Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 7 décembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous appeler l'affaire, s'il

  7   vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Mesdames les Juges. Bonjour à tous. Il s'agit de l'affaire IT-03-69-T, le

 10   Procureur contre Jovica Stanisic et Franko Simatovic.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

 12   Avant de faire entrer le prochain témoin, je voudrais tout d'abord aborder

 13   quelques points. La Défense de M. Stanisic a rajouté une raison pour

 14   motiver la libération provisoire, à savoir la possibilité de se rendre sur

 15   la tombe de son père. Monsieur Groome, est-ce que vous voulez faire un

 16   commentaire ?

 17   M. GROOME : [interprétation] L'Accusation n'a aucune objection à ce que

 18   l'accusé se recueille devant la tombe de son père.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup. La Défense de M.

 20   Stanisic a demandé une autorisation de répondre à la réponse de

 21   l'Accusation. Est-ce qu'il y a des objections concernant cette requête ?

 22   M. GROOME : [interprétation] Non.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, la requête visant à

 24   autoriser une réponse émanant de la Défense de M. Stanisic est acceptée.

 25   Maître Jordash, dans l'intérêt de la Défense de M. Stanisic - et nous

 26   souhaiterions recevoir cette réponse aussi rapidement que possible - nous

 27   pensions, si possible, recevoir cette réponse aujourd'hui, mais peut-être

 28   que ce sera trop tôt. Peut-être demain avant midi, ce serait possible ?

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  1   M. JORDASH : [interprétation] Je vous demande une seconde, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  4   [Le conseil de la Défense se concerte]

  5   M. JORDASH : [interprétation] Nous pouvons faire ceci aujourd'hui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous pouvez peut-être essayer de

  7   jongler avec différentes choses aujourd'hui. Concernant cette autorisation

  8   de réponse, peut-être que vous pourriez faire ceci par écrit.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac.

 11   M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je voulais ajouter

 12   quelques mots. Je voulais demander l'autorisation de formuler une réponse

 13   verbale, et nous le ferons d'ici à ce soir. Cependant, je pense qu'en fait

 14   ce n'est peut-être pas réaliste et, par conséquent, je pense que nous

 15   essayerons de le faire durant le courant de la matinée de demain, si nous

 16   obtenons, bien sûr, l'autorisation en la matière.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous des objections, Monsieur

 18   Groome ?

 19   M. GROOME : [interprétation] L'Accusation n'a aucune objection en la

 20   matière.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Maître Bakrac, nous faisons

 22   droit à votre demande et vous aurez jusqu'à midi demain. Et peut-être

 23   qu'avant de déposer votre requête vous pourriez fournir un exemplaire de

 24   cette demande aux Juges de la Chambre.

 25   M. BAKRAC : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dernier point à aborder avant de faire

 27   entrer le témoin que je voudrais consigner au compte rendu d'audience. Les

 28   Juges de la Chambre, le 3 décembre, ont informé les parties, même si ceci a

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  1   eu lieu assez tard, c'est-à-dire vers 19 heures, les Juges de la Chambre

  2   ont donc décidé, sur la base de discussions en audience, mais également

  3   hors de ce prétoire, que la déposition d'Ewa Tabeau commencera mardi 7

  4   décembre comme prévu. Mais la déposition du Témoin JF-029 ne commencera pas

  5   avant mercredi 8 décembre, et si la déposition d'Ewa Tabeau n'est pas finie

  6   avant le 7 décembre, c'est-à-dire le mardi, les Juges de la Chambre

  7   envisageront peut-être de reporter la fin de la déposition d'Ewa Tabeau de

  8   façon à pouvoir commencer la déposition du Témoin JF-029. Nous

  9   envisagerons, bien sûr, ceci en prenant compte toutes les circonstances. Je

 10   souhaitais consigner ceci au compte rendu d'audience.

 11   Je n'ai pas d'autres points à aborder. J'aimerais savoir si

 12   l'Accusation est disposée à faire entrer le témoin ?

 13   M. FARR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, nous pouvons faire entrer

 15   le témoin dans le prétoire.

 16   M. JORDASH : [interprétation] Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 18   M. JORDASH : [interprétation] Je suis désolé, j'aurais peut-être dû

 19   prendre la parole un peu plus tôt. Je voudrais parler de la déposition du

 20   témoin suivant, qui porte sur 14 victimes supplémentaires. Ceci a fait

 21   l'objet d'une demande visant à rajouter à la liste des pièces portant la

 22   date du 1er octobre 2010, et ceci fait partie des écritures de l'Accusation

 23   concernant la déposition du Témoin Tabeau, et la requête portait sur les

 24   certificats de décès conformément à la liste des pièces en vertu de

 25   l'article 65 ter. Nous avons été informés par l'Accusation qu'étant donné

 26   que cet acte d'accusation ne mentionnait pas de noms concernant ces

 27   victimes supplémentaires, c'est-à-dire 14 au total, ils devraient être

 28   rajoutés à cet acte d'accusation. Et j'aimerais pouvoir prendre la parole

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  1   pour savoir si l'on va rajouter ces 14 victimes de la manière dont

  2   l'Accusation le propose, à savoir le faire sans demander la permission au

  3   préalable.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà ce que je propose : nous

  5   pouvons entendre la déposition de Mme Tabeau, et cinq minutes avant la

  6   pause, nous pourrons peut-être aborder cela, parce qu'étant donné que

  7   maintenant on avait décidé de faire entrer le témoin, c'est un peu

  8   difficile.

  9   M. JORDASH : [interprétation] D'accord. C'est de ma faute.

 10   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 11   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je suppose que compte tenu de la

 13   déposition à venir, ça ne deviendra pas un problème immédiatement.

 14   M. JORDASH : [interprétation] Tout à fait. Je n'ai aucun problème à

 15   procéder de cette manière.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau. Avant de faire

 17   votre déposition, vous devez prononcer la déclaration solennelle que

 18   l'huissier va vous présenter sur ce carton.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 20   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Assermentée]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Tabeau. Vous pouvez vous

 24   asseoir. Madame Tabeau, c'est M. Farr qui va commencer par vous poser des

 25   questions dans le cadre d'un interrogatoire principal. N'est-ce pas ?

 26   M. FARR : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez commencer, Monsieur Farr.

 28   M. FARR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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  1   Interrogatoire principal par M. Farr :

  2   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Tabeau. Est-ce que vous m'entendez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez décliner votre identité ?

  5   R.  Ewa Tabeau.

  6   Q.  Docteur Tabeau, je remarque que vous êtes entrée dans le prétoire avec

  7   des documents. Est-ce que vous pourriez informer les Juges de la Chambre du

  8   contenu de ces documents ?

  9   R.  Tout d'abord, il y a le rapport que j'ai rédigé, ainsi que des

 10   documents complémentaires tels que mes diplômes, ainsi que différents

 11   documents que j'ai préparés en vue de cette déposition, certaines sources

 12   que j'ai utilisées. Quant aux deux autres classeurs, il s'agit de documents

 13   que j'ai utilisés pour rédiger ce rapport.

 14   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

 15   j'aimerais que l'on donne l'autorisation au Dr Tabeau de consulter ses

 16   rapports durant sa déposition. Ce sont des documents que nous avons

 17   communiqués à la Défense.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Dr Tabeau est autorisée à faire cela.

 19   M. FARR : [interprétation]

 20   Q.  Docteur Tabeau, vos diplômes figurent dans le document de la liste 65

 21   ter 5864 et dans votre CV, qui porte la cote de la liste 65 ter 5867. Je ne

 22   vais pas les passer en revue mais j'ai quelques précisions. Votre CV

 23   mentionne que vous avez un doctorat en démographie mathématique en 1991.

 24   Quelle était votre thèse dans le cadre de votre doctorat ?

 25   R.  J'ai étudié les différences régionales de la mortalité en Pologne et

 26   les facteurs qui sous-tendent ces différences démographiques en Pologne.

 27   Q.  Votre CV montre également que vous avez été chercheur et chef de projet

 28   à l'Institut de démographie néerlandais de 1991 à l'an 2000. Quelles

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  1   étaient les principales activités que vous avez réalisées ?

  2   R.  J'ai étudié les tendances de mortalité dans les pays d'Europe

  3   occidentale et d'Europe centrale. J'ai étudié les causes de décès, les

  4   espérances de vie, les perspectives de longévité. C'est une étude qui avait

  5   des projections en termes de mortalité et les causes de décès, et j'ai

  6   également expliqué les différences de mortalité et d'espérance de vie en

  7   fonction des groupes socioéconomiques.

  8   Q.  Depuis 2000, vous avez travaillé au bureau du Procureur du TPIY. Votre

  9   CV stipule que durant cette période vous avez préparé environ 40 rapports

 10   d'expert. J'aimerais savoir si vous avez utilisé la méthodologie que vous

 11   avez utilisée avant de travailler pour la TPIY; et si oui, dans combien de

 12   ces rapports ?

 13   R.  La méthodologie utilisée dans ce rapport est une méthodologie classique

 14   qui est utilisée par l'unité démographique du bureau du Procureur. Donc ma

 15   réponse serait dans la quasi-totalité des rapports que j'ai utilisé cette

 16   méthodologie.

 17   Q.  Autant que vous le sachiez, est-ce que ces rapports ont été versés

 18   comme rapports d'expert dans les affaires pour lesquelles ils avaient été

 19   préparés.

 20   R.  Oui, bien sûr, il s'agissait de rapports qui ont été présentés en tant

 21   que rapports d'expert, et qui ont été versés.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, est-ce que ce n'est pas

 23   quelque chose que vous n'auriez pas pu aborder avec la Défense au préalable

 24   ? Essayons vraiment de nous concentrer sur le plus gros des activités de

 25   Mme Tabeau.

 26   M. FARR : [interprétation] Oui, tout à fait.

 27   Q.  Docteur Tabeau, nous allons aborder deux rapports dans le cadre de

 28   votre déposition d'aujourd'hui. Le premier titre est : "Composition

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  1   ethnique de personnes déplacées à l'intérieur du pays et de réfugiés de

  2   cinq municipalités de Bosnie-Herzégovine, de 1991 à 1997 et 1998."

  3   La version mise à jour qui sera utilisée dans le cadre de cette affaire

  4   porte la date du 9 juillet 2010, et la version précédente a été déposée le

  5   15 décembre 2004 et ce rapport a eu la cote de 65 ter 5864. Je ferai

  6   référence à ce rapport comme le "rapport des personnes déplacées à

  7   l'interne et des réfugiés" dans le reste de mon interrogatoire principal;

  8   est-ce exact ?

  9   R.  Oui, il s'agit effectivement du premier rapport.

 10   Q.  Le titre complet du deuxième rapport est le suivant : "Victimes de

 11   guerre associées à l'acte d'accusation de Jovica Stanisic et de Franko

 12   Simatovic." Il porte la date du 6 août 2010, mis à part l'annexe numéro 4

 13   de ce rapport qui porte la date du 23 septembre 2010. Il s'agit de la cote

 14   5748 de la liste 65 ter, et je parlerai de ce rapport en disant qu'il

 15   s'agit du rapport concernant les victimes; est-ce exact ?

 16   R.  Oui, tout à fait, il s'agit de mon deuxième rapport.

 17   Q.  Durant votre déposition aujourd'hui, nous allons parler des sources, de

 18   la méthodologie, et des résultats que vous avez glanés dans chacun des

 19   rapports. Nous parlerons des personnes déplacées à l'interne et des

 20   réfugiés, pour commencer. Dans ce premier rapport, vous avez identifié les

 21   tendances suite au recensement de 1994 [comme interprété] et suite à la

 22   liste électorale également de 1998. Il s'agit des deux sources principales

 23   et vous les avez décrits aux pages 5 à 9 de l'annexe D. Je voudrais tout

 24   d'abord que vous nous fournissiez des commentaires concernant la taille et

 25   l'étendue de ces deux sources par rapport aux sources qu'on utilise dans

 26   des rapports dans des études statistiques ou démographiques.

 27   R.  J'ai utilisé le recensement le plus complet qui devrait couvrir la

 28   totalité de la population de la région concernée, et c'est effectivement le

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  1   cas pour la Bosnie-Herzégovine, à compter de la fin du mois de mars 1991.

  2   Ce recensement pour la Bosnie-Herzégovine reprend 4,4 millions de

  3   personnes, et nous avons également utilisé les informations concernant les

  4   différentes personnes, et nous n'avons pas utilisé des statistiques

  5   cumulées. Il s'agit, par conséquent, d'encore plus d'informations qui est

  6   le plus complet pour refléter la démographie ou les tendances

  7   démographiques de ce pays. La liste électorale, bien sûr, n'est bien sûr

  8   pas aussi complète que le recensement, mais il s'agit d'un échantillon

  9   assez vaste représentatif de la population. Il s'agit, bien sûr, de

 10   personnes qui ont plus de 18 ans, et qui couvrent les personnes qui sont en

 11   âge de voter. Et la taille de ces archives est assez importante, puisque

 12   cela couvre environ 2,5 millions de personnes. Et si l'on fait fusionner

 13   les listes électorales de 1997 et 1998, cela couvre 2,7 millions de

 14   personnes, des personnes donc en âge de voter, ayant donc le droit de vote.

 15   Ces sources sont, par conséquent, exceptionnellement vastes.

 16   Dans les statistiques ou dans des études démographiques, nous

 17   utilisons souvent des échantillons qui sont beaucoup plus limités en

 18   taille, même s'il s'agit d'échantillons représentatifs, ils ne couvrent pas

 19   la totalité d'une population tel que le fait un recensement ou une liste

 20   électorale.

 21   Q.  Et étant donné que vous avez obtenu des sources qui étaient d'une

 22   taille exceptionnellement grande, quelles ont été les conséquences sur

 23   votre rapport ?

 24   R.  Les statistiques que l'on peut tirer de données issues d'un recensement

 25   ne sont pas complètes. Nous n'avons pas une marge d'erreur importante, mais

 26   les statistiques qui sont issues d'une liste électorale ont, en fait, un

 27   niveau de fiabilité relativement important, compte tenu de la taille

 28   importante. Il s'agit de statistiques et de chiffres qui sont fiables.

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  1   Q.  Est-ce que vous pourriez nous donner quelles ont été les principales

  2   données que vous avez utilisées en utilisant ces sources lorsque vous avez

  3   préparé ces rapports sur les personnes déplacées en interne ou PDI en

  4   abrégé ?

  5   R.  Comme je l'ai dit, les données individuelles ou à caractère personnel

  6   ont été utilisées. Nous avons étudié l'ethnicité, le lieu de résidence

  7   ainsi que le lieu de vote. Et en plus de ces éléments que je viens de

  8   mentionner, afin de réaliser cette analyse nous avons dû établir des liens

  9   entre ces différentes données, c'est-à-dire des liens entre la liste

 10   électorale et les données du recensement. Il a fallu procéder à des

 11   correspondances et il a fallu s'assurer que les noms qui étaient recensés

 12   sur la liste électorale et ceux qui étaient dans le recensement

 13   correspondaient. C'était essentiel pour réaliser cette étude. De plus, les

 14   numéros d'identité individuels qui figuraient dans la liste électorale et

 15   dans le recensement - ce qu'on appelle le RMBG [comme interprété] - ont été

 16   utilisés.

 17   M. FARR : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais vous poser une

 19   question supplémentaire, Madame le Témoin ?Vous avez donné pas mal de

 20   réponses, et serait-il exact de dire qu'on les retrouve dans la première

 21   partie de votre rapport intitulé "Objectif et étendue du rapport" ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout ceci est écrit dans le rapport, en

 23   partie dans la rubrique intitulée "Objectif et étendue du rapport," mais

 24   également dans les annexes de méthodologie, et les annexes de recensement

 25   de différentes sources utilisées pour le rapport.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, donc vous avez des questions qui

 27   vous ont été posées, et à 90 % [comme interprété], on peut retrouver ces

 28   réponses dans le rapport.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, nous avons déjà lu ce

  3   rapport.

  4   M. FARR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

  6   M. FARR : [interprétation]

  7   Q.  Docteur Tabeau, vous avez parlé de ce processus qui a permis d'établir

  8   les correspondances. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous avez

  9   utilisé cette méthode qui permet d'établir les correspondances entre les

 10   deux principales sources que vous avez utilisées ?

 11   R.  La méthodologie est tout à fait classique pour retrouver la trace de

 12   personnes qui vivaient en Bosnie, lors du début du conflit et qui étaient

 13   recensées dans ces différents documents, qui étaient présents sur le

 14   territoire pendant le conflit et durant la période suivant le conflit. Ce

 15   processus d'établissement de correspondance a pour objectif de voir quel a

 16   été le devenir de ces personnes. Et nous avons donc essayé de voir s'il y

 17   avait eu des changements dans le lieu de résidence.

 18   Q.  Et ce processus établissement de correspondance entre les listes

 19   électorales et les listes obtenues après le recensement, combien de temps

 20   ce processus a duré ?

 21   R.  Nous avons commencé en 1998 et nous avons commencé à obtenir des

 22   statistiques à la mi-2003. Par conséquent, il a fallu au moins cinq ans

 23   pour procéder à cet établissement de correspondance, compte tenu de

 24   l'importance des sources et de la complexité de l'exercice.

 25   Q.  Je crois que vous avez mentionné que le lieu de résidence était une des

 26   données-clés que vous avez comparées entre 1991 et 1997/1998; est-ce exact

 27   ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Dans votre rapport, vous parlez de deux types de chiffres concernant

  2   les personnes déplacées en interne et des réfugiés. Ainsi, vous avez le

  3   nombre minimum et le chiffre complet évalué. Ma question est de savoir si

  4   les données que vous avez utilisées correspondent à la première ou à la

  5   deuxième des données que j'ai citées.

  6   R.  En fait, le nombre minimum peut être étayé par la liste des noms des

  7   personnes déplacées, y compris les données à caractère personnel

  8   représentant la période allant de la période avant la guerre jusqu'à celle

  9   qui a suivi la fin de la guerre.

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire comment vous êtes arrivés à ces

 11   évaluations ?

 12   R.  Pour ce qui est des chiffres qui constituent l'évaluation, bien, en

 13   fait, c'est lié au fait que le nombre minimum, comme la définition

 14   l'indique, il s'agit d'un minimum et, par conséquent, il s'agit d'un

 15   chiffre incomplet. Ça ne constitue pas la totalité des personnes déplacées.

 16   Donc de façon à pallier le caractère incomplet de cette étude, nous avons

 17   utilisé des chiffres plus complets, et pour cela nous avons utilisé des

 18   sources telles que la liste électorale, et nous avons comparé ceci au

 19   recensement avant la guerre. Il s'agissait, en fait, d'une procédure

 20   statistique tout à fait classique qui devrait être considérée comme une

 21   extrapolation de données statistiques échantillons sur la totalité de la

 22   période commençant avant la guerre.

 23   Q.  Je voudrais passer maintenant aux résultats du rapport sur les

 24   personnes déplacées en interne et les réfugiés. Mais avant cela, je

 25   voudrais vous poser des questions sur la manière dont vous avez analysé le

 26   territoire du secteur Stanisic-Simatovic. Il y a un certain nombre de

 27   résultats dans le rapport qui parlent de la portion du territoire qui s'est

 28   retrouvée en Republika Srpska par rapport à la portion du territoire qui

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  1   s'est retrouvée dans la fédération. Est-ce que vous pourriez décrire la

  2   portion des cinq municipalités d'avant la guerre dans le secteur Stanisic-

  3   Simatovic qui sont finalement devenues parties de la RS et celles qui sont

  4   devenues parties de la fédération ?

  5   R.  Oui. En fait, les municipalités concernées par l'acte d'accusation

  6   n'englobent que cinq municipalités d'avant la guerre. Vous savez qu'il y a

  7   eu une répartition, une division des municipalités après la guerre. Ce sont

  8   les divisions consécutives aux accords de Dayton. Là, c'est une division

  9   administrative du pays en municipalités et ça a changé manifestement après

 10   les accords de Dayton. Mais avant la guerre, il y avait cinq municipalités

 11   : Bosanski Samac, Zvornik, Doboj, Sanski Most, et Bijeljina, autant de

 12   municipalités qui correspondent à 11 municipalités post-Dayton. Lorsqu'on a

 13   opéré la division en municipalités après la guerre, il y a eu une division

 14   de plusieurs municipalités. Sur quatre des cinq municipalités, il y a une

 15   partie qui a passé à la Republika Srpska et une autre à la fédération.

