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1 Le mercredi 10 juin 2009
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé Simatovic est introduit dans le prétoire]
5 [L'accusé Stanisic est absent]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 30.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite une bonne journée à tous.
8 Madame la Greffière, veuillez, s'il vous plaît, citer l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
10 Mesdames les Juges. Donc il s'agit de l'affaire
11 IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic et Franko Simatovic.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
13 Donc, pour être bref, je tiens juste à dire que nous avons ici dans le
14 prétoire Mme Brehmeier-Metz et M. Groome pour l'Accusation.
15 Nous avons Me Jordash pour la Défense de M. Stanisic, et Me Jovanovic pour
16 la Défense de M. Simatovic.
17 M. Simatovic est aussi dans le prétoire; en revanche, M. Stanisic n'est pas
18 là.
19 Un rapport a été déposé aujourd'hui par l'adjoint du directeur du quartier
20 pénitentiaire, M. Hansen. Il fait donc rapport de ce qu'il a observé dans
21 le cadre de ses communications avec M. Stanisic. L'essentiel est que M.
22 Stanisic se déclare incapable de venir en prétoire, qu'il ne veut pas
23 renoncer à son droit d'être présent en revanche, mais qu'il ne veut pas
24 utiliser non plus les moyens vidéo qui sont mis à sa disposition.
25 Donc nous avons un document, un certificat signé par M. Stanisic qui
26 explique qu'il ne peut pas assister aux débats du fait de sa santé, qui est
27 mauvaise. Il en a parlé avec son conseil. En revanche, il n'a pas rempli la
28 case par laquelle il pourrait dire qu'il comprend qu'il a le droit à être
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1 présent à son procès et qu'il renonce à ce droit. Il n'a pas coché cette
2 case.
3 De plus, sur la deuxième page de ce rapport certifiant son absence
4 dans le prétoire, nous avons cette deuxième page qui a été remplie et
5 signée par le Dr Eekhof, et un rapport du Dr Eekhof en date du 10 juin
6 2009, envoyé au Greffier du TPIY. Je vais vous résumer ce rapport. Il nous
7 dit qu'il n'y a pas eu de modifications dans la situation. C'est à peu près
8 l'esprit du rapport.
9 Une fois ce rapport reçu, les équipes de la Chambre de première instance
10 ont demandé aux parties s'ils avaient des questions à poser au Dr Eekhof;
11 il semble que non, et de ce fait, la Chambre de première instance n'a pas
12 jugé utile de demander au Dr Eekhof d'être en stand-by puisque la Chambre
13 de première instance, non plus, n'a pas de questions à lui poser.
14 Vous avez des questions à ce propos ? Je vois que M. Groome n'en a pas, Me
15 Jordash, non plus, ni Me Jovanovic.
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre de première instance décide
18 donc que nous allons poursuivre nos débats en l'absence de M. Stanisic pour
19 des raisons identiques à celles qui ont été utilisées hier. Et d'ailleurs,
20 les parties vont recevoir tout ceci par écrit, mais la situation n'ayant
21 pas changé, la décision reste identique.
22 Donc, hier, la décision de la Chambre a peut-être été une surprise
23 pour M. Stanisic, c'est pour cela que nous lui avons donné 15 minutes pour
24 savoir s'il voulait débat par téléconférence. Mais aujourd'hui, les choses
25 sont différentes. Donc, M. Stanisic pouvait s'attendre à ce que la Chambre
26 de première instance prenne exactement la même décision qu'hier, donc, il a
27 déjà dit qu'il ne voulait absolument pas avoir recours à la téléconférence,
28 il ne sert à rien de lever la séance pour le mettre au courant.
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1 Maître Jordash, je pense que vous trouvez que c'est équitable, n'est-
2 ce pas ? Enfin, au moins la décision.
3 M. JORDASH : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons donc maintenant
5 poursuivre.
6 Monsieur Groome.
7 M. GROOME : [interprétation] Ecoutez, avant de donner la parole à Mme
8 Brehmeier-Metz, je tiens à vous dire que les problèmes techniques ont été
9 résolus, donc nous allons pouvoir non seulement voir les vidéos et aussi
10 entendre les vidéos. Je tiens à remercier notre technicien, qui est resté
11 hier soir pour résoudre ce problème. Nous avons aussi distribué des
12 versions papier des présentations pour la Chambre et pour la Défense, étant
13 donné que la présentation PowerPoint ne marchait pas très bien hier. Et
14 maintenant, je vais donner la parole à Mme Brehmeier-Metz pour qu'elle
15 poursuive ses propos liminaires.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez. Les cabines ont-ils reçu les
17 copies papier de tout ce qui est dit dans les vidéos ?
18 M. GROOME : [interprétation] Ils ont les PowerPoint, et donc, sur les
19 planches, il y a quand même le compte rendu.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais d'habitude, il y a une
21 traduction en anglais de ce qui est dit dans les vidéos, n'est-ce pas ?
22 M. GROOME : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
24 M. GROOME : [interprétation] Absolument.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nos interprètes sont là pour traduire ce
26 qui est dit depuis l'original. Ils ne sont pas là pour lire une traduction
27 qui a déjà été faite, à moins, bien sûr, que ce soit une traduction du
28 CLSS, une traduction qui satisfait à tous les critères en vigueur dans ce
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1 Tribunal.
2 M. GROOME : [interprétation] Dans les vidéos, la personne parle en B/C/S,
3 sortir telle que, et pour ce qui est de la traduction en anglais, c'est aux
4 traducteurs, c'est aux interprètes de voir.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qui a fait la traduction ?
6 M. GROOME : [interprétation] Certaines sont des traductions qui viennent du
7 CLSS, et d'autres sont des projets de traduction uniquement.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, mais sachez que nous travaillons
9 uniquement en nous basant sur l'interprétation et les traductions faites
10 par le CLSS. Bon, je pense que les interprètes sont parfaitement d'accord
11 pour lire une traduction qui aurait été faite par quelqu'un du CLSS,
12 puisque c'est la même qualité de traduction qui s'applique. En revanche, il
13 y a les traductions, des projets de traduction uniquement, ou des
14 traductions provisoires, dans ce cas-là, les interprètes doivent avoir le
15 document dans l'original. C'est ce que j'ai demandé hier, d'ailleurs. J'ai
16 demandé bien précisément qu'on ait la transcription papier de l'original
17 qui soit disponible afin que les interprètes, comme je l'ai dit hier,
18 puissent vérifier premièrement si ce qui est prononcé à l'écran est bien la
19 même chose que ce qui a été transcrit sur papier, et que l'autre
20 interprète, pendant ce temps-là, puisse traduire à partir des mots écrits
21 sur la transcription. Sinon, je serai un peu réticent, quand même. Je ne
22 pense pas pouvoir leur demander de faire grand-chose de plus. Ils sont là
23 pour traduire les mots qui ont été transcrits, mais pour vérifier aussi si
24 c'est bien conforme à l'original. Ainsi, nous aurons des traductions en
25 français et en anglais qui sont vérifiées et certifiées.
26 Je vous ai demandé hier de fournir des copies papier aux cabines
27 d'interprètes, des transcriptions des vidéos.
28 M. GROOME : [interprétation] En effet, vous me l'avez demandé.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous n'avez pas bien
2 compris ce que je vous ai demandé hier.
3 M. GROOME : [interprétation] Ecoutez, j'étais en train de résoudre le
4 problème technique, plutôt. Certes, Monsieur, nous avons une séquence vidéo
5 de M. Seselj. Sa traduction est sur la vidéo. La Défense l'a depuis un an,
6 de toute façon, et jusqu'à présent, on n'a pas contesté la fiabilité de la
7 traduction. Je pense qu'elle vient du CLSS, d'ailleurs. Enfin, je vais
8 vérifier.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, vérifiez. Merci. Car sachez que
10 nous sommes parfaitement satisfaits de la qualité de l'interprétation.
11 Maintenant, nous allons commencer, et essayez quand même de voir si vous
12 pouvez trouver des transcriptions en B/C/S des vidéos.
13 Ce qui m'inquiétait, ce n'était pas vraiment de savoir si la Défense avait
14 reçu ces documents, mais pour être sûr que le compte rendu soit
15 parfaitement complet. En effet, si jamais il doit y avoir un appel, il faut
16 que le compte rendu soit absolument impeccable.
17 Madame Brehmeier-Metz, c'est à vous. Vous allez reprendre.
18 Mme BREHMEIER-METZ : [interprétation] Oui, en effet.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
20 Mme BREHMEIER-METZ : [interprétation] Donc, bonjour Monsieur le Président,
21 bonjour Mesdames les Juges.
22 Hier, j'ai fini en vous présentant la thèse juridique de l'Accusation en ce
23 qui concerne les incidents qui ont eu lieu en SAO Krajina. Maintenant,
24 deuxième région dont nous allons parler et qui est couverte dans l'acte
25 d'accusation, il s'agit de la Slavonie orientale. Donc, le Parti
26 démocratique serbe, le SDS, a été créé en Slavonie en 1990. Tout comme dans
27 les autres régions de Croatie, des tensions ont commencé à croître en
28 Slavonie pendant toute l'année 1990, et en janvier 1991, le Conseil
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1 national serbe, le SNC, de Slavonie, Baranja et du Srem occidental, auquel
2 nous allons faire référence maintenant par le sigle SBSO, donc ce Conseil
3 national serbe a été créé. Donc, le SNC a déclaré que les Serbes de Croatie
4 étaient un peuple souverain qui avait le droit à l'autonomie, et ce, en
5 février 1991. La région est sur cette carte que l'on trouve à la planche 75
6 [comme interprété].
7 Donc, lors d'une réunion à Backa Palanka, de l'autre côté de la rivière
8 Danube en Serbie, les représentants de tous les villages serbes du SBSO ont
9 formé ce qui a été appelé la Grande assemblée nationale du SBSO. Le 25 juin
10 1991, le jour même où la Croatie et la Slovénie ont déclaré leur propre
11 indépendance, cette Grande assemblée nationale a fait sécession de Croatie
12 et a créé la Région autonome serbe du SBSO, donc le SAO SBSO. Goran Hadzic,
13 qui jusque-là avait été président du Conseil national serbe, a été élu
14 premier ministre, a été désigné premier ministre.
15 La SAO de Slavonie occidentale, a été créée, elle, en août 1991. Mais cette
16 entité ne va pas jouer un rôle prépondérant dans nos débats. Il suffit de
17 dire, en revanche, qu'en février 1992, la SAO de Slavonie occidentale, avec
18 la SAO SBSO, a rejoint la SAO Krajina et, de ce fait, la République de
19 Krajina serbe a été créée.
20 Goran Hadzic, que l'on voit ici à la planche 56, était l'homme politique le
21 plus éminent de la SAO SBSO autoproclamée. Il avait été membre fondateur et
22 président du Conseil national serbe et a été élu premier ministre, désigné
23 à ce poste, le 25 septembre 1991, et donc a obtenu ce poste de premier
24 ministre de la SAO SBSO, donc le 25 septembre 1991.
25 Lorsque les trois SAO de Croatie se sont combinées pour faire la RSK,
26 en février 1992, il est devenu président de cette nouvelle entité et resté
27 à ce poste jusqu'à décembre 1993, date à laquelle Milan Martic a repris les
28 rênes. Comme tous les hommes politiques de Krajina, la direction de cette
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1 nouvelle entité de la SAO SBSO ne faisait rien sans avoir d'abord demandé
2 et eu des consultations avec Belgrade. Hadzic se rendait souvent à Belgrade
3 pour rencontrer à la fois Slobodan Milosevic et Jovica Stanisic. On lui
4 donnait des consignes sur ce qu'il convenait de faire. Lorsqu'il est revenu
5 à Dalj, il rassemblait les commandants de la police et de la TO et très
6 souvent mentionnait ce que Milosevic lui avait dit.
7 Au cours d'une conversation téléphonique avec Karadzic du 14 décembre
8 1991, et qui a été interceptée, Stanisic a déclaré entre autres, le 14
9 décembre 1991, Stanisic a dit, entre autres :
10 "J'ai du mal à convaincre Hadzic de ne pas y aller…"
11 Donc ce qui indique encore les liens extrêmement étroits avec la direction
12 politique de la SAO SBSO.
13 Tout comme la Krajina, la SAO SBSO n'avait pas assez d'argent et de
14 ressources. C'est le gouvernement de la Serbie qui fournissait à la région
15 tout ce dont elle avait besoin. Au cours des réunions régulières qu'il
16 avait avec Jovica Stanisic, Hadzic abordait toujours la question de
17 l'équipement de ses forces de police, et Stanisic faisait en sorte que ces
18 forces de police reçoivent ce dont ils avaient besoin.
19 Jovica Stanisic n'exerçait pas seulement son influence au cours des
20 réunions qu'il avait à Belgrade avec Hadzic ou ailleurs, d'ailleurs en
21 Serbie, il s'est aussi personnellement rendu en Slavonie orientale. Vers
22 les 19 ou 20 septembre 1991, il est arrivé à Dalj. Nous allons montrer des
23 preuves comme quoi Stanisic hurlait sur les gens et était furieux parce que
24 Vukovar, qui était assiégée par la JNA à l'époque, ne s'était pas encore
25 rendue.
26 Le témoin que nous présenterons nous rappellera que Stanisic leur avait
27 fait remarquer qu'il possédait tous les équipements nécessaires pour
28 capturer la ville. Il a ordonné à Hadzic de venir à Dalj pour une réunion,
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1 et ce, avec tous les commandants de la TO. La réunion a bel et bien eu lieu
2 avec Stanisic, Hadzic, et d'autres. En octobre 1991, comme on le voit à
3 cette planche 57, Stanisic est venu rendre visite au général Aradjelovic,
4 avec deux membres des Bérets rouges, Bozovic et Ivanovic, Crnogorac.
5 La personne qui a organisé cette réunion était Radovan Stojicic, aussi
6 connu sous le nom de Badza, c'est un membre du MUP serbe qui par la suite
7 est devenu vice-ministre de l'Intérieur de la République de Serbie. A la
8 planche 58, on voit le résumé de ce que l'on sait à son propos. Stojicic
9 était à la tête de l'unité antiterroriste, donc là il s'agit du MUP de
10 Serbie depuis la fin des années 1980.
11 Il est venu au SAO de la SBSO en fin septembre 1991, après la venue de
12 Stanisic à Dalj où il s'était plaint de la situation de Vukovar. Nous
13 allons vous demander de conclure que bien que selon l'organigramme du
14 ministère serbe de l'Intérieur Stojicic n'était pas subordonné à Stanisic,
15 il a quand même été envoyé par Stanisic pour s'assurer que les forces de
16 police locale fonctionneraient selon les désirs de la direction. Il l'a
17 envoyé là-bas aussi pour aider à poursuivre le plan de l'entreprise
18 criminelle commune qui, bien sûr, comprenait la chute de Vukovar. De fait,
19 Stojicic qui était membre donc du ministère des Affaires de l'Intérieur de
20 Serbie a ensuite été nommé commandant de la TO de la SAO de la SBSO au
21 début de l'automne 1991.
22 Cette planche 59 vous montre des photographies qui ont été prises lors de
23 ses obsèques, les obsèques de Stojicic. On voit Milosevic et Arkan, très
24 proches, présentant leurs condoléances, et à droite, on voit Stanisic qui
25 lui aussi était présent à ces obsèques.
26 Un autre membre du MUP serbe qui a atteint une certaine importante au sein
27 du SAO de la SBSO est Radoslav Kostic, connu aussi sous le nom de Kola ou
28 de Ante. Kostic était un agent de la DB depuis le début de l'année 1991.
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1 Sur la planche numéro 60, on voit une autre séquence de la vidéo de Kula,
2 qui date donc de 1997, au centre d'instruction qui justement a été baptisé
3 du nom de Radoslav Kostic. Et Stanisic rend hommage à son camarade en
4 déposant une gerbe sur sa tombe. La DB serbe avait été impliquée dans le
5 transport d'armes depuis les casernes de la JNA à Bubanj Potok au sud de
6 Belgrade jusqu'à Borovo Selo, et ce, dès le début avril 1991. C'était
7 Kostic qui surveillait le transport des armes. Nous allons vous montrer les
8 éléments de preuve selon lesquels des quantités énormes d'armes arrivaient
9 de Serbie dans cette réunion au mois de juin 1991. Les armes appartenaient
10 à la JNA, et l'approvisionnement se faisait par le biais de la DB de Novi
11 Sad, et Kostic s'occupait de superviser le tout.
12 Kostic a aussi été impliqué dans la création de la milice du SAO de la
13 SBSO; il a supervisé la livraison de leurs équipements et de leurs armes
14 par le biais de la DB de Novi Sad. En septembre 1991, il est allé avec
15 Jovisa Stanisic à Dalj. A la planche 61, on voit les montants financiers
16 qui ont été donnés par la Serbie. Il est bon de remarquer qu'il était
17 reconnu que tout ceci se faisait sans aucun fondement juridique, mais que
18 néanmoins il était prévu que cette assistance se poursuive.
