Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire: IT-94-1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 8 mai 1996

4 LE PRESIDENT : Maître Niemann, êtes-vous prêt à poursuivre l’audition de

5 M. Gow, je vous prie ?

6 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, avant de poursuivre, il y a cette

7 requête du Greffe qui nous demande de travailler avec des pièces à

8 conviction sur papier, plutôt que d’utiliser le système

9 informatique, comme nous avons commencé à le faire hier.

10 LE PRESIDENT : Je crois que vous devriez me redire tout cela.

11 MAITRE NIEMANN : Le Greffe nous a demandé de travailler avec les originaux

12 des pièces à conviction, sur papier, et non avec le système

13 informatique, comme nous avons commencé à le faire hier. Pour nous,

14 cela ne présente aucune difficulté, Madame le Président, mais je

15 n’ai qu’un exemplaire unique de chaque pièce. Je demanderais,

16 puisqu’il va me falloir travailler manuellement, l’aide à cette

17 table de Mme Sutherland, notre assistante, qui pourra me préparer

18 les copies papier des pièces à conviction.

19 LE PRESIDENT : Qu’entendez-vous par « travailler manuellement » ? Pensez-

20 vous à la possibilité que le témoin fasse des annotations sur la

21 pièce à conviction ?

22 MAITRE NIEMANN : J’ai reçu une requête qui demande que, plutôt ...

23 LE PRESIDENT : J’ai entendu. Simplement, je ne comprends pas.

24 MAITRE NIEMANN : Je vais travailler manuellement, Madame le Président,

25 désormais. Je présenterai les pièces à conviction sur papier. Elles

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1 seront présentées au témoin et enregistrées de la façon habituelle.

2 Le témoin prendra connaissance de la pièce, comme d’habitude, et

3 lorsque je lui demanderai des explications à son sujet, nous

4 utiliserons le système vidéo.

5 LE PRESIDENT : Très bien.

6 MAITRE NIEMANN : Ai-je l’autorisation de prier Mme Sutherland de

7 s’approcher de cette table ?

8 LE PRESIDENT : Oui.

9 (Rappel de) M. JAMES GOW

10 Poursuite de l’interrogatoire, mené par Maître NIEMANN

11 QUESTION : M. Gow, vous avez évoqué, hier, un certain nombre de sujets,

12 qui nous ont amenés à parler de la fondation de la Fédération

13 yougoslave, qui devait se désintégrer ensuite, dans les années 90.

14 Nous étions, je crois, parvenus à l’époque postérieure à la seconde

15 guerre mondiale, et vous parliez de Tito. Quel rôle Tito a-t-il joué

16 dans le système fédéral qui devait être mis en place ultérieurement

17 ?

18 R. Tito était le dirigeant d’un mouvement communiste, à la tête des

19 partisans, et ce mouvement prit le pouvoir à la fin de la seconde

20 guerre mondiale. Il mit en place une forme de gouvernement fédéral

21 dans le pays. C’était, en partie, le moyen de faire accepter l’idée

22 d’une nouvelle Yougoslavie par les déçus de la première Yougoslavie,

23 mais il convient de souligner que les communistes, eux, n’ont jamais

24 eu l’intention, je dirais, que ce système acquière une signification

25 réelle.

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1 Donc, le gouvernement était fédéral, la Constitution était

2 fédérale, selon un modèle que les communistes yougoslaves avaient

3 emprunté aux communistes soviétiques; néanmoins, ce système faisait

4 quelques concessions aux principes des nationalités qui prévalaient

5 sur le territoire yougoslave.

6 Q. En rapport avec ceci, je vous demanderais, si vous le voulez bien,

7 d’examiner le document que l’on va vous remettre. Peut-on remettre

8 ce document au témoin ? (Remise du document). M. Gow, au vu de ce

9 document qui vous est montré à l’instant, pouvez-vous nous dire de

10 quoi il s’agit ?

11 R. La première page est la page de couverture d’un ouvrage intitulé

12 « La Yougoslavie à travers les documents », préparé par Snezana

13 Trifunovska, et le reste se compose d’extraits de la Constitution de

14 la République populaire de Yougoslavie, créée le 31 janvier 1946.

15 Q. Savez-vous où ce document a été obtenu ?

16 R. Dans sa forme présente, il a été obtenu par le Bureau du Procureur

17 chez l’éditeur, Martinus Hijhoff.

18 Q. Je demande que la Constitution soit versée au dossier.

19 LE PRESIDENT : A-t-il été affecté d’un numéro ?

20 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président. C’est la pièce à conviction

21 suivante, qui porte le n° 18.

22 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à accepter la pièce à conviction 18

23 ?

24 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 18 est acceptée.

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1 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourrait-on enregistrer ce document, Madame le

2 Président, après quoi, il pourrait être remis à M. Gow.

3 LE PRESIDENT : Est-ce que vous avez l’intention, à un moment ou à un

4 autre, de montrer la pièce 18 à l’écran ?

5 MAITRE NIEMANN : Nous n’utiliserons pas l’ordinateur, Madame le Président,

6 mais la vidéo.

7 LE PRESIDENT : Le rétroprojecteur ? Très bien.

8 MAITRE NIEMANN (à l’intention du témoin) : M. Gow, en vous référant plus

9 particulièrement aux articles 1 et 9 de cette pièce à conviction, je

10 vous demanderais si vous pouvez peut-être nous aider. Mme

11 Sutherland, pourriez-vous placer ces articles sur le rétroprojecteur

12 ?

13 LE PRESIDENT : Quand toute la technique fonctionnera bien, les choses se

14 passeront du mieux possible, j’en suis sûre.

15 MAITRE NIEMANN : M. Gow, je vous parlerai d’abord ...

16 JUGE STEPHEN : Excusez-moi, pour le moment, mon écran n’est pas assez

17 large pour englober la totalité du texte.

18 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, peut-être pourrait-on...

19 JUGE STEPHEN : C’est beaucoup trop grand.

20 MAITRE NIEMANN (à l’intention du témoin) : M. Gow, je m’occuperai d’abord

21 de l’article 1; à votre avis, quelle est l’importance de cet

22 article, eu égard aux dispositions prises par Tito dans la

23 Yougoslavie de l’après-guerre ?

24 R. L’importance de ce premier extrait réside dans le fait qu’il

25 circonscrit la création de la République populaire fédérale de

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1 Yougoslavie, il circonscrit la question de l’autodétermination en la

2 liant à la création de la République populaire fédérale de

3 Yougoslavie.

4 Une grande partie des événements historiques, politiques et

5 autres dont j’ai parlé hier visaient à définir les facteurs ayant

6 conduit à créer cet Etat fédéral ainsi que les circonstances dans

7 lesquelles il allait de soi que la création d’un tel Etat était, au

8 moins formellement, le moyen de faire quelques concessions au

9 principe d’autodétermination. Vous constaterez que cette République

10 s’est créée sur la base du droit à l’autodétermination et y compris

11 à la séparation de plusieurs peuples qui se réunissaient pour vivre

12 dans une telle formation étatique. Si vous regardez l’article 2,

13 vous verrez que la République populaire fédérale se compose de

14 plusieurs Républiques populaires, identifiées dans cet article.

15 Q. Nous passons à l’article 9 ?

16 R. L’article 9 stipule clairement que dans le système complexe de

17 souverainetés - je souligne que pour les communistes, un tel concept

18 était plutôt formel que réellement emprunt de sens - il était

19 clairement établi que la souveraineté appartenait, dès le début, aux

20 Républiques populaires, comme cela avait été le cas au cours de la

21 seconde guerre mondiale dans le système AVNOJ, où le Conseil

22 antifasciste de libération nationale yougoslave jouait le rôle d’un

23 gouvernement établi sur les territoires libérés.

24 Vous constaterez également, bien sûr, comme c’est toujours le

25 cas dans un système de ce genre, que la souveraineté de la

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1 République est, d’une certaine manière compensée par une autre forme

2 de souveraineté, celle de l’entité internationale, c’est-à-dire de

3 l’ensemble de la République populaire fédérale. Mais je pense qu’en

4 principe, au niveau du concept, il est permis de dire que la

5 souveraineté des différentes Républiques, la souveraineté

6 conceptuelle de ces Républiques, était transférée, que certains de

7 leurs droits souverains étaient transférés vers la Fédération de

8 diverses façons bien définies. Cela a dû, sans aucun doute,

9 constituer une question significative dans le processus de

10 dissolution de 1991.

11 Q. Pourrait-on retourner la pièce à conviction au Greffe. M. Gow, vous

12 avez déclaré que le modèle constitutionnel dont nous sommes en train

13 de parler tirait ses origines de l’Union soviétique. Quels étaient

14 les rapports liant l’Union soviétique et la Yougoslavie

15 immédiatement après la seconde guerre mondiale ?

16 R. Les rapports entre les deux pays étaient à la fois très étroits et

17 de plus en plus difficiles. Les communistes yougoslaves cherchaient

18 à reproduire, sur le territoire yougoslave, les réalisations de

19 Staline en Union soviétique, mais ces tentatives se sont de plus en

20 plus souvent soldées par des conflits avec Moscou, avec Staline, en

21 partie, je pense, du fait d’une compréhension erronée de ce que le

22 stalinisme était censé représenter dans la réalité.

23 Q. Que s’est-il passé après la rupture de cette relation ?

24 R. En 1948, cette relation s’est rompue. La Yougoslavie a été exclue du

25 bloc communiste, ce qui a poussé les communistes à chercher une

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1 nouvelle voie, une nouvelle voie pour eux-mêmes.

2 Q. Quelle a été cette nouvelle voie ?

3 R. Le label donné à cette nouvelle voie se résume dans les termes

4 d’«autogestion socialiste» . Et la clé, et là encore nous parlons

5 d’une formalité qui s’ajoute à d’autres formalités, de quelque chose

6 à quoi je soupçonne qu’ils n’ont jamais eu l’intention de conférer

7 le moindre sens, mais l’une des caractéristiques principales de ce

8 nouveau mécanisme formel a consisté à parler de plusieurs degrés de

9 décentralisation. Ce concept devait acquérir une grande importance

10 dans l’évolution de la Fédération yougoslave, car dans la pratique,

11 les gens ont de plus en plus souhaité voir mis en oeuvre le genre de

12 décentralisation dont il était question dans les documents.

13 Q. Dans cette époque d’après-guerre, est-il exact de parler de

14 l’existence d’une force centralisatrice, et aussi d’une force

15 décentralisatrice, au sein de cette fédération ?

16 R. C’est assez juste. Les structures du parti communiste étaient

17 essentiellement centralisatrices. Le modèle du parti communiste est

18 tel que le contrôle central, la gestion centrale, tient une place

19 importante. Mais il y a eu aussi, dans l’évolution du système

20 fédéral, l’intention de développer l’idée qu’il pourrait y avoir

21 dévolution du pouvoir. Après la scission de 1948, les communistes

22 yougoslaves ont dû, pour eux-mêmes et devant leur peuple, en

23 justifier les raisons. Ils ont déclaré que la faute en incombait à

24 un excès de centralisation en Union soviétique; par conséquent, pour

25 résoudre leurs problèmes, il fallait décentraliser. Ils souhaitaient

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1 encore conserver un fort degré de contrôle centralisé, mais se sont

2 trouvés de plus en plus souvent confrontés à leurs adhérents, dans

3 certaines régions du pays, dans les Républiques, qui disaient qu’il

4 fallait décentraliser. C’est de là qu’est née la tension entre

5 centralisme et décentralisation.

6 Q. Quel rôle Tito a-t-il joué dans ce système, s’il en a joué aucun ?

7 R. Tito était une pièce centrale dans le fonctionnement du système.

8 Ayant conduit le mouvement à l’époque de la guerre, il jouissait

9 d’une très grande autorité personnelle. Même si des divergences

10 apparaissaient entre les partis communistes des différentes

11 Républiques, tous les problèmes trouvaient une solution pour peu que

12 l’on s’appuie sur l’autorité personnelle de Tito. De ce fait, malgré

13 les troubles qui marquèrent le système à certains moments, dans les

14 années 40-50, du vivant de Tito, celui-ci réussit toujours à

15 résoudre les problèmes.

16 Q. Quels ont été les principaux événements qui ont marqué l’évolution

17 constitutionnelle, s’il est permis de l’appeler ainsi, en

18 Yougoslavie après la seconde guerre mondiale ?

19 R. La Fédération yougoslave faisait face à de nombreux problèmes. De

20 façon générale, elle a tenté de régler ces problèmes en créant de

21 nouveaux cadres constitutionnels. C’est ce qui fut fait en 1954, en

22 1963, puis à nouveau en 1974. Ce processus d’évolution, notamment

23 dans les années 60 et au début des années 70, a confirmé le

24 transfert de l’autorité réelle depuis le centre, depuis Belgrade,

25 qui abritait le siège du parti communiste pour l’ensemble de la

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1 Yougoslavie et était en même temps la capitale fédérale et la

2 capitale de la Serbie. Il y eut transfert croissant du pouvoir

3 depuis Belgrade vers les diverses capitales des Républiques, vers

4 les directions du parti dans ces capitales, mais aussi vers les

5 structures étatiques de ces capitales.

6 Q. Je vous demanderais d’examiner le document qui vous est remis à

7 présent. (Remise du document). M. Gow, quel est le document que vous

8 avez entre les mains ?

9 R. C’est la copie d’une traduction de la Constitution de la République

10 socialiste fédérative de Yougoslavie, datant de 1974, et dans sa

11 forme présente, cet exemplaire provient de Oceana Publications de

12 New York.

13 Q. Considérez-vous qu’il s’agit d’une source fiable ?

14 R. C’est une maison d’édition reconnue et crédible, spécialisée en

15 documents juridiques.

16 Q. Il s’agit du document 19, Madame le Président, je demande qu’il soit

17 versé au dossier.

18 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection de la défense à cette pièce à conviction

19 n° 19 ?

20 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

21 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 19 est acceptée.

22 MAITRE NIEMANN : Après enregistrement de ce document, peut-on le remettre

23 au témoin. (A l’intention du témoin). M. Gow, je vous demanderais,

24 avec l’aide de Mme Sutherland, de bien vouloir vous référer au

25 chapitre 8, page 25 de ce document. A première vue, peut-on le

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1 montrer à l’écran, - je ne vois pas pourquoi il n’apparaît pas,

2 voilà - le chapitre 8 plus particulièrement. M. Gow, à votre avis,

3 ces dispositions sont-elles significatives, eu égard à cette

4 évolution de la confédération vers davantage de décentralisation

5 dont nous étions en train de parler ?

6 R. Cet extrait particulier de la Constitution définit le rôle central

7 conféré au parti communiste, qui à cette époque avait été rebaptisé

8 Ligue des communistes yougoslaves, au sein du système. Si vous

9 regardez le deuxième paragraphe, est-ce que je peux ...

10 Q. Peut-être pourriez-vous nous le montrer ?

11 R. Je vais essayer de l’indiquer. Voilà, ici. Vous voyez que le rôle de

12 guide idéologique et l’action politique du parti, considérés comme

13 les premiers moteurs et les premiers responsables de l’activité

14 politique, sont définis. Ce qui montre bien que le parti communiste

15 entendait représenter l’élément dirigeant, l’élément de contrôle au

16 sein de la structure fédérale, au sein des structures de l’Etat de

17 façon générale.

18 Q. M. Gow, quelle est la signification de ce fait, eu égard à ce qui

19 devait se produire finalement, je parle de la désintégration de la

20 Fédération ?

21 R. C’est important à deux titres. D’abord pour définir le rôle

22 dirigeant du parti au sein du système en tant que tel, parce que

23 cela rend exemplaire la conception des communistes, qui estimaient

24 que le parti communiste devait être, aux dépens des structures

25 étatiques, l’élément de contrôle principal. C’est important pour une

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1 deuxième raison, à savoir que c’est ce rôle dirigeant du parti, au

2 cours de la dévolution, qui a permis de renforcer les structures

3 étatiques de diverses Républiques au sein de la Fédération.

4 Q. M. Gow, peut-être pourrait-on restituer cette pièce à conviction et

5 je vous demanderais de bien vouloir examiner celle qui vous est

6 présentée maintenant. (Remise de la pièce). Veuillez y jeter un coup

7 d’oeil et nous dire de quel document il s’agit.

8 R. Ce document est un supplément paru chez les éditeurs de cet ouvrage

9 dont j’ai déjà parlé, à savoir la maison d’édition Oceana qui a

10 publié la Constitution de 1974. Il s’agit d’un supplément à la

11 Constitution de 1974, paru en 1979, où sont indiquées certaines des

12 importantes évolutions survenues après l’application de cette

13 Constitution et où l’accent est mis sur certaines questions

14 pertinentes résultant de son application.

15 MAITRE NIEMANN : Je demande que cette pièce à conviction soit versée au

16 dossier, Madame le Président. Il s’agit de la pièce n° 20.

17 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection de la part de la défense ?

18 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

19 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 20 est acceptée.

20 MAITRE NIEMANN : Après son enregistrement par le Greffe, je vous

21 demanderais de revenir sur ce document. Pourriez-vous placer à

22 l’écran la première page, Monsieur ? Peut-être pourrait-on augmenter

23 le contraste. C’est un peu plus facile à lire. Pourrait-on déplacer

24 le document vers le centre de l’écran ? Ne tenez compte, je vous

25 prie, que de ce qui est montré ici, M. Gow, et dites-moi quelle est

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1 l’importance de ce supplément dans le cadre de votre déposition.

2 R. Ce document est significatif, car il définit plusieurs des raisons

3 qui ont permis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1974;

4 notamment en ce qui concerne le sujet que je viens d’évoquer, je

5 tiens à attirer votre attention sur les événements survenus entre le

6 27 et le 30 mai 1974, plus précisément sur la réunion au cours de

7 laquelle les nouveaux statuts du parti, de la Ligue des communistes,

8 ont été adoptés et les nouvelles structures du parti établies, ce

9 qui lui a permis d’assumer son rôle dirigeant et de créer les

10 structures constitutionnelles.

11 J’attire votre attention sur la troisième ligne du paragraphe

12 qui commence par les mots « le 30 mai », ce paragraphe que je vous

13 ai déjà montré et qui fixe à 165 le nombre des membres du Comité

14 central. Ce Comité central représentait les structures du parti de

15 chacun des éléments de la Fédération, à savoir qu’il y avait 20

16 membres provenant de chacune des Républiques et 15 de chacune des

17 deux provinces autonomes (dont j’ai parlé plus tôt), les 15 derniers

18 membres provenant de l’Armée populaire yougoslave.

19 Q. Peut-on restituer ce document au Greffe. M. Gow, puisque nous sommes

20 en train de parler de ces forces d’équilibrage opposées, les forces

21 centralisatrices et décentralisatrices, comment le droit à

22 l’autodétermination a-t-il été contrebalancé par les forces du

23 centralisme au sein de la Fédération yougoslave ?

24 R. Le droit à l’autodétermination est incarné dans la Constitution au

25 niveau de son préambule, pour la Constitution de 1974, qui prévoit

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1 le droit à la séparation. Mais ce droit est contrebalancé, dans une

2 certaine mesure, par l’article 5 de la Constitution, puisqu’il y est

3 stipulé que toute modification de ce type doit être soumise à

4 l’accord de tous les éléments de la Fédération.

5 Q. S’agit-il de l’article 5 de la Constitution de 1974, c’est-à-dire de

6 la pièce à conviction n° 19 ?

7 R. Effectivement, et aussi du préambule à cette même pièce à

8 conviction; si vous le désirez, je peux vous le montrer.

9 Q. M. Gow, en vous référant encore une fois à la pièce à conviction n°

10 20, celle que vous avez vue plus tôt, - peut-être pourrait-on

11 montrer ce document à M. Gow en même temps que la pièce à conviction

12 n° 19 -, je vous demanderais de vous référer d’abord à la pièce à

13 conviction et d’y examiner les articles 1, 3 et 4; en commençant par

14 l’article 1, pouvez-vous me dire quelle est, à votre avis,

15 l’importance des dispositions qui y sont contenues, eu égard à la

16 souveraineté des différentes Républiques ?

17 R. L’importance de l’article 1 réside dans le fait qu’il définit la

18 Fédération comme l’union de plusieurs peuples rassemblés. Cet

19 article est important, d’abord parce qu’il emploie les termes

20 « nations unies », or le terme « nation » se dit « narod » en serbo-

21 croate, qui est également le terme désignant un peuple. Il y a donc

22 un certain degré d’ambiguïté, dans la Constitution, eu égard à cet

23 élément, or cette ambiguïté devait acquérir une importance certaine

24 dans les conflits ultérieurs. Cependant, cet article définit

25 clairement la situation des Républiques, ainsi que la situation

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1 distincte des deux provinces autonomes de la Serbie.

2 Q. Peut-être pourriez-vous jeter un coup d’oeil sur les articles 3 et 4

3 de cette même Constitution, dont je demande qu’ils soient placés sur

4 l’écran.

5 R. Ces deux articles permettent d’aller plus loin dans le raisonnement

6 que je viens d’esquisser. Comme vous le constaterez, l’article

7 définit les Républiques socialistes, c’est-à-dire les Etats-

8 Républiques de Serbie, Croatie, Monténégro, Macédoine, Slovénie et

9 Bosnie-Herzégovine, en tant qu’Etats fondés sur le principe de la

10 souveraineté. L’article 4 distingue ces Républiques, qui sont des

11 Etats, et les deux provinces autonomes de la Serbie, qui ne

12 bénéficient pas de la même qualité de souveraineté.

13 Q. Si l’on revient à la première page de la pièce à conviction n° 20, à

14 la partie liminaire, je pense qu’il y est fait référence au même

15 point, n’est-ce pas ?

16 R. Je vous prie de m’excuser, j’ai du mal à lire sur l’écran. Ce

17 document - je reviens sur ce que j’ai déjà dit, pour souligner que

18 dans ces structures, vous aviez les structures du parti communiste,

19 avec le Comité central au niveau de la Fédération, ce Comité central

20 était lui-même un organe fédéré, composé de membres provenant des

21 différents éléments, c’est-à-dire des six Républiques et des

22 provinces autonomes, mais aussi de l’Armée populaire yougoslave.

23 Q. Ces pièces à conviction peuvent-elles être retournées au Greffe, je

24 vous prie ?

25 R. Excusez-moi, j’aimerais également indiquer que juste un peu plus

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1 haut, vous verrez que l’organe fédéral central, la présidence

2 collégiale, que l’on désigne fréquemment aujourd’hui par les mots

3 Conseil d’Etat, avait un représentant, huit représentants, à raison

4 d’un représentant par République pour les six Républiques et de deux

5 membres supplémentaires, c’est-à-dire d’un représentant

6 supplémentaire pour chacune des deux provinces autonomes. Cela

7 servait à consolider le système fédéral ainsi que la représentation

8 des divers éléments constitutifs de la Fédération au sein de ce

9 système fédéral.

10 Q. Merci. Ces deux pièces à conviction peuvent-elles être retournées au

11 Greffe. M. Gow, quelle a été la première République a affirmer sa

12 souveraineté ?

13 R. Dans les années 80, après la mort de Tito, toutes sortes de

14 problèmes et de divergences se sont fait jour entre les Républiques.

15 Le premier problème, je pense, a été celui de la réelle affirmation

16 de leur souveraineté de la part des Républiques, et il est apparu en

17 Serbie. Cela s’est passé au milieu des années 80, alors que la

18 situation de la Serbie en tant qu’entité souveraine commençait à

19 susciter des discussions. Ces discussions étaient dues au statut de

20 la Serbie, dotée de ces deux provinces autonomes. Il a commencé à se

21 dire que la souveraineté serbe était remise en cause par

22 l’imposition, par la création de ces deux provinces autonomes.

23 Q. Comment est-ce que cela s’est passé ?

24 R. La Serbie, les autorités serbes ont débuté un processus de

25 réintégration, de création, de déplacement de l’autonomie depuis les

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1 provinces, pour que, de leur point de vue, la Serbie soit un Etat,

2 un territoire intégral et entièrement souverain.

3 Q. Si l’on revient quelques instants aux dispositions

4 constitutionnelles mises en place après 1974, quelle était la

5 différence entre nations et nationalités dans la Constitution de

6 1974 ?

7 R. Cette distinction est établie dans les articles 3 et 4 de cette

8 Constitution, dont j’ai déjà parlé, dans lesquels est définie la

9 différence entre Républiques et provinces autonomes.

10 Les Républiques, jouissant de la souveraineté, étaient

11 considérées comme des Etats représentatifs de la puissance créatrice

12 de peuples fondateurs d’Etats. Dans les conditions yougoslaves, il

13 était question de peuples ou de nations - c’est le même mot,

14 « narod », qui est utilisé dans les deux cas, mais il y a,

15 naturellement, deux termes différents en anglais, or ces deux sens

16 sont, dans une certaine mesure, confondus, dans la langue serbo-

17 croate. Le terme « nationalité », ou en serbo-croate « narodnost »,

18 servait à désigner ce que l’on pourrait appeler, de façon plus

19 conventionnelle, des minorités nationales, à savoir des peuples

20 représentant des communautés nombreuses à l’intérieur des frontières

21 fédérales, sans être des peuples fondateurs d’Etats, et ce parce

22 qu’il était considéré qu’ils possédaient un Etat, constitué par leur

23 peuple, en un autre endroit. Ainsi, par exemple, les Albanais du

24 Kosovo n’étaient pas considérés comme un peuple fondateur d’Etat,

25 puisque l’Etat albanais existait. Au sein de la Fédération

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1 yougoslave, les peuples fondateurs d’Etats étaient ceux qui ne

2 possédaient pas d’Etat en un autre lieu.

3 Q. Quels pouvoirs la Constitution de 1974 laissait-elle à la Fédération

4 ?

5 R. Dans les faits, la Fédération n’avait plus que des pouvoirs

6 restreints, limités à certains aspects de la gestion de l’économie

7 du pays, à la politique étrangère et à la politique de défense.

8 Q. Quel rôle le parti communiste a-t-il joué au sein de la Fédération ?

9 R. Le parti communiste occupait une place centrale dans le

10 fonctionnement d’un Etat tel que la Yougoslavie. Son rôle était

11 central au niveau de la Fédération, mais le pouvoir s’est peu à peu

12 concentré entre les mains des communistes au sein des structures

13 républicaines, ce qui a renforcé les divisions entre les différentes

14 Républiques composant la Fédération.

15 Q. Encore une fois, quel a été le rôle de Tito au sein de la Fédération

16 ?

