Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le mercredi 3 mars 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, à tous et à toutes. Veuillez,

6 je vous prie, transmettre à Mme Somers les condoléances de la Chambre à

7 l'occasion du décès de son père.

8 M. RE : [interprétation] Je ne manquerai pas de le faire, Monsieur le

9 Président.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Etes-vous prêt à citer à la

11 barre, le témoin suivant.

12 M. RE : [interprétation] Oui. Précédemment, je souhaiterais informer la

13 Chambre qu'à un moment de cette journée, les trois psychiatres qui ont été

14 engagés par l'Accusation pour examiner l'accusé, M. Strugar, seront

15 présents dans la galerie du public. Je ne sais pas exactement quand.

16 Le témoin suivant est Zineta Ogresta, et je souhaiterais qu'on la fasse

17 venir dans le prétoire.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Veuillez, s'il vous plaît,

21 prononcer la déclaration solennelle, qui est inscrite sur ce carton.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 LE TÉMOIN: ZINETA OGRESTA [Assermenté]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re, c'est à vous.

4 Interrogatoire principal par M. Re :

5 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Ogresta, veuillez, je vous prie de

6 donner vos noms et prénoms à la Chambre de première instance.

7 R. Je m'appelle Zenita Ogresta. Mon nom de jeune fille est Dilberovic, je

8 suis née le 30 décembre 1950, à Dubrovnik.

9 Q. Est-ce que vous habitez toujours à Dubrovnik ?

10 R. Oui. Malheureusement, j'habite toujours à Dubrovnik dans un hôtel. Je

11 ne suis toujours pas rentrée dans ma maison.

12 Q. Quelle est votre profession ?

13 R. Je suis à la retraite. Je bénéficie d'une pension d'invalidité parce

14 que j'ai eu un cancer du sein. Mais avant cela j'avais un travail

15 d'administrative au sein du dispensaire.

16 Q. Est-ce que vous habitiez à Dubrovnik en 1991 ?

17 R. Oui, depuis ma naissance.

18 Q. En octobre, novembre jusqu'au 6 décembre, à quelle adresse habitiez-

19 vous ?

20 R. Od Sigurate numéro 2.

21 Q. Où cela se trouve-t-il par rapport au palais des festivals ?

22 R. En face du palais des festivals. Le palais des festivals est au numéro

23 1.

24 Q. Il s'agit bien entendu de la vieille ville.

25 R. Oui. Oui.

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1 Q. En octobre, novembre, décembre 1991, quel emploi occupiez-vous ?

2 R. Je travaillais au laboratoire de microbiologie au service de santé de

3 Dubrovnik et en octobre, lorsque cette guerre atroce s'est déclaré, qui a

4 entraîné tant de souffrance, je travaillais au laboratoire; cependant,

5 toute de suite après, le début de la guerre, on a déplacé l'ancienne

6 hôpital à Medarevo lorsqu'on a entendu les premières sirènes. On allait à

7 Medarevo pour travailler dans le nouvel hôpital.

8 Q. Est-ce que ces locaux, ces installations en dehors de la vieille ville

9 se trouvent à Dubrovnik ?

10 R. Oui. En dehors de la vieille ville, mais toujours à Dubrovnik.

11 Q. Ultérieurement, je vais vous montrer des photographies de votre maison,

12 mais pour l'instant, je voudrais que vous disiez à la Chambre de première

13 instance combien il y avait d'étages dans cette maison où vous habitiez ?

14 R. Deux étages, plus le rez-de-chaussée et le grenier. En tout, quatre

15 niveaux.

16 Q. Trois niveaux et un grenier.

17 R. Oui.

18 Q. Bon. Commençons par le bas. Qu'est-ce qu'il y avait au rez-de-

19 chaussée ?

20 R. Au rez-de-chaussée, il y avait un entrepôt, un magasin qui appartenait

21 à un commerce qui vendait des chaussures. Je crois que c'était la société

22 Obuca Beograd ensuite c'est devenu la société Alpina, cela changeait assez

23 vite.

24 Q. Votre maison se trouvait au coin du Stradun et de Od Sigurate.

25 R. Oui. Au nord-ouest, quand on se place à partir du Stradun.

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1 Q. Le magasin où cet espèce d'entrepôt qui se trouvait au rez-de-chaussée,

2 est-ce qu'il avait une entrée sur le Stradun ?

3 R. Oui. Au sud. C'est là que se trouvait l'entrée du magasin. Le magasin,

4 disons l'entrepôt, là où on entreposait les marchandises, cela se trouvait

5 au rez-de-chaussée de notre maison. Dès qu'on entrait dans le bâtiment, à

6 gauche.

7 Q. Sur quelle rue, Od Sigurate ou Stradun ?

8 R. Non, sur le Stradun. C'est là que se trouvait l'entrée du magasin. Mon

9 entrée à moi se trouvait sur Od Sigurate, au

10 numéro 2.

11 Q. Maintenant, passons au deuxième niveau de la maison, c'est-à-dire au

12 premier étage ?

13 R. Au premier étage, il y avait des espèces d'étagères en pierre

14 extrêmement belles parce que c'était une ancienne maison de la noblesse.

15 C'était un mur en pierre extrêmement beau qui aurait dû être protégé comme

16 tout Dubrovnik par l'UNESCO. Je pense que cela avait une grande valeur

17 culturelle, ce bâtiment en pierre.

18 Q. Au rez-de-chaussée, il y avait un magasin et aux deux étages

19 supérieurs, c'était résidentiel ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce quelqu'un habitait au premier étage ?

22 R. Une dame, Mme Matic qui habitait là.

23 Q. Quel était le prénom de cette dame ?

24 R. C'était Mme Marija Matic.

25 Q. Combien y avait-il de pièces au premier étage ?

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1 R. Je n'en suis pas tout à fait sûre. Peut-être quatre, plus la salle de

2 bain et tout cela.

3 Q. Quand était né Mme Matic ?

4 R. Mme Matic -- Mme Marija Matic était née en 1900 plutôt en 1910. A

5 l'époque, elle avait 81 ans.

6 Q. Qui habitait au deuxième étage ?

7 R. Avec ma sœur, mon neveu, son épouse et un autre enfant.

8 Q. Vous dites que vous êtes née en 1950, vous aviez 40 ans le 6 décembre

9 1991 ?

10 R. Oui, 40 ans. En fait, mon anniversaire c'était le 30 décembre, donc je

11 n'avais pas tout à fait 40 ans.

12 Q. Je pense que vous voulez de dire que vous n'aviez pas tout à fait 41

13 ans. Vous dites que vous travailliez dans un dispensaire et à l'hôpital en

14 1991, est-ce que vous étiez membre de l'armée en 1991 ?

15 R. Non, non, non, j'étais civile à 100 %.

16 Q. Vous venez de parler de votre sœur, quel âge avait-elle en 1991 ?

17 R. Quarante-quatre ans.

18 Q. En décembre 1991, quel emploi occupait-elle ?

19 R. A cette époque-là, elle ne travaillait pas, mais, sinon, elle avait une

20 boutique à Babin Kuk. Elle gérait cette boutique avec une collègue, une

21 autre dame; elle faisait de la couture; elle créait des vêtements, et

22 cetera.

23 Q. Est-ce qu'elle faisait partie de l'armée en décembre 1991 ?

24 R. Non, jamais, elle ne sait même pas ce que c'est que l'armée.

25 Q. Votre neveu habitait également avec vous. Quel âge avait-il ?

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1 R. Oui, cela est exact. Il avait 33 ans.

2 Q. Quelle était sa profession en décembre 1991 ?

3 R. Il travaillait chez un imprimeur non loin de Dubrovnik à Zupa mais

4 cette imprimerie, parce qu'il faut savoir que dans les premiers pilonnages,

5 on visait l'extérieur de Dubrovnik. L'imprimerie a été complètement

6 détruite si bien qu'il a perdu son emploi.

7 Q. Est-ce qu'il était membre de l'armée en décembre 1991 ?

8 R. Non, pas du tout.

9 Q. Qu'en est-il de la femme de votre neveu. Quel âge avait-elle en

10 décembre 1991 ? Quelle était son activité professionnelle ?

11 R. Trente ans, je crois, la trentaine.

12 Q. Quelle était son activité ?

13 R. Elle travaillait dans la comptabilité au centre du bien-être social.

14 Q. Est-ce qu'elle était membre de l'armée ?

15 R. Non.

16 Q. Vous nous dites qu'il y avait également un enfant qui habitait avec

17 vous, qui était-ce ?

18 R. Oui, c'était Deni -- Deni Dilberovic. Il avait quatre ans quand la

19 guerre s'est déclarée.

20 Q. Est-ce que c'était votre petit neveu, c'est-à-dire, l'enfant de votre

21 neveu et de son épouse ?

22 R. Oui.

23 Q. Pourquoi votre neveu, sa femme et leur enfant habitaient-ils avec vous

24 en décembre 1991 ?

25 R. Ils habitaient là tout le temps parce que mon père avait jouissance de

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1 cet appartement en tant que locataire et, dans le système socialiste, on

2 héritait de ce droit. Si bien qu'après la mort de mon père, cela est passé

3 à ma mère, et ensuite à ma sœur et on vivait tous ensemble parce que cela

4 était un grand appartement d'environ 250 mètres carrés avec le grenier. On

5 habitait tous à cet endroit. Ils y habitaient depuis leur naissance

6 pratiquement.

7 Q. Qui est le propriétaire de ce bâtiment ?

8 R. Voilà comment cela se passait. Le bâtiment avait plusieurs

9 propriétaires. L'un des propriétaires principaux, j'imagine que cela était

10 le propriétaire de notre appartement, c'était Mme Ljiljana Bulic. Elle

11 habitait à Split. Elle avait hérité de la maison. Une partie de la maison

12 appartenait à la famille Murati. Une famille très nombreuse mais il ne

13 possédait qu'une partie infime de la maison peut-être un seizième de la

14 maison.

15 Q. Est-ce que votre famille occupait le deuxième étage, c'est-à-dire, le

16 troisième niveau ainsi que le grenier ?

17 R. Oui.

18 Q. Sur quel côté donnait le grenier, est-ce qu'il donnait sur le Stradun

19 ou sur Od Sigurate ?

20 R. Sur les deux, sur le Stradun et sur Od Sigurate.

21 Q. Lorsque vous regardiez par la fenêtre du grenier, pas du côté du

22 Stradun, que pouviez-vous voir, sur quoi donnait ces fenêtres-là ?

23 R. Moi, je regardais toujours Srdj, le mont Srdj parce que c'était là

24 qu'avait lieu la plus grande partie des pilonnages. Ils pilonnaient, il y

25 avait de la fumée, c'était atroce.

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1 Q. Quand vous regardiez par la fenêtre du côté de la rue Od Sigurate,

2 qu'est-ce que vous voyiez ?

3 R. On voyait l'hôtel Impérial.

4 Q. J'aimerais que vous décriviez à l'intention des Juges de la Chambre

5 l'intérieur du bâtiment, les escaliers et les pièces. Commençons par les

6 escaliers.

7 R. On entrait par l'entrée principale avec un hall. A gauche, il y avait

8 l'entrée de la boutique et à gauche ensuite, il y avait l'entrée vers

9 l'entrepôt disons, l'espace d'entrepôt et puis à gauche il y avait quatre

10 marches ce qu'on appelle "skalini", dans notre langue.

11 Ensuite, il y avait une espace assez réduit de quelques mètres carrés,

12 peut-être trois mètres carrés, peut-être encore moins. Et puis il y avait

13 un escalier, un escalier en bois, jusqu'au premier étage, ou plutôt

14 jusqu'au deuxième pallier. Il y avait des escaliers en bois. J'ai

15 pratiquement oublié, cela fait 13 ans. Je ne me souviens pas très bien, en

16 tout cas. Il y avait un escalier en bois qui menait jusqu'à mon étage. Je

17 ne peux pas vous donner une bonne description du premier étage, parce que

18 je ne suis jamais entré dans l'appartement de Mme Marija, mais dans mon

19 appartement à moi, il y avait huit pièces. On avait un grand couloir, les

20 plafonds étaient très hauts. C'était à l'ancienne, c'était un appartement à

21 l'ancienne, un appartement situé dans une maison, une vieille maison de

22 Dubrovnik. Il y avait une véranda. C'était un appartement extrêmement beau,

23 un bâtiment magnifique, un véritable palace. Une grande valeur artistique,

24 donc.

25 Q. Les Juges de la Chambre ont souvent entendu parler, par des témoins,

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1 d'un palais à Dubrovnik. Est-ce qu'on peut dire que votre maison était un

2 de ces palais ?

3 R. Oui, tout à fait. Il y avait deux écussons. Il y en avait un qui était

4 un petit peu endommagé, mais pas trop.

5 Q. Vous dites que les plafonds étaient extrêmement hauts. Est-ce que les

6 pièces avaient des poutres ?

7 R. Oui, il y avait des poutres, mais peut-être les choses en auraient-

8 elles été autrement si la surface avait été plus solide.

9 Q. Est-ce que la véranda avait une balustrade ?

10 R. Oui, très ornementée, avec des piliers dans le style baroque.

11 Q. Pouvez-vous nous donner une idée de l'état de l'intérieur de votre

12 appartement par rapport à l'état dans lesquels se trouvaient d'autres

13 bâtiments semblables à Dubrovnik dans la vieille ville ?

14 R. Je ne veux pas pécher par vanité, mais je peux dire que c'était quand

15 même un des appartements des plus magnifique de la ville. Celui dont mon

16 père avait la jouissance en tant que locataire, mais au fil des années,

17 nous avons beaucoup travaillé, nous avons fait beaucoup de choses dans cet

18 appartement pour le rendre encore plus magnifique. On a réaménagé le

19 grenier, on a rajouté une cheminée, un manteau de cheminée, c'était

20 magnifique. On louait certaines pièces aux étrangers. Ils étaient tous

21 surpris de la magnificence de cet appartement. C'était vraiment très

22 imposant. Par exemple, le salon faisait quelques 30 mètres carrés. Il y

23 avait d'autres pièces comme cela aussi. C'est un appartement qui avait

24 vraiment une âme, si on peut dire. Peut-être est-ce simplement mon

25 sentiment à moi, mais c'est vraiment ce que je ressentais quand j'étais là.

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1 Q. Est-ce qu'il y avait dans cet appartement des éléments décoratifs

2 particuliers ? Des détails bien particuliers ?

3 R. Oui. J'ai déjà expliqué qu'il y avait une série d'étagères décoratives

4 qui étaient intégrées dans le mur.

5 Q. Cela faisait partie intégrante du bâtiment ?

6 R. Oui, c'était une sorte de placard.

7 Q. En décembre -- en décembre 1991, combien y avait-il de personnes qui

8 habitaient à Ordre Sigurate, dans cette rue ?

9 R. Dix-sept, 20. Mais la maison est vide, maintenant.

10 Q. Est-ce que c'étaient des soldats ou des civils ?

11 R. C'étaient exclusivement des civils.

12 Q. Quel était l'âge moyen, la tranche d'âge des personnes qui habitaient

13 dans la rue ?

14 R. Entre 50 et 70 ans, et il y avait une dame, Mme Maria, qui avait 81

15 ans.

16 Q. Y avait-il des enfants dans la rue outre votre neveu Denis ?

17 R. Oui, il y avait peut-être jusqu'à six enfants. Il y avait des enfants

18 qui étaient venus de l'extérieur, car au tout début lorsque le pilonnage a

19 commencé, cela se passait à l'extérieur de la ville, et les habitants qui

20 habitaient à l'extérieur de la ville avaient peur, et ils sont venus à

21 l'intérieur de la ville, au centre-ville, car nous estimions que c'était

22 l'endroit le plus sûr. Nous croyons que Dubrovnik, en tant une vieille

23 ville, était une ville protégée et ne subirait jamais de pilonnage, et nous

24 estimions que c'était un endroit sûr.

25 Q. Quel était l'âge des six enfants qui habitaient dans votre rue ?

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1 R. Il y avait ma nièce qui avait 4 ans. Les autres avaient entre 6 et 8

2 ans, alors que les deux autres étaient des adolescents, ils devraient avoir

3 entre 13 ou 12 ans.

4 Q. Simplement pour préciser un point, vous dites que certaines personnes

5 étaient venues de l'extérieur. J'aimerais savoir combien de ces enfants

6 étaient venus habiter dans la vieille ville avec les membres de leurs

7 familles qui étaient venus s'abriter dans la vieille ville lorsque le

8 pilonnage a commencé ?

9 R. Il y avait cinq enfants qui habitaient là de façon continue, et pour ce

10 qui est des enfants qui étaient venus de l'extérieur, lorsque la guerre a

11 commencé, c'étaient deux ou trois enfants. Nous ne maintenions pas de

12 contacts avec la partie supérieure de la rue.

13 Q. Vous avez expliqué à la Chambre de première instance que le pilonnage a

14 commencé à un moment donné. Quand a-t-il commencé ?

15 R. C'était le 1er octobre 1991. Je m'étais réveillé ce matin-là, comme

16 d'habitude, tôt. Une collègue était venue dormir chez moi. Alors que nous

17 nous préparions à partir travailler, nous avons entendu une détonation qui

18 se rapprochait. Et je me suis dit : "C'est très bizarre. Comment se fait-il

19 que ce matin, j'entende ce bruit qui semble être si près ? Comment est-ce

20 possible que ces détonations soient si rapprochées ?" Et j'ai regardé par

21 la fenêtre, et j'ai vu qu'il n'y avait personne dans la rue, et je me suis

22 dit : "Mon Dieu, la guerre commence."

23 Je me suis préparée pour aller travailler. J'ai entendu ensuite les sirènes

24 et je devais aller travailler. Je suis allée travailler même si j'avais

25 entendu les sirènes. Je me suis quand même dirigée au travail. J'avais un

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1 travail administratif important, et je suis donc allée travailler.

2 Lorsque je suis arrivée à mon lieu de travail j'ai entendu les détonations,

3 les avions volaient très bas, on les entendait. Lorsque Srdj a été

4 bombardé, j'avais l'impression que je regardais un film. Cela semblait

5 tellement irréel. J'avais l'impression de regarder un film d'horreur se

6 dérouler devant mes yeux. Je n'ai jamais d'ailleurs aimé ce genre de films.

7 C'était vraiment une vraie horreur.

8 Q. Pourriez-vous nous dire quel genre d'avions il s'agissait, ces avions

9 qui ciblaient Srdj ? Ils appartenaient à quelle partie ?

10 R. Ces avions appartenaient à la JNA.

11 Q. Est-ce que vous avez mémoire des dommages avaient été causés à la

12 vieille ville suite à ce bombardement du 1er octobre.

13 R. Je crois que c'est plusieurs bâtiments qui avaient été atteints.

14 L'église de Saint-Blaise. Il y avait également la Sponza, je crois que plus

15 tard ces bâtiments ont été reconstruits, mais il y avait également le

16 cloître franciscain qui avait été atteint. Et ensuite, il y a eu d'autres

17 bombardements, le 6 décembre 1991.

18 Q. Pour l'instant, je vous poserai simplement des questions se rapportant

19 au 1er octobre. Y a-t-il eu d'autres bombardements dont vous vous souvenez,

20 ce 1er octobre y a-t-il eu d'autres bâtiments d'atteints ?

21 R. Il y avait le musée de Rupe. Si je me souviens bien, il y avait

22 plusieurs bâtiments qui avaient été atteints et endommagés. Je sais que mon

23 mari a fait état de tout cela. Il a tout écrit, les dates, mais je ne sais

24 vraiment pas vous répondre plus.

25 Q. Qu'en est-il du mois de novembre. Dites-nous si vous vous souvenez si

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1 on a pilonné la vieille ville en novembre et si vous ne vous souvenez pas,

2 je vous prierais également de nous le dire ?

3 R. Je crois qu'il y a eu d'autres pilonnages effectués en octobre et en

4 novembre. Je ne me souviens pas des dates exactes.