19 Maintenant, un autre intermédiaire entre la direction politique du SAO de
20 la SBO et Belgrade était sans doute le chef paramilitaire le plus connu de
21 toute la guerre : Zeljko Raznjatovic, connu sous le nom d'Arkan. Il avait
22 commencé sa carrière, si je puis dire, dans les années 1980, où il avait
23 commis un grand nombre de crimes graves dans toute l'Europe. Arkan était un
24 supporter fanatique du club de foot le Red Star de Belgrade, et avait
25 assemblé un groupe très étendu, ou des gangs violentes. En 1990, en se
26 servant des membres de ce groupe, il a créé une unité paramilitaire appelée
27 la Garde de volontaires serbes ou appelée de façon plus connue les hommes
28 d'Arkan, qui avaient d'ailleurs une sous-unité d'élite qui était les Tigres
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1 d'Arkan. C'étaient ces groupes qui terrorisaient les civils et non-Serbes
2 dans la SAO de la SBSO et par la suite aussi en Bosnie. Arkan promouvait la
3 commission de crimes de guerre. Il le faisait ouvertement et il le
4 promouvait auprès des hommes qu'il entraînait.
5 Donc son second était une autre personne que nous avons déjà présentée,
6 Milorad Ulemek, qui s'appelait aussi Legija. C'était, en fait, une force
7 d'assaut, la force d'assaut de la JNA, qui préférait quand même que les
8 crimes illégaux perpétrés contre la population soient commis par des gens
9 comme Arkan.
10 Arkan avait une relation extrêmement étroite avec le MUP de Serbie. Son
11 unité était équipée par le MUP et il déclarait d'ailleurs qu'il ne ferait
12 rien sans que Jovica Stanisic en soit au courant et sans qu'il ait reçu
13 d'ordre de Jovica Stanisic. Quelques jours après la prise de Dalj, Arkan
14 s'est rendu à Borovo Selo avec quelques-uns de ses hommes, il les a
15 présentés comme étant membres de la DB serbe, et il a montré sa carte
16 d'identité, qui était une carte d'identité de la DB serbe.
17 Un grand nombre des Tigres d'Arkan ont ensuite été transférés au sein de
18 l'unité spéciale de la DB serbe, c'est-à-dire les Bérets rouges, aussi
19 appelés la JATD, l'Unité chargée des opérations antiterroristes, et ils
20 étaient payés directement par la DB. A la planche 64, on voit l'une de ces
21 listes d'ailleurs, qui porte sur le mois de décembre, du 16 au 31 décembre
22 1994, où on voit le nom de membres connus des Tigres d'Arkan, comme Milorad
23 Ulemek, Legija; Rade Rakonjac, qui est le numéro 3 sur cette liste;
24 Jugoslav Gluscevic, qui se trouve à la ligne numéro 13; et Vlado Vukotic,
25 qui se trouve à la ligne 31. J'ai expurgé certains passages de ces feuilles
26 de paye, car elles contiennent des noms de témoins protégés qui vont
27 témoigner devant vous. Mais ces fiches de salaire serviront pour corroborer
28 les éléments de preuve qu'ils nous présenteront.
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1 A la planche numéro 65, nous avons un passage, le passage d'un rapport qui
2 détaille le type d'instructions qui étaient données dans les centres
3 d'instruction des unités spéciales de la DB serbe. J'aimerais que l'on voit
4 une séquence très courte où Arkan, qui parle en anglais, décrit quelle est
5 la politique de son unité en ce qui concerne les soldats capturés.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
8 "On ne prend plus de prisonniers. On va tuer tous les soldats fascistes
9 qu'on attrape."
10 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
11 Mme BREHMEIER-METZ : [interprétation] Il existe d'autres rapports
12 militaires, tels que celui que l'on peut voir à la planche numéro 66 dont
13 l'Accusation va demander le versement au dossier, qui montre combien Arkan
14 était connu pour sa brutalité et son comportement criminel, ce que savaient
15 non seulement les non-Serbes qui ont fui sous l'effet de la terreur dès que
16 son nom était prononcé, mais également la JNA, des responsables politiques
17 serbes, et ce qui est encore plus important à l'appui de la thèse de
18 l'Accusation en l'espèce, ceci était connu également de Jovica Stanisic et
19 de Franko Simatovic.
20 Globalement, la SAO de la SBSO n'a jamais été une entité indépendante. Vous
21 entendrez des témoins indiquant que Slobodan Milosevic exerçait un contrôle
22 sur Hadzic par le biais d'Arkan et de Stojicic, et que le lien entre ces
23 hommes et Belgrade était représenté par Jovica Stanisic.
24 Depuis la fin des années 1990, nombre d'anciens membres de la milicija, à
25 savoir des forces de police, avaient quitté leurs fonctions pour créer leur
26 propre groupe de la milicija qui fonctionnait indépendamment et en
27 l'absence de toutes justifications juridiques. En juillet 1991, Goran
28 Hadzic, ainsi que Radoslav Kostic, se sont efforcés d'organiser ces
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1 groupes. Kostic est resté le point de contact pour la milicija et a assuré
2 l'approvisionnement de ces groupes en répondant à leurs besoins.
3 Au fil du temps, toutefois, il est devenu évident qu'Arkan avait acquis une
4 telle puissance à Erdut et à Dalj, et que ses hommes au sein de la milicija
5 qui ne se rangeaient pas à ses côtés mettaient leur vie en danger. Il y en
6 a un grand nombre qui ont rejoint Arkan et commis les crimes qui ont eu
7 lieu par la suite dans cette région.
8 Aux environs de l'été 1991, Hadzic a créé une unité spéciale qui, au
9 départ, était censée assurer sa sécurité. Finalement, cette unité a été
10 rebaptisée, elle est devenue connue sous le nom de Sécurité nationale
11 serbe, et a été transformée en unité spéciale dont les pouvoirs étaient
12 très spécifiques. Elle était censée être l'équivalent des unités spéciales
13 de la Sûreté de l'Etat serbe. Goran Hadzic en était le commandant suprême.
14 Parmi les hommes qui avaient une importance au sein du SNB
15 Mihajlo Ulemek, l'oncle de Legija. Il était membre des Tigres d'Arkan et
16 dirigeait le service de sécurité au sein du SNB
17 servait pas uniquement de groupe assurant la sécurité des membres du
18 gouvernement. Pendant le présent procès, nous allons présenter des éléments
19 de preuve qui montreront que le SNB, ainsi que les Défenses territoriales
20 locales, la milicija, et avant tout les hommes d'Arkan, ont participé à la
21 commission de crimes graves et d'atrocités perpétrées dans la région à la
22 fin de l'année 1991, ainsi qu'au début de l'année 1992.
23 Au mois d'août 1991, Arkan a créé un centre d'entraînement à Erdut, qui a
24 servi non seulement à entraîner les membres de son groupe paramilitaire,
25 mais également des volontaires, ainsi que des membres de la Défense
26 territoriale. Ce centre d'entraînement était bien équipé. Un rapport de la
27 fin du mois d'octobre 1991 évoque, je cite : "…des livraisons très
28 importantes de diverses armes d'infanterie, de lance-grenades, de grenades
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1 à main, de lance-roquettes multiples Zolja, et cetera, qu'Arkan distribue à
2 quiconque souhaite en prendre possession."
3 Arkan, cependant, ne dirigeait pas le seul centre d'entraînement
4 existant dans la région. En décembre 1991, la Sûreté de l'Etat serbe a créé
5 son propre centre d'entraînement non loin d'Ilok, de l'autre côté de la
6 frontière par rapport à Backa Palanka. Ce centre d'entraînement, dont on
7 parlera parfois en l'appelant le centre de Pajzos, a servi de camp
8 d'entraînement de la Sûreté d'Etat serbe, aussi bien pour entraîner les
9 Bérets rouges que des volontaires. Et il est évoqué très spécifiquement
10 dans le discours prononcé par Franko Simatovic à Kula, en 1997. Crnogorac,
11 le Monténégrin, était à la tête de ce camp, et Franko Simatovic rendait des
12 visites régulières à ce camp d'entraînement.
13 L'Accusation accuse Jovica Stanisic et Franko Simatovic d'être les
14 responsables centraux de sept incidents survenus à Erdut et à Dalj entre
15 septembre 1991 et juillet 1992. En conséquence de ces incidents, les civils
16 non-serbes ont été déplacés sous la contrainte hors de leurs domiciles, et
17 au total 107 personnes ont été tuées simplement parce que leur appartenance
18 ethnique n'était pas serbe. Les hommes d'Arkan et la police locale ont mis
19 en place des centres de détention de fortune où ils ont ensuite maintenu en
20 détention ces civils non-serbes dans des conditions de vie inhumaines, et
21 ce, pour la raison unique que ces civils n'étaient pas Serbes. Les détenus
22 étaient sans cesse frappés et menacés de mort pendant les interrogatoires
23 qu'ils ont subis.
24 Dans le cadre de ce propos liminaire, l'Accusation ne va pas décrire
25 les sept incidents en question dans le détail; deux d'entre eux seront
26 toutefois cités à titre d'exemple pour démontrer de quelle façon les
27 événements survenus dans la SAO de la SBSO se sont déroulés.
28 Le premier incident qui fait l'objet d'une charge retenue contre les
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1 accusés a eu lieu à la mi-septembre 1991. Goran Hadzic en personne a amené
2 un certain nombre de civils croates au QG de la police à Dalj. Pour les
3 détenus, l'existence s'est transformée en enfer. Chaque nuit, mais
4 également pendant la journée, certains d'entre eux étaient extraits de
5 leurs cellules et roués de coups. Vous entendrez l'un de ces détenus, qui
6 viendra témoigner devant vous pour décrire ce qui se passait à votre
7 intention, il vous dira qu'à un certain moment, un homme a donné des coups
8 de pied dans la porte de sa cellule, a fracturé la serrure et a pénétré
9 dans la cellule. Il a dit aux détenus, je cite : "Je tiens à ce que vous
10 sachiez que je suis Arkan," et a continué à regarder ce qui se passait
11 pendant que trois hommes qui l'accompagnaient se sont mis à frapper les
12 prisonniers à l'aide de chaises métalliques.
13 Aux environs du 23 septembre 1991, Hadzic et Arkan sont revenus au
14 centre de détention de Dalj. Arkan était accompagné d'une vingtaine de
15 membres de sa garde des volontaires serbes. Ils ont sélectionné deux civils
16 parmi les détenus, qu'ils ont laissés partir. Les autres détenus, au nombre
17 de 11, ont ensuite été extraits de leurs cellules et tués par Arkan et ses
18 hommes. Immédiatement après, le commandant du poste de police de Dalj, qui
19 était Serbe, a dénoncé cet incident auprès du ministère. Son rapport figure
20 à la planche numéro 68. Il a été démis de ses fonctions le 1er octobre 1991.
21 Le 9 novembre 1991, des membres de la Défense territoriale locale,
22 les forces de la Région autonome serbe de la SBSO, les forces de police de
23 la SAO de la SBSO et des membres des hommes d'Arkan ont arrêté au moins
24 neuf civils non-serbes à Erdut et dans ses environs, qu'ils ont emmenés au
25 centre d'entraînement de la Défense territoriale d'Erdut, où ils les ont
26 abattus à coups d'arme à feu le lendemain. Plusieurs jours plus tard, la
27 veuve de l'un de ces hommes abattus a commencé à poser des questions au
28 sujet du sort de son mari. Mihajlo Ulemek est intervenu et a ordonné
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1 l'exécution du reste de la famille, et à ce moment-là, les membres du SNB
2 et des membres des hommes d'Arkan ont arrêté et tué la veuve, son fils, et
3 l'épouse de son fils.
4 Une autre veuve de ces hommes qui avaient été tués le 10 novembre a
5 posé des questions au sujet du sort de son mari. Le 3 juin 1992, elle a été
6 arrêtée par les membres du SNB, qui l'ont emmenée à Erdut, l'ont tuée, et
7 ont ensuite jeté son cadavre dans un puits abandonné sur le mont de Dalj.
8 L'Accusation, dans sa thèse résumée sur la planche numéro 69, dira à
9 la Chambre que Jovica Stanisic et Franko Simatovic ont participé à cette
10 entreprise criminelle conjointe visant à déplacer par la force les Croates
11 et autres non-Serbes des territoires visés comme devant faire partie de la
12 SAO de la SBSO par le biais d'organisation, d'entraînement et de
13 financement des auteurs directs des crimes commis en Slavonie orientale.
14 Ils ont également contribué à la réalisation de ce plan conjoint en
15 exerçant une énorme influence et en donnant des indications, des
16 renseignements au gouvernement de la SAO de la SBSO, et à Goran Hadzic en
17 particulier qui, ensuite, délivrait des ordres pour que les crimes soient
18 commis.
19 Comme nous l'avons vu, l'ouragan qui était censé balayer de la route
20 tout ce qui n'était pas serbe a démarré dans le sud de la Croatie, dans la
21 Krajina, et à partir de là, il s'est déplacé vers la Slavonie orientale, où
22 il a atteint sa puissance culminante à la fin de 1991. Les forces serbes
23 ont dès lors consacré leur attention à la Bosnie orientale qui se trouve à
24 la frontière entre la Croatie et la Serbie, et les premières municipalités
25 qui en ont pâti ont été Bijelina et Zvornik.
26 Pour comprendre comment l'entreprise criminelle conjointe a mis en
27 œuvre son programme en Bosnie, les Juges de la Chambre devront se rendre
28 compte du caractère unique de la Bosnie parmi les six anciennes républiques
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1 de la Yougoslavie. Les Juges de la Chambre devront comprendre pourquoi la
2 Bosnie était associée à des défis différents s'agissant de l'application de
3 l'entreprise criminelle commune et de ses objectifs, et pourquoi la Bosnie
4 a souffert une tragédie, étant donné les crimes commis pendant la guerre
5 sur son territoire, qui ont compté parmi les crimes les plus graves.
6 En termes simples, il est permis de dire que la caractéristique qui
7 rend la Bosnie unique et qui doit absolument être comprise, c'est qu'à la
8 différence des autres anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie, qui
9 avaient des populations minoritaires importantes, il y avait en Bosnie des
10 poches de population importantes qui étaient totalement disconnectées du
11 reste de la Bosnie et qui étaient dispersées un peu partout dans la Bosnie,
12 dans une espèce de puzzle, étant donné que certaines communautés pouvaient
13 être comparées à des îlots ethniques dans une mer dominée par un autre
14 groupe ethnique que le leur. Ce que les historiens et d'autres observateurs
15 ont défini comme susceptible de démontrer l'intégration pacifique entre
16 différents groupes ethniques et entre différentes cultures va s'avérer un
17 facteur posant un problème particulier aux membres de l'entreprise
18 criminelle commune.
19 Quel plan ont-ils donc décidé de mettre en place pour briser ce
20 patchwork de groupes ethniques différents et forger une région qui pourrait
21 être ensuite dominée par les Serbes ? On trouve dans un document quelque
22 chose qui explique l'organisation de ce plan.
23 Avant de me pencher sur ce document et sur ce qui s'est passé en
24 Bosnie, j'aimerais consacrer toutefois quelques minutes et quelques mots à
25 une population qui a joué un rôle tout à fait central dans les crimes
26 commis en Bosnie.
27 Radovan Karadzic était le premier président du gouvernement serbe de
28 Bosnie qui, ensuite, sera baptisée Republika Srpska. En cette qualité, il
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1 exerçait un pouvoir officiel sur l'armée des Bosno-Serbes et sur la police
2 des Serbes de Bosnie. Il a été mis en accusation par le Tribunal et attend
3 le début de son procès en ce moment. Il a décrit ses intentions très
4 clairement dans une allocution prononcée le 15 octobre 1991 [comme
5 interprété], que vous trouverez à la diapositive numéro 71 :
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
8 "C'est la route que vous voulez que prenne la Bosnie-Herzégovine,
9 c'est la même grande route d'enfer et de souffrances que celle qui a été
10 empruntée déjà par la Slovénie et la Croatie. Ne pensez pas que vous
11 n'allez pas plonger la Bosnie-Herzégovine dans l'enfer et que la population
12 musulmane ne risquera pas une éventuelle extinction, parce que la
13 population musulmane n'aura pas la possibilité de se défendre si la guerre
14 éclate ici."