17 R. Du vivant de Tito, je répète ce que j’ai déjà dit, il était toujours

18 présent, aussi bien au niveau du parti qu’au niveau des structures

19 de la Fédération. Il était capable de résoudre les difficultés en

20 usant de son autorité personnelle, fruit de l’expérience qu’il avait

21 acquise au cours de la guerre et du fait qu’il avait défié l’Union

22 soviétique dans les années 40. Il était le personnage apte à faire

23 fonctionner ce système.

24 Q. Les éléments dont vous venez de parler dans votre déposition se

25 retrouvent-ils dans la Constitution de 1974 ?

Page 168

1 R. L’importance de Tito pour le système se retrouve dans la

2 Constitution de 1974 ainsi que dans les statuts du parti de

3 l’époque. Ces deux documents faisaient de Tito soit le Président à

4 vie soit le Président pour une durée indéterminée, ce qui dans les

5 faits, signifie une présidence à vie.

6 Q. M. Gow, les mécanismes régissant le partage du pouvoir entre les

7 Républiques et la Fédération, combien de temps ont-ils survécu à

8 l’entrée en vigueur de la Constitution de 1974 ?

9 R. Les dispositions de la Constitution de 1974 pouvaient fonctionner

10 tant que Tito était en vie, tant qu’il était présent pour les faire

11 fonctionner. Après la mort de Tito en mai 1980, la Fédération s’est

12 trouvée plongée dans des difficultés sociales, économiques,

13 politiques et finalement constitutionnelles de plus en plus

14 importantes qu’il a été impossible de résoudre, car la base de toute

15 solution eût été un consensus entre les républiques; celles-ci

16 avaient des points de vue de plus en plus polarisés, certaines

17 d’entre elles avaient un point de vue polarisé quant à ce que devait

18 être l’avenir. Dans cette situation, la Fédération a commencé à se

19 décomposer et a cessé de fonctionner.

20 Q. En d’autres termes, quels ont été les facteurs qui ont conduit,

21 finalement, à la désintégration de la Fédération.

22 R. La désintégration finale de la Fédération, au début des années 90, a

23 résulté de ces événements; il y a d’abord eu la mise en oeuvre du

24 système fédéral, cette imposition d’un contrôle strict sur les

25 structures fédérales, qui a renforcé le pouvoir et créé des

Page 169

1 structures étatiques, mais qui finalement a donné pas mal de force

2 aux Républiques dès le début des années 80, Républiques qui ont pu

3 commencer à emprunter leur propre voie eu égard à leurs perspectives

4 d’avenir, que l’avenir soit conçu comme un avenir commun ou comme un

5 avenir séparé.

6 Q. Si vous le permettez, j’aimerais que nous revenions sur l’éclatement

7 de la Fédération en tant que telle. D’abord, je vous demanderais de

8 bien vouloir jeter un coup d’oeil au document qui vous est

9 maintenant présenté (remise du document); M. Gow, quel est la nature

10 de ce document ?

11 R. C’est une version du Mémorandum de l’Académie serbe des arts et des

12 sciences. Ce document est paru chez Nase Teme, à Zagreb, en 1988, si

13 je ne m’abuse, ou peut-être s’agit-il de 1987. A l’origine, ce

14 document - l’original du Mémorandum de l’Académie serbe a été

15 diffusé en 1985 et une seconde version a paru en 1986. Celle-ci est

16 l’une des versions disponibles qui, sous sa forme présente, est une

17 traduction serbo-croate.

18 Q. Je pense qu’il y a une traduction anglaise annexée, n’est-ce pas ?

19 R. Effectivement, il y a une traduction anglaise présentée en annexe.

20 Q. Dans quel but ce document a-t-il été conçu ?

21 R. La situation de ce document est, je tiens à le souligner d’emblée,

22 caractérisée par le fait qu’il ne fait pas autorité. Plusieurs

23 versions de ce document ont été diffusées. Si j’ai bien compris,

24 l’Académie serbe des arts et des sciences n’a jamais officiellement

25 publié ce document. Il s’agit d’un document émanant d’un groupe de

Page 170

1 discussion interne, même si au milieu des années 80, il a bénéficié

2 d’une large diffusion, tant sur le territoire yougoslave qu’en

3 dehors de la Fédération yougoslave.

4 Je considère, j’estime que la version que j’ai entre les mains

5 fait davantage autorité. L’importance de ce document réside dans le

6 fait qu’un groupe d’intellectuels serbes s’est penché très

7 clairement sur la question de la nature de la Fédération, de la

8 place que la Serbie y occupait, ainsi que d’un sujet dont j’ai déjà

9 parlé, à savoir la souveraineté serbe; ce groupe a donc commencé à

10 discuter de la question de la souveraineté serbe et de la nécessité

11 de réfléchir à la situation inhabituelle dans laquelle se trouvait

12 la Serbie qui, d’une part, était techniquement un Etat souverain et

13 de l’autre un Etat doté de deux provinces autonomes qui réduisaient

14 de façon significative la souveraineté de cette République.

15 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier. Il s’agit de la

16 pièce n° 21 ?

17 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection ?

18 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

19 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 21 est donc acceptée.

20 MAITRE NIEMANN : Une fois enregistré, peut-on à nouveau remettre ce

21 document à M. Gow ?

22 JUGE STEPHEN : Maître Niemann, je ne sais pas si cela présente un intérêt,

23 mais je me demande si le témoin pourrait expliquer comment il se

24 fait que l’existence de ces deux provinces autonomes diminue, dans

25 les faits, la souveraineté de la Serbie.

Page 171

1 MAITRE NIEMANN : Certainement, Monsieur le juge. Je vais poser cette

2 question immédiatement. (A l’intention du témoin). M. Gow, vous avez

3 entendu la question posée par Monsieur le juge, peut-être pourriez-

4 vous y répondre.

5 R. Tout à fait. Je vous remercie de me l’avoir posée. Aux termes de la

6 Constitution de 1974, les deux provinces autonomes qui, en 1946,

7 étaient comme toutes les autres structures fédérales des structures

8 uniquement formelles, se sont vu conférer en 1974 d’importants

9 pouvoirs relevant d’un gouvernement autonome de facto. Elles étaient

10 distinctes des Républiques, dans la mesure où elles ne jouissaient

11 pas de la même qualité de souveraineté, mais sur de nombreux autres

12 plans, elles avaient les mêmes pouvoirs, les mêmes fonctions, les

13 mêmes structures que les Etats constitués par les Républiques.

14 Donc, en Serbie, le fait que l’ensemble de la Serbie était

15 censé représenter un Etat, un Etat souverain, mais qu’elle possédait

16 en son sein deux provinces autonomes, dont chacune jouissait d’un

17 degré important d’autonomie gouvernementale, était perçu comme la

18 raison pour laquelle le gouvernement serbe de Belgrade ne pouvait

19 pas fonctionner. Les deux provinces pouvaient fixer leurs

20 conditions, elles avaient le droit de veto, dans certaines

21 conditions, elles pouvaient opposer leur veto aux décisions de

22 Belgrade qui elle, à l’époque, n’avait aucun pouvoir lui permettant

23 de supplanter les décisions des provinces.

24 JUGE STEPHEN : Merci.

25 MAITRE NIEMANN : Revenons à la pièce à conviction N° 21. Je suis en train

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1 de regarder les pages 321 et 322 et je vous demanderais, si cela ne

2 vous dérange pas, d’examiner d’abord la traduction anglaise, plus

3 précisément le bas de la page. L’image pourrait-elle être agrandie

4 légèrement.

5 LE PRESIDENT : Le Juge Stephen et moi-même sommes en train de parler de

6 ces provinces autonomes. Comment s’appelaient-elles ?

7 R. Elles s’appelaient la Voïvodine, au nord, et le Kosovo, au sud.

8 MAITRE NIEMANN : Pour que les choses soient claires, on voit bien ces

9 provinces aux frontières de la carte de la Serbie.

10 LE TEMOIN : Ces deux provinces se trouvent à l’intérieur des frontières de

11 la Serbie, elles figurent sur les cartes qui ont été versées, hier,

12 au dossier de ce procès.

13 MAITRE NIEMANN : En rapport avec ce que nous voyons à présent sur l’écran,

14 pouvez-vous nous dire quelle en est l’importance eu égard au grief

15 de la Serbie, pourrait-on dire, à son grief initial ?

16 R. Le paragraphe situé au bas de la page dont je viens de parler

17 renvoie à la question dont je viens de traiter en réponse à la

18 question posée par Monsieur le juge. La question de l’intégrité de

19 l’Etat serbe se définissait - vous verrez qu’il était pratiquement

20 question de le diviser en trois parties - est apparue comme

21 résultant du fait que le nouveau dispositif en vigueur conférait aux

22 provinces autonomes des pouvoirs de facto qui se rapprochaient de

23 ceux des Républiques, si l’on excepte leur non-définition en tant

24 qu’Etats, et qu’une telle situation, c’est ce que dit la suite du

25 paragraphe signifiait - en tout cas c’est de cette façon que la

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1 chose est formulée ici - impliquait une ingérence de ces provinces

2 autonomes dans les affaires intérieures de la Serbie à strictement

3 parler alors que l’ensemble de la Serbie, disait-on, était empêchée

4 de fonctionner par l’existence de ces deux provinces autonomes.

5 Q. Je crois que le paragraphe se poursuit sur la page suivante.

6 R. Si vous prenez la toute dernière phrase de cette page qui se

7 poursuit sur la suivante, je ne sais pas si cela saute aux yeux,

8 mais elle montre que pour eux, la situation de la Serbie n’était pas

9 très clairement définie.

10 Q. Si l’on poursuit la lecture de cette même pièce à conviction, page

11 327, vous voyez que l’on y trouve une nouvelle fois l’expression du

12 rapport entre la Serbie et la Fédération. Peut-être pourriez-vous

13 examiner cette pièce à conviction ?

14 JUGE STEPHEN : Les caractères sont trop petits.

15 MAITRE NIEMANN : je vous demanderais de bien vouloir, d’abord, lire cette

16 pièce.

17 R. Peut-être pourrait-on agrandir ce paragraphe, le paragraphe du

18 milieu, ce qui le rendrait plus lisible. Dans ce paragraphe, vous

19 constaterez que parmi les intellectuels serbes de l’époque, la

20 question en débat n’était pas seulement la situation et la

21 souveraineté de la Serbie, mais également le sort réservé aux

22 populations serbes résidant hors de la République de Serbie. Vous

23 vous rappelez ce dont nous avons discuté hier, lorsque j’ai montré

24 des cartes illustrant la présence de populations serbes en Bosnie-

25 Herzégovine et en Croatie. Dans ce paragraphe, la question de

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1 l’assimilation des Serbes dans les autres parties de la Fédération

2 ainsi qu’en Croatie est évoquée, ainsi donc que la question de leur

3 identité nationale, que ces intellectuels soulèvent au grand jour.

4 En lisant la dernière phrase de ce paragraphe, vous constaterez que

5 les intellectuels serbes discutaient, à l’époque, de l’intégrité de

6 la population serbe en tant que telle, du peuple serbe, dans

7 l’ensemble de la Fédération. Ils estimaient qu’à la fin des années

8 80, le système fédéral ayant évolué vers des structures étatiques

9 multiples, la question des Serbes résidant hors du territoire de la

10 Serbie était importante. Quelques lignes plus haut, vous verrez que

11 le peuple serbe de Croatie était coupé de leur pays d’origine, mais

12 que le pays d’origine avait peu de possibilités de lui venir en aide

13 ou de découvrir exactement quelle était sa situation. Ainsi, tout

14 ceci est important en ce que cela démontre l’intérêt de l’élite

15 serbe pour la situation des Serbes résidant hors de Serbie.

16 Q. Finalement, M. Gow, prenons le bas de la page 35 et le début de la

17 page 36, mais je vous demanderais de regarder d’abord la page 35,

18 notamment le dernier paragraphe. La page 35 d’abord, puis le dernier

19 paragraphe.

20 R. J’aimerais revenir quelques instants sur les pages précédentes. Je

21 pense qu’à la lumière de ce qui devait survenir plus tard ainsi que

22 de certains éléments que j’espère pouvoir exposer plus tard, dans le

23 thème de cette dernière phrase du premier paragraphe, j’aimerais

24 attirer votre attention sur les mots « l’intégrité du peuple

25 serbe », qui va acquérir une grande importance au cours des

Page 175

1 événements ultérieurs.

2 LE PRESIDENT : Cela n’est peut-être pas très important, mais dans la liste

3 des pièces à conviction, ce Mémorandum est daté de 1989. J’ai

4 entendu ce que vous avez dit à son sujet, notamment que sa rédaction

5 datait de 1985 ou 1986. N’a-t-il pas été publié jusqu’en 1989, est-

6 ce cela qui explique cette différence de date ? Je parle de la pièce

7 à conviction n° 21.

8 R. Si vous le permettez, effectivement, cela mérite quelques

9 éclaircissements. J’ai dit qu’il avait, à l’origine, été rédigé en

10 1985, mais qu’il existait un autre texte datant de 1986, mais à ma

11 connaissance il n’a pas été officiellement publié par l’Académie

12 serbe des arts et des sciences, puisque certains de ses membres

13 avaient déclaré qu’il ne s’était jamais agi d’un document officiel,

14 mais plutôt d’un document émanant d’une discussion interne.

15 L’une des versions de ce Mémorandum, de ce document de

16 discussion, est parue dans un journal de Zagreb en 1988, non, plutôt

17 en 1989, et il est identifiable - si je peux le placer sur l’écran,

18 je pourrai vous le montrer - par sa date de parution, qui est 1989.

19 Elle figure sur le document. Les caractères sont probablement trop

20 petits pour que vous puissiez les lire, mais la date figure en haut.

21 Excusez-moi, donc, il a paru en 1988, mais au cours de 1988..., donc

22 c’est 1989, j’ai fait une erreur de lecture.

23 MAITRE NIEMANN : Eu égard à ces problèmes de publication, est-ce que le

24 gouvernement fédéral a fait des efforts, dans la Yougoslavie de

25 Tito, pour contenir, dans la mesure du possible, tout mouvement

Page 176

1 indépendantiste des Républiques ?

2 R. A l’époque de Tito, des mesures de ce genre ont certainement existé.

3 L’un des principaux facteurs qui ont conduit à l’élaboration de la

4 Constitution est à rechercher dans les mouvements nés en Croatie à

5 la fin des années 60 et au début des années 70, qui semblaient

6 aspirer à l’indépendance.

7 L’une des raisons qui expliquent l’adoption de la Constitution

8 de 1974 réside dans la nécessité de renforcer le contrôle exercé sur

9 la Croatie. Je crois que c’était aussi un mécanisme destiné à

10 renforcer le contrôle exercé par le parti communiste sur les

11 Républiques; en effet, cela ne s’est pas passé uniquement en

12 Croatie, mais dans toutes les Républiques, et on peut voir un

13 ricochet de ce mécanisme dans - la Constitution a servi de moyen de

14 règlement du problème que représentait l’attirance des Croates, à

15 l’époque, pour davantage d’indépendance. Cette prise en mains devait

16 passer par un renforcement des structures républicaines du parti,

17 octroyant donc une plus grande autonomie, une plus grande

18 indépendance aux Républiques, le contrôle devant s’exercer au niveau

19 du parti communiste. Mais dans toutes les Républiques, les partis

20 communistes ont finalement, après la mort de Tito, développé de plus

21 en plus leur propre point de vue, en s’écartant des perspectives

22 communistes fédérales promises à la Yougoslavie.

23 Si je peux poursuivre et aller au-delà de la période de Tito,

24 j’aimerais indiquer que la publication d’un document tel que le

25 Mémorandum a créé de profondes inquiétudes dans un pays tel que la

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1 Yougoslavie fédérale, compte tenu de l’importance des rapports

2 existant entre les populations présentes dans les Etats et les

3 Républiques. Les autorités fédérales ont exprimé leur profonde

4 inquiétude, elles ont tenté d’en empêcher la parution et la

5 diffusion, au milieu des années 80, tout comme les autorités de

6 Serbie, qui y voyaient un danger potentiel.

7 Q. Merci. Finalement, j’aimerais vous ramener au dernier paragraphe de

8 la page 335. Là encore, trouvons-nous, dans ce paragraphe une

9 nouvelle expression de ce sentiment d’inadéquation ressenti par la

10 Serbie, qui à ses yeux suffisait à la distinguer des autres

11 Républiques ?

12 R. Le dernier paragraphe entier de cette page indique que ...

13 Q. C’est le paragraphe qui commence par le mot « cependant », n’est-ce

14 pas ?

15 R. Ce paragraphe commence par les mots « le fait que », la phrase

16 commence par les mots « cependant, le plus gros problème vient de ce

17 que le peuple serbe ne possède pas d’Etat, alors que toutes les

18 autres nations, tous les autres peuples, en possèdent un ».

19 L’importance de cette phrase réside, je le redis, dans l’expression

20 de cette réduction de souveraineté ressentie par la République de

21 Serbie. Tous les autres peuples, peuples fondateurs de la

22 Yougoslavie, les Slovènes, les Croates, sont titulaires de leur

23 Etat, mais d’après ce document, la Serbie n’est pas entièrement

24 titulaire du sien en raison de l’existence des deux provinces

25 autonomes. En conséquence, le problème de l’Etat serbe est posé, ce

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1 qui est une façon de remettre en cause les dispositions inhérentes à

2 la Constitution de 1974.

3 Q. Peut-on remettre la pièce à conviction au Greffe ? M. Gow, suite à

4 la parution du Mémorandum dont nous venons de discuter, je parle de

5 la pièce à conviction n° 21, et de celle du programme nationaliste

6 en tant que tel, y a-t-il eu des réactions en Serbie en 1989 ?

7 R. Je suis désolé, pourriez-vous répéter votre question, je vous prie ?

8 Q. Suite à la parution du Mémorandum, y a-t-il eu une réaction en

9 Serbie, en 1989 ?

10 R. A la fin des années 80, en Serbie, la situation de la Serbie à

11 proprement parler et de celle des Serbes résidant dans la Fédération

12 yougoslave était de plus en plus discutée et Slobodan Milosevic, le

13 Président actuel de la Serbie, est alors devenu, en cette fin des

14 années 80, dirigeant de la Ligue des communistes de Serbie, en

15 grande partie pour avoir commencé à se pencher sur les

16 préoccupations des intellectuels et des gens de la rue eu égard à la

17 situation de la Serbie et des Serbes et pour avoir lancé une

18 politique de réintégration des provinces du Kosovo et de Voïvodine.

19 Q. Je voudrais vous prier de regarder le document qui vous est remis

20 maintenant. (Remise du document). De quel document s’agit-il, M. Gow

21 ?

22 R. C’est une copie de la Constitution de la République de Serbie de

23 1974.

24 Q. Connaissez-vous l’origine de ce document ?

25 R. Ce document précis semble provenir, en tout cas je le crois, du

Page 179

1 Journal officiel de la République, mais cela n’est pas indiqué.

2 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame et

3 Messieurs les juges. Il s’agit de la pièce à conviction n° 22. En

4 avons-nous aussi une traduction en anglais, M. Gow ? Au moins pour

5 certains de ses articles ?

6 R. Non.

7 MAITRE NIEMANN : Je demande que cette pièce soit versée au dossier, Madame

8 le Président.

9 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection, Maître Wladimiroff ?

10 MAITRE WLADIMIROFF : Je n’ai pas d’objection si la traduction anglaise est

11 incluse.

12 LE PRESIDENT : Merci. Disposez-vous d’une traduction ?

13 MAITRE NIEMANN : Je pense que la traduction de ces articles se trouve au

14 dos, Madame le Président.

15 LE TEMOIN : Excusez-moi. La traduction n’est pas exhaustive, mais nous

16 avons la traduction de certains passages.

17 MAITRE WLADIMIROFF : Non, nous n’avons pas d’objection.

18 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 22 est donc acceptée.

19 MAITRE NIEMANN (A l’intention du témoin) : M. Gow, je vous prierais de

20 bien vouloir placer sur l’écran, pour commencer, la traduction de

21 l’article 1. En vous référant à cet article, je vous demanderais, si

22 vous le voulez bien, comment étaient gouvernées les provinces

23 autonomes du Kosovo et de Voïvodine.

24 R. L’article qui est actuellement à l’écran montre que la République

25 socialiste de Serbie était reconnue en tant qu’Etat - voyez ce qui

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1 figure au deuxième paragraphe -, en tant qu’Etat du peuple serbe et

2 des autres représentants des peuples et minorités nationales de

3 Yougoslavie, et que c’était l’ensemble de ces peuples qui exerçait

4 des droits souverains, par le biais de la République. Et dans la

5 dernière partie, voyez le passage suivant, il est indiqué que les

6 deux provinces autonomes, la Voïvodine et le Kosovo, étaient

7 identifiées comme faisant partie de la République socialiste de

8 Serbie.

9 Q. Nous en apprenons davantage au sujet du gouvernement de ces

10 provinces dans les articles 291 et 293. Peut-on les montrer à

11 l’écran ?

12 R. L’article qui est actuellement à l’écran indique la nature

13 autogestionnaire des provinces autonomes, mais stipule également

14 qu’en théorie, elles auraient dû agir dans l’intérêt commun du

15 peuple et de la République de Serbie en tant que telle. Est-ce que

16 je peux aussi me référer à l’article 293 ?

17 L’article 293 confirme l’autonomie gouvernementale et indique

18 qu’il appartient aux autorités de ces provinces de déterminer, pour

19 elles-mêmes, la nature de leurs rapports sociaux, juridiques et

20 autres dans les limites de leur territoire et que ces régions

21 devront - que le droit de la République, même s’il s’applique en

22 théorie sur l’ensemble du territoire de celle-ci, devra, dans une

23 certaine mesure, être harmonisé avec le droit des provinces, qui

24 définissent indépendamment leurs règles juridiques et la nature de

25 leurs relations politiques.

Page 181

1 Q. Est-ce que cette pièce à conviction peut être remise au Greffe ? M.

2 Gow, est-ce que la méthode de gouvernement employée dans les

3 provinces autonomes de Serbie a changé en 1989 ?

4 R. En 1989 ? les autorités centrales de la République serbe ont entamé

5 un processus destiné à retirer leur autonomie à ces deux provinces,

6 qui devait finalement déboucher, le 28 septembre 1990, si je ne

7 m’abuse, sur la suppression complète des pouvoirs qui leur avaient

8 été conférés.

9 Q. Quelles ont été les modifications intervenues dans le mode de

10 gouvernement des provinces autonomes ? Comment ont-elles été

11 appliquées ?

12 R. Elles ont été appliquées, avant tout, par la voie juridique, car les

13 organes parlementaires des provinces ont voté eux-mêmes la

14 suppression de l’autorité qui leur avait été dévolue; mais avant

15 cela, le Président serbe avait aussi installé au sein des structures

16 du parti communiste des personnes prêtes à orienter la ligne

17 politique dans ce sens, c’est-à-dire dans le sens d’une suppression

18 des pouvoirs de ces provinces. Au moment où est intervenu le vote

19 final sur la suppression de l’autonomie, ou de certains aspects de

20 celle-ci au Kosovo, il s’est déroulé dans un climat chargé de

21 menaces, et des éléments du Ministère de l’intérieur serbe, du

22 Ministère de l’intérieur fédéral, et je crois également de l’Armée

23 populaire yougoslave, des forces armées, ont été déployées dans la

24 région et autour du Parlement.

25 Q. S’agissant de ces mesures juridiques, pourriez-vous regarder le

Page 182

1 document qui vous est présenté maintenant ? (Remise du document). Je

2 crois que vous trouverez en annexe une traduction d’une partie de ce

3 document.

4 R. Ce document présente les décisions relatives à la proclamation des

5 amendements apportés à la Convention de la République de Serbie. Il

6 provient de Sluzbeni Glasnik, le Journal officiel de la République

7 de Serbie, et effectivement, une traduction anglaise y est annexée.

8 Q. Pendant que vous avez ce document entre les mains, est-ce que ce

9 changement juridique du mode de gouvernement appliqué dans ces

10 provinces se retrouve, notamment dans les amendements 32 et 33 que

11 l’on peut lire en traduction anglaise ?

12 R. Oui.

13 MAITRE NIEMANN : Bien. Je demande que cette pièce soit versée au dossier,

14 Madame le Président. Il s’agit de la pièce n° 23.

15 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection.

16 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 23 est acceptée.

17 MAITRE NIEMANN (A l’intention du témoin) : S’agissant d’un sujet très

18 proche, je vous demanderais de regarder, si vous le voulez bien, le

19 document qui vous est maintenant présenté. (Remise du document). De

20 quel document s’agit-il, M. Gow ?

21 R. C’est une copie d’une version anglaise de la Constitution de Serbie

22 de 1974, publiée en 1990 dans la même série de documents par la

23 maison d’édition Oceana, qui s’intitule « Constitutions de

24 dépendances et de souverainetés particulières »; j’en ai déjà parlé

25 précédemment.

Page 183

1 Q. Je pense qu’à la page 11 - pourriez-vous vous référer quelques

2 instants à la page 11 - vous trouverez la partie liminaire de ce

3 document signé par le Professeur Markovic.

4 R. Oui.

5 R. Savez-vous quel a été le rôle, s’il en a joué un, du Professeur

6 Markovic ? Mais d’abord, d’où vient le Professeur Markovic ?

7 R. Le Professeur Markovic travaille à l’université de Belgrade.

8 Q. Savez-vous quel a été son rôle, s’il en a joué un, eu égard à cette

9 Constitution ?

10 R. Il a joué un certain rôle dans la rédaction de la Constitution, je

11 crois, ayant été chargé de rédiger le commentaire qui lui est

12 annexé.

13 MAITRE NIEMANN : Je demande que cette pièce soit versée au dossier, Madame

14 le Président. Il s’agit de la pièce n° 24.

15 LE PRESIDENT : Pas d’objection de la part de la défense à cette pièce n°

16 24 de l’accusation ?

17 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

18 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 24 est acceptée.

19 MAITRE NIEMANN : Lorsque ce document aura été enregistré, je demanderais

20 qu’il soit remis à nouveau à M. Gow. (A l’intention du témoin). M.

