Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le lundi 3 novembre 2003

2 [Comparution initiale]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 15 heures 00.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, pourriez-vous citer

7 le numéro de l'affaire au rôle.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

9 s'agit de l'affaire IT-01-42-I, le Procureur contre Vladimir Kovacevic.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

11 Monsieur Kovacevic, m'entendez-vous dans une langue que vous comprenez ?

12 Est-ce que c'est bien sous le bon canal ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous suis.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Kovacevic.

15 Je demande aux parties de se présenter en commençant par l'Accusation.

16 M. SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Du côté de

17 l'Accusation, je m'appelle Susan L. Somers, s'accompagner de M. Philipp

18 Weiner à ma droite, et de Mlle Victoria McCreath sous ma gauche.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

20 Du côté de la Défense.

21 M. MORRISON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

22 Howard Morrison.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci Monsieur Morrison.

24 La première chose que doit faire la présente Chambre de première instance,

25 compte tenu du fait que nous sommes dans une audience de comparution

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1 initiale, Monsieur Kovacevic, c'est de vérifier le plein respect de votre

2 droit à être assisté d'un conseil. Je vois que vous êtes assisté par M.

3 Morrison, et je vous demande si cela est bien conforme à votre souhait

4 aujourd'hui d'être assisté par M. Morrison.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, la présente

7 comparution initiale a pour but de vous confronter aux charges retenues

8 contre vous afin d'entendre de votre bouche si vous souhaitez dire de

9 quelle façon vous allez plaider par rapport à ces charges aujourd'hui même

10 ou si vous préférez vous prononcer dans un délai de 30 jours.

11 Je vous demanderais d'abord si vous avez bien reçu un exemplaire de l'acte

12 d'accusation à votre encontre dans une langue que vous comprenez.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous discuté du compte tenu de cet

15 acte d'accusation avec votre conseil.

16 M. MORRISON : [interprétation] Monsieur le Président --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends rien dans mes écouteurs

18 mais je crois voir que la réponse était négative.

19 M. MORRISON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. En effet

20 un problème ou en tout cas potentiel se pose dans la présente affaire à

21 savoir déterminer si oui ou non l'accusé est apte à se prononcer quant à sa

22 façon de plaider face à l'acte d'accusation donc c'est une question qui

23 actuellement préoccupe assez la défense. J'ai un exemplaire de l'acte

24 d'accusation. J'en ai donné lecture à l'accusé. Nous savons donc quel est

25 le compte tenu de l'acte d'accusation. Ce n'est pas l'acte d'accusation qui

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1 est en cause, mais la capacité de l'accusé à se prononcer quant à sa façon

2 de plaider. Donc c'est dans ce cadre que je dois dire que nous n'avons pas

3 discuté des détails de l'acte d'accusation.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je comprends, Monsieur Morrison.

5 La présente Chambre se réunit aujourd'hui car comme vous l'avez sans doute

6 remarquer, la comparution initiale de cet accusé a été reportée en raison

7 de la nécessité pour lui de recevoir certains -- fournir certains documents

8 relatifs à son état de santé. Selon les dernières informations reçues par

9 la présente Chambre, je parle d'information écrite reçue vendredi dernier,

10 si je ne m'abuse, ainsi que selon les dernières informations reçues

11 verbalement par nous aujourd'hui, nous sommes au courant de l'état de santé

12 de l'accusé.

13 Mais pourriez-vous nous dire, Monsieur Morrison, si vous n'avez même pas

14 demandé à l'accusé quelle serait sa façon de plaider, et si je dois

15 comprendre, que vous l'avez simplement confronté aux charges retenues

16 contre lui dans son acte d'accusation.

17 Etes-vous d'avis que M. Kovacevic est capable d'entendre les charges

18 retenues contre lui aujourd'hui pour se prononcer sur sa façon de plaider

19 dans un délai de 30 jours, comme le prévoit le règlement ? Car je me

20 demande, s'il est d'une quelconque utilité de donner lecture de l'acte

21 d'accusation aujourd'hui ou si vous pouvez nous dire qu'il en a compris la

22 teneur dans son intégralité ?

