Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le mercredi 25 février 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur Jusic. Puis-je vous

7 rappeler le fait que vous avez fait votre déclaration solennelle au début

8 de votre déposition et vous en êtes toujours tenu.

9 LE TÉMOIN: DJELO JUSIC [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, c'est à vous.

12 M. PETROVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

13 Monsieur le Juge. Je vous remercie.

14 Contre-interrogatoire par M. Petrovic :

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jusic. Je suis Vladimir Petrovic,

16 avocat de Belgrade et représente le conseil de la Défense du général

17 Strugar. Je vais vous poser quelques questions au sujet de ce que vous avez

18 déposé hier devant cette Chambre de première instance.

19 R. Je suis honoré de pouvoir vous rencontrer ici.

20 Q. Merci. Dites-moi tout d'abord, hier à la fin de l'interrogatoire

21 principal vous avez dit que vous n'attendiez que cela. Que vous aviez

22 grande peine d'attendre pour comparaître aujourd'hui également devant cette

23 Chambre de première instance. Ce qui m'intéresse c'est de savoir d'où que

24 cela vient ? D'où ce vœu brûlant ce dont vous parliez ?

25 R. Parce que j'ai grande hâte de regagner la ville de Dubrovnik qui est la

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1 mienne. C'est le seul vœu que je peux proférer.

2 Q. Hier, vous avez également fait mention de vos avocats, en parlant. Qui

3 sont vos avocats à vous ? Est-ce que vous faites distinction entre les deux

4 parties en présence ? Suis-je votre avocat moi aussi ? Ou est-ce que c'est

5 la partie adverse, qui le serait, ou n'êtes-vous que le témoin qui vient

6 ici pour dire la vérité ?

7 R. Je viens ici pour dire la vérité sur ce qui s'était passé en 1991 et

8 l'année qui a suivi à Dubrovnik. Je ne suis absolument et aucunement cette

9 fois-ci chargé, par qui que ce soit, pour parler d'avocats.

10 Q. Si j'ai bien compris vous avez dit qu'en 1990, vous êtes revenu de

11 Zagreb à Dubrovnik ?

12 R. Exact.

13 Q. Vous avez dit avoir ressenti également, qu'en cette année 1990, il y

14 avait des choses qui se passaient dans votre ville et que vous avez

15 également eu le sentiment que votre ville avait besoin de vous ?

16 R. Exact.

17 Q. Dites-moi, en 1990, que s'est-il, de manière générale, passé en cette

18 ex-RSFY d'après vous ?

19 R. Il y avait dans les médias beaucoup de provocations. Je peux citer même

20 les journalistes belgradois qui proféraient, dans leurs écrits et par leurs

21 écrits, des contrevérités. Cela est chose étrange parce qu'ils écrivaient

22 sur des choses que je n'ai jamais vues ni à Zagreb, ni à Dubrovnik.

23 Pour parler de Dubrovnik, c'est ma ville natale. Toute ma musique est liée

24 à Dubrovnik. Par conséquent, je me sentais tenu d'être là-bas où je me

25 sentais le mieux et éventuellement me mettre à la disposition de cette

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1 ville.

2 Q. Vous dites que les médias et les journaux ont été pleins de

3 provocations.

4 R. Oui.

5 Q. Alors en cette année 1990, quelle était votre attitude à l'égard de ces

6 différents partis politiques en présence, notamment à l'égard du parti

7 national de Franjo Tudjman, qui a gagné les élections ? Comment à cette

8 époque-là, vous qui aviez une option que vous disiez yougoslave, regardiez

9 et comment voyiez-vous ce parti purement nationaliste, qui était venu au

10 pouvoir en Croatie ?

11 R. C'est vous qui parlez de parti nationaliste et je ne l'ai jamais

12 ressenti comme tel.

13 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, comment juger ce pouvoir qui s'était établi

14 en mai 1991, après les élections législatives en Croatie ?

15 R. C'était un pouvoir plein d'essor, d'élan offrant des visions

16 optimistes, visions de quelque chose de meilleur. Nous nous étions dit :

17 allons en Croatie et à Dubrovnik gagner les sous que nous gagnons nous-

18 mêmes, pour ne pas que tout se voit acheminer vers Belgrade. Et que

19 lorsqu'il vous a fallu quelque chose, que ce soit de parler d'un tronçon

20 d'autoroute ou de route, d'une maison à construire, et cetera, vous aviez

21 dû aller quémander. Tout simplement, le sentiment général en Croatie

22 c'était qu'il a fallu, en quelque sorte, se débarrasser de ce ballast,

23 jeter le lest.

24 Et que les gens de Dubrovnik, quant à eux, ils voulaient voir les résultats

25 de leur travail à leur propre disposition et eut eu fruit.

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1 Q. Quant à vous, politiquement parlant en 1990, 1991, pensiez-vous qu'il a

2 fallu renverser la Yougoslavie à tout prix ?

3 R. A tout prix. Je dirais que je ne suis qu'un compositeur, si jamais

4 quelque chose pèse sur moi, c'est un sentiment de justice. Je ne fais autre

5 chose que de travailler. J'ai peut-être même trop travaillé sans pouvoir

6 être rémunéré de façon adéquate.

7 Q. Est-ce que vous voulez dire que vous n'avez pas été rémunéré de façon

8 adéquate parce que quelqu'un vous les a usurpés, vos gains et honoraires à

9 Belgrade ?

10 R. D'entrée de jeu, permettez-moi de vous rappeler de justesse que je vois

11 que vous voulez me faire venir là où je ne suis pas. Ou sachez que j'ai

12 toujours eu des amis à Belgrade. Encore actuellement j'en ai. Ces amis à

13 moi suivaient le destin qui était le mien. Ils m'appelaient de temps en

14 temps, ne serait-ce pour m'encourager par le verbe, ne serait-ce que par le

15 verbe. Moi, je voulais tout simplement me tenir sur les lieux où j'étais

16 parce que je me suis occupé par une armée, qui pensais-je dans le temps,

17 était la mienne. Et d'ailleurs, parce que j'appartenais à notre peuple qui,

18 lui aussi, a été attaqué sans besoin évident.

19 Q. Je voudrais, s'il vous plaît, que vous vous concentriez sur ma

20 question. Nous avons commencé par les questions qui étaient les miennes,

21 comme suit : considériez-vous à cette époque-là, que la Yougoslavie devait

22 être renversée à tout prix ? Vous me répondez : "Je suis à tout prix

23 compositeur." Moi, je vous pose cette question à vous, qui êtes un être

24 pensant. Un homme qui doit avoir une attitude. Etait-ce bien dû à votre

25 option et attitude politique, oui ou non ?

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1 R. Ne me demandez pas de répondre par oui ou par non. Moi aussi, je peux

2 réfléchir à la façon, qui est la mienne. Les journaux regorgeaient en

3 textes comme quoi, il a fallu se séparer à l'amiable en Yougoslavie. Parce

4 que, comme vous dites vous-même, on peut parler en homme de culture. Bon,

5 je suis compositeur aux juristes. Comme nous sommes en train de parler ici,

6 nous pouvons nous passer la main les uns et aux autres pour nous séparer.

7 C'était cela mon attitude. Ne me faites pas dire que je devais réfléchir

8 d'une façon politique. Je ne réfléchis jamais de façon politique. La

9 politique ne m'intéresse pas quant à moi.

10 Q. S'il vous plaît, étant donné que vous avez été un de ceux qui a coopéré

11 à la télévision, chaîne de télévision Yutel, quelle était l'orientation ?

12 Quelle a été la vision de cette télévision ?

13 R. Je ne suis pas de ceux qui coopéraient.

14 Q. Attendez-moi, ne m'interrompez pas.

15 Qui était le concepteur, le fondateur et qui était celui, qui d'ailleurs,

16 avait un mot à dire quant à la politique d'information de cette chaîne de

17 télévision ?

18 R. Si je peux maintenant vous répondre, je n'ai pas coopéré avec la chaîne

19 de télévision Yutel. C'étaient les chaînes de télévision du Portugal, ZEF,

20 l'une des chaînes de télévision française.

21 Ils m'avaient demandé en été 1991, de faire une espèce de portrait

22 d'artiste. Ces gens-là avaient annoncé leur venue comme d'autres venaient à

23 Dubrovnik et chez moi, à ma maison, et ils ont tout simplement essayé de

24 dresser un portrait d'artiste que je suis, qui ne devait durer qu'un quart

25 d'heure. Il y avait donc un rédacteur, et il y avait un rédacteur de la

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1 section de musique, un caméraman, une "script girl" ou enregistreur de son.

2 Q. Mais vous leur avez dit que vous avez apporté vos prises de vue et

3 films au Libertas, que vous avez été le premier homme à faire en sorte que

4 la vérité puisse parvenir au monde entier, et cetera.

5 R. Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'en automne 1991, j'ai été contacté

6 par ces gens-là, qui voulaient dresser un portrait d'artiste que je suis.

7 Qu'ils savaient eux, où j'habitais, et que ceci leur aurait permis d'avoir

8 une vue dégagée sur Dubrovnik, avoir une vue panoramique, parce qu'ils nous

9 ont dit : "Ecoutez, Belgrade prétend que vous ne faites que brûler à

10 Dubrovnik des vieux pneumatiques, Zagreb dit tout était occupé. Dites-nous

11 la vérité ?" Et moi, j'ai dit : "Ecoutez, ce n'est pas que nous nous

12 occupons de vieux pneumatiques. On vient d'attaquer maintenant au port, tel

13 ou tel édifice à Pescarica, et cetera." Et il s'agit de ces informations

14 que je leur ai fournies. C'est tout.

15 Q. A combien de reprises vous ont-ils contacté ? Vous ont-ils appelé ? A

16 combien de reprises vous leur avez envoyé des rapports, si on peut

17 intituler cela comme étant un rapport ?

18 R. Vous pouvez l'intituler comme vous voulez, mais cela ne s'est produit

19 qu'une seule fois.

20 Q. Vous dites que et vous avez dit hier, que vous vous êtes rendu à

21 l'hôtel Libertas où se trouvait le QG de la chaîne de télévision croate,

22 pour faire quoi là-bas ?

23 R. Je tenais beaucoup à ce que la vérité sur les événements puissent

24 parvenir partout dans le monde, et qu'elle soit révélée au grand jour. Les

25 journalistes me l'ont demandée, étant donné, que je suis quelqu'un qui ait

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1 pu voir tout cela à Dubrovnik. J'ai d'abord remis le matériel à la chaîne

2 de télévision de Dubrovnik, c'est-à-dire, de Zagreb, qui avait une

3 succursale pour la région et dans la région de Dubrovnik. C'est ce que je

4 leur ai remis, ce matériel ce jour-là, sans plus.

5 Q. Essayons d'être un peu plus concret. Quand leur avez-vous remis et

6 essayez de vous le rappeler ? Qu'est-ce que c'était ce matériel que vous

7 leur avez remis ? Si oui, à combien de reprises ?

8 R. Une fois seulement, je leur ai remis ce matériel. Ce film n'a jamais

9 été projeté d'ailleurs parce que la situation était la suivante : Il y

10 avait plusieurs canonnières qui circulaient, qui sillonnaient les eaux au

11 pied de Dubrovnik ensuite, est apparu un yacht. D'après son pavillon qu'il

12 battait, je me suis rendu compte que c'était un yacht allemand. Mais celui-

13 là a été torpillé en un rien de secondes, le yacht a coulé. Cette cassette

14 vidéo-là, je leur ai remise, qui en relatait l'épisode. C'était enfin

15 l'exemplaire unique que j'avais. Je n'ai jamais pu le récupérer. C'était

16 une fois que j'ai pu leur remettre du matériel comme vous dites, et puis

17 une seconde fois, c'était le matériel que nous avons visionné hier.

18 Q. Pourquoi n'a-t-on pas projeté cet épisode dramatique d'un yacht

19 allemand qui se trouvait torpillé par la marine de guerre yougoslave ?

20 R. Je ne sais rien. Je ne suis pas en mesure de le savoir.

21 Q. N'avez-vous pas dit que vos enregistrements et tournages ont été repris

22 par toutes les chaînes de télévision, à ce moment-là à la CNN, et cetera ?

23 R. Oui. Mais c'est ce qu'il leur a été passé par la chaîne de télévision

24 croate.

25 Q. Bon. Essayons donc tirer au clair et de bien délimiter ce qui a été

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1 remis, ce qui a été reçu, ce qui a été ensuite projeté et diffusé, par qui

2 que ce soit. Vous parlez, par exemple, d'un yacht qui a été torpillé et

3 ensuite votre cassette n'a jamais été diffusée.

4 R. Ecoutez, peut-être ceci a pu être diffusé, mais quant à nous, à

5 Dubrovnik, pendant 150 jours, on n'a pas eu de courant. Par conséquent, je

6 n'étais pas en mesure de le voir.

7 Q. Bien. Mais pour ce qui est du reste du matériel, quand est-ce que vous

8 l'avez remis ?

9 R. Au moment où il a été tourné. Si c'était le 6 ou le 7, le 8, je crois

10 que je l'ai déjà fait. L'essentiel pour moi, c'était de faire valoir la

11 vérité sur nous parce qu'il y avait tant d'autres informations. Les uns

12 disent que ce n'est pas vrai qu'on vous a attaqués. D'autres nous disent,

13 si, si, vous êtes bien attaqués. Mes amis de Belgrade qui me téléphonent

14 pour vraiment s'inquiéter pour moi, la santé de mon épouse et de ma

15 famille.

16 Q. Mais dites-moi, s'il vous plaît, les 6, 7, 8 ou le 9, vous leur avez

17 apporté ces cassettes vidéo ?

18 R. Oui. Mais après avoir tiré d'abord une copie de tout cela, parce que

19 j'ai tiré un enseignement de mon expérience du yacht.

20 Q. De quoi il s'agit pour parler de cette expérience. D'ailleurs, puisque

21 vous ne savez pas si votre film a été diffusé.

22 R. Mais cela s'explique de lui-même. Tout simplement, ceci n'a pas été

23 diffusé. Et bien, moi, je dois m'en occuper pour en tirer une copie.

24 Q. Quand c'est que vous tirez une copie de votre enregistrement ?

25 R. Bien, au moment même, où cela a eu lieu, où cela a été tourné. Un ou

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1 deux jours, par la suite.

2 Q. Où c'est que vous les avez fait, vos copies d'enregistrement ?

3 R. A l'hôtel Libertas. Il y avait une espèce de studio de fortune.

4 Q. Studio de qui ?

5 R. Etant donné qu'on tirait sur le studio de la chaîne de télévision

6 croate, ces gens-là sont partis de là-bas avec le peu de matériels qu'ils

7 avaient. Il s'agissait de gens, du personnel de la chaîne de télévision

8 croate qui s'en ont occupés.

9 Q. Aussitôt après, c'est pendant ces premiers jours de décembre, vous leur

10 avez remis ce matériel.

11 R. Bien entendu, dans la mesure du possible et au plus vite possible.

12 Q. Comment se fait-il que vous ayez pu travailler à l'hôtel Libertas les

13 6, 7, 8 décembre lorsque d'une manière notoire, on le sait que l'hôtel

14 Libertas a été incendié ?

15 R. Monsieur, je vous dis que ce studio se trouvait dans les sous-sols. Ce

16 qui a été dévasté, ce sont la réception et les locaux extérieurs. Il y

17 avait dans les sous-sols encore deux locaux. Pour y aller, il faut prendre

18 un ascenseur pour y descendre.

19 Q. L'hôtel Libertas n'a pas été incendié ce jour-là, le 6 notamment ?

20 R. L'hôtel a été détruit. Vous m'imposez cette date du 6, mais cela a dû

21 se passer avant.

22 Il y avait des sapeurs pompiers qui ont péris. Pour commémorer ces

23 événements, on a installé une plaque commémorative avec les noms de ces

24 gens-là. Par conséquent, ne m'imposez pas toutes ces différentes dates.

25 Vous me faites dire ceci ou cela. Il y a des dates dont je me souviens,

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1 d'autres dont je ne me souviens plus.

2 Q. Quand c'est que vous êtes allé à l'hôtel Libertas ? Et quand c'est que

3 l'hôtel Libertas n'a pas été incendié, que le bâtiment était resté

4 indemne ?

5 R. Non, non, non, pas indemne. Bien détruit, incendié mais dans les sous-

6 sols, il y avait encore des pièces.

7 Q. Qu'est-ce que c'était que ces pièces-là dans lesquelles vous vous

8 rendiez si l'hôtel a été incendié ?

9 R. Quelques pièces et quelques chambres où il n'y avait pratiquement rien,

10 pas un verre à eau, pas de bocal, rien.

11 Q. Quant à vous, vous soutenez qu'un studio de la chaîne de télévision

12 croate, à cette époque-là, se trouvait installé dans les sous-sols, dans

13 les caves, dans des pièces, corridors, de l'hôtel Libertas qui, par

14 ailleurs, a été incendié ? Telle est votre attitude en ce moment-là ?

15 R. Monsieur, il ne s'agit pas de parler de studio. Tout simplement, une

16 vidéo scope, deux ou trois appareils, nous sommes loin de parler d'un

17 studio. Qui dit studio, dit quelque chose de grand, comme ce prétoire avec

18 mille et un appareils, autres dispositifs et écrans, mais là il n'y avait

19 rien du tout, pratiquement. Ce n'était que du matériel de fortune. Le vrai

20 studio de la chaîne de télévision se trouvait à Boninovo, là où il y est

21 toujours d'ailleurs.

22 Q. Par conséquent, ce studio de fortune, après la suite du 6 décembre, s'y

23 trouvait ?

24 R. Oui, certainement. Là où les obus ne peuvent pas pénétrer et où

25 pensait-on, on ne devait plus tirer puisque déjà on a tout dévasté à quoi

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1 bon viser le bâtiment et tirer dessus.

2 Q. Comme il n'y avait pas de courant, comment avez-vous pu travailler dans

3 ces caves ?

4 R. Il y avait des hôtels qui avaient des groupes électrogènes. On

5 entendait le vrombissement de leur moteur, puis l'hôtel Argentine de pareil

6 et de même. Ensuite la forteresse Revelin était un groupe électrogène. Je

7 crois que c'était un groupe électrogène de petite taille et de faible

8 intensité, de type Yamaha.

9 Q. Après les incendies occasionnés lors du bombardement le 6 décembre, il

10 y avait pour ainsi dire, un groupe électrogène pour vous desservir et vous

11 avez eu le courant ?

12 R. Non, non, non. Il n'y avait pas de courant dans l'ensemble de l'hôtel.

13 Ce ne sont que ces pièces-là où il y avait du courant parce qu'en haut, en

14 arrivant dans le haut de l'hôtel, c'était pratiquement le vrai hôtel. Tout

15 cela a été détruit. En bas, ce n'était que quelques pièces dans lesquelles

16 moyennant le groupe électrogène, on ne pouvait se faire éclairer que par

17 quelques ampoules.

18 Q. Comment pénétriez-vous dans cet hôtel ? Si je ne me trompe pas, on y

19 entre du haut pour dire au ras de la rue, au niveau de la rue. Comment

20 pénétriez-vous jusqu'au sous-sol ou dans les caves ? Comment faisiez-vous

21 pour y pénétrer, pour vous traîner pratiquement et grouiller sur et au-

22 dessus et en dessous des étages ?

23 R. Excellente expression que de dire, nous traîner comme cela et grouiller

24 d'un étage à l'autre, là où il n'y avait plus aucune installation,

25 escalier, et cetera. C'est comme cela qu'il faut définir les choses. Nous

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1 ne faisions que cela.

2 Q. Y a-t-il eu d'autres gens qui venaient là avec vous, qui grouillaient

3 parmi les décombres pour aller jusqu'aux caves ?

4 R. Non. J'étais venu seul. Il y avait un jeune homme qui m'y attendait

5 toujours pour me faire passer.

6 Q. Qui c'était ce jeune homme ? A qui appartenait-il ?

7 R. A qui ? Il appartenait à Dubrovnik.

8 Q. Quelles étaient ces occupations là-bas ?

9 R. C'était l'un de ce personnel technique, un technicien de la chaîne de

10 télévision.

11 Q. Dites-moi, comment êtes-vous venu en contact avec ce jeune homme ? Pas

12 de téléphone, pas de courant, dans quelles circonstances l'avez-vous

13 rencontré ?

14 R. Vous dites panne de ceci, de cela. Il y avait pour parler au téléphone,

15 des moments où les téléphones fonctionnaient. Je ne sais plus par quel

16 biais, comment c'est arrivé, mais c'est par téléphone que les gens

17 pouvaient contacter la station de radio pour dire que tel ou tel était

18 porté disparu et que, est-ce que quelqu'un a été tué, et cetera. Par

19 conséquent, n'oublions pas que la station de radio de Dubrovnik possédait

20 son groupe électrogène également et par conséquent, pouvait fonctionner et

21 diffuser ses programmes. Il y avait un téléphone quand même qui

22 fonctionnait.

23 Q. Qui était encore avec vous lorsque vous étiez venu là-bas dans ces

24 sous-sols ?

25 R. Il y avait deux jeunes gens, pour moi, vraiment de jeunes gens, 20 ans

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1 et quelques.

2 Q. Les connaissiez-vous d'avant ? Est-ce que vous connaissez leurs noms ?

3 R. De vue seulement, des connaissances seulement. L'un qui s'appelle

4 Vedran Benic.

5 Q. Et l'autre ?

6 R. Il était technicien, je crois, mais je ne connais pas son nom.

7 Q. On y reviendra plus tard.

8 Est-ce que vous regrettiez la RSFY ?

9 R. J'étais désolé par la tournure des événements, par exemple, je peux

10 vous citer l'exemple de la Tchécoslovaquie. Ils se sont mis d'accord. Ils

11 se sont dits, nous allons rester amis et nous continuons. Nous n'étions pas

12 prêts à recevoir ce coup de poing dans la gueule, à vivre ce que nous avons

13 vécu.

14 Q. Vous personnellement, aviez-vous personnellement l'impression que

15 Belgrade vous volait ? Que votre argent part à Belgrade ? Est-ce que vous

16 étiez convaincu de cela ?

17 R. Je ne sais pas quoi vous répondre à vrai dire. Moi, je ne suis pas allé

18 souvent à Belgrade. Moi, j'avais des rapports tout à fait corrects aussi

19 bien professionnels qu'amicaux avec les Serbes et j'ai encore des amis là-

20 bas. J'affirme que ce n'est pas Belgrade qui nous a attaqué.

21 Q. Je ne vous ai pas posé des questions au sujet de l'attaque.

22 R. Je sais quelle est la question que vous m'avez posée, permettez-moi de

23 répondre. Moi, je suis compositeur. On peut écouter mes chansons aussi bien

24 en Ljubljana, Belgrade, à Nik [phon], en Macédoine, et cetera. Tout cela

25 est noté. Tous ces formulaires partent à Belgrade et c'est là-bas que l'on

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1 détermine la somme à accorder à un compositeur. Vous savez, moi, je n'avais

2 pas des avocats à ma disposition pour suivre exactement si mes honoraires

3 étaient respectés, les droits d'auteur, et cetera. C'était une opinion

4 généralisée. Dans les journaux, on parlait de cela, je ne dis pas que moi,

5 personnellement, j'ai été volé.