5 Mais je sais que nous nous abritions chez un voisin qui habitait en face de

6 notre maison. Ce n'était un vrai abri mais sa maison était assez solide. Il

7 avait également une agence de voyages, et c'est là que nous nous abritions.

8 Nous allions toujours chez lui. Ce n'était pas un vrai abri, mais sa maison

9 était solide.

10 Q. Vous avez parlé d'abri. Je vous demanderais de nous dire où se trouvait

11 l'abri le plus proche de la rue Od Sigurate sur Stradun ?

12 R. C'était dans la tour de Minceta. C'est une tour très solide. C'est une

13 forteresse en réalité. J'ai toujours été très optimiste dans la vie, mais

14 des fois, cela ne sert à rien.

15 Q. La nuit du 5 décembre 1991, est-ce que vous l'avez passée dans votre

16 maison dans la rue Od Sigurate aussi ?

17 R. Oui. Mais tous les soirs, on entendait des détonations, des coups de

18 feu. On nous insultait. On essayait de nous faire peur. Pendant un certain

19 temps, je n'osais même pas dormir à cause de ces détonations. Ils

20 illuminaient ma fenêtre. On essayait de nous provoquer, de nous intimider.

21 Je ne me souviens pas de cette façon militaire d'agir, mais c'étaient des

22 balles incendiaires qui me réveillaient. Mais je vivais, j'essayais de

23 supporter tout cela.

24 Q. Je vous interromps quelques instants pour vous demander de nous parler

25 du 6 décembre. Je vous prierais de vous concentrer sur la question, et de

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1 bien suivre la séquence des événements que je vais vous demander de nous

2 décrire.

3 R. Oui. Je vous écoute.

4 Q. Vous venez de dire à la Chambre de première instance que vous avez

5 passé la nuit du 5 décembre dans votre maison. Je souhaiterais passer au

6 matin qui a suivi, donc le 6 décembre, je souhaite que l'on parle du

7 lendemain matin.

8 Que s'est-il passée cette nuit-là ? Et à quelle heure vous êtes-vous

9 réveillée ?

10 R. Je me suis réveillée très tôt, même si ces balles incendiaires me

11 réveillaient toute la nuit. J'étais prête pour aller à Medarevo, mais les

12 détonations étaient de plus en plus en fortes. Je me suis changée. J'ai

13 enlevé mes vêtements de travail et je me suis vêtue en tenue de maison.

14 J'ai mis mes sabots, et j'ai regardé par la fenêtre, et j'ai vu que --

15 Q. Je vous arrête ici. Je voudrais savoir à quelle heure que vous vous

16 êtes réveillée, Madame ?

17 R. Vers 5 heures 30 du matin. Très tôt, très tôt, c'était sûrement avant

18 six heures. Mais je ne me souviens pas de l'heure précise.

19 Q. Veuillez décrire le bruit que vous avez entendu. Etait-ce un bruit

20 fort ? Quelle était l'intensité de ces détonations ?

21 R. Les détonations étaient particulièrement fortes. Au tout début, les

22 détonations étaient très, très fortes.

23 Q. D'où provenait ce bruit ? Est-ce que vous pouviez identifier la

24 source ?

25 R. J'avais l'impression que ce bruit provenait de toute part. Je ne peux

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1 vraiment pas vous donner de lieu plus précis.

2 Q. Vous avez dit avoir regardé par la fenêtre. Où êtes-vous allée ? Depuis

3 quelle fenêtre, avez-vous regardé ?

4 R. C'était la fenêtre de la rue Od Sigurate 2, donc du côté occidental.

5 J'ai regardé par la fenêtre, et j'ai vu que c'était Srdj qui faisait

6 l'objet de ce pilonnage très important. Les détonations étaient très

7 fortes, et les maisons qui étaient au long du mont Srdj étaient également

8 bombardées.

9 Q. Est-ce qu'il faisait noir ? Est-ce qu'il faisait nuit ? Faisait-il

10 jour ?

11 R. C'était l'aube. On ne voyait pas très, très bien. Je ne voyais pas très

12 bien, parce que nous n'avions ni eau ni électricité.

13 Q. Qu'est-ce qui a fait que vous aviez conclu que c'était Srdj qui avait

14 été pilonné ? Qu'est-ce que vous avez vu ?

15 R. J'ai vu que l'on avait atteint le mont Srdj. J'ai vu une explosion.

16 J'ai vu un feu. Le bruit était atroce. Il avait énormément de poussière

17 comme si on venait de bombarder quelque chose. Voilà, c'est ce que j'avais

18 vu.

19 Q. C'était bien Srdj.

20 R. Oui.

21 Q. Où êtes-vous allée après avoir regardé par la fenêtre ?

22 R. Ma sœur a insisté que l'on descende au premier étage de notre maison,

23 mais je n'ai pas voulu. J'ai même pris un livre, j'ai voulu lire. Je me

24 suis dit : "Je ne veux pas descendre." Elle m'a dit : "Prenons des

25 photographies, prenons quelque chose que nous aimons, quelque chose

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1 pourrait nous arriver." Moi, j'ai dit : "Non, absolument pas." Mais par

2 contre, nous sommes descendues au premier étage donc de la maison.

3 Q. Combien de temps avez-vous passé au premier étage ?

4 R. Il me semble que j'ai dû y passer 45 ans, j'ai peut-être passé 45

5 minutes ou peut-être moins. Mais en réalité, je crois que nous avons passé

6 45 minutes dans ce petit espace. Nous sommes descendues vers six heures du

7 matin.

8 Q. Qu'en est-il des détonations ? Vous les entendiez encore. Est-ce

9 qu'elles se poursuivaient ?

10 R. Oui. De façon continue. Elles étaient de plus en plus fortes.

11 Q. Où se trouvait votre neveu ce jour-là ?

12 R. Mon neveu, accompagné de son épouse et son enfant, était parti 10 jours

13 avant cela à Boninovo chez sa mère, chez la mère de de la femme de mon

14 mari. Ils sont allés chez Mme Veronika Vera. Elle se trouve tout près du

15 cimetière de Boninovo. C'est là qu'elle habite.

16 Q. Votre neveu et sa femme étaient-ils là ce jour-là, le jour dont on

17 parle ?

18 R. Non. Heureusement, ils n'étaient pas là puisque je suis tout à fait

19 certaine que tout le monde aurait trouvé la mort.

20 Q. Qu'avez-vous fait quand les explosions sont devenues de plus en plus

21 fortes ?

22 R. Nous sommes descendus. J'ai pris une veste. Le bruit était tellement

23 épouvantable car j'avais l'impression que j'allais perdre l'ouie. Je me

24 suis dit que si jamais je restais en vie, je n'entendrais plus jamais, que

25 mes oreilles allaient être endommagées. Sur nos têtes, il pleuvait des

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1 bombes et les shrapnels volaient de partout. Etant donné que nous parlons

2 d'un tout petit espace qui était muni d'une petite fenêtre avec des barres

3 de fer.

4 Q. Je vous arrête ici.

5 R. Oui, très bien. Merci.

6 Q. Je vous demanderais de décrire, à la Chambre de première instance,

7 l'endroit où vous vous êtes rendue. Vous dites que vous vous êtes rendue en

8 bas. Pourriez-vous nous dire de quel étage il s'agit car votre maison avait

9 quatre étages, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'était au rez-de-chaussée. C'est là que se trouvait la boutique.

11 C'est là que l'entrée de la maison se trouvait.

12 Q. Vous parlez de la rue Od Sigurate ou de Stradun ?

13 R. Je parle d'Od Sigurate.

14 Q. Est-ce que vous aviez une entrée depuis la rue. Y a-t-il une porte qui

15 donne sur la rue ?

16 R. Oui.

17 Q. Depuis la rue, peut-on parvenir au premier étage et au deuxième étage ?

18 R. Il n'y a pas d'escaliers qui donnent au premier et au deuxième étage

19 depuis la rue même, il faut, d'abord, entrer à l'intérieur de la maison

20 pour ensuite aller au premier étage et au deuxième étage.

21 Q. L'endroit où vous vous trouviez avec votre sœur, s'agit-il de l'espace

22 se trouvant tout juste derrière la maison alors que vous entrez dans le

23 bâtiment, dans l'immeuble depuis la rue ?

24 R. Il faut d'abord monter quatre marches et c'est là que se trouve cet

25 espace étroit, il y a une petite fenêtre avec des barres de fer.

Page 3469

1 Q. Quelle est la taille de cet espace, approximativement ?

2 R. Je crois qu'il n'y a pas plus de deux mètres carrés, peut-être même

3 moins que deux mètres carrés.

4 Q. Vous nous avez dit y être allée avec votre sœur. Qu'en est-il de Mme

5 Matic ? Où se trouvait-elle ?

6 R. Mme Marija Matic se trouvait dans son appartement. Nous sommes allées

7 lui rendre visite. Nous l'avons prise avec nous et nous l'avons emmenée à

8 l'endroit où nous nous étions abritées. Comme la dame était assez âgée, je

9 suis tout à fait persuadée qu'elle n'aurait pas survécue à tout cela.

10 Q. Est-ce qu'elle était mobile à l'âge de 81 ans, en 1991 ?

11 R. Je crois qu'elle est encore en vie aujourd'hui. Je sais qu'il y a un

12 an, elle était encore en vie et elle était très, très mobile à l'époque.

13 Q. Vous étiez toutes les trois dans cet espace auquel on peut parvenir

14 depuis le niveau de la rue. Qu'est-ce que vous avez fait ensuite ?

15 R. Nous étions debout entassées. Nous ne pouvions pas bouger nos bras ni à

16 gauche, ni à droite et nous prions et demandions à Dieu que tout cela

17 finisse bientôt car nous ne comprenions pas pourquoi cela avait lieu.

18 Q. Qu'en est-il des bombardements ? Vous étiez là, debout avec Mme Matic

19 et votre sœur, qu'en était-il du bombardement ?

20 R. Au-dessus de nos têtes, je parle du côté occidental de notre maison,

21 tout juste au-dessus de nos têtes depuis tous les côtés en provenance de la

22 mer, en provenance de la terre, on nous bombardait de partout. Tout ceci

23 est arrivé en une seconde. C'était épouvantable. Voyez-vous, croyez-moi,

24 c'était affreux.

25 Q. Que pouviez-vous entendre exactement ?

Page 3470

1 R. J'entendais un bruit. J'entendais et je voyais des éclats d'obus tombés

2 de partout. Si j'avais bougé mon bras soit à gauche, soit à droite, je suis

3 tout à fait certaine que les shrapnels m'auraient atteinte. Cela était

4 comme une pluie d'éclats qui tombait partout.

5 Q. A quoi ressemblait le bruit du bombardement ? Cette explosion, quel

6 genre de bruit faisait-elle ? Que pouviez-vous entendre depuis votre

7 maison ?

8 R. C'était absolument atroce. Je ne peux même pas vous le décrire. C'était

9 insupportable. J'avais mis ma veste sur la tête pour cacher mes oreilles,

10 pour essayer de bloquer mes oreilles. Je tremblais dans ce tout petit

11 espace. J'avais compris que si nous restions là, nous allions mourir et que

12 si nous sortions à l'extérieur, nous allions mourir également. Il n'y avait

13 absolument rien à faire que de s'en remettre à la volonté de Dieu.

14 Q. Vous avez dit qu'il y avait des éclats d'obus. Qu'est-ce que vous avez

15 entendu ? Qu'est-ce que vous avez vu ?

16 R. J'ai vu et j'ai entendu, j'ai vu des éclats d'obus. Il pleuvait comme

17 une pluie d'éclats d'obus. Je les ai entendu tomber. Chaque fois qu'on

18 entendait une détonation, les éclats d'obus remontaient par ricochet. Je ne

19 sais pas par quel miracle, nous n'avons pas été atteintes par un éclat car

20 ils auraient pu entrer par la fenêtre.

21 Q. Qu'est-ce que vous avez vu lorsque vous avez regardé par la fenêtre

22 pour ce qui est de ces éclats ?

23 R. J'ai vu ces éclats d'obus qui revolaient de partout. La vitesse de leur

24 vol était absolument incroyable et cela revolait de partout.

25 Q. Combien de temps êtes-vous restée dans cet espace confiné avec Mme

Page 3471

1 Matic et votre soeur ?

2 R. Je crois que je vous l'ai déjà dit, c'était environ 45 minutes à peu

3 près. Je ne me souviens pas précisément.

4 Q. Est-ce que votre bâtiment a été touché ?

5 R. Oui, de tous les côtés et cela n'était non pas seulement un obus mais

6 j'avais l'impression que tous les obus qui ont été largués pendant la

7 guerre, que toutes ces bombes avaient atteint ma maison.

8 Q. Lorsque vous vous trouviez dans cet espace, dans cette toute petite

9 pièce avec Mme Matic et votre sœur, est-ce que votre immeuble a été

10 atteint ?

11 R. Oui, oui.

12 Q. Qu'est-ce que vous avez entendu ? Qu'est-ce que vous avez ressenti ?

13 R. J'avais l'impression que les bombes nous tombaient sur la tête. Nous

14 croyions que nous allions mourir. Nous avons ressenti une chaleur intense.

15 J'avais vraiment l'impression que nous allions mourir. Nous avons regardé

16 par la fenêtre et nous avons vu cette pluie d'éclats d'obus.

17 Q. Alors que vous vous trouviez au rez-de-chaussée de votre immeuble que

18 se passait-il au-dessus de votre tête, à l'étage ?

19 R. A un moment donné, les murs ont commencé à tomber. Tout a commencé à

20 tomber en bas. On a vu une fumée épouvantable et nous étions persuadées que

21 nous allions être enterrées par tous ces débris et que cette maison, qui

22 faisait partie de nous, allait être détruite et allait s'effondrer sur

23 nous.

24 Q. Qu'est-ce que vous avez entendu se passer à l'étage ?

25 R. A l'étage tout se défaisait. Cela ressemblait à un tremblement de

Page 3472

1 terre. Je ne sais pas vous donner l'intensité sur l'échelle de Richter,

2 mais je peux vous dire que cela ressemblait à un tremblement de terre, tout

3 tremblait et tout s'effondrait à l'étage.

4 Q. Que s'est-il passé avec l'escalier ?

5 R. Une partie de l'escalier était complètement détruite et ma sœur a voulu

6 monter à l'étage mais elle n'a pas pu, puisque les escaliers étaient

7 complètement détruits.

8 Q. Vous dites qu'à l'étage, vous aviez l'impression qu'il y avait

9 presqu'un tremblement de terre, que tout se défaisait, que tout

10 s'écroulait. Est-ce que vous saviez si quelque chose est tombé en bas des

11 escaliers ?

12 R. Oui. Le plâtre est tombé, des pierres tombaient, il avait tellement de

13 poussière qu'on ne pouvait rien voir, on ne pouvait même pas respirer. Il

14 aurait fallu avoir un masque à gaz pour ne pas s'étouffer et pouvoir

15 respirer. Nous étions, absolument, persuadées que nous allions mourir.

16 Q. Vous dites que vous aviez senti une chaleur intense. Pourriez-vous nous

17 dire ce que vous avez ressenti ?

18 R. Il faisait tellement chaud, nous avions tellement chaud, j'ai ressenti

19 une chaleur intense au visage.

20 Q. Comment êtes-vous sortie ?

21 R. A un moment donné, j'ai entendu une voix. Après avoir prié le bon Dieu,

22 j'ai entendu cette voix que j'entends encore à ce jour. C'était le voisin

23 avec lequel nous étions devenues ami. C'était le mari d'une voisine,

24 c'était M. Vladimir Surhoj. Il s'était marié avec ma voisine, il n'y avait

25 pas longtemps. J'ai entendu sa voix : "Zineta". J'ai entendu, à ce moment

Page 3473

1 là, sa voix, et j'ai dit "Oui!", et il est sorti de son appartement. Il a

2 ouvert notre porte, mais on lui tirait dessus. La maison n'était pas encore

3 incendiée, ne brûlait pas encore.

4 Nous avons ouvert la porte et nous sommes sorties avec Mme Marija. M.

5 Vladimir nous a aidé de sortir à l'extérieur. Nous sommes sortis sur la

6 rue. Il y avait des coupoles, il y avait du matériel de construction, des

7 vitres, et le tout aurait pu nous couper. Il y avait des débris jusqu'aux

8 genoux. Nous sommes allés jusqu'à son appartement. Comme je vous l'ai dit,

9 nous sommes souvent allés chez lui. Lorsque nous sommes arrivés pour nous

10 abriter, nous avons entendu un autre obus. Heureusement, cette bombe n'est

11 pas allée jusqu'au rez-de-chaussée, elle n'a atteint que le toit de sa

12 maison.

13 Nous nous sommes cachés dans la toilette de son appartement, et nous avons,

14 de nouveau, ressentis cette chaleur intense qui a fait en sorte que nous

15 nous sommes presque évanouis. Heureusement, par la suite, nous sommes

16 sortis à l'extérieur.

17 Q. Est-ce que vous êtes allés à l'appartement de M. Vladimir Surhoj ?

18 R. Au rez-de-chaussée, non pas dans l'appartement de M. Surhoj, mais nous

19 sommes allés au rez-de-chaussée de la maison.

20 Q. Cette maison se trouve à quel numéro dans la rue ? Quelle est l'adresse

21 de son appartement ?

22 R. Je crois que c'est Od Sigurate, numéro 4, non pas numéro 5, puisque le

23 bâtiment du festival se trouve à numéro 1. Nous étions numéro 2, ensuite 3,

24 4… en fait, c'est soit au numéro 4 ou au numéro 5 de la rue Od Sigurate.

25 Q. Vous avez dit, un peu plus tôt, que votre bâtiment n'avait pas encore

Page 3474

1 pris feu ? C'est à ce moment-là que vous êtes allées chez M. Surhoj ? Que

2 s'est-il passé avec votre bâtiment ?

3 R. Plus tard, il y a eu un obus qui est entré par la fenêtre du côté

4 occidental, et du côté sud, également, il y a eu cet obus incendiaire. La

5 maison a été atteinte. La maison a commencé à brûler. D'abord, c'étaient

6 les rideaux, les rideaux vénitiens qui étaient absolument magnifiques. Je

7 regrette de ne pas avoir pris de photos de ces merveilleux rideaux. Le tout

8 a pris flammes et est parti en fumée. Toute notre vie est partie en fumée.

9 J'ai perdu l'identité de ma famille qui est décédée, tout ce qu'il leur

10 appartenait. Tous les souvenirs qui leur appartenaient étaient partis en

11 fumée en quelques instants.

12 Q. Où vous trouviez-vous lorsque l'obus est tombé sur votre maison, l'obus

13 qui a été à l'origine de l'incendie ?

14 R. Nous nous trouvions devant la maison de mon voisin, Vladimir Surhoj.

15 Nous sommes allées tout le temps. Nous allions et venions. Les tirs étaient

16 incessants.

17 Q. Dites aux Juges de cette Chambre ce que vous avez vu. Quels sont les

18 engins, les obus qui sont entrés dans la maison, par quelle fenêtre ?

19 R. Au deuxième étage, du côté ouest. C'est au troisième niveau que l'obus

20 est tombé. En fait, il s'agit d'une fusée incendiaire. La maison avait été

21 presque détruite, et cet engin l'a complètement détruite.

22 Q. Qu'en est-il du palais du festival ? Est-ce qu'il brûlait à ce moment-

23 là ?

24 R. Non, pas à ce moment là. Au bout d'un certain temps, le palais a pris

25 feu aussi, nous essayions de sauver ce que l'on pouvait sauver. Notre

Page 3475

1 voisine avait un puits. Nous essayions d'utiliser cette eau pour sauver

2 notre maison tout d'abord et ensuite le palais du festival, mais cela n'a

3 pas marché. Nous avons réussi à sauver une maison afin que le feu ne

4 s'élargisse pas. Le palais des festivals, notre maison, tout cela a brûlé,

5 alors que le reste n'a pas pris feu. Tout le monde s'est engagé, femmes,

6 hommes. C'était très difficile puisque les tirs tombaient sur nous, même

7 nos cheveux avaient pris feu. Nous devions être dans un état de choc. Je ne

8 sais pas comment cela se fait que nous avions pu réagir de la sorte.

