lumière de ce que dit la loi.

20 S'agit-il d'avoir pour unique conclusion ce qui a été avancé et allégué

21 par l'accusation? S'agit-il d'y voir la seule conclusion raisonnable et

22 logique lorsque -comme dit l'accusation- en 1991, une entreprise

23 criminelle, un plan criminel a été engagé et dans lequel le plan et la

24 campagne du docteur Stakic contribuaient directement?

25 Je crois que la pièce à conviction S94A nous en parle longuement. La fin

Page 15139

1 de cet élément de preuve -d'après l'accusation- c'est de voir aboutir -et

2 cela indéniablement- à la conclusion que le docteur Stakic était devenu le

3 vice-président le 11 septembre 1991, vice-président du SDS; par

4 conséquent, il devait être normalement et automatiquement conscient du

5 plan du SDS visant à la division des communautés ethniques. Etant donné

6 qu'il a été élu vice-président du SDS, il s'était mis d'accord à l'égard

7 de ce plan-là, par conséquent, automatiquement, il a dû contribuer à la

8 mise en œuvre de ce plan criminel.

9 Lorsque j'examine ce document moi-même, j'ai quelques questions à

10 soulever.

11 Premièrement, devait-on s'attendre à une réunion du SDS en septembre 1992,

12 le 11 septembre 1992, dans un milieu où les Serbes étaient en

13 prédominance, qu'il devait y avoir des Musulmans également, il y avait un

14 seul Musulman. L'accusation dit que non. On ne devait pas s'y attendre

15 parce que ceci ne faisait que marquer le début de la réalisation de ce

16 plan, ce qui prouve d'ailleurs l'existence du plan et la contribution du

17 docteur Stakic dans cet acte criminel.

18 S'il y avait un Musulman présent, alors devons-nous conclure que ce

19 Musulman lui aussi a participé à cette entreprise criminelle ou en a-t-il

20 eu connaissance? L'accusation dit que non, parce que là il y a double

21 poids et double mesure. Par conséquent, leur théorie ne marche pas dans ce

22 sens-là. Mais lorsqu'il s'agit du docteur Stakic, alors toutes les

23 conclusions négatives sont à retirer. Pour ma part, je considère qu'il ne

24 devrait pas y avoir double poids et double mesure.

25 La Chambre de première instance devrait le savoir également. Je crois qu'à

Page 15140

1 cette réunion, il y avait un Musulman de bonne et grande réputation, un

2 tel plan ne devait pas exister et on n'y réfléchissait pas en septembre,

3 le 11 septembre 1992. S'agissait-il d'en retirer une conclusion logique et

4 raisonnable que s'il y a eu cette réunion ainsi mixte de par ses membres

5 le 11 septembre 1992, l'élection du docteur Stakic en sa fonction de vice-

6 président du SDS ne devrait pas être autre chose qu'une tentative de

7 déformer les faits réels.

8 Avant de nous pencher sur ce document, auquel se réfère l'accusation pour

9 blâmer le docteur Stakic et le déshonorer, j'ai une autre question:

10 devons-nous nous attendre à ce que cette réunion du SDS où les Serbes

11 étaient majoritaires et où le docteur Stakic a été élu vice-président et à

12 laquelle réunion ce plan criminel avait dû être entamé menant à cette

13 vaste campagne criminelle, devait-on -disais-je- s'attendre à ce que dans

14 les procès-verbaux de cette réunion nous devions lire entre autre chose ce

15 qui a été sous forme de propos la discussion sur le plan?

16 Or, nous nous sommes rendus compte qu'il y a eu un débat sur le concept

17 d'unité. A cette réunion où les Serbes étaient majoritaires, où le docteur

18 Stakic a été élu vice-président du parti, le 11 septembre 1992, y a-t-il

19 eu un débat sur la cohabitation, la vie en commun comme étant la seule

20 solution possible? Comment pourrions-nous avoir de tels commentaires et de

21 tels débats à cette réunion-là, à laquelle, d'après l'accusation, avait

22 déjà été entamée la mise en œuvre de cette campagne, de ce plan criminel,

23 en quoi semble-t-il, le docteur Stakic aurait participé directement?

24 La seule conclusion raisonnable à regarder ce document aurait dû être que

25 le docteur Stakic a donné son consentement, s'était mis d'accord sur le

Page 15141

1 sujet de l'unité, de la vie en cohabitation, et que la vie en commun et en

2 cohabitation devait être la seule et unique solution. Ce n'est qu'avec

3 force fantaisie et avec déformation de faits que nous pouvons regarder la

4 pièce à conviction S94 qui, d'après eux, suggérerait qu'à cette époque-là

5 devaient exister un plan criminel et une campagne, une entreprise

6 criminelle conjointe.

7 Nous pouvons en toute honnêteté avec clarté et de façon objective,

8 examiner la pièce à conviction 94A pour voir en quoi consiste la vérité.

9 Nous devons voir s'il devait y avoir une entreprise criminelle quelconque.

10 Nous devons voir s'il y avait un Musulman à cette réunion-là et si on

11 parlait d'unité. Y a-t-il eu lieu de parler du sujet dominant selon lequel

12 la vie en cohabitation devait être la seule et l'unique solution possible?

13 C'est ce que nous allons voir d'ailleurs à regarder en nous reportant à la

14 toute dernière page de ces procès-verbaux; il s'agit du numéro

15 ERN00916407.

16 A la page 4, il a été dit comme suit -je cite-: "Le professeur Muhamed

17 Cehajic, président de l'assemblée municipale, lui aussi souhaitait

18 intervenir. Avec satisfaction, il a mis en relief le fait d'une bonne

19 organisation de l'assemblée et le programme de divertissements préparé à

20 cette fin. Comme il l'a dit lui-même, il se proposait d'intervenir parce

21 qu'il a été fort content du discours prononcé par le docteur Nesovic qui

22 lui a été dévoué parfaitement et entièrement à la conception d'unité. Le

23 sujet dominant permettait de croire que la vie en cohabitation était la

24 seule solution possible.". (Fin de citation.)

25 Ce qui nous semble intéressant ici, c'est ce qui suit. L'accusation quant

Page 15142

1 à elle considère que ce document suggère quelque chose de négatif. Quant à

2 nous, ne devrions-nous pas mettre en application une autre loi, celle de

3 la présomption d'innocence de l'accusé, laquelle loi dit que lorsqu'on

4 avance une conclusion quelconque où on avance une présomption, l'avantage

5 devrait être accordé à l'innocence, à la présomption d'innocence?

6 Ce document-là sans présomption d'innocence de façon claire, et

7 indéniablement, nous mène à conclure que le docteur Stakic n'avait pas été

8 participant à un plan criminel quelconque, non plus qu'à une entreprise

9 criminelle conjointe. Pourtant l'accusation ne tenait pas à savoir ce qui

10 pouvait être lu dans le document. L'accusation n'utilise que ce qui

11 nourrit sa théorie à elle, c'est-à-dire la plainte de l'accusation.

12 Ensuite, l'accusation dit que les Serbes tout comme un autre groupe

13 ethnique quelconque ont droit à la sécession, les Serbes par conséquent,

14 comme les autres groupes ethniques ont droit à l'autodétermination. Or,

15 cette affaire-là ne traite pas des Serbes. Lorsque nous nous reportons à

16 ce document, nous ne pouvons pas ne pas nous poser la question de savoir

17 si le docteur Stakic était un homme mauvais, méchant ou bon lorsqu'il

18 était devenu vice-président du SDS.

19 A-t-il été méchant parce qu'il a pris part aux travaux d'une constituante

20 où on parlait d'unité et de convivialité de la cohabitation comme la seule

21 et unique solution? Ceci ne devrait-il pas servir de conclusion logique à

22 tirer de cet élément de preuve, lequel élément de preuve a été utilisé par

23 l'accusation lors de son réquisitoire, lors d'ailleurs de sa présentation

24 des éléments de preuve? Pourquoi ne se sont-ils pas référés à cela? Et

25 dans cette lumière-là, s'ils ne considèrent pas comme cet élément de

Page 15143

1 preuve non fiable, non pertinent, on peut peut-être conclure que le

2 docteur Stakic, lui, en septembre 1991, a parlé notamment de l'unité et

3 qu'il a parlé de la cohabitation de tous les citoyens, de tous les groupes

4 ethniques de Prijedor?

5 Le conseil de l'accusation considère que le docteur Stakic devait faire

6 plus. A notre avis, lorsque nous réfléchissons après coup, nous devons

7 toujours constater qu'on aurait pu faire mieux et plus, mais il ne s'agit

8 pas d'une norme de type critique. Le docteur Stakic n'a jamais parlé

9 contre la paix, il n'a jamais parlé contre la guerre. Le docteur Stakic

10 devait-il s'occuper de problèmes à résoudre de façon pacifique. Si oui,

11 s'il l'avait dit, s'il en avait parlé, je suis certain que l'accusation se

12 serait emparée de ce fait-là pour nous dire pour quelle raison ce fait

13 aurait été sans fondement ou important, etc.

14 Par contre, devant cette Chambre de première instance, je voudrais dire

15 que le docteur Stakic, lui, parlait en faveur de la paix, qu'il s'était

16 prononcé contre la guerre. Le docteur Stakic a bel et bien dit que les

17 problèmes devaient être réglés de façon pacifique. Le conseil de

18 l'accusation a plutôt opté en faveur de l'ignorance de tels faits.

19 Bien au contraire, l'accusation voulait troubler l'eau claire. Dans leurs

20 arguments, même s'ils ne sont pas anti-Serbes, ils voulaient dire que

21 c'était une mauvaise chose que d'être membre du SDS et que c'était une

22 chose terrible de voir le docteur Stakic adhérer à ce parti et devenir

23 vice-président du parti en septembre 1991.

24 Malgré le fait que nous avons vu, à savoir qu'il y a eu des débats sur

25 l'unité et sur cette cohabitation, nous voilà rapprochés du scénario que

Page 15144

1 nous présente l'Acte d'accusation: nous sommes en janvier 1992, or,

2 d'après l'accusation, à cette époque-là en janvier 1992, les Serbes et le

3 docteur Stakic ont formé un gouvernement parallèle, ont mis en place une

4 assemblée municipale parallèle à Prijedor.

5 S'agit-il là de parler d'une entreprise criminelle conjointe? S'agit-il

6 d'un plan criminel? En janvier 1992, aurions-nous été surpris de voir que

7 la formation de ce gouvernement serbe parallèle a été rendue publique,

8 proclamée? La radio et les médias en parlaient. C'était quelque chose qui

9 était notoirement connu dans Prijedor.

10 Si ces gens-là savaient quelque chose de l'existence de ce plan criminel,

11 de cette entreprise, auraient-ils réagi autrement? Dans l'interview du

12 docteur Stakic, qui a été offerte par l'accusation pour parler notamment

13 de ce gouvernement parallèle, a-t-il trompé les Serbes, les a-t-il induits

14 en erreur, a-t-il dit aux Serbes qu'ils devaient être attaqués par les

15 Musulmans? Le docteur Stakic a-t-il parlé de paix également? A-t-il parlé

16 de destruction des Croates, des Musulmans et des autres groupes ethniques

17 non serbes?

18 Allons voir en toute honnêteté ces éléments de preuve, ces indices, et

19 essayons de voir comment la loi pourrait y être mise en application.

20 D'après l'accusation, il devait y avoir un plan. D'après la pièce à

21 conviction 6A, telle que nous la voyons, sans aucun doute, sans équivoque,

22 nous pouvons conclure que le docteur Stakic n'a pas pris part à un

23 quelconque plan criminel et qu'il n'a pas participé à une présumée

24 entreprise criminelle conjointe.

25 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous sommes en train

Page 15145

1 d'examiner la pièce à conviction S6A. Si nous voyons de plus près ce

2 document, nous voyons qu'il s'agit d'un document publié par "Kozarski

3 Vjesnik" en date du 31 janvier 1992. Ce qui était publié, c'est le fait

4 qu'en janvier 1992 les Serbes avaient un gouvernement parallèle, chose qui

5 a été diffusée par les médias.

6 Or, s'il faut en déduire quoi que ce soit, pouvons-nous conclure qu'il

7 devait y avoir une entreprise criminelle conjointe et serait-il logique de

8 conclure que tous les groupes ethniques avaient une connaissance de

9 l'existence de ce plan criminel? Serait-il logique que la formation d'un

10 gouvernement parallèle ne représentait rien de caractère ou d'une nature

11 délictueuse quelconque?

12 En dépit de tout cela, essayons pour une seule seconde de présenter

13 certains éléments de preuve qui auraient pu aller en faveur de

14 l'accusation, encore que ceci ne cadre pas tout à fait avec la loi; ce que

15 je considère moi qui non seulement ne cadre pas avec la loi, mais qui me

16 semble plutôt de caractère ironique.

17 La loi est claire: si on peut tirer plusieurs conclusions, alors je crois

18 que le fait -et je le prends sur moi- devrait plutôt aller en faveur de

19 l'accusé. En effet, il y a là prédominance de l'idée de présomption

20 d'innocence sur ces types de conclusion ou de déduction.

21 Devrait-on s'attendre à ce que cet élément de preuve présenté par le

22 Bureau du Procureur aille dans le sens d'une entreprise criminelle? Est-ce

23 que vous vous attendiez à ce que le docteur Stakic en parle en public?

24 Lorsqu'en date du 31 janvier 1992, on pose la question au docteur Stakic

25 au sujet de la formation de ce gouvernement parallèle –citation-: "Comment

Page 15146

1 est-il possible de diviser le territoire actuel de la municipalité de

2 Prijedor, notamment celui de la ville de Prijedor, notamment le territoire

3 de ces villages et hameaux où la population était mixte?" (Fin de

4 citation.)

5 Regardons l'affaire, je crois qu'en réponse le docteur Stakic a fait

6 preuve d'optimisme en disant que: "Le SDS et le SDA devraient et auraient

7 dû régler tous les problèmes en suspens.". Le docteur Stakic, quant à lui,

8 pensait qu'en janvier, encore le 31 janvier 1992, si jamais il y avait un

9 problème avec le SDA, lequel problème ne pouvait pas être réglé,

10 l'établissement d'une municipalité serbe devait être exercée de façon

11 pacifique et d'une manière civilisée.

12 Regardons maintenant la seconde page du document.

13 La Chambre de première instance pourra y lire la question et la réponse

14 s'y référant. Il s'agit du cinquième paragraphe, lorsque nous y allons

15 depuis le bas de page. Deuxième paragraphe du haut de la page. C'est par

16 un tiret que commencent la question et la réponse.

17 Le docteur Stakic qui prend part à une entreprise criminelle conjointe,

18 quelqu'un qui avance un plan criminel, le docteur Stakic qui, lui, veut

19 enflammer les Serbes de Prijedor, se trouve ici. Je dirais, au paroxysme

20 de sa carrière ambitieuse comme disait l'accusation. Quelqu'un qui de

21 façon tout à fait injuste a été élu vice-président devrait être un homme

22 qui réagit de la sorte.

23 Alors, quel serait le meilleur moyen que de l'entendre parler pour les

24 médias de ses intentions, de ses actions, etc. Non seulement en septembre

25 1991, mais en janvier 1992, le docteur Stakic traite de solutions, de

Page 15147

1 règlements, de négociations et je le cite: "A obtenir par voie pacifique

2 et d'une manière civilisée" (Fin de citation.)

3 Nous devons bien nous poser la question là-dessus étant donné surtout que

4 l'accusation ne l'a pas fait, pour savoir comment ces faits-là devraient

5 être appliqués sur la loi et comment la loi surtout devrait être appliquée

6 sur de tels faits?

7 La seule solution raisonnable ne devrait-elle pas être comme suit: le

8 docteur Stakic aurait-il fait preuve d'une intention délictueuse? Ce fait

9 ne prouve-t-il pas de façon indéniable que le docteur Stakic n'a jamais

10 été à l'origine d'une entreprise criminelle quelconque et qu'il n'a jamais

11 fait preuve d'aucun agissements criminels à l'égard d'un quelconque

12 citoyen de Prijedor, à n'importe quelle époque.

13 Ensuite, l'accusation semble suggérer que le docteur Stakic, quant à lui,

14 aurait dû plus et mieux (sic). Or, d'après l'accusation, il a prononcé des

15 discours dans lesquels il a fait valoir pas mal d'éléments négatifs en

16 parlant du Djihad de la Guerre sainte. Mais pour l'instant, essayons de

17 parler de certains éléments que l'on a laissé tomber dans la présentation

18 des arguments: à savoir le docteur Stakic a-t-il parlé de la nécessité de

19 prévenir la guerre?

20 Voyons sa première réponse en date du 31 janvier 1992. Nous sommes dans la

21 seconde page de la pièce à conviction SA pour citer: "Le SDS est conscient

22 de ce fait-là et le SDS usera de tout argument possible, usera de sa

23 réputation en tant que parti pour prévenir la guerre, et fera en sorte que

24 les problèmes soient réglés de façon pacifique.". (Fin de citation.)

25 Est-ce vraiment lieu de parler d'une position honnête de l'accusation

Page 15148

1 lorsque cette dernière dit que le docteur Stakic était parti à cette

2 entreprise criminelle et appartenait à ceux qui poursuivaient un plan

3 criminel depuis septembre et janvier 1992? Quelles d'autres preuves

4 l'accusation a-t-elle? Enfin, sauf celles que le docteur Stakic était

5 membre du SDS et d'ailleurs membre du gouvernement parallèle de Prijedor.

6 Or, peut-on déduire quoi que ce soit d'autre que de dire de façon pas tout

7 à fait raisonnable qu'il y avait un plan criminel? La formation d'un

8 gouvernement parallèle en janvier 1992, ce fait-là nous permet-il de

9 conclure en toute honnêteté qu'il s'agissait là d'un plan criminel,

10 lorsque nous voyons de plus près comment se présentaient les propos du

11 docteur Stakic, mais aussi ceux des autres à ces deux instances, lorsque

12 ces derniers parlaient d'activités criminelles ou lorsqu'ils parlaient par

13 exemple de citation "Destruction de Croates et particulièrement de

14 Musulmans" (Fin de citation.)?

15 En effet, on pourrait peut-être offrir des arguments à l'appui d'une telle

16 théorie, mais il ne s'agit pas là de faits. Les faits sont évidents, ils

17 sont tous nus, évidents et sous nos yeux, encore qu'ignorés par

18 l'accusation.

19 Or, la seule et unique conclusion pourrait-elle être la suivante: lorsque,

20 eux, ils parlent d'unités en présence du docteur Stakic, alors que le

21 docteur Stakic parle de la nécessité de prévenir le tout et de façon

22 pacifique, ne devrait-on pas conclure par le fait indéniable qui nous mène

23 à croire que le docteur Stakic ne faisait preuve d'aucune intention

24 criminelle ou délictueuse, non plus qu'il était à la source d'une tragédie

25 quelconque qui s'était produite en 1992?

Page 15149

1 Nous avons des éléments de preuve, des documents qui eux témoignent de

2 l'état de conscience du docteur Stakic, de son intention délictueuse avant

3 que les événements ne se produisent en avril 1992. L'accusation, quant à

4 elle, voulait ignorer ces faits-là, mais sans s'y arrêter l'accusation

5 insiste infatigablement à déformer l'ensemble des éléments de preuve sans

6 se préoccuper de détail et sans faire preuve de diligence. Si l'accusation

7 était honnête et si elle admet la vérité, elle aurait dû présenter les

8 faits autrement. L'accusation aurait dû dire devant cette Chambre

9 d'instance que le fait que quelqu'un était membre d'un parti, comme celui-

10 là l'a été, devait mener vers une action criminelle.

11 Non, tel n'était pas le cas, eux, ils ont voulu tout simplement éviter de

12 parler de la vérité. Ils voulaient pour parler de la vérité, parler de ce

13 qui devait être l'intention délictueuse du docteur Stakic, notamment à

14 l'égard des citoyens de Prijedor en septembre et en janvier 1992. Or, ils

15 ont ignoré les éléments de preuve par les documents. Le conseil de la

16 défense n'a-t-il pas cité à la barre des gens qui ont dû connaître le

17 docteur Stakic avant la période d'avril, du 30 avril 1992? Le conseil de

18 la défense n'a-t-il pas cité à la barre plus d'un témoin qui ont déposé

19 sur les événements précédents le mois d'avril 1992? Or, tous ces faits-là

20 ont été négligés ou ignorés par l'accusation. Le Bureau du Procureur dit

21 qu'il faut les négliger.

22 Si vous voulez acquitter, vous ne pouvez pas perdre de vue les éléments de

23 preuve du 11 septembre 1991, non plus que de janvier 1992. On ne peut pas

24 négliger, perdre de vue les faits, les éléments de preuve qui traitaient

25 du caractère du docteur Stakic, de sa personnalité, de sa réputation avant

Page 15150

1 le mois d'avril 1992. Un débat honnête, un débat de nature à être

2 intellectuel, visant à nous apporter davantage de clarté serait de nature

3 à permettre une confrontation d'arguments pour voir ensuite pour quelles

4 raisons on devrait les prendre en considération ou les négliger, ces

5 arguments-là.

6 Et quant aux témoins cités à la barre par l'accusation, qu'ont-ils dit ces

7 témoins au sujet du docteur Stakic pour la période d'avant avril 1992?

8 Nijas Kapetanovic disait: "Il n'a pas fait preuve d'intolérance à l'égard

9 des gens, non, il ne l'a pas fait." (Fin de citation.)

10 Pour un instant, laissons de côté, oublions les témoins à décharge, mais

11 l'accusation ne devrait-elle pas s'occuper de ses propres témoins

12 lorsqu'elle veut prouver l'idée qui est la sienne, c'est-à-dire qu'avant

13 1991 le docteur Stakic nourrissait un plan criminel et participait à une

14 entreprise criminelle conjointe?

15 Devrions-nous pour autant rejeter l'ensemble de la déposition de M.

16 Kapetanovic? Devrions-nous peut-être conclure raisonnablement que M.

17 Kapetanovic fait preuve d'un homme raisonnable d'honnêteté en disant que

18 le docteur Stakic n'a jamais montré d'intolérance à l'égard des gens?