15 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
16 Mme BREHMEIER-METZ : [interprétation] L'Accusation établira à l'aide
17 d'éléments de preuve interceptés, de documents et de dépositions,
18 l'interaction qui existait entre Jovica Stanisic et le Dr Karadzic, qui a
19 joué un rôle tout à fait central en tant que membre au cœur même de
20 l'entreprise criminelle commune. L'Accusation soumettra aux Juges de la
21 Chambre un certain nombre de conversations interceptées entre M. Stanisic
22 et le Dr Karadzic qui se situeront, pour la plupart, dans la période
23 critique qui va du mois d'août 1991 au mois de février 1992. Dans ces
24 conversations, les Juges de la Chambre entendront ces deux hommes aborder
25 des problèmes politiques de même que des problèmes concrets liés à la mise
26 en œuvre des plans sous-tendant l'entreprise criminelle commune, et ils
27 comprendront que ces deux hommes se rendaient bien compte que l'objet de
28 leurs discussions devait être secret, car dans ces conversations
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1 interceptées, vous les entendrez parler en employant des mots codés, et
2 même par moments, vous les entendrez se rappeler l'un à l'autre
3 l'importance de ne pas en dire trop au téléphone.
4 Dans une conversation interceptée du 14 décembre 1991, Jovica Stanisic dit
5 à Radovan Karadzic qu'il va envoyer ses hommes en Bosnie pour qu'ils
6 s'occupent d'un problème particulier. Stanisic parle souvent aussi de "ses
7 gars", qu'il a déjà envoyés en Bosnie. Et enfin, Stanisic dit au Dr
8 Karadzic qu'il va ordonner à Goran Hadzic, dirigeant serbe de Croatie et
9 plus précisément de Slavonie orientale, il lui ordonne de faire quelque
10 chose.
11 Momcilo Krajisnik, que l'on voit ici sur la planche numéro 72 en compagnie
12 de Biljana Plavsic, était membre de la direction des Serbes de Bosnie
13 pendant la guerre. Il a occupé plusieurs postes politiques importants et a
14 été notamment membre du Conseil de sécurité nationale, membre de la
15 présidence élargie de ce qu'il est convenu d'appeler la République serbe de
16 Bosnie-Herzégovine également. Il a aussi été président de l'assemblée des
17 Serbes de Bosnie, du parlement. Il a été condamné de persécutions en tant
18 que crimes contre l'humanité.
19 Biljana Plavsic était une responsable politique importante des Serbes de
20 Bosnie depuis une période antérieure au conflit et jusqu'à la fin de la
21 guerre. Elle était bien connue pour le caractère extrémiste de son
22 idéologie nationaliste serbe. Elle fut membre de la présidence collective
23 de Bosnie, et a été l'un des trois membres de la présidence de la
24 République serbe, ainsi que membre du commandement Suprême de l'armée des
25 Serbes de Bosnie. Après avoir plaidé coupable par rapport aux crimes de
26 persécutions en tant que crimes contre l'humanité, elle a été condamnée à
27 11 ans d'emprisonnement.
28 Ratko Mladic était un officier de carrière au sein de la JNA, et il est
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1 devenu chef du Grand état-major de l'armée de la Republika Srpska. Il a été
2 mis en accusation par ce Tribunal, et est actuellement en fuite. Il a dit -
3 et on trouve ses propos à la planche numéro 73, je cite :
4 "Les gens et les peuples ne sont pas des pions. Ils ne sont pas non
5 plus comparables aux clés que l'on porte dans sa poche et qu'on peut
6 déplacer d'un endroit à un autre.
7 "Nous ne pouvons pas nettoyer, nous ne pouvons pas non plus sasser
8 ces populations de façon à ne garder que les Serbes et à laisser les autres
9 de côté. Je ne sais pas comment M. Krajisnik et M. Karadzic pourront
10 expliquer cela aux yeux du monde car ce serait un génocide."
11 Un document qui explicite les objectifs poursuivis par les Serbes de Bosnie
12 a été présenté officiellement lors de la 16e Session de l'assemblée de la
13 République serbe de Bosnie-Herzégovine le 12 mai 1992. Ce document présente
14 six objectifs stratégiques assignés au peuple serbe de Bosnie. Dans
15 l'allocution prononcée par M. Simatovic à Kula, ce dernier établit un lien
16 entre les actions des unités spéciales de la DB serbe et la poursuite de
17 ces six objectifs. Le premier objectif que l'on voit défini ici sur la
18 planche numéro 74, consiste à séparer la population serbe des deux autres
19 communautés nationales.
20 L'objectif numéro 2 consiste à créer un corridor entre la Semberija
21 et la Krajina. Les remarques faites par M. Simatovic à Kula, selon
22 lesquelles ces unités ont été impliquées dans "le corridor de Brcko" est
23 une référence au deuxième objectif stratégique, à savoir la création d'un
24 territoire reliant les terres visées par les Serbes dans les parties
25 occidentale et orientale de la Bosnie.
26 Objectif stratégique numéro 3, on le voit décrit ici à la planche
27 numéro 76 : il s'agit de créer un corridor dans la vallée de la Drina pour
28 supprimer le rôle de frontière joué par la Drina. Ce corridor était en fait
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1 une langue de terre assez importante qui englobait la plus grande partie de
2 la moitié orientale de la Bosnie. M. Simatovic parle de la présence de ces
3 unités dans "la Drina."
4 La planche numéro 77 reprend le quatrième objectif stratégique, qui
5 consiste à créer une frontière sur la Una et la Neretva.
6 Cinquième objectif stratégique, la division de Sarajevo. Lorsque M.
7 Simatovic parle d'opérations menées à Sarajevo, c'est à cet objectif
8 stratégique qu'il fait référence.
9 Sixième objectif stratégique : il consiste à donner aux Serbes, à
10 doter les Serbes d'un accès à la mer.
11 En décrivant les crimes commis dans les six municipalités de Bosnie qui
12 font l'objet de charges retenues dans l'acte d'accusation, nous demandons
13 aux Juges de la Chambre de ne pas perdre de vue le fait que les lieux visés
14 par les accusés et les crimes commis par eux avaient pour fins de réaliser
15 les objectifs définis dans ces objectifs stratégiques. S'agissant de
16 l'entreprise criminelle commune, telle qu'appliquée à la Bosnie qui est
17 tout à fait unique sur le plan géographique et démographique, ces objectifs
18 stratégiques sont, de façon très nette, les diverses étapes de la
19 structuration de cette intention partagée qu'avaient les membres les plus
20 importants à l'entreprise criminelle commune.
21 En décembre 1991, un document intitulé "Instructions en vue de
22 l'organisation et de l'action des instances du peuple serbe de Bosnie-
23 Herzégovine dans des circonstances extraordinaires" a été promulgué par les
24 plus hauts représentants du Parti démocratique serbe, le SDS
25 Herzégovine. Ce document est plus connu généralement sous le nom de
26 document présentant les versions A et B, en raison de son contenu. Il
27 décrit les actions à entreprendre par les membres permanents du Parti
28 démocratique serbe, du SDS, et ce faisant, il distingue entre les
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1 municipalités dans lesquelles les Serbes constituent la majorité de la
2 population, qui sont décrites dans le document version A; et les
3 municipalités dans lesquelles les Serbes sont une minorité de la
4 population, celles-ci sont évoquées dans la version B. Finalement, le
5 document comporte des consignes tout à fait précises quant à la façon dont
6 les Serbes de ces municipalités vont devoir se réunir et convoquer une
7 réunion de l'assemblée locale du peuple serbe dans leur municipalité afin
8 de se doter du pouvoir et de reprendre à leur compte les fonctions du
9 gouvernement existant, et en particulier les fonctions de la police et les
10 structures de sécurité.
11 La prise de ces diverses municipalités s'est déroulée en quatre
12 étapes. Première étape, construction d'un système de gouvernance qui est
13 parallèle au gouvernement officiel mais destiné uniquement aux Serbes;
14 deuxième étape, distribution d'armes à la population serbe; troisième
15 étape, prise par la force des armes des municipalités non-serbes; et
16 quatrième étape, nettoyage ethnique, que ce soit par le meurtre ou par
17 l'expulsion des populations non-serbes.
18 Ici, à la planche numéro 80, vous voyez une carte des diverses
19 installations servant à l'entraînement des unités spéciales. Ce que vous
20 voyez en jaune représente les camps créés par les accusés en Bosnie-
21 Herzégovine. Comme vous le voyez, il y a des zones qui sont réservées aux
22 Serbes et qui correspondent aux deuxième, troisième et quatrième objectifs
23 stratégiques; la Bosnie orientale le long de la Drina, la Bosnie
24 septentrionale avec le pont autoroutier entre la Semberija et la Krajina,
25 et la Bosnie méridionale le long de la Una et de la Neretva.
26 Au cours de ce procès, l'Accusation va se limiter à présenter des
27 éléments sur six municipalités seulement parmi ces nombreuses municipalités
28 dont on a ainsi pris le contrôle. Il s'agira de :
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1 (A) Bijeljina, dans le nord-ouest de la Bosnie, nous nous limiterons
2 à présenter des éléments sur le transfert forcé de la population habitant
3 dans cette municipalité.
4 (B) Puis, nous parlerons de Zvornik. Vous trouvez Zvornik dans la colonne
5 de droite, au numéro 6, aussi bien à partir du haut que du bas.
6 (C) La troisième municipalité sera Bosanski Samac, vous voyez sa
7 désignation dans la rangée supérieure à droite.
8 (D) Quatrièmement, Sanski Most, dans le nord de la Bosnie centrale. M.
9 Groome, plus tard, va vous parler des événements survenus en 1995 à Sanski
10 Most.
11 (E) Cinquième municipalité, Doboj, vous trouverez ce nom dans la rangée
12 supérieure, la deuxième à partir de la gauche.
13 (F) Enfin, nous avons Trnovo, à proximité de Sarajevo, les unités spéciales
14 n'ont pas participé à la prise de contrôle de cette zone. Cependant, en
15 juin et en juillet 1995, dans la foulée de Srebrenica, une des unités
16 spéciales de la Sûreté de l'Etat, les Skorpions, a participé aux exécutions
17 qui suivirent la chute de Srebrenica en procédant à l'exécution sommaire de
18 six hommes musulmans.
19 Les unités spéciales de la DB serbe ont participé directement à la prise de
20 contrôle de chacune de ces cinq autres municipalités dont nous ne parlerons
21 pas précisément. Après la prise de contrôle par la violence de ces villes,
22 ceux qui n'étaient pas Serbes, et c'était surtout des Musulmans, ont été
23 forcés de quitter leurs domiciles, leurs terres, et ceci s'est fait par des
24 crimes, par les crimes de persécution également, tout ceci parce qu'on
25 voulait assurer que ce serait les Serbes qui auraient cette zone. Beaucoup
26 des personnes qui n'ont pas été tuées ont été à la pointe du fusil forcées
27 de signer des documents qui transféraient les droits de propriété de leurs
28 terres, pour être ensuite emmenées en car en dehors de la zone. Il y en a
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1 eu d'autres qui furent victimes d'harcèlements incessants, d'actes de
2 persécution qui se présentèrent de diverses façons, arrestations
3 arbitraires, détentions illégales dans des conditions épouvantables,
4 passages à tabac, couvre-feux, et souvent des fouilles agressives, des
5 perquisitions des maisons de personnes qui n'étaient pas Serbes.
6 Pour créer une municipalité serbe et uniquement serbe dans une communauté
7 pacifique et paisible, pluriethnique, c'est quelque chose qu'il est de
8 toute façon difficile d'imaginer. Il faut un gros effort d'imagination pour
9 voir comment il faudrait s'y prendre pour réaliser un tel objectif. Quand
10 on pense notamment à Zvornik, municipalité qui avant la guerre en 1991
11 comptait dans sa population 54,8 % de Musulmans; après la guerre, nous
12 parlons de 1997 et de 1998, il ne restait à Zvornik que 0,6 % de Musulmans.
13 M. Groome va vous donner un aperçu des éléments de preuve concernant
14 cinq municipalités de Bosnie pour lesquelles nous allons présenter des
15 éléments de preuve. Merci, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.
17 Monsieur Groome, vous pouvez reprendre, mais n'oubliez pas d'assurer
18 un bon débit.
19 M. GROOME : [interprétation] Tout à fait, mais nous faisons la pause à
20 quelle heure ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, nous avons une heure et
22 demie de débat, mais nous avons commencé tard aujourd'hui, ce qui veut dire
23 que nous ferons la pause dans 15 ou 20 minutes.
24 M. GROOME : [interprétation] Merci.
25 Le 24 mars 1992, une huitaine de jours avant la prise de contrôle de
26 Bijeljina, Radovan Karadzic déclare ce que vous verrez à la planche 81 :
27 "Bientôt, les municipalités serbes vont commencer le processus de prise de
28 contrôle." La prise de contrôle de Bijeljina et de Zvornik était une
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1 campagne très bien planifiée, bien exécutée.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Jovanovic.
3 M. JOVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais
4 c'était déjà le cas pour l'intervenant précédent. Il nous avait été dit
5 qu'il s'agissait de municipalités bosniaques, et la première à être
6 énumérée, c'est celle de Bijeljina, mais dans le troisième acte
7 d'accusation modifié, on ne retrouve plus Bijeljina. Donc si l'on part du
8 troisième acte d'accusation modifié, les municipalités de Bosnie pour
9 lesquelles on présente des éléments directs seront Bosanski Samac, Doboj,
10 Sanski Most, Trnovo et Zvornik. Donc pas question de parler de Bijeljina.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Jovanovic semble s'inquiéter du fait
12 que vous dépasser le cadre de l'acte d'accusation.
13 M. GROOME : [interprétation] Mme Brehmeier-Metz vous l'a dit, nous avons
14 toujours des chefs qui portent sur le transfert forcé de Musulmans de
15 Bijeljina. C'est vrai, dans le troisième acte d'accusation nous avons
16 abandonné certains chefs particuliers de meurtres, mais jamais celui de
17 transfert forcé. Nous avons toujours été d'avis que les événements survenus
18 à Bijeljina et Zvornik sont tellement imbriqués dans toute la trame de
19 l'acte d'accusation qu'il est absolument nécessaire de parler de ce qui
20 s'est passé à Bijeljina pour comprendre ce qui s'est passé à Zvornik.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jovanovic, contestez-vous le chef
22 de transfert forcé pour ce qui est de Bijeljina dans l'acte d'accusation ?
23 M. JOVANOVIC : [interprétation] Je pourrais comprendre si dans le cadre
24 plus large de Zvornik l'Accusation parle aussi de Bijeljina. Mais dans la
25 troisième mouture de l'acte d'accusation, on n'a pas repris Bijeljina, pas
26 plus que les événements qui s'y sont produits. Ça se trouvait dans les
27 moutures précédentes de l'acte d'accusation. Par conséquent, les événements
28 de Bijeljina ont été abandonnés.
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1 M. GROOME : [interprétation] Je pense que Me Jovanovic parle des
2 paragraphes 64 et 65 du troisième acte d'accusation, fin de ces
3 paragraphes. Soyons clairs, s'agissant des chefs 4 et 5, expulsion et actes
4 inhumains, dont transferts forcés, à ce moment-là, Bijeljina fait toujours
5 partie intégrante de l'acte d'accusation.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vérifier.
7 Mais dans l'intervalle, poursuivez, Monsieur Groome.
8 M. GROOME : [interprétation] La prise de contrôle de Bijeljina et de
9 Zvornik, ce fut une campagne très bien planifiée, très bien exécutée qui
10 s'est déroulée avec précision et à la vitesse de l'éclair, en l'espace de
11 quelques jours à peine. Les unités spéciales de la DB serbe, en
12 l'occurrence les hommes d'Arkan, ont établi un camp en Serbie, juste de
13 l'autre côté de la frontière, face à Bijeljina. Ils étaient prêts à
14 attaquer dès qu'ils recevraient le signal d'attaque à l'aube ou dans la
15 nuit du 31 mars au 1er avril.
16 Bijeljina, comme Zvornik, relevaient du premier objectif le plus important,
17 qui était de séparer les communautés ethniques. Mais ces deux municipalités
18 s'inscrivaient aussi dans les deuxième et troisième objectifs stratégiques,
19 la création d'un corridor dans ces zones convoitées par les Serbes qui se
20 trouvent en Bosnie centrale et en Bosnie occidentale, ainsi que
21 l'établissement d'un corridor serbe dans la vallée de la Drina.