21 Gow, veuillez, je vous prie, vous rendre à la page 5 - je souhaite

22 vous montrer quelques pages de ce Mémorandum, de cette pièce à

23 conviction, en commençant par la page 5 -, à votre avis, cette page

24 apporte-t-elle quelque démonstration que ce soit en rapport avec les

25 questions soulevées dans le Mémorandum de l’Académie serbe des arts

Page 184

1 et des sciences, et si oui, pouvez-vous vous appuyer sur des

2 extraits précis pour démontrer de quelle façon on a cherché à

3 surmonter certains de ces problèmes ?

4 R. La partie la plus significative de ce texte se trouve dans la

5 première phrase, qui indique que le Professeur Markovic considère,

6 en tant que rédacteur de la Constitution, que celle-ci, scellant

7 l’intégration complète des deux provinces au sein des structures

8 républicaines, représente également un moyen, après bien des années,

9 de redonner aux Constitutions leur dignité, en tant que mécanismes

10 légaux valables dans la totalité du cadre yougoslave.

11 Je pense, pour ma part, bien que le Professeur Markovic avance

12 bien d’autres facteurs, je pense que la question de la dignité est

13 l’élément qu’il importe de comprendre, l’élément que je considère

14 comme fondamental pour comprendre les changements intervenus dans la

15 Constitution qui, de l’avis des Serbes, devaient être considérés

16 comme un moyen de restaurer la dignité de la Serbie et de permettre,

17 par conséquent, le fonctionnement de l’ensemble du système

18 constitutionnel.

19 Q. Je pense, M. Gow, mais il n’est pas indispensable de les montrer à

20 l’écran, à moins que vous ne le jugiez utile, je pense qu’il y a

21 d’autres références à ce point en pages 9, 10 et 11; est-ce exact ?

22 R. En page 9, le Professeur Markovic souligne que selon la nouvelle

23 Constitution serbe, un seul Etat existe, comme partout ailleurs dans

24 le monde, qui est le territoire de l’Etat unique de Serbie, et que

25 c’est quelque chose de normal, conforme à ce qui devrait être. Là

Page 185

1 encore, pour revenir sur les questions déjà évoquées en rapport avec

2 l’intégrité et la souveraineté territoriale et autre de la Serbie,

3 il est désormais estimé que ces questions sont résolues grâce à la

4 nouvelle Constitution.

5 JUGE VORAH : Pourriez-vous, je vous prie, nous indiquer les passages

6 pertinents.

7 LE TEMOIN : Oui, effectivement, si vous le désirez.

8 MAITRE NIEMANN : Peut-être cela pourrait-il être utile.

9 R. Le paragraphe que je vous montre indique « Selon la nouvelle

10 Constitution de Serbie, un seul Etat existe, comme partout ailleurs

11 dans le monde », etc...

12 Q. Peut-être pourriez-vous nous montrer la page 10 ?

13 R. Le dernier paragraphe pose la question du statut constitutionnel de

14 la Serbie au sein de la Fédération. Y est abordé le problème

15 découlant du fait que la création d’une Constitution forte risque

16 d’aller à l’encontre de la forme fédérale donnée à la Yougoslavie

17 fédérale par la Constitution de 1974. Il y est indiqué que, selon le

18 Professeur Markovic, c’est un moyen de simplement rendre plus

19 précise la relation entre la Serbie et la Fédération, même si, pour

20 le moment, la primauté de la Constitution fédérale est toujours

21 reconnue; mais si vous lisez la page 11, vous y trouverez

22 l’indication d’un début de possibilité de voir naître une autre

23 Yougoslavie non fédérale, même s’il est également stipulé dans le

24 paragraphe que cela n’est pas dans l’intérêt de la Serbie, à ce

25 stade.

Page 186

1 En avançant dans le paragraphe, je crois que vous verrez que

2 la Serbie commence à se préparer à la dissolution de la Yougoslavie

3 et à ce qu’elle considère comme la nécessité d’entreprendre des

4 actions d’autodéfense, qui pourraient inclure ce qu’elle conçoit

5 comme un moyen, au moins formel, de se défendre, à savoir prendre

6 ses distances par rapport à la Constitution fédérale; au cas où la

7 Serbie constaterait des violations de la Constitution fédérale qui

8 se feraient à son détriment, elle entreprendrait des actions

9 d’autodéfense ou, pour être plus précis, « les autorités de la

10 République publieront des arrêtés destinés à défendre l’intérêt de

11 la République de Serbie ».

12 Q. La pièce à conviction peut-elle être rendue au Greffe ? M. Gow, les

13 événements du Kosovo ont-ils influé sur ce qui s’est produit dans

14 les autres parties de la Fédération de Yougoslavie ?

15 R. Oui. Dans le processus de désintégration globale des relations entre

16 les différentes Républiques de la Fédération, les événements du

17 Kosovo - la suppression de l’autonomie dont jouissait le Kosovo, en

18 particulier -, ont encouragé ceux qui, dans les autres parties de la

19 Fédération commençaient à penser à des mécanismes d’autoprotection.

20 Les gens ont commencé à craindre de plus en plus que ce qui se

21 passait au Kosovo et en Voïvodine pouvait faire partie d’un

22 programme mis au point par les dirigeants serbes de Belgrade et

23 destiné à étendre le contrôle de Belgrade à l’ensemble de la

24 Fédération. Par conséquent, la question des mesures à prendre,

25 notamment la possibilité de l’accès à l’indépendance, a fait l’objet

Page 187

1 de discussions dans les autres Républiques, à l’inverse de

2 l’évolution constatée en Serbie.

3 Q. Rappelez-nous, simplement, une nouvelle fois, de quelle période nous

4 sommes en train de parler, de quelles dates précises.

5 R. Nous parlons de la période qui se situe dans la seconde moitié des

6 années 80, plus particulièrement de 1988 et des années qui ont

7 suivi, avec une accentuation de ce processus en 1989 et au début des

8 années 90.

9 Q. Je sais que vous en avez déjà parlé brièvement, mais je vous

10 demanderais d’y revenir. A part les mesures légales que nous avons

11 examinées au travers de documents, quels autres événements se sont

12 produits au Kosovo et en Voïvodine, qui ont influé sur les autres

13 Républiques ?

14 R. Les changements intervenus dans les dispositifs constitutionnels ont

15 été mis en oeuvre, en partie, parce que la République de - la Ligue

16 des communistes de Serbie - avait également pris le contrôle, un

17 contrôle effectif, sur les partis communistes de ces régions, ou

18 était en train de prendre le contrôle, dans cette période, et aussi

19 parce qu’étaient présents, au Kosovo, divers types de forces armées.

20 La population à prédominance albanaise organisa une série de

21 protestations et un grand nombre d’Albanais furent tués au cours

22 d’affrontements avec la police et les forces de sécurité fédérales.

23 La situation était très tendue et lorsque l’autonomie du

24 Kosovo lui a finalement été retirée, la situation s’est caractérisée

25 par un déploiement de véhicules blindés dans le quartier entourant

Page 188

1 le Parlement du Kosovo, à Pristina.

2 Q. Qui a été le principal architecte de la suppression de l’autonomie

3 du Kosovo ? Qui se trouvait principalement derrière cette mesure ?

4 R. Le dirigeant de la Ligue des communistes de Serbie de l’époque,

5 celui qui est aujourd’hui Président de la République de Serbie,

6 Slobodan Milosevic, était considéré comme le principal instigateur

7 de ces changements.

8 Q. Passons, maintenant, si vous le voulez bien, à la Bosnie. Selon

9 quelles lignes directrices les partis politiques se sont-ils créés,

10 à cette époque précise ?

11 R. Dans une situation difficile, alors que le processus de

12 désintégration était, selon moi, bien entamé sur les territoires de

13 la RSFY, les partis ont de plus en plus manifesté une tendance à

14 adopter une ligne nationaliste. Il y eut donc une série d’élections,

15 en 1990, qui commencèrent en Slovénie et se poursuivirent, au cours

16 de cette même année, dans les autres Républiques; toutes visaient à

17 mettre en place une politique nationaliste en Bosnie-Herzégovine.

18 Ainsi, des communistes nationaux et des représentants de partis

19 nationalistes furent élus et constituèrent une coalition en

20 Slovénie; un parti nationaliste fut élu, à une forte majorité en

21 Croatie; le même phénomène se déroula sur l’ensemble des territoires

22 de la Fédération. En Serbie et au Monténégro, les deux partis

23 communistes furent réélus, en Serbie le parti avait été rebaptisé

24 « parti socialiste de Serbie », mais il avait également une très

25 forte connotation nationaliste dans sa ligne politique.

Page 189

1 En Bosnie-Herzégovine, qui était l’Etat le plus diversement

2 peuplé de la Fédération yougoslave, les organes politiques

3 commencèrent à se diviser en fonction des tendances ethno-nationales

4 des populations. Ainsi, au moment des élections, une forte

5 proportion des voix fut recueillie par les trois partis créés sur

6 des bases ethno-nationales, à savoir le parti musulman d’action

7 démocratique, le parti démocratique serbe et la section croate de la

8 communauté démocratique croate; chacun de ces partis adopta, à ce

9 moment-là, une ligne politique reflétant, ostensiblement pour le

10 moins, les intérêts d’une communauté ethno-nationale particulière de

11 la Bosnie-Herzégovine.

12 Q. Pourriez-vous nous dire, pour nous aider un peu, quelles étaient les

13 initiales associées à ces différents partis politiques de Bosnie, à

14 commencer peut-être par le parti musulman d’action démocratique,

15 quel est le sigle traditionnellement attaché à ce parti ?

16 R. Le parti musulman d’action démocratique est habituellement, ou

17 souvent, désigné sous le nom de SDA, Stranka demokratshe akcije,

18 dirigé par l’actuel Président de Bosnie-Herzégovine, Alija

19 Izetbegovic; le parti démocratique serbe est habituellement appelé

20 SDS, Srpska demokratska stranka, dirigé par Monsieur Radovan

21 Karadzic; la communauté démocratique croate, qui est également le

22 nom du parti dirigé par le Président Franjo Tudjman de Croatie,

23 possède une section en Bosnie-Herzégovine. Le sigle désignant

24 couramment cette section est HDZ, Hrvatska demokratska zajednica, et

25 son dirigeant était, à l’époque, un homme appelé Stjepan Kljuic. La

Page 190

1 direction de ce parti a changé depuis lors.

2 Q. Ces partis ont-ils alors élu un Président de la présidence ? Peut-

3 être pourriez-vous nous expliquer ce que cela signifie dans le

4 contexte de la Bosnie-Herzégovine.

5 R. La présidence de Bosnie-Herzégovine était un organe collégial.

6 C’était l’organe du pouvoir. Il n’y avait pas un Président unique.

7 Il existait une direction tournante, comme c’était également le cas,

8 selon ce que j’ai dit plus tôt, au niveau de la Fédération. Cet

9 organe a élu, parmi ses membres (je crois qu’ils étaient sept, mais

10 n’en suis pas certain), Alija Izetbegovic au poste de Président de

11 la Bosnie-Herzégovine, pour la première période précédant la

12 rotation.

13 Q. Que se passait-il en Serbie pendant que ces événements se

14 produisaient en Bosnie ?

15 Y a-t-il eu, à cette époque, des élections en Serbie ?

16 R. Oui. Les élections se sont déroulées en Serbie à la fin de 1990,

17 elles ont donné une substantielle victoire au parti communiste

18 rebaptisé, au parti socialiste de Serbie, dirigé par Slobodan

19 Milosevic. De même, le parti communiste du Monténégro, qui n’avait

20 pas changé de nom, a obtenu une victoire substantielle également,

21 sous la direction de Mumir Bulatovic.

22 Q. A votre avis, qu’a signifié le résultat de ces élections pour la

23 Yougoslavie, je veux parler de la Fédération yougoslave ?

24 R. Le résultat de ces élections dans les différentes Républiques a

25 confirmé à quel point les Républiques étaient séparées, à quel point

Page 191

1 elles s’orientaient dans des directions différentes, et à quel point

2 ces directions qu’elles empruntaient se fondaient sur la perception

3 des intérêts nationaux de chacune des Républiques ou, dans certains

4 cas peut-être, des intérêts du groupe titulaire prédominant au sein

5 de ces Républiques. Ces événements ont, sans aucun doute, ouvert la

6 voie à la dissolution qui devait survenir quelques années plus tard.

7 Q. D’autres signes de cette dissolution de la Yougoslavie sont-ils

8 apparus à peu près au même moment ? Je parle du début des années 90.

9 R. Alors que les relations entre Républiques en tant qu’Etats fédérés

10 étaient en train d’éclater, avec pour conséquence l’arrivée au

11 pouvoir de partis nationalistes plus ou moins dans toutes les

12 Républiques, les relations sociales ont également commencé à se

13 désintégrer, au niveau intercommunautaire, dans certaines parties

14 des territoires de la RSFY, notamment dans certaines régions de

15 Croatie, en 1990, suite à l’élection du gouvernement HDZ du

16 Président Franjo Tudjman, qui a pris certaines mesures consistant,

17 notamment, à adopter une nouvelle Constitution et à restructurer le

18 Ministère de l’intérieur; ces mesures commencèrent à susciter des

19 inquiétudes, dans un contexte marqué par les divergences existant

20 entre les différentes directions des Républiques. Tout cela a fait

21 croître la tension intercommunautaire, étant donné que les Serbes

22 résidant - qui, dans certaines régions de Croatie étaient

23 majoritaires et commençaient à se sentir aliénés, les Serbes

24 résidant dans ces régions, contrairement aux Serbes qui pouvaient

25 encore habiter les zones urbaines, telle la capitale, Zagreb -, ont

Page 192

1 commencé à se sentir aliénés et des problèmes ont surgi au sein de

2 ces communautés, notamment dans les relations entre Serbes et

3 Croates. En 1990, une série d’incidents a éclaté, dont certains ont

4 été marqués de violences, qui ont ouvert la voie au déploiement des

5 troupes de l’Armée fédérale dans la région, aux fins d’en prendre le

6 contrôle. Au même moment, des incidents moins nombreux mais en

7 augmentation et de nature comparable se produisaient en Bosnie-

8 Herzégovine. Donc, au moment où les relations entre Etats se

9 dégradaient, les relations intercommunautaires au sein de certains

10 des Etats de Bosnie commençaient à se dégrader également.

11 Q. Les Serbes de Krajina ont-ils réagi de quelque façon que ce soit aux

12 mesures prises par le Président Tudjman, je parle de la

13 restructuration du Ministère de l’intérieur croate ?

14 R. Il y eut une réaction à l’adoption, par le gouvernement croate,

15 d’une nouvelle Constitution qui, apparemment, modifiait le statut du

16 peuple serbe, réaction qui visait également les tentatives de

17 réorganisation du Ministère de l’intérieur qui, pour une part,

18 devaient permettre de se débarrasser des communistes présents dans

19 ces structures étatiques, et pour une autre part, devaient

20 constituer un mécanisme destiné à se débarrasser des Serbes. Il est

21 très difficile, pour quiconque, de dire s’ils voulaient se

22 débarrasser des communistes ou des Serbes, car les deux phénomènes

23 se fondaient en un seul, dans ce contexte. Cette mesure a très

24 certainement eu pour résultat que les Serbes de Krajina ont commencé

25 à se sentir menacés et la situation était telle, compte tenu de

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1 l’appui fourni par Belgrade et, dans certains cas, par l’Armée

2 populaire yougoslave, que les Serbes locaux ont commencé à créer des

3 régions autonomes. Au cours de l’année 1990, ils en créèrent deux,

4 dont la première recouvrait la Krajina, et l’autre la Slavonie

5 orientale, l’ouest du Srem et la Baranja. Dans ces deux régions, ils

6 ont commencé à créer, c’est un fait certain pour la Krajina, ce qui

7 de facto était un territoire interdit à toutes les autorités

8 croates.

9 JUGE STEPHEN : Je me demande si je pourrais vous poser une question

10 d’éclaircissement. Je crois comprendre que le terme « krajina »

11 signifie « frontière » et qu’il existait une ancienne tradition

12 selon laquelle les Serbes étaient les gardiens de la frontière de

13 Krajina contre les Turcs. Est-ce là qu’il convient de rechercher

14 l’origine de ce terme ?

15 MAITRE NIEMANN : Peut-être. M. Gow, pourriez-vous aider Monsieur le juge

16 sur ce point ?

17 R. J’en serai très heureux. Si je peux me permettre, je préférerais le

18 faire avec l’aide d’une carte. Puis-je en avoir une ?

19 JUGE STEPHEN : Faites-le au moment que vous jugerez opportun, pas

20 nécessairement maintenant.

21 LE TEMOIN : Non, je pense que ceci est un moment tout à fait opportun.

22 MAITRE NIEMANN : Peut-être cette carte, qui est la pièce à conviction n°

23 2, pourrait-elle être placée sur l’écran ?

24 R. Le terme « krajina » signifie « frontière ». Les zones frontalières

25 indiquées ici, sur les territoires de Croatie et de Bosnie-

Page 194

1 Herzégovine, comme je l’ai dit plus tôt, ont représenté, pendant la

2 majeure partie de plusieurs siècles, la frontière séparant deux

3 empires, l’Empire austro-hongrois des Habsbourg et l’Empire ottoman

4 turc. Le terme « krajina » ou « vojna krajina » signifie « frontière

5 militaire » et cette zone s’étendait de l’intérieur de la Dalmatie,

6 à peu près ici, jusqu’aux frontières de la Croatie et de la Bosnie,

7 en passant par la Voïvodine (qui faisait alors partie de l’Empire

8 austro-hongrois) et certaines parties de Timisoara et de ce qui

9 constitue aujourd’hui la Roumanie.

10 La totalité de cette zone constituait une région frontalière

11 militaire. La population y était mixte. C’est dans les régions

12 serbes que la population était la plus nombreuse. Les dispositions

13 régissant la vie des habitants de ces zones leur accordaient des

14 privilèges fiscaux et certaines concessions; ces habitants étaient

15 censés résider dans ces régions, utiliser la terre, à condition que,

16 le cas échéant, ils acceptent de garder la frontière.

17 S’agissant du cas particulier des rapports entre les

18 populations à prédominance serbe et le Sabor croate - le Sabor était

19 l’équivalent d’un Parlement, qui existait en Croatie à l’époque de

20 l’Empire austro-hongrois -, des difficultés surgissaient souvent, du

21 fait que le Sabor de Zagreb voulait exercer un contrôle fiscal et

22 d’autre nature sur ces habitants, alors que ceux-ci bénéficiaient

23 d’un statut spécial, qui leur avait été octroyé par Vienne,

24 s’agissant des conditions de leur existence. Leur statut spécial

25 n’allait pas au-delà de cela, et ces régions n’étaient pas

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1 exclusivement serbes, il y avait des régions mixtes, peuplées de

2 Serbes, de Croates, de Slovènes, de Roumains, de Hongrois, qui

3 s’étendaient tout le long de la frontière, jusqu’à ce qui constitue

4 aujourd’hui la Roumanie.

5 Mais le terme « krajina » signifie « frontière » et la « vojna

6 krajina » était la zone frontalière militaire que l’on voit ici, le

7 terme « krajina » servant à désigner aujourd’hui une partie de ce

8 territoire, la partie recouvrant l’intérieur de la Dalmatie, ici;

9 c’est là qu’en 1990/91, les populations étaient majoritairement

10 serbes dans six municipalités.

11 MAITRE NIEMANN : Peut-être simplement pour en finir avec ce point, cette

12 frontière était la frontière de quoi par rapport à quoi ?

13 R. Comme je l’ai déjà dit, c’était la frontière séparant l’Empire

14 austro-hongrois des Habsbourg et l’Empire ottoman turc.

15 Q. M. Gow, il y a quelques instants, nous parlions des différentes

16 mesures, tant politiques que d’autre nature, qui ont un rapport avec

17 le début de l’éclatement de la Yougoslavie, et nous faisions plus

18 particulièrement référence aux élections. Y avait-il, à ce moment

19 particulier, des propositions destinées à régler la crise politique

20 de plus en plus profonde qui a marqué le début des années 90 ?

21 R. Au cours de la première moitié des années 90, diverses idées ont été

22 formulées pour dessiner l’avenir des relations entre les Républiques

23 au sein de la Fédération. La plus importante d’entre elles, l’idée

24 d’une Fédération modernisée, a été avancée par Borisav Jovic, le

25 représentant serbe à la présidence fédérale collégiale. Il

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1 préconisait, pour l’essentiel, une version renforcée, plus

2 centralisée, de la Fédération existante.

3 Une autre idée, avancée par la Slovénie et la Croatie,

4 préconisait une confédération formalisée. Certains y voyaient un

5 moyen de réaliser l’éclatement de la Fédération. La dernière idée -

6 nouvelle idée avancée en 1991, donc assez tardivement - préconisait

7 une Fédération asymétrique et émanait des dirigeants de Bosnie-

8 Herzégovine et de Macédoine, qui pensaient à une fédération ou à une

9 confédération à la carte; chacun continuerait à faire partie du

10 cadre yougoslave, mais pourrait en tirer tout ce qu’il souhaitait y

11 prendre.

12 Dans ce contexte, il convient de mentionner également le

13 Premier Ministre fédéral de l’époque, qui fut le dernier Premier

14 Ministre fédéral; il essaya d’ignorer les problèmes croissants qui

15 se faisaient jour dans toutes les Républiques et de mettre au point

16 un programme de réforme économique, qui sembla remporter quelque

17 succès au début de l’année 1990, mais devint moins fructueux au

18 cours du second semestre de cette même année.

19 Q. Quelle était la position de la Serbie dans tout cela ?

20 R. La Serbie, s’alignant sur la proposition de Borisav Jovic qui

21 préconisait une Fédération modernisée, était favorable à une

22 centralisation accrue de la Fédération, à la suppression d’une

23 grande partie de l’indépendance dont jouissaient les Républiques, à

24 une concentration du pouvoir une nouvelle fois à Belgrade et elle

25 était donc opposée aux propositions des confédéralistes slovènes et

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1 croates, qui souhaitaient consolider le pouvoir des Républiques et

2 confirmer les dispositions de facto qui venaient d’être adoptées.

3 MAITRE NIEMANN : Est-ce que le moment vous convient ?

4 LE PRESIDENT : Oui, tout à fait, oui.

5 Nous suspendons l’audience pendant 15 minutes.

6 (11 h 30)

7 (L’audience est suspendue brièvement)

8 (11 h 50)

9 LE PRESIDENT : Maître Niemann, vous pouvez poursuivre.

10 MAITRE NIEMANN : Merci, Madame le Président. M. Gow, avant la suspension

11 d’audience, vous discutiez des tentatives mises en oeuvre, des

12 diverses propositions avancées aux fins de tenter de sauver la

13 Fédération du risque de fragmentation qui la menaçait. Je pense que

14 vous avez abordé le fait que le Premier Ministre de la Fédération

15 yougoslave de l’époque, le Premier Ministre Markovic, avait

16 également formulé une proposition. Peut-être pourriez-vous y

17 revenir, et nous dire quel a été le sort de sa proposition.

18 R. Je ne suis pas sûr qu’il est exact de dire qu’il a formulé une

19 proposition en bonne et due forme. Il était favorable à ce qu’une

20 espèce de communauté yougoslave continue à exister, sous la forme

21 d’une fédération ou d’une confédération, peu lui importait, à

22 condition que soit restauré un espace économique unique. Il a tenté

23 de faire son possible, grâce à un programme de réforme économique

24 qu’il a lancé au début de l’année 1990. Au cours du second semestre

25 de 1990, les succès apparents du premier semestre de l’année, à

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1 savoir la réduction de l’inflation, qui était tombée d’un

2 pourcentage mensuel de 2 600 % à 0, ne suffirent plus à créer une

3 base permettant de construire un dispositif rénové, capable de régir

4 les relations entre les Républiques yougoslaves. Je pense qu’il

5 convient de rechercher la cause de ce phénomène essentiellement dans

6 le fait que les diverses Républiques ayant toutes leurs perspectives

7 propres, aucune d’entre elles n’a souhaité appuyer ce genre de

8 programme; à Belgrade comme à Ljubljana, la capitale slovène, chacun

9 défendait sa perspective propre et nul ne démontrait le moindre

10 intérêt à soutenir Markovic, dans ses efforts pour créer une

11 politique économique qui eût permis la permanence d’une communauté

12 yougoslave. Les intérêts de chacun étant distincts, personne n’a

13 accepté de soutenir la Fédération.

14 Q. Bien. Qu’est-il arrivé à la Slovénie, ou plutôt, que s’est-il passé

15 en Slovénie en décembre 1990 ?

16 R. En décembre 1990, les autorités slovènes ont autorisé l’organisation

17 d’un référendum sur la question de l’éventuelle indépendance de la

18 Slovénie. Ce référendum a massivement soutenu, il s’est massivement

19 prononcé en faveur de la proposition selon laquelle la Slovénie

20 devait accéder à l’indépendance, si aucun accommodement n’était

21 trouvé par les Républiques yougoslaves dans les six mois à venir.

22 Les autorités slovènes commencèrent à préparer l’indépendance dès

23 cet instant, tout en continuant à discuter de la possibilité qu’une

24 communauté yougoslave continue à exister.

25 Q. Je vous demanderais de regarder le document qui vous est présenté

Page 199

1 maintenant. De quel document s’agit-il ?

2 R. C’est un extrait du Uradni list, le Journal officiel de la

3 République, qui rend compte du résultat du référendum, et une

4 traduction anglaise y est annexée.

5 Q. Dans cette traduction, on constate qu’une majorité écrasante des

6 voix s’est prononcée pour la séparation, n’est-ce pas ?

7 R. Oui, effectivement. Vous voyez qu’une majorité écrasante des

8 électeurs a voté pour l’indépendance de la République de Slovénie.

9 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame et

10 Messieurs les juges. Il s’agit du document n° 25.

11 LE PRESIDENT : Pourriez-vous nous le montrer à l’écran, M. Gow, je vous

12 prie ? Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 25 ?

13 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

14 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 25 est acceptée.