9 Q. A quel heure votre maison a-t-elle pris feu ?

10 R. Vers 10 heures, je pense, vers 10 heures environ. Je ne peux pas être

11 précise là dessus.

12 Q. Les pompiers sont-ils arrivés lorsque votre maison a pris feu ?

13 R. Oui, ils sont venus d'urgence, mais ils n'ont rien pu faire. Nous

14 n'avons pas réussi à sauver quoi que ce soit, juste les habits que nous

15 avions sur nous. Il faisait très froid dehors et il faisait très froid dans

16 nos cœurs aussi.

17 Q. Il faut tirer un point au clair. L'obus est tombé sur le toit de la

18 maison de M. Surhoj. Vous avez décrit les dommages qu'a subis sa maison et

19 qui ont été occasionnés par cet obus ?

20 R. Il n'y a pas eu beaucoup de dommages. Il y a eu juste un trou dans le

21 toit. L'obus est resté là-haut, donc il n'y a pas eu beaucoup de dommages.

22 Il a réussi à tout réparer lui-même.

23 Q. Il se peut que je n'aie pas tout saisi. Etiez-vous à l'intérieur de sa

24 maison au premier niveau, au rez-de-chaussée lorsque cet obus est tombé ?

25 R. Nous étions à l'intérieur à ce moment-là, au rez-de-chaussée de sa

Page 3476

1 maison.

2 Q. Qu'avez-vous fait après que l'incendie a ravagé votre maison ?

3 R. Nous avons essayé d'éteindre le feu et nous sommes revenues chez notre

4 voisin au rez-de-chaussée, et nous y sommes restées jusqu'à la nuit. Nous

5 avions complètement perdu l'orientation par rapport à l'espace, au temps.

6 Le frère de Branka Dilberovic, Mladen, est venu nous chercher et nous a

7 emmené chez eux à Boninovo.

8 Q. A quel moment, êtes-vous retournées à la vieille ville ?

9 R. Le 7 au matin.

10 Q. Où êtes-vous allées précisément ?

11 R. Nous sommes revenues à l'endroit où nous avions vécu tous ces instants

12 terribles. C'était terrible. C'était un spectacle terrible. La rue était

13 dans un état épouvantable. La maison était complètement détruite. Il ne

14 restait que les murs.

15 Q. Vous êtes revenues dans votre rue, dans la rue où vous aviez vécu. Est-

16 ce que les maisons, les bâtiments de cette rue avaient été endommagés ?

17 R. Je pense que oui, mais moi, j'ai prêté une attention particulièrement,

18 naturellement à ma maison. Il y a eu beaucoup de maisons qui avaient brûlé,

19 qui avaient subi des dégâts. L'église des petits frères des pauvres aussi

20 avait subi des dégâts.

21 Q. Est-ce qu'il y a eu des dégâts sur les murs des maisons de la rue Od

22 Puca ?

23 R. Oui. Oui.

24 Q. Pouvez-vous décrire ces dégâts ? Qu'avez-vous vu ?

25 R. Vous pensez à ma maison ou aux maisons qui se situent dans la rue Od

Page 3477

1 Puca.

2 Q. Je pense à la rue Od Puca.

3 R. Tout a brûlé. Les fenêtres étaient plus ou moins brisées. Autour, tout

4 était noir, carbonisé. Les maisons avaient complètement brûlées.

5 Q. Vous nous parlez en ce moment de la rue Od Puca ou de votre rue.

6 R. Dans la rue Od Puca, les maisons également avaient brûlé comme dans

7 notre rue sur Stradun. Le palais du festival et notre maison étaient dans

8 l'état que j'ai déjà décrit auparavant.

9 Q. Vous revenez dans votre rue, donc la rue Od Puca, pouvez-vous décrire

10 ce que vous voyez à ce moment-là ? Quels sont les dégâts que vous avez pu

11 apercevoir sur les maisons, les portes ? Je ne parle pas de votre maison.

12 R. Il y avait le monastère qui était endommagé gravement. C'est dans

13 l'autre partie de la rue à gauche. Il faut franchir quelques marches.

14 C'était de l'autre côté de la rue vers le haut. Le couvent en fait des

15 bonnes sœurs a subi des dégâts importants pendant cette guerre. Je pense

16 que dans notre rue, il n'y a pas eu d'autres dégâts.

17 Q. Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez entendu et vu des éclats

18 d'obus dans la rue, tout près des marches. Avez-vous vu quoi que ce soit

19 qui vous indiquerait que ces éclats d'obus sont tombés dans la rue ?

20 R. Il y avait une pluie d'éclats d'obus et ils sont bien évidemment tombés

21 dans cette rue.

22 Q. Avez-vous vu des dégâts occasionnés par ces éclats d'obus, des dégâts

23 dans la rue, sur les maisons ?

24 R. Vous pensez à ma maison ou aux autres.

25 Q. Je parle de la rue en général.

Page 3478

1 R. Non. Je n'ai rien remarqué.

2 Q. Lorsque vous êtes revenue le 7 décembre, qu'avez-vous pu remarquer sur

3 votre maison ?

4 R. Il n'y avait plus de toit. On pouvait voir le ciel de l'intérieur. Il

5 n'y avait que quatre murs. Tout ce qui se situe autour des fenêtres était

6 carbonisé, en particulièrement au deuxième étage, mais au premier aussi du

7 côté ouest, du côté sud la porte était carbonisée, la pierre était toute

8 noire. Elle a probablement brûlé même si je ne sais pas tout à fait comment

9 une pierre peut brûler. J'ai vu une fissure du premier étage jusqu'au toit.

10 Et si mes souvenirs sont bons, je ne peux pas l'affirmer avec certitude,

11 toutefois du côté occidental il y avait également une fissure, une grande

12 fissure et à l'intérieur tout a brûlé. La maison avait complètement brûlé

13 de l'intérieur.

14 Q. La rue Od Sigurate se trouve du côté ouest alors que Stradun se trouve

15 au sud, n'est-ce pas ?

16 R. Oui. C'est exact.

17 Q. Qu'en est-il du palais du festival ? Pouvez-vous décrire les dégâts que

18 ce bâtiment a subis ?

19 R. Le palais était dans un état tout à fait comparable à l'état où lequel

20 se trouvait notre maison. Je ne me souviens plus des détails. J'ai juste pu

21 remarquer que le palais a brûlé, mais j'étais plutôt concentrée sur ma

22 maison.

23 Q. Je vais vous montrer deux clips, pièce P78 qui a été versée par le

24 truchement de M. Jusic, qui a déposé ici et aux fins du compte rendu

25 d'audience. L'enregistrement que je désire montrer commence à la 23e

Page 3479

1 minute, 23 minutes 40 secondes.

2 [Diffusion de cassette vidéo]

3 R. Voilà le palais du festival. On voit le café Manon. Voici ma maison. La

4 voici. On y voit le blason.

5 M. RE : [interprétation]

6 Q. C'est 24, 13.

7 R. Oui. C'est la maison. Vous voyez à quoi ressemblait la maison, le 7

8 décembre.

9 Q. Je souhaiterais maintenant que l'on visionne le deuxième clip.25

10 minutes, 13 secondes.

11 [Diffusion de cassette vidéo]

12 M. RE : [interprétation]

13 Q. Est-ce que l'on peut voir là le palais du festival et votre maison ?

14 R. Oui. Voici le palais du festival.

15 Q. A 25:39. Pouvez-vous nous dire de quelle rue il s'agit,

16 25: 56 ou 57 ?

17 R. Je ne suis pas tout à fait sûre, mais je pense que cela était ma rue Od

18 Sigurate.

19 Q. On va de nouveau visionner les deux enregistrements, en commençant par

20 le premier. Et vous allez donner toutes les indications aux Juges de cette

21 Chambre.

22 [Diffusion de cassette vidéo]

23 R. Voici le palais du festival, voici le magasin et voici le rez-de-

24 chaussée du palais du festival. Voici ma maison, enfin ce qu'il en reste.

25 M. RE : [interprétation]

Page 3480

1 Q. Arrêtez, je vous prie. Nous nous sommes arrêtés sur

2 24:10 ?

3 R. Oui.

4 Q. Cela est le premier étage de la maison où habitait Mme Matic ?

5 R. Oui. Cela est le premier étage. Mais les fenêtres étaient dirigées du

6 côté ouest. Ici se trouvait le cabinet médical d'un docteur. Il y avait une

7 autre famille, une famille Murati y habitait avant la guerre. Mme Matic

8 habitait au numéro 2 de la rue Od Sigurate.

9 Q. Ce que nous voyons à l'écran, ce sont les deux étages, les deux étages

10 du haut ainsi que les combles ?

11 R. Oui.

12 Q. Les deux fenêtres que nous voyons en haut sont celles de votre

13 appartement, ce sont les fenêtres de votre appartement ?

14 R. Oui.

15 Q. La troisième à droite, la troisième fenêtre à droite était-ce votre

16 appartement aussi ?

17 R. Non. Cela appartenait au voisin.

18 Q. Ce n'était pas vous ?

19 R. Non.

20 Q. Là nous voyons votre maison à partir de Stradun, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous avez décrit un obus qui est tombé. Peut-on voir la fenêtre que

23 l'obus a touchée ?

24 R. Oui.

25 Q. De laquelle s'agit-il ?

Page 3481

1 R. La première fenêtre à gauche.

2 Q. A gauche.

3 [Diffusion de cassette vidéo]

4 R. Vous voyez, tout est noir.

5 M. RE : [interprétation]

6 Q. A 24:28. On voit un homme devant la maison, est-ce que le magasin se

7 trouvait là ?

8 R. Oui. Cela était l'entrée du magasin et les vitrines bien sûr.

9 [Diffusion de cassette vidéo]

10 M. RE : [interprétation] Je souhaiterais verser ces enregistrements vidéo

11 au dossier. Ils font déjà partie du P78. Vous voulez que nous les versions

12 séparément ?

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ils le sont, il s'agit

14 d'enregistrements qui ne font pas partie d'une même cassette.

15 M. RE : [interprétation] Nous en avons fait deux portions que nous avons

16 identifiées séparément.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il nous faudrait leur attribuer une

18 cote différente.

19 M. RE : [interprétation] Bien sûr.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le premier clip peut avoir la cote P87

21 et le deuxième P88.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 M. RE : [interprétation]

24 Q. Je souhaiterais également vous soumettre une carte, le plan de la ville

25 de Dubrovnik. Il s'agit d'une copie de la pièce P13. Je vous prie de

Page 3482

1 regarder sur votre gauche et je vous prie d'indiquer sur ce plan, je vous

2 prie de dessiner un carré.

3 R. Uh-huh.

4 Q. Quelle est la couleur ?

5 M. L'HUISSIER : [interprétation] Bleue.

6 M. RE : [interprétation]

7 Q. Je vous prie d'indiquer votre maison, l'emplacement de votre maison à

8 l'angle de la rue Od Sigurate et Stradun.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Pouvez-vous le faire un peu plus grand afin que l'on puisse le voir.

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Est-ce que le bleu vous va ou vous préféreriez peut-être une autre

13 couleur ?

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela va, cela nous va, la couleur

15 bleue.

16 M. RE : [interprétation]

17 Q. Madame Ogresta, pouvez-vous encercler la croix que vous avez apposée ?

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Pouvez-vous, je vous prie, écrire votre nom et la date. La date est le

20 3 mars.

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 M. RE : [interprétation] Peut-on verser cette pièce au dossier ?

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cette pièce sera versée au

24 dossier.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P89.

Page 3483

1 M. RE : [interprétation]

2 Q. Je vais vous montrer un autre document, Madame Ogresta. Il s'agit de --

3 d'une partie de rapport MFI 51, que l'on appelle le "Rapport de

4 l'institut". Je vais indiquer au témoin le numéro ERN 01069448 à 01069458.

5 Je vous prie de regarder ce document. Il s'agit d'un rapport, notamment, la

6 page de couverture et la première page où l'on trouve le résumé ainsi qu'un

7 certain nombre de photographies.

8 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame le Juge Monsieur le

9 Juge, vous verrez la traduction à la fin de cette liasse de papier, les

10 trois dernières pages de la traduction.

11 Q. Je vous prie de lire en votre fort intérieur ce passage.

12 R. Vous voulez que je lise à voix haute.

13 Q. Non. Non. Vous pouvez le lire en votre fort intérieur les deux

14 premières pages.

15 R. Façade.

16 Q. Non. Non. En fort votre intérieur. Non, pas à voix haute.

17 R. Excusez-moi.

18 Q. Le rapport décrit les dégâts sur des maisons de Od Sigurate au numéro

19 2. Est-ce qu'il s'agit là de votre maison, de votre hôtel particulier ?

20 R. Oui.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re, désolé de vous

22 interrompre, il me semble que vous êtes en train d'aborder un domaine qui

23 va prendre beaucoup de temps. Je propose que nous fassions la première

24 pause de notre audience d'aujourd'hui, à présent.

25 Nous allons faire une pause de 20 minutes avant de passer aux

Page 3484

1 photographies.

2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

3 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re, c'est à vous.

5 M. RE : [interprétation]

6 Q. Bien, nous allons passer à la première photographie. Il s'agit de la

7 photographie 24. En haut, on voit le numéro suivant, 01069450. Est-ce que

8 c'est une photographie sur laquelle on voit les dégâts occasionnés à votre

9 maison, à votre palais du côté de Stradun ?

10 R. Oui, c'est ce qu'on voit effectivement. Regardez bien l'encadrement de

11 la porte, cela a été complètement détruit par les flammes, de même que le

12 mur qui va du rez-de-chaussée au premier étage, le long de ce relief en

13 pierre. Tout ceci a été brûlé. On voit que les murs tiennent encore debout,

14 mais tout ce qui était à l'intérieur a été détruit par les flammes. On voit

15 que les fenêtres ont été, également, détruites par les flammes, d'après ce

16 que je vois. C'est ce que j'ai vu, et ce que j'ai pu déterminer moi-même en

17 tant que profane.

18 Q. Est-ce qu'on voit, ici, les dégâts qui ont été occasionnés à votre

19 maison le 7 décembre 1991 ?

20 R. Oui. Tout à fait. Ce qui est écrit ici, est exact. Bien entendu, ils

21 ont employé des termes techniques. Je ne peux pas me prononcer là-dessus

22 puisque je ne suis pas architecte de formation. Je ne peux rien dire à ce

23 sujet, mais en tout cas, à ce que l'on voit à l'image, c'est ce dont je me

24 souviens.

25 Q. Pendant votre déposition, vous dites que vous vous êtes rendue dans la

Page 3485

1 rue et vous avez vu un projectile entré par une fenêtre.

2 R. Oui.

3 Q. Revenons à cela quelques instants. Vous vous trouviez alors sur Od

4 Sigurate, c'est-à-dire, au coin de la rue par rapport à cette

5 photographie ? Si on examine la vidéo, pièce 88 --

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 87 et 88.

7 M. RE : [interprétation] Merci.

8 Q. Pièce 87, on voit ici une photographie qui est extraite de cette vidéo.

9 Vous dites que vous avez vu un projectile, un missile entrer dans une

10 maison. Est-ce que c'est ce que vous avez vu ou est-ce que c'est ce que

11 vous avez déduit ?

12 R. Non. je n'ai pas vu, mais, à partir de l'ouest? Oui, c'est ce que j'ai

13 vu. C'est passé en sifflant, et ensuite j'ai entendu la détonation. Cela

14 s'est enflammé.

15 Q. Vous dites que vous teniez sur la rue Od Sigurate au moment où votre

16 maison a été touchée par un obus incendiaire. Est-ce que vous avez vu, quoi

17 que ce soit, traverser une fenêtre du côté de Od Sigurate ?

18 R. Oui. Oui, j'ai vu quelque chose, j'ai vu quelque chose passer dans

19 l'air. Je ne sais pas. J'ai entendu une détonation. J'ai entendu quelque

20 chose passer en sifflant à mes oreilles, mais je ne peux pas vous donner de

21 détails. Puis ensuite tout a pris feu. J'imagine que c'était ce projectile

22 incendiaire, téléguidé.

23 Q. Est-ce que vous avez regardé en l'air quand vous avez entendu quelque

24 chose ?

25 R. Oui, et j'ai vu la maison en flammes. D'abord, ce sont les rideaux qui

Page 3486

1 ont pris feu, et puis tout a pris feu, jusqu'en bas. Tout a été détruit

2 très vite.

3 Q. Est-ce que c'est la détonation qui vous a fait regarder vers le haut,

4 et qui vous a permis de constater que votre maison était en flammes ?

5 R. Oui.

6 Q. Combien de temps s'est écoulé entre le moment où vous avez entendu ce

7 bruit et le moment où vous avez vu votre maison en flammes ?

8 R. Cela s'est passé très vite, peu après ce bruit, peu après le

9 sifflement. Très peu de temps après. Je crois qu'ils ont dit que quelque

10 chose ne s'était pas déclenchée. Moi, je ne l'ai pas vu, mais d'autres

11 m'ont dit qu'il y avait des projectiles de ce type également.

12 Q. J'aimerais simplement que vous disiez aux Juges si la conclusion vous

13 avez tirée, sur l'engin qui est entré dans votre maison, vous nous en

14 parlez sur la base de ce qu'on vous a dit, ou bien sur la base de ce que

15 vous avez vu vous-même ?

16 M. PETROVIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Petrovic.

18 M. PETROVIC : [interprétation] Il me semble que Madame la Témoin a dit à

19 plusieurs reprises, de façon très claire, ce qu'elle avait vu, aussi bien

20 avant qu'après la pause. Je peux même vous donner les lignes du transcript

21 afférent. Je ne vois pas ce que cherche M. Re. La dame nous a dit ce

22 qu'elle avait vu, et je pense que nous devons tous lui être reconnaissants

23 de l'avoir fait. Plutôt que, comme on le fait maintenant lors de

24 l'interrogatoire principal, plutôt que d'essayer de relativiser ce qu'elle

25 a dit. C'est pourquoi je m'oppose à ce type de questions, posées par M. Re.

Page 3487

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re, si je comprends bien,

2 vous essayez de déterminer si le témoin nous donne des informations sur la

3 base de ce qu'elle a vu elle-même, ou s'il s'agit de sa part de déductions

4 faites à partir de ce qu'elle a vu, et à partir de ce qu'on lui a dit.

5 M. RE : [interprétation] C'est exact.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voici quelle est la situation, Maître

7 Petrovic. Je pense qu'il est tout à fait acceptable de poser une telle

8 question. Il s'agit simplement de se rendre compte si elle a vu ce dont

9 elle est en train de nous parler, ou bien, si ce dont elle nous parle,

10 c'est une conclusion qu'elle a tirée à partir de ce que d'autres personnes

11 lui ont dit, ainsi qu'à partir de ce qu'elle a vu.

12 M. RE : [interprétation]

13 Q. Madame la Témoin, premièrement je vous demande si vous comprenez ma

14 question. Vous nous dites que vous avez vu quelque chose entrer par votre

15 fenêtre. Vous nous dites qu'il s'agissait d'un projectile, d'un missile.

16 Est-ce que vous nous dites cela sur la base de ce que vous avez vu, sur la

17 base de ce que vous avez entendu, ou sur la base de ce que d'autres

18 personnes vous ont dit ?

19 R. Moi, j'ai vu quelque chose passer dans l'air, et j'ai entendu une

20 détonation. Et ensuite, il y avait un feu. Pour vous dire ce que c'était

21 exactement, je ne sais pas. Mais il était manifeste que c'était un engin

22 qui avait mis le feu à notre maison.