19 Si vous appliquez le droit sur cette position-là, si vous vous posez la

20 seule conclusion possible, à savoir le docteur Stakic n'est-il pas au fait

21 innocent quant aux éléments de preuve qui lui sont reprochés où nous en

22 sommes, que dire de la déposition du docteur Mujagic avancée également par

23 le Procureur lors du réquisitoire?

24 Je cite, le docteur Mujagic a dit: "Je n'ai jamais voulu dire que le

25 docteur Stakic était prêt à saper la tolérance dans notre région." (Fin de

Page 15151

1 citation.) Quel devrait en être l'aboutissement et la conclusion? Devrait-

2 on ignorer tous les éléments de preuve du Bureau du Procureur? Non, je ne

3 le pense pas. Je crois plutôt que le Bureau du Procureur voulait voir la

4 Chambre de première instance négliger tous les éléments de preuve à

5 décharge, tous les éléments de preuve susceptibles d'acquitter le docteur

6 Stakic quant aux crimes et allégations qui lui sont reprochés.

7 Nous ne pensons pas qu'il faut prouver maintenant un fait suivant lequel

8 le docteur Stakic serait innocent. Les choses telles qu'elles sont

9 devraient nous permettre de dire que vous allez voir qu'il y a eu tant de

10 faits qui vont en faveur du docteur Stakic et que le Bureau du Procureur

11 n'a pas pu faire état de l'ensemble de la charge des éléments de preuve

12 contre le docteur Stakic.

13 Si nous voulons voir maintenant comment se présentaient les éléments de

14 preuve de fait au sujet du docteur Stakic pour dire que celui-ci devait

15 participer à une entreprise criminelle, chose vaguement avancée et de

16 façon diffuse par l'accusation, comme d'ailleurs en traitent pas mal de

17 dépositions de témoins, le docteur Stakic ne participait pas à un plan

18 criminel et il n'en avait aucune connaissance, et je dirai que, bien au

19 contraire, lui, prônait la tolérance et la paix.

20 Ces éléments de preuve présentent-ils vraiment une image réelle de la vie,

21 de la réalité? Permettent-ils de voir que le docteur Stakic voulait

22 induire en erreur les Serbes en leur disant qu'ils ne devaient pas être

23 menacés par qui que ce soit? Vraiment il faut faire preuve d'une grande

24 fantaisie pour pouvoir aboutir à une telle conclusion.

25 Voyons et examinons très brièvement la période de temps couverte par

Page 15152

1 l'Acte d'accusation. Essayons de voir certains documents sur lesquels

2 s'appuyait le Procureur. De même, essayons de voir certains documents et

3 certaines dépositions que le Bureau du Procureur se proposait de négliger.

4 Pour aboutir à une évaluation équitable, objective, je crois que nous

5 devons prendre en considération l'intégralité des éléments de preuve pour

6 les peser. En voilà une autre question au sujet de laquelle le Bureau du

7 Procureur ne se proposait même pas de se poser la question. Il ne voulait

8 pas poser la question de la charge des éléments de preuve parce qu'ils ne

9 l'ont pas fait. Le Bureau du Procureur s'est satisfait plutôt de dire, de

10 constater que de nombreuses gens, des milliers de gens ont été tués à

11 Prijedor. Or, chose intéressante, le Procureur ne voulait pas appeler

12 l'attention de la Chambre de première instance sur le fait que le conseil

13 de la défense, dès le début de la présentation de ses éléments de preuve,

14 suivant les instructions du docteur Stakic, n'avait aucune intention de

15 contester ces faits-là.

16 Nombreuses étaient les dépositions au titre de l'Article 92bis qui ont été

17 citées, originaires de divers villages et hameaux environnants qui ont

18 tous parlé et traité des cruautés dont ils ont fait objet. Ceci n'est pas

19 chose contestable. Le conseil de la défense ne conteste pas la tragédie

20 telle qu'elle s'est produite à Prijedor au printemps et en été 1992.

21 Pourtant, quant à nous, nous pensons que le Bureau du Procureur souhaite

22 attaquer nos émotions lorsqu'il lui reproche, au docteur Stakic, tous ces

23 crimes-là, pour lesquels les témoins en déposant ont dit que jamais

24 -parlant du plus profond de leur cœur- ils auraient pu avoir l'idée de

25 reprocher tous ces crimes-là au docteur Stakic.

Page 15153

1 Nombreux ont été les témoins, lorsqu'on les regarde assis ici on devrait

2 leur demander qu'ils disent cet homme-là est responsable de ces crimes-là.

3 Ces hommes-là sont des gens courageux, ils ont beaucoup souffert et

4 souffrent encore et toujours. Pourtant ils ont opté pour la vérité, ils

5 ont voulu partager la vérité en disant que non seulement le docteur Stakic

6 n'est pas responsable de ces crimes, non seulement il n'a pas été

7 responsable, mais il n'a jamais participé à un quelconque plan criminel ou

8 à une entreprise criminelle qui est à l'origine de ces événements et de

9 ces crimes.

10 D'après le Bureau du Procureur, après la prise de contrôle, le 30 avril

11 1992, le docteur Stakic encore toujours était parti à cette entreprise

12 criminelle ayant pour seul objectif -je cite-: "De détruire la Croatie,

13 les Croates, particulièrement les communautés musulmanes de Prijedor.".

14 (Fin de citation.)

15 Nous avons entendu des dépositions de témoins sur le docteur Stakic, sur

16 ses sentiments, sur ses attitudes avant le 30 avril 1992. Nous avons pu

17 également nous rendre compte des éléments de preuve concrets pour voir si

18 eux parlaient de destruction comme l'accusation l'assume, ou de paix ou de

19 tolérance.

20 Examinons ce que le docteur Stakic a déclaré après le 31 avril 1992.

21 Serait-il surprenant d'apprendre que le docteur Stakic avait déclaré: "La

22 paix doit être préservée à tout prix.". (Fin de citation.)

23 Et le Bureau du Procureur a décidé d'ignorer la chose.

24 Pourquoi le docteur Stakic déclarerait-il que la paix devait être

25 préservée à tout prix lors d'une réunion du SDS? On n'a aucun élément qui

Page 15154

1 permette d'affirmer que le docteur Stakic ait tenu des paroles

2 discriminatoires, injurieuses à l'encontre des Musulmans et des Croates

3 pendant toute cette période.

4 Or, pourtant, quelle enceinte idéale, quel forum idéal lui était fourni ce

5 9 mai 1992, une semaine à peu près, 10 jours après la prise de contrôle de

6 la municipalité de Prijedor! Quelle occasion idéale pour le docteur

7 Stakic, qui venait de prendre le pouvoir, qui était le vice-président du

8 SDS, qui était devenu le nouveau président de l'assemblée municipale,

9 quelle occasion idéale, quelle enceinte idéale pour le docteur Stakic!

10 Pourquoi ne pas en appeler à toutes ces troupes, les encourager à expulser

11 ou -pour reprendre les termes du Bureau du Procureur- à détruire les

12 Croates et les Musulmans ce 9 mai, lors d'une réunion du SDS?

13 Le docteur Stakic a-t-il prononcé une seule parole injurieuse à l'encontre

14 de quelque groupe ethnique que ce soit? Non. Il n'a fait aucune

15 observation négative, il n'a tenu aucun propos discriminatoire.

16 S'il existait un plan criminel, pourquoi est-ce que, en ce 9 mai 1992, le

17 docteur Stakic parle-t-il de paix? N'est-il pas logique, n'est-il pas

18 raisonnable d'en déduire, d'en conclure que le docteur Stakic n'est pas

19 coupable des crimes qui lui sont reprochés, que le docteur Stakic n'est

20 pas coupable d'avoir participé à un plan criminel ou à une entreprise

21 criminelle commune?

22 Le Bureau du Procureur a repris cet élément de preuve, cette pièce à

23 conviction, nous l'a présentée, mais je pense que ce que le docteur Stakic

24 ne dit pas est également important pour contredire la thèse de

25 l'accusation, pour montrer qu'effectivement il y a un doute raisonnable

Page 15155

1 qui pèse sur la théorie du Bureau du Procureur.

2 En effet, est-ce que ce n'était pas là l'occasion idéale ce 9 mai 1992

3 pour le docteur Stakic? Or, il n'a pas prononcé un seul mot, une seule

4 parole négative ou injurieuse à l'encontre de ces concitoyens. Et le fait

5 que le docteur Stakic n'ait tenu aucun propos discriminatoire permet de

6 déduire qu'il n'était pas animé de l'intention délictueuse que lui

7 attribue le Bureau du Procureur.

8 Mais nous avons des éléments supplémentaires. Lors de cette réunion du 9

9 mai 1992, le docteur Stakic, lors de cette réunion donc qui, d'après ce

10 que l'on sait, réunissait essentiellement des Serbes, il dit au deuxième

11 paragraphe -je cite-: "La paix doit être maintenue à tout prix." (Fin de

12 citation.)

13 Est-ce que cela n'est pas significatif? Est-ce que c'est sans intérêt,

14 sans importance, comme nous le dit le Procureur? Devrions-nous ignorer la

15 chose? Pouvons-nous ignorer cela?

16 Mais c'est uniquement si vous voulez condamner, c'est uniquement si vous

17 désirez empêcher que la vérité n'apparaisse au grand jour que vous pouvez

18 accepter la théorie du Procureur et ignorer ces éléments de preuve

19 présentés. C'est uniquement si on refuse que la justice ne sorte vainqueur

20 de ce procès que l'on peut ignorer ces éléments.

21 D'après le Procureur, le docteur Stakic était quelqu'un de fort ambitieux,

22 qui souhaitait continuer à grimper tous les échelons du pouvoir. Et dans

23 la pièce SK46, on voit que le docteur Stakic est élu au poste de vice-

24 président, parle de paix et de tolérance. Nous avons un document de

25 janvier 1992 où il exprime son opinion au sujet de ce gouvernement

Page 15156

1 parallèle, et il déclare que le SDS et le SDA devraient essayer de trouver

2 un arrangement. Il fait preuve d'optimisme. Et dans sa déclaration, il

3 espère que l'on pourra travailler de concert, de manière pacifique.

4 Nous avons également tous les éléments de preuve. Or, ignorer tous ces

5 éléments de preuve reviendrait à un déni de justice. Passer sous silence,

6 ignorer tous ces éléments de preuve, c'est la seule solution pour en

7 arriver à la conclusion que le Bureau du Procureur a effectivement rempli

8 sa mission, éprouvé ses allégations. On s'est beaucoup penchés sur le

9 poids à accorder de ce document. Le Bureau du Procureur ne fait nullement,

10 ne discute nullement du poids accordé à ces documents, à aucun des

11 documents présentés, nous y reviendrons cet après-midi.

12 Mais moi, j'estime que ce document SK46, il doit lui être accordé une

13 importance extrêmement forte. Pourquoi? Pourquoi sur tous les documents

14 que nous avons examinés, sur tous les documents qui ont été présentés, sur

15 tous les documents qui ont été mal interprétés pour aller dans le sens de

16 la thèse du Procureur, M. Donia, lors de sa déposition du 24 avril 2002, a

17 parlé de ce document, page 2165, lignes 8 à 10? Il parle de ce document

18 SK46 -je cite-:

19 "Q: Existe-t-il une raison pour laquelle on peut douter de la personne qui

20 a rédigé ce compte rendu et les propos qui sont attribués au docteur

21 Stakic?

22 R: Non." (Fin de citation.)

23 Donc même leurs experts, même leurs témoins à eux, reconnaissent qu'il

24 n'existe aucun doute quant au fait que le docteur Stakic a prononcé ces

25 paroles, pensait véritablement ce qu'il a dit, et estimait pendant toute

Page 15157

1 cette période qu'il fallait à tout prix préserver la paix.

2 Je voudrais maintenant me pencher sur un autre document. C'est le document

3 S200.

4 Pour le document SK46, j'ai demandé pourquoi le Procureur ignorait la

5 teneur de ce document? Comment le Procureur peut-il considérer que ce

6 document va dans le sens de sa théorie, à savoir que le Bureau du

7 Procureur faisait partie d'une entreprise criminelle conjointe? Comment le

8 Procureur peut-il affirmer que le docteur Stakic était favorable à la

9 guerre en mentant aux Serbes et en leur disant qu'une tragédie allait se

10 produire? Et comment d'un autre côté, lors de réunions publiques et

11 privées avec des Serbes, pouvait-il se prononcer en faveur du maintien de

12 la paix à tout prix?

13 Ceci s'est passé le 9 mai 1992. Une semaine plus tard, le 16 mai 1992, on

14 a célébré le cinquantième anniversaire ou un cinquantième anniversaire à

15 Prijedor. Et nous avons un article de presse qui a été rédigé à ce moment-

16 là et qui figure au dossier sous la cote S200. Lors de cette cérémonie, le

17 docteur Stakic, une semaine après avoir déclaré qu'il fallait préserver la

18 paix à tout prix, une semaine donc, près de trois semaines après être

19 devenu membre de ce gouvernement où il est président de la municipalité

20 -16 jours pour être précis- le docteur Stakic intervient. Si le Bureau du

21 Procureur a raison, on pourrait s'attendre à ce que le docteur Stakic

22 n'attise la haine, ne se prononce en faveur de la guerre et n'essaie de

23 renforcer l'intolérance et la nécessité de vivre séparément.

24 Est-ce que le docteur Stakic a utilisé ce terme de destruction en parlant

25 de ses concitoyens musulmans et croates, de ceux qui ne sont pas Serbes?

Page 15158

1 Or, le document que vous examinez nous donne le contexte dans lequel sont

2 présentés tous ces éléments de preuve. Nous avons une célébration, donc un

3 jubilé qui a été fêté ce 16 mai 1992 ou vers cette date; et lors de cet

4 événement, moi, je vous dis que le docteur Stakic a déclaré que Prijedor

5 serait une oasis de paix et qu'aucun événement répréhensible n'allait se

6 passer à Prijedor.

7 Je le dis, et j'imagine que les Juges vont me regarder avec un peu de

8 scepticisme et me dire "mais il faut apporter des preuves pour soutenir ce

9 que vous dites". Etant donné que la pièce S200 ne semble pas non plus

10 aller dans ce sens, le même type d'exigence doit s'appliquer également à

11 mes confrères de la partie adverse: lorsqu'ils affirment quelque chose, il

12 faut qu'ils en apportent les preuves; lorsqu'ils font une assertion, ils

13 doivent en fournir les bases.

14 Le docteur Stakic a déclaré le 16 mai 1992 devant des centaines, devant

15 des milliers de personnes que Prijedor serait une oasis de paix et

16 qu'aucun événement répréhensible ne se produirait à Prijedor. Comment le

17 savons-nous? Juste parce que je le dis, devez-vous me croire sur parole?

18 Eh bien, non, nous avons des éléments de preuve que le Bureau du Procureur

19 souhaiterait passer sous silence, souhaiterait ignorer.

20 Le témoin Z, un témoin à charge, est venu ici même, Mme Sutherland l'a

21 interrogé, et le témoin a reconnu la chose -le témoin Z. En fait, il n'y a

22 rien eu à reconnaître, à admettre. Elle a simplement fait part de ce dont

23 elle se souvenait, de ce qu'avait dit le docteur Stakic qui fait

24 maintenant l'objet de poursuite criminelle.

25 Or, elle aurait pu décider de ne pas se prononcer ainsi. Elle aurait pu

Page 15159

1 oublier ou ignorer la déclaration du docteur Stakic, comme le fait le

2 Procureur. Or, ce témoin, ce témoin honnête, ce témoin honorable avait

3 déclaré qu'elle dirait la vérité, et c'est pourquoi elle a dit la vérité.

4 Voici donc ce qu'elle a dit. Le témoin Z, page 7538 du compte rendu

5 d'audience, ligne 21 -je lis une partie de sa réponse, je cite-: "Lui (le

6 docteur Stakic) a déclaré que Prijedor serait une oasis de paix et que

7 rien de répréhensible ne se produirait à Prijedor, aucun des actes qui

8 s'étaient produits à Foca ou en Bosnie, ailleurs, en Bosnie!". (Fin de

9 citation.)

10 Quand vous reviendrez sur ces dépositions, Madame et Messieurs les Juges,

11 je vous demande de vous reporter à la pièce n°200, le témoin a confirmé

12 avoir participé à cette cérémonie, ce cinquantième anniversaire, et elle

13 confirme les propos par le docteur Stakic.

14 Alors à quoi sommes-nous confrontés? Moi, si j'étais le Procureur, je

15 dirais à la Chambre "oui, le 9 mai 1992, le docteur Stakic parle de paix;

16 le 16 mai 1992, il déclare aux citoyens de Prijedor que Prijedor sera une

17 oasis de paix et que rien, qu'aucune exaction n'allait s'y produire".

18 Il faut être franc, il faut être objectif, il faut être honnête avec les

19 éléments de preuve factuels qui sont incontestables, ceci afin de pouvoir

20 faire une évaluation honnête sur les conclusions raisonnables ou pas que

21 l'on peut en tirer.

22 Est-il raisonnable dans ce contexte et vu ce que je viens de dire, vu ce

23 que je viens de vous dire au sujet du 9 mai 1992 -le discours du docteur

24 Stakic-, vu le discours du docteur Stakic du 16 mai 1992, lorsque d'après

25 le Bureau du Procureur "il en est au paroxysme de sa carrière", est-il

Page 15160

1 raisonnable d'en arriver à la conclusion qu'il était animé d'une intention

2 criminelle? Est-ce qu'il y a là intention criminelle? Est-ce qu'on peut en

3 déduire que le docteur Stakic attisait les passions de la population serbe

4 en leur affirmant que des choses atroces allaient se produire?

5 La paix est-ce si terrible? La tolérance horrible aussi?

6 Et ce n'est qu'avec une imagination extraordinaire que l'on pourrait en

7 arriver à cette conclusion ridicule et complètement partiale.

8 C'était là l'intention du docteur Stakic pendant la période couverte par

9 l'Acte d'accusation, et les événements de preuve nous le démontrent. Ces

10 éléments de preuve nous montrent quelle était son intention avant et

11 pendant la période couverte par l'Acte d'accusation.

12 "Oasis de paix, la paix doit être maintenue à tout prix", paroles

13 prononcées le 16 et le 9 mai. Voilà, l'objectif qui était celui du docteur

14 Stakic: la paix devait être préservée à tout prix, Prijedor devait rester

15 une oasis de paix. Voilà le plan du docteur Stakic: la paix à tout prix,

16 Prijedor oasis de paix. Voilà quel était la mens rea du docteur Stakic,

17 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges. La paix, et non la

18 violence, allait être maintenue, et c'était le bien et non le mal qui

19 allait sortir vainqueur.

20 Malheureusement, comme les citoyens de Prijedor nous l'ont dit eux-mêmes,

21 le souhait du docteur Stakic, son intention n'ont pas prévalu. Le

22 comportement criminel de soldats ivres, d'individus criminels que ce soit

23 pour des motifs de vengeance, de dépit ou de vendetta, ces personnes ont

24 eu un comportement qui était incontrôlable, même par le docteur Stakic.

25 Pendant ces trois premières semaines où le docteur Stakic est arrivé au

Page 15161

1 pouvoir et s'est prononcé en faveur de la paix, est-ce qu'il y a eu des

2 crimes, est-ce qu'il y a eu des meurtres? Est-ce que nous n'avons pas dit

3 qu'il a fait tout son possible pour que la vie continue son cours normal?

4 Aucun événement au cours de ces trois premières semaines ne montre que le

5 docteur Stakic ait participé à des activités criminelles quelles qu'elles

6 soient ou était membre d'une entreprise criminelle commune et était animé

7 d'une intention criminelle?

8 Que s'est-il passé? Qu'est-ce qui a changé? Nous ne voulons pas recréer,

9 réécrire l'Histoire, nous voulons décrire la réalité, la vérité. Que

10 s'est-il passé? Ce qui s'est passé c'est qu'une attaque a été lancée

11 contre des soldats serbes qui passaient à un point de contrôle à Hambarine

12 le 22 mai 1992. Le Bureau du Procureur reconnaît qu'il ne se trouvait pas

13 sur place et qu'il ignore ce qui s'est véritablement produit, mais le

14 Bureau du Procureur nous fait part de ce que l'on peut déduire

15 raisonnablement des éléments de preuve présentés.

16 Le Bureau du Procureur nous dit que la défense avec son témoin DH, un

17 militaire, qui a passé ce point de contrôle à Hambarine, nous dit donc que

18 la défense avec ce témoin prouve que les membres de ce point -ceux qui se

19 tenaient sur ce point de contrôle- étaient raisonnables et ne voulaient

20 tuer personne, puisque DH avait passé ce point de contrôle dans son

21 uniforme militaire sans qu'on s'attaque à lui.

22 Est-il raisonnable d'en déduire, puisque le témoin DH était Croate, est-il

23 raisonnable d'en déduire que le témoin DH a pu passer librement ce point

24 de contrôle? Est-il raisonnable de déduire que les soldats qui ont été

25 tués, blessés sur ce point de contrôle, ont été tués et blessés parce

Page 15162

1 qu'ils étaient Serbes, et pour aucune autre raison? Comment le Bureau du

2 Procureur peut-il concilier le fait que deux autres membres de ce groupe,

3 des Croates, n'ont été ni blessés ni tués, ils sont toujours de ce monde

4 et pourraient déposer si on le leur demandait pour dire la vérité?

5 Je vous demande d'examiner les rapports militaires, de vous rapporter aux

6 conversations, aux entretiens, aux enquêtes réalisées par les militaires

7 pour déterminer qui avait tiré sur qui et pourquoi. Or, leur expert,

8 l'expert du Bureau du Procureur n'examine pas ces documents parce que cela

9 ne s'inscrit pas assez bien dans la théorie du Bureau du Procureur.

10 Le Procureur ignore la chose parce que le Procureur ne peut obtenir la

11 condamnation de l'accusé que s'il ignore ou déforme les éléments de

12 preuve. Or, le fait est que peu importe qui était à l'origine de la

13 confrontation à Hambarine, le fait est que le 22 mai 1992, on a assisté à

14 une escalade de la situation et un retournement complet de la situation

15 dans la municipalité de Prijedor suite à cet incident et suite à ces

16 meurtres.