6 Q. A Belgrade, on faisait les comptes de toutes les productions dans les

7 médias de vos chansons, de vos œuvres et c'est là-bas que l'on faisait la

8 somme de tout cela pour pouvoir vous attribuer des droits d'auteur. Quelle

9 importance cela a que ces comptes soient faits à Belgrade ? Est-ce que vous

10 voulez dire que quelqu'un à Belgrade vous volait, vous dépouillait ?

11 R. On pouvait entendre la musique partout, dans l'Europe entière. Je pense

12 qu'on passe par une agence européenne qui s'appelle G-E-M-A, et ensuite ces

13 informations vont dans la capitale, l'argent des droits d'auteur aussi. Par

14 exemple, nous sommes en 2004. En 2004, je reçois l'argent que j'ai gagné en

15 2001, donc trois années de retard. Essayez de m'expliquer cela.

16 Q. C'est la faute de Belgrade ?

17 R. Je ne dis pas que c'est de la faute de Belgrade. Je ne dis pas que

18 c'est la faute de qui que ce soit. C'est vous qui m'imputez cela. Je vous

19 dis que c'est à Belgrade que l'on distribuait l'argent tout simplement.

20 Q. Maintenant, les choses se passent mieux, n'est-ce pas ? Puisque

21 maintenant cet argent se trouve à Zagreb, vous n'avez plus de problème.

22 Maintenant on ne vous pique rien du tout, vous recevez votre argent en

23 bonne et due forme ?

24 R. Ne posez pas cette question-là, s'il vous plaît.

25 Q. Je ne vous ai pas posé de questions inacceptables.

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1 R. Ce n'est pas nécessaire. Moi, je n'ai jamais accusé personne de quoi

2 que ce soit. Vous voulez sans arrêt nous dire que je le fais, mais ce n'est

3 pas le cas. Si vous voulez que je vous parle de ce qui se passe à Zagreb,

4 je peux vous en parler aussi.

5 Q. Pourquoi pensiez-vous qu'il fallait démanteler ce pays, qu'il fallait

6 le détruire ?

7 R. Non. Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit qu'il fallait divorcer d'un ami,

8 que chacun restera chez soi tout en gardant toute notre amitié.

9 Q. Pour résumer, Belgrade volait Dubrovnik, lui volait les fruits de son

10 travail, de ses efforts.

11 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous savez c'était une opinion qui

12 existait dans l'opinion publique. C'était un fait de notoriété publique qui

13 était repris, tous les jours, dans les journaux, aussi bien dans les

14 journaux croates que slovènes, et cetera, et même serbes.

15 Q. Est-ce une opinion généralisée, enfin d'une notoriété publique ou bien

16 est-ce la vérité, à savoir que les fruits des labeurs des Croates ou bien

17 des Dubrovniens étaient que Belgrade s'était appropriée cela. Est-ce que

18 c'est cela la vérité ?

19 R. Mais vous savez, moi, je n'avais pas ces documents entre mes mains.

20 C'était de notoriété publique. C'est pour cela que nous aurions dû divorcer

21 à l'amiable, et c'est pour cela que j'ai pensé qu'il fallait négocier. Tout

22 le monde sait, que les Serbes sont des gens qui travaillent durs, les

23 Croates aussi. Pourquoi se disputer, alors qu'il était, tout à fait,

24 possible de se séparer à l'amiable. Je pense que nous deux, nous y serions

25 arrivés, vu la teneur que prend la négociation.

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1 Q. Peut-être que nous serions restés même ensemble.

2 R. Oui. Pourquoi pas.

3 Q. La situation politique en Croatie s'empirait, vous avez dit cela à

4 plusieurs reprises. Pourriez-vous nous dire quand cela pouvait se voir ?

5 Qu'est-ce qui se passait exactement ?

6 R. Je vais vous donner un exemple --

7 Q. Essayez d'être bref.

8 R. Par exemple à Dubrovnik, on lisait une publication qui s'appelait Nin.

9 Il y avait un journaliste qui s'appelait Momo Kapor qui a écrit un article

10 en automne 1990. Il a parlé de Dubrovnik. Il a dit que les Croates jettent

11 les petits enfants dans l'air, qu'ils leur écrasent le crâne contre des

12 murs en béton, et qu'ils leur arrachent les membres, et cetera. Comment

13 est-ce possible et qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie tout

14 simplement qu'on essaye d'attiser le feu sans qu'il n'en ait besoin.

15 Il y avait un autre journaliste. Je me souviens très bien de ce journaliste

16 qui a écrit des propos semblables aussi. Ceci en 1991, en été 1991, quand

17 Dubrovnik était plein de touristes.

18 Q. C'est le fait le plus dramatique qui ait pu se produire en Croatie en

19 1990 et en 1991.

20 R. Non. Qu'est-ce que vous voulez qu'il y avait plus de dramatique que

21 cela, car à Dubrovnik, il y avait des Juifs, des Serbes, des catholiques,

22 des orthodoxes dans le même orchestre. Il y avait un musicien orthodoxe. Il

23 y a joué pendant 20 ou 30 ans. Nous vivions tous à Dubrovnik. Cela ne

24 préoccupait guère les gens de Dubrovnik. En revanche, ce qui les

25 préoccupait, c'était les mensonges comme le mensonge proféré dans cet

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1 article-là, l'article de Momo Kapor.

2 Q. Est-ce que vous l'avez lu ?

3 R. Oui, je l'ai lu et je pense que je l'ai même gardé pour pouvoir le

4 montrer aux générations futures.

5 Q. Est-ce qu'il y avait des conflits, des conflits armés ? A part cet

6 article dont vous parlez, est-ce qu'il y a eu des morts ? Qu'est-ce qui

7 s'est passé exactement ? Est-ce qu'il y avait quelque chose de plus grave

8 que cet article de Momo Kapor ?

9 R. Nous nous baignions tranquillement en profitant des beautés de notre

10 ville, en faisant profiter les autres aussi. Les gens de Konavle nous

11 apportaient les fruits de leur labeur sur le marché. Il n'y avait pas

12 d'arme. Il n'y avait pas d'uniforme. Il n'y avait pas de conflit là-bas.

13 C'était un inconnu absolu pour moi, ce dont vous parlez.

14 Q. Vous parlez de quelle période ? A quel moment vous vous baigniez

15 tranquillement ?

16 R. La période qui nous intéresse 1990, 1991 jusqu'au mois de septembre

17 1991.

18 Q. La seule qui vous dérangeait pendant toute cette période est cet

19 article de Momo Kapor. A part cela, tout va bien à Dubrovnik, en Croatie,

20 en Yougoslavie. Tout va bien.

21 R. Vous me prenez aux mots. Il y a eu un grand nombre d'articles

22 semblables. Celui-ci était le premier dans la série, et il m'a marqué. Il

23 était, particulièrement, désagréable, mais il y en a eu beaucoup, beaucoup

24 d'autres.

25 Déjà en 1991, en été, il y avait des avions qui survolaient la rue de

Page 3144

1 Stradun, et je me souviens que les personnes chargées de la préservation du

2 patrimoine culturel de Dubrovnik écrivaient dans les journaux que tout ceci

3 pouvait nuire aux monuments historiques à cause des vibrations. Vous savez

4 personne ne m'a demandé si j'étais d'accord qu'un avion à propulsion me

5 vole au-dessus de la tête en perçant les murs du son. Ce n'était pas que

6 Momo Kapor. Il y avait aussi Tijanic et d'autres journalistes qui

7 écrivaient des propos semblables. Nous les aimions à l'époque, c'étaient de

8 bons journalistes. Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'ils retournent leur

9 veste comme cela, pour qui se mettent à proférer des mensonges.

10 Q. Est-ce qu'il y avait l'armée à Dubrovnik ?

11 R. Jusqu'en 1980, il y avait des militaires à Dubrovnik, mais à ce moment-

12 là, l'UNICEF a déclaré cette ville patrimoine culturel. L'armée a été

13 déplacée de Gruz à Trebinje. Depuis cette date-là, il n'y avait plus de

14 troupes.

15 Q. Vous parlez probablement de la protection de la ville par l'UNESCO. Une

16 des conditions était que la garnison déménage de la ville vers Trebinje.

17 R. Oui. Je me souviens que c'était une des demandes, une des conditions à

18 remplir.

19 Q. C'était bien pour Dubrovnik puisque c'était une ville touristique.

20 Comment se seraient-ils sentis les touristes en voyant les soldats et les

21 troupes se promener dans la ville.

22 R. Oui, Trebinje est tout près, à une vingtaine de minutes de là.

23 Q. J'imagine à quel point vous étiez choqué quand vous avez vu les membres

24 de l'armée croate et de la garde nationale se promener à Dubrovnik.

25 R. Non, pas du tout puisque cela ne s'est pas produit. A nouveau, vous

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1 voulez me faire dire ce que je n'ai pas dit. Moi, je n'ai jamais vu de

2 troupes dans la ville. Je n'ai jamais vu de gardes, je n'ai jamais vu des

3 unités auxquelles vous faites référence.

4 Q. Bien. Nous allons parler de cela. Hier, vous avez dit que vous deviez

5 défendre votre ville. Est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Quel était ce rôle qui était le vôtre ? De quelle façon un compositeur

8 peut-il défendre sa ville ? Que faisiez-vous exactement ?

9 R. Les gens se sont éparpillés un peu partout, ils étaient dans des abris.

10 Je vais vous donner le nom de plusieurs abris : La forteresse de Saint-

11 Jean, le Revelin, le Minceta, le monastère des franciscains. Tous les

12 jours, j'y organisais un petit concert pour remonter le moral des citoyens,

13 des enfants. C'était cela mon rôle. J'ai écrit beaucoup de chansons pendant

14 la guerre. Il y en a même une qui a été déclarée la chanson la plus

15 patriotique depuis la guerre.

16 Q. Vous avez écrit des chansons patriotiques pour remonter le moral des

17 citoyens ?

18 R. Non, non. Ce n'étaient pas des chants des guerriers, ce n'étaient pas

19 des chants destinés à appeler les gens à résister, à se révolter. On dit,

20 quand on entend le bruit de canons, les muses se taisent. Moi, je voulais

21 que la situation soit exactement l'inverse.

22 Q. Est-ce que tous les musiciens de Dubrovnik ont réagi de la même façon ?

23 R. Oui, oui, ceux qui sont restés parce que de nombreuses personnes ont

24 quitté la ville pour subsister. Mais, moi, je suis resté, moi avec ma

25 chorale, la chorale des enfants. Ils étaient une centaine avant, et

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1 maintenant, à l'époque, ils étaient au nombre de 25. Il y avait aussi des

2 groupes de chants traditionnels. Il y avait Tereza Kesovija, qui est venue

3 à plusieurs reprises nous voir. D'ailleurs sa maison de Konavle a été

4 brûlée, brûlée jusqu'au fond.

5 Q. Est-ce que vous avez été mobilisé ? Quel âge aviez-vous à l'époque ?

6 R. Bien, j'étais âgé.

7 Q. Je ne dirais pas.

8 R. Et bien, si c'est bien le cas.

9 Q. Est-ce qu'on vous a convoqué pour être mobilisé ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce qu'il y avait des musiciens qu'on a mobilisés ?

12 R. Mais vous me parlez de l'armée. Moi, je n'ai jamais vu d'armée, je n'ai

13 jamais vu de mobilisation, de convocation, d'appel. Mais je vais vous

14 répondre tout ce que vous voulez, mais je vous réponds sincèrement, pour le

15 compte rendu d'audience, je ne suis pas au courant de cela. Je n'ai pas vu

16 d'armée.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, vous vous disputez

18 avec le témoin alors qu'il essaie de vous répondre. Est-ce que vous

19 pourriez, s'il vous plaît, observer la même règle que celle que vous avez

20 annoncée au début, à savoir d'attendre la fin de sa réponse avant de poser

21 votre prochaine question.

22 M. PETROVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Jusic, je vais vous poser les questions que les Juges de la

24 Chambre me permettent de vous poser. Si les Juges de la Chambre ne me

25 permettent pas de vous poser des questions, c'est tout un autre cas de

Page 3147

1 figure. Si les Juges de la Chambre me permettent de vous poser les

2 questions, je vous prie de bien vouloir me répondre par, "Oui, je sais",

3 "Je ne sais pas", "J'ai vu", "Je n'ai pas vu". Si jamais vous n'avez vu un

4 soldat croate dans la ville, vous n'avez qu'à me le dire. C'est comme cela

5 que ma question se terminera et recevra une réponse. Et moi, je vous

6 poserai mes questions dans l'intérêt de mon client et, ceci, en respectant

7 le règlement.

8 La question que je vous ai posée était comme suit : Y avait-il de musiciens

9 qui avaient été mobilisés ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce qu'il y a eu une mobilisation générale à Dubrovnik ?

12 R. Non.

13 Q. Dubrovnik était-elle défendue ?

14 R. Dans la mesure où ses citoyens avaient beaucoup de volonté, dans cette

15 mesure-là, oui, la ville était défendue. Je me souviens, par exemple, quand

16 l'agresseur, l'armée, pouvait entrer dans la ville comme il voulait,

17 accompagné de l'orchestre, alors que les citoyens se préparaient à leur

18 verser de l'huile brûlante sur leurs têtes. Voyez-vous, c'était ce genre

19 d'armes dont on disposait. Des vieilles dames étaient prêtes à leur verser

20 de l'huile brûlante sur la tête au moment où ils entreraient vers la ville.

21 Q. Est-ce que les citoyens de Dubrovnik ont préparé quelque chose d'autre

22 pour affronter l'agresseur, hormis l'huile brûlante ?

23 R. Non, je ne sais pas.

24 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres arts martiaux auxquels on pouvait faire

25 appel, relevant du Moyen Age : brûler les feux ou bien des armes

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1 anciennes ?

2 R. Je vais vous expliquer quelque chose. Vous pouviez avoir un million de

3 dollars dans votre poche, mais ce que nous voulions voir, ce n'était pas

4 l'argent, c'était une carotte, c'était une pomme puisque l'ennemi avait

5 tout brûlé. Mais ce dont vous parlez, cela ne les préoccupaient guère.

6 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres armes, d'autres moyens de défense, à part

7 l'huile brûlante et le goudron ?

8 R. A nouveau, vous parlez de goudron. Moi, je n'ai jamais parlé de

9 goudron.

10 Q. Très bien alors, huile brûlante.

11 R. Moi, je vous parle de la vieille ville. Et moi, je suis passé par la

12 vieille ville à chaque fois que je devais me rendre chez moi. Et moi, je

13 suis ici sous serment. J'ai dit que j'allais dire la vérité. En ce qui

14 concerne la vieille ville, il n'y avait pas des choses comme cela. Donc,

15 posez-moi vos questions, s'il vous plaît, sans en rajouter.

16 Q. Mais qu'est-ce que je rajoute ?

17 R. Quand je dis huile, vous dites huile et le goudron, et cetera.

18 Q. Pendant la période en question, pourriez-vous me dire par où circuliez-

19 vous dans la vieille ville de Dubrovnik ?

20 R. Je me suis rendu au monastère des franciscains. Ensuite, dans ce

21 bâtiment du festival d'été, qui a brûlé d'ailleurs, la cathédrale. Mais

22 vous savez, on n'avait beaucoup d'espace. Nous pouvions marcher sur une

23 distance d'un kilomètre, d'un kilomètre et demi. Parfois, quand j'avais

24 envie de marcher, je marchais le long des murs pour que je ne sois pas

25 aperçu par les ennemis de Zarkovica, et cetera, pour faire mon jogging,

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1 pour ainsi dire. Ensuite, je me rendais à Saint-Jean ou bien à la

2 forteresse de Revelin, et cetera.

3 Q. Vous dites que vous marchiez à peu près un kilomètre entre votre

4 maison, qui se trouve à peu près au niveau de l'hôtel Excelsior. Et

5 ensuite, vous partiez vers où ?

6 R. Je longeais les murailles de la ville.

7 Q. Quelle distance sépare votre appartement et les remparts de la vieille

8 ville ?

9 R. A peu près 700 ou 800 mètres.

10 Q. Et entre votre appartement et l'hôtel Libertas ?

11 R. Un kilomètre.

12 Q. Et pour arriver jusqu'à l'hôtel Libertas, enfin, partant de chez vous,

13 vous passiez par où ?

14 R. J'ai traversé la ville. Ensuite la porte de Pile. Vous connaissez la

15 ville. Ensuite il y avait la rue de Ante Starcevic. Je vois que vous

16 connaissez. A la gauche, sur la gauche près du cimetière se trouve

17 Libertas.

18 Parfois vous savez, il n'y avait pas de sirènes. Il n'y avait pas de

19 sirènes, les sirènes ne retentissaient pas tous les jours. Nous avons

20 appris à discerner les différents bruits des sirènes et à date, je n'ai

21 jamais compris comment ils savaient, comment ils savaient qu'il n'y aurait

22 plus d'attaque. Que l'attaque soit terminée, ceux qui faisaient intenter le

23 bruit de sirène.

24 Q. Entre le mois d'octobre, novembre, décembre, vous avez passé combien de

25 temps dans l'abri ou bien l'endroit où vous vous cachiez ?

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1 R. Je ressentais une espèce de protestation dans mon for intérieur. Par

2 dépit, je ne voulais pas y aller. Je ne voulais pas me rendre dans cet

3 abri. D'ailleurs, il y en avait un, qui était un abri antiatomique, dans

4 mon immeuble. J'y suis allé juste une fois, la seule fois où il y avait

5 vraiment beaucoup de bombardements.

6 Pendant les pires bombardements, j'étais assis dans mon bureau en regardant

7 le large et j'ai composé. J'ai composé un texte sur la ville de Dubrovnik,

8 la vérité sur la ville de Dubrovnik, un oratorium. Je l'ai écrit en latin.

9 Il s'agit d'un archevêque qui s'adresse à son peuple, au peuple de sa ville

10 et d'ailleurs cet oratorium, cette œuvre s'est produite aussi bien à Zagreb

11 qu'à Vienne.

12 Mon souhait le plus cher est de voir cette œuvre se produire à Belgrade.

13 Q. Qui a écrit les lyriques, les vers ?

14 R. C'est le Dr Zelimir Puljic, un archevêque et le poète, le poète connu,

15 très connu, croate, Luka Paljetak. Et c'est le chœur de l'opéra de Split

16 qui a chanté et avec la soprano Ruza Pospis-Baldani et l'orchestre était

17 l'orchestre symphonique de Dubrovnik.

18 Q. Ce concert a eu lieu le 6 décembre 1994 ?

19 R. Oui, je pense.

20 Q. Soit vous étiez excellent courageux, soit la situation n'était pas

21 dangereuse.

22 R. Justement, je viens de vous dire que j'étais peut-être courageux mais

23 courageux comme un fou, comme celui qui ne se rend pas compte, qu'il se

24 rend compte de rien.

25 Q. Où vous rendiez-vous aussi dans la ville de Dubrovnik ?

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1 R. A Prijeko.

2 Q. Quand je parle de Dubrovnik --

3 R. Vous parlez de l'intérieur, des remparts, de la muraille ?

4 Q. Monsieur, quand je dis la ville de Dubrovnik, moi je pense à la ville

5 et quand je dis la vieille ville, je pense à la partie à l'intérieur des

6 remparts. Je vous ai demandé où vous marchiez dans la ville de Dubrovnik ?

7 R. En général dans la vieille ville et parfois, quand il y avait des

8 pauses qui duraient plusieurs jours, on allait faire un tour jusqu'à Lapad.

9 Q. A quelle distance est-ce que cela se trouve, de chez vous je veux

10 dire ?

11 R. Trois kilomètres.

12 Q. Vous alliez à Lapad. Pouvez-vous mentionner quelques hôtels qui se

13 trouvaient dans le voisinage de Lapad, dans la baie de Lapad ?

14 R. Le parc Adriatique, Vis I, Vis II. C'est à peu près cela. Je n'ai pas

15 passé beaucoup de temps à Lapad. Mais Babin Kuk n'est pas Lapad toutefois.

16 Q. Qui se trouvaient dans ces hôtels ?

17 R. Pour autant que je le sache, des réfugiés de Konavle, Primorje, des

18 différents endroits, où les personnes avaient dû partir, avaient été

19 expulsées.

20 Q. Est-ce que vous-même vous les avez vus là-bas ?

21 R. Oui. J'en ai vus beaucoup. Ils marchaient, ils allaient et venaient là

22 lorsque je suis venu. Ils étaient en haillons parce qu'ils n'avaient rien

23 pu apporter de chez eux.

24 Q. Pourriez-vous me dire où se trouve l'hôtel Zagreb ?

25 R. Egalement à Lapad quelque part. Je pense que c'est sur la grande route

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1 où la rue principale, où passe le tram.

2 Q. Est-ce que vous avez vu des réfugiés aussi à cet hôtel ?

3 R. Je ne crois pas être passé devant cet hôtel.

4 Q. Lorsque vous alliez en ville, est-ce qu'il y avait des raisons

5 particulières pour lesquelles vous n'êtes pas passé devant cet hôtel

6 particulier ? Après tout c'était un spectacle.

7 R. Est-ce que vous pourriez me dire exactement où se trouve cet hôtel,

8 Q. Répondez à ma question.

9 R. Je ne sais pas où se trouve cet hôtel. Je crois que c'est sur la grande

10 promenade où passait le tram.

11 Q. Est-ce que vous savez ce qu'il y avait à cet hôtel ? Vous ne semblez

12 même pas savoir qu'il existe ?

13 R. J'en ai entendu parler. Je savais qu'il existait mais je ne savais où

14 est-ce qu'il s'y trouvait.

15 Q. Lorsque vous alliez en ville, des différents hôtels qui se trouvent à

16 l'est, l'Excelsior hôtel, juste par la vieille ville, par les grandes rues

17 qui conduisent aux différentes parties principales de la ville, vous

18 marchiez pendant environ quelques kilomètres -- est-ce que vous avez

19 rencontré des personnes en uniforme portant des armes ?

20 R. Je n'ai vu que les policiers de la police régulière. Je ne suis pas sûr

21 des raisons pour lesquelles elle se trouvait là. C'était une sorte

22 d'uniforme gris.

23 Q. Est-ce que vous savez où est Vila Rasica ?

24 R. C'est un peu plus haut, en haut de cette pente vers la gauche lorsque

25 vous prenez la direction de Lapad, de ce côté-là, je crois.

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1 Q. Est-ce que vous êtes passé devant cet immeuble ?

2 R. Non. Ce n'est pas un endroit où on passait normalement lorsqu'on était

3 en chemin parce que la route descend de façon très forte à partir de cette

4 maison, qui est plus haut sur cette pente. Il y avait une sorte

5 d'association de jeunesse, je pense.

6 Q. Qu'en était-il en temps de guerre ? Qu'est-ce qui était basé à ce

7 bâtiment ?

8 R. Je ne sais pas.

9 Q. Qu'est-ce qu'il y avait à l'hôtel Belvédère ? Est-ce qu'il y avait des

10 réfugiés là aussi ?