23 M. MORRISON : [interprétation] Monsieur le Président, l'état, la capacité

24 intellectuelle de mon client ne pose pas de problème. Il est tout à fait

25 certain qu'il peut lire l'acte d'accusation. Il sait lire et il comprend

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1 les termes utilisés dans cet acte d'accusation. Donc lui donner lecture des

2 mots contenus dans l'acte d'accusation de façon à s'assurer qu'il en

3 comprend littéralement, le sens n'est pas réellement le problème qui se

4 pose. Le problème consiste à déterminer s'il est suffisamment apte

5 mentalement à se prononcer sur sa façon de plaider, et éventuellement à

6 supporter un procès ultérieur.

7 Donc je ne suis pas spécialiste de psychiatrie, mais je pense que lui

8 donner lecture de l'acte d'accusation aujourd'hui, ne servirait pas à

9 grand-chose. Et en tout cas, je vous demanderais de ne pas lui demander

10 quelle sera sa façon de plaider aujourd'hui.

11 Le délai de 30 jours, c'est manifestement la question qui doit recevoir

12 réponse, car certaines choses doivent se passer entre aujourd'hui et la

13 date -- et 30 jours plus tard. Donc je vais demander à la Chambre de

14 première instance de prendre connaissance d'abord des rapports

15 psychiatriques le plus rapidement possible. Je dis le plus rapidement parce

16 que je sais d'expérience dans mon domaine de spécialité, qu'en général il

17 faut plus de 30 jours pour obtenir un rapport psychiatrique complet, à

18 moins que les ordonnances de la Chambre permettent d'accélérer le

19 processus. Et les documents nécessaires sont deux rapports émanant de deux

20 psychiatres différents, de façon à s'assurer que leur avis professionnels

21 coïncident, à moins qu'il n'y ait divergence d'opinions entre eux. Mais en

22 tout cas, il faut deux rapports. Donc je pense qu'il serait probablement

23 plus utile de traiter de cette question si les Juges de cette Chambre

24 partagent mon point de vue.

25 Cela aiderait chacun, j'en suis sûr si les psychiatres pouvaient parler à

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1 l'accusé dans une langue que je comprends, plutôt que d'ajouter le problème

2 supplémentaire de l'interprétation. J'apprécie l'importance du problème.

3 Mais je pense que les Juges doivent disposer de ces rapports d'experts le

4 plus rapidement possible.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous au courant, Maître Morrison,

6 du fait que la Chambre a reçu un rapport écrit ?

7 M. MORRISON : [interprétation] Non.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et bien, peut-être pourrions-nous en

9 parler à huis clos, car il s'agira de l'état de santé mental de votre

10 client. L'opinion publique est au courant de l'existence de certains

11 problèmes à cet égard, mais il vous appartiendra de déterminer si oui ou

12 non, vous souhaitez -- lorsque nous parlerons de cela en détail, que nous

13 passions à huis clos.

14 M. MORRISON : [interprétation] Instinctivement, et sans avoir consulter mon

15 client, je serai plutôt favorable à un huis clos. Mais je signale que je

16 n'ai pas lu le document, donc il est possible que la décision prise par M.

17 Kovacevic aille dans le sens contraire.

18 Je suis sûr qu'il a entendu ce que je viens de dire grâce aux interprètes.

19 J'ai donc proposé que nous passions à huis clos. Et pour qu'il comprenne

20 bien de quoi il est question, j'ajouterai que le problème est un problème

21 de respect de son intimité, donc pourrait-il nous dire quelle est son

22 opinion sur le sujet.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais en tout état de cause, un huis clos

24 partiel serait sans doute suffisant, car les mots prononcés ne sortiraient

25 pas du prétoire. Et les -- ce serait préférable à l'obligation dans

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1 laquelle nous pourrions nous trouver, de baisser les stores.

2 M. MORRISON : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, M. Morrison estime

4 que vous préféreriez sans doute discuter de votre état de santé mental sans

5 que le public puisse entendre ce que vous aurez à dire, donc hors micro. Je

6 crois comprendre puisque je vois que vous opinez du chef que vous êtes

7 d'accord avec ce qui vient d'être dit. Mais avant de rendre votre décision,

8 Madame Somers, peut-être pourriez-vous indiquer quelle est la position de

9 l'Accusation sur ces deux sujets. Le premier, est-il utile ou pas de donner

10 lecture à l'accusé de l'acte d'accusation aujourd'hui. Et le deuxième

11 étant, si nous devons passer à huis clos pour discuter de son état de santé

12 mental.