22 Pour écourter la durée du procès, l'Accusation, comme nous venons de le
23 dire, ne va plus chercher à apporter la preuve des assassinats et actes de
24 persécution survenus à Bijeljina. Nous allons nous concentrer sur le crime
25 contre l'humanité d'expulsion et de transfert forcé s'agissant de
26 Bijeljina, il est important de comprendre ce qui s'est passé à Bijeljina,
27 c'est absolument capital si les Juges veulent comprendre qui était Arkan et
28 ce que Stanisic comme Simatovic savaient de lui.
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1 La brutalité dont a fait preuve Arkan à Bijeljina à l'époque, même
2 les officiers généraux de l'armée yougoslave en ont parlé. L'un d'entre eux
3 a compris qu'il y avait là un potentiel effrayant de crimes interethniques
4 inconcevables, comme le montre la planche 83. Dans ce rapport rédigé à
5 l'époque, un général de division de l'armée yougoslave se plaint du fait
6 que ses propres unités blindées voient leurs mouvements limités, restreints
7 par les hommes d'Arkan et par Arkan lui-même.
8 Arkan, qui avait 50 ans, pouvait arrêter une colonne de blindés de la
9 JNA, parce que Arkan était un élément-clé du groupe de personnes qui était
10 à l'origine de ces crimes. Peu de temps après la prise de contrôle de
11 Bijeljina, nous voyons Arkan et Mme Plavsic se saluer, se donner
12 l'accolade, comme vous le voyez à la planche 84.
13 [Diffusion de la cassette vidéo]
14 M. GROOME : [interprétation] C'est à Bijeljina qu'Arkan va se forger sa
15 réputation de brutalité illimitée.
16 La planche 85 vous montre deux photos prises par Ron Haviv, un photographe
17 de guerre. C'est lui qui a montré au monde la brutalité des hommes d'Arkan,
18 et ces photos ont ébranlé le monde. Peu de temps après, Arkan a dit des
19 hommes qui se trouvaient sur ces photos, il parlait à ce moment-là à un
20 correspondant de la BBC, il a dit que c'étaient ses hommes à lui.
21 En raison des efforts déployés par l'entreprise criminelle commune, et
22 c'est important pour l'acte d'accusation sur lequel vous aurez à vous
23 prononcer, il faut comprendre que bon nombre des non-Serbes qui habitaient
24 à Bijeljina ont été forcés de partir ou ont pris la fuite atterrés et
25 terrifiés.
26 Si on peut dire que les deux accusés ne savaient pas les penchants
27 criminels et violents qu'avait Arkan avant Bijeljina, il y a une
28 connaissance incontournable qui était la leur après Bijeljina, c'est
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1 qu'Arkan passait à sa cible suivante : Zvornik.
2 Zvornik est une des villes limitrophes à l'est de la frontière de la
3 Bosnie, séparée de la Serbie par la rivière Drina. Il y avait plusieurs
4 ponts qui enjambaient la Drina et qui reliaient cette ville à Mali Zvornik,
5 qui était la ville jumelle, mais qui se trouvait en Serbie. Des témoins
6 viendront vous parler de la façon dont au cours des semaines qui ont
7 précédé la prise de contrôle de la ville des positions d'artillerie de la
8 JNA ont été établies à Mali Zvornik, les canons étant dirigés sur la
9 Bosnie.
10 La prise de contrôle de Bijeljina et celle de Zvornik étaient le
11 fruit d'une opération bien planifiée. Nous allons demander le versement de
12 la transcription d'une conversation téléphonique interceptée que vous avez
13 à la planche 88. Plavsic parle avec l'adjoint d'Arkan, elle lui demande
14 comment ça s'est passé à Zvornik, et elle lui demande de transmettre une
15 demande à Arkan, la demande qu'il vienne voir une autre municipalité.
16 Des responsables serbes et musulmans locaux ont formé un groupe à
17 Zvornik pour essayer vraiment et persévérer à essayer d'y maintenir la
18 paix. Ils tinrent une réunion et ils parvinrent à s'entendre dans l'espoir
19 d'empêcher la violence, mais Arkan a fait irruption dans la salle de
20 réunion, a giflé le représentant serbe en l'accusant d'abandonner, de
21 céder, de donner les terres serbes. On voit ceci à la planche 89. Arkan
22 s'est tourné vers le négociateur musulman en lui adressant un ultimatum que
23 vous voyez en rouge en bas de planche.
24 Izet Mehinagic relate ces événements dans un télégramme qu'il envoie à la
25 JNA, et c'est le texte que vous voyez au-dessus de l'ultimatum sur cette
26 planche.
27 Dans la soirée du 8 avril, la prise de contrôle se faisait. Les hommes
28 adultes ont été séparés du reste de la population. Il y a au moins 20
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1 civils qui ont été assassinés. A la suite de la prise de contrôle, des
2 Musulmans qui avaient survécu à Zvornik ont été soumis à un enfer de
3 terreur.
4 A la planche 90, vous avez un rapport, mais il y en a d'autres que nous
5 avons déjà vus, et nous voyons l'efficacité avec laquelle Arkan réalise les
6 objectifs de l'entreprise criminelle. Il montre aussi aux membres-clés de
7 l'entreprise criminelle commune qu'Arkan était tout à fait capable de
8 galvaniser la ferveur nationaliste serbe.
9 Kozluk, c'est une petite ville aux abords de Zvornik. Après la prise
10 de contrôle, la population qui était surtout musulmane, a cherché à
11 parvenir à un accord pacifique avec les Serbes qui avaient pris le pouvoir.
12 Cependant, le 26 juin 1992, les Musulmans de Kozluk se sont vu donner
13 l'ordre de partir par le maire serbe. Voici la liste des personnes qui ont
14 dû partir. Vous trouvez cette liste à la planche 91. Le maire a dit aux
15 Musulmans que s'ils ne partaient pas, une attaque généralisée allait être
16 déclenchée qui allait tuer tous les Musulmans. Les Musulmans sont partis,
17 mais pas avant que les autorités serbes ne les aient forcés à signer des
18 documents par lesquels ils donnaient leurs maisons, leurs terres, leurs
19 biens personnels au nouveau gouvernement serbe de Zvornik.
20 Et ceux qui ont dû ainsi partir ont dû emprunter un itinéraire que
21 vous voyez en bleu en direction de la Hongrie. Vous voyez ceci à la carte
22 se trouvant à la planche 92. Lorsque les autorités hongroises leur ont
23 interdit d'entrer sur le territoire, parce que ces personnes n'avaient pas
24 de passeports, ces personnes ainsi déportées se sont vu donner un passeport
25 serbe, c'est-à-dire que des ressortissants bosniaques ont reçu le passeport
26 d'un autre pays, celui de la Serbie. Rappelez-vous, hier, nous avons
27 discuté du mandat confié à M. Stanisic et à son département au ministère, à
28 savoir le contrôle des passeports.
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1 Vojislav Seselj, c'était un membre-clé de l'entreprise criminelle commune,
2 président du Parti radical serbe, qui avait créé le Mouvement chetnik-
3 serbe, et avait envoyé ses volontaires dans les zones où il y avait des
4 conflits en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.
5 Nous avons un entretien qui a été enregistré, entretien donné à la BBC par
6 Vojislav Seselj, et il parle de l'implication de Simatovic dans la
7 planification de la prise de contrôle de Zvornik. Je vais maintenant
8 demander la diffusion de cette vidéo, de cette séquence de la planche 94.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "L'opération de Zvornik a été préparée et planifiée à Belgrade aussi. Les
12 forces bosno-serbes y ont participé et ces forces étaient numériquement
13 plus importantes. Mais les unités spéciales et celles qui voulaient le plus
14 combattre venaient de ce côté-ci. C'était ces unités de la police, celles
15 qu'on appelait les Bérets rouges, qui sont les unités spéciales de la DB
16 serbe.
17 C'étaient les personnes-clés de la DB qui ont concocté ceci, parmi
18 lesquelles Franko Simatovic. Frankie, c'est un des exécuteurs directs."
19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
20 M. GROOME : [interprétation] Est-ce le moment pour qu'il y ait une pause ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est un bon moment pour faire la
22 pause.
23 Vous aurez besoin de combien de temps après la pause ?
24 M. GROOME : [interprétation] Nous aurons terminé d'ici à la fin du prochain
25 volet. Difficile de vous le dire à la minute près, mais le prochain volet
26 d'audience devrait suffire.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Nous reprendrons à 16 heures
28 15.
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1 --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.
2 --- L'audience est reprise à 16 heures 17.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, Monsieur
4 Groome, je demanderais un peu plus tard sans doute à Mme Brehmeier de nous
5 expliciter la planche 61, parce qu'on parle là de milliards, de milliards
6 de dollars en vrai argent, qu'est-ce que ça représentait. Je n'ai pas pu me
7 faire une idée de la somme d'argent qui a véritablement été dépensée. Je
8 pense que l'économie à l'époque, elle avait pour devise le mark allemand,
9 le deutsche mark. Peut-être que vous pourrez faire l'équivalence. Merci
10 d'avance.
11 Poursuivez, Monsieur Groome.
12 M. GROOME : [interprétation] Précisément sur ce point, vous le comprenez
13 déjà, il y a eu une hyperinflation considérable. Quand un témoin parle d'un
14 quart de litre de lait, le prix augmente entre le moment où il le prend en
15 main et le moment où il va à la caisse pour payer, mais nous reviendrons
16 là-dessus.
17 Pour le moment, permettez-moi de revenir à Zvornik. Nous avons choisi cette
18 municipalité, notamment parce qu'elle démontre clairement l'intention qui
19 animait le groupe central d'auteurs de crimes. En fait, à Zvornik il y
20 avait eu une spirale qui avait semé le chaos, un chaos tel que personne
21 n'était à l'abri des criminels devenus des personnes jouissant d'impunité,
22 pas même les Serbes. Nous le voyons à la planche 95.
23 Le colonel Tolimir rédige un rapport concernant toute la Bosnie et
24 les événements qui s'y produisent, et ceci, le 28 juillet 1992. Il pose la
25 question à ses supérieurs hiérarchiques. Il pose une question sur les
26 hommes qui sont l'auteur de crimes aussi odieux à Zvornik. Il en parle à
27 ses supérieurs. Planche 96, il donne les noms des hommes d'Arkan, des
28 hommes du capitaine Dragan, et les hommes de Seselj. Il dit que dans ces
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1 groupes, dans ces trois groupes, il y a beaucoup de criminels, même des
2 psychopathes, et il dit que ces formations, là je le cite :
3 "Ces formations manifestent une haine de tout ce qui n'est pas serbe,
4 et il est possible de conclure sans hésitation que ces hommes sont
5 l'élément génocidaire dans le peuple serbe."
6 Il poursuit et dit ceci, je le cite une fois de plus :
7 "Les profiteurs de guerre ou le fait de profiter de la guerre et de
8 piller, c'est ce qui motive la grande majorité des paramilitaires."
9 Planche 97, Tolimir, il donne le détail du butin qui valait de 30 à
10 40 millions de marks allemands, butin pris dans la zone de Srebrenica et de
11 Skelani. Fin juillet 1992, une répression s'instaure contre les forces
12 paramilitaires à Zvornik. En fait, la DB serbe elle-même va participer à
13 des enquêtes menées à propos de ces unités paramilitaires. Deux chefs
14 paramilitaires, les frères Vukovic, qui étaient les chefs des Guêpes
15 jaunes, vont finir par faire l'objet d'enquêtes et vont être arrêtés par le
16 MUP de Serbie.
17 Les deux accusés ont contribué aux objectifs que poursuivait
18 l'entreprise criminelle commune selon les modalités que vous voyez dans la
19 case se trouvant à la droite de la planche 98, et ce faisant, ils se sont
20 rendus coupables sur le plan individuel et pénal des crimes commis à
21 Zvornik.
22 Toutes les personnes de cette entreprise, à l'exception de ceux qu'on
23 trouve tout à fait à gauche du diagramme de la République de la Krajina
24 serbe ont, d'une façon ou d'une autre, participé à la prise de contrôle et
25 au nettoyage ethnique de Bijeljina et de Zvornik.
26 Ici, vous voyez à la planche 99 Bosanski Samac, qui se trouve sur la
27 rivière Save dans le nord-est de la Bosnie, et cette municipalité a eu le
28 malheur de se trouver dans ces terres convoitées, parce qu'on voulait ainsi
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1 établir une passerelle entre les terres que recherchaient les Serbes à
2 l'est de la Bosnie et les terres qu'ils recherchaient dans la région de la
3 Krajina. Réussir la conquête et le nettoyage ethnique de Bosanski Samac
4 permettrait de réaliser le premier objectif et le second, séparation des
5 collectivités ethniques et établissement d'un corridor, celui de la
6 Posavina. C'est ainsi qu'il a fini par être connu.
7 Au début de l'année 1992, la cellule de Crise serbe de la municipalité de
8 Bosanski Samac envoie 20 hommes de la municipalité qui doivent être formés
9 au camp d'entraînement des Bérets rouges à Ilok. Ces personnes, ces hommes
10 terminaient leur formation dans ce camp lorsque commencèrent les prises de
11 contrôle de Bijeljina et de Zvornik. Ils ont été emmenés en avion, plus
12 exactement dans des hélicoptères de la JNA, à Bosanski Samac en compagnie
13 de 30 hommes de Seselj. Avant de partir, ils ont reçu un briefing, une
14 séance d'information personnelle de M. Simatovic.
15 Le lendemain du jour où Arkan a annoncé qu'il avait fini son travail
16 à Zvornik, l'attaque de Bosanski Samac a commencé. Il y avait une
17 cinquantaine d'hommes qui sont partis là-bas, et parmi ces hommes il y
18 avait des hommes qui avaient été formés par la DB serbe et qui allaient
19 s'occuper aussi de la prise de la ville. Un certain Slobodan Miljkovic,
20 alias Lugar, était présent; étaient aussi présents Dragan Djordjevic, alias
21 Crni; et Srecko Radovanovic, surnommé Debeli; ainsi qu'un groupe d'hommes
22 venant de Serbie.
23 La planche numéro 100 vous montre un rapport. Crni, un des chefs de
24 ceux qui ont commis les crimes de Samac, est arrêté, et ce qui est survenu
25 après son arrestation va vous prouver le rôle que Simatovic et Stanisic ont
26 joué dans la prise de Samac.
27 Autre rapport que vous voyez à la planche 101, ce rapport résume les types
28 d'infractions imputables à Crni et à ses hommes. Vous y verrez des
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1 allégations précises, dont celles de meurtres et de pillage, de prise de
2 voitures haut de gamme. Un dirigeant serbe local qui a reconnu envers Crni
3 qu'il n'avait pas réussi à nettoyer Samac est allé au MUP serbe de Belgrade
4 à la recherche de Simatovic. Il voulait savoir si ce dernier pourrait
5 libérer Crni qui était entre les mains de la police militaire. Il n'a pas
6 pu voir Simatovic, mais alors qu'il était dans le garage de l'immeuble, il
7 est tombé sur Jovica Stanisic. Il s'est approché de ce dernier et lui a
8 expliqué quel était son problème. M. Stanisic lui a dit qu'il allait
9 s'occuper de la question en envoyant un télex aux militaires. Peu de temps
10 après, Crni a été relâché et a pu continuer sa basse besogne.
11 Crni, un homme dont les exactions ont entraîné son arrestation par l'armée
12 des Serbes de Bosnie avec qui il combattait, comment un tel homme a-t-il pu
13 être relâché ? Pour le voir, voyons ce que dit ce rapport établi par les
14 autorités militaires locales.
15 Document que vous allez trouver à la planche 102, son auteur relève
16 que les crimes commis maintenant au nom des Serbes peuvent être comparés
17 aux crimes commis contre les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale.
18 Le rapport de la police de Bosnie que vous voyez à la planche 103
19 vous donne les éléments principaux de la libération de Crni. L'Accusation
20 dit que les deux accusés ont contribué à la réalisation des objectifs
21 d'entreprise criminelle commune selon les modalités énumérées dans la case
22 que vous trouvez sur la droite de cette planche 104. Ce faisant, ils
23 encourent personnellement une responsabilité pénale pour les crimes qui ont
24 été commis à Bosanski Samac. Comme à Bijeljina et à Zvornik, tous les
25 participants à l'entreprise criminelle commune, sauf ceux qui étaient en
26 République de la Krajina serbe, ont participé.
27 Avant la guerre, Bosanski Samac comptait 29,8 % de Croates et 8,7 %
28 de Musulmans. Après la guerre, il n'y avait plus que 1,9 % de Croates et
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1 1,3 % de Musulmans.