11 R. Pour ce qui est de Belvédère, c'était différent.

12 Q. Pourriez-vous simplement répondre à ma question. Y avait-il des

13 réfugiés à l'hôtel Belvédère ? C'est une question très simple.

14 R. L'hôtel Belvédère avait brûlé. Il y avait eu un incendie. Il n'était

15 pas possible d'y héberger qui que ce soit. Je ne peux pas vous dire oui ou

16 non. C'est tout simplement que ce n'était pas comme cela.

17 Q. Quand est-ce que l'hôtel Belvédère a brûlé ?

18 R. Il a brûlé parce qu'un matin, il y avait une canonnière qui est

19 arrivée. Un bateau qui avait un canon, qui est arrivé à près de cent mètres

20 de l'hôtel et qui a commencé à tirer sur l'hôtel, contre les fenêtres et a

21 continué à tirer jusqu'à ce que l'ensemble ait commencé à brûler, à brûler

22 complètement. Par conséquent, il ne reste plus que des structures et

23 seulement les murs extérieurs de l'hôtel. Ceci montre que quiconque aurait

24 pu tirer sur l'hôtel. On pouvait même y jeter des pierres à l'hôtel pour

25 casser les vitres. L'hôtel a complètement brûlé. Il n'y avait aucune chance

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1 de pouvoir y héberger qui que ce soit. Vous savez on ne peut pas vivre

2 simplement avec des murs.

3 Q. Quand est-ce que cela s'est passé ?

4 R. C'est un peu fort que vous me posiez des questions concernant les

5 dates. C'était, il y a longtemps. Je n'ai pas gardé note des dates et des

6 heures. C'était en 1991.

7 Q. Voudriez-vous, s'il vous plaît, me donner, je ne veux pas une date très

8 précise mais au moins le mois; octobre, novembre, décembre, au début du

9 mois vers la fin du mois, au début de 1991, 1992 ?

10 R. Je crois que c'était avant le 6 décembre, j'étais en train de regarder

11 par la fenêtre et cette canonnière est venue et a commencé à tirer.

12 Q. Est-ce que vous pouviez voir l'hôtel Belvédère ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pouviez voir le voisinage de l'hôtel ?

15 R. Oui. J'ai vu le bateau arriver à quelques cent mètres de l'hôtel.

16 C'était un navire avec un canon. Il y avait des lettres dessus. Je ne me

17 souviens pas, 134, je crois. Il a simplement commencé à tirer sur l'hôtel.

18 Q. Est-ce qu'il y avait des réfugiés à l'intérieur ?

19 R. Non. Je n'ai pas dit cela. Les réfugiés se sont enfuis vers l'ouest,

20 vers Babin Kuk dans le secteur de Babin Kuk. Pour autant que je sache, il

21 n'y avait pas de réfugiés à l'hôtel.

22 Q. Avant qu'on commence à tirer sur l'hôtel, qui y habitait ?

23 R. C'était un hôtel qui était ouvert pour l'ensemble de l'été juste avant

24 1991. C'était un hôtel cinq étoiles, c'est un hôtel très important, en

25 l'occurrence.

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1 Q. Est-ce qu'il y avait des touristes ?

2 R. Oui.

3 Q. Quand on a tiré sur l'hôtel les touristes sont partis.

4 R. Non, ce n'était pas comme cela que cela s'est passé. Lorsque l'automne

5 a commencé, les navires sont arrivés tout autour de Dubrovnik à environ un

6 mille à l'extérieur de Dubrovnik. A l'évidence, c'étaient des bateaux de

7 guerre, il était clair pour tout le monde, qu'il fallait s'en aller.

8 Q. Monsieur Jusic, est-ce que vous avez fait une déclaration aux

9 enquêteurs de ce Tribunal ?

10 R. Vous voulez dire ceux qui sont venus en Croatie.

11 Q. Oui.

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'ils vous ont mis en garde sur le fait que vous êtes censé

14 dire la vérité, de dire tout ce que vous avez vu et répondre à toutes les

15 questions qu'ils vous ont posées ?

16 R. C'était une interview amicale. Il n'était pas nécessaire de me mettre

17 en garde en ce qui concerne mon devoir de dire la vérité. Si vous voulez

18 que je dise quelque chose de différent de ce que je dis, je ne peux

19 nullement le faire.

20 Q. Vous avez fait cette déclaration, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Je vais vous lire le paragraphe 16 de votre déclaration, qui dit ceci :

23 "Alors en novembre 1991, l'ensemble de la zone de Dubrovnik était occupée,

24 les hôtels étaient plein de réfugiés. Par la suite, les agresseurs (des

25 Serbes, des Monténégrins, la JNA) ont attaqué ces hôtels également. Il y

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1 avait l'Excelsior, le Libertas."

2 Est-ce que ceci ne semble pas indiquer qu'il y avait des réfugiés également

3 à l'hôtel ? Est-ce que ce n'est pas là que vous vous trouviez ?

4 R. Non. Il n'y avait pas de réfugiés là, mais il y avait des réfugiés dans

5 tous les autres hôtels. J'ai seulement donné une liste de plusieurs hôtels

6 comme cela. Nous parlions de l'été, qui est le moment où j'ai dû quitter

7 mon bateau, mon yacht, et je suis venu leur parler. Peut-être que mon

8 attitude était relativement naïve.

9 Je me réfère à l'hôtel, mais je ne pense pas que ceci ait un sens

10 particulier dans ce contexte. Je ne peux pas préciser s'il y avait ou non

11 des réfugiés au moment à l'hôtel parce qu'il était impossible, pour des

12 réfugiés, d'y rester.

13 Q. Pourquoi pas l'hôtel ? C'était le plus proche du secteur de Konavle ?

14 R. Je vous ai dit que l'hôtel avait brûlé. C'était l'hôtel le plus proche,

15 mais il y avait des navires proches de l'hôtel. Il aurait été fou d'essayer

16 de voir, on voyait les bateaux si près.

17 Q. Je crois que ma question pour vous est suffisamment précise.

18 R. Il n'y avait pas de réfugiés à l'hôtel. Cela est ma réponse.

19 Q. Dites-moi qui s'y trouvait, à cet hôtel Belvédère ?

20 R. C'est assez loin de l'endroit où je vis, à peu près un kilomètre. Il y

21 avait tout de même une possibilité pour qui que ce soit d'être allé aussi

22 loin. Juste en face de la maison, se trouve un bunker avec une

23 mitrailleuse. Quand je marchais dans la rue quelqu'un m'a tiré dessus. J'ai

24 dû commencer à ramper, à marcher à quatre pattes. Ils arboraient le drapeau

25 yougoslave là-bas pendant un certain temps, et puis ensuite, même un

Page 3157

1 drapeau serbe. Ils nous ont souvent parlé de là-haut. C'était la proximité,

2 nous pouvions en fait entendre leurs voix. Je ne sais pas qui se trouvait

3 là, mais il était impossible pour qui que ce soit d'habiter à cet hôtel

4 puisqu'il avait brûlé, comme je l'ai dit.

5 Q. Vous ne savez pas qui se trouvait à cet hôtel, à l'époque ?

6 R. Je ne crois qu'il y ait eu quiconque.

7 Q. Vous ne savez pas quand, précisément, cet hôtel a brûlé ?

8 R. Ecoutez, Maître --

9 Q. Bon. D'accord.

10 R. Vous êtes en train d'essayer de me prendre à contre-pied tout le temps.

11 Je vous ai dit que c'était probablement avant le 6. Il se peut même que

12 c'ait été en novembre. En fait, je ne parviens pas à me rappeler de la date

13 précise maintenant.

14 Q. Si on lit à votre déclaration, également au paragraphe 16, au début de

15 ce paragraphe, je ne suis pas en train d'en donner lecture intégralement,

16 mais je pense que mon confrère Kaufman va se lever et objecter si je me

17 trompe sur quoi que ce soit. Il est question de novembre 1991, il est dit :

18 "Qu'à partir de novembre 1991", on poursuit. Il est dit : "L'hôtel Libertas

19 était complètement détruite et certains pompiers avaient été tués là."

20 Cela, c'était en novembre. Par la suite : "Une canonnière a attaqué l'hôtel

21 Belvédère et a ouvert le feu sur cet hôtel, ce qui prouve que ceux qui

22 étaient là n'avaient pas d'armes pour répondre à ces attaques."

23 R. Comme je l'ai dit, il y a un moment, c'est exactement ce que j'ai dit.

24 Q. Alors maintenant, s'il vous plaît, pourriez-vous me dire comment ceci

25 peut être une preuve que les Croates n'avaient pas d'armes pour répondre à

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1 l'attaque ? Comment est-ce que vous pouvez logiquement arriver à cette

2 conclusion ?

3 R. Ma conclusion était que la canonnière était tellement proche qu'on

4 aurait pu la toucher même en jetant un verre. S'il y a avait eu des armes

5 quelqu'un aurait tiré contre elle. C'était la logique qui m'a fait supposer

6 qu'il n'y avait pas d'armes pour tirer contre elle, et que les Croates

7 n'avaient pas d'armes.

8 Q. Est-ce que vous n'êtes pas peut-être en train de formuler ceci d'une

9 façon qui est peut-être un peu lâche ou inexacte ?

10 R. Oui, peut-être que c'est un exemple de formulation libérale.

11 Q. Est-ce que vous savez où est Srdj ?

12 R. Juste derrière chez moi, derrière l'endroit où j'habite.

13 Q. Pourriez-vous me dire à Srdj, il y a un monument culturel très

14 important, le fort Impérial, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, la forteresse Impériale qui avait été construite par les forces

16 napoléoniennes.

17 Q. Cette forteresse était un monument culturel protégé, n'est-ce pas ?

18 R. Ce n'était pas si important que la vieille ville proprement dite, mais

19 ce bâtiment aussi représentait une époque d'agression, lorsque les forces

20 de Napoléon avaient attaqué la ville.

21 Q. Avant la guerre, est-ce qu'elle avait été utilisée à des fins

22 culturelles, la forteresse ?

23 R. Oui. Juste à côté de la forteresse, se trouve un funiculaire qui avait

24 également été démoli. Avant la guerre, on prenait ce funiculaire pour

25 monter sur la montagne, et en haut, il y avait une discothèque.

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1 Q. Y avait-il des concerts organisés à cet endroit-là ou des expositions ?

2 R. Il y avait une discothèque. C'était un endroit très populaire pour les

3 gens de Dubrovnik. C'était un club célèbre où ils aimaient se rendre, juste

4 entre le funiculaire et la forteresse, là, où se trouve la croix.

5 Q. Je vous repose la question. Est-ce qu'il y avait des concerts ou des

6 expositions donnés sur place ?

7 R. Tout ce qui se passe dans une discothèque, je ne sais pas, si cela peut

8 être considéré comme un concert. En tous les cas, pas un concert de musique

9 classique, mais il y avait des différents éléments qui s'y produisaient, de

10 sorte qu'il se peut qu'il y ait eu des concerts aussi.

11 Q. A la forteresse Impériale, est-ce que vous avez vu l'emblème de

12 l'UNESCO pour dire qu'il s'agissait du patrimoine culturel?

13 R. D'après mes souvenirs, non, pour autant que j'ai pu voir de Dubrovnik.

14 Q. Pourquoi est-ce que ce monument culturel n'était pas signalé par un tel

15 emblème ?

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Cette

17 question, je ne suis pas sûr que le témoin soit qualifié pour faire des

18 commentaires sur des questions qui ont une incidence juridique.

19 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je retire ma

20 question.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. PETROVIC : [interprétation]

23 Q. Qui se trouvait à Srdj à ce moment-là, en octobre, novembre et

24 décembre ?

25 R. Je n'y suis pas allé moi-même, je ne peux pas vous dire qui s'y

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1 trouvait.

2 Q. Est-ce que la discothèque était ouverte à l'époque ?

3 R. Non, non, parce que le funiculaire avait été détruit, démoli.

4 Q. Il était possible de monter sans funiculaire, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, c'est très difficile.

6 Q. Est-ce que des gens y montaient, à Srdj, ou pas ?

7 R. Je n'en ai rien vu de là où j'étais. Je ne pouvais pas voir de

8 l'endroit où se trouve mon appartement. De l'intérieur de Dubrovnik, on ne

9 peut pas voir le sentier qui monte.

10 Q. Comment se fait-il que vous n'ayez pas pu le voir ? Non seulement vous

11 pouviez le voir, mais vous l'avez même filmé dans votre film. Il y a

12 plusieurs séquences qui montrent la forteresse.

13 R. La forteresse elle-même, mais on ne peut pas voir de gens sur les films

14 que j'ai pris. Je ne sais pas s'il y avait des gens là. J'essaie de me

15 rappeler.

16 Q. Pourriez-vous me dire où se trouve ce bunker où ce drapeau était

17 arboré, ce drapeau que vous avez vu ?

18 R. Si vous voulez me donner une carte, je vais l'inscrire avec une marque

19 sur la carte.

20 Q. Pourriez-vous décrire cet endroit, s'il vous plaît.

21 R. Il y a l'hôtel Excelsior et, à quelques dix mètres en contrebas, se

22 trouve la rue Lazarina, que je prenais chaque fois que je rentrais chez

23 moi; et dans la même direction, en haut du mont Srdj, se trouvait ce

24 bunker, un drapeau yougoslave pendant un certain temps, puis un drapeau

25 serbe a été arboré. On entendait crier, du haut de la colline. On parlait

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1 des Oustachi.

2 Q. Qui se trouvait là-haut ? L'agresseur, je suppose.

3 R. Oui, l'agresseur se trouvait à cet endroit que je viens de décrire. Je

4 pense que c'était le point le plus éloigné, le point le plus avancé qu'ils

5 ont atteint dans cette direction.

6 Q. Pourquoi ne se trouvaient-ils pas à l'intérieur du fort ? Il était bien

7 situé, vous pouviez voir l'ensemble de la ville de là et il était vide. Il

8 y avait une discothèque. Tout le monde aurait pu s'y rendre et prendre le

9 fort. Pourquoi n'étaient-ils pas là ? Pourquoi ne l'ont-ils pas investi ?

10 Peut-être qu'ils y étaient, mais que vous ne le saviez pas.

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Est-ce que le bunker où vous avez vu ces gens-là, avec un drapeau serbe

13 ne se trouve pas à une distance égale à celle de la forteresse Impériale

14 par rapport à votre appartement ?

15 R. A partir de cette position, je ne peux pas voir le fort, proprement

16 dit. Est-ce que vous suivez ce que je vous dis, moi-même ?

17 J'étais humilié. J'étais, totalement, humilié parce qu'il fallait que je

18 marche à quatre pattes pour progresser dans la rue, pour monter les

19 marches. Il y avait des balles de tireurs isolés qui volaient autour de

20 moi. C'est uniquement par chance que je suis encore, aujourd'hui, en vie

21 ici.

22 L'INTERPRÈTE : Microphone, Monsieur Petrovic.

23 M. PETROVIC : [interprétation]

24 Q. Est-ce que vous connaissiez beaucoup de gens à Dubrovnik ?

25 R. Nous nous connaissions tous plus ou moins, au moins de vue, et nous

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1 nous saluions. Nous nous souhaitions le bonjour.

2 Q. Est-ce que vous contactiez beaucoup de gens lorsque vous alliez en

3 ville ?

4 R. Oui.

5 Q. Durant cette période difficile, de quoi parlaient les gens ?

6 R. Ils parlaient des endroits où ils pourraient trouver un oignon ou une

7 carotte pour faire un peu de soupe. Ils souhaitaient qu'ils puissent

8 trouver un morceau de lard, parce que c'était l'hiver. Tout ceci est

9 probablement dénué de signification pour vous, mais c'était d'une

10 importance capitale à Dubrovnik, du point de vue de survie.

11 Q. Cela n'est pas dénué de signification pour moi mais ce qui est

12 important, c'est de savoir de quoi vous parliez avec cet homme, par

13 exemple, qui avait ce drapeau en haut de la forteresse. Qu'est-ce qui

14 l'empêchait de descendre ?

15 R. Je vais faire une digression maintenant et vous donner mon opinion. Par

16 exemple, j'avais un transistor, une radio, et j'écoutais la radio

17 Monténégrine, une station de radio Monténégrine. A un moment donné, lorsque

18 Dubrovnik était moralement désarmée, lorsque tous avaient perdu tout

19 espoir, cette radio Monténégrine disait qu'à Dubrovnik, il y avait 6 000

20 membres de la Garde nationale et d'Oustachi. Je ne sais pas comment ils

21 pouvaient dire une chose pareille. Je me suis rendu compte qu'ils avaient

22 peur ou qu'on ne leur permettait pas de faire ce qu'ils voulaient. Voilà,

23 ce que j'ai entendu de mes propres oreilles. J'ai entendu bien d'autres

24 choses aussi, mais ceci est très important. C'est très important, la

25 question de savoir pourquoi, ils ne sont pas venus investir la place.

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1 Q. Pour les membres de la Garde nationale et de l'armée croate, tout ce

2 que vous saviez à leur sujet, c'était par la radio de Monténégro ?

3 R. Exactement.

4 Q. Vous n'avez jamais entendu parler de quoi que ce soit de ce genre dans

5 la ville de Dubrovnik, de ces nombreuses personnes à qui vous avez parlé ?

6 Est-ce que vous avez demandé à qui que ce soit : "Qu'il pouvait y avoir

7 6 000 soldats croates ici ?" Est-ce que la question vous intéressait ? Est-

8 ce que cela vous intéressait de vérifier ces renseignements ?

9 R. Ceci est ridicule, mon cher. Nous voulions du pain. Nous discutions de

10 savoir combien de pains étaient vendus. Nous ne parlions pas de l'armée ni

11 des militaires ni de quoi que ce soit. Allons donc.

12 Q. Vous n'avez pas entendu ou lu quoi que ce soit ?

13 R. Non, j'ai seulement entendu celui-là qui disait : "Oustachi, nous

14 voici. Nous arrivons." Je ne veux pas employer d'autres mots. Ce sont les

15 mots qu'ils ont utilisés.

16 Q. S'il vous plaît, Monsieur Jusic, dites-moi, est-ce que vous avez des

17 frères et des soeurs ?

18 R. Oui, trois frères et trois sœurs.

19 Q. S'il vous plaît, quels sont les noms de vos frères ?

20 R. Est-ce que ceci est vraiment important pour vous, d'entrer dans mes

21 questions familiales ?

22 Q. Oui.

23 R. Bon, je vais vous le dire. L'un s'appelle Kemal, l'aîné. Le second,

24 Ibrica, et le troisième, Mujica.

25 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que ce sont tous des hommes honnêtes

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1 qui sont respectueux de la loi ?

2 R. Je suis fier d'eux.

3 Q. Est-ce que vous leur parliez à tous ? Est-ce que vous étiez en de bons

4 rapports avec eux ?

5 R. Bien sûr.

6 Q. Est-ce que vous avez des contacts normaux avec Ibrica, Kemal et

7 Mujica ?

8 R. Tout à fait. L'autre jour, nous avons tous déjeuné ensemble chez mon

9 frère aîné. Il nous a tous réunis, il y a environ 15 jours.

10 Q. Dites-moi, où vivaient vos frères en 1991 ?

11 R. Ibrica était en tournée, je crois à Zagreb, à ce moment-là. En tous les

12 cas, il n'était pas à Dubrovnik. Les deux autres étaient à Dubrovnik.

13 Q. Est-ce que Ibrica est venu à Dubrovnik au cours de la guerre ?

14 R. Je ne l'ai pas vu. J'ai entendu dire qu'il était venu. J'ai su qu'il

15 avait un concert de charité.

16 Q. Où se trouvaient Kemal et Mujica ?

17 R. Ils vivaient de l'autre côté de la ville. Ils vivaient tous les deux à

18 Lapad, dans la rue Batala. Je ne les voyais pas.

19 Q. Qu'est-ce que faisaient Kemal et Mujica pendant la guerre?

20 R. Ils s'occupaient de leurs enfants. Ils veillaient sur leurs enfants.

21 L'un des deux devait également réparer sa maison parce qu'elle avait été

22 touchée par un obus et il avait dû mettre des toiles en plastique pour

23 protéger. L'autre s'occupait de ses enfants.

24 En ce qui concerne Mujica, sa femme est de religion orthodoxe et son père

25 avait un rang assez élevé dans l'armée yougoslave. Donc je crois que vous

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1 allez vraiment sur une fausse piste ici.

2 Q. Pourquoi pensez-vous que je suis sur une fausse piste ? Par rapport à

3 quoi ?

4 R. Parce que vous êtes en train d'essayer de me faire dire quelque chose.

5 Ce n'est pas comment vous le dire. Mais je ne sais pas pourquoi nous

6 discutons et nous parlons de mes frères.

7 Q. Bien. Oublions cela maintenant.

8 Je n'ai pas compris quelque chose. Donc la maison de Kemal a été touchée et

9 Mujica s'occupait de ses enfants.

10 R. Oui.

11 Q. Quel est le nom de famille de la femme de Mujica ? De quelle famille

12 vient-elle ?

13 R. Vous me posez beaucoup de questions.

14 Q. Je vous pose les questions à cause que vous êtes officier, grade élevé

15 de la JNA.

16 R. Je l'ai mentionné en passant. Ceci -- il n'y a pas de raison

17 particulière. Je ne peux pas me rappeler maintenant. De toute façon,

18 c'était son second mariage.

19 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts avec Kemal en octobre, novembre,

20 décembre 1991 ?

21 R. Autant que faire se pouvait. En fait les questions dont on discutait

22 c'était : "Qu'est-ce que tu manges ? Des conserves ?" Et ainsi de suite.

23 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts avec Mujica ?

24 R. Très rarement parce que nous ne pouvions pas aller à Lapad. C'était

25 risqué. Des sirènes retentissaient tout le temps et nous ne savions pas

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1 quand des tirs pouvaient commencer.

2 Q. Lorsque vous êtes allé à Lapad, est-ce que vous vous êtes arrêté pour

3 voir Kemal ?

4 R. Oui, oui. Je me suis arrêté pour voir Kemal. Je faisais cela. Sa maison

5 a été détruite et ensuite un voisin lui a permis de se servir d'un

6 appartement où il a vécu pendant quelques mois.

7 Q. Est-ce que vous vous êtes arrêté pour voir Mujica ?

8 R. Non.

9 Q. Pourquoi est-ce que vous n'êtes pas allé voir Mujica ?

10 R. Pourrais-je au moins vous posez une question. Pourquoi suis-je ici,

11 renversons les rôles ?

12 Q. Pourquoi est-ce que vous n'êtes pas allé voir Mujica ?

13 R. Si vous voulez aller voir quelqu'un, vous êtes censé avoir été invité,

14 en tout les cas, cela fait partie des manières qu'on m'a enseignées. On ne

15 pouvait pas se voir, on ne pouvait pas se parler, donc je ne voulais pas

16 brusquement m'amener chez lui.

17 Q. Mais il y avait une guerre. C'était la guerre. Il avait des jeunes

18 enfants. Les gens n'avaient pas suffisamment à manger, qu'est-ce qui s'est

19 passé pour Mujica, c'était votre propre frère ?

