Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le jeudi 29 avril 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Bonjour à toutes

7 les personnes présentes dans la sale. Je souhaite vous rappeler votre

8 déclaration solennelle.

9 LE TÉMOIN: DOVORIN RUDOLF [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 Madame Somers, vous souhaitez prendre la parole.

12 Mme SOMERS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Merci,

13 Madame, Monsieur les Juges. Bonjour, conseil de la Défense.

14 Interrogatoire principal par Mme Somers : [Suite]

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

16 Monsieur Rudolf, on va essayer de revenir un petit peu sur ce que nous

17 avons abordé hier. Pardonnez-moi. Je dois simplement vérifier quelle était

18 la dernière question qui était posée hier.

19 Nous avons commencé hier, Monsieur Rudolf, à évoquer les événements du 6

20 décembre 1991, et nous avons parcouru un certain nombre des mentions

21 apportées au journal du capitaine du port. Je vais vous poser une question

22 maintenant au sujet de certaines de vos conversations si vous en avez eu

23 avec les membres de la JNA une fois qu'il vous est apparu clairement que

24 Dubrovnik était attaqué, la première heure du matin du 6 décembre.

25 Premièrement, j'aimerais aborder un point, en particulier, et vous demandez

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1 la question suivante : lorsque Zagreb vous a demandé de vous rendre dans la

2 région de Dubrovnik, aux fins d'entamer des négociations complètes, en vue

3 de terminer les hostilités entre autre, vous avez précisé qu'on vous avait

4 informé -- on vous a demandé de rencontrer le général Strugar. Aviez-vous,

5 lors de tractation antérieure, rencontré le général Strugar ? Avez-vous

6 entendu parler d'une réunion avec le général Strugar ?

7 R. J'ai reçu mes instructions le 29 novembre 1991 avant de m'y rendre en

8 présence de deux autres ministres, Kriste et Cifric. Je n'ai jamais vu le

9 général Strugar avant cette date, et je ne l'ai jamais vu avant la date

10 d'aujourd'hui dans ce prétoire.

11 Q. Puis-je vous poser la question ? Le terme "2e Groupe opérationnel",

12 est-ce que ceci signifie quelque chose pour vous, à l'époque, à la fin du

13 mois de novembre 1991 et début du mois de décembre 1991 ? Est-ce que ce

14 terme signifie quelque chose pour vous ?

15 R. Non. Personnellement, non.

16 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Cavtat, et que vous y avez trouvé l'amiral

17 Jokic au lieu du général Strugar, l'amiral Jokic vous a-t-il expliqué

18 pourquoi le général Strugar n'était pas présent ? Ou vous a-t-on dit que

19 vous étiez censé rencontrer le général Strugar ?

20 R. Je pense que le général Jokic a dit que M. Strugar avait dû avoir un

21 empêchement, mais cela m'était totalement indifférent. La personne, avec

22 laquelle j'allais être en contact, c'était le général ou l'amiral, cela

23 avait peu d'importance pour moi. Ce qui m'importait, c'était de savoir

24 qu'il s'agissait d'un représentant du commandement suprême des forces

25 armées de la JNA.

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1 Q. Lorsque vous étiez en pourparlers et au cours des négociations du mois

2 de décembre 1991, vous est-il apparu clairement que l'amiral Jokic détenait

3 l'autorité et représentait, de façon officielle, le commandant suprême,

4 ainsi que le général Strugar pour entamer ces négociations ?

5 R. Il avait une autorité certaine, lorsque nous nous sommes rencontrés

6 avant le début des pourparlers. Nous nous sommes présentés et nous étions

7 représentant du gouvernement croate, alors que l'amiral Jokic, c'était

8 présenté comme étant le représentant du commandant suprême des forces

9 armées de la JNA, et il s'est présenté lui-même ainsi. Nous nous sommes

10 présentés avant le début des pourparlers.

11 Q. Malgré le fait, et si je vous ai bien compris, il y avait un point au

12 sujet de l'inspection des vaisseaux en mer ou dans les eaux territoriales,

13 qui est un point sur lequel vous n'étiez pas tombé d'accord. Est-ce que

14 vous aviez l'impression que l'amiral Jokic détenait l'autorité en la

15 matière et représentait le général Strugar, ainsi que le commandant suprême

16 pour mener ces négociations à bien lorsque vous avez quitté Cavtat, le 5

17 décembre ?

18 M. PETROVIC : [interprétation] Je soulève une objection -- je soulève une

19 objection ici. Les éléments de preuve et les dépositions du témoin, d'après

20 son témoignage, le général Jokic représentait -- l'amiral Jokic

21 représentait l'autorité suprême et représentait le commandement suprême.

22 Rien n'indique, d'après les dires de ce témoin, et je dois répéter pour la

23 deuxième fois, qu'il y a un lien entre ce qu'il dit et le général Strugar.

24 Ma consoeur n'est pas en droit de faire cela.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers, vous pouvez répondre.

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1 Mme SOMERS : [interprétation]

2 Q. Monsieur Rudolf, lorsque vous avez appris que vous alliez mener ces

3 négociations en présence du général Strugar, mais lorsque vous avez appris

4 que l'amiral Jokic le représentait, est-ce que vous en étiez satisfait ou

5 non ?

6 R. On m'a dit à Zagreb, lorsque je me suis entretenu avec le général

7 Raseta et, plus tard, lorsque j'ai parlé avec l'officier -- le bureau de

8 l'amiral Brovet, on m'a dit que je mènerais ces négociations en présence du

9 général Strugar.

10 Lorsque nous sommes arrivés à Dubrovnik le 4, nous sommes entrés en

11 contact avec Sofronije Jeremic, et nous sommes tombés d'accord pour

12 organiser cette réunion à Cavtat. Je crois qu'il a dit que nous allions

13 rencontrer l'amiral Jokic, mais, comme je vous l'ai dit, lorsque nous

14 sommes arrivés sur les lieux, ce qui m'importait c'était d'entrer en

15 contact avec un représentant du commandant suprême quelle que soit la

16 personne.

17 Q. Etiez-vous satisfait du fait que l'amiral Jokic remplaçait, à ce

18 moment-là, le général Strugar ? Quelle en a été la raison ?

19 R. J'étais persuadé que l'amiral Jokic représentait le commandement

20 suprême des forces armées de la JNA. Il a simplement précisé que le général

21 Strugar ne pouvait pas venir, et pour moi cela était suffisant. Il y avait

22 tout simplement un de ces homologues qui le remplaçait au commandement

23 suprême de la JNA.

24 Q. Merci beaucoup. Les représentants de la Mission d'observation de la

25 Communauté européenne sont-ils entrés dans la pièce où vous avez mené ces

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1 négociations ?

2 R. Je ne peux pas répondre avec certitude.

3 Q. Nous allons maintenant aborder la date du 6 décembre. Je souhaite vous

4 poser la question suivante : hier, nous avons abordé certaines des mentions

5 qui figurent dans le journal, et je vous avais posé une question à propos

6 d'une mention qui se trouve à la page 20 de ce que nous appelons T162, le

7 journal du capitaine du port.

8 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur l'Huissier, je vais vous demander de

9 bien vouloir remettre au témoin un exemplaire de cette pièce, s'il vous

10 plaît, le même que le document portant -- le document qui se trouve à

11 l'intercalaire 11 -- P136 à l'intercalaire 11 de ce classeur. Merci.

12 Q. Monsieur Rudolf, hier, nous commençons, en fait, à la page 18 jusqu'à

13 la page 19 du journal, et se poursuit à la page 20. Ici, on aborde

14 différents points qui figurent dans une communication, qui vous était

15 destinée de Boka VPO, comme c'est précisé ici, de la part de l'amiral

16 Jokic. Au point 7, en particulier, on vous a posé une question à propos du

17 blocus contre la ville. Je vous demande de porter votre attention sur le

18 deuxième document qui porte le numéro P136 en haut de la page. Il s'agit

19 d'un message transmis par l'amiral Jokic de la cellule de Crise et envoyé à

20 vous-même. C'est daté du 6 décembre. En premier lieu, reconnaissez-vous le

21 contenu de ce document ? C'est un élément qui a été versé au dossier, mais

22 je veux simplement m'assurer que vous reconnaissez ceci.

23 R. Oui.

24 Q. Merci. Ce document résume-t-il les différents points énumérés dans le

25 journal entre les pages 18 et le haut de la page 21 ? Est-ce qu'il s'agit

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1 du même message ? Si vous regardez les pages 18 à 21 du journal et vous

2 regardez ce document, s'agit-il effectivement de la même chose ?

3 R. Un instant, s'il vous plaît. Oui, oui. C'est le même message. La

4 différence près que dans un des documents, c'est sous forme manuscrite où

5 dans l'autre, cela a été tapé à la machine.

6 Q. Veuillez regarder le document qui a été tapé à la machine. Ici, une

7 mention est faite de retirer les armes et de toutes les armes qui entravent

8 la ville et de lever le siège ou le blocus. De quelles armes s'agit-il

9 ici lorsqu'on parle de ces armes qui compromettent la sécurité de la ville

10 ?

11 R. Le 5, nous avons eu des pourparlers à ce propos. Nous avons demandé à

12 ce que la JNA se retire du territoire de la République de Croatie, comme il

13 était convenu à Rijeka et Zitnic. Néanmoins, non seulement l'amiral n'a pas

14 accepté ceci, mais il a refusé même d'aborder cette alternative. Il a

15 demandé que les forces armées se retirent de Dubrovnik et en échange d'un

16 retrait de la JNA d'une zone importante autour de Dubrovnik. En d'autres

17 termes, il proposait la démilitarisation complète de Dubrovnik en échange

18 de leur retrait de Dubrovnik à une grande distance de Dubrovnik.

19 Lorsque les forces armées de Croatie se sont retirées, bien qu'on

20 nous ait promis que la JNA ne rentrerait pas dans la ville de Dubrovnik, en

21 fait, ils sont entrés dans la ville et c'est ce que nous avons évoqué avec

22 l'amiral Jokic. Il a particulièrement insisté sur le fait que les

23 mercenaires s'étaient retirés de Dubrovnik.

24 Q. Ma question, ceci est une question très précise parce qu'au point

25 numéro 7, nous manquons de temps, aujourd'hui --

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1 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,

2 Monsieur les Juges, si vous regardez l'interprétation, permettez-moi, à la

3 page 6, lignes 3 et 4, M. Rudolf a parlé de -- je crois qu'il a été promis

4 qu'ils ne rentreraient pas à Cavtat, non pas à Dubrovnik. Ils ont dit

5 qu'ils ne rentreraient pas à Cavtat.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre à cette question, c'est

7 très compréhensible. Il était précisé que les armes, qui présentaient un

8 danger pour la ville, devaient être écartées, de façon à ce qu'on ne puisse

9 pas tirer. Les armes devaient être mises hors de portée, autrement dit,

10 hors de danger de nuire, et on souhaitait effectuer un échange --

11 Mme SOMERS : [interprétation]

12 Q. De quelles armes s'agit-il ? D'armes de quel côté ?

13 R. La manière dont j'ai compris ce document, les armes qui se trouvaient

14 en ville étaient des armes de la JNA et du côté croate, les forces armées

15 devaient se retirer de la ville.

16 Q. A votre connaissance, les mercenaires, s'agissait-il des mercenaires

17 dans les forces croates ?

18 R. A ce moment-là, lorsque l'amiral Jokic a parlé de mercenaires, je ne

19 savais pas s'il en avait ou pas; cependant, dès que les négociations

20 étaient terminées, je me suis rendu à Dubrovnik et j'ai fait une enquête

21 pour établir si, oui ou non, c'était le cas. Il n'y avait qu'un seul

22 étranger. Il y avait un homme qui venait des Pays-Bas et qui avait épousé

23 une femme de Dubrovnik. C'était quasiment un homme de Dubrovnik d'origine

24 néerlandaise. Sa femme était de Dubrovnik. Il n'y avait pas d'autres

25 mercenaires sur place.

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1 Q. Monsieur Rudolf, est-ce que vous étiez en train de dire que le seul

2 point épineux était l'inspection de vaisseaux et, hormis ce point-là, il

3 semblait des deux côtés que l'accord était sur le point de se conclure ?

4 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

5 Juges, des questions directrices sont posées ici. Le témoin n'a absolument

6 pas évoqué la question des points épineux de ceux qui ne l'étaient pas. En

7 tout cas, je n'ai rien entendu à cet effet. Peut-être que ma consoeur a

8 entendu autre chose. A quel endroit le témoin a-t-il dit ce qui était

9 contesté au sein de ce document ?

10 Mme SOMERS : [interprétation] Je vais revenir.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crains, Madame Somers, que vous

12 n'attrapiez ce défaut qu'ont Me Rodic et Me Petrovic. Ils tentent

13 d'imaginer ou de représenter dans leurs esprits ce qu'ils souhaitent

14 entendre, mais qui n'est pas véritablement précisé dans la déposition

15 lorsqu'ils mènent leur contre-interrogatoire.

16 Mme SOMERS : [interprétation] Pardonnez-moi.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous allez être obligé de --

18 Mme SOMERS : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président.

19 Q. Monsieur Rudolf, y avait-il un point épineux ? Y avait-il des points

20 sur lesquels vous n'étiez pas en désaccord lorsque vous avez quitté Cavtat

21 le 5, après vos pourparlers avec la JNA ?

22 R. Nous sommes tombés d'accord immédiatement après les négociations

23 initiales. Nous avons expliqué la situation qui était celle de Dubrovnik et

24 nous avons présenté nos revendications. Ensuite, l'amiral Jokic a fait la

25 même chose. Nous sommes tombés d'accord immédiatement sur un point qui

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1 était de cesser les hostilités et de cesser les combats. Ensuite, il y a eu

2 une discussion sur la réouverture des voies d'accès et des services de

3 Dubrovnik qui devaient être remis en route et des îles voisines. Autrement

4 dit, les services publics devaient refonctionner. L'électricité à

5 Dubrovnik, l'approvisionnement en eau, la distribution d'eau qui a été

6 évoquée, évidemment, la réouverture de la route entre Dubrovnik et Split.

7 Ensuite, le seul point sur lequel nous ne pouvions pas tomber d'accord

8 était celui du blocus naval de Dubrovnik. Tout au début, l'amiral Jokic a

9 dit qu'il n'avait pas l'autorité pour parler de ce point, ni pour convenir

10 de la levée du blocus. C'est là-dessus que nous insistions. Nous n'avons

11 pas, en vain, et nous avons essayé de trouver un compromis. Nous avons

12 suggéré que le blocus soit maintenu, qu'il fallait vérifier les bateaux à

13 Dubrovnik dans le port de Gruz, alors que l'amiral souhaitait que les

14 bateaux soient vérifiés en haute mer.

15 Nous avons insisté auprès des autorités portuaires parce que nous étions au

16 mois de décembre. Si vous inspectez les bateaux en mer alors que le temps

17 n'est pas très clément et que la mer est peut-être démontée, ensuite, le

18 bateau aurait dû rentrer dans le port de Zelenika pour l'inspection en

19 question. Bien sûr, ceci aurait été très compliqué à la fois pour

20 l'équipage et pour les passagers. Comme je suis ministre des Affaires

21 maritimes, j'ai eu un certain nombre de réclamations émanant des différents

22 équipages de bateau.

23 Nous avions un commandant d'un bateau qui s'appelait Slavija, par exemple.

24 Il était Monténégrin et il s'en était plaint. Nous devions le remplacer.

25 C'était le seul point sur lequel nous ne pouvions pas tombés d'accord parce

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1 que l'amiral a précisé qu'il devait consulter le commandant suprême avant

2 de prendre des décisions. Nous avons dit : très bien, nous allons en parler

3 à notre gouvernement également. Nous nous sommes quittés avec la ferme

4 conviction que nous parviendrons à un accord sur les points importants,

5 c'est-à-dire, le plus important, la cessation des hostilités. Nous avons

6 convenu de retourner à 10 heures le lendemain matin pour signer cet accord.

7 Q. A votre avis, pensez-vous que l'amiral Jokic avait l'autorité nécessaire

8 pour signer cet accord, que ce soit sur ce point là ou sur d'autre ? Vous

9 avez indiqué à un moment donné que la question de l'inspection des bateaux

10 était une question qui n'avait pas été résolue, mais étiez-vous satisfait

11 des autres points que vous avez abordés ? Pensiez-vous que l'amiral avait

12 l'autorité nécessaire pour traiter cela dès les négociations ?

13 Vous avez hoché la tête.

14 R. Oui. Sur tous les autres points il avait l'autorité nécessaire.

15 Q. Merci. Hier, nous avons parlé de cette journée du 6 décembre du début

16 de la matinée lorsque vous avez compris qu'il avait une attaque ce matin-là

17 à Dubrovnik. Est-ce que vous avez tenté d'entrer en contact avec la JNA de

18 l'autre côté à ce moment-là ? Si oui, de quelle manière avez-vous procédé ?

19 Comment avez-vous essayé d'entrer en contact avec la JNA ?

20 R. J'étais réveillé par les coups de feu, et je suis descendu au bar comme

21 tout le monde. Vous pouvez voir clairement que Dubrovnik était bombardé. Ce

22 bar et ce restaurant et cette pièce, où se trouvaient les observateurs de

23 la Mission d'observation de la Communauté européenne étaient assis, nous

24 étions face à la mer. On voyait très bien. Pardonnez-moi, je ne suis pas un

25 soldat, mais on m'a dit plus tard que l'arme utilisée était un Maljutka. On

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1 voyait très bien les obus qui nous passaient au dessus de la tête et qui

2 tombaient dans le port.

3 Je vous ai dit hier que j'étais très bouleversé quand j'ai vu cela,

4 car malgré l'accord que nous avions sur lequel nous étions tombés d'accord

5 environs 24 heures auparavant, je ne pouvais comprendre que Dubrovnik

6 puisse être ainsi bombardé. Peu m'importait. Je dois dire que tous mes

7 espoirs se sont évanouis à ce moment-là, même l'idée de rester en vie

8 m'importait peu.

9 Notre système de communication avec le reste de la ville et avec la

10 défense de la ville fonctionnait toujours. J'ai appelé l'amiral Jokic

11 immédiatement. J'ai composé son numéro et je ne sais pas où il se situait,

12 si c'est Kumbor, mais quoi qu'il en soit, je ne pouvais. Il ne répondait

13 pas au téléphone.

14 Q. Pourriez-vous me dire quel type d'instrument vous avez utilisé pour

15 essayer d'entrer en contact avec l'amiral Jokic ?

16 R. J'ai essayé de le contacter par téléphone, le téléphone qui se trouvait

17 à l'hôtel; cependant, M. Di Mistura est arrivé à ce moment-là. Il était là

18 et il avait un téléphone satellite. Nous sommes montés dans sa chambre pour

19 essayer d'entrer en contact avec l'amiral par le biais de ce téléphone là.

20 Q. Pourquoi l'amiral Jokic ?

21 R. Parce que c'est avec lui que nous étions tombés d'accord sur un cessez-

22 le-feu la veille.

23 Q. Merci. Ce M. Di Mistura, qui était-ce ?

24 R. C'était le représentant des Nations Unies à Dubrovnik. Il avait une

25 suite dans l'hôtel. Il avait un téléphone satellite. Il y avait des

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1 représentants de différentes organisations internationales à Dubrovnik à

2 l'époque. Ils étaient tous à l'hôtel Argentina. Toutes les fois que je

3 parle d'événements qui portent sur le 6 décembre, je parle de l'hôtel

4 Argentina, dans tous les cas et, en particulier, ce bâtiment en annexe qui

5 a fait partie du même hôtel. C'est un bâtiment annexe.

6 J'ai composé ce numéro. J'ai utilisé ce téléphone un petit peu

7 particulier. Nous avons réussi à rentrer en contact avec le bureau de

8 l'amiral Jokic. J'ai pris la parole et j'ai demandé à parler à l'amiral

9 Jokic. On m'a demandé s'il était là. On m'a répondu que non, et je lui ai

10 dit : vous êtes en train d'attaquer Dubrovnik. Il a

11 dit : non, non. Nous n'attaquons personne. J'ai éloigné le combiné de moi

12 et la personne à l'autre bout de la ligne a entendu les coups de feu. Il a

13 dit : bon d'accord, je vais aller chercher l'amiral Jokic sur le champ --

14 Q. Qui se trouvait à l'autre bout de la ligne ? Est-ce que vous savez qui

15 c'était ?

16 R. Non, je ne sais pas qui c'était.

17 Q. Est-ce que vous avez indiqué -- excusez-moi. Est-ce que vous avez

18 indiqué à la personne qui se trouvait à l'autre bout de la ligne que la

19 vieille ville était également prise pour cible ?

20 R. Non. J'ai simplement dit que l'on tirait sur Dubrovnik. Quand on dit

21 Dubrovnik, on veut dire l'ensemble de la ville.

22 Après un certain temps, je ne pourrai pas vous dire exactement

23 combien, peut-être une vingtaine de minutes, peut-être une demi-heure, j'ai

24 finalement eu l'amiral Jokic au téléphone. Je ne sais pas si c'était moi

25 qui l'appelais ou lui qui m'appelait --

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1 Q. Lorsque vous dites ils tiraient sur Dubrovnik, et que ceci veut dire

2 l'ensemble de la ville, est-ce que ceci inclut la vieille ville ?

3 R. Oui, tout à fait. Certainement.

4 Q. A un moment donné vous avez pu parler à l'amiral Jokic

5 personnellement ?

6 R. Oui.

7 Q. Que vous lui avez dit ?

8 R. Je lui ai immédiatement dit : amiral, ils tirent sur Dubrovnik. Hier,

9 nous nous sommes mis d'accord sur un cessez-le-feu. J'ai également pris le

10 combiné de façon à ce qu'il puisse entendre les tirs, à quoi il a répondu

11 qu'il n'avait pas émis d'ordre pour tirer sur Dubrovnik. Il a dit que

12 c'était ridicule de faire quelque chose comme cela. Il a dit qu'il fait une

13 enquête sur le champ pour voir ce qui se passait. Ce qui était le plus

14 important pour moi, c'est qu'il a suggéré un cessez-le-feu, une trêve

15 qu'ils avaient commencée à 11 heures. Naturellement, j'ai accepté cela

16 immédiatement. Je peux vous dire ici encore que, comme vous le savez, je

17 suis un professeur de droit international, et de tels accords peuvent être

18 conclus au téléphone. Nous nous sommes mis d'accord que le cessez-le-feu

19 devait commencer à 11 heures 00.

20 Q. Est-ce que vous avez indiqué à l'amiral Jokic que Dubrovnik et la

21 vieille ville essayaient une attaque ?

22 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a déjà

23 répondu à cette question il y a plusieurs minutes, et d'une façon

24 parfaitement claire. Regardez, s'il vous plaît, à la page 11, ligne 14.

25 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, c'était avec l'autre

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1 personne que j'avais fait une référence sur cette question.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voudriez-vous, s'il vous plaît,

3 poursuivre Madame Somers.

4 Mme SOMERS : [interprétation]

5 Q. Ma question à vous était la suivante : est-ce que vous avez dit à

6 l'amiral Jokic que Dubrovnik et la vieille ville faisaient l'objet d'une

7 attaque ? Est-ce que vous rappelez de ce que vous avez dit ?

8 R. Vous savez c'était il y a douze ou treize ans. Je crois que j'ai dit

9 que Dubrovnik était attaquée. Quand j'ai dit Dubrovnik, ceci comprend la

10 vieille ville aussi. Je dois vous dire qu'on voyait tout ce qui se passait

11 depuis l'hôtel Argentina. Nous pouvions voir que les coups arrivaient sur

12 les murailles et remparts de la vieille ville du côté sud. Nous pourrions

13 également voir qu'à l'intérieur de la vieille ville, il y a avait des

14 fumées qui s'élevaient après une explosion, de sorte qu'il était bien clair

15 que les coups ont également atterri sur l'hôtel Argentina. Un coup est

16 arrivé sur l'annexe sur laquelle nous nous trouvions.

17 Q. Au moment où vous avez dit cela à l'amiral Jokic, est-ce que vous vous

18 rappelez à quel moment ?

19 R. Oui.

20 Q. Monsieur, est-ce que vous avez eu des communications avez le général

21 Strugar ce jour-là ?

22 R. Non.

23 Q. Je voudrais vous poser la question mais je vais demander que l'on vous

24 montre certains documents qui permettront peut-être de mieux circonscrire

25 la question.

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1 Mme SOMERS : [interprétation] Pourrais-je demander que l'on présente au

2 témoin le document qui se trouve à l'intercalaire numéro 12, et qui porte

3 la cote P23 ? Je demande qu'on vous montre ce document, Monsieur le Témoin.

4 Q. Ceci semble être un message envoyé par télécopie qui vous est adressé.

5 Est-ce que vous vous rappelez avoir reçu cette publication du 6 décembre ?

6 R. Oui. C'est effectivement un message transmis par télécopie. Je me

7 rappelle, je l'ai reçu à un moment donné dans l'après-midi et je crois que

8 l'on disait que le général avait envoyé ce message par télécopie, à un

9 moment donné, vers 4 heures 30.

10 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire ce qui est dit dans ce message

11 télécopié ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, en donner lecture à haute

12 voix ?

13 R. Est-ce que je dois le lire ou est-ce que je dois l'interpréter ?

14 Q. Le lire.

15 R. Je ne vois pas ce qui est écrit en haut. Je crois qu'il est dit quelque

16 chose comme : télégramme du VPS, c'est-à-dire, le secteur militaire naval,

17 cellule de Crise de Dubrovnik adressé au ministre Radovin Rudolf : "Ce

18 matin, des forces de la JNA ont essuyé des coups de feu." Ensuite, je

19 n'arrive pas à lire vraiment ce qui est dit ici. Je crois qu'il est

20 question "de mortiers et de mitrailleuses depuis Srdj et Babin Kuk sans

21 provocation. Nos forces ont riposté face à cette action.