13 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne sommes pas à

14 huis clos en ce moment, donc j'indiquerai simplement que l'Accusation ne

15 dispose pas d'informations plus récentes que celles qui ont été fournies le

16 27 octobre, donc je serai très reconnaissante également d'avoir sous les

17 yeux, ou d'entendre parler de l'évaluation la plus récente de l'état de

18 santé de M. Kovacevic. Sur la base de rapports antérieurs, nous avons cru

19 comprendre que la poursuite des débats était possible. Donc je laisse la

20 liberté à la Chambre de prendre sa décision en la matière, et

21 éventuellement de nous communiquer ce document.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourrions-nous passer à huis

23 clos partiel pour discuter des derniers rapports concernant l'état de santé

24 de M. Kovacevic.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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1 [Audience à huis clos partiel]

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17 [Audience publique]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, la Chambre comprend

19 qu'actuellement vous avez des problèmes d'ordre médical, et pour cette

20 raison nous ne sommes pas sûr qu'il serait utile ou nécessaire de vous

21 lire, de vous donner lecture actuellement de votre acte d'accusation. Mais

22 étant donné que la comparution initiale ne sert pas uniquement pour que

23 l'accusé entende l'acte d'accusation mais quel aussi sert pour informer le

24 public. Je vais essayer d'exposer les faits brièvement.

25 Dans l'acte d'accusation, cet acte d'accusation concerne le pilonnage de

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1 Dubrovnik à partir du 6 décembre 1992. D'après l'acte d'accusation il y a

2 eu une attaque contre la ville de Dubrovnik et vous êtes précisément mis en

3 accusation en raison de votre participation à cette attaque, attaque qui

4 selon l'acte d'accusation a eu pour résultat la mort de deux personnes et a

5 fait trois blessés, attaque qui s'est soldée également par des dégâts

6 matériels importants non nécessités par une nécessité militaire, dégâts

7 subis par des monuments et bâtiments civils, et cette attaque a également

8 provoqué la destruction et des dommages importants dans des institutions

9 dédiées à la religion, à la charité, à l'éducation, aux arts, aux sciences

10 ainsi que dans des monuments historiques et des œuvres d'art.

11 Compte tenu de votre participation évoquée dans l'acte d'accusation, vous

12 devez répondre de votre responsabilité au pénal soit pour participation

13 personnelle, soit au titre du fait que vous seriez tenu pour responsable en

14 raison de votre position hiérarchique au commandement des opérations.

15 Voilà donc, en résumé, de quelle façon est désignée votre participation aux

16 événements du 6 décembre 1991 à Dubrovnik, qui ont provoqué, qui ont fait

17 des morts, des blessés et provoqué des dommages.

18 Je ne vais pas vous demander de quelle façon vous allez plaider

19 aujourd'hui, coupable ou non coupable. Il faudra d'abord que la Chambre

20 détermine si un examen psychiatrique complémentaire est nécessaire. Selon

21 le règlement du Tribunal, un accusé peut se prononcer sur sa façon de

22 plaider dans un délai de 30 jours, mais peut également se prononcer le jour

23 de la comparution initiale. Je ne vous demanderais pas de vous prononcer

24 aujourd'hui, mais si la Chambre se convainque du fait que vous êtes apte à

25 vous prononcer sur votre façon de plaider, elle vous demandera de le faire

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1 à une date ultérieure.

2 Et à l'intention du public, je vais brièvement donner lecture de la

3 formulation juridique contenue dans l'acte d'accusation.

4 Chef 1 : A trois meurtres, traitement cruel, attaques contre des civils. Le

5 meurtre étant en violation des lois ou coutumes de la guerre, tel que

6 reconnut par l'Article commun 3(1)(a) des conventions de Genève de 1949,

7 faisant l'objet de sanction en application des Articles 3 et 7(1) et 7(3)

8 du statut du Tribunal.

9 Chef 2 : Traitement cruel. Violation des lois ou coutumes de la guerre

10 reconnut par l'Article 3(1)(a) commun des conventions de Genève de 1949, et

11 sanctionnée par les Articles 3 ainsi que 7(1) et 7(3) du statut du

12 Tribunal.

13 Chef 3 : Attaque contre des civils. Violation des lois ou coutumes de la

14 guerre reconnut par l'Article 51 du protocole additionnel I et l'Article 13

15 du protocole additionnel II aux conventions de Genève de 1949, et

16 sanctionnée par les Articles 3 ainsi que 7(1) et 7(3) du statut du

17 Tribunal.

18 Quant aux dégâts subis par les bâtiments, cette attaque du 6 décembre 1991

19 sur la ville de Dubrovnik, a donné lieu à la rédaction par bureau du

20 Procureur du Chef 4 : Dévastations non justifiées par les exigences

21 militaires, une violation des lois ou coutume de la guerre sanctionnée par

22 les Articles 3(b) ainsi que 7(1) et 7(3) du statut du Tribunal.