20 R. Bien, on se parlait au téléphone. Je ne pouvais pas aller le voir, il

21 ne pouvait pas aller me voir à Lapad. Par conséquent, il n'y avait pas

22 d'autres contacts.

23 Q. Est-ce que vous avez parlé à Kemal ? Est-ce que vous avez posé des

24 questions à Kemal au sujet de Mujica ?

25 R. Non, rien de particulier. On parlait des femmes, des enfants. Il allait

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1 à la rencontre d'un bateau. Des amis lui envoyaient quelque chose. Vous

2 êtes en train d'essayer de monter tout cela, de battre tout cela en neige,

3 les gens étaient désespérés, ils essayaient désespérément d'obtenir quelque

4 chose au moins pour leurs enfants. Ils essayaient d'obtenir disons par

5 exemple du gaz, parce que oui, il n'y avait pas d'électricité, il n'y avait

6 pas d'eau et des bonbonnes de gaz arrivaient parfois -- cela a coûté une

7 fortune. Vous posez des questions concernant des questions de haute

8 politique, et nous nous étions en train de rêver à des pommes, des

9 carottes, une tranche de pain.

10 Q. Mujica n'était-il pas de ceux qui préparaient de nouvelle quantité

11 d'huile brûlante en cas d'attaques ?

12 R. Mais, Monsieur, ne me faites pas parler de cela parce que nous sommes

13 tout de même des gens intègres, Mujica, et cetera. J'ai mentionné tout cela

14 tout à l'heure par ailleurs parlant des murailles qu'il a fallu défendre.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic --

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je m'adresser à la Chambre de première

17 instance, s'il vous plaît.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois, pour ma part, qu'il est le

19 bon moment que nous suspendions l'audience. Je vais d'abord m'adresser à Me

20 Petrovic. Après quoi si vous ressentez toujours le besoin, vous pouvez vous

21 adresser à la Chambre de première instance. Maintenant, vous allez

22 m'écouter.

23 Maître Petrovic, j'ai permis à ce que ce contre-interrogatoire dure pendant

24 un temps considérable dans l'espoir de vous voir arriver à un point

25 important. A travers toute cette suite de questions que vous venez de poser

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1 jusqu'à maintenant, je n'ai pas pu vraiment le constater. Certainement,

2 quelques fois, il s'agit de la famille de ce témoin, tel ne serait pas le

3 cas. En tout cas, maintenant, nous allons suspendre l'audience. J'espère

4 pouvoir vous voir vous consacrez aux moyens de vos questions sur les faits

5 ayant de la pertinence pour le conseil de la Défense lorsque nous serons de

6 retour dans ce prétoire.

7 Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez dire en ce moment-ci ?

8 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce sur quoi je

9 pose des questions à l'honorable Monsieur le Témoin, et ce qui concerne son

10 frère, Mujica, c'est que le rôle joué par son frère, Mujica, dans les

11 événements que nous sommes en train de traiter, représentent le point fort

12 et l'essence même sur quoi se fonde le conseil de la Défense pour traiter

13 des événements en 1990, 1991.

14 Monsieur le Président, il s'agit d'un homme qui a été membre de l'armée

15 croate. Qui a pris part à des opérations militaires depuis Dubrovnik. Il

16 s'agit de quelqu'un qui a opéré du noyau de la ville ancienne même où

17 immédiat du noyau, et il s'agit de voir que le témoin qui a, évidemment,

18 fait une déclaration au bureau du Procureur essaye de louvoyer et de

19 refuser de répondre à mes questions.

20 Voilà c'est tout, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie de ces explications,

22 Monsieur Petrovic. J'apprécie ce que vous venez de dire. Comme vous pouvez

23 vous en rendre compte, la Chambre de première instance n'a pas

24 d'informations là-dessus. Il ne nous a pas été d'ailleurs --

25 M. PETROVIC : [interprétation] Je comprends.

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- annoncé comme quoi ce thème ou ce

2 sujet serait à l'ordre du jour. Si jamais il y a des questions concernant

3 le frère du témoin, je vous prie alors de procéder en posant des questions

4 là-dessus.

5 Maintenant j'ordonne une suspension d'audience de 20 minutes.

6 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

8 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ayant en vue ce qui vient de ce

10 produire avant la suspension d'audience, je crois nous pourrions poursuivre

11 en écoutant les questions posées par le conseil de Défense. Etes-vous

12 satisfait, Monsieur Jusic, du fait que nous avons pris en considération

13 votre préoccupation.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas que j'ai des préoccupations.

15 Mais M. Petrovic fait preuve de quelqu'un de sympathique, il va toujours

16 revenir à mes réponses déjà formées, pour poser des questions nouvelles ou

17 il rajoute quelque chose de nouveau, et à ce niveau, je devrais répondre

18 par affirmatif, par un oui. Par conséquent, nous ne devrions surtout pas

19 revenir toujours à la même question, nous pouvons demeurer dans le cadre du

20 contexte.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, nous avons à

22 l'esprit, notamment tout cela, et nous en prendrons note.

23 Maître Petrovic, c'est à vous de poursuivre.

24 M. PETROVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Jusic, pouvons-nous poursuivre ?

Page 3170

1 R. Bien entendu.

2 Q. Une dernière fois, où vous avez vu votre frère c'était il y a quelques

3 jours chez votre frère aîné, Kemal.

4 R. Oui. Nous nous réunissons souvent ensemble.

5 Q. Est-ce que vous avez dit à vos frères où vous deviez partir, où vous

6 vous étiez rendu déjà avant ?

7 R. Oui. Je leur en ai parlé et, d'ailleurs, tous les médias en Croatie, en

8 fait, traite de cela, comme quoi je vais être cité à la barre de témoin à

9 La Haye.

10 Q. Est-ce que vous en avez parlé à votre frère Mujica également ?

11 R. Je ne l'ai pas vu celui-la.

12 Q. Si je ne me trompe pas, avant la suspension d'audience, vous nous avez

13 dit en déposant que vous les avez vus tous, tous vos frères immédiatement

14 avant de venir ici.

15 R. Oui. Il y a quelques jours, nous étions tous ensemble, mais ce n'est

16 pas dire autant que juste qu'avant de partir, j'ai dû le voir.

17 Q. Mais est-ce qu'il y a un mois, vous avez pu dire à Mujica que vous

18 deviez vous rendre à La Haye ?

19 R. Il pouvait lire là-dessus dans les médias. Je ne pouvais -- je ne

20 devais lui parler très particulièrement de cela, parce que tous les termes

21 de mes déplacements ici étaient ouverts, par conséquent, rien n'a été fixé.

22 Q. Est-ce que vous avez dit également à Mujica quelque chose à ce sujet,

23 d'autant plus que celui-la a fait une déclaration au bureau du Procureur ?

24 R. Non, je ne lui ai jamais parlé.

25 Q. Est-ce que vous lui aviez dit que vous avez -- à Mujica que vous avez

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1 vous aussi parler aux gens, au personnel du bureau du Procureur ?

2 R. Non. Jamais.

3 Q. Monsieur Jusic, pourquoi occupez-vous devant cette Chambre de première

4 instance le fait que votre frère a été un des membres de l'armée croate ?

5 R. J'apprends ce fait pour la première fois de ma vie ici de vous. S'il a

6 été membre de ce que vous dites, alors là, je suis fier de l'avoir pour

7 frère, et je l'admire pour avoir participé à la protection de sa propre

8 maison.

9 Q. Mais dites-moi, pendant combien de temps a-t-il été membre de l'armée

10 croate ?

11 R. Vous savez ce qui serait bon, c'est que vous le fassiez citer à la

12 barre --

13 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai à soulever une

14 objection à ce sujet.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Le témoin vient de dire qu'il ne savait pas

17 que son frère était membre de l'armée croate avant de venir à La Haye.

18 Maintenant si, mon éminent collègue lui pose pendant combien de temps, il a

19 été membre de l'armée croate, cela me semble être une question sans

20 fondement.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kaufman,

22 mais je crois que M. Jusic peut lui-même répondre à cette question.

23 Autrement, nous serions déjà intervenu à ce sujet. Pour ne pas qu'il soit

24 induit en erreur sur une fausse piste.

25 Monsieur Petrovic, voici un autre exemple de ce qui arrive lorsque vous

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1 posez la question comme vous faites, et qui fait objet de doléances de M.

2 Jusic, et à juste titre.

3 M. PETROVIC : [interprétation]

4 Q. Vous ne le saviez pas, ce que je vous ai demandé ?

5 R. Non.

6 Q. Savez-vous quand les voitures ont été incendiées sur le parking, près

7 de la vieille ville à Dubrovnik, immédiatement près de la vieille ville ?

8 R. En date du 6 décembre. On pouvait voir cela du haut de ma maison.

9 Q. Saviez-vous que --

10 R. Il y avait, à Ploce, d'autres voitures, mais toutes sans vitres. Donc,

11 soufflées, incendiées, et bien dire incendiées. Je le sais parce qu'il y

12 avait un de mes voisins qui avait une Chrysler, qui était non loin de la

13 vieille ville et que, justement, il y avait un obus qui a atterri sous sa

14 voiture à Ploce même.

15 Q. Savez-vous où se trouve le parking au pied des murailles de la vieille

16 ville ?

17 R. Je le sais, c'est là où je suis né. J'y ai passé toute mon enfance. Il

18 y avait un petit terrain de foot, avant.

19 Q. Ce parking se trouve au pied de la muraille nord ?

20 R. Près de la porte que l'on appelle Buza.

21 Q. Savez-vous que, de concert avec les membres de son unité, en date du 6

22 décembre, depuis ce parking, votre frère a tiré ?

23 R. Je ne le sais pas. Mais s'il l'a fait alors, là, ceci devait être

24 honorable et mérite tous les honneurs.

25 Q. Savez-vous que votre frère a occasionné, notamment, le fait que les

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1 voitures devant être incendiées parce qu'à bon escient, il voulait, en

2 toute conscience, il voulait attirer le feu de la JNA, en cette date du 6

3 décembre et, cela, sur le parking lui-même ?

4 R. Monsieur, je crois que cela tient de la pure invention.

5 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, en l'état, je voudrais

6 que l'on demande, à moins que M. Petrovic ne soit prêt à le faire, pour ne

7 pas qu'il y ait référence pour induire en erreur, pour poser la question,

8 par exemple, à quel fragment de la déposition de M. Mujica Jusic fait

9 référence. Peut-être que je pourrais être plus précis pour dire que cette

10 déclaration était en date du 2 août.

11 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, bien entendu.

12 Q. Savez-vous que le 12 octobre 1991, votre frère --

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, j'attends d'abord une

14 réponse ou un argument à l'appui avant de vous voir poser de nouvelles

15 questions. Est-ce que vous voulez présenter, à ce témoin, un fragment de la

16 déclaration faite par son frère ?

17 M. PETROVIC : [interprétation] Je voulais, tout simplement, commencer par

18 la déclaration en général, pour y arriver au fragment qui semble préoccuper

19 mon éminent collègue.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourrait-on peut-être voir de quelle

21 page il s'agit ?

22 M. KAUFMAN : [interprétation] Pour être concret, Me Petrovic est en train

23 de poser des questions au sujet du 6 décembre. C'est cette partie

24 pertinente qui m'intéresse, à savoir quelle était la position de Mujica

25 Jusic. A-t-il pu, lui, provoquer les feux et les tirs du 6 décembre. Voilà

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1 la question qui devrait être posée à M. le Témoin.

2 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

3 Juges, me permettriez-vous de d'abord me reporter à la déclaration, telle

4 qu'elle a été faite, pour essayer d'apporter un éclaircissement, à moins

5 que vous ne vouliez peut-être vous y reporter vous-même. J'ai posé moi-même

6 la question au sujet du 6 décembre parce que c'est le témoin qui, par l'une

7 de ses réponses, a, en quelque sorte, anticipé cela. Si cela s'avère

8 nécessaire, je vais faire référence au fragment exact de la déclaration.

9 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux répondre,

10 je pourrais, un peu, assister mon éminent collègue, Me Petrovic. Parce que

11 je ne pensais pas qu'il s'agisse de versions différentes, pour parler de la

12 déclaration de M. Mujica Jusic. Page 6, troisième paragraphe, lui, dit

13 avoir été à Babin Kuk, qui n'est absolument pas proche du parking, dont

14 nous sommes en train de parler. Pour autant que je puisse savoir, quelque

15 chose de la localisation de ces différents emplacements.

16 Monsieur le Président, je crois que M. Petrovic en a pris connaissance --

17 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

18 M. KAUFMAN : [interprétation] -- et probablement, de façon exacte, il

19 aimerait présenter tout cela au témoin, surtout s'il se propose de

20 s'occuper de ce fragment de cette déclaration.

21 M. PETROVIC : [interprétation] Bien entendu. Pour dissiper tout dilemme,

22 permettez-moi, Monsieur le Président, de commencer depuis le début.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Petrovic. Puis-je dire

24 que, pour l'instant, il a été dit clairement que vous avez mal compris la

25 déclaration faite par le frère du témoin ici présent et que vous avez mal

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1 cité l'emplacement lié aux événements du 6 décembre. Si tel était le cas,

2 alors là, nous allons vous permettre de vous occuper de cette déclaration,

3 telle qu'elle a été faite. Bien entendu, à condition que vous nous disiez

4 quels seraient la base et le fondement de vos questions à poser.

5 M. PETROVIC : [interprétation] La raison pour laquelle le conseil de la

6 Défense se propose de poser cette question, au sujet de cette déclaration,

7 se voit dans le droit du conseil de la Défense, à savoir, en application de

8 l'Article 90(H)(i). Il est habilité à présenter au témoin tout ce qui peut

9 être, d'abord en contre-interrogatoire, un point ayant trait à sa

10 déposition. Ici, il ne faut pas, élaborer plus en étendue, ce problème,

11 mais je suis prêt à le faire, si la Chambre de première instance le

12 considère comme étant nécessaire.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais vous dire que nous

14 apprécions cela. Nous vous félicitons de ce que vous avez l'intention de

15 faire. Mais la base même, sur laquelle vous vous fondez pour poser des

16 questions, ce qui a fait l'objet de l'objection de M. Kaufman, c'était,

17 notamment, la déclaration faite par le frère du témoin ici présent. Or, M.

18 Kaufman a, lui, dit que peut-être vous avez mal compris la déclaration

19 telle qu'elle a été faite, et que ceci ne cadre pas très, très bien avec la

20 déposition du témoin ici présent ou, surtout, avec ce qui figure dans la

21 déclaration.

22 Il se peut que le frère du témoin, ici présent, ait pu faire quelque chose

23 du genre, en date du 6 décembre. Peut-être le conseil de la Défense, le

24 soutient-il, ce qui diffère de ce que le témoin dit en ce moment-ci. Si le

25 témoin en sait quelque chose, vous pouvez lui poser des questions. Vous

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1 pouvez lui faire savoir l'attitude qui est celle du conseil de la Défense.

2 Mais, en l'état, il ne semble pas être évident que le témoin puisse détenir

3 une connaissance quelconque quant au comportement de son frère en date du 6

4 décembre, et qu'il n'aurait certainement pas pu avoir un contrôle

5 quelconque du comportement de son frère.

6 Vous pouvez poursuivre.

7 M. PETROVIC : [interprétation] Voici la base de mes questions. A plusieurs

8 reprises le témoin a dit qu'il a pu circuler en ville, qu'il a pu parler à

9 beaucoup de gens en ville. Que pendant ces mois-là, il était en contact

10 avec ses frères, avec l'un et l'autre frère, qu'ils pouvaient s'entendre

11 au téléphone. I est tout à fait raisonnable de supposer que le témoin ici

12 présent, s'il a eu connaissance de ce qui était advenu de tant de gens en

13 ville, devait en savoir, sinon plus, de ce qui était advenu de ses frères.

14 Voilà comment se présente la base de mes questions, Monsieur le Président.

15 Lui parle des événements, lui a une connaissance des événements et des

16 hommes, et il faut s'attendre, Monsieur le Président, à ce que

17 bien entendu, il devait savoir fort bien ce qu'il était advenu de son frère

18 cadet, et où il se trouvait. Avec ce qui a été présenté tout à l'heure par

19 vous, n'est pas sans concerner la crédibilité, et cela en forte dose de ce

20 témoin, lorsque lui ne souhaite absolument pas parler de son frère non

21 plus, de la participation aux opérations de l'armée croate à cette époque-

22 là. C'est là que se trouve la clé même je dirais, de la crédibilité qu'il

23 convient de conférer à ce témoin, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci sera chose faite lors de l'autre

25 présentation d'éléments de preuve, et quel était le rôle, à savoir quel

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1 était le rôle de son frère, quel était de l'armée croate. Bien entendu,

2 Maître Petrovic vous aussi, vous êtes libre de le faire, pour présenter des

3 éléments de preuve là-dessus. Mais d'une manière ou d'une autre, ceci

4 devrait avoir de la pertinence pour et au sujet de la déposition de ce

5 témoin.

6 Si vous lui dites de telle ou telle façon que vous savez ce que son frère

7 savait, mais si lui ne souhaite pas en parler, il ne vous faudrait que

8 quelques minutes pour le faire. A vous donc d'en décider lorsqu'il s'agit

9 de procéder de la façon, qui sera la vôtre de procéder.

10 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Monsieur Jusic, savez-vous que votre frère, en date du 12 octobre 1991,

12 s'était joint à la défense de la ville de Dubrovnik ?

13 R. Monsieur, il y a une vingtaine de minutes, lors de la première audience

14 de ce matin, je vous ai dit que je n'ai absolument pas rencontré mon frère.

15 Tout ce que vous me dites est adressé à une fausse et mauvaise adresse.

16 Tout ce que je vous dis, c'est que je circulais dans et entre les murailles

17 de la ville de Dubrovnik et que, parler de ce genre d'activités, elles

18 n'ont jamais eu lieu. Par conséquent, je ne peux pas vous parler de mon

19 frère, à moins d'emprunter des termes tout à fait abstraits, mais pas pour

20 vous répondre par oui ou par non.

21 Q. Mais voilà, vous n'avez qu'à répondre à mes questions, dites que "Vous

22 ne le savez."

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce vrai que votre frère a été déployé dans le secteur de Bosanka ?

25 R. Je ne sais pas.

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1 Q. Est-il exact de dire que votre frère se trouvait localisé pendant toute

2 cette période, dans le siège administratif de INA, société INA avec les

3 restants des membres de l'armée croate ?

4 R. Une pause s'impose, savez-vous où se trouve le bâtiment de la INA ?

5 Q. Dites si vous le savez ou pas.

6 R. Cela est tout à fait insensé de me poser des questions pareilles parce

7 que je sais de quoi il s'agit. Où se trouve ce bâtiment ou tel hôtel,

8 bâtiment qui appartient aux assureurs de tels hôtels, et cetera. Tout

9 simplement je vous réponds par la négative.

10 Q. Je vais vous donner lecture de ce que nous voyons figuré à la page 3,

11 deuxième, troisième, quatrième paragraphe. Il s'agit de la déclaration

12 faite par Mujica Jusic, fils de Arif, enregistrée le 27 mai 2001. Nous y

13 lisons comme suit : "Le jour suivant, nous avons déménagé dans un bâtiment

14 qui se trouve à une distance d'une centaine de mètres par rapport au

15 commissariat de police (actuel siège de la société Ina.) Ce bâtiment nous a

16 servi de base pendant 22 jours. Nous y passions les nuits pour y dormir

17 dans les bureaux de cette société.

18 Est-ce que vous en savez quelque chose, Monsieur le Témoin ?

19 R. Non. Rien.

20 Q. Dans le paragraphe qui suit, nous lisons comme suit : "Il s'agit de la

21 déclaration de votre frère. "Quelques jours plus tard, mon unité, qui elle

22 comprenait moi-même et quatre autres gars, a reçu un Browning de calibre

23 12,7 millimètres, il s'agit d'une mitrailleuse lourde."

24 Savez-vous qu'une mitrailleuse lourde de Dubrovnik a été donnée notamment à

25 votre frère, et que lui d'ailleurs, l'avait en sa possession pendant toutes

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1 ces différentes dates que je viens de vous dire d'ailleurs, maintenant

2 depuis le début même.

3 R. Je ne sais rien là-dessus. Je ne sais pas ce que signifie un Browning.

4 Q. Bon, ensuite, page 3, nous lisons : "Une première action de combat à

5 laquelle nous avons pris part, c'est lorsque nous avons dû opérer en dehors

6 de notre base, une fois que la JNA avait occupé Bosanka, Zarkovica, et

7 Golubov Kamen de même que la Strincera."

8 R. Ecoutez, Monsieur, vous parlez de ces quatre ou cinq soldats que vous

9 voulez voir opposer à l'ensemble de l'armée yougoslave. Si cela est vrai

10 alors là, c'est à lui qu'appartient tous les honneurs, mais en tout cas, je

11 ne peux être que fier de mon frère et de moi-même d'ailleurs, de l'avoir

12 pour frère.

13 Q. Page 4, nous lisons toujours la déclaration écrite de votre frère :

14 "Nous n'avons jamais visé une cible concrète, nous savions que la JNA se

15 trouve dans les hauteurs et nous tirions tout simplement en leur direction.

16 Il nous est arrivé de décharger les chargeurs entiers pour nous déplacer

17 aussitôt et cela le plus vite possible, de l'emplacement à partir duquel

18 nous tirions, au cas où la JNA aurait décidé de riposter et cela au

19 mortier, pour viser notamment les emplacements à partir desquels nous

20 opérions."

21 Est-ce vrai que l'armée croate a justement pratiqué cela dans la ville de

22 Dubrovnik ?

23 R. Mon enfant, je n'ai jamais vu quelque chose de pareil. Mais pour parler

24 de tactique ce n'est pas si mal que cela. C'est bon cela.

25 Q. A-t-elle été couronnée de succès cette tactique-là ?

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1 R. S'ils ont tiré avec une mitrailleuse lourde et si on devait en riposte,

2 tirer dessus avec un mortier, alors là, la différence est grande pour

3 autant que je sache.

4 Q. Le paragraphe suivant se lit comme suit : "Les positions à partir

5 desquelles nous opérions variaient. Nous pratiquions de nous déplacer dans

6 une aire de deux kilomètres depuis les emplacements différents pour semer

7 la confusion auprès de la JNA, pour ne pas qu'ils sachent où nous localiser

8 et pour ne pas qu'ils sachent l'intensité de nos tirs et unités."

9 Cela aussi s'est une bonne tactique de l'armée croate.

10 R. Bien entendu, c'est formidable. Cela mérite d'être pris pour un sujet

11 de cinéma, d'un film. Voir quatre gars s'opposer à l'ensemble de la JNA.