 16   Bijeljina est la seule sur les cinq municipalités qui n'a pas été divisée.

 17   Toutes les autres l'ont été. Doboj a même été divisée en quatre.

 18   Les municipalités de la Republika Srpska sont donc en rapport avec

 19   les parties de la municipalité d'avant la guerre qui ont fait partie après

 20   Dayton de la Republika Srpska, puis la partie fédérale c'est celle qui est

 21   revenue à la fédération.

 22   Je pense qu'il est utile de regarder la situation en matière de

 23   population dans la partie Republika Srpska, dans la partie de la

 24   fédération. D'après les données du recensement, dans de la Republika Srpska

 25   il y avait environ 240 000 individus, et pour ce qui est de la partie de la

 26   fédération, quelque 80 000. Dans la partie de la Republika Srpska de ces

 27   municipalités, la population était numériquement supérieure, et de loin.

 28   C'est ce qui est dit d'après les données du recensement.

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  1   Q.  Merci. Voyons les résultats du rapport.

  2   M. FARR : [interprétation] Et voyons la pièce illustrative qui montre les

  3   résultats du rapport concernant les personnes déplacées en interne et les

  4   réfugiés soumis à la Chambre. Il s'agit de la pièce -- en tout cas, du

  5   document de la liste 65 ter 5862 dont je vais demander l'affichage.

  6   Q.  Madame Tabeau, deux questions préliminaires pour ce qui est de cet

  7   exemple, et ce sera utilisé aussi pour le rapport des victimes. Est-il

  8   exact de dire que toutes les données de cette pièce administrative

  9   découlent de votre rapport et du processus utilisé ?

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Est-il vrai de dire que les résultats présentés ici dans cette pièce

 12   illustrative ont été sélectionnés après consultation entre vous et les

 13   membres de l'équipe de l'Accusation ?

 14   R.  Exact.

 15   Q.  Prenons cette pièce illustrative et voyons d'abord le premier tableau

 16   de ce rapport sur les PDI et les réfugiés. On a une division des résultats

 17   entre la partie de la Republika Srpska et la partie fédérale. Vous voyez

 18   ici les données chiffrées minimales s'agissant du "nombre de déplacés et de

 19   réfugiés." Dites-nous en quelques mots ce que ces chiffres représentent,

 20   s'il vous plaît.

 21   R.  Dans ce premier tableau, vous avez les données chiffrées minimales.

 22   C'est le nombre de personnes déplacées à l'intérieur mais aussi de

 23   déplacées à l'extérieur; donc interne c'est à l'intérieur de la Bosnie-

 24   Herzégovine, et en externe c'est en dehors de la Bosnie-Herzégovine. Ce

 25   sont les chiffres minimaux qui viennent de la procédure de mise en

 26   corrélation et qu'on peut étayer par des données concernant le domicile,

 27   les caractéristiques ethniques qu'on retrouve dans toutes ces données

 28   chiffrées.

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  1   Vous avez d'abord ces chiffres uniquement pour ceux qui sont nés

  2   avant 1980. Il a fallu opérer cette limitation pour les membres de la liste

  3   électorale, mais aussi les personnes recensées par le recensement afin de

  4   permettre une certaine comparabilité des données au fil du temps ou sur une

  5   certaine période.

  6   Ça, c'était un première remarque. Ici, nous avons deux groupes. Il y

  7   a d'abord la population déplacée de la Republika Srpska, et le deuxième

  8   histogramme vous montre la partie fédérale dans la zone Simatovic et

  9   Stanisic. Il y a trois municipalités avant la guerre. Plus exactement, ce

 10   sont ces cinq municipalités qui sont devenues 11 après Dayton.

 11   Les données chiffrées que vous avez dans la première colonne

 12   concernent quelque 56 000 individus, plus exactement 55 837. Ça, c'est le

 13   nombre total de personnes déplacées qui, au moment où le conflit a éclaté,

 14   vivaient dans la partie Republika Srpska du secteur Stanisic-Simatovic. Ce

 15   sont les premières données chiffrées. Puis vous avez la ventilation

 16   ethnique, par exemple, avec 44 798 Musulmans qui furent déplacés en

 17   interne, qui étaient aussi des réfugiés, et

 18   2 560 Serbes de souche qui devinrent aussi déplacés et réfugiés.

 19   Q.  Merci. Rangée suivante, vous voyez ici l'intitulé, "Pourcentage de

 20   réfugiés déplacés et de groupes ethniques." Qu'est-ce que ça représente, de

 21   façon abstraite ?

 22   R.  Ces statistiques, nous les tirons des listes électorales; 96 %, c'est

 23   le chiffre indiqué pour les Musulmans déplacés. Ça veut dire que 96 % de la

 24   population reconnue ou recensée en 1997/1998,

 25   96 % de cette population musulmane s'est retrouvée déplacée en interne ou

 26   en externe.

 27   Q.  Permettez-moi de poser une question de suivi et dites-moi si j'ai

 28   raison. Est-il juste de dire que pour 100 Musulmans de la partie Republika

Page 9906

  1   Srpska de ce secteur, 96 ont apparemment quitté la municipalité qui était

  2   la leur auparavant, et là, nous parlons de ce qui se passait en 1991 par

  3   rapport à 1997/1998 ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et pour 100 Serbes qui se trouvaient dans la partie fédérale du secteur

  6   Stanisic-Simatovic, vous avez trouvé des correspondances à hauteur de 99,6.

  7   Ça veut dire que 99,6 auraient quitté la municipalité où ils habitaient en

  8   1991 ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et c'est ce qu'on trouve dans le tableau en fin de page ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Y a-t-il dans ces données ou dans d'autres d'informations que vous avez

 13   des éléments qui vous permettent de tirer des conclusions sur la question

 14   de savoir si ces deux grands déplacements de population, celui des Serbes

 15   et des Musulmans, furent

 16   concomitants ?

 17   R.  Il est probable que ces déplacements aient été plus ou moins

 18   simultanés. Ce fut à bien des égards un processus parallèle, à mon avis.

 19   Q.  Puis on voit, "Données chiffrées plus complètes sur le nombre de PDI et

 20   de réfugiés. Vous avez donné des chiffres que vous avez obtenus grâce à des

 21   méthodes d'estimation statistique. Ce sont ces chiffres que nous retrouvons

 22   ici ?

 23   R.  Le chiffre le plus complet c'est celui des personnes estimées, obtenu,

 24   comme je l'ai dit, par extrapolation de certains échantillons de personnes

 25   déplacées par rapport à toute la population recensée en 1991.

 26   Q.  Et en plus des chiffres estimés complets, vous montrez qu'il y a des

 27   intervalles de confiance pour ces chiffres élevés, et ça montre le degré de

 28   certitude, n'est-ce pas, par rapport à une estimation ? Mais dites-nous,

Page 9907

  1   quels sont ces intervalles de confiance, qu'est-ce que ça signifie

  2   exactement ?

  3   R.  Effectivement, ils expriment le degré de certitude ou d'incertitude

  4   qu'on peut attacher à l'estimation faite. L'estimation faite ici, on a un

  5   nombre unique de personnes déplacées, mais ce n'est qu'une estimation, on

  6   n'est pas tout à fait sûr que c'est le nombre juste. A l'aide de techniques

  7   statistiques, il est possible d'obtenir des intervalles de confiance, mais

  8   qui nous disent ce qui se passeraient si on relevait plusieurs échantillons

  9   dans une population et si chaque fois on obtenait les mêmes statistiques

 10   alors qu'on aurait des échantillons différents. Donc ces intervalles de

 11   confiance, par exemple, pour les Musulmans, je vois ici 76 372, ensuite 76

 12   708. Vous voyez, vous avez un intervalle où le degré de confiance est plus

 13   élevé, en l'occurrence 95 %, et vous y englobez le nombre inconnu de

 14   Musulmans déplacés. L'intervalle de confiance est très exigu, et c'est dû à

 15   la taille importante des personnes inscrites sur la liste électorale, et

 16   ces intervalles étroits indiquent que nous sommes très précis dans nos

 17   estimations chiffrées.

 18   Q.  Vous disiez il y a un instant qu'en théorie il est possible de préparer

 19   une liste des individus repris dans les chiffres minimaux en fonction du

 20   domicile au cours des deux années concernées et en fonction de leurs noms.

 21   Si je ne m'abuse, si j'ai bien compris, il n'est possible de le faire à

 22   partir des nombres complets estimés ?

 23   R.  C'est vrai en partie, parce qu'en fait les nombres plus complets

 24   devraient reprendre les chiffres minimaux avec en plus, disons, des

 25   corrections ou des éléments supplémentaires qu'il est possible d'obtenir à

 26   l'aide de techniques statistiques. Donc c'est vrai pour le chiffre minimal,

 27   mais pas pour la partie ajoutée.

 28   Q.  Prenons le haut de la page suivante. Nous allons y trouver le tableau

Page 9908

  1   numéro 4. Il y a une ventilation ici pour donner d'un côté les résultats

  2   RS, Republika Srpska, et de l'autre, les résultats de la fédération.

  3   J'aurai d'autres questions dans un instant, mais dites-nous d'abord en

  4   quelques mots et de façon générale ce que ce quatrième tableau représente.

  5   R.  Il fait la synthèse de la composition ethnique dans la partie RS et

  6   dans la partie fédérale du secteur. La composition ethnique, d'une part,

  7   concerne l'année 1991, alors que de l'autre côté, vous avez la composition

  8   ethnique adaptée de 1997. Cette composition ethnique s'exprime d'abord en

  9   chiffres absolus, mais en plus en pourcentage, sachant que les nombres

 10   absolus pour 1991 sont complets, mais pour ce qui est de 1997, à nouveau,

 11   c'est simplement un échantillon. Il est conséquent en taille, mais ce n'est

 12   qu'un échantillon.

 13   Pour ce qui est des chiffres absolus en 1997, ils ne représentent pas

 14   la taille effective de la population. Mais on peut comparer les

 15   pourcentages au cours de ces deux années. Là, vous voyez au tableau numéro

 16   4, pour 1991 et 1997, des pourcentages qui peuvent être estimés et comparés

 17   directement.

 18   Q.  Et c'est là qu'on a effectivement la partie intitulée "pourcentage" ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Prenons un exemple pour préciser les choses. Lit-on bien ce tableau si

 21   on voit que la population musulmane dans la partie RS du secteur Stanisic-

 22   Simatovic est passée de 33,1 % à 1,6 % pour toute la population entre 1991

 23   et 1997 et que c'est une diminution de 95,3 % ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et que pendant cette même période, il y a eu une augmentation de la

 26   population serbe qui est passée d'un peu plus de la moitié à plus de 90 % ?

 27   R.  C'est vrai. Il y a eu là pour les Serbes une augmentation de 76,4 %.

 28   Q.  Et ces mutations démographiques en pourcentages, est-ce qu'on les

Page 9909

  1   retrouve à la figure 12 en bas de page ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  J'ai quelques questions concernant le document.

  4   M. FARR : [interprétation] Peut-on afficher le document 564 de la liste 65

  5   ter.

  6   Q.  Est-ce que ce document porte l'en-tête du centre de Banja Luka pour la

  7   Sûreté de l'Etat à l'intérieur du MUP de la Republika Srpska. Février 1995,

  8   c'est la date, et c'est : "Survol du nombre et de la structure ethnique de

  9   la population par municipalités se trouvant dans le secteur du RDB de Banja

 10   Luka de 1991 à 1995."

 11   Document saisi le 27 février 1998 par le bureau du Procureur au centre de

 12   sécurité de Banja Luka.

 13   Est-ce que vous connaissez ce document ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez une copie du document sous les yeux ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Pouvez-vous --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on l'a déjà à l'écran ?

 19   M. FARR : [interprétation] Pas encore.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour bien suivre, il est utile de voir

 21   le document à l'écran.

 22   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment il y a un petit problème

 24   technique. Il n'empêche, Monsieur Farr, vous aussi, vous allez examiner

 25   l'écran et vous verrez à quel moment nous aurons le document à l'écran.

 26   M. FARR : [interprétation] Mais je peux poursuivre peut-être.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.

 28   M. FARR : [interprétation]

Page 9910

  1   Q.  Madame, voyons le rapport consacré aux victimes. Constatons d'abord

  2   qu'elles se composent de deux parties : il y a le corps même, puis les

  3   annexes. On voit toutes les victimes dues à la guerre dans ce secteur. Et

  4   la quatrième partie concerne les victimes qui sont reprises dans l'acte

  5   d'accusation. Nous allons suivre cet ordre pour examiner, puis nous allons

  6   parler de vos ressources, de vos méthodes de travail et de vos

  7   constatations.

  8   Commençons par le corps, pages 4 à 6, y sont énumérées les sources que vous

  9   avez utilisées pour établir ce rapport. Dites-nous rapidement non pas ce

 10   que sont ces sources, parce que c'est déjà dit dans le rapport, mais

 11   quelles étaient les particularités ou caractéristiques de ces sources qui

 12   ont fait que vous les avez choisies ?

 13   R.  Je pense qu'il est important de dire qu'il est important de trouver des

 14   sources fiables quand on veut établir le nombre de victimes et que c'est là

 15   quelque chose de difficile à faire. En temps de conflit, il est erroné de

 16   penser qu'il est facile de trouver des sources fiables. Par conséquent,

 17   nous nous sommes servis de données de sources qui, malgré tout, sont les

 18   meilleures qu'il était possible de trouver et de recueillir, et on peut

 19   croire quelles sont en grande partie complètes et dignes de foi. Nous

 20   n'avons pas ménagé nos efforts pour obtenir des sources concernant tant les

 21   victimes civiles que militaires de la guerre. Par exemple, s'agissant des

 22   victimes militaires, nous avons obtenu des listes complètes des soldats

 23   morts au combat et d'autre personnel qui travaillait au ministère de la

 24   Défense en Bosnie-Herzégovine. S'agissant des victimes -- je poursuis,

 25   Monsieur le Président ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. J'écoute, mais si je jette un

 27   petit coup d'œil tout autour de moi c'est pour voir où nous en sommes.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien. S'agissant des sources précisant

Page 9911

  1   les victimes civiles, nous avons utilisé deux grandes bases de données

  2   établies par les autorités statistiques de la Fédération et de la Republika

  3   Srpska respectivement en Bosnie-Herzégovine, lesquelles ont informatisé à

  4   notre demande tout ce dont ces sources disposaient au moment de la guerre.

  5   Il y avait deux groupes de sources. D'un côté, les personnes décédées de

  6   mort naturelle, elles ont été exclues de ce rapport et tout autre rapport

  7   portant sur les victimes de la guerre. Mais nous avons également reçu les

  8   éléments d'information concernant précisément les victimes de la guerre.

  9   Ces listes obtenues de la Republika Srpska et de la fédération, ce qu'on

 10   appelle les deux bases de données donnant les morts en temps de guerre ont

 11   été préparées par les offices statistiques spécialisés par des personnes

 12   formées, maîtrisant leur art, et qui nous ont fourni ces informations.

 13   Ajoutons que ces archives sont étayées, par exemple, par des certificats de

 14   décès ou d'autres documents. Par exemple, des déclarations judiciaires

 15   attestant de la mort de telle ou telle personne.

 16   Nous avons aussi des listes de personnes portées disparues, source

 17   importante que celle-là pour savoir quelles sont les victimes de guerre.

 18   Parce que tant qu'on ne retrouve pas le corps d'une personne décédée, on ne

 19   peut pas reprendre cette personne dans les archives répertoriant les

 20   personnes déclarées décédées, donc ces archives de personnes portées

 21   disparues sont importantes en prendre en compte. Il y a aussi des registres

 22   d'exhumations qui identifient les victimes dont le corps a été retrouvé

 23   dans un charnier, par exemple, en Bosnie-Herzégovine.

 24   Je suis convaincue que les sources utilisées sont les meilleures que

 25   nous avions à notre disposition pour ce genre de travail. Ce sont les

 26   sources qui se prêtent bien à ce travail sur les victimes de guerre. On ne

 27   peut pas dire pour autant que ce soit des données complètes. Bien sûr,

 28   elles présentent telle ou telle carence à bien des égards.

Page 9912

  1   M. FARR : [interprétation]

  2   Q.  En page 3 de ce rapport consacré aux victimes, vous dites que les

  3   sources concernant la mortalité devaient contenir des informations sur le

  4   lieu, la date, et la cause du décès ou de la disparition. Pourquoi est-ce

  5   que vous aviez besoin de sources contenant ces informations pour que vous

  6   puissiez les utiliser ?

  7   R.  En général, il faut que les données fournies soient individualisées, il

  8   faut avoir des informations concernant un individu. Ce sont donc des listes

  9   longues de victimes, décédées, identifiées ou portées disparues, pour

 10   pouvoir utiliser ces données et faire des croisements entre ces sources,

 11   les comparer et éliminer les doublons. Il faut avoir des coordonnées

 12   personnelles : le nom, la date, le lieu de naissance, par exemple. Et si

 13   nous voulons étudier les circonstances détaillées du décès ou de la

 14   disparition de la personne, il faut savoir où, quand et comment cette

 15   personne est décédée.

 16   Q.  Pourquoi est-ce que les circonstances du décès sont d'une importante

 17   particulière ?

 18   R.  Parce qu'il s'agit de victimes de la guerre ici. La cause peut être un

 19   traumatisme violent ici, et il est important de ne pas faire un amalgame

 20   entre des personnes décédées de mort naturelle ou des personnes dont la

 21   mort est due à un traumatisme violent.

 22   Q.  Est-il juste de dire que vous avez uniquement utilisé les personnes qui

 23   ont trouvé la mort à la suite d'un traumatisme ou d'un accident violent ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Voyons votre méthode de travail. Dans la troisième partie de votre

 26   rapport consacré aux victimes, vous mentionnez la base de données intégrée

 27   de 2010 et vous dites comment elle a été établie en utilisant les 12

 28   sources que vous aviez. Vous ajoutez deux sources : le recensement de 1991

Page 9913

  1   en premier lieu, puis les listes électorales de 1997/1998 et 2000. Prenons

  2   d'abord le recensement de 1991. Comment l'avez-vous utilisé pour l'intégrer

  3   dans cette base de données de 2010 ?

  4   R.  Je vais y venir, mais je crois qu'il est important de préciser ce

  5   qu'est cette base de données intégrée concernant la mortalité de 2010. On

  6   retrouve tous les décès dus à la guerre que nous avons pu répertorier au

  7   fil du temps dans nos sources, dans l'unité démographique où je travaille.

  8   Cette base de données a été établie tout récemment; sa version définitive a

  9   été crée, je pense, en janvier 2010. Et elle fait la synthèse du travail

 10   que nous avons fait sur les sources, sur les rapports concernant des

 11   victimes de la guerre, sur notre expérience, qui représente quand même dix

 12   années de travail aujourd'hui. Cette base de données couvre toute la guerre

 13   en Bosnie-Herzégovine et tout le territoire du pays. Cette base de données

 14   est le résultat de la fusion de 12 sources importantes concernant les

 15   victimes de la guerre, en éliminant les chevauchements, les doublons, en

 16   faisant le toilettage des données pour combler des lacunes éventuelles.

 17   C'était la partie essentielle de notre travail, mais comme nous voulions

 18   être sûrs que toutes ces victimes avaient bien vécu en Bosnie-Herzégovine

 19   au moment où le conflit a éclaté, le recensement de 1991 a été utilisé.

 20   Nous avons fait une comparaison croisée entre les victimes et le

 21   recensement de 1991 pour valider les coordonnées personnelles des victimes

 22   et, dans la mesure du possible, pour accroître les informations que nous

 23   avions sur chaque individu en reprenant, par exemple, les informations le

 24   concernant dans le recensement.

 25   Donc c'est une méthode de validation et d'amélioration des données. Puis il

 26   y a un autre groupe de sources. Ce qui donne des informations sur la

 27   population des rescapés, pour ainsi dire, et donc là c'est pour 1997, 1998.

 28   Nous avons la liste électorale, nous avons aussi le registre officiel des

Page 9914

  1   PDI et des réfugiés établi par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine; autre

  2   source de la population qui a survécu aux événements. Et là aussi nous

  3   avons comparé cette liste des victimes de la guerre avec le registre des

  4   personnes ayant survécu, ceci, pour éviter des faux positifs que seraient

  5   les personnes dont on avait dit qu'elles étaient décédées alors qu'elles

  6   avaient survécu.