17 Il faut brosser le tableau de la réalité. Pourquoi n'est-il pas important

18 du point de vue militaire de se demander pourquoi le 3 mai 1992, dans la

19 capitale de Sarajevo des soldats de la JNA -un convoi de la JNA- ont été

20 attaqués et exécutés sommairement au moment où ils quittaient leur

21 caserne? Personne n'essaie de réécrire l'Histoire, c'est un fait. C'est un

22 fait essentiel qui s'est déroulé pendant la période visée à l'Acte

23 d'accusation.

24 A Tuzla, de même, nous apprenons par le général Lewis McKenzie, dans la

25 lecture de son journal, que 150 soldats serbes ont été attaqués par des

Page 15163

1 Musulmans à un point de contrôle et tués, 150 autres ont été blessés et

2 300 ont été faits prisonniers. Pourquoi est-ce que cela n'a rien à voir

3 avec notre affaire? Pourquoi est-ce que cela consiste à réécrire

4 l'Histoire? Il s'agit là de faits, des faits qui, lorsqu'ils se

5 produisent, sont considérés comme extraordinaires par tout soldat, tout

6 militaire qui s'y verrait confronter. Des soldats qui sont, ensuite,

7 animés d'une vigilance supplémentaire, et c'est ceci qui malheureusement a

8 entraîné des représailles regrettables à Prijedor suite à l'attaque dont

9 ils ont été victimes.

10 Pourquoi ignorer cela? Parce que cela ne correspond pas à la théorie de

11 l'accusation, la théorie destinée à prononcer la condamnation de l'accusé.

12 Or la Chambre ne peut, ne doit ignorer les faits, les faits qui sont

13 pertinents. Les faits qui nous montrent quelles étaient les intentions

14 dont été animées les militaires à l'époque à Prijedor, lorsqu'ils ont

15 réagi à l'assassinat de certains de leurs membres aussi bien à Hambarine

16 qu'à Kozarac ainsi que dans la ville de Prijedor en mai 1992.

17 Le Bureau du Procureur semble suggérer que l'armée serbe a utilisé cet

18 incident de Hambarine comme un prétexte, comme une excuse. Est-ce qu'après

19 le 30 avril 1992, il n'est pas logique, il n'est pas raisonnable de penser

20 que lorsque les Serbes ont pris le contrôle de la ville, ils n'avaient

21 plus besoin de prétexte, d'un autre prétexte que l'attaque de Sarajevo et

22 l'attaque de Tuzla pour s'en prendre aux non-Serbes de Prijedor?

23 Hambarine n'a pas constitué une excuse, ni un prétexte. Hambarine c'est un

24 incident regrettable, une provocation terrible, un événement terrible qui

25 a marqué le début de la détérioration de la situation dans la municipalité

Page 15164

1 de Prijedor, qui a vu l'effondrement de la paix et de l'ordre public.

2 Nous devons nous demander à partir de quel moment le contrôle… tout

3 contrôle disparaît, à partir de quel moment l'armée a-t-elle décidé que la

4 paix n'était plus une option valable? Pour l'armée, j'avance que la paix

5 n'était plus une option après le 30 mai 1992. Si Hambarine constituait un

6 prétexte comme l'affirme le Procureur, pourquoi ne pas tuer tout le monde

7 à Hambarine? Pourquoi ne pas détruire les centaines de maisons de

8 Hambarine? Pourquoi, étant donné que Hambarine se trouve dans la région de

9 Brdo, pourquoi ne pas continuer -si effectivement il y avait un plan

10 criminel conjoint- pourquoi ne pas continuer -je cite-: "A détruire les

11 communautés croates et musulmanes"? (Fin de citation.)

12 Pourquoi s'arrêter à la route, la route où il y avait ce barrage? Pourquoi

13 s'arrêter-là? Pourquoi n'arrêter personne en fin de compte? Pourquoi ne

14 tuer personne? Pourquoi n'arrêter personne? Pourquoi? Eh bien, parce qu'il

15 n'y avait pas d'entreprise criminelle commune, parce qu'il n'y avait pas

16 de plan criminel commun. Le docteur Stakic -c'est indéniable- ignorait ce

17 qui allait se passer, ignorait ce qui allait découler de l'incident de

18 Hambarine.

19 Les experts, je pense, en conviennent, conviennent qu'un ultimatum a été

20 donné, que cet ultimatum était acceptable et si, d'après le Bureau du

21 Procureur, M. Mujadzic avait raison, il aurait dû y avoir une enquête.

22 Alors à ce moment-là pourquoi M. Aliskovic ne s'est-il pas rendu aux

23 autorités? Pourquoi les auteurs de ces actes criminels, de ces meurtres,

24 ne se sont-ils pas constitués prisonniers?

25 Le point de contrôle de Hambarine et les événements qui s'y sont produits

Page 15165

1 ont marqué le début indéniable d'une vague de crimes incontrôlables,

2 sporadiques dans toute la municipalité de Prijedor. Personne ne pouvait

3 penser qu'il allait arriver ce qui est arrivé à Hambarine. Bien qu'il y

4 ait eu de nombreux bunkers, comme nous dit le Bureau du Procureur, bien

5 qu'il y ait eu beaucoup de barrages routiers, beaucoup de barrages dans

6 toute la municipalité de Prijedor, personne ne pensait que des soldats

7 allaient être attaqués, allaient être tués; personne ne peut empêcher

8 l'armée de réagir à une provocation.

9 Je pense, si vous le permettez, Monsieur le Président, que le moment

10 serait bien choisi pour interrompre l'audience.

11 M. le Président (interprétation): En fait, on pourrait continuer jusqu'à

12 13 heures, mais si vous avez besoin d'une pause.

13 M. Ostojic (interprétation): Oui, je pense qu'une pause serait la

14 bienvenue.

15 M. le Président (interprétation): D'accord, audience suspendue jusqu'à 12

16 heures 15.

17 (L'audience, suspendue à 11 heures 58, est reprise à 12 heures 20.)

18 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

19 Maître Ostojic, vous pouvez continuer jusqu'à 13 heures précises.

20 M. Ostojic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 Examinons jusqu'à ce point les faits, si vous le voulez bien, pour les

22 peindre dans le contexte véritable dans lequel ils se sont passés, plutôt

23 que de créer ou recréer l'Histoire.

24 Le 3 mai, lorsque l'armée populaire yougoslave a été attaquée dans la

25 ville de Sarajevo, est-ce que le docteur Stakic se lève pour faire un

Page 15166

1 discours pour déclarer la guerre, est-ce que le docteur Stakic dit que les

2 citoyens de Prijedor en sont à un stade imminent de la guerre, qu'il y a

3 une menace imminente de guerre?

4 Imaginez cela le 3 mai: des soldats serbes de la JNA sont attaqués au

5 moment où ils quittent la caserne dans la ville de Sarajevo en Bosnie-

6 Herzégovine. Et le 9 mai, le docteur Stakic avec une intention

7 prétendument criminelle, un plan prétendument criminel, parle et donne une

8 interview dans le "Kozarski Vjesnik" et dit que la paix doit être

9 maintenue à tout prix?

10 Que devrait être la déduction: que le docteur Stakic préconisait la

11 guerre, la haine, l'intolérance, l'intention de détruire comme l'allègue

12 le Bureau du Procureur? Quel meilleur prétexte pour les Serbes

13 immédiatement dans la semaine qui suivait un événement tragique et très

14 grave à Sarajevo, non pas pour rallier les soldats! Or comme nous le

15 voyons, le docteur Stakic, au contraire, dit: "La paix doit être maintenue

16 à tout prix." Gardons la réalité à l'esprit, ne déformons pas les faits.

17 Le 15 mai 1992, dans la ville de Tuzla, une autre attaque contre des

18 soldats serbes de l'armée populaire yougoslave a eu lieu. Quel moment

19 pouvait-il y avoir de mieux que le 16 mai -le cinquantième anniversaire,

20 le jubilé de la libération de Prijedor- pour le docteur Stakic que de dire

21 dans un discours qu'il y a eu un incident dans la ville de Tuzla qui est

22 rapporté dans tous les journaux, dans tous les médias, que des Serbes, des

23 soldats serbes ont été massacrés, 150 d'entre eux ont été tués ou blessés,

24 150 blessés, 300 capturés?

25 Pourquoi ne pas choisir ce moment si vous avez une intention criminelle,

Page 15167

1 des dispositions, un plan criminel, puisqu'on serait apparemment -c'est ce

2 qui est allégué- membre d'une entreprise criminelle? Pourquoi pas le 16

3 mai 1992, un jour après la tragédie de la ville de Tuzla? Pourquoi est-ce

4 que le docteur Stakic n'appelle pas à la guerre et n'exige pas qu'une

5 population soit détruite ou manifeste l'intention qu'une population soit

6 détruite comme l'allègue l'accusation?

7 Que dit le docteur Stakic? Le docteur Stakic parle de Prijedor, il dit

8 quel est son but, quelle est son ambition et quelle est son intention. Il

9 dit le 16 mai, comme nous l'avons dit précédemment, et il est optimiste,

10 il est plein d'espoir: "C'est extraordinaire, Prijedor sera une oasis de

11 paix et que rien d'affreux ne se passera à Prijedor".

12 Que faut-il en déduire? Comment peut-on faire ce saut, même avec une

13 imagination extraordinaire, bondir et suggérer que le docteur Stakic à ce

14 stade, à ce moment en mai 1992, avait l'intention de détruire des Croates

15 et des Musulmans, qu'il était un homme qui a trompé les Serbes, qu'il

16 était un homme qui préconisait la guerre, qui préconisait l'intolérance?

17 Est-ce qu'objectivement, est-ce que c'est intellectuellement plus honnête

18 de dire qu'il n'y a qu'une seule conclusion que l'on puisse tirer de ces

19 faits; intellectuellement, objectivement, honnêtement que le docteur

20 Stakic n'est pas coupable des crimes allégués, que le docteur Stakic ne

21 possédait pas l'intention criminelle nécessaire pour commettre l'un

22 quelconque de ces crimes, que le docteur Stakic ne savait pas, n'avait pas

23 connaissance d'un plan criminel, que le docteur Stakic n'était pas membre

24 et ne participait pas à une entreprise criminelle conjointe?

25 Ceci ne suffit pas pour le Bureau du Procureur, mais si nous n'en tenons

Page 15168

1 pas compte, si nous l'ignorons, si nous soutenons que la défense essaie de

2 refaire l'Histoire, réécrire l'Histoire, alors, peut-être que cela pourra

3 passer? La défense n'essaie pas de réécrire l'Histoire. La défense

4 souhaite que la vérité soit décrite et que la réalité soit présentée à

5 votre Chambre.

6 C'est la réalité que le docteur Stakic en 1991, au début de 1992 et à la

7 moitié de 1992 a toujours sans équivoque parlé de la paix, préconisé la

8 paix systématiquement et sans équivoque. Qu'en est-il de la période

9 postérieure au 22 mai 1992? Est-ce que les déductions peuvent être, parce

10 qu'il n'y a aucun document apparemment de "Kozarski Vjesnik" selon lequel

11 le docteur Stakic aurait changé de ton, changé de point de vue, changé

12 d'opinion?

13 On ne peut pas tirer une telle déduction à moins qu'il y ait préjugé,

14 parti pris pour conclure que l'absence de nouveaux articles de journal

15 puisse en quoi que ce soit suggérer que l'intention du docteur Stakic ait

16 en quoi que ce soit changé après le mois de mai par rapport à ce qu'elle

17 était en mai avant ces événements.

18 De qui est-ce la faute? Si nous n'avons pas de document du "Kozarzki

19 Vjesnik" après le mois de mai 1992. Qui a procédé à la saisie, à la

20 recherche de ces documents? Qui avait ces documents en leur possession à

21 un moment donné? Ce n'est pas le docteur Stakic. Nous avons

22 systématiquement demandé ces documents au Bureau du Procureur. Ils ont

23 soutenu à un moment donné qu'il n'avait pas une masse énorme de documents;

24 et après avoir examiné, recherché et peut-être avec également un examen de

25 conscience peut-être approfondi, ils ont décidé qu'ils avaient certains de

Page 15169

1 ces documents qu'ils nous ont donnés en septembre et en octobre 1992.

2 Pourtant, nous n'avons pas de document de "Kozarski Vjesnik" pour cette

3 période critique. Nous n'avons donc pas de document de "Kozarski Vjesnik"

4 qui traiterait de cette période critique. Ces documents-là étaient bien en

5 leur possession, alors que nous croyions tout le temps que ces documents

6 devaient être communiqués.

7 La majeure partie de leurs documents, de leurs éléments de thèse devait

8 faire croire que ce qui avait été avancé par l'accusation devait aller à

9 l'encontre du docteur Stakic. Quel serait le cadre de la loi et la

10 juridiction dans le cadre de laquelle il pourrait peut-être avancer de

11 telles attitudes? Lorsqu'on parle au-delà de quatre, évidemment ceci ne

12 constitue pas une norme, il doit y avoir une charge des éléments de preuve

13 viable. On doit s'en occuper pour pouvoir présenter la vérité et faire

14 état devant la Chambre de première instance des faits tels qu'ils sont,

15 lorsqu'il existe des éléments à décharge et lorsqu'il est des théories de

16 droit qui seraient susceptibles d'acquitter le docteur Stakic.

17 L'armée, comme faisant partie intégrante de cette présumée entreprise

18 criminelle en date du 22 mai 1992, pourquoi n'a-t-elle pas détruit

19 l'ensemble de la ville de Hambarine? D'après le Bureau du Procureur il y

20 avait un plan mis en place, bien rodé, bien élaboré déjà en 1991, lequel

21 plan devait servir de base d'une entreprise pour -je cite-: "Détruire

22 l'ensemble des Musulmans et des Croates.". (Fin de citation.)

23 Il leur a fallu trouver un prétexte pour oublier les événements de

24 Sarajevo le 3 mai, les événements du 15 mai à Tuzla. Les Serbes de

25 Prijedor et les militaires de Prijedor devraient avoir un autre prétexte,

Page 15170

1 c'est-à-dire lorsque leurs gens, leurs militaires ont été blessés ou tués

2 en date du 22 mai, il était tout à fait possible de s'attendre que si

3 jamais une telle entreprise criminelle avait existé, portant destruction

4 de Musulmans et de Croates, et s'il avait vraiment existé un tel prétexte

5 de se poser la question, pourquoi les gens se seraient-ils arrêtés à

6 Hambarine? Pourquoi se seraient-ils arrêtés à 40 ou 50 maisons? Pourquoi

7 n'aurait-on pas détenu ou exécuté l'ensemble de la population de

8 Hambarine? Pourquoi ne se seraient-ils pas rendus à Ljubija, village du

9 voisinage où il y avait, paraît-il, une intention de détruire les Croates

10 et Musulmans, intention faisant partie d'un plan commun? Pourquoi s'est-on

11 arrêté là? Ce qui est de toute façon à déconcerter surtout de la part du

12 Bureau du Procureur, ce qui n'a pas été complètement et bien géré, tout

13 cela, lorsqu'on dit que les Musulmans devaient ou ne devaient pas être

14 armés, lorsque nous sommes en train de parler de théorie de droit, lorsque

15 nous parlons de conclusion portant sur l'existence d'un conflit armé.

16 Or, l'accusation croit que oui. Alors le fait est qu'il faut savoir par

17 qui tout cela a été provoqué, par les gens qui ont eu des armes.

18 L'accusation avance l'attitude d'après laquelle il y a eu très peu

19 d'armes, qu'il y a eu très peu de munitions et d'armes d'un côté par

20 rapport à l'autre côté, côté adverse. Mais le fait est, et la vérité est

21 qu'ils ne savent pas quelle attitude prendre. S'il y avait déjà un conflit

22 armé et si les experts de l'accusation, tels le docteur Donia ou le

23 docteur Brown, disent qu'à Prijedor il y avait des membres d'unités

24 paramilitaire à Prijedor, notamment au printemps 1992 et en été 1992, il

25 est tout à fait possible de dire qu'il y avait un conflit armé. Mais ce

Page 15171

1 qui n'est pas possible c'est qu'eux ils prétendent qu'il n'y avait pas de

2 Bérets verts, qu'il n'y avait pas de Ligue patriotique. Ils prétendent que

3 des armes n'avaient pas été distribuées dans la municipalité de Prijedor;

4 cela pendant la période couverte par l'Acte d'accusation et au-delà de

5 cette dernière.

6 Mais on ne peut pas avoir l'un et l'autre à la fois. On ne peut pas dire

7 qu'il y avait un conflit armé pour prétendre ensuite devant cette Chambre

8 de première instance que les Croates et les Musulmans n'avaient pas

9 d'armes pour mener bataille.

10 Quant à la véracité, la crédibilité des éléments de preuve offerts par

11 l'accusation, elle me semble à mon sens portant un dilemme sans aucun

12 doute au printemps et en été 1992: il y a eu beaucoup d'unions de groupes

13 paramilitaires en présence. La majeure partie de ces formations de ces

14 groupes avaient existé aussitôt après les événements de mai, du 22 mai

15 1992.

16 Pour trouver un prétexte à l'existence de militaires, ils s'en vont à

17 Hambarine sans aller dans d'autres villages tels le village de Brdo, la

18 région de Brdo, non plus que dans la région de Ljubija. Voilà un autre

19 élément qu'il convient de prouver. Il s'agit de parler ici de quelque

20 chose sur une vaste échelle et de façon systématique. Or, la Chambre de

21 première instance statuant au titre de l'Article 98bis a très bien conclu

22 que pour certains villages et hameaux il n'y a pas eu d'élément de preuve

23 véridique comme quoi ces régions ont été brutalement attaquées et que des

24 gens ont été "victimisés".

25 Or, le Bureau du Procureur devrait se pencher là-dessus car, d'après

Page 15172

1 l'Acte d'accusation qui est celui du Bureau du Procureur, prouve -pour

2 citer- que: "L'intention de détruire était propagée sur une vaste échelle

3 et de façon systématique". (Fin de citation.)

4 Si vous prenez une feuille de papier et vous dites qu'il est notoire que

5 cette feuille de papier est de couleur blanche: s'il ne vous reste qu'un

6 quart par exemple de cette feuille qui ne le serait pas, alors là il

7 serait difficile de dire cette fois-ci qu'il s'agit de quelque chose sur

8 une vaste échelle et de façon systématique.

9 Voilà l'élément que le Bureau du Procureur n'a pas pu prouver lors de la

10 présentation de ses éléments de preuve. L'accusation n'a pas présenté

11 toute la charge des éléments de preuve pour prouver qu'il y a eu un

12 conflit systématique sur une vaste échelle dans la municipalité de

13 Prijedor.

14 Pour l'examiner, il faut prendre la carte géographique de la municipalité

15 de Prijedor et marquer certaines régions, certains sites où ces incidents

16 se sont produits. Nous savons quelque chose sur les crimes de Hambarine,

17 nous savons quelque chose de Kozarac et de Stari Grad en date du 30 mai

18 1992.

19 Quelles seraient les autres régions? Il n'y en a pas pour parler de la

20 municipalité de Prijedor. Par conséquent, pour ce qui est de la théorie de

21 l'accusation d'un conflit sur une vaste échelle et de façon systématique,

22 elle n'est pas viable.

23 Par conséquent, cette Chambre de première instance ne pourrait pas rendre

24 un verdict, étant donné que ces éléments-là le Bureau du Procureur n'a pas

25 pu prouver ses allégations. L'un des témoins cité à la barre par

Page 15173

1 l'accusation, qui était désigné par l'accusation comme étant un expert, a

2 pu témoigner également dans d'autres affaires: lui a déposé sur ce soi-

3 disant conflit sur une vaste échelle et systématique. Le Bureau du

4 Procureur a été sage de ne pas utiliser ces services et les attitudes qui

5 étaient les siennes dans ces affaires-là.

6 Pourquoi? Nous avons pu nous rendre compte -du temps de la déposition du

7 témoin- qu'il a écrit des articles lors de ces visites du territoire de

8 Prijedor, pour se rendre compte du fait qu'il n'y a pas eu lieu de parler

9 de conflit armé non plus que de campagne sur une vaste échelle dans le

10 village de Prijedor. Cela figure donc bien dans les notes qui sont les

11 siennes de cette époque-là.

12 Alors, pourquoi donc devrait-on faire preuve de vérité? Pourquoi ne pas

13 recréer l'Histoire? Qui c'est qui recrée l'Histoire ici, qui c'est qui

14 réécrit l'Histoire lorsqu'il s'agit de parler d'Histoire comme étant les

15 faits et les événements dans un certain temps donné; lorsque nous

16 notamment avons à parler des dépositions de Vulliamy ou des autres

17 témoins. Au lieu de cela, on l'amène ici, on le cite à la barre pour

18 parler, pour déposer sur des choses non pertinentes.

19 Kozarac, le 24 mai 1992. Voilà un prétexte qui a été, paraît-il, demandé

20 par l'armée, et cela selon les allégations de l'accusation: l'armée a

21 envoyé un convoi qui a emprunté la route principale sachant -en parfaite

22 conscience donc- que l'armée devait être attaquée. On voulait que le

23 convoi soit attaqué pour qu'on puisse créer –citation- "un prétexte" de

24 représailles.

25 Quel individu, quel militaire auraient pu concevoir un plan si étrange

Page 15174

1 selon lequel il aurait fallu envoyer des militaires en convoi pour espérer

2 qu'on allait tirer dessus pour qu'on puisse ensuite tirer vengeance?

3 L'armée serbe a-t-elle eu besoin d'un autre prétexte?

4 Il y a eu les événements de Hambarine le 22 mai, à Tuzla le 15 mai, à

5 Sarajevo le 3 mai. Pourquoi tous les Musulmans n'ont-ils pas été arrêtés

6 par les militaires, s'il s'agit de parler de campagnes, d'entreprises

7 criminelles conjointes, de plans criminels à mener à bien selon lequel -je

8 cite-: "Il a fallu détruire les Musulmans et les Croates"?

9 Pourquoi ces trois incidents, ces trois événements n'ont-ils pas suffit

10 pour que l'on arrête tous ces gens-là qui y ont pris part? J'ose dire que

11 ceci devait être la voix du docteur Stakic venant de l'arrière-plan pour

12 parler de Prijedor en tant que havre de paix, en tant que quelque chose

13 qui devait se faire en convivialité à Prijedor. Mais ceci ne les aurait

14 pas arrêtés.