15 LE TEMOIN : L’intégralité de l’information figure à la première page de

16 l’extrait original. Sur la traduction, elle déborde sur la seconde

17 page. A la première page figure l’indication du nombre de personnes

18 autorisées à voter et du nombre d’électeurs ayant voté au cours du

19 plébiscite. A la deuxième page figure l’indication du nombre total

20 de bulletins de vote déposés dans les urnes et ici, l’indication du

21 nombre total d’électeurs ayant répondu « oui » à la question de

22 savoir si la République de Slovénie devait devenir un Etat

23 indépendant et souverain. Immédiatement en-dessous de cette

24 indication, figure le chiffre correspondant aux électeurs ayant voté

25 « non » et, enfin, le nombre de bulletins détériorés d’une façon ou

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1 d’une autre.

2 Q. M. Gow, à votre avis, à quel moment la Fédération de Yougoslavie a-

3 t-elle cessé de fonctionner ?

4 R. Bien qu’il soit extrêmement difficile à quiconque de répondre

5 précisément à cette question, je dirais que la Fédération a

6 probablement cessé de fonctionner le 15 mai 1991, date à laquelle la

7 procédure de nomination du Président de la présidence collégiale de

8 la Fédération a été interrompue. Cette procédure consistait en une

9 rotation annuelle automatique, dont l’ordre était déterminé par les

10 lois votées en vertu de la Constitution de 1974 et, à cette époque,

11 la présidence aurait dû passer des mains du représentant serbe,

12 Borisav Jovic, entre celles du représentant croate, qui était alors

13 Stjepan Mesic; mais pour la première fois, un vote formel a été

14 exigé sur la question de cette rotation. Or, quatre représentants

15 étaient, en raison des changements intervenus dans la structure

16 interne de la Serbie, soumis à la République de Serbie. Il leur a

17 donc été possible de s’appuyer sur les votes du Monténégro et des

18 deux provinces autonomes pour bloquer la rotation et je pense que

19 c’est à partir de ce moment qu’il est permis de dire que la

20 Fédération a, à l’évidence, cessé de fonctionner en tant que

21 Fédération.

22 Q. Est-il également exact d’affirmer qu’à partir de ce moment, la

23 Fédération n’avait plus de chef d’Etat ?

24 R. Il serait exact de dire que le chef de l’Etat officiel de la RSFY

25 après la mort de Tito était le Président de la présidence et que,

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1 dans une situation où il n’existait plus de Président de la

2 présidence, techniquement, la Yougoslavie n’avait plus de chef de

3 l’Etat officiel, même si elle avait, elle continuait abstraitement à

4 avoir un chef d’Etat collectif, à savoir la présidence elle-même.

5 Q. Peut-être pourriez-vous - Pourriez-vous nous donner quelques détails

6 supplémentaires quant à la façon dont la Serbie est parvenue à ses

7 fins, en termes de nombre de voix, etc. ?

8 R. Je récapitule. En raison des changements intervenus, tant au sein

9 des structures du parti que, ce qui est encore plus important, au

10 sein des structures étatiques et administratives, à ce moment-là, la

11 République de Serbie a pu compter, non seulement sur son vote

12 propre, mais aussi sur le vote du Monténégro, où la Serbie était

13 considérée comme responsable du changement intervenu en 1989 au

14 niveau des dirigeants, qui avait porté Bulatovic au pouvoir, ce

15 dernier étant un porte-voix du Président Milosevic, ainsi que sur

16 les votes du Kosovo et de la Voïvodine; en effet, en raison des

17 changements intervenus, leurs représentants étaient désormais de

18 facto considérés comme les représentants de la Serbie plutôt que de

19 ces deux provinces.

20 Q. Donc, en fait, la Serbie disposait de quatre voix, alors que les

21 autres Républiques ne pouvaient compter que sur une voix ?

22 R. Je crois qu’il est permis de dire - ce que l’on peut dire, c’est que

23 la Serbie exerçait un contrôle plus ou moins total, sûre qu’elle

24 était d’obtenir trois voix, dans cette situation, et alors qu’elle

25 pouvait compter sur une quatrième voix, celle du Monténégro. Il est

Page 202

1 significatif de constater que, bien que l’autonomie effective des

2 deux provinces leur ait été retirée, leurs représentants au sein de

3 la présidence fédérale collégiale étaient toujours en exercice.

4 Q. Et le Président de la présidence qui devait arriver au pouvoir était

5 un Croate ?

6 R. C’est exact. Il s’agissait de Stipe Mesic, le représentant croate au

7 sein de la Fédération, à l’époque, au sein de la présidence fédérale

8 collégiale, à l’époque.

9 Q. Qu’a fait la Croatie en présence de tels événements ?

10 R. La Croatie s’est, évidemment, trouvée plongée dans la consternation

11 et quatre jours plus tard, elle organisait un référendum sur la

12 question de la perspective de l’indépendance. Bien que la décision

13 d’organiser ce référendum datait déjà d’une semaine ou deux, j’ai

14 oublié la date exacte, mais elle était légèrement antérieure,

15 l’incidence des événements du 15 mai a consisté à catalyser la

16 question du référendum, à la veille de sa tenue effective, en

17 montrant clairement aux Croates, si cela n’était pas encore clair à

18 leurs yeux, qu’il convenait de soutenir l’idée de l’indépendance de

19 la Croatie. Je pense que c’est ce qu’ils auraient fait de toute

20 façon, même dans d’autres circonstances.

21 Q. Je vous demanderais de regarder le document qui vous est présenté

22 maintenant. (Remise du document). De quel document s’agit-il ?

23 R. Il s’agit de Narodne novine, le Journal officiel de la République de

24 Croatie, et plus précisément d’un extrait de ce document rendant

25 compte de la décision d’organiser un référendum sur la question de

Page 203

1 l’indépendance croate.

2 Q. Cet extrait s’accompagne-t-il d’une traduction anglaise ?

3 R. Oui.

4 Q. Peut-être pourriez-vous la placer à l’écran à notre intention ? Je

5 pense qu’il s’agit du document n° 646, n’est-ce pas ?

6 R. Il s’agit de la décision d’organiser un référendum. Vous voyez que

7 les deux questions portaient sur l’avenir des relations de la

8 Croatie : la Croatie devait-elle devenir un Etat indépendant et

9 souverain, n’excluant pas la possibilité de former une fédération

10 avec d’autres Républiques, selon les propositions de confédération

11 émanant de Slovénie et de Croatie, le deuxième question portant sur

12 le fait de savoir si, oui ou non, la République de Croatie devait

13 demeurer au sein de la Yougoslavie, telle qu’elle existait à

14 l’époque de la RSFY, aux conditions stipulées dans la proposition de

15 Borisav Jovic dont j’ai déjà parlé.

16 LE PRESIDENT : Avant d’examiner les détails de cette proposition, y a-t-il

17 une objection ? Je suppose que tel n’est pas le cas. Il s’agit de la

18 pièce à conviction n° 26.

19 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

20 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 26 est donc acceptée. Je n’avais

21 pas l’intention de vous interrompre dans votre déposition au sujet

22 de ce document.

23 MAITRE NIEMANN : Suite à ces référendums, M. Gow, la Slovénie et la

24 Croatie ont-elles publié des déclarations d’indépendance ?

25 R. Si vous me le permettez, j’aimerais simplement ajouter qu’en

Page 204

1 Croatie, également, une majorité écrasante des électeurs s’est

2 prononcée en faveur de l’indépendance, selon la formulation utilisée

3 dans les questions posées, et le 25 juin 1991, la Slovénie et la

4 Croatie se sont déclarées indépendantes de la RSFY.

5 Q. Cela se retrouve-t-il dans le document qui vous est présenté

6 maintenant ? De quel document s’agit-il ?

7 R. Cela se retrouve dans ce document, tiré du Uradni list de la

8 République de Slovénie, qui reprend le texte de la déclaration

9 d’indépendance.

10 Q. Connaissez-vous l’origine de ce document ?

11 R. Je suis désolé...

12 Q. Connaissez-vous l’origine de ce document ?

13 R. J’ai déjà dit qu’il provenait du Uradni list, Journal officiel de la

14 République de Slovénie.

15 Q. Oui. Je demande que cette pièce à conviction soit versée au dossier,

16 Madame le Président.

17 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 27 ?

18 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

19 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 27 est acceptée.

20 MAITRE NIEMANN : Je crois vous avoir entendu dire qu’une déclaration

21 similaire avait été publiée en Croatie. Est-ce exact ?

22 R. C’est exact.

23 Q. En regardant cette pièce à conviction, ce nouveau document qui vous

24 est maintenant remis (Remise du document), est-ce que c’est aussi -

25 enfin, pouvez-vous nous dire de quel document il s’agit ?

Page 205

1 R. Ce document, encore une fois, est un extrait du Journal officiel de

2 la République de Croatie; il contient la décision constitutionnelle

3 relative à la souveraineté et à l’indépendance de la République de

4 Croatie, en date du 20 juin 1991.

5 Q. Ce document fait-il référence à - excusez-moi, une traduction

6 anglaise accompagne-t-elle ce document ?

7 R. Une traduction anglaise accompagne ce document. Elle est tirée du

8 numéro 3 191 de Yugoslav Survey, parution des autorités fédérales de

9 la SFRY à Belgrade.

10 Q. Oui. Je demande que cette pièce à conviction soit versée au dossier,

11 Madame le Président.

12 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 28 ?

13 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

14 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 28 est donc acceptée.

15 MAITRE NIEMANN : M. Gow, quelle a été l’incidence de ces déclarations

16 d’indépendance, auxquelles vous venez de vous référer dans les

17 pièces à conviction n° 27 et 28 versées au dossier ?

18 R. Ces déclarations d’indépendance ont éliminé de façon très nette et

19 peut-être définitive l’avenir, toute possibilité d’avenir pour une

20 communauté yougoslave. Elles ont servi à indiquer clairement

21 l’intention des Républiques de Slovénie et de Croatie de devenir

22 indépendantes. Elles ont posé le problème du statut des autres

23 Républiques yougoslaves et ont entamé le processus, le processus

24 ultime de désintégration, et y compris celui du conflit armé que

25 nous connaissons tous trop bien.

Page 206

1 Q. Qu’en était-il de la République de Serbie ? Quelle était sa position

2 ?

3 R. La République de Serbie a formellement continué à soutenir

4 l’existence de la RSFY, bien que, de facto, il apparaissait, le

5 Président serbe apparaissait comme prêt à un accord limité, sinon

6 formel, avec le dirigeant de la République de Slovénie, Milan Kucan,

7 quant à l’avenir possible pour la Slovénie. Mais, pour l’essentiel,

8 la République de Serbie s’est opposée, formellement opposée à la

9 séparation.

10 Q. Je vous demanderais de bien vouloir regarder le document 29. Pouvez-

11 vous me dire de quel document il s’agit ?

12 R. Ce document est un extrait des « Constitutions des pays du monde »,

13 paru chez Oceania, maison d’édition dont j’ai déjà parlé, qui porte

14 sur les Républiques fédérales de Yougoslavie. La République fédérale

15 de Yougoslavie est le nom adopté par la Serbie et le Monténégro

16 après l’éclatement de la RSFY.

17 Q. Quelle a été l’incidence de ce document ?

18 R. L’incidence du document qui m’a été remis ici, et qui scelle la

19 création de la République fédérale de Yougoslavie par les

20 dirigeants, par les représentants de Serbie et du Monténégro, a

21 consisté à confirmer la fin de la RSFY, si tant est qu’il y ait eu

22 quelque doute quant à la fin de son existence, et donc à achever le

23 processus de désintégration de cette RSFY. Ainsi, entre la fin,

24 entre le moment où je dirais que la Fédération a définitivement

25 cessé de fonctionner, le 15 mai 1991, le moment où la Slovénie et la

Page 207

1 Croatie ont indiqué qu’elles la considéraient comme ne fonctionnant

2 plus en déclarant leur indépendance, le 25 juin 1991, et la présente

3 déclaration, parue le 27 avril 1992, la RSFY a subi un processus de

4 dissolution qui, s’il n’était pas entièrement achevé jusque là,

5 s’est entièrement achevé le 27 avril 1992, date à laquelle cette

6 déclaration a été publiée.

7 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

8 Président.

9 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection ?

10 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection.

11 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 29 est acceptée.

12 MAITRE NIEMANN : Peut-être ce document pourrait-il être remis au témoin,

13 après enregistrement. Je voudrais vous prier de nous parler de cette

14 déclaration et de sa date de parution.

15 R. Je commencerais par indiquer quel est le titre du document, qui est

16 « Déclaration ». Si vous vous rendez au paragraphe 1 et à la phrase

17 qui le précède, vous lisez : « Les représentants du peuple de la

18 République de Serbie et de la République du Monténégro déclarent

19 créée la République fédérale de Yougoslavie et affirment la

20 continuité de l’identité étatique, internationale, juridique et

21 politique de l’ancienne RSFY ».

22 JUGE STEPHEN : Puis-je poser une question ? Cela signifie-t-il que la

23 nouvelle République fédérale de Yougoslavie reconnaissait, par sa

24 création, que ni la Slovénie, ni la Croatie n’en faisaient plus

25 partie ?

Page 208

1 R. Oui, je crois que c’est une lecture exacte.

2 Q. Et qu’elle reconnaissait ces deux Etats comme indépendants ?

3 R. Je dirais que c’était également le cas.

4 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourriez-vous simplement nous montrer la date

5 qui apparaît sur ce document ?

6 R. La date, comme vous le voyez, est le 27 avril 1992, à Belgrade.

7 MAITRE NIEMANN : M. Gow, après la parution de cette déclaration, la

8 dernière dont nous venons de parler, que s’est-il passé par la suite

9 dans ce qui était l’ex-Yougoslavie ?

10 R. Après la déclaration établissant la République fédérale de

11 Yougoslavie, je dirais qu’il s’en est suivi - il y avait déjà eu une

12 période de conflit armé, mais le résultat de la somme des

13 déclarations auxquelles nous avons fait référence, y compris la

14 déclaration finale établissant la République fédérale de

15 Yougoslavie, a été la disparition formelle de la RSFY, ainsi que le

16 début et la poursuite du conflit armé.

17 JUGE STEPHEN : Excusez-moi, puis-je poursuivre dans le sens de cette

18 dernière question ? Où en était alors la Bosnie-Herzégovine,

19 précisément exclue de la nouvelle République fédérale de

20 Yougoslavie, mais ne s’étant pas encore déclarée indépendante de

21 l’ex-Yougoslavie ?

22 MAITRE NIEMANN : Oui.

23 LE TEMOIN : La Bosnie-Herzégovine avait déclaré son indépendance par

24 rapport à l’ancienne RSFY et je crois que nous établirons ce fait

25 dans la suite de cette déposition.

Page 209

1 JUGE STEPHEN : Merci.

2 MAITRE NIEMANN : Elle était établie, à ce moment-là ?

3 R. Oui. Mais elle était établie à ce moment-là.

4 Q. M. Gow, j’aimerais maintenant que nous examinions la situation

5 militaire en Yougoslavie et notamment celle de l’Armée populaire

6 yougoslave au sein de la République socialiste fédérative de

7 Yougoslavie. Je vous demanderais de nous en parler pour ce qui

8 concerne la période ayant conduit à l’éclatement du pays et la

9 période ultérieure. Premièrement, en vertu de la Constitution,

10 quelle était la situation des forces armées de Yougoslavie au début

11 du conflit armé de 1990 ?

12 R. Les forces armées de Yougoslavie se composaient de deux éléments. Le

13 premier élément était une force armée régulière, l’Armée populaire

14 yougoslave et il convient de noter ce terme « populaires », qui

15 reflète l’orientation communiste de la RSFY. Il arrive parfois

16 aujourd’hui, parce que le terme « narod » signifie à la fois

17 « peuple » et « nation », que vous le trouviez traduit par le

18 vocable « nationales ». Or, ce terme avait une connotation très

19 précise en tant que « narod », désignant le peuple des Républiques

20 populaires, à l’instar des Républiques populaires existant dans

21 d’autres pays communistes d’Europe centrale et orientale, dans la

22 période de l’après-guerre.

23 Le second élément était un élément territorial qui, du point

24 de vue de l’organisation, devait être adjoint à la défense du pays

25 en temps de guerre et était organisé au niveau des Républiques.

Page 210

1 L’Armée fédérale dépendait d’un Ministère fédéral de la défense

2 populaire, quant à la Défense territoriale, elle dépendait d’un

3 Ministère de la République, même si ces deux éléments étaient censés

4 agir dans le même but, la défense de la RSFY.

5 Q. En rapport avec ce point, pourrait-on montrer au témoin la pièce à

6 conviction n° 19 ? M. Gow, je vous prierais de prêter une attention

7 particulière à l’article 240. (Remise du document). En regardant cet

8 article 240 et en vous y référant plus particulièrement, quelle est

9 son importance, s’agissant d’illustrer la situation des forces

10 armées de la République socialiste fédérative de Yougoslavie.

11 R. Le second paragraphe, que je vais vous montrer à présent, confirme

12 l’existence de la structure à deux niveaux dont je parlais à

13 l’instant. Le premier paragraphe indique également que les forces

14 armées s’étaient vu conférer un rôle constitutionnel particulier -

15 particulier et explicite -, consistant non seulement à défendre le

16 pays contre une menace extérieure, mais également à défendre la

17 souveraineté, l’intégrité territoriale et le système social établi

18 en vertu de la Constitution du moment, c’est-à-dire de la

19 Constitution de 1974 dans la RSFY.

20 Ainsi, l’Armée populaire yougoslave s’était vu conférer un

21 rôle particulier, un rôle constitutionnel à cette époque.

22 Q. Merci. La pièce à conviction peut-elle demeurer ?

23 LE PRESIDENT : J’aimerais mieux comprendre. Le premier paragraphe de

24 l’article 240 stipule « ...défend la souveraineté indépendante,

25 l’intégrité territoriale et le système social de la République

Page 211

1 socialiste fédérative de Yougoslavie établi en vertu de la présente

2 Constitution ». Alors, que prévoyait cette Constitution ? Que la

3 nation se composait, non seulement de la Serbie à l’intérieur de ses

4 frontières territoriales, mais également de l’ensemble des peuples

5 vivant à l’intérieur de l’ex-Yougoslavie ? Est-ce bien le sens exact

6 ?

7 R. Le texte fait référence, non pas à la République de Serbie, à la

8 Serbie spécifiquement, mais à la République socialiste fédérative de

9 Yougoslavie, à la fédération des six Etats. La prérogative

10 constitutionnelle accordée à l’Armée populaire yougoslave (selon la

11 lecture que je fais de cet article) consistait à se voir conférer un

12 rôle dans la préservation de cette structure fédérale et du système

13 socialiste d’autogestion, ou si vous préférez, du système régi par

14 le parti communiste qui avait été institué dans l’ensemble de la

15 Fédération. L’Armée avait donc pour tâche, non seulement de

16 préserver l’indépendance du pays en cas de menace extérieure, mais

17 également de préserver les relations intérieures établies par cette

18 Constitution de 1974.

19 Q. Redites-moi quelles étaient les relations intérieures établies par

20 la Constitution, au moins en ce qui concerne les rapports existant

21 entre les peuples serbes hors des frontières territoriales de la

22 Serbie, s’il en existait - ou est-ce que je fais une confusion ?

23 R. Je ne sais pas exactement si l’Armée était censée jouer un rôle

24 particulier à cet égard.

25 Q. OK. Cela répond à ma question.

Page 212

1 R. Je ne vois pas une définition de son rôle dans la Constitution de

2 1974.

3 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, peut-être la pièce à conviction

4 pourrait-elle demeurer entre les mains du témoin, car je

5 souhaiterais y revenir un peu plus tard.

6 (A l’intention du témoin) : M. Gow, quel était le but de ce système

7 à deux niveaux organisant les forces armées de la République

8 socialiste fédérative de Yougoslavie ?

9 R. L’intention du premier niveau, celui de l’Armée populaire

10 yougoslave, était de constituer le premier échelon de défense en cas

11 d’attaque contre la RSFY. L’objectif qui lui était assigné était

12 simplement de tenter une action de contention, peut-être pendant 48

13 heures ou plus, pour laisser le temps au second élément, aux forces

14 de la Défense territoriale, de se mobiliser. La Défense territoriale

15 voulait incarner pleinement la doctrine dite de défense générale.

16 Cette doctrine de défense s’appuyait, pour l’essentiel, sur l’idée

17 qu’une résistance armée de masse, normalement due à des mouvements

18 de guérilla, pouvait dissuader d’une quelconque attaque, étant

19 donnée la promesse, en cas d’attaque contre la RSFY, d’une longue et

20 difficile campagne qui, au départ, pourrait voir tomber le premier

21 échelon de défense, mais disposerait ensuite d’une force de guérilla

22 qui continuerait longtemps le combat. Donc, l’objectif premier

23 consistait à tenter de dissuader de toute attaque, en persuadant

24 chacun qu’une telle attaque serait trop difficile à accomplir; le

25 second objectif consistait à prendre les dispositions nécessaires

Page 213

1 pour assurer la défense du pays au cas où quelqu’un se lancerait

2 dans une telle attaque - de fournir le type de défense que j’ai

3 décrit au cas où quelqu’un se résoudrait à attaquer.

4 Q. Quelle était l’explication historique justifiant un tel système à

5 deux niveaux ?

6 R. Un élément de cette explication nous fait remonter à la seconde

7 guerre mondiale, à la tradition des partisans, qui a débouché sur la

8 création de l’Armée populaire yougoslave et la mise en place d’un

9 pouvoir communiste dans la Yougoslavie fédérale. Au début de la

10 guerre, ce même type de tactique de guérilla avait permis aux

11 partisans d’appliquer avec succès leur stratégie globale. Bien sûr,

12 au cours de la suite de la guerre, au fur et à mesure qu’ils

13 remportaient des succès, cette force de guérilla s’est largement

14 transformée en une force plus régulière. Mais l’idée qu’il était

15 possible de combattre des opposants extérieurs par ce type de

16 guérilla a été un facteur important, et c’est ce qui explique

17 l’existence de cet élément dans le système de défense yougoslave

18 après 1945.

19 Le type particulier de défense territoriale défini dans la

20 doctrine de la défense populaire générale a été introduit après

21 1968. Il existait une sorte particulière de force de défense

22 territoriale, qui constituait l’élément de réserve de l’Armée

23 régulière jusqu’à cette date; mais elle a changé de nature en 1968,

24 au moment où le sentiment réel d’une invasion possible s’est fait

25 jour, je crois, suite à l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie,

Page 214

1 en 1968, au moment où de réelles mesures ont été prises, notamment

2 celle de conférer aux Républiques le pouvoir d’organiser la défense

3 territoriale sur leur territoire. Et ce parce que, en cas d’attaque

4 réelle, il deviendrait nécessaire de disposer d’un point d’appui,

5 sous la forme d’un contrôle politique local, le contrôle politique

6 global ne pouvant être garanti en cas d’attaque. Etant donné qu’une

7 attaque était considérée comme une perspective réelle, il fallait de

8 réelles mesures pour y réagir.

9 Q. M. Gow, y avait-il un équilibre ethnique au sein de la JNA ?

10 R. Il y avait un équilibre ethnique au sein de la JNA, à savoir de

11 l’Armée populaire yougoslave, la Jugoslavenska narodna armija, et au

12 sein de la JNA, il y avait un équilibre au niveau du corps des

13 appelés, dont la répartition correspondait à la répartition des

14 communautés ethniques de l’ensemble du territoire de la RSFY. Ainsi,

15 on trouvait au sein du corps des appelés, par exemple, la même

16 proportion de Serbes ou, par exemple, de Croates, que dans la

17 population totale des jeunes gens de 18 à 24 ans. La même

18 proportionnalité s’appliquait à toutes les communautés représentées

19 dans ce corps.

20 Au sein du corps des officiers, des éléments réguliers, la

21 proportionnalité par rapport à la population totale n’était pas

22 aussi bien respectée, malgré des tentatives relevant d’un système

23 connu sous le nom de système de « clés », système de « clés

24 ethniques », visant à tenter de maintenir un équilibre entre les

25 représentants des différentes communautés ethno-nationales, au moins

Page 215

1 aux niveaux supérieurs.

2 Q. Cette question ethnique était-elle également prise en compte dans la

3 Constitution ?

4 R. Oui.

5 Q. Peut-être pourriez-vous montrer à l’écran l’article 242 de la pièce

6 à conviction n° 19, que vous avez entre les mains ?

7 R. Si je vous montre l’article 242 de la Constitution, vous verrez que,

8 s’agissant de la composition du corps des officiers et du problème

9 des promotions destinées à tenter de maintenir le principe d’une

10 représentation aussi proportionnelle que possible des Républiques et

11 des provinces autonomes, l’intention d’agir de la sorte existait bel

12 et bien. L’intention existait donc de tenter de maintenir un

13 équilibre proportionnel, au sein du corps des officiers, entre des

14 individus issus de toutes les parties de la Fédération.

15 Q. Quelle était la situation de la force de défense territoriale, en

16 termes de commandement, par rapport à la JNA ?

17 R. Les forces de défense territoriale dépendaient des Ministères de la

18 défense des Républiques. Une telle organisation a été mise en place,

19 au moins dans une certaine mesure, en conjonction avec des

20 représentants de la JNA. Et en temps de guerre, il était envisagé

21 que, dans la mesure du possible, les forces de défense territoriale

22 s’intégreraient à des unités de la JNA, mais il était également

23 admis que, dans une situation caractérisée par l’existence de

24 groupes isolés menant une campagne de guérilla, le commandement

25 serait entre les mains de dirigeants politiques et militaires

Page 216

1 locaux.

2 Q. Quel était le statut de la JNA au sein de la Ligue des communistes

3 de Yougoslavie ?

4 R. Au sein de la Ligue des communistes de Yougoslavie, la JNA - je

5 crois l’avoir peut-être déjà dit ce matin - était dans une situation

6 marquée par le fait qu’elle disposait du même nombre de

7 représentants qu’une province autonome au Comité central de la Ligue

8 des communistes de Yougoslavie. Le Comité central de la Ligue des

9 communistes était effectivement l’organe clé, dans lequel les

10 éléments de la Fédération étaient - au sein des structures du Parti,

11 les éléments de la Fédération étaient représentées. Dans un système

12 régi par un parti communiste, ce Comité central pouvait être

13 considéré, de facto, comme équivalant davantage à un Parlement

14 souverain que le Parlement lui-même.

15 Q. Je pense, en poursuivant sur le même thème, la JNA jouait-elle un

16 rôle politique en Yougoslavie ?