22 Toutefois, sur mon ordre, l'unité a cessé de tirer à 11 heures 15.

23 Toutefois, vos forces ne s'en tiennent pas au cessez-le-feu. On peut en

24 conclure que les bâtiments de la vieille ville de Dubrovnik sont en train

25 d'être endommagés par les tirs de vos propres forces. Commandant colonel

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1 général Pavle Strugar," et quelque chose d'autre un peu plus bas.

2 Q. Pourrais-je vous demander, si vous regardez ce document, la première

3 partie des questions: "Des forces de la JNA qui, dans la matinée, avait

4 essuyé des coups de feu de mortiers et de mitrailleuses de Srdj à Babin Kuk

5 sans provocation," est-ce qu'à l'époque, vous avez accepté cette

6 affirmation du général Strugar ?

7 R. Non.

8 Q. Deuxième partie : "Nos forces ont riposté en réponse à cette action.

9 Toutefois, sur mes ordres, le cessez-le-feu à 11 heures 15, les unités ont

10 cessé le feu à 11 heures 15." Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que

11 les forces de la JNA ont riposté pour répondre à une provocation croate ?

12 R. Non.

13 Q. Est-ce que vous êtes d'accord qu'il y avait un cessez-le-feu qui a été

14 mis en place à 11 heures 15 ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous êtes d'accord que l'affirmation du général Strugar,

17 selon laquelle vos forces n'avaient pas respecté le cessez-le-feu et qu'on

18 pouvait conclure que des bâtiments de la vieille ville de Dubrovnik étaient

19 endommagés par des tirs de vos forces ? Est-ce que vous êtes d'accord avec

20 cela ?

21 R. Non.

22 Q. Quelle a été votre réaction à cette communication précise du général

23 Strugar ?

24 R. Quand j'ai reçu ce message du général Strugar, j'ai consulté, je ne

25 sais plus exactement l'heure qu'il était, dans l'après-midi, mais j'ai

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1 consulté, comme je le faisais toujours le commandant de la défense de

2 Dubrovnik, M. Marinovic. Je lui ai dit ce qui était écrit ici. Il a dit que

3 ce n'était pas vrai. Hier, je vous ai dit quelle était l'attitude de ce

4 lieutenant-colonel, c'était un vrai soldat dans nos troupes. Je ne crois

5 pas vraiment, pas qu'il aurait osé dire à un ministre quelque chose qui

6 n'était pas vrai. Il a immédiatement été en désaccord avec la teneur de ce

7 message.

8 En ce qui concerne le cessez-le-feu de 11 heures 15, ceci est vrai.

9 Nous avons initialement dit que le cessez-le-feu devrait commencer à 11

10 heures et c'est dans un autre message radio qu'il a été dit qu'il devrait

11 commencer à 11 heures 15 de façon à pouvoir informer les unités qui se

12 trouvaient sur les hauteurs. Nous nous sommes mis d'accord sur ce nouvel

13 horaire, d'un cessez-le-feu à 11 heures 15, et qui a commencé à entrer en

14 vigueur, en fait, par étapes parce que les tirs, évidemment, diminuaient

15 d'intensité.

16 Quant à cette dernière affirmation du colonel général, c'est que nos forces

17 étaient en train de détruire la vieille ville. Pour dire la vérité, je

18 pense que ceci n'a vraiment aucun sens et tout à fait faux.

19 Je ne sais pas si ce jour-là ou le jour suivant j'ai regardé la

20 télévision ou on a entendu qu'un autre général de la JNA - je pense que son

21 nom était Gvero - avait déclaré à Belgrade que les Croates étaient en train

22 de mettre en feu des pneus près des remparts de la vieille ville pour créer

23 l'impression que la JNA attaquait la ville. Naturellement, de telles

24 prétentions, je savais immédiatement qu'elles n'étaient pas vraies.

25 Q. Monsieur Rudolf, vous étiez là. Comment décririez-vous l'attaque sur la

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1 vieille ville telle que vous l'avez observée ? Ma question vise à savoir si

2 c'était constant, continu, soutenu, sporadique. Pourriez-vous donner une

3 description de ce que c'était, s'il vous plaît.

4 R. Le tout a commencé dans la matinée. Nous avons établi un contact

5 immédiatement avec le commandant des forces de Dubrovnik et on nous a dit

6 que tout ceci avait commencé tôt dans la matinée. C'était la forteresse

7 impériale qui se trouvait sur le mont de Srdj et plus tard, cela s'est

8 étendu à toute la ville. Lorsque nous sommes arrivés au bas et que nous

9 avons vu ce qui se passait, nous avons vu que l'ensemble de la ville

10 essuyait une attaque. C'était étonnant de voir tous ces tirs qui tiraient

11 et touchaient les remparts.

12 On avait l'impression que c'était comme des moustiques qui

13 touchaient cette immense structure. Ces obus atterrissait, arrivaient sur

14 la gauche, sur la droite. Je n'arrivais pas à croire que des coups

15 pourraient toucher le navire parce que le navire était celui des

16 parlementaires. Mais à un moment donné, il se trouve qu'un obus a touché le

17 bateau sur le côté droit. Si vous regardez depuis l'hôtel Argentina vers la

18 ville, vous voyez la vue que l'on peut avoir. C'est en général la vue que

19 l'on a de Dubrovnik et nous pouvions voir les remparts et nous pouvions

20 voir les flammes qui s'élevaient de tel et tel côté, des obus qui étaient

21 en train d'exploser. Des obus atterrissaient partout dans la ville,

22 tombaient partout sur la ville autour de l'hôtel, devant l'hôtel, sur la

23 route devant l'hôtel et, plus tard, nous avons pu voir les douilles vides

24 des coups qui avaient été tirés.

25 Nous avons pu voir l'ensemble de la ville de Dubrovnik était bombardée et

Page 5606

1 je pourrais dire que ce bombardement était brutal. Ce bombardement s'est

2 poursuivi jusqu'au cessez-le-feu lorsqu'il est entré en vigueur. Je peux

3 vous dire que nous avons eu de la chance d'avoir un téléphone satellite à

4 ce moment-là. Nous avons établi le contact avec l'amiral Jokic. Nous avons

5 conclu un cessez-le-feu. Je ne sais pas quel aurait été le sort de

6 Dubrovnik si nous n'avions pas réussi à le faire.

7 Je dirais qu'il s'agissait d'une attaque continue, brutale depuis

8 l'hôtel Argentina. Je peux vous dire que la Zarkovica et les autres

9 collines qui se trouvaient derrière nous, nous pouvions voir les obus qui

10 filaient vers Dubrovnik et nous pouvions voir de la fumée qui s'élevait.

11 Lorsque le cessez-le-feu est entré en vigueur, ces tirs d'obus ont

12 progressivement diminué et ce qui s'est passé alors, c'est que -- je ne

13 sais pas qui nous l'a dit, est-ce que c'était le président de la

14 municipalité ou quelqu'un d'autre -- c'était que neuf bâtiments étaient en

15 feu, la nuit allait tombée. C'était quelque chose d'extraordinaire à voir,

16 un spectacle que je ne pourrai jamais oublier, la nuit allait bientôt

17 tombée, on n'avait plus de courant électrique. Derrière la vieille ville,

18 on pouvait voir le feu qui faisait rage, qui se déchaînait.

19 Nous avons appelé le gouvernement croate et demandé que l'Italie

20 intervient, de façon à nous prêter aide et assistance. Six jours avant

21 cela, je me trouvais à Rome et j'avais négocié avec les Italiens. J'avais

22 établi un contact entre Bari et Dubrovnik, j'ai demandé à parler au chef du

23 Cabinet, de façon à ce que l'on puisse nous envoyer des avions qui

24 pourraient aider à éteindre l'incendie. Mais les habitants de Dubrovnik ont

25 réussi à éteindre l'incendie. Je pense qu'il y avait un navire autopompe de

Page 5607

1 Korcula qui est arrivé et qui a aidé à éteindre l'incendie dans la vieille

2 ville. Ceci s'est passé le 6, cette attaque énorme et brutale.

3 Je peux vous dire qu'à un moment donné avec M. Di Mistura, j'ai pu

4 observer depuis son petit balcon l'arriver des coups qui arrivaient sur

5 Dubrovnik. J'ai rencontré un homme le 5 dans la soirée, il m'avait demandé

6 si je croyais que la JNA qui aurait mis en place un cessez-le-feu, et j'ai

7 répondu que oui, alors que nous regardions ce qui se passait, je me

8 rappelle lui avoir dit : "Nous avons vécu dans ce même état pendant 70 ans,

9 et regardez maintenant

10 -- nous étions le même état pendant 70 ans, et regardez maintenant ce qui

11 se passe." Ensuite, j'ai utilisé un mot qu'il n'était pas poli, et que je

12 ne veux pas répéter ici, je lui ai dit : regardez comme si on était en

13 train de détruire cette magnifique ville, cette ville très paisible.

14 Plusieurs jours après le cessez-le-feu, après qu'il était conclu, Di

15 Mistura m'a demandé à nouveau, est-ce que vous croyez la JNA maintenant ?

16 J'ai répondu : non. Cale aurait dû, évidemment, être le contraire. J'aurais

17 dû dire, d'abord non, et oui, par la suite. Plus tard, lorsque j'étais

18 ambassadeur de Croatie en Italie, j'ai rencontré à nouveau cet homme, et

19 nous avons, évidemment, évoqué ces souvenirs.

20 Q. Je vous prie de m'excuser de vous interrompre, mais le temps joue

21 contre nous. Vous avez été témoin comme vous l'avez indiqué du bombardement

22 que vous avez décrit comme étant brutal. Est-ce que vous avez dit que vous

23 aviez vu que les remparts essuyaient des tirs, les remparts de la vieille

24 ville ? Est-ce que vous avez été témoin vous-même du fait que des obus

25 arrivaient dans différentes parties de la vieille ville, qu'il y a eu des

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1 explosions touchant d'autres parties de la vieille ville, au bord, au

2 milieu, aux certaines parties de la vieille ville ?

3 R. Derrière les remparts se trouvent la vieille ville, je n'ai pas vu les

4 obus qui pouvaient y atterrir, mais ils atterrissaient derrière les

5 remparts de la vieille ville. On pouvait voir la fumée, la fumée qui s'est

6 levée ici en différents endroits, ce qui veut dire qu'il y avait bien des

7 obus qui y tombaient.

8 Q. Est-ce que vous avez vu quelque chose de l'intérieur ?

9 R. Oui, derrière les remparts, c'est-à-dire, à l'intérieur.

10 Q. Excusez-moi. Lorsque vous avez dit derrière les remparts, je voulais

11 m'assurer que c'était vraiment bien clair ?

12 R. Derrière les remparts dans la vieille ville. Je voudrais vous donner

13 les détails, lorsque nous sommes revenus le 5 de Cavtat, ils nous ont

14 proposé de gagner l'hôtel Dubravka qui se trouve dans la vieille ville

15 parce qu'avant cela, nous nous trouvions à l'hôtel Argentina. La nuit

16 approchait, nous avons dit que nous resterions dans l'hôtel Argentina. Ils

17 sont venus me souhaiter un bon anniversaire dans ma Chambre où j'étais

18 censé dormir.

19 A ce moment-là, un obus a atterri dans cette pièce qui se trouve

20 vraiment au centre de la vieille ville.

21 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez observé au cours de ces attaques

22 le 6, les attaques de la JNA depuis la mer ? Quelle était votre observation

23 à ce sujet, s'il y en a eue ?

24 R. Non.

25 Q. A la question de la lutte contre l'incendie. Je voudrais vous poser

Page 5609

1 quelques questions à ce sujet. Vous avez mentionné la nécessité d'éteindre

2 les incendies, et je voudrais vous demander de regarder le registre de la

3 capitainerie du port. Je voudrais vous poser des questions pour voir la

4 page 25, si vous pourriez regarder, s'il vous plaît, le registre de la

5 capitainerie du port. Est-ce que vous voyez page 25 ? Il y a une mention

6 qui est faite à 18 heures 13, et 18 heures 31. Il est dit que : "Conseil de

7 la cellule de Crise de Dubrovnik, le général du corps d'armée, Pavle

8 Strugar, a donné la permission en principe qu'un remorqueur vient avec un

9 canon à eau pour entrer dans la partie du vieux port de Dubrovnik, de façon

10 à éteindre l'incendie, et nous vous prions de nous laisser savoir en temps

11 utile quelles sont les marques d'immatriculations des navires de façon à ce

12 que nous puissions établir des conditions permettant leur libre passage en

13 toute sécurité." Ceci porte un nom, le nom du général Strugar avec un

14 message qui relayait.

15 Est-ce que vous avez eu d'autres renseignements concernant la permission

16 qui était accordée pour que le remorqueur puisse entrer ? Est-ce qu'il y a

17 eu quelque chose que vous puissiez développer à ce sujet ?

18 R. Je pense que le remorqueur est arrivé pour autant que je me rappelle.

19 Q. Est-ce que vous seriez en mesure de nous donner l'heure approximative à

20 laquelle vous pensez que l'attaque contre Dubrovnik et plus

21 particulièrement contre la vieille ville a fini le 6 décembre ? Est-ce que

22 vous pourriez en gros nous donner un horaire approximatif ?

23 R. Je pense que c'était en gros vers 17 heures parce que l'intensité a

24 diminué progressivement.

25 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous indiquer ou de confirmer que les

Page 5610

1 incendies ou feux que vous avez observés continuaient à brûler, peut-être

2 continuaient même à brûler le jour suivant ?

3 R. Non, non pas le jour suivant, mais après 17 heures, oui, après 17

4 heures et jusque dans la nuit.

5 Q. Quelle était la raison particulière pour laquelle une demande a été

6 adressée aux Italiens pour aider à éteindre les incendies ?

7 R. C'est une idée que j'ai eue. Quelques jours avant cela, j'avais eu des

8 entretiens sur la coopération, et j'avais eu -- enfin, je trouvais que ce

9 que je voyais était effroyable. Il m'a semblé que cela serait une bonne

10 idée de demander aux Italiens d'aider à éteindre l'incendie. Vous savez à

11 l'époque la Croatie n'avait pas ces avions pour éteindre les incendies, je

12 doute que nous aurions pu obtenir de l'aide de qui que ce soit d'autre.

13 J'ai appelé le vice-premier ministre Granic, et je crois que nous

14 avons reçu une acceptation de la part des Italiens pour nous aider.

15 Mme SOMERS : [interprétation] Je voudrais demander à l'Huissier de porter

16 le document qui se trouve à l'intercalaire 15. Il s'agit du document P161,

17 c'était l'intercalaire 33, mais dans ce classeur-ci, c'est à l'intercalaire

18 15.

19 Q. Monsieur Rudolf, vous avez dit que vous nous aviez lu la communication

20 que vous aviez reçue du général Strugar ce jour-là, le 6. Est-ce que vous

21 reconnaissez un document qui dit que le document qui émane de vous est

22 adressé au général Strugar également daté le 6 décembre 1991 ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que c'est vous qui avez rédigé cette communication ?

25 R. Oui.

Page 5611

1 Q. Pourquoi l'avez-vous faite ?

2 R. J'ai reçu un message de M. Strugar où il était dit que c'était nous qui

3 avions été la cause de cette attaque, que c'était nous qui en fait étions

4 en train de détruire la vieille ville, et j'ai pensé qu'il fallait qu'on y

5 réponde, qu'on réponde à cela. J'ai écrit cette lettre, et je l'ai

6 expédiée.

7 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque après cela, après l'envoi de cette

8 lettre, vous avez reçu une communication quelconque du général Strugar

9 concernant la teneur de cette lettre ?

10 R. Le jour suivant, le 7, avant que nous ne commencions les négociations à

11 Cavtat, l'amiral Jokic m'a remis la lettre de M. Strugar, et j'ai considéré

12 que cela constituait une réponse à mon message.

13 Q. En l'occurrence quelle était la teneur de cette lettre ?

14 R. Cette lettre disait que lui aussi a dit qu'il regrettait qu'il y ait eu

15 cette attaque. Il disait qu'il avait une unité qui s'était rebellée de la

16 JNA, et qui avait effectué cette attaque. Il a dit qu'il avait ordonné

17 qu'une enquête soit faite, et il a présenté des excuses.

18 J'ai donné cette lettre à tout le monde autour de moi. Tout le monde

19 l'a lue. Je crois même que je l'ai donnée à M. Hvalkof, l'homme qui

20 représentait la Communauté européenne sur place. Nous nous trouvions d'un

21 côté de la table. J'ai reçu cette lettre du général Strugar, et après cela

22 il n'a pas eu de nouveau contact.

23 Q. Est-ce que vous avez considéré que cette communication du général

24 Strugar était une sorte de reconnaissance ou le fait d'admettre que l'une

25 des unités de la JNA avait, en fait, commencé l'attaque qu'elle avait

Page 5612

1 effectuée ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne savais pas à l'époque, je ne sais toujours

3 pas maintenant ce qui se passait de l'autre côté et qui a commencé une

4 attaque. Pour ma part, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'une attaque

5 synchronisée allant d'un côté de Dubrovnik à l'autre côté de Dubrovnik.

6 Quant à savoir s'il s'agissait d'une unité qui avait commencé à attaquer

7 sans permission, cela je ne le sais pas. En fait, je n'ai jamais su ce qui

8 s'était passé du côté de la partie adverse. J'ai même fait des plans pour

9 aller en Yougoslavie, en Serbie un jour, pour m'entretenir avec l'amiral

10 Jokic, dix ans après l'événement, pour voir ce qui s'était effectivement

11 passé en ce qui concerne la JNA.

12 Q. Monsieur Rudolf, vous avez écrit un livre concernant la guerre en

13 Croatie. Quel est le nom du livre que vous avez écrit concernant la guerre

14 en Croatie ?

15 R. "La guerre que nous ne voulions pas."

16 Q. Quand avez-vous écrit ce livre ?

17 R. En 1997 et 1998.

18 Q. Est-ce que vous avez discuté de ce message précis du général

19 Strugar. Est-ce que vous l'examinez dans votre livre ?

20 R. Oui.

21 Q. Je voudrais vous demander si je vous montre un exemplaire d'une

22 page, pourrais-je vous demander de lire à haute voix ce que vous avez écrit

23 à l'époque. Je vais faire distribuer aux membres de la Chambre de façon à

24 ce qu'ils puissent le voir. Bien entendu, c'est en langue croate et je veux

25 simplement demander qu'on puisse en donner lecture à haute voix.

Page 5613

1 L'INTERPRÈTE : Pourrait-on, s'il vous plaît, placer la page en question sur

2 le rétroprojecteur afin que les interprètes puissent traduire.

3 Mme SOMERS : [interprétation]

4 Q. Monsieur Rudolf, cet ouvrage a-t-il été publié ? Est-ce un ouvrage qui

5 est distribué commercialement ?

6 R. Oui.

7 Q. Si la page est à présent sur le rétroprojecteur -- excusez-moi, mais il

8 faudrait placer cette page sur le rétroprojecteur. C'est cet appareil qui

9 se trouve à votre gauche, Monsieur Rudolf. Très bien. Passons à la page

10 suivante où l'on trouve quelques informations écrites, et, maintenant, la

11 page suivante. Encore, merci.

12 Y a-t-il une date qui figure sur cette page ? Il y a une date de

13 publication, n'est-ce pas ? Pouvez-vous nous dire quelle est cette date ?

14 R. Je crois que c'est 1999.

15 Q. Page suivante, s'il vous plaît. Est-ce qu'on voit ici sur cette

16 page un certain nombre de communications que vous avez eues avec le général

17 Strugar en date du 6 ?

18 R. Oui. Sur cette page on voit les messages du 6, et sur la page

19 suivante, les messages du 7.

20 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur l'Huissier, pourriez-vous tourner la

21 page, s'il vous plaît ?

22 Q. Monsieur Rudolf, pouvez-vous nous dire à quel endroit vous faites

23 référence au message du général Strugar que vous venez de dire avoir reçu

24 en date du 7 ? Pouvez-vous nous dire où ceci est écrit ?

25 R. C'est tout en haut de la page, je cite : "Le lendemain, le 7 décembre,

Page 5614

1 avant la deuxième série de négociations, le vice-amiral Jokic m'a remis une

2 enveloppe bleue qui contenait la réponse du général Strugar, et par

3 laquelle il fournissait sa nouvelle interprétation de l'attaque de la ville

4 le 6 décembre. Il écrivait qu'une unité de la JNA armée populaire

5 yougoslave avait fait mouvement de sa propre initiative et avait ouvert le

6 feu. Il a exprimé également ses regrets au sujet de ce qu'il appelait

7 'l'incident qui venait de se produire.' Il m'informait qu'il diligenterait

8 une enquête et établirait l'identité des responsables."

9 Q. Merci.

10 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame Messieurs les

11 Juges, je suis tout à fait prête à demander le versement au dossier de ce

12 document, si cela peut aider les Juges, à moins que ce qui figure au compte

13 rendu d'audience ne suffise.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que le compte rendu

15 d'audience suffira.

16 Mme SOMERS : [interprétation] Merci beaucoup.

17 Q. Merci, Monsieur Rudolf. Nous en avons terminé avec l'examen de cette

18 page.

19 Au cours des conversations que vous avez eues le 6 avec l'amiral Jokic, ce

20 dernier vous a-t-il dit s'inquiéter de quelque façon que ce soit dans la

21 possibilité, que des tirs proviennent de l'intérieur de la vieille ville ?

22 L'amiral Jokic vous a-t-il indiqué alors que vous conversiez avec lui ou

23 vous a-t-il fait savoir par d'autre moyen, qu'il nourrissait une quelconque

24 inquiétude au sujet de la possibilité que des tirs partent de l'intérieur

25 de la vieille ville ?

Page 5615

1 R. Non.

2 Q. A quelque moment que ce soit au cours de la journée du 6 décembre,

3 avez-vous vu des opérations de tir provenant de l'intérieur de la vieille

4 ville de Dubrovnik ?

5 R. Non.

6 Q. Avez-vous vu des opérations de tir provenant d'un quartier situé en

7 dehors de la vieille ville mais tout près de la vieille ville, si vous

8 étiez en mesure de voir quelque chose ?

9 R. Non. En tout cas, pas dans les limites de ce que je pouvais voir.

10 Q. J'aimerais vous demander maintenant d'examiner l'intercalaire 9, je vous

11 prie. Ce document est daté du 8 décembre et de quelle institution provient-

12 il ? Quel est le sceau que l'on y voit ? C'est un document qui vous est

13 adressé, n'est-ce pas, Monsieur Rudolf?

14 R. Oui, le sceau est celui du commandement des forces de défense de

15 Dubrovnik, du QG de ces forces, et ce rapport m'était adressé.

16 Q. Vous souvenez-vous avoir lu le contenu de ce rapport ?

17 R. Je recevais de très nombreux rapports, bien entendu, mais je vois ce

18 qui est écrit dans ce texte. Je crois qu'on m'a envoyé cela pour m'informer

19 de tout ce qui se passait. Bien entendu, je l'ai ensuite transmis au

20 gouvernement. A en juger par le sceau et le contenu de ce document, je

21 crois que cette lettre m'a été remise. Je ne me souviens pas à quel moment

22 --

23 Q. Merci. J'aimerais vous demander de parcourir rapidement ce texte,

24 simplement, pour ne pas perdre de temps.

25 R. Oui, tout va bien.

Page 5616

1 Q. Il y a un paragraphe en première page, notamment, où il est question

2 des armes qui ont été utilisées durant l'attaque. Ceci correspond-il à ce

3 que vous saviez ou à ce que vous avez appris, en tout cas, en ce qui

4 concerne ces armes ? Si vous ne pouvez répondre, dites-le, je vous prie.

5 R. Non, non. Vous voyez, je ne m'y connais pas en armes. Je ne suis pas un

6 soldat de métier. Vous voyez, je confonds général et amiral parfois.

7 Q. Ce n'est pas grave. Paragraphe suivant où nous lisons les mots

8 suivants, je cite : "Les combats les plus acharnés se sont déroulés entre 9

9 et 10 heures, période pendant laquelle l'ennemi a ordonné à ces pièces

10 d'artillerie de tirer sur certains endroits qui ont été les plus

11 endommagés." Est-ce que vous êtes d'accord avec cela puisque vous observiez

12 les choses ?

13 R. Je ne sais pas si c'était la phase la plus intense des combats mais

14 l'attaque, en tout cas, a été une attaque qui s'est poursuivie pendant

15 quelque temps.

16 Q. Nous lisons la suite où il est indiqué, au paragraphe 2 : "Qu'aucune

17 opération navale ou aérienne n'a eu lieu." Est-ce que vous êtes d'accord

18 avec cela ?

19 R. Oui. Je n'en ai vu aucune. Il n'aurait plus manqué que cela.

20 Q. Dans le reste du texte, on trouve des indications de certains bâtiments

21 qui ont été touchés. Ceci figure en dernière page. Je ne vais pas vous

22 demander de lire tout cela dans le détail, mais je vous demanderais si vous

23 êtes au courant, de confirmer éventuellement que certains des bâtiments en

24 question ont effectivement été endommagés, en particulier, l'église Saint-

25 Blaise, le monastère franciscain, l'église Saint-Joseph, le palais Sponza,

Page 5617

1 le bâtiment des archives, le musée Rupe, le couvent des sœurs de Sigurate,

2 et le Stradun. Pourriez-vous dire si vous êtes d'accord avec le fait que

3 ces bâtiments ont été touchés ?