23 Q. Passons à la photographie suivante qui porte le numéro 25, 01069451.

24 Que représente cette photographie ?

25 R. Il s'agit de ma rue, la vue depuis l'ouest. Voici l'entrée. Cette

Page 3488

1 fenêtre, c'est la fenêtre de l'endroit où nous nous étions réfugiés. Vous

2 voyez toutes ces pierres, ici, tout a été détruit. Tout s'est effondré du

3 haut vers le bas.

4 Q. Veuillez avoir l'amabilité de placer la photographie sur le

5 rétroprojecteur à votre gauche. L'Huissier va vous apporter son aide.

6 J'aimerais que vous vous munissiez d'un feutre, qui sera lisible sur une

7 photographie en noir et blanc, et j'aimerais que vous traciez un cercle

8 autour de la fenêtre.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Afin que les choses soient bien claires, pouvez-vous tracer une flèche

11 à partir de la gauche pour indiquer l'endroit où se trouve le cercle ? Est-

12 ce que vous pouvez, s'il vous plaît, tracer cette flèche à partir de la

13 gauche, complètement à partir de la gauche ? Tracez une ligne droite à

14 partir de la partie blanche de la page.

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. Est-ce qu'il s'agit de l'entrée de votre maison ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez tracé un "X", un grand "X" à cet endroit. Et au niveau de

19 l'entrée, on voit quelque chose qui se déverse dans la rue. Qu'est-ce que

20 c'est ?

21 R. Il s'agit de pierres, de débris, à cause de la destruction, des dégâts.

22 D'abord, il y a eu la destruction, et ensuite, il y a eu le feu.

23 Q. Est-ce que cette photographie nous présente une image exacte de ce que

24 vous avez vu à votre retour, le 7 décembre 1991 ?

25 R. Oui, tout à fait. C'est comme cela que les choses se présentaient quand

Page 3489

1 on est parti dans la soirée.

2 Q. Nous allons passer à la photographie suivante, photographie numéro 26,

3 numéro ERN 0169452. J'ai une photographie d'une vue où l'on regarde vers

4 l'haut. Que représente cette photographie ?

5 R. C'est le Stradun et ici Od Sigurate,

6 Q. Vous avez indiqué à gauche Od Sigurate, et en bas, Stradun. Pour nous

7 dire que la partie gauche du bâtiment se trouvait se trouvait sur Od

8 Sigurate ?

9 R. Oui.

10 Q. La partie qui nous fait face se trouvait du côté Stradun ?

11 R. Oui, c'est exact.

12 Q. Est-ce que cette photographie nous représente le bâtiment, tel que vous

13 l'avez vu, à l'intérieur du bâtiment, le 7 décembre 1991 ?

14 R. Oui, c'était tout comme sur cette photo.

15 Q. Veuillez passer maintenant à la photographie suivante, numéro 27,

16 numéro ERN 01069453.

17 R. Ici, on voit cet ornement en pierre, ces espèces d'étagères en pierre.

18 On voit l'escalier qui monte jusqu'à notre étage ainsi que les fissures.

19 Q. Ce renfoncement avec ces étagères en pierre que l'on voit en milieu de

20 cette photographie. Est-ce que c'est de cela dont vous nous avez déjà parlé

21 ce matin ?

22 R. Oui. Il y en avait un autre à mon niveau, à mon étage. Cela se trouve

23 entre le deuxième et le troisième niveau, tout à fait prêt de l'escalier.

24 Q. Passons à la photographie suivante, numéro 28, numéro ERN 010069454. Il

25 semble qu'il s'agisse d'une photographie qui ressemble beaucoup à la photo

Page 3490

1 26 ?

2 R. Cela est la même chose.

3 Q. Passons maintenant à la photographie numéro 29 qui porte le numéro ERN

4 01069455.

5 R. [Le témoin s'exécute]

6 Q. Que pouvez-vous dire à la Chambre de cette photographie qui semble

7 représenter l'intérieur d'un bâtiment détruit par les flammes ?

8 R. Oui. A droite vous avez la rue Od Sigurate, à gauche le Stradun,

9 d'après ce que je vois. Ici encore nous avons l'intérieur du bâtiment qui a

10 été détruit complètement.

11 Q. Vous avez écrit à gauche au-dessus du coin du bâtiment "Stradun", et à

12 droite vous avez écrit "Od Sigurate." Je le précise pour le compte rendu

13 d'audience.

14 R. Oui, oui.

15 Q. Quand on regarde à travers les deux fenêtres à droite sur la

16 photographie.

17 R. Oui.

18 Q. Que voit-on à travers ces deux fenêtres ?

19 R. Vous voulez dire sur la gauche.

20 Q. A droite sur la photographie, on voit deux grandes fenêtres en dessous

21 des corniches.

22 R. Oui, cela c'est l'entrepôt. Au rez-de-chaussée. Cela est sans doute la

23 porte, la porte qui donne sur cet entrepôt, je crois.

24 Q. Tournez --

25 R. Pas celui qui était dans notre bâtiment, mais celui qui était à côté.

Page 3491

1 Q. Est-ce qu'on voit Od Sigurate, la rue Od Sigurate par ces fenêtres ?

2 R. Oui. Oui, oui, oui. Nous avions environ six fenêtres qui donnaient sur

3 la rue Od Sigurate, Od Sigurate numéro 2. Vous vous rendez compte, je ne me

4 souviens même plus du nombre de fenêtres qu'il y avait.

5 Q. Passons à la photographie suivante, qui porte le numéro 30, numéro ERN

6 01069456. Savez-vous ce que représente cette photographie ?

7 R. Bien sûr, il s'agit de l'intérieur. Mais vu à partir du nord, à partir

8 d'un point situé quelque part au nord. Un des voisins à l'intérieur aussi

9 mais cela est un peu plus en haut, un peu plus en haut dans la rue.

10 Q. Revenons à la photographie 29. J'ai oublié de vous demander si cette

11 photographie nous donne une idée précise des dégâts que vous avez pu

12 constater dans votre palais le 7 décembre 1991 ?

13 R. Oui, cela est exactement comme sur cette photo autant que je m'en

14 souvienne.

15 Q. Passons maintenant à la photographie numéro 31, numéro ERN 01069457.

16 R. Oui, cela est cela. Cela est un renfoncement, une sorte de placard si

17 l'on peut dire, qui a été détruit par les flammes.

18 Q. Revenons à la photographie numéro 27. Est-ce que la photographie numéro

19 31 est un agrandissement de ce renfoncement que l'on voit au milieu de la

20 photographie 27 ?

21 R. Oui.

22 Q. Passons maintenant à la photographie numéro 32. Il y a quelques

23 instants je vous ai montré la photographie 29. J'aimerais bien que vous

24 regardiez les photos 29 et 32 en même temps. Puisque la photographie numéro

25 32 est un grand angle qui nous montre la même vue que la photographie 29.

Page 3492

1 La photographie 32 porte le numéro ERN suivant 01069458.

2 R. Oui.

3 Q. Sur cette photographie numéro 32, peut-on voir les trois étages que

4 comportait ce bâtiment sans le grenier ?

5 R. Non, moi je n'en vois que deux, je n'en vois que deux, je ne vois que

6 deux étages.

7 Q. Mais qu'est-ce qu'on voit en bas ? Je ne parle pas d'étages, je parle

8 de niveaux ?

9 R. Oui, oui, niveau, oui cela est cela. Oui, effectivement le grenier

10 n'est plus là.

11 Q. Est-ce que cette photographie nous présente de façon exacte ce que vous

12 avez vu lorsque vous êtes retournée voir votre maison le 7 décembre 1991 ?

13 R. Oui, cela est ce que l'on pouvait voir. Cela était peut-être encore

14 pire pour moi à mes yeux.

15 Q. Il y avait donc eu le feu la veille quand vous êtes retournée. Est-ce

16 qu'il y avait encore des flammes ? Est-ce que cela brûlait encore un petit

17 peu, est-ce que cela fumait ?

18 R. Non. Non. On ne voyait pas de flammes, ni de fumée.

19 Q. Maintenant j'aimerais que nous passions à la description qui figure

20 dans le rapport à la première page. Veuillez nous présenter la version en

21 croate, première page. J'aimerais que vous regardiez la partie qui est

22 intitulée "Description des dégâts." On peut lire, je lis la traduction en

23 anglais : "Bâtiment complètement détruit à l'intérieur avec destruction

24 totale du toit et de tous les étages."

25 Est-ce que ceci décrit de manière exacte ce que vous avez vu le 7 décembre

Page 3493

1 1991 quand vous êtes revenue dans votre maison ?

2 R. Oui, oui cela est exact à l'exception de ces détails. Je ne sais pas

3 comment vous dire mais le toit --

4 Q. Je parle uniquement de cette ligne là.

5 R. Oui, oui, cela est exact. Oui, effectivement.

6 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame Ogresta était

7 en train de répondre quand on l'a interrompue. Je souhaiterais qu'on

8 permette à Mme Ogresta de finir ses réponses. Merci.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit, il n'y a pas si longtemps, que je

10 n'étais pas suffisamment compétente pour employer des termes techniques

11 mais d'après ce que je vois, il me semble que ce rapport est exact.

12 M. RE : [interprétation]

13 Q. Je signale que je procède ligne par ligne -- je le signale à

14 l'intention de mon confrère afin de préciser les choses au fur à mesure.

15 Passons à la page suivante qui est intitulée, "Façades ou parties du

16 bâtiment donnant sur la rue". Il est indiqué : "Que la façade principale en

17 raison de la température très élevée a été détruite et que les encadrements

18 de porte présentent des fissures, (numéro 46 et 47)." Est-ce que vous avez

19 pu constater que les encadrements de porte avaient été brûlés et fissurés ?

20 R. Oui, je l'ai déjà dit.

21 Q. Ensuite, on peut lire : "Que les pierres du mur du rez-de-chaussée ont

22 été complètement calcinées jusqu'à la corniche entre le rez-de-chaussée et

23 le premier étage." Que pouvez-vous nous dire de ces pierres calcinées au

24 rez-de-chaussée ?

25 R. Tout était noir, complètement noir. On peut le voir sur les

Page 3494

1 photographies. Tout était calciné, ainsi que la porte et les encadrements

2 de porte.

3 Q. Dans la phrase suivante, on peut lire : "Que les encadrements de

4 fenêtres ont également été détruits et incendiés." Cela se situait au

5 premier et au deuxième étage, du côté ouest. Est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Ensuite, on peut lire : "Que la corniche du toit en pierre a été

8 calcinée, en partie détruite ainsi que les piliers qui la soutenaient."

9 Est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Ensuite, on lit : "Fissures verticales sur la façade, au premier étage

12 au niveau de la fenêtre du deuxième étage et jusqu'à la corniche."

13 Vous avez parlé d'une fissure dans le mur de la façade. Est-ce qu'on voit

14 ici, une description de ce que vous avez vu lorsque vous êtes revenue le 7

15 décembre 1991 ?

16 R. Oui. Oui. Sur la façade ouest et la façade sud, il y avait des fissures

17 identiques, verticales. Je l'ai dit avant que nous examinions ce rapport.

18 Q. Passons à la ligne suivante : "Façade ouest, encadrements de fenêtres

19 calcinés, la totalité du toit a été détruite au-dessus de cette façade."

20 Est-ce que c'est ce que vous avez vu le 7 décembre ?

21 R. Oui.

22 Q. "Les deux portes d'entrée au rez-de-chaussée ont été léchées par les

23 flammes." Est-ce que vous l'avez vu ?

24 R. Oui.

25 Q. Ligne suivante : "Fissures verticales au sud de cette façade, à partir

Page 3495

1 du rez-de-chaussée le long des fenêtres du premier et du deuxième étage

2 jusqu'à la corniche du toit. Fissures identiques le long des fenêtre sud-

3 est sur cette façade."

4 Est-ce que c'est ce que vous avez vu le 7 décembre ?

5 R. Oui.

6 Q. Madame Ogresta, je retournerai au document quelques instants. Je

7 souhaiterais, à présent, vous poser des questions concernant les prisons

8 militaires, s'il y en avait dans la vieille ville en octobre, novembre et

9 décembre 1991. Vous avez dit à la Chambre de première instance avoir vécu

10 dans la vieille ville pendant cette période. Dites-nous, si vous savez s'il

11 y a eu des installations militaires, des fortifications, ou s'il y a eu des

12 armes dans la vieille ville pendant cette période.

13 R. Non. Dans la vieille ville, il n'y avait rien de tel. Il n'y avait pas

14 d'armée, et il n'y avait pas d'arme.

15 Q. Etiez-vous au courant que l'UNESCO avait déclaré, la vieille ville,

16 patrimoine mondial et qu'elle avait un statu protégé en 1991.

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous aviez quoi que ce soit autour de la vieille ville qui

19 pouvait indiquer que la vieille ville bénéficiait de ce statut privilégié

20 accordé par l'UNESCO.

21 R. Non.

22 Q. Aviez-vous des drapeaux, par exemple ?

23 R. Oui, effectivement, sur les remparts de la ville. Nous pouvions

24 apercevoir des drapeaux qui étaient de couleur bleue, si je ne m'abuse,

25 bleu et blanc.

Page 3496

1 Q. Les habitants de la vieille ville se sentaient-ils protégés par ce

2 statut privilégié que l'UNESCO avait accordé à la vieille ville ? Quel en

3 était le sentiment de la ville de Dubrovnik ?

4 R. Oui, tout à fait, nous nous sentions plutôt protégés.

5 Q. Je souhaiterais vous montrer des photos que l'on appelle des photos de

6 l'institut, du rapport de l'UNESCO. Dites-nous si ce jour-là, le jour où

7 votre maison a été incendiée ou brûlait, si on a pris des photos, ce jour-

8 là.

9 R. Oui, le même jour, le feu M. Miroslav Kelner a pris des photos de la

10 maison en feu.

11 Q. Avez-vous ces photos ?

12 R. Oui. Ces photos étaient exposées à Dubrovnik dans le cadre d'une

13 exposition.

14 Q. Dites-nous, ces photos étaient exposées où exactement à Dubrovnik ?

15 R. C'était chez la mère et l'épouse du feu Miroslav Kelner. Je crois que

16 chez des amis aussi, on pouvait voir ces photos, moi, j'en avais pas. Je

17 sais que plusieurs amis avaient des photos. Je pourrais me procurer ces

18 photos si vous le souhaitez.

19 Q. Est-ce que vous ou votre mari avez essayé de vous procurer ces photos

20 pour les emmener ici pour les montrer à la Chambre ?

21 R. Oui. Mon mari a pu se procurer certaines de ces photos, si vous

22 souhaitez qu'il vous les fasse parvenir afin que l'on puisse les montrer à

23 l'honorable Chambre, je pourrais certainement le faire.

24 M. RE : [interprétation] Je souhaiterais que l'on verse les photos de

25 l'institut, portant la cote MFI P51. J'en aurais terminé avec les questions

Page 3497

1 pour ce témoin.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Petrovic, je vous écoute.

3 M. PETROVIC : [interprétation] Je suis, tout à fait, satisfait de la façon

4 dont M. Re a abordé les dommages, a abordé la chose. Il nous a montré les

5 photos. Je crois qu'il a démontré, en montrant les photos au témoin, les

6 dommages en demandant au témoin de faire des commentaires. Je dois dire que

7 j'encourage ce genre de démarche, et je dois dire que la Défense ne

8 s'oppose pas à ce que ce document soit versé au dossier. Je vous remercie,

9 Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Petrovic.

11 Ce document sera versé au dossier.

12 Mme LA GREFFIÈRE: [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira

13 de la cote P90, que l'on attribuera à cette pièce.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, est-ce que vous aurez

15 des questions dans le cadre du contre-interrogatoire ?

16 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président.

17 Contre-interrogatoire par M. Petrovic :

18 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Ogresta. Je m'appelle Vladimir

19 Petrovic, je suis le conseil du général Strugar et, avec votre permission,

20 je vous poserai des questions concernant certaines choses que vous avez

21 dites lors de l'interrogatoire principal devant cette Chambre aujourd'hui.

22 R. Merci.

23 Q. Disons d'abord, Madame, quelle est votre profession ?

24 R. Je suis invalide et je suis à la retraite.

25 Q. Je vous prierais de ménager des pauses entre mes questions et vos

Page 3498

1 réponses, afin que les interprètes puissent avoir suffisamment de temps

2 pour interpréter nos propos, étant donné que nous parlons la même langue.

3 R. Oui. D'accord. Merci.

4 Q. Dites-nous quelle était votre profession avant que vous ne preniez

5 votre retraite ?

6 R. J'étais assistante médicale, je faisais un travail d'administration.

7 Q. Quel est votre cursus scolaire ?

8 R. J'ai terminé mes études secondaires.

9 Q. Pourriez-vous nous dire exactement ce que vous faisiez au mois

10 d'octobre 1991 ? Vous dites que vous travailliez au dispensaire. Racontez-

11 nous ce que vous avez fait ce jour-là, le jour du bombardement.

12 R. Oui. Je travaillais au laboratoire de microbiologie au centre médical

13 et, lorsque la guerre a éclaté, nous avons transféré nos bureaux à

14 Medarevo. Nous avons fait en sorte que les malades, même si je ne suis pas

15 infirmière, j'ai également porté mon assistance à ce que les malades soient

16 transférés à Medarevo puisque c'était un endroit qui était un peu plus sûr.

17 Ensuite, j'ai travaillé à Medarevo et, par la suite, je suis retournée au

18 dispensaire.

19 Q. Je vous demanderais de me dire si je suis d'accord lorsque je résume

20 vos propos. Est-ce exact de dire que le dispensaire, dans lequel vous

21 travailliez, se trouve à l'intérieur de l'ancien hôpital de Boninovo ?

22 R. Oui. Il fait partie de l'hôpital. En fait, il n'est pas sous le même

23 toit mais c'est tout près.

24 Q. Bien. Ce bâtiment se trouve dans l'enceinte du vieil hôpital. Est-ce

25 exact ?

Page 3499

1 R. Oui. C'est exact.

2 Q. Si ma mémoire est bonne, c'est la partie de la ville d'où nous pouvions

3 apercevoir la vieille ville, le parc Gradac et ensuite c'est l'ancienne

4 ville. Est-ce que c'est exact ?

5 R. Oui. C'est cela.

6 Q. Par rapport à ce vieil hôpital, même si nous n'avons pas la carte ou le

7 plan de la ville sous les yeux, le parc qui se trouve autour de l'ancien

8 hôpital est le parc Gradac.

9 R. Non, ce n'est pas exact puisque juste avant le vieil hôpital, nous

10 pouvons apercevoir le parc Gradac. C'est tout près, ce n'est pas exactement

11 collé à l'ancien hôpital, mais c'est tout près.

12 Q. Bien. Dites-nous où se trouve le bâtiment du nouvel hôpital ?

13 R. C'est à Lapad, Lapad à Medarevo. C'est l'hôpital de Saint-Blaise, notre

14 protecteur.

15 Q. Madame Ogresta, dites-moi, de quelle façon êtes-vous entrée en contact

16 avec les enquêteurs du bureau du Tribunal ?

17 R. C'était, tout à fait, par hasard. Après le 6 décembre 1991, après avoir

18 perdu ma demeure, ma maison, mon identité, j'ai séjourné dans toutes sortes

19 d'hôtels. J'ai changé au moins 14 hôtels depuis. J'ai séjourné dans plus de

20 50 chambres, et j'ai fini par habiter à l'hôtel Vis 2, et c'est ainsi que

21 je suis entrée en contact avec eux. Nous sommes entrée en contact de cette

22 façon et c'est ainsi qu'on m'a demandé de venir témoigner en tant que

23 témoin.

24 Q. Pourriez-vous nous dire de quelle façon, vous êtes entrée en contact

25 avec les membres du bureau du Procureur ?

Page 3500

1 Est-ce que ce sont eux qui sont venus vous parler ? Est-ce que vous avez

2 essayé d'entrer en contact avec eux ?