15 Peut-être que mon estimé collègue, M. Koumjian, en parle lorsqu'il parle

16 de l'événement du 24 mai de Kozarac! Vous vous rappellerez, Madame et

17 Messieurs les Juges, que l'accusation nous a dit qu'au début même la JNA,

18 par la suite la VRS, constituait pour ainsi dire une quatrième armée par

19 son intérêt, par son importance en Europe.

20 Alors, pouvez-vous vous imaginer quel effort devait être déployé si par

21 exemple cette armée se proposait comme ayant un plan de détruire tous les

22 Musulmans et les Croates? Je crois que l'effort n'aurait pas été

23 important.

24 Par conséquent, il n'y a pas eu de plan, il n'y a pas d'entreprise

25 criminelle conjointe. Ces faits-là, ces incidents-là cadrent bien avec la

Page 15175

1 présentation de la réalité, et il ne s'agit pas de réécrire l'Histoire.

2 L'histoire s'est présentée sous forme de formation paramilitaire et de

3 tous les côtés: chez les Musulmans, chez les Croates et chez les Serbes.

4 Nous avons déjà entendu dire qu'il y avait eu des Serbes qui ont vendu des

5 armes aux Musulmans. Or, puisque déjà les Serbes vendent des armes, des

6 munitions aux Musulmans, il devait donc y avoir une intention délictueuse.

7 Allez, essayez de faire aller de paire ces deux faits-là: Le 24 mai 1992,

8 lorsque la VRS, c'est-à-dire un de ces convois, se trouve attaquée, la VRS

9 pourquoi n'a-t-elle pas procédé à liquider, à exécuter tous les citoyens

10 de Kozarac? Pourquoi la VRS n'a-t-elle pas procédé à l'arrestation de

11 l'ensemble des habitants de Prijedor? A cette époque-là, pourquoi la VRS

12 n'a-t-elle pas pratiquement sillonné l'ensemble de la municipalité de

13 Prijedor pour tout détruire? Cette allégation de l'accusation non

14 seulement est illogique, mais semble dépourvu de fondement et de raison.

15 A cette époque-là, il y a eu un incident important qui s'est produit à

16 Kozarac à ce moment-là, depuis Banja Luka à Prijedor, et l'armée a réagi,

17 a-t-on dit, à juste titre. C'est l'éminent Juge Vassylenko qui a posé une

18 question à un témoin expert de la défense pour savoir pour quelle raison

19 les Musulmans à un point de contrôle auraient provoqué un incident alors

20 qu'ils savaient fort bien qu'ils étaient moins nombreux et qu'ils avaient

21 moins d'armes, sachant donc qu'ils ne devaient jamais en emporter.

22 Moi, aussi je pose cette même question. Si l'on parle déjà d'une quatrième

23 puissance militaire de par son ordre et son importance en Europe, pourquoi

24 la JNA à Sarajevo ou à Tuzla devait-elle être attaquée? A Tuzla également?

25 Pourquoi les militaires serbes ont-ils été attaqués à Hambarine et le 24

Page 15176

1 mai à Kozarac? Pourquoi les militaires serbes ont-ils été attaqués? Je

2 crois que c'est la volonté de certaines gens qui semblent l'emporter sur

3 le réel. Et la réalité ne peut pas évidemment prédominer.

4 Les Kurdes en Irak ne redoutent pas la puissance. Quant à elle, ils n'ont

5 jamais eu peur de la puissance militaire de l'Irak. Ils ont été tenaces,

6 ils ont toujours cru en leur cause. Les Tchétchènes quant à eux ayant pris

7 conscience qu'ils sont moins nombreux et qu'encore toujours il y a une

8 certaine marge de manœuvre pour eux, résistent-ils toujours, et cela avec,

9 je dirai, opiniâtreté.

10 Nous ne sommes pas là à nous lancer dans des conjectures, nous ne sommes

11 pas là pour nous poser des questions. Pourquoi les Musulmans ont tiré?

12 Pourquoi ils ont provoqué des militaires? Nous sommes là pour faire une

13 évaluation, pour savoir si à ce moment-là donné, la provocation faite a eu

14 pour riposte une réaction quelconque de l'armée ou bien, comme

15 l'accusation le dit, ne s'agit-il là que d'un prétexte pour mener à bien

16 un plan conjoint, criminel, une entreprise criminelle auquel le docteur

17 Stakic aurait été parti?

18 Quelle admirable fantaisie si, comme l'accusation le prétend, ce plan

19 existait, si cette entreprise criminelle conjointe existait, comme

20 l'allègue l'accusation; les auteurs et les exécuteurs de ce plan, comme

21 l'allègue l'accusation, à savoir le colonel Arsic, le colonel Zeljaja,

22 auraient pu dire comme suit "écoute Stakic, en 1991, toi tu parles de paix

23 alors que nous voulons détruire les Musulmans et les Croates. Oui, en

24 janvier, on peut parler de paix, mais nous à Prijedor nous voulons

25 détruire les Musulmans et les Croates, essaie de fonder un gouvernement

Page 15177

1 parallèle, essaie de voir comment tu peux les mettre en échec. Notre

2 volonté est là et notre intention est bien viable".

3 Sortir au mois de mai pour prendre la parole, le docteur Stakic fait ce

4 que tu veux pour dire (sic) "à tout prix il a fallu maintenir la paix",

5 oublie ce qui s'était passé à Sarajevo six jours auparavant. Il s'agit

6 donc de co-auteurs d'un crime ou d'une activité criminelle conjointe. Il

7 m'est difficile de croire que le docteur Stakic ait pu parler de paix qui

8 devait être maintenue à tout prix alors qu'il y a eu les incidents six

9 jours avant et sans voir pour autant l'armée réagir de façon publique à

10 son encontre personnellement, contre Stakic.

11 Lorsque le 16 mai, nous avons eu la tragédie de Tuzla, de quel plan

12 pourrait-on parler, si jamais un plan existait d'après lequel on aurait pu

13 permettre au docteur Stakic de parler de ce havre de paix et que rien de

14 fâcheux ne se serait ou ne devait se passer à Prijedor en date du 16 mai?

15 D'abord, vous devez faire preuve d'une imagination extraordinaire dont

16 témoigne le Procureur pour le croire.

17 Les événements de Hambarine, les événements de Kozarac devaient

18 certainement être distincts et sporadiques. Nous avons entendu parler les

19 gens de Kozarac, lorsqu'on nous dit à quel point ils étaient armés. A en

20 juger d'après les faits, nous savons très bien qu'on ne peut pas détruire

21 de char moyennant un tronc d'arbre, pour les inhabilités, incapacités dans

22 leur opération. Or, il s'agit là d'une attitude de l'accusation. Cela

23 semble être une déduction tout à fait plausible et raisonnable. Ils

24 ignorent ce que leurs propres témoins nous disent, à savoir combien de

25 gens il y avait à leur point de contrôle, de quelle façon ils étaient

Page 15178

1 armés et comment ils ont pu fuir les lieux pour s'évader vers les forêts

2 pour se mettre à l'abri. L'armée qui, d'après eux, devait être co-auteur

3 de ce plan, déjà en 1991, nous a permis de voir que deux incidents ne

4 suffisaient pas pour détruire les Croates et les Musulmans, à savoir les

5 incidents de Hambarine et de Kozarac. Or, les militaires ne font rien de

6 la sorte. Ils ne détruisent pas, ils ne tuent pas tout ce qui est devant

7 eux. Ils ne font qu'arrêter les gens qui, d'après eux, devaient

8 représenter une menace pour l'armée et pour eux-mêmes. Il a fallu tout

9 simplement les auditionner ces gens-là.

10 En outre, on dit à des gens qu'ils devaient s'en aller parce qu'eux, ils

11 s'occuperont de la recherche de fauteurs. Et puis après, il y avait les

12 enfants et les femmes. S'il y avait une intention de détruire les Croates

13 et les Musulmans, s'il y avait une intention de commette le génocide et

14 lequel devrait avoir pour fin la destruction de Croates et de Musulmans

15 comme le prétend le Bureau du Procureur, pourquoi épargner les femmes et

16 les enfants?

17 Vous avez deux prétextes: vous avez Hambarine et Kozarac. Des militaires

18 avaient été attaqués seulement deux semaines avant à Sarajevo et à Tuzla.

19 Pourquoi ne pas les achever? Que s'est-il produit pour que les enfants et

20 les femmes soient épargnés? Que s'est-il passé qui aurait pu arrêter ces

21 gens-là pour ne pas mener à bien leur entreprise criminelle conjointe et

22 pour ne se limiter qu'à certaines brutalités ou tueries à Prijedor en

23 1992?

24 Quelques jours plus tard, d'après le Bureau du Procureur, il n'y avait pas

25 d'arme entre les mains des Musulmans. Ces derniers étaient mal armés, mal

Page 15179

1 organisés, peu efficaces, ils devaient s'occuper de solives, de troncs

2 d'arbres pour notamment rendre non opérationnels deux chars dans la région

3 de la montagne de Kozarac et à Kozarac. Et puis après, il y a eu l'attaque

4 contre la ville de Prijedor. S'agit-il d'une attaque organisée, planifiée,

5 criminelle? Si oui, à l'encontre de qui? Et par qui?

6 A ce stade-là, nous arrivons à un troisième prétexte. Pour ma part, je

7 n'ai pas tant d'imagination que l'accusation, mais je dirais que cette

8 troisième attaque devait être orchestrée pour servir de prétexte pour les

9 Serbes et le docteur Stakic et les autres auteurs qui ont pris part à

10 cette entreprise criminelle conjointe, pour qu'il y ait des représailles

11 contre les Musulmans et les Croates, pour que ces derniers soient

12 détruits.

13 Est-il raisonnable de déduire à ce stade-là, que dans un laps de temps de

14 10 jours, lorsque nous avons eu trois attaques, à savoir les 22, 24 et 30

15 mai, l'armée -c'est-à-dire les militaires- devait être celle qui a, elle

16 seule, mené toutes les opérations dans Prijedor?

17 Devait-on en conclure qu'à cette époque-là, à Prijedor, il n'y a eu

18 personne qui aurait donné des interviews ou qui aurait organisé de

19 réunions quelconques? N'est-ce pas raisonnable de conclure que ce

20 troisième prétexte serait tout à fait profitable aux Serbes lorsqu'il leur

21 a fallu mener à bien leur entreprise criminelle conjointe? Pourquoi ne se

22 sont-ils pas rendus dans la région de Brdo? Pourquoi en date du 3 mai s'il

23 avait l'intention de détruire l'ensemble des Croates et Musulmans de cette

24 communauté, pourquoi à cette date-là, se sont-ils arrêtés au niveau de

25 Stari Grad, autrement dit là où les attaquants contre la ville de Prijedor

Page 15180

1 auraient cherché refuge? Pourquoi ne seraient-ils pas allés quelques

2 kilomètres plus loin pour couvrir l'ensemble de la région de Brdo?

3 De quel plan il s'agissait? Plan qui commandait à ce que deux mois plus

4 tard, le 20 juillet 1992, l'armée retourne pour se mettre à interpeller, à

5 arrêter des civils non armés? Ils ont dû donc attendre cinq semaines pour

6 mener à bien leur plan, alors que déjà, le 30 mai, ils étaient au niveau

7 de Brdo, dans la région de Brdo, le 22 mai dans Brdo même, et d'une

8 manière quelconque ils ont pu peut-être reporter l'intention qui était la

9 leur de détruire.

10 Il n'y a pas de logique là-dedans. Il n'y a rien de raisonnable là-dedans.

11 Il n'y a surtout pas de vérité dans les allégations avancées par le Bureau

12 du Procureur. Il est à regretter qu'il ne s'agissait pas seulement de

13 prétexte ici. Il s'agissait malheureusement d'incidents, d'événements

14 vrais et de faits qui se sont produits dans Prijedor, Sarajevo, Tuzla. Il

15 ne s'agit pas de faits qui auraient pu être créés par des Serbes ou par

16 des militaires serbes, et le tout en tant que prétexte et sous prétexte de

17 détruire l'ensemble des Croates et Musulmans.

18 Donc, la quatrième armée de par son importance et puissance, alors, était

19 en place alors que les Musulmans, eux, ils étaient non armés, sans

20 munitions, sans ressources. Eux, ils n'avaient besoin ni de temps ni de

21 prétexte ni de plan pour être systématiquement détruits, si jamais il y a

22 eu un plan de ce type-là.

23 Quant à moi, je vous dis qu'une attaque a été perpétrée contre l'ensemble

24 des Serbes et non pas seulement à l'encontre du docteur Stakic. Je crois

25 que c'est une conclusion raisonnable que de dire que les Serbes tels le

Page 15181

1 docteur Stakic, lorsqu'il parle de paix, considèrent que l'ordre et la

2 paix devaient prévaloir dans cette période critique, décisive.

3 Ceci devait servir donc à l'accusation pour blâmer et décrier en quelque

4 sorte le docteur Stakic. Avez-vous jamais entendu le Bureau du Procureur

5 faire une analyse quelconque pour faire une évaluation, pour voir comment

6 il était possible de voir les autres parties du territoire de la

7 municipalité de Prijedor indemnes? C'est-à-dire comment se fait-il que les

8 autres Croates, notamment de Ljubija, demeurent sans problème aucun, sans

9 qu'aucun mal ne leur soit fait? Y a-t-il lieu de parler d'une intention de

10 détruire uniquement les Croates et les Musulmans de Hambarine le 22 mai?

11 S'agit-il vraiment de parler d'un plan préconçu, élaboré au préalable par

12 les Serbes selon lequel il a fallu d'abord perpétrer des crimes à Kozarac,

13 tuer quelques Musulmans pour en détenir ensuite par centaines et milliers?

14 S'agissait-il là de ce plan? D'après ce plan-là, le Bureau du Procureur

15 -je le cite-: "Il a fallu détruire tous les Croates et les Musulmans."

16 (Fin de citation.)

17 Non, d'après ce plan criminel, après cette entreprise criminelle

18 conjointe, personne ne devait y survivre. Si je me penche sur les données

19 démographiques, y compris celles offertes par Mme le docteur Tabeau,

20 j'appelle l'attention de la Chambre de première instance sur ces données

21 parce qu'elles ne sont pas bonnes ces données-là, et les chiffres ne font

22 que révéler un fait singulier, à savoir qu'il n'y a pas eu de plan

23 criminel, il n'y a pas eu d'entreprise criminelle conjointe.

24 Le docteur Stakic soit directement impliqué, soit en tant que co-auteur

25 n'est en rien coupable de tout ce qui s'est passé au printemps et en été

Page 15182

1 1992 dans la municipalité de Prijedor.

2 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je crois que le

3 moment est bon pour suspendre l'audience, après quoi je pourrai peut-être

4 couvrir un autre volet.

5 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre l'audience. Nous

6 reprenons les débats à 14 heures 30 et cela dans la salle d'audience n°I.

7 (L'audience, suspendue à 12 heures 58, est reprise à 14 heures 34.)

8 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

9 Avant de redonner la parole aux représentants de la défense, je

10 souhaiterais vous annoncer que demain nous commencerons nos travaux à 9

11 heures 30 en salle II. Nous commencerons par une conférence de mise en

12 état, puis ensuite, nous entendrons la réplique et la duplique des

13 parties. Et puis, il y aura une série de questions relativement courtes de

14 la part des Juges. Puis le docteur Stakic aura le dernier mot.

15 Dans l'après-midi, nous travaillerons en salle d'audience n°III, car la

16 salle d'audience n°I est occupée par une comparution initiale dans une

17 autre affaire.

18 Y a-t-il quoi que ce soit d'autre à ajouter?

19 Eh bien, dans ces conditions, je vais donner la parole à Me Ostojic pour

20 qu'il reprenne sa plaidoirie.

21 M. Ostojic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Re-bonjour.

22 Ce matin, nous nous sommes efforcés de faire apparaître à la Chambre quels

23 sont les véritables éléments de preuve en l'espèce et les conclusions

24 qu'il convient d'en tirer.

25 Lorsqu'on examine l'étendue des éléments présentés par le Bureau du

Page 15183

1 Procureur, lorsqu'on examine toutes ces preuves, on trouve plutôt très peu

2 d'éléments de preuve, éléments de preuve indirects qui établissent la

3 preuve de la culpabilité du docteur Stakic s'agissant des crimes qui lui

4 sont reprochés. Nous insistons que le droit exige de la part du Procureur

5 qu'il réponde à son obligation s'agissant de la charge de la preuve, et

6 cette charge est extrêmement lourde.

7 Elle est établie par le système de droit pénal développé dans ce Tribunal

8 ainsi que dans d'autres systèmes judiciaires partout dans le monde, et le

9 critère qui s'applique, c'est celui de la conviction au-delà de tout doute

10 raisonnable. Or, ces propos, ils n'ont jamais été prononcés par le Bureau

11 du Procureur. Jamais le Procureur n'a suggéré, n'a dit devant ce Tribunal

12 que les éléments de preuve présentés répondaient à ce critère de preuve

13 au-delà de tout doute raisonnable.

14 La Chambre ainsi que le Bureau du Procureur et la défense reconnaissent

15 qu'une affaire où les preuves ne sont qu'indirectes est une affaire

16 extrêmement difficile. Car il convient de se pencher sur les conclusions

17 que l'on peut tirer de ces éléments de preuve indirects qui sont à la fois

18 documentaires et autres, et qui viennent de témoins profanes.

19 Ceci est rendu plus complexe parce qu'il n'y a pas d'élément de preuve

20 direct. Ce que nous affirmons, c'est que les éléments de preuve montrent

21 de manière indiscutable que le docteur Stakic est innocent des crimes qui

22 lui sont reprochés dans le quatrième Acte d'accusation modifié.

23 La Chambre a empêché le Bureau du Procureur de présenter certains éléments

24 de preuve qui nous ont été présentés de manière argumentative. Je pense,

25 par exemple, à ce qui concerne le frère du docteur Stakic. Pourquoi le

Page 15184

1 Bureau du Procureur a-t-il souhaité évoquer cette question? Eh bien, pour

2 semer le trouble, la confusion, pour salir le nom du docteur Stakic. Or,

3 il est intéressant s'agissant du frère du docteur Stakic, c'est que le

4 Bureau du Procureur a su depuis le début que ce qu'il affirmait était

5 inexact et faux. Or, cela n'arrête pas le Bureau du Procureur.

6 Ensuite, ils ont essayé d'affirmer que nous avons essayé de limiter la

7 période de l'Acte d'accusation du 30 avril au 30 septembre 1992.

8 Cependant, ils affirment que la fuite du docteur Stakic, la soi-disant

9 fuite du docteur Stakic doit être considérée comme un élément crucial. La

10 Chambre dans sa sagesse a empêché l'utilisation de telles tactiques devant

11 le Tribunal.

12 L'Acte d'accusation -comme nous l'avons dit- est tout à fait clair

13 s'agissant de la période de temps concerné. Cependant, le Bureau du

14 Procureur ne cesse d'avoir recours à ces tactiques en dépit des

15 avertissements de la Chambre. Ils essaient sans cesse de salir le nom du

16 docteur Stakic.

17 J'ai un problème, je n'entends rien dans ces écouteurs.

18 M. le Président (interprétation): On vous a demandé de ralentir pour que

19 la cabine française puisse vous suivre.

20 M. Ostojic (interprétation): Je vais me conformer à vos instructions,

21 Monsieur le Président.

22 Le Bureau du Procureur n'évoque pas le droit parce que le droit si on

23 l'appliquait de manière juste équitable, honnête, le droit ne va pas dans

24 le sens des intérêts du Bureau du Procureur si on l'applique aux faits. La

25 seule conclusion raisonnable que l'on peut tirer de l'examen des éléments

Page 15185

1 de preuve indirects et de la présomption d'innocence, la seule conclusion,

2 c'est que cette Chambre doit acquitter le docteur Stakic.

3 Comment le Bureau du Procureur a-t-il traité des éléments de preuve qui

4 sont constitués par des insinuations, des éléments de preuve indirects? Je

5 vais vous l'expliquer.

6 Quand le docteur Stakic a essayé de prendre des mesures, a essayé de faire

7 quelque chose, le Bureau du Procureur a affirmé que c'était là des

8 manœuvres agressives qui s'inscrivaient dans le cadre d'un plan criminel,

9 d'une entreprise criminelle conjointe. Le Bureau du Procureur évoque la

10 question du couvre-feu et le fait que l'on ait désarmé certains membres de

11 la société. Ils affirment -et c'est le seul élément de preuve qu'ils

12 présentent et dont ils nous disent que cela vient de l'arc de Banja- ils

13 affirment donc que le fait que l'on ait donné des armes à des citoyens

14 alors que les tensions étaient à leur comble constituait un acte criminel,

15 un acte répréhensible.

16 En fait, le Bureau du Procureur va bien au-delà de la simple raison. A la

17 page 42, ligne 21, dans leur réquisitoire, le Bureau du Procureur dit -je

18 cite-: "Comme dans la plupart des génocides, la première chose que l'on

19 fait c'est de demander aux victimes d'abandonner leurs armes et que l'on

20 donne l'ordre aux autorités de désarmer la population.". (Fin de

21 citation.) Quelle imagination extraordinaire!

22 Si bien que le fait de demander à une partie de la population de déposer

23 les armes, c'est la première étape d'un génocide. Très franchement, je ne

24 sais pas quoi dire, cela me laisse sans voix quand j'entends ce genre

25 d'arguments, quand je vois se développer ce genre de tactiques.

Page 15186

1 Mais j'ai une proposition à faire au Bureau du Procureur. Peut-être que la

2 prochaine fois que Mme la Procureur ira au Conseil de sécurité des Nations

3 Unies, peut-être que Mme la Procureur pourra partager avec le Conseil de

4 sécurité le point de vue du Bureau du Procureur, à savoir que la première

5 chose qui se passe lorsqu'il y a génocide c'est qu'on demande à la

6 population de déposer des armes. Il faudrait partager ce point de vue avec

7 le conseil des Nations Unies. Et lorsqu'elle le fera Mme la Procureur

8 devra se munir de la résolution du Conseil de sécurité n°752, en date du

9 15 mai 1992 et qui a trait à la Bosnie-Herzégovine.