17 R. Elle s’est vu conférer un rôle politique dans la mesure où elle

18 faisait effectivement partie de l’organe clé, de l’organe central de

19 la Ligue des communistes de Yougoslavie. Je crois que son rôle

20 politique était plus vaste que cela. Le Ministre fédéral de la

21 défense, qui était toujours le Général le plus gradé de l’Armée,

22 devenait également de facto un membre ex-officio de la présidence

23 fédérale collégiale. Il était toujours présent, ou presque toujours

24 présent aux réunions - je n’affirmerais pas absolument qu’il était

25 toujours présent - et puis, la JNA était chargée, et là, on revient

Page 217

1 à son rôle constitutionnel, en l’étendant et en l’interprétant peut-

2 être quelque peu, elle était également chargée, dans un certain

3 sens, d’assurer la succession de Tito. L’idée étant que, puisqu’il

4 s’agissait d’un organe s’intéressant à la Fédération dans sa

5 totalité et n’ayant aucun intérêt exclusif par rapport à l’une ou

6 l’autre des Républiques, cet organe serait capable de continuer à

7 jouer le rôle de Tito en tant que représentant de l’intérêt de toute

8 la Fédération.

9 Tito et l’Armée ont oeuvré ensemble, en 1971, pour résoudre

10 les problèmes surgis en Croatie, dont j’ai déjà parlé, lorsque les

11 signes de l’existence d’un mouvement désireux d’accéder à davantage

12 d’indépendance se sont manifestés en Croatie. A compter de cette

13 époque, je crois que Tito a vu dans l’Armée un moyen possible de

14 préparer l’avenir yougoslave après sa mort - je devrais plutôt dire

15 l’avenir yougoslave et communiste.

16 Q. Il voyait la JNA jouer un rôle dans cet avenir ?

17 R. Je pense que Tito voyait manifestement la JNA jouer un rôle dans la

18 Fédération, en étant une voix de plus parmi les partis et autres

19 organes qui représentaient les intérêts de la Yougoslavie fédérale,

20 et non ceux des Républiques ou des provinces considérées isolément.

21 Q. Les forces de désintégration de la Fédération dont vous avez attesté

22 l’existence au sein de la Fédération yougoslave ont-elles eu une

23 incidence quelconque sur la JNA ?

24 R. Alors que se préparaient les événements de la fin des années 80 et

25 des années 90, la JNA, à l’évidence, a subi des tensions et des

Page 218

1 pressions certaines. C’était une armée multi-ethnique, où étaient

2 représentées toutes les communautés vivant sur les territoires de la

3 RSFY. Si elle était plutôt bien disposée à l’égard de la Fédération,

4 elle ne pouvait éviter de subir les tensions constatées dans les

5 rapports entre Républiques ainsi que dans les rapports entre

6 communautés. Donc, des tensions sont apparues, qui ont débouché sur

7 un changement de caractère de la JNA.

8 Q. Les changements intervenus dans l’organisation des forces militaires

9 ont-ils été la conséquence de l’action de ces forces de

10 désintégration ?

11 R. Certains changements ont été la conséquence de l’existence de ces

12 tensions, d’autres peut-être pas. A compter de la fin de 1988, la

13 JNA a subi une réorganisation, par laquelle ont été créés cinq

14 districts militaires. Cette réorganisation (nous y reviendrons sans

15 doute plus tard) a joué un rôle important au moment de la

16 dissolution de la RSFY, lorsqu’il y a eu recours aux forces armées.

17 Au-delà de cela, manifestement, les pressions exercées sur la

18 JNA en ont changé le caractère. Elles ont eu pour résultat que la

19 JNA s’est de plus en plus appuyée sur les éléments serbes, puisque

20 les individus, les groupes non serbes ont commencé à se soustraire

21 de plus en plus souvent au service militaire, ou ont commencé à être

22 considérés comme des éléments non fiables et assez difficiles au

23 sein des structures de la JNA.

24 Q. Vous avez parlé des districts militaires; quelle a été l’incidence

25 de ces transformations sur les événements de 1990 et des années

Page 219

1 ultérieures, si tant est qu’elles en aient eu une ?

2 R. L’incidence particulière de ces transformations des structures

3 militaires a résidé, d’abord, dans le fait qu’elles représentaient

4 une forme de dévolution de l’autorité. Dans le cadre de ces

5 transformations, il était envisagé de renforcer le commandement

6 local dans des situations particulières, et donc une autorité accrue

7 a été transférée vers les niveaux inférieurs, qui ont pu prendre

8 davantage d’initiatives.

9 Ce fait devait peut-être - je souligne ce « peut-être » -

10 devenir important. Par exemple, en République de Croatie, en 1990 et

11 1991, où des éléments du corps local de Knion ont manifestement

12 coopéré avec les Serbes locaux, auxquels ils ont permis de se

13 fournir en armes dans les arsenaux de la JNA, mesure qui, je le

14 répète, a peut-être été prise par les commandants locaux, moyennant

15 cette dévolution de l’autorité au niveau local.

16 Ce fait a aussi acquis une certaine importance, dans la mesure

17 où les changements de frontière des districts militaires ont étendu,

18 par exemple, la frontière du premier district militaire qui, par le

19 passé, était la frontière - ont étendu la frontière du premier

20 district militaire. Par le passé, cette frontière séparait la

21 province de Voïvodine de la République de Croatie, la province de

22 Voïvodine, qui se trouvait au nord de la République de Serbie, de la

23 République de Croatie. Cette frontière a été étendue jusqu’à

24 recouvrir le territoire situé à l’ouest de celle-ci, à l’intérieur

25 de la République de Croatie. C’est dans les frontières de ce

Page 220

1 district militaire, par exemple, qu’une importante activité armée se

2 développa en 1991, particulièrement centrée sur la ville de Vukovar.

3 Cette activité se développa sous l’égide du premier district

4 militaire de la JNA de l’époque.

5 Q. M. Gow, pourriez-vous, je vous prie, regarder le document qui vous

6 est remis maintenant ? Peut-être cette pièce à conviction, la pièce

7 n° 19, pourrait-elle être retournée au Greffe ? M. Gow, quel est le

8 document que je viens de vous remettre ?

9 R. Ce document est un ouvrage intitulé « Moje vidjenje raspade », qui

10 signifie « ma vision de l’écroulement » ou de la « désintégration ».

11 L’auteur en est le Général Veljko Kadijevic, qui était Ministre

12 fédéral de la défense à l’époque dont nous parlons, c’est-à-dire du

13 début de 1990 au début de 1992, et par conséquent le Général le plus

14 gradé de l’Armée en 1991, date du début du conflit armé sur les

15 territoires de l’ex-Yougoslavie. Cet ouvrage résume son point de vue

16 sur l’éclatement du pays, il s’agit, si vous voulez, de son récit,

17 de ses mémoires en relation avec ces événements.

18 Q. C’est l’homme dont vous avez parlé lorsque vous avez évoqué une

19 participation aux décisions fédérales pratiquement équivalente à

20 celle des Républiques ? Je me suis peut-être mal exprimé, mais vous

21 voyez ce que je veux dire.

22 R. Oui. Cet homme, en tant que Ministre fédéral de la défense,

23 participait au gouvernement fédéral et était partie aux décisions du

24 gouvernement fédéral, il était également le représentant ex-officio

25 siégeant aux réunions de la présidence fédérale collégiale.

Page 221

1 Q. Merci. Une traduction anglaise accompagne-t-elle ce texte ?

2 R. Je crois que oui. Oui.

3 Q. Oui. Je demande que cette pièce à conviction soit versée au dossier,

4 Madame le Président.

5 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 30 ?

6 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

7 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 30 est acceptée.

8 MAITRE NIEMANN : Une fois que cette pièce à conviction aura été

9 enregistrée, pourrait-elle être à nouveau remise au témoin ? Je vous

10 demanderais d’abord de placer la première page de la version croate

11 sur l’écran.

12 -------

13 R. Je crois qu’elle est sans doute quelque part. Il s’agit plutôt d’une

14 version serbo-croate.

15 Q. Mais la photographie de la personne qu’on y voit ?

16 R. C’est la page de couverture de l’ouvrage, où nous voyons le Général

17 Kadijevic photographié en page de couverture de son livre.

18 Q. Merci. Je vous prierais de vous rendre, si vous le voulez bien, à la

19 page 61 de la traduction anglaise de cet ouvrage. Peut-être

20 pourriez-vous d’abord y jeter un coup d’oeil, avant de la placer sur

21 l’écran ? Peut-être pourriez-vous nous dire quelle est l’importance

22 de ce qui figure sur cette page, eu égard à la déposition que vous

23 venez de faire au sujet de l’éclatement du pays ?

24 R. Si vous le permettez, je vais essayer de vous montrer des passages.

25 Q. Peut-être pourrait-on mettre ce paragraphe-ci, en évidence ?

Page 222

1 R. Pour commencer, le Général Kadijevic indique qu’au moment où il

2 écrit, en 1991, nous ne sommes plus en présence d’un Etat yougoslave

3 réellement commun. Plus bas, il indique quelle était la position

4 concrète de la JNA, ce que cela signifiait en termes concrets, à

5 savoir protéger et défendre le peuple serbe hors de Serbie et

6 regrouper la JNA à l’intérieur des frontières de la future

7 Yougoslavie. Celle-ci se composant de territoires comprenant, non

8 seulement la Serbie et le Monténégro, ce qui était une chose

9 entendue, mais également des parties des Républiques de Bosnie-

10 Herzégovine et de Croatie.

11 Q. Merci. Puis-je, maintenant, vous renvoyer à une autre page, la page

12 72 ?

13 LE PRESIDENT : Pouvez-vous me redire le numéro de la page ?

14 MAITRE NIEMANN : Il s’agissait de la page 61, Madame le Président.

15 LE PRESIDENT : De la traduction anglaise, oui.

16 JUGE STEPHEN : Dans la partie du texte que nous avons sous les yeux, il

17 apparaît que des portions de la Bosnie et de la Croatie y seraient

18 incluses ?

19 LE TEMOIN : J’ajoute l’interprétation dans le but - lorsque le Général

20 écrit « la frontière », ici, il écrit « à l’intérieur des frontières

21 de la future Yougoslavie ». Les frontières de la future Yougoslavie

22 ne sont pas définies dans cette portion du texte, elles découlent de

23 la compréhension d’autres parties du texte.

24 LE PRESIDENT : C’était, en fait, la question que j’ai essayé de formuler

25 plus tôt. Lorsque vous parliez des deux éléments différents

Page 223

1 composant l’Armée yougoslave, la JNA, vous avez dit que l’une était

2 la JNA et l’autre la Défense territoriale; ce que j’ai essayé de

3 faire, c’est d’établir un lien entre la responsabilité de l’élément

4 constitué par la Défense territoriale de la JNA et la vision de la

5 Serbie telle qu’on la trouve dans la Constitution de Serbie. Peut-

6 être est-ce impossible, mais si vous regardez la pièce à conviction,

7 je crois qu’il s’agit de la pièce n° 24, je pensais qu’il y était

8 fait référence au fait que la Serbie ne constituait pas uniquement -

9 je peux vous renvoyer à l’une quelconque des pièces à conviction

10 dont vous avez parlé hier, la pièce n° 2 convient, je suppose - ne

11 s’arrêtait pas particulièrement à cette frontière géographique à

12 l’ouest, mais en vertu de la Constitution, s’étendait également aux

13 peuples vivant dans d’autres régions de l’ex-Yougoslavie. Si la

14 Constitution, pour le moins - peut-être suis-je dans l’erreur -

15 considère ces divers éléments comme constituant la Serbie, lorsque

16 vous y ajoutez la responsabilité de cette portion de la JNA, je veux

17 parler de l’élément Défense territoriale - vous froncez les sourcils

18 parce que vous ne comprenez rien de ce que je suis en train de dire

19 - vous en arrivez à voir une partie de la JNA s’engager dans des

20 actions militaires en dehors des frontières territoriales définies

21 de la Serbie, pour défendre des peuples constitués de descendants

22 serbes vivant à l’extérieur de ces frontières ? Comprenez-vous ma

23 question embrouillée ?

24 R. Je n’en suis pas absolument certain, mais en essayant d’y répondre,

25 peut-être constaterons-nous que je l’ai comprise.

Page 224

1 LE PRESIDENT : En fait, vous nous avez dit que c’était le sujet traité

2 dans ce document.

3 R. Je pense qu’il me faut établir clairement que la JNA n’était pas

4 l’Armée de la République de Serbie. Elle était l’Armée de la RSFY...

5 Q. De l’ensemble ?

6 R. ... dont la République de Serbie était un élément. La République de

7 Serbie ne recouvrait, ni constitutionnellement ni, je pense,

8 d’aucune autre manière, les Serbes vivant hors de cette République,

9 à savoir les Serbes de Bosnie-Herzégovine ou de Croatie. La

10 responsabilité, la responsabilité constitutionnelle de la JNA et le

11 rôle politique qui lui a été dévolu étaient en rapport avec toute la

12 RSFY. Son rôle concernait la communauté d’Etats, des six Etats et

13 des différents peuples.

14 L’emploi du terme « peuples », comme je crois l’avoir déjà

15 dit, est parfois quelque peu ambigu, car en serbo-croate, un terme

16 unique, « narod », peut servir à désigner une nation ethno-

17 nationale, un groupe humain ethno-national et un peuple, au sens

18 courant donné à ce terme, soit les populations résidant à

19 l’intérieur des frontières d’un Etat.

20 Lorsque nous avons examiné la Constitution de 1974 de la

21 République de Serbie, j’ai indiqué clairement qu’il y était stipulé

22 que la République de Serbie était l’Etat du peuple serbe et des

23 autres groupes, et que la souveraineté était exercée par tous, ce

24 qui signifiait qu’elle était exercée par les populations résidant

25 sur le territoire de la République. Mais, à l’évidence, l’ambiguïté

Page 225

1 a suscité des questions, notamment parmi les populations dont la

2 perspective était davantage ethno-nationale que fondée sur la

3 politique ou le droit constitutionnel, ou sur la politique ou le

4 droit international, si l’on veut. Les discussions qui ont surgi ont

5 provoqué d’intenses débats en certains lieux.

6 Tout ce que je peux dire, c’est que je considère qu’il va de

7 soi que dans le processus de dissolution de la Yougoslavie, ces

8 interprétations du mot « peuple » comme représentant les habitants

9 d’un territoire, c’est-à-dire une République déterminée, ont été

10 largement admises dans les débats qui ont surgi entre les Etats

11 yougoslaves, ainsi que par la communauté internationale, et je peux

12 - je pense que j’aurai l’occasion d’expliciter ce fait un peu plus

13 tard.

14 Pour revenir, plus précisément, à la situation de la JNA,

15 celle-ci était chargée de veiller sur la sécurité de toute la RSFY,

16 elle n’était pas chargée d’assumer la responsabilité d’un groupe

17 particulier au sein de la RSFY. Donc, lorsque le Général indique

18 qu’à leurs yeux, le premier objectif concret consistait à protéger

19 et à défendre le peuple serbe hors de Serbie et à regrouper la JNA à

20 l’intérieur des frontières de la future Yougoslavie, il parle de

21 créer quelque chose de nouveau, et plus de préserver l’ancienne

22 RSFY, mais de créer quelque chose de nouveau, qui serait une mini-

23 Yougoslavie ou, en termes concrets, comme beaucoup l’ont compris,

24 une expansion de la République de Serbie s’appuyant sur la création

25 d’une nouvelle Fédération. J’espère avoir bien compris votre

Page 226

1 question et y avoir bien répondu.

2 Q. Il envisageait l’emploi des troupes de la JNA pour défendre des

3 personnes vivant hors des frontières territoriales de la Serbie de

4 l’époque ?

5 R. Oui.

6 Q. Et ces personnes dont il pense qu’il était de leur responsabilité de

7 les protéger étaient définies, à l’époque, selon ce que vous avez

8 dit, dans la Constitution de 1974, à savoir pas simplement les

9 populations résidant à l’intérieur des frontières géographiques de

10 la Serbie, mais également des personnes vivant dans d’autres régions

11 yougoslaves et d’ascendance serbe ? Si je fais erreur, n’hésitez pas

12 à me le dire.

13 R. Je pense que l’interprétation exacte du rôle conféré par la

14 Constitution de 1974 est qu’il lui fallait défendre le système

15 englobant toutes les Républiques et toutes les communautés

16 yougoslaves, et que ce rôle ne consistait pas à défendre un groupe

17 particulier.

18 MAITRE NIEMANN : Pour poursuivre dans le sens indiqué par la question de

19 Madame le Président, un changement important est intervenu, n’est-ce

20 pas, au sein de la JNA, à l’époque ? A savoir que la JNA n’était

21 plus l’Armée fédérale, responsable de toute la Yougoslavie, Croatie,

22 Slovénie et tout le reste inclus, mais que selon les propos du

23 Général Kadijevic, elle ne relevait plus, plus modestement, que de

24 la nouvelle Fédération de Yougoslavie, donc de la Serbie et du

25 Monténégro, et la responsabilité de l’Armée consistait à protéger

Page 227

1 les Serbes vivant dans cette nouvelle Fédération, plus les Serbes

2 vivant hors de celle-ci. Ai-je bien résumé ?

3 R. Je crois avoir tout entendu et je dirais que c’est un bon résumé de

4 la situation. La JNA était responsable de tout le territoire de la

5 RSFY ainsi que de tous ses éléments constitutifs, Républiques et

6 peuples. Dans la situation de dissolution, alors que comme le dit le

7 Général, il n’y avait plus réellement d’Etat yougoslave commun, plus

8 réellement de Fédération, la JNA s’est trouvée dans une situation

9 très difficile, je suppose, et elle en est arrivée à s’aligner sur

10 un projet, sur un projet étatique qui était centré sur les peuples

11 serbes résidant dans tous les territoires de la RSFY, et plus

12 seulement dans la République de Serbie.

13 Q. A quelle date a-t-il écrit cela ? A quel moment l’a-t-il écrit ?

14 R. Il a écrit au cours du deuxième semestre de 1991, tout au long de

15 1991, mais plus particulièrement au cours du second semestre. Il a

16 écrit cela en 1992, après avoir quitté son poste de Ministre fédéral

17 de la défense et de chef des armées. Et je crois que le livre a

18 finalement été publié en 1993.

19 Q. OK. Peut-être pourriez-vous, maintenant, passer à la page 72, et M.

20 Gow, vous pourriez regarder d’abord la pièce à conviction, regarder

21 d’abord la page 72, avant de la placer sur l’écran .

22 R. J’indiquerai d’abord que dans le passage que je vous montre à

23 présent, le Général déclare qu’il existait une vision claire d’une

24 certaine Yougoslavie en train de prendre forme et, qu’en

25 conséquence, la JNA a conceptualisé et planifié son déploiement dans

Page 228

1 un contexte marqué par la création de cette nouvelle Yougoslavie. Il

2 identifie la nature - l’existence de cette transformation de la JNA

3 et de son orientation vers -

4 LE PRESIDENT : Puis-je simplement changer le texte de place ?

5 LE TEMOIN : Je crains que la partie située à droite de l’écran ne soit pas

6 visible.

7 LE PRESIDENT : Je souhaite que vous voyiez bien, mais nos difficultés

8 provenaient de la partie gauche.

9 JUGE STEPHEN : Le texte est toujours décalé d’un côté.

10 LE PRESIDENT : Cela va mieux, comme cela ?

11 LE TEMOIN : Parfait.

12 LE PRESIDENT : Vous voyez bien ?

13 LE TEMOIN : Oui.

14 LE PRESIDENT : Nous voyons bien.

15 LE TEMOIN : Merci. Deuxièmement, disais-je, le texte indique l’existence

16 d’une transformation nationale de la JNA, eu égard à la nouvelle

17 Yougoslavie. J’indiquerai, finalement, qu’il identifie à nouveau la

18 JNA comme ayant accompli son travail de protection du peuple serbe

19 de Croatie, sous couvert d’avoir empêché des affrontements entre

20 populations, d’empêcher la violence intercommunautaire au cours de

21 l’année 1991. La JNA déclarait officiellement que son déploiement

22 avait pour seul but le « maintien de la paix », la nécessité de

23 séparer les communautés, la nécessité d’empêcher des affrontements

24 intercommunautaires, mais il est clairement indiqué dans le texte

25 que, ce faisant, elle concevait sa tâche comme consistant à défendre

Page 229

1 le peuple serbe; mais à cette époque, au cours du deuxième semestre

2 de 1991, la JNA ne pouvait plus accomplir de la même façon cette

3 mission de protection du peuple serbe.

4 MAITRE NIEMANN : Je pense que le texte se poursuit sur la page 73.

5 R. Oui.

6 LE PRESIDENT : M. Gow, je n’abandonne pas, quelle est la base

7 constitutionnelle que l’on trouve dans les pièces à conviction dont

8 nous disposons, qui prouve que la nation de Serbie s’étendait au-

9 delà des frontières territoriales mentionnées dans la pièce à

10 conviction n° 2 ?

11 R. Aucune base constitutionnelle n’établissait clairement ce fait.

12 Q. Où est-il stipulé, dans ce cas, qu’il existe une nation de Serbie

13 élargie s’étendant au-delà de la frontière territoriale mentionnée

14 dans la pièce à conviction n° 2, dirons-nous ?

15 R. Cela se retrouve, je crois, dans la réalité, dans le fait que des

16 Serbes vivaient en Bosnie-Herzégovine et en Croatie.

17 Q. Les nations pouvant, encore une fois, être conçues comme des peuples

18 ?

19 R. Là encore, il y avait une certaine ambiguïté.

20 Q. Je tente de voir si les juges qui travaillent avec moi suivent mieux

21 que moi. Et j’ai compris que certains pensaient que la Serbie était

22 davantage que - oui, la grande Serbie. Nous n’avons pas encore

23 entendu prononcer le mot, mais je sais que c’est ce dont vous

24 parlez, car je suppose que nous lisons tous les journaux -, mais où

25 est-il écrit que cette conviction selon laquelle la Serbie allait

Page 230

1 au-delà des frontières territoriales qui nous ont été montrées,

2 existait bel et bien ? Dans les pièces à conviction dont nous

3 disposons ?

4 R. Je ne crois pas avoir indiqué à quelque moment que ce soit que

5 c’était écrit et je n’ai pas tenté de dire que c’était écrit. Ce que

6 j’ai dit, c’est qu’il existait un groupe d’Etats, réunis dans une

7 Fédération, où une certaine ambiguïté, un certain glissement, sont

8 constatés, dans la façon d’utiliser certains termes, ce qui reflète

9 le fait qu’il y avait la République de Serbie, Etat titulaire des

10 Serbes; mais, comme nous l’avons constaté lorsque nous parlions du

11 Mémorandum serbe et des amendements apportés à la Constitution serbe

12 à la fin des années 80, ce statut devint source d’ambiguïté et fut

13 remis en cause - au cours de cette même discussion j’ai indiqué que

14 les auteurs du Mémorandum s’étaient montrés préoccupés quant aux

15 structures internes, aux dispositifs internes à la République de

16 Serbie, mais également eu égard à ce qu’ils appelaient l’intégrité

17 du peuple serbe dans sa globalité, c’est-à-dire des peuples serbes

18 de Bosnie-Herzégovine et de Croatie.

19 Cette ambiguïté est partiellement due au fait que, bien que la

20 Serbie ait été considérée comme l’Etat titulaire des Serbes d’un

21 certain point de vue, en vertu de la Constitution de la RSFY, les

22 Serbes étaient tous ensemble un peuple fondateur d’Etat. Tant que la

23 Fédération a existé, il importait peu de savoir si ces Serbes vivent

24 en Croatie, en Bosnie ou en Serbie car, pour peu que cela les aient

25 intéressés, ils se considéraient comme un peuple formant un Etat.

Page 231

1 Au cours du processus de dissolution, le statut des Serbes de

2 Croatie et de Bosnie a été remis en cause, car au sein de la RSFY,

3 ils pouvaient déclarer être un peuple fondateur d’Etat, mais si la

4 Croatie et la Bosnie devaient accéder à l’indépendance, un point

5 d’interrogation était associé à leur capacité ou à leur non-capacité

6 à continuer d’être peuple fondateur d’Etat.

7 En République de Croatie, la question était particulièrement

8 pertinente. La Constitution de 1974 de la République de Croatie

9 décrivait celle-ci comme l’Etat des peuples croate et serbe et des

10 autres. La Constitution de 1990, adoptée après l’arrivée au pouvoir

11 du gouvernement nationaliste a introduit une légère modification,

12 faisant de la République de Croatie l’Etat du peuple croate ainsi

13 que des Serbes et d’autres. Telle fut l’une des questions que les

14 Serbes de ces régions, comme je l’ai dit ce matin - ce fut l’une des

15 choses qui a suscité la préoccupation des Serbes de ces régions, et

16 que j’ai évoquées, car ils ont vu se modifier leur statut.

17 LE PRESIDENT; Je pensais que nous avions vu une Constitution de Serbie qui

18 proclamait des prétentions sur les Serbes vivant hors des frontières

19 territoriales de la Serbie, et à présent, vous me dites qu’il y a

20 ambiguïté.

21 R. Non, non, nous n’avons pas vu de Constitution établissant cela. Nous

22 avons vu le document de l’Académie serbe des arts et des sciences

23 qui indiquait -

24 Q. n° 21 ?

25 R. Une préoccupation à cet égard, oui.

Page 232

1 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourrions-nous poursuivre. Dans le Mémorandum

2 de la SANU, M. Gow, n’est-ce pas, cette conception visant à

3 concevoir une grande Serbie était exprimée, mais peut-être en

4 d’autres termes ?

5 R. Je suis désolé, je n’ai pas compris la question.

6 Q. Je suis en train de dire que le Mémorandum de la SANU exprimait

7 cette conception de la grande Serbie, sans nécessairement utiliser

8 ces termes.

9 R. Beaucoup de gens ont interprété le Mémorandum de l’Académie serbe

10 des arts et des sciences comme étant une maquette, un document

11 donnant une base à l’idée de créer une grande Serbie. Je dois dire

12 que l’idée n’est pas explicitement exprimée, pour autant que je

13 puisse le voir, dans le document; mais le document traite bien de

14 l’intégrité du peuple serbe dans son ensemble, ce qui peut être

15 interprété comme créant un contexte dans lequel l’ensemble du peuple

16 serbe était regroupé, le terme « intégrité » illustrant une volonté

17 de les réunir tous dans un même contexte.

