LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit : Mme le Juge Gabrielle Kirk McDonald, Président

M. le Juge Ninian Stephen

M. le Juge Lal C. Vohrah

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le : 27 mai 1997

 

LE PROCUREUR

C/

DUSKO TADIC alias "DULE"

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ORDONNANCE AUX FINS DE RETOUR D’UN TÉMOIN DÉTENU

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Le Bureau du Procureur :

M. Grant Niemann M. Alan Tieger
Mme Brenda Hollis M. Michael Keegan

Le Conseil de la Défense :

M. Milan Vujin
M. Nikola Kostic

Le Conseil du témoin détenu :

Mme Branislava Isailovic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

ATTENDU que par ordonnance du présent Tribunal international délivrée le 2 juin 1995 par le Juge Odio Benito, ordonnance qui déclarait entre autres que :

a) le Procureur avait affirmé qu’un certain Dragan Opacic était un témoin important pour des enquêtes en cours et qu’il pourrait être appelé à déposer dans le cadre de procédures engagées devant le Tribunal International ;

b) ledit Dragan Opacic avait été déclaré coupable [rédigé à la suite d'une ordonnance du Tribunal] et qu’il était sous le coup d’une peine de dix ans ; et

c) le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine avait donné son accord pour que Dragan Opacic soit remis au Tribunal, ce dernier garantissant son retour dès la fin de sa participation en tant que témoin aux enquêtes du Procureur et à toute procédure engagée devant le Tribunal international,

Dragan Opacic avait été placé en état d’arrestation au nom du Tribunal international et avait été transféré à La Haye,

ATTENDU que Dragan Opacic a été dûment transféré à La Haye, qu’il est depuis lors détenu au quartier pénitentiaire des Nations Unies et qu’il a témoigné pour l’Accusation devant la Chambre de première instance II du Tribunal les 14 et 15 août et le 20 septembre 1996 dans le cadre du procès Dusko Tadic,

ATTENDU que le 25 octobre 1996, l’Accusation dans le procès Dusko Tadic a informé la Chambre de première instance qu’elle ne considérait plus Dragan Opacic comme un témoin de bonne foi et qu’elle invitait la Chambre à ne pas tenir compte de son témoignage,

ATTENDU, en outre, que le 10 décembre 1996, la Chambre de première instance, ayant pris en compte les dépositions d’autres témoins et ayant des motifs valables de croire que Dragan Opacic s’était rendu coupable de faux témoignage, a demandé au Procureur d’examiner l’affaire, en application de l’article 91 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international ("le Règlement"), en vue de préparer et de soumettre un acte d’accusation pour faux témoignage à l’encontre de Dragan Opacic,

ATTENDU que le 8 mai 1997, le Procureur a informé le Greffier, et à travers lui la Chambre de première instance, qu’ayant enquêté comme il en avait reçu l’ordre, il ne considérait pas que le cas de Dragan Opacic justifiait des poursuites au titre de l’article 91 du Règlement,

ATTENDU qu’aux termes de l’article 91 du Règlement, la décision d’engager ou non des poursuites pour faux témoignage incombe au Procureur et non la Chambre de première instance,

ATTENDU qu’en conséquence de ladite décision du Procureur et de la garantie susmentionnée, Dragan Opacic, sous le coup d’une peine de dix ans, devrait être remis à la République de Bosnie-Herzégovine,

VU la Demande déposée le 16 mai 1997 par le conseil de Dragan Opacic aux fins de rejeter la Requête de l’Accusation aux fins de retour du témoin et la Réponse à la demande de la Défense déposée le 26 mai 1997 par le Procureur,

ATTENDU qu’il est affirmé dans la demande du conseil de Dragan Opacic "qu’il y a des raisons de craindre que Dragan Opacic ne souffre de mauvais traitements dans les établissements pénitentiaires bosniaques",

ATTENDU qu’il est affirmé au Principe 6 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1988, qu’"[ aC ucune personne soumise à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement ne sera soumise à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants" et CONVAINCUE que ce principe sera respecté à tout moment par la République de Bosnie-Herzégovine,

ORDONNE PAR LA PRÉSENTE que Dragan Opacic ne soit plus entendu comme témoin en l’espèce et soit remis à la République de Bosnie-Herzégovine, en application de ladite garantie.

Le Greffier du Tribunal international est chargé de prendre toutes les dispositions nécessaires à cette fin.

 

Le Président de la Chambre de première instance

(signé)

Gabrielle Kirk McDonald

Fait le vingt-sept mai 1997

La Haye (Pays-Bas)

[ Sceau du Tribunal]