10 Il s'agit d'une résolution dans laquelle à l'unanimité le Conseil de

11 sécurité a décidé au paragraphe 5...

12 (Le conseil de la défense s'interrompt.)

13 Peut-on placer le document sur le rétroprojecteur?

14 (Intervention de l'huissière.)

15 Ce document -et la Chambre peut en dresser constat judiciaire en vertu du

16 Règlement du Tribunal-, ce document a trait à la Bosnie-Herzégovine, il

17 est en date du 15 mai 1992, c'est-à-dire pendant la période qui est visée

18 à l'Acte d'accusation, sur le territoire qui intéresse l'Acte

19 d'accusation, et à cette époque, dans toute sa sagesse, le Conseil de

20 sécurité n'abondait pas dans le sens du Bureau du Procureur, n'allait pas

21 dans le sens de la tactique du Bureau du Procureur qui a pour objectif de

22 semer la confusion.

23 Je le rappelle: que nous disent-ils? Ils nous disent que la première chose

24 qui se passe quand il y a génocide c'est qu'on demande aux victimes de

25 déposer les armes. Le paragraphe 5 -je pense que c'est clair- dit la chose

Page 15187

1 suivante –je cite-: "Exige d'autre part que toutes les forces irrégulières

2 de Bosnie-Herzégovine soient désarmées, soient démantelées." (Fin de

3 citation.)

4 Est-ce que le désarmement est véritablement la première étape d'un

5 génocide comme l'affirme le Procureur? Si la Chambre examine la date à

6 laquelle cette résolution a été votée et la date des documents où on

7 appelle la population à déposer les armes, on constatera que ces documents

8 vont dans le sens de ce qui était estimé comme recommandable et approprié

9 par le Conseil de sécurité.

10 Il ne s'agissait pas là d'une mesure appropriée pour commencer un

11 génocide, pour s'en prendre à une partie de la population. Il s'agissait

12 d'une mesure appropriée pour apaiser les tensions et pour prévenir toute

13 tension future, toute provocation future; une mesure appropriée pour

14 tenter de préserver la paix et non pas pour tenter de provoquer un

15 génocide.

16 Que peut-on déduire des commentaires du Bureau du Procureur selon lesquels

17 lorsque le docteur Stakic a demandé à appeler au désarmement, il

18 s'agissait de la première étape d'un plan criminel d'une entreprise

19 criminelle commune dont l'objectif était de détruire les Croates et les

20 Musulmans?

21 Quelle était l'intention du Conseil de sécurité n°752? J'espère que le

22 Bureau du Procureur n'est pas en train de nous dire que le Conseil de

23 sécurité a demandé à la population de déposer les armes parce que c'était

24 la première étape d'un génocide? Ou peut-être si l'on suit l'imagination

25 débordante du Procureur, est-ce que le Conseil de sécurité lui aussi fait

Page 15188

1 partie de ce plan criminel?

2 Est-il possible qu'avec son imagination débordante, non seulement le

3 Procureur nous présente une conclusion qui est complètement illogique,

4 déraisonnable, mais aussi qui déforme totalement la vérité et qui

5 s'éloigne totalement de la vérité?

6 Très franchement, je ne suis pas gêné par le fait qu'on fasse preuve

7 d'énergie, d'agressivité dans les prétoires le cadre des plaidoiries.

8 Cependant, lorsqu'on a recours à des tactiques qui consistent à déformer à

9 dessein les faits pour gagner un avantage sur la partie adverse, j'estime

10 que l'on a affaire à des pratiques qui doivent être interdites, qui ne

11 doivent absolument pas être acceptées.

12 Le Bureau du Procureur d'autre part évoque l'étendue des meurtres qui ont

13 été commis. Cependant, il ne donne pas une image honnête de ce qui s'est

14 véritablement passé. Le Procureur ne parle pas à la Chambre des rapports

15 militaires qui très clairement sans équivoque montrent que les meurtres

16 qui ont eu lieu dans la municipalité de Prijedor étaient des meurtres qui

17 étaient le fait d'éléments incontrôlés, des meurtres sporadiques et non

18 pas systématiques. Le Procureur ne donne pas à son consultant ou à ces

19 consultants militaires tous les éléments pertinents pour que celui-ci

20 puisse rendre des conclusions pertinentes sur la base de rapports

21 militaires qui ont été rédigés au moment des faits au cours du printemps

22 et de l'été 1992. Des rapports qui montrent qu'il n'y a aucun doute ou en

23 tout cas très peu de doutes quant au fait que les crimes commis ont été

24 des crimes commis de manière sporadique, de manière aléatoire et par des

25 éléments incontrôlés. Parce que cela irait bien évidemment à l'encontre de

Page 15189

1 la théorie du Procureur selon laquelle le docteur Stakic avait un plan. Le

2 docteur Stakic faisait partie d'un plan criminel, d'une entreprise

3 criminelle conjointe.

4 Lorsque le Bureau du Procureur évoque l'entreprise criminelle commune, le

5 plan criminel dans son quatrième Acte d'accusation modifié, vous

6 constaterez, Madame et Messieurs les Juges, qu'on nous donne le nom de peu

7 de participants à cette entreprise criminelle conjointe.

8 Qui sont ces personnes? Nous sommes ici pour trouver la vérité. Nous

9 savons que ce n'est pas le Conseil de sécurité qui participait à ce plan,

10 bien que les éléments de preuve présentés par le Bureau du Procureur

11 pourraient peut-être nous amener à le déduire. Nous savons que leur

12 théorie est une théorie très générale qui ne correspond pas aux éléments

13 de preuve. Nous savons qu'aucun des documents relatifs aux personnes

14 identifiées comme étant des co-auteurs de cette conspiration n'a jamais

15 été produit; je parle du général Talic ou de Radovan Karadzic, Biljana

16 Plavsic, Arsic, Zeljaja, même Simo Drljaca, même le docteur maintenant

17 décédé, Milan Kovacevic.

18 Aucun document les concernant et relevant de l'Article 68 n'a jamais été

19 communiqué à la défense. Pourquoi? Que peut-on en déduire? On peut en

20 déduire que s'il existe un grand nombre d'éléments de preuve contre ces

21 personnes, c'est parce qu'ils ne voulaient peut-être pas qu'il y ait trop

22 d'éléments de preuve à l'encontre du docteur Stakic. Ou bien la réalité,

23 c'est que si le Tribunal, si la Chambre disposait de tous les éléments de

24 preuve relatifs aux soi-disant auteurs de cette entreprise criminelle

25 commune, eh bien, ces éléments de preuve seraient par trop insuffisants et

Page 15190

1 à ce moment-là il faudrait que le docteur Stakic soit reconnu comme étant

2 innocent des crimes qui lui sont reprochés.

3 Maintenant, pour ce qui est de l'étendue des crimes commis. Si l'on

4 examine les arguments du Procureur à ce sujet, au sujet de l'étendue des

5 crimes, il faut se demander quand, à quel moment et où ces crimes ont été

6 commis. Il ne faut pas accepter ce que nous dit le Procureur au moyen de

7 documents produits par ordinateur selon lesquels 112 Musulmans et Croates

8 sont morts en mai 1992. C'est impossible sur la base des éléments de

9 preuve.

10 Il y a eu trois attaques en mai. Le 22 mai, l'armée attaque Hambarine sous

11 un prétexte fallacieux. Ensuite, la même chose se reproduit à Kozarac

12 quelques jours plus tard. Et d'après le Bureau du Procureur, il s'agissait

13 d'attaques qui avaient été préméditées -cette formation militaire qui

14 était si bien organisée. Ensuite, le 30 mai 1992, la ville de Prijedor est

15 attaquée, bombardement de Stari Grad.

16 S'il y avait effectivement une campagne destinée à détruire les Croates et

17 les Musulmans avec ces trois prétextes, ces trois excuses, ces attaques

18 qui ont eu lieu en mai, est-ce que l'armée, est-ce que ces co-

19 conspirateurs, est-ce que tous ceux qui étaient si bien armés face à des

20 civils désarmés, est-ce qu'ils n'auraient pas été en mesure de mener à

21 bien leur plan et de tuer plus que ces 112 victimes?

22 Je vais demander à l'huissière de bien vouloir placer la pièce S280-3 sur

23 le rétroprojecteur.

24 (Intervention de l'huissière.)

25 Le Bureau du Procureur s'est appuyé, je ne sais plus si c'était un expert

Page 15191

1 ou un consultant, je ne sais plus comment il s'appelle, en tout cas c'est

2 quelqu'un qui travaille au Bureau du Procureur, M. Nicolas Sebire. Voici

3 sa pièce à conviction qu'il a présentée, S280-3, et vous pouvez constater

4 que d'après l'analyse de M. Sebire et les recherches qu'il a effectuées,

5 112 Musulmans et Croates de Bosnie ont été tués en mai 1992. Trois

6 attaques, un plan criminel, un plan destiné à détruire les populations

7 croates et musulmanes; et on ne tue que 112 personnes au cours d'un mois

8 qui a été critique, au cours d'un mois dont l'accusation nous affirme

9 qu'il a servi de prétexte.

10 Que représente ce graphique? Ce graphique, eh bien, c'est une fraude, une

11 véritable fraude, un prétexte, un prétexte qui servait à sous-tendre un

12 des arguments que nous présentait à un moment donné l'Acte d'accusation,

13 plutôt le Bureau du Procureur. Ils ont essayé de dire que tous les crimes

14 ont été commis pendant la période où existait la cellule de crise, du 20

15 mai au 24 juillet 1992. C'est pourquoi Nicolas Sebire abonde dans le sens

16 du Bureau du Procureur, et il leur dit: "Ben, c'est facile. Nous avons

17 tous les éléments nécessaires, toutes les sources nécessaires, nous avons

18 le manque d'intégrité qu'il faut pour prétendre que toutes ces morts ont

19 eu lieu pendant ces trois mois; et nous allons faire reposer la

20 responsabilité sur la cellule de crise.". (Fin de citation.)

21 Le Bureau du Procureur affirme avec assurance que sur la base du rapport

22 de M. Sebire et de sa base de données, on peut constater qu'il y a eu une

23 escalade dans le nombre des crimes, qui ont atteint leur maximum en

24 juillet, et qu'ils ont été commis pendant tous les mois de mai, juin,

25 juillet et jusqu'en août au moment où les journalistes sont arrivés sur

Page 15192

1 place.

2 Est-ce que M. Sebire est vraiment un témoin que la Chambre peut croire?

3 Est-ce qu'il est crédible lorsqu'on examine ce graphique qu'il a produit?

4 Mais ce qu'il n'a pas fait, ce M. Sebire, c'est de vérifier si cette

5 tactique avait été modifiée. Monsieur Sebire n'a pas lu le quatrième Acte

6 d'accusation modifié.

7 Examinons ce qui s'est passé pour le mois d'août, je sais que je ne suis

8 pas un spécialiste en matière de statistique, peut-être en effet ne suis-

9 je pas un expert, mais on voit que M. Sebire et le Bureau du Procureur

10 déforment les faits.

11 Août 1992. Quelle est la position du Bureau du Procureur? Tout dépend de

12 la manière dont on lit les éléments. Si on lit cette quatrième plainte

13 modifiée, comme je l'appelle: 120 Musulmans et Croates de Bosnie ont été

14 tués, liquidés le 5 août. 120. C'est ce qu'affirme le Bureau du Procureur,

15 c'est ce qui a été répété dans le réquisitoire.

16 Examinons ce que nous dit M. Sebire dans ce document: 108. Moi,

17 personnellement, je n'avais jamais entendu parler de sommes qui se font au

18 moyen de soustraction, mais apparemment c'est ce que M. Sebire a fait.

19 C'est ce qui explique que son graphique est complètement faux. Parce qu'en

20 fait, ce qu'on a voulu faire, c'est d'essayer de rassembler tous les

21 crimes pour prétendre qu'ils ont été commis pendant la période où existait

22 la cellule de crise.

23 Est-ce qu'on peut croire ce que nous dit le Bureau du Procureur au sujet

24 de cette pièce S280-3 -je cite-: "La raison pour laquelle il y a eu moins

25 de crimes, moins de meurtres en août s'explique… c'est la visite des

Page 15193

1 journalistes. A ce moment-là, les regards du monde entier se sont tournés

2 vers Prijedor. Il n'a plus été possible de continuer le génocide.".

3 120 pour le 5 août 1992, on peut dire que c'est un chiffre qui est assez

4 modeste, et s'il y a une marge d'erreur -un concept que ne connaît pas le

5 docteur Tabeau- effectivement. Cependant, je pense que la plupart d'entre

6 nous connaissent ce concept. Si on admet qu'il y a une marge d'erreur, à

7 ce moment-là entre 120 et 108 la différence n'est pas très importante.

8 Mais comment ajouter foi à ce rapport, si dans l'Acte d'accusation le

9 Procureur nous dit que 200 Musulmans et Croates de Bosnie ont été exécutés

10 sur le Mont Vlasic, leurs tombes ont été exhumées avec la participation de

11 M. Sebire? Est-ce qu'il y a un doute quelconque s'agissant de cet acte

12 criminel le 20 août 1992? Comment M. Sebire peut-il arriver à l'analyse

13 qu'il nous fournit après avoir lu le quatrième Acte d'accusation modifié,

14 la quatrième plainte modifiée puisqu'il a participé à l'exhumation, qu'il

15 a examiné tous les éléments de preuve en l'espèce? Comment arrive-t-il

16 donc dans ces conditions au chiffre de 108?

17 On peut considérer que la totalité de sa déposition n'est pas digne de

18 foi.

19 Leurs graphiques dans leur intégralité doivent être rejetés et non pas

20 admis. Rien des éléments de preuve qui auraient été offerts par leurs

21 témoins experts ne saurait être viable à mon sens. Il s'agit là d'un appui

22 bien préparé, mis sur ordinateur pour le compte du Bureau du Procureur et

23 selon la théorie du Bureau "en toutes occasions et toutes les fois où il

24 le faudra".

25 Le conseil de la défense a essayé, avec certaines restrictions qu'il s'est

Page 15194

1 imposées, d'adopter une approche davantage équilibrée, c'est-à-dire le

2 conseil de la défense a essayé de présenter certains éléments de preuve

3 qui semblaient plus objectifs c'est-à-dire qui, d'après le bon souvenir

4 des personnes qui y habitent, seraient le plus près de la vérité. Le

5 conseil de l'accusation présente les arguments concernant feu le docteur

6 Eso Sadikovic, pour dire que si lui a eu la possibilité de parler dans

7 l'un des centres de détention en août 1995, le monde aurait su ce qui

8 s'était produit là-bas. Nonobstant, en 1992, cela aurait certainement été

9 le cas.

10 Je voulais, en fait -excusez-moi- couvrir un autre thème qui a trait à

11 l'année 1995. Par conséquent, j'ai été pour ainsi dire un petit peu

12 précipité. Lorsqu'on parle de feu le docteur Eso Sadikovic, on l'évoque

13 comme un homme bon, un brave homme, calme. Et puis, ce qui devait être

14 choquant, il était marié à une Serbe.

15 Mais quelle différence devait-il y avoir entre cela? Qu'est-ce que ceci

16 devait avoir pour sens? Est-ce qu'ils veulent viser nos émotions, nos

17 états d'âme? Lorsque le conseil de la défense a présenté l'approche qui

18 était la sienne et qu'il livrait donc pour dire que les Musulmans, Croates

19 et autres Serbes, c'est-à-dire les non-Musulmans et les non-Serbes,

20 devaient témoigner alors, et lorsqu'un tout premier de ces témoins s'était

21 présenté à la barre, l'une des toutes premières questions qui lui a été

22 posée: "Avec qui êtes-vous marié? Avez-vous du sang serbe dans vos veines?

23 Qui est votre genre, etc.?", voulait-on par là peut-être majorer et

24 corroborer le poids probant de la preuve ou faudrait-il dire que cet homme

25 qui est à moitié Serbe devait être rejeté en tant que témoin à déposer.

Page 15195

1 D'autre part, lorsqu'on parle de feu le docteur Sadikovic, alors cela

2 semble être telle une médaille qui lui aurait été remise pour traduire le

3 fait qu'il était marié à une Serbe. Et comme je l'ai dit ce matin, eux,

4 voudraient aboutir à un double poids, à une double mesure.

5 Les graphiques sont inappropriés et devraient être rejetés. Les arguments

6 qui sont les leurs lorsque analysés d'une manière honnête et objective

7 -tout comme par exemple on devrait traiter le terme de "génocide", et puis

8 une première mesure à prendre, à savoir le désarmement- sont certainement

9 inappropriés, inadéquats et ne se fondent ni sur le droit ni sur des

10 faits.

11 Nous parlions entre autres des éléments de preuve qui ont été présentés

12 par eux et ce sur quoi ils se basaient pour dire qu'en fait ils ont voulu

13 tramer des faits selon lesquels le docteur Stakic en 1991 était élu vice-

14 président, oubliant que lui en janvier 1992 parlait de paix dans le cadre

15 du gouvernement établi, oubliant que tout ce qu'il faisait était rendu

16 public, oubliant qu'il a tout fait en parlant de paix.

17 Le 9 mai, le docteur Stakic parlait en public ouvertement de paix, et le

18 16 mai il l'a fait une fois de plus en public. Par conséquent, ne vous

19 tournez pas vers les éléments de preuve qui sont les nôtres.

20 Je voudrais que l'on présente maintenant la pièce à conviction D99.

21 Je remercie Mme l'huissière.

22 Là, nous parlons d'un certain rapport qui existe entre le docteur Stakic

23 et la police.

24 Excusez-moi, Madame l'Huissière, page 2, s'il vous plaît, du document.

25 (Intervention de l'huissière.)

Page 15196

1 Enfin, pour l'instant, tenez-le en main, je vous demanderai plus tard de

2 le placer sur le rétroprojecteur.

3 En fait, leur thèse se voit réduite à ce que toute la culpabilité doit

4 être reportée sur le dos de la police, c'est-à-dire moyennant des

5 arguments assez vagues, diffus qu'on puisse établir une relation entre la

6 police et le docteur Stakic.

7 Pourquoi d'une manière si épineuse il traverse les pages du "Kozarski

8 Vjesnik" pour rechercher des citations, des propos qui auraient été ceux

9 du docteur Stakic? Ils disent "nous, nous voulons être tenus de

10 l'obligation qui est la nôtre pour dire à cette Chambre de première

11 instance que s'il y a eu d'autres co-auteurs de crimes dans l'ensemble de

12 ces événements". Pourrions-nous dire quelque chose et ont-ils dit

13 d'ailleurs quelque chose qui serait de nature à acquitter le docteur

14 Stakic?

15 Mais ceci ne correspond pas au travail qui est le leur, au mandat qui est

16 le leur. Ils voudraient à tout prix prouver la culpabilité du docteur

17 Stakic. Ainsi vont les arguments moyennant lesquels ils veulent prouver ce

18 qui était dit dans le "Kozarski Vjesnik le 9 avril 1993. Il s'agit d'une

19 interview accordée par Simo Drljaca.

20 Je voudrais que l'on place cette pièce à conviction, soit D99.

21 (Intervention de l'huissière.)

22 La Chambre de première instance se rappellera les arguments avancés par

23 l'accusation. Il s'agit d'une période de temps qui va au-delà de la

24 période visée par l'accusation. Par conséquent, cela est-il approprié?

25 L'accusation s'est toujours servie de moyens qui devraient être considérés

Page 15197

1 comme à décharge.

2 Ensuite, page 2 dans cet article, il a été dit clairement qu'après

3 quelques années, non pas après quelques jours, après l'interview du

4 docteur Stakic, mais donc quelques années après ces sinistres événements

5 et tragiques de Prijedor, Simo Drljaca dit indubitablement et sans

6 équivoque pour citer: "Après la prise de contrôle par les autorités, les

7 gens n'ont pas compris le rôle qui était celui de la police. Cette

8 tentative de transformer la police en une instance de conseil qui ne

9 devrait faire autre chose que d'exécuter les ordres par les autorités

10 civiles serait inacceptable." (Fin de citation.)

11 Voilà que Simo Drljaca en avril 1993, lui, dit que les autorités civiles

12 voulaient créer une espèce de relation selon laquelle et dans le cadre de

13 laquelle la police devrait être l'exécuteur des ordres des autorités

14 civiles, alors qu'il a été dit "parce qu'inacceptable". Or, la conclusion

15 à en déduire c'est que personne n'a été supérieur à Simo Drljaca à

16 Prijedor en 1992.

17 Comment pouvait-il réconcilier ces deux faits-là différents? D'autres

18 témoins ont-ils parlé avec nous pour partager quelques-uns des malentendus

19 qui se sont glissés entre M. Drljaca et les autorités civiles? Oubliez-le,

20 ignorez-le! Cela ne cadre pas avec leur thèse. Ignorez-le parce que ceci

21 n'est pas un élément de preuve. Si vous n'acceptez que ce qui a été

22 accepté comme étant le fait concernant Drljaca, alors voilà qu'un doute

23 raisonnable se crée déjà. Par conséquent, ceci ne devrait pas servir comme

24 nécessité de prouver au-delà de tout doute raisonnable.

25 Comment pouvons-nous concilier ces deux sujets à moins de faire de façon

Page 15198

1 objective ce qui aurait en faveur du docteur Stakic? La seule conclusion

2 raisonnable, c'est de voir que le docteur Stakic est innocent. La seule

3 conclusion raisonnable qui découle des événements des éléments de preuve

4 du conseil de l'accusation même, c'est que le docteur Stakic doit être

5 acquitté.

6 D'après moi, la seule conclusion à en tirer, c'est que le docteur Stakic à

7 aucun moment n'a été participant actif à une entreprise criminelle

8 quelconque. Jamais le docteur Stakic n'a fait preuve d'une intention

9 délictueuse à l'encontre des Musulmans de Bosnie et des Croates de

10 Prijedor.

11 Allons un peu de l'avant. Supposons que le Bureau du Procureur a pour

12 devoir et obligation de présenter des éléments de preuve d'une façon

13 honnête, objective et véridique. Pourquoi pas… Lorsque par exemple il

14 s'agit d'une interview de Drljaca, pourquoi ne pas donner tout cela aux

15 mains d'experts militaires parce qu'ils devraient avoir droit au chapitre

16 et une opinion là-dessus?