18 LE PRESIDENT : A un certain moment de ce procès, nous nous concentrerons

19 sur l’expression « personnes protégées », qui émane des Conventions

20 de Genève. Ainsi, la question que je vous pose ne vient pas, en

21 fait, d’une perspective historique, même si celle-ci est très

22 intéressante, mais je tente d’aboutir, réellement à une conclusion.

23 Je n’aimerais donc pas que vous croyiez que je me contente de poser

24 des questions pour mieux comprendre les événements historiques; je

25 me préoccupe grandement de savoir comment le peuple serbe se

Page 233

1 considérait lui-même, à quel Etat il estimait appartenir dans quelle

2 République et s’il existe une documentation susceptible d’indiquer

3 par écrit qu’il existait un lien entre la République de Serbie et

4 les Serbes résidant dans d’autres Républiques. Et quand je dis

5 « lien », je veux parler d’un lien national explicite. C’est ce sur

6 quoi je suis concentrée, vraiment, dans cette question.

7 Je tente d’établir une relation entre la responsabilité des

8 forces de la JNA de l’époque vis-à-vis des Serbes vivant dans

9 d’autres régions. C’est vraiment ce qui m’intéresse. Si je regarde

10 d’un peu plus près - c’est une question ouverte, après tout - les

11 pièces à conviction, peut-être pourrai-je y trouver la réponse par

12 moi-même.

13 R. J’aimerais pouvoir le dire, de quelque point de vue que ce soit,

14 historique, militaire, politique, international ou de quelque autre

15 nature, je suis toujours heureux de pouvoir vous assister, Madame et

16 Messieurs les juges, de quelque façon que ce soit et dans quelque

17 but que ce soit. S’agissant de ce point particulier, je crois qu’il

18 convient de distinguer entre deux choses.

19 La première, c’est que le Mémorandum est, comme vous l’avez

20 dit vous-même, l’expression d’une idée selon laquelle les peuple

21 serbes devaient être réunis, même dans un non - même de façon

22 indéterminée. Aucune des dispositions de la Constitution, aucun des

23 documents constitutionnels auxquels nous avons fait référence

24 jusqu’à présent ne fournit la moindre indication quant à la

25 responsabilité de la République de Serbie ou de la JNA par rapport

Page 234

1 aux populations serbes vivant spécifiquement hors de la République

2 de Serbie. Je pense donc que ce que je viens de dire devrait

3 éclairer ce point dans votre esprit.

4 Donc, la JNA avait, dans l’action entreprise pour défendre le

5 peuple serbe, la JNA n’agissait selon aucune base constitutionnelle

6 à l’époque.

7 LE PRESIDENT : Très bien. C’était le sens de ma question. Vous avez été

8 capable de la formuler mieux que moi. Nous suspendons l’audience

9 pour le déjeuner jusqu’à 14 h 30.

10 (13 h 05)

11 (Suspension d’audience pour le déjeuner)

12 (14 h 30)

13 LE PRESIDENT : Maître Niemann, pourriez-vous poursuivre, je vous prie ?

14 MAITRE NIEMANN : Merci, Madame le Président. (A l’intention du témoin). M.

15 Gow, avant la suspension d’audience pour le déjeuner, nous

16 examinions plus particulièrement la pièce à conviction n° 30, à

17 savoir l’ouvrage du Général Kadijevic. Je vous en avais montré les

18 pages 61 et 72. Il y avait une dernière page que je souhaitais vous

19 soumettre, la page 73. Pourriez-vous, à présent, examiner cette page

20 73, je vous prie. Dans cette page, pourriez-vous nous montrer

21 l’extrait qui traite du rôle nouveau joué par la JNA, après

22 l’éclatement du pays ou au cours de cet éclatement ?

23 R. Si je peux me le permettre, j’aimerais attirer votre attention sur

24 le premier paragraphe complet, dans lequel le Général parle de la

25 nouvelle situation, où il constate une intention de créer une

Page 235

1 nouvelle Yougoslavie, regroupant les nations désireuses d’en faire

2 partie. Dans ce contexte, le terme de « nations » est utilisé, je

3 suppose, je le pense, dans le sens de nations ethno-nationales, à

4 savoir de groupes ethno-nationaux, indépendamment de l’endroit où

5 ils vivent, à distinguer d’un peuple, qui habite un territoire

6 déterminé - ce qui illustre la distinction dont nous parlions au

7 cours de l’audience de ce matin.

8 Bien qu’il exprime le désir de réaliser cette transformation

9 pacifiquement et équitablement, il est clair qu’il caractérise

10 l’ensemble de la situation comme étant une guerre et que, parlant

11 des nations désireuses de continuer à faire partie de cette nouvelle

12 Yougoslavie, il convient de souligner que la Slovénie et les

13 slovènes, ainsi que la Croatie et les croates avaient déjà indiqué

14 ne pas souhaiter en faire partie. La Macédoine avait indiqué qu’elle

15 n’avait pas non plus ce désir et, même si, à l’époque, il déclare

16 dans son ouvrage que la position officielle de la Bosnie-Herzégovine

17 n’avait pas encore été stipulée clairement, il ne fait aucun doute

18 que celle du Président de Bosnie-Herzégovine, le Président

19 Izetbegovic, l’était, puisque celui-ci avait dit que, bien que

20 souhaitant trouver une solution, la meilleure possible, tant pour sa

21 population musulmane que pour la Bosnie-Herzégovine au sein d’un

22 dispositif yougoslave quelconque, il ne permettrait pas au pays de

23 demeurer au sein d’une Fédération qui serait, dans les faits, une

24 grande Serbie.

25 D’une certaine façon, ce que j’établis clairement ici, c’est

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1 que lorsque le Général déclare ces nations qui - évoque ces nations

2 non désireuses de faire partie de la nouvelle Yougoslavie et celles

3 qui, à l’inverse, le souhaitaient, il parle, en fait, des Serbes,

4 désireux de continuer à en faire partie, et des autres, qui ne le

5 souhaitaient pas.

6 Je poursuivrais en disant que, dans cette phase de la guerre,

7 il définit le but de la JNA comme consistant à protéger le peuple

8 serbe de Croatie, de façon à ce que toutes les zones, toutes les

9 régions majoritairement peuplées de Serbes échappent totalement à

10 l’influence de l’Armée croate et à celle des autorités croates avant

11 le départ de la JNA de la Croatie.

12 Je crois que cela indique que l’objectif poursuivi, s’agissant

13 des éventuelles frontières de cette mini-Yougoslavie dont nous

14 parlions ce matin, l’un des premiers points qui nous permet de

15 commencer à identifier ces frontières, c’est qu’elles devaient

16 enfermer des régions désignées comme majoritairement peuplées de

17 Serbes ou possédant une importante population serbe sur le

18 territoire croate, et que la JNA avait pour but de fixer les

19 frontières de cette nouvelle entité autour de ces populations.

20 Je tiens également à souligner que, dans son ouvrage, le

21 Général définit deux phases pour les opérations menées en Croatie;

22 la première consiste à s’emparer des territoires peuplés de Serbes,

23 la deuxième à faire un pas de plus en renversant le gouvernement

24 croate. Je pense que le second volet de cet objectif a été abandonné

25 bien avant la fin de 19 - bien avant la fin de 1991.

Page 237

1 Si vous regardez plus bas, vous verrez que le Général définit

2 l’objectif comme étant la défaite totale de l’Armée croate, si cela

3 était possible, et très certainement la réalisation de l’objectif

4 principal, des objectifs minima principaux, et ce dans une

5 coordination complète avec les insurgés serbes de la Krajina serbe,

6 à savoir de la région de Krajina dont nous parlions ce matin, ainsi

7 que d’autres régions, désignées comme devant faire partie des

8 régions dont l’autonomie avait été déclarée.

9 Il indique qu’à ce même moment, le peuple serbe de Bosnie-

10 Herzégovine avait pris conscience de son rôle potentiel, rôle qui

11 serait utile et vital pour garantir l’avenir du projet, dans son

12 évolution ultérieure.

13 JUGE STEPHEN : Pourriez-vous replacer le document à l’écran ? Dans le

14 premier paragraphe complet, à la troisième ligne avant la fin, il

15 est stipulé « ... de Croatie, retirer la JNA de Croatie ». Cela ne

16 désigne pas la Croatie dans sa totalité, à quelque moment que ce

17 soit, vraiment, mais la partie de la Croatie habitée par des

18 Croates, n’est-ce pas ? C’est un curieux emploi du mot Croatie.

19 R. Je pense que cela peut s’interpréter d’une façon précise,

20 l’intention étant de faire passer le message selon lequel la

21 Croatie, dans ce contexte, était la Croatie privée des zones à

22 majorité serbe ou soumises, de toute autre manière, au contrôle des

23 Serbes.

24 Je tiens à souligner également qu’il y avait aussi le fait, dû

25 à l’évolution qui datait de la fin de 1991 et du début de 1992, le

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1 fait que la JNA avait décidé de se retirer techniquement de Croatie,

2 ce qui impliquait qu’elle quitterait d’abord les régions de Croatie

3 qui n’étaient pas contrôlées par les Serbes, mais aussi qu’elle

4 s’apprêtait à retirer certains éléments de ses forces des régions

5 contrôlées par les Serbes, pour les réorganiser en milices locales

6 défendant l’intérêt de ce qu’il est convenu la République serbe de

7 Krajina. Donc, dans un sens, elle laissait ses forces derrière elle,

8 mais dans un autre, il est permis de dire que techniquement, elle en

9 retirait une partie, et qu’elle les retirait en tant que forces de

10 la JNA.

11 Q. Mais il y a contradiction entre le fait de défendre le peuple serbe

12 de Croatie - deux lignes plus haut - et le fait de retirer la JNA de

13 Croatie. Ils parlent de faire les deux choses en même temps, et il

14 utilise le mot Croatie dans des sens différents.

15 R. Je pense que cette façon de lire le texte est tout à fait possible.

16 Q. Y en a-t-il une autre ?

17 R. J’essayais de dire qu’en fait, fin 1991 -

18 Q. Oui, je comprends.

19 R. -- la JNA avait déclaré qu’elle se retirait de Croatie et qu’elle ne

20 serait plus, officiellement, présente dans la région, même si elle y

21 était présente de facto, puisque la JNA s’était alors réorganisée

22 sous la dénomination de forces armées de la République serbe de

23 Krajina. Donc, techniquement, la JNA se retirait, alors que de

24 facto, elle continuait à être présente. C’est une situation plutôt

25 ambiguë. Je pense que vous avez entièrement raison de découvrir

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1 cette ambiguïté dans la formule que nous voyons là, car je pense que

2 vous comprenez à juste titre le deuxième emploi du mot Croatie comme

3 excluant les territoires sous contrôle serbe.

4 JUGE STEPHEN : Merci.

5 JUGE VORAH : M. Gow, j’ai une question. Le Général parle de la Krajina

6 serbe. La Krajina est-elle une région amorphe ou une zone dûment

7 circonscrite ?

8 R. Cela dépend un peu de la Krajina dont vous parlez. La vojna Krajina

9 était une zone dûment circonscrite, dont j’ai parlé ce matin, zone

10 historique à l’intérieur de l ’Empire des Habsbourg, une zone

11 strictement définie. Le terme a été utilisé de façon assez floue

12 depuis, pour faire référence aux territoires qui constituent la

13 frontière entre la Bosnie et la Croatie, dans cette région nord-est

14 de la Bosnie, autour du coin nord-ouest de la Bosnie et dans

15 l’intérieur des terres dalmates. Donc, par exemple, vous avez une

16 région au nord-ouest de la Bosnie que l’on appelle parfois Krajina.

17 Du point de vue de la création de la République serbe de

18 Krajina ou, avant cela, de la déclaration créant la région autonome

19 serbe de Krajina, l’emploi du terme fait référence à des

20 municipalités bien définies de la République de Croatie et, par

21 conséquent, ce mot a acquis, dans certaines zones, un sens bien

22 particulier, même si la transformation de ces régions en République

23 serbe visait, en outre, à leur adjoindre des territoires de Slavonie

24 orientale, non couvertes par l’emploi conventionnel du terme,

25 décrivant l’intérieur des terres dalmates mitoyennes de la Bosnie.

Page 240

1 MAITRE NIEMANN : M. Gow, vous en avez terminé avec cette page, n’est-ce

2 pas ?

3 R. Puis-je vérifier ? Je ne me rappelle rien d’autre. Mais j’aimerais

4 souligner, à ce stade, à titre de référence pour l’avenir - peut-

5 être voudrais-je revenir plus tard sur cette page - que le Général

6 définit simplement l’organisation de la JNA et que dans ce passage

7 situé ici, il détermine les orientations principales des lignes

8 d’attaque proposées aux forces de la JNA opérant en Croatie et en

9 Bosnie-Herzégovine. Souhaitez-vous que je vous les remontre ?

10 MAITRE NIEMANN : Nous avons à nouveau un problème de visualisation.

11 JUGE STEPHEN : Il y a un problème technique. Apparemment, votre écran ne

12 fonctionne pas comme le mien ni, semble-t-il, comme les nôtres. Par

13 exemple, il y a plusieurs mots, en ce moment, sur un bord.

14 MAITRE NIEMANN : Ce qu’il faut, c’est que le texte soit lisible pour vous,

15 Madame et Messieurs les Juges.

16 JUGE STEPHEN : Tout va bien.

17 LE PRESIDENT : Vous voyez bien, à présent ?

18 LE TEMOIN : Oui, merci.

19 MAITRE NIEMANN : Je pense que nous en avons terminé, à présent, avec cette

20 pièce à conviction. Elle peut donc être rendue au Greffe.

21 LE PRESIDENT : Après tous ces efforts !

22 MAITRE NIEMANN : M. Gow, indépendamment du fait que sur le plan historique

23 et sur le plan constitutionnel, la JNA était une force destinée à

24 toutes les Républiques et à toutes les nationalités de la République

25 socialiste fédérative de Yougoslavie, existait-il un groupe ethnique

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1 particulier jouissant, historiquement, d’une position dominante, si

2 je peux m’exprimer ainsi, au sein de la JNA ?

3 R. Au sein du corps des officiers de la JNA, les Serbes ethniques

4 constituaient un groupe prédominant représentant près de 60 % du

5 total des effectifs bien que, si vous vous rappelez ce qui a été dit

6 au sujet des quelques documents que nous avons examinés au cours de

7 cette déposition hier après-midi, les Serbes ne constituaient que 34

8 à 36 % de la population totale. Donc, comme vous le voyez, la

9 représentation des Serbes au sein du corps des officiers était

10 disproportionnée.

11 Je pense que cela s’explique, en partie, par la tradition, et

12 notamment par le fait que la JNA avait succédé au mouvement des

13 partisans et que les Serbes de Croatie et de Bosnie notamment,

14 avaient été au coeur de ce mouvement des partisans dans les

15 premières années de la seconde guerre mondiale; c’est de là qu’est

16 née cette tradition, bien connue dans la sociologie militaire, où

17 une famille de militaires engendre une famille de militaires qui,

18 elle-même donne naissance à une famille de militaires, je crois.

19 Q. Comment cette position dominante des Serbes au sein de la JNA a-t-

20 elle évolué au cours de la première partie des années 90 ?

21 R. Au cours des années 90, la JNA, qui avait atteint sa dernière phase

22 d’évolution sous ce même nom, est devenue de plus en plus dominée

23 par des éléments serbes. C’était vrai du corps des appelés et du

24 corps régulier englobant le corps des officiers, puisque, d’une

25 part, les non-Serbes avaient de plus en plus tendance à quitter

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1 l’Armée et que, de l’autre, le sentiment de l’identité serbe se

2 manifestait de plus en plus fortement, je crois, parmi les éléments

3 du corps des officiers de la JNA, même si cela faisait l’objet -

4 même s’il s’agissait d’un processus en cours, dans lequel des

5 tensions se développaient entre ceux qui défendaient ce que je

6 décrirais comme une ligne yougoslave et ceux qui, à l’évidence,

7 étaient en train de se conformer, de s’adapter à l’avenir promis à

8 une ligne serbe.

9 Q. Comment cette ligne serbe s’est-elle concrétisée, en avril et mai

10 1991, au sein de la JNA ?

11 R. Cette ligne a commencé à donner des signes d’existence au printemps

12 de 1991, en Croatie, et je crois qu’elle a continué à se manifester

13 durant le reste de cette année, alors que la JNA commençait à

14 déployer des troupes dans les régions de Croatie largement peuplées

15 de Serbes, sous le prétexte technique de prévenir les affrontements

16 intercommunautaires; mais comme nous l’avons vu dans les propos du

17 Général Kadijevic dans son ouvrage, l’intention réelle était de

18 protéger les populations serbes de Croatie, c’est-à-dire de

19 commencer à se déployer d’une manière permettant d’aider les groupes

20 serbes vivant en Croatie.

21 Q. Pendant cette période - nous parlons d’avril-mai 1991 - quelle a été

22 l’attitude du commandement de la JNA vis-à-vis des diktats

23 constitutionnels formels imposés par elle ?

24 R. Je pense qu’aux niveaux supérieurs de la JNA, des divergences se

25 sont fait jour, à l’époque. Chacun s’accordait sur l’existence d’une

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1 situation de crise. Selon le Général Kadijevic et d’autres, au

2 printemps de 1991, un plan visant à déclarer l’état d’urgence pour

3 prévenir les événements qui devaient survenir existait déjà.

4 Des divergences d’opinion existaient, comme le montrent - en tout

5 cas c’est ce qui apparaît - certains rapports évoquant des fuites

6 relatives à des conversations entre le Général, Ministre fédéral de

7 la défense et le Général Adzic, son chef d’Etat-major. Le Général

8 Adzic semble favorable à une action directe, indépendamment des

9 contraintes constitutionnelles; le Général Kadijevic semble, lui,

10 attaché à l’idée selon laquelle la JNA avait un rôle constitutionnel

11 à jouer, son comportement devant rester conforme à la Constitution.

12 La encore, nous sommes en présence d’une situation quelque peu

13 ambiguë, puisque le Général Kadijevic lui-même fait des choses qui

14 pouvaient être interprétées comme anticonstitutionnelles, en même

15 temps qu’il exprime des réserves quant à la possibilité de se

16 comporter de façon contraire à la Constitution.

17 Q. M. Gow, je vous demanderais, si cela ne vous ennuie pas, de vous

18 tourner vers votre écran vidéo; je demanderais que l’on vous

19 projette une bande vidéo, la pièce à conviction n° 31, en commençant

20 par la séquence d’introduction, peut-on la projeter en premier ?

21 LE PRESIDENT : Avant de la projeter, je suppose que vous allez demander

22 qu’elle soit versée au dossier et qu’il n’y a pas d’objection à

23 cette pièce à conviction n° 31 - y en a-t-il, Maître Niemann ?

24 MAITRE NIEMANN : Ce sera la pièce à conviction n° 31, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : Elle figure sur la liste des pièces à conviction, à des

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1 fins d’identification, sous le n° 31 ?

2 MAITRE NIEMANN : Si vous le permettez, il s’agit de la série « Vie et mort

3 de l’ex-Yougoslavie ». Quelques brèves séquences de cette série.

4 LE PRESIDENT : Avez-vous une objection ?

5 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection.

6 LE PRESIDENT : Très bien. Voyons donc la pièce 31. Elle se compose de

7 plusieurs séquences. Je suppose que vous demandez à voir la première

8 séquence, à ce stade ?

9 MAITRE NIEMANN : Oui.

10 LE PRESIDENT : La pièce à conviction est acceptée.

11 MAITRE NIEMANN : Il s’agit de l’introduction, qui permet d’identifier la

12 bande vidéo. Je demanderais ensuite que l’on projette la première

13 séquence. Elles sont très courtes; une question de secondes.

14 LE PRESIDENT : Bien.

15 (Projection de la bande vidéo)

16 MAITRE NIEMANN : M. Gow, cette brève séquence vidéo vous permet-elle de

17 dire qui l’a préparée - Voyez-vous bien, Madame et Messieurs les

18 juges ?

19 MAITRE WLADIMIROFF : Nous avons un problème, Madame le Président. Nous

20 n’avons rien vu sur nos écrans.

21 LE PRESIDENT : Avez-vous allumé votre écran vidéo ?

22 MAITRE WLADIMIROFF : Je vois. Nous étions branchés sur l’ordinateur. Je

23 vois.

24 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourrait-on la projeter à nouveau ? Je demande

25 une nouvelle projection, Madame le Président.

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1 MAITRE WLADIMIROFF : Merci.

2 MAITRE NIEMANN : Peut-on, dans ce cas, rembobiner la bande et projeter à

3 nouveau l’introduction, je vous prie ?

4 (Nouvelle projection de la bande vidéo)

5 Q. M. Gow, sur la base de cette brève séquence vidéo, pouvez-vous nous

6 dire, d’abord, si vous connaissez le titre de cette production ?

7 R. Le titre de cette émission était « Vie et mort de l’ex-

8 Yougoslavie ».

9 Q. Qui en assumait la responsabilité, qui l’a produite ?

10 R. Cette émission est l’oeuvre de Brian Lapping Associates de Londres

11 pour la BBC.

12 Q. Avez-vous vous-même participé de près à cette production ?

13 R. J’ai été l’un des consultants impliqués dans les discussions et dans

14 la préparation des documents utilisés.

15 Q. Au cours de votre déposition, allez-vous vous référer à divers

16 extraits de cette série ?

17 R. Oui.

18 Q. J’aimerais demander que cette bande vidéo soit versée au dossier,

19 Madame et Messieurs les juges, en tant que pièce à conviction n° 31,

20 ainsi que les diverses séquences que nous allons à présent projeter,

21 qui sont numérotées 1, 2, 3 de la pièce à conviction n° 31 - si cela

22 vous convient, Madame le Président.

23 LE PRESIDENT : Vous avez détaillé la pièce à conviction n° 31, puis vous

24 avez diverses bandes, le programme 2, par exemple, la bande 1, le

25 programme 3, et en-dessous, une indication des minutes et des

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1 secondes ?

2 MAITRE NIEMANN : Oui, mais on pourrait les évoquer simplement comme des

3 parties de la pièce à conviction n° 31, Madame le Président.

4 LE PRESIDENT : Vous souhaitez qu’elles soient projetées en continu ?

5 MAITRE NIEMANN : Non, Madame le Président, il s’agit de différentes

6 parties de la pièce à conviction. Je crois que cela peut

7 fonctionner. Si elles sont projetées ensemble, on perdra le fil.

8 LE PRESIDENT : Vous avez vu ces pièces à conviction, Maître Wladimiroff;

9 avez-vous une objection à la pièce à conviction n° 31, à l’une

10 quelconque des bandes énumérées ici ?

11 MAITRE WLADIMIROFF : Nous n’avons pas d’objection à ce qu’elles soient

12 projetées devant la Cour.

13 LE PRESIDENT : OK, très bien. Nous verrons donc la pièce 31, et vous nous

14 direz si nous regardons la bande 1 ou la bande 1 du programme 2 ou

15 3, etc., ou souhaitez-vous que je les enregistre en tant que pièce à

16 conviction 31 (a) pour la bande 1, 31 (b) pour la bande 1 du

17 programme 3 ? C’est ce que je proposerais de faire.

18 MAITRE NIEMANN : Comme vous voulez...

19 LE PRESIDENT : Nous essayons de voir si la pièce dont vous avez demandé

20 qu’elle soit versée au dossier est une bande continue sur laquelle

21 figurent simplement les annotations bande 1, programme 2, avec

22 ensuite bande 1, programme 3, est-ce bien ainsi que vous l’avez

23 versée au dossier ?

24 MAITRE NIEMANN : Ce que nous avons ici, c’est une bande vidéo en plusieurs

25 parties, qui peuvent être projetées séparément, mais elles font

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1 partie d’une cassette unique.

2 LE PRESIDENT : OK. Donc, ce sera une pièce à conviction unique, la pièce

3 n° 31.

4 MAITRE NIEMANN (A l’intention du témoin) Je vous demanderais de regarder

5 la séquence qui va être projetée à présent. M. Gow, je vous

6 demanderais de la regarder en entier, puis elle sera rediffusée et,

7 si cela ne vous dérange pas, vous pourriez en expliquer quelques

8 passages au fur et à mesure de la diffusion. Peut-on diffuser la

9 première séquence de la pièce à conviction n° 31 ?

10 (Projection de la première séquence de la pièce à conviction n° 31)

11 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourrait-on augmenter un peu le volume ? Peut-

12 être, avant sa rediffusion, pourriez-vous nous dire, M. Gow, de quoi

13 traite cette bande vidéo, quel est le sujet du film ?

14 R. Cet extrait est une bande filmée en secret, lors d’une réunion

15 d’urgence de la présidence collégiale de mars 1991. Cette réunion

16 d’urgence avait été convoquée à la demande du Ministre de la

17 défense, le Général Kadijevic, pour discuter de la situation

18 yougoslave.

19 Le film secret de la réunion a été tourné par les services de

20 renseignement militaires. C’est l’enregistrement d’une réunion au

21 cours de laquelle l’Armée a tenté de persuader la présidence

22 fédérale collégiale de déclarer l’état d’urgence sur l’ensemble des

23 territoires de la RSFY en vue, selon les termes du Général, de

24 prévenir l’éclatement prochain de la RSFY.

25 Cette réunion a fait apparaître, comme vous pouvez le

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1 constater, quelques difficultés, son résultat n’a pas été conforme

2 aux voeux du Général. Certains des aspects de cette réunion avaient

3 été coordonnés par le Général et l’un des hommes que vous voyez dans

4 le film, Borisav Jovic, le représentant serbe à la présidence

5 collégiale, dans le but de créer les conditions de l’instauration de

6 l’état d’urgence. Mais la présidence n’a pas voté en faveur de

7 celle-ci dans sa globalité. Les voix se sont divisées en 4 voix

8 contre 4, et par conséquent, l’état d’urgence n’a pas été déclaré.

9 La dernière séquence du film que nous avons vue nous montrait

10 Jovic et l’Amiral Branko Mamula, qui avait précédé Kadijevic au

11 poste de Ministre fédéral de la défense et a continué à conseiller

12 Kadijevic. Les deux hommes déclarent que Kadijevic, en raison de

13 réserves personnelles, n’a pas consenti à déclarer l’état d’urgence,

14 malgré la décision.