12 Que voulez-vous que je vous dise de plus ?

13 Q. Si ce que votre frère a dit est exact, cela veut dire que lui et quatre

14 autres ou cinq autres ont été les héros qui ont pris la défense de

15 Dubrovnik et qui l'ont défendue.

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Objection que j'ai à soulever au sujet de

17 cette question, Monsieur le Président. Une fois de plus je comprends le

18 besoin que M. Petrovic ressent pour voir le témoin se reporter à tel ou tel

19 fragment de la déclaration pour y chercher une base de ses questions. Mais

20 ayant vu la réponse du témoin à la première question, à savoir, que lui, ne

21 savait pas que son frère était membre de l'armée croate, en quelque qualité

22 que ce soit, on ne peut pas demander maintenant au témoin de spéculer sur

23 des questions posées par Me Petrovic, lorsque celui-ci a donné lecture de

24 tel ou tel fragment de la déclaration de son frère.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman, je permets à ce que

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1 cette question soit posée. Bien entendu, la réponse n'est pas obligatoire,

2 et ne lie personne à une réponse parce que la question était comme telle,

3 comme quoi son frère aurait dû être le héros de l'armée croate. Ceci

4 pourrait avoir de la pertinence pour le conseil de Défense. Par conséquent,

5 cette question peut être formulée et reformulée.

6 M. PETROVIC : [interprétation]

7 Q. Pouvez-vous répondre à cette question.

8 R. Pour autant que je le sache, mon frère ne s'est jamais vu décoré pour

9 cet acte de bravoure mais il est devenu un héros à mes yeux maintenant, que

10 je vous entends lire ce rapport, ce texte.

11 Q. Est-ce dire Monsieur Jusic, qu'après 13 ans, c'est de ma part que vous

12 apprenez pour une première fois que votre frère est un héros ?

13 R. Oui, à mes yeux à moi, oui. Il l'est.

14 Q. C'est de moi que vous apprenez pour une première fois ?

15 R. Oui de vous. C'est une information que je tiens de vous pour la

16 première fois.

17 Q. Ensuite, nous lisons dans la déclaration de votre frère comme suit :

18 "Le "parking" qui se trouve au pied de la muraille nord de la vieille

19 ville."

20 M. PETROVIC : [interprétation] C'est à ce sujet-là que nous vous avons posé

21 des questions problèmes d'après vous.

22 "Au cours de la première semaine, en novembre 1991, nous y avons été

23 déployés à cet emplacement pour pouvoir opérer de là-bas pour ouvrir le feu

24 à l'encontre de la JNA qui se trouvait près de la croix sur le mont Srdj.

25 C'était le jour où l'hôtel Impérial a été détruit. Ce fut pour une première

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1 fois pour nous, de nous servir de la mitrailleuse de marque Browning.

2 "Nous descendîmes du haut de notre base qui se trouvait à la société Ina.

3 Pour le faire, nous avons emprunté la rue Ante Starcevic pour passer près

4 de la gare routière de Pile pour aboutir à la muraille nord de la vieille

5 cité. Arrivés là-bas, nous nous sommes arrêtés près de l'entrée du parking

6 qui jouxtait avec les remparts de la ville. A ce moment-là, la JNA opérait

7 déjà et pilonnait cet emplacement et l'ensemble de ce secteur. Je crois que

8 la JNA avait pu nous observer et nous voir nous en approcher car nous

9 risquions de nous faire révéler en descendant le long de la rue Ante

10 Starcevic à bord de notre voiture."

11 Savez-vous quelque chose au sujet de ces événements-là ?

12 R. Je ne sais rien de ces événements. Est-ce que vous croyez que les gens

13 doivent attendre là-haut et enlever leurs culottes pour se faire un

14 sentier. Tout l'honneur leur appartient s'ils ont fait ce qu'ils ont fait

15 pour se défendre, mais moi, si j'avais quelque chose entre mes mains pour

16 me défendre, je l'aurais fait parce que c'est une affaire honteuse que de

17 voir ce qui s'était passé. Votre client vous voulez le défendre, il devait

18 en savoir quelque chose. J'ai été, moi-même, humilié et entaché de honte

19 parce que telle une souris j'ai dû me terrer dans une cave à cause de leurs

20 mortiers et obus. Parlons-en plutôt, cela est honteux.

21 Cela fut une tragédie. Ceci n'aurait pas dû avoir lieu du tout. Nous

22 aurions dû être les uns à Dubrovnik, les autres à Belgrade et continuer de

23 vivre en amis et en paix.

24 Q. Nous continuons, Monsieur Jusic. A la page 5, le premier paragraphe ou

25 plutôt la dernière phrase de la page 4, je cite : "Nous avons conduit un

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1 camion, nous avons avancé sur une trentaine de mètres et un de nos hommes

2 (Nenad Vrankovic qui est décédé à présent), a tiré une première rafale de

3 notre mitrailleuse en direction où se trouvait la JNA. Nous ne pouvions

4 voir qui que ce soit pour tirer dessus. On nous a donné l'ordre à la radio

5 d'ouvrir le feu sur un endroit qui se trouve juste au-dessous de la croix."

6 Est-ce que ce sont les tirs de votre frère qui ont détruit la croix de Srdj

7 ?

8 R. Non. C'est une canonnière qui était au large qui a tiré là-dessus. Ils

9 ont tiré pendant des journées entières et après ils se vantaient. Ils

10 disaient que c'était une question d'honneur que de descendre cette croix.

11 Ceci a été enregistré sur des vidéos, sur des émissions. Il s'agissait de

12 gros obus. Je vous ai dit de toute façon, tout à l'heure, que la JNA

13 n'était pas au niveau de la croix.

14 Je vous ai dit que la dernière ligne tenue par la JNA était à côté de ma

15 maison. Là, il s'agit d'une distance de 500 mètres ou plus.

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, permettre à

17 l'interprète de terminer l'interprétation de la dernière réponse car le

18 conseil de la Défense l'a interrompu.

19 M. PETROVIC : [interprétation] Non, tout va bien, je pense que le témoin a

20 tout dit.

21 R. Je pense que j'ai tout dit effectivement mais je voudrais que tout ce

22 que j'ai dit soit consigné correctement au compte rendu d'audience car tout

23 ce que j'ai dit est important.

24 Q. Savez-vous où se trouve Montovjerna ?

25 R. Montovjerna pour corriger votre accent.

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1 Q. Excusez-moi de mon accent. Où cela se trouve-t-il ?

2 R. C'est au niveau de Gruz. Là, vous avez une colline. A droite, vous

3 tournez à Gruz. A gauche, vous tournez vers Lapad et entre les deux se

4 trouve Montovjerna.

5 Q. Montovjerna est le titre sous petit 5. Est-ce que j'ai bien prononcé le

6 nom ?

7 R. Oui.

8 Q. "Plusieurs jours plus tard, après l'événement qui a été décrit plus

9 haut, on nous a dit de passer la nuit à Montovjerna. Je ne sais pas

10 pourquoi on nous a envoyé là-bas. Nous avons fait ce qu'on nous a dit de

11 faire mais nous n'avons pas tiré et nous n'avons pas été visés par la JNA.

12 C'est la seule occasion où je suis allé à cet endroit-là."

13 Monsieur le Témoin, lors de vos promenades dans la ville en vous dirigeant

14 vers Lapad ou en passant à côté de Libertas, est-ce que vous êtes passé par

15 ce quartier qui s'appelle Montovjerna ?

16 R. Non. Il n'y a aucune raison pour que je passe par là. C'est encore un

17 petit peu plus loin.

18 Q. Saviez-vous qu'il y avait des militaires là-bas ou bien vous ne le

19 saviez pas ?

20 R. Non, je ne le savais pas.

21 Q. A la même page, je cite : "La région de la presqu'île de Babin Kuk.

22 Nous avons été envoyés là-bas pour couvrir nos hommes se trouvant sur la

23 ligne de front à Sustjepan."

24 Ensuite, votre frère raconte qu'un bunker y a été installé.

25 Et il dit, je cite : "Je crois que j'ai pris cette position à peu près le

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1 20 novembre 1991 et nous y sommes restés jusqu'au mois de mai 1992."

2 Dites-moi qu'est-ce qui se trouve au niveau du quartier de Solitudo, à

3 Babin Kuk ?

4 R. Vous y avez un port de plaisance à Orsan, et des villas. Depuis cet

5 endroit-là, on ne voit pas du tout Sustjepan, car Sustjepan est caché par

6 une colline.

7 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire jusqu'où, on pouvait circuler dans

8 la ville de Dubrovnik ? Est-ce qu'on pouvait aller jusqu'à Sustjepan ?

9 R. Oui. On n'avait aucune raison d'aller là-bas. Vous savez, c'est

10 vraiment à la sortie de Dubrovnik. C'est le chemin qui mène à Mokosica.

11 Pour autant que je le sache, de l'autre côté de la rivière étaient les

12 positions de la JNA. Ils ont tiré depuis cette position et ils ont tué,

13 d'ailleurs, pas mal de gens.

14 Q. Permettez-moi de passer à la page de la déclaration de

15 M. Mujica Jusic. "Je sais, qu'en plus de cette mitrailleuse de type

16 Browning que possédait mon unité, qu'il y avait un certain nombre d'armes

17 lourdes entre les mains des unités de défense de la ville de Dubrovnik.

18 Ceci, entre les mois d'octobre et le mois de décembre 1991. Ces armes et

19 ces sites sont comme suit : M20, canon antiaérien de calibre de 20

20 millimètres monté sur un camion, un canon de type M20 avait un chargeur qui

21 comptait à peu près 25 balles. Je ne me souviens pas quelle unité possédait

22 et utilisait cette arme. Cette unité était déployée sur la bâtisse qui

23 s'appelle le château Pucic, sur la rue Ante Starcevic, juste au-dessus du

24 vieil hôpital. Je sais qu'ils étaient là. Parfois, nous nous rencontrions,

25 ils nous disaient où se trouvait leur base. Je me souviens aussi que j'ai

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1 entendu parler de leurs positions sur mon Motorola."

2 Est-ce que vous avez vu ce canon à trois tubes dont parle votre frère ?

3 R. Ce château dont vous parlez, c'est la salle de concert de l'orchestre

4 symphonique de Dubrovnik. Moi, j'y suis allé au moins une fois par semaine,

5 et c'est là que nous avions des concerts et des générales. Il n'y avait pas

6 de canon là-bas. En tout cas, je ne l'ai pas vu. Il n'y avait pas de sigle.

7 Il n'y avait rien qui indiquait qu'il pouvait y avoir une arme là-bas. Il

8 s'agit d'un magnifique jardin renaissance avec des palmiers. La porte est

9 toute petite, elle est très étroite, et c'est très difficile de passer par

10 cette porte-là. Peut-être une petite voiture pourrait, éventuellement,

11 passer.

12 Q. Est-ce que vous avez vu ce canon à trois tubes dont parle votre frère ?

13 Est-ce que vous l'avez vu ailleurs ?

14 R. Non. Tout ce que je pouvais voir dans ma rue, c'étaient des débris et

15 l'hôtel Impérial qui était brûlé, brûlé jusqu'à sa fondation. Je ne me

16 souviens de rien de ce que vous parlez.

17 Q. Ensuite, je continue : M20-1, une arme antiaérienne de calibre de 20

18 millimètres, montée sur un camion. Au commande de cette arme était Milan,

19 Milan Jejina. Cette arme avait une portée de 1 500 à 1 600 mètres, et

20 était plus efficace que le M20.

21 Est-ce que vous avez vu cela ?

22 R. Non. Je me dois de vous donner une réponse. Dubrovnik est au niveau de

23 la mer et Srdj est à peu près à 2 kilomètres de là. Ces tirs ne pouvaient

24 servir à rien. Ils ne pouvaient, avec leur portée, atteindre quoi que ce

25 soit. Nous étions dans la même position que Sarajevo. Nous étions dans une

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1 vallée entourée. De toute façon, même s'ils tiraient, ils ne pouvaient rien

2 obtenir.

3 Q. S'ils avaient tiré, ceci n'était sûrement pas suivi d'effet.

4 R. Oui.

5 Q. De toute façon, vous ne les avez ni vus, ni entendus tirer.

6 R. En effet.

7 Q. Au point numéro 3, votre frère dit : "Un mortier qui était positionné à

8 Babin Kuk, je ne sais pas quel était le calibre de ce mortier. Le

9 commandant de cette unité était un officier de la JNA, Bato Kovac."

10 Est-ce qu'il y a des hôtels dans le quartier dont parle votre frère ?

11 R. Oui, à Babin Kuk, il y a des hôtels.

12 Q. Est-ce qu'il y avait des réfugiés dans ces hôtels ?

13 R. Oui, ces hôtels étaient pleins. L'hôtel Argos, l'hôtel Minceta, le

14 Président de Dubrovnik, Neptune. Tout cela, ce sont des hôtels.

15 Q. Au paragraphe 4 : "Mortiers positionnés au parc de Bogisica. Je ne

16 connais pas leur calibre. L'équipe qui était chargée de ces armes laissait

17 les armes là-bas, mais revenait de temps en temps pour tirer avec ces

18 armes."

19 Où se trouve le parc Bogisica ?

20 R. Est-ce le parc Gradac ? Bogisica Park, je ne vois pas exactement où

21 cela se trouve.

22 Q. Je n'arrive pas à en croire mes oreilles. Vous, un Dubrovnien de

23 souche, vous faites l'amalgame entre Bogisica Park et Gradac Park.

24 R. Mais vous savez, beaucoup de noms ont changé. Je sais qui est Bogisic,

25 mais je ne sais pas où se trouve ce parc.

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1 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de cela ?

2 R. Oui, bien sûr. Mais vous savez nous avons nos propres noms pour des

3 lieux vieux de Dubrovnik. Peut-être qu'il y a un problème.

4 Q. Votre frère l'appelle Bogisic Park.

5 R. C'est peut-être le nom officiel de ce parc, mais, nous, les citoyens de

6 la ville, appelons souvent ce site différemment.

7 Q. Savez-vous où se trouve la rue Anica Boskovic ?

8 R. Pas exactement, mais je pense que ce n'est pas dans la ville même, pas

9 à l'intérieur des remparts.

10 Q. Savez-vous où se trouve l'hôtel Impérial ?

11 R. Oui, exactement. Je sais exactement où il se trouve. Il y a une rue qui

12 la longe, qui s'appelle Uz Vrtove.

13 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, quel est le nom du parc qui

14 est juste derrière l'hôtel Impérial ?

15 R. Nous l'appelons Ilijina Glavica.

16 Q. Comment, comment ?

17 R. Ilijina Glavica.

18 Q. Est-ce la même chose ?

19 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est le parc Bogisic, mais nous,

20 depuis toujours et au jour d'aujourd'hui, nous l'appelons Ilijina Glavica.

21 Q. Pourriez-vous, tout d'abord, nous dire à quelle distance se trouve

22 Ilijina Glavica par rapport à Pile ?

23 R. Un kilomètre et demi, même deux, au plus.

24 Q. Un kilomètre et demi ?

25 Q. Oui, vous savez c'est sur la rue qui tourne. J'ai du mal à vous dire si

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1 nous parlons du même parc, c'est le parc Ilijina Glavica.

2 Q. Parlons du parc qui se trouve derrière l'hôtel Impérial.

3 R. Au-dessus de l'hôtel, c'est Ilijina Glavica.

4 Q. Est-ce que Ilijina Glavica est plus loin que Lapad ?

5 R. Non, au contraire, elle est beaucoup plus près de la vieille ville que

6 Lapad.

7 Q. Tout à l'heure, vous nous avez dit que, depuis votre maison jusqu'à

8 Lapad, vous aviez besoin de marcher deux kilomètres.

9 R. Oui, parce que la route est droite jusqu'à Lapad. Je vous ai dit que

10 jusqu'à Ilijina Glavica les rues tournent. C'est pour cela que je ne

11 saurais répondre.

12 Q. Mais, à vol d'oiseau ?

13 R. A vol d'oiseau, je dirais 700 mètres. Je dirais qu'il y a 700 mètres de

14 distance.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Puis-je demander que l'on présente au témoin

16 la pièce D31.

17 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner cette photo ? Dites-moi,

18 derrière la Minceta les arbres, les sapins, on y voit. Est-ce bien

19 l'endroit que vous appelez Ilijina Glavica ?

20 R. Cela se pourrait. Oui. Vous savez ce n'est pas vraiment derrière la

21 Minceta. Vous devez marcher un bon moment entre Minceta et cet endroit.

22 C'est ce que nous appelons Ilijina Glavica.

23 Q. Au paragraphe numéro 5, mais, dites-moi, auparavant, puisque tout à

24 l'heure, il y a eu une confusion entre Bogisica Park et Gradac Ilijina

25 Glavica, et cetera. Est-ce que vous savez où se trouve le parc Gradac ?

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1 R. Derrière la radio et le centre universitaire qui a brûlé jusqu'à sa

2 fondation. A 100 ou 200 mètres, derrière la forteresse de Lovrijenac, il y

3 a aussi un couvent et un vieil hôpital et, ensuite, vous avez l'hôtel

4 Libertas.

5 Q. A quelle distance se trouve Gradac par rapport à la porte de Pile ou la

6 porte de Bokar ?

7 R. Je dirais 700 mètres. D'abord vous arrivez au centre, ensuite vous

8 tournez à gauche et vous y êtes.

9 Q. A vol d'oiseaux ?

10 R. Bien, c'est tout près.

11 Q. Où se trouve Gospino Polje ?

12 R. C'est Libertas c'est ici et Gospino Polje est juste en contrebas.

13 Q. A quelle distance de l'hôtel Libertas ?

14 R. 100, 200 mètres.

15 Q. Au paragraphe 5, à la page 6, votre frère dit : "Un canon, je ne

16 connais pas son type, se trouvait à Gospino Polje. C'est un certain Jaksa

17 qui était en charge de ces canons. Je ne sais pas quel est son nom de

18 famille. L'objectif de ces canons ne fonctionnait pas, donc la ligne de

19 mire ne fonctionnait pas, et on disait que cette arme n'était pas bien

20 précise. Pour autant que je sache, il n'a pas été utilisé ces canons avant

21 le 6 décembre quand on lui a demandé de venir en haut au renfort à la

22 défense de Srdj, mais on sait très bien qu'un certain nombre de ces obus

23 sont tombés bien au-delà ou bien beaucoup plus près de l'objectif."

24 Est-ce que vous avez entendu parler de ces canons ?

25 R. Normalement, il s'agit d'un fameux canon. Non, je n'ai pas entendu

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1 parler de cela, vous savez, mais je vais vous dire quelque chose. La ville

2 de Dubrovnik se trouvait encercler, encercler par les bateaux, les avions,

3 et par les troupes de terre. Quand ces bateaux officiels quittaient la

4 ville de Dubrovnik, chargés des femmes et d'enfants, on le fouillait

5 complètement. C'étaient les membres de la JNA qui le faisaient. Je ne veux

6 pas vous croire car il n'y avait aucun moyen d'apporter des armes à

7 Dubrovnik.

8 Q. Est-ce que vous êtes en train d'affirmer qu'on n'a pas apporté des

9 armes par la voie maritime ou par la terre avant le mois d'octobre ?

10 R. Par la terre, non, ce n'est pas le cas. Ce qui concerne la voie

11 maritime, je sais que tous les bateaux étaient inspectés. Il en a même qui

12 on a fait venir à Zelinika en Monténégro pour les fouiller. Je pense que

13 c'est pour cela que ce n'était pas possible.

14 Q. Votre frère continue : "Concernant le mortier, que j'ai décrit plus

15 haut, je dois ajouter qu'avant le 26 décembre 1991, ce mortier n'était

16 utilisé que très rarement. Le 6 décembre 1991, la JNA a lancé la plus

17 grosse importante attaque sur la ville. L'attaque a commencé à peu près à 5

18 heures du matin. A ce moment-là, notre mitrailleuse Browning était

19 positionnée à Solitudo à Babin Kuk. Nous avons passé la nuit d'avant dans

20 cette maison --"

21 M. KAUFMAN : [interprétation] Excusez. Il y a un morceau de la phrase, en

22 parenthèse, que Me Petrovic a choisi de ne pas lire et car là on fait

23 référence à l'utilisation qu'on a fait de la même phrase juste dans la

24 phrase d'avant. Je vais vous lire ce qui est écrit dans mon texte : "A

25 l'époque, notre mitrailleuse Browning a été stationnée à Solitudo sur Babin

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1 Kuk (comme il est décrit plus haut dans le texte)." Je pense que plus haut

2 dans le texte c'est justement on parle de l'emplacement de cet arme à

3 Solitudo et à Babin Kuk en direction de Sustjepan.

4 Monsieur le Président, à nouveau, j'ai soulevé une objection quant à ces

5 questions, vu que le témoin a commencé d'emblée, en disant qu'il ne savait

6 pas du tout que son frère était membre des forces de Défense croate, et

7 ayant en tête cet objection, M. Petrovic devrait faire venir quelqu'un pour

8 collaborer ce qu'il est en train d'affirmer.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est justement sur la base de cela

10 que nous avons permis ces questions à Me Kaufman de ce qu'a dit le témoin.

11 Ceci figure au compte rendu d'audience, ce qui nous préoccupe. Nous

12 l'avons eu déjà avant la pause, et nous savons que le témoin a dit au sujet

13 de son frère dans sa déclaration, dans sa déposition.

14 Vous pouvez continuer Maître Petrovic.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Je cite : "Nous avons passé la nuit qui était très brève dans la

17 maison, dans cet endroit. Quand l'attaque a commencé, nous sommes allés

18 chercher notre arme. La première chose que nous avons remarqué, c'était un

19 char de la JNA qui se déplaçait de Strincera vers la forteresse Impériale

20 en haut de Srdj. En direction du port de Gruz, j'ai vu un bateau grec qui

21 avait apporté des vivres et ce bateau a été touché par un obus de la JNA.

22 Le bateau était endommagé, mais a réussi à quitter le port et partir au

23 large. Beaucoup de bateaux ont été touchés et ils ont coulés. Une vingtaine

24 de personnes pour la plupart des civils ont été tués par le bombardement de

25 la JNA ce jour-là. La JNA a ouvert le feu des différentes directions, et

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1 ces obus sont tombés partout dans la vieille ville, partout dans la ville

2 en général sur Lapad, et sur la péninsule de Babin Kuk. Nous avons contrôlé

3 la riposte des Croates en écoutant notre motorola. Nous avons entendu un de

4 nos commandants, je ne sais pas qui c'était, je ne me souviens plus de ce

5 nom, donner l'ordre à mes unités de mortiers de commencer à tirer sur Srdj.

6 Quand j'ai entendu cela, je me suis dit que la situation pour nos hommes se

7 trouvant dans la forteresse de Srdj ne devait pas être bonne."

8 Maître Kaufman, souhaitez-vous que je lise l'intégralité de la déposition ?

9 Je peux le faire, mais, vous savez, c'est long.

10 M. KAUFMAN : [interprétation] Effectivement, je peux le faire dans le cadre

11 de mes questions additionnelles, mais je pense qu'une phrase de plus sera

12 utile.

13 M. PETROVIC : [interprétation]

14 Q. "Je n'ai pas tiré du tout ce jour-là et nous sommes restés dans notre

15 position à Solitudo."

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Est-ce que cela vous suffit.