17 Pourquoi les gens qui travaillent dans cette institution, qui sont des

18 policiers de métier, qui ont fait avec maestria tant de travaux, pour

19 s'occuper de saisie, pour suivre les chaînes de commandement, etc.,

20 pourquoi ne leur a-t-on pas demandé d'interpréter ce que veut dire cette

21 allégation issue de l'interview? C'est-à-dire dans le cadre de l'innocence

22 du docteur Stakic, lorsque la conclusion ne peut pas être faite, parce que

23 les experts militaires n'ont pas été engagés, eh bien, tout cela va en

24 faveur du docteur Stakic.

25 En conclusion, le docteur Stakic n'est coupable d'aucun de ces crimes, ce

Page 15199

1 n'est pas lui qui était coupable des atrocités qui ont eu lieu à Prijedor.

2 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous pouvons aller de

3 manière logique de l'avant. Nous avons examiné l'ensemble des éléments de

4 preuve, nous avons pu voir à quel homme nous avons affaire lorsque nous

5 parlons de M. Drljaca.

6 Nous avons présenté l'attitude qui est la nôtre, l'accusation ne l'a pas

7 fait. Ils n'ont jamais dit que M. Drljaca était quelqu'un qui respectait

8 l'autorité: il savait très bien quel était le moment où il ne devait pas

9 aller au-delà d'une limite qui lui est imposée, qu'il s'agisse de civils,

10 de militaires ou de policiers.

11 Que s'est-il passé en 1997? Ce qui s'était passé avec M. Drljaca en 1997,

12 c'était quelque chose qui semble aller de pair avec le caractère, la

13 personnalité et la réputation de M. Drljaca. Au moment où il a été tué,

14 c'est qu'une fois de plus il ne s'était pas arrêté sur ordre des

15 autorités. En 1997, donc certainement tout comme en 1992, il ne se serait

16 jamais permis lui-même, comme il aurait aimé le dire, d'être sous le

17 commandement ou d'être un subalterne des autorités civiles de Prijedor. En

18 conclusion, conclusion claire et limpide, il n'y a pas de trait d'union

19 entre la police et le docteur Stakic, il n'y a pas eu de relation entre la

20 police et les autorités civiles politiques.

21 Pourtant, si nous sommes pour ainsi dire éclipsés par une tactique

22 émotionnelle ou peut-être par des sentiments quelconques, alors là nous

23 pouvons perdre de vue ces éléments-là. Par conséquent, les éléments de

24 preuve ne devraient pas être examinés de façon objective et sur la base du

25 droit.

Page 15200

1 Nous sommes en train de parler donc de M. Drljaca. Vous allez vous

2 rappeler, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, que le 23

3 mars 2003 il y a eu un débat mené entre les deux parties au procès.

4 Le conseil de la défense voulait présenter à la Chambre de première

5 instance un document, à savoir la pièce à conviction 584 au titre de

6 l'Article 65ter. Il s'agit d'un document de 1994.

7 L'accusation dans toute l'équité qui est la sienne a soulevé une objection

8 disant "ceci n'est pas pertinent à la lumière de l'Acte d'accusation". Ils

9 ont dit qu'il s'agissait d'un document de 1994. Après avoir statué,

10 conféré, la Chambre de première instance a ordonné que cet élément de

11 preuve devait être rejeté comme inapproprié.

12 Comment se fait-il que vendredi dernier le Procureur se tient ici pour

13 nous dire que Simo Drljaca est retourné à Prijedor pratiquement la main

14 dans la main avec le docteur Stakic en 1996? Et lorsque le conseil de la

15 défense voulait dire qu'en 1994 Simo Drljaca avait été à cette fonction-là

16 dans Prijedor en tant que chef de police de Prijedor, deux années avant le

17 retour du docteur Stakic, d'après Mme Sutherland, une fois qu'elle s'était

18 entretenue avec la Chambre de première instance, il a été dit que ce

19 document de 1994, n'était pas pertinent à la lumière de l'Acte

20 d'accusation.

21 Eh bien, si tel est le cas, pourquoi le conseil de l'accusation ne s'en

22 tenait-il pas à l'attitude première qui était la sienne? J'ai entendu

23 dire, et surpris que j'étais, que le soi-disant retour en 1996 de M.

24 Drljaca de concert avec le docteur Stakic dans la municipalité de Prijedor

25 devait être un élément ou un facteur à prendre en considération par la

Page 15201

1 Chambre de première instance.

2 S'agit-il de deux poids deux mesures? Bien entendu que non.

3 Eh bien, très bien, parlons de l'année 1996, faisons-le en toute

4 honnêteté. A quel moment M. Drljaca est-il devenu chef de la police

5 municipale de Prijedor et sans semer de confusion, sinon ceci n'est pas

6 équitable et ceci ne fait que donner lieu à une perversion dans le monde

7 de la justice.

8 Pour être honnête, cela n'est pas sans troubler notre conscience, lorsque

9 nous réexaminons les arguments avancés par l'accusation. Lorsque

10 l'accusation ne souhaite pas discuter au sujet du frère du docteur Stakic,

11 lorsqu'on ne veut pas parler des allégations concernant sa fuite.

12 Et d'une manière encore subtile, il y a un mois seulement, ils avancent un

13 document pour dire que le document selon lequel Simo Drljaca a été en

14 fonction, la fonction qui était la sienne en 1994, que ce document n'était

15 pas approprié. Ils disent que lui venait la main dans la main avec le

16 docteur Stakic, comme feu le professeur Cehajic l'a dit, comme Stakic l'a

17 dit lui aussi: la vérité sera mise à jour et sera certainement de nature à

18 l'emporter de façon objective sur les arguments et surtout sur les

19 arguments et les allégations du Bureau du Procureur.

20 Nous ne pouvons pas procéder sans avoir du respect pour les citoyens de

21 Prijedor, notamment pour ceux qui sont des victimes, des Bosniens et des

22 Croates, et examiner, étudier l'ensemble de cette affaire sans pouvoir

23 aboutir à une fin définitive. Nous ne pouvons pas admettre que la

24 culpabilité soit endossée par d'autres lorsqu'il s'agit des gens qui ont

25 tant souffert et souffrent encore. Nous ne pouvons pas permettre à ce que

Page 15202

1 suivant un système judiciaire, la culpabilité soit reportée vers une autre

2 personne.

3 Certainement, les témoins que nous avons pu entendre, avec qui nous avons

4 pu parler, entre autres, je pense à la doctoresse Minka Cehajic qui, elle,

5 a déposé ici avec tant d'émotion, je dirai qu'il s'agit là de l'une des

6 personnes pour laquelle on pourrait s'attendre à ce qu'elle fasse retomber

7 la culpabilité sur d'autres. Elle a toutes les raisons de le faire pour

8 dire que d'autres personnes sont coupables, parce que son mari à elle

9 était le prédécesseur du docteur Stakic à cette fonction municipale, et si

10 dans le plus profond de son cœur elle croyait et croit que le docteur

11 Stakic est coupable, elle l'aurait dit, elle nous l'aurait fait savoir.

12 Mais elle ne l'a pas fait.

13 Pourquoi? Pourquoi la doctoresse Minka Cehajic n'a pas dit que le docteur

14 Stakic était responsable de ces crimes? Pourquoi le docteur Minka Cehajic

15 n'a pas dit que le docteur Stakic devrait être jugé à une peine de prison

16 à vie étant donné ce qui s'était passé dans la municipalité de Prijedor?

17 Est-ce qu'elle l'a fait parce qu'elle connaît le docteur Stakic, parce

18 qu'elle l'aime, elle l'aime beaucoup? Certainement pas.

19 La seule conclusion raisonnable à déduire de sa déposition, étant donné

20 surtout qu'il s'agit d'une personne bien formée, bien éduquée, bien

21 informée, sachant que feu son mari, le docteur Cehajic, a occupé la même

22 position que le docteur Stakic, elle est bien placée pour savoir qu'à

23 cette époque-là, tout comme son mari, le docteur Stakic était impuissant,

24 il n'avait aucun pouvoir sur les événements et les agissements criminels,

25 sporadiques et tout à fait aléatoires qui se sont produits en dehors de

Page 15203

1 l'armée.

2 De toute évidence, nous voulons remercier tous les témoins qui ont déposé

3 dans le cadre de cette affaire. Nous savons à quel point ceci a été une

4 affaire difficile pour eux, eux qui souffrent encore. Nous avons de la

5 sympathie pour eux et nous poursuivrons de le faire ainsi. Nous apprécions

6 le courage qui était le leur lorsqu'ils ont voulu participer à tout cela

7 pour témoigner, parce que je crois encore toujours en un système

8 équitable, juste, en dépit de toute tactique empruntée par le Bureau du

9 Procureur.

10 Quant au Bureau du Procureur, lui, il veut procéder encore et toujours de

11 façon subtile parce que faute d'éléments, de preuves valables, qu'il

12 convient de semer la confusion, lorsqu'il faut parler par exemple du

13 docteur Stakic que celui-ci prétendument a parlé du Djihad, etc., et cela

14 dit avec force invective et de façon injurieuse en utilisant ses propos

15 autrement.

16 Est-ce que nous pouvons dire maintenant que tous les éléments qui ont été

17 contenus dans et par les propos du docteur Stakic ont été déformés? Or, en

18 témoigne l'Acte d'accusation mais en témoignent également, ne serait-ce,

19 que deux Actes d'accusation à l'encontre de Sefer Halilovic et contre

20 Mehmed Alagic, à savoir IT-0148 et IT-0147.

21 Pourquoi est-ce que tout cela peut être important pour nous? D'après

22 l'Acte d'accusation du Bureau du Procureur lorsque mention est faite du

23 Djihad et d'une action répressive et criminelle, il a été dit -citation-:

24 "Les Moudjahidine qui viennent principalement des pays islamiques ont

25 commencé à affluer en Bosnie-Herzégovine vers le milieu de l'année 1992.".

Page 15204

1 (Fin de citation.)

2 Le Bureau du Procureur continue de dire -citation-: "Les Moudjahidine qui

3 étaient venus de pays islamiques dans les années 1992 et dans les années

4 qui ont suivi, s'étaient préparés à mener la Guerre sainte en Bosnie-

5 Herzégovine contre les ennemis des Musulmans.". (Fin de citation.)

6 Le Bureau du Procureur avance de telles allégations contre des Musulmans.

7 Si une telle mention a été faite par un Serbe, il s'agit d'un acte

8 criminel. Voilà que le Bureau du Procureur ne fait que mettre en

9 application un double poids et une double mesure. Le fait est qu'en 1994

10 et quelque temps plus tard, ce qui a été dit par le docteur Stakic aurait

11 pu être considéré comme impoli, faux, inapproprié, commentaire mal placé

12 et qui peut-être ne devrait même pas être évoqué dans le cadre de cette

13 affaire si évidemment nous sommes en train de parler d'un système

14 équitable et si d'après ce que le Bureau du Procureur a dit, le 23 mars

15 2003, il s'agissait de quelque chose d'impertinent, d'inapproprié parce

16 que dépassant le cadre de la période de temps prévu par l'Acte

17 d'accusation.

18 En 1994, il y avait un élément de preuve que le conseil de la défense se

19 proposait d'offrir ici concernant Simo Drljaca en 1994 n'était pas

20 approprié, or cela devient approprié lorsqu'une fois on se met à faire des

21 allégations portant sur l'année 1996. Voilà que cela devient pertinent

22 lorsqu'on se met à traiter des interviews menées avec le docteur Stakic en

23 1994, lorsque l'objet de ces interviews était le Djihad, la Guerre sainte

24 et notamment lorsque ceci faisait l'objet de leur requête et mémoire.

25 Quel serait l'expert qui serait en mesure de nous convaincre du fait qu'il

Page 15205

1 n'y avait ou il y avait des unités paramilitaires en Bosnie-Herzégovine à

2 Prijedor vers le milieu de 1992?

3 Toutes les fois où on se met à parler de Béret vert ou de Ligue

4 patriotique ou de formation paramilitaire tel le groupe de Ramuz, toutes

5 les fois on voulait nous restreindre dans la tentative et on nous

6 demandait de passer à un autre sujet. Dans ses intentions, le Bureau du

7 Procureur, pour être objectif, voulait faire venir des experts pour leur

8 soumettre tels ou tels documents.

9 Que s'est-il passé avec le document D12? On peut se poser la question. A

10 mon sens, et je dirais pourquoi pas, le document D12 est un document

11 important. Le Bureau du Procureur en a toujours la possession, mais

12 toujours de propos délibérés, le Bureau du Procureur se refusait de

13 communiquer ce document à des experts, des experts en ordinateur ou à un

14 conseil quelconque qui pourrait être à la disposition. Pourquoi ce

15 document D12 est-il important?

16 Je prie Mme l'huissière de le placer sur le rétroprojecteur.

17 Il s'agit d'un rapport militaire qui a été dressé en date du 17 novembre

18 1993.

19 (Intervention de l'huissière.)

20 Il s'agit d'un rapport militaire qui est important, parce qu'il nous

21 permet de mieux saisir et comprendre le conflit tel qu'il existait. Mais,

22 il s'agit de quelque chose qui ne nous semble pas nécessairement

23 indispensable, parce que ceci pourrait porter atteinte à la façon dont le

24 Bureau du Procureur présente ses arguments, qui lui requière une peine à

25 l'encontre de l'accusé et cela à tout prix.

Page 15206

1 Si moi, j'étais un expert en matière militaire et si je devais me

2 consulter avec un autre expert du secteur, je devrais lui demander de

3 faire preuve de création, c'est-à-dire de faire en sorte que l'argument

4 soit déformé pour que le fondement de documents soit rejeté. Il s'agit

5 d'un autre document, document qui devrait se faire crédible parce qu'il

6 nous permet de descendre dans le détail, dans le moindre détail.

7 En fait, si le Bureau du Procureur devait se l'avouer dans le plus fort de

8 son cœur, le Bureau du Procureur devrait dire que ce document est crédible

9 et vrai.

10 (Intervention de l'huissière.)

11 Page 2, en haut de la page, la Chambre de première instance pourra se

12 rendre compte du fait que nous y lisons une mention concernant une

13 personne qui est embauchée par le Bureau du Procureur. Il s'agit de

14 quelqu'un qui, une fois ayant examiné le document, a pu dire que cette

15 déclaration semble impartiale, et cela tant en ce qui concerne les

16 Musulmans que les Serbes.

17 Or, le Bureau du Procureur possède un élément de preuve pour lequel les

18 personnels du bureau eux-mêmes considèrent qu'il s'agit d'un document

19 impartial de nature critique pour les deux parties. Or, ce document a-t-il

20 à n'importe quel moment donné du procès été communiqué à des experts? Oui,

21 il aurait dû l'être. Si on devait s'occuper évidemment de sorte à ce que

22 la justice soit administrée avec équité, pour permettre à cette Chambre de

23 première instance de constater la vérité, eh bien, à la place de cela,

24 voilà créer de nouveaux éléments de preuve, voilà manipuler des faits et

25 déformer la réalité devant cette Chambre de première instance.

Page 15207

1 Quelle est la déduction que nous devrions obtenir ou tirer de ce fait que

2 ce document n'a jamais été utilisé par l'un quelconque de leurs experts?

3 C'est une autre erreur? Une autre mission? Nous savons que votre Chambre a

4 été extrêmement généreuse avec les deux parties pour ce qui était de

5 donner toutes les possibilités de présenter les éléments de preuve.

6 En fait, lorsqu'on en est venu aux experts de l'accusation, ils ont eu

7 plusieurs occasions de recréer, de rédiger à nouveau une bonne partie de

8 leurs documents produits par des ordinateurs, des données, des graphiques

9 et des chiffres.

10 Pourquoi est-ce que leurs experts, pourquoi est-ce que le Bureau du

11 Procureur sachant quelle est la tâche, la mission de ce Tribunal, ne

12 voudrait tout simplement pas donner ce document qui a plus de 250 pages,

13 pourquoi ne pas examiner ce document? Comment est-ce que ceci a un impact

14 sur votre déposition? Comment est-ce que ceci pourrait changer votre

15 opinion?

16 Nous savons que la réponse est que M. Brown et tous les autres diraient

17 que "ceci ne change pas mon opinion, ça ne changerait pas mon analyse". La

18 Chambre peut apprécier en réalité quel poids accorder à ces experts, à la

19 crédibilité des déclarations qui sont offertes ici.

20 Pourquoi est-ce que le Bureau du Procureur ne contacterait pas leurs

21 experts en leur disant "voilà nous avons une pièce à conviction que vous

22 n'avez pas examinée. Faisons ce qu'il convient de faire, soyons honnêtes,

23 examinons-la et nous présenterons une requête à la Chambre, nous dirons

24 que nous l'avons examinée, que nous voulons la présenter à la Chambre,

25 comme opinion supplémentaire, comme rapport supplémentaire. Je vous

Page 15208

1 remercie".

2 (Intervention de l'huissière.)

3 Je vais passer au sujet suivant, ou est-ce que vous préférez qu'il y ait

4 suspension de séance, Monsieur le Président?

5 (Les Juges se concertent sur le siège.)

6 M. le Président (interprétation): La séance est levée jusqu'à 15 heures

7 55.

8 (L'audience, suspendue à 13 heures 35, est reprise à 16 heures 03.)

9 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

10 Maître Ostojic, vous avez tout le temps possible, mais je vais cependant

11 vous demander si vous serez en mesure d'en terminer dans les 60 minutes

12 qui viennent?

13 M. Ostojic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

14 Puis-je continuer? Merci.

15 Nous sommes en train de parler de l'allégation au sujet des liens entre le

16 docteur Stakic et la police -existe-t-il ce lien?- et les affirmations du

17 Procureur à ce sujet sont réduites à une simple allégation.

18 Allégations qui sont sans fondement, puisque c'est à Simo Drljaca et aux

19 crimes commis par les officiers de police de la municipalité de Prijedor

20 qu'il faut s'intéresser. On nous affirme donc qu'il y a eu un lien avec le

21 docteur Stakic. La seule façon dont le Bureau du Procureur peut arriver à

22 prouver cela au-delà de tout doute raisonnable, c'est en ignorant ce

23 qu'ont dit les témoins à décharge et les témoins de la Chambre.

24 Ces témoins ont parlé longuement de l'influence, de l'autorité, des

25 instructions données par les dirigeants civils et politiques à la police,

Page 15209

1 et les témoins de la défense ainsi que les témoins de la Chambre ont

2 affirmé tous de manière unanime et catégorique que les autorités

3 politiques, civiles de Prijedor au cours du printemps et de l'été 1992

4 n'étaient pas en mesure de contrôler la police ni de lui donner des

5 ordres.

6 Le Procureur dans les efforts inlassables entrepris pour accomplir sa

7 mission nous présente la pièce S107A. On affirme -et c'est repris dans les

8 réquisitoires- qu'il s'agit d'un document de M. Simo Drljaca du 31 mai

9 1992. Et au premier paragraphe, on pourra lire la chose suivante.

10 Je demande à l'huissier de bien vouloir placer le document sur le

11 rétroprojecteur.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Je commence à en donner lecture -je cite-: "Afin d'établir de manière

14 rapide la paix sur le territoire de la municipalité de Prijedor et

15 conformément à la décision de la cellule de crise, j'ordonne la chose

16 suivante. Premier paragraphe…".

17 Mon confrère, Me Lukic, s'est entretenu longuement avec les témoins pour

18 essayer de déterminer comment quelqu'un qui écrivait cette lettre, s'il en

19 avait l'autorité, pouvait utiliser ce terme de "je" "j'ordonne par la

20 présente" au lieu de "nous ordonnons par la présente".

21 Ce qui est intéressant, Monsieur le Président, c'est que le Procureur

22 s'appuie sur ce document pour montrer qu'il y avait un lien entre les

23 autorités civiles et la police. Mais une fois encore et cela n'est pas

24 surprenant, le Bureau du Procureur n'examine pas le document dans sa

25 totalité, ne l'analyse pas de manière approfondie. Au lieu de cela, le

Page 15210

1 Bureau du Procureur insiste sur le premier paragraphe, mais refuse de

2 tenir compte, ignore ce qui est écrit par M. Drljaca, au paragraphe 15 de

3 ce document, essentiel pour l'accusation. L'accusation nous parle

4 rapidement de la notion de connaissance, de contrôle effectif, de

5 participation importante, mais le Bureau du Procureur ne mentionne pas le

6 paragraphe 15 du document, du même document.

7 Au paragraphe 15, M. Drljaca toujours en utilisant le "je" déclare -je

8 cite-: "J'interdis de façon catégorique que soient fournies des

9 informations quelles qu'elles soient au sujet du fonctionnement de ce

10 centre de rassemblement, de regroupement." (Fin de citation.)

11 Reprise de la citation -je cite-: "Tous les documents officiels doivent

12 être conservés au centre de rassemblement et ne peuvent en être sortis ou

13 détruits qu'avec la permission du chef du poste de sécurité publique de

14 Prijedor." (Fin de citation.)

15 Ce document, ces phrases, on peut les examiner pour en déduire la

16 conclusion raisonnable qu'il faut en tirer.

17 "-Q: Est-ce que Simo Drljaca ici fournit des informations au sujet des

18 atrocités qui avaient lieu dans les camps? Est-ce qu'il fournit ces

19 informations aux autorités politiques civiles?

20 -R: Bien sûr que non."

21 La seule conclusion que l'on peut en tirer, la seule raison que l'on peut

22 tirer de ce document du Bureau du Procureur, c'est qu'il était interdit de

23 parler à quiconque des activités de ces centres de regroupement.

24 Paragraphe 15 de ce document 10A. Est-ce que Simo Drljaca nous dit que ces

25 documents doivent être conservés dans le bâtiment de l'assemblée

Page 15211

1 municipale? Non, non, ces documents, ils doivent être conservés sous son

2 contrôle au centre de regroupement. M. Simo Drljaca décide de ceux qui

3 peuvent sortir les documents, qui peuvent s'emparer des documents.

4 Est-ce que l'on peut en déduire que les dirigeants civils sont autorisés à

5 obtenir des documents en provenance de ces centres de regroupement ou bien

6 est-ce qu'il n'y avait véritablement personne qui était supérieur

7 hiérarchiquement à Simo Drljaca à Prijedor au printemps et en été 1992 et

8 qui lui avait donné ce droit d'affirmer qu'il était seul à pouvoir décider

9 qui pouvait disposer de ces informations?