4 R. Le 6, nous ne pouvions pas quitté l'hôtel Argentina. Ceci était

5 impossible parce que la route qui menait à la vieille ville était pilonnée.

6 Le lendemain, toutefois, nous avons quitté l'hôtel et nous sommes allés

7 directement dans la vieille ville, parce que les quartiers proches de la

8 vieille ville avaient été pilonnés, mais sans grand dommage. Dans la

9 vieille ville, en revanche, la situation était terrible. Sur le Stradun,

10 qui est la rue principale de la vieille ville, il y avait des tessons de

11 verres brisés et de toutes sortes de débris un peu partout. Le bâtiment où

12 se tient le festival annuel organisé à Dubrovnik a été endommagé. Je répète

13 que neuf bâtiments au total ont été soit détruits, soit incendiés. J'étais

14 avec Pedja Sehovic, qui était --

15 Q. Lorsque vous dites "au total", voulez-vous dire que ces bâtiments ont

16 été totalement détruits ?

17 R. Totalement, totalement détruits. Il ne restait que quelques murs en

18 ruine. Nous sommes allés avec M. Pedja Sehovic dans le monastère des

19 franciscains, notamment, où nous avons vu de nombreuses traces d'obus. La

20 bibliothèque était détruite, ainsi que les clôtures. Il y avait tout autour

21 de nombreux bâtiments touchés, endommagés. Je vous dis, la situation était

22 vraiment terrible. Les murs continuaient à tomber d'ailleurs.

23 J'ajouterais simplement quelque chose : nous avons décidé de faire venir

24 une commission. Nous avons d'ailleurs envoyé une lettre à M. Strugar, une

25 lettre de moi, qui lui était adressé pour lui demander de venir à Dubrovnik

Page 5618

1 voir ce qui se passait. Un ou deux officiers accompagnés de journalistes

2 sont arrivés également pour faire le tour de la ville. L'image était

3 vraiment terrible. Tout cela a été filmé, y compris, en présence de

4 certains représentants de l'armée populaire yougoslave. Dans l'un des

5 documents que vous m'avez donné à lire, il est écrit que 14 personnes ont

6 été tuées, 14 civils et 30 blessés. Je crois d'ailleurs que le nombre des

7 victimes a été plus important parce qu'ici, on ne parle que du 6, mais il y

8 a eu aussi --

9 Q. Pouvez-vous --

10 R. -- il y a eu d'autres personnes tuées, notamment, quatre soldats. Ceci

11 s'est passé le 6. Nous avons fait le tour de la ville. Nous sommes allés à

12 l'hôpital. Vous savez comment cela se passe dans ces cas-là.

13 Q. Très bien.

14 R. Nous sommes allés dans une boulangerie, la boulangerie qui faisait le

15 pain pour la ville. Nous avons essayé de nous rendre un peu partout dans

16 Dubrovnik pour encourager les gens qui sortaient dans les rues et

17 essayaient de remettre un peu d'ordre. Mais, à ce moment-là, il y avait un

18 cessez-le-feu et tout était tranquille.

19 Mme SOMERS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

20 document, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est d'admissibilité.

22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

23 l'Accusation P164.

24 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi

25 d'interrompre cet interrogatoire, mais je m'inquiète un peu du temps, car

Page 5619

1 nous avons besoin d'interroger le témoin expert, le médecin. J'aimerais

2 savoir si nous n'avons pas dépassé les limites de temps prévues pour la

3 journée d'aujourd'hui. Pourriez-vous nous rappeler ce qui est prévu de ce

4 point de vue ?

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous le pouvons, bien sûr, Maître

6 Petrovic. Nous proposons de suspendre l'audience dans dix minutes à peu

7 près, pour reprendre nos travaux à 11 heures moins quart. Ensuite, le

8 premier témoin sera votre témoin. Il s'agira du Dr Lecic. Nous proposons de

9 vous accorder les 40 minutes de la séance suivante pour interroger le Dr

10 Lecic au sujet de son rapport. C'est à vous qu'il appartiendra de décider

11 de quelle façon vous répartirez ce temps entre l'interrogatoire principal

12 et le contre-interrogatoire.

13 L'Accusation disposera de 40 minutes pour le contre-interrogatoire, après

14 quoi il y aura une pause de courte durée et audition du Dr Matthews. Comme

15 c'est le deuxième témoin de l'Accusation, nous proposons d'accorder 25

16 minutes pour l'audition de ce témoin à l'Accusation, que cette dernière

17 sera libre de répartir entre l'interrogatoire principal et le contre-

18 interrogatoire. La Défense dispose de 40 minutes pour son contre-

19 interrogatoire du Dr Matthews. Tout cela nous amènera jusqu'à 13 heures 45.

20 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous prie

21 de m'excuser d'avoir interrompu l'interrogatoire.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'avais l'intention d'indiquer tous

23 ces détails avant le début de l'audition du témoin de façon à vous

24 permettre des deux côtés de ce prétoire de vous organiser dans le temps.

25 Nous nous efforçons toujours de donner les plus grandes chances aux deux

Page 5620

1 parties mais nous pensons également au Dr Rudolf auquel il convient

2 d'accorder le temps maximum aujourd'hui. J'ai déjà parlé de cela et Dr

3 Rudolf, nous nous excusons des quelques contretemps que vous aurez à subir

4 au cours de votre audition.

5 Veuillez poursuivre, Madame Somers.

6 Mme SOMERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci pour ces

7 éclaircissements au sujet de l'horaire.

8 Q. Monsieur Rudolf, savez-vous ce qu'il est advenu de ce message dont vous

9 avez dit que le général Strugar vous l'avait envoyé et auquel vous faites

10 référence dans votre livre ? Savez-vous où il se trouve peut-être

11 aujourd'hui ? Qu'en avez-vous fait?

12 R. Nous avons envoyé tous ces documents au gouvernement croate à Zagreb

13 par le truchement de la mairie de Dubrovnik. J'ai réussi à en faire des

14 photocopies, mais ces photocopies ne concernent que les radiogrammes les

15 plus importants et sont publiés dans mon ouvrage. D'ailleurs, cet ouvrage

16 est en vente à Belgrade également.

17 Q. En dehors du général Strugar, est-ce que connaissez un autre haut

18 responsable, un autre officier supérieur de la JNA qui a reproché au

19 Croates le pilonnage de la vieille ville le 6 décembre ? Est-ce que vous

20 avez entendu le général Kadijevic, ou l'amiral Brovet s'exprimer dans ce

21 sens ?

22 R. Non. J'ai simplement mentionné le général Gvero. Je me souviens très

23 bien de son nom à la radio alors qu'il prononçait une déclaration publique.

24 Il a accusé les Croates d'avoir mis le feu à la ville de Dubrovnik en

25 mettant le feu à des pneus pour donner l'impression que Dubrovnik était en

Page 5621

1 train d'être détruite.

2 Q. Avez-vous entendu l'amiral Jokic dire qu'il pensait que les forces

3 croates étaient responsables du pilonnage de la vieille ville ?

4 R. Non.

5 Q. J'aimerais maintenant que nous jetions un coup d'œil au texte de

6 l'accord de cessez-le-feu que vous avez négocié, mais je cherche le numéro

7 de l'intercalaire.

8 D'ailleurs, il y a plusieurs documents que j'aimerais vous soumettre en

9 même temps. L'intercalaire 13, il y a le document du 7 décembre avec le

10 numéro ERN 03091857 pour la version anglaise, autre document ERN 03091853

11 qui porte également la date du 7 décembre. Autre document 03091852, daté du

12 7 décembre, et le dernier document porte le numéro ERN 03091854, est la

13 date du 7 décembre. Je dis cela car les documents sont en vrac, cela prend

14 quelque temps pour les retrouver.

15 Monsieur Rudolf, je vous demanderais de bien vouloir d'abord vous

16 penchez sur le document où nous trouvons le numéro 03091857 en haut à

17 droite de la première page pour sa version anglaise. Pour la version

18 croate, le numéro ERN est le numéro 01076138. Il faudrait mettre ce

19 document sur le rétroprojecteur.

20 Vous l'avez trouvé ?

21 R. Oui.

22 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur l'Huissier, pouvez-vous placer

23 ce document sur le rétroprojecteur, le témoin pour l'instant a ce document

24 entre les mains ? Merci.

25 Q. Monsieur Rudolf, reconnaissez-vous ce document ?

Page 5622

1 R. Oui.

2 Q. Il porte la date du 7 décembre 1991 ?

3 R. Oui, oui.

4 Q. Pouvez-vous je vous prie parcourir rapidement ce texte et nous

5 dire à qui, il est adressé, et quelles sont les préoccupations qui sont

6 exprimées ? Mais lisez-le rapidement, s'il vous plaît.

7 R. Nous avions décidé de participer à des pourparlers à Cavtat,

8 c'était la dernière étape des négociations, et le 5 lorsque nous sommes

9 arrivés à Cavtat, nous sommes sortis sur le quai le long de la mer et nous

10 avons vu un alignement de soldats à dix mètres les uns des autres plus au

11 moins. Ils nous ont donné l'impression d'être très débraillés, ils avaient

12 leurs capotes non boutonnés, certains n'étaient même pas rasés, certains

13 avaient des cheveux mal coupés et, quand nous sommes retournés dans la

14 ville de Cavtat, j'ai envoyé un radiogramme à Belgrade et puisque ces

15 soldats portaient des armes automatiques ou semi-automatiques, j'ai appelé

16 le général pour lui dire que j'avais l'impression qu'un attentat était en

17 préparation. Finalement, nous avons décidé de nous réunir dans le port de

18 Srebreno au lieu nous réunir à Cavtat. Cette localité est une petite ville

19 qui se trouve entre Dubrovnik et Cavtat.

20 L'amiral Jokic a accepté, et le lendemain nous sommes allés à

21 Srebreno à bord d'un hydroglisseur, mais l'hydroglisseur n'a pas réussi à

22 pénétrer dans le port en raison de sa structure très légère. Nous avons

23 tout de même dû nous réunir à Cavtat. L'amiral Jokic nous a demandé d'où

24 nous tirions ce renseignement au sujet de la préparation d'un attentat, et

25 si cette information -- d'où nous tenions cette information. Nous avons dit

Page 5623

1 que cela provenait des services de renseignement alors qu'en fait, il ne

2 s'agissait que d'une impression personnelle de notre part.

3 Q. Vous avez dit, il y a quelque instant que vous avez appelé le

4 général pour lui dire que : "Vous pensiez que vos vies étaient en danger."

5 Je vous demande de quel général vous parliez exactement pour que tout soit

6 clair ?

7 R. Non, non, pour que tout soit clair, je suis dans l'obligation de

8 dire encore une fois que j'ai commis une erreur. Je ne parlais d'un

9 général, je pensais à l'amiral Jokic. C'est la seule personne avec laquelle

10 j'ai été en contact à ce moment-là.

11 Q. Fort bien. Est-ce que ceci montre à quel point vous étiez inquiet

12 au sujet de votre sécurité, de la vôtre, personnellement, mais également

13 des autres négociateurs qui faisaient partie de cette négociation ? Vous

14 hochez du chef, cela signifie-t-il que vous répondez par l'affirmatif ?

15 R. Oui.

16 Mme SOMERS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

17 document.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis. Madame Somers,

19 je vous demanderais de combien du temps vous avez encore besoin pour en

20 finir ?

21 Mme SOMERS : [interprétation] Nous ne parviendrons pas à terminer

22 aujourd'hui. A l'évidence, je crois pouvoir vous dire que j'aurais besoin

23 d'un temps qui toutefois est inférieur à une heure. Mais cela exigera tout

24 de même de faire revenir le témoin. J'en suis désolée.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne peux m'empêcher de compatir avec

Page 5624

1 le témoin. Monsieur Rudolf, nous ne commandons pas aux circonstances. Je

2 dois dire que vous êtes particulièrement ballotté, Monsieur Rudolf, j'en

3 suis désolé.

4 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, si la chose était

5 possible, nous pourrions peut-être faire une pause. Devons-nous la faire

6 maintenant ou plus tard ?

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 10

8 heures 45. Il faut au moins 20 minutes pour changer les cassettes, et

9 cetera.

10 Mme SOMERS : [interprétation] Très bien. Je reprendrais lors de la

11 prochaine séance au point où nous en sommes arrivés aujourd'hui.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il nous faut faire la pause maintenant

13 pour les interprètes et pour les responsables en régie afin que la séance

14 suivante puisse être préparée convenablement.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] J'aimerais simplement donner le numéro

16 du document.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout à fait.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P165.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons suspendre

20 jusqu'à lundi après-midi. Je croyais que la prochaine séance était prévue

21 lundi après-midi, mais l'un de mes collègues pense que c'est lundi matin.

22 Il faudra vérifier. Nous reprendrons nos travaux à 10 heures 45 pour

23 entendre le Dr. Lecic.

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

25 --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

Page 5625

1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Madame. Je souhaite vous

3 accueillir dans ce prétoire. Je vous remercie d'être venue ici aujourd'hui.

4 Je vous demande, s'il vous plaît, de prendre ce petit carton et de lire le

5 texte de la déclaration solennelle je vous prie.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

7 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 LE TÉMOIN: DUSICA LECIC-TOSEVSKI

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Petrovic.

13 M. PETROVIC : [interprétation] Merci Monsieur le Président.

14 Interrogatoire principal par M. Petrovic :

15 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Lecic.

16 R. Bonjour.

17 Q. Je vous demanderais de décliner vos noms prénoms pour le compte rendu

18 d'audience.

19 R. Je m'appelle Dusica Lecic-Tosevski.

20 Q. Est-il exact que vous êtes professeur de psychiatrie à la faculté de

21 médecine à l'université de Belgrade ?

22 R. Oui, j'enseigne à la faculté de médecin en tant que professeur de

23 psychiatrie.

24 Q. Est-il exact qu'en 1992 vous avez obtenu votre doctorat sur le thème de

25 dépression et modification de la personnalité ?

Page 5626

1 R. J'ai obtenu mon diplôme en travaillant la dépression et les troubles de

2 la personnalité.

3 Q. Est-il exact qu'aujourd'hui, vous êtes directrice de l'institut de

4 Santé mentale à Belgrade, directeur du centre d'Éducation à la santé

5 mentale ?

6 R. Oui. C'est à cet endroit que je travaille.

7 Q. Est-ce que vous êtes fondatrice et membre de longue date de la clinique

8 du stress à Belgrade ?

9 R. Oui, en 1994, j'ai créé la clinique du stress à Belgrade, c'était la

10 première clinique de ce genre dans notre pays, et j'en ai été la directrice

11 ou plutôt le chef jusqu'à l'an 2000, date depuis laquelle j'y travaille en

12 qualité de consultante.

13 Q. Est-ce que vous avez fondé et coordonné le centre pour la récupération

14 des victimes de torture ?

15 R. Oui. En l'an 2000 avec un groupe de collègues, j'ai fondé ce centre de

16 récupération de la torture que j'ai coordonné jusqu'en 2003. Ce centre

17 était soutenu par la commission européenne.

18 Q. Entre autre publication qui figure dans votre curriculum vitae annexée

19 à votre rapport, avez-vous publié un manuel -- avez-vous publié un article

20 dans le manuel de la "New Oxford Textbook" de psychiatrie, êtes-vous le co-

21 auteur de cet ouvrage où vous traitez des troubles de la personnalité ?

22 R. Oui, cet ouvrage est paru en l'an 2000 dans cette maison d'édition

23 d'Oxford.

24 Q. Cet ouvrage que je viens de mentionner est-il un ouvrage de référence

25 dans le monde de la psychiatrie européenne ?

Page 5627

1 R. Oui, c'est un ouvrage de référence dans ce domaine.

2 Q. Je vous prie maintenant d'énumérer les fonctions qui sont les vôtres au

3 sein d'un certain nombre d'associations professionnelles, psychiatriques en

4 ce moment.

5 R. Je crois avoir énuméré toutes ces fonctions dans mon curriculum vitae,

6 mais la plus important d'entre elles est, sans doute, celle que j'exerce en

7 ce moment et depuis quelques années, à savoir la présidence de la section

8 de prévention dans un certain nombre d'associations psychiatriques.

9 Cette association englobe 120 associations nationales, et je suis

10 également membre d'un comité de Travail de l'association Psychiatrique

11 mondiale.

12 Q. Merci, professeur Lecic. J'aimerais que nous passions au sujet de votre

13 déposition aujourd'hui.

14 Avez-vous établi un rapport d'expert relatif à l'état de santé de l'accusé

15 Pavle Strugar, ce rapport a-t-il été établi par vos soins au début de cette

16 année ?

17 R. Oui, au mois de janvier de cette année, j'ai établi un rapport sur

18 l'état de santé de M. Strugar.

19 Q. Je vous prie de nous dire quel est le diagnostic que vous avez posé

20 pour le général Strugar ?

21 R. Peut-être est-il préférable que je vous dise de quelle manière je suis

22 parvenu à ce diagnostic, si vous êtes d'accord ?

23 Q. Oui.

24 R. Au sujet d'un certain nombre de facteurs, j'ai eu la possibilité de

25 compulser des rapports médicaux détaillés, qui m'ont été soumis et qui

Page 5628

1 traitaient de l'état de santé de M. Strugar. Si je me souviens bien, ces

2 rapports étaient au nombre de 17. Je les ai établis pour prévoir un

3 traitement préalable, et j'ai examiné sur le plan psychiatrique de M.

4 Strugar. J'ai étudié un certain nombre d'éléments. J'ai eu des entretiens

5 avec les membres de la famille de M. Strugar. Enfin, j'ai examiné la

6 classification actuelle et pris en compte un certain nombre d'instruments

7 techniques qui m'ont permis de parvenir à mon diagnostic. Etant donné qu'il

8 n'existe pas de ligne de démarcation très nette entre l'état physique et

9 l'état psychique d'un sujet, j'ai tout de même pris en compte l'état de

10 santé physique de M. Strugar.

11 Q. Nous avons votre rapport, ne rentrez pas dans les détails.

12 R. J'ai examiné l'état organique de M. Strugar puisqu'il a quelques

13 problèmes, par exemple, insuffisance rénale chronique, néphrite chronique,

14 colique néphrétique. Il en a eu une vingtaine dans sa vie. Il a des

15 inflammations de toutes les articulations, des deux hanches, de la colonne

16 vertébrale. Il a une hypertension importante, en tout cas, des oscillations

17 de la tension pour lesquels il est traité. Il souffre d'emphysème

18 pulmonaire.

19 Je crois pouvoir dire que ce sont les principaux problèmes qui sont les

20 siens. Il a également une hyperplasie bénigne bilatérale, et cetera. Le

21 diagnostic que j'ai posé sur le plan psychiatrique est le suivant :

22 dépression récurrente, épisodes dépressifs récurrents ou dépression

23 profonde - c'est le nom qu'on lui donne dans la classification technique

24 DMS-IV - démence d'origine vasculaire, ce qu'on appelait avant la démence

25 multi-infarctive, et des traces résiduelles de syndrome de stress post-

Page 5629

1 traumatique.

2 Q. Je vous prie de parler peut-être un peu plus lentement car une partie

3 importante de ce que vous venez de dire ne figure pas au compte rendu

4 d'audience en anglais.

5 Vous avez formulé trois diagnostics qui portent sur l'état de santé mentale

6 de M. Strugar.

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est l'interaction entre ces trois éléments

9 du diagnostic et quelle est l'influence de ce diagnostic sur son état de

10 santé globale ?

11 R. Comme je l'ai déjà dit, étant donné qu'il n'existe pas de ligne de

12 démarcation très nette entre la santé somatique et la santé psychique, les

13 troubles que je viens d'énumérer, notamment, l'insuffisance rénale, ainsi

14 que les problèmes vertébraux qui sont les suites d'un syndrome cervical,

15 d'une atteinte de la colonne cervicale de M. Strugar, ont un effet direct

16 sur les trois éléments du diagnostic psychiatrique que j'ai posés. En

17 effet, M. Strugar est un homme - et je l'écris dans mon rapport - qui,

18 comme tout être humain, n'est pas un ensemble de fragments, mais un tout.

19 Tous les symptômes qu'il présente, sur le plan somatique et sur le plan

20 psychique, ont une interaction les uns sur les autres et produisent

21 ensemble une réduction considérable de son fonctionnement social et de son

22 fonctionnement, de façon générale. Souhaitez-vous que j'apporte des

23 explications plus détaillées ?

24 Q. J'attends que tout soit consigné au compte rendu d'audience en anglais.

25 Pouvez-vous nous dire quelles sont les séquelles de durée trop important,

Page 5630

1 et ce, de façon constante, urée et créatinine dans le sang de M. Strugar ?

2 R. J'ai étudié les éléments que j'ai reçus au Quartier pénitentiaire et

3 j'ai constaté qu'il avait des taux élevés d'urée et de créatinine, ainsi

4 que le pseudomonas aeruginosa, qui est un problème bactérien difficile à

5 traiter, ce qui, chez lui, provoque des séquelles classiques d'un trouble

6 du métabolisme rénal, étant donné que, chez M. Strugar, tous les éléments

7 liés au fonctionnement rénal, tous les taux sont considérablement élevés.

8 Son insuffisance rénale, qui dure depuis quelque temps, a abouti à une

9 anurie importante suite à une intervention au laser, et cette insuffisance

10 rénale s'est transformée en trouble chronique qui, bien sûr, présente un

11 risque pour sa vie.

12 J'ajouterais également que les taux de métabolites rénaux sont également

13 très élevés chez lui et entraînent des encéphalopathies importantes et

14 fréquentes.

15 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire tout ce que cela signifie en

16 termes moins techniques ?

17 R. Cela signifie une réduction importante de sa participation active aux

18 opérations les plus importantes de la vie, c'est-à-dire, réduction de

19 l'état de veille, de l'attention, problèmes de mémoire, oubli, et troubles

20 de la concentration qui sont tous des éléments classiques dus à ces

21 problèmes de santé physique et que l'on trouve également comme cause

22 classique de la dépression dont il souffre.

23 Q. Pourriez-vous, je vous prie, Docteur Lecic, nous parler également de

24 l'influence de tous ces facteurs et, notamment, des modifications des taux

25 d'urée et de créatinine sur une période assez longue ? A quoi sont dues les

Page 5631

1 modifications de ces taux et quelles peuvent en être les conséquences sur

2 l'état de santé de M. Strugar ?

3 R. Ces modifications sont imprévisibles. Comme j'ai pu le constater à la

4 lecture des rapports médicaux le concernant, ces taux anormaux sont un

5 problème dont il souffre depuis longtemps. Etant donné qu'il souffre

6 d'insuffisance rénale chronique, il subit des épisodes infectieux très

7 fréquents et ces fonctions liées à la créatinine et à l'urée s'aggravent,

8 il est fort possible qu'à long terme, à moins d'un traitement énergique, il

9 ne subisse une insuffisance rénale aiguë.

10 En tout cas, les taux plasmatiques élevés de ces deux substances ont

11 un effet très négatif sur sa santé.

12 Q. Pouvez-vous également nous parler des conséquences éventuelles des deux

13 autres éléments du diagnostic que vous avez posé à son sujet ? Je veux

14 parler du syndrome de stress post-traumatique et de la dépression. Comment

15 pouvez-vous décrire les conséquences de ces facteurs sur son état de

16 santé ?

17 R. Un certain nombre de symptômes sont présents chez M. Strugar, qui sont

18 liés à sa dépression récurrente. Il souffre d'insomnie chronique. Il est

19 apathique, passif. Il a perdu tout intérêt pour un grand nombre de ce qui

20 constitue sa vie. Il a des problèmes de mémoire, des problèmes de

21 concentration. Il oublie également un certain nombre d'événements important

22 de sa vie. Cet oubli est également la conséquence de la démence d'origine

23 vasculaire dont il souffre. Mais il présente également des oublis qui

24 peuvent être considérés comme des séquelles résiduelles du syndrome de

25 stress post-traumatique que l'on résume sous le nom d'une amnésie

Page 5632

1 particulière, qui est la suite classique du syndrome de stress post-

2 traumatique.

3 Tous ces éléments, lorsqu'ils sont réunis, entraînent ces réductions

4 de l'attention, de la concentration de la mémoire immédiate, ainsi que de

5 la mémoire à long terme puisqu'il oublie certains événements du passé.

6 Q. Je vous prierais de bien vouloir nous dire : en dehors de l'entretien

7 que vous avez eu avec votre patient, quels sont les tests que vous avez

8 effectués pour poser votre diagnostic. J'aimerais que vous nous parliez

9 surtout du test que l'on appelle en anglais "Impact Scale of Events," un

10 test dont nous avons parlé hier dans ce prétoire.

11 R. Comme je l'ai déjà dit, je me suis servi d'un entretien psychiatrique,

12 clinique, qui est la base de tout diagnostic dans le domaine dans lequel je

13 travaille. J'ai utilisé quatre classifications classiques à cette fin. J'ai

14 mentionné les critères que j'ai appliqués dans mon rapport, mais je n'ai

15 utilisé que les critères utiles au diagnostic par rapport à ce patient

16 particulier. A fin que la concordance soit parfaite, j'ai utilisé également

17 des tests, notamment, la liste de symptômes révisés, "Revised Symptom

18 Checklist", qui réunit 90 symptômes. J'ai également appliqué pour

19 diagnostiquer la dépression, l'échelle d'Hamilton pour la dépression, ainsi

20 que l'inventaire de dépression passée. Pour prononcer le diagnostic de

21 stress, j'ai également appliqué un certain nombre de tests, notamment le

22 test de l'échelle des événements, "Events Scale", qui a été créée par des

23 assistants de M. Horovitz [phon], ainsi que d'autres tests secondaires qui

24 permettent de déterminer la présence de stress.