17 M. PETROVIC : [interprétation]

18 Q. Monsieur Jusic, avez-vous entendu ces mortiers de l'armée croate qui

19 d'après ce que dit votre frère ont reçu le matin même l'ordre de tirer sur

20 les positions de la JNA ?

21 R. Je vous admire, Monsieur.

22 Q. Pourquoi --

23 R. Parce que vous avez dit à plusieurs reprises que mon frère était tout

24 seul avec quelques hommes. Vous faites rien d'autre que depuis que

25 d'augmenter leur nombre pour en faire toute une armée. Vous ne trouvez pas

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1 cela incroyable que de voir quatre jeunes hommes faire face à la 3e force

2 armée en Europe, qui était la JNA, et vous vous êtes en train d'en

3 rajouter, d'en rajouter, d'en rajouter et je pense que vous devriez avoir

4 honte que cette armée, la JNA, se fasse attaquer par quelques gars mal

5 armés.

6 Mais de quelle armée vous parlez. Je n'ai pas vu d'armée.

7 Q. Mais, Monsieur Jusic, vous auriez dû déjà comprendre que ce n'est pas

8 moi qui en rajoute, c'est votre frère et vous avez dit au sujet de votre

9 frère que c'est un homme honnête qui aime la vérité, intègre. Il s'agit de

10 sa déposition.

11 R. Mais il a dit qu'ils étaient au nombre de quatre. Alors, vous, vous

12 ajoutez des zéros et, à cette conclusion, j'arrive en écoutant l'intonation

13 de votre voix, vous en rajoutez, c'est vous, ce n'est pas mon frère.

14 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que M. Jusic

15 se défend très bien sur sa barre -- derrière sa barre de témoin, mais je

16 pense que Me Petrovic n'a pas besoin de parler de l'intégrité et de

17 l'honneur du frère du témoin. En tout cas, il n'a pas besoin d'en parler au

18 témoin.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation]

20 Monsieur Petrovic, moi je pense que vous avez exploré en détails ce thème.

21 Vous avez dépensé beaucoup de temps pour le faire. Et je vous encourage à

22 présent de passer à un autre sujet.

23 M. PETROVIC : [interprétation] Merci de votre patience, Monsieur le

24 Président, j'espère que vous avez compris à quel point il est important de

25 parler de tout cela. J'ai encore une question à poser à ce sujet et ensuite

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1 je passe à un autre thème. Je n'ai plus qu'une question à ce sujet à poser,

2 ensuite, je passerai à autre chose.

3 Q. Monsieur Jusic, est-ce que vous avez entendu parler de la 163e Brigade

4 de l'armée croate ?

5 R. Est-ce que vous dites qu'il y avait peut-être 162 brigades. J'en ai

6 jamais entendu parler et s'il y a eu 163 brigades, il faut qu'il y en ait

7 bien eu une, deux, trois, et ainsi de suite, et cela m'a échappé.

8 Q. Y avait-il une armée croate du tout au cours de la période où vous vous

9 référez, à laquelle vous vous référez, c'est-à-dire, l'automne 1991 ?

10 R. D'après ce que j'ai entendu dire, il y avait une armée à Vukovar en

11 Slavonie, à Split et lorsque le destroyer a commencé à ouvrir le feu sur

12 Split. Ceci était quelque chose qui s'est passé après la libération, à un

13 mouvement de défense, mais, concrètement parlant, je n'en ai absolument

14 aucune idée. C'était de la résistance.

15 Q. Qui était votre frère, Mujica ? Quelle était sa profession ?

16 R. Il jouait du tambour, c'était un excellent tambour dans un orchestre et

17 il a longtemps joué à ces hôtels, précisément les hôtels que vos gens ont

18 démolis.

19 Q. Pourrais-je vous demander -- je fais de mon mieux pour me montrer

20 respectueux, je voudrais que vous me montriez le même respect. Lorsque vous

21 dites "vos gens", vous faites une distinction et je voudrais vous demander

22 de faire, s'il vous plaît, une distinction et de traiter la Défense de

23 façon courtoise, la façon dont vous traitez les autres parties et les

24 membres de la Chambre de première instance.

25 R. C'est un ton que vous avez imposé, Maître, en l'occurrence. Je vous

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1 donnais simplement un tout petit peu de votre médecine. Je vous rendais un

2 peu ce que vous donniez. Je vous demande de me respecter, moi et mon frère,

3 et je vous l'ai demandé plusieurs fois. Je ne sais pas et j'ai également

4 dit que, si mon frère, effectivement, a fait ce que vous avez dit, je lui

5 tire mon chapeau en tant que défenseur de Dubrovnik.

6 Q. Est-ce que vous savez que votre frère -- vous ne saviez pas que votre

7 frère défendait Dubrovnik ? Est-ce que vous avez eu connaissance de

8 quiconque d'autre qui l'ai fait ?

9 R. Oui. Je connaissais un gars, c'était quelqu'un de très aimable, son nom

10 était Mario Peci et il avait un club discothèque à Lazarina. C'est la

11 raison pour laquelle il a été tué à Bosanka au cours de premiers jours.

12 Mais il n'était pas en uniforme. Il portait un survêtement et des

13 chaussures de tennis. Là-haut il a été tué et il y avait un autre gars du

14 nom de Hamdija.

15 Q. Qu'est-ce qu'il faisait à Bosanka ?

16 R. C'était un endroit où l'on pouvait sortir, le site de Bosanka.

17 Q. Vous avez dit que c'était un endroit où vous aviez des piques niques.

18 Mais au risque d'être cynique, est-ce qu'il y avait des sorties pour des

19 pique-niques ou d'autres choses comme cela ?

20 R. Le seul renseignement que je vous ai donné, c'était qu'ils ont été tués

21 là par la JNA et que ceci d'une façon générale. Zarkovica, Bosanka, c'est

22 un point de vue. Je veux dire un endroit où on peut sortir, une localité.

23 Q. Est-ce que ceci veut dire que ces deux hommes étaient de la défense et

24 ils s'occupaient de la défense de Dubrovnik ?

25 R. Je ne les ai pas vus défendre. Je n'ai pas vu d'armes. Je sais

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1 simplement que c'était des gars très aimables. Ils me disaient bonjour, je

2 leur disais bonjour, c'était quelqu'un qui avait beaucoup de succès, celui

3 qui était responsable de la discothèque. Je n'avais pas d'autres contacts

4 avec lui.

5 Q. Est-ce que vous avez entendu le nom d'un Nojko Marinovic ?

6 R. Oui, je l'ai entendu.

7 Q. Qui était cet homme ?

8 R. Nojko Marinovic est un officier de l'armée populaire yougoslave, de

9 nationalité croate du point de vue ethnique, je crois, et il savait

10 beaucoup plus de choses que ce que ce dont nous discutions aujourd'hui,

11 beaucoup plus que vous le savez et que je ne sais maintenant, et il était

12 là pour défendre sa Croatie. Je ne sais pas où il était posté, où il avait

13 pris position. Je sais simplement que son nom a été fréquemment cité. En

14 fait, j'ai -- une fois -- où il m'a été présenté. Je crois que c'était en

15 1997 ou 1998. C'était pour la promotion d'un livre ou quelque chose de ce

16 genre.

17 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait, s'il vous plaît, parler dans

18 le microphone ?

19 M. PETROVIC : [interprétation]

20 Q. Qu'est-ce que c'est que vous avez entendu dire en ce qui concerne cette

21 personne dont nous parlons ?

22 R. Premièrement, j'ai entendu dire qu'on avait des soupçons à son sujet

23 parce qu'il faisait partie des soldats de la JNA, mais j'ai également

24 entendu que c'était quelqu'un qui avait beaucoup de ressources, quelqu'un

25 de très adroit du point de vue tactique. Tout ce que j'ai entendu de bien,

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1 le concernant avec autant de -- du temps passé, je respecte ce que j'ai

2 entendu dire à son sujet.

3 Q. Vous avez entendu dire que c'était un bon tacticien. Avec qui était-il

4 en compétition du point de vue tactique ?

5 R. Je crois que c'était par rapport à ceux qui attaquaient. Vous savez,

6 Dubrovnik a été attaquée.

7 Q. Mais puisqu'à Dubrovnik, il n'y avait pas d'armée, il n'y avait pas de

8 défense, il n'y avait rien, comment pouvaient-ils faire pour essayer de

9 riposter à l'attaque ?

10 R. Ce qu'il avait fait, c'est qu'il essayait d'empêcher les attaques. J'ai

11 entendu les histoires concernant cette personne comme étant quelqu'un de

12 très bien, de très capable, qui avait été très bien formé par la JNA.

13 Q. Qu'est-ce que vous avez entendu dire en ce qui concerne ses capacités

14 tactiques ?

15 R. La final, c'était que l'armée population yougoslave n'avait pas réussi

16 à détruire complètement Dubrovnik ou entrer dans Dubrovnik. C'était cela,

17 qu'il a fait ou plutôt ceci était à son crédit. Il mérite d'être loué pour

18 cela.

19 Q. Mais, il n'était pas le commandant de la défense de la ville de

20 Dubrovnik ?

21 R. C'est cela qu'ils ont dit, c'est cela qu'ils ont écrit. Mais quant à

22 savoir s'il défendait la ville de Dubrovnik ou les alentours, je ne sais

23 pas.

24 Q. Je suppose que vous n'avez pas entendu parler de ceci jusqu'à très

25 récemment. Vous ne saviez pas cela en 1991.

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1 R. Non, non, non. Les journaux ont écrit à son sujet. Notre presse était

2 très libre. Les gens pouvaient écrire toute sorte de choses. Il était

3 invoqué dans les journaux à l'époque. Les gens parlaient de lui également

4 avec admiration.

5 Q. Dites-moi, qu'est-ce qu'ils disaient à son sujet ?

6 R. Ils disaient qu'il était à Trebinje, qu'il avait un rang dans l'armée

7 yougoslave et, qu'un jour, lorsqu'il a vu que cette armada se préparait à

8 aller à Dubrovnik de Trebinje, comme il était croate, il est passé de

9 l'autre côté pour organiser la défense de la Croatie. C'étaient des

10 articles de ce genre ou des histoires qui le concernait, tout comme les

11 histoires concernant Kraljevic Marko en Serbie. Disons les choses comme

12 cela. C'est un homme plein de ressources, un homme capable, et je

13 l'admirais, moi aussi, à cause de ce que l'on me racontait.

14 Mais il est venu en ayant rien dans les mains. Il a simplement organisé

15 quelque chose, et les résultats sont, qu'effectivement nous nous sommes

16 défendus.

17 Q. Je vois que vous connaissez très bien cette question. Alors, qu'est-ce

18 que vous avez entendu ? Avec l'aide de qui est-ce qu'il a réussi ce succès

19 colossal et a réalisé cela ?

20 R. Toute la ville, disons la rue principale, c'est comme un salon, comme

21 nous le disons. C'est là, que les dames et les messieurs viennent, les gens

22 ordinaires aussi, et les gens se parlent tout simplement comme nous sommes

23 ici assis en train de parler. Tout le monde sait tout, et on ajoute des

24 choses à ce que les autres personnes ont dit, de sorte qu'on crée un

25 personnage, un héros imaginaire. Je pense, il y a environ quatre ans. C'est

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1 un homme mince, aimable, qui a une belle apparence. C'est tout ce que je

2 sais.

3 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler de la légende concernant

4 Nojko Marinovic, défendant Dubrovnik.

5 R. La légende est qu'il est venu. Quand il est venu, son nom signifiait

6 quelque chose parce que nous n'avions personne d'autre à notre tête. Moi,

7 je suis un compositeur, un autre homme, peut-être, disons un charpentier ou

8 ce que vous voulez. Alors, il a entraîné tous ces hommes, parce que

9 Dubrovnik n'était pas défendue si ce n'est de l'est -- et c'est ce que nous

10 continuons à discuter maintenant. La ville a été également attaquée par

11 l'arrière pays.

12 Je vous ai dit, je n'ai pas d'histoire particulière à vous raconter à son

13 sujet.

14 Q. Est-ce qu'il a également rallié des musiciens, certains musiciens ?

15 R. Non, pas vraiment. Parce qu'à l'époque, j'étais le chef d'orchestre de

16 l'orchestre symphonique et également de l'orchestre de cuivre et, souvent,

17 lorsque nous sortions, quand nous trouvons en dehors des remparts de la

18 ville, nous jouions souvent la marche de la liberté -- la marche de la

19 liberté américaine. Ceci, évidement, relevait le moral des gens.

20 Q. Votre frère était musicien, il jouait du tambour. C'est bien cela ?

21 R. Oui, il jouait très bien du tambour, avec beaucoup de talent. Pendant

22 un certain temps, il a joué avec moi dans les Trubidors.

23 Q. Est-ce qu'il avait un travail après 1991 ?

24 R. Pour avoir un emploi, c'est une chose relative. Tout avait été détruit,

25 et il n'y avait rien pour voir -- on ne pouvait rien voir. Il y avait une

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1 boulangerie, qui faisait du pain, qui avait été touchée cinquante fois.

2 Quand même ils ont réussi à organiser quelque chose et à faire du pain par

3 la suite.

4 Q. Mais, Monsieur Jusic, à partir de 1991 jusqu'aujourd'hui, est-ce que

5 votre frère a été employé quelque part ?

6 R. Je ne sais pas exactement à partir de quelle année c'était, mais il a

7 ouvert un boutique, un boutique de musique, qui vend des CD, également des

8 instruments de musique; les guitares, les tambours, les mandolines, et

9 cetera.

10 Q. Est-il vrai que votre frère, à partir d'octobre 1991 et jusqu'en 1996,

11 se trouvait dans la 163 Brigade de l'armée croate ?

12 R. Vous savez, Maître, nous avons déjà parlé de cette question. Il serait

13 une bonne chose que vous lui posez des questions à lui-même à ce sujet. Si

14 vous voulez bien, essayons d'en finir avec les questions dès maintenant.

15 Q. Une question de plus : Est-ce vrai que pendant cinq ans vous n'avez pas

16 su ce que faisait votre propre frère, et vous attendiez à ce que l'on croit

17 cela ?

18 R. Vous savez, mon frère a à peu près 45 ou 50 ans. Suis-je censé veiller

19 sur mon frère ? Savoir tout ce qu'il fait et ainsi de suite ? C'est

20 ridicule.

21 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande

22 pardon, mais ne pensez-vous pas, comme moi, que ce serait le moment -- le

23 moment serait bon de faire une interruption maintenant ?

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je continuais à penser que vous étiez

25 presqu'à la fin de votre contre-interrogatoire. Je continue d'avoir cet

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1 espoir, Maître Petrovic. Nous allons suspendre la séance maintenant.

2 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, Je vous remercie, Monsieur le

3 Président.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 37.

6 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le

7 Juge, avec la permission de Me Petrovic, je voudrais évoquer une question.

8 Je crois que Me Petrovic a maintenant achevé cette partie précise de ses

9 questions, les questions aussi qui concernent la déclaration du frère du

10 témoin. Comme ceci est approprié, je voudrais dire qu'en de telles

11 circonstances, j'ai estimé important qu'il soit dit pour le compte rendu,

12 qu'il s'agissait d'une déclaration recueillie à une certaine date, à savoir

13 les 27 et 31 mai 2001. Tandis que la déclaration du témoin a été prise en

14 septembre, le 23 septembre et le 29 septembre 2000. Je vous remercie.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Kaufman.

16 Maître Petrovic.

17 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur Jusic, s'il vous plaît, voulez-vous nous dire, ce qu'était la

19 cellule de Crise à Dubrovnik en octobre à décembre 1991 ?

20 R. La cellule de Crise, autant que je sache, s'occupait de la protection

21 du monument culturel.

22 Q. Est-ce que vous savez qui étaient membres de la cellule de Crise ?

23 R. J'étais moi-même membre de cette cellule de Crise et chargé des

24 questions culturelles.

25 Q. Et qui d'autre ?

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1 R. Je sais qu'il y avait un autre musicien, un critique de musique, et son

2 nom était -- je n'arrive pas de me rappeler de son nom pour le moment, je

3 vois très bien son visage. Peut-être pourrais-je m'en souvenir un peu plus

4 tard. Si vous voulez qu'on passe à autre chose.

5 Q. Qui était le président de la cellule de Crise ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas de son nom, en vérité.

7 Q. Qui vous a désigné, nommé, vous, à la cellule de Crise ?

8 R. Personne ne m'a demandé si je voulais en être membre. On m'a tout

9 simplement dit, "Vous êtes membre de la cellule de Crise," et j'ai cette

10 lettre qui indique cela. Nous étions quatre ou cinq membres. Il y avait des

11 musiciens, il y avait un critique littéraire. Je ne me rappelle pas tous

12 les noms.

13 Q. Qui vous a adressé cette lettre ?

14 R. Je crois que c'était un mémorandum, qui nous a été envoyé par le

15 conseil de la ville de Dubrovnik.

16 Q. Qui était président du conseil de la ville ?

17 R. Maintenant ou à l'époque ?

18 Q. A l'époque, bien sûr.

19 R. Je crois que le nom du président était M. Sikic.

20 Q. Est-ce que son prénom était Zeljko ?

21 R. C'est possible.

22 Q. Est-ce qu'il était membre de la cellule de Crise ?

23 R. Il se peut qu'il l'ait été. C'est possible.

24 Q. Est-ce qu'il n'était pas président de la cellule de Crise ?

25 R. Je ne me rappelle pas ces choses-là. J'étais en contact avec lui. Je

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1 pourrais vous dire à quelle occasion que j'ai été en contact avec lui si

2 cela vous intéresse. En 1991, la veille du nouvel an, on avait organisé à

3 travers les bureaux du gouvernement français, plus précisément M. Kouchner,

4 il y avait un concert qui avait été organisé à Dubrovnik. A ce concert, y

5 participait un orchestre de Lyon, avec le célèbre chanteur français.

6 J'étais là avec mes enfants, le chœur d'enfants également. Il y avait un

7 joueur de trompette, un soliste, je crois. De grands artistes du monde

8 entier étaient venus à ce concert. Par exemple, le très grand metteur en

9 scène Peter Brooke, un acteur célèbre français était venu, et puis ils sont

10 montés à bord d'un bateau à Dubrovnik. Le concert a eu lieu à minuit, au

11 cloître des franciscains et était télévisé en direct en Eurovision.

12 Après ce concert qui a eu lieu, qui a duré une heure et demie, ils sont

13 tous repartis en bateau. C'était l'un des rôles de la cellule de Crise,

14 maintenant que je m'en souviens.

15 Q. Avec quelles fréquences vous réunissiez-vous ?

16 R. Jamais. On ne se réunissait jamais. Je veux dire que nous n'avions pas

17 de réunions à quatre ou cinq. Jamais. Cela c'est une occasion à laquelle on

18 s'est réuni avec M. Zeljko qui m'avait demandé, en tant qu'expert de

19 questions musicales, de savoir si cela convenait, et de savoir si tout

20 allait bien à ce sujet. En fait j'ai insisté pour que ce concert ait lieu.

21 Q. Alors les membres de la cellule de Crise étaient des personnes qui

22 étaient chargées de questions musicales ou d'architectures, certains

23 autres, de questions d'urbanisme, et cetera.

24 R. Oui. Plus ou moins, c'est comme cela que c'était.

25 Q. Vous dites que le président était Zeljko Sikic ?

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1 R. Comme j'ai dit, je crois que c'était lui. Il me semble que c'était lui.

2 Je l'ai souvent vu à Dubrovnik, et nous nous entretenions essentiellement

3 dans la rue. On se rencontrait dans la rue. Je n'ai jamais eu de raison

4 d'aller le trouver dans son bureau sauf cette fois-là.

5 Q. Cette fois-ci en ce qui concerne ce concert, c'était la veille du

6 nouvel an.

7 R. Oui, en ce qui concerne ce concert.

8 Q. Est-ce que vous n'avez jamais tenu réunion au cours des semaines avec

9 d'autres membres de la cellule de Crise en octobre à décembre ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce que vous savez si ces autres membres de la cellule de Crise,

12 Zeljko Sikic et les autres étaient, où est-ce qu'ils étaient, où est-ce

13 qu'ils se réunissaient ?

14 R. Je ne crois pas qu'ils avaient des raisons de se réunir, et s'il y

15 avait réunion, je ne vois pas pourquoi que j'aurais été invité.

16 Q. Est-ce que vous auriez la bonté de nous dire comment la cellule de

17 Crise fonctionnait, si elle fonctionnait du tout, si les gens se

18 réunissaient ou vous vous rencontriez simplement dans la rue ?

19 R. C'était un peu pour la galerie, en quelque sorte. Je n'avais pas besoin

20 de donner d'avis sur ce que je faisais. Il n'était pas nécessaire que je me

21 réunisse avec eux autres pour donner des avis sur mon activité à moi. Quant

22 à savoir si les autres se réunissaient, je n'en sais rien. Je faisais mon

23 devoir de citoyen pour donner un peu d'allants et venants à la vie de la

24 ville, et j'ai fait cela avec un certain succès.

25 Q. Est-ce que la cellule de Crise peut-être ne traitait pas des questions

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1 de défense de la ville ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce que la cellule de Crise peut-être ne se préoccupait des

4 questions de police dans la ville ?

5 R. Non. La police était à l'autre bout de la ville. Nous n'avions rien à

6 voir avec la police.

7 Q. Est-ce que la cellule de Crise ne s'occupait pas non plus de faire

8 venir des livres ou des fournitures à la ville ?

9 R. Non. Par exemple, pour moi, il y a eu une occasion, je crois, où j'ai

10 été de service, et j'avais deux téléphones. Les gens appelaient depuis

11 l'île, en disant qu'il y avait des attaques. Les gens appelaient de Zupa,

12 en disant qu'il y avait des mouvements de troupes. Mais avec ces téléphones

13 tout ce que je pouvais faire, c'était accuser réception et prendre note des

14 faits et des événements qui se déroulaient et rien de plus.

15 Q. Où étiez-vous lorsque vous étiez de service ?

16 R. A la mairie.

17 Q. Vous voulez dire par là, le palais?

18 R. Oui, l'adresse est devant le palais, numéro 1, en fait.

19 Q. Combien de temps étiez-vous de service ?

20 R. Pendant deux heures, et cela n'a eu lieu qu'une seule fois.

21 Q. Qui vous a remplacé ? Qui a pris votre suite ?

22 R. C'était un jeune homme, je sais, parce que j'avais très, très peur

23 parce qu'il fallait que je rentre chez moi à 2 heures du matin, après

24 minuit, et il y avait couvre-feu. Ceci reste imprimé dans ma mémoire comme

25 une scène d'un film de Bergman.

Page 3207

1 Q. Peut-être que vous connaissez une personne, un homme du nom de

2 Valjalo ?

3 R. Je connais un Valjalo, mais je pense que c'est quelqu'un qui est mort

4 maintenant, un de vos collègues, un juriste, si c'est bien celui que je me

5 rappelle.

6 Q. Est-ce que vous connaissez Mato Valjalo qui était le chauffeur du chef

7 de la cellule de Crise, Zeljko Sikic ?

8 R. Maintenant, oui. Il était là, récemment. Il m'a dit qu'il allait être à

9 La Haye, mais je l'ai confondu avec cette autre personne. Il avait une

10 moustache et il avait été blessé.

