Affaire n° IT-03-69-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er août 2003

LE PROCUREUR

c/

JOVICA STANISIC
FRANKO SIMATOVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE MESURES DE PROTECTION

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Le Bureau du Procureur :

M. Dermot Groome
Mme Camille Bibles

Les conseils de la Défense :

MM. Vladan Vukcevic et Slobodan Vukcevic, pour Jovica Stanisic
M. Zoran Jovanovic, pour Franko Simatovic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la requête confidentielle de l’Accusation aux fins de mesures de protection pour des victimes et des témoins (Prosecution’s Motion for Protective Measures for Victims and Witnesses), la « Requête », déposée le 5 juin 2003, par laquelle le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») demandait l’octroi de diverses mesures de protection en faveur de victimes et de témoins et la non-divulgation de certaines pièces, et VU les réponses à la Requête déposées le 29 juillet 2003 par les conseils des accusés Franko Simatovic et Jovica Stanisic,

ATTENDU que la Défense s’est opposée aux mesures demandées au paragraphe 12 [de la Requête] : mesures visées aux points 2 et 3, concernant la communication de certaines pièces à des témoins potentiels de la défense ; au point 4, concernant la prise de contact avec des témoins à charge ; au point 6, concernant la restitution de pièces à l’issue du procès ; au point 7, concernant l’expurgation de pièces visées par l’obligation de communication prévue à l’article 66 A) i) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement ») et utilisation de nouveaux pseudonymes ; au point 8, concernant la suppression des coordonnées actuelles de témoins dans des pièces visées par la communication en vertu des articles 66 A) i) et 66 A) ii) du Règlement,

VU l’ordonnance (Order) du 3 juillet 2003 par laquelle le Juge de la mise en état a fait droit à la requête déposée le 2 juillet 2003 par l’Accusation aux fins de la prorogation du délai de dépôt des pièces justificatives (Prosecution’s Motion for Extension of Time to Serve Supporting Material), la « Requête aux fins de prorogation de délai », et par laquelle il a levé l’obligation de l’Accusation de communiquer à la Défense dans les 30 jours suivant la comparution initiale de l’accusé toutes les pièces jointes à l’Acte d’accusation lors de la demande de confirmation tant qu’il ne serait pas statué sur la Requête,

ATTENDU qu’aucune date n’a encore été fixée pour la communication visée par l’article 66 A) ii) du Règlement,

ATTENDU que l’article 20 du Statut du Tribunal international (le « Statut ») exige de la Chambre de première instance qu’elle veille à ce que l’instance se déroule dans le plein respect des droits de l’accusé et à ce que la protection des victimes et des témoins soit dûment assurée,

ATTENDU que l’article 21 2) du Statut reconnaît à l’accusé le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l’article 22 du Statut,

ATTENDU, en particulier, que l’on peut adéquatement répondre aux mesures demandées par l’Accusation aux points 2 et 3 du paragraphe 12 Sde la RequêteC, et aux objections de la Défense à leur égard, par une communication restreinte, comme le prévoit la présente décision, et que la mesure demandée par l’Accusation au point 4 ne saurait convenir qu’aux témoins protégés en l’espèce ou dans d’autres affaires,

ATTENDU que, sauf disposition contraire dans la présente décision, les mesures de protection demandées sont nécessaires et appropriées tout en étant compatibles avec les droits de l’accusé,

ATTENDU que la non-divulgation ordonnée dans la présente décision s’applique à tous les membres des équipes de la Défense et que le conseil principal doit donc veiller à ce que tous les membres de son équipe s’y conforme pendant et après leur participation au procès, de telle sorte que la mesure demandée par l’Accusation au point 5 du paragraphe 12 Sde la RequêteC est inutile,

EN APPLICATION des articles 20, 21 2) et 22 du Statut et des articles 54, 69 et 75 du Règlement,

FAIT partiellement droit à la Requête et ORDONNE comme suit :

  1. L’Accusation dispose de quatorze jours pour communiquer à la Défense une copie non expurgée des pièces justificatives jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation à moins qu’elle n’ait déposé avant l’expiration de ce délai : a) une déclaration attestant i) que les pièces ont été communiquées sous une forme identique à celle des copies fournies au juge chargé de la confirmation ou ii) que les pièces n’ont été expurgées qu’en vertu des mesures de protection déjà accordées dans le cadre d’autres instances devant le Tribunal international, et donnant le détail de ces mesures de protection (dans un document ex parte si nécessaire) ; ou b) une demande de mesures de protection pour chacun des témoins en faveur duquel une expurgation ou l’utilisation d’un pseudonyme est demandée,
  2. La Défense s’abstiendra de porter à la connaissance du public toute information confidentielle transmise par l’Accusation en application des articles 66 A) i), 66 A) ii) et 68 du Règlement, notamment les noms, les éléments d’identification et les coordonnées des témoins et témoins potentiels, ainsi que leurs éléments de preuve, déclarations écrites ou la teneur de celles-ci, excepté lorsque cette divulgation à certains membres du public est, selon l’accusé, son conseil ou ses représentants, directement et spécifiquement nécessaire à la préparation et à la présentation de la cause de l’accusé,
  3. Si la Défense, ses représentants ou assistants souhaitent entrer en contact avec l’un quelconque des témoins protégés, elle en informe l’Accusation de manière à lui permettre de prendre les dispositions nécessaires en prévision de ce contact, pour autant que ledit témoin y soit disposé,
  4. Toutes les pièces confidentielles communiquées à la Défense seront restituées au Greffe ou détruites à l’issue de la procédure,

REJETTE comme prématurée la mesure demandée au point 8) du paragraphe 12 Sde la RequêteC concernant l’expurgation de pièces visées par l’obligation de communication prévue à l’article 66 A) ii) du Règlement,

ORDONNE à l’Accusation de déposer au plus vite une demande spécifique pour chacun des témoins potentiels en faveur duquel elle demande pareille mesure de protection.

Dans le cadre de la présente décision, le « public » désigne les personnes, gouvernements, organisations, entités, usagers, associations et groupes autres que les Juges du Tribunal, le personnel du Greffe, le Procureur et ses représentants, les accusé en l’espèce, les conseils de la Défense, assistants juridiques et autres membres des équipes de la Défense, ainsi que leurs assistants ou représentants. Le « public » désigne également, sans s’y limiter, la famille, les amis et les relations des accusés, les accusés et les conseils de la Défense dans d’autres affaires ou actions portées devant le Tribunal, et les médias et journalistes.

La « Défense » désigne uniquement les accusés, Jovica Stanisic et Franko Simatovic, leurs conseils, leurs assistants juridiques et toute personne expressément commise par le Greffier du tribunal à chacune des équipes de la Défense.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
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O-Gon Kwon

Le 1er août 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]