  7   Je crois que c'est la méthode utilisée pour ce projet comme pour d'autres.

  8   Il est important de dire que nous n'avons pas utilisé toutes les données de

  9   cette base intégrée, qui est très conséquente, parce qu'elle représente

 10   quelque 90 000 fichiers de victimes de la guerre en Bosnie. Nous avons fait

 11   une sélection à partir de critères suivants : la zone et la date, comme il

 12   est dit précisément dans l'acte d'accusation.

 13   Q.  Aux pages 8 et 9 du rapport, on fait référence à des informations sur

 14   l'ethnicité et on dit que ces informations  n'étaient pas toujours

 15   pleinement disponibles dans le recensement de 1991. Ma question est donc la

 16   suivante : avez-vous utilisé des éléments pouvant établir l'appartenance

 17   ethnique sur la base des données relatant la cause du décès ?

 18   R.  Nous avons toujours utilisé cela sur la base du recensement, tout

 19   simplement parce que l'appartenance ethnique n'est pas toujours notée

 20   partout et c'est peut-être plus important, parce que l'appartenance

 21   ethnique est le résultat d'une analyse personnelle de l'individu et le

 22   sentiment d'appartenance peut changer selon les circonstances. Et pour

 23   éviter ces mutations dans la perception de l'appartenance ethnique, nous

 24   utilisons toujours des informations qui renvoient au recensement, donc en

 25   l'occurrence, au recensement de 1991, et qui ne reflète pas de changements

 26   d'analyse personnelle ultérieurs.

 27   Q.  Le rapport inclut également une mention de l'état civil ou militaire de

 28   la victime, et vous expliquez dans votre rapport que vous avez attribué un

Page 9915

  1   statut de militaire à certaines victimes. Vous indiquez à la page 9 du

  2   rapport que ceci ne veut pas nécessairement dire qu'un militaire était une

  3   personne combattante. Pourquoi ?

  4   R.  Notre approche, depuis de nombreuses années déjà, est que toute victime

  5   incluse dans les listes de victimes militaires, qui sont au nombre de trois

  6   : il y a celle de l'ABiH, les hommes de la VRS et les hommes de la BiH, et

  7   si j'ai bonne mémoire, cela couvre  54 000 individus. Ces listes ont été

  8   établies pour permettre le versement d'allocations et des bénéfices divers

  9   suite à un décès. Ainsi donc, quelque victime qui soit qui se retrouve sur

 10   cette liste est reprise par nous comme étant une victime "militaire." Cela

 11   n'a qu'un rapport immédiat et direct avec la cause du décès. Il n'y a pas

 12   d'adéquation toujours entre le statut militaire et les circonstances du

 13   décès. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'un militaire est né et mort

 14   au combat. Cela veut simplement dire que, d'une façon ou d'une autre, une

 15   victime avait un lien avec l'armée ou le ministère de la Défense.

 16   Q.  Merci.

 17   M. FARR : [interprétation] Je ne sais pas à quelle heure nous avions

 18   commencé. Est-ce que c'est l'heure de la pause déjà ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est généralement toutes les 75 minutes

 20   qu'on fait une pause environ, mais -- pardon, je reprends. Evidemment, nous

 21   savons que Mme Tabeau a travaillé sur ce document sur cinq ans. Je ne sais

 22   pas si ça change grand-chose qu'elle y ait eu travaillé trois ou sept ans.

 23   En ce qui concerne le statut de combattant, je trouve à la page 9 que le

 24   statut de militaire est très clairement expliqué. On voit bien ici que :

 25   "Un certain nombre de soldats sont morts au combat, mais qu'un grand nombre

 26   d'entre eux sont sans doute morts dans d'autres circonstances et dont les

 27   corps ont été exhumés dans les charniers."

 28   C'est exactement ce qui est indiqué. Je ne comprends pas pourquoi nous

Page 9916

  1   avons passé deux ou trois minutes sur ce document. Je crois qu'on aurait pu

  2   adopter ces documents, les prendre en valeur faciale et attendre le contre-

  3   interrogatoire. Monsieur Farr, je crois que vous avez une dizaine de

  4   minutes encore avant la pause. Essayez de prendre la peine d'examiner vos

  5   questions d'un peu plus près et de voir si elles ne feraient pas double

  6   emploi avec ce que l'on trouve dans le rapport. Jusqu'à ce moment, j'ai

  7   l'impression qu'environ 40 % des questions que vous posez reprennent des

  8   choses qui sont clairement exposées dans le rapport. Quant aux 60 %

  9   restantes, reste à savoir ce que cela veut dire et couvre exactement. Mais

 10   j'imagine que vous ne vouliez pas prendre de risque et que c'est pour ça

 11   que vous avez procédé ainsi.

 12   Monsieur Farr, vous avez donc encore une dizaine de minutes pour procéder.

 13   M. FARR : [interprétation]

 14   Q.  Madame Tabeau, je voudrais revenir aux conclusions de votre rapport.

 15   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je

 16   vous propose d'examiner le document 65 ter 5863, intitulé : "Conclusions

 17   principales du rapport sur les victimes," conclusions qui ont été

 18   distribuées au prétoire.

 19   Q.  Madame Tabeau, on voit ici un chiffre minimal et un chiffre estimé

 20   général reprenant les conclusions de votre rapport. Ma question est la

 21   suivante : avons-nous raison de penser que sur ce chiffre minimal, nous

 22   devrions être en mesure d'établir une liste détaillée incluant les noms de

 23   chacune de ces victimes, tout comme pour les personnes déplacées ?

 24   R.  Oui, c'est tout à fait possible en pratique. Ce n'est pas théorique du

 25   tout. Et nous avons d'ailleurs cette liste.

 26   Q.  Fort bien. Merci. Très bien.

 27   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, dites-moi si vous avez

 28   besoin d'éléments supplémentaires. Je reste entre vos mains pour savoir si

Page 9917

  1   vous avez besoin d'informations complémentaires quant à savoir comment ce

  2   chiffre total estimé a été calculé.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, tout va bien.

  4   M. FARR : [interprétation]

  5   Q.  Madame, au tableau 3B, on voit un intitulé : "Pourcentages par groupes

  6   ethniques." Dans la colonne "civils," a-t-on raison de penser que des 3 092

  7   victimes civiles, 73 % étaient des Musulmans,  19 % des Serbes, 3 % des

  8   Croates et les 3,4 % restants autres; est-ce bien cela ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et est-il exact également que dans ce minimum de 5 359 victimes

 11   musulmanes, 42,5 % étaient des civils et 57,5 % avaient un statut de

 12   militaire ?

 13   R.  C'est bien cela.

 14   Q.  Vous nous avez indiqué dans votre rapport comment les chiffres sous-

 15   jacents étaient calculés et ce qu'il en est de la fiabilité du chiffre

 16   minimal ?

 17   R.  Le chiffre minimal est la liste des victimes que l'on peut établir sur

 18   la base d'autres documents et d'autres sources. Il y a néanmoins un certain

 19   nombre d'exclusions -- qui ne pouvaient pas être rattachés directement à

 20   l'affaire Stanisic/Simatovic.

 21   Q.  Madame, je comprends - et je m'excuse de vous interrompre - que ceci

 22   est inclus déjà dans votre rapport. Pourriez-vous nous dire plus

 23   précisément ce qu'il en est de ce sous-jacent et de ce qu'il indique sur la

 24   fiabilité du chiffre minimal ?

 25   R.  Bien, nous avons cherché à présenter en termes quantitatifs comment

 26   s'expliquent l'augmentation et le manque d'identification d'un certain

 27   nombre de personnes. Nous savons très bien que le chiffre minimal est

 28   incomplet et que c'est une estimation relativement basse. Nous avons rejeté

Page 9918

  1   un certain nombre de sources qui ne nous semblaient pas fiables ou

  2   biaisées. Nous savons très bien que cela a donné lieu à l'exclusion d'un

  3   certain nombre de personnes. Donc ce manque à compter n'est qu'une

  4   estimation de ce qui manque dans l'estimation générale.

  5   Q.  Peut-on dire que l'existence même de ce manque à compter montre que le

  6   nombre minimal est, en fait, une estimation prudente des chiffres ?

  7   R.  Oui, c'est bien cela.

  8   Q.  Passons donc à l'annexe 4 du rapport. C'est celui qui traite

  9   directement des victimes assassinées couvertes par l'acte d'accusation.

 10   Vous faites référence à des documents aux pages 3 et 4 de l'annexe 4. Je

 11   vais vous demander de nous dire en gros combien de documents de ce type

 12   vous avez examinés pendant votre travail au bureau du Procureur ?

 13   R.  Je crois que le nombre de documents qui ont été examinés était de 250,

 14   plus ou moins quelques-uns.

 15   Q.  Vous parlez des documents traitant des victimes pertinentes dans

 16   l'affaire qui nous occupe ?

 17   R.  C'était des documents qui couvrent les victimes reprises dans les

 18   annexes à l'acte d'inculpation.

 19   Q.  Mais ma question était plus générale. Je vous demandais combien de

 20   documents de ce type vous avez examinés depuis que vous travaillez ici ?

 21   R.  Je travaille systématiquement avec ces documents, tout simplement parce

 22   que c'est mon unité qui est responsable du projet d'exhumations du bureau

 23   du Procureur, et j'ai eu des contacts réguliers avec les organisations qui

 24   produisent des documents de ce type, par exemple, la commission d'Etat sur

 25   les personnes disparues à Sarajevo, d'autres tribunaux, des instances qui

 26   couvrent les affaires à Srebrenica ou en Krajina, et dans toutes ces

 27   affaires on a utilisé systématiquement des documents de ce type.

 28   Q.  Est-ce que vous pourriez donc dire que vous avez examiné plusieurs

Page 9919

  1   milliers de documents de ce type ?

  2   R.  Bien, je ne saurais vous donner une réponse exacte, mais oui.

  3   Q.  Et lorsque vous avez examiné ces documents, ou à l'usage, j'imagine que

  4   vous avez appris à reconnaître ces documents, leur modèle, l'identité des

  5   personnes qui auraient signé ces documents ou qui auraient créé des

  6   documents de ce type en Bosnie-Herzégovine ?

  7   R.  Oui, d'autant que j'ai, à l'occasion, rendu visite moi-même à un

  8   certain nombre d'organisations qui travaillent sur l'exhumation et

  9   l'identification des corps en Bosnie-Herzégovine. Je n'ai donc pas

 10   travaillé que sur une base documentaire, mais également pu travailler et

 11   parler à ces personnes qui produisent ces documents.

 12   Q.  Alors, je voudrais --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question, si vous le voulez bien.

 14   Vous dites que vous avez examiné environ 250 documents dans l'affaire qui

 15   nous intéresse. A la page 3 de l'annexe 4, "Panorama des documents

 16   d'exhumation et d'identification utilisés comme éléments de preuve," vous

 17   arrivez à 430 ici. Est-ce que ce sont les mêmes que les 250 que vous

 18   évoquez ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces 430 liens renvoient vers des documents. Il

 20   y avait un nombre de documents bien plus grand qui incluait la liste des

 21   victimes. Donc des liens, des renvois, il y en avait environ 430, mais des

 22   documents à proprement parler, 250, tout simplement parce que certains

 23   documents couvraient plus d'une victime à la fois. Evidemment, si l'on

 24   renvoie au document à chaque fois qu'on examine une victime, on a

 25   l'impression qu'il y a beaucoup plus de liens qu'il n'y a de documents à

 26   proprement parler --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je comprends.

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

Page 9920

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez dire également que dans un

  2   document unique on retrouve dix renvois à dix victimes différentes; c'est

  3   bien cela ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bien cela.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc quand vous dites que pour une

  6   victime vous avez parfois plusieurs documents, mais à l'inverse, pour un

  7   document vous avez parfois plusieurs victimes; c'est bien cela ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bien cela, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 10   M. FARR : [interprétation]

 11   Q.  Madame Tabeau, si vous voulez bien, je voudrais passer au tableau que

 12   l'on trouve à l'annexe 4 de votre rapport sur les victimes.

 13   M. FARR : [interprétation] Tout le monde l'a eu ici. Peut-être la page 7

 14   nous intéresse-t-elle plus particulièrement. Alors, est-ce qu'on peut avoir

 15   le document 5748 de la liste 65 ter à l'écran ?

 16   Q.  Madame, pourriez-vous nous dire à quoi correspond chaque ligne de ce

 17   document ?

 18   R.  Chaque ligne correspond à une victime, et pour chaque victime, elle

 19   renvoie à un document donné qui reprend en détail les circonstances de la

 20   mort ou de la disparition de l'individu. Donc pour la première victime,

 21   Ivan Agatic, il y a deux documents qui lui sont associés, les documents qui

 22   sont présentés dans ce tableau et qui sont reconnus comme étant deux

 23   documents tendant à confirmer le décès de cette personne. C'est pour cela

 24   qu'on établit ensuite une liste de documents par victime, et on a donc pour

 25   la victime Agatic un document 1 et un document 2. Ceci reprend donc les

 26   différents documents pour chaque victime.

 27   Q.  Très bien. Donc chaque ligne correspond à un document, et s'il y

 28   a plusieurs lignes pour une victime en particulier, c'est-à-dire qu'il y a

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  1   plusieurs documents ?

  2   R.  C'est bien ça.

  3   Q.  Ça me paraissait évidemment assez clair, mais c'était utile de le

  4   dire. Est-ce que vous pourriez nous dire à quoi correspondent les mots

  5   "oui" lorsqu'ils apparaissent dans le document ?

  6   R.  Cela veut dire que c'est un document standard que je connaissais, un

  7   document que les autorités avaient tendance à présenter de façon

  8   systématique. La mention oui est donc mon évaluation de l'authenticité du

  9   document.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   M. JORDASH : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à ce que Me Farr

 12   continue à parler, mais est-ce qu'on pourrait avoir une pause ?

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Je comprends. Est-ce que,

 14   Monsieur Farr, vous pourriez nous dire combien de temps il vous faut encore

 15   ?

 16   M. FARR : [interprétation] Moins de 20 minutes, me semble-t-il, Monsieur le

 17   Président.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire la pause, et vous

 20   aurez un quart d'heure après la pause. Nous reprendrons à 4 heures 05.

 21   --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.

 22   --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toutes nos excuses pour ce retard.

 24   Monsieur Farr, il vous reste une quinzaine de minutes.

 25   M. FARR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Q.  Madame Tabeau, examinons ensemble les commentaires que l'on retrouve

 27   sous l'intitulé, "Commentaire du Dr Eva Tabeau." Et étant donné contrainte

 28   de temps, je vous demanderai de nous dire ça très clairement et très

Page 9922

  1   brièvement. On voit "associated POD," qu'est-ce que ça veut dire ?

  2   R.  Ça veut dire document établissement à la preuve du décès. Il y avait

  3   d'ailleurs très exactement 38 documents de ce type qui reprenaient en page

  4   de couverture les noms des victimes rédigés à la main. A part cela, le nom

  5   des victimes n'était pas rédigé ou indiqué dans le corps du texte.

  6   "Associé" cela veut donc dire qu'il y avait des documents qui renvoyaient

  7   le nom de la victime ou que le nom pouvait être établi, par exemple, avec

  8   une étiquette portant le nom de la victime qui avait été rattaché au corps

  9   de la victime.

 10   Q.  Très bien. Merci. Et POD donc, preuve d'un blessé fiable, qu'est-ce que

 11   cela veut dire ?

 12   R.  Cela veut dire que l'on avait des documents plus complets avec, par

 13   exemple, l'état civil de la victime qui était repris dans le corps du

 14   texte.

 15   Q.  Et "victime de guerre confirmée," qu'est-ce que cela veut dire ?

 16   R.  Ça veut dire que le dossier de cette victime a été retrouvé dans la

 17   base de données mortalité intégrée, et entre parenthèses on retrouve le

 18   nombre de documents dans lesquels on retrouve cette mention et qui

 19   confirment cela, par exemple, à la troisième victime on trouve le document

 20   numéro 2, et entre parenthèses on trouve document 23 [comme interprété], ce

 21   qui veut donc dire que cette victime est retrouvée et qu'il en est fait

 22   mention dans la base de données intégrée au document de sources 2 et 3.

 23   Q.  Et la liste des sources est établie à la page 5 de l'annexe 4, n'est-ce

 24   pas ?

 25   R.  Oui, en effet.

 26   Q.  Qu'en est-il de l'état civil confirmé ?

 27   R.  Cela veut dire que cet individu a été identifié dans le recensement de

 28   1991 et qu'on a donc pu procéder à un recoupement de la liste des victimes

Page 9923

  1   et du recensement.

  2   Q.  Très bien. Passons à la colonne "Conclusion finale." Dans quelles

  3   circonstances trouve-t-on la mention de votre main "très satisfaisant" ?

  4   R.  Cela correspond au cas qui me permettait de conclure qu'il y avait un

  5   document confirmant la preuve du décès qui était fiable, que la victime

  6   était retrouvée dans la base de données intégrée, et enfin que le dossier

  7   où l'état civil de la victime se retrouvait dans le recensement.

  8   Q.  Est-ce que "cette conclusion très satisfaisant" fait référence

  9   exclusivement à la mort de la victime ou à autre chose ?

 10   R.  Il y a deux victimes pour lesquelles nous n'avions que des rapports de

 11   disparition, et pour ces deux personnes, lorsque l'on voit la mention très

 12   satisfaisant, ça veut dire qu'il y a effectivement une trace satisfaisante

 13   de ce que ces personnes ont disparu, non pas qu'elles sont décédées.

 14   Q.  Et là où il est fait mention d'une situation "très satisfaisante" pour

 15   d'autres victimes, est-ce que cela traite ou renvoie au décès ou aux

 16   circonstances du décès ou à autre chose ?

 17   R.  Bien, très satisfaisant ça renvoie au document, également au type de

 18   document, au nombre de documents, et au fait que la victime donnée peut

 19   être identifiée, recoupée dans toutes les données, là où est ce recensement

 20   ou la base de données intégrée.

 21   Q.  Et lorsqu'il est indiqué "satisfaisant," à quoi cela renvoie-t-il ?

 22   R.  C'est lorsque les informations étaient limitées, par exemple, lorsqu'il

 23   n'y avait pas de lien direct qui renvoyait directement au recensement ou à

 24   la base de données intégrée, et lorsqu'il y avait des documents de preuve

 25   de décès associés, les 38 que j'ai évoqués tout à l'heure.

 26   Q.  Très bien. Et les 14 victimes supplémentaires que vous avez identifiées

 27   en examinant les documents établissant la preuve du décès. Comment les

 28   avez-vous identifiées et pourquoi les avez-vous reprises dans cette liste ?

Page 9924

  1   M. JORDASH : [interprétation] Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, j'ai dit à mes

  3   collègues, que j'avais oublié de vous accorder vos cinq minutes. J'avais

  4   prévu de vous les donner à la fin de l'interrogatoire en chef, mais peut-

  5   être qu'on pourrait le faire maintenant. En effet, il y avait une question

  6   de procédure qui, Madame Tabeau, ne vous touche pas directement. Est-ce que

  7   cela vous embête, Maître, que Mme Tabeau vous entendre ?

  8   M. JORDASH : [interprétation] Non, je vous en prie.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Puisque nous passerons à ces

 10   14 victimes supplémentaires, peut-être pourrions-nous donner la possibilité

 11   à Me Jordash d'évoquer le point qu'il souhaitait évoquer.

 12   Monsieur Farr, nous vous inquiétez pas vous avez encore vos dix

 13   minutes.

 14   Maître Jordash, j'avais prévu de vous accorder cinq minutes.

 15   M. JORDASH : [interprétation] Je vais faire de mon mieux, Monsieur le

 16   Président. La requête est la suivante, Monsieur le Président, de demander à

 17   l'Accusation si elle souhaite rajouter 14 victimes à l'acte d'accusation,

 18   qu'elle le fasse en amendant l'acte d'accusation plutôt que de le faire

 19   dans le courant de la procédure, c'est-à-dire de, plutôt que de faire comme

 20   ils ont fait pour l'instant recours à l'article 65 ter en rajoutant ces

 21   éléments à la liste soumise le 1er octobre 2010, et en cherchant à verser

 22   cette pièce au dossier par le truchement de Mme Tabeau.

 23   De plus, l'Accusation semble souhaiter augmenter de 10 % le nombre de

 24   meurtres illicites attribués aux accusés. Il nous semble que si cela doit

 25   être fait, Monsieur le Président, ça doit se faire selon les règles sans

 26   biaiser et sans toucher le droit de la Défense.