11 Q. Qui vous a dit d'être de service à la mairie, à la cellule de Crise

12 dans le bâtiment de la mairie ?

13 R. Je suis incapable de répondre à cette question. Je ne me rappelle pas.

14 Je sais simplement que j'ai fait cela. J'ai fait cela comme mon devoir de

15 citoyen. Citoyen qui était obligé de le faire, bien entendu, parce que, si

16 cela vous intéresse, je n'avais aucune arme. Il n'est pas question d'avoir

17 des armes. Je n'avais même pas un verre d'eau devant moi, savez-vous.

18 Q. Vous étiez de service, vous deviez veiller au téléphone. A qui étiez-

19 vous censé rendre compte si quelqu'un vous racontait quelque chose vous

20 présentant un intérêt ?

21 R. Il y a eu un événement, c'était un événement dont il fallait parler. Si

22 on recevait un appel. S'il y avait quelqu'un qui vous appelait, on était la

23 personne de service. "Est-ce que c'est bien vous ? Je peux voir un bateau

24 ce matin, près de la ville." Ou de Zupa, quelqu'un rendrait compte de

25 certains mouvements de troupes se dirigeant vers Dubrovnik, des chars qui

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1 se rendaient vers Dubrovnik. En fait, c'était un moyen par lequel les

2 habitants pouvaient exprimer leurs préoccupations à ce sujet.

3 Q. Ces rapports que vous receviez par le téléphone, est-ce que vous notiez

4 cela quelque part ?

5 R. Non, personne ne rendait compte à personne, je n'avais aucune raison

6 d'écrire quoi que ce soit.

7 Q. Si quelque chose bougeait dans le chenal, est-ce que vous rendiez

8 compte de cela à quelqu'un d'autre ?

9 R. C'était une sorte de ruse, c'était une sorte de jeu. C'était facile

10 pour les gens, s'ils savaient qu'il y avait une personne qui pouvait rendre

11 compte de ce genre de choses, on pouvait leur dire simplement : "De ne pas

12 avoir peur," et --

13 Q. Alors, que faisiez-vous à ce moment-là ?

14 R. Rien, en fait. C'était comme un jeu d'enfant. On essayait de les

15 tromper un petit peu, pour calmer leur peur. On leur disait : "qu'on était

16 là", et c'est tout.

17 Q. Puisque vous le dites, je vous crois sur parole.

18 R. Mais oui, vous devez me croire. C'était du Ionesco pur et dur.

19 Q. Pourriez-vous me dire qui est Djuro Korda ?

20 M. KAUFMAN : [interprétation] Je pense qu'il s'agit plutôt de Ionesco, I-O-

21 N-E-S-C-O, le dramaturge et pas l'UNESCO.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. Je parlais d'Eugène

23 Ionesco.

24 M. PETROVIC : [interprétation]

25 Q. Je suis beaucoup plus prosaïque dans mes questions. Moi, je vous ai

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1 posé des questions au sujet de Djuro Korda. Je ne vous ai pas posé des

2 questions au sujet d'Ionesco.

3 R. Non, mais c'est moi, car la situation était vraiment absurde. C'était

4 le président, mais je fais référence à Luka Korda, et je le connais très

5 bien. C'est l'homme numéro un de Konavle. Je ne connais pas Djuro Korda. Je

6 connais Luka Korda, qui était un homme très, très gentil, très sympathique.

7 Q. Luka Korda était-il le président du HDZ ?

8 R. Oui, oui à Konavle.

9 Q. Son frère Djuro, n'était-il pas le chef de la police de Dubrovnik ?

10 R. Pour autant que je m'en souvienne, non. Ce n'est pas mon milieu, vous

11 savez.

12 Q. Connaissez-vous Nikola Obuljen ?

13 R. C'est un ami personnel. Il était maire de Dubrovnik. Il était

14 négociateur pendant la guerre. Il a participé à de nombreuses négociations

15 au Monténégro et il a participé aussi aux négociations quand il venait

16 négocier chez nous.

17 Q. Etait-il membre de la cellule de Crise ?

18 R. Oui, peut-être. Puis, il était peut-être même le président de la

19 cellule de Crise. Ne me prenez pas au mot. Je ne dis pas que vous le

20 faites forcément, mais bon, je m'arme dans le cas où.

21 Q. Est-ce que vous avez souvent parlé de la situation à Dubrovnik avec

22 Nikola Obuljen ?

23 R. Non. Vous savez, parfois, à cause de tous ses voyages vers Cavtat, les

24 allers et retours, et cetera pour les négociations, je ne le voyais pas

25 souvent. Mais après, c'est vrai que nous nous voyions plus souvent. C'est

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1 un grand amateur de musique et il apprécie mon travail.

2 Q. Est-ce qu'il a jamais mentionné l'amiral Jokic ?

3 R. Effectivement, il en a parlé. Il a parlé de M. Jokic. Il a parlé de M.

4 Zec, et puis il y en avait un qui s'appelait Sofronije. Il y avait même des

5 graffiti ayant ce nom, dans la ville. Je me souviens quand il est venu pour

6 la première fois à Dubrovnik. Il est venu, après les obus, visiter la

7 ville. Il était vêtu de l'uniforme des forces navales. On a mentionné

8 souvent son nom.

9 Q. Obuljen, est-ce qu'il vous disait quoi que ce soit suite à ces

10 négociations ?

11 R. Quand il revenait, il était plein d'optimisme. Mais parfois, à peine

12 était-il rentré et déjà on nous tirait dessus.

13 Q. Connaissez-vous un Miso Mihocevic ?

14 R. Oui, parfaitement. Il était traducteur lors de ces négociations.

15 Evidemment, quand il y avait des personnalités internationales. Il partait

16 négocier avec Obuljen, Djuro Kolic et quelques autres personnes qui ont

17 participé à ces négociations.

18 Q. Si je vous ai bien compris, Miso faisait équipe de Kolic ?

19 R. C'était le traducteur attitré de l'équipe, car souvent vous aviez des

20 observateurs des Nations Unies et autres personnalités internationales qui

21 étaient présentes lors de ces négociations.

22 Q. Si je vous ai bien compris, c'était le traducteur attitré de la

23 délégation de Dubrovnik.

24 R. Oui, effectivement.

25 Q. Est-ce que vous avez jamais vu une quelconque de ces personnes vêtue

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1 d'un uniforme ?

2 R. La seule personne que j'ai pu voir vêtue d'uniforme était Sofronije et,

3 puis parfois, ces soldats qui étaient au-dessus de chez moi.

4 Q. En ce qui concerne les gens de Dubrovnik, les avez-vous vus vêtus

5 d'uniforme ?

6 R. Non. Il y a un film que j'ai vu à la télé, produit par la télévision

7 B92.

8 Q. Nous allons parler du film plus tard.

9 R. Ce que je voulais vous dire, c'est justement dans ce film, on voit

10 qu'ils n'étaient pas vêtus d'uniforme.

11 Q. C'était à Dubrovnik. Est-ce qu'il y en avait parmi eux qui avaient un

12 lien quelconque avec l'armée ?

13 R. Non.

14 Q. Est-ce que je vous ai bien compris, Obuljen, en tant que membre de la

15 cellule de Crise, il négocie au nom de la cellule de Crise ou bien est-ce

16 qu'il négocie au nom de quelqu'un d'autre ?

17 R. Tout d'abord, c'est un citoyen en vue, et je pense que les citoyens,

18 s'ils avaient à choisir la personne qui allait les représenter et bien il

19 l'aurait choisi. Je ne sais pas qui l'a nommé à ce poste mais j'aurais été

20 parmi les premiers à le nommer à ce poste et à me reposer la question car

21 c'est un très bon politicien.

22 Q. Connaissez-vous Pero Poljanic ? Savez-vous qui c'est ?

23 R. A l'époque il était le maire de Dubrovnik.

24 Q. Quels ont été vos rapports avec M. Poljanic ?

25 R. Je le connais de vue. Et il nous disait bonjour, nous nous saluons.

Page 3212

1 Q. Est-ce que vous êtes content de la façon dont il a sorti sa ville de

2 cette période de crise ?

3 R. Bien je ne sais pas de quelle façon il a mené ses affaires, mais ce que

4 je lui reproche c'est qu'il ne s'est jamais adressé aux citoyens à la

5 différence des hommes de foi, des politiciens, et cetera.

6 Q. Puisque vous connaissez tous ces gens, vous savez plus ou moins qu'il y

7 a eu des conflits entre Sikic et Obuljen d'un côté et Poljanic de l'autre

8 côté, en ce qui concerne justement les positions à prendre ?

9 R. Nous on ne pouvait voir cela. Cela ne se voyait pas de l'extérieur.

10 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de cette initiative qui promet la

11 démilitarisation de la ville et qui émanait de plusieurs autorités

12 municipales ?

13 R. Ecoutez ceci ne devrait pas avoir lieu puisque je vous ai déjà dit que

14 la ville était démilitarisée. Il n'y avait pas d'armée là-bas. Et vous ne

15 pouvez pas démilitariser quoi que ce soit.

16 Q. Est-ce que vous n'avez pas entendu parler de cette initiative-là ou

17 bien est-ce que vous pensez que cette démilitarisation n'avait pas lieu à

18 exister ?

19 R. Et bien si vous voulez ce terme, la démilitarisation, je refuse ce

20 terme mais il y a eu une initiative en ce qui concerne la culture où l'on

21 voulait que l'on transfère tout le patrimoine culturel de valeurs en Italie

22 puisqu'on ne savait pas quel serait le sort réservé à la ville. Et moi

23 j'étais en faveur d'une telle initiative.

24 Q. N'avez-vous pas entendu dire que le maire de Dubrovnik et le président

25 du conseil exécutif de Dubrovnik avaient envoyé une lettre à la présidence

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1 en demandant que la ville de Dubrovnik devienne une ville démilitariser,

2 une zone démilitariser et que le conflit armé s'arrête ?

3 R. Ecoutez c'est le monde entier qui souhaitait cela. Et je ne peux être

4 qu'en faveur d'une telle initiative.

5 Q. Peut-être que je n'étais pas suffisamment précis. En prônant la

6 démilitarisation de la ville et l'arrivée, la venue de forces de l'ONU dans

7 la ville. Est-ce que vous êtes au courant de cette initiative ?

8 R. Je suis au courant que d'une initiative qui a avortée. A l'origine de

9 cette initiative se trouvait M. Kouchner, au nom de Médecins sans

10 frontières. Il a fait un discours à ce sujet. Il a même fait venir un

11 bateau de France pour que l'on fasse sortir tous les citoyens de la ville

12 pour qu'ils quittent la ville et qu'ensuite par le biais de négociations,

13 on libère la ville. La ville qui de toute façon n'était pas perdue pour

14 nous. Et nous les citoyens, nous étions parfaitement contre cette

15 initiative, contre cette proposition. Et c'était une idée complètement

16 stupide et les femmes et les enfants ont refusé de partir et moi je lui ai

17 dit cela. J'ai dit cela à Kouchner. Je lui ai demandé s'il nous avait fait

18 un petit chemin pour pouvoir revenir car il a fait venir un énorme bateau

19 et emmené de nombreuses femmes et de nombreux enfants pour les faire partir

20 vers Venise.

21 Q. Si je vous ai bien compris, vous avez parlé à Kouchner ?

22 R. J'ai participé à son -- j'étais dans l'audience et après on pouvait

23 poser les questions et je lui ai posé des questions.

24 Q. Qui d'autre y était ?

25 R. Et bien il y avait un philosophe, M. Demistura, un philosophe français

Page 3214

1 et ensuite il y avait un certain monsieur Demistura. Je ne sais pas qui il

2 représentait. Et il n'y avait personne de Dubrovnik.

3 Mais vous savez quand ces personnalités professionnelles du monde venaient

4 et bien cela se savait très rapidement. Et les gens venaient pour assister

5 à ces conférences. Mais vous savez cela n'a pas servi à grand-chose.

6 Q. Mais comment vous avez appris que les ambassadeurs de 15 pays

7 venaient ?

8 R. Et bien voyez-vous ma fenêtre est face à l'hôtel Excelsior, face à la

9 mer et j'ai des jumelles et j'ai vu des gens, des gens que je ne

10 connaissais pas, je les ai vus se diriger vers la ville et donc moi aussi

11 je suis allé à la ville.

12 Q. Donc vous les avez vus à travers vos jumelles ?

13 R. Oui. Et je les ai vus avec un drapeau de l'ONU. Et c'était très

14 étonnant car d'habitude les bateaux hissaient le drapeau de la Croix rouge.

15 Q. Est-ce que vous utilisez souvent des jumelles ?

16 R. Mais oui je les utilise au jour d'aujourd'hui encore. Cela s'est mon

17 passe-temps favori. Je regarde les bateaux, tout ce qui passe sous ma

18 fenêtre.

19 Q. Qu'est-ce que vous avez observé -- qu'est-ce que vous avez pu observer

20 à travers ces jumelles ?

21 R. Et bien, j'ai pu voir toute l'armée yougoslave se retirer au bord de

22 ces canonnières en descendant vers l'est Galeb, Jadran, et cetera. J'ai vu

23 quand ils ont voulu incendier Lokrum et quand ils ont envoyé des centaines

24 d'obus incendiaires vers Lokrum et ils n'ont pas réussi à l'incendier.

25 Q. Est-ce que vous pouviez voir l'hôtel Belvédère avec vos jumelles ?

Page 3215

1 R. Oui.

2 Q. Donc, avant la destruction vous n'avez vu rien d'autre ?

3 R. Non, mais j'ai vu quand le premier obus est tombé et il est tombé

4 précisément sur la piscine et la piscine a éclaté.

5 Q. Et avec ces jumelles, vous n'avez pas vu dans la ville de Dubrovnik,

6 vous n'avez vu aucun soldat, vous n'avez vu aucune arme qui n'appartient

7 pas à la JNA ?

8 R. Monsieur, hier avec moi, vous avez regardé cet enregistrement vidéo.

9 S'il y avait des tirs de Dubrovnik, vous auriez vu de la fumée, quelque

10 chose. Dans un cadre vous auriez vu un soldat.

11 Q. Nous allons en parler, nous allons en parler. Qui est Slobodan Lang ?

12 R. C'est un médecin. Je pense que c'est le président du club Amitié

13 américano-croate. C'est un homme qui a une attitude positive. Il est venu à

14 Dubrovnik. Il s'est beaucoup impliqué dans les affaires humanitaires. Plus

15 tard il s'est engagé dans la Bosnie aussi. Donc je ne peux que dire du bien

16 de cet homme.

17 Q. Vous avez mentionné ce monsieur Lang en disant qu'il avait envoyé

18 quelques messages par la radio à Dubrovnik ?

19 R. Oui, le 6 décembre vers 6 heures du soir à la fin, il a demandé les

20 messages des SOS. Il les a envoyé et il nous a dit que le bateau allait

21 venir d'Italie. A ce moment-là, les tirs se sont arrêtés et il n'y avait

22 plus de couvre-feu. En même temps, le ministre Rudolf s'est adressé aux

23 citoyens. Ce n'était pas quelque chose d'inhabituel car souvent il s'est

24 adressé aux citoyens avec de messages.

25 Q. Savez-vous ce qu'il faisait à Dubrovnik ?

Page 3216

1 R. Je sais. Le ministre Rudolf est venu négocier et a rejoint l'équipe

2 d'Obuljen, Golic, et cetera. J'ai fait sa connaissance personnellement pour

3 la première fois, cette fois-ci.

4 Q. Est-ce que vous avez parlé avec ces gens de quoi que ce soit d'autres

5 hormis les carottes et autres denrées que vous avez mentionnées ?

6 R. Et bien. La carotte c'était notre idéal à l'époque alors que toute

7 conversation était vaine. --

8 Q. Vous n'avez jamais demandé à ces gens, que vous voyez, si souvent la

9 situation telle qu'elle était de la forcer la négociation.

10 R. Mais, vous savez, par politesse, je ne pouvais pas leur poser de telle

11 question, mais, spontanément, ils nous disaient de temps en temps que

12 quelque chose, et nous laissaient comprendre que l'autre côté leur a fait

13 des promesses, et cetera, mais ils ne respectaient pas leur promesse

14 apparemment.

15 Q. Est-ce que vous avez rencontré ces ambassadeurs à l'époque ?

16 R. Ils étaient à Stradun. Je n'ai pas parlé avec eux.

17 Q. Hier, en répondant aux questions de mon collègue, de mon confrère du

18 bureau du Procureur, vous avez dit que vous avez vu des officiers de la JNA

19 venir avec les ambassadeurs, vous en avez même reconnus quelques-uns.

20 R. Je vous ai dit, que j'ai vu "Sofronije." Je ne le connaissais pas

21 vraiment. Je ne l'ai pas vraiment reconnu. Mais c'est le seul officier que

22 j'ai pu voir que j'ai vu effectivement.

23 Q. Je vous demande justement d'éclaircir cela.

24 R. D'accord.

25 Q. Vous êtes dans votre appartement. Vous regardez tout ceci à travers les

Page 3217

1 jumelles. Vous apercevez les ambassadeurs et les officiers de la JNA.

2 R. Non, non, je n'ai pas parlé des officiers. J'ai vu un nouveau bateau,

3 et cela m'a intéressé. Je voulais voir ce qu'il en était. Je me suis dirigé

4 vers la ville, et on m'a dit que c'était les ambassadeurs qui avaient

5 emmené Sofronije, ce Sofronije pour qu'il constate qu'on avait tiré sur la

6 ville de Dubrovnik, et qu'on avait détruit les balcons qui datent de

7 l'époque de la renaissance, et dans la rue de Boskociva, et il avait amené

8 pour avoir cela.

9 Q. Il l'a emmené voir cela.

10 R. Non, je ne dirais pas qu'ils l'ont emmené, il est venu avec eux tout

11 simplement pour leur montrer qui -- comprennent-ils bien cela, sur la

12 vieille ville, ce n'est pas un enfant, on ne peut pas l'emmener.

13 Q. Est-ce que vous, vous avez essayé de parler avec les ambassadeurs ?

14 R. Non, car je connais très bien M. Hervoje Kacic, qui faisait partie de

15 cette délégation, et c'est lui qui m'a dit pour quelle raison ils étaient

16 là.

17 Q. Concernant cette canonnière que vous avez évoquée à plusieurs reprises.

18 Vous avez dit qu'on a tiré depuis cette canonnière. N'est-il pas exact que

19 vous avez dit hier que le poète Milisic a été tué par le premier tir de

20 cette canonnière ?

21 R. Oui. C'est exact.

22 Q. Si vous l'avez vu.

23 R. Voyez-vous, à mon appartement, on regarde la mer et la ville de

24 Dubrovnik. A une cinquantaine de mètres de là se trouve l'appartement de

25 Milisic. Ce projectile -- cette balle est rentrée dans son corps

Page 3218

1 directement par la fenêtre depuis la mer, un tir venant de la mer. Comme, à

2 l'époque, on tirait depuis cette canonnière, et on n'avait pas de

3 l'électricité, on a bien pu le voir. D'ailleurs, sa femme, son épouse l'a

4 confirmé.

5 Q. Mais vous ne l'avez pas vu vous-même.

6 R. Mais je ne pouvais le voir. J'ai vu la canonnière.

7 Q. C'est exactement que je vous demande. "Vous ne l'avez pas vu."

8 R. J'ai vu la canonnière qui tire, qui ne tirait pas dans le vide

9 d'ailleurs.

10 Q. On tirait à quelques fréquences depuis ces bateaux ?

11 R. Ils étaient nombreux. Ces bateaux étaient au nombre de trois ou quatre.

12 On tirait assez souvent à partir de ces bateaux.

13 Q. Je pense que vous les avez filmés.

14 R. Oui.

15 Q. Comment étaient-elle déployées, ces canonnières ?

16 R. Un mouvement perpétuel. Il y avait une en direction de Cavtat et

17 l'autre qui était derrière Lokrum, une autre qui était carrément au dessous

18 des remparts. Les canonnières, je les reconnais. Je peux les reconnaître

19 car il y en avait une qui était de garde sans arrêt, c'était justement

20 celle qui était positionnée au niveau de la villa de Kupari. On l'appelait

21 Karaula ou la fin 43. Les autres, c'étaient plutôt des 134 ou quelque chose

22 comme cela, et des bateaux qui portent des missiles.

23 Q. Pourriez-vous m'expliquer cela. Par exemple, cette horrible chose, que

24 vous nous avez décrite, à savoir qu'on a torpillé un bateau de plaisance,

25 et que vous avez filmé ?

Page 3219

1 R. Oui.

2 Q. Comment se fait-il que vous n'avez pas parlé de cela aux enquêteurs du

3 bureau du Procureur quand il s'agissait de parler de votre expérience de

4 1991 ?

5 R. Il y a un gros port de plaisance à Dubrovnik, avec les bateaux très

6 chers et, lors de la première attaque de Golubov Kamen, ils en ont coulé

7 beaucoup et il y a un allemand qui nous a raconté que son bateau a survécu

8 parce qu'il est sorti du port de plaisance. Il y avait aussi beaucoup de

9 vols. On a beaucoup volé dans ces ports de plaisance. Je vous ai parlé de

10 cela car c'est quelque chose d'incroyable. Je l'ai filmé et je leur ai

11 remis cette vidéo.

12 Q. Mais ce qui m'étonne vraiment c'est que, sur cette déclaration, qui a

13 sept ou huit pages --

14 R. Mais citez-moi, allez-y.

15 Q. Mais c'est bien là le problème. Il y a rien à citer. Car d'une part

16 dans cette déclaration, vous ne parlez de cet incident, on aurait coulé ce

17 bateau de plaisance où la JNA aurait fait cela.

18 R. Et bien, peut-être que nous n'avons pas parlé de cela. Vous savez, j'ai

19 parlé avec deux personnes qui étaient très polis, des enquêteurs. C'était

20 en été, nous étions à Dubrovnik, et nous parlions peu de chose extrêmement

21 prosaïque.

22 Q. Mais vous avez mentionné à plusieurs reprises, ces canonnières.

23 R. Oui.

24 Q. Par exemple, au niveau du paragraphe 16 et au niveau du paragraphe 32,

25 et ailleurs, comment est-il possible que vous n'avez pas parlé de cette

Page 3220

1 chose terrible de cet incident terrible ?

2 R. Vous avez absolument raison. C'est quelque chose d'extrêmement -- c'est

3 quelque chose de terrible, vraiment, c'est un incident terrible. Nous avons

4 parlé de beaucoup de chose, mais nous n'avons pas parlé de cela. Mais, vous

5 savez, ces bateaux [imperceptible] aujourd'hui, peut-être même son

6 capitaine.

7 Q. Mais il n'était pas intéressé par cela. Ils ne nous ont pas posé de

8 question au sujet de ces bateaux de ces canonnières.

9 R. On n'a pas vraiment posé des questions précises. Ils nous ont demandé

10 ce qui s'est passé. Je leur ai raconté et ils n'ont pas vraiment posé de

11 questions détaillées.