25 J'aimerais ajouter quelques mots au sujet de ces tests, à savoir qu'il

Page 5633

1 s'agit de tests standard utilisés par le diagnostic et dans la recherche.

2 Il y a une longue série de tests que l'on appelle cette échelle de

3 symptômes révisés. Nous l'avons utilisé également, et comme le test est

4 très long, nous en avons appliqué une version plus courte que l'on peut

5 également appeler échelle d'Hamilton, et qui se présente sous deux versions

6 différentes.

7 Le "Impact of Events Scale" est un test largement utilisé dans la

8 recherche un peu partout dans le monde et, malgré le fait qu'il existe

9 d'autres échelles pour mesurer le taux de symptômes de stress post-

10 traumatique, il est permis de dire que ce test particulier, à savoir, le

11 test de l'échelle de l'incidence des événements, sur un sujet est très

12 fiable dans la recherche psychiatrique. Ce test est utilisé par deux

13 institutions européennes, qui se spécialisent dans l'étude de SSPT chez les

14 réfugiés. L'une de ces recherches a commencé en 2002, et l'autre en 2004.

15 Ces études ont pour but d'étudier le niveau du stress post-traumatique chez

16 les réfugiés. Il a l'appui de la Commission européenne et de sept pays

17 participants à l'étude en Europe, notamment, quatre pays des Balkans, ainsi

18 que l'Allemagne. Suite au protocole de diagnostic que nous avons utilisé,

19 et suite à l'utilisation, nous nous sommes servis de ce test, à savoir,

20 l'échelle de l'incidence des événements.

21 Il y a trois mois, j'ai publié, dans le "American Journal of

22 Personality Disorders", un article qui présente ce test et démontre qu'il

23 est très fiable pour mesurer les taux de stress.

24 Q. Pourriez-vous nous parler de façon générale des tests que vous avez

25 appliqués ? Je vous demande plus précisément si les tests utilisés sont

Page 5634

1 l'une des sources les plus fondamentales, les plus significatives des

2 diagnostics qui intéressent le psychiatre ?

3 R. Les tests sont utilisés en qualité d'instrument de diagnostic, mais

4 c'est l'un des instruments de diagnostic utilisé dans notre discipline; la

5 psychiatrie. Nous essayons de diversifier au maximum la source de nos

6 conclusions lorsque nous examinons un patient. L'entretien clinique est ce

7 que l'on appelle la norme d'or. Il existe un certain nombre de critères

8 phénoménologiques, notamment, et le DSM-IV est utilisé aux Etats-Unis

9 surtout, et je l'ai utilisé également. Excusez-moi de parler un peu vite.

10 La classification de DSM-IV, je l'ai utilisé pour prononcer mon diagnostic.

11 J'ai également utilisé la dixième classification internationale européenne

12 qui est la plus utilisée en Europe. Comme je l'ai déjà dit, ces éléments

13 sont utilisés afin de rendre nos conclusions plus objectives lorsque nous

14 mesurons les déséquilibres ou les troubles d'un patient. Nous essayons

15 d'être le plus objectif pour suivre les modifications éventuelles de sa

16 personnalité.

17 Q. En posant votre diagnostic au sujet de M. Strugar, avez-vous obtenu des

18 conclusions tout à fait exactes à l'issue de ce test ?

19 R. Oui. Il n'y a eu aucune discordance entre le diagnostic clinique à

20 partir des critères DSM-IV et les tests que j'ai appliqués par ailleurs sur

21 le plan psychiatrique. Les conclusions ont été identiques.

22 Q. L'un des diagnostics que vous avez posé est celui de démence d'origine

23 vasculaire, que l'on appelait par le passé démence d'origine multi-

24 infarctus dans l'ancienne classification. Dites-moi, je vous prie : dans

25 les conditions que je vais vous définir, c'est-à-dire, cinq jours de la

Page 5635

1 semaine, quatre ou cinq heures d'audience quotidienne, qu'en est-il des

2 capacités de l'accusé de suivre et de participer à part entière au procès

3 qui lui est fait ?

4 R. La démence d'origine vasculaire, que l'on appelait par le passé démence

5 d'origine multi-infarctus, est une des nombreuses maladies dont souffre M.

6 Strugar. Cette maladie implique une atteinte des petits vaisseaux sanguins,

7 cérébraux, notamment, au niveau de l'hypocampe [phon] et de l'hypothalamus.

8 Peut-être que n'est-ce pas important que j'entre dans les détails, mais,

9 enfin, cette infection des vaisseaux sanguins de petite taille a un effet

10 négatif direct sur la mémoire, la capacité de concentration, l'incapacité

11 d'attention, la capacité de compréhension. Je parle de compréhension de

12 grande qualité des événements qui concernent la personne intéressée.

13 M. Strugar, bien sûr, comprend ce qui lui arrive. C'est un homme qui avait

14 une très grande intelligence et beaucoup de succès dans sa vie. Mais sa

15 situation actuelle démontre que son fonctionnement intellectuel est

16 considérablement réduit par rapport à ce qu'il était par le passé. Cette

17 réduction se manifeste par une baisse de sa capacité à participer de façon

18 très active et hautement qualitative à son procès.

19 Le sentiment que j'ai eu, c'est que M. Strugar se comportait un peu comme

20 s'il était un étranger dans son propre procès, dans ce qui se déroule dans

21 ce prétoire. Il est passif et dépendant par rapport à cela. Je ne sais pas

22 si c'est important, mais je pense que cela l'est de savoir quelle est sa

23 personnalité.

24 Q. Nous y viendrons plus tard. Vous avez répondu à ma question.

25 R. Mais j'aimerais ajouter, excusez-moi, que lorsque j'ai parlé des

Page 5636

1 séquelles du syndrome du stress post-traumatique et des symptômes résiduels

2 chroniques de ce stress, je parlais d'un élément psychique, bien entendu,

3 mais qui a également des équivalents physiques. Là encore, il peut y avoir

4 modifications de la structure de l'hypocampe et atteinte de la mémoire. Je

5 pense qu'il est important de dire également que lorsque tous ces troubles

6 sont associés, c'est ce que démontre un article publié dans le "America

7 Journal of Psychiatry" de 2004, de la part d'un chercheur de l'université

8 de Colombie, et on trouve, chez M. Strugar, les mêmes symptômes, à savoir,

9 une tendance suicidaire. M. Strugar a eu des pensées suicidaires à

10 plusieurs reprises.

11 Q. Pourriez-vous nous dire très rapidement quelle est la différence entre

12 sa capacité de compréhension de certains concepts et les symptômes de sa

13 démence ? De quelle façon est-ce que ces symptômes peuvent affecter sa

14 capacité à suivre le procès ?

15 R. Bien entendu, il comprend où il se trouve, il comprend ce qui se passe,

16 il comprend pourquoi il est mis en accusation, il comprend en tout cas

17 partiellement quelles peuvent être les conséquences de ce procès. Mais il

18 est incapable de participer activement à son procès, en raison de ses

19 troubles de mémoire. Il n'a qu'une mémoire partielle s'agissant des

20 événements de la journée, de même que des événements du passé. Je ne vois

21 pas très bien comment quelqu'un, qui a une mémoire réduite et qui souffre

22 d'oublis assez nombreux, peut participer, de façon intéressante et active,

23 à un tel procès.

24 Q. Si quelqu'un a de nombreux troubles de mémoire, comment est-ce qu'il

25 peut concevoir sa défense ? Comment est-ce qu'il peut mettre au point une

Page 5637

1 stratégie, une planification à long terme de sa défense ?

2 R. Je crois que M. Strugar ne peut le faire qu'avec de grandes

3 difficultés. J'ai remarqué qu'il était incapable de prévoir les

4 conséquences de ce qu'il fait, il est dans une situation passive et

5 dépendante. Comme je l'ai déjà dit aujourd'hui à plusieurs reprises il m'a

6 dit : "Mon existence est entre les mains de mes avocats," ce qui démontre

7 une position régressive, une position infantile de sa part.

8 Ce qui est tout à fait typique dans les cas de démence d'origine

9 vasculaire, dès le début de cette affection et notamment lorsqu'elle se

10 développe. Comme je l'ai déjà dit M. Strugar à mon avis ne peut pas

11 participer de façon significative et active à un tel procès.

12 Q. Vous pensez que quelqu'un, qui oublie les choses comme c'est son cas,

13 peut témoigner de façon fructueuse devant les Juges de cette Chambre ? Est-

14 ce que, sur le plan juridique, il peut subir un contre-interrogatoire de

15 l'Accusation sans nuire à sa propre situation, en défendant ses intérêts ?

16 R. Je pense que cela ne lui est pas possible. Il a également des problèmes

17 d'audition. Mais surtout il a des oublis face à moi il l'a fait des efforts

18 importants pour donner l'impression qu'il était un homme fort, qui se

19 contrôlait, mais il a oublié pas mal de choses qui se sont dites au cours

20 de nos entretiens tout de même.

21 Q. Vous avez eu sous les yeux les rapports rédigés par votre collègue

22 engagé par l'Accusation. J'aimerais que nous en parlions rapidement, car

23 nous sommes tout de même très limités dans le temps.

24 L'une des thèses que l'on trouve dans ce rapport, consiste à dire que

25 l'accusé est en mesure de concevoir la stratégie de sa défense, et qu'il

Page 5638

1 est capable de planifier. S'agissant de stratégie et de planification,

2 qu'avez-vous constaté lors de vos entretiens avec M. Strugar ?

3 R. Je n'ai absolument pas remarqué chez lui la moindre stratégie dans la

4 préparation de sa défense. Au cours des neuf heures qu'il a passé avec moi,

5 il a démontré qu'il avait de très importants et profonds troubles de

6 mémoire, il a démontré et je pense que c'est important qu'il était passif,

7 dépendant, incapable d'anticiper, incapable de prévoir les événements à

8 venir, et les conséquences de ce qu'il fait dans l'immédiat. Pour

9 l'essentiel il est totalement entre les mains de ses avocats.

10 Q. Vous avez dit tout à l'heure, mais cela n'a pas été consigné au compte

11 rendu d'audience en anglais, qu'il essayait de se souvenir de votre nom et

12 que même cela il n'est pas parvenu à le faire au cours des entretiens qu'il

13 a eus avec nous -- vous ?

14 R. Non, effectivement, je lui ai posé cette question car il a démontré la

15 présence de disnomie [phon] ou d'anomie, au cours des entretiens qu'il a

16 eus avec moi. Cela démontre l'incapacité à nommer les choses et les objets,

17 et les personnes. A un certain moment, il a même oublié le nom de son petit

18 fils favori.

19 C'était un homme qui se contrôlait beaucoup au cours de ces activités

20 passées, c'était un homme qui a occupé des postes très importants, et cette

21 incapacité le rend très malheureux. Il essaie de compenser la chose, cela

22 l'irrite. Je vois que mon confrère l'a noté dans son rapport.

23 Q. On a considéré que le diagnostic d'après vos collègues constitue une

24 démence d'origine vasculaire, mais une démence d'origine vasculaire qui

25 serait bénigne. La question que j'ai est la suivante : y a-t-il un système

Page 5639

1 de classification internationale, à savoir les DSM-IV, celui de

2 l'organisation mondiale de la santé qui reconnaît une -- qui fait une

3 différence entre ce type de démence d'origine vasculaire, à savoir,

4 bénigne, moyenne, ou grave ?

5 R. La démence d'origine vasculaire est quelque chose de biologique, qui

6 est diagnostiquée de façon très claire, soit il y a démence, soit il n'y a

7 pas démence. Ce n'est pas quelque chose qui peut-être abordé sous l'angle

8 multidimensionnel. Ce sont des termes qu'on utilise lorsqu'on établit un

9 diagnostic de la personnalité par exemple.

10 Il y a un système de clarification internationale auquel font

11 référence tous les psychiatres dignes de ce nom, et qui n'établissent

12 aucune distinction entre le niveau de démence. S'il y a dépression il peut

13 y avoir des complications ou il peut ne pas y avoir de complication.

14 S'il y a dépression ou plutôt démence, ceci peut-être associé à une

15 dépression ou non de même que la dépression peut-être accompagnée de

16 délire, ou de trouble de la conscience, ou des formes plus ou moins

17 accentuées de folie. Néanmoins il n'y a pas de démence sous une forme plus

18 bénigne ou moins bénigne.

19 Q. Très bien. J'ai encore deux questions à vous poser Dr Lecic, puisqu'il

20 me reste un petit temps.

21 R. Je serais ravie de pouvoir vous répondre.

22 Q. Le diagnostic portant sur certains troubles ainsi que les tendances

23 suicidaires qui en découlent, quel impact a ce genre diagnostic ?

24 R. A plusieurs occasions le général Strugar a décrété qu'il se

25 suiciderait, et qu'il avait l'intention de le faire déjà auparavant. Mais

Page 5640

1 il ne le fait pas à cause de sa famille. En s'entretenant avec eux il ne

2 leur fait pas part de ses soucis, et il veut apparaître comme un homme qui

3 a une personnalité forte, il m'a demandé très expressément de ne pas en

4 parler à sa famille, de façon à ce qu'elle ne s'inquiète pas pour lui.

5 Je pense que son état de santé, et les différents diagnostics qui ont

6 été établis ainsi que la [imperceptible] de son diagnostic pourrait

7 conduire à ce type d'acte à l'avenir.

8 Q. La dernière question que je souhaite vous poser, Docteur Lecic, est la

9 suivante : pourriez-vous nous parler de vos propres observations de la

10 personnalité du général Strugar ? Comment appréciez-vous sa personnalité ?

11 R. Je pense que l'appréciation d'une personnalité constitue un des

12 éléments clé du diagnostic dans le domaine psychiatrique. Différentes

13 personnes manifestent des symptômes cliniques différents y compris les

14 symptômes que nous avons évoqués aujourd'hui à propos de M. Strugar.

15 M. Strugar est un patriarche, c'est quelqu'un dont il a fait preuve lors de

16 son séjour en prison. C'est un homme très hospitalier, il s'est excusé

17 lorsque nous nous sommes rendus en prison, parce qu'il ne pouvait pas nous

18 recevoir de la manière qu'il aurait souhaité.

19 C'est un homme qui tient à la vérité et qui croit profondément au

20 bienfait de la justice et il a certains traits de sa personnalité qui sont

21 exceptionnels. Il semble avoir une tendance au perfectionnisme. Il est très

22 strict envers lui même ainsi qu'envers les autres. Il est peu souple eu

23 égard aux valeurs éthiques qui sont les siennes. C'est une personne qui a

24 tout à fait le contrôle de lui-même, il a besoin de donner l'impression

25 d'être un homme fort.

Page 5641

1 Un autre trait de sa personnalité c'est qu'il nie les problèmes, ce qui

2 rend le diagnostic encore plus difficile. Mais, si on analyse ceci plus en

3 détail et si on analyse les traits de sa personnalité, en particulier, les

4 problèmes d'ordre psychiatrique qu'il nie, on constate qu'il l'affecte et

5 mis de côté. Qu'est-ce cela signifie ? Bien qu'au cours de l'entretien, il

6 a fait montrer d'une certaine instabilité émotionnelle et d'oscillation et

7 a pleuré, il a démontré une certaine alexithymie, qui est l'incapacité à

8 exprimer ses émotions. De tels individus ont une tendance à développer des

9 troubles post-traumatiques, ce qui est effectivement ce qui se passe dans

10 le cas du général Strugar. C'est un homme qui semble avoir une personnalité

11 forte mais il minimise et il cache ces traits de personnalité. Miniser

12 signifie en psychiatrie qu'il diminue l'importance des troubles dont il

13 souffre, ce qui est tout à fait conforme avec sa personnalité et avec ses

14 premiers comportements.

15 Bien évidemment, tous ces traits de caractère qui sont des traits de

16 caractère dominants, chez lui, sont altérés de façon importante par son

17 comportement passif dû à son état de santé actuel et son statut actuel.

18 Q. Je vous remercie, Docteur Lecic. Pour l'instant, je n'ai plus de

19 questions à vous poser.

20 M. PETROVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges de la Chambre,

21 j'en ai terminé. Je souhaiterais peut-être vous poser par la suite --

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, je vous remercie.

23 Vous êtes dans les temps.

24 Monsieur Re, vous avez la parole.

25 Monsieur Re va vous poser des questions, M. Re représente l'Accusation.

Page 5642

1 Contre-interrogatoire par M. Re :

2 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Lecic.

3 R. Bonjour.

4 Q. Ce n'est pas la première fois que vous témoignez devant ce Tribunal,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Non. C'est, en fait, la troisième fois que je viens déposer devant ce

7 Tribunal international.

8 Q. Vous avez toujours témoigné au nom de l'accusé auquel on reproche un

9 certain nombre de chefs d'accusation, n'est-ce pas ? A trois reprises vous

10 êtes venue ici, aux trois occasions vous êtes venu ici ?

11 R. Oui, tout à fait. J'ai témoigné ici au regard des personnes pour

12 lesquelles on me demandait de faire un témoignage.

13 Q. Vous souhaitez vous exprimer en anglais ? Oui ou non.

14 R. Oui, oui. Je peux m'exprimer en anglais.

15 Q. Sentez-vous tout à fait à l'aise ? Exprimez-vous dans la langue qui

16 vous convient ?

17 Dans quelle langue souhaitez-vous vous exprimez ?

18 R. En anglais.

19 Q. Dans les deux autres cas où vous êtes venue témoigner, c'était dans le

20 cadre de Stejpan Todorovic et M. Dosen, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Stejpan Todorovic pour lequel vous avez rendu votre témoignage au cours

24 d'une audience portant sur la condamnation ?

25 R. De quelle audience s'agissait-il ?

Page 5643

1 Q. Une audience portant la condamnation. M. Dosen a donné son témoignage

2 au cours du procès avant sa déclaration de culpabilité, n'est-ce pas ? Il

3 était responsable de persécutions.

4 R. Je crois que oui.

5 Q. Dans ces trois cas, vous avez fait examiné ainsi que d'autres

6 psychiatres le même accusé, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Dans ces trois cas, vous avez diagnostiqué le syndrome du stress post-

9 traumatique chez l'accusé, n'est-ce pas ?

10 R. Je crois que oui.

11 Q. Dans ces trois cas, Todorovic, Dosen, et général Strugar, les autres

12 psychiatres n'ont pas diagnostiqué le SSPT, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. En fait, la Chambre de première instance dans l'affaire Dosen où il

15 s'agit en fait du cas Sikirica n'a pas tenu compte des conclusions parce

16 qu'il y avait un conflit, ici, où un différend entre vous et le Dr Skolja,

17 n'est-ce pas ?

18 R. Je ne savais pas qu'il y avait un différend concernant M. Dosen.

19 Q. Dans le cas de Todorovic, la Chambre de première instance, de même, n'a

20 pas pris en compte les conclusions auxquelles vous étiez arrivées, à

21 savoir, le syndrome de stress post-traumatique lorsque l'appel pour M.

22 Todorovic a été prononcé, n'est-ce pas ?

23 R. En raison de mes capacités professionnelles, je n'ai pas suivi la

24 décision prise par la Chambre de première instance par la suite. Ce que je

25 savais, en revanche, c'est que mon collègue qui avait été recruté par

Page 5644

1 l'Accusation venait d'Allemagne -- pardonnez-moi, je ne me souviens pas de

2 son nom -- n'a pas diagnostiqué le syndrome du post-traumatique et ne s'est

3 pas préoccupé des questions dont on fait état ici, ce que j'ai essayé

4 d'expliquer pendant mon témoignage.

5 Q. Le point qui est important ici, c'est de savoir si sa responsabilité

6 s'en trouvait diminuée, si ses facultés s'en trouvaient diminuées au moment

7 où il a commis ces actes, pour lesquels il a plaidé coupable. Dans les deux

8 cas, Todorovic et Dosen, vous avez constaté qu'il y avait l'existence d'un

9 syndrome de stress post-traumatique, alors que les autres psychiatres ont

10 clairement indiqué que cela n'était pas le cas, n'est-ce pas ?

11 R. Oui. Mais je dois ajouter, encore une fois, que les autres psychiatres

12 n'ont pas beaucoup parlé du syndrome post-traumatique puisqu'il ne

13 s'agissait pas de leur domaine d'expertise.

14 Q. Lorsque vous avez examiné M. Dosen, vous lui avez fait subir un test,

15 le même test que celui que vous avez fait subir au général Strugar, n'est-

16 ce pas ?

17 R. Oui. Il y a un certain nombre de tests que nous donnons à nos patients

18 dans le domaine psychiatrique. La plupart d'entre eux, en particulier, pour

19 ceux qui souffrent de traumatismes.

20 Q. Lorsque vous avez évalué la capacité de M. Dosen à suivre un procès,

21 vous avez fait cela, n'est-ce pas ?

22 R. Non. On m'a simplement demandé d'évaluer son état sur l'état

23 psychiatrique.

24 Q. Je souhaite vous suggérer la chose suivante : Lorsque vous examinez le

25 général Strugar et M. Dosen, vous avez appliqué les deux mêmes tests,

Page 5645

1 n'est-ce pas ?

2 R. Oui. J'ai dit que ces tests étaient utilisés pour la plupart des

3 patients souffrant de traumatisme et les études démontrent au centre de

4 réhabilitation des victimes souffrant de traumatisme que ces tests sont

5 toujours appliqués.

6 Q. Vous avez également diagnostiqué M. Dosen, établi un diagnostic pour M.

7 Dosen. Il dirigeait le camp de Keraterm et s'occupait de la rotation des

8 gardes. Vous dites qu'il avait une personnalité dépendante et passive,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Non. Je n'ai pas les documents sous les yeux. Mais je n'ai pas dit

11 qu'il souffrait d'une personnalité passive et dépendante. Il était passif.

12 Il avait certains traits de personnalités indiquant qu'il était dépendant.

13 Q. Je pourrais vous citer directement. Je pourrais citer votre résumé

14 ainsi que vos conclusions dans un document qui a été archivé et qui est

15 public, présenté par M. Petrovic : "L'accusé, M. Dusan, souffre d'un

16 trouble de la personnalité. Il est dépendant et passif et ceci est associé

17 à la passivité et certains traits compulsifs, ce qui est tout à fait

18 conforme à son style de vie."

19 R. Je vous remercie de m'avoir rappelé ceci. Mais je ne me souviens pas.

20 Ceci a été rédigé il y a deux ans, personnalité dépendante, peut-être.

21 Q. C'est une façon de dire que c'est une personnalité passive et

22 dépendante ?

23 R. Si vous souhaitez.

24 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

25 Juges, je soulève une objection à ce type de questions posées par mon

Page 5646

1 confrère. En premier lieu, ceci n'a rien à voir avec le débat

2 d'aujourd'hui. Cela, c'est le premier point. Je suis surpris par cette

3 approche parce que je ne vois pas en quoi cela peut être utile pour la

4 Chambre de première instance.

5 Deuxièmement, si mon éminent confrère parle ici de quelque chose qui

6 a été établi il y a trois ans, je ne me souviens pas précisément, s'il

7 souhaite demander des questions à propos de tout ceci, il devrait

8 présenter, ici, au Dr Lecic ce qui a été rédigé à l'époque, à savoir, son

9 rapport de même que tous les autres documents auxquels il fait allusion.

10 Parce que, pour l'instant, personne ne peut se rappeler de ce qui a été

11 rédigé il y a trois ans. Je suis le premier à reconnaître que je ne me

12 souviens pas quand cela a été écrit. Je ne connais pas le détail de tout

13 ceci, ni les termes utilisés. S'il souhaite poursuivre le fil de

14 l'argumentaire de cette façon, j'apprécierais beaucoup que l'on remette au

15 Dr. Lecic son propre rapport de façon à ce qu'on puisse voir dans quel état

16 de santé se trouvait l'accusé Dosen, il y a trois ou quatre ans, à voir si

17 ceci est pertinent ou non. Le Dr. Lecic serait alors à même de lire son

18 propre rapport, et il pourrait répondre aux questions.

19 M. RE : [interprétation] Je vais poursuivre, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis satisfait, Monsieur Re, parce

21 que la Chambre ne va pas tenir compte ni de la précision, ni de la

22 fiabilité du diagnostic qui a été établi par le professeur, il y a un

23 certain nombre d'années.

24 M. RE : [interprétation] Bien.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons poursuivre.

Page 5647

1 M. RE : [interprétation] La question que je souhaite maintenant poser, et

2 je crois que ceci va apparaître très clairement, la pertinence de ceci va

3 paraître clairement.

4 Q. Docteur Lecic, au cours de l'interrogatoire principal mené par Me

5 Petrovic, vous avez décrit le général Strugar comme étant quelqu'un qui

6 avait une personnalité passive et dépendante. Je ne trouve pas ces termes-

7 là dans votre rapport. Pourriez-vous m'indiquer à quel endroit de votre

8 rapport se trouve ce diagnostic ?

9 R. Je n'ai pas dit qu'il avait une personnalité passive et dépendante dans

10 mon rapport, mais que sa position était passive. Sa disposition était

11 passive puisqu'il se reposait beaucoup sur les conseils de la Défense. Il

12 se trouve dans une position passive, il est sans défense à cause de ses

13 fonctions diminuées.

14 Q. Pardonnez-moi, lors de votre témoignage, j'ai noté ici que vous avez

15 dit qu'il avait une personnalité passive et dépendante ?

16 R. Il est dans une position passive et dépendante puisqu'il souffre d'un

17 mouvement de régression, et que cette régression est une régression par

18 rapport à ses fonctions précédentes qui étaient bien supérieures. Il se

19 trouve maintenant dans une position sans défense.

20 Q. Dans votre curriculum vitae vous parlez d'un ouvrage que vous avez

21 rédigé vous-même, qui s'intitulait,"Les stress liés à la guerre", rédigé en

22 1993. Cet ouvrage bien sûr a été écrit sous l'angle ou en tout cas du point

23 de vue serbe, adopte le point de vue serbe, n'est-ce pas ?