 27   Je comprends que l'Accusation est d'avis qu'elle peut procéder, comme elle

 28   est en train de le faire en ce moment, et on retrouve à l'annexe E deuxième

Page 9925

  1   chapitre de l'acte d'accusation semble ouvrir cette possibilité où il est

  2   indiqué, par exemple, que la liste des victimes de Bosanski Samac fait

  3   référence à 16 victimes assorties d'une astérisque qui renvoie à la mention

  4   à "et d'autres victimes supplémentaires." Comme on le retrouve d'ailleurs à

  5   Doboj et à Sanski Most et à Zvornik. Nous, en faisant référence au jugement

  6   d'appel dans l'affaire Kupreskic, il nous emble que c'est ainsi qu'il faut

  7   agir - j'imagine que, Monsieur le Président, Madame les Juges, vous avez

  8   une copie de ce jugement, ou votre éminent greffier en a sans aucun doute

  9   une copie - c'est donc le jugement dans l'affaire Kupreskic en appel, et

 10   aux paragraphes 88 à 90. Il est indiqué très clairement que l'Accusation

 11   doit faire mention des victimes dans l'acte d'accusation. La seule

 12   exception, limitée d'ailleurs, n'existe que lorsque les crimes sont

 13   d'ampleur, à très grande échelle, et dans ces circonstances exclusivement

 14   la jurisprudence n'exige pas que chacune des victimes soit nommément

 15   identifiée.

 16   Monsieur le Président, Mesdames les Juges, au paragraphe 88, il

 17   est fait référence à l'ampleur des crimes : 

 18    "Dans la mesure où les crimes sont de telle ampleur qu'une approche

 19   extrêmement détaillée est impossible et que l'identité des victimes ne peut

 20   pas être établie nommément.

 21   Il est ensuite fait mention d'un mode d'identification de cette ampleur du

 22   crime que vous pourrez vous-mêmes revoir, Monsieur le Président, Mesdames

 23   les Juges, par exemple, lorsque l'accusé participe à un peloton d'exécution

 24   procédant à l'exécution de plusieurs centaines d'hommes.

 25   Et si on examine l'acte d'accusation en l'espèce, il nous semble qu'il ne

 26   se retrouve pas dans ces circonstances. L'Accusation a nommé d'ailleurs 16

 27   victimes à Doboj, 36 victimes à Sanski Most --pardon, comme je l'avais

 28   initialement indiqué, et cetera, et cetera.

Page 9926

  1   Il est donc tout à fait faisable à l'Accusation d'identifier et de nommer

  2   ces victimes même si cela n'a pas été fait au moment où l'acte d'accusation

  3   a été rédigé. L'Accusation peut certainement essayer de le faire désormais.

  4   Ne pas demander d'amendement à l'acte d'accusation est une erreur à notre

  5   avis, et si la demande d'amendement a été rejetée, il nous semble que

  6   l'ampleur n'est pas telle que les victimes supplémentaires ne devraient pas

  7   être rappelées par le truchement de cette modalité de procédure

  8   d'exception.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, vous avez la réponse ?

 10   M. FARR : [interprétation] Pour ce qui est de l'application de la décision

 11   dans l'affaire Kupreskic, je parle de mémoire, mais je pense que ceci

 12   portait sur les événements d'une seule journée à Ahmici. D'un point de vue

 13   géographique et temporaire, il s'agissait  d'incidents limités et les

 14   accusés étaient des auteurs directs ou quasiment directs de ces exactions.

 15   Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'un incident tout à fait différent et de

 16   plus grande envergure qui correspond beaucoup plus à l'exception qui a été

 17   citée dans la décision de l'affaire Kupreskic.

 18   Pour ce qui est de l'incident qui a permis d'identifier 14 nouvelles

 19   victimes, et pour ce qui est de l'annexe de Doboj, il est mentionné "avec

 20   des victimes supplémentaires," et en fait, il n'y a qu'une seule victime

 21   supplémentaire qui ait été identifiée. Pour ce qui est de Zvornik, il est

 22   mentionné également "plus des victimes supplémentaires," mais la situation

 23   est différente, puisque nous avons identifié huit victimes supplémentaires.

 24   Mais le paragraphe 62 de l'acte d'accusation mentionne le meurtre de 20

 25   civils non-serbes, et je pense que ces victimes supplémentaires nous

 26   amènent au total à 26, si je ne m'abuse. Un dernier exemple que je

 27   souhaiterais vous citer, c'est l'exemple de Sasina à Sanski Most. Dans

 28   cette situation, nous n'avançons qu'une seule victime supplémentaire, alors

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  1   que le Dr Tabeau a identifié cinq nouvelles victimes. C'est là, bien sûr,

  2   où nous serions peut-être tenus de modifier l'acte d'accusation. Mais nous

  3   nous en remettrons aux Juges de la Chambre pour savoir si nous devons

  4   établir une nouvelle liste de victimes et l'inclure à l'acte d'accusation.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y, Maître Jordash.

  6   M. JORDASH : [interprétation] Très rapidement, d'après ce que nous avons

  7   avancé, M. Farr ne rentre pas vraiment dans le cœur de l'affaire en

  8   question. Il faut bien déterminer quels étaient les faits incriminés.

  9   Lorsque l'Accusation recense 16 victimes liées aux faits incriminés à

 10   Bosanski Samac, est-ce que ceci était utile de recenser quelques victimes

 11   supplémentaires et de donner la possibilité à la Défense d'avoir

 12   suffisamment de temps pour traiter de ces crimes qui sont allégués ici

 13   plutôt que de le faire à la fin de la présentation des moyens à charge. Et

 14   deuxièmement, d'après nous, il ne s'agit pas de savoir quelle est

 15   l'importance de la liste des victimes en termes de nombre. Il s'agit d'une

 16   addition. L'Accusation peut dire : Nous ne rajoutons qu'un meurtre

 17   illicite. Mais il s'agit quand même d'un meurtre illicite.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est vous, Maître Jordash, qui

 19   avez commencé à utiliser des pourcentages.

 20   M. JORDASH : [interprétation] Oui, mais simplement pour montrer la gravité

 21   de la situation.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais apparemment la qualité, en plus de

 23   la quantité, a une importance pour vous, n'est-ce pas ?

 24   M. JORDASH : [interprétation] Oui, mais ceci à de l'importance pour ceux

 25   qui en pâtissent, pas pour ceux qui peuvent en bénéficier.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que bénéficier n'est peut-être

 27   pas le mot à utiliser ici.

 28   M. JORDASH : [interprétation] Oui, c'est exact.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous avons bien compris ce que vous

  2   vouliez dire. Donc si je peux résumer brièvement tout cela, c'est que nous

  3   parlons ici de la pertinence des éléments de preuve puisque Me Jordash est

  4   d'avis qu'afin de citer nommément des victimes qui ne figuraient pas

  5   nommément dans l'acte d'accusation auparavant ou dans tout autre document,

  6   ceci nécessiterait un amendement de l'acte d'accusation et, par conséquent,

  7   les Juges de la Chambre devraient donner leur accord, alors que M. Farr

  8   pense qu'il s'agit simplement de compléter des noms à des emplacements dans

  9   l'acte d'accusation où il s'agit de personnes non identifiées. Je ne sais

 10   pas si j'ai tout compris, mais les 14 victimes supplémentaires dont vous

 11   parlez, j'aimerais savoir quand le bureau du Procureur a pu identifier ces

 12   victimes auparavant non identifiées ?

 13   M. FARR : [interprétation] C'est le Dr Tabeau qui a identifié ces victimes

 14   en préparant l'annexe 4 du rapport.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Docteur Tabeau, dans ce cas, je vais

 16   vous poser cette question : quand avez-vous préparé l'annexe 4 de votre

 17   rapport ? J'ai dit que j'avais lu la totalité du rapport, mais ceci m'a

 18   peut-être échappé.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 23 septembre 2010. C'est la date du rapport

 20   et c'est à cette date-là que le rapport a été terminé, et c'est à ce

 21   moment-là que nous avons rajouté ces entrées.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous les avez donc reliées

 23   nommément à ces incidents, n'est-ce pas ? Et sans cela l'Accusation

 24   n'aurait pas pu les citer nommément à un stade précédent. Je crois que nous

 25   devrons reconsulter la jurisprudence. Si je me souviens bien, dans

 26   l'affaire Gotovina, il y a eu des circonstances similaires, mais l'échelle

 27   n'était pas la même. Il en va de même pour l'affaire Kupreskic. Par

 28   conséquent, ce que je propose, c'est que les Juges de la Chambre se

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  1   penchent sur cette objection. Et, Maître Jordash, en fait, tout ceci porte

  2   sur la pertinence des éléments de preuve du 14, parce que si ce n'est pas

  3   inclus dans l'acte d'accusation, au moins ça aura pour objectif de prouver

  4   que des victimes ont été tuées, et cette preuve n'aurait aucun sens si elle

  5   figurait dans l'acte d'accusation. Donc nous verrons si nous acceptons

  6   l'amendement de l'acte d'accusation, ensuite on verra s'il s'agit

  7   d'éléments de preuve pertinents, mais tout dépend comment on considère

  8   l'acte d'accusation, et nous verrons si les parties sont totalement

  9   opposées à cela.

 10   Vous nous dites, Maître Jordash, que ceci ne devrait pas faire partie de

 11   l'acte d'accusation et que si on ne modifie pas l'acte d'accusation, ça ne

 12   devrait pas être inclus dans celui-ci. M. Farr dit que ces victimes sont

 13   déjà incluses dans l'acte d'accusation; elles ne sont simplement pas

 14   mentionnées nommément --

 15   M. JORDASH : [interprétation] Oui, je crois que c'est notre position.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tel est le cas, je propose que nous

 17   continuions, et les Juges de la Chambre se pencheront sur la question pour

 18   savoir qui a raison et qui a tort entre Me Jordash et M. Farr, et nous

 19   verrons si l'on inclut ces 14 victimes dans l'acte d'accusation, est-ce que

 20   cela signifie qu'il faudra modifier officiellement celui-ci. Nous en

 21   tirerons les conséquences qui s'imposent compte tenu des éléments de preuve

 22   qui auront été présentés pour connaître leur valeur probante et leur

 23   pertinence.

 24   M. JORDASH : [interprétation] Oui. Si vous me le permettez, je pense que la

 25   situation est quelque peu plus compliquée que cela par rapport à ce qu'a

 26   dit le témoin, Mme Tabeau. Pour ce qui est du moment où l'on a pu découvrir

 27   le nom de ces victimes ou le moment où l'on pouvait découvrir le nom de ces

 28   victimes, et j'ai un document qui porte la cote de la liste 65 ter 4871 où

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  1   il y a le nom d'une victime, mais je ne pense pas qu'il y a un problème à

  2   divulguer ce nom en audience publique. Il s'appelle Omar Delic. Et c'est un

  3   document de M. Brammertz, qui le cite le 5 juin 2008.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci soulève un autre sujet. Je ne

  5   sais pas quel document vous mentionnez, mais si vous envoyez une lettre et

  6   si vous dites A, B et C ont été tués au même moment, si vous n'avez pas

  7   d'autres éléments de preuve, dans ce cas-là, on peut se demander s'il faut

  8   immédiatement modifier l'acte d'accusation ou pas. Encore une fois, je ne

  9   sais pas quel est le sujet exact du document, mais le fait simplement qu'un

 10   nom soit mentionné dans un document donné ne peut pas justifier la

 11   modification d'un acte d'accusation.

 12   M. JORDASH : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord. Mais je

 13   voulais simplement mentionner que la situation était plus compliquée que

 14   l'avait laissé penser M. Farr.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si les parties pouvaient arriver à

 16   ces éléments factuels qui sous-tendent des arguments qui sont beaucoup plus

 17   de principe, ce serait très utile. S'il y a un désaccord, à savoir si vous

 18   ne pensez pas que vous auriez pu identifier plus tôt ces personnes, ceci

 19   devra être pris en compte également par les Juges de la Chambre lorsque

 20   nous prendrons une décision concernant votre demande, si tout ceci est

 21   pertinent, bien sûr.

 22   M. JORDASH : [interprétation] Nous pensons que même si ce n'était pas le

 23   cas, la Défense devrait être en mesure de pouvoir répondre à tout préjudice

 24   qui pourrait être causé suite à une communication tardive des noms de ces

 25   victimes.

 26   [La Chambre de première instance se concerte] 

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre préféreraient

 28   recevoir des écritures en la matière. Nous avons parlé du périmètre de

Page 9931

  1   l'acte d'accusation, de ce qui est couvert et ce qui n'est pas couvert dans

  2   l'acte d'accusation, ce qui constitue toujours un aspect fondamental dans

  3   une affaire. Par conséquent, nous invitons les parties à présenter des

  4   écritures même sommaires. Vous avez besoin de combien de temps ?

  5   M. JORDASH : [interprétation] Etant donné que l'Accusation sera la première

  6   partie à rendre ses écritures, nous répondrons très rapidement après.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Farr, vous êtes la partie

  8   requérante, n'est-ce pas, en la matière ? Vous voulez rajouter cette

  9   information à la liste de l'article 65 ter, puisque d'un seul coup ces 14

 10   victimes sont apparues --

 11   M. FARR : [interprétation] Oui. Je pense que nous avons déjà déposé une

 12   requête pour ajouter ces 14 victimes sur la liste 65 ter, mais nous

 13   pourrions également présenter des écritures.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, mais nous voudrions également

 15   donner la possibilité à Me Jordash de répondre. Et peut-être que vous

 16   pourriez également fournir des arguments écrits supplémentaires pour

 17   expliquer votre point de vue, comme vous l'avez fait oralement dans ce

 18   prétoire aujourd'hui. Vous pouvez nous décrire les circonstances qui

 19   justifient cette exception, et de cette manière, Me Jordash aura la

 20   possibilité de répondre à cette requête dans sa totalité, et nous verrons

 21   également si nous devons passer à une deuxième série d'arguments écrits.

 22   Entre-temps, Maître Jordash, je ne pense pas que ceci vous causerait

 23   préjudice. Je pense que nous pouvons continuer à entendre le témoin. Nous

 24   verrons après si sa déposition ou cette partie de sa déposition est

 25   pertinente ou pas.

 26   M. JORDASH : [interprétation] Oui, je suis d'accord, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, je suppose que vous êtes

 28   d'accord ?

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  1   M. BAKRAC : [interprétation] La Défense Simatovic partage la position de la

  2   Défense de Stanisic. Me Jordash a parlé également au nom de notre équipe de

  3   la Défense.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous aimerions recevoir vos

  5   arguments écrits d'ici à la fin de la journée de vendredi, c'est-à-dire le

  6   10 décembre.

  7   M. FARR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  9   M. FARR : [interprétation]

 10   Q.  Docteur Tabeau, est-ce que vous pourriez nous expliquer rapidement

 11   comment vous avez identifié ces victimes supplémentaires et comment vous

 12   les avez reliées aux victimes qui figurent déjà sur la liste de ces

 13   incidents que nous avons mentionnés ?

 14   R.  La victime de Doboj a été incluse sur la liste grâce à la lettre que

 15   nous avons déjà mentionnée, c'est-à-dire une lettre envoyée par le

 16   procureur de Bosnie-Herzégovine au Procureur du TPIY, Serge Brammertz. Il

 17   s'agissait d'un rapport d'exhumation qui portait sur Makljenovac, où il y

 18   avait un site d'exhumation. Et d'autres victimes étaient également sur la

 19   liste, mise à part celle-ci, et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé

 20   de considérer cette personne comme étant une nouvelle victime. Pour Sasina,

 21   il y a cinq rapports concernant cinq nouvelles victimes. Ces cinq victimes

 22   émanent, en fait, de déclarations du tribunal de première instance de

 23   Sanski Most, déclarant ces personnes comme étant décédées, et ces

 24   circonstances sont liées à l'incident de Sasina. Il y a des déclarations de

 25   témoins qui y sont associées et qui sont recensées dans ces déclarations

 26   qui confirment la pertinence des circonstances liées à l'incident de Sasina

 27   lié donc à l'acte d'accusation.

 28   Pour ce qui est maintenant de Zvornik, les huit victimes ont été incluses

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  1   sur la base des rapports d'identification pour ces victimes. Chacun de ces

  2   rapports reprend en partie des informations émanant des familles, mais

  3   également des résultats de concordance ADN qui confirment l'identité de ces

  4   personnes. Et il y a une date du rapport qui est liée à Zvornik.

  5   Q.  Merci. Une des victimes que vous avez identifiées s'appelle Muha [comme

  6   interprété] Resic. Est-ce que vous avez changé votre opinion à son sujet ?

  7   R.  Oui. Je crois qu'au départ il s'agissait de Munavera Alagic, donc on

  8   pensait que c'était lié à une autre victime, que cette victime était liée à

  9   une autre victime. Oui, il s'agissait d'une personne qui s'appelait Alagic.

 10   Et d'après les documents liés à Munavera Resic, il s'agissait, en fait,

 11   d'une déclaration du tribunal avec des déclarations de témoin, et une des

 12   personnes faisant cette déclaration était M. Resic, son mari, et il est

 13   donc devenu évident que le nom de jeune fille de cette personne s'appelait

 14   Alagic, et donc que Resic était son nom de femme mariée.

 15   De plus, dans la première série de recherches, nous n'avions pas

 16   retrouvé le nom de cette personne, mais je l'ai retrouvé finalement dans le

 17   recensement, mais son nom n'était pas orthographié correctement, mais j'ai

 18   pu confirmer les autres données à caractère personnel la concernant. Par

 19   conséquent, il ne s'agit pas d'une nouvelle victime, mais une victime qui

 20   était déjà recensée.

 21   Q.  Merci.

 22   M. FARR : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher le document de

 23   la liste 65 ter 564.

 24   Q.  Docteur Tabeau, vous avez dit que vous connaissiez ce document. Est-ce

 25   que vous pourriez nous décrire ce document rapidement ?

 26   R.  Il s'agit de ce qu'on appelle le recensement, mais je dis ce qu'on

 27   appelle, parce qu'en fait il s'agissait simplement d'un sondage qui avait

 28   été réalisé par le ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska au début

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  1   de l'année 1995. Et dans ce sondage, comme je l'appelle, on voit la taille

  2   des différents groupes ethniques sur le territoire du secteur de Banja

  3   Luka. Je crois que le document date de février 1995, donc au début de

  4   l'année 1995, comme je le disais, et vous avez la composition ethnique dans

  5   les différentes municipalités du secteur de Banja Luka. De plus, vous avez

  6   également dans ce document des chiffres qui remontent au recensement de

  7   1991, également dans ces mêmes municipalités.

  8   Q.  Est-ce que vous avez également analysé les données de modifications

  9   démographiques, est-ce que vous avez comparé ces données pour les mêmes

 10   municipalités par rapport à vos données, à celles que vous aviez glanées ?

 11   R.  Oui, je l'ai fait. J'ai analysé ces informations dans l'affaire

 12   Stanisic/Zupljanin, j'ai préparé des graphiques, ainsi que des tableaux, et

 13   je suis arrivée à des conclusions concernant la taille et les évolutions de

 14   la composition ethnique, et ce que nous voyons dans ce document est tout à

 15   fait cohérent avec les autres conclusions.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. FARR : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait afficher la page 17 en

 18   anglais et la page 15 en B/C/S. Il s'agit des dernières pages dans les deux

 19   versions.

 20   Q.  Lorsque vous avez préparé votre déposition d'aujourd'hui, est-ce que

 21   vous avez comparé les chiffres qui figurent à la dernière page du document,

 22   qui semblent être des chiffres représentant la totalité de la région avec

 23   les résultats que vous avez obtenus pour la zone qui s'est finalement

 24   retrouvée en Republika Srpska ?

 25   R.  Oui. J'ai produit des statistiques sur la base de mes sources, à savoir

 26   la liste électorale et les données du recensement de 1997 et 1998, pour les

 27   mêmes municipalités qui y figurent dans le document du MUP de 1995. C'était

 28   intéressant de voir beaucoup de similitudes entre le document de 1995 et

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  1   les données que j'avais données grâce à mes calculs. Bien sûr, il y a

  2   quelques différences, puisque l'année parlant de 1995 alors que les autres

  3   données remontent à 1999/1998, il y a également quelques différences

  4   territoriales, parce que l'analyse ne porte pas sur le même territoire en

  5   raison de la guerre, mais de manière générale il s'agit de territoires

  6   similaires, de périodes différentes, mais des similitudes frappantes.