3 R. Tout à fait par hasard, les enquêteurs du Tribunal se sont présentés à

4 l'hôtel et nous avons procédé à une interview. C'était, je crois, en l'an

5 2000, en 1999, je ne me souviens vraiment plus précisément.

6 Q. Est-ce que l'enquêteur vous a demandé personnellement ?

7 R. Non. Nous étions des réfugiés dans cet hôtel et il était, tout à fait,

8 normal que l'on nous convoque pour que l'on raconte notre histoire.

9 C'étaient des histoires vraies, des histoires vécues et c'est ainsi qu'ils

10 ont recueilli notre témoignage.

11 Q. Bien. Merci. Dites-moi, je vous prie, avez-vous dit à l'enquêteur tout

12 ce qui était important, tout ce que vous estimiez avoir été très important

13 pour ce qui est des événements qui se sont déroulés pendant ces mois-là, en

14 fait en 1991, les mois en question ?

15 R. Oui. Bien sûr.

16 Q. Vous avez tout dit, les points les plus importants.

17 R. Oui. Bien sûr.

18 Q. Vous avez essayé de ne pas omettre de dire certains points qui sont,

19 particulièrement, importants.

20 R. Oui, certainement, j'ai essayé puisque beaucoup d'années se sont

21 écoulées depuis, vous le savez. J'ai, certainement, essayé de lui dire les

22 choses les plus importantes.

23 Q. Dites-moi, je vous prie, pour ce qui est des événements du 1er octobre,

24 qu'est-ce que vous avez vu exactement et depuis quel point d'observation ?

25 R. Le 1er octobre, j'ai d'abord entendu des obus tombés. En fait, j'ai

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1 entendu des détonations. Ces détonations étaient un peu plus éloignées.

2 Elles n'étaient pas encore dans la ville. Elles étaient tout près de la

3 ville. Les détonations devenaient de plus en plus intenses. Cela s'est

4 intensifié, je croyais que c'était les éboueurs qui se trouvaient dans la

5 rue. J'ai regardé par la fenêtre, j'ai vu qu'il ne s'agissait pas des

6 éboueurs, effectivement, mais qu'il y avait une confusion générale, qu'il y

7 avait des gens un peu partout.

8 Q. Oui. C'est ce que vous avez entendu dire, mais qu'est-ce que vous avez

9 vu ?

10 R. J'ai vu l'avion qui bombardait Srdj. C'est ce que je pouvais voir du

11 centre médical.

12 Q. Quels sont les bombes que larguait cet avion d'après ce que vous

13 savez ?

14 R. C'était probablement des obus qui éclatent en plusieurs morceaux

15 lorsqu'ils tombent.

16 Q. Comment savez-vous qu'il s'agissait de ce genre de bombes ?

17 R. C'est ce que j'avais entendu dire. Je ne suis pas une experte dans ce

18 domaine. Je suis sûre qu'il s'agissait de bombes à fragmentation.

19 Q. Est-ce que vous aviez vu ce genre de bombe auparavant ?

20 R. Non. Je n'avais jamais vu bien sûr ces bombes-là. J'ai vu des shrapnels

21 dans la rue, des éclats d'obus.

22 Q. Comment savez-vous qu'il s'agissait de bombe à fragmentation ?

23 R. C'était quelque chose que les gens disaient, racontaient. Tout le monde

24 le savait. Nous observions le tout ensemble.

25 Q. Je souhaiterais vous demander qu'est-ce que vous aviez pu observer de

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1 votre maison ? Vous nous avez dit aujourd'hui que vous aviez des fenêtres

2 qui donnaient des deux côtés, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Cela veut dire que d'un côté, les fenêtres de votre maison donnaient

5 sur Stradun. Il s'agissait de fenêtres qui donnaient sur le côté sud de

6 votre appartement. Vous avez dit que de l'autre côté, les fenêtres de votre

7 bâtiment donnaient sur la rue Od Sigurate, en direction ouest. Est-ce que

8 j'ai bien compris ?

9 R. Oui, cela est exact.

10 Q. Dites-moi comment est-il possible que vous ayez pu, depuis les fenêtres

11 de votre maison qui donnait sur Stradun, comment avez-vous pu voir Srdj ?

12 R. Vous savez j'ai un grenier, et depuis le grenier nous pouvions voir

13 Srdj très bien. Vous n'avez pas pu voir le grenier sur la photo parce que

14 le grenier avait été complètement incendié mais nous pouvions apercevoir

15 Srdj, l'hôtel Impérial et le tout.

16 Q. Qu'en est-il des fenêtres du grenier ? Elles faisaient face à quel

17 côté ?

18 R. Vous pouviez tout voir. Est-ce que vous avez déjà été à Dubrovnik car

19 je pouvais également voir le monastère des petits frères de Mala Braca.

20 Q. Le mont Srdj se trouve au nord, n'est-ce pas, de la vieille ville ?

21 R. Oui.

22 Q. Comment est-il possible que vous ayez pu voir quelque chose qui se

23 trouvait derrière vous ?

24 R. Je n'avais pas une vue au sud. J'avais une vue vers l'ouest. Si je

25 monte, je vois de ma fenêtre Srdj. Je peux même vous emmener à Dubrovnik et

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1 vous montrer l'endroit depuis lequel je pouvais apercevoir Srdj.

2 Q. Depuis cette fenêtre qui donne vers le sud, vous pouvez voir Srdj ?

3 R. Non, excusez-moi, c'est la fenêtre qui donne vers l'ouest et je peux

4 apercevoir Srdj qui se trouve au nord. Cela est une petite fenêtre se

5 trouvant sur le grenier, avec une toute petite terrasse aussi.

6 Q. J'essaie de vous poser des questions précises.

7 R. Je vous donne des réponses précises également.

8 Q. Aujourd'hui, devant nous, vous avez dit à la page 7, ligne 18, vous

9 nous avez décrit ce que l'on peut apercevoir depuis vos fenêtres, les

10 fenêtres qui donnent sur Stradun. C'est là que vous avez dit : "J'ai

11 toujours pu voir Srdj depuis les fenêtres qui donnent sur Stradun." Vous

12 n'avez pas parlé des fenêtres qui donnent du côté ouest, mais du côté sud,

13 n'est-ce pas ? Cela est ce que vous avez dit ?

14 R. Je ne crois pas que c'est ce que j'ai dit car je suis persuadée de ne

15 pas avoir parlé du côté sud. J'ai plutôt parlé des fenêtres qui donnent

16 vers l'ouest. Vous pouvez voir vous-même. Vous pouvez vérifier le compte-

17 rendu. Je suis tout à fait certaine de ne pas avoir dit cela puisque je

18 n'ai pas pu dire quelque chose qui n'est pas un fait.

19 Q. C'est ce que je crois avoir entendu, mon collègue me corrigera si je ne

20 m'abuse, si j'ai peut-être fait une citation erronée. Mais passons à autre

21 chose.

22 Dites-moi, le bâtiment dans lequel vous habitiez, était un bâtiment de

23 valeur ? Qu'y avait-il de protégé sur votre bâtiment, si j'ai bien compris

24 l'immeuble dans lequel vous habitiez, les murs externes étaient également

25 protégés ainsi que les murs internes, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Si j'ai bien compris, vous avez fait des travaux à l'intérieur de la

3 maison. Est-ce que vous aviez le droit, est-ce que vous avez obtenu un

4 permis ?

5 R. Cela était seulement de l'embellissement. Nous embellissions l'endroit.

6 Nous n'avions rien détruit.

7 Q. Le 1er octobre, depuis votre appartement vous avez pu voir des obus

8 tomber sur Srdj, est-ce exact ?

9 R. Non, pas le 1er octobre. Je ne les ai pas vus ce jour-là. Je n'ai fait

10 qu'entendre les détonations, je ne les ai pas vues. Le 1er octobre, lorsque

11 la guerre a commencé dans notre ville et lorsque nous avons entendu les

12 premières sirènes dans notre ville, ce n'est pas à ce moment-là que j'ai pu

13 voir les obus. Je ne les ai vu que le 6 décembre 1991.

14 Q. Dites-moi, que se trouvait-il sur Srdj ? Pourquoi Srdj était-il l'objet

15 de bombardements ?

16 R. Je ne le sais vraiment pas.

17 Q. Est-ce que vous avez entendu dire de ce qui se trouvait à Srdj ?

18 R. Non.

19 Q. Dites-moi, est-ce qu'il vous est arrivé de voir que l'on tire depuis

20 Srdj ?

21 R. Non, je n'ai vu que des obus qui tombaient sur Srdj. Mais je n'ai pas

22 vu que l'on ait tiré depuis Srdj. Je n'ai jamais vu des coups de feu en

23 provenance de Srdj.

24 Q. Est-ce que vous savez peut-être que l'armée croate se trouvait dans la

25 forteresse Impérial à Srdj ?

Page 3505

1 R. Non.

2 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu dire quelque chose de la sorte ?

3 R. Non.

4 Q. Est-ce que dans la ville même de Dubrovnik et je parle de Gruz, de

5 Lapad, de Ploce, Saint Jakov, est-ce que vous savez s'il y avait des

6 membres de l'armée croate là ?

7 R. Je ne sais vraiment pas. Je peux vous dire que, dans la ville même, il

8 n'y avait pas de soldats mais pour ce qui est de l'extérieur de la ville,

9 je ne peux pas vous en parler.

10 Q. Est-ce que vous alliez au travail tous les jours ?

11 R. Oui. J'avais peur.

12 Q. Je vous prierais de dire à la Chambre, quel chemin empruntiez-vous ?

13 R. J'allais à pied, je longeais la rue Kantun [phon] parce que de

14 Zarkovica, je ne sais pas si c'était pour nous intimider, mais on nous

15 tirait depuis les fenêtres avec des mitrailleuses. Il était très difficile

16 même et dangereux de sortir de la ville. Je me dirigeais soit à pied ou des

17 fois il y avait une voiture médicale qui venait me chercher. Pour la

18 plupart du temps, je me rendais au travail à pied et je revenais du

19 travail à pied également, mais c'était dangereux, vous savez.

20 Q. Je vous demanderais de nouveau de répondre précisément à la question.

21 Quel était l'itinéraire que vous empruntiez, quelles étaient les rues que

22 vous preniez pour vous rendre au travail à pied ?

23 R. Je me rendais vers la porte ouest de Pile. Ensuite, je me rendais à

24 Pile, ensuite je longeais la rue Marshala Tita, pour me rendre à l'ancien

25 hôpital, ensuite, il y avait le dispensaire, ensuite, je me tournais à

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1 gauche et c'est là qu'il y avait ce nouvel hôpital à Medarevo.

2 Q. La rue Marshala Tita s'appelle-t-elle rue Ante Starcevic ?

3 R. Je crois que cela est son nom aujourd'hui. Je crois qu'elle porte ce

4 nom, mais je ne suis pas tout à fait certaine.

5 Q. Tous les jours vous empruntiez ce même itinéraire, vous preniez ces

6 mêmes rues pour revenir par les mêmes rues à la maison ?

7 R. Oui, pour la plupart, mais des fois il m'arrivait que je restais à

8 l'hôpital pour dormir même si l'hôpital faisait l'objet de pilonnage

9 souvent, également.

10 Q. Je vous demanderais de vous concentrer sur les questions que je vous

11 pose. Mon éminent confrère vous a posé toutes les questions qu'il a

12 souhaité vous poser. Vous avez répondu à ses questions maintenant c'est à

13 mon tour de vous poser des questions et je vais vous demander de me

14 répondre, je vous prie. Essayons d'être bref.

15 R. Oui, je tâcherai de le faire.

16 Q. Bien. Ce chemin que vous empruntiez tous les jours, est-ce que sur

17 votre route vers l'hôpital vous avez jamais vu, à quelque moment que ce

18 soit, des personnes armées ?

19 R. Non.

20 Q. Ou des personnes en uniforme également ?

21 R. Non.

22 Q. Nous parlons de trois mois, du mois d'octobre, novembre et décembre. Au

23 cours de ces trois mois, vous est-il jamais arrivé de voir un soldat croate

24 ou un policier croate sur votre chemin vers l'hôpital ?

25 R. Non.

Page 3507

1 Q. Pour ce qui est de la ville de Dubrovnik, de la ville même, si je ne

2 tiens pas compte ici de la vieille ville, donc je ne parle pas de la

3 vieille ville mais de l'ensemble de la ville de Dubrovnik. Est-ce que vous

4 savez s'il y avait des membres de l'armée croate?

5 R. Je n'en ai pas vu. Je n'ai pas vu de membres de l'armée croate dans la

6 ville même. Pour ce qui est de l'extérieur de la ville, je ne peux pas vous

7 en parler.

8 Q. Faisons une distinction pour la Chambre de première instance. Lorsque

9 nous parlons de la vieille ville, nous parlons de la vieille ville, n'est

10 ce pas ? Lorsque nous parlons de la ville de Dubrovnik, nous parlons de

11 l'ensemble de la ville de Dubrovnik; nous parlons de Lapad, Gruz, Ploce.

12 Nous parlons de ce qui constitue la ville même de Dubrovnik, pour être tout

13 à fait clair, n'est ce pas, pour qu'il n'y a pas de malentendus entre vous

14 et moi, et pour que la Chambre de première instance puisse comprendre de

15 quoi on parle.

16 Vous dites ne pas avoir vu personne portant les armes ou portant des

17 uniformes. Dites-nous si vous avez entendu dire, que dans la ville de

18 Dubrovnik, il existait une présence de la police croate, de l'armée croate.

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu parler du terme "Défenseurs de la

21 ville de Dubrovnik" ?

22 R. Oui, mais beaucoup plus tard.

23 Q. Qui étaient ces hommes qui se définissaient comme défenseurs de

24 Dubrovnik ?

25 R. Vous voulez savoir qui, ils étaient ? C'étaient les défenseurs de la

Page 3508

1 ville. C'était des gens qui défendaient. Ils étaient des défenseurs, et ils

2 défendaient leurs demeures de l'ennemi, de ceux qui voulaient pénétrer dans

3 leurs demeures par force. Nous n'avons pas mis le feu nulle part, Monsieur.

4 Q. Dites-moi, est-ce que vous connaissiez des membres des défenseurs de

5 Dubrovnik ?

6 R. Vous voulez savoir si j'en connaissais ? Oui, effectivement. J'avais un

7 ami.

8 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner son nom.

9 R. J'ai presque oublié. Zeljko était son nom, son nom de famille je ne le

10 sais plus. Il est décédé. Il est mort.

11 Q. Pourriez-vous me dire si vous savez comment il est mort, dans quelles

12 circonstances, et quand ?

13 R. Non, je crois qu'il était dans la Défense civile, si je ne m'abuse,

14 mais je ne sais pas à quel moment il est mort.

15 Q. Vous est-il arrivé de le voir en octobre, novembre, ou décembre ?

16 R. Une fois, en civil, et depuis ma fenêtre. Mais c'était avant le 6

17 décembre.

18 Q. Vous l'avez vu depuis votre fenêtre, je présume qu'il s'agit de la

19 maison, de votre maison à vous, et depuis la fenêtre qui donne sur

20 Stradun ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Dites-moi, je vous prie, quand a-t-il été tué, à cette époque-là ? A la

23 même période ?

24 R. Je pense qu'il a été tué au début, mais je ne sais pas exactement. Je

25 ne pourrais pas vous le dire avec exactitude. Voilà, le nom me revient, il

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1 s'appelait Zeljko Putica.

2 Q. Parce que vous dites au début, vous pensez au mois d'octobre et

3 novembre ?

4 R. Oui, probablement, parce qu'au mois de décembre, notre maison a brûlé,

5 et lui avait déjà été tué.

6 Q. Parce que vous l'aviez vu, avez-vous parlé avec lui ?

7 R. Non, j'étais à la fenêtre, il m'a juste fait un signe de la main.

8 C'était la dernière fois que je l'ai vu.

9 Q. Avez-vous vu s'il était armé ?

10 R. Non, il était en civil, je n'ai rien vu. Il était accompagné d'autres

11 personnes. Ils se promenaient dans la rue de Stradun.

12 Q. Avez-vous reconnu une des personnes qui l'accompagnait ?

13 R. Non.

14 Q. Etiez-vous au courant des détails, où était il ? Quel type d'activités

15 il avait. Vous avez dit qu'il était dans la Protection civile, saviez-vous

16 des détails le concernant ?

17 R. Je ne sais pas. Il était dans la compagnie des eaux. C'est là qu'il

18 travaillait, et il faisait automatiquement partie de la Protection civile.

19 Mais il n'était pas dans l'armée. Bien sûr, lorsque la guerre s'est

20 déclarée, alors, il fallait se préparer.

21 Q. Est-ce que la mobilisation a été annoncée à Dubrovnik ?

22 R. Non, il n'a pas reçu de convocation. Mon mari, non plus, d'ailleurs,

23 n'a jamais reçu d'invitation de ce type. Pour les autres, je ne saurais le

24 dire.

25 Q. Savez-vous si d'autres personnes ont été mobilisées ?

Page 3510

1 R. Non, je ne sais pas. Pour ce qui est des personnes qui habitaient dans

2 ma rue, j'affirme que personne n'a été mobilisé.

3 Q. Vous avez en avez entendu parler ?

4 R. Non.

5 Q. Je vous prie, Madame, de m'expliquer pourquoi vous aviez dit à

6 l'enquêteur Mohamed Arshad en juin 2000, pourquoi aviez-vous dis donc, ce

7 que vous êtes en train de nier à présent. Vous avez

8 dit : "J'ai entendu que les Croates, lorsque le conflit a éclaté, étaient

9 mobilisés pour combattre les forces ennemies." C'est ce que vous lui avez

10 dit ?

11 R. Là, je ne sais pas. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis. Je ne sais

12 pas.

13 Q. Vous avez oublié que vous l'avez dit, ou bien vous ne lui avez pas dit

14 cela ?

15 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas de cela.

16 Q. Alors, c'est lui qui a ajouté cela de lui-même ?

17 R. Non, je ne pense pas. Je ne sais pas.

18 Q. Peut-être que vous l'avez l'oublié ce fait, depuis ?

19 R. C'est tout à fait normal d'organiser une défense, mais aucun de mes

20 proches ne fait partie de cette défense. C'est pour cela que j'en ai fait

21 abstraction.

22 Q. Mais, comment les gens se sont défendus, avec quelles armes ?

23 R. Mais l'armée que nous avions financée de nos propres moyens avait des

24 armes puissantes et ils nous ont tirés dessus.

25 Q. Savez-vous où se situaient les positions des défenseurs ?

Page 3511

1 R. Non, cela non plus, je ne le sais pas.

2 Q. Y avait-il eu des positions ?

3 R. Je ne sais pas. Cela ne m'intéressais pas.

4 Q. Avez-vous vu, à un moment quelconque, un homme en uniforme, policier ou

5 agent de police, dans la ville, à n'importe quel endroit de la ville ?

6 R. Un policier, non. Lorsque je me promenais sur Porporela, j'entendais de

7 temps en temps de la musique de Zarkovica, mais je pense que là, il ne

8 s'agissait pas de notre armée à nous. C'était notre armée d'avant.

9 Q. Avez-vous jamais vu un policier ordinaire du côté de Pile Gate ?

10 R. Peut-être qu'il y en a eu un, mais c'était déjà à l'époque où je me

11 cachais, et je regardais vers la colline.

12 Q. Mais, quelqu'un se chargeait-il de l'ordre, du maintiens de l'ordre

13 dans la vieille ville ?

14 R. Non. Nous étions à la maison tout le temps. Nous ne sommes jamais allé

15 à l'abri -- et je ne saurais vous dire si la protection civile a fait quoi

16 que ce soit.

17 Q. Lorsque vous vous promeniez à Porporela, avez-vous pu observer ces

18 militaires à Zarkovica ?

19 R. Oui, mais ce n'est pas tout près, vous savez.

20 Q. Vous souvenez-vous de l'uniforme, de la couleur de l'uniforme ?

21 R. Une couleur plutôt verte.

22 Q. Avez-vous pu voir un char ou un canon depuis Porporela où vous vous

23 trouviez ?