15 Je dirais que cette décision - Kadijevic a pris cette décision

16 en grande partie parce qu’il ne pouvait se résoudre sans un ordre

17 spécifique de la présidence fédérale collégiale. Jovic semble s’être

18 attendu à le voir agir de toute façon, ce qu’il a menacé de faire, à

19 un certain moment, dans la scène qui vous a été projetée.

20 Q. Pour vous permettre de montrer les différents personnages (je sais

21 que vous nous les avez montrés, mais afin que vous puissiez nous les

22 montrer), pourrait-on rediffuser la bande, et je demanderais que

23 l’on s’arrête à certains moments, que l’on arrête le film. Pourrait-

24 on le rediffuser, je vous prie ?

25 (Rediffusion de la bande vidéo)

Page 249

1 MAITRE NIEMANN : Veuillez vous arrêter ici un instant. S’agit-il du

2 Général Kadijevic, dont l’ouvrage a été versé au dossier en tant que

3 pièce à conviction n° 30 ?

4 R. Je pense qu’il s’agissait de la pièce à conviction n° 19, mais...

5 Q. n° 30 ?

6 R. Oui. Poursuivez je vous prie. Arrêtez-vous un instant, s’il vous

7 plaît. Qui est l’homme que nous venons de voir à l’image précédente

8 ?

9 R. Il s’agit de Vasil Tupurkovski, le représentant macédonien à la

10 présidence collégiale, l’un des hommes participant à cette réunion

11 de la présidence fédérale collégiale.

12 Q. Merci. Peut-on poursuivre la diffusion ? Arrêtez-vous un instant, je

13 vous prie. Qui est l’homme que nous voyons en ce moment ?

14 R. Il s’agit de Stipe Mesic, le représentant croate à la présidence

15 fédérale collégiale.

16 Q. Donc, l’homme que l’on a empêché de devenir président de la

17 présidence ?

18 R. Oui. A cette date, il était en passe de devenir président de la

19 présidence, deux mois plus tard, en mai, et c’est sa nomination qui

20 a été bloquée le 15 mai.

21 Q. Pourrait-on rediffuser la séquence, je vous prie. Poursuivez.

22 Arrêtez-vous ici un instant. Pourriez-vous nous expliquer, nous dire

23 ce que signifie l’expression « ne pas avoir de commandement civil »

24 ?

25 R. L’homme qui parle, dont vous venez d’entrevoir le visage, était

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1 Borisav Jovic, représentant serbe à la présidence fédérale

2 collégiale; il est en train d’indiquer que dans une situation où la

3 présidence fédérale collégiale ne s’est pas mise d’accord pour

4 déclarer l’état d’urgence, il estime que Kadijevic devrait déclarer

5 qu’il n’existe plus de commandement civil et, par conséquent,

6 déclarer de toute façon l’état d’urgence. Il poursuit en soulignant

7 qu’entre autres choses, ce qui inquiétait Kadijevic, c’était la

8 possibilité qu’une telle décision soit considérée comme un coup

9 d’état militaire.

10 Q. Poursuivez. Arrêtez-vous un instant, je vous prie. Qui est l’homme

11 que nous voyons ici ?

12 R. Il s’agit de l’Amiral Branko Mamula, dont j’ai déjà dit qu’il était

13 l’ancien Ministre fédéral de la défense avant Kadijevic, et qu’il

14 servait de conseiller à Kadijevic.

15 Q. Merci. Poursuivez. Merci.

16 M. Gow, venons-en à présent à la participation des Serbes à la JNA

17 au cours du conflit armé. Qu’en a-t-il été de la domination serbe au

18 sein de la JNA après que les hostilités aient éclaté en 1991 ?

19 R. Après que les hostilités aient éclaté, en 1991, la JNA - le

20 processus de transformation progressive déjà entamé au sein de la

21 JNA s’est accéléré et une majorité des non-Serbes a quitté la JNA et

22 fin 1991, mais encore plus certainement au début de 1992, la JNA

23 s ’est transformée pour passer d’une force armée largement multi-

24 ethnique où étaient représentées les populations de tous les

25 territoires de la RSFY à une force majoritairement serbe, tant au

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1 niveau du corps des officiers qu’au niveau de la base.

2 Q. En rapport avec cela, M. Gow, pourriez-vous, je vous prie, regarder

3 le document qui vous est remis maintenant ?

4 LE PRESIDENT : M. Gow, sur quoi fondez-vous votre opinion que la JNA

5 s’était transformée de force multinationale en force à prédominance

6 serbe, au moment de l’éclatement des hostilités, en 1991 ?

7 R. Je regrette, je n’ai pas entendu la dernière partie de la question.

8 Q. Sur quoi fondez-vous votre opinion, l’opinion que vous venez de

9 formuler ?

10 R. Je fonde mon opinion sur des informations publiées et diffusées, et

11 je crois que nous allons voir certains de ces éléments de preuve sur

12 papier.

13 MAITRE NIEMANN : Je possède un document, Madame le Président, qui vient

14 après celui-ci, je crois. Il pourrait vous être utile.

15 LE PRESIDENT : Je vais donc patienter et écouter.

16 MAITRE NIEMANN : Désolé. (A l’intention du témoin). Peut-être qu’en

17 regardant ce document, que je vous montre à présent, M. Gow, vous

18 pourriez me dire de quoi il s’agit.

19 R. Ce document est un organigramme, où sont mis en évidence les divers

20 groupes ethniques représentés au sein du corps des officiers de la

21 JNA, avec le nombre précis des représentants de chacun de ces

22 groupes aux grades de colonel-général et lieutenant-colonel, dans la

23 JNA, ces chiffres correspondant au mois d’avril 1991.

24 Q. Qui a préparé ce document ?

25 R. Cet organigramme a été préparé sous ma direction par le Bureau du

Page 252

1 Procureur.

2 Q. Je demande que cet organigramme soit versé au dossier, Madame le

3 Président. Il s’agira de la pièce à conviction n° 32.

4 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 32,

5 Maître Wladmiroff ?

6 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

7 LE PRESIDENT : La pièce n° 32 est acceptée.

8 MAITRE NIEMANN : Après son enregistrement, peut-elle être à nouveau remise

9 au témoin, je vous prie ? Peut-on la placer sur le rétroprojecteur

10 et M. Gow, pouvez-vous nous expliquer les chiffres figurant ici

11 ainsi que leur signification, je vous prie ?

12 R. Le premier tableau donne la composition nationale du corps des

13 officiers dans son ensemble, vous verrez le premier - vous avez la

14 composition des différents groupes ethno-nationaux sur le côté

15 gauche. La première colonne indique le pourcentage de chaque groupe

16 au sein du corps des officiers et la deuxième le pourcentage par

17 rapport à la population yougoslave totale.

18 Ceci confirme une chose que j’ai déjà dite dans une partie

19 antérieure de ma déposition, à savoir, par exemple, que près de 60 %

20 du corps des officiers était composé de Serbes, qui ne

21 représentaient que 36 % de la population totale; en revanche, vous

22 verrez par exemple, que si les Slovènes représentaient 7,8 % de la

23 population totale, il n’avaient que 2,8 % de représentants au sein

24 du corps des officiers. Ceci indique à quel point les Serbes étaient

25 prédominants dans ce corps des officiers.

Page 253

1 Q. Pouvez-vous nous dire à quelle date ces chiffres se rapportent ?

2 R. Cette information est tirée d’une publication de la Défense

3 yougoslave en langue slovène, Revija obramba, d’avril 1991.

4 Q. Le tableau du bas, le voyez-vous, Madame et Messieurs les juges ?

5 JUGE STEPHEN : Oui, merci.

6 LE TEMOIN : Le deuxième tableau donne les chiffres absolus concernant

7 chacun des groupes nationaux, pour les différents grades, indiqués

8 en haut. Ainsi, vous avez les généraux, les colonels, les

9 lieutenants-colonels. Vous voyez que, bien qu’il ait pu y avoir une

10 tentative destinée à préserver la proportionnalité aux grades les

11 plus élevés, au grade de général par exemple, aux grades de colonels

12 et de lieutenants-colonels, le nombre des Serbes devient à nouveau

13 disproportionnée par rapport à celui des autres groupes. Une note

14 figure en bas de page, selon laquelle nombre de ceux qui

15 s’identifiaient comme yougoslaves étaient également - pouvaient

16 également être identifiés comme serbes dans certaines situations,

17 ils étaient d’origine serbe, mais avaient choisi de se définir comme

18 yougoslaves, mais pas exclusivement.

19 Q. M. Gow, je vous demanderais de regarder le document suivant, que je

20 vous montre à présent, et peut-être pourrait-on retourner le

21 document précédent au Greffe ? Madame le Président McDonald vous a

22 demandé, il y a un instant, si vous connaissiez la source de cette

23 information. Pouvez-vous nous dire quel document je viens de vous

24 remettre ?

25 R. Ce document est la couverture de Revija Obramba d’avril 1991, un des

Page 254

1 numéros de cette publication dans laquelle figurait l’information

2 que vous venez de voir sur le tableau de tout à l’heure, c’est de là

3 que provient cette information.

4 Q. Dites-nous simplement de quelle publication il s’agit, je vous prie.

5 R. Il s’agit de la publication de la Défense de la RSFY en langue

6 slovène, dont le titre signifie « Revue de la défense ».

7 Q. Considérez-vous cette publication comme une source fiable

8 d’information, dans le cadre de votre travail ?

9 R. Je la considère comme une source fiable, et j’ajouterais que cette

10 information en particulier, l’article dans laquelle elle apparaît, a

11 été publiée par un homme qui travaillait au Ministère de la défense

12 de Belgrade, elle vient donc d’une source autorisée du Ministère de

13 la défense. C’est ce que je tiens à dire.

14 Q. En fait, sur la base de cette publication, avez-vous vous-même, dans

15 l’un de vos articles, fait référence aux informations qui y étaient

16 contenues ?

17 R. Oui, et les tableaux que nous avons vus il y a un instant, les

18 tableaux préparés par le Bureau du Procureur reprenaient très

19 fidèlement les tableaux figurant dans l’article « Déconstruction de

20 la Yougoslavie » paru dans le Journal « Survival » de 1991.

21 Q. Cet article « Déconstruction de la Yougoslavie » est de vous ?

22 R. J’en suis l’auteur, effectivement.

23 MAITRE NIEMANN : Je demande que ces documents soient versés au dossier,

24 Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 33 ?

Page 255

1 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

2 LE PRESIDENT : La pièce n° 33 est acceptée.

3 MAITRE NIEMANN : Une fois que le document aura été enregistré en tant que

4 pièce à conviction, peut-il être remis au témoin ? Afin de compléter

5 la réponse que vous avez fournie à Madame le Président McDonald au

6 sujet de sa source, pouvez-vous placer la couverture de ce document

7 sur le rétroprojecteur et nous montrer les sources contenues dans

8 cet article qui, je crois, est en serbo-croate ou en langue serbe,

9 est-ce exact ?

10 R. Non, il est en langue slovène. L’information apparaît dans la série

11 de graphiques à barres, comme je l’ai indiqué. Je ne pense pas que

12 vous puissiez voir les pourcentages et les chiffres que j’ai cités

13 sous la forme dont le document est présenté ici, car ils figuraient

14 au bas des graphiques à barres.

15 Q. En fait, ce qui s’est passé, c’est que vous avez interpolé ?

16 R. Aux fins de rédaction de cet article et de préparation du tableau

17 destiné au Bureau du Procureur, j’ai converti cette information en

18 tableau, comme vous avez pu le voir.

19 Q. Je crois que vous pourriez peut-être nous montrer la première partie

20 de votre publication. C’est l’article dont vous êtes l’auteur et je

21 pense que vous avez également reproduit ce tableau dans votre

22 article.

23 R. J’ai reproduit l’information dans le tableau et c’est une version de

24 ce tableau qui a été utilisée par le Bureau du Procureur.

25 Q. Merci. M. Gow, quelle incidence la dissolution de la République

Page 256

1 socialiste fédérative de Yougoslavie et le conflit armé de 1991 et

2 1992 ont-ils eu sur la composition ethnique de la JNA ?

3 R. Je crois que ma réponse servira également, en partie, à répondre à

4 la question précédente du Président McDonald. J’ai commencé à

5 répondre que la structure, la composition ethnique, la structure

6 ethnique de la JNA a radicalement changé au cours du conflit armé,

7 après juin 1991, si bien qu’au printemps de 1992, alors que c’était

8 une armée où, globalement, corps des officiers et soldats de base

9 confondus, il y avait près de 40 %, un peu plus de 40 % de Serbes, à

10 partir du printemps de 1992, ce pourcentage a atteint près de 90 %

11 ou plus.

12 Q. Pourriez-vous, je vous prie, regarder cette pièce à conviction, ce

13 document que je vous montre maintenant ? (Remise du document).

14 Pourriez-vous nous dire de quel document il s’agit ?

15 R. Ce document est un graphique à barres qui montre l’évolution du

16 pourcentage de Serbes et de non-Serbes dans l’Armée yougoslave entre

17 juin 1991 et mars 1992.

18 Q. Qui a préparé ce document ?

19 R. Ce document a été préparé sous ma direction par le Bureau du

20 Procureur.

21 Q. Quelle est la source de cette information ?

22 R. Cette information est tirée de rapports de presse établis sur la

23 base de déclarations du Ministère de la défense de Belgrade.

24 MAITRE NIEMANN : Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame

25 le Président. Il s’agit du document n° 34.

Page 257

1 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 34 ?

2 MAITRE WLADIMIROFF : Nous n’avons pas d’objection, Madame le Président.

3 LE PRESIDENT : La pièce n° 34 est acceptée.

4 MAITRE NIEMANN : Après son enregistrement, peut-elle être à nouveau placée

5 sur le rétroprojecteur ? (A l’intention du témoin). M. Gow, en

6 regardant cette pièce à conviction, je pense qu’il pourrait être

7 utile de la montrer - non, je pense que nous la voyons, la voyons-

8 nous en une fois dans sa totalité ? Peut-être pourrais-je vous

9 demander de l’examiner et de nous l’expliquer ? Sur quoi porte ce

10 document ?

11 JUGE STEPHEN : Nous ne voyons pas les pourcentages.

12 MAITRE NIEMANN : Je suis désolé, Monsieur le juge.

13 JUGE STEPHEN : C’est mieux.

14 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourrait-on l’examiner en deux parties, ce

15 serait mieux. Dites-nous de quoi il s’agit. Décrivez-nous ce

16 document.

17 R. C’est un graphique à barres qui représente le pourcentage d’appelés

18 au sein de la JNA à cette date, à deux dates différentes. Avant juin

19 1991, on estime que le pourcentage d’appelés appartenant à chaque

20 groupe au sein de la JNA est proportionnel à sa représentation au

21 sein de la population totale de la RSFY. Ainsi, s’il y avait 36 % de

22 Serbes âgés de 18 à 24 ans dans la RSFY, près de 36 % du corps des

23 appelés de la JNA était censé être composé de Serbes.

24 Le tableau indique qu’il y avait donc près de 36 % de Serbes à

25 cette date, et en revanche, un pourcentage de près de 64 % de non-

Page 258

1 Serbes. La colonne en blanc donne les chiffres correspondant aux

2 Serbes, la colonne plus foncée ceux qui correspondent aux non-

3 Serbes. Vous verrez les pourcentages sur l’échelle située à gauche.

4 Q. Donc, pour résumer, le pourcentage de Serbes, figurant dans la

5 colonne en blanc, était approximativement - il s’agit du corps des

6 appelés - conforme à leur représentation au sein de la population

7 avant le mois de juin 1991 ?

8 R. C’est exact.

9 Q. Après juin 1991, pouvez-vous nous montrer l’étape suivante ? Il

10 s’agit de mars 1992, n’est-ce pas ?

11 R. Ce sont les chiffres correspondant à mars 1992, publiés en mars

12 1992, et vous verrez dans la colonne en blanc la proportion des

13 Serbes au sein de l’Armée, qui a augmenté pour atteindre 90 % et en

14 revanche celle des non-Serbes, qui est tombée à 10 %. Sur ces 10 %,

15 soit 11 000 personnes, 6 500 étaient monténégrins et, en tout cas en

16 ce qui concerne l’Armée, la chose est entendue, il est classique de

17 les considérer comme des Serbes qui n’ont pas la nationalité serbe;

18 je ne suis pas sûr que ce soit toujours tout à fait exact, que ce

19 soit toujours la meilleure chose que de raisonner ainsi, mais c’est

20 très certainement le raisonnement classique. Donc, sur les 10 %, 5 %

21 peut-être, un peu plus de 5 % étaient monténégrins.

22 Q. En raison de cette évolution spectaculaire de la composition du

23 corps des officiers que nous avons constatée précédemment, ainsi que

24 de la composition ethnique du corps des appelés de la JNA, à cette

25 date de mars 1992, est-il permis de dire que l’Armée était, pour

Page 259

1 l’essentiel, devenue une force militaire serbe ?

2 R. Je dirais qu’il est certainement permis d’affirmer que, tant du

3 point de vue de sa composition que, plus généralement, du point de

4 vue des objectifs qu’elle poursuivait, elle était devenue, à cette

5 époque, une force militaire, une force militaire serbe, même si

6 telle n’était pas sa dénomination officielle. Officiellement, à

7 cette époque, elle se dénommait encore Armée populaire yougoslave,

8 mais cela devait changer au mois de mai.

9 Q. Quels étaient quelques-uns des principaux protagonistes de la

10 campagne qui s’est développée au sein de la JNA en faveur de sa

11 réorientation serbe ?

12 R. Je pense avoir déjà indiqué qu’il existait des tensions parmi les

13 dirigeants de la JNA et que certains, le Général Kadijevic, par

14 exemple, avaient sans doute des positions légèrement plus

15 conservatrices, plus pro-yougoslaves, alors que d’autres sont connus

16 comme ayant défendu des positions légèrement plus pro-serbes et,

17 parmi eux, on trouve certainement le Général en chef des forces

18 aériennes, le Général Bozidar Stevanovic, connu comme ayant joué un

19 rôle important dans cette campagne qui s’est développée dans les

20 forces armées dans le but d’augmenter la représentation des Serbes

21 en leur sein.

22 Q. Qu’a fait Stevanovic dans ce processus de réorientation de la JNA ?

23 R. Stevanovic avait, en fait, présenté sa démission au cours de l’été

24 et, fait exceptionnel, il l’avait retirée ensuite. Ces deux faits

25 ont été rendus publics; il a donné des instructions à des éléments

Page 260

1 des services de renseignement militaire des forces aériennes visant

2 à recueillir des informations au sujet d’autres membres de la

3 direction de la JNA, qui étaient destinées à être utilisées dans les

4 deux phases de la purge qui a affecté les Généraux de la JNA au

5 printemps de 1992. Ainsi, sur les 150 Généraux que comptait la JNA

6 dans son ensemble - la JNA était divisée en forces terrestres,

7 forces aériennes et forces navales - et avant juin 1991, elle

8 comptait 150 Généraux. Après mars 1992, seuls 28 de ceux qui étaient

9 en poste en juin faisaient toujours partie de la JNA, soit en raison

10 de départs dus à une volonté de ne pas participer à ce qui était en

11 train de se passer, soit en raison de transferts dans d’autres

12 forces armées et pour 58 d’entre eux, en raison de mutations ou de

13 mise en retraite anticipée, et d’après les rapports disponibles,

14 Stevanovic et ceux qui travaillaient avec lui ont joué un rôle

15 important dans ces événements.

16 Je soulignerais, en outre, que Stevanovic est connu pour une

17 autre de ses activités, à savoir l’instauration de relations

18 étroites avec certains dirigeants de formations paramilitaires qui,

19 plus tard devaient se rendre à la caserne des forces aériennes, au

20 252, à Batajnica, où Stevanovic aurait discuté avec eux et, d’après

21 les rapports existants, leur aurait proposé des services tels que la

22 fourniture d’hélicoptères.

23 Q. Pouvez-vous nous dire quelles étaient les relations de ces unités

24 paramilitaires avec la JNA ? A cette époque-là, je parle de la mi-

25 1991 et plus tard ?

Page 261

1 R. Plusieurs groupes paramilitaires opéraient sur le territoire de la

2 Croatie, qui devaient ensuite opérer en Bosnie-Herzégovine. Pour la

3 plupart, ils agissaient en coopération avec la JNA. Leurs objectifs

4 étaient multiples. Certains étaient plus importants que d’autres.

5 Les plus importants poursuivaient un double objectif. D’abord, ils

6 se désignaient comme Serbes. Ce qui implique que certains, qui

7 étaient prêts à se battre pour la cause serbe, mais pas pour la

8 cause yougoslave, étaient prêts à rejoindre ces groupes.

9 Nombreux étaient ceux qui avaient perdu foi dans l’Armée

10 populaire yougoslave, ce qui servait les intérêts du peuple serbe,

11 donc l’un de ces aspects de ces forces réside dans le fait qu’elles

12 représentaient un point focal aux yeux de ceux qui étaient prêts à

13 se battre pour une cause serbe, à une époque où de nombreux Serbes

14 désertaient la JNA.

15 Le deuxième aspect caractérisant ces groupes, c’est que la

16 JNA, même à l’époque où elle était multi-ethnique et en tout cas

17 lorsque le corps des appelés est devenu plus purement serbe, n’était

18 pas en mesure de lancer d’importantes opérations terrestres en

19 s’appuyant sur l’infanterie. Par conséquent, si la JNA était prête à

20 utiliser l’artillerie pour mener ses opérations, elle s’appuyait sur

21 des groupes paramilitaires pour investir les zones habitées et se

22 substituer à l’infanterie. De sorte qu’il est permis de dire, sans

23 rentrer dans les détails, qu’il y avait coopération entre les

24 groupes paramilitaires et la JNA, les premiers opérant sous le

25 commandement et dans le cadre de la seconde.

Page 262

1 Q. Pouvez-vous identifier certains de ces groupes ou unités

2 paramilitaires par leur nom et nous citer le nom du responsable qui

3 les dirigeait ?

4 R. Il y avait plusieurs groupes. La Garde des volontaires serbes,

5 conduite par Zeljko Raznjatovic, plus connu sous le nom d’«Arkan».

6 Il y avait d’autres groupes, tels les Aigles blancs, « Beli

7 Orlovi », et les Tchetniks, groupes dirigés par des hommes tels que

8 Vojslav Seselj, Dragoslav Bokan ou Mirko Jovic.

9 Q. Ces groupes paramilitaires ont-ils reçu une quelconque assistance

10 des forces aériennes yougoslaves, notamment dans la période 1991/92

11 ?

12 R. Il a été très certainement question d’une telle assistance, fournie

13 à l’initiative du Général Stevanovic, dans le cadre de la base

14 aérienne de Batajnica. On a dit que les paramilitaires avaient pu

15 s’approvisionner dans ces bases et certains rapports indiquent, par

16 exemple, que Seselj a utilisé les hélicoptères de cette base de la

17 JNA.

18 Q. En conséquence de quoi...

19 R. J’ajouterai un point d’éclaircissement. Seslj l’a déclaré lui-même.

20 Q. Etait-ce en Bosnie ? Les forces aériennes ont-elles été impliquées

21 en Bosnie ?

22 R. Les mêmes groupes opéraient en Croatie et en Bosnie et les forces

23 aériennes ont fourni un appui à ces groupes, ainsi qu’à la JNA dans

24 son ensemble. Au cours des premiers stades de la guerre de Bosnie,

25 aussi bien que pendant la guerre de Croatie, il est certain que les

Page 263

1 forces aériennes ont maintenu, entre autres actions, un pont aérien

2 entre l’est - entre le territoire situé dans la partie orientale de

3 la Bosnie et les parties occidentales de la Bosnie, sous contrôle

4 serbe, ainsi qu’avec les zones contrôlées par les Serbes en Croatie.

5 Q. Cette assistance des forces aériennes yougoslaves aux groupes

6 paramilitaires s’est-elle poursuivie pendant toute la période de

7 1992, pendant toute l’année 1992 ?

8 R. Oui, en effet.

9 Q. Y a-t-il eu une réaction internationale ?

10 R. La réaction internationale a visé spécifiquement l’utilisation,

11 l’utilisation potentielle des forces aériennes en Bosnie-

12 Herzégovine; elle a pris la forme d’une déclaration d’interdiction

13 de survol de la zone par création d’une zone d’exclusion aérienne

14 au-dessus de la Bosnie, qui figure, je crois dans la Résolution 781

15 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

16 Q. Merci. Je vous demanderais simplement de regarder ce document, je

17 vous prie. (Remise du document). Est-ce bien la Résolution 781 des

18 Nations Unies ?

19 R. C’est effectivement la Résolution à laquelle je viens de faire

20 référence, datée du 9 octobre 1992.

21 MAITRE NIEMANN : Je demande que cette Résolution soit versée au dossier,

22 Madame le Président.

23 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 35 ? La

24 Résolution 781 du Conseil de sécurité, n’est-ce pas ?

25 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.

Page 264

1 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection ?

2 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection.

3 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 35 est acceptée.

4 MAITRE NIEMANN : Peut-être ce document peut-il être à nouveau remis au

5 témoin. Pourriez-vous simplement nous indiquer, M. Gow, si vous le

6 voulez bien, où figure cette référence ?

7 R. Vous voulez que je l’indique ?

8 Q. Simplement, où figure cette référence dans la Résolution - peut-être

9 pourriez-vous montrer la première page, pour que nous puissions

10 l’identifier, cette Résolution, puis passer à la deuxième page ?

11 R. Je vous montre le paragraphe dispositif (1) de la Résolution, dans

12 laquelle le Conseil de sécurité indique sa décision de décréter

13 l’interdiction des vols militaires au-dessus de l’espace aérien de

14 Bosnie-Herzégovine, à l’exclusion des vols liés aux activités des

15 Nations Unies et de tous les vols approuvés par les Nations Unies.

16 Q. Pourriez-vous, je vous prie, regarder le document suivant qui vous

17 est montré à présent ? De quel document s’agit-il ?

18 R. Ce document est un rapport du Secrétaire général des Nations Unies,

19 ultérieur à la Résolution 781 du Conseil de sécurité de 1993, et ce

20 rapport correspond à la référence S/1994/300 et est daté du 16 mars

21 1994.