24 R. C'est le seul point de vue que j'aurais pu utiliser puisque étant les

25 événements qui se produisaient à ce moment-là, et les gens avec lesquelles

Page 5648

1 je travaillais.

2 Q. Vous avez écrit votre ouvrage en 1993, et le chapitre que vous avez

3 écrit en collaboration avec quelqu'un d'autre, s'intitule : "La mauvaise

4 utilisation des médias de la psychiatrie, la mauvaise utilisation des

5 médicaments et de la psychiatrie dans la diabolisation des peuples serbes."

6 R. Oui.

7 Q. Dans cet ouvrage, vous vous êtes plains à ce propos, et vous avez parlé

8 des journaux croates qui faisaient allusion qui mentionnaient certains

9 traits de la personnalité serbe ?

10 R. En fait, ce journal était quelque chose qui était utilisé pour montrer

11 que la psychiatrie ne devait pas être mal interprétée parce que la

12 psychiatrie est une science particulière, une discipline particulière. Dans

13 ce journal, qui est un journal qui n'est pas scientifique de vision, les

14 conclusions auxquelles nous étions arrivés dans ce chapitre que vous avez

15 cité, reprenaient les bases scientifiques citées dans le journal de

16 psychiatrie américaine, des bases de données qui s'appelaient Biosys. J'en

17 ai parlé à bon nombre de mes collègues.

18 Q. C'est ce que vous dites dans ce chapitre, vous parlez de la guerre

19 civile religieuse et ethnique menée en ex-Yougoslavie, et vous parlez de la

20 médecine et de la psychiatrie qui ont été mal interprétées et qui ont servi

21 à répandre la haine parmi le peuple serbe.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Je soulève une objection. Je souhaite qu'une

23 référence précise soit donnée à propos de cet ouvrage, et que l'on remette

24 au témoin cet ouvrage pour qu'il puisse avoir le contexte ici, et qu'il

25 puisse répondre. Je ne vois pas l'intérêt de citer une seule phrase. Si des

Page 5649

1 questions sont posées sur ce document, je souhaite que mon éminent confrère

2 le lui remette, ou en tout cas qu'il fasse une référence exacte.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin ne semble pas mal connaître

4 cet ouvrage, et il est à même il me semble -- il est à même de répondre aux

5 questions d'ordre général qui lui sont posées.

6 M. RE : [interprétation] Oui, absolument, merci, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous allez traiter du fond

8 bientôt, Maître Re ?

9 M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

10 Q. Où travaillez-vous entre 1996 et 2001 ? Il semble qu'il y a ici un trou

11 dans votre curriculum vitae.

12 R. Non, non, il n'y a pas de trou du tout. Je travaillais, et j'ai

13 travaillé toujours à l'institut de Santé mentale et à l'école de Médecine

14 rattachée à l'université de Belgrade.

15 Q. Dans votre curriculum vitae que vous nous avez fourni, assez détaillé -

16 - dans votre rapport, pardonnez-moi, vous n'avez pas cité toutes les

17 sources -- toutes vos sources ici ?

18 R. Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre.

19 Q. Dans votre curriculum vitae ici, vous avez donné -- non, pardon, dans

20 les observations que vous faites, vous avez donné certain nombre de détails

21 à propos du général Strugar. Vous dites que cela vient d'un certain nombre

22 de sources, n'est-ce pas ?

23 R. Ici, les antécédents que j'ai fournis m'ont été fournis de façon

24 générale par le général Strugar lui-même, et cette partie-là de

25 l'historique qui le concerne vient de personnes que j'ai interviewées et

Page 5650

1 c'est quelque chose que l'on pratique communément en psychiatrie. C'est ce

2 qu'on appelle la troisième oreille en psychiatrie. Il nous faut consulter

3 quelqu'un d'autre pour pouvoir établir un diagnostic approprié.

4 Q. Vous avez obtenu ces informations sur le général Strugar de sa femme et

5 de son fils. Ce sont là, les trois sources que vous avez utilisées ?

6 R. Comme j'ai dit auparavant, nous avons un nombre important de rapports à

7 notre disposition.

8 Q. Les trois sources sont sa femme, son fils et le général Strugar ?

9 R. Oui.

10 Q. M. Strugar est bien sûr qui l'a un certain âge, et qui n'est pas bien ?

11 R. Puis-je vous demander sur quoi porte votre question ?

12 Q. N'est-ce pas difficile pour lui de voir sa femme ?

13 R. Je ne pense pas que cela soit très difficile pour sa femme de décrire

14 son mari, ni son comportement puisqu'ils ont vécu longtemps ensemble. La

15 question que je lui ai posée était de décrire la personnalité de son mari.

16 Encore, une fois, pour me permettre d'établir un diagnostic psychiatrique.

17 Q. Ceci n'est pas la question que je vous ai posée. Ma question portait

18 sur son entretien avec vous, vous lui avez parlé cette année. Elle se

19 trouve en ex-Yougoslavie, elle s'y trouve encore, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. A ce moment-là, sa femme ainsi que son fils souhaitaient que le général

22 Strugar rentre chez-lui, n'est-ce pas ?

23 R. Bien évidemment comme toute personne le ferait dans ce cas-là.

24 Q. Avez-vous avec ces deux personnes étudié la question de savoir si le

25 général Strugar comprenait très bien les chefs d'accusation qui sont portés

Page 5651

1 contre lui dans cette affaire ? Est-ce que vous lui avez posé la question ?

2 R. Non, pas beaucoup ou peu, mais je leur aurais posé des questions sur

3 leurs sentiments, et ce qu'ils pensaient de sa mémoire et des problèmes de

4 santé du général Strugar parce que je suis un médecin.

5 Q. Merci. Je ne vous ai pas posé de questions là-dessus. Je vous demande

6 très précisément s'il comprend les éléments du procès, s'il est capable de

7 comprendre le procès qui est attenté contre lui ? Est-ce que vous leur avez

8 demandé de s'entretenir avec lui à ce propos ? S'il a conscience des chefs

9 d'accusation qui sont portés contre lui lorsque vous avez consulté avec le

10 conseil de la Défense ou d'autres questions concernant son comportement

11 dans ce prétoire ?

12 R. Oui, j'en ai parlé avec son fils qui m'a dit que son père avait des

13 grands problèmes de mémoire.

14 Q. Je parle précisément ici à propos du procès ?

15 R. Non, je ne lui ai pas posé de questions précises à l'égard du procès.

16 Q. Vous êtes d'accord bien sûr pour dire que ni son fils, ni sa femme ne

17 constituent par conséquent pas, une source particulièrement objective

18 d'information en l'absence de leur père ?

19 R. La famille, le contexte social sont des éléments objectifs lorsqu'on

20 établit un diagnostic psychiatrique. Comme je l'ai dit, j'ai besoin de le

21 répéter puisqu'il s'agit de la troisième oreille en psychiatrie, il s'agit

22 d'un élément objectif. Comme toute science ici, aujourd'hui cette science

23 est considérée comme objective lorsqu'on décrit le fonctionnement antérieur

24 d'un mari et d'un père.

25 Q. Dans votre diagnostic, vous avez noté une diminution du contrôle

Page 5652

1 émotionnel et ceci, c'est fondé sur les antécédents que vous avez établis

2 et l'information que vous avez reçue de la femme de M. Strugar ?

3 R. Il a également été confirmé que la femme de M. Strugar, c'est quelque

4 chose qui a été observé et reçu comme élément d'information dans

5 l'entretien avec le général.

6 Q. "Je ne l'ai rencontré qu'à une seule reprise, deux jours." Il s'agit

7 simplement d'éléments fournis par sa femme, n'est-ce pas ?

8 R. Il parlait d'un manque de contrôle émotionnel.

9 Q. La diminution du contrôle émotionnel, le seul test de contrôle que vous

10 ayez effectué, c'est par l'intermédiaire de sa femme, n'est-ce pas ?

11 R. C'est lui qui m'a dit comment il se sentait et qu'il s'excusait parce

12 qu'il pleurait à plusieurs occasions lorsque j'ai eu des entretiens avec

13 lui. C'est le seul élément, c'est le devoir d'un psychiatre que de

14 diagnostiquer les traits de la personnalité d'une personne et il faut tenir

15 compte de tout ceci si on veut établir un diagnostic adéquat et pouvoir

16 prescrire un traitement adéquat.

17 Q. Je vais vous demander simplement de vous concentrer maintenant sur la

18 question que je vais vous poser sur le test de contrôle que vous avez

19 effectué sur sa femme et lui. A combien de gens avez-vous examinés qui

20 étaient incarcérés ?

21 R. Bon nombre de personnes au centre de Réhabilitation des victimes de la

22 torture, personnes qui étaient détenues dans ce centre.

23 Q. Combien d'évaluations avez-vous faites, eu égard à la capacité

24 dépendante de l'accusé ou de sa condition à être jugée ?

25 R. Je n'ai pas fait d'évaluation en ce sens, mais j'ai été demandé par les

Page 5653

1 Nations Unies, le Commissariat pour les réfugiés, de préparer certains cas

2 lorsque des personnes devraient être réinstallées dans les pays tiers.

3 Q. Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je vous demande s'il est

4 à même de suivre un procès, de personnes accusées que vous avez évaluées ?

5 R. Pas beaucoup.

6 Q. Combien.

7 R. Dans ce cas-ci, on m'a demandé une réponse à la question.

8 Q. Lorsque vous dites "pas beaucoup", est-ce que vous dites à la Chambre

9 de première instance que c'est la première fois que vous évaluez la

10 capacité à quelqu'un à suivre un procès, en l'occurrence, un accusé ?

11 R. Oui, oui, tout à fait. C'est ce que j'ai dit. Quelqu'un m'a demandé de

12 faire plusieurs évaluations sur l'état psychiatrique et des traits de la

13 personnalité de personnes traumatisées.

14 Q. Est-ce que vous êtes présentée lors d'audience portant condamnation ?

15 Est-ce que vous avez fourni des rapports psychiatriques pour des personnes

16 qui ont été condamnées, hormis M. Todorovic ?

17 R. Non.

18 Q. Avez-vous rendu visite en prison en Serbie à certaines personnes qui

19 s'y trouvaient ainsi que des prisonniers pour lequel un procès était

20 intenté contre eux ?

21 R. J'ai visité un certain nombre de prisons en Serbie à plusieurs

22 reprises. J'ai donné des conférences en prison en Serbie et je suis

23 également membre de --

24 Q. Non, non. Ce n'est pas la question que je vous pose. Avez-vous traité

25 des prisonniers. Je ne vous parle pas de conférences que vous avez faites.

Page 5654

1 Avez-vous traité des prisonniers ?

2 R. J'étais sur le point de vous le dire. Laissez-moi ajouter que je n'ai

3 pas traité de prisonniers en prison parce qu'ils n'ont pas le droit de --

4 Q. Merci. C'est tout ce que je voulais entendre.

5 R. Vous n'avez pas travaillé en prison. Vous êtes un membre de la

6 communauté internationale pour la rééducation des personnes en prison en

7 Norvège et vous avez écrit un chapitre là-dessus sur Internet également,

8 sur la manière de traiter les personnes qui souffrent de troubles mentaux

9 en prison.

10 Q. Ce n'est pas ma question. Est-ce que vous dites que vous n'avez jamais

11 traité de prisonniers auparavant ?

12 R. Je ne peux pas traiter de prisonniers puisque je suis professeur de

13 psychiatrie et que je ne travaille pas en prison. Je ne travaille pas avec

14 les prisonniers dans mon pays.

15 Q. Très bien. Vous êtes d'accord pour dire que la réponse, à savoir, les

16 prisonniers, vous ne pouvez pas répondre par oui ou par non, si ces

17 prisonniers souffrent de dépression ?

18 R. Si l'incarcération constitue un facteur aggravant ? Oui.

19 Q. Les prisonniers souffrent parfois de dépression. C'est le résultat de

20 leur incarcération. Vous êtes d'accord avec cela ?

21 R. Oui. Je suis d'accord avec cela mais il s'agit que d'un facteur parce

22 que la pathologie existe et elle est multifactorielle et non pas

23 monofactorielle.

24 Q. Perte d'appétit, par exemple, constitue un élément ?

25 R. Oui. Il m'a dit, effectivement, que c'était le cas.

Page 5655

1 Q. Je ne parle pas du général Strugar, je parle des prisonniers en

2 général, les personnes qui sont incarcérées. Pourriez-vous vous en tenir à

3 cela, s'il vous plaît, uniquement. Les prisonniers souffrent de troubles du

4 sommeil ?

5 R. Cela dépend pour beaucoup de la pertinence, certains dorment plus

6 longtemps, certains développent un problème d'insomnie grave ou perte de

7 l'appétit et ont du mal à gérer la situation lorsqu'ils sont incarcérés.

8 Q. Les prisonniers peuvent devenir très émotifs lorsqu'ils parlent de tout

9 ceci et en l'absence de la famille, n'est-ce pas ? C'est une réaction assez

10 typique ?

11 R. Je ne dirais pas que c'est typique. Cela dépend pour beaucoup du cas en

12 question. Je crois qu'il faut évaluer les patients au cas par cas et ne pas

13 établir de généralisation lorsqu'il s'agit d'affaires aussi graves.

14 Q. Est-il exact de dire que vous ne savez pas ce qui est typique parce que

15 vous n'avez pas l'expérience, pas beaucoup d'expérience en matière de

16 prisonniers ?

17 R. Je n'ai pas d'expérience en matière de prisonniers, je suis médecin et

18 je rends visite aux prisonniers, mais je n'ai pas beaucoup d'expérience.

19 J'ai lu beaucoup de choses sur la question. Je suis professeur. J'enseigne

20 un certain nombre de choses à mes étudiants et je les examine également.

21 J'ai dû passer un certain nombre d'examens pour répondre à des questions

22 comme celles-ci.

23 Q. Le général Strugar, avez-vous déjà traité des prisonniers incarcérés

24 d'un certain âge comme lui ? Réponse, oui ou non.

25 R. Bien évidemment, non.

Page 5656

1 Q. Etes-vous d'accord pour dire que les prisonniers souffrent de tendances

2 suicidaires, en particulier, lorsqu'ils ont à faire face à une peine peut-

3 être longue ?

4 R. Certains prisonniers, mais pas tous. Encore une fois, on ne peut pas

5 généraliser en la matière.

6 Q. Dans votre rapport, vous avez parlé -- je vais retirer ceci. Vous avez

7 déjà dit à Me Petrovic que vous avez rédigé et publié un ouvrage en anglais

8 et vous avez déjà témoigné en anglais et vous avez publié un chapitre en

9 langue anglaise de presse "New Oxford Textbook" sur la psychiatrie. Vous

10 avez cité un test dans votre rapport qui est un test où vous dites que vous

11 utilisez ou vous parlez de la notion de compétence, est-ce exact ?

12 R. Oui. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un test de compétence. Je n'ai

13 jamais dit cela.

14 Q. Vous avez le rapport sous les yeux, Docteur Lecic ?

15 R. Oui.

16 Q. A la page 14, la dernière page, lorsqu'on parle de la capacité à suivre

17 un procès, et je cite : "L'accusé qui a à faire face à des poursuites

18 pénales doit comprendre son niveau de participation à la procédure. Un

19 trouble d'ordre psychiatrique rend une telle personne incapable et pas à

20 même de suivre un tel procès. L'accusé doit pouvoir suivre la procédure et

21 doit pouvoir donner des instructions à ses avocats de façon à pouvoir

22 préparer sa défense. L'accusé doit avoir cette capacité pour comprendre

23 l'évolution du procès et de façon à pouvoir assurer sa défense correctement

24 et comprendre tous les éléments qui sont présentés, tous les éléments de

25 preuve."

Page 5657

1 Je vous cite, ici, c'est un "New Oxford Textbook" aux éditions "Oxford

2 University Press" de l'an 2000. Est-ce que vous voyez cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez extrait une citation ici de ce "Oxford Textbook of

5 Psychiatry" ?

6 R. Oui. Vous avez raison.

7 Q. C'est un test que vous avez utilisé pour déterminer si, oui ou non, le

8 général Strugar --

9 R. Ce n'est pas un test. Lorsque vous dites "test," je comprends ici

10 instrument de diagnostic pour savoir s'il peut participer à son procès.

11 Q. Très bien. En fait, c'est la norme utilisée par la Chambre de première

12 instance, ici, à savoir, si oui ou non le général Strugar peut ou non

13 suivre son procès ?

14 R. Ici, je vais vous citer l'ouvrage et le chapitre en question qui parle

15 des questions médico-légales sur la compétence et la manière dont on

16 comprend le terme de compétence.

17 Q. La question que je vous pose : Est-ce que vous êtes en train de dire,

18 vous êtes expert ici en la matière, le professeur de psychiatrie, vous

19 dites à la Chambre de première instance si le test pertinent doit être

20 utilisé à propos du général Strugar, à savoir, le test pertinent, à savoir,

21 s'il est à même de suivre son procès ou non ? Pourriez-vous dire ceci à la

22 Chambre de première instance ?

23 R. Encore une fois, je dis qu'il ne s'agit pas d'un test. Par le mot

24 "test," nous entendons quelque chose de complètement différent. C'est une

25 citation. Ici, le paragraphe vient d'un ouvrage qui a été publié en Europe.

Page 5658

1 Q. Une définition que vous pourriez donner à la Chambre de première

2 instance, s'il vous plaît ?

3 R. C'est une définition, ici, qui parle d'une question qui a été posée à

4 quelqu'un et qui répond à un certain nombre de questions.

5 Q. Ce que je souhaite faire, ici, c'est citer les pages. Bien sûr, nous

6 n'avons pas la source et le numéro de la page, numéro de page ?

7 R. Non.

8 Q. Je vais vous le montrer.

9 M. RE : [interprétation] Il s'agit de la page 2 091, 2 092 du "New Oxford

10 Textbook on Psychiatry". Vous pouvez le montrer au témoin, s'il vous plaît,

11 pour qu'il puisse le regarder.

12 L'INTERPRÈTE : Nous n'avons pas le texte.

13 M. RE : [interprétation]

14 Q. Docteur Lecic, regardez la partie gauche, ici. Nous allons mettre le

15 rétroprojecteur. Pourriez-vous lire, s'il vous plaît ?

16 M. PETROVIC : [interprétation] Pourriez-vous nous indiquer à quel passage -

17 - quel extrait il s'agit, s'il vous plaît, dans l'exemplaire que j'ai

18 reçu ?

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous allez nous montrer à quel endroit

20 cela signifie, Monsieur Petrovic.

21 M. RE : [interprétation]

22 Q. Docteur Lecic, je vous montre à quel endroit cela se situe, en haut à

23 droite, page 2 089.

24 R. Oui.

25 Q. La définition de sa capacité à suivre le procès.

Page 5659

1 R. Oui.

2 Q. Relisez le paragraphe, s'il vous plaît.

3 R. Vous souhaitez que je lise à voix haute ?

4 Q. Oui.

5 R. "L'accusé qui doit faire face à des poursuites pénales doit avoir la

6 capacité de comprendre et de participer à la procédure. Les troubles

7 d'ordre psychiatrique ne rendent pas quelquefois cette personne incapable

8 et indisposée dans ce cas-là. De façon traditionnelle, nous parlons d'un

9 test qui permet d'évaluer si, oui ou non, il est capable de suivre le

10 procès, à savoir, sinon, l'accusé est capable de comprendre au plan

11 intellectuel le déroulement de la procédure, et de façon à ce qu'il puisse

12 se préparer et préparer à sa défense correctement, et comprendre tous les

13 éléments ici qui sont donnés en témoignage."

14 Q. Très bien. Je vous demande de bien vouloir vous arrêter. Passez à la

15 page suivante, s'il vous plaît. Il y a différents éléments qui sont pris en

16 compte ici. Monsieur le Professeur, êtes-vous d'accord pour dire qu'on ne

17 parle pas les mêmes termes ici, ceux que vous avez cités : "Pour comprendre

18 en fait le déroulement de la procédure" ?

19 R. Vous voulez dire que je n'ai pas cité le paragraphe entier ? C'est cela

20 la question ?

21 Q. Non. Je vous dis que vous avez mal cité le paragraphe, en fait. Vous

22 l'avez mal compris.

23 R. Bien.

24 Q. Nous allons reformuler, si vous voulez bien.

25 M. PETROVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire quel est

Page 5660

1 l'exemplaire qu'a mon éminent confrère et d'où il cite ? S'agit-il de la

2 même édition ? Je vous demande de bien vouloir nous le dire, s'il vous

3 plaît, s'il cite en fait de cet ouvrage. Donnez-nous quelque indication

4 quant à l'ouvrage dont il parle. Nous ne pouvons comparer quelque chose qui

5 n'est comparable. On ne peut pas faire agir autrement.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit de l'édition de l'an 2000,

7 nous on dit, M. Petrovic ici, ce à quoi fait allusion le témoin.

8 M. RE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

9 Q. Docteur Lecic, vous tournez à la page suivante. Ici un certain nombre

10 de textes sont indiqués qui permet de déterminer si oui ou non une personne

11 est compétente et peut suivre un procès.

12 R. Très bien.

13 Q. Si vous regardez : "Différents éléments qui sont pris en compte, à

14 savoir si l'accusé comprend, oui ou non, les chefs d'accusation qui sont

15 portés contre lui."

16 R. Vous voulez dire la page suivante ?

17 Q. Oui.

18 R. Oui.

19 Q. Cela est une chose qu'un psychiatre devrait examiner pour déterminer si

20 l'accusé est capable de participer à un procès, n'est-ce pas ?

21 R. Pour comprendre ce dont il est accusé.

22 Q. Oui.

23 R. Est-ce que c'est cela vous voulez dire ?

24 Q. Oui.

25 R. Oui.

Page 5661

1 Q. La partie suivante, de la nature des éléments de preuve présentés par

2 l'Accusation. C'est également quelque chose qu'un psychiatre doit évaluer

3 pour parvenir à une conclusion pour dire qu'une personne est capable ou non

4 de suivre un procès, n'est-ce

5 pas ?

6 R. Oui, mais, également, j'ai le plaisir de lire ce chapitre que mon

7 collègue, le Dr Blum, a écrit. Il y a peu de modèles. Là, c'est un

8 psychiatre ou un médecin qui doit traiter de ces questions émotionnelles

9 psychiatriques, des conditions psychiatriques, et aussi de l'ensemble des

10 questions de santé de la personne.

11 Q. S'il vous plaît, j'ai dit une de ces choses. Je suis en train de faire

12 la liste des éléments selon le livre que vous avez décrit comme étant

13 l'ouvrage en anglais le plus important en matière de psychiatrie dans

14 laquelle vous avez vous-même écrit.

15 R. Oui.

16 Q. Une des choses, disiez-vous ?

17 R. C'est un de ces éléments, oui. Je serai d'accord que c'est seulement un

18 des éléments.

19 Q. Mais la chose suivante est la nature des éléments de preuve produits

20 par l'Accusation, la différence entre le fait de plaider coupable ou pas

21 coupable. Un psychiatre devait être en mesure de trouver si une personne

22 comprend ou non un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité, n'est-ce

23 pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Pour savoir si l'accusé est capable de suivre son procès ou non. C'est

Page 5662

1 également dans la liste ?

2 R. Oui.

3 Q. Si une personne est ou non en mesure de donner des instructions à ces

4 conseils, n'est-ce pas, afin que sa défense puisse être organisée ?

5 R. Oui.

6 Q. Ceci figure également là ?

7 R. Bien.

8 Q. C'est un des éléments qu'un psychiatre compétent pourrait déterminer ou

9 évaluer pour parvenir à une conclusion selon laquelle une personne n'est

10 pas en mesure de suivre son procès, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous avez écrit, bien sûr, que le Prof Matthews et le Dr Blum ont

13 examiné chacun de ces éléments dans le rapport, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Ils ont mentionné chacun de ces éléments, mais ils ne sont pas référés

16 à bien d'autres choses auxquelles je me réfère moi-même en tant que médecin

17 en psychiatre. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises aujourd'hui, un

18 psychiatre est un médecin qui doit avoir une image complète intégrée de la

19 personne qu'il prête parce que nous ne pouvons pas définir et poser un

20 diagnostic concernant une personne uniquement sur la question de savoir

21 s'il y a pu subir un procès. On m'a posé un certain nombre de questions

22 très importantes et j'ai fait les évaluations nécessaires concernant la

23 santé en général de l'accusé y compris sa santé psychiatrique concernant

24 l'accusé M. Strugar.

25 Q. Mais, Professeur, vous avez fait référence à cette partie du "New

Page 5663

1 Oxford Textbook" en psychiatrie, la définition de l'aptitude à suivre un

2 procès, mais, ensuite, vous n'avez pas gardé votre rapport pour examiner

3 les considérations spécifiques, n'est-ce pas ?

4 R. Non, parce que je suivais le modèle médical et j'ai fait un grand

5 nombre de diagnostics, somatiques et psychiatriques, qui, je pense, sont

6 très importants en ce qui concerne M. Strugar, qui, je le répète ici, est

7 une personne qui est gravement malade.

8 Q. Général Strugar, bien entendu, a raconté une chose tout à fait

9 différente au Prof Matthews, au Dr Blum et au Dr Smalc, n'est-ce pas ?

10 R. Je ne sais pas si je comprends ce que vous voulez dire par raconter des

11 choses tout à fait différentes. Pourriez-vous me rappeler ce qu'il est

12 vraiment différent.

13 Q. Votre conclusion est que le général Strugar n'a pratiquement aucun

14 souvenir de la guerre et ne peut pas se rappeler des noms importants.