10 Est-ce que la déduction selon laquelle il y a un lien entre la police et

11 les autorités civiles, est-ce que cette déduction est raisonnable sur la

12 base de ce document 107A ou bien est-ce qu'il n'est pas plus équitable de

13 penser que ce paragraphe 15, le paragraphe 15 de ce document, exonère de

14 toutes responsabilités les autorités civiles? Et n'est-il pas clair que

15 toutes connaissances telles qu'elles sont affirmées, présentées par le

16 Bureau du Procureur ne sont pas acceptables si l'on prend en compte le

17 paragraphe 15 de ce document rédigé par M. Drljaca ce 31 mai 1992?

18 Le Bureau du Procureur ne traite pas des questions importantes pour

19 obtenir une déclaration de culpabilité.

20 (Intervention de l'huissière.)

21 Il arrive parfois, je l'ai dit, que le Bureau du Procureur joue sur nos

22 émotions en évoquant l'ampleur des meurtres, en revenant sur des

23 événements atroces, tragiques qui ont eu lieu à Prijedor.

24 Une fois encore, je répète que les documents du Bureau du Procureur et les

25 arguments du Bureau du Procureur sont complètement déformés quand ils

Page 15212

1 évoquent la question aussi significative, sensible des 200 hommes tués au

2 Mont Vlasic. Est-ce qu'ils s'adressent à la Chambre pour affirmer qu'il

3 s'agissait de meurtres qui sont prévisibles, naturels? Bien sûr que non.

4 Ils font de nouveau référence à la magnitude, à l'ampleur des crimes en

5 affirmant que tout était prévisible et naturel lorsqu'il parle de la

6 section d'intervention et de la demande pour la formation d'une telle

7 section d'intervention.

8 Est-ce qu'ils fournissent des éléments de preuve à ce sujet? Est-ce qu'ils

9 rappellent à la Chambre que le 17 juin 1992 la mission qui a été confiée à

10 cette section d'intervention n'était pas de tuer des Croates et des

11 Musulmans innocents à Prijedor?

12 L'objectif, ce que l'on espérait obtenir, c'était de diminuer le niveau de

13 criminalité, des pillages et des meurtres qui avaient lieu dans la

14 municipalité à ce moment-là. Cet ordre, cette demande de formation de la

15 section d'intervention, le 17 juin 1992, le document y afférent donc

16 stipule clairement -je cite-: "Mission fondamentale consiste à lutter

17 contre les vols et les autres activités criminelles sur la municipalité de

18 Prijedor." (Fin de citation)

19 Que peut-on en déduire? On peut en déduire si on est animé d'une

20 imagination débordante, comme c'est le cas du Procureur, c'est que dès

21 qu'il y a un génocide, la première chose qui se passe c'est qu'on désarme.

22 Et là aussi, c'est un élément, un élément qui consiste à dire que si on

23 met en place une section pour lutter contre la criminalité et les vols,

24 c'est uniquement le signe de l'existence d'une entreprise criminelle

25 commune qui s'est manifestée deux mois après la demande relative à la

Page 15213

1 formation de cette unité.

2 Si bien que du 17 juin au 20 août, on nous présente la théorie de cette

3 section d'intervention. Mais ce que l'accusation refuse de remettre à la

4 Chambre, ce que l'accusation refuse de remettre à ces experts, ce sont les

5 rapports militaires quotidiens qui montrent indéniablement et sans aucun

6 doute qu'il y avait de nombreux groupes et de nombreux individus qui se

7 rendaient coupables d'actes incontrôlés, d'actes sporadiques, d'actes

8 aléatoires dans la municipalité. Ils n'agissaient pas là dans le cadre

9 d'une entreprise conjointe, d'un plan criminel, il s'agissait d'actes

10 individuels commis par des criminels sans aucune dignité et sans aucune

11 logique. Ce sont eux qui se rendaient coupables de ces meurtres dans la

12 municipalité de Prijedor.

13 Mais cela arrange le Bureau du Procureur de manipuler les faits pour

14 déformer la réalité. Cependant, j'aimerais bien qu'ils nous expliquent et

15 j'aimerais bien entendre les arguments qu'ils vont utiliser pour nous

16 expliquer comment lorsqu'on fait une demande pour créer une section

17 d'intervention destinée à lutter contre les vols et la criminalité,

18 comment est-ce que la logique permet de transformer cette demande en

19 directive, en demande, en ordre destiné à encourager la perpétration de

20 massacre, d'atrocité? Le Procureur ne cesse de semer la confusion, de

21 semer le trouble dans nos esprits.

22 Un autre argument qui est présenté par le Procureur, c'est celui des

23 uniformes qui auraient une importance cruciale. Qu'on nous montre une

24 image du docteur Stakic en uniforme, voilà de quoi frapper suffisamment

25 l'esprit des Juges de la Chambre, et quelque chose qui devrait être retenu

Page 15214

1 contre le docteur Stakic. Mais pourquoi est-ce qu'ils ne font pas part aux

2 Juges de la Chambre de l'évaluation honnête qu'il convient de faire de ce

3 fait? Ils ne présentent pas à la Chambre de manière honnête comment il

4 faut interpréter ce qui existait alors à Prijedor en 1992.

5 Je souhaiterais que l'on présente la pièce S42.

6 (Intervention de l'huissière.)

7 M. le Président (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, ralentir. Les

8 interprètes de la cabine française s'expriment par nature un peu plus

9 lentement que vous.

10 M. Ostojic (interprétation): Merci, je vous prie de m'excuser.

11 Le Bureau du Procureur a de nouveau essayé de faire preuve d'astuce pour

12 apporter leur propre éclairage sur certains des éléments de preuve. Et ils

13 ont parlé des ordres donnés par la cellule de crise au sujet des

14 uniformes. Je demande à la Chambre d'examiner chacun des mots, chacune des

15 allégations du Bureau du Procureur à ce sujet, puisque tout est déformé

16 systématiquement.

17 Nous avons un document, le document S342 qui, en dépit de ce que nous dit

18 le Bureau du Procureur, consiste à donner un ordre au sujet des uniformes.

19 On voit au paragraphe 2 -je cite-: "L'assemblée de la municipalité de

20 Prijedor a acquis des matériaux, des tissus pour produire des uniformes et

21 des drapeaux.". (Fin de citation.) Ce n'est pas la cellule de crise.

22 Est-ce que ce distinguo, est-ce que cette différence apporte un éclairage

23 différent à notre affaire? Oui, si on examine de manière globale la

24 crédibilité des affirmations du Bureau du Procureur. C'est très important

25 quand on voit que le Bureau du Procureur déforme à dessein les faits pour

Page 15215

1 semer la confusion dans notre esprit afin d'atteindre son objectif; son

2 objectif qui est d'obtenir la déclaration de culpabilité à l'encontre de

3 l'accusé.

4 Mon confrère vient de me rappeler de justesse que ce qui a été évoqué dans

5 le document, à savoir les uniformes de camouflage de couleur verte,

6 d'après ce bordereau 227/92 du 3 mai -j'en ai donné lecture- parce que, de

7 toute façon, d'après l'existence de la cellule de crise, ceci ne pouvait

8 pas exister, n'aurait pas pu exister en date du 3 mai. Mais voilà que

9 l'accusation a voulu que cela existe: ils en avaient besoin pour leurs

10 éléments de preuve.

11 Enfin, pour conclure la façon qui est la mienne de faire une analyse de ce

12 genre-là la tentative qui était la leur pour induire la Chambre d'instance

13 sur une mauvaise piste, eh bien, la marge se voit restreinte. Mais ceci

14 n'est pas équitable.

15 Si la cellule de crise a fait des commandes en matière de ces uniformes,

16 je voudrais dire que ceci devrait être l'affaire de l'assemblée

17 municipale. Si ceci de toute évidence ne peut pas être une analyse faite

18 par la Chambre de première instance, alors ceci aurait dû être bien

19 présenté par le conseil de la défense également et partagé par le conseil

20 de la défense.

21 Lorsque à cet effet-là on parle d'uniforme, il y avait la déposition de

22 Fahrudin Sejmenovic qui a longuement déposé sur cette période-là. Il a

23 déposé pour dire que lorsqu'il était au camp de détention, les

24 journalistes qui étaient venus en date du 5 août, à qui on avait demandé

25 s'ils voulaient parler avec lui, eh bien, ils ont refusé de parler avec

Page 15216

1 des politiciens. Ainsi donc on ne pouvait pas l'interviewer pour le compte

2 des médias britanniques et américains.

3 Par conséquent, dans notre analyse pour savoir si M. Sejmenovic a traité

4 d'uniformes, je crois pouvoir répondre affirmativement. Notamment page

5 4857 du compte rendu, la déposition se termine en page du transcript 4858,

6 où il dit ligne 20, il s'agit de la page 4857:

7 "-Q: Très bien. Avant la prise de contrôle lorsqu'il vous est arrivé de

8 voir le docteur Stakic dans le bâtiment de l'assemblée municipal et

9 ailleurs, avez-vous pu observer qu'il portait un uniforme?" Réponse de M.

10 Sejmenovic témoin à charge qui a déposé dans plusieurs affaires "-R: Non

11 pas d'habitude, mais je crois que l'avoir vu une fois en uniforme encore

12 qu'il m'est difficile de le confirmer parce qu'à une dernière réunion la

13 majeure partie des délégués étaient en uniforme. Nous nous plaisions

14 beaucoup à porter des uniformes, mais il disait que c'était en temps de

15 guerre et que nous étions mobilisés et que c'était tout à fait habituel.".

16 (Fin de citation.)

17 Voyez-vous, M. Sejmenovic qui a été le second à cette fonction en avril,

18 le 30 avril 1992, d'après lui, il devait porter l'uniforme. On lui avait

19 demandé, il a été à cette réunion-là où d'autres personnes étaient

20 présentes également, et qui elles portaient également des uniformes de

21 camouflage de couleur verte etc. Par conséquent, tout simplement c'est

22 vraiment déformé de ne pas prendre en considération les commentaires faits

23 par M. Sejmenovic à la lumière des uniformes lorsqu'on veut faire une

24 allégation comme quoi le port d'uniforme ferait partie intégrante de ce

25 qui a été exécuté dans le cadre du plan criminel et de cette entreprise

Page 15217

1 criminelle conjointe. La conclusion de la part de M. Sejmenovic nous dit

2 que tout cela était plus qu'évident. L'uniforme était un des faits qui

3 n'était pas vraiment substantiel.

4 Encore, le Bureau du Procureur du fait qu'il n'a pas pu parler du frère du

5 docteur Stakic ne pouvait pas s'étendre sur le sujet de la fuite. Par

6 conséquent, ils ont toujours continué d'occulter ou de dissimuler en

7 quelque sorte les questions clés entre autres.

8 Je passe à un autre sujet. Le Bureau du Procureur a passé un temps

9 énormément long pour parler du calendrier, c'est-à-dire du plan tel qu'il

10 devait être exécuté. Ont-ils pour autant oublié que la Chambre de première

11 instance avait cité à comparaître M. Slavko Budimir qui devait parler de

12 calendrier et qui devait en traiter? Bien entendu, le Bureau du Procureur

13 l'a oublié, pas intentionnellement, c'était une simple omission, comme

14 dans le cas des experts où lorsque à cette dernière il n'a pas été rendu

15 possible d'examiner l'intégralité des éléments de preuve avant de

16 représenter des arguments. Comme par exemple dans le cas du génocide le

17 désarmement des gens devait constituer une première démarche à faire.

18 C'est tout simplement une omission honnête.

19 Si nous réexaminons l'ensemble de la déposition de M. Budimir, nous allons

20 nous rendre compte du poids ou de la véracité, de la crédibilité de

21 l'argument selon lequel le docteur Stakic déterminait, fixait ou ne le

22 faisait pas l'ordre du jour, ou si c'était bon et approprié de considérer

23 le tout comme étant un plan criminel ou un élément qui en faisait partie

24 intégrante pour parler d'agissements criminels.

25 Je dois dire que j'ai fait preuve d'attitude critique lorsque je devais me

Page 15218

1 reporter aux dépositions de ces experts du Bureau du Procureur. Nous avons

2 été assez critiques et avons élevé la voix vraiment vigoureuse lorsqu'il

3 s'agit de saisie ou de fouille, ce qui devait être ordonné par le docteur

4 Stakic, ce qui devait être suite à des violations commises par celui-ci.

5 Malheureusement de tels documents fondamentaux de par leur ordre

6 d'importance ne nous ont pas été communiqués.

7 Je voudrais maintenant que l'on se reporte au document qui a déjà été

8 examiné vendredi dernier. Il s'agit du document concernant le docteur

9 Stakic, sa prétendue carte d'adhérent en tant que membre du SDS. Je

10 n'arrive pas à me rappeler la cote de cette pièce à conviction. Oui, je

11 m'en excuse auprès de cette Chambre de première instance. Oui, en effet,

12 il s'agit -maintenant je m'y retrouve- S235-12.

13 (Intervention de l'huissière.)

14 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, j'ai fait état de

15 déclarations assez rigoureuses. Je crois les avoir corroborées également

16 lorsque tout cela parle du fait que le Bureau du Procureur ne présente pas

17 la vérité et surtout ne se basant pas sur des éléments de preuve fiables.

18 Je voudrais que l'on se focalise un petit peu sur ce document S235-12.

19 Lorsqu'il s'agit de document où j'avais soulevé une objection lorsque M.

20 O'Donnell avait parlé de fouilles faites, de recherches et de saisies, il

21 y avait un élément qui avait été apporté à cette Chambre de première

22 instance, et aux dires de M. Koumjian en anglais, le docteur Stakic aurait

23 été -citation-: "Membre du SDS, titulaire d'une carte d'adhérent de ce

24 parti-là jusqu'au moment de son arrestation.". (Fin de citation.)

25 Mais dans ce cas-là on ne parle pas de Serbes, il s'agit du docteur Stakic

Page 15219

1 dans cette affaire. S'agit-il de les voir -du Bureau du Procureur-

2 déformer cet élément de preuve également? C'est là la question que je

3 voudrais soulever. Est-ce qu'on serait dans notre droit, nous conseils de

4 la défense, en disant que le docteur Stakic n'était pas membre de ce parti

5 et que ceci ne représentait pas la carte d'adhérent de M. Stakic? Monsieur

6 O'Donnell a-t-il fait preuve d'honnêteté lorsqu'il a offert ce document-là

7 pour dire qu'il s'agissait là bien de la carte d'adhérent du docteur

8 Stakic? Est-ce que le Bureau du Procureur l'a cru?

9 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, j'ai l'original de ce

10 document et je prie l'huissière de bien vouloir présenter ce document en

11 le plaçant sur le rétroprojecteur.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, le Bureau du

14 Procureur procède comme suit: ils prennent tout simplement la carte

15 d'identité du docteur Stakic pour se servir ensuite d'une autre carte où

16 nous pourrons lire les mentions "Parti démocratique serbe" ce qui devrait

17 nous mener à conclure que c'était lui qui était adhérent à ce parti-là et

18 titulaire de cette carte d'adhérent du parti en question.

19 Allons voir si cette pièce à conviction S235-12 nous permet de voir s'il

20 s'agissait vraiment de carte d'adhérent. Je prie Mme l'huissière de bien

21 vouloir la placer sur le rétroprojecteur de sorte que l'on voie le verso

22 de la carte et le calendrier, s'il vous plaît.

23 M. le Président (interprétation): Je m'excuse. Je dois vous interrompre.

24 Si j'ai bien compris, vous voulez offrir pour être versé au dossier ce

25 document-là, nous devons y revenir un peu plus tard.

Page 15220

1 M. Ostojic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je suis certain

2 que oui.

3 M. le Président (interprétation): Allez-y.

4 M. Ostojic (interprétation): Je crois qu'il s'agit d'un document que leur

5 enquêteur, lorsque nous l'avons eu à deux reprises, a témoigné devant

6 cette Chambre de première instance, à deux reprises a dit que ces

7 documents pour répondre à la question: si les documents ont été ordonnés

8 de façon appropriée, conservés, que Dieu m'en préserve que je veuille

9 induire cette Chambre de première instance sur une fausse piste, lorsqu'il

10 m'est arrivé de parler du docteur Stakic, lorsqu'il s'agit de voir le

11 docteur Stakic culpabilisé, tout simplement on va de pair avec ce que j'ai

12 dit pour le document S235-12 et j'aimerais bien que l'on présente le

13 document, cote S235-12 à côté ou plutôt en le superposant.

14 Faisant ainsi, ils ont été honnêtes, sans déformer les faits. Un an plus

15 tard, ils viennent dire –citation-: "Jusqu'à une année avant son

16 arrestation, il était membre de ce parti ayant été titulaire de cette

17 carte." (Fin de citation.)

18 Si nous pouvons voir maintenant le verso de ce document.

19 (Intervention de l'huissière.)

20 Il est difficile de tirer une copie de ce document, il faut évidemment

21 beaucoup de temps pour le faire étant donné un nombre limité de documents

22 communiqués par le Bureau du Procureur. Encore que le Bureau du Procureur

23 s'en est servi pour l'avoir comme élément de preuve, mais une fois de plus

24 en le déformant.

25 Ensuite, nous avons d'autres cartes, d'autres éléments de preuve à l'appui

Page 15221

1 pour traiter toujours du plan criminel, de cette entreprise criminelle, où

2 il parle encore des inscriptions traitant du Parti démocratique serbe.

3 Je voudrais que l'huissière place ce document sur le rétroprojecteur.

4 (Intervention de l'huissière.)

5 Une fois de plus, il y a eu erreur. Le Bureau du Procureur peut-être a

6 commis une erreur en déformant les éléments de preuve, sans vouloir

7 intentionnellement induire en erreur la Chambre de première instance.

8 Qu'en est-il de ce document-là? Le document a été offert pour être versé

9 au dossier, mais en quoi tout cela témoigne d'un plan criminel ou d'une

10 entreprise criminelle? S'agissait-il d'aveugler, d'occulter, d'entacher ne

11 serait-ce que pour l'accusé ou peut-être essaie-t-il ou tente-t-il de

12 troubler l'ensemble du tableau de ce qui s'était passé dans Prijedor et

13 -pour emprunter leurs propres termes- essaie-t-il de réécrire l'Histoire,

14 leur version de l'Histoire?

15 Avec la permission de la Chambre de première instance, je souhaite que

16 l'huissière procède de sorte à nous présenter le verso de chacune de ces

17 trois cartes.

18 (Intervention de l'huissière.)

19 A titre de référence, à l'intention de la Chambre de première instance, je

20 dirai que ces trois documents ont été copiés par le Bureau du Procureur,

21 le tout ayant été admis en tant qu'élément de preuve, S235-18 jusqu'à 22.

22 Peut-être aurais-je besoin de l'assistance de la Greffière d'audience?

23 Mme Dahuron (interprétation): Il s'agit de la pièce S235-21.

24 M. Ostojic (interprétation): Oui S235-21. Si on avait tiré une copie du

25 verso, est-ce que nous pouvons dire que l'accusé a bénéficié d'un procès

Page 15222

1 équitable, est-ce que nous voulons placer la vérité ou bien d'une façon

2 très subtile nous voulons occulter le tout pour atteindre l'objectif que

3 nous nous proposons, à savoir nous voulons obtenir la condamnation de

4 l'accusé?

5 L'autre exemple que je vous ai présenté tout à l'heure, à cette Chambre de

6 première instance, témoigne avec éloquence quelle devrait être la façon

7 dont il faut appréhender la tactique du Bureau du Procureur lorsque ce

8 dernier a offert pour admission et versement au dossier concrètement

9 certains éléments de preuve qui malgré l'attitude du conseil de la défense

10 ont été introduits par le biais des experts, des témoins experts.

11 Qui dit témoins experts, parle notamment de gens comme M. O'Donnell qui

12 est un professionnel, un policier de métier qui lui est censé savoir en ce

13 prétoire quelles devaient être les obligations dont il est tenu en tant

14 que membre de l'équipe du Procureur, lorsque nous sommes en train de

15 parler de déformation des éléments de preuve, lorsque nous parlons de

16 déformation de ce qui devait être offert à cette Chambre de première

17 instance et qui est de nature à nous induire en erreur et lorsqu'il s'agit

18 de cette auto-confiance dont les gens du Bureau du Procureur semblent être

19 imprégnés lorsqu'ils parlent des réalités des événements qui se sont

20 déroulés au printemps ou en été 1992 et surtout en relation avec le

21 docteur Stakic.

22 Il ne saurait certainement prévaloir et l'emporter s'ils sont capables et

23 s'ils étaient capables de nous présenter une évaluation objective et

24 honnête des éléments et des documents et non pas une quantité plutôt

25 sélectionnée de documents.

Page 15223

1 (Intervention de l'huissière.)

2 Merci, Madame l'Huissière.

3 Pour que ces documents puissent avoir force probante et validité, la

4 conclusion qui doit en être déduite ne peut pas être arbitraire, dénuée de

5 raison et unilatérale. Les indices qui sont ceux du Bureau du Procureur

6 concernant le docteur Stakic sont tout à fait arbitraires. A n'importe

7 quel moment, le conseil de la défense s'est proposé de se prononcer sur ce

8 qui aurait pu lui être demandé par le Bureau du Procureur, à savoir s'il

9 s'agit de parler d'une contribution substantielle de celui-ci ou de

10 contrôle effectif de celui-ci, lorsqu'il s'agit évidemment de l'intention

11 génocidaire.

12 On ne peut parler que de présomptions. Vous pouvez imaginer cela.

13 Lorsqu'il s'agit d'un Acte d'accusation, quatrième par ordre, ou lorsqu'il

14 s'agit d'une demande faite à ce que le génocide soit jugé à tout stade, le

15 Bureau du Procureur ne considère-t-il pas, absolument pas, qu'un jugement,

16 jugement de culpabilité pourrait être tenable et viable si les faits à

17 notre sens au moins ne sont pas corroborés pour autant. Or, de là, notre

18 conclusion avec tout le respect, nous ne pouvons pas faire autrement

19 qu'aboutir à de telles déductions.