24 R. Non. Je n'en ai pas vu.

25 Q. Avez-vous pu voir s'ils étaient armés ?

Page 3512

1 R. Je pense qu'ils avaient des mitrailleuses. Tous les soirs, lorsque nous

2 dînions à l'étage au-dessus, les éclats d'obus tombaient, ils ciblaient

3 notre fenêtre.

4 Q. Nous y reviendrons.

5 Q. Quelle est la distance à vol d'oiseau de Porporela à Zarkovica ?

6 R. C'est très près. La distance n'est pas grande, les militaires sont

7 arrivés, à un moment donné, jusqu'à Ploce. J'imagine que leurs positions se

8 trouvaient à Zarkovica. Je ne le sais pas toutefois. Je les ai vus, je les

9 ai entendus. J'ai entendu cette musique, des airs folkloriques.

10 Q. Sont-ils entrés dans la vieille ville ?

11 R. Non.

12 Q. Mais lorsqu'ils sont arrivés à Ploce.

13 R. Non, pas Ploce, mais juste en bas de Zarkovica. Nous avons pu les voir

14 depuis Porporela. Un jour un monsieur qui marchait devant moi a été pris

15 pour cible par un tireur isolé. Il a été touché, blessé. Si mes souvenirs

16 sont bons, ce monsieur habitait près de Sainte-Marija. Son nom de famille

17 était Saric.

18 Q. Depuis Zarkovica à Porporela, il y a plusieurs centaines de mètres.

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Je vous demande juste de me donner un ordre d'idée. Disons quelques

21 centaines de mètres.

22 R. Oui. Disons, à peu près.

23 Q. Ces personnes qui sont descendues de Zarkovica, pourquoi ne sont-elles

24 pas entrées dans la ville ?

25 R. C'est à eux qu'il faut poser cette question. Je l'ignore.

Page 3513

1 Q. Peut-être qu'il y avait quelque chose entre Zarkovica et la vieille

2 ville ?

3 R. Non, il n'y avait personne pour autant que j'ai pu le constater.

4 Q. Où étiez-vous pour pouvoir affirmer qu'il n'y avait personne entre

5 Zarkovica et la vieille ville ?

6 R. De là où je me trouvais, j'ai pu voir qu'il n'y avait personne.

7 Q. Peut-être qu'il y avait des gens dans les hôtels, dans les maisons qui

8 empêchaient les personnes de Zarkovica de s'approcher de la ville.

9 R. Cela, je ne peux pas le dire. Je ne peux pas me prononcer au sujet de

10 quoi que ce soit que je ne sais pas.

11 Q. Lorsque vous circuliez, vous nous avez dit que vous marchiez d'un bout

12 à l'autre de la ville pendant trois mois pour vous rendre à votre travail,

13 n'avez-vous jamais vu de véhicule blindé ?

14 R. Non. Jamais.

15 Q. Avez-vous jamais vu un véhicule blindé transporté des blessés jusqu'à

16 l'hôpital ?

17 R. Non, je n'ai rien vu de tel. Je n'avais pas de contact avec les malades

18 puisque je travaillais dans l'administration.

19 Q. En avez-vous entendu parler ?

20 R. J'ai entendu dire qu'il y a eu des blessés.

21 Q. Avez-vous entendu dire que les blessés étaient transportés en véhicule

22 blindé ?

23 R. Non.

24 Q. Pouvez-vous nous réitérer ce qui a été endommagé le 1er octobre ?

25 R. Le 1er octobre --

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1 Q. Je pense à la vieille ville.

2 R. Le musée Rupe, Sponza, l'église des petits frères des pauvres ont subi

3 quelques dégâts. Ensuite, plus tard --

4 Q. Ma question se limite au 1er octobre.

5 R. Je ne peux pas vous dire avec exactitude puisque beaucoup de temps

6 s'est écoulé depuis. Je n'ai plus les dates à l'esprit, je sais ce qui a

7 été touché.

8 Q. Je vous prie de ralentir. Pour résumer ce que vous êtes en train de

9 nous dire, vous l'avez déjà dit à mon éminent confrère, et vous venez de le

10 réitérer maintenant.

11 Donc le 1er octobre, Sponza, Saint-Blaise, le musée Rupe et l'église des

12 petits frères.

13 R. Oui. Je ne sais pas si le musée Rupe a été touché en octobre et en

14 novembre.

15 Q. Vous n'êtes pas sûre au sujet du musée Rupe.

16 R. Non. Je ne peux que supposer puisque les bombardements étaient

17 constants, étaient quotidiens, et je n'ai plus le souvenir de ces détails.

18 Q. Depuis le 1er octobre, la vieille ville a été bombardée tous les jours.

19 R. Pratiquement tous les jours, peut-être pas tous les jours, mais

20 pratiquement, si ma mémoire est bonne.

21 Q. Y a-t-il eu des jours où il n'y a pas eu de bombardement ?

22 R. Oui, oui, il y avait des jours plutôt calmes. J'étais habituée à toutes

23 ces détonations, à ces balles qui étaient lumineuses, que je ne pouvais pas

24 dormir sans ce bruit-là. J'étais habituée à ce bruit.

25 Q. Vous ne pouviez pas dormir sans détonation.

Page 3515

1 R. Oui, puisque je me demandais ce qui se passait. Il m'était, tout à

2 fait, inhabituel de ne pas entendre les obus et les détonations.

3 Q. Vous entendiez les explosions. Où dormiez-vous ? Dans les combles ?

4 R. En bas, au deuxième étage. A l'époque, j'étais trop optimiste.

5 Q. Vous vous endormiez en écoutant ces détonations, et vous vous n'êtes

6 jamais rendue à l'abri.

7 R. Non. Uniquement pendant la période où la situation était très mauvaise.

8 Q. Lorsqu'il n'y avait pas de détonation ?

9 R. Je me promenais.

10 Q. Dites-moi, pourquoi vous n'êtes jamais allée à l'abri ?

11 R. Il n'y avait pas assez d'air. Il y avait trop de personnes. J'avais

12 développé une sorte de phobie. Cela ne me plaisait pas du tout.

13 Q. Etes-vous jamais entrée dans l'abri ?

14 R. Oui. Une nuit, nous nous sommes rendus à l'abri de l'hôtel Park

15 puisqu'on n'avait plus où dormir. C'est la seule nuit que j'ai passé à

16 l'abri pendant toute la durée de la guerre.

17 Q. Tout cela s'est passé après le 6 décembre.

18 R. Oui, mais entre temps, j'allais à la maison de mon voisin. Là où

19 l'espace s'y prêtait, où c'était un peu renforcé et sécurisé. C'est là que

20 j'allais.

21 Q. Lorsque vous dites que le 1er octobre, vous avez regardé par la fenêtre

22 et que vous avez constaté qu'il n'y avait personne dans les rues.

23 R. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait personne.

24 Q. Est-ce que vous pouvez me laisser vous poser la question ?

25 R. Oui, bien sûr.

Page 3516

1 Q. Je vais vous poser la question et puis je vous demanderais de me

2 répondre. Ne m'interrompez pas, je vous prie.

3 Vous avez dit que le 1er octobre, vous avez regardé par la fenêtre et que

4 vous n'aviez vu personne sur Stradun. C'est ce que vous avez dit. Quand

5 avez-vous jeté un coup d'œil par la fenêtre ?

6 R. Le matin. Lorsque j'ai entendu les détonations, d'abord je pensais que

7 c'était des éboueurs qui venaient ramasser les ordures. Ce n'était pourtant

8 pas le cas et c'est là que j'ai conclu qu'il s'agissait de cela.

9 Q. Les personnes qui se trouvaient d'habitude à Stradun ?

10 R. On n'était pas en été, alors il n'y avait pas de gens à cette heure-là,

11 tôt le matin dans la rue.

12 Q. Vous nous avez dit que votre maison se situe très près de Srdj, à

13 quelle distance ?

14 R. A vol d'oiseau, je ne saurais vous le dire. C'est près.

15 Q. La distance est moins importante que celle qui existe entre Porporela

16 et Zarkovica ?

17 R. Oui, il y a une forteresse sur Srdj et je ne peux voir personne.

18 Q. Je ne vous demande pas de me dire si vous avez vu quelqu'un. Je sais,

19 j'ai bien compris que vous n'avez vu personne.

20 R. Oui.

21 Q. La chose qui m'intéresse, c'est la distance, donc plusieurs centaines

22 de mètres.

23 R. Oui, je suppose effectivement que c'était le cas. J'avais l'impression

24 qu'ils allaient entrer dans la ville de Zarkovica tellement cela était

25 près.

Page 3517

1 Q. Avez-vous vu des drapeaux sur Srdj ?

2 R. Non.

3 Q. Lorsque vous regardiez Srdj, combien de fois avez-vous pu voir les

4 explosions, cela était tous les jours ?

5 R. Non, laissez-moi réfléchir. Non cela ne se passait pas tous les jours.

6 Q. Combien de fois avez-vous pu observer cela ?

7 R. Combien de fois, je ne saurais vous le dire. Le 6 décembre, ensuite,

8 avant cela lorsque l'hôtel Impérial a brûlé. Trois ou quatre fois, j'ai pu

9 observer cela.

10 Q. Vous avez vu cela trois ou quatre fois à Srdj.

11 R. C'était à l'époque quand j'étais chez moi dans ma maison.

12 Q. Attendez, je vous prie. Vous avez vu trois ou quatre fois cela alors

13 que la vieille ville était ciblée tous les jours ?

14 Savez-vous ce que c'est un missile téléguidé ?

15 R. Oui. Il doit y avoir un code et l'emplacement où ce missile doit tomber

16 est bien déterminé. C'est à cela que vous pensez, je ne suis pas

17 compétente, je ne suis pas experte en affaires militaires.

18 Q. Lorsque l'enquêteur vous a interviewée, pourquoi n'avez-vous pas

19 mentionné ce missile téléguidé ?

20 R. Je ne sais pas. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis et maintenant le

21 film de ma vie est en train de se dérouler dans ma tête, il y a certains

22 détails qui me reviennent à présent. Entre temps, j'ai essayé d'oublier les

23 choses qui étaient mauvaises.

24 Q. Oui, mais cette déclaration est pourtant assez détaillée. Vous n'avez

25 jamais, à un moment quelconque, mentionné ce missile téléguidé.

Page 3518

1 R. Je vous l'ai dit aujourd'hui. Je ne me souviens pas si je l'ai dit à M.

2 l'enquêteur. C'est maintenant que je me souviens de cela.

3 Q. Aujourd'hui ?

4 R. Oui, à l'instant même. Je me souviens de ces "missiles téléguidés."

5 Q. L'enquêteur ne vous a jamais posé de questions, comment et quelles

6 étaient les armes qui ont détruit votre maison ?

7 R. Il m'a certainement posé des questions, mais ce n'est que maintenant

8 que je m'en souviens.

9 Q. Je vais vous donner lecture du passage pertinent de votre déclaration.

10 Je ne vais lire que l'essentiel de votre déclaration. "Je ne peux pas vous

11 dire le nombre exact d'obus qui sont tombés sur notre hôtel particulier, je

12 ne peux rien vous dire au sujet des obus qui n'ont pas explosés. Je ne peux

13 pas non plus vous donner le type d'obus qui sont tombés. Je ne sais rien de

14 tout cela." En l'an 2000, vous ne saviez rien au sujet des obus, des types

15 d'obus, c'est ce que vous avez dit à M. Arshad. Comment se fait-il qu'à

16 présent, vous vous souveniez des missiles, des projectiles téléguidés ?

17 R. Par voie d'association, quelque chose m'a associée à cela. Je ne sais

18 pas comment cela m'est venu à l'esprit. Je peux juste demander à Dieu.

19 Q. A l'époque, vous ne saviez rien à ce sujet et vous le dites mot pour

20 mot. Comment se fait-il, qu'entre temps, vous avez acquis des

21 connaissances. Avez-vous parlé à quelqu'un ? Avez-vous consulté quelqu'un ?

22 R. Je ne sais pas. J'en ai, peut-être, entendu parler. Je ne sais pas.

23 Q. Avez-vous regardé les photos qui vous ont été montrées tout à l'heure ?

24 Avez-vous eu l'occasion de les voir il y a un jour ou deux, il y a quelques

25 jours ?

Page 3519

1 R. Non, non, non, je ne les ai pas revues. J'ai gardé à l'esprit cette

2 image; elle sera gravée dans ma mémoire à tout jamais.

3 Q. Avez-vous parlé avec quelqu'un ici, depuis que vous êtes à La Haye ?

4 R. Avec qui j'aurais pu parler ?

5 Q. Vous n'avez parlé à personne ?

6 R. Professionnellement ou autrement ?

7 Q. Avez-vous parlé à qui que ce soit de la section d'aide aux Victimes et

8 aux Témoins ?

9 R. Non.

10 Q. Vous vous êtes entretenu avec quelqu'un du bureau du Procureur ?

11 R. Oui.

12 Q. Pourquoi vous m'avez dit alors que vous n'avez jamais parlé à

13 personne ?

14 R. Je ne savais pas à quoi vous pensiez. Cela me semble tout à fait

15 normal, cela allait de soi que je parle avec quelqu'un du bureau du

16 Procureur.

17 Q. Vous avez parlé avec quelqu'un ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourquoi vous ne l'avez pas dit tout de suite ?

20 R. Je pensais que cela était une procédure normale, qu'on était censé nous

21 entretenir avec les représentants du bureau du Procureur. Je ne peux pas

22 parler au nom de qui que ce soit d'autre. Je ne parle que des choses que

23 j'ai vécues.

24 Q. Je suis d'accord. C'est tout à fait normal. Pourquoi vous ne nous

25 l'avez pas dit ?

Page 3520

1 R. Bien, je viens de vous le dire.

2 Q. Pouvez-vous nous dire de quoi vous avez parlé ?

3 R. Ils m'ont demandé comment les choses se sont passées. J'ai parlé de ma

4 tragédie, de mon histoire personnelle.

5 Q. Avez-vous évoqué le 6 décembre ?

6 R. Oui, bien sûr. On a longuement parlé de cela et j'ai décrit ce qui

7 s'est passé ce jour-là comme je le fais aujourd'hui devant vous, devant les

8 Juges de cette Chambre.

9 Q. Est-ce qu'on vous a montré la déclaration que vous avez faite, en l'an

10 2000 ?

11 R. Non.

12 Q. Est-ce qu'on vous a montré la déclaration que vous avez donnée, en l'an

13 2000 ?

14 R. Non.

15 Q. M. Re vous a montré votre déclaration ?

16 R. Oui, il me l'a montrée, mais je ne l'ai pas lue.

17 Q. Pourquoi M. Re vous a-t-il montré votre déclaration ?

18 R. Je ne sais pas, sans raison. Vous, montrez-vous à vos témoins des

19 déclarations de ce type ?

20 Q. M. Re vous a-t-il montré autre chose, outre la déclaration ?

21 R. Non, rien.

22 Q. Il vous a montré cette déclaration et vous n'y avez prêté aucune

23 attention, n'est-ce pas ?

24 R. Absolument pas. Cette déclaration se trouvait devant lui mais je me

25 suis dit que je n'en avais vraiment pas besoin.

Page 3521

1 Q. Est-ce qu'il vous a demandé si ce que figure sur la déclaration ? Est-

2 ce exact?

3 R. Oui.

4 Q. Qu'avez-vous répondu à cette question ?

5 R. J'ai dit que c'était vrai.

6 Q. Mais, avez-vous pris la peine de regarder ce qui est écrit ?

7 R. Un tout petit peu. Ai-je dit quelque chose qui n'est pas correct ?

8 Q. Est-ce que M. Re vous a donné lecture de cette déclaration ?

9 R. Non.

10 Q. Il ne vous a pas donné ce papier, pour que vous le lisiez ?

11 R. J'ai juste jeté un coup d'œil. J'ai dis que c'était beau. J'ai dis la

12 vérité, je ne peux pas dire quelque chose qui ne correspond pas à la

13 vérité. Je n'ai fait que raconter ce qui m'était arrivé.

14 Q. Si cette déclaration vous avait été montrée, vous auriez remarqué qu'il

15 n'y est jamais question de missiles téléguidés.

16 R. Ce n'est que depuis que je suis arrivé à La Haye que je revois tout ce

17 qui est arrivé. J'ai essayé de refouler tout cela, et ce n'est qu'à présent

18 que certains épisodes me reviennent.

19 Q. M. Re ne vous a pas montré ces photos et le texte que vous avez lu tout

20 à l'heure ?

21 R. Non.

22 Q. Peut-être que vous êtes souvenu de ces missiles lorsque vous avez lu le

23 passage en question, dans le document ?

24 R. Je ne sais pas comment il se fait que je me suis souvenue de cela, et

25 par voie d'association ou autrement, je ne sais pas, mais je m'en suis

Page 3522

1 souvenue.

2 Q. Peut-être que cela s'est passé après avoir lu ce document ?

3 R. Peut-être. En tout cas, l'idée m'est venue et le souvenir a rejailli.

4 Q. Dites-moi, avez-vous jamais parlé avec qui que ce soit des dégâts qu'a

5 subis votre maison ?

6 R. La maison a complètement brûlé. La maison faisait partie de la

7 catégorie 5 des bâtiments endommagés, et il a fallu la reconstruire.

8 Q. Quelqu'un de l'institut pour la Protection des monuments historiques et

9 culturels, est-il venu vous voir ?

10 R. Nous étions locataires, donc ils ne sont pas venus nous voir, et ils se

11 sont entretenus uniquement avec le propriétaire de la maison.

12 Q. Ils ne sont pas venus vous voir, ni vous, ni votre sœur, pour vous

13 poser des questions concernant les circonstances, comment cela est arrivé,

14 et cetera ?

15 R. Nous, nous sommes rendues en revanche à l'institut pour lire ce qui est

16 arrivé, et eux, au début, ils sont venus pour attribuer une catégorie aux

17 dégâts qu'a subi la maison.

18 Q. Quand cela s'est-il passé ?

19 R. Après la date du 6 décembre. Peu de temps après.

20 Q. A cette occasion là, vous ont-ils posés des questions concernant les

21 circonstances, comment ce l'a fait, comment les dégâts ont-ils étés

22 occasionnés ?

23 R. Non. Ils étaient certainement au courant. Ils ont vu que la maison

24 était brûlée, et ils ont pu en déduire qu'elle a été touchée. Il ne

25 s'agissait certainement pas de pneus auxquels nous avons mis feu.

Page 3523

1 Q. Ils ne vous ont pas posé des questions concernant les obus, les obus

2 qui n'ont pas explosé, et ils ne vous ont pas posé des questions de ce

3 type.

4 R. Non.

5 Q. Nous n'avons pas posé des questions concernant les missiles, les

6 grenades, les obus de mortier, tout ça ?

7 R. Non, non. Pourquoi m'auraient-ils posé des questions de ce type ?

8 Q. J'imagine qu'ils ne vous ont pas posé de questions non plus au sujet

9 des types de projectiles, de mortiers, utilisés ?

10 R. Non. Tout ce qu'ils ont vu, c'est qu'ils ont été tous détruits.

11 D'abord, la maison ensuite en la détruisant et en y mettant ensuite le feu.

12 Que pouvait-on demander d'autre que cela ? Mais moi, la chose qui me

13 faisait le plus de mal, c'était de ne pas voir celui qui essayait de me

14 tuer.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Le moment, est-il bien choisi pour faire une

16 pause ?

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, effectivement. Nous allons faire

18 une pause de 20 minutes.

19 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

20 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, c'est à vous.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Madame Ogresta, vous avez dit à plusieurs reprises que des balles

24 tirées par des mitrailleuses avaient touché votre fenêtre, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 3524

1 Q. Ces balles tirées par des mitrailleuses ont touché votre fenêtre sur le

2 sud, sur le Stradun ainsi que du côté ouest sur Od Sigurate.