15 C'était votre conclusion, n'est-ce pas ?

16 R. C'était ma conclusion et c'était quelque chose d'après les

17 renseignements que j'ai reçus de son fils également.

18 Q. Est-ce que son fils suit le procès pour autant que vous sachiez ?

19 R. Non. Son fils est la personne qui m'a informé, qui connaît son père

20 très bien, et il est au courant des détails de sa vie.

21 Q. La notion même de compréhension et de capacité à suivre un procès, ceci

22 veut dire, n'est-ce pas, que quelqu'un puisse suivre les dépositions qui

23 sont faites au cours du procès en comprendre les effets, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Si le général est capable de décrire de façon relativement détaillée

Page 5664

1 les éléments de preuve qui ont été évoqués contre lui, pas seulement tel

2 jour mais au cours des journées précédentes, ceci indiquerait qu'il a la

3 capacité de comprendre et de suivre le procès, n'est-ce pas ?

4 R. Je ne suis pas sûr pour être d'accord avec vous, parce que ce qui est

5 important pour du point de vue de la maladie somatique et psychiatrique de

6 M. Strugar, c'est qu'il a ce que l'on appelle une aptitude "step-wise", ce

7 qui veut dire que l'état de l'accusé se modifie -- se modifie tout le temps

8 pour nous tous. Nous ne sommes toujours à un même état de concentration

9 aujourd'hui qu'hier et pas plus que nous le serons demain. Ceci dépend de

10 nombreux facteurs.

11 Q. Une décision d'un accusé dans son procès est le choix, par exemple, de

12 ses conseils, n'est-ce pas ?

13 R. Excusez-moi ? La décision de quoi ?

14 Q. Si un accusé décide de choisir des conseils, à moins qu'il ne soit

15 désigné d'office par la Chambre, pour assister à la défense, c'est l'accusé

16 qui le fait normalement ?

17 R. Pour autant que je comprenne, oui.

18 Q. Le choix des avocats est très important, n'est-ce pas, pour un accusé ?

19 R. Comme choix de toute personne importante qui a une importance pour sa

20 propre vie, oui.

21 Q. Si vous êtes capable de choisir des conseils qui indiquent que vous

22 êtes en mesure de -- non, je retire ma question.

23 Le choix de conseils qui, par exemple, savent bien l'anglais, un autre qui

24 est expérimenté dans les questions militaires, c'est ce qu'a fait le

25 général Strugar. Il a choisi un conseil militaire et

Page 5665

1 M. Petrovic parle couramment l'anglais. Vous êtes d'accord avec cela ?

2 R. Oui. Mais je ne vois pas est-ce qu'il a choisi --

3 Q. Oui.

4 R. -- de son propre gré --

5 Q. Oui.

6 R. -- ou est-ce qu'il a été conseillé ?

7 Q. Oui. Si vous acceptez qu'il a fait cela, est-ce que vous seriez

8 d'accord qu'il exerce des capacités pour se défendre ?

9 R. Je ne suis pas tout à fait sûr. Là encore, je ne pouvais pas être

10 d'accord avec vous, parce que même une personne qui est en état de démence

11 peut opérer des choix, à moins que l'on soit au stade final de la démence,

12 ou on ne reconnaîtra plus rien.

13 Q. Quelqu'un qui s'est volontairement rendu parce qu'il est innocent et

14 qui est venu volontairement expliquer qu'il n'est pas coupable, doit

15 comprendre la différence entre un plaidoyer de culpabilité et de non-

16 culpabilité, n'est-ce pas ?

17 R. Oui. Une personne modérément intelligente, avec un quotient

18 intellectuel d'environ 80, comprendrait ces choses. Cela n'a rien de

19 particulier.

20 Q. Une personne, qui peut dire à un psychiatre : "Je ne suis pas coupable,

21 je suis sûr que je ne suis pas coupable --"

22 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous ralentir, s'il vous plaît.

23 M. RE : [interprétation]

24 Q. "-- j'étais le troisième commandant. Jokic est coupable, pas moi,"

25 certainement, ceci montre une capacité à comprendre les éléments de preuve

Page 5666

1 et les débats au procès, n'est-ce pas ?

2 R. Là encore, je ne suis pas sûr. Il ne s'agit pas d'un facteur qui est

3 déterminé en ce qui concerne l'état général d'une personne. Même pour une

4 personne qui serait plus malade, je pense qu'il pourrait s'exprimer de

5 cette manière.

6 Q. Quelqu'un qui est en mesure de décrire le nombre de chefs d'accusation

7 et une réduction de 17 chefs d'accusation à cinq, parce que : "Les conseils

8 ont réussi à convaincre la Chambre, et le nombre de chefs d'accusation a

9 été réduit," certainement, montre une capacité à comprendre la nature des

10 charges qui pèsent contre lui, n'est-ce pas ?

11 R. Je ne suis pas sûr, mais, si quelqu'un est lié, de façon profonde et

12 émotionnelle, à un sujet, c'est certainement le cas dans une accusation,

13 tout le monde, évidemment, s'en souviendrait.

14 Q. Il n'y a, bien entendu, aucun test, ni critère dans le SCL-90-R, en ce

15 qui concerne la compétence de la possibilité de suivre un procès, n'est-ce

16 pas ?

17 R. Excusez-moi, vous avez dit ?

18 Q. Il n'y a pas de critère énoncé dans le SCL-90-R qui a trait à une

19 compétence pour pouvoir suivre un procès, n'est-ce pas ?

20 R. Non, mais il y a des critères qui ont trait à la santé de la personne

21 qui est examinée.

22 Q. Parce qu'il n'y en a pas, je suggère qu'ils sont dépourvus de

23 pertinence pour pouvoir déterminer si une personne est en mesure ou non de

24 subir un procès au sens de comprendre la nature du procès, les éléments de

25 preuve qui sont présentés, et d'être capable de donner les instructions à

Page 5667

1 des conseils ?

2 R. Si vous dites que quelqu'un qui est déprimé, et qui a des questions de

3 ce genre, et qui a un nombre important de syndromes cliniques qui sont plus

4 élèves que la population des personnes qui sont internées, vous dites que

5 ce n'est pas pertinent, à ce moment-là, c'est votre responsabilité, pas la

6 mienne. Ma responsabilité est uniquement à l'égard de la science et de ma

7 profession.

8 Q. Docteur, est-ce que vous avez exploré avec le général Strugar, sa

9 manière de comprendre pour savoir s'il ait compris qu'il est accusé d'un

10 crime, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous lui avez demandé s'il comprenait ou non que la Chambre

13 décidera s'il est coupable ou innocent ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que cela se trouve dans votre rapport ?

16 R. Je ne l'ai pas mis parce qu'on ne m'a pas demandé de le mettre.

17 Q. Qu'en est-il du fait que le procès pourrait aboutir à une condamnation

18 ou à une peine. Est-ce que vous avez examiné cela avec le général ?

19 R. Oui. Il a dit qu'à de nombreuses occasions, on lui avait posé des

20 questions à ce sujet, et il a dit qu'il se suiciderait.

21 Q. Est-ce que ceci figure dans votre rapport concernant la peine ?

22 R. S'il est condamné, oui.

23 Q. Qu'en est-il des différentes façons dont l'accusé peut plaider ? Est-ce

24 que vous avez discuté de cela avec le général ?

25 R. Non, je ne l'ai pas fait.

Page 5668

1 Q. Qu'en est-il de différentes peines qui sont possibles. Est-ce que vous

2 avez discuté cela avec le général ?

3 R. Non, je ne l'ai pas. Je n'ai pas eu le temps. Je n'ai eu que trois ou

4 quatre jours. J'aurais bien voulu lui en parler, mais je me suis concentré

5 sur les questions de santé du général Strugar.

6 Q. Je vais vous donner une liste d'autres éléments ici, pour gagner du

7 temps, et qui se trouvent fondamentalement dans le rapport de l'Accusation.

8 Répondez-moi simplement par oui ou par non. Les rôles des différents

9 participants dans le processus du procès, est-ce que vous en avez discuté

10 avec lui ?

11 R. Non.

12 Q. Le processus général du procès, oui ou non ?

13 R. Vous pouvez penser que je réponds non, parce que je me suis concentré,

14 comme je l'ai dit, sur la santé très perturbée du général Strugar.

15 Q. Est-ce que vous seriez d'accord, n'est-ce pas, si l'Accusation disait

16 que dans ce rapport -- excusez-moi, je retire ma question. Qu'est-ce que

17 les psychiatres qui ont été engagés par l'Accusation ont dit dans leurs

18 rapports concernant la possibilité pour le général de comprendre la

19 procédure, de donner les instructions à ces conseils de faire un plaidoyer

20 assez vite. Il est exact qu'il remplit les conditions de compétences qui

21 sont énoncées dans le "New Oxford Textbook" de psychiatrie ? Est-ce que

22 vous seriez d'accord avec cela, n'est-ce pas ?

23 R. C'est vous qui l'avez dit. Je ne suis pas d'accord. Je ne peux pas être

24 d'accord avec cela.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Re.

Page 5669

1 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 Nouvel interrogatoire par M. Petrovic :

3 Q. [interprétation] Professeur Lecic, brièvement, quelques questions. A

4 votre ouvrage, il est typique, n'est-ce pas, de se fonder sur des sources

5 complémentaires d'informations et d'interviewer des membres de la famille

6 du patient ? Est-il légitime ? Est-ce que c'est une méthode typique

7 utilisée de façon à obtenir des renseignements ?

8 R. Je l'ai déjà dit, c'est une obligation. C'est absolument nécessaire.

9 C'est ce qu'on appelle un troisième oreille. Chaque étudiant, s'il se

10 présente à un examen, s'il ne se fonde pas sur de type de renseignement, ne

11 serait être reçu. Je veux dire que c'est extrêmement important. C'est ce

12 qu'on appelle la hétéroanamnèse.

13 Q. Ma deuxième question : l'essence du rôle d'un psychiatre est

14 d'objectiviser [sic], n'est-ce pas ? Est-ce qu'il est bien dans les sources

15 de votre rôle non pas simplement de prendre les informations comme étant

16 véridiques, mais plutôt pour objectiviser les choses par les moyens

17 scientifiques que vous avez à votre disposition ?

18 R. Je pense que ceci est le facteur le plus important pour toute profession

19 médicale, y compris la science à laquelle je me suis consacrée.

20 Q. De sorte que ces renseignements que vous avez reçus du général Strugar

21 et d'autres sources, votre rôle est de les objectiviser tout au long pour

22 ces informations de façon à pouvoir rédiger le rapport que vous avez

23 rédigé ?

24 R. C'était mon objectif, de faire en sorte que ce rapport soit aussi

25 objectif que possible, parce que mon obligation d'une façon générale est à

Page 5670

1 l'égard de la profession, c'est-à-dire, mon devoir en premier lieu.

2 Q. La raison et les critères suivis qu'un accusé devant un tribunal

3 pourrait utiliser pour choisir ces avocats et ces motifs et critères étant

4 que l'un de ces avocats connaît les questions militaires et que l'autre

5 parle anglais, est-ce que vous pensez que ce sont les éléments légitimes et

6 des raisons logiques et des critères pour choisir un conseil ?

7 R. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question. Je n'ai pas

8 compris cette question.

9 Q. Mon confrère voulait démontrer que le général Strugar est capable de

10 participer de façon active à la préparation de sa défense, et indique qu'il

11 avait choisi deux critères pour choisir ses avocats, l'un étant qu'il y en

12 a un qui parle anglais, et l'autre qui a une expérience des questions

13 militaires ?

14 R. Est-ce que vous voulez dire que ceci a une incidence sur l'état

15 psychiatrique d'une personne ?

16 Q. Non, ce que nous avons à l'esprit, c'est ceci : est-ce que ceci

17 démontre que l'accusé est passive, que l'accusé ne manifeste pas d'intérêt,

18 et ainsi de suite ?

19 R. J'ai déjà dit que le général Strugar est passif, qu'il manque d'intérêt

20 pour ses questions, et qu'il a subi une régression de telle sorte qu'il se

21 trouve sans défense. Mais je pense que c'est important ce que vous avez

22 mentionné vous-même, et ceci fait partie des conclusions qu'elles doivent

23 être objectivisées. Je fais cela dans mon travail quotidien, en particulier

24 lorsqu'il s'agit de préparer un rapport important tel que celui-ci. L'autre

25 question est de savoir si un autre rapport qu'il n'utilise pas des moyens

Page 5671

1 de mesures objectives, et la question de savoir si le rapport établi par un

2 autre auteur était objective ou non.

3 Q. Dans votre rapport daté du 2 février 2004, est-ce que vous avez répondu

4 à toutes les questions qui étaient mentionnées par mon confrère : à savoir,

5 si l'accusé était capable de comprendre les accusations, s'il était capable

6 de comprendre les débats, s'il était capable de donner des instructions à

7 ses avocats, et de se mettre en rapport avec eux ? Est-ce que vous avez

8 écrit sur toutes ces questions à la fois dans votre rapport principal, et

9 dans l'additif à votre rapport ?

10 R. Oui, je l'ai fait.

11 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

12 n'ai pas d'autres questions à poser.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Petrovic.

14 Je souhaiterais maintenant vous remercier beaucoup, Professeur, de votre

15 aide, du travail que vous avez accompli, du rapport que vous avez rédigé,

16 du rapport supplémentaire que nous avons eu, et d'être venu ici

17 aujourd'hui.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien entendu, vous pouvez maintenant

21 aller là où vous le souhaitez.

22 Nous allons maintenant lever la séance, et vous pourrez, à ce moment-

23 là, faire les arrangements nécessaires à votre retour. Le prochain témoin

24 sera placé au moment où nous reprendrons l'audience.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup encore une

Page 5672

1 fois.

2 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La séance est suspendue.

5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

6 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Docteur. Je vous souhaite

9 la bienvenue au Tribunal. Je voudrais vous prier de prendre la carte qui

10 vous est présentée et de prononcer la déclaration solennelle.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: DARYL MATTHEWS [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Veuillez

16 vous asseoir aussi confortablement que possible. M. Weiner va vous poser un

17 certain nombre de questions pour commencer.

18 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais tout

19 d'abord présenter des excuses. Je suis celui qui a causé ces cinq minutes

20 de retard.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera décompté de votre temps,

22 Monsieur Weiner.

23 M. WEINER : [interprétation] Je vais me dépêcher. Quelle est exactement

24 l'heure ? C'est un total de 25 minutes qui va falloir diviser --

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 25 minutes entre l'interrogatoire

Page 5673

1 principal et le contre-interrogatoire de façon à le diviser.

2 M. WEINER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci fait maintenant 24 minutes comme

4 pénalité.

5 M. WEINER : [interprétation] Très bien.

6 Interrogatoire principal par M. Weiner :

7 Q. [interprétation] Bonjour. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire votre

8 nom ?

9 R. Daryl Matthews.

10 Q. Où habitez-vous ?

11 R. Honolulu, Hawaii.

12 Q. Pourriez-vous nous dire comment vous avez été engagé ?

13 R. Je suis professeur de psychiatrie à l'université de l'école de Médecine

14 à Hawaii et directeur du programme de Psychiatrie médico-légale de

15 l'université d'Hawaii.

16 Q. Qu'est-ce que c'est que la psychiatrie médico-légale ?

17 R. La psychiatrie médico-légale est une sous spécialité de la psychiatrie

18 et a pour objet d'utiliser la psychiatrie pour répondre à des questions qui

19 sont posées par le système judiciaire.

20 Q. Est-ce que c'est différent des autres domaines en psychiatrie au point

21 de vue spécialité ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que ceci implique des tests, des appréciations, des

24 évaluations ?

25 R. Oui.

Page 5674

1 Q. Telles que la compétence, la responsabilité criminelle et ce genre de

2 type de tests ?

3 R. Oui, ce sont parmi les tests les plus importants.

4 Q. Est-ce que vous avez évalué ou apprécié la capacité des personnes à

5 suivre, par exemple, un procès ou la question de leur responsabilité

6 criminelle ou pénale ?

7 R. Oui.

8 Q. Combien de personnes avez-vous ainsi testées quant à leur compétence ou

9 leur responsabilité pénale ?

10 R. Plusieurs centaines.

11 Q. Lorsque vous l'avez fait, qui vous avait engagé pour procéder à

12 l'examen de ces personnes et à l'appréciation de la personnalité ?

13 R. Dans la plus grande majorité des cas, j'avais été désigné par un

14 tribunal et dans les autres cas, j'avais été engagé soit par la Défense,

15 soit par l'Accusation.

16 Q. Est-ce que pour le moment, vous avez à vous occuper d'une autre affaire

17 qui a trait à des questions de guerre ?

18 R. Oui.

19 Q. Où est cela, s'il vous plaît ?

20 R. Je suis expert pour la Défense dans une affaire qui a trait à un

21 prisonnier qui se trouve dans l'unité de détention de Guantanamo.

22 Q. Je vous remercie. Dans la présente affaire, vous avez été engagé par

23 l'ONU et vous avez procédé à l'évaluation du général Strugar quant à sa

24 capacité à suivre son procès ?

25 R. Oui.

Page 5675

1 Q. A la suite de cette évaluation, est-ce que vous-même et d'autres

2 médecins ont préparé un rapport, établi un rapport ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que chacun des trois médecins se sont mis d'accord sur ce

5 rapport ?

6 R. Oui.

7 Q. Je voudrais vous poser certaines questions concernant l'entrevu et

8 l'audition que vous avez eus avec l'accusé pendant un jour et demi sur une

9 période de deux jours. Est-ce que vous-même et les autres deux médecins lui

10 ont posé des questions au cours de ces auditions ?

11 R. Oui.

12 Q. Au cours de ces entretiens, est-ce que vous avez eu du mal à comprendre

13 les questions qui étaient posées?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce qu'il a répondu à ces questions ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que ces réponses étaient pertinentes ?

18 R. Oui, elles étaient.

19 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque il y a eu de la confusion ou est-ce

20 qu'il a semblé désorienté au cours des auditions ?

21 R. Non.

22 Q. Est-ce qu'il a présenté des signes d'hallucination ou d'erreurs

23 profondes ?

24 R. Non, aucun.

25 Q. Vous avez déclaré à la page 8 de votre rapport qu'il était tenté à

Page 5676

1 faire des plaisanteries et à raconter des anecdotes. Qu'est-ce que vous

2 voulez dire par cela ? Ou en fait, quelle était l'importance ou les

3 implications de cela ?

4 R. Nous essayons de décrire son comportement, son attitude qui était

5 cordiale, et qui était une attitude qui faisait preuve d'une certaine

6 souplesse ou d'une capacité à passer d'un état d'esprit sérieux à un état

7 d'esprit plus gaie, plus léger.

8 Q. Quelle est l'importance de cela par rapport à une dépression ?

9 R. Les individus et les patients qui sont très sérieusement déprimés ne

10 font pas de plaisanterie, ne sont pas capables de faire de plaisanterie.

11 Ceci va dans le sens d'expliquer la gravité d'une dépression, indiquerait

12 que toute dépression -- quand il y a une dépression de ce genre, elle ne

13 serait pas très profonde dû à cette capacité.

14 Q. Vous indiquez à la page 15 du rapport : "Il a décrit qu'il avait lu et

15 compris des articles et documents à caractère juridique concernant le

16 procès." Pourriez-vous nous dire ce que vous voulez dire par cela ?

17 R. Nous lui avons posé des questions pour savoir s'il était intéressé par

18 ce procès, s'il avait obtenu des copies de divers documents juridiques, et

19 s'il les avait vus, et s'il les avait examinés avec ces conseils. Il a dit

20 qu'effectivement, il avait fait.

21 Q. Quelle importance cela a-t-il par rapport à sa compétence ou ses

22 possibilités de suivre le procès ?

23 R. Ceci indique tout au moins l'impression qu'il dit qu'il se préoccupe de

24 comprendre son procès, qu'il essaye d'aider ses conseils et,

25 vraisemblablement, qu'il comprend les documents qu'il lit.

Page 5677

1 Q. Vous indiquez en haut aussi qu'au cours de l'audition à la page 8, il a

2 répondu de façon active aux questions posées par les médecins. Pourriez-

3 vous nous dire ce qui s'est passé ?

4 R. Il nous a posé des questions concernant notre propre expérience, de

5 façon très nette, comme dans une conversation normale, et peut-être que ce

6 n'est pas si normale que cela dans le cadre d'un interrogatoire à caractère

7 médicaux légal, mais ceci semble irraisonnable à la lumière du fait que

8 c'est un accusé de très haut niveau, et il y a des accusés qui n'ont pas un

9 niveau tel, mais qui ne seraient peut-être pas aussi spontanés et directs à

10 répondre aux questions, ou pour poser des questions. Nous avons eu

11 l'impression qu'il était très à l'aise dans tout cela.

12 Q. Est-ce qu'une personne passive poserait activement des questions à ceux

13 qui l'interrogent ? Est-ce que cela se passe d'habitude ?

14 R. Non, cela ne se passe pas d'habitude. Son comportement du point de vue

15 de cet examen n'était pas du tout passif.

16 Q. Pourriez-vous dire également, vous dites dans ce paragraphe 8 :

17 "Lorsqu'on expliquait certains concepts ou événements, il est très, il est

18 enclin à donner des précisions, et il se place en fait dans une sorte de

19 rôle de professeur." Qui y a-t-il qui indique qu'il donne des indices

20 concernant son intelligence et sa mémoire ?

21 R. Notre impression, c'est qu'il est très intelligent, et qu'il a

22 l'habitude d'expliquer les questions complexes à des subordonnés, à des

23 collègues, ainsi qu'à d'autres personnes, et qu'il a un style qui fait

24 qu'il est à l'aise, et il a continué à faire cela tout au long de l'examen.

25 Q. Maintenant, parlons de la mémoire de l'accusé au cours de l'entrevue

Page 5678

1 que vous avez eu avec lui, est-ce qu'il avait des difficultés à décrire des

2 événements de 1991 ?

3 R. Nous n'avons pas détecté de trouble particulier dans sa description des

4 éléments.

5 Q. Est-ce qu'il a eu du mal à décrire sa défense ou sa stratégie de

6 défense ?

7 R. Pas du tout.

8 Q. Au cours de l'entrevue, il a mentionné peut-être quatre ou cinq témoins

9 de l'Accusation. Est-ce qu'il avait du mal à se rappeler leurs dépositions

10 ou ce qu'il pouvait avoir perçu comme étant des faiblesses dans leurs

11 dépositions ?

12 R. Non. En fait, il est allé directement au but de ce qui percevait comme

13 étant des éléments faibles de leurs dépositions.

14 Q. Vous indiquez également à la page 12 au cours de cette appréciation, M.

15 Strugar a rappelé à ceux qui le questionnaient, il a fait un certain nombre

16 de commentaires qu'il avait déjà concernant la santé de sa femme, de ses

17 enfants, le travail de ses enfants, les discussions qu'il avait eues avec

18 des membres du bureau du Procureur concernant la possibilité d'un accord en

19 matière de plaidoyer, et la nature et l'historique du commandement de

20 l'unité dont il a été finalement le chef. Il se rappelle les commentaires

21 qui ont été faits par ceux qu'ils l'ont questionné. Il y a une citation :

22 "Vous avez demandé pourquoi je m'étais rendu." Ainsi quelque chose qui

23 avait trait aux dépositions faites au cours des audiences.

24 Pourriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet ? Pourriez-vous nous

25 donner davantage de renseignements sur ce qui s'est effectivement passé

Page 5679

1 lorsque vous avez inclus ce paragraphe dans votre déclaration, dans vos

2 conclusions ?

3 R. Un des éléments pertinents pour la capacité de suivre un procès, bien

4 entendu, est la possibilité pour cette personne de se rappeler une

5 déposition, de se rappeler ce qui a peut-être été dit dans des

6 conversations antérieures et, ensuite, utiliser ces renseignements dans des

7 entretiens postérieures. Il a démontré qu'il faisait cela très bien.

8 Il a évoqué lui-même un certain nombre de choses que nous avions

9 discutées précédemment. En fait, je me rappelle qu'à un moment donné,

10 j'avais oublié quelque chose, une question que j'avais posée, précédemment,

11 et il me l'a rappelée et je lui ai posé des questions à ce sujet.

12 Q. Qu'est-ce que ceci nous indique en ce qui concerne sa mémoire à la fois

13 à court terme et à long terme ?

14 R. Je dirais qu'elles sont tout à fait intactes, pas nécessairement

15 parfaites ou sans aucun défaut, mais certainement adéquates aux fins que

16 nous considérons, c'est-à-dire, pour la discussion de documents, et des

17 éléments dont nous avons discutés.

18 Q. Maintenant, Docteur, vous avez vu un certain nombre de vidéo du général

19 Strugar en salle d'audience, et qu'en avez-vous tiré comme conclusions ?

20 R. Notre pratique était d'essayer de développer autant de sources

21 d'informations que possible, et certainement de le voir en particulier dans

22 ses relations en salle d'audience, dans une situation où il serait analogue

23 à un témoin. Ceci nous a beaucoup aidé. Il nous a aidé à prendre nos

24 décisions.

25 Q. Qu'est-ce que vous avez appris des déclarations qu'il a fait en salle

Page 5680

1 d'audience ou dans un cadre judiciaire ?

2 R. Il était capable de parler très clairement, de façon cohérente, de

3 répondre de façon appropriée aux questions posées par la Chambre avec toute

4 la dignité voulue, et même une certaine éloquence. Il était parfaitement à

5 même de communiquer dans ce contexte pour autant que nous ayons pu en

6 juger.

7 Q. Vous avez également parlé des gardes de quartier pénitentiaire, qu'est-

8 ce que vous pouvez nous dire à ce sujet ?