20 Avec tout le respect donc, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

21 Juges, je dois dire que tout ceci ne témoigne pas du fait que la loi a été

22 observée. Tous les systèmes judiciaires dans le monde entier ne pourraient

23 accepter double poids et mesures lorsque de tels documents devraient être

24 adoptés pour être versés au dossier. Et ceci évidemment ne peut l'être

25 parce qu'il doit y avoir une large présomption d'abord, et en fin de

Page 15224

1 compte il doit s'agir d'une analyse subjective, unilatérale, arbitraire et

2 dénuée de raisonnement de tout fondement raisonnable pour que tels faits

3 puissent être admis.

4 La loi, le droit ce n'est pas quelque chose au sujet de quoi le Bureau du

5 Procureur souhaite discuter, parce que si le docteur Stakic est innocent,

6 étant donné ce qui a été allégué et reproché, le Bureau du Procureur ne

7 veut pas parler des fais tels qu'ils se sont produits dans la pièce n°3

8 pour parler des massacres, pour parler des événements qui étaient peut-

9 être naturels. Essayons de l'ignorer. Essayons d'ignorer tout ce qui

10 pourrait être de nature à disculper, à aider le docteur Stakic.

11 Au lieu de cela, si nous disons que pour la plupart des génocides la

12 première chose à faire était de désarmer des victimes et peut-être si nous

13 présentons cette affaire où on parle de victimes ou de "victimisation" et

14 si nous disons à plusieurs reprises devant cette Chambre de première

15 instance qu'à plusieurs reprises il y a eu des massacres, des tragédies

16 terribles, affreuses et que ceci n'était que des cas sporadiques,

17 incontrôlables et sporadiques.

18 Et au hasard, moi aussi, qui peut d'ailleurs toujours témoigner d'une

19 grande fantaisie, je n'aimerais pas parler de cela. Je voudrais que tout

20 soit fondé sur autre chose que sur des indices, que sur des éléments de

21 seconde main, car ceci risque d'altérer pour toujours les principes

22 fondamentaux de la justice.

23 Avec tout le respect, nous ne devons pas accepter la façon qui est celle

24 du Bureau du Procureur de voir l'histoire lorsqu'il s'agit des procédures

25 contradictoires, et nous ne pouvons pas accepter leur façon de voir la

Page 15225

1 vérité. La justice demande plus, la justice demande à ce que l'on adhère à

2 la loi, à ce que l'on adhère aux principes fondamentaux de la justice,

3 c'est-à-dire au principe de présomption.

4 Cela exige que nous appliquions de manière stricte, malheureusement au

5 détriment des intérêts du Bureau du Procureur, le critère de la preuve au-

6 delà de tout doute raisonnable. Sinon cela signifie que ce fardeau de la

7 preuve reposerait maintenant sur les épaules de l'accusé ou bien qu'il

8 devrait être réduit vu l'ampleur des meurtres et des tragédies qui ont eu

9 lieu à Prijedor en 1992.

10 Le Bureau du Procureur n'a pas examiné les éléments de preuve dans leur

11 totalité. Le Bureau du Procureur n'a pas analysé tous ces éléments de

12 preuve de manière concrète. Et j'estime qu'il s'agit là d'un refus

13 intentionnel, ce refus d'examiner tous les éléments de preuve.

14 Est-ce que le Bureau du Procureur a dit à la Chambre que, comme dans tous

15 les génocides -heureusement ils se trompent-, est-ce qu'ils ont dit à

16 cette Chambre que jamais ils n'avaient d'affaire où on pouvait voir un

17 homme accusé de génocide et reconnu coupable de génocide, vu les

18 observations, les commentaires qu'il a faits le 11 septembre, le 16 juin,

19 le 9 mai, le 16 mai, des propos de paix, de tolérance, des propos dans

20 lesquels il a essayé de promouvoir la réconciliation, la coopération…

21 L'objectif du docteur Stakic était indéniablement un objectif de paix; les

22 éléments de preuve le montrent. On ne peut rien en déduire de plus, c'est

23 un fait.

24 Or la conclusion que souhaiterait tirer le Bureau du Procureur, c'est la

25 conclusion inverse. On ne nous donne pas de conclusion sur la base de fait

Page 15226

1 indiscutable. Le fait que le docteur Stakic a dit le 16 mai 1992 que

2 Prijedor serait une oasis de paix. Cela c'est incontestable. Or, la seule

3 conclusion que l'on peut déduire de ce fait, c'est l'acquittement.

4 Dans n'importe quel pays du monde à quelque période que cela soit, jamais

5 un homme comme le docteur Stakic qui s'est prononcé en faveur de la paix

6 et de la tolérance au cours d'une période terrible -la période de l'été et

7 du printemps 1992-, jamais aucun tribunal partout dans le monde à aucune

8 période ne déclarerait le docteur Stakic coupable des crimes qui lui sont

9 reprochés.

10 Je suis persuadé qu'il est raisonnable, logique, plausible, vu qu'il est

11 plausible effectivement d'avoir des réserves quand on pense aux victimes,

12 quand on pense aux meurtres, quand on pense aux souffrances. Et on doit se

13 poser la question suivante: est-ce qu'il ne faut pas penser à cette

14 malheureuse population de Prijedor, à ces malheureuses victimes de

15 Prijedor?

16 Moi aussi, je ressens, j'éprouve ces sentiments, mais notre mission ce

17 n'est pas de réduire cette souffrance. Notre mission c'est d'analyser les

18 faits, d'analyser les documents, d'analyser les dépositions des témoins

19 pour déterminer les choses suivantes: premièrement est-ce que le Bureau du

20 Procureur s'est acquitté de la charge de la preuve au-delà de tout doute

21 raisonnable? Et deuxièmement est-ce que le docteur Stakic, un homme qui se

22 prononçait en faveur de la paix et de la tolérance, au cours de cette

23 période marquée par un soi-disant plan criminel, par une entreprise

24 criminelle conjointe, est-ce que le docteur Stakic doit être reconnu

25 coupable?

Page 15227

1 Moi, j'avance que si les Juges de la Chambre -comme je l'espère, comme

2 j'en suis sûr- examinent les éléments de preuve de manière honnête, de

3 manière objective, j'estime, je crois que les Juges trouveront le docteur

4 Stakic innocent et l'acquitteront de tous les crimes qui lui sont

5 reprochés dans le quatrième Acte d'accusation modifié.

6 Merci, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.

7 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu les deux parties,

8 l'évaluation par chacune des parties de tous les éléments de preuve

9 présentés au cours des 149 jours du procès et au cours des diverses

10 réunions 65ter. Je pense également aux éléments de preuves recueillis à

11 Banja Luka, à Zagreb ainsi que dans d'autres lieux.

12 Je pense que le moment ne serait pas bien choisi pour entendre la réplique

13 de l'accusation, mais je suis persuadé que nous allons avoir une réponse

14 de la part du Procureur et une duplique de la défense. Auparavant,

15 j'estime nécessaire, vu ce que nous venons d'entendre au cours des

16 réquisitoires et plaidoiries, j'estime donc nécessaire de rouvrir le

17 dossier pour y admettre de nouveaux éléments de preuve.

18 Les Juges de la Chambre se sont concertés pendant la dernière pause et en

19 sont arrivés à la conclusion suivante: nous avons décidé que suite au

20 réquisitoire et suite à la plaidoirie, nous avons donc constaté que la

21 défense avait redemandé le versement au dossier de la pièce 584.

22 M. Ostojic (interprétation): Oui, nous demandons toujours son versement au

23 dossier.

24 M. le Président (interprétation): Pardon?

25 M. Ostojic (interprétation): Nous demandons le versement au dossier de

Page 15228

1 cette pièce.

2 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a des objections de la

3 part de l'accusation?

4 M. Koumjian (interprétation): Pas d'objection. Nous n'avons pas la

5 traduction encore. Nous ne savons pas si elle est disponible.

6 M. le Président (interprétation): Je me tourne vers la Greffière ou la

7 défense.

8 M. Ostojic (interprétation): Nous ne disposons pas de traduction du

9 document, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation): Quelle est la longueur de ce document?

11 M. Ostojic (interprétation): Trois pages, mais il s'agit d'un document

12 dactylographié très bref. Sur chaque page ne figurent que huit lignes à

13 peu près où l'on retrouve des noms, des dates. Je pense que la traduction

14 ne devrait pas prendre beaucoup de temps.

15 M. le Président (interprétation): Je pense que pour que les parties et les

16 Juges puissent se préparer de manière adéquate, je pense qu'il est

17 nécessaire que tout le monde connaisse la teneur de ce document. On va

18 essayer d'en donner lecture lentement plus tard.

19 Le document est versé au dossier. Il s'agissait du document 65ter 584 qui

20 est maintenant versé au dossier sous la cote S321, et si j'ai bien

21 compris, d'autre part, la défense demande le versement au dossier d'un

22 calendrier pour l'année 2001 qui a été photocopié malheureusement avec la

23 carte d'identité ou le permis de conduire, je ne sais pas s'il s'agit de

24 l'un ou de l'autre, mais avec le calendrier de l'an 2002, c'est bien

25 exact? Vous demandez le versement au dossier de ce document.

Page 15229

1 M. Ostojic (interprétation): Non, je ne sais pas si vous faites référence

2 à ce calendrier-ci, mais c'est le calendrier de l'an 2002.

3 M. le Président (interprétation): Calendrier de l'an 2000, objection de la

4 part de l'accusation?

5 M. Koumjian (interprétation): Pas d'objection, mais la photocopie de ce

6 document a été versée au dossier il y a très longtemps. Or, le conseil de

7 la défense nous présente maintenant ce qu'il affirme être l'original,

8 parce que bien entendu une plaidoirie ne constitue pas la présentation

9 d'éléments de preuve. Si le conseil de la défense est prêt à nous dire

10 d'où vient ce document, à ce moment-là, nous sommes prêts à l'accepter,

11 mais il faudrait savoir s'il s'agit du même document que celui dont

12 disposait le docteur Stakic. Je pense également aux trois autres

13 documents.

14 D'autre part, si vous me le permettez, je souhaiterais que nous puissions

15 avoir la possibilité d'ajouter au dossier quelques photographies du camp

16 de Keraterm qui pourraient servir aux Juges.

17 M. le Président (interprétation): Je n'y vois pas d'inconvénient, mais

18 est-ce que votre argument est le suivant, Monsieur le Procureur: est-ce

19 que vous ne croyez pas que ces trois calendriers ne sont pas ceux qui

20 figurent sur les photocopies qui nous ont été présentées?

21 Comme je l'ai déjà dit par le passé, c'est très difficile pour les Juges

22 de devoir travailler sur la base de photocopies uniquement, c'est quelque

23 chose qui est très particulier à notre Tribunal. D'ordinaire dans les

24 autres institutions, on travaille uniquement avec des originaux. Enfin, il

25 faut bien s'en accommoder. Pour l'instant, cependant, je ne vois pas

Page 15230

1 d'obstacle au versement au dossier de ces pièces.

2 Est-ce que vous avez toujours une objection?

3 M. Koumjian (interprétation): Je n'ai pas de doute quant à ce qu'affirme

4 le conseil de la défense, mais nous n'avons pas d'élément de preuve

5 concret. Je suis prêt à accepter l'affirmation du conseil de la défense

6 qu'il s'agit des documents qui ont été saisis puis remis au docteur

7 Stakic, et puis, ensuite, qui ont été remis à Me Ostojic.

8 Si c'est ce qu'affirme la défense, je suis prêt à la croire et à

9 considérer cela comme un point admis, mais nous n'avons pas d'éléments de

10 preuve à ce sujet, j'aimerais bien pouvoir examiner les documents.

11 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'huissière de bien

12 vouloir remettre les trois cartes en question, d'abord au Procureur et

13 ensuite aux Juges.

14 M. Ostojic (interprétation): Je suis prêt à déposer en l'espèce.

15 M. le Président (interprétation): Non.

16 M. Ostojic (interprétation): Peut-être M. O'Donnell peut-il nous confirmer

17 qu'il s'agit bien de ce document?

18 M. le Président (interprétation): Je pense que l'on pourra résoudre la

19 question tout de suite.

20 (Intervention de l'huissière.)

21 M. Ostojic (interprétation): Je vais vous dire très franchement, ces

22 documents, ces quatre cartes m'ont été remises ce matin par le docteur

23 Stakic, après le réquisitoire du Procureur, et ceci en raison des

24 conclusions que l'accusation entend tirer à partir de ces documents. Nous

25 ne nous étions pas penchés sur la question auparavant, nous n'avions pas

Page 15231

1 examiné ces documents.

2 M. Koumjian (interprétation): J'accepte les faits qui sont présentés par

3 le conseil de la défense, si c'est l'explication donnée par le conseil de

4 la défense, je l'accepte.

5 Est-ce que nous pourrions obtenir une photocopie du recto de ces cartes?

6 M. le Président (interprétation): Sans doute.

7 (Les Juges se concertent sur le siège.)

8 Le calendrier 2000, recto et verso: cette pièce est versée au dossier sous

9 la cote D322; et les trois autres calendriers recto et verso bien sûr des

10 calendriers de l'année 2001 sont versés au dossier sous les cotes D323-1-

11 2-3.

12 Pour continuer, je dois dire que nous savons qu'il y a un document

13 mentionné par les deux parties qui n'a pas encore été versé au dossier. Il

14 s'agit de la pièce de l'accusation portant la cote 65ter 72. Il s'agit de

15 la déclaration relative à la proclamation de la République du peuple serbe

16 de Bosnie-Herzégovine en date du 9 janvier 1992. Un texte qui est extrait

17 du Journal officiel du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine année n°1,

18 Journal officiel n°2, lundi 27 janvier 1992, Sarajevo. Le Procureur

19 demande le versement au dossier du document.

20 M. Koumjian (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Des objections?

22 Veuillez, s'il vous plaît, Madame l'Huissière présenter le document à la

23 défense.

24 (Intervention de l'huissière.)

25 M. Ostojic (interprétation): Pas d'objection.

Page 15232

1 M. le Président (interprétation): Document versé au dossier sous la cote

2 S438. Je m'adresse maintenant aux participants pour que nous soyons prêts

3 à la réplique et à la duplique de demain. Je vais demander à Me Lukic de

4 bien avoir l'amabilité de nous donner lecture du document portant la cote

5 65ter 584. Veuillez en donner lecture lentement pour que nous puissions

6 avoir une traduction en français et en anglais de ce document. Veuillez

7 donner lecture du document, s'il vous plaît.

8 Si on place le document sur le rétroprojecteur cela rendra la vie plus

9 facile aux interprètes.

10 M. Lukic (interprétation): Je suis désolé, mais je n'ai qu'un exemplaire.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez lire à partir de

12 l'image transmise par le rétroprojecteur?

13 M. Lukic (interprétation): Oui, avec difficulté je pourrai parce que je

14 suis à moitié aveugle.

15 M. Koumjian (interprétation): Nous avons un exemplaire supplémentaire.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien.

17 (Intervention de l'huissière.)

18 M. Lukic (interprétation): Puis-je commencer? Merci.

19 "Republika Srpska, ministère des Affaires intérieures, direction chargée

20 des questions juridiques du personnel et des étrangers. Banja Luka.

21 N°05/2-052-50. En date du 11 février 2002.

22 Le gouvernement de la Republika Srpska, bureau du gouvernement chargé des

23 relations avec la Cour pénale internationale chargée de poursuivre les

24 criminels de guerre de La Haye. Banja Luka. En main propre du chef du

25 bureau. Référence: votre mémo n°02 /1-773-30/02, du 30 janvier 2002.

Page 15233

1 Objet: Simo Drljaca, décision à communiquer en annexe du mémo présent.

2 Nous vous faisons parvenir ainsi que demandé par le biais de votre mémo,

3 numéro et date de référence, avec respect, en annexe. Premièrement:

4 décision n°6678 du 27 avril 1994.

5 Deuxièmement: décision n°09/3-120-3557 du 7 octobre 1994.

6 Le tampon y est apposé de la Republika Srpska où nous lisons dans le texte

7 'Ministère des Affaires intérieures de Banja Luka' et le chiffre '1'. Le

8 chef de la direction Milena…"

9 Je n'arrive pas à lire le nom de famille de la personne qui a signé.

10 Le document suivant: "Republika Srpska, ministère des Affaires

11 intérieures, Sarajevo, n°6678, date 27 avril 1994. En vertu de l'article

12 39, premier alinéa 7, de la loi sur l'administration d'Etat (Journal

13 officiel du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, n°4/92) est délivrée la

14 présente décision.

15 Drljaca Simo, employé du ministère des Affaires intérieures de Republika

16 Srpska, temporairement est affecté à des fonctions et tâches du chef de

17 centre de sécurité publique de Prijedor. A commencer par la date du 27

18 avril 1994. Signifié à: Premièrement au susnommé; 2, au service financier

19 du département; 3, aux archives. Signé pour le ministre des Affaires

20 intérieures, signé par Mico Stanisic."

21 Voici le troisième document.

22 "Republika Srpska, ministère des Affaires intérieures, Sarajevo, n°09/3-

23 120-3557. Date le 7 octobre 1994. En vertu de l'article 73, paragraphe 3,

24 de la loi sur l'administration d'Etat (Journal officiel de la Republika

25 Srpska, n°11/94) et de l'article 2, premier alinéa, de la loi sur les

Page 15234

1 relations de travail dans les organes d'Etat (Journal officiel de

2 Republika Srpska, n°11/94) et au sujet de l'article 7 de la même loi, le

3 ministre des Affaires intérieures de Republika Srpska décrète la présente

4 décision: Drljaca Simo est affecté à des fonctions et tâches de chef du

5 CJB de Prijedor.

6 Suivent les mentions qui n'ont pas été remplies en deux rubriques: Fait à,

7 ainsi que le stipule le règlement portant systématisation des fonctions et

8 tâches au sein du ministère des Affaires étrangères de la Republika Srpska

9 en date du 5 octobre 1994.

10 Moyennant une décision spéciale, le traitement de la personne employée

11 sera fixé comme de droit. Les motifs: Drljaca Simo, en vertu de la

12 décision numéro -rubrique vide-, depuis la date -rubrique vide-, année

13 telle et telle a été affectée à des opérations et missions -rubrique vide.

14 Fait à.

15 Le susnommé en vertu de la présente décision est affectée à des missions

16 et tâches de chef du CGB de Prijedor. A -rubrique vide- a commencé par le

17 5 octobre 1994. Etant donné que les conditions ainsi que le stipule

18 l'article 7 de la loi sur les relations de travail au sein des organes

19 d'Etat ont été remplies de même que d'autres conditions déterminées par le

20 règlement portant organisation interne du MUP, n°10/illisible du 5 octobre

21 1994.

22 (Les Juges se concertent sur le siège.)

23 Etant donné qu'il n'y a eu aucun obstacle formel, juridique en cette

24 matière, il en est statué et décidé comme dans le dispositif et permis

25 recours auprès du ministre des Affaires étrangères de Republika Srpska

Page 15235

1 dans un délai de 8 jours à commencer de la date de réception de la

2 présente décision. Signifier: 1: à la personne susnommée, 2: au

3 département des affaires financières et matérielles, 3: au dossier. Signé:

4 le ministre des Affaires intérieures: Zivko Rakic.". (Fin de lecture.)

5 M. le Président (interprétation): Merci.

6 M. Lukic (interprétation): Je souhaiterais préciser que le document que je

7 viens de lire a été imprimé sur un formulaire pré imprimé ce qui explique

8 qu'il y a un certain nombre d'espaces.

9 M. le Président (interprétation): Merci. Nous en avions pris note. Nous en

10 avons terminé aujourd'hui de l'audience et de la présentation des éléments

11 de preuve supplémentaires. Nous avions déjà indiqué que l'accusation

12 souhaitait verser au dossier quelques éléments de preuve supplémentaires

13 et bien sûr, ce droit est également un droit qui revient à la défense.

14 C'est pourquoi après nous être brièvement entretenus, nous avons décidé

15 d'appliquer l'Article 73bisF), l'Article 73terF), et par anticipation

16 l'Article 115; et nous estimons que dans le contexte de ces articles, s'il

17 existe des éléments de preuve supplémentaires qui répondent aux conditions

18 prévues par l'Article 115 du Règlement, nous estimons qu'il ne faut pas

19 attendre l'appel. Si les parties disposent de ces éléments de preuve

20 supplémentaires, elles doivent les produire demain. Bien sûr, l'accusation

21 est toujours dans l'obligation aux termes de l'Article 68 de fournir

22 certains éléments qui correspondent à cet Article 68.

23 Je vais ici annoncer un petit changement par rapport à ce que j'avais dit

24 précédemment. Nous commencerons en fait par ces éléments de preuve

25 supplémentaires pour voir s'ils répondent aux conditions prévues par le

Page 15236

1 Règlement. Ensuite, nous aurons une conférence de mise en état. Les

2 parties auront besoin peut-être ensuite d'un petit peu de temps pour

3 examiner ces éléments de preuve supplémentaires. Et puis, nous passerons à

4 la réplique et à la duplique.

5 Mais M. Koumjian souhaitait s'exprimer. Vous avez la parole.

6 M. Koumjian (interprétation): En fait, je n'avais pas l'intention

7 d'intervenir. La seule chose que je souhaiterais éventuellement verser au

8 dossier, ce sont une ou deux photographies du camp de Keraterm qui

9 pourraient être utiles aux Juges.

10 M. le Président (interprétation): Nous savons que l'admission de ces

11 éléments de preuve supplémentaires s'est faite dans la hâte, mais je

12 souhaiterais donc inviter les parties à se pencher sur ces documents. Il y

13 a peut-être eu des omissions qui ont été commises ou des erreurs commises

14 d'un côté ou de l'autre, aussi bien du côté de la défense que de

15 l'accusation.

16 C'est pourquoi vous nous vous donnons la possibilité de profiter de la

17 possibilité qu'il vous ait donné de verser des éléments de preuve

18 supplémentaires dans les conditions prévues que je viens de rappeler.

19 Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose? Non. Eh bien, dans ces

20 conditions, l'audience est suspendue jusqu'à demain, en salle II et à 9

21 heures 30.

22 (L'audience est levée à 17 heures 14.)

23

24

25