2 Tout comme à Samac et à Brcko, dans ces municipalités il y avait non
3 seulement beaucoup de non-Serbes dont il fallait se débarrasser, mais ces
4 municipalités se trouvaient dans ce corridor, dans cette passerelle que les
5 Serbes voulaient créer entre les terres convoitées à l'ouest et celles
6 convoitées à l'est de la Bosnie.
7 Plus de 15 000 Musulmans allaient prendre la fuite de Doboj pendant
8 la prise de contrôle. Au début de la guerre, il y avait 30 % de Musulmans,
9 11,5 % de Croates et 50 % de Serbes dans la municipalité de Doboj. Quand la
10 guerre prit fin, il n'y avait que 0,6 % de Musulmans, 1,5 % de Croates et
11 92,5 % de Serbes.
12 Avant la prise de contrôle de Doboj, beaucoup d'hommes qui se trouvaient
13 dans cette longue liste de paramilitaires de la DB ont commencé à converger
14 sur Doboj, notamment les hommes de Martic qui venaient de la Krajina. Alors
15 qu'Arkan commandait ses hommes, les hommes de Seselj avait aussi leur
16 commandant, les autres, qu'on appelait les Bérets rouges, étaient commandés
17 par Rajo Bozovic, qui était colonel dans les unités spéciales de la DB
18 serbe. La prise de Doboj s'est terminée le 3 mai 1992. Cette force très
19 importante, dont la plupart d'entre eux avaient été entraînés, avaient été
20 équipés par M. Simatovic et M. Stanisic, ont réussi à s'emparer rapidement
21 et délibérément d'une municipalité qui comptait 102 549 habitants et qui
22 recouvrait une superficie de 684 kilomètres carrés.
23 Une fois la ville aux mains des Serbes, la campagne de persécution
24 contre les Musulmans de Doboj a commencé, en réfutant exactement ce qui, à
25 ce moment-là, était déjà devenu la signature bien connue de ces unités :
26 des passages à tabac, des arrestations arbitraires, des interrogatoires et
27 des assassinats. Les maisons des non-Serbes étaient fouillées de façon
28 agressive, elles ont été endommagées. Il fallait qu'il soit clair pour les
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1 familles non-serbes qui habitaient à Doboj depuis des générations qu'il
2 était temps maintenant de partir.
3 Les civils non-serbes de Doboj ont été détenus dans différentes
4 installations, dans des grandes prisons de fortune aux alentours de Doboj
5 et dans Doboj. Par exemple, près de 200 personnes ont été emprisonnées dans
6 une discothèque. Et dans ces bâtiments, les détenus ont été battus, roués
7 de coups, et certains des prisonniers ont été extraits de ces installations
8 pour être exécutés sommairement. Les prisonniers musulmans ont été forcés à
9 manger du porc, ce qui est interdit par leur religion.
10 Dans des actes tout à fait vulgaires, des prisonniers ont été obligés
11 à se livrer à différents actes sexuels les uns avec les autres.
12 Le 12 juillet 1992, environ 50 détenus ont été extraits de la
13 discothèque pour être employés en tant que boucliers humains. Ils ont été
14 mis devant les lignes de front serbes et on les a obligés à marcher vers la
15 ligne de front de l'ABiH. Alors que les détenus hésitaient, un Serbe a tout
16 simplement tiré dans la tête d'un des détenus pour encourager les autres à
17 avancer. Lorsque les soldats bosniaques ont commencé à appeler les détenus
18 en leur disant qu'ils n'avaient qu'à venir vers eux, des détenus ont décidé
19 finalement de courir vers la ligne opposée. Mais les Serbes, à ce moment-
20 là, ont ouvert le feu et ont tué 27 de ces boucliers humains.
21 Donc la campagne des Bérets rouges à Doboj était telle que la
22 municipalité voisine de Teslic allait en faire un exemple, comme cela se
23 voit d'ailleurs sur cette planche 106. Donc ici, on parle encore de Bozovic
24 dans ce rapport, ce même Bozovic que Milosevic avait reconnu. Je ne vous ai
25 parlé que de quatre municipalités qui ont été capturées par les Serbes de
26 Bosnie au printemps et à l'été 1992. Ces captures, ces prises ont été
27 illustrées par la précision de leur exécution et par la brutalité aussi de
28 leur réalisation. L'Accusation considère que les deux accusés ont contribué
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1 à la réalisation des objectifs d'entreprise criminelle commune, tel que
2 cela est établi dans la case que l'on trouve à droite de la planche numéro
3 107, et de ce fait, sont responsables pénalement des crimes commis à Doboj.
4 Ici, l'Accusation considère que l'implication directe des hommes de
5 Martic implique la responsabilité pénale individuelle des accusés.
6 Ce plan criminel a été une réussite, et un grand nombre de municipalités
7 ont été mises sous contrôle des Serbes au printemps de 1992. Pour replacer
8 les crimes commis dans ces quatre municipalités dans le cadre du plan
9 général de l'entreprise criminelle commune, il est utile de se pencher sur
10 une série de cartes que nous trouvons aux planches 108 à 115. Ces cartes
11 montrent le déroulement chronologique de la capture des territoires ainsi
12 que le rôle que les deux accusés ont joué. L'Accusation considère que la
13 prise de contrôle rapide des Serbes sur le territoire de Bosnie-Herzégovine
14 est la preuve de l'existence et surtout de l'efficacité de cette entreprise
15 criminelle commune.
16 Cette prise a commencé lorsque Arkan est entré dans Bijeljina dans la
17 soirée entre le 31 mars et le 1er avril. Au cours de la première semaine,
18 une douzaine de municipalités vont être capturées et vont être mises sous
19 contrôle serbe. Certaines de ces municipalités, comme Titov Drvar, étaient
20 à prédominance serbe. Le contrôle de cette ville a été fait en modifiant la
21 loyauté de ses habitants de Sarajevo sur Pale. Mais dans d'autres
22 municipalités comme Bijeljina, il a fallu utiliser la force armée, il a
23 fallu commettre des crimes très graves contre la population civile.
24 Au cours de la deuxième semaine, la capture du territoire s'est
25 principalement concentrée sur la vallée de la Drina et les prises des
26 Serbes ont balayé toute la Bosnie orientale, à Visegrad, Foca, et jusqu'à
27 Sekovici.
28 Comme vous l'avez déjà entendu, M. Stanisic et M. Simatovic ont joué
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1 un rôle essentiel dans la prise de Zvornik et dans l'expulsion de sa
2 population musulmane qui était très importante à l'époque.
3 En Bosnie centrale, la municipalité de Teslic est tombée au cours de
4 la deuxième semaine d'avril.
5 A la planche 111, nous voyons que lors de la troisième semaine de
6 cette campagne, une fois qu'Arkan ait dit qu'il en avait fini avec Zvornik,
7 les unités spéciales de la DB serbe se sont tournées vers la municipalité
8 de Bosanski Samac. Les captures se sont poursuivies le long de la rivière
9 Drina avec Bratunac et Kalinovik, à l'ouest qui est près de Foca, Vogosca
10 aussi qui fait partie de la banlieue de Sarajevo et qui allait aussi tomber
11 aux mains des Serbes lors de cette troisième semaine. En ce qui concerne la
12 partie nord-ouest de la Bosnie dans la Krajina serbe de Bosnie, le contrôle
13 serbe allait être imposé de façon contrainte avec les crimes
14 caractéristiques connus qui ont eu lieu à Bosanski Novi et à Sanski Most.
15 Les Serbes allaient continuer à obtenir des prises de guerre en
16 Krajina bosniaque au cours des derniers jours d'avril lorsque Prijedor a
17 été pris, là où les crimes les plus graves ont été commis. Le contrôle
18 serbe a été assuré sur Mrkonjic Grad, ainsi que sur de grandes parties de
19 Bosanska Krupa, ce qui fait que les terres contrôlées par les Serbes
20 maintenant allaient jusqu'aux berges de la rivière Una. Ensuite il allait y
21 avoir la prise de Vlasenica et l'encerclement de Sarajevo afin de la
22 siéger.
23 A la fin avril, au cours de 30 jours, 35 municipalités ont été
24 capturées, ce qui fait plus d'une municipalité par jour.
25 Le rythme des prises de contrôle des municipalités va se ralentir
26 ensuite au cours des mois suivants. Mais en revanche, le rythme des crimes
27 commis ne va que s'accélérer. L'accusé envoyait le colonel Bozovic avec
28 d'autres membres des unités spéciales pour servir de tête de pont dans la
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1 prise de Doboj, une municipalité absolument essentielle en ce qui concerne
2 le couloir de la Posavina. L'encerclement de Sarajevo allait être réalisé
3 une fois les municipalités de Hadzici, Trnovo et Ilidza capturées en mai.
4 Avec la chute de Rogatica et Rudo, toutes les municipalités se trouvant à
5 la frontière est de la Bosnie allaient être réalisées mis à part
6 Srebrenica. En mai, trois nouvelles municipalités en Krajina bosniaque
7 allaient aussi tomber.
8 La Krajina de Bosnie allait être totalement aux mains des Serbes à la
9 fin juin lorsque Prnjavor et Kotor Varos ont été prises. En juin, le but
10 des prises a changé, on s'est tourné plutôt vers les régions sud de Bosnie
11 où Nevesinje, Bileca, et Ljubinje allaient tomber aux mains des Serbes
12 ainsi que Trebinje, mis à part la zone sud de Ravno qui à l'époque était
13 contrôlée par les forces croates.
14 A la fin de l'été, Derventa et Odzak avaient été prises, et plus de
15 50 municipalités étaient maintenant sous contrôle serbe afin d'assurer le
16 fonctionnement du couloir de la Posavina.
17 Les deux cartes, que vous voyez maintenant à l'écran dans cette
18 planche 116, sont des cartes démographiques; l'une date de 1991, avant le
19 début de la campagne de nettoyage ethnique de 1992; et l'autre date de
20 1997, après la campagne. On peut observer la réussite de cette entreprise
21 criminelle commune, on peut la mesurer lorsque l'on voit l'ampleur des
22 modifications démographiques.
23 Lorsque l'on voit ce qui se passe le long du couloir de la Posavina,
24 c'est-à-dire l'ovale horizontal qui se trouve en haut de la carte, qui
25 était quand même le deuxième objectif stratégique, on voit qu'il y a eu
26 modification totale de la population. Et d'ailleurs on le voit bien puisque
27 maintenant tout ce territoire est coloré en rouge.
28 L'ovale vertical qui se trouve à droite de la carte représente la
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1 vallée de la Drina, et là encore, on voit la modification qui est
2 représentée par le changement de couleur. On voit comment la démographie a
3 été totalement modifiée dans cette région où il y avait des municipalités à
4 majorité musulmane et maintenant il n'y a plus que des municipalités
5 rouges, des municipalités serbes.
6 Avec toutes ces prises de municipalités et les crimes qui ont suivi,
7 ont provoqué l'expulsion de milliers de personnes, près de 400 000
8 personnes ont dû quitter par la contrainte leurs maisons.
9 La carte que l'on voit à la planche 117 montre ce qui s'est passé
10 après l'été 1992. Il y a eu encore de nouvelles prises de villes. En bleu
11 ciel, il y a des municipalités où nous présenterons des éléments de preuve
12 montrant l'implication des unités spéciales de la DB serbe; et en bleu
13 marine, on trouve les municipalités pour lesquelles les deux accusés sont
14 accusés d'avoir commis des crimes.
15 Ensuite dans l'acte d'accusation, nous allons nous tourner sur les
16 crimes très graves qui ont été commis vers la fin du conflit en 1995. Il ne
17 faudrait pas que la Chambre de première instance conclut que l'implication
18 de MM. Stanisic et Simatovic en Bosnie s'est arrêtée à moment ou à un
19 autre. Pendant toute cette période, ils étaient extrêmement impliqués dans
20 un grand nombre d'opérations conjointes dont le but était de tenir les
21 régions convoitées qu'ils avaient obtenues en 1992, et aussi de résister
22 aux tentatives du gouvernement de Bosnie de recapturer ces territoires.
23 Vous entendrez des éléments de preuve portant sur l'implication des
24 accusés en Bosnie entre 1992 et 1995. Ils travaillaient principalement à
25 partir d'un QG qu'ils avaient établi à Bajina Basta en Serbie, juste de
26 l'autre côté de la frontière avec la Bosnie.
27 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur les crimes allégués
28 dans l'acte d'accusation qui portent sur Trnovo. Ce qui s'est passé à
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1 Srebrenica en juillet 1995 a fait l'objet d'un grand nombre de procès dans
2 ce Tribunal. Donc je ne devais pas répéter ce qui a été dit précédemment
3 puisque tout ceci est bien connu. Nous savons tous que le massacre d'hommes
4 et de jeunes garçons musulmans à Srebrenica représente l'atrocité la plus
5 immonde qui a été perpétré contre le peuple des Musulmans de Bosnie.
6 Mais les deux accusés en l'espèce sont accusés de la mort de trois
7 jeunes garçons et de trois hommes dont l'assassinat a été filmé. Pour que
8 vous compreniez bien quelle est la thèse de l'Accusation, que vous
9 compreniez bien pourquoi M. Stanisic et M. Simatovic, d'après nous, sont
10 responsables de leur mort, de la mort de ces six personnes, il nous faut
11 quand même voir ce qui se passe dans une autre partie du pays avant les
12 événements de Srebrenica.
13 Et j'aimerais attirer votre attention sur la partie nord-ouest de la
14 Bosnie, que l'on voit ici sur cette planche 119, c'est un endroit que l'on
15 a appelé la poche de Bihac. En 1993, il y avait environ 300 000 personnes
16 qui habitaient là, principalement des Musulmans. Son dirigeant local, qui
17 était un Musulman appelé Fikret Abdic, a essayé de s'extraire de la guerre
18 en Bosnie en se dissociant du gouvernement de Bosnie et en faisant une
19 alliance peu confortable avec Milosevic à Belgrade. Donc en octobre 1993,
20 Abdic a échangé sa guerre avec la Croatie et la Serbie pour une autre
21 guerre, une autre guerre contre ses frères bosniaques à Sarajevo, et peu de
22 temps après, l'armée de Bosnie était en train de se battre contre les
23 hommes d'Abdic, qui étaient mal équipés et mal entraînés.
24 Abdic a demandé de l'aide à Milosevic, et très rapidement Milosevic a
25 répondu à cet appel en envoyant M. Stanisic et M. Simatovic dans cette
26 poche de Bihac pour qu'ils prennent la tête d'une opération appelée Pauk,
27 c'est-à-dire Araignée.
28 Milosevic a envoyé les deux hommes dont il était parfaitement sûr pour
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1 cette tâche, cette mission. Stanisic allait, lui, venir avec des hommes sur
2 lesquels il comptait aussi pour toutes ses opérations clandestines dans le
3 reste de la Bosnie, c'est-à-dire les unités spéciales de la DB serbe
4 dirigées par le colonel Bozovic, Legija, le capitaine Dragan, et Arkan. Ils
5 ont installé leur QG sur le mont Petrova Gora dans la Krajina.
6 Le journal que l'on voit ici à la planche 120 est le journal de l'un
7 des commandants de l'opération Pauk, et ce journal fait mention d'un grand
8 nombre de références à M. Simatovic, et aussi une référence à M. Stanisic.
9 On trouve aussi une référence à M. Stanisic dans l'agenda de Ratko Mladic
10 que nous venons juste d'obtenir et qui porte aussi sur cette même période
11 de temps.
12 Le 6 avril 1995, Mladic a rencontré le général Perisic, Jovica
13 Stanisic, et d'autres personnes à Belgrade afin de parler de la situation à
14 Bihac. Comme on le voit ici à la planche 121, Jovica Stanisic décrit
15 l'appui qui a été donné à Fikret Abdic et à Milan Martic, et ce qui est le
16 plus important, il dit, et je cite :
17 "J'ai envoyé 150 hommes de Slavonia à Pauk."