23 Chef 5 : Attaques illégales contre des biens de caractère civil, une

24 violation des lois ou coutumes de la guerre reconnut par l'Article 52 du

25 protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949, et par le droit

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1 coutumier et sanctionnée par les Articles 3 ainsi 7(1) et 7(3) du statut du

2 Tribunal.

3 Et enfin, Chef numéro 6 : Destruction ou endommagement déliré d'édifice

4 consacré à la religion, à la bienfaisance, et à l'enseignement aux arts et

5 aux sciences, de monuments historiques, d'œuvre d'arts, et d'œuvre de

6 caractère scientifique, une violation des lois ou coutumes de la guerre

7 sanctionnées par les Articles 3(d) ainsi que 7(1) et 7(3) du statut du

8 Tribunal.

9 Et nous avons en annexe de l'acte d'accusation un document qui traite de la

10 structure organisationnelle globale des forces militaires qui ont participé

11 à l'attaque décrite dans l'acte d'accusation et en annexe 2, un autre

12 document qui est un tableau, une série de 50 tableaux en fait qui décrivent

13 en détail les dommages causés aux institutions consacrées à la religion, à

14 la bienfaisance, à l'enseignement, aux arts et sciences, ainsi que causés

15 aux monuments historiques, qu'aux œuvres d'art et aux œuvres de caractère

16 scientifique qui sont mentionnés dans l'acte d'accusation, et qui se

17 trouvaient dans la veille ville de Dubrovnik.

18 Monsieur Kovacevic, avant de suspendre l'audience pour que les Juges

19 puissent délibérer sur les questions posées par le conseil de la Défense

20 quant au fait de savoir si vous êtes apte ou pas à vous prononcer sur votre

21 façon de plaider, je demanderais à vous-même ainsi qu'à l'Accusation si

22 d'autres questions doivent être discutées.

23 Et surtout particulièrement en condition de détention c'est une -- quelque

24 chose dont on débatte souvent lors de la comparution initiale.

25 M. MORRISON : [interprétation] D'après ce que j'ai pu comprendre

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1 aujourd'hui, l'accusé, mis à part son état, l'accusé souffre aussi de

2 claustrophobie du fait de sa détention. Je ne sais pas si cela fait partie

3 de son état psychologique général, si cela fait partie de sa condition

4 psychiatrique mais en tout cas il est claustrophobe et ceci s'est manifesté

5 au moment où nous étions dans une petite salle au quartier pénitentiaire

6 quand la porte était fermée. Cette sensation de claustrophobie, bien sûr,

7 par la suite, provoque des angoisses et un malaise. C'est quelque chose que

8 j'ai pu observer moi-même.

9 Je ne suis pas ici pour témoigner, mais, en tout cas, ce sont des effets

10 dont se plaint l'accusé lui-même. Par exemple il y a aussi une perte

11 d'appétit et si je peux le dire dans un langage tout à fait profane, il est

12 physiquement moins bien -- il va moins bien qu'il ne devrait aller. Il y

13 aussi quelques problèmes d'ordre purement physique.

14 Par ailleurs, en tant que nouveau détenu, et c'est souvent le cas, il est

15 dans un état de choc suite à son transfert.

16 Il ne m'a pas demandé de parler ainsi d'autre problèmes ou d'autres faits.

17 Mais ceci sont donc les observations dont je peux vous faire part suite à

18 mon entretien avec l'accusé.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kovacevic, avez-vous d'autres

20 questions, quelque chose d'autre à dire à la suite de ce que votre conseil

21 de Défense vient d'exposer ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon conseil a bien remarqué dans quel état je

23 me trouve. Mon frère s'est trouvé une fois dans une même situation que moi

24 psychologiquement, et par la suite il s'est suicidé. J'espère que cela ne

25 va pas m'arriver. Je dois dire que je suis assez claustrophobe dans une

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1 petite pièce mais pas loin il y a une salle de gym et je passe la plupart

2 de mon temps là-bas. Je ne suis pas à l'aise dans un groupe, mais j'essaie

3 de m'adapter dans la mesure du possible. Je souffre. Je vais continuer à

4 souffrir dans la mesure où cela m'est possible mais je ne sais pas pendant

5 combien de temps je vais pouvoir tenir.