  7   M. FARR : [interprétation] Je voudrais verser ce document au dossier.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment il n'y a pas d'objection.

  9   Madame la Greffière d'audience, pouvons-nous avoir une cote.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P1656.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 12   Est-ce que je pourrais obtenir une précision. A la page 17 de ce document,

 13   Madame le Témoin - et c'est la première fois que nous voyons ce document,

 14   Monsieur Farr, n'est-ce pas ?

 15   M. FARR : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous peux poser la

 17   question suivante : nous voyons qu'en 1991, nous voyons qu'il y a un nombre

 18   important de Yougoslaves, alors qu'en 1995 nous avons la catégorie

 19   yougoslave. En même temps, les Yougoslaves ne sont pas devenus ou du moins

 20   ne sont pas tous devenus des divers parce que nous voyons qu'il y a 17 256

 21   [comme interprété] divers. Parce qu'il est fort probable que les 52 000 de

 22   l'époque font partie maintenant des 17 000 de la catégorie divers. Donc si

 23   en 1995 les Yougoslaves se sont retrouvés dans l'un des groupes ethniques

 24   traditionnels, j'aimerais savoir dans quelle mesure ceci aurait pu

 25   présenter des difficultés dans l'interprétation de différents documents ?

 26   Vous voyez, ce que je veux dire, si quelqu'un nous disait en 1991 je suis

 27   Yougoslave, et qu'ensuite en 1995 je suis un Serbe, est-ce que ceci

 28   pourrait présenter des problèmes ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont pu être inclus dans la catégorie

  2   serbe en 1995.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] La difficulté c'est que le nombre de Serbes a

  5   augmenté énormément en 1995, si on compare les Serbes en 1991 par rapport à

  6   1995, c'est évident, c'est un nombre beaucoup plus élevé. Mais en même

  7   temps la catégorie yougoslave a disparu, et je pourrais penser que certains

  8   ont quitté la zone et d'autres également se sont considérés comme faisant

  9   partie d'un autre groupe ethnique. Il est évident qu'il y a un parti pris

 10   quant -- je ne pense pas qu'il y ait -- il y a un parti pris ici quand on

 11   fait état de l'ethnicité. Mais je ne pense pas que ce parti pris soit

 12   important. Et on peut quand même comparer les statistiques. Il y a eu

 13   également des départs de non-Serbes.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais à moins que les Yougoslaves

 15   étaient des Serbes.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais en général ils se seraient recensés

 17   comme étant des Serbes, s'ils voulaient rester en Republika Srpska. Je suis

 18   également d'accord. Tous n'ont pas décidé de changer d'appellation pour

 19   rester sur le territoire. Parce que, en fait, pour ce qui était des

 20   Yougoslaves ce n'était pas uniquement des personnes issues de mariage

 21   mixte. C'étaient des personnes qui s'identifiaient tout simplement comme

 22   étant des Yougoslaves. Elles se considéraient comme Yougoslaves, qui était

 23   une catégorie ethnique spécifique. Dans le recensement il n'y avait 98

 24   catégories qui étaient recensées. Puisque, en fait, lorsque l'ethnicité il

 25   n'avait pas de champs préremplis [phon], donc tout le monde pouvait se

 26   déclarer faisant partie de tel ou tel groupe ethnique. Et il y avait des

 27   personnes qui ne se sentaient pas Yougoslaves, il y avait des personnes se

 28   sentaient Yougoslaves, parce qu'elles ne se considéraient pas comme étant

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  1   Croates, Serbes, ou d'une autre ethnicité.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La raison pour laquelle nous mentionnons

  3   ceci, c'est que nous voyons l'augmentation de Serbes de 1991 à 1995, nous

  4   voyons qu'il y a 70 000 Serbes de plus d'une période à l'autre, en valeur

  5   absolue, avec, en fait, une population totale qui a baissé en valeur

  6   absolue. Je comprends qu'il est fort peu probable que tous les Yougoslaves

  7   soient devenus tous des Serbes, mais d'un point de vue théorique, je

  8   comprends très bien ce que vous voulez dire. Il faut savoir qui s'est

  9   déclaré comme étant Yougoslave, mais il est difficile de déterminer quelle

 10   est la proportion de l'augmentation de Serbes et la proportion de la baisse

 11   de la population qui pourrait être imputée à la manière dont les

 12   Yougoslaves se sont déclarés comme étant Yougoslaves en 1991 et où ils se

 13   retrouvent en 1995 ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends très bien cela, mais il est

 15   impossible de donner des données quantitatives.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends bien qu'il n'y a pas de

 17   réponse quantitative que vous vous pouvez nous fournir, mais par

 18   conséquent, nous devons faire peut-être preuve de prudence et, bien sûr, la

 19   marge d'erreur n'est peut-être de 10 % mais peut-être de 1 ou 2 mais

 20   ensuite on pourrait voir comment ceci a des conséquences sur la totalité de

 21   l'étude. Si vous voulez rajouter quelque chose, n'hésitez pas, Madame le

 22   Témoin.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans mon étude, nous n'avons pas de parti

 24   ethnique. J'ai des résultats qui émanent de cette municipalité, je peux les

 25   transmettre à toutes les parties dans ce prétoire, et nous observons une

 26   augmentation de Serbes sur ce territoire et cette augmentation n'a pas de

 27   parti pris, puisqu'elle est basée purement sur la définition ethnique du

 28   recensement de 1991. C'est la réponse que je peux apporter à votre

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  1   question.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous n'avez donc pas comparé ceci à

  3   votre étude où il n'y a pas de parti pris en termes d'ethnicité, mais ceci

  4   nous permet d'avoir la même représentation, et vous nous avez dit qu'il n'y

  5   avait pas de parti pris qui avait été choisi au niveau de l'ethnicité,

  6   c'est que vous voulez nous dire, n'est-ce pas ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, je vous ai encore volé

  9   trois minutes de votre temps. Je crois qu'il vous en restait quatre au

 10   total.

 11   M. FARR : [interprétation]

 12   Q.  Docteur Tabeau, en vue de vos deux rapports, est-ce que vous pourriez

 13   nous dire quelles sont les conclusions que vous en tirez ? Est-ce que le

 14   rapport sur les personnes déplacées à l'interne et les réfugiés fournit un

 15   contexte au rapport concernant les victimes et vice-versa ?

 16   R.  Tout d'abord, il est important de remarquer que l'échelle ou l'ampleur

 17   du déplacement de population, tel qu'il est présenté dans notre rapport

 18   n'est pas habituel. Il est évident qu'il y a eu un nombre très important de

 19   personnes déplacées, un nombre très important qui fait état d'une situation

 20   extraordinaire.

 21   Nous comparons donc la période 1991 à la période de 1997 à 1998, mais il

 22   est évident qu'il y a eu des facteurs qui ont incité cette population à

 23   changer de lieu de résidence. Et compte tenu de l'ampleur de ces mouvements

 24   de la population, on peut en déduire que ces facteurs étaient en présence

 25   durant la période du conflit. Et si l'on se penche maintenant sur le

 26   rapport concernant les victimes, bien, il présente un contexte ou il donne

 27   un contexte aux facteurs qui ont incité ces personnes à changer de

 28   domiciles. On ne peut pas dire qu'il n'y avait aucune raison de quitter sa

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  1   résidence, son lieu de résidence. On voit qu'il y a eu des disparitions, il

  2   y a eu des meurtres, et tout ceci corrobore ce que l'on voit dans le

  3   rapport concernant les réfugiés et les personnes déplacées en interne.

  4   Q.  J'ai quelques questions à vous poser concernant les notes de récolement

  5   du 24 novembre 2010, qui a été chargé sur le système de prétoire

  6   électronique sous la cote 5867. Est-ce que vous avez examiné une liste de

  7   différences entre les listes de l'acte d'accusation et les différentes

  8   preuves de décès ?

  9   R.  Oui, j'ai examiné ces différences.

 10   Q.  Est-ce que ceci est consigné dans les notes de récolement ?

 11   R.  Oui, je crois qu'il s'agit de ce document.

 12   Q.  Est-ce que ces notes de récolement entraînent également la liste des 29

 13   victimes dans cette affaire, que vous avez identifiées comme ayant un

 14   statut militaire ?

 15   R.  Oui, j'ai identifié 29 victimes qui avaient un statut militaire.

 16   Q.  Enfin, est-ce que les notes de récolement --

 17   M. FARR : [interprétation] Je vois que nous n'avons pas le bon document à

 18   l'écran. Peut-être qu'il s'agit d'un document qui porte la cote 5866.

 19   Q.  Je voudrais savoir si les notes de récolement corrigent des copies de

 20   votre rapport ?

 21   R.  Oui.

 22   M. FARR : [interprétation] Je voudrais verser un certain nombre de pièces

 23   au dossier. Je vais commencer par les deux rapports, rapports sur les

 24   personnes déplacées à l'interne et les réfugiés, qui est le document de la

 25   liste 65 ter 5864. Et le rapport sur les victimes porte le numéro de la

 26   liste 65 ter 5748.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Procédons par étape. Commençons par le

 28   rapport sur les personnes déplacées à l'interne et sur les réfugiés. Y a-t-

Page 9941

  1   il des objections concernant le versement ? Si tel n'est pas le cas --

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le document P1657.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.

  4   Pour ce qui est du rapport sur les victimes, y a-t-il des objections à son

  5   versement ? Apparemment pas. Et aucune réserve n'est formulée concernant

  6   les 14 victimes supplémentaires --

  7   M. BAKRAC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Peut-être que mon

  8   collègue souhaitait prendre la parole avant moi, mais ce que j'allais dire

  9   c'est qu'on devrait donner une cote provisoire à ce document avant de bien

 10   déterminer les circonstances concernant le rajout de ces 14 victimes. C'est

 11   ma proposition.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, êtes-vous d'accord, et

 13   est-ce que vous dites qu'il s'agit de preuves qui ne sont pas du tout

 14   pertinentes ?

 15   M. JORDASH : [interprétation] Tous les éléments de preuve concernant des

 16   victimes qui ne sont pas recensées dans l'acte d'accusation ne doivent pas

 17   avoir d'autre rôle que simplement de --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de prouver que ces personnes ont été

 19   tuées et que ceci est lié à l'acte d'accusation. C'est votre position ?

 20   M. JORDASH : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une objection qui émane donc des

 22   deux équipes de la Défense et, par conséquent, je pense que nous allons

 23   donner une cote provisoire à ce document et nous déciderons de l'inclusion

 24   définitive de ce document en même temps que nous prenons la décision pour

 25   ce qui est du rajout de ces victimes sur la liste 65 ter.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document, qui porte le numéro 5748,

 27   deviendra la pièce P1658 cote MFI.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et nous conservons ce statut.

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  1   Monsieur Farr, continuez.

  2   M. FARR : [interprétation] Il s'agit maintenant des pièces associées 5862

  3   pour le rapport sur les personnes déplacées à l'interne et les réfugiés, et

  4   5863 pour le rapport sur les victimes.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection ? Quelle est la cote,

  6   Madame la Greffière d'audience ?

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 5862 recevra la cote P1659,

  8   et le document 5863 recevra la cote P1660.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces P1659 et P1660 sont versées

 10   au dossier.

 11   M. FARR : [interprétation] Puis il y a les notes de récolement en date du

 12   24 novembre 2010. Il s'agit du document 5866 de la liste 65 ter. J'espère

 13   que je ne me trompe pas cette fois.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, il n'y a pas d'objection.

 15   Madame la Greffière, ce sera ?

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document deviendra la pièce P1661.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce 1661 est versée au dossier.

 18   Poursuivez.

 19   M. FARR : [interprétation] Le document du curriculum du témoin,

 20   5867, document de la liste 65 ter n'avait pas été repris dans la liste. Je

 21   demande donc en même temps l'ajout de ce document.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections ? Apparemment

 23   pas. Vous avez ainsi le droit d'ajouter le curriculum vitae à la liste 65

 24   ter, et ce sera, Madame la Greffière ?

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 5867 devient la pièce 1662.

 26   M. JORDASH : [interprétation] Ces notes de récolement du 24 novembre font

 27   également référence aux nouvelles victimes. Je le signale conformément à

 28   votre décision précédente. Je pense qu'il faut donner ici aussi une cote

Page 9943

  1   provisoire.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons s'il faut changer l'état de

  3   cette pièce, parce que ceci explicite certaines des circonstances. C'est

  4   sans doute pour ça que c'est important pour notre décision en cas

  5   d'explication.

  6   M. JORDASH : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en restons là pour le moment et

  8   nous conservons cette pièce en l'état. La pièce P1662 est versée au

  9   dossier. C'est le curriculum vitae mis à jour, n'est-ce

 10   pas ?

 11   M. FARR : [interprétation] Puis il y a les documents sous-jacents énumérés

 12   dans le tableau concernant la preuve de décès pour les victimes en plus des

 13   victimes supplémentaires. Je ne sais pas quel sera le numéro de document,

 14   car je pense que nous n'avions qu'un numéro pour l'ensemble.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Bien, vous avez préparé une

 16   liste que vous fournirez au greffe. Mais demandons d'abord à la Défense

 17   s'il y a des objections au versement de ce document. Si ce n'est pas le

 18   cas, effectivement, vous suivrez nos instructions, Monsieur Farr.

 19   M. FARR : [interprétation] Enfin, nous demandons le versement des documents

 20   restants pour lesquels ce document concernant les nouvelles victimes pour

 21   lesquels nous demandons une cote provisoire tant que la question n'est pas

 22   tranchée.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, il faut réserver le

 24   même traitement, à savoir que pour l'heure ce sont des cotes provisoires

 25   qui sont accordées pour identification. Vous avez autre chose ?

 26   M. FARR : [interprétation] Non. Merci.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, est-ce que c'est vous qui

 28   allez commencer ou est-ce que ce sera Me Jordash ?

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  1   M. BAKRAC : [interprétation] Vous avez bien deviné. C'est moi qui vais

  2   commencer.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Tabeau, c'est Me Bakrac, qui

  4   représente les intérêts de M. Simatovic, qui va procéder au premier contre-

  5   interrogatoire. Il y a un bruit, me semble-t-il, que je reçois dans mes

  6   écouteurs. Tout d'un coup ça s'est arrêté, mais --

  7   M. BAKRAC : [interprétation] Je pense que c'est mon microphone qui est le

  8   coupable. Je vais essayer de me servir de l'autre.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui, allez-y. C'est pour le mieux.

 10   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par M. Bakrac :

 12   Q.  [interprétation] Je ne sais pas si le micro va m'aider, mais en tout

 13   cas je vais faire de mon mieux pour poursuivre mieux. Bonjour, Madame

 14   Tabeau. J'aimerais vous poser quelques questions pour faire la lumière sur

 15   certains événements dans l'intérêt de mon client, mais aussi de la Chambre.

 16   Nous allons maintenant nous intéresser à la première partie du rapport qui

 17   parle de la composition des groupes de personnes déplacées en interne et

 18   des réfugiés dans six municipalités. C'est ce qui est écrit ici, mais vous,

 19   vous avez parlé de cinq municipalités, n'est-ce pas, entre 1991, puis 1996

 20   et en 1997 ? Moi, j'avais compris les choses comme ceci : ces cinq

 21   municipalités avant Dayton n'étaient plus au nombre de cinq après; c'est

 22   bien cela ?

 23   R.  Il se peut que vous ayez en main l'ancienne mouture du rapport. On voit

 24   ici cinq municipalités. C'est une première chose. Et effectivement, ces

 25   cinq municipalités - c'est ce qui est mentionné dans le titre - ont été

 26   scindées et les municipalités qui en ont résulté de cette scission, c'est

 27   ce qu'on appelle les municipalités post-Dayton, qui sont au nombre de 11.

 28   Q.  Fort bien. Si je vous ai bien comprise, nous avons ici un rapport qui

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  1   concerne la totalité de la période qui va de 1991 à 1997 ou 1998; est-ce

  2   juste ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et une fois de plus, si je vous ai bien comprise, les deux piliers de

  5   votre rapport c'est le recensement effectué en Bosnie-Herzégovine en 1991,

  6   ainsi que la liste électorale établie consécutivement aux accords de Dayton

  7   en 1997 et 1998. Ce sont vos deux sources fondamentales, n'est-ce pas, qui

  8   ont inspiré votre rapport ?

  9   R.  Oui, c'étaient les principales. Il y en avait d'autres, mais c'étaient

 10   les deux plus importantes, effectivement.

 11   Q.  Mais je ne sais pas si j'ai bien compris, vous me le direz. On a un

 12   document de Banja Luka fait en 1995. Je ne sais pas s'il vient du centre de

 13   sécurité publique ou de la Sûreté de l'Etat, mais en tout cas c'est un

 14   document supplémentaire que vous avez utilisé ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Outre ces sources fondamentales, et la troisième, la supplémentaire que

 17   nous a montrée M. Farr, pourriez-vous nous dire quels sont les autres

 18   éléments que vous connaissez s'agissant de données démographiques, de

 19   documents qui seraient le reflet de ce qui s'est passé en 1992, 1993, 1994,

 20   1995 et 1996 sur le territoire de ces cinq municipalités qui ont été

 21   scindées à la suite des accords de Dayton ?

 22   R.  Je me suis aussi servie d'une source que je qualifie de textuelle dans

 23   mon rapport, et c'est le registre des personnes déplacées en interne et des

 24   réfugiées en Bosnie-Herzégovine, établi par le gouvernement de Bosnie-

 25   Herzégovine, et qui relate tous les événements intervenus au cours de cette

 26   période. Nous avons un autre document qui vient du secteur de la Sûreté de

 27   l'Etat du ministère de l'Intérieur qui concerne 1993. Malheureusement, je

 28   ne m'en suis pas servie ici pour le besoin de ce rapport-ci, mais il y a

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  1   des rapports concernant les déplacements de population dans le secteur de

  2   la municipalité de Banja Luka. Des mouvements, et surtout un départ de

  3   personnes n'étant pas d'appartenance ethnique serbe, par exemple, et

  4   l'arrivée de personnes de souche serbe. Donc il y a quelques documents. Je

  5   ne sais pas s'il y en a beaucoup plus, mais il y a des rapports, par

  6   exemple, d'observateurs internationaux qui ont fait état de déplacements de

  7   population au cours de la période des conflits. Je ne m'en suis pas servie

  8   ici. Pourquoi ? Parce qu'il est préférable et plus fiable d'utiliser des

  9   sources d'origine primaire comme, par exemple, le recensement de la liste

 10   électorale, et établir des statistiques individualisées. C'est bien

 11   meilleur, parce qu'en plus, pour chaque personne déplacée, on peut en faire

 12   la documentation, si j'ose dise, grâce à des informations qui viennent de

 13   ces sources.

 14   Donc il y a beaucoup de sources, mais l'utilisation à un micro et macro

 15   niveau de sources primaires, c'est bien meilleur. C'est une démarche bien

 16   plus fine, bien plus pointue.

 17   Q.  Vous nous avez dit pourquoi vous n'avez pas utilisé ces autres sources,

 18   pourquoi vous les avez ignorées. Voici ce qui m'intéresse : au moment de

 19   rédiger votre rapport, saviez-vous que  vers la fin de l'année 1991, par

 20   exemple, venant de la Slavonie orientale, il y avait eu 40 000 réfugiés

 21   serbes qui étaient arrivés dans la région de Banja Luka ? Est-ce que vous

 22   avez inclus cette donnée dans votre rapport pour arriver au chiffre

 23   définitif concernant 1997 et 1998, je parle du recensement ? En fait, je

 24   parle de la liste électorale et des personnes en âge de voter.

 25   R.  Je n'avais pas les données concernant les réfugiés de la Slavonie

 26   occidentale. Je crois qu'on aurait pu les obtenir, mais ce n'était pas,

 27   disons, la finalité que je recherchais. S'agissant des réfugiés du Slavonie

 28   occidentale, ce ne sont pas des réfugiés [comme interprété] de Bosnie-

Page 9947

  1   Herzégovine ? Il s'agit d'un groupe tout à fait différent. Moi, j'avais

  2   comme groupe cible la population qui habitait en Bosnie en 1991 et les

  3   conséquences démographiques qu'avait eu le conflit sur cette population-là.