18 Les unités spéciales de la DB serbe devaient rejoindre les rangs de
19 l'armée de la Krajina serbe ainsi que ceux des hommes d'Abdic.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 M. GROOME : [interprétation] Deux des trois groupes tactiques, qui ont été
22 établis au sein de ces forces conjointes, ont été mis sous le commandement
23 direct des unités spéciales de la DB serbe. Le deuxième groupe tactique
24 allait être placé sous le commandement de Legija. Quant au troisième groupe
25 tactique, il allait, lui, se retrouver sous le commandement du colonel Rajo
26 Bozovic. Les Skorpions faisaient partie du groupe tactique de Legija.
27 Les Skorpions ont d'abord été créés après la chute de Vukovar, suite
28 à une demande d'une entreprise pétrolière Djeletovci faite à Milan
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1 Milanovic, qui était ministre de la SAO SBSO - son commandant était
2 Slobodan Medic, connu aussi sous le nom de Boca. La mission de cette unité
3 était de protéger les champs pétrolifères de Djeletovci, qui était une
4 mission qui était parfois partagée avec les hommes d'Arkan, et l'unité a
5 crû et, rapidement, a atteint plusieurs centaines d'hommes. La DB serbe
6 équipait les Skorpions, leur a fourni des équipements et les a payés aussi
7 en liquide. Environ 30 % des membres de cette unité avaient été instruits
8 dans le cadre de l'un des camps d'instruction de la DB serbe, soit à Kula,
9 au mont Tara, à Lipovaca ou à Gulubic. Les membres de ces unités ont reçu
10 des papiers d'identité les identifiant comme étant des membres de la DB
11 serbe. Milanovic servait d'intermédiaire entre Medic et Simatovic et
12 Stanisic. En 1996, après la guerre, certains membres de cette unité sont
13 restés dans les rangs de la DB serbe et ont rejoint la JSO.
14 Les deux hommes que l'on voit ici sur cette vidéo, à la planche 122,
15 sont Legija, dont on a déjà bien entendu parler, et Slobodan Medic, l'homme
16 qui a donné l'ordre direct visant à tuer les six captifs de Trnovo.
17 La vidéo est longue, et je ne vais pas demander à la Chambre de
18 première instance de la voir en entier, mais il y a quand même un passage
19 où l'on entend Legija qui est en train de se demander ce qu'il convient de
20 faire avec les Musulmans capturés. Et comme on pouvait s'y attendre, sa
21 décision correspond parfaitement avec le traitement qui était infligé à
22 tous les non-Serbes dans les autres régions de conflit. M. Simatovic
23 mentionne son implication dans l'implication Pauk lors de son discours de
24 mai 1997, à Kula. Il a dit, et je cite :
25 "En Bosnie occidentale, l'unité était l'épine dorsale de l'armée de
26 Fikret Abdic."
27 L'opération Pauk a duré jusqu'en août 1995.
28 Maintenant, nous allons revenir en Bosnie orientale en juillet 1995.
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1 Les Serbes de Bosnie ont décidé de prendre l'enclave de Srebrenica protégée
2 par les Nations Unies. A la fin du mois de juillet, environ 8 000 hommes et
3 jeunes garçons musulmans auront été exécutés sommairement, mais tous ces
4 meurtres ne seront pas forcément commis dans les alentours de Srebrenica.
5 En plus de leur présence dans la poche de Bihac, les unités spéciales
6 de la DB serbe se trouvaient aussi en Bosnie centrale. Toute l'implication
7 de la DB serbe dans les événements de Srebrenica a commencé environ un mois
8 avant le massacre. A la fin juin, le MUP serbe était actif pour
9 enrégimenter les hommes serbes qui ne voulaient pas faire leur service
10 militaire. A la planche 123, on trouve un document qui illustre cela. Le
11 moral des soldats serbes était extrêmement bas à l'époque. Il y avait
12 énormément de désertions.
13 Un grand nombre de ces hommes traversaient la frontière pour aller en
14 Serbie pour rentrer chez eux dans leur famille et pour se cacher parmi les
15 foules dans les villes serbes. Et dans ce document, Tomislav Kovac, qui est
16 le vice-ministre, rend compte de la chose suivante : le 23 juin, il a remis
17 à la VRS plus de 1 500 hommes qui ont été capturés en Serbie et qui donc
18 ont été donnés au MUP de la Republika Srpska. Mais même avec cette
19 opération où on essayait d'obliger tous les hommes en âge de porter les
20 armes à aller sur les lignes de front de Bosnie, Mladic et Karadzic avaient
21 quand même besoin de troupes, ils en manquaient.
22 Donc à la fin juin 1995, cette réunion s'est tenue au MUP de Serbie
23 pour essayer de trouver une réponse à la demande d'assistance qui avait été
24 lancée par le gouvernement de la Republika Srpska. Lors de cette réunion,
25 où participaient Arkan et Slobodan Medic, il a été décidé que les membres
26 des unités spéciales de la DB serbe, sous le commandement de Vaso Mijovic,
27 commandant des unités spéciales, donc cette unité allait se rendre en
28 Bosnie pour aider à combattre contre l'ABiH.
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1 Quelques jours plus tard, le 30 juin 1995, Slobodan Milosevic a rencontré
2 Ratko Mladic, Fikret Abdic, et Mile Mrksic à Belgrade. Il y avait aussi le
3 subordonné le plus loyal de Milosevic, c'est-à-dire Jovica Stanisic. Et là
4 encore, le général Mladic a pris des notes à propos de cette réunion. Ils
5 ont parlé de l'appui qui devait être donné à la Republika Srpska, et
6 Slobodan Milosevic a particulièrement demandé à Stanisic de résoudre tous
7 les problèmes logistiques y afférents.
8 Jovica Stanisic a donc proposé en réponse d'envoyer plus d'hommes,
9 envoyer plus d'hommes que ceux qu'il avait déjà fournis; 80 hommes venant
10 d'Erdut, c'étaient des hommes d'Arkan, et 80 hommes de Djeletovci, il
11 s'agit ici des Skorpions. La planche 124 montre justement ce qui est écrit
12 dans l'agenda de Mladic à propos de cette réunion.
13 Maintenant, passons à la planche 125. Là, nous allons revoir à nouveau un
14 passage de la vidéo des Skorpions qui montre leur arrivée à Pale le 26
15 juin.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 M. GROOME : [interprétation] Après la cérémonie religieuse que nous avons
18 vue, cérémonie qui a eu lieu à Djeletovci, ce groupe important s'est rendu
19 à Pale donc, qui est un territoire contrôlé par les Serbes se trouvant aux
20 alentours de Sarajevo. Vous voyez le passage du rapport qui se trouve en
21 bas de la planche 125, un rapport du MUP de la Republika Srpska parle de
22 leur arrivée et de leur déploiement prévu sur le champ de bataille de
23 Trnovo le lendemain.
24 La carte que l'on voit à la planche 126 montre la relation qui unit Pale,
25 Trnovo, Sarajevo et Jahorina. La station de sports d'hiver de Jahorina
26 servait de poste de commandement. Pendant le procès, vous vous ferez une
27 meilleure idée de l'importance de cette opération en voyant le nombre de
28 paramilitaires qui ont été regroupés à Jahorina. L'une des façons pour nous
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1 de retracer le parcours des unités spéciales de la DB serbe consiste à
2 suivre le nombre de pertes humaines très importantes subies par cette unité
3 dans la région de Trnovo. La planche 127 nous montre un graphique avec la
4 liste de certains documents que l'Accusation versera au dossier et qui
5 concerne cette période marquée par la présence des unités spéciales de la
6 DB serbe.
7 Un autre membre important des unités spéciales que j'aimerais vous
8 présenter, c'est Vaso Mijovic, qui commandait les unités spéciales au
9 moment où elles opéraient à Trnovo. Quand Srebrenica est tombée le 11
10 juillet, une colonne comptant entre dix et 15 000 hommes musulmans de
11 Bosnie et jeunes gens musulmans de Bosnie a pris la fuite. Cette colonne a
12 été touchée par l'artillerie des Serbes de Bosnie le 12, et ceux qui ont
13 survécu à ce tir de barrage d'artillerie, à savoir plusieurs milliers
14 d'entre eux, ont été capturés. Les prisonniers ont été systématiquement
15 exécutés dans plusieurs endroits entre le 13 et le 17 juillet 1995.
16 Certaines des personnes capturées dans ces conditions étaient dispensées de
17 cette exécution mais dans la zone extérieure à Srebrenica. Environ 15 des
18 prisonniers ont été donnés en cadeau aux Skorpions pour compléter le nombre
19 de détenus que ces derniers s'apprêtaient à tuer. Certains des prisonniers
20 ont été livrés aux Skorpions dans la base des Skorpions à Trnovo.
21 La planche 129 montre un rapport de Mijovic rédigé sur le papier à en-tête
22 officiel des unités spéciales de la Sûreté de l'Etat serbe, unités
23 baptisées, à ce moment-là, unités chargées des opérations antiterroristes
24 et connues sous le sigle JATD. Le 19 juillet, Mijovic fait savoir à ses
25 homologues du ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska qu'il a reçu
26 l'ordre de se retirer de la zone des combats, enfin, je cite, "…de prendre
27 d'autres missions." La nature de ces missions n'est pas décrite dans le
28 rapport, mais nous savons que c'est à peu près dans cette période que les
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1 six prisonniers ont été tués.
2 Slobodan Medic et un groupe de Skorpions a fait monter six des
3 prisonniers à bord d'un camion et ils ont été conduits dans une zone
4 isolée, non loin de Trnovo, où on les a tués. Medic a donné l'ordre que les
5 actes qu'ils s'apprêtaient à exécuter soient filmés sur vidéo. La planche
6 130 contient des images de cette vidéo, mais on n'y voit pas les
7 exécutions.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Allez, allez, à l'intérieur. Oui, là-bas, là-bas. Vas-y, plus loin.
11 Assieds-toi là-bas, vite. Mon Dieu. Plus vite, plus vite. Hop là. Là-bas,
12 allez, la tête en bas. Au sol. Voilà. Comme ça. Zika, va vite au camion et
13 chasse-les."
14 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
15 M. GROOME : [interprétation] Les Skorpions hurlent des insultes à
16 l'intention des prisonniers. Ils leur donnent des coups de pied et disent
17 au jeune homme le plus jeune qu'il va mourir vierge. Ces six jeunes gens
18 savaient presque certainement qu'ils allaient mourir. On les fait attendre
19 pendant que le chauffeur du camion se rend en ville pour obtenir une
20 nouvelle batterie pour sa caméra vidéo. Une fois que la caméra vidéo est
21 prête, on fait aligner les six jeunes gens pendant que deux autres sont
22 contraints de s'allonger sur le sol dans l'herbe, et les quatre qui sont
23 debout sont alors abattus l'un après l'autre. Une fois que ces jeunes gens
24 ont été tués d'une balle dans le dos, les autres reçoivent l'ordre
25 d'avancer à pied vers l'endroit où sont tombées les victimes et d'attendre.
26 A un certain moment, on voit des victimes qui bougent légèrement dans
27 l'herbe et de nouvelles balles sont tirées dans leur dos pour garantir
28 qu'il n'y aura pas de survivants. Les deux qui ont été contraints de
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1 s'allonger dans l'herbe reçoivent l'ordre de transporter les cadavres dans
2 une maison voisine et les Skorpions, à ce moment-là, abattent par balles et
3 tuent les deux jeunes gens encore vivants.
4 Dans ce rapport du 24 juillet 1995 que l'on voit à la planche 131, on
5 constate que ce rapport indique qu'il y avait des rotations d'hommes parmi
6 les Skorpions dès lors qu'ils revenaient à leurs missions régulières. Ici,
7 on voit les commandants d'état-major qui remarquent que cette rotation
8 entre la police spéciale de Banja Luka et les Skorpions s'est bien
9 déroulée.
10 C'est la thèse de l'Accusation que de dire, comme on le voit en
11 résumé à la planche 132, que les Skorpions constituaient l'une des unités
12 de la Sûreté de l'Etat serbe et que les accusés sont responsables
13 pénalement de l'assassinat des trois hommes et des trois jeunes gens à
14 Trnovo. En l'espèce, ces membres des unités de la Sûreté de l'Etat serbe
15 placés sous le commandement d'un officier de haut rang de la DB, Vaso
16 Mijovic, ont été mis à disposition de Karadzic, Mladic et des autres
17 membres importants de l'entreprise criminelle commune afin de commettre des
18 crimes dans la volonté de réaliser leur objectif criminel commun.
19 A peu près dans cette même période, Arkan se trouvait dans la
20 municipalité Sanski Most. Il était là avant tout pour faire peur aux
21 déserteurs de l'armée des Serbes de Bosnie, à qui il était demandé qu'ils
22 continuent à tenir la ligne de front face aux forces croates qui, à ce
23 moment-là, avaient commencé à reprendre certains des territoires perdus par
24 eux face aux Serbes en 1992. On le voit ici dans un rapport que l'on trouve
25 à la planche 134, on voit que M. Stanisic est en contact direct avec Arkan
26 sur toutes ces questions. Alors que dans la municipalité de Sanski Most il
27 y avait après 1992 encore quelques rares Musulmans présents, Arkan, encore
28 une fois, s'engage dans la voie qui va le conduire à commettre des crimes
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1 particulièrement violents et correspondant à la marque de sa présence. Sa
2 présence à cet endroit se fait dans le cadre d'une opération menée par la
3 DB serbe, une opération importante qui englobe non seulement Sanski Most
4 mais également Mrkonjic Grad, Kljuc, et Prijedor. Cette mission coordonnée
5 implique la participation des unités spéciales de la DB serbe, commandées
6 par Rajo Bozovic, les Tigres d'Arkan étant sous son commandement.
7 A la mi-1995, des avancées de l'ABiH créent une menace pour les
8 Serbes qui voudraient reprendre Sanski Most. Pour empêcher que les Tigres
9 d'Arkan ne soient envoyés à Sanski Most, le 19 septembre, les hommes
10 d'Arkan arrivent en grand nombre et regroupent tous les hommes musulmans
11 sur lesquels ils peuvent mettre la main. Ces hommes sont emprisonnés dans
12 l'hôtel Sanus dans des conditions d'existence épouvantables, et 30 d'entre
13 eux sont maintenus en détention dans la petite chaufferie de l'hôtel, qui
14 est une pièce dont on les extrait de temps en temps pour les rouer de
15 coups. Deux de ces prisonniers meurent des suites des coups qu'ils ont
16 reçus.
17 Le 20 septembre 1995, les Tigres d'Arkan font sortir au moins 12
18 hommes de l'hôtel Sanus pour les emmener dans une maison située dans le
19 village voisin. Ces hommes sont abattus par balle, deux par deux, d'une
20 balle tirée dans le dos ou dans la tête. Les deux dernières victimes se
21 font couper la gorge lorsque les hommes d'Arkan sont à court de balles.
22 Le 21 septembre, les Tigres d'Arkan s'emparent d'un autre groupe de
23 65 Musulmans à peu près, qu'ils exécutent dans les mêmes conditions.
24 Quelques jours plus tard, plusieurs centaines de détenus musulmans
25 sont placés à bord d'un autocar et expulsés de Sanski Most.
26 Un mois plus tard, le 23 octobre 1995, suite aux événements de Sanski
27 Most, Radovan Karadzic lance un avertissement public à Arkan qui, à ce
28 moment-là, est en train de quitter la Bosnie dès lors que son travail est
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1 achevé. Il est intéressant de constater que sa présence en Bosnie s'achève
2 en face de la même mairie de Bijeljina où son séjour a commencé. Et
3 j'appelle l'attention des Juges sur la planche 135 qui est une vidéo.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Radovan Karadzic : Pour la garde et pour vous, commandant de la
7 garde.
8 Arkan : Merci beaucoup, Monsieur le Président.
9 Karadzic : Avec notre gratitude pour votre présence ici. Ce n'est pas
10 fini. C'est le début de notre --
11 Arkan : Merci beaucoup, Monsieur le Président. Est-ce que vous
12 aimeriez dire quelques mots aux membres de la garde ?
13 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
14 M. GROOME : [interprétation] La thèse défendue par l'Accusation consiste à
15 dire que les accusés sont pénalement responsables des crimes commis à
16 Sanski Most, étant donné qu'Arkan était co-membre de l'entreprise
17 criminelle commune et membre des unités de la DB serbe. Les accusés ont
18 apporté à Arkan un certain soutien ainsi que les équipements militaires
19 dont il avait besoin pour commettre les crimes en question. L'Accusation
20 défend également la théorie consistant à dire qu'ils sont responsables, car
21 ayant mis des membres des unités spéciales de la DB serbe à la disposition
22 d'autres membres de l'entreprise criminelle commune, comme ils l'ont fait
23 vis-à-vis de Radovan Karadzic, ils sont responsables des crimes que ces
24 hommes ont commis dans la poursuite de l'objectif commun.