3 R. Non. Il s'agissait de tirs éparses quand les obus arrêtaient de tomber,

4 à ce moment-là, on était touché par moment, et les balles sont venues

5 s'écraser dans les rideaux, dans les volets en bois pendant l'accalmie des

6 bombardements.

7 Q. Les balles sont venues s'écraser dans quels volets ?

8 R. Au grenier. Je vous ai dit que je pouvais voir Srdj depuis cet endroit,

9 la montagne.

10 Q. Est-ce au sud ?

11 R. Sur l'ouest, cela donne sur l'ouest.

12 Q. Sur le côté qui donne sur le sud, rien n'est venu s'écraser dans les

13 volets.

14 R. Non. Non. Je n'ai rien remarqué. C'était seulement du côté ouest et

15 dans le grenier. Et ce n'était pas uniquement le 6 décembre.

16 Q. A combien de reprises cela s'est-il produit, ces tirs qui venaient de

17 ce côté, de l'ouest ?

18 R. Dans la soirée, mais on avait tellement peur qu'on n'allait pas au

19 grenier.

20 Q. Est-ce que vous avez trouvé des traces après ces tirs ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que les hommes en âge de porter les armes avaient l'autorisation

23 de quitter Dubrovnik ?

24 R. Autant que je m'en souvienne, beaucoup sont partis, aussi bien des

25 hommes que des femmes. La plupart des gens qui sont partis, c'étaient des

Page 3525

1 femmes et des enfants. Il y a aussi des hommes qui sont partis. Ce sont

2 surtout les femmes et les enfants qui ont eu le droit de partir.

3 Q. En octobre, novembre et décembre 1991, qu'a fait votre neveu ?

4 R. Rien du tout. Il me semble que j'ai déjà dit qu'il travaillait dans une

5 imprimerie à Dubac à Zupa. C'était à l'extérieur de Dubrovnik. L'imprimerie

6 a été touchée donc les affaires de cette entreprise ont périclité, si bien

7 qu'il était au chômage. Son nom était Said Dilberovic. Il n'a pas rejoint

8 les rangs de l'armée croate.

9 Q. Plus tard ?

10 R. Non. Jamais.

11 Q. Est-ce qu'il a fait son service dans la JNA ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'il était apte au service ?

14 R. Oui.

15 Q. Personne ne l'a jamais mobilisé au sein de l'armée ?

16 R. Non. Il n'a jamais été mobilisé.

17 Q. Où était votre neveu cette nuit-là, dans la nuit du 5 au 6 ?

18 R. Il était chez sa belle-mère, Mme Vera Gudelj à Boninovo.

19 Q. Pourquoi votre neveu a-t-il quitté l'appartement où il avait vécu toute

20 son existence dans la vieille ville, mais laissez-moi finir ma question,

21 alors que vous partiez tous du principe, qu'il était plus sûr de rester

22 dans la vieille ville.

23 R. Je ne sais pas. Boninovo c'était tout à côté de la vieille ville. Puis

24 ils avaient une cave qui était en bon état. Et puis, le 30 novembre,

25 c'était l'anniversaire du petit. Auparavant, 10 jours auparavant, ils

Page 3526

1 étaient allés à cet endroit et puis ils étaient restés. Tout simplement,

2 ils étaient restés là-bas. Je crois que c'est le destin qui a voulu cela.

3 Ils avaient un barbecue, il y avait une terrasse à l'extérieur. Je pense

4 qu'ils voulaient tout simplement faire plaisir au petit.

5 Q. C'était plus sûr là-bas que dans la vieille ville.

6 R. Je ne dirais pas que c'était plus sûr, mais c'était une très bonne

7 cave. Pour l'anniversaire, c'était mieux. C'était mieux pour célébrer le

8 quatrième anniversaire du petit.

9 Q. Savez-vous ce que c'est une cellule de Crise ?

10 R. J'imagine que c'est une cellule mise en place en temps de crise. Soit

11 en cas de catastrophe naturelle, soit en cas de guerre. Catastrophe

12 naturelle ou causée par l'homme. Mais je ne sais pas si j'ai raison.

13 Q. Quel était le rôle de la cellule de Crise en temps de guerre ?

14 R. Je ne sais pas. Je n'y connais pas grand-chose.

15 Q. Savez-vous s'il y avait une cellule de Crise à Dubrovnik ?

16 R. Cela non plus, je ne le sais pas.

17 Q. Est-ce que vous écoutiez la radio pendant tous ces mois à Dubrovnik ?

18 R. Pendant ces moi-là ?

19 Q. Oui. Octobre, novembre, décembre 1991.

20 R. J'écoutais un peu la radio en ville, et j'ai entendu dire que nous,

21 dans la vieille ville, nous les Oustachi, on brûlait des pneus. On

22 entendait Radio Trebinje où ils racontaient des choses de ce type mais on

23 n'avait pas de courant. On utilisait des radios qui fonctionnaient avec des

24 piles. Ils racontaient ce genre de choses.

25 Q. Est-ce qu'il existait Radio Dubrovnik ?

Page 3527

1 R. Oui, Radio Dubrovnik existait bien sûr. C'était en ville, mais il n'y

2 avait pas de l'électricité. On ne pouvait écouter que la radio avec des

3 radios à piles.

4 Q. Quand vous aviez des piles, vous n'écoutiez que Radio Trebinje ?

5 R. On écoutait aussi Radio Dubrovnik. On écoutait tout ce qu'on pouvait.

6 Q. Avez-vous déjà entendu des déclarations de la cellule de Crise à Radio

7 Dubrovnik ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous avez entendu à Radio Dubrovnik des informations sur les

10 lieux où on pouvait s'approvisionner en pains ou en d'autres vivres ?

11 R. Non. Pendant ces trois mois, on a acheté des conserves quand la guerre

12 a commencé, et on n'avait pas grand-chose.

13 Q. Est-ce que vous aviez du pain pendant tous ces mois, en octobre,

14 novembre, décembre ?

15 R. Oui. Ma sœur allait chercher du pain puisqu'elle allait au travail le

16 matin. Mais je ne sais pas où elle le trouvait.

17 Q. Vous n'avez pas eu de pains pendant ces trois mois.

18 R. Non.

19 Q. Est-ce que votre sœur a acheté du pain à la vieille ville ?

20 R. Oui. Dans la vieille ville. Elle n'est pas sortie de la ville. Cela est

21 sûr, elle aurait eu trop peur de sortir.

22 Q. Où l'achetait-elle ?

23 R. Au marché, la rue Miha Pracata, il y avait un magasin qui était ouvert.

24 Il y a toute une chaîne de boutiques appelée Mediator et c'est là qu'elle

25 allait la plupart du temps.

Page 3528

1 Q. C'est là, qu'elle allait s'approvisionner en pains.

2 R. Oui. C'est là, qu'elle allait acheter du pain. Il y avait aussi la rue

3 Od Puca et où elle se rendait peut-être au marché, au magasin Mediator,

4 mais en tout cas, c'était à l'intérieur de la ville.

5 Q. Vous arrivait-il d'aller acheter du pain ?

6 R. Quand, de quelle période parlez-vous ?

7 Q. Je parle de la fin d'octobre, novembre et décembre.

8 R. Non. J'allais simplement travaillé. Je rentrais à la maison et je ne

9 sortais plus. Quand le pilonnage commençait, j'allais chez le voisin.

10 Q. Pourquoi n'êtes-vous pas allé chez votre voisin, le 6 décembre ?

11 R. Vous savez, on n'avait pas le choix. On se demandait, si on restait là,

12 on pouvait se faire tuer; si on sortait, on pouvait se faire tuer; si on

13 allait chez le voisin, on pouvait se faire tuer. On ne savait plus quoi

14 faire.

15 Q. Dites-moi combien de bombes ont atteint votre maison ?

16 R. Je ne sais pas. Cela était sans arrêt. Cela était de façon continue que

17 ces bombes tombaient au-dessus de nos têtes et je me suis dit : mon Dieu,

18 je vais mourir jeune. J'avais quand même 40 ans, mais je me suis dit : je

19 vais mourir enterrée de débris, enterrée dans les décombres. Ce qui me

20 faisait le plus horreur, c'est de ne pas voir le visage de la personne qui

21 allait me tuer.

22 Q. Vous dites qu'il y avait un nombre innombrable d'obus qui sont tombés

23 sur votre maison, combien y en avaient-ils ? Y en avaient-ils dix, cinq,

24 30 ?

25 R. Je ne sais vraiment pas. J'avais l'impression que j'allais devenir

Page 3529

1 sourde avant de mourir, bien sûr, car nous avions accepté la mort. Il y en

2 avait beaucoup.

3 Q. Tous ces obus tombaient sur votre maison ?

4 R. Oui, au-dessus de notre tête. On était tellement tassé qu'on ne pouvait

5 pas bouger, ni à gauche, ni à droite, on ne pouvait même pas bouger nos

6 bras.

7 Q. Combien d'obus sont tombés dans votre rue ?

8 R. Je n'ai pas compté. Je n'ai demandé à personne de me le dire. Je ne le

9 sais vraiment pas.

10 Q. S'agissait-il de 20, 30 ou 40 obus ?

11 R. Je ne sais vraiment pas parce que les obus tombaient de tous les côtés.

12 Q. Les détonations s'entendaient-elles dans l'intervalle de quelques

13 secondes ? Est-ce qu'il se passait trois ou quatre secondes avant que

14 chaque obus tombe ?

15 R. Je ne sais vraiment pas. Je n'ai pas compté.

16 Q. Ces obus tombaient sur les maisons mais les obus tombaient, également,

17 sur la rue où sur les rues ?

18 R. Non, au-dessus de notre tête.

19 Q. Qu'en est-il de la rue, est-ce qu'ils tombaient également dans la rue ?

20 R. Non, chez le voisin, j'ai vu un trou béant sur son toit.

21 Q. Veuillez avoir l'obligeance de nous expliquer combien d'obus sont

22 tombés sur votre maison ? Vous dites une dizaine d'obus sont tombés sur la

23 vôtre, sur votre maison et pour ce qui est des autres maisons de la rue, et

24 dans la rue, vous dites qu'il y a eu environ le même nombre d'obus ou peut-

25 être plus ou moins ?

Page 3530

1 R. Je ne sais vraiment pas combien d'obus sont tombés directement sur la

2 rue. Je sais que chez le voisin un obus était tombé sur son toit. Moi,

3 j'avais l'impression qu'on a constamment ciblé la maison. C'était peut-être

4 l'église que l'on essayait de cibler, qu'on ratait l'église et c'est la

5 raison pour laquelle c'est notre maison qui a subi le plus de perte, qui a

6 eu le plus d'obus, je ne sais pas.

7 Q. Ces éclats d'obus qui tombaient, que vous avez vus, ce sont des éclats

8 d'obus, d'obus qui tombaient sur votre maison à vous ?

9 R. Je le présume. Vous voyez, je présume qu'il s'agissait d'obus qui

10 tombaient sur notre maison. Je présume que c'est cela parce que depuis la

11 fenêtre, nous pouvions voir que les obus tombaient de sorte que nous ne

12 pouvions bouger ni à gauche, ni à droite puisque nous avions peur d'être

13 touchées. Je ne sais pas si ces obus tombaient dans la rue. Moi, j'avais

14 l'impression que ces obus tombaient tous au-dessus de nos têtes.

15 Q. Est-ce que vous avez essayé de regarder depuis la petite fenêtre ?

16 R. Oui, oui. Je n'ai pas vu que les obus tombaient dans la rue. Nous

17 aurions, certainement, trouvé la mort à ce moment-là puisque les obus, par

18 ricochet, nous auraient atteintes.

19 Q. Depuis votre petite fenêtre, vous avez pu observer que ces obus

20 tombaient de part et d'autre ?

21 R. Oui. On aurait dit que c'était une pluie de métal. Cela représentait un

22 drôle de bruit.

23 Q. Dites-moi aucun de ces éclats d'obus n'a touché la fenêtre ?

24 R. Oui, mais si seulement nous avions bougé quelque peu, nous aurions été,

25 certainement, touchées.

Page 3531

1 Q. Dites-moi en parlant de la photo si vous voulez -- un instant je vous

2 prie -- si j'ai bien compris --

3 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la photo

4 01069451.

5 Est-ce que je pourrais demander à l'huissier de montrer au témoin la pièce

6 P90 ?

7 M. RE : [interprétation] Je crois qu'il s'agit de la photo numéro 25.

8 M. PETROVIC : [interprétation]

9 Q. Madame, je vous prie de jeter un coup d'œil sur la photo numéro 25. Je

10 crois que la photo se trouve déjà sur le rétroprojecteur. Vous pouvez

11 l'apercevoir sur l'écran.

12 R. Oui. Je vois sur l'écran cette photo. Voilà, les fenêtres se trouvent

13 ici.

14 Q. On dirait que ces fenêtres font un mètre par un mètre ?

15 R. C'est la petite fenêtre avec des barres de fer. C'est cette fenêtre-ci.

16 Vous savez, c'est une toute petite lucarne avec des barres de métal et nous

17 étions là.

18 Q. Très, très bien. Je vous ai compris mais dites-moi quelle est la taille

19 de cette fenêtre ? Est-ce qu'elle fait un mètre par un mètre ?

20 R. Non. Je ne crois pas. Je crois que c'est moins. Je crois que c'est un

21 demi mètre de diamètre.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Très bien. Merci. Je n'ai plus besoin de la

23 photo, Monsieur l'Huissier.

24 Q. Veuillez avoir l'obligeance d'expliquer à la Chambre de première

25 instance à quoi ressemblaient ces éclats d'obus faits de plomb ? A quoi

Page 3532

1 ressemblaient-ils ? Comment bougeaient-ils ?

2 R. Ils bougeaient très rapidement. Ce sont des éclats d'obus de couleur

3 argentée, de plomb, si je me souviens bien.

4 Q. Est-ce que ces obus, ces éclats d'obus tombaient quelque part ?

5 R. Oui, on aurait dit qu'il s'agissait d'une pluie très forte et cela

6 était le bruit que je pouvais entendre.

7 Q. Pendant que ces éclats d'obus volaient ou revolaient, ils étaient de

8 quelle couleur ? Est-ce qu'ils étaient enflammés, rougeâtres ? Etaient-ils

9 de couleur grisâtre ?

10 R. Je n'ai vraiment pas remarqué de détails. J'avais l'impression qu'ils

11 étaient un peu lumineux.

12 Q. Vous les avez vus passer devant vous ?

13 R. Oui, tout à fait. J'ai, également, entendu le bruit de ces éclats

14 d'obus qui tombaient et cela ressemblaient à une très forte pluie.

15 Q. Dites-moi comment savez-vous que certains obus qui sont tombés sur

16 votre maison n'ont pas explosés ?

17 R. Parce que ma sœur est montée à l'étage avec un voisin, le voisin qui

18 demeurait en face, l'autre voisin en fait. Ils sont montés tous les deux et

19 il a vu et il a dit : "Il y a plusieurs obus non explosés, des obus qui

20 n'ont pas encore explosés." Cela, c'est avant que les maisons ne prennent

21 feu.

22 Q. Ce jour-là, il a pu voir au premier étage qu'il y avait des obus qui

23 n'avaient pas encore explosés ?

24 R. C'était au deuxième étage. En réalité, au deuxième étage,

25 effectivement, oui. Il n'a pas pu monter plus haut mais il lui a semblé

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1 voir des obus qui n'avaient pas encore explosés. Ils avaient peur et ils

2 sont revenus.

3 Q. Est-ce qu'il avait peur parce qu'il avait peur d'obus non explosé ou

4 bien parce que c'est quelque chose qu'il a vu ?

5 R. Je ne le sais pas. Il a dit : "Je présume qu'il y a encore des obus qui

6 n'ont pas explosés et on est mieux de sortir parce que c'est dangereux."

7 Q. Vous avez dit que le premier obus est tombé sur votre maison à 9

8 heures ?

9 R. Non. Cela a commencé à 6 heures. Le premier obus est tombé beaucoup

10 plus tôt, je crois que vers 10 heures cela s'est terminé. Vers 6 heures, la

11 maison a commencé déjà à faire l'objet de bombardements et nous sommes

12 descendues déjà à 6 heures. Je me souviens très bien que nous sommes

13 descendues à cette heure.

14 Q. Vous avez dit à l'enquêteur que vers 9 heures, le premier obus a

15 atteint le toit de notre maison et qu'il y a fait un trou.

16 R. C'était peut-être vers 10 heures, je ne sais vraiment pas, mais je sais

17 qu'à 6 heures nous sommes descendues au rez-de-chaussée, et que c'est à ce

18 moment-là que le pilonnage a commencé. Je ne sais vraiment pas si c'est à 9

19 heures que le premier obus a atteint le toit, je n'avais pas de montre. Je

20 vous parle de mes impressions.

21 Q. C'était à 9 heures et non pas à 6 heures ?

22 R. Non, je ne sais pas, cela a commencé immédiatement. Cela a commencé

23 très rapidement, je ne sais pas à quelle heure en réalité, quelle heure il

24 était lorsque le premier obus est tombé. Mais si je savais que j'allais

25 devoir venir témoigner devant le Tribunal, j'aurais tout pris par écrit,

Page 3534

1 j'aurais indiqué quelque part les détails.

2 Q. Vous dites que le premier obus est tombé et a fait un trou sur le

3 toit ?

4 R. Non, cela c'est le toit du voisin, je ne sais pas quand le premier obus

5 est tombé sur ma maison. Je n'ai pas vu, mais j'ai senti la détonation.

6 Q. C'est la raison pour laquelle je vous pose cette question. Vous avez

7 déclaré à l'enquêteur du Tribunal que : "Vers 9 heures, le premier obus est

8 tombé sur le toit de notre maison et a fait un trou." Vous avez dit, c'est

9 ce que je vous cite.

10 R. Non, je dis simplement que j'ai senti les premières bombes tomber qui

11 ont fait un trou dans le toit de notre maison, mais je n'ai pas vu l'obus

12 tombé.

13 Q. Est-ce que vous avez vu le trou vous-même ?

14 R. Oui à l'extérieur de la maison, j'ai vu le trou. Ensuite, j'ai vu les

15 flammes.

16 Q. Où étiez-vous et quand avez-vous pu apercevoir le trou sur votre toit ?

17 R. C'est à l'extérieur, une fois à l'extérieur que j'ai pu voir. Quand je

18 suis sortie, j'ai regardé derrière et j'ai vu qu'il y avait un trou dans le

19 toit de ma maison. Lorsque nous sommes sorties de la maison, la maison

20 était à moitié détruite. Comme je vous ai dit, nous avons commencé à nous

21 étouffer, et tout ce matériel de construction nous tombait dessus. Nous

22 étions presque complètement enterrées par ces débris.

23 Q. Vous avez dit à mon confrère, à un moment donné au cours de

24 l'interrogatoire principal, qu'un obus téléguidé provenait du côté sud-

25 ouest et que cet obus téléguidé a incendié les rideaux de votre maison, au

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1 deuxième étage. Cela, c'est vrai ?

2 R. Oui, cela est vrai.

3 Q. Est-il exact que vous avez répondu à mon confrère qu'à ce moment-là

4 vous vous trouviez devant la rue Od Sigurate numéro 4, devant la maison de

5 Vladimir ?

6 R. Oui.

7 Q. Or, en vous tenant devant la maison Od Sigurate numéro 4, vous

8 regardiez en direction de votre propre maison ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez vu cet obus téléguidé pénétrer à l'intérieur de la fenêtre,

11 du deuxième étage.

12 R. Oui.

13 Q. Pouvez-vous avoir l'obligeance et nous dire de quelle couleur était

14 l'obus qui est entré par la fenêtre du deuxième étage ?

15 R. Je n'ai vraiment pas remarqué la couleur de l'obus.

16 Q. Peu de temps après, vous avez vu que depuis la fenêtre des flammes

17 sortaient ?