9 R. Là encore, nous avons essayé de développer autant de renseignements

10 possibles à partir des sources d'informations dont nous dispositions

11 concernant le général Strugar et sa santé mentale. Ceci peu récemment, nous

12 avons passé un certain temps avec ces gens pour voir si on pouvait se faire

13 une opinion concernant son état mental, et c'est pour cela que nous leur

14 avons posé -- que nous avons posé des questions.

15 Q. Qu'est-ce qu'ils vous ont appris ?

16 R. Nous avons appris d'après mes souvenirs que certains d'entre eux

17 avaient pensé qu'il avait certaine légère difficulté de la mémoire, mais

18 leurs perceptions étaient que c'étaient des difficultés de mémoire normale

19 qu'une personne âgée pourrait avoir, et que ceci n'avait pas d'incidence

20 sur sa capacité à agir et à se trouver dans cette installation pour avoir

21 des rapports normaux avec le personnel pour s'occuper de ses propres

22 activités sur une base quotidienne.

23 Q. Maintenant, le psychiatre de la Défense indique qu'elle n'avait aucune

24 expérience de prisonniers en détention, aucune expérience directe. Est-ce

25 que vous avez vous-même une expérience pour ce qui est des détenus ?

Page 5681

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer dans quelle mesure, depuis combien

3 d'années avez-vous interviewé des prisonniers qui se trouvaient en

4 détention dans le cadre d'une prison ?

5 R. J'ai travaillé avec des personnes qui se trouvaient en prison à un

6 titre ou à un autre depuis environ 30 ans.

7 Q. Comment est-ce que la détention affecte le comportement mental ?

8 R. Cela a, certainement, une incidence sur l'état mental d'une personne,

9 oui, effectivement.

10 Q. Quelles sont ces incidences ? Quels sont les différents facteurs que

11 vous avez vus qui affectent le comportement d'une personne ou ses actions ?

12 R. La dépression est extrêmement commune dans ce type de population, et

13 les personnes qui se trouvent en prison, et dans d'autres cadres où ils

14 sont privés -- où ils ont certaines privations et les différents types de

15 symptômes dépressifs dont se plaignait M. Strugar sont, en fait, tout à

16 fait habituels dans une population de prisonniers qui se trouvaient

17 détenus.

18 Q. Vous avez dit certains types de problèmes sont, par exemple, le manque

19 d'appétit, des troubles du sommeil ou le fait de devenir très émotif

20 lorsqu'on parle de sa famille ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Vous avez vu cela dans d'autres prisonniers que vous avez interviewés

23 au cours des 30 dernières années dans des prisons ?

24 R. Oui, c'est très commun.

25 Q. Rapidement, est-ce que les sources familiales sont objectives, du point

Page 5682

1 de vue de l'information ?

2 R. Elles ne sont pas normalement des sources objectives d'information,

3 non.

4 Q. Pourquoi cela ?

5 R. Parce qu'il est vraisemblable qu'ils partagent les espoirs et les

6 objectifs de la personne en question, qu'ils les partagent à un degré tel

7 qu'ils seraient enclins à déformer l'information ou les renseignements, de

8 façon à aider à parvenir aux buts recherchés.

9 Q. Vous avez indiqué, dans votre rapport, que vous aviez suivi cette

10 évaluation -- que vous aviez fait cette évaluation de compétence suivant ce

11 qui est dit par le professeur Griso [phon], pour évaluer la compétence, les

12 appréciations médico-légales avec certains instruments. Est-ce que ce

13 système d'évaluation des compétences ou de la capacité à suivre un procès

14 est utilisé de façon régulière ?

15 R. Oui. Je crois que la deuxième édition du livre de Griso, sur la

16 question de cette compétence, et c'est ce que nous utilisons, ce à quoi

17 nous nous référons en général, c'est quelque chose de très approfondi et à

18 jour pour ce qui est de l'examen des questions de compétence et de santé

19 mentale du point de vue médico-légal en langue anglaise. C'est la raison

20 pour laquelle nous avons retenu cet ouvrage.

21 Q. Je voudrais que vous jetiez un coup d'œil à ce document, s'il vous

22 plaît.

23 Rapidement, est-ce que ce sont là les facteurs de Griso ?

24 R. Oui.

25 Q. Avez-vous évoqué tous ces facteurs dans votre rapport ?

Page 5683

1 R. Oui, je crois.

2 M. WEINER : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

3 document, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

6 l'Accusation, P166.

7 M. WEINER : [interprétation]

8 Q. Docteur, est-il obligatoire, à votre connaissance, qu'un accusé

9 comprenne totalement le cours de son procès ? Est-ce une condition

10 indispensable pour que ce procès puisse avoir lieu ?

11 R. Non. Une telle obligation n'existe pas.

12 Q. Puisque nous parlons d'obligations, avez-vous participé à la création

13 de tests de compétence et à des critères -- à l'établissement d'un certain

14 nombre de critères obligatoires aux Etats-Unis, de normes je veux dire ?

15 R. J'ai participé à l'établissement de protocoles destinés à être utilisés

16 dans le cadre d'évaluation de compétence par des psychiatres et, ce, en

17 tant que membre de l'Académie américaine de Psychiatrie et de Droit, qui

18 est l'association professionnelle des psychiatres légaux. Des consignes

19 générales ont été établies quant à la façon de réaliser ces évaluations, et

20 j'ai fait partie de ce -- j'ai participé à ce travail.

21 Q. A l'université d'Hawaii et dans les conférences que vous avez tenues un

22 peu partout dans le monde, enseignez-vous les normes et les tests à

23 utiliser pour déterminer la compétence ?

24 R. Oui.

25 Q. Sur la base de votre expérience, vous dites qu'il n'existe aucune

Page 5684

1 obligation de comprendre totalement la façon dont se déroule un procès,

2 n'est-ce pas ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Merci. Les débats ont porté sur les divers degrés de démence existant.

5 A votre avis, est-ce qu'il existe divers degrés de démence ?

6 R. Oui. Il y a divers degrés de démence.

7 Q. Pourriez-vous vous expliquer devant les Juges; expliquez votre avis sur

8 cette existence de divers de degrés de démence. Pourquoi en est-il ainsi ?

9 R. Toute personne qui a eu l'expérience malheureuse de voir un membre de

10 sa famille ou un ami atteint de la maladie d'Alzheimer, qui est la cause la

11 plus courante de démence, admettra que cette maladie commence par un stade

12 très bénin; des difficultés très bénignes sont remarquées, par exemple,

13 l'oubli d'un certain nombre de noms ou de l'endroit où on a mis ses clés

14 et, qu'au fil des ans, cette maladie progresse pour aboutir à une

15 incapacité totale à se rappeler y compris les personnes que l'on aime

16 autour de soi et les personnes les plus proches, une incapacité totale à

17 fonctionner, au point d'ailleurs que ces personnes doivent être placées

18 dans des institutions. Ceci démontre l'existence d'un spectre très large de

19 gravité de la démence.

20 Q. Puisque nous parlons de spectre, où situeriez-vous, sur ce spectre, le

21 niveau de trouble dont souffre le général Strugar, s'agissant de la

22 démence ?

23 R. Le niveau de la démence de M. Strugar est un niveau bénin. Différents

24 indicateurs permettent même de penser qu'il n'y a pas de démence. Mais,

25 finalement, je pense que ce qui permet le mieux d'estimer son état de

Page 5685

1 démence consiste à la qualifier de légère.

2 Q. Une personne souffrant de démence légère, est-elle compétente ou peut-

3 elle supporter un procès ?

4 R. Oui, très certainement.

5 Q. Une personne souffrant de démence légère, est-elle compétente ou apte à

6 mener une vie quotidienne ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci. Connaissez-vous -- c'est une nouvelle question que je vous pose

9 -- le syndrome de stress post-traumatique ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous avez déjà examiné une personne pour déterminer si, oui

12 ou non, elle souffre de syndrome de stress post-traumatique ?

13 R. Oui.

14 Q. Combien de temps avez-vous -- combien de fois, à peu près, avez-vous

15 examiné des individus en rapport avec ce problème ?

16 R. Je dirais approximativement 50 à 100 personnes qui, soient sont venues

17 me voir pour se faire soigner lorsque je travaillais en cabinet, ou encore

18 des personnes que j'ai examinées pour des raisons liées à la justice.

19 Q. Est-ce que vous avez déjà soigné des personnes, récemment, qui

20 souffraient de syndrome de stress post-traumatique ?

21 R. Je n'ai plus soigné aucune personne pour cette raison depuis 1990, si je

22 ne m'abuse.

23 Q. Mais avez-vous examiné, récemment, un individu pour voir si cet

24 individu souffrait de syndrome de stress post-traumatique ?

25 R. Cette année même, je l'ai fait.

Page 5686

1 Q. Est-ce que vous avez examiné le général Strugar pour déterminer s'il

2 souffrait de syndrome de stress post-traumatique ?

3 R. Oui.

4 Q. Quelles ont été vos conclusions, Monsieur ?

5 R. Nous n'avons pas constaté de syndrome de stress post-traumatique. Le

6 général Strugar ne nous a pas parlé de présence, chez lui, des différents

7 symptômes dont la présence est obligatoire pour prononcer ce diagnostic.

8 Nous ne l'avons pas prononcé.

9 Q. Mais si vous aviez diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique,

10 est-ce que cela aurait fait une quelconque différence ?

11 R. Non, pas en soi, car le diagnostic, en tant que tel -- et ceci

12 s'applique à tous les diagnostics possibles -- n'a pas un rapport direct

13 avec le problème de la compétence.

14 Q. Monsieur, le psychiatre de la Défense a réalisé un certain nombre de

15 tests, notamment, un test lié à la dépression, le test IES et le test SCL-

16 90, ainsi que le test Hamilton. Quelle est la pertinence de ces tests par

17 rapport à la compétence ?

18 R. Aucune pertinence par rapport à la compétence à participer à un procès.

19 Q. Pour quelle raison ?

20 R. La compétence est une aptitude fonctionnelle qui a rapport avec le fait

21 de savoir si quelqu'un n'est pas capable -- incapable de faire telle et

22 telle chose. Les différents tests dont vous venez parlez sont des tests qui

23 se fondent sur le sentiment qu'une personne a d'elle-même. Ils sont tout à

24 fait impuissants à permettre l'appréciation recherchée en l'espèce. Si

25 quelqu'un s'efforce de soigner une personne qui a subi un traumatisme, ce

Page 5687

1 genre de tests, en revanche, est tout à fait pertinent, mais, dans les

2 appréciations médico-légales, ils n'occupent aucune place. Ils ne sont

3 d'ailleurs pas utilisés dans ce cadre.

4 Q. Merci beaucoup.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Weiner.

6 Maître Petrovic, c'est à vous.

7 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par M. Petrovic :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Matthews. Je vous poserai une série

10 de questions relative à votre rapport et à votre déposition d'aujourd'hui.

11 Dites-nous d'abord, je vous prie, si vous avez examiné une personne,

12 aujourd'hui, qui vient d'une région où la langue serbe est parlée.

13 R. Je ne l'ai pas fait avant la période actuelle.

14 Q. Est-ce que vous avez déjà examiné une personne venant de ces régions

15 grâce à l'aide d'un interprète, parce que vous ne comprenez pas la langue

16 parlée par la personne que vous examiniez ?

17 R. Je n'ai jamais examiné quiconque venant de cette région avec l'aide ou

18 sans l'aide d'un interprète.

19 Q. Le fait que vous avez apprécié l'état de santé du général Strugar avec

20 l'aide d'un interprète, a-t-il une incidence sur les conclusions que vous

21 avez tirées ? Est-ce que l'interprétation pouvait influer sur vos

22 conclusions, sur votre point de vue final ?

23 R. C'est possible. C'est la raison pour laquelle nous avons procédé à cet

24 examen avec l'aide de quelqu'un qui parlait la langue de la personne

25 examinée.

Page 5688

1 Q. Quel est le diagnostic que vous avez posé eu égard au général Strugar ?

2 R. Le seul diagnostic dont nous avons estimé qu'il reposait sur des

3 éléments suffisamment probants a été le diagnostic de démence.

4 Q. Pouvez-vous me dire exactement quelle forme de démence vous avez

5 diagnostiquée ?

6 R. Nous avons diagnostiqué une démence d'origine vasculaire.

7 Q. Avez-vous eu la possibilité d'examiner l'IRM qui a été réalisé sur le

8 général Strugar ?

9 R. Je crois que j'ai vu rapidement les images de l'IRM et, ensuite, j'ai

10 eu sous les yeux le rapport.

11 Q. Avez-vous vu l'IRM réalisé en mars 2004, ici, à La Haye ?

12 R. Oui. Je crois n'avoir pas eu les images sous les yeux. Je crois n'avoir

13 vu que le rapport.

14 Q. Ayez l'amabilité, je vous prie, s'agissant de cet IRM de mars 2004, de

15 nous dire quel est exactement le rapport que vous avez eu sous les yeux.

16 R. J'aurais besoin de vérifier la chose sur la liste des documents qui

17 m'ont été remis. L'IRM n'a aucun effet sur la compétence. Je dois vous dire

18 que je n'ai pas accordé une grande attention à l'IRM.

19 Q. Ayez l'amabilité, je vous prie, de nous dire si vous avez eu sous les

20 yeux ce rapport datant de mars 2004 qui porte sur l'IRM ? Oui ou non ?

21 R. J'ai eu sous les yeux les conclusions du Dr Pressman, si c'est à cela

22 que vous pensez.

23 Q. Je vous demandais si vous avez eu sous les yeux le rapport, car vous

24 avez dit avoir vu ce rapport. Je lis à la page 89 du compte rendu

25 d'audience, ligne 7 : je n'ai vu que le rapport. Avez-vous vu ce rapport ?

Page 5689

1 R. J'ai vu les résultats cités par le Dr Pressman dans son interprétation

2 de l'IRM.

3 Q. Sous quelle forme avez-vous vu ces résultats du Dr Pressman ?

4 R. C'était peut-être une copie de e-mail émanant de lui. Nous travaillions

5 sur la rédaction du rapport, et c'était la seule chose qui n'était pas

6 encore arrivée. Je veux parler de l'interprétation du Dr Pressman.

7 Q. Monsieur Matthews, avez-vous lu -- ne serait-ce que lu, le rapport que

8 vous avez signé ?

9 R. Certainement.

10 Q. J'affirme que vous ne l'avez pas lu car, si vous l'aviez lu, vous vous

11 seriez rendu compte que le Dr Pressman a appelé l'un de vos collègues par

12 téléphone pour lui faire connaître son avis sur les images IRM. Ceci est

13 écrit à plusieurs endroits dans votre rapport.

14 M. WEINER : [interprétation] Objection. Mauvaise lecture du rapport.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] De quel point de vue, Monsieur

16 Weiner ?

17 M. WEINER : [interprétation] Les quatre premières conclusions ont été

18 envoyées par e-mail. La dernière conclusion a fait l'objet d'une

19 conversation au téléphone.

20 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande de ne pas

21 être interrompu par l'Accusation.

22 M. WEINER : [interprétation] Je ne suis pas en train de témoigner ici.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'était une réponse à votre question,

24 Maître Petrovic --

25 M. PETROVIC : [interprétation] Excusez-moi.

Page 5690

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- une réponse directement liée à

2 votre objection.

3 M. PETROVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

4 M. WEINER : [interprétation] Ce que je voulais dire, c'est que c'est une

5 mauvaise façon de lire le rapport. Les quatre premières conclusions ont été

6 envoyées par e-mail et, pour la dernière conclusion, il y a eu discussion

7 par téléphone puisqu'il y avait un médecin en Arizona et un autre à Hawaii,

8 un troisième en Californie et une quatrième personne en Croatie, il y a eu

9 une conversation téléphonique entre ces quatre personnes.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous voulez poursuivre, Maître

11 Petrovic.

12 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie de

13 m'excuser. En page 2 du rapport, que ce témoin dit avoir lu et signé, il

14 est écrit en titre : "Entretiens destinés à constituer l'examen." Un peu

15 plus loin, il est écrit : "15 mars 2004, par téléphone, MD, 15 mars 2004,

16 entre parenthèses, par téléphone."

17 La seule page, où il est fait référence aux conclusions tirées par le Dr

18 Pressman des images IRM, se trouve en page 4, paragraphe 3, dernière

19 phrase, où, encore une fois, on parle d'un entretien.

20 Q. Docteur Matthews, avant d'avoir signé ce texte, vous ne l'avez pas lu,

21 à moins que vous n'ayez oublié entre-temps.

22 R. Je dirais que l'oubli est sans doute plus vraisemblable de ma part --

23 un oubli de ma part.

24 Q. Connaissez-vous tous les éléments qui composent ce rapport ?

25 R. Je crois les connaître, mais je ne les ai pas mémorisés nécessairement.

Page 5691

1 Q. Ce rapport est paru il y a un mois à peu près. Avez-vous des problèmes

2 particuliers à mener à bien votre travail, puisque je constate que vous

3 n'êtes pas capable de vous rappeler ce que vous avez signé il y un mois à

4 peine ?

5 R. Monsieur, je n'ai aucun problème à mener à bien mon travail.

6 Q. Merci. A quelle fréquence appliquez-vous le test PARADISE dans votre

7 pratique professionnelle ?

8 R. Je ne l'applique pas.

9 Q. Ce test, a-t-il été appliqué dans le cadre de la réalisation de ce

10 rapport ?

11 R. Le rapport a été rédigé par plusieurs personnes qui se sont chacune

12 chargées d'un chapitre. Le Dr Bennett Blum a utilisé le test PARADISE, dont

13 elle est l'auteur, d'ailleurs, et elle a utilisé ce modèle pour rédiger le

14 chapitre dont elle s'est chargée dans le rapport.

15 Q. Pourquoi, vous-même, n'appliquez-vous pas ce test ?

16 R. Dans ce cas précis ou dans d'autres cas ?

17 Q. De façon générale, puisque vous venez de dire que vous ne l'utilisez

18 jamais. Je vous pose la question, de façon générale. Pourquoi n'utilisez-

19 vous jamais ce test ?

20 R. Je ne l'utilise pas, car la majorité de mes patients ne sont pas des

21 patients de gériatrie. Lorsque je procède à des évaluations médico-légales,

22 il est rare que j'aie, face à moi, une personne âgée. Le Dr Blum, pour sa

23 part, a créé ce test en ayant à l'esprit une population âgée.

24 Deuxième raison, il y a différentes méthodes pour obtenir les mêmes

25 résultats. Je pense que, dans ce cas précis, le modèle du Dr Blum et le

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1 modèle de Griso permettent d'aboutir aux mêmes résultats --

2 Q. Le test PARADISE, est-il un test utilisé, de façon professionnelle,

3 pour apprécier les compétences ?

4 R. Non.

5 Q. Dans votre pratique quotidienne, combien de personnes âgées de 71 ans

6 avez-vous eu examinées pour déterminer leur compétence ? Je vous demande un

7 chiffre.

8 R. Des dizaines sans doute au fil des années.

9 Q. Chacune des personnes que vous avez examinées en l'espèce, souffraient-

10 elles de démence d'origine vasculaire ?

11 R. Non.

12 Q. Quel est le pourcentage de la population âgée de 71 ans, de façon

13 générale, qui souffre de démence d'origine vasculaire ?

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. En répondant à une question de l'Accusation il y a quelques instants,

16 vous avez dit que la dépression du général Strugar n'était pas une

17 dépression particulièrement grave ou profonde. Ce qui, n'est-ce pas,

18 signifie que le général Strugar souffre bien de dépression ? Je parle de

19 diagnostic clinique, ici.

20 R. C'était une question ?

21 Q. Oui.

22 R. Cela n'est pas le diagnostic que nous avons posé. Non.

23 Q. Pourquoi, en page 78, ligne 22 du compte rendu d'audience, il y a

24 quelques instants, vous avez dit que la dépression n'est pas très profonde

25 chez cet homme. Vous vous êtes prononcé sur la profondeur, la gravité de sa

Page 5693

1 dépression, ce qui, manifestement, signifie que la dépression en question

2 existe.

3 R. J'aimerais vous inviter à distinguer entre la dépression en tant

4 qu'état d'esprit dont une personne se plaint, et la dépression en tant que

5 trouble psychique et psychiatrique. Il y a des gens qui peuvent se plaindre

6 d'un état dépressif. D'ailleurs, cela arrive souvent sans pour autant

7 mériter le diagnostic psychiatrique de dépression. Ce que je pense, c'est

8 que M. Strugar se sent assez souvent déprimé, mais je ne crois pas qu'il

9 réponde aux critères permettant de poser le diagnostic de trouble

10 psychiatrique qualifié de dépression.

11 Q. Avez-vous examiné le général Strugar sur le plan clinique pour

12 déterminer s'il souffrait de dépression ? Avez-vous appliqué des méthodes

13 destinées à vous prononcer sur ce point ?

14 R. Oui, nous l'avons fait.

15 Q. Croyez-vous le général Strugar lorsqu'il vous dit avoir lu tous les

16 documents pertinents dans le cadre de son procès ?

17 R. C'est une façon erronée de lire ce qui est écrit dans mon rapport. Il

18 ne m'a pas dit avoir lu tous les documents pertinents par rapport à son

19 procès. Il en a lu certains, et je le crois.

20 Q. Pourquoi le croyez-vous ?

21 R. Je le crois parce que tout au long de l'évaluation que nous avons faite

22 de son état de santé, il n'a, à aucun moment, manifesté le moindre signe

23 d'une volonté de nous tromper. Il s'est toujours comporté comme un homme

24 droit et honnête.

25 Q. Vous a-t-il caché quelque chose ? Vous a-t-il tu quelque chose ?

Page 5694

1 R. C'est un peu difficile à savoir, parce que s'il l'a caché avec succès,

2 nous n'aurions aucune possibilité de le découvrir. Cela ne me surprendrait

3 pas qu'il ait parfois minimisé un peu ses symptômes. Il souhaitait, je

4 crois, se présenter sous le jour le plus favorable possible.

5 Q. Que vous a-t-il dit au sujet de la stratégie de défense qui était la

6 sienne ?

7 R. J'aimerais retrouver ce qu'il m'a dit à ce sujet dans le rapport si je

8 peux le faire. Il m'a dit qu'il avait un ordre écrit qu'il pouvait montrer

9 aux Juges, un ordre qui donnait instruction de ne pas tirer sur Dubrovnik.

10 Q. C'est tout ce qu'il vous a dit au sujet de sa stratégie de défense ?

11 R. Je ne sais pas si c'est tout ce qu'il m'a dit à ce sujet. C'est une

12 chose que j'ai retrouvée dans le rapport à l'instant même, à l'instant où

13 vous m'avez posé cette question. Si je dispose d'un certain temps, je

14 pourrais vérifier dans la totalité du rapport pour voir s'il y a d'autres

15 mentions de ce fait. Je peux également reprendre mes notes et les parcourir

16 pour voir s'il y a d'autres mentions de ce fait.

17 Q. Est-ce qu'il vous a parlé de la façon dont il concevait sa défense ?

18 Vous a-t-il dit s'il avait un plan de défense à partir des débats qui se

19 mènent dans ce prétoire ?

20 R. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question, Monsieur.

21 Q. Vous a-t-il fait connaître sa conception ? Je veux dire, pas seulement

22 le fait de vous dire, j'ai un document ou je n'ai pas de document à

23 montrer. Vous a-t-il dit comment il pensait se comporter devant les Juges ?

24 Ce qu'il était en train de faire, quel travail il accomplissait, ce qu'il

25 préparait ? Vous a-t-il dit quelque chose à ce sujet ?

Page 5695

1 R. Je me souviens avoir entendu dire qu'il était arrivé sur les lieux plus

2 tard que les personnes réellement impliquées dans tout cela, qu'il n'avait

3 personnellement aucune participation dans tout cela. Je ne me souviens pas

4 des détails qu'il a pu me donner au sujet de la défense qu'il se proposait

5 d'organiser.

6 Q. En analysant les vidéocassettes et les comptes rendus d'audience, je

7 suppose que vous n'avez pas regardé toutes les images de ce procès qui dure

8 déjà depuis pas mal de temps. Qui a choisi les images du procès à vous

9 montrer ?

10 R. Ce qui nous intéressait, c'était les images vidéo où l'on voyait M.

11 Strugar s'exprimer devant les Juges, bien entendu, nous n'avons pas

12 visionné toutes les images du procès.

13 Q. En visionnant toutes ces images, vous est-il arrivé ne serait-ce qu'une

14 fois, de le voir exprimer autre chose que du regret, du chagrin par rapport

15 à ce qui s'est passé ? Est-ce que vous l'avez vu dire quoi que ce soit

16 d'autre s'agissant de son état personnel, intime ?

17 R. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre. Je sais qu'il ne s'est pas

18 exprimé sur la guerre dans ces images, mais, dans tout ce qu'il a dit, j'ai

19 constaté qu'il s'exprimait de façon aisée, qu'il se souvenait bien des

20 différents épisodes, des soins dont il a fait l'objet ou des différents

21 troubles dont il souffrait. Son discours paraissait cohérent et normal.

22 Q. En pages 11 et 12 de votre rapport, vous dites avoir des preuves de sa

23 capacité à se rappeler les informations. Vous citez son anamnèse en tant

24 qu'élément de preuve, les moments où il parle de son état de santé passé.

25 Avez-vous d'autres éléments prouvant qu'il est effectivement capable de

Page 5696

1 mémoriser de nouveaux renseignements et aussi de se rappeler d'anciennes

2 informations ?

3 R. Oui.

4 Q. Dites-moi, quelle est la signification à votre avis, puisque vous avez

5 pu le voir dans ce prétoire, quelle est la signification à votre avis, du

6 fait qu'il passe plus d'une heure et demie les yeux fermés et tombe endormi

7 dans le prétoire ? Qu'est-ce que cela vous dit ?

