Affaire n° : IT-03-69-AR65.2

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mehmet Güney

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
30 septembre 2004

LE PROCUREUR

c/

FRANKO SIMATOVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’OBTENIR L’AUTORISATION D’INTERJETER APPEL DE LA DÉCISION D’ACCORDER LA MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE

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Le Bureau du Procureur :

M. Dermot Groome 
M. David Re

Les Conseils de l’Accusé :

M. Zoran Jovanovic pour Franko Simatovic
MM. Geert-Jan Alexander Knoops et Wayne Jordash pour Jovica Stanisic

 

1. L’Accusation a déposé une demande aux fins d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel1 de la décision du 28 juillet 2004 (la « Décision attaquée »), par laquelle la Chambre de première instance III a fait droit à la demande de mise en liberté provisoire déposée par Franko Simatovic (« Simatovic »)2.

2. L’Accusation demande l’autorisation d’interjeter appel de la Décision attaquée conformément aux dispositions de l’article 65 D) et 65 F) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »). Pour que la Chambre d’appel accueille la Demande , il incombe à l’Accusation d’invoquer des motifs sérieux. Selon la jurisprudence du Tribunal, un motif sérieux existe au sens de l’article 65 du Règlement lorsque le requérant convainc la Chambre d’appel que la Chambre de première instance a pu se fourvoyer en rendant la décision attaquée3. Bien que l’Accusation soit seulement tenue d’établir qu’il est possible que la Chambre de première instance ait commis une erreur pour que ce motif soit considéré comme sérieux, la jurisprudence du Tribunal montre que la Chambre d’appel n’autorise l’appel que dans la mesure où cette possibilité d’erreur est clairement établie4.

3. La Chambre d’appel se prononcera d’abord sur la demande de l’Accusation tendant à ce que le dépôt de sa réplique en l’espèce soit jugé valable en application de l’article 127 A) ii) et B) du Règlement5, avant de passer à l’examen de la Demande sur le fond.

4. La Réplique de l’Accusation a été déposée le 4 août 2004, soit un jour après l’expiration du délai fixé par la Directive pratique applicable6 pour le dépôt des répliques. À titre de motif sérieux pour que le dépôt de sa Réplique soit jugé valable au sens de l’article 127 A) ii) du Règlement, l’Accusation fait valoir que : 1) en raison de la pénurie de personnel causée par les démissions et les congés, elle n’affecte qu’un seul juriste à l’espèce pendant les vacances judiciaires  ; 2) ce juriste n’a été saisi de la Réponse de Simatovic qu’après la fermeture des bureaux le 3 août, date à laquelle la Réplique devait être déposée ; et 3) l’Accusation a déposé à cette date sa réplique à la réponse du coaccusé de Simatovic et, du fait que les questions relatives à ces deux accusés comportaient des éléments communs , il était souhaitable que la Chambre d’appel dispose de la réplique de l’Accusation concernant l’une et l’autre. L’Accusation ajoute qu’un jour de retard pour le dépôt de sa Réplique ne causera aucun préjudice aux accusés.

5. L’Accusation n’explique pas pourquoi le juriste affecté à l’affaire n’a eu connaissance de la Réponse de Simatovic qu’après l’expiration du délai prévu pour le dépôt de la Réplique. Si l’Accusation souhaite que la Chambre d’appel considère ce facteur comme un motif sérieux, elle doit expliquer pourquoi. Le simple fait que le juriste chargé du dossier ne savait pas qu’une réponse avait été déposée ne saurait constituer, à lui seul, un motif sérieux, pas plus le fait que la Réponse de Simatovic a été déposée pendant les vacances judiciaires. Toutefois, étant donné que la Réplique n’a été déposée qu’avec un jour de retard, et que, dans les circonstances de l’espèce, la partie adverse n’est pas lésée par ce retard, la Chambre d’appel estime qu’il existe un motif sérieux pour admettre que le dépôt de la Réplique est valable.

6. La Chambre d’appel a examiné tous les motifs d’erreur allégués par l’Accusation dans sa Demande, dans la Réponse de Simatovic7 et dans la Réplique à cette Réponse. Sans préjudice de toute autre possibilité d’erreur de la part de la Chambre de première instance, la Chambre d’appel est convaincue que l’Accusation a établi que les premiers juges ont pu se fourvoyer en accordant aux garanties données par le Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro un poids suffisant pour se convaincre que Simatovic, s’il était mis en liberté provisoire, se présenterait à nouveau. Bien que les garanties données par un Gouvernement ne constituent pas une condition nécessaire à la mise en liberté provisoire8, la Chambre d’appel est convaincue que la possibilité que la Chambre de première instance ait commis une erreur lorsqu’elle a examiné ces garanties constitue un motif sérieux permettant d’autoriser l’Accusation à interjeter appel conformément aux dispositions de l’article 65 D) du Règlement.

Dispositif

7. Il est fait droit à la Demande de l’Accusation aux fins d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel de la Décision attaquée.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 30 septembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
___________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Application for Leave to Appeal "Decision on Provisional Release", 29 juillet 2004 (la « Demande »).
2 - Le Procureur c/ Stanisic et Simatovic, affaire n° IT-03-69-PT, Defence Motion for Provisional Release, confidentiel et ex parte, 30 janvier 2004.
3 - Le Procureur c/ Blagoje Simic, affaire n° IT-95-9-AR65, Décision relative à la requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel, 19 avril 2000, p. 3.
4 - Le Procureur c/ Nikola Sainovic & Dragoljub Ojdanic, affaire n° IT-99-37-AR65.2, Décision rejetant la demande d’autorisation d’interjeter appel, 26 juin 2003 ; Le Procureur c/ Blagoje Simic et consorts, affaire n° IT-95-9-AR65, Décision relative à la requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel, 19 avril 2000 ; Le Procureur c/ Fatmir Limaj et consorts, affaire n° IT-03-66AR65.3, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire d’Isak Musliu, 31 octobre 2003 ; Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire de Haradin Bala, 31 octobre 2003 ; Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire de Fatmir Limaj, 31 octobre 2003 ; Le Procureur c/ Momcilo Krajisnik et Biljana Plavsic, affaire n° IT-00-39 & IT-00-40-AR65, Décision relative à la requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel, 14 décembre 2001 ; Le Procureur c/ Enver Hadzihasanovic, affaire n° IT-01-47-AR65 & IT-01-47-AR65.2, Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel, 5 septembre 2002 ; Le Procureur c/ Vidoje Blagojevic, affaire n° IT-02-60-AR65.3 & IT-02-60-AR65.4, Décision relative aux demandes d’autorisation d’interjeter appel de Blagojevic et Obrenovic, 16 janvier 2003.  
5 - Prosecution’s Reply to "Defence’s Response to Prosecution Application for Leave to Appeal Decision on Provisional Release", 4 août 2004 (la « Réplique »).
6 - Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international, IT/155/Rev.1, 7 mars 2002.
7 - Defence Response to Prosecutor’s Motion for Leave to Appeal "Decision on Provisional Release", 30 juillet 2004 (la « Réponse »).
8 - Le Procureur c/ Dragan Jokic, affaire n° IT-02-53-AR65, Décision relative à la demande de mise en liberté provisoire, 28 mai 2002, p. 2.