25 Après que l'OTAN a fini par frapper certaines des positions tenues
26 par les Serbes de Bosnie, les troupes de Mladic ont pris des Casques bleus
27 de l'ONU en otage en juin 1995 et s'en sont servis comme bouclier humain en
28 les distribuant sur diverses cibles éventuelles. Et finalement, c'est
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1 Stanisic qui a été appelé à la rescousse pour intervenir, il lui a été
2 demandé de se rendre avec Simatovic sur les lieux, fort de l'autorité de
3 Milosevic, pour ramener les otages sans qu'il leur soit fait de mal.
4 L'Accusation ne nie pas que M. Stanisic ou M. Simatovic aient pu
5 mériter les honneurs qui leur ont été rendus pour certains actes de
6 courage, la libération des otages et peut-être même le fait de leur avoir
7 sauvé la vie. Si les Juges de la Chambre les déclarent coupables des crimes
8 à l'issue de ce procès, l'Accusation se joindra à la Défense pour affirmer
9 que les actes qui ont été les leurs pendant la crise des otages méritent
10 d'être pris en compte par les Juges de la Chambre afin de déterminer la
11 peine qu'il convient de leur appliquer.
12 Mais l'Accusation défend la thèse selon laquelle le pouvoir de M.
13 Stanisic et de M. Simatovic a été utilisé, car ce jour-là, ils ont décidé
14 de mettre ce pouvoir et cette autorité au service de vies qu'ils ont
15 sauvées. Donc cela mérite d'être honoré. Mais c'est ce même pouvoir et
16 cette même autorité qu'ils ont malheureusement utilisés plus d'une fois au
17 cours des quatre dernières années dont nous parlons pour persécuter des
18 innocents et chasser des habitants de leurs domiciles.
19 La raison pour laquelle M. Milosevic les a envoyé chercher pendant la
20 crise des otages, c'est que c'est l'un des événements les plus délicats qui
21 s'est produit pendant la guerre, au moment où les yeux de toute la
22 communauté internationale étaient fixés sur ce qu'il risquait d'advenir de
23 ces gardiens de la paix des Nations Unies, et c'est pour cela qu'il les a
24 fait chercher et qu'il n'a pas demandé qui que ce soit d'autre, car eux
25 avaient la capacité d'entrer dans ces foules en délire pour ramener, sans
26 qu'un cheveu de leur tête ne soit touché, les otages.
27 J'aimerais maintenant parler de l'acte d'accusation en tant que tel et
28 proposer une brève explication quant aux charges retenues dans l'acte
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1 d'accusation et correspondant à la théorie de l'Accusation en l'espèce.
2 L'acte d'accusation accuse les deux accusés de crimes contre
3 l'humanité en violation de l'article 5 du Statut du Tribunal et de
4 violation des lois ou coutumes de la guerre qui sont une infraction à
5 l'article 3 du Statut.
6 La planche 137 résume les termes de l'acte d'accusation dressé contre M.
7 Stanisic et M. Simatovic. Les crimes contre l'humanité sont énumérés aux
8 chefs numéro 1, 2, et 4 [comme interprété] de l'acte d'accusation qui se
9 lit comme suit : chef numéro 1, crime de persécution en violation de
10 l'article 5(h) du Statut; chef numéro 2, assassinat en violation de
11 l'article 5(a) du Statut; chef numéro 4, déportation en violation de
12 l'article 5(d) du Statut; et enfin, transfert forcé, actes inhumains qui
13 constituent une infraction de 5(i) du Statut.
14 Le crime de meurtre est également mis en exergue en tant que violation des
15 lois ou coutumes de la guerre, il est décrit dans le chef numéro 3 qui
16 constitue une infraction à l'article 3 commun (a) des conventions de Genève
17 de 1949 et qui est sanctionnable [phon] en vertu de l'article 3 du Statut
18 du Tribunal.
19 L'Accusation défend la thèse que les accusés sont pénalement responsables
20 individuellement des crimes commis en infraction à l'article 7(1) du Statut
21 du Tribunal, car ils ont participé à ces crimes avec l'intention requise
22 dans les conditions suivantes :
23 Ils ont commis des crimes en tant que membres et participants à une
24 entreprise criminelle commune dont l'objectif conjoint était la commission
25 de ces crimes; ils ont participé à la planification de ces crimes; ils ont
26 ordonné que certains des crimes visés à l'acte d'accusation soient commis;
27 ils ont aidé et encouragé à la planification, à la préparation et à
28 l'exécution de ces crimes. Et enfin, étant donné la nécessité de déterminer
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1 l'élément moral, ils ont aidé et encouragé à planifier et préparer et
2 exécuter ces crimes.
3 Les accusés ont rejoint et participé à une entreprise criminelle
4 commune qui a existé au niveau le plus élevé du pouvoir dans la République
5 de Serbie et a eu des effets néfastes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.
6 C'est une entreprise qui a été conçue et mise en œuvre par les accusés et
7 d'autres aux fins de doter les Serbes de terres qui seraient à eux et dont
8 serait exclue toute autre population en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.
9 Acquérir ces territoires souhaités fait partie de l'entreprise criminelle
10 commune qui impliquait le transfert en d'autres lieux de toute la
11 population non-serbe par voie de commission des crimes d'assassinat et de
12 persécution.
13 Des crimes de cette gravité sont toujours dus à des groupes nombreux
14 d'êtres humains qui travaillent ensemble pour réaliser leur objectif
15 criminel commun. L'intention de commettre les crimes est visée à l'acte
16 d'accusation et on peut la constater à divers niveaux d'organisation qui
17 ont participé à la commission de ces crimes. La présente affaire va
18 consacrer son intention à l'échelon hiérarchique le plus élevé auquel
19 appartenaient les co-auteurs de ces crimes et donc aux auteurs les plus
20 importants.
21 L'Accusation défend la position consistant à dire qu'à toutes les périodes
22 pertinentes en l'espèce, ces membres très importants de l'entreprise
23 criminelle commune partageaient la même intention, à savoir faire
24 disparaître les non-Serbes de certains lieux bien déterminés en Croatie et
25 en Bosnie-Herzégovine par voie de meurtres et d'actes de persécution. Le
26 ciment qui les relie les uns aux autres, c'est l'apport harmonisé de ces
27 différents individus à l'entreprise criminelle commune qui a fait en sorte
28 qu'ils ont pu travailler au coude à coude à la réalisation de leur objectif
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1 commun, et c'est ce qui démontre une intention criminelle partagée.
2 La jurisprudence de l'entreprise criminelle commune a évolué et il
3 est admis désormais que cette entreprise peut revêtir des formes diverses
4 comme on le voit à la planche numéro 140. Ces différentes formes ne
5 reprennent que des nuances entre différentes manières d'agir ensemble, de
6 concevoir et d'appliquer le projet criminel par les différents co-auteurs.
7 Alors que l'élément moral que l'on trouve au cœur de chacune de ces
8 formes est pour l'essentiel identique, ces différentes formes se
9 distinguent grâce à quelques nuances dans cet élément moral.
10 Les témoignages que vous entendrez en l'espèce correspondent à deux
11 formes d'entreprise criminelle commune.
12 L'entreprise criminelle commune numéro 1, dont on parle quelquefois
13 comme étant la forme fondamentale de responsabilité criminelle pour les
14 membres de cette entreprise criminelle en vue de commission de certains
15 crimes bien déterminés. Dans le cadre de celle-ci, les membres de
16 l'entreprise criminelle commune peuvent jouer un rôle différent dans la
17 commission du crime, mais doivent avoir la même intention, à savoir voir le
18 crime bien défini en question être commis.
19 Et cette entreprise criminelle commune numéro 1 se distingue de la
20 numéro 3 dont on parle quelquefois comme une forme étendue d'entreprise
21 criminelle commune, car dans cette dernière, les crimes visés à l'acte
22 d'accusation n'étaient pas prévus à l'origine mais sont tout de même la
23 conséquence prévisible et naturelle de l'exécution des crimes prévus au
24 départ.
25 S'agissant de la présente affaire, ce qui est très important c'est la
26 théorie principale de l'Accusation selon laquelle Jovica Stanisic et Franko
27 Simatovic faisaient partie du groupe-clé de co-auteurs qui ont conçu les
28 crimes visés à l'acte d'accusation. A tous les moments pertinents de
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1 l'espèce, ces hommes avaient l'intention commune d'obtenir par la force le
2 départ des non-Serbes dans certaines zones bien déterminées, et donc des
3 changements démographiques permanents dans ces régions. L'intention qu'ils
4 partageaient n'était pas seulement d'obtenir le déplacement forcé des
5 groupes visés composés de non-Serbes, mais ils partageaient également
6 l'intention de les tuer et de les soumettre à des actes de persécution qui
7 étaient pour eux les moyens de réaliser leur objectif.
8 Comment savons-nous qu'ils partageaient cette intention ? Nombre de
9 témoins seront entendus par la Chambre qui concluront que les deux accusés
10 partageaient la même intention criminelle que celle des autres membres de
11 l'entreprise criminelle commune tels que Martic, Karadzic, Hadzic et
12 Mladic. Mais pour l'instant, je me contenterais d'un exemple.
13 Parmi les combattants de Zvornik qui dépendaient de Seselj, d'Arkan et d'un
14 groupe baptisé les Guêpes jaunes, on trouvait les frères Vukovic qui ont
15 commis des crimes particulièrement graves. Vous entendrez des témoins vous
16 dire que les Guêpes jaunes ont fait l'objet d'une enquête de la part de M.
17 Stanisic, c'est-à-dire des services de Sûreté de l'Etat, et ont été
18 finalement arrêtés par le ministère de l'Intérieur serbe. Ils ont été
19 traduits en justice devant un tribunal serbe pour crimes commis par eux en
20 Bosnie et condamnés à des peines de prison. S'il était justifié d'enquêter
21 et d'arrêter ces membres des Guêpes jaunes, on peut se poser la question de
22 savoir pourquoi les mêmes actes n'ont pas été entrepris contre les hommes
23 d'Arkan ou les hommes de Seselj alors que les frères Vukovic en ont fait
24 les frais. Non seulement ces hommes de Seselj et d'Arkan n'ont fait l'objet
25 d'aucune procédure, mais vous aurez la preuve que les actes commis par eux
26 après Bijeljina et Zvornik ont été favorisés et soutenus par les deux
27 accusés. C'est la thèse de l'Accusation que la seule conclusion raisonnable
28 qu'il est possible de tirer de tout cela c'est qu'Arkan et Seselj faisaient
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1 partie des membres les plus importants de l'entreprise criminelle commune,
2 et que Stanisic et Simatovic partageaient leur intention de voir les crimes
3 qui ont été commis à Zvornik être commis.
4 Les témoignages que vous entendrez correspondent également à ce qu'il est
5 convenu de définir comme entreprise criminelle commune numéro 3. Les deux
6 accusés, ainsi que d'autres membres les plus éminents de cette entreprise,
7 partageaient l'intention d'obtenir le départ forcé des non-Serbes dans des
8 zones déterminées. Dans le cadre de cette théorie, même si les accusés
9 n'avaient pas partagé l'intention d'assassiner les Musulmans et les
10 Croates, ils n'en seraient néanmoins pas moins responsables, puisqu'ils
11 partageaient l'intention d'obtenir le départ forcé de ces non-Serbes,
12 qu'ils avaient accepté volontairement cette intention, et ils voulaient que
13 le départ forcé de ces non-Serbes se passe par voie d'assassinats et de
14 persécutions.
15 Dans le contexte de la présente affaire, les accusés ont donc rejoint
16 d'autres auteurs dont ils partageaient les intentions, obtenir le départ
17 sous la contrainte hors de leurs domiciles de toutes les personnes visées,
18 et donc leur responsabilité pénale individuelle par rapport aux crimes de
19 persécutions et de meurtres est engagée.
20 L'Accusation établira également que des éléments de preuve très
21 convaincants démontrent que pendant la réalisation de cette entreprise
22 criminelle commune, des rapports et déclarations d'autres participants à ce
23 projet ont été publiés par les médias, et que donc les crimes étaient de
24 notoriété publique, que les deux accusés avaient de nombreuses sources
25 d'information possibles leur permettant d'en avoir connaissance depuis le
26 point de départ de la campagne de nettoyage ethnique, et qu'il existait
27 donc une forte probabilité et même, dans certains cas, une certitude que
28 des meurtres et des persécutions allaient suivre la volonté de nettoyer
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1 ethniquement ces régions, et qu'en dépit de cette connaissance ils ont pris
2 le risque de voir commettre des crimes aussi graves.
3 Comme je l'ai déjà dit, l'élément moral à la base de l'entreprise
4 criminelle commune 1 et 3 était donc présent mais avec simplement quelques
5 nuances. D'abord, regardons le nombre de personnes concernées. Etant donné
6 la nature collective de tels crimes dans le concret, il est indispensable
7 d'identifier ces membres dont nous estimons, du côté de l'Accusation,
8 qu'ils sont au cœur même de cette entreprise criminelle commune. Ce sont
9 des personnes dont les noms figurent sur les organigrammes que nous avons
10 déjà utilisés à plusieurs reprises depuis le début de notre propos
11 liminaire.
12 Deuxième élément matériel, c'est l'existence d'un objectif commun, à savoir
13 la commission de crimes qui constitue une infraction aux termes du Statut
14 du Tribunal. L'Accusation défend la thèse selon laquelle chacun des crimes
15 visés à l'acte d'accusation était en soi un objectif de l'entreprise
16 criminelle commune.
17 Troisième élément matériel, c'est le fait que les accusés aient participé à
18 la réalisation du dessein commun dans des conditions qui ont positivement
19 contribué à rendre cet objectif réalisable, et donc à favoriser son
20 exécution concrète, et ce, de façon significative.
21 Je vais maintenant synthétiquement, en m'appuyant sur la planche 143,
22 définir les actes qui démontrent la participation de M. Stanisic et de M.
23 Simatovic à ces actes criminels.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome. Vous savez que votre
25 débit est tel que les interprètes de toutes les cabines prennent
26 inévitablement quelques lignes de retard. Donnez-leur le temps de reprendre
27 leur souffle, s'il vous plaît.
28 M. GROOME : [interprétation] Oui, je le ferai.
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1 S'agissant de la Krajina, l'Accusation affirme que les efforts déployés
2 pour organiser, financer, entraîner et équiper les hommes de Martic et son
3 armée, ont permis à ces hommes de commettre les crimes graves qu'ils ont
4 commis sur les non-Serbes de la Krajina et que c'était là un acte de
5 participation à l'entreprise criminelle commune générale.
6 De même, s'agissant de la SAO de la SBSO, l'Accusation affirme que les
7 actes de participation des accusés, participation à l'entreprise criminelle
8 commune comprenaient notamment le financement et le fait d'équiper Arkan et
9 ses hommes, qui étaient des auteurs directs des crimes. S'agissant de la
10 Krajina comme de la SAO de la SBSO, MM. Stanisic et Simatovic ont donné des
11 instructions aux dirigeants politiques locaux, notamment à Martic, à Babic,
12 à Hadzic, afin de veiller à ce que les activités politiques de ces hommes
13 contribuent eux aussi à la réalisation des objectifs poursuivie par
14 l'entreprise criminelle commune.
15 Enfin, même si à la fin de ce procès la Chambre est toujours animée d'un
16 doute raisonnable sur la question de savoir si M. Stanisic et M. Simatovic
17 ont financé et équipé directement Arkan, il n'en demeure pas moins que
18 Simatovic et Stanisic restent responsables des crimes qu'Arkan ait commis,
19 parce que ce sont des crimes d'un autre membre de l'entreprise criminelle
20 commune, si la Chambre est convaincue, a l'intime conviction que ces hommes
21 faisaient effectivement partie de la même entreprise criminelle commune.
22 Pour ce qui est des municipalités de Bosnie, nous disons que M. Stanisic et
23 M. Simatovic ont participé à leur prise de contrôle en 1992. Et s'agissant
24 de ces municipalités-là, l'Accusation affirme que leurs actes coupables de
25 participation à cette entreprise criminelle commune consistait à planifier
26 les attaques, à fournir entraînement, armement, équipement et financement
27 et, dans certains cas, à mettre en place le transport militaire nécessaire
28 pour transporter les auteurs directs de ces crimes.
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1 Si la Chambre conclut que les éléments de preuve présentés ne permettent
2 pas de déduire qu'ils ont donné des instructions et des directions aux
3 auteurs directs de ces crimes et qu'en fait c'était uniquement les
4 dirigeants serbes de Bosnie qui leur auraient donné des ordres pour que ces
5 crimes soient commis, l'Accusation affirme que le fait d'avoir mis ces
6 hommes, d'avoir mis leur matériel à la disposition d'un autre membre de
7 l'entreprise criminelle commune pour que hommes et matériel soient utilisés
8 pour faire avancer l'entreprise criminelle commune, ceci encourt la
9 responsabilité pénale de ces hommes.