  4   C'était ça.

  5   Q.  Mais, Madame Tabeau, supposons que sur ces 40 000 personnes, dans

  6   l'intervalle, il y en aurait eu 20 000 qui auraient reçu des pièces

  7   d'identité bosniaques, par exemple, de la Republika Srpska, et ils se

  8   trouvaient dès lors inscrits dans la liste électorale pour 1997/1998. Est-

  9   ce que ceci ne va pas avoir une incidence sur les pourcentages que vous

 10   nous soumettez dans votre rapport ?

 11   R.  Mais non. Mais vous le dites bien. Pour être inscrit et pour avoir le

 12   droit de voter en 1997/1998, il fallait avoir été répertorié dans le

 13   recensement de 1991, à moins qu'on ne puisse prouver à l'aide d'une carte

 14   d'identité et d'autres pièces d'identité que la personne, même si elle

 15   n'était pas recensée en 1991, était citoyenne de Bosnie-Herzégovine.

 16   C'était une condition préalable au vote lors des élections de 1997 et 1998.

 17   Il fallait avoir été citoyen ressortissant de Bosnie-Herzégovine en 1991,

 18   il s'entend.

 19   Q.  Revenons à votre rapport. Est-ce que vous y avez repris les 250 000

 20   réfugiés qui sont venus de Croatie et qui sont arrivés dans le secteur de

 21   Banja Luka après l'opération "Flash," et il y en a eu tout autant qui sont

 22   arrivés après l'opération Tempête ? Est-ce que vous avez tenu compte de ces

 23   Serbes qui se sont enfuis de la zone de la Krajina ? Les avez-vous

 24   incorporés dans votre analyse

 25   statistique ?

 26   R.  Je crois qu'il est faux de dire qu'il y a eu autant de réfugiés, 250

 27   000 Serbes de Croatie, qui seraient arrivés en Bosnie-Herzégovine. A ma

 28   connaissance, ils ne sont pas allés, en tout cas, en si grand nombre en

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  1   Bosnie-Herzégovine. Ils sont allés en Serbie, et là on a des statistiques

  2   aussi, des statistiques qui montrent le pays d'origine de ces réfugiés,

  3   mais aussi la date d'arrivée en Serbie. Donc le plus gros des Serbes de

  4   Croatie ont fini par se retrouver en Serbie, pas en Bosnie-Herzégovine.

  5   C'est la même question. Pour participer aux élections de 1997/1998, il

  6   fallait avoir été répertorié dans le recensement de 1991. Il fallait être,

  7   déjà à ce moment-là, ressortissant de Bosnie-Herzégovine. Mes statistiques

  8   ne sont pas entachées d'erreurs alors qu'il y aurait eu apparemment autant

  9   de réfugiés venus de Croatie et qui auraient fini en Bosnie. D'abord, je

 10   vous dis qu'il n'y en a pas tellement qui sont arrivés en Bosnie. Ça n'a

 11   pas été le principal pays de destination. Le principal pays de ces Serbes

 12   de Croatie c'était la Serbie, pas la Bosnie. On en retrouve quelques

 13   milliers dans les listes de personnes déplacées en interne en Bosnie-

 14   Herzégovine, mais il ne s'agit pas de 50 000 [comme interprété] réfugiés.

 15   Les chiffres ne sont pas les mêmes là. C'est un autre ordre de grandeur.

 16   Mais je le répète, il faut tenir compte du recensement de 1991 lorsqu'on

 17   parle des élections de 1997/1998.

 18   Q.  Madame Tabeau, fort bien, nous n'allons pas ergoter ici sur les

 19   chiffres. Mais vous n'excluez pas la possibilité qu'il y aurait eu environ

 20   25 000 Serbes de Croatie qui seraient restés sur le territoire de ces

 21   municipalités. Voici ma question : lorsque vous êtes arrivée au moment de

 22   finaliser ces chiffres pour déterminer le nombre de Serbes qui se

 23   trouvaient, en 1997 et 1998, dans ces municipalités, est-ce que vous avez

 24   retrouvé le nom de toutes ces personnes dans les listes de ressortissants

 25   de Bosnie-Herzégovine en 1991 ? Et là je parle du recensement, plus

 26   exactement.

 27   R.  Bien, pour ce qui est du taux de correspondance entre le recensement et

 28   la liste électorale, il s'élève à 80 %. Donc si vous pensiez aux inscrits

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  1   de liste électorale de 1997, on en retrouvait  80 %. Donc il y a eu une

  2   perte de 20 %. Pourquoi ? Parce qu'il y a des carences au niveau du recueil

  3   des données. Mais je le répète, en principe, pour pouvoir voter en 1997, il

  4   fallait avoir été recensé en 1991, et je peux vous dire que pendant les

  5   élections on avait deux exemplaires du recensement, une version papier et

  6   une version électronique. Quand les gens venaient s'inscrire parce qu'ils

  7   voulaient voter, ils devaient apporter la preuve qu'ils étaient en droit de

  8   voter, qu'ils étaient recensés dans le recensement. C'était la première

  9   fois qu'il y avait des élections démocratiques, parce qu'en 1996 les

 10   élections étaient loin d'être parfaites, nous le savons, donc on a préparé

 11   les choses de façon à éviter la moindre fraude, et c'est pour ça qu'il y a

 12   une correspondance entre la liste électorale et le recensement.

 13   Q.  Certes, mais si je vous ai bien comprise, dans ce chiffre vous incluez

 14   20 % de Serbes qu'on ne trouve pas du tout dans le recensement de 1991.

 15   Moi, je parle du recensement de Bosnie-Herzégovine, ou est-ce que tout

 16   simplement vous avez fi de ce chiffre dans votre rapport ?

 17   R.  Je base mes statistiques sur les correspondances, et je vous dis qu'il

 18   n'y a que 80 % de concordance dans les statistiques. Les 20 % où il n'y a

 19   pas de concordance, on ne les a pas repris.

 20   Q.  Madame Tabeau, dites-nous, si vous vous en souvenez, et donnez-nous des

 21   valeurs absolues ou des pourcentages, combien il y a eu de Yougoslaves

 22   répertoriés, en chiffres absolus ou en pourcentages, lors du recensement de

 23   1991 ?

 24   R.  Je ne le sais pas, comme ça, de mémoire, mais je sais que ce n'était

 25   pas quelque chose de significatif. Je parle d'un pourcentage des deux

 26   grands groupes, des Musulmans de Bosnie et les Serbes de Bosnie, c'étaient

 27   des groupes de taille importante, mais je ne me souviens plus exactement

 28   pour ce qui est des Yougoslaves.

Page 9950

  1   Q.  Là, je ne serais pas d'accord avec vous. Je pense qu'en Bosnie-

  2   Herzégovine on avait une république qui comptait le plus grand nombre de

  3   Yougoslaves à l'époque, mais votre conclusion c'est qu'il vous est

  4   impossible de dire aujourd'hui combien il y en avait exactement. Alors,

  5   quel traitement avez-vous réservé à ce genre de personnes ? Je parle de

  6   ceux qui étaient Yougoslaves en 1991, qui se sont déclarés Yougoslaves au

  7   cours de ce recensement. Comment est-il possible que certains de ces

  8   Yougoslaves aient voté en 1997 ou en 1998 et se sont retrouvés sur la liste

  9   électorale ?

 10   R.  Je vous l'ai dit, il y avait 98 catégories ethniques dans le

 11   recensement. Nous les avons regroupées pour établir quatre grands groupes :

 12   les Serbes, les Croates, les Musulmans, et divers. Et les trois grands

 13   groupes, Serbes, Musulmans, et Croates, ont été repris en tant que tels,

 14   parce qu'ils étaient déjà indiqués comme tels dans le recensement. Parmi

 15   les divers on trouve Yougoslaves, entre autres catégories, d'ailleurs

 16   nombreuses. Vous avez dit qu'il y avait assez bien des Yougoslaves en

 17   Bosnie-Herzégovine, mais ça ne veut pas dire qu'il y en avait beaucoup,

 18   qu'il y en avait plus par rapport aux autres républiques. C'est peut-être

 19   vrai, mais ça ne veut pas dire qu'il y avait 40 % de Yougoslaves qui

 20   vivaient à l'époque en Bosnie-Herzégovine. Ce n'était pas le groupe

 21   démographique le plus important dans cette république.

 22   Q.  Merci, Madame Tabeau. Je vous demande de confirmer ceci : grâce à vos

 23   recherches, vous avez trouvé qu'il y avait eu des mouvements de population

 24   parallèles ou symétriques au cours de cette période. Regardons le

 25   pourcentage de Musulmans, de non-Serbes, qui ont quitté le territoire de la

 26   Republika Srpska, disons, 96 %, et voyons le nombre de Serbes qui ont

 27   quitté le territoire de la fédération où il y avait surtout des Croates et

 28   des Musulmans qui y habitaient, et là on a un pourcentage de 99,3 %; est-ce

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  1   exact ?

  2   R.  Oui, je suis d'accord, effectivement. Ce fut un mouvement parallèle.

  3   Les Serbes partaient de la fédération et les non-Serbes quittaient le

  4   territoire de la Republika Srpska, effectivement, c'est la réalité.

  5   Q.  Madame, vous avez une longue expérience universitaire. Vous permet-elle

  6   de nous dire ceci : vu la situation qui régnait alors sur ce territoire qui

  7   a fait l'objet de vos recherches, vu les foyers de crise que vous avez

  8   analysés, est-ce que c'était quelque chose d'habituel ?

  9   R.  Pourriez-vous être plus précis. Vous me dites circonstances. Il y avait

 10   un conflit et la guerre sévissait sur le territoire de cette région, et

 11   certaines zones ont été touchées plus que d'autres.

 12   Q.  Oui. Oui, c'est ça que je veux dire. Je parle de ces cinq

 13   municipalités. A l'époque dont nous parlons, il y avait la guerre, une

 14   guerre qui opposait les groupes ethniques s'y trouvant, et le conflit s'est

 15   répandu dans pratiquement toute la Yougoslavie. Mais votre expérience vous

 16   le dit, n'est-ce pas, apparemment ce fut un mouvement migratoire dans les

 17   deux sens ? Lorsqu'on a une situation de conflit interethnique, de conflit

 18   de ce genre, est-il logique que, disons, les habitants musulmans aillent

 19   dans une zone où il y a surtout des Musulmans qui habitent, et l'inverse

 20   étant vrai aussi, que les Serbes partent dans des régions où on trouve

 21   surtout des Serbes, quand il y a la guerre ?

 22   R.  Quand je dis que la guerre régnait sur ces territoires, il y avait,

 23   bien sûr, des combats, mais il y avait aussi des cas de violence massive,

 24   et le rapport consacré aux victimes montre que ce sont surtout les

 25   Musulmans qui ont souffert au cours de cette guerre et dans les situations

 26   de violence de masse.

 27   Je ne trouve pas juste de dire qu'il est normal qu'un groupe aille dans un

 28   sens et un autre dans un autre quand c'est la guerre. Je ne pense pas que

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  1   ça été des mouvements volontaires, car il y a peut-être des facteurs qui

  2   ont forcé des gens à quitter leurs domiciles. Pourquoi ? C'est parce qu'il

  3   y a eu tellement de gens qui sont partis qu'il a fallu au départ une

  4   situation tout à fait tragique pour que ces gens soient chassés ou partent

  5   de chez eux; des tueries. Nous parlons de dizaines de milliers de morts dus

  6   à la guerre. Donc il y a un très grand nombre de personnes, et surtout de

  7   Musulmans, qui ont souffert de cette guerre et de cette violence massive.

  8   Q.  Excusez-moi, Madame Tabeau. C'est sans doute que j'ai été un peu

  9   maladroit quand je disais, normal, habituel, parlant de ce mouvement de

 10   déplacement. Maintenant, vous parlez de souffrances. Pour quitter son chez

 11   soi, c'est qu'on y est forcé. Ce sont des évictions, des expulsions

 12   forcées. Et quand vous parlez des Musulmans, vous pensez aussi aux Serbes

 13   qui ont quitté la fédération, mais ils étaient représentés à plus de 90 %,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, c'est le chiffre que j'ai obtenu.

 16   Q.  Vous avez travaillé à ces statistiques, nous le savons tous. En

 17   novembre 1995, la paix était établie suite à la signature de l'accord de

 18   Dayton, et ceci a restitué le droit à chaque réfugié de rentrer chez lui,

 19   de regagner son domicile, son lieu de résidence ?

 20   R.  Oui, oui, le droit de rentrer chez soi faisait partie de l'accord

 21   signé.

 22   Q.  Je pense qu'il s'agit ici d'une question les plus importantes, parce

 23   que ici on juge, on parle de d'expulsion, de ce genre de choses. Est-ce que

 24   vous vous être consacrée, dans le cadre de votre rapport, aux faits, aux

 25   chiffres concernant le nombre de Musulmans qui sont rentrés chez eux après

 26   les accords de Dayton, ou avez-vous cherché à savoir combien de Serbes ou

 27   combien de Croates l'avaient fait ? Vous êtes d'accord, là il n'y avait

 28   plus la menace de la force. Les gens n'avaient plus peur, n'est-ce pas, ils

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  1   pouvaient rentrer chez eux s'ils le voulaient ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Bakrac a dit de cette question que

  3   c'était une question très importante.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai un peu le sentiment - et corrigez-

  6   moi si je me trompe - je pense qu'il s'aventure dans un domaine où vous

  7   n'êtes peut-être pas spécialiste, et si vous estimez que vos connaissances

  8   ne vous permettent pas de répondre à sa question, n'hésitez pas à le dire,

  9   parce que là on n'est plus dans l'analyse démographique. On en vient à une

 10   évaluation de circonstances et de sujets qui sont, comme les Juges et vous

 11   aussi le savent, d'une nature des plus complexes. Qu'est-ce que c'est que

 12   la force ? Quelles sont les circonstances qui se sont prêtées à un

 13   déplacement d'un lieu à un autre ? Si vous pensez à l'histoire de ce

 14   Tribunal, tout le monde le sait, c'est une question des plus complexes. Si

 15   à un moment donné vous avez le sentiment que vos connaissances d'expert ne

 16   vous permettent pas de répondre de façon suffisamment fiable à la question,

 17   n'hésitez pas à le dire.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'étais justement sur le point le dire,

 19   Monsieur le Président. Je crois que là ça dépasse le champ de mes

 20   connaissances. Mais la question nous a interpellés. Nous avons cherché à

 21   savoir combien il y a eu de retour de personnes minoritaires entre 1995 et

 22   le moment où nous avons fourni nos statistiques. Parce que si beaucoup

 23   étaient rentrés, ça voulait que nos statistiques sont bien trop faibles. Et

 24   moi, puisque je suis démographe, je veux comprendre s'il y a effectivement

 25   des sous-estimations. Nous avons parlé d'une démarche prudente. On ne veut

 26   pas exagérer, grossir les chiffres, bien entendu, et le fait de donner des

 27   chiffres inférieurs, c'est en faveur des accusés, bien entendu.

 28   Mais j'ai fait une étude sur le sujet pour le Haut-commissariat aux

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  1   réfugiés après la guerre. Il y a eu des retours de personnes qui étaient

  2   des groupes minoritaires, mais ce n'était pas très important pour ces

  3   années 96 et 97. Et ce que je veux dire, c'est qu'il y a effectivement

  4   peut-être des estimations un peu trop prudentes s'agissant de personnes

  5   déplacées à l'interne notamment, mais je pense que nos statistiques sont

  6   bonnes. Elles sont prudentes, elles reposent sur une méthode solide, sur

  7   des sources solides, sur des fichiers individuels. C'est tout ce que je

  8   peux dire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est.

 10   M. BAKRAC : [interprétation] Moi aussi. On regarde toujours l'horloge

 11   ensemble, au même moment. Mais j'avais quand même une seule question,

 12   Monsieur le Président. Vous me donnez une minute pour la poser ? De cette

 13   façon, nous pourrions peut-être en terminer s'agissant de ceci. On pourrait

 14   le faire après la pause, mais est-ce que Mme Tabeau pourrait nous dire

 15   comment ce nombre faible de réfugiés qui seraient entrés chez eux aurait

 16   confirmé son analyse ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais après cette question,

 18   combien de temps vous faudra-t-il, Maître ?

 19   M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'imagine qu'après la

 20   pause il me faudra une demi-heure. Et je crois que M. Jordash, mon éminent

 21   confrère, nous a déjà dit qu'il n'aurait pas besoin de plus d'une demi-

 22   heure. Je ne sais pas s'il m'entend bien ou s'il me comprend dans une

 23   langue qu'il comprend.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, Me Bakrac pense que vous

 25   aurez besoin d'une demi-heure à peu près.

 26   M. JORDASH : [interprétation] Bien, je crois que j'aurai besoin d'une

 27   heure, peut-être une heure et quart. C'est vrai que j'avais indiqué quelque

 28   chose à Me Bakrac un peu plus tôt, mais nous avons changé d'avis.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'est ce qu'il craignait,

  2   effectivement. Fort bien. Nous allons donc faire une pause et nous

  3   reprendrons à 18 heures. Les parties auront la bonté de conférer entre

  4   elles pour voir s'il est possible de conclure le témoignage de Mme Tabeau

  5   aujourd'hui; sinon, elles nous aviseront. Nous reprenons à 18 heures.

  6   --- L'audience est suspendue à 17 heures 33.

  7   --- L'audience est reprise à 18 heures 06.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme toujours, on travaille au moins

  9   autant pendant la pause qu'ici dans le prétoire, et vous nous en excusons.

 10   Maître Bakrac, vous aviez posé une question au témoin avant la pause. Peut-

 11   être notre témoin s'en souvient-elle, et peut-elle répondre.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le retour des minorités, ça c'était la

 13   question, et je pense qu'on a mis l'impact de ce retour sur les

 14   statistiques des personnes déplacées et des réfugiés, tel que proposé et

 15   couvert par notre rapport. Les retours des minorités ne seraient pas inclus

 16   dans les statistiques, tout simplement parce que ces gens seraient revenus

 17   chez eux, donc ne sont plus des personnes déplacées. C'est sans doute là

 18   une des raisons de la sous-estimation des chiffres. Et donc ce que je suis

 19   en train de dire, c'est qu'il y avait certainement plus encore de personnes

 20   déplacées, mais puisqu'il y avait des retours, pas très nombreux mais

 21   quelques-en malgré tout, bien, les statistiques dans ce cas-là qui

 22   décrivent l'état des personnes déplacées entre l'automne 1997 et l'année

 23   1998 est nécessairement une sous-estimation.

 24   De plus, j'ai d'autres raisons de penser que ces chiffres sont sous-

 25   estimés. D'ailleurs, vous les trouverez au chapitre 7 du rapport, et c'est

 26   pourquoi je n'en dirai pas plus. Mais je crois, par exemple, que tous ceux

 27   qui sont nés après 1980, donc les enfants, ne sont pas inclus dans nos

 28   statistiques, de même que les électeurs non inclus sur les listes

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  1   électorales. Nous avons essayé donc de procéder à une compensation de ces

  2   chiffres en proposant une estimation complète également. Donc nos chiffres

  3   sont assez bas, inférieurs sans doute à ceux du HCR, vous savez. Vous le

  4   verrez.

  5   M. BAKRAC : [interprétation] Bien.

  6   Q.  Madame Tabeau, pouvons-nous nous dire, comme je vous le propose, que

  7   vos estimations sont, disons, plus mathématiques, mais qu'elles n'indiquent

  8   pas si ceux qui sont rentrés sont rentrés de leur plein gré ou pour

  9   d'autres raisons ?

 10   R.  Je n'ai pas examiné les causes du déplacement. Les statistiques ne font

 11   que décrire un état de faits.

 12   Q.  Très bien. Merci. Merci, Madame. Nous avons donc vu quelles étaient les

 13   deux sources principales sur lesquelles vous avez fondé votre travail. Mais

 14   savez-vous qu'après les accords de Dayton, novembre 1995 donc, 30 à 40 000

 15   Serbes qui venaient de Sarajevo sont partis de Sarajevo ? C'était là des

 16   gens qui étaient recensés en 1991 et qui ont fait le choix de s'installer

 17   dans ces 11 fameuses municipalités. Le saviez-vous ?

 18   R.  Je n'ai pas étudié Sarajevo dans notre rapport, mais j'ai bien examiné

 19   la population des électeurs en 1997/1998, et donc les nouveaux arrivants,

 20   les Serbes de Sarajevo, par exemple, qui étaient inclus dans le recensement

 21   de 1991 et qui auraient quitté Sarajevo pour se retrouver dans une de ces

 22   cinq municipalités ou les 11 municipalités, bien, auraient été couverts

 23   effectivement par les statistiques.