8 M. WEINER : [interprétation] Objection.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. L'objection est valable.

10 M. WEINER : [interprétation] Le fait que ses yeux soient fermés, ne

11 signifie pas nécessairement qu'il dort.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai dit que l'objection était

13 retenue.

14 M. PETROVIC : [interprétation]

15 Q. Quelle est la signification pour vous du fait que l'ayant observé

16 pendant une heure et demie, il est possible qu'il ait passé plus de la

17 moitié de ce temps les yeux fermés ? Comment est-ce que vous interprétez

18 cela ?

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur, avez-vous vu l'accusé avec

20 les yeux fermés pendant un certain temps ? Dans ce cas, vous pouvez

21 répondre à la question.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous parlez de la période pendant

23 laquelle j'ai pu l'observer dans le prétoire ? Je ne suis pas sûr de ce que

24 veut dire exactement le conseil de la Défense.

25 M. LE JUGE PARKER: [interprétation] Je pense qu'il parlait du temps que

Page 5697

1 vous avez passé à observer les débats dans ce prétoire.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces yeux étaient parfois fermés.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Maître Petrovic va vous

4 interroger à ce sujet.

5 M. PETROVIC : [interprétation]

6 Q. Pendant combien de temps a-t-il gardé les yeux fermés à votre avis, et

7 quelle en est la cause ? Rapidement, je vous prie.

8 R. Le plus intéressant, c'est que lorsque parfois nous évoquions un sujet

9 qui l'intéressait, il rouvrait les yeux. Il se mettait à écouter. Il était

10 capable de faire la différence entre les différents sujets dont parlait le

11 témoin. Lorsque le sujet l'intéressait plus particulièrement, il avait la

12 capacité d'ouvrir les yeux pour participer.

13 Q. Vous pensez qu'il est capable de faire la distinction entre ce qui

14 l'intéresse, ce qui est plus important à ses yeux et le reste. Pensez-vous

15 que ce qui est important dans le cadre du procès, est également important

16 et intéressant à ses yeux, que c'est à ce moment-là qu'il ouvre les yeux

17 pour participer ?

18 R. C'est l'impression que j'ai eue, effectivement, que lorsque le témoin

19 parlait de questions personnelles ou de sujets qui le gênaient, il avait

20 tendance à garder les yeux fermés. Mais lorsque le témoin se mettait à

21 parler de sujets directement liés aux opérations militaires, des sujets sur

22 lesquels il a des connaissances ou une certaine implication, alors, il

23 rouvrait les yeux et faisait attention.

24 Q. Très rapidement, en une phrase, je vous prie. Sur quel sujet le témoin

25 a-t-il témoigné pendant que vous étiez dans le prétoire ?

Page 5698

1 R. Le témoin a parlé du fait qu'une propriété lui appartenant avait été

2 endommagée.

3 Q. Qu'a-t-il trouvé d'intéressant dans ce témoignage, ou

4 a-t-il trouvé ce témoignage dépourvu de tout intérêt ?

5 R. Dans mon souvenir, cette femme qui témoignait, a parlé de sa propriété.

6 Elle a parlé des souffrances qui ont été les siennes. A ce moment-là, il

7 s'est moins intéressé à sa déposition que lorsqu'elle s'est mise à parler

8 de pilonnage et de dégât concret sur cette propriété ainsi que d'actions

9 militaires en cours.

10 Q. Fort bien. Vous dites dans votre rapport qu'il a conservé des fonctions

11 cognitives. Ceci figure en page 13, paragraphe 1. Quelles sont les

12 fonctions cognitives qu'il a perdues ?

13 R. Il a une légère réduction de ses capacités de mémorisation, je le

14 répète, mais cette réduction est légère. Il souffre de difficulté légère à

15 trouver ses mots. Il a, de temps en temps, quelques problèmes à trouver le

16 mot qui convient. Il est permis de discuter pour déterminer si la

17 difficulté à trouver un mot est un problème de mémoire ou un problème de

18 langage dans le monde des psychiatres. Si vous considérez que c'est un

19 problème de mémoire, il ne mérite pas le diagnostic de démence. Nous avons,

20 dirais-je, accordé le bénéfice du doute quant à la gravité de son état de

21 santé. Nous avons estimé que cette difficulté à trouver ses mots était un

22 symptôme distinct qui ne permettait pas le diagnostic de démence. Je répète

23 que cette difficulté à trouver ses mots, n'était pas d'une gravité

24 suffisante pour que nous la qualifiions, je parle des différents

25 spécialistes impliqués dans la rédaction du rapport d'aphasie; l'aphasie

Page 5699

1 étant un problème neurologique. Quant à ses fonctions cognitives, elles

2 n'étaient pas très loin de la normale. Il n'a que quelques diminutions

3 légères de ses fonctions. Rien de plus.

4 Q. Existe-t-il, selon vous, une classification de la démence d'origine

5 vasculaire en démence légère, moyenne et grave ? Est-ce ce que vous dites ?

6 R. Non. Je ne dis pas qu'il existe une classification officielle. Je dis

7 qu'il existe des démences légères et des démences graves dans la nature,

8 mais la médecine n'a pas mis au point une classification en tant que tel

9 pour le déterminer ou l'exprimer.

10 Q. Quel test avez-vous appliqué ? Quelle norme avez-vous prise en compte

11 pour déterminer qu'il s'agissait d'un cas léger et non d'un cas grave ?

12 R. Nous avons d'abord examiné les évaluations faites précédemment, par

13 exemple, le diagnostic qui a été fait à l'académie militaire de Médecine,

14 et qui a établi un diagnostic de démence légère. Je crois que dans d'autres

15 évaluations antérieures, le diagnostic était un diagnostic de réduction

16 légère des fonctions cognitives. Nous-mêmes, avons estimé, avons conclu à

17 une réduction légère de ses fonctions cognitives. Nous n'avons trouvé

18 aucune réduction excédant le qualificatif de léger. Il serait impensable de

19 prononcer un autre diagnostic que celui de diminution ou de réduction

20 légère.

21 Q. Par conséquent, vous n'avez appliqué aucune échelle précise. Cette

22 conclusion, vous l'avez simplement tirée sur la base de vos impressions

23 personnelles ?

24 R. Nous n'avons appliqué aucune échelle spécifique sur le plan technique.

25 Nous nous sommes appuyés sur nos impressions et sur l'impression d'autres

Page 5700

1 personnes qui avaient procédé à ce type d'évaluation sur la même personne

2 par le passé.

3 Q. En page 17 de votre rapport, paragraphe 3, vous dites qu'il envisage le

4 suicide en tant qu'option rationnelle, possibilité rationnelle. En tant que

5 médecin, comment pouvez-vous estimer que le suicide constitue une

6 possibilité rationnelle de façon générale ou dans ce cas précis ? A moins

7 que, en tant que médecin, vous n'affirmiez que pour certaines personnes, le

8 suicide est bien une option rationnelle, un choix rationnel ?

9 R. Oui. J'estime que pour certaines personnes, le suicide est un choix

10 rationnel.

11 Q. Par conséquent, estimez-vous ou considérez-vous que ce patient a la

12 possibilité de mettre en œuvre cette option, ce choix rationnel ?

13 R. Je suis désolé, je ne comprends pas votre question.

14 Q. Est-ce que vous incluez le suicide au nombre des différents concepts

15 qui, en terme de planification rationnelle, peuvent faire partie de sa

16 stratégie de défense ? Estimez-vous que l'option du suicide fasse partie de

17 sa stratégie, de son plan ? Si oui, estimez-vous que ceci est rationnel ?

18 R. Non. Je ne pense pas que cela fasse partie de sa stratégie. Je pense

19 qu'il parle de suicide en cas d'échec de sa défense. Les conditions sur

20 lesquelles il s'exprimait, à mon avis, permettent de penser que pour lui,

21 commettre le suicide dans ces conditions, serait rationnel.

22 Q. Quelles sont les circonstances qui, à votre avis, permettent de

23 considérer cette solution comme une solution rationnelle ? Je vous demande

24 ceci en m'adressant à vous en tant que médecin.

25 Q. Lorsque vous me posez cette question, en ma qualité de médecin, je me

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1 vois un peu surpris. Voulez-vous dire que je pourrais croire qu'il y a

2 quelque chose d'irrationnel dans sa pensée ? Est-ce que c'est ce genre de

3 pensée que je serais censé évaluer ou apprécier en tant que médecin ? Je ne

4 crois pas qu'il y ait quoi que ce soit d'irrationnel dans la pensée de M.

5 Strugar. Je pense qu'il ne souffre pas de troubles graves de l'état

6 d'esprit, de son état d'esprit.

7 Q. Je vous pose une question tout à fait précise. Je vous ai parlé du

8 suicide, parce que vous avez déclaré que le suicide était une option

9 rationnelle plutôt que de passer le reste de sa vie incarcéré aux côtés de

10 criminels. J'essaie de déterminer ce que vous trouvez de rationnel dans

11 cette option du suicide.

12 R. La rationalité n'est pas une propriété d'une conclusion. La rationalité

13 est une propriété d'un raisonnement auquel on a recours pour atteindre une

14 conclusion. Je ne crois qu'il y ait quoi que ce soit d'irrationnel dans le

15 processus mental de M. Strugar. Je pense qu'il est capable d'examiner une

16 situation, d'en comprendre les conséquences et de peser les risques et les

17 avantages, de se fonder sur les valeurs qui sont les siennes pour ce faire,

18 et d'atteindre une conclusion qui est satisfaisante à ses yeux. Je dirais

19 que son processus de prise de décision est rationnel. C'est sur ce

20 processus que je me suis fondé pour prononcer le mot rationnel.

21 Q. Vous incluez le suicide au nombre des solutions dans le cadre des

22 différentes décisions rationnelles qu'il pourrait prendre ? Oui ou non.

23 R. Non. Pas dans le cadre de ce que vous venez de dire. Vous avez déformé

24 mon opinion.

25 Q. Fort bien. Merci.

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1 Dans ce cas, affirmez-vous que quelqu'un, lorsqu'on lui cite plusieurs

2 concepts, en oublie deux sur trois, peut effectivement témoigner devant

3 cette Chambre de première instance ?

4 R. J'en suis certain.

5 Q. Estimez-vous qu'une personne qui, sur trois concepts cités devant elle

6 en oublie deux, peut être contre-interrogée ?

7 R. C'est une erreur à mon avis que vous commettez d'utiliser un critère

8 qui a été utilisé pendant une certaine période par le passé, ces trois

9 critères choisis par quelqu'un qui interrogeait le sujet comme base de

10 l'examen et de ne vous fonder que sur ce seul fait pour atteindre la

11 conclusion que cette personne peut ou ne peut pas témoigner. Si vous placez

12 quelqu'un dans une situation de stress, qui est un processus complexe et

13 multidimensionnel et que vous simplifiez à l'excès les choses comme vous

14 venez de le faire, à mon avis, c'est une erreur car il y a plusieurs

15 facteurs qui déterminent l'état de santé mentale d'une personne. On ne peut

16 pas se fonder sur ce qui s'est passé, une fois en particulier, et qui

17 permet de penser qu'il y a eu réduction de capacité. Nous ne pensons, pour

18 ce qui nous concerne, que le processus mental fonctionne de cette façon.

19 Q. Quelqu'un qui a des difficultés à se souvenir des événements et des

20 noms oublie qu'ils sont en général liés à la démence d'origine vasculaire,

21 est-ce qu'une telle personne peut témoigner dans son propre procès et se

22 soumettre au risque d'être incapable de répondre comme il se doit à une

23 réponse posée par le Procureur, pas parce qu'il ne souhaite pas y répondre,

24 mais parce qu'il ne se souvient pas ?

25 R. Les difficultés de mémoire de M. Strugar ne sont pas telles qu'elles

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1 réduisent sa capacité à témoigner. Il se souvient de tous les noms

2 importants pour autant que nous ayons pu en juger. Lorsqu'il ne se rappelle

3 pas un nom, selon ce que je me souviens de l'entretien que j'ai eu avec

4 lui, il réfléchit pendant un certain temps et ce nom finit par lui revenir.

5 Je ne pense pas qu'il ait des troubles graves de la mémoire.

6 Q. Vous pensez qu'une personne dans cet état peut témoigner devant la

7 Chambre de première instance ?

8 R. Je ne pense pas "qu'une personne dans cet état" puisse témoigner, je

9 pense que M. Strugar peut témoigner.

10 Q. Je vous prie de répondre à la question suivante : si cette personne ne

11 se rappelle pas votre nom, par exemple, et que le Procureur l'interroge

12 dans le prétoire, estimez-vous que ce problème puisse nuire à sa

13 comparution, à ses chances lors de sa comparution devant les Juges de la

14 Chambre de première instance ?

15 R. Non, je ne crois pas que le fait qu'il ne parvienne pas à se rappeler

16 le nom d'un psychiatre américain qui l'interroge un jour en particulier

17 pendant très peu de temps, je ne pense pas que ceci ait un effet sur sa

18 compétence pendant le procès. Je ne pense que ceci réduise sa capacité à

19 témoigner de façon tout à fait pertinente.

20 Q. Par exemple, s'il ne se rappelle pas le nom d'un témoin qu'il a vu

21 aussi une seule fois dans sa vie pendant quelques deux heures, est-ce que

22 ceci risque de lui poser un problème, alors qu'il aurait passé moins de

23 temps face à ce témoin, que face à vous et qu'il ne se rappelle pas non

24 plus le nom de ce témoin ?

25 R. Là vous me demandez véritablement de spéculer, mais si vous souhaitez

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1 que je le fasse, je le ferai. Suis-je en droit de le faire ?

2 Q. Essayez.

3 R. Je pense que tout dépend de l'importance du nom de la personne en

4 question car il savait, lorsque je l'ai rencontré, cela ne faisait aucun

5 doute que j'étais psychiatre américain et il savait que j'avais été recruté

6 par l'Accusation et il savait que je m'apprêtais à évaluer son état afin de

7 déterminer s'il était capable et compétent pour participer à son propre

8 procès. Il se rappelait très bien tout ce qui était essentiel mais il ne se

9 rappelait pas mon nom parce que ce nom n'avait aucune importance

10 particulière.

11 Q. Monsieur Matthews, partons de l'hypothèse qu'il estime qu'un nom n'est

12 pas important et que par conséquent il ne s'en souvienne pas, mais qu'en

13 revanche l'Accusation estime que ce nom est crucial, comment dans ces

14 conditions témoignera-t-il devant les Juges ?

15 R. M. Strugar n'est pas le seul à éprouver des problèmes de mémoire.

16 Enfin, tout le monde a des problèmes de mémoire. Il y a très peu de gens à

17 son âge qui n'éprouvent pas quelques problèmes de mémoire au cours d'un

18 témoignage. D'ailleurs, c'est un problème que de très nombreux témoins et

19 accusés ont vécu, mais tout dépend de la gravité de ces problèmes. Je

20 répète encore une fois que les difficultés de mémoire de M. Strugar se

21 situent dans la gamme des difficultés tout à fait normales à son âge, étant

22 donné qu'il souffre d'une démence légère. Ses difficultés de mémoire sont

23 tout à fait en rapport avec le degré léger de gravité de son état. Les gens

24 comme lui sont normalement tout à fait compétents pour participer à un

25 procès et tout à fait capables de témoigner de façon efficace.

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1 Q. Par conséquent, est-ce que nous avons tous des problèmes de démence

2 d'origine vasculaire ? Est-ce que nous souffrons tous de cette affection ?

3 Est-ce que nous avons tous des problèmes de mémoire ? Est-ce que M. Strugar

4 a des problèmes comme n'importe qui d'autres ? Est-ce que c'est ce que vous

5 essayez de dire ?

6 R. A laquelle de ces questions, aimeriez-vous que je réponde ?

7 Q. A toutes ces questions, aux trois.

8 R. Est-ce que nous souffrons tous de démence d'origine vasculaire ? Non.

9 Est-ce que nous souffrons tous de cette affection ? Non.

10 Est-ce que nous avons tous des problèmes de mémoire ? Chacun a des

11 difficultés de mémoire de temps en temps. Personne ne se souvient de tout

12 ce qui lui est arrivé.

13 Est-ce que M. Strugar a des problèmes comme n'importe qui d'autres ? Ses

14 problèmes sont très comparables aux problèmes que tout un chacun éprouve au

15 même âge, mais peut-être sont-ils un tout petit plus importants en raison

16 de sa maladie vasculaire.

17 Je pense que j'ai répondu à toutes vos questions.

18 Q. La démence d'origine vasculaire dont il souffre à l'âge de 71 ans,

19 comment se distingue-t-elle ? Comment distingue-t-elle d'une personne du

20 même âge, qui ne souffre pas de cette démence d'origine vasculaire ?

21 Pouvez-vous, je vous prie, répondre à cette question et nous en arriverons

22 à la fin de mes questions.

23 R. Il n'est pas très différent des autres personnes. Il s'en distingue

24 simplement un tout petit peu du point de vue d'une mémoire un peu réduite.

25 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

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1 d'autres questions.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Petrovic.

3 Monsieur Weiner, y a-t-il des questions supplémentaires de votre part ?

4 M. WEINER : [interprétation] Quelques-unes, Monsieur le Président.

5 Nouvel interrogatoire par M. Weiner :

6 Q. [interprétation] Docteur, est-ce que vous avez une copie de votre

7 rapport sous les yeux ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous vous rendre en page 1 ?

10 R. Oui.

11 Q. La dernière ligne où nous lisons les mots rapports/médical. Nous voyons

12 une liste sur cette page des personnes qui ont participé à l'établissement

13 du rapport. Pouvez-vous nous dire quel est le dernier nom que l'on voit

14 dans ce groupe, dans cette série de noms.

15 R. Le Dr Barry Pressman.

16 Q. Nous voyons les mots "examens", "entretiens" et, ensuite, la liste de

17 ces personnes et le dernier nom sur la liste.

18 R. Barry Pressman, Docteur en médecine.

19 Q. Il est ensuite question d'un certain nombre de e-mail et de rapports du

20 Dr Pressman qui ont été inclus dans ce rapport global ?

21 R. Selon mon souvenir, oui.

22 Q. Merci. On vous a interrogé au sujet du test PARADISE. Est-ce un outil

23 qui peut servir à déterminer la compétence ?

24 R. Oui, c'est l'un des outils qui permet de se prononcer sur ce plan.

25 Q. Cet outil a-t-il un rapport avec les fonctions cognitives ? Oui ou

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1 non ?

2 R. Oui.

3 Q. Fait-il partie des outils utilisés pour évaluer la compétence ?

4 R. Oui.

5 Q. On vous a interrogé au sujet de la démence légère. Les gens qui ont

6 rencontré tous les jours l'accusé, les gens, qui se trouvent au quartier

7 pénitentiaire, se sont-ils plaints auprès de vous ou des deux autres

8 médecins, de problèmes graves dans leurs relations avec l'accusé ?

9 R. Non.

10 Q. Se sont-ils plaints auprès de vous de troubles de problèmes de mémoire

11 graves de la part de l'accusé dans les relations qu'ils avaient avec lui ?

12 R. Non.

13 Q. On a parlé de son attitude par rapport au suicide. Est-ce que son point

14 de vue à ce sujet était lié à une condamnation éventuelle ?

15 R. Oui.

16 Q. A-t-il parlé du suicide par rapport à la journée d'aujourd'hui, de

17 demain ou de dans quelques semaines ou simplement à l'éventualité d'une

18 condamnation ?

19 R. Il n'en a parlé qu'en rapport avec une condamnation éventuelle.

20 Q. Fort bien. Il a été question également de son honnêteté dans les

21 réponses apportées aux questions qui lui étaient posées. Est-ce que vous

22 parlez d'honnêteté par rapport au fait qu'il a répondu honnêtement aux

23 questions que vous lui avez posées ou par rapport à sa culpabilité ou son

24 innocence ?

25 R. Je crois qu'il a été honnête dans les réponses apportées à nos

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1 questions.

2 Q. Merci. Vous avez, à un certain moment, parlé du témoignage de cette

3 femme dont la propriété avait subi des dégâts. Vous avez dit qu'il s'était

4 animé, qu'il avait ouvert les yeux et qu'il semblait écouter attentivement

5 cette partie du témoignage. De quoi était-il question précisément à ce

6 moment dans son témoignage ?

7 R. Je crois qu'il était question d'un pilonnage.

8 Q. S'est-il plaint auprès de vous d'avoir estimé que d'autres informations

9 provenant de ce témoin étaient moins intéressantes à ses yeux ?

10 R. Oui. Il s'est plaint de la qualité du témoignage dans ces termes,

11 effectivement.

12 Q. Avez-vous estimé qu'il est anormal pour des accusés ou des prisonniers

13 de se fonder sur leurs expériences pour s'exprimer dans ce sens ?

14 R. Oui, c'est assez inhabituel.

15 Q. Est-ce si inhabituel que cela peut constituer un problème médical ?

16 R. Non, je dirais qu'il est inhabituel de voir une telle concentration sur

17 un témoignage pour déterminer si éventuellement certains éléments sont

18 inexacts ou inopportuns. Je pense que ceci ne rend absolument pas compte

19 d'un état de santé mental amoindri, cette façon dont il s'est concentré sur

20 le témoignage.

21 Q. En fait, vous souvenez-vous avoir lu un compte rendu d'audience où

22 l'accusé dit, en page 721, je cite : "Je ne demande aucune indulgence. Je

23 sais exactement où je me trouve. Je suis en train d'être jugé, mais

24 j'écoute quelque chose que j'ai déjà vécu. Ce qui s'est passé en

25 Yougoslavie, mon conseil de la Défense, je suppose, sera capable de vous le

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1 dire, mais il était tout à fait indispensable pour moi d'écouter tout ce

2 qui s'est dit ici aujourd'hui. Je vois mal, cependant, ce que cela a à voir

3 avec ma mise en accusation. Pourquoi est-ce que je dois écouter tout

4 cela en personne ?" Il termine, en disant : "Merci beaucoup."

5 Est-ce que vous estimez qu'il est inhabituel ou étonnant que des accusés

6 n'aient pas envie d'écouter certaines parties de leur procès ?

7 R. Non, pas du tout. Il y a pas mal de choses qui se disent dans un procès

8 qui sont très gênantes, très ennuyeuses

9 Q. Ou même parfois peu intéressantes ?

10 R. Ou même parfois peu intéressantes.

11 Q. Merci.

12 M. WEINER : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, M. Weiner.

14 Monsieur Re, je pense à un certain document.

15 M. RE : [interprétation] Merci. Nous sommes sur la même longueur d'ondes.

16 J'aimerais demander le versement au dossier du "New Oxford Textbook of

17 Psychiatry", 2e édition, 2000, pages 2 091 et

18 2 092. Me Petrovic, je vois s'est levé. Je peux lui remettre la première

19 page. Je n'ai pas photocopié ces pages en six exemplaires parce que la

20 photocopieuse ne fonctionnait pas.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que la Défense

23 pourrait voir de quoi il est question dans ces documents avant de se

24 prononcer ? Je ne crois pas pouvoir le faire aujourd'hui.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, il s'agit de deux

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1 pages qui ont été soumises au docteur Lecic et qui sont des extraits du

2 texte qu'elle cite dans son rapport. Nous en avons des copies. M. Re a

3 simplement oublié d'en demander le versement au dossier.

4 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous laisse la

5 latitude de décider.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ces deux pages sont admises.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P167, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

9 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant du versement au

10 dossier des documents, il y a aussi les rapports qui ont été soumis à la

11 Chambre et qui n'ont pas encore été versés. Est-ce que vous les admettez en

12 tant que pièces à conviction ou demeurent-ils des rapports qui devront être

13 admis plus tard ?

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Aucun conseil, personne ici n'a

15 demandé leurs versements au dossier. Du point de vue des Juges de la

16 Chambre, il serait préférable d'examiner les rapports des médecins qui ont

17 déposé ici. Ces rapports ont servi de base aux questions qui leur ont été

18 posées. Si l'une ou l'autre des parties estime qu'il risque d'y avoir, sur

19 le plan technique, des problèmes, nous admettons ces documents; sinon, cela

20 ne sera pas le cas.

21 M. RE : [interprétation] L'Accusation malheureusement soupçonne qu'il

22 pourrait y avoir un problème technique par la suite. Nous demandons le

23 versement au dossier du rapport des trois psychiatres.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce rapport est admis au dossier ainsi

25 que le rapport du Dr Lecic et son addendum, mais les numéros au dossier

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1 seront donnés lundi en raison de problèmes de temps.

2 J'aimerais faire deux choses encore dans le temps limité qu'il nous reste,

3 d'abord, indiquer que les Juges aimeraient recevoir par écrit des écritures

4 brèves sur la question de la compétence à participer à un procès, et ce, le

5 plus tôt possible, c'est-à-dire, mardi, de la part des deux parties. A la

6 fin de la déposition du témoin, dont la déposition n'est pas encore

7 terminée, nous aimerions entendre les arguments oraux à l'appui de ces

8 écritures. Nous pensons que ceci ne devrait pas durer plus de dix minutes

9 pour chacune des parties, mardi peut-être.

10 Je vous remercie, Docteur, d'être venu ici et du travail que vous avez fait

11 pour nous aider. Je vous remercie de l'aspect succinct avec lequel vous

12 avez couvert un certain nombre de questions qui vous ont été posées

13 aujourd'hui. Nous vous remercions et vous souhaitons un bon retour chez

14 vous.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Suspension jusqu'à lundi après-midi,

17 14 heures 15.

18 --- L'audience est levée à 13 heures 54 et reprendra le lundi 3 mai 2004, à

19 14 heures 15.

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