10 S'agissant de Trnovo, leurs actes de participation, c'est notamment le fait
11 de déployer les Skorpions. L'Accusation dit que les Skorpions faisaient
12 partie des unités spéciales. Et si les éléments de preuve ne devaient pas
13 laisser entendre qu'ils avaient une connaissance directe et personnelle de
14 l'assassinat de ces six hommes, l'Accusation affirme qu'en plaçant leurs
15 hommes à eux à la disposition d'autres membres de l'entreprise criminelle
16 commune, en l'occurrence ici à la disposition de Mladic et de Karadzic, de
17 ce fait, ils encourent la responsabilité pénale en raison des crimes qui
18 ont été commis sous la tutelle, sous la direction de ces autres membres-
19 clés.
20 S'agissant de Sanski Most - et vous le verrez à la planche 145 -
21 l'Accusation affirme ce qu'elle a affirmé, la thèse qu'elle défend
22 s'agissant des autres crimes commis en Bosnie, à l'exception de Trnovo.
23 Enfin, quand on voit un crime collectif d'une telle ampleur, la
24 jurisprudence de ce Tribunal, notamment par l'arrêt Brdjanin, a reconnu que
25 ceux qui sont le plus responsable de ces crimes graves sont souvent aussi
26 ceux qui en sont le plus éloignés. Cet arrêt et la jurisprudence dit que
27 ceux des membres de l'entreprise qui sont à haut niveaux peuvent utiliser
28 et effectivement vont utiliser d'autres personnes pour que ceux-ci
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1 commettent directement les crimes qu'ils avaient l'intention de faire
2 commettre, et de ce fait encourent une responsabilité pénale individuelle.
3 Cette théorie veut que les membres-clés de l'entreprise criminelle commune,
4 c'est-à-dire que ces hommes ont une même intention, un même objectif, qui
5 était de faire partir tous ceux qui n'étaient pas Serbes, qu'ils en ont
6 utilisé d'autres pour faire réaliser ces objectifs directement.
7 Ceux qu'ils ont utilisés n'avaient peut-être pas la même intention.
8 Peut-être l'avaient-ils, mais l'intention dit que même si on n'apporte pas
9 la preuve du partage de l'intention avec ces auteurs, ces accusés restent
10 pénalement responsables parce qu'ils se sont servis d'autres personnes
11 comme instruments permettant de réaliser le plan criminel et pénal.
12 Un exemple, je vous rappelle ce que nous avons déjà dit de Bosanski
13 Samac.
14 Lorsque c'est devenu nécessaire, Jovica Stanisic est intervenu
15 personnellement pour qu'un des auteurs principaux soit libéré, un certain
16 Crni qui a été relâché pour qu'il puisse retourner à Samac et poursuivre sa
17 basse besogne.
18 Est-ce que Crni et Stanisic partageaient la même intention ? Sans
19 doute, mais même si vous ne concluez pas que cette intention, ils la
20 partageaient, M. Stanisic et M. Simatovic encourent une responsabilité
21 pénale pour les crimes commis par Crni si la Chambre conclut que Crni a été
22 utilisé comme instrument de l'entreprise criminelle commune afin de
23 réaliser les objectifs de cette dernière.
24 L'Accusation affirme que M. Stanisic et M. Simatovic sont
25 responsables des crimes retenus dans l'acte d'accusation et y ont participé
26 selon plusieurs modalités énoncées dans l'acte d'accusation et le mémoire
27 préalable au procès. Nous ne disons pas que chaque crime a uniquement
28 utilisé une modalité de participation. Vu la taille des unités spéciales et
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1 l'éventail d'activités de Stanisic et de Simatovic, la plupart du temps, un
2 incident criminel voit leur participation de plus d'une façon.
3 L'acte d'accusation affirme également que les deux accusés ont
4 planifié les crimes retenus dans l'acte d'accusation. Nous estimons que le
5 fait que Stanisic et Simatovic ont établi 26 camps d'entraînement, ont
6 fourni des instructeurs, ont fourni des armes militaires, le matériel
7 logistique nécessaire aux auteurs directs et immédiats de ces crimes, ce
8 sont des preuves permettant raisonnablement à la Chambre de conclure que
9 ces hommes se sont livrés à des actes de planification tels qu'ils ont été
10 définis par la jurisprudence de ce Tribunal.
11 Rappelez-vous la planche numéro 42. En Krajina, un certain Milojevic
12 parle de choses qui se font conformément au "plan d'entraînement".
13 Rappelez-vous aussi ce qu'a déclaré Vojislav Seselj lorsqu'il dit de
14 Simatovic que c'est vraiment le cerveau qui a concocté le plan de la prise
15 de contrôle de Zvornik.
16 Le fait de donner des ordres. La jurisprudence de ce Tribunal dit que
17 le fait d'ordonner concerne une personne qui se trouve en situation
18 d'autorité et qui utilise sa fonction et son poste pour persuader une autre
19 personne de commettre une infraction visée par le Statut. Cet ordre peut
20 être explicite, il peut être implicite, et il peut être prouvé par des
21 éléments de preuve indirects. Nous disons que les éléments que nous allons
22 présenter vous permettront de conclure que Jovica Stanisic et Franko
23 Simatovic ont envoyé Arkan dans les nombreuses municipalités retenues dans
24 l'acte d'accusation, où il a commis des crimes. Et même s'ils ne lui ont
25 pas dit explicitement de commettre des crimes de meurtre et de persécution,
26 dans le contexte des connaissances qu'ils avaient, parce qu'ils savaient
27 que partout où allait Arkan il commettait ces crimes, la seule conclusion
28 que vous pourrez tirer c'est que le fait de l'envoyer à tel ou tel endroit
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1 où il y a une population non-serbe, c'est implicitement lui donner l'ordre
2 de commettre le crime d'assassinat et de persécution à cet endroit.
3 Je ne vais pas m'attarder à la discussion du fait d'aider ou
4 d'encourager à ce stade. Tous les actes que l'Accusation attribue à
5 Stanisic et Simatovic pourraient constituer le fondement de leur
6 culpabilité en tant que complices, personnes ayant aidé et encouragé.
7 Dans l'acte d'accusation, l'Accusation affirme que les accusés ont
8 commis ces crimes par actes ou omissions. Permettez-moi pendant quelques
9 instants de m'étendre sur cette expression.
10 L'"omission" recouvre deux significations distinctes d'après la
11 jurisprudence de ce Tribunal. L'une de ces significations, c'est que c'est
12 une modalité de la responsabilité pénale. L'autre signification de
13 l'omission, c'est une façon de décrire une situation factuelle permettant
14 de tirer ou de déduire telle ou telle conclusion. L'omission en tant que
15 forme juridique de responsabilité pénale, c'est une situation où un accusé
16 a un certain devoir envers une victime. Par exemple, il a l'obligation
17 légale de protéger cette personne. L'Accusation ne dit pas que Stanisic ou
18 Simatovic avaient l'obligation légale positive d'assurer le bien-être de
19 ceux qui sont devenus victimes de crimes en Croatie ou en Bosnie.
20 L'omission, quand on l'applique à une conclusion factuelle permettant
21 de déduire des conclusions, c'est le sens que nous, Accusation, nous
22 retenons en l'espèce.
23 Un exemple, si pendant ce procès la Chambre de première instance
24 estime au vu des éléments de preuve qu'en dépit du fait qu'ils ont reçu des
25 informations sur les crimes qui étaient sur le point d'être commis en
26 raison de leur contribution à l'entreprise criminelle commune et qu'en
27 dépit de la connaissance qu'ils en avaient, ils n'ont pas pris de mesures
28 correctives permettant de corriger cet état de choses, par exemple, ils
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1 n'ont pas instruit les membres des unités spéciales pour leur dire qu'ils
2 devaient s'abstenir de tout comportement criminel, à ce moment-là, la
3 Chambre peut raisonnablement déduire qu'une telle omission est constitutive
4 de l'encouragement, c'est-à-dire que c'est un appui matériel donné aux
5 auteurs immédiats des crimes parce que ceux-ci se sont senti encouragés par
6 le fait que Stanisic et Simatovic ne leur ont pas dit de ne pas agir de la
7 sorte.
8 Vous avez vu la vidéo montrant Arkan qui est sur une véranda de son
9 magasin en plein Belgrade et qu'il dit publiquement qu'il va tuer ses
10 prisonniers. Vous entendrez d'autres éléments de preuve qui diront que lui
11 et ses hommes, on les voyait couramment à Belgrade. Ils se déplaçaient en
12 toute liberté, en uniforme, avec des armes militaires à la main, souvent
13 dans des voitures sur lesquelles étaient peintes des têtes de tigres sur le
14 capot de la voiture.
15 La possibilité de se déplacer en toute liberté à Belgrade sous le nez
16 même de Stanisic qui, pourtant, avait l'obligation légale de contrôler ces
17 groupes extrémistes; Arkan savait qu'il bénéficiait d'une parfaite
18 impunité, et c'est cela parce que Stanisic n'a jamais pris de mesures
19 contre lui, tout ceci a concrètement encouragé aux crimes qu'Arkan a commis
20 en plus des actes concrets que les accusés ont montrés lorsqu'ils ont
21 dirigé et soutenu les crimes d'Arkan.
22 Voilà ainsi terminé le résumé des éléments de preuve que nous allons
23 vous présenter et vous savez maintenant pourquoi l'acte d'accusation
24 affirme que Stanisic et Simatovic sont pénalement responsables des crimes
25 retenus dans cet acte d'accusation.
26 Merci de l'attention que vous nous avez consacrée. En fin de mois,
27 nous allons présenter notre premier témoin, et je peux vous garantir,
28 Mesdames et Messieurs les Juges, Monsieur Stanisic, Monsieur Simatovic, que
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1 Monsieur Brammertz et moi, que toute l'Accusation va présenter ces moyens
2 dans la plus parfaite équité, dans le plus grand respect de la justice pour
3 permettre aux Juges de bien se prononcer sur les charges retenues dans
4 l'acte d'accusation.
5 Je vous remercie.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Groome.
7 Apparemment, il y a une question qui était contestée. Maître
8 Jovanovic, ne serait-il pas sage qu'il y ait un accord entre vous avec
9 l'Accusation pour savoir si cet élément fait toujours partie de l'acte
10 d'accusation. Je ne sais pas si ceci va vous aider. Je regarde si j'ai
11 toujours ce passage à l'écran. Il y a une décision, je pense que c'est
12 celle qui a été rendue en avril 2007, dix incidents ont été rayés de l'acte
13 d'accusation. Ça dit clairement qu'il y a encore les chefs 1, 4 et 5 qui
14 sont d'une assez grande portée. Dire que Bijeljina ne fait plus partie de
15 l'acte d'accusation, je ne sais pas si c'est ça que vous pensez, parce
16 qu'effectivement dans les chefs 4 et 5 Bijeljina est mentionné. Je ne sais
17 pas si vous voulez en discuter en début de procès plutôt qu'à la fin, ou si
18 vous voulez poursuivre cette discussion avec Mme Brehmeier-Metz ou M.
19 Groome. J'exhorte les parties à au moins trouver un terrain d'entente pour
20 voir ce qu'il en est de cette municipalité.
21 Essayez de bien comprendre cela, s'il y a d'autres questions qui vous
22 taraudent, peut-être serait-il sage d'en parler à la Chambre plutôt en
23 début de procédure.
24 J'essaie de retrouver le passage exact, mais je ne l'ai plus à
25 l'écran. Mais ça concernait la deuxième partie de la décision.
26 Etait-ce celle d'avril ou pas, je ne sais plus, en tout cas on y
27 expliquait ce que ça voulait dire quand on dit qu'on retirait de l'acte
28 d'accusation dix incidents mais qu'on en conservait 18. Là, il y a une
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1 référence concrète à ces chefs d'accusation d'une portée plus large, plus
2 grande.
3 Nous n'allons pas nous revoir pendant un temps certain. Y a-t-il
4 d'autres questions de procédure que vous souhaiteriez aborder avant le 29
5 juin ?
6 M. GROOME : [interprétation] Je vous ai envoyé un courriel, en tout
7 cas à votre personnel, en début de journée. Nous aimerions savoir comment
8 vous allez calculer le temps réservé au contre-interrogatoire pour voir le
9 temps réservé pour chaque témoin. Disons qu'il y a une heure
10 d'interrogatoire principal, quel serait le temps réservé pour le contre-
11 interrogatoire, ce serait utile pour la comparution des témoins.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ça dépend aussi de la question
13 de savoir si c'est un témoin tombant sous le coup du 92 bis ou s'il dépose
14 en audience complètement, parce que ça fait une sacrée différence. Mais
15 nous allons essayer de vous donner quelques instructions, celles que vous
16 demandez. Parfois, c'est aussi en fonction du sujet, de l'objet même de la
17 déposition du témoin. S'il s'agit d'éléments qui sont vivement contestés,
18 bien sûr, la Défense va peut-être demander un temps supplémentaire pour le
19 contre-interrogatoire. Mais s'il s'agit surtout de faits à l'origine de
20 l'acte d'accusation, ça peut être plus court. Nous allons essayer de vous
21 aider dans la mesure du possible.
22 Y a-t-il d'autres questions ?
23 Madame Brehmeier-Metz.
24 Mme BREHMEIER-METZ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, vous
25 m'avez demandé de savoir ce qu'il en était de cette conversion en marks
26 allemands quand on parlait à la planche 61 de milliards de dinars. Nous
27 avons fait pas mal de calcul, mais heureusement nous avons maintenant deux
28 chiffres. Apparemment, à l'époque nous sommes alors fin 1991, il y avait un
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1 taux officiel et un taux officieux, disons, de conversion.
2 Officiellement, un mark allemand faisait 13 dinars, la somme affichée
3 sur cette planche donnerait une somme d'environ 93 millions de marks
4 allemands. Le taux officieux c'était 33 dinars et demi, ce qui donnerait à
5 peu près 36 millions de deutsche marks. Mais on parle ici du vieux dinar
6 yougoslave et pas des nouveaux dinars utilisés plus tard.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc quelque chose qui avoisinerait les
8 50 millions de deutsche marks. Merci de cet élément d'information.
9 Oui, Maître Jordash.
10 M. JORDASH : [interprétation] Je voudrais porter l'article 84. Voulez-vous
11 que nous indiquions pour le compte rendu d'audience que nous avons décidé
12 de ne pas faire de déclaration liminaire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que j'avais cru comprendre
14 grâce à des communications officieuses avec les parties. J'avais cru
15 comprendre qu'aucune des équipes de la Défense ne souhaitait faire une
16 déclaration liminaire, ce qui vous laisse la possibilité de faire cette
17 déclaration liminaire après la présentation des moyens à charge, pour
18 autant qu'il soit nécessaire de présenter des moyens à décharge.
19 M. JORDASH : [interprétation] Permettez-moi aussi de dire que l'accusé a
20 décidé de ne pas utiliser le 84 bis pour faire une déclaration. Il le fait
21 pour les mêmes motifs que ceux qui le poussent à ne pas se rendre dans la
22 pièce réservée à la téléconférence. C'est par excès de prudence que je le
23 dis.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça va de soi, me semble-t-il, ou
25 presque, car il est impossible de l'entendre, a fortiori il ne pourrait pas
26 s'adresser à la Chambre. Je pense que c'est la situation que nous avons
27 pour le moment.
28 Maître Jovanovic, la Chambre a cru comprendre que vous non plus vous ne
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1 vouliez pas faire de déclaration liminaire à ce state de la procédure ?
2 M. JOVANOVIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Nous
3 avons eu un échange d'information informel lorsque nous parlions du
4 programme, et la Défense a dit à l'Accusation comme à la Chambre qu'elle
5 n'avait pas l'intention de faire une déclaration liminaire. Il n'y aura pas
6 de déclaration mais ceci pour d'autres raisons que celles avancées par les
7 avocats de M. Stanisic. Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pourrez vous aussi faire une
9 déclaration liminaire plus tard. La ferez-vous en même temps que la Défense
10 Stanisic, ça reste à voir; est-ce que ce sera simultané ou consécutif, nous
11 ne le savons pas encore. Mais pour le moment, il n'y aura pas de
12 déclaration liminaire, il n'y aura pas non plus de déclaration qui ne
13 serait pas faite sous serment en application du 84 bis.
14 L'audience est suspendue. Elle reprendra lundi 29 juin à 14 heures 15, ici
15 même.
16 --- L'audience est levée à 17 heures 56 et reprendra le lundi 29 juin 2009,
17 à 14 heures 15.
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