 24   Q.  Les statistiques, ou plus précisément, les listes électorales,

 25   montraient-elles des points communs ? Avez-vous essayé de recouper

 26   différents éléments pour voir si certains habitants qui auraient quitté

 27   Sarajevo se seraient retrouvés sur ces listes électorales ultérieurement ?

 28   Ou n'avez-vous pas cherché à identifier l'existence de ces personnes sur

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  1   ces deux sources primaires ?

  2   R.  La population cible était la population qui, en 1991, vivait ou

  3   résidait dans les cinq municipalités. Donc pour cette population cible qui

  4   nous occupait, nous avons cherché à les identifier, voir s'ils s'étaient

  5   déplacés, si elles avaient été des personnes déplacées. Donc dans les

  6   statistiques du déplacement, vous ne retrouverez que les statistiques de

  7   ces cinq municipalités, et le mouvement de population. Mais il y a une

  8   autre statistique, celle sur la composition ethnique des municipalités.

  9   Pour 1991, on reprend les données du recensement pour les cinq

 10   municipalités, et d'autre part, la déclaration de nationalité sur la base

 11   des listes électorales en 1997/1998. Donc nous avons bien recoupé le

 12   recensement et les listes électorales. Quiconque se serait installé sur la

 13   commune en 1997 et aurait inclus dans les listes électorales et avait été

 14   immatriculé dans le recensement de 1991, bien, ces personnes auraient été

 15   identifiées comme de nouveaux arrivants.

 16   Q.  Très bien. Si je comprends ce que vous dites, vous nous dites que vous

 17   avez mis l'accent sur la population identifiée par le recensement de 1991

 18   sur ces cinq communes.

 19   R.  Pour les statistiques des personnes déplacées, oui.

 20   Q.  Très bien. Puis en 1997-1998, vous voyez qu'il y a une augmentation

 21   notable de la population serbe, en tout cas en pourcentages, sur ces cinq

 22   municipalités. Si vous n'avez mis l'accent que sur la population résidant

 23   dans ces cinq municipalités, d'après le recensement de 1991, comment a-t-il

 24   pu y avoir une augmentation notable de la population serbe dans ces cinq

 25   municipalités ?

 26   R.  Pour l'analyse de la composition ethnique, nous avons comparé la

 27   population de facto de 1991 et les populations de 1997/1998, n'est-ce pas ?

 28   La population de 1997/1998 était celle qui a été identifiée par les

Page 9958

  1   municipalités, y compris les nouveaux arrivants, les nouveaux arrivants qui

  2   n'avaient d'existence qu'à partir du moment où ils avaient été identifiés

  3   dans le recensement de 1991 en Bosnie-Herzégovine, qu'ils aient résidé à

  4   l'époque dans les cinq municipalités ou non. Il pouvait y avoir des

  5   nouveaux arrivants qui venaient peut-être de ces communes, ou d'ailleurs,

  6   de Sarajevo ou d'ailleurs. Je ne sais pas vous répondre exactement. Mais

  7   peut-être que je devrais regarder les chiffres pour vous dire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais essayer de résumer et

  9   voir si j'ai bien compris parce que, Maître Bakrac, je ne comprends pas

 10   bien votre question.

 11   Imaginons qu'on a une population de 100 000 personnes, 50 % de Serbes, 50 %

 12   de Musulmans. C'est des chiffres ronds, c'est facile à comprendre. Bien. Si

 13   49 000 Musulmans quittent - je ne dis pas que les chiffres sont exacts et

 14   que c'est effectivement ce qui s'est passé - mais imaginons donc que ces 49

 15   000 Musulmans partent et que les Serbes restent sur place - même si c'est

 16   inexact là encore - parce que souvent les Serbes disparaissent. Donc on

 17   passe mécaniquement de 50 % de la population qui est serbe à 98 % de la

 18   population qui est serbe. Voilà, c'est juste une modification de

 19   pourcentage. Tout dépend également du nombre de Serbes qui partent, du

 20   nombre des Musulmans qui partent. Et même si les Serbes partaient eux

 21   aussi, pour certains d'entre eux, et si les Musulmans quittaient la

 22   municipalité en bien plus grand nombre que les Serbes, bien, évidemment, là

 23   encore, les Serbes auraient représentés un pourcentage de la population

 24   bien plus élevé.

 25   Je crois comprendre également que Mme Tabeau fait assez attention à ce

 26   qu'elle dit, parce qu'elle ne peut pas être sûre du nombre de Serbes qu'il

 27   y avait en 1997, puisque nous n'avions que les listes électorales. Donc les

 28   pourcentages qui ont été établis n'existent que sur la base des personnes

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  1   dont l'identité a été recoupée, ce qui laisse à penser qu'il aurait dû y

  2   avoir un nombre de Serbes ou d'autres groupes ethniques bien plus élevés,

  3   mais qui n'aient pas été recoupés, dont l'existence n'ait pas été recoupée

  4   sur les registres électoraux.

  5   Voilà. Mme Tabeau a résumé la situation telle que je la comprends. J'ai

  6   essayé de le faire tout simplement parce que j'étais un peu surpris et

  7   perturbé par la question de Me Bakrac. Mais peut-être avais-je sous-estimé

  8   la complexité du sujet qui nous occupe. Et si vous pouviez avoir la bonté

  9   de nous dire, Madame Tabeau, ce que vous en pensez.

 10   M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

 11   permettez, je voudrais vous donner une explication avant la réponse de Mme

 12   Tabeau. On dirait qu'elle a également augmenté ses chiffres, pas également

 13   ses estimés.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vais demander à Mme Tabeau

 15   de répondre à ma question, à savoir ai-je plus ou moins dans les grandes

 16   lignes compris ce dont il retourne.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, quand on prépare les statistiques sur

 18   les personnes déplacées, nous n'avions commencé par regarder que la

 19   population de 1991, et plus particulièrement la population de ces cinq

 20   municipalités d'après le recensement de 1991. Nous avons regardé combien

 21   d'entre elles se sont déplacées ou sont devenues des personnes déplacées,

 22   et combien sont restées sur le territoire de ces municipalités. Il y avait

 23   donc une restriction, c'est vrai. Mais si l'on examine les changements en

 24   termes de composition ethnique, bien, on passe à la composition ethnique de

 25   facto en 1991 ou en 1997/1998 dans les cinq municipalités ou dans les 11

 26   municipalités divisées. En 1991, on avait l'identité ethnique des

 27   répondants dans le recensement, mais en 1997/1998 il n'y a que ceux qui

 28   sont sur les listes électorales qui ont indiqué leur identité ethnique.

Page 9960

  1   Donc il n'y a pas de restriction là sur la municipalité d'origine.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais vous voulez dire qu'ils

  3   peuvent venir d'une autre municipalité, n'est-ce pas ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, c'est ça. Effectivement,

  5   j'avais oublié la part des personnes dont l'identité n'avait pas été

  6   recoupée, effectivement. On peut essayer de faire toutes sortes de

  7   combinaisons ethniques pour décrire la population [inaudible].

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Bon, effectivement, il y a

  9   toujours ces listes électorales.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bien cela.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Bakrac, je suis

 12   heureux d'entendre que Mme Tabeau a clarifié ma compréhension des choses.

 13   Vous avez la parole.

 14   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Effectivement, nous avons besoin d'un expert, ou peut-être que ce serait

 16   pratique pour moi d'avoir un expert qui pourrait m'aider à comprendre ces

 17   sujets complexes.

 18   Q.  Mais je vais vous poser ma question. Madame Tabeau, d'après ce que vous

 19   savez, les registres électoraux, les listes électorales sont-elles, ici ou

 20   ailleurs, utilisées de par le monde comme base de données pour des études

 21   démographiques ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que c'est une méthode habituelle ?

 24   R.  Pour les victimes de guerre ou leurs origines, je crois que c'est tout

 25   à fait - ah, les victimes d'un régime donné - je crois que c'est tout à

 26   fait normal. Pour le Cambodge, par exemple, un démographe bien connu,

 27   Patrick Heuveline, en Amérique, a utilisé ces données. C'est une étude

 28   fiable qui a été publiée dans des journaux scientifiques de bonne

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  1   réputation. Le problème évidemment c'est que, quand on parle des victimes

  2   de guerre, il faut garder à l'esprit que les registres, les sources ne sont

  3   pas les mêmes qu'en temps de paix. En temps de paix, l'état de civil doit

  4   être notifié dans les trois jours de la mort d'un individu. Et il y a des

  5   archives complètes qui sont retraitées par les statisticiens.

  6   Q.  Madame Tabeau, si j'ai bien compris, mais dites-le-moi, vous êtes en

  7   train de nous dire que dans des situations de ce type, cette méthode peut

  8   être utilisée. Mais pouvons-nous dire qu'une liste électorale n'est pas une

  9   base officielle pour une étude

 10   démographique ?

 11   R.  Ce n'est pas une source statistique officielle, puisqu'elle n'est pas

 12   rédigée par des autorités statistiques. Mais vous seriez surpris d'entendre

 13   le nombre de sources que l'on peut utiliser pour les études démographiques.

 14   En démographie historique, par exemple, les registres paroissiaux sont

 15   utilisés. Ils sont une source extrêmement riche, une source d'histoire

 16   familiale ou personnelle. La démographie ne doit pas se limiter aux sources

 17   standard, par exemple, les certificats de décès. En recherche sur la

 18   migration, bien, la migration est un phénomène démographique qui est très

 19   difficile à tracer et nous n'avons pas de sources démographiques ou

 20   statistiques systématiques qui nous permettraient de garder des traces de

 21   ces migrations. Ceci est d'autant plus vrai aujourd'hui que les migrations

 22   sont beaucoup plus grandes et de plus grande ampleur aujourd'hui

 23   qu'autrefois, d'autant qu'un certain nombre de pays n'enregistrent plus

 24   l'arrivée de nouveaux migrants, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas

 25   ou que personne n'a changé de lieu de résidence.

 26   Q.  Des données sur l'appartenance ethnique peuvent-elles être identifiées

 27   sur les listes électorales ?

 28   R.  Non, mais il n'y a pas de mention de l'origine ethnique, mais ceci peut

Page 9962

  1   être regroupé avec les données du recensement et en établissant un lien

  2   direct entre ces identités.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, cette question me

  4   surprend, puisque le rapport indique clairement que l'on recoupe les

  5   données personnelles et les états civils des personnes avec le recensement

  6   de 1991, et puisque le recensement de 1991 fait mention de l'appartenance

  7   ethnique, tout y est.

  8   Mais quant à vous, vous ai-je bien compris ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, c'est bien cela.

 10    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, voilà, tout est dit dans le

 11   rapport. L'explication n'était sans doute pas nécessaire.

 12   M. BAKRAC : [interprétation] Très bien. Passons à autre chose.

 13   Q.  Madame, vous nous avez dit que lorsque vous étudiiez les données de

 14   1991, vous aviez pris en compte la population née avant 1980. Est-ce que

 15   toutes les personnes majeures ont été prises en compte, y compris celles

 16   qui n'étaient pas majeures en 1991 mais qui l'étaient en 1997 et qui

 17   avaient donc le droit de voter ? Ou peut-être, devrais-je simplifier ma

 18   question. Je comprends de votre expression du visage que je me suis peut-

 19   être pas aussi exprimé aussi clairement que je l'aurais souhaité, mais je

 20   vais peut-être vous poser une question idiote d'ailleurs. Mais pourquoi les

 21   personnes nées seulement avant 1980 auraient été prises en compte ?

 22   R.  C'est à cause de la deuxième source qui était à notre disposition, les

 23   listes électorales. Nous avons utilisé les listes de 1997/1998, mais la

 24   plupart des listes disponibles sont celles de 1997. Les deux listes se

 25   recoupent en grande part, puis nous avons pris comme base de travail les

 26   documents de 1997 et compléter avec 1998. Pour comparer cette population

 27   avec la population correspondant de 1991, il faut bien faire un choix à

 28   partir du recensement pour tout simplement vous comparaissiez les

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  1   comparables et rejeter ceux qui ne l'aient pas. Voilà pourquoi la

  2   restriction sur l'année de naissance a été introduite.

  3   Q.  Donc si je vous ai bien comprise, vous avez pris en compte en 1991, sur

  4   le recensement de 1991, les personnes qui, en 1997 ou 1998, seraient en âge

  5   de voter; c'est bien cela ?

  6   R.  Oui, c'est cela. Oui, oui, c'est bien cela. Et les enfants n'étaient

  7   pas pris en compte dans l'analyse.

  8   Q.  Madame, j'ai évidemment essayé de lire votre rapport et aussi avec

  9   autant d'attention que possible, mais je ne crois pas avoir trouvé la

 10   réponse. Pourriez-vous nous dire peut-être, combien d'habitants avaient 18

 11   ans ou plus en 1991, en valeur absolue ou en pourcentage, et combien de

 12   personnes de 13, 14, 15, ou 16 ans avez-vous pris en compte sachant qu'ils

 13   seraient en âge de voter en 1997/1998 ?

 14   R.  Il faut peut-être commencer par vous dire que c'était une étude

 15   longitudinale. Comment vous dire ? Je ne suis pas absolument certaine de

 16   bien comprendre votre question d'ailleurs. La restriction sur l'âge au

 17   départ me permet d'identifier un sous-ensemble de la population de 1991, un

 18   sous-ensemble qui, pour l'ensemble, allait devenir électeur. Donc ce sont

 19   bien les mêmes personnes dont on parle. Je tire du recensement des

 20   informations sur ces personnes qui potentiellement seront électrices en

 21   1997/1998. Dans le recensement, je prends tous ces électeurs potentiels de

 22   1997/1998, certains d'entre eux sont perdus parce qu'il n'y a pas

 23   recoupement, et je fais mes statistiques sur cette base-là. Je ne sais pas

 24   si j'ai répondu à votre question, mais c'est bien cela ma réponse qui

 25   définit clairement ce qu'une étude longitudinale sur des personnes

 26   spécifiques. Donc on remonte le temps, mais sur un groupe donné c'est

 27   toujours les mêmes personnes.

 28   Q.  Donc toutes les personnes que vous avez incluses dans vos calculs sur

Page 9964

  1   les cinq municipalités étaient bien enregistrées et identifiées au

  2   recensement de 1991, et tout en prenant compte tous les éléments que vous

  3   avez évoqués, vous avez comparé ces personnes et identifier sur la base des

  4   électeurs de 1997/1998, donc y compris les personnes qui, en 1991,

  5   n'étaient pas majeures mais qui allaient le devenir et qui seraient en âge

  6   de voter en 1997/1998 ?

  7   R.  Oui, c'est bien ça. C'est exactement ça.

  8   Q.  Docteur Tabeau, pour ce qui est des électeurs potentiels, est-ce que

  9   vous avez vraiment pris en compte les personnes qui avaient 75 ans ou plus

 10   en 1991 ou est-ce que vous aviez également un âge limite lorsque vous avez

 11   utilisé les données du recensement de 1991 ?

 12   R.  Non, il n'y avait pas d'âge maximum. Il est clair que certaines

 13   personnes sont probablement décédées, qu'il y a eu également des victimes

 14   de guerre, mais ces personnes ne sont pas en nombre considérable.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De façon à ce que je comprenne bien, les

 16   personnes qui avaient plus de 75 ans en 1991 et qui sont décédées avant

 17   1997 ne se retrouvaient de toute façon pas sur les registres électoraux.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement, oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, il est impossible que

 20   quelqu'un se soit inscrit en 1995 ? En fait, nous parlons de personnes qui

 21   s'étaient immatriculées, qui s'étaient inscrites sur les listes électorales

 22   en 1997 et 1998, n'est-ce pas ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 24   M. BAKRAC : [interprétation]

 25   Q.  Docteur Tabeau, donc cela signifie que vous avez inclus des personnes

 26   qui figuraient dans les données du recensement de 1991 et qui étaient

 27   ressortissants de Bosnie-Herzégovine, mais qui étaient décédées de mort

 28   naturelle d'ici à 1997 ou 1998 et qui, par conséquent, ne figuraient pas

Page 9965

  1   sur les listes électorales. Donc est-ce que vous avez pris en compte ces

  2   personnes; et si tel est le cas, quel pourcentage représente ce groupe de

  3   personnes ?

  4   R.  J'ai dit que nous n'avons pas pris en compte l'éventualité de la mort

  5   de ces personnes, c'est-à-dire que la personne n'était pas dans ce cas-là

  6   immatriculée en tant qu'électeur. On ne sait pas combien de personnes sont

  7   décédées durant la guerre. Il n'y avait pas de registre complet durant la

  8   guerre. Puis il y a eu également un certain nombre de décès qui ont été

  9   causés par la guerre. Donc nous avons pu faire des évaluations mais je ne

 10   peux pas non plus me lancer dans des spéculations, parce qu'en fait, de

 11   toute façon, ce groupe n'aurait pas eu un impact important sur les

 12   statistiques. Et de toute façon, ces personnes n'auraient pas été

 13   considérées comme des personnes déplacées.

 14   Q.  Madame Tabeau, j'arrive au terme de mon contre-interrogatoire, il me

 15   reste que quelques questions. Est-ce que vous auriez l'obligeance de me

 16   dire si vous avez inclus dans votre rapport des personnes qui étaient

 17   basées à l'étranger, qui travaillaient donc à l'étranger, et qui étaient

 18   toujours considérés comme des ressortissants de Bosnie-Herzégovine et qui,

 19   ensuite, sont revenues dans le pays et qui se sont inscrits sur les listes

 20   électorales; est-ce que vous les avez inclus dans votre rapport ? Et est-ce

 21   que vous les avez considérées comme étant des réfugiés ?

 22   R.  En fait, nous nous sommes penchés par le menu sur cette question. Et il

 23   y a une annexe dans ce rapport qui reprend cette analyse. Je vous demande,

 24   en fait, de vous reporter à l'annexe B4, à la page 80 en version anglaise.

 25   Et vous voyez que nous avons étudié de près cette question, parce que les

 26   personnes qui avaient quitté le pays avant la guerre auraient pu, en fait,

 27   créer un parti pris

 28   dans notre étude -- qui avait créé un écart statistique, mais en fait, ceci

Page 9966

  1   n'a pas eu d'impact important. Il s'agissait de 28 000 personnes, mais il

  2   n'y a pas eu d'impact sur la composition ethnique et, par conséquent, ceci

  3   n'a pas vraiment eu de biais statistique important. Il s'agit, en fait,

  4   d'une marge d'erreur qui est tout à fait acceptable dans une étude

  5   statistique.

  6   Q.  Docteur Tabeau, pour conclure, et sans vous offenser, votre expertise

  7   est celle d'un démographe spécialisé en études mathématiques, n'est-ce pas

  8   ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et votre rapport ainsi que vos études se bornent à fournir un aperçu

 11   statistique et mathématique de la taille de la population sans pour autant

 12   rentrer dans les détails, c'est-à-dire sans vraiment fournir de raisons ?

 13   R.  Comme je l'ai dit aujourd'hui, je n'ai pas fait d'études sur les causes

 14   des déplacements de population. Il s'agit simplement d'une évaluation de

 15   ces déplacements de population.

 16   M. BAKRAC : [interprétation] Docteur Tabeau, merci beaucoup. Je vous prie

 17   de m'excuser si mes questions n'étaient pas suffisamment pointues et si je

 18   vous ai posé des questions de profane. Merci beaucoup.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, est-ce que vous pouvez

 20   commencer votre contre-interrogatoire aujourd'hui ?

 21   M. JORDASH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Tabeau, Me Jordash, dans le cadre

 23   de son contre-interrogatoire, va vous poser des questions. Il représente M.

 24   Stanisic.

 25   Contre-interrogatoire par M. Jordash :

 26   Q.  [interprétation] Bonjour.

 27   R.  Bonjour.

 28   Q.  Pour que nous soyons bien clairs, je vais commencer par parler du

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  1   premier rapport, le rapport sur les réfugiés et sur les personnes déplacées

  2   en interne. Votre rapport ne porte pas sur les événements qui se sont

  3   déroulés entre 1991 et 1997. Le rapport étudie la situation en 1991 et la

  4   situation en 1997/1998, n'est-ce pas ?