12 Q. Vous avez sélectionné les choses que vous vouliez leur raconter.

13 R. Non. Non. Je n'ai pas de mémoire sélective. Ce n'était pas cela. La

14 conversation avait lieu, on discutait et j'ai oublié ce détail. Ce n'était

15 pas tellement important. Que vous ne croyez ou non, cela s'est produit.

16 Moi, je l'ai enregistré, je leur ai remis cette bande et depuis j'ai perdu

17 toute trace de la bande.

18 Q. A combien de reprises avez-vous fait des déclarations ?

19 R. J'en ai fait deux ou trois. Deux ou trois. Pour une première fois, je

20 crois que j'ai fait deux déclarations, mais une première fois. Je crois que

21 ces déclarations ont été faites d'un seul trait, en une journée. Cela se

22 faisait à l'hôtel Kompas à Lapad.

23 Q. Dans quelque atmosphère toute cela se déroulait ? Avez-vous été

24 quelqu'un qui faisait attention à ces propos ? Avez-vous été bien

25 concentré ?

Page 3221

1 R. Que voulez-vous que je vous dise ? Qui parle d'été à Dubrovnik ? Peut-

2 être j'ai été concentré pendant une heure lors de nos entretiens, pour le

3 reste, tout s'est passé en de termes forts courtois et agréables

4 Q. Vous ont-ils donné lecture de ce qui était vos propos et tel que propos

5 rédigé ?

6 R. Oui, en effet et j'y ai apposé ma signature.

7 Q. Est-ce exact ? Est-ce que cela reflète exactement vos propos ?

8 R. Je crois que oui et je crois qu'on tourne autour maintenant pour rien.

9 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre a vu votre déclaration ?

10 R. Je ne le sais pas.

11 Q. Est-ce que vous avez parlé pendant longtemps ?

12 R. Oui, oui, pendant longtemps. J'en ai parlé de ce yacht. J'ai dit qu'il

13 avait même une sirène qui se trouvait sur le pont du yacht.

14 Q. Où se trouvait ce yacht ?

15 R. Si vous vous situez un petit peu dans les remparts, où se trouvent les

16 remparts, peut-être à un demi mile des remparts en mer.

17 Q. Fort bien. Dites-moi, s'il vous plaît, le télescope, la caméra qui

18 était la vôtre pour tourner ce dont qui fera objet d'ailleurs de notre

19 débat, de quel type de caméra s'agit-il ?

20 R. Il s'agit d'une toute première génération de caméra MD7, je crois et

21 qui utilise ces grandes cassettes VHS.

22 Q. Par conséquent, il faut introduire une grande cassette à vidéo VHS.

23 R. Oui.

24 Q. Dites-moi, d'après vous, d'après vos expériences pour ce qui est de la

25 durée de ces cassettes, combien de type de cassettes il y en a ?

Page 3222

1 R. Peut-être qu'il y en a dont la durée est de 60, 120 ou 240 minutes. Je

2 ne sais plus.

3 Q. Qu'elles étaient les cassettes utilisées par vous ?

4 R. J'avais toujours à la maison des cassettes pour filmer mes enfants, par

5 exemple, pour le besoin de mes enfants. Alors, d'une durée de 240, peut-

6 être que cela ne correspondait pas très bien à mon lecteur de cassettes

7 vidéo, par conséquent, j'ai opté plutôt pour les cassettes de 120 minutes

8 de durée. Pour parler de ce matériel qui fait l'objet d'un débat depuis

9 deux jours, pendant combien de temps avez-vous fait votre tournage et

10 quelle a été la durée de votre tournage et combien de cassettes ?

11 R. Peut-être il y en avait une ou deux mais avec, évidemment, des pauses.

12 Par conséquent, probablement la première partie de la cassette devait

13 servir pour tourner l'événement que fut mon anniversaire, le reste

14 concernait le tournage que j'ai fait en ville.

15 Q. Puisqu'il s'agit d'une caméra qui date depuis 14, 15 ans, comment vous

16 avez pu voir ce qu'il y avait d'enregistrer déjà pris en vue sur l'autre

17 cassette ?

18 R. Quelle autre cassette ?

19 Q. Sur la cassette dont vous parliez tout à l'heure, sur laquelle vous

20 avez dû enregistrer l'événement de votre anniversaire.

21 R. J'ai tout simplement consulté l'oculaire de la caméra pour voir où nous

22 en étions avec le tournage de l'événement de l'anniversaire et cetera ou

23 bien à l'écran.

24 Q. Mais pouvez-vous m'expliquer comment à l'écran, votre téléviseur,

25 puisqu'il n'y avait pas de courant pendant 150 jours ?

Page 3223

1 R. Je vous ai dit que tout simplement, il y a le viseur, l'oculaire qui me

2 permet de voir jusque où je m'étais arrêté dans mes prises de vue, pas

3 vraiment à l'écran de télévision. Il s'agissait évidemment de quelque chose

4 en noir et blanc, d'abord au début, pas en couleur.

5 Q. Pouvez-vous nous dire quelles sont les piles utilisées pour charger

6 votre caméra ?

7 R. Ordinaire, assez longue. Je vous ai expliqué qu'il m'a fallu une charge

8 qui ne pouvait tenir plus de cinq ou six heures. Voilà la raison pour

9 laquelle j'ai dû aller courir à la municipalité pour faire charger ma

10 caméra.

11 Q. Mais voilà la chose dont vous n'avez pas parlé. Quand est-ce que vous

12 avez dû aller courir à la mairie ?

13 R. Du 7 au 9. Vous vous souvenez là, on a pu voir l'horloge de la ville où

14 les aiguilles montraient 11 heures 40. C'est à ce moment-là, où j'ai dû

15 aller faire charger mes piles.

16 Q. Comment avez-vous fait chargé votre caméra ou piles pour la date du 6 ?

17 R. Je vous ai déjà expliqué. Il y avait un groupe électrogène à Revelin.

18 C'est là où j'ai dû brancher, évidemment, mon convertisseur et pour

19 recharger mes piles.

20 Q. Est-ce que cela dit que c'est la nuit que vous y alliez avec vos

21 piles ?

22 R. Non, non. Je n'étais pas un journaliste reporteur de CNN pour le faire

23 chaque nuit. Tout simplement, j'en avais besoin pour tourner ce que nous

24 avons tourné. Nous l'avons vu.

25 Q. Est-ce que je ne me trompe pas en disant qu'il y avait le couvre-feu

Page 3224

1 décrété à Dubrovnik ?

2 R. Oui, et comment.

3 Q. Est-ce que cela veut dire que vous avez été autorisé à circuler en

4 ville lors du couvre-feu ?

5 R. Il n'en était pas question. Je n'y ai même pas pensé, encore moins

6 l'ai-je dis.

7 Q. Mais peut-être en qualité de membre de la cellule de Crise, avez-vous

8 été autorisé à circuler en ville ? Peut-être que vous ne le saviez pas ?

9 R. Que voulez-vous que je vous dise ? La vraie vérité est que je n'en sais

10 rien et puis, finalement, de peur, je n'osais pas sortir de chez moi.

11 Q. Dites-moi, vos piles peuvent tenir le coup pendant combien de temps

12 pour tourner ?

13 R. Je crois pendant trois heures entières. Cela se peut, oui.

14 Q. Puis, si en date du 6, vous les avez épuisés vos piles, où est-ce que

15 vous l'avez fait rechargée pour tourner en date du 7 pour la première

16 partie ?

17 R. J'en avais encore pour une demi heure. Voilà pourquoi je n'ai pas pu

18 faire quoi que ce soit pour tourner le matin, mais plutôt après-midi pour

19 parler et prendre en vue la ville de Dubrovnik détruite.

20 Q. Par conséquent, vous n'avez pas pu le faire pendant les quelques

21 premières heures de cette journée-là ?

22 R. Oui, en effet et peut-être je me suis maintenant quand même rappelé

23 qu'il y avait une réserve. Peut-être que j'ai fait l'impression de l'avoir

24 fait.

25 Q. Pendant combien de temps, le premier jour vous avez filmé ?

Page 3225

1 R. Ecoutez, je vois où vous voulez en venir. Ce n'est pas que pendant

2 trois heures entières de suite, je devais filmer. Mais, tout simplement, je

3 filme quelque chose et puis après, j'arrête et les piles ne sont pas,

4 évidemment, utilisées lorsque nous sommes en "stand-by".

5 Q. Est-ce que vous êtes sûr que vous en avez parlé en ces termes-là hier

6 lors de la déposition ?

7 R. Ce n'est pas dans ces termes-là que j'ai pu déposer et qu'on parlait

8 hier dans le prétoire.

9 Q. Au sujet de ce qui a été visionné hier, qu'est-ce qu'il y a eu de prise

10 en vue, tourner par vous au mois d'octobre et que nous avons pu voir ?

11 R. Peut-être qu'il n'y a rien de cette période.

12 Q. Etes-vous certain que rien n'a été filmé ?

13 R. Non. Mais cela peut être dit comme cela, oui, ou éventuellement peut-

14 être ai-je filmé ces vaisseaux de retour de Split, et cetera. Mais à cette

15 époque-là, sachez que nous avons eu du courant. Par conséquent, je ne

16 devais pas me préparer évidemment pour être toujours les piles chargées

17 pour pouvoir me documenter sur ceci ou cela.

18 Q. Quand est-ce que vous avez filmé ces vaisseaux et comment ? Dans quelle

19 circonstance ?

20 R. En retrait, par exemple. C'était intéressant. Il y avait du bruit, ça

21 bardé ce jour-là. Puis après, la nuit tombante déjà, on pouvait voir, par

22 exemple, un bateau s'en aller et, après, étant donné que le vent fort, un

23 vent fort s'était levé, ce vaisseau devait aller à Cavtat pour y passer la

24 nuit, pour y mouiller.

25 Q. Il y a quelque chose de fort intéressant maintenant et qui devait

Page 3226

1 figurer sur la cassette vidéo que nous avons vu hier. Où est-ce que c'était

2 très exactement ?

3 R. Il n'était pas dans mes intentions de voir le retrait de l'armée, voir

4 plutôt la défense de ma ville. C'est ce qui m'intéresse. C'est pour moi,

5 surtout intéressant et de grand intérêt.

6 Q. Mais quand vous dites il y a des choses de grands intérêts et vous

7 semble parfaitement intéressantes, vous en faites omission ?

8 R. Est-ce que peut-être vous allez venir à Dubrovnik pour être mon invité

9 pour voir l'ensemble du matériel filmé par nous. Il n'y a pas seulement une

10 cassette là.

11 Q. Volontiers. Mais avant de venir pour être votre invité chez vous, soyez

12 aimable et dites-moi où figure, enregistré ce morceau, de ces instantanés,

13 de ce que vous avez filmé sur cette cassette-là ?

14 R. Il se peut que cela figure dans l'une de ces deux cassettes. Je suis

15 là, en qualité de témoin, pour témoigner de l'attaque sur Dubrovnik et de

16 la démolition de Dubrovnik. Je ne me propose pas évidemment de parler de

17 retrait ou de l'action de l'armée yougoslave. Ceci peut être intéressant

18 pour des archivistes un jour, un autre jour peut-être.

19 Q. Est-ce dire que vous avez remis également ce matériel-là à ces

20 messieurs du bureau du Procureur ?

21 R. Non, non, parce que j'ai, tout simplement, considéré que ceci n'était

22 pas nécessaire pour la raison que je viens d'évoquer.

23 Q. Est-ce que, hier répondant à l'une des questions posées, si je ne me

24 trompe pas, par M. le Président, que vous y avez omis dans ces bandes

25 cassettes, uniquement, les moments où rien ne se passait, d'après vous. Il

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1 y avait une trêve, le calme régnait.

2 R. Oui, oui, exactement. J'ai dit en ces termes-là mais je ne vois pas en

3 quoi ceci pourrait être intéressant pour cette Chambre de première instance

4 que de parler du retrait de la JNA.

5 Q. Est-ce qu'il y a d'autres instantanés, d'autres affaires, qui d'après

6 vous ne seraient pas intéressants et surtout, pas intéressants pour cette

7 Chambre de première instance ?

8 R. Oui, certainement. J'ai pu filmé, par exemple, les voiliers et les

9 yachts qui ont été coulés dans le vieux port. Ensuite, j'ai l'épisode qui

10 concerne le voilier Roditelj qui est un des plus importants, des plus vieux

11 qui a été coulés, et cetera. Ensuite, j'ai pu filmer aussi une ou deux

12 Maljutkas, par exemple, pendant que ces engins opéraient. Voilà pour quelle

13 raison, j'ai présenté, uniquement, ce qui me semblait être intéressant.

14 Q. Voulez-vous me dire quel est l'intérêt d'un verre d'une bouteille d'une

15 boisson quelconque qui se trouve sur une table sur votre terrasse ? Quel

16 serait l'intérêt de tout cela pour la Chambre de première instance et qui

17 dure, que cette cassette-là pendant 40 minutes ?

18 R. Où est-ce que vous avez vu cela ?

19 Q. On l'a vu lors du visionnage de l'une des cassettes que vous nous avez

20 remises.

21 R. Je ne m'en souviens plus, mais pourquoi ne pas voir entre autre un

22 verre d'une boisson quelconque ou d'une bouteille. En tout cas, je ne crois

23 pas que tel fut le cas parce qu'à cette époque-là, il n'y avait pas de

24 boisson. Il n'y avait rien à boire à Dubrovnik.

25 Q. On y reviendra un peu plus tard. Pourquoi, nous sommes à la 13e minute

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1 du transcript, vous avez filmé des chiens errant sur une plage. Où est

2 l'intérêt de tout cela pour la Chambre de première instance ?

3 R. C'est un fait fort important et intéressant parce qu'il s'agit de

4 chiens de race errant parce que perdus, parce que perdus comme l'ont été

5 également hommes et femmes de Dubrovnik.

6 Q. Nous voyons, par exemple, sur l'une de vos tables, des boissons, des

7 verres, des bouteilles, et cetera.

8 R. Oui, on aurait pu voir, mais ne me prenez pas évidemment au mot.

9 Q. Je vais vous dire, 42e minute, on présente le plafond du monastère

10 franciscain; 43e minute, nous voyons une canonnière tirer sur la ville, 44e

11 minute, une bouteille d'un alcool je crois, de la Poire William, alors

12 comment se fait-il ?

13 R. Une dernière fois où j'ai pu voir de cette eau de vie, viljanbovka

14 [phon] en Slovénie, ce n'est pas une boisson qui se fait courante dans ma

15 maison.

16 Q. Il se peut qu'il s'agisse d'une autre boisson, ou d'un autre alcool ?

17 R. Cela se peut, mais en tout cas, c'est ma maison, mon petit coin de

18 liberté et c'est tout.

19 Q. Je ne conteste pas, Monsieur, qu'il s'agit du fait que c'est votre

20 maison et votre coin de liberté. Je voulais vous demander quelle est la

21 cassette vidéo que vous avez remise à ce Tribunal et ce qui fait l'objet de

22 nos discussions ?

23 R. Je crois, Monsieur, que vous rêvez en n'en parlant. Faites-moi revoir

24 la 44e minute de ce qui y a été visionné et je vous dirai ce qu'il y a sur

25 le balcon, sur ma terrasse.

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1 M. KAUFMAN : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, qu'il doit y

2 avoir une règle de procédure dans les jurisprudences anglo-saxonnes pour ce

3 qui est de poser des questions dans la foulée. Si M. Petrovic veut y

4 trouver un point fort, nous pourrions le faire à moins qu'il y ait une

5 grande nécessité de parler de cette bouteille d'alcool, de viljanbovka.

6 M. PETROVIC : [interprétation] C'est bien d'entendre que cela m'intéresse

7 mais ce qui m'intéresse, c'est de voir comment on a procédé au montage de

8 cette cassette vidéo. Comment se fait-il qu'on voit des choses pareilles

9 alors que, sur l'ensemble de ces quelques heures pendant lesquelles la

10 ville de Dubrovnik était bombardée comme le dit et prétend M. Jusic, nous

11 ne voyons que neuf minutes et 27 secondes de pilonnage. Voilà la raison

12 pour laquelle, je pose la question. Qu'est-il advenu du reste du matériel

13 tourné ?

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Petrovic, il n'y a pas de

15 doute que ce que vous venez de dire et qui, d'après vous, serait un point

16 fort, pourrait avoir de la pertinence pour la thèse qui est la vôtre du

17 conseil de la Défense. Mais, vous le faites d'une façon un petit peu

18 sinueuse. Pour avoir le point fort de quelque chose qui vous intéresse,

19 vous devriez aller tout droit. S'il y a quelque chose qui ne cloche pas

20 avec votre question de tout à l'heure, auriez-vous été en mesure de poser

21 une autre question. Je crois qu'il y a plusieurs minutes déjà que nous nous

22 entretenons de bouteilles et verres. Le fait est que quelque chose a été

23 pris en vue, qui n'est pas pertinent pour cette affaire où nous sommes et

24 pour ce dont le témoin est en train de déposer. Si vous le considérez comme

25 important, faites-le un peu plus vite. Pourquoi y aller de façon qui nous

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1 écarte de tout le reste, alors que, pour une première fois il vous avait

2 répondu, une réponse à votre question. Alors que d'autres fois, vous avez

3 répondu des questions qui sont plutôt de nature à me décevoir.

4 M. PETROVIC : [interprétation] Excusez-moi, j'accepte cette critique qui

5 vient de m'être adressée.

6 Mme SOMERS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais si,

7 comme il est vraisemblable, le contre-interrogatoire ne pourra pas être

8 conclu aujourd'hui, alors avec tout le respect que nous avons, pendant

9 quelques minutes où le témoin ne serait pas dans le prétoire, serions-nous

10 en mesure de traiter d'une matière qui nous semble d'urgence et

11 importante ? Autrement dit, est-ce que cette Chambre de première instance

12 nous autorisera à faire venir, à la barre, ce témoin demain.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est ce que j'avais à l'esprit.

14 Etes-vous à la fin du contre-interrogatoire, Maître Petrovic.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Je crois que pour ce qui est de la majeure

16 partie de mes questions que j'ai voulues poser en contre-interrogatoire, je

17 les ai déjà posées.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez poursuivre le

19 contre-interrogatoire du témoin pendant les quelques minutes qui viennent.

20 M. PETROVIC : [interprétation]

21 Q. Dites-moi, qu'est-ce que vous avez filmé en novembre sur votre film ?

22 R. Vous demandez tant de détails, des dates, des choses de ce genre. Je ne

23 sais pas, peut-être rien à filmer. Peut-être qu'il n'y avait rien.

24 Q. Lorsque vous regardez votre film, est-ce que vous pouvez dire ce qui a

25 été filmé, à quel moment ?

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1 R. Oui, je peux. Je vous ai dit hier, ceci était le 6 et ceci était le 7,

2 et je vous ai dit d'autres choses se situaient vers la fin du mois de

3 novembre. Par exemple, la voiture que l'on voit dans les airs, c'était en

4 novembre et c'était avant l'attaque principale sur Dubrovnik.

5 Q. A la fin du film, la canonnière qu'on peut voir, comme dernière prise

6 de vue, sans tenir compte de ce que nous venons de discuter maintenant,

7 quand est-ce que cela a été filmé ?

8 R. Probablement, le 7. Ce n'est pas une canonnière, mais deux canonnières,

9 l'une à côté de l'autre, du côté de Cavtat, deux canonnières.

10 Q. Le 7, vous vous rappelez que cette canonnière, en fait, était en train

11 de tirer.

12 R. Je ne sais pas, en ce qui concerne cette canonnière en particulier,

13 mais elle tirait, et comment. Il y avait beaucoup de fumée qui provenait de

14 là.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais m'arrêter

16 à ce stade et continuer demain. Toutefois, je voudrais également demander

17 votre aide, en ce qui concerne une question particulière. J'en ai discuté

18 avec mes confrères. Malheureusement, la Défense n'a pas le matériel

19 technique nécessaire pour montrer le film à M. Jusic, de sorte qu'avec

20 votre permission, si j'ai bien compris ce qu'ont dit mes collègues, ils

21 sont prêts à aider la Défense. Ils ont dit qu'ils étaient de bonne volonté.

22 Je voudrais donc votre permission pour que, lorsque nous révisionnerons ce

23 film, Mme McCreath puisse aider la Défense de la manière

24 suivante : elle présentera la prise de vue pertinente pour la Défense, elle

25 le représentera aux membres de la Chambre. Bien entendu, si vous pouvez

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1 trouver cela acceptable, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman, est-ce que ceci

3 soulève des problèmes ?

4 M. KAUFMAN : [interprétation] Nous avons bien entendu, je peux dire au nom

5 de la Chambre ce que j'ai discuté avec Me Petrovic lors de la suspension,

6 et le fait qu'il s'agit de pièces à conviction présentées par l'Accusation,

7 Me Petrovic n'a pas les possibilités techniques, bien qu'il serait prêt à

8 nous aider. Mais lorsque nous en venons aux arguments de la Défense, je

9 voudrais qu'il soit bien compris, d'après notre accord sur ce point, qu'il

10 sera en train de présenter des pièces à conviction de la Défense ou

11 préparer des pièces à conviction qui devront être présentées sur du

12 matériel de l'Accusation.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, Maître

14 Petrovic demande de l'aide de façon à ce qu'on le puisse présenter des

15 extraits de votre film.

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Comme je l'ai dit, ceci nous aiderait.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est votre réponse, Maître Petrovic.

18 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, avant que vous en

20 finissiez, quelles sont vos prévisions au point de vue temps nécessaire

21 pour demain.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Je suis convaincu que j'en aurai fini avant

23 la première suspension d'audience.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci nous est très encourageant.

25 Soyons bien clair, je suggère que vous ne serez pas autorisé à aller au-

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1 delà de la première suspension d'audience.

2 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Jusic, comme vous en rendez

4 compte, je dois dire que votre déposition devra se poursuivre demain, bien

5 qu'il est assez clair que vous aurez fini au cours de la matinée de demain,

6 et qu'à ce moment-là, vous serez libre de partir. Je vous remercie beaucoup

7 de votre participation, de votre présence aujourd'hui, et du fait que vous

8 soyez prêt à être ici demain matin. Si vous voulez bien quitter le prétoire

9 maintenant. Il y a apparemment d'autres questions que nous devons discuter

10 au sein de la Chambre avant de lever l'audience d'aujourd'hui.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie de vos aimables paroles et je

12 vous dis à demain.

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers.

15 Mme SOMERS : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

16 Président. Je crois qu'il serait nécessaire que nous soyons à huis clos

17 partiel, parce que ceci a trait à une question de santé, et aux ordonnances

18 qui pourraient être prises en conséquence.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. La Chambre va tenir une audience

20 à huis clos. C'est bien cela.

21 Mme SOMERS : [interprétation] Oui. A huit clos absolument, je vous

22 remercie.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

24 [Audience à huis clos partiel]

25 (Expurgé)

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12 Pages 3234 à 3239 –expurgées– audience à huis clos partiel.

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1 (Expurgé)

2 (Expurgé)

3 --- L'audience est levée à 13 heures 55 et reprendra le jeudi 26 février

4 2004, à 9 heures 00.

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