18 R. Oui, d'abord tout était détruit à l'intérieur, les murs se sont

19 effondrés, ensuite on a vu des flammes et que cet obus a explosé.

20 Q. Bien. Lorsque cet obus téléguidé est entré par la fenêtre du 2e étage

21 de votre maison, nous parlons des rues qui donnent sur la rue Od Sigurate,

22 est-ce que vous étiez seule à ce moment-là ? Qui se trouvait là, avec

23 vous ?

24 R. Moi-même, M. Vladimir Srhoj, ma sœur, et l'autre voisin. Il y avait

25 plusieurs personnes. Il y avait, également, Mme Hadzimatovic, ainsi que M.

Page 3536

1 Cikata. Il y avait, également, M. Milan dont j'ai oublié le nom de famille,

2 et voilà c'était à peu près tout.

3 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, en souhait, j'ai essayé de

4 formuler une objection quant à la dernière question, avant que l'on y donne

5 une réponse. Ce n'est pas, tout à fait, juste de dire que le témoin a dit

6 ce qu'elle a dit. Elle n'a pas vraiment précisé qu'elle a vu qu'un obus

7 téléguidé est entré par la fenêtre, mais elle a dit simplement qu'elle est

8 arrivée à cette conclusion parce qu'elle a vu quelque chose. Il faudrait

9 citer les propos exacts du témoin, quant à ce "missile téléguidé".

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Effectivement, Maître Petrovic, si

11 j'ai bien compris le témoignage du témoin, je crois qu'elle a dit qu'elle a

12 vu un projectile entré par la fenêtre et ensuite, elle a vu ce qui s'en est

13 suivi, mais elle-même, elle n'a pas vu un obus téléguidé. Quelqu'un d'autre

14 lui a dit qu'il s'agissait d'un missile téléguidé. Je crois que votre

15 question demeure valable, mais il faudrait peut-être changer les mots

16 projectiles, et les remplacer par obus téléguidé.

17 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'essaierai de

18 préciser ce point pour que le tout soit limpide. J'ai peut-être mal formulé

19 ma question ou c'est peut-être Mme Ogresta qui a fourni une réponse un peu

20 floue.

21 Q. Madame, pour résumer, vous étiez en compagnie de toutes ces personnes

22 que vous avez énumérées un peu plut tôt.

23 R. Oui.

24 Q. Vous étiez devant la rue Od Sigurate numéro 4, devant le bâtiment de la

25 rue Od Sigurate numéro 4, et vous avez vu un missile téléguidé entré par la

Page 3537

1 fenêtre du deuxième étage de votre bâtiment.

2 R. Oui, j'ai vu un obus, je présume qu'il s'agissait d'un obus téléguidé,

3 qui est entré directement par la fenêtre.

4 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il est,

5 tout à fait, clair pour ce qui est de ce qu'a dit ce témoin. Je crois que

6 ses propos sont clairs.

7 Q. Nous avons visionné un extrait tout à l'heure, extrait d'une cassette

8 vidéo. Il s'agissait d'un film qui a été enregistré le 7 décembre. Vous

9 nous avez dit que, s'agissant de la façade de votre maison qui donne sur

10 Stradun, vous nous l'avez montré, la fenêtre de gauche du deuxième étage,

11 et vous nous avez dit que c'est par cette fenêtre de gauche du deuxième

12 étage qu'est entré, également, un projectile. Est-ce exact ?

13 R. Oui, je le présume. Je présume que c'était ainsi, c'est ce que j'avais

14 entendu dire.

15 Q. En parlant de ces deux projectiles, que nous venons de décrire ici,

16 deux projectiles ont été la cause de l'incendie ?

17 R. Je ne sais pas si c'est ces deux projectiles qui ont causé l'incendie.

18 Q. Avant les projectiles, votre maison a été atteinte par une multitude de

19 projectiles ?

20 R. Oui.

21 Q. Avant cela votre maison n'avait pas encore pris feu ?

22 R. Non.

23 Q. Pour être tout à fait limpide, reformulons vos propos. Vous dites : "La

24 maison n'était pas encore incendiée."

25 R. Non.

Page 3538

1 Q. Lorsque ces deux projectiles ont atteint votre maison, vous dites que

2 les rideaux ont commencé à brûler et la maison a commencé à brûler très

3 rapidement.

4 R. Oui, très rapidement.

5 Q. Merci. Parlons du palais des festivals, lorsque mon éminent confrère

6 vous a interrogé à ce sujet, vous avez dit avoir eu l'impression que le feu

7 était venu du bas.

8 R. Je ne sais pas vraiment, c'était très traumatique pour nous, très

9 traumatisant. Nous avons fait de notre mieux pour éteindre le feu dans

10 notre maison. Nous avons puisé de l'eau dans un puits, et entre-temps le

11 palais des festivals a été incendié lui aussi. On a essayé d'éteindre le

12 feu mais cela n'a pas été possible, parce qu'il était déjà en flammes.

13 Q. Ai-je raison de dire, en examinant les -- ce que vous avez fait à mon

14 confrère, que vous nous avez dit que, dans le palais des festivals, c'est

15 au rez-de-chaussée que le feu s'est allumé pour ensuite se propager

16 partout ?

17 R. Je me suis peut-être trompé parce qu'en fait cela a commencé au rez-de-

18 chaussée. On n'a pas été en mesure d'ouvrir la porte du palais. C'est ainsi

19 que le feu s'est propagé. Il s'est propagé si bien que nous avons perdu du

20 temps, nous n'avons pas pu ouvrir la porte et, ensuite, M. Mladjo a ouvert

21 la porte, et ensuite sans succès, nous avons essayé d'éteindre le feu. Je

22 ne sais pas s'il a été touché par obus, mais en tout cas, il a été, les

23 flammes se sont emparées du bâtiment très vite. Je ne sais pas si les

24 flammes se sont propagées à partir de notre maison, mais en tout cas, les

25 flammes se sont propagées très vite.

Page 3539

1 Q. Il a commencé à brûler après votre maison ?

2 R. Oui, un petit peu du temps après.

3 Q. Peut-être que le feu s'est propagé de votre maison au palais du

4 festival ?

5 R. Je ne sais pas, il y avait toujours des tirs. Le bâtiment était en

6 flammes.

7 Q. Est-ce qu'il y avait un vent fort qui a peut-être attisé les flammes ?

8 R. Non, pas du tout, pas du tout. Il n'y avait pas du tout de vent.

9 Q. Vous nous dites que les pompiers sont arrivés sur les lieux très peu du

10 temps après le déclenchement de l'incendie. Comment sont-ils venus ? Est-ce

11 qu'ils sont venus à bord d'un véhicule, à bord d'un camion de pompier ?

12 R. Je ne sais pas. Je sais qu'ils sont venus dans un véhicule, je ne sais

13 pas combien ils étaient. Ils ont essayé d'éteindre le feu, mais ils n'ont

14 pas réussi à le faire. Le cahot le plus total régnait, tout le monde est

15 venu de toute la ville pour voir ce qui se passait. Les gens ne semblaient

16 pas avoir peur, ils venaient voir ce qui se passait.

17 Q. Vous ne savez pas combien ils étaient, mais ils sont venus dans un

18 camion de pompier rouge, n'est-ce pas ?

19 R. J'imagine autant que je m'en souvienne, mais vraiment je ne sais pas,

20 mais j'imagine que oui.

21 Q. Il y a quelques instants, en réponse à une question de mon confrère,

22 vous avez dit qu'en réalité, toutes les autres maisons de la rue Od

23 Sigurate ont, soit été laissées intactes ou très peu endommagées. Je ne

24 parle pas du monastère mais je parle des maisons qui se trouvaient dans

25 votre rue, mais laissez-moi finir ma question.

Page 3540

1 Est-ce que cela signifie que l'obus ou les obus qui sont tombés, ces obus

2 qui sont tombés, ces obus ont touché votre maison et qu'il n'y a pas

3 d'autres obus que ceux qui ont touché votre maison ?

4 R. S'agissant des autres maisons, j'ai dit que la toiture de mon voisin a

5 été touchée. Il y a aussi le palais du festival d'été qui a été touché,

6 mais je n'ai pas vu d'autres bâtiments touchés. Il n'y a pas eu d'autres

7 dégâts.

8 Q. Dans votre déclaration, vous dites la chose suivante, quelque chose de

9 fort intéressant d'ailleurs. Vous dites, je cite : "Dans la vieille ville,

10 je n'ai vu aucun canon, je n'ai pas vu de tir à embusquer, je n'ai rien vu

11 de tel, mais j'aurais du mal à vous parler de la zone située en dehors de

12 la vieille ville."

13 R. Oui. Etant donné, que je n'y suis pas allée. Je ne peux rien dire. Moi,

14 j'étais dans la vieille ville.

15 Q. Donc vous n'avez rien vu ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Savez-vous qui est Damir Ogresta ?

18 R. Damir Ogresta, c'est mon beau-frère, si c'est celui dont vous parlez.

19 Il était marin.

20 Q. Oui. Où se trouvait-il en 1991 ?

21 R. A Dubrovnik. J'imagine qu'il était à Dubrovnik, mais à l'époque, je

22 n'avais pas encore rencontré mon mari.

23 Q. De quel quartier de la ville est votre mari ?

24 R. Il est de Boninovo, en face du centre médical. A côté du cimetière de

25 Boninovo, d'ailleurs.

Page 3541

1 Q. Avez-vous entendu dire que M. Damir Ogresta était membre de la police

2 croate pendant la période qui nous intéresse, octobre, novembre, décembre ?

3 R. Non, à l'époque, je ne le connaissais pas, et aujourd'hui, de toute

4 manière, nous ne sommes pas en très bons termes.

5 Q. Avez-vous appris qu'il était à la tête du poste de police de Mokosica ?

6 R. Non.

7 Q. Avez-vous appris que votre beau-frère avait été blessé ?

8 R. Non.

9 Q. Avez-vous parlé des événements de 1991 avec votre mari ?

10 R. Non. Il ne m'a pas parlé de son frère. Il ne vivait pas avec son frère.

11 D'ailleurs, je n'ai même jamais rencontré son frère.

12 Q. Est-ce que vous avez parlé des événements de 1991 avec votre mari ?

13 R. Oui. Mon mari a tenu un journal.

14 Q. Est-ce que votre mari a été membre des unités en présence à cette

15 époque ?

16 R. Non.

17 Q. Votre mari ne vous a jamais dit que son frère était le chef du poste de

18 police à Mokosica ?

19 R. Non, il ne me l'a pas dit, et puis je ne lui ai jamais demandé.

20 Q. Petite question. Vous nous dites qu'au début octobre, il y a eu des

21 dégâts au niveau de palais de Sponza, Saint-Blaise, et cetera.

22 R. Oui.

23 Q. Quelle était la nature de ces dégâts ? Qu'est-ce qu'on voyait ?

24 R. Il y avait des trous dans les façades, il y avait des fissures.

25 Q. S'agissant du palais Sponza, où se trouvaient les fissures ?

Page 3542

1 R. Là, vous m'en demandez trop. Je ne sais pas.

2 Q. Est-ce que vous avez vu ces dégâts ?

3 R. Oui, mais je ne m'en souviens pas. Je n'ai pas fait très attention.

4 J'ai simplement regardé ma maison, et d'ailleurs, je ne vais plus en ville,

5 parce que cela fait remonter des souvenirs trop pénibles.

6 Q. S'agissant de l'église Saint-Blaise, est-ce que vous avez vu des

7 dégâts ?

8 R. Oui, et il y a eu des travaux de reconstruction alors qu'il n'y avait

9 que quelques fissures.

10 Q. En octobre, est-ce qu'il y a eu des dégâts à l'église Saint-Blaise ?

11 Quels types de dégâts ?

12 R. Sans doute sur la toiture, je ne sais pas. Vous m'en demandez trop.

13 Q. Qu'en est-il du musée Rupe ?

14 R. Je sais qu'il a été endommagé également, mais je ne suis pas allée voir

15 sur place. Les gens ont dit qu'il avait été endommagé. Moi, je n'y suis pas

16 allée.

17 Q. Merci.

18 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

19 questions à poser au témoin.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Petrovic.

21 Monsieur Re.

22 M. RE : [interprétation] Peut-on présenter au témoin la carte qu'elle a

23 annotée. Il s'agit de la pièce 89 ou 90 -- non P89.

24 Nouvel interrogatoire par M. Re :

25 Q. [interprétation] Me Petrovic vous a posé des questions au sujet des

Page 3543

1 dégâts au niveau de la maison de votre voisin, M. Vladimir Srhoj. Je

2 voudrais que vous nous montriez sur la carte où se trouve sa maison par

3 rapport à la vôtre en dessinant un carré avec une croix.

4 R. [Le témoin s'exécute]

5 Q. Il me semble que vous vous êtes trompée de rue ?

6 R. C'est vrai.

7 Q. Non, vous avez fait un dessin au milieu de la rue, en fait. Veuillez,

8 s'il vous plaît, indiquer où se trouve la maison en dessinant ce symbole,

9 dans la partie grisée, là où se trouvent les maisons.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Vous êtes toujours en train de dessiner sur la rue.

12 R. Oui.

13 Q. Veillez écrire le lettre A à côté.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. C'est le numéro 4, n'est ce pas ?

16 R. Oui, il me semble que c'est au numéro 4, oui. Un, deux, trois, quatre,

17 il me semble que c'était ça. Je crois que c'était au numéro 4 de la rue,

18 effectivement.

19 Q. Merci.

20 R. Quatre ou 5, je ne sais pas vraiment.

21 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

22 demander que l'on indique, d'une manière ou d'une autre, où se trouve la

23 maison de ce témoin parce que, pour l'instant, les choses ne sont pas assez

24 claires. J'aimerais demander à mon confrère de bien vouloir faire en sortes

25 que la maison du témoin soit indiquée.

Page 3544

1 M. RE : [interprétation] Peut-être pourrait-on ajouter une légende ? Un X

2 pour la maison du témoin, un A pour la maison de M. Vladimir Srhoj.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le Greffier s'en chargera.

4 M. RE : [interprétation] Je vais poursuivre pendant qu'il s'exécute.

5 Q. Vous avez déclaré à M. Petrovic, pendant le contre-interrogatoire, que

6 vous avez entendu des soldats jouer de la musique populaire, folklorique.

7 De quelle musique s'agissait-il ?

8 R. Il s'agissait de musique populaire serbe. Je ne connais pas vraiment de

9 la musique populaire composée récemment.

10 Q. Pourquoi dites-vous cela ?

11 R. Parce que c'était la mélodie qui me fait dire cela.

12 Q. Les paroles ? Pourquoi dites-vous que c'est une chanson composée

13 récemment ?

14 R. Je pense que cela avait été composé relativement récemment, c'était de

15 la musique populaire, je n'avais entendu précédemment. Il y avait des haut-

16 parleurs.

17 Q. Est-ce que vous souvenez de l'objet de ces chansons, de quoi parlaient

18 ces chansons ?

19 R. Non, je ne me souviens pas des paroles. Je ne les ai pas entendues.

20 M. RE : [interprétation] Pourrait-on présenter au témoin la pièce 90, le

21 rapport de l'institut ?

22 Q. Examinez cette pièce à conviction. M. Petrovic vous a posé des

23 questions au sujet des photographies dans ce rapport. Il vous a parlé de

24 notre rencontre la semaine dernière et de ces photographies. Est-ce que,

25 quand nous sommes rencontrés, je vous ai présenté ces photographies ? Est-

Page 3545

1 ce que je vous ai montré une copie de ce rapport ?

2 R. Je ne m'en souviens pas.

3 Q. Vous ai-je donné des documents, avant que vous veniez ici, au

4 prétoire ?

5 R. Oui, oui, vous m'avez juste donné la déclaration.

6 Q. Je vous ai donné votre déclaration en croate pour que vous la lisiez?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous l'avez lue après que je vous l'ai donnée ? C'était le

9 mercredi dernier, il me semble.

10 R. Je l'ai parcourue rapidement.

11 Q. Vous l'avez toujours sur vous ?

12 R. Je pense qu'elle est à l'hôtel. Oui.

13 Q. Qu'en est-il des photos du rapport, des photos que vous avez là sous

14 les yeux ?

15 R. Je ne sais pas. Peut-être que vous me les avez données, mais je ne les

16 ai plus ressorties. Je ne les ai plus. Regardez.

17 Q. Je vous prie de regarder la page de couverture.

18 R. Oui.

19 Q. M. Petrovic vous a contre-interrogé au sujet de ce projectile

20 autoguidé, votre utilisation de ce terme. Je vous prie de regarder sur

21 cette page intitulée "Type de Projectile". Il s'agit de la première page du

22 rapport.

23 R. Oui, oui, je vois cela.

24 Q. M. Petrovic vous a demandé, vous a posé des questions, concernant votre

25 utilisation du terme "projectile autoguidé." Ce que je vais vous demander,

Page 3546

1 c'est la chose suivante : c'est cela qui vous a fait dire qu'il s'agissait

2 d'un projectile autoguidé ?

3 R. Peut-être que oui, peut-être que c'est cela qui a fait rejaillir ce

4 souvenir.

5 Q. M. Petrovic vous a demandé si vous avez vu des photos auparavant. Vous

6 avez répondu, "non." Qu'entendez-vous par là ?

7 R. Je les ai vues, j'ai l'original. J'ai vu cela directement.

8 Q. Je ne comprends pas. M. Petrovic vous a demandé, en fait, moi, lors de

9 l'interrogatoire principal, je vous ai posé des questions concernant ces

10 photos. M. Petrovic, pendant son contre-interrogatoire, vous a demandé si

11 vous les aviez vues auparavant. Vous avez dit que non. Vous avez dit que

12 vous pensiez que je vous avais peut-être fourni ces photos. Je veux que

13 vous expliquiez aux membres de cette Chambre pourquoi vous avez répondu à

14 sa question par la négative ? Pourquoi vous avez dit non ?

15 R. Parce que, je ne les ai pas regardées. Sincèrement, c'est ma réponse.

16 Je ne voulais pas peut-être les regarder, c'était plus fort de moi de ne

17 pas les regarder.

18 Q. J'ai oublié une chose tout à l'heure avant que l'on reprenne cette

19 pièce. Je vous prie d'y apposer votre nom, de signer, et d'y apposer la

20 date en bas.

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. C'est le 3 mars.

23 Q. Je vous remercie. Avons-nous terminé avec la pièce P89, le plan. Vous

24 avez écrit la légende, l'explication ?

25 M. RE : [interprétation] Je voudrais juste voir la légende, Monsieur

Page 3547

1 l'Huissier. Pouvez-vous montrer aux Juges de cette Chambre la légende. On y

2 voit clairement X qui indique la maison du témoin et A, la maison de M.

3 Vladimir Srhoj. Ceci est marqué en bas, à droite.

4 Ceci termine mes questions supplémentaires. Merci.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Ogresta, je suis ravi de vous

6 annoncer que vous avez terminé votre témoignage. Vous pouvez rentrer chez

7 vous et je vous remercie d'être venue et de l'aide que vous nous avez

8 apportée.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez suivre, Monsieur l'Huissier à

11 présent. Je vous remercie.

12 [Le témoin se retire]

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re. Qu'allons nous faire des

14 minutes qui nous restent ? Je pense qu'il ne serait pas tout à fait

15 pratique de commencer avec l'interrogatoire du prochain témoin.

16 M. RE : [interprétation] Non, effectivement. M. Davis sera notre prochain

17 témoin. Je souhaiterais juste ajouter quelque chose concernant

18 l'information que j'ai donnée à M. Petrovic pendant la pause. Il s'agit du

19 sujet que j'ai évoqué lors des questions supplémentaires et qui concernent

20 les photos que j'ai fournies au témoin pendant le récolement.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A présent, nous allons lever

22 l'audience.

23 --- L'audience est levée à 13 heures 38 et reprendra le jeudi 4 mars 2004,

24 à 9 heures 00.

25