6 Avant de venir ici j'ai été détenu pendant à peu près un mois dans une

7 situation beaucoup plus difficile, dans une situation où certainement il y

8 avait moins de conforme. Mais ce qui m'arrive ici est quelque chose de tout

9 à fait particulier. Je ne sais pas pendant combien de temps je vais pouvoir

10 tenir, mais je vais essayer de faire de mon mieux. Je perds l'appétit et je

11 ne me sens pas du tout bien. J'étais plus en mesure de venir ici vendredi

12 dernier qu'aujourd'hui. Quelqu'un avait déjà reprogrammé ma comparution

13 initiale pour aujourd'hui. Je ne sais pas si les médecins ou d'autres

14 doivent donner leur opinion.

15 Mais il y a aussi des remarques et des observations qui viennent d'être

16 faites par mon conseil que je ne lui avais pas demandé d'exposer ici.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Kovacevic.

18 Je me tourne maintenant vers Madame Somers. Est-ce que vous désirez

19 intervenir, Madame.

20 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterai

21 répondre par rapport à un certain nombre d'éléments une fois que nous

22 allons avoir les rapports. Mais il n'est pas tout à fait unique à ce que

23 nous venons d'entendre par rapport aux conditions de détention. Ce sont des

24 choses que autres détenus auraient pu évoquer, donc je ne m'attarderai pas

25 là-dessus plus que cela.

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1 Il faut par ailleurs souligner que cet accusé n'est pas le seul accusé en

2 l'espèce et nous devons aussi voir l'accusé, M. Strugar, et tout ce qui est

3 lié à cette affaire doit donc être vu dans cet optique là.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre sait que pour l'instant

5 nous avons là une affaire, du moins pour l'instant il s'agit d'une affaire

6 où nous avons des co-accusés. Nous allons voir l'évolution de cela à

7 l'avenir.

8 Est-ce que vous souhaitez évoquer autre chose ?

9 Mme SOMERS : [interprétation] Si vous me le permettez je souhaiterais dire

10 qu'une fois que la plaidoirie de culpabilité ou non culpabilité sera

11 prononcée, que nous sommes tout à fait prêts dans cette affaire et que nous

12 serons prêts aussi à donner tous les documents, tout le matériel à la

13 Défense en l'application de l'Article 66(A)(i).

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez du 66(A)(i), Madame Somers,

15 et je vois ici que la communication doit avoir lieu dans un délai de 30

16 jours, à partir de la comparution initiale. Est-ce qu'ici il n'est pas dit

17 qu'il faut que l'accusé ait plaidé coupable ou non coupable. Le Règlement

18 nous demande à ce que l'accusé se prononce quant à sa culpabilité dans un

19 délai de 30 jours. Comment interprétez-vous l'Article 66, est-ce que les 30

20 jours commencent, le délai de 30 jours commence à partir d'aujourd'hui ou à

21 partir du moment où l'accusé aura plaidé coupable ou non coupable.

22 Mme SOMERS : [interprétation] Je crois que la comparution initiale telle

23 que définie ici, nous laisse dans un doute, je vais essayer de me

24 renseigner quant à la jurisprudence en la matière. Et en plus de tout ce

25 qui a été dit en séance publique et à huis clos partiel, nous pourrons

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1 certainement communiquer les documents, mais nous craignons que peut-être

2 ces documents ne seront pas toujours traités avec la confidentialité. Bien

3 sûr non pas de nos collègues de la Défense tout de même étant donné qu'un

4 certain nombre de documents sont confidentiels, je pense que nous aurions

5 plutôt tendance à dire que le délai de 30 jours commence à partir du même

6 moment où l'accusé a plaidé coupable ou non coupable.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quant à la communication peut-être que

8 s'il y avait tous ces documents, pourra se décider plus facilement s'il va

9 plaider coupable ou non coupable ?

10 Mme SOMERS : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit

11 judicieux, mais je crois comprendre que la question qui se pose est de

12 savoir si l'accusé est apte ou pas à dire de quelle façon il va plaider.