22 MAITRE NIEMANN : Oui, je demande que ce rapport du Secrétaire général soit

23 versé au dossier.

24 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 36 ?

25 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

Page 265

1 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 36 est acceptée.

2 MAITRE NIEMANN : Après son enregistrement, ce document pourrait-il à

3 nouveau être remis à M. Gow ? (A l’intention du témoin). M. Gow,

4 passons, si vous le voulez bien, au paragraphe 23 de la page 8 du

5 rapport du Secrétaire général. En vous référant à cette partie

6 précise du rapport du Secrétaire général, y est-il question de

7 l’établissement de cette zone d’exclusion aérienne ?

8 R. Effectivement et je soulignerais que ce rapport particulier du

9 Secrétaire général, l’ensemble de ce rapport est un rapport global

10 qui concerne les opérations des Nations Unies en ex-Yougoslavie, ce

11 paragraphe particulier traitant de l’instauration d’une zone

12 d’exclusion aérienne en vertu de la Résolution 781 du Conseil de

13 sécurité. D’autres portions du texte, bien entendu, font référence à

14 d’autres aspects des opérations des Nations Unies.

15 Q. Merci. Pourriez-vous, à présent, je vous prie, regarder le document

16 suivant qui vous est remis maintenant ? Le document précédent peut

17 être retourné au Greffe. (Remise du document).

18 R. Excusez-moi, cela vous dérangerait-il si je faisais une chose ?

19 Q. Oui ?

20 R. Avant que l’on enlève ce document, puis-je également souligner qu’il

21 fait référence à la Résolution 781 et à sa mise en oeuvre et qu’il y

22 est également indiqué, si vous regardez le paragraphe 24, qu’entre

23 octobre 1992 et mars 1993, 540 violations de l’interdiction de

24 survol faite aux avions militaires par la Résolution 781 ont été

25 enregistrées, même si un petit nombre de ces violations a été le

Page 266

1 fait des forces croates et non des forces serbes ?

2 Q. Pourriez-vous regarder le document suivant, qui vous est remis

3 maintenant ? Pouvez-vous nous dire de quel document il s’agit ?

4 R. Ce document est tiré, je crois, d’un extrait de l’ouvrage « La

5 Yougoslavie par les documents » de Snezana Trifunovska, dont j’ai

6 déjà parlé. Cet extrait présente une déclaration du gouvernement

7 yougoslave datant du 12 mai 1992. Dans ce cas précis, les termes

8 « gouvernement yougoslave » se rapportent au gouvernement déclaré de

9 la République fédérale de Yougoslavie, composée de la Serbie et du

10 Monténégro.

11 Q. Merci. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

12 Président. Il s’agit du document n° 37. Peut-il être remis au témoin

13 après enregistrement ?

14 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection ?

15 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

16 LE PRESIDENT : La pièce n° 37 est acceptée.

17 MAITRE NIEMANN : En vous rendant à la deuxième page - je pense que c’est

18 probablement la meilleure référence -, je vous demanderais de

19 prendre d’abord connaissance du document, si cela ne vous ennuie

20 pas. Peut-être pourrait-on augmenter le contraste ou la taille des

21 caractères ?

22 R. J’attirerais votre attention sur le second paragraphe de cette

23 déclaration, dans lequel il est rappelé que la présidence

24 yougoslave, à savoir de la Serbie et du Monténégro, a décidé de

25 retirer la JNA de Bosnie-Herzégovine, ainsi que du fait que le

Page 267

1 processus serait achevé dans les dix jours; mais il faut dire aussi

2 qu’à l’origine, il était indiqué que l’Armée serait retirée avant le

3 19 mai.

4 Q. Pouvez-vous, simplement, nous dire la signification ...

5 LE PRESIDENT : Quelle est la date de cette déclaration ?

6 R. 12 mai 1992. Si vous le souhaitez, je peux vous montrer la première

7 page - désolé - cette déclaration est parue dans une publication

8 yougoslave : Review of international affairs », du 12 mai. Elle rend

9 compte d’une décision prise le 4 mai.

10 MAITRE NIEMANN : Pouvez-vous nous dire la signification de ceci...

11 R. Désolé, je suis juste - non, désolé, je retire ce que j’ai dit. La

12 déclaration correspond au 12 mai et elle a paru dans Review of

13 international affairs au cours de l’été, en juin ou en juillet, au

14 vu de ceci.

15 Q. Pouvez-vous nous dire quelle a été l’importance de cette décision

16 concernant la JNA ?

17 R. L’importance de cette décision de retirer la JNA réside, au moins

18 formellement, en ce que les nouveaux dirigeants de la République

19 fédérale de Yougoslavie, à savoir de la Serbie et du Monténégro, et

20 notamment les dirigeants de Serbie, se sont rendus compte que la

21 poursuite de la présence de la JNA sur le territoire de la Bosnie-

22 Herzégovine au cours du conflit armé dans lequel ces forces étaient

23 engagées entraînerait un jugement négatif de la communauté

24 internationale. Ceci avait déjà été indiqué au moment où avait été

25 discutée la possibilité - au moment où le Conseil de sécurité avait

Page 268

1 demandé que la JNA soit retirée et au travers de l’indication

2 stipulant que des sanctions économiques pouvaient être imposées à la

3 Serbie et au Monténégro si la JNA n’était pas retirée.

4 Par conséquent, l’importance réside en ce que le gouvernement

5 yougoslave essayait - c’est-à-dire le gouvernement de Serbie et du

6 Monténégro essayait de faire passer le message selon lequel il

7 allait retirer ses forces du territoire de Bosnie-Herzégovine.

8 Q. M. Gow, merci. Je reviens un instant sur l’implication des

9 paramilitaires auprès de la JNA. Vous avez dit, plus tôt dans votre

10 déposition, qu’il y avait un manque de confiance dans la fidélité

11 des Serbes de la JNA. Pouvez-vous nous dire pourquoi ce manque de

12 confiance existait ? Quelle était la source d’inquiétude ?

13 R. Je dirais que ce manque de confiance dans la JNA était dû, en

14 partie, au fait que pendant toute la guerre en Croatie, l’Armée

15 populaire yougoslave avait consacré beaucoup de temps à ne pas se

16 battre manifestement pour les Serbes, ou plutôt à ne pas se battre

17 ouvertement du côté serbe - rappelez-vous la référence à l’ouvrage

18 du Général Kadijevic, un peu plus tôt - le Général indiquait qu’ils

19 opéraient dans le but de séparer les communautés et, par conséquent,

20 il était impossible de déclarer le véritable objectif, qui

21 consistait à protéger le peuple serbe.

22 Cette impossibilité, en raison de la situation, de déclarer

23 clairement l’objectif poursuivi, la nécessité d’empêcher que cet

24 objectif devienne catégoriquement clair, soit exprimé en mots, a

25 abouti à ce qu’un grand nombre de personnes considèrent l’action de

Page 269

1 la JNA comme inefficace, insuffisante et voient dans la JNA une

2 force assistant en spectatrice aux événements de Croatie. Nombreux

3 ont aussi été ceux qui, peut-être, ont jugé qu’elle avait une

4 orientation exagérément pro-yougoslave et insuffisamment pro-serbe.

5 Cela nous ramène à certaines discussions que nous avons eues au

6 sujet des mouvements, des pressions que l’on a constatées aussi bien

7 à l’intérieur qu’à l’extérieur de la JNA.

8 LE PRESIDENT : Redites-nous quel était, à cette époque, le pourcentage des

9 Serbes au sein de la JNA, dans le corps des appelés et dans celui

10 des officiers.

11 R. A l’époque de la déclaration et de la décision dont nous parlons, le

12 pourcentage des Serbes au sein de la JNA dépassait 90 %.

13 MAITRE NIEMANN : Je demanderais à présent que l’on projette la deuxième

14 partie de la pièce à conviction n° 31, la deuxième séquence vidéo.

15 Je prierais Madame et Messieurs les juges de bien vouloir allumer

16 leur écran vidéo, et si tout va bien, nous pourrons regarder cette

17 bande vidéo ensemble.

18 LE PRESIDENT : La deuxième partie, c’est la bande 1, programme 3 ?

19 MAITRE NIEMANN : Il s’agit simplement de la pièce à conviction n° 31, de

20 cette bande unique, Madame le Président, c’est la deuxième séquence

21 de la deuxième partie. Une série d’interviews se suivent dans cette

22 deuxième partie.

23 LE PRESIDENT : Je vois. Je suppose que ce que vous appelez deuxième

24 partie, c’est le programme 3 ?

25 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président. Je vous invite à regarder plus

Page 270

1 bas sur cette page, dans la partie 2, il y a une série d’interviews

2 intitulée « partie 2 » où nous lisons Vojslav Seselj, Bokan, et

3 ensuite rapport au sujet du nettoyage ethnique. Tout cela représente

4 la partie 2.

5 LE PRESIDENT : C’est la partie 2. Ce que j’essaie de déterminer concerne

6 le procès-verbal. La partie 2 de ...

7 MAITRE NIEMANN : ...de la pièce à conviction n° 31.

8 LE PRESIDENT : ... de la pièce à conviction 31, bande 1.

9 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, je ne crois pas que les références

10 soient celles des bandes. Les bandes, si je puis expliquer...

11 LE PRESIDENT : La bande est intitulée « Vie et mort de l’ex-Yougoslavie »,

12 et vous avez la partie 1, dont une portion au moins a déjà été

13 projetée. Maintenant, nous allons voir une portion de la partie 2

14 qui, je suppose, commence par ce que vous avez inscrit sur la liste

15 des pièces à conviction comme étant la bande 1, programme 3 ?

16 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.

17 LE PRESIDENT : C’est bien cela ?

18 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président. Il y plusieurs bandes et

19 plusieurs programmes. Ainsi est identifié leur emplacement dans une

20 série en cinq parties de la BBC. Dans l’intérêt de nos travaux,

21 Madame et Messieurs les juges, ces numéros indiquent simplement où

22 les séquences ont été extraites, ils nous aident à déterminer d’où

23 elles viennent. Mais une partie, la partie 2 par exemple, est un

24 tout. Elle constituera une section. Les numéros ne servent qu’à nous

25 aider à localiser les séquences dans la série. Il s’agit d’une série

Page 271

1 complète de très courts extraits qui, pris ensemble, constituent la

2 partie 2.

3 JUGE VORAH : C’est un enregistrement ?

4 MAITRE NIEMANN : C’est un enregistrement, l’enregistrement d’un

5 enregistrement.

6 LE PRESIDENT : Il y a cinq parties, si je comprends bien ?

7 MAITRE NIEMANN : C’est une série en cinq parties.

8 LE PRESIDENT : C’est une série en cinq parties. Ce que nous allons voir

9 maintenant est le début de la partie 2. Est-ce bien cela ?

10 MAITRE NIEMANN : Non, Madame le Président, vous n’y êtes pas. La partie 2,

11 c’est notre dénomination, c’est le nom que nous avons donné dans

12 l’intérêt de nos travaux. Nous avons utilisé les dénominations

13 partie 2, partie 3 et partie 4, mais l’émission elle-même se compose

14 de cinq parties.

15 LE PRESIDENT : Vous savez ce qu’il vous reste à faire, c’est très simple.

16 Vous avez une liste des pièces à conviction ?

17 MAITRE NIEMANN : Oui.

18 LE PRESIDENT : Pourriez-vous, je vous prie, montrer sur cette liste des

19 pièces à conviction la bande que vous vous apprêtez à diffuser ? Je

20 crois comprendre que ce que vous voulez diffuser maintenant, c’est

21 ce qui figure sur la liste comme étant la bande 1, programme 3. Si

22 tel n’est pas le cas, pourquoi l’avez-vous placé en deuxième

23 position ?

24 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, à cette table, on me dit un certain

25 nombre de choses, dont aucune ne semble avoir grand sens, donc puis-

Page 272

1 je consulter, Madame le Président ? Madame le Président, possédez-

2 vous le document qui est ici ?

3 JUGE VORAH : Oui.

4 LE PRESIDENT : Je l’ai et je peux le lire.

5 MAITRE NIEMANN : En augmentant le contraste...

6 LE PRESIDENT : Dites-moi ce qui vient ensuite.

7 MAITRE NIEMANN : La partie 2. J’espère que vous voyez, Madame et Messieurs

8 les juges, la partie 2 qui est agrandie. C’est notre dénomination,

9 qui n’a rien à voir avec la série. C’est un numéro que nous avons

10 affecté.

11 LE PRESIDENT : Je me demande ce que vous allez diffuser. Quelle est la

12 référence sur la liste des pièces à conviction ?

13 MAITRE NIEMANN : Je m’apprête à diffuser la totalité de la partie 2, tout

14 ce qui est inscrit comme constituant la partie 2 et qui est agrandi.

15 LE PRESIDENT : Très bien. Donc, vous commencerez par ce qui figure sur la

16 liste comme étant la partie 2, il s’agit de la bande 1, programme 3,

17 « Interviews avec Vojslav Seselj » ?

18 MAITRE NIEMANN : Oui.

19 LE PRESIDENT : OK, très bien.

20 MAITRE NIEMANN : Et nous continuerons en montrant le reste de la partie 2

21 et il n’y aura pas de référence à la partie 4, qui est une bande

22 ultérieure.

23 LE PRESIDENT : Donc, vous n’allez diffuser que trois des bandes ?

24 MAITRE NIEMANN : Non, je vais les diffuser toutes.

25 LE PRESIDENT : Toutes les quatre ? Très bien. OK, très bien. Je pense que

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1 nous n’avons pas vu la bande 1, programme 3, car elle est mise en

2 évidence comme partie 3 et elle viendra après la partie 2 ?

3 MAITRE NIEMANN : La bande 1, programme 3, Madame le Président n’a pas été

4 - cette partie n’a pas encore été projetée.

5 LE PRESIDENT : OK. Y a-t-il objection ? La pièce 31 est un tout, Maître

6 Wladimiroff, parce que vous n’avez pas d’objection à l’une

7 quelconque des parties ?

8 MAITRE WLADIMIROFF : Non, nous n’avons pas d’objection.

9 LE PRESIDENT : Pour le procès-verbal, donc, nous allons commencer à

10 entendre et voir la partie 2 qui figure sur la liste comme bande 1,

11 programme 3, sur la liste des pièces à conviction, c’est bien cela ?

12 MAITRE NIEMANN : Oui, la partie 2, Madame le Président, la référence étant

13 partie 2 de la pièce à conviction n° 31. Pourrait-on la projeter,

14 Madame le Président ? Je pense que c’est la meilleure façon de

15 l’identifier.

16 (Projection de la partie 2 de la pièce à conviction n° 31)

17 M. Gow, avant de revenir en arrière et de demander que la

18 bande soit projetée à nouveau, pour l’arrêter en certains points,

19 pouvez-vous nous dire, de façon générale, de quoi traite cette série

20 de séquences et à quelle époque elle se rattache, quelle est la date

21 des événements qui y sont montrés ? Il y a deux période différentes,

22 je sais, l’une d’entre elles plus tardive, mais de façon générale, à

23 quelle période fait-on référence ?

24 R. La série d’extraits d’interviews se réfère à l’action de certains

25 groupes paramilitaires, avant tout à celle des groupes organisés par

Page 274

1 Vojslav Seselj, du parti radical serbe, ces Tchetniks qui ont opéré

2 d’abord au cours de la guerre menée en Croatie, en Slavonie

3 orientale, autour de Vukovar, et plus tard en Bosnie; cette série

4 d’extraits indique comment, et nous l’avons vu dans le premier

5 extrait, le Général Zivota Panic, commandant du 1er District

6 militaire à l’époque de la campagne de Vukovar est devenu plus tard

7 Chef d’Etat-major de l’Armée yougoslave, et comment l’Armée

8 utilisait l’artillerie, mais ne souhaitait pas s’engager dans des

9 combats urbains. J’ai également parlé de la situation liée au fait

10 que l’infanterie n’étant pas adaptée, compte tenu des problèmes

11 subis par le corps des appelés, l’Armée s’est tournée vers les

12 groupes paramilitaires, qu’elle a utilisés.

13 Ces extraits indiquent également, selon Seselj, l’aide fournie

14 par les services de sécurité serbes et la coopération apportée par

15 certains éléments de l’Armée yougoslave avec ses forces. Cette série

16 d’extraits vous fournit, je crois, quelque indication, quant à la

17 façon dont opéraient les groupes paramilitaires et quant à leur

18 coopération avec des organes officiels de la République de Serbie,

19 en particulier. On constate l’implication du Président Slobodan

20 Milosevic, qui déclare que tout cela est ridicule; cela fait partie

21 des séquences et il convient de le comparer aux déclarations de

22 Seselj dans les interviews qui sont montrées.

23 Si je peux me permettre, avant que nous ne poursuivions et

24 pour vous aider, Madame le Président, Madame le Juge McDonald, je

25 voudrais expliquer comment se présentent ces interviews, compte tenu

Page 275

1 des difficultés que nous avons eues, avant la projection de la bande

2 vidéo.

3 La série « Vie et mort de l’ex-Yougoslavie » se compose de

4 cinq parties. Une sixième partie lui sera adjointe plus tard. Ces

5 quatre émissions figurent sur la liste en tant que programme 1,

6 programme 2, programme 3, en général, on trouve, dans la deuxième

7 colonne l’indication du programme d’où est tiré un extrait

8 particulier ainsi que l’indication horaire d’apparition sur la

9 bande.

10 Les extraits des différents programmes apparaissent, parfois,

11 ensemble et en tant qu’éléments de preuve, je suppose que plutôt que

12 de les décrire comme partie 1 et partie 2, il serait préférable de

13 les décrire comme référence 1 et référence 2 de la bande d’extraits

14 servant d’élément de preuve qui, je crois, sera, lorsque nous en

15 aurons terminé, versée au dossier en tant que pièce à conviction.

16 J’espère que vous n’avez rien contre que j’essaie d’éclaircir ce

17 point et j’espère y être parvenu.

18 LE PRESIDENT : Ceci est important car beaucoup de gens souhaitent voir

19 cette vidéo. Je suppose qu’il s’agit d’un enregistrement, il faut

20 donc que les choses soient claires. Quelle est la date de cette

21 partie, de la partie 2 ? La partie 1, bien sûr, correspondait au

22 printemps de 1991. Quelle est la date correspondant à la partie 2 ?

23 Le savez-vous, Maître Niemann ? Pouvez-vous répondre à ma question ?

24 MAITRE NIEMANN : Je pense que je demanderais l’aide de M. Gow, Madame le

25 Président, pour identifier ces dates particulières. Je sais que la

Page 276

1 première partie est OK, mais s’agissant de l’interview de Seselj,

2 j’aimerais lui demander de nous en indiquer la date approximative,

3 si vous me le permettez, lorsque nous y arriverons.

4 LE PRESIDENT : Ce serait utile, merci.

5 LE TEMOIN : L’interview même a été réalisée pendant le tournage de cette

6 série en cinq parties - des cinq programmes tournés pour la « Vie et

7 mort de l’ex-Yougoslavie » au cours de 1994 ou 1995. Je ne peux vous

8 dire exactement à quelle date cette interview a été réalisée, mais

9 je pense que c’est au début de 1995. Les incidents auxquels Seselj

10 fait référence sont survenus en Croatie en 1991 et en Bosnie-

11 Herzégovine en 1992 et plus tard.

12 Q. Peut-être pourrions-nous voir la bande, je serais d’avis que ce

13 serait sans doute plus facile par rapport à chaque segment. Je

14 demanderais que l’on arrête la projection à certains moments.

15 JUGE STEPHEN : J’ai une simple question.

16 MAITRE NIEMANN : Oui, Monsieur le juge ?

17 JUGE STEPHEN : Nous avons entendu parler des appelés et des officiers. Ce

18 qui me surprend, c’est que rien n‘a été dit des sous-officiers, des

19 caporaux, des sergents, des hommes qui, en fait, font fonctionner

20 l’Armée. Je suppose qu’ils n’étaient pas des appelés, mais des

21 troupes régulières. Quelle était leur nationalité ou est-ce qu’ils

22 figuraient sur la liste des officiers ?

23 R. Ils ne figurent pas sur la liste des officiers. Traditionnellement,

24 les sous-officiers étaient issus du corps des appelés. Au cours des

25 années 80, l’Armée populaire yougoslave a évolué vers un système

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1 dans lequel certains sous-officiers étaient détenteurs d’un contrat,

2 je veux parler des sous-officiers volontaires. Avant d’indiquer que

3 près de 60 % du corps des officiers étaient d’origine serbe, le

4 total, le même chiffre pour l’ensemble du corps des volontaires,

5 j’ai le chiffre à partir de 1988 environ - je ne me rappelle plus -

6 était approximativement de 44 %, mais je ne me rappelle plus le

7 chiffre exact. Mais aux alentours de la mi/de la fin des années 80,

8 après l’instauration du système des contrats, le chiffre

9 correspondant à la totalité de l’élément volontaire, c’est-à-dire

10 aux officiers et aux sous-officiers, tournait autour de 44 %, si je

11 me souviens bien, mais je tiens à dire clairement -

12 JUGE STEPHEN : Merci.

13 LE TEMOIN : - que je ne suis absolument plus certain de cela.

14 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, pourrait-on revoir la bande et en

15 identifier les diverses parties en cours de projection ?

16 (Nouvelle projection de la vidéo)

17 MAITRE NIEMANN : Arrêtez-vous ici. Pourriez-vous vous arrêter un instant,

18 je vous prie ?

19 LE PRESIDENT : Arrêtez la bande. Je pense qu’il suppose que nous

20 souhaitons revenir en arrière. Souhaitez-vous revenir en arrière

21 maintenant ?

22 MAITRE NIEMANN : Non, pas du tout. Qui est l’homme qui vient de parler ?

23 R. C’est le Général Zivota Panic. Lors des opérations menées autour de

24 Vukovar, le Général Panic était le commandant du 1er District

25 militaire de la JNA, le District responsable des opérations en

Page 278

1 Croatie orientale.

2 Q. De quelle date parlons-nous, approximativement ?

3 R. Cela se passait à l’automne, à l’été/automne de 1991. Par la suite,

4 depuis le début de 1992, depuis, je pense, janvier 1992, le Général

5 Panic a été le Chef d’Etat-major de la JNA en remplacement du

6 Général Blagoje Adzic, l’ancien Chef d’Etat-major. Il est donc passé

7 du poste de commandant du 1er District militaire à celui de Chef

8 d’Etat-major de la JNA.

9 Q. Peut-on continuer, je vous prie ? Arrêtez-vous un instant, s’il vous

10 plaît. Qui vient-on de voir à l’écran ?

11 R. C’était Vojslav Seselj, qui est le dirigeant du Parti radical serbe

12 et était le dirigeant du mouvement paramilitaire des Tchetniks

13 serbes.

14 Q. C’était donc un homme politique de Belgrade ?

15 R. Il est député à Belgrade. Il est actuellement député à Belgrade, et

16 était également le dirigeant et l’organisateur de ce groupe

17 paramilitaire volontaire qui est allé se battre en Bosnie-

18 Herzégovine et en Croatie.

19 Q. Dans la période dont il est question maintenant, de quelle période

20 s’agit-il ? Ou peut-être voudriez-vous écouter la bande ?

21 LE PRESIDENT : En fait, lorsqu’il parlait, de quel moment s’agissait-il, à

22 quel moment parlait-il ?

23 R. L’image sur laquelle nous nous sommes arrêtés montrait Seselj en

24 train de prononcer un discours et j’estimerais qu’il s’agissait du

25 premier semestre de 1991, bien que je ne puisse l’affirmer avec

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1 certitude. Il est possible que ces événements se soient passés au

2 cours du second semestre de 1991. J’identifie cette période parce

3 qu’il parle des oustachis, des groupes oustachis qui menacent le

4 peuple serbe de Croatie.

5 Vous vous souvenez peut-être, lorsque nous parlions de la

6 seconde guerre mondiale, que j’ai identifié les oustachis comme

7 étant le groupe mis au pouvoir dans l’Etat indépendant de Croatie.

8 Les éléments serbes utilisaient communément ce terme d’oustachi, en

9 1990 et 1991, pour se référer à tous les nationalistes croates; bien

10 sûr, certaines personnes associées aux familles oustachis revenaient

11 en Croatie dans cette période, ce qui justifie, dans une certaine

12 mesure, l’emploi du terme; mais ce terme était couramment utilisé,

13 de façon beaucoup plus large, comme désignant l’ensemble des

14 mouvements nationalistes croates. Dans le cas qui nous intéresse,

15 Seselj, en utilisant le terme oustachi, parle de la mobilisation, de

16 l’appui fourni par le peuple de Serbie à l’idée d’aller aider ceux

17 en qui il voit des Serbes de Croatie menacés par les Oustachis.

18 Q. Peut-on poursuivre la projection, je vous prie ?

19 Arrêtez-vous ici, je vous prie. Pouvez-vous nous dire à quoi il est

20 fait référence à ce moment particulier ?

21 R. Il se réfère à un incident survenu à Borovo Selo, village situé en

22 banlieue de Vukovar, en mai 1991. Au cours de cet incident, selon ce

23 qui est dit ici, les paramilitaires de Seselj ont dressé une

24 embuscade aux membres des forces de police croates, ce qui a

25 provoqué l’incident, au cours duquel, si je ne m’abuse, je crois que

Page 280

1 douze membres des forces de police croates ont été blessés, excusez-

2 moi, ont été tués, et d’autres blessés.

3 Q. Peut-on rediffuser ce passage ?

4 R. Je tiens à souligner également...

5 Q. Arrêtez-vous à nouveau ici. C’est bien Seselj que nous venons de

6 voir, n’est-ce pas ?

7 R. C’est Seselj, vêtu d’un uniforme de combat et portant un casque,

8 effectivement.

9 Q. Il était généralement considéré comme le chef d’un groupe

10 paramilitaire particulier, n’est-ce pas ?

11 R. Oui, il était considéré comme le chef du mouvement des Tchetniks

12 serbes. Son nom a parfois été associé à un groupe connu sous le nom

13 des Aigles blancs, bien que ce groupe ait été, pour autant que je

14 sois au courant, anciennement dirigé par Mirko Jovic.

15 LE PRESIDENT : Cette période, quelle en était la date ? La première date

16 en 1991 ?

17 R. Je dirais que ce passage date de novembre 1991.

18 MAITRE NIEMANN : Peut-