  5   R.  Effectivement.

  6   Q.  J'aimerais donc passer à la page 35 de votre rapport.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Il s'agit du document qui porte la cote

  8   P1657.

  9   Q.  Dans le paragraphe 2, vous mentionnez que :

 10   "Les conflits de 1992 et 1995 en Bosnie sont un exemple de situation

 11   d'urgence humanitaire durant laquelle les populations civiles ont été

 12   touchées par la guerre. Il y a eu une restructuration de la composition

 13   ethnique de la population avec un déplacement des populations, une

 14   détérioration des conditions de vie, des problèmes de santé graves et un

 15   taux de mortalité qui a augmenté."

 16   J'aimerais revenir sur certains commentaires que vous avez faits lorsque Me

 17   Bakrac vous a posé des questions juste avant la pause. Je vous prie de

 18   m'excuser si je me trompe, mais vous semblez aller plus loin que ce dont

 19   vous avez mentionné dans votre rapport et vous parlez des raisons non

 20   accidentelles à ces déplacements de population. Est-ce que je vous ai bien

 21   comprise ?

 22   R.  Je n'ai pas mentionné le mot non accidentelles. J'ai dit que je ne

 23   pouvais pas affirmer qu'il s'agissait de causes habituelles de migration

 24   telles que, par exemple, des migrations économiques sociales ou liées à des

 25   études que certaines personnes souhaitaient faire à l'étranger et que l'on

 26   pouvait observer durant des périodes de guerre.

 27   Q.  Est-ce que vous seriez d'avis de dire que ces déplacements étaient, de

 28   manière générale, liés aux conditions de guerre par rapport à, plutôt, un

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  1   groupe ethnique qui a procédé à un déplacement forcé de population envers

  2   une autre région ?

  3   R.  Comme j'ai dit, je n'ai pas étudié les causes. Tout ce que je peux vous

  4   dire, c'est que je considère les causes comme étant inhabituelles, et c'est

  5   là où s'arrête mon expertise quant à la définition des causes de la

  6   migration.

  7   Q.  Et quand on parle de causes "habituelles," on parle, en fait, de causes

  8   qui seraient prévalentes durant un temps de paix plutôt qu'en temps de

  9   guerre ?

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Selon vous, quand il s'agit d'un déplacement inhabituel de population,

 12   il s'agit d'une situation caractéristique d'une période de guerre ?

 13   R.  Il est évident que nous ne nous trouvions pas dans une situation de

 14   paix, mais dans une situation de conflit, de guerre. On voit en Bosnie-

 15   Herzégovine que 50 % de la population a été déplacée. Il s'agit de 2,2

 16   millions de personnes qui ont été déplacées. C'est l'ampleur du phénomène.

 17   On ne peut pas considérer ceci comme une migration habituelle.

 18   Q.  Je ne pense pas que nous soyons en désaccord. Je voulais simplement

 19   savoir si vous aviez un avis plus pointu en la matière, à savoir si vous

 20   pensiez que le déplacement, comme vous l'appelez, était lié à une activité

 21   spécifique dans une situation de guerre ?

 22   R.  Je ne pense pas que j'avais recherché cette explication plus pointue.

 23   Q.  Merci.

 24   R.  Dans mon rapport.

 25   Q.  Ai-je également raison de dire qu'à la lecture de votre rapport, on ne

 26   peut pas vraiment décider du fait de savoir si le déplacement était lié à

 27   un mouvement volontaire suite aux accords de Dayton ?

 28   R.  Je ne me suis pas prononcée en la matière dans le rapport. Mais je ne

Page 9969

  1   vois pas de quel mouvement volontaire on pourrait parler suite à l'accord

  2   de Dayton.

  3   Q.  Il s'agirait de populations qui préféreraient vivre au sein de la

  4   fédération plutôt qu'en Republika Srpska.

  5   R.  Je n'ai pas parlé de cela dans mon rapport.

  6   Q.  Mais cela faisait partie des accords de Dayton, à savoir qu'il y avait

  7   une zone qui était caractérisée comme étant gouvernée par un groupe

  8   ethnique ou un groupe religieux par rapport à d'autres régions de la

  9   fédération ?

 10   R.  Je pense qu'on aurait tort de penser que ces migrations ont eu lieu

 11   après les accords de Dayton. Il y a des documents qui replacent tout ceci

 12   dans leur contexte, et j'ai eu la possibilité de les étudier, même si je

 13   n'en ai pas parlé dans le rapport, qui laissent penser que ces flux

 14   migratoires ont eu lieu durant la période de guerre.

 15   Q.  Je ne dis pas que la totalité des mouvements ont eu lieu après les

 16   accords de Dayton, mais votre rapport ne fait pas vraiment de commentaires

 17   sur le fait de savoir si les accords de Dayton ont eu des conséquences ou

 18   si ces migrations ont eu lieu, ou leurs conséquences, durant la guerre ?

 19   R.  Non, effectivement, je ne me suis pas penchée sur cette question.

 20   Q.  Est-ce que je peux vous demander de revenir à la page 31 du document

 21   qui porte la cote P1657, s'il vous plaît. D'après ce que nous venons de

 22   dire - et je consulte les statistiques en bas de la page - dans la période

 23   allant de 1991 à 1997, la proportion des Serbes dans la partie de Republika

 24   Srpska de la zone de l'affaire Stanisic a augmenté de 54,9 % à 92,9 %,

 25   c'est-à-dire une augmentation de 76,4 %. Donc je regardais ce paragraphe et

 26   peut-être le suivant, et maintenant ce qui m'intéresse, c'est les 95,3 %,

 27   la part des Musulmans qui a baissé dans les parties de Republika Srpska du

 28   secteur recensé dans l'acte d'accusation Stanisic/Simatovic, puis vous avez

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  1   également une baisse du nombre de Serbes de 99,3 % dans la fédération. Est-

  2   ce que ces différences entre ces différentes statistiques sont importantes

  3   et sont pertinentes ?

  4   R.  Je ne me suis pas repenchée sur l'importance des différences.

  5   Q.  Donc vous ne l'avez pas fait ?

  6   R.  Non, je ne l'ai pas fait. Mais ce n'est pas vraiment le propos.

  7   L'objectif n'est pas de comparer les différences. L'objectif est de mesurer

  8   un phénomène et de l'exprimer en valeurs quantitatives, et c'est la raison

  9   pour laquelle je n'ai pas étudié les différences de ces pourcentages.

 10   Q.  Est-ce que l'on pourrait passer à la page 25, s'il vous plaît.

 11   J'aimerais obtenir quelques précisions afin de mieux comprendre. Prenons

 12   Sanski Most. C'est le tableau numéro 10. Pourriez-vous simplement, en

 13   termes simples donc, nous dire ce que ce tableau représente s'agissant de

 14   Sanski Most ?

 15   R.  Le titre l'indique, on voit le pourcentage de Serbes déplacés et

 16   de réfugiés serbes vivant à l'extérieur en 1997/1998 par rapport au nombre

 17   total de Serbes dans la population.

 18   Q.  Je me trompe peut-être, mais --

 19   R.  Vous avez ici ce pourcentage de 99,6 % qui est mentionné juste au-

 20   dessus de la carte.

 21   Q.  Ça veut dire que 80 % jusqu'à 100 % des Serbes qui vivaient dans la

 22   partie de la fédération qu'est Sanski Most ont été déplacés ?

 23   R.  Pour être plus précis, si on prend la valeur moyenne entre 80 et 100 %,

 24   on a 99,6 %.

 25   Q.  Oui.

 26   R.  C'est l'intervalle de confiance mentionné.

 27   Q.  Excusez-moi si j'essaie de paraphraser, mais quand on parle des

 28   déplacements, on a dit que c'étaient des mouvements simultanés, parallèles.

Page 9971

  1   Comment et pourquoi parvenez-vous à ce genre de conclusion ?

  2   R.  Pourquoi est-ce que je tire cette conclusion ? Parce que, à mon avis,

  3   il y a eu des facteurs déterminants, qui étaient importants et qui

  4   fonctionnaient en même temps. Je veux dire que ces mêmes facteurs

  5   poussaient des Musulmans dans un sens et poussaient les non-Serbes et les

  6   Serbes dans l'autre.

  7   M. JORDASH : [aucune interprétation]

  8   [Le conseil de la Défense se concerte]

  9   M. JORDASH : [interprétation]

 10   Q.  Je voudrais que ce soit clair, vous parlez de processus parallèles qui

 11   interviennent entre 1991 et 1997 ou de processus parallèles qui se

 12   produisent véritablement, en même temps au cours d'un seul et même

 13   incident, par exemple ?

 14   R.  Une précision d'abord : je n'ai pas étudié le moment précis auquel ces

 15   mouvements de population se sont produits. On n'a pas d'études ni de

 16   données pour le faire. On fait une comparaison ici entre le recensement de

 17   1991 et les éléments de 1997 et 1998. Et ce que je pense n'est pas

 18   surprenant, c'est tout à fait logique, que certains facteurs ont fait que

 19   des populations sont forcées à se déplacer, à bouger. Il est difficile que

 20   ces facteurs interviennent à des moments différents, même si ce n'est pas

 21   impossible. Quand je dis parallèle, je parle du mouvement des populations

 22   tels qu'ils ont été mesurés partant des données que j'avais.

 23   Q.  Prenons Bosanski Samac -- non, restons à Sanski Most. L'Accusation

 24   affirme qu'en mai 1992 les Serbes ont attaqué Sanski Most et s'en sont

 25   emparée. Avançons dans le temps, vers le milieu de l'année 1995.

 26   L'Accusation affirme alors que les Serbes ont été délogés, forcés de

 27   quitter Sanski Most, donc votre analyse de processus parallèle, ce serait

 28   qu'en 1992, il y a eu, comment dire, un transfert de la population non

Page 9972

  1   serbe qui a dû quitter Sanski Most, et le processus parallèle c'est qu'en

  2   1995, les Serbes ont été forcés de quitter Sanski Most ?

  3   R.  Non, non, ce n'est pas comme ça que je pense. Mon raisonnement est bien

  4   plus simple. Moi, je mesure ce que je suis en mesure de mesurer. Ce

  5   parallélisme, je le vois qu'il y a des Serbes et des non-Serbes qui

  6   quittent des territoires qui sont contrôlés par les Serbes et des Serbes

  7   quittent le territoire contrôlé par la Fédération. Sans doute est-ce que

  8   ceci intervient à des moments différents, parce que les degrés de contrôle

  9   ont été différents. Moi, je mesure ce que je peux mesurer. C'est aussi

 10   simplement que ça. Ça se résume à cela.

 11   Q.  Savez-vous qu'il y a eu une crise au niveau des réfugiés à la suite de

 12   l'expulsion des Serbes de Sanski Most en 1995 ?

 13   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire par crise ?

 14   Q.  Je veux dire --

 15   R.  Ils étaient nombreux à vivre à Sanski Most en territoire contrôlé par

 16   la fédération. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire exactement quand vous

 17   dites crise ?

 18   Q.  Je voudrais vous montrer un document, si vous permettez.

 19   M. JORDASH : [interprétation] Il s'agit du document 1D1635 de la liste 65

 20   ter. Je demanderai plus tard le versement. Je m'intéresse à la page 46 en

 21   anglais, même page en B/C/S.

 22   Q.  Il s'agit ici, apparemment, d'un journal dont l'Accusation dit qu'il

 23   est de la main de Mladic. Vous devez en avoir entendu parler, je suppose ?

 24   R.  Manifestement.

 25   Q.  Page 46, pour que vous vous y retrouviez dans le contexte, vous voyez

 26   cette mention, elle date du 22 septembre 1995 --

 27   R.  Moi, je vois 25 septembre -- août, pardon.

 28   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce bien la page 46 en anglais du moins ?

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  1   Oui, je vois le chiffre du bas, 5273. Oui, c'est bon. Est-ce qu'on peut

  2   afficher la page 46 en B/C/S.

  3   Q.  Mais regardez l'anglais :

  4   "En faisant l'évaluation de l'afflux de réfugiés, on voit comment les

  5   esprits ont changé après les 150 000 réfugiés de la République de Krajina

  6   et les 120 000 réfugiés de Prijedor et de Sanski Most…"

  7   R.  C'est la première fois de ma vie que je lis ce paragraphe-ci, là où il

  8   est question de 120 000 réfugiés de Prijedor et de Sanski Most --

  9   Q.  Mais est-ce que vous auriez lu des choses susceptibles d'étayer ces

 10   chiffres donnés ? Est-ce que vous avez trouvé ce genre de chose dans vos

 11   recherches ?

 12   R.  Tout d'abord, je ne sais pas d'où viennent ces chiffres, qu'en est la

 13   source. Comment les a-t-on obtenus, je ne sais pas, je n'en ai pas la

 14   moindre idée. Donc ici même en ce moment, je n'ai pas d'avis sur la

 15   question. Ce sont des chiffres fiables, sont-ils proches de la réalité, je

 16   ne le sais pas. En 1994, j'ai cherché à trouver des sources contextuelles,

 17   dont certaines sont reprises dans mon rapport. Elles ne le sont pas toutes.

 18   Mais les statistiques que j'ai préparées dans ce rapport s'appuient sur

 19   d'autres sources, et toutes les sources ne sont pas toujours à 100 %

 20   compatibles avec d'autres sources. C'est vrai notamment pour les

 21   statistiques concernant des personnes mortes du fait de la guerre ou sur

 22   des personnes déplacées. C'est un type de victimes de la guerre.

 23   Q.  Oui. Laissons de côté ces chiffres, parce que ce n'est pas une science

 24   exacte.

 25   R.  Oui, mais si vous regardez le nombre de Serbes dans la population de

 26   Prijedor et de Sanski Most, comment peut-on arriver à ce chiffre de 120 000

 27   ?

 28   Q.  Bien, ça dépend des gens qui y vivaient à l'époque.

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  1   R.  Il faudrait voir le recensement, voir combien de Serbes y vivaient à

  2   l'époque.

  3   Q.  Mais en 1995, là on n'a pas de recensement, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est vrai, c'est vrai, sauf pour le recensement de Banja Luka. Et

  5   Sanski Most en fait partie, Prijedor aussi. Je persiste à penser que ce

  6   chiffre de 120 000 n'est pas correct, ne correspond pas.

  7   Q.  Mais est-ce que vous avez des sources contextuelles qui pourraient

  8   apporter un nouvel éclairage sur cette crise que vivent les réfugiés,

  9   d'après ce qui est dit ici ?

 10   R.  Je ne sais pas ce qu'il en est des sources contextuelles. Ici, vous me

 11   donnez un exemple, mais je ne suis pas au courant de cet autre exemple.

 12   Q.  Mais vu votre longue expérience, vu les nombreux et divers documents

 13   que vous avez sans nul doute lus, est-ce qu'il vous est arrivé de

 14   rencontrer une mention de réfugiés qui auraient pris la fuite, qui auraient

 15   fui la région de Sanski Most attaquée en septembre 1995 ? Si ce n'est pas

 16   le cas, pas de problème.

 17   R. Je n'ai pas étudié cet épisode-là en particulier du conflit. J'avais

 18   bien des sources, mais je n'avais pas de sources concernant cet épisode-ci.

 19   Q.  Donc il vous est impossible de nous aider, de décrire la situation

 20   éventuellement ?

 21   R.  Partant de mon rapport ?

 22   Q.  Non, non. Je parle de vos connaissances, de ce que vous savez.

 23   R.  Non, pas comme ça directement.

 24   Q.  Mais est-ce que vous pourriez le faire si on revenait sur le sujet ?

 25   R.  Je ne sais pas. Il faudrait que je fasse des recherches pour voir ce

 26   que je peux trouver. Mais vous savez, c'est une chose de trouver des

 27   éléments, ç'en est une autre de les analyser. Et je pense que l'évaluation

 28   c'est important, je le crains.

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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   R.  Il me faut plus qu'une journée ou deux pour vous fournir une

  3   évaluation, donc les sources et une évaluation.

  4   Q.  Mais là, comme ça, rien ne vous traverse l'esprit ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Bien.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Comment allons-nous faire

 10   demain ? Il y a un témoin qui attend. Désolé, Madame Tabeau. Désolé de

 11   parler du témoin suivant, mais il y a des impératives de calendrier, c'est

 12   inévitable. Monsieur Groome.

 13   M. GROOME : [interprétation] Le prochain témoin se trouve à La Haye.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est prêt à commencer sa déposition

 15   demain ?

 16   M. GROOME : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous sommes demandé si -- Madame

 18   Tabeau, je vais simplement vous expliquer. On s'était demandé si nous

 19   allions poursuivre votre audition ou s'il était préférable de commencer

 20   avec cet autre témoin qui, lui, a des obligations en matière de

 21   déplacement, et nous nous demandons s'il est préférable de terminer

 22   aujourd'hui.

 23   Il devrait prendre combien de temps ?

 24   M. GROOME : [interprétation] Trois heures. Nous avons pris toutes les

 25   mesures raisonnables possibles pour diminuer ce temps, mais je répugne à

 26   vous donner une estimation. Tout ce que je peux faire, c'est dire que ce

 27   sera vraiment beaucoup moins que trois heures.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, quand vous dites ça, je pense à deux

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  1   heures alors. Enfin, c'est dans ma tête, pas encore à l'horloge.

  2   M. GROOME : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en dites-vous, du côté de la Défense

  4   ?

  5   M. JORDASH : [interprétation] Oui. M. Groome l'a bien dit, il a pris toutes

  6   sortes de mesures, mais par ces mesures il nous donne du travail

  7   supplémentaire. Ainsi, nous avons reçu hier 22 pages de document largement

  8   annotés et commentés. Nous n'avons pas encore eu le temps d'examiner ce

  9   document. Ce témoin est censé parler longuement d'écoutes téléphoniques,

 10   mais nous n'avons pas de certitude ni de précision à ce stade. Alors, je

 11   dis au moins trois heures, au bas mot.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en dites-vous, Maître Bakrac ou

 13   Maître Petrovic ?

 14   M. PETROVIC : [interprétation] Pour le moment, c'est en émettant énormément

 15   de réserves, je dirais, trois heures nous aussi. Peut-être moins. Il faudra

 16   peut-être même demander davantage de temps.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et si nous travaillons vendredi matin au

 18   lieu d'avoir une audience administrative ?

 19   M. JORDASH : [interprétation] Oui. Moi, je préfère ça à une audience

 20   administrative.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais. Maître Petrovic.

 22   M. PETROVIC : [interprétation] Nous aussi.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je comprends que tout le monde

 24   est disponible vendredi matin. Je crois que c'est une conclusion qu'on est

 25   en droit de tirer. Et quand nous allons sérieusement nous pencher sur la

 26   question, nous verrons si ce témoin peut effectivement quitter La Haye

 27   cette semaine.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, nous allons peut-être

  2   penser que ce vendredi matin pourrait être une audience ordinaire, et nous

  3   pourrions avoir une audience administrative la semaine prochaine. Cela veut

  4   dire que nous aimerions terminer l'audition de Mme Tabeau demain. Vous

  5   aurez besoin encore de temps. Je vous exhorte, Maître Jordash, à poser des

  6   questions sur ce qui se trouve dans le rapport du témoin. Ne consacrez pas

  7   75 % de votre temps à des questions sur des points qui ne figurent pas dans

  8   le rapport.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Reçu 5 sur 5, Monsieur le Président. Je

 10   dirais au maximum 45 minutes.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, ça vous donne plus qu'une heure,

 12   ce qui était prévu au départ.

 13   M. JORDASH : [interprétation] Je ne veux pas abuser de votre temps. Disons,

 14   30 minutes.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais essayez d'en terminer en l'espace

 16   de 30 minutes.

 17   Monsieur Farr, vous aurez besoin de combien de temps pour vos

 18   questions supplémentaires ? Et ce qui est vrai pour l'un est vrai pour

 19   l'autre. Posez des questions sur ce qui se trouve dans le rapport, ou

 20   plutôt -- enfin, ne posez pas de questions sur ce qui est dans le rapport,

 21   parce que si c'est pas dans le rapport, c'est pas dans le rapport.

 22   M. FARR : [interprétation] Quelques minutes à peine, et ce n'est pas encore

 23   dit.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame, vous savez que vous n'êtes

 25   censée de parler à personne de votre témoignage tant qu'il n'est pas

 26   terminé, que ce soit aujourd'hui ou demain. Avec un peu de chance, vous

 27   pourrez terminer votre déposition en l'espace de 30 minutes ou un peu plus.

 28   Nous reprendrons les débats demain, mercredi 8 décembre, à 14 heures 15,

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  1   ici même en salle II.

  2   --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 8 décembre

  3   2010, à 14 heures 15.

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