13 Donc nous nous trouvons dans un cercle vicieux et je préférerais pour ma

14 part que les éléments annoncés à huis clos et en public soient pris en

15 compte avant qu'une décision définitive ne soit rendue.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Morrison, avez-vous quelque chose

17 à dire à ce stade ?

18 M. MORRISON : [interprétation] Avec le respect que je dois à la Chambre, je

19 vois bien quel est l'aspect tout à fait raisonnable de la position du

20 Procureur sur ces questions. Bien entendu, si tout allait le mieux du

21 monde, il serait souhaitable que l'accusé ait sous les yeux les documents à

22 l'appui de l'acte d'accusation le plus rapidement possible. Mais nous

23 parlons ici, n'est-ce pas, de la communication des documents et deux choses

24 sont en cause. D'abord, une décision indépendante doit être prise par le

25 Procureur quant à la date à laquelle les documents seront communiqués ou à

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1 la période en question. Et deuxièmement, compte tenu d'une ordonnance de la

2 Chambre, la communication doit démarrer, donc il appartient sans doute aux

3 Juges de cette Chambre au cours de la suspension d'audience de se prononcer

4 sur la façon dont le processus se déroulera et j'en parlerai avec mes

5 collègues de l'Accusation de façon à établir une façon de procéder sur la

6 base d'un compromis de bonne foi.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 Mme SOMERS : [interprétation] Puis-je ajouter quelques mots ?

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Madame Somers.

10 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Une autre

11 question se pose en rapport avec ces documents, à l'appui de l'acte

12 d'accusation, à savoir, les requêtes et les exceptions préjudicielles qui

13 peuvent être présentées, les 72 requêtes et exceptions qui sont prévues et

14 à quel moment elles devaient être présentées. Si la Chambre ordonne que

15 nous les remettions aujourd'hui, nous demanderons bien sûr que le délai

16 commence à courir à partir du dépôt de ces requêtes car c'est un point

17 important et il est difficile de distinguer les deux choses. Donc je

18 demande simplement à la Chambre de nous dire si elle établira un lien entre

19 les deux aspects de la communication des pièces, c'est-à-dire remise des

20 documents et remise des requêtes.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous vous rendez bien compte que

22 l'Article 72 se lit comme suit : "Les exceptions préjudicielles doivent

23 être enregistrées par écrit et au plus tard 30 jours après que le Procureur

24 a communiqué à la Défense toutes les pièces jointes et déclarations visées

25 à l'Article 66(A)(i)," Maître Morrison ?

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1 M. MORRISON : [interprétation] C'est un élément tout à fait décisif et, là

2 encore, nous voulons faire preuve d'un excès de précaution. Je suis conseil

3 assigné à cette affaire pour le moment, de façon temporaire, donc je pense

4 qu'il serait préférable de respecter les délais prévus par l'Article 72

5 plutôt que de démarrer la communication des pièces aujourd'hui. En d'autres

6 termes, l'ordonnance de communication devrait, à mon avis, être considérée

7 comme commençant à courir à partir de l'arrestation plutôt que de la date

8 de comparution initiale.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comprends.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre se penchera sur les éléments

12 qui lui ont été fournis aujourd'hui afin de rendre l'ordonnance ou la

13 décision qui s'applique. Mais nous allons d'abord délibérer sur les

14 questions évoquées ici aujourd'hui.

15 La Chambre veut croire que les parties continueront à tenir des rencontres

16 et à communiquer l'une avec l'autre afin de résoudre les problèmes qui se

17 posent éventuellement, et elle aimerait être informée du progrès de ces

18 réunions.

19 Enfin, je voudrais faire savoir aux parties et à vous, Monsieur Kovacevic,

20 qu'en tout état de cause, dans un délai de 30 jours, une autre audience se

21 tiendra. Nous verrons quel en sera l'ordre du jour, mais en tout cas, il

22 est possible que l'on vous demande de vous prononcer sur votre façon de

23 plaider. Tout dépendra des décisions qui seront prises entre-temps par la

24 présente Chambre. Et de toute façon, vous comparaîtrez devant cette Chambre

25 dans le délai que je viens de citer.

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1 Nous suspendons donc pour l'instant cet [inaudible] --

2 --- La comparution initiale est levée à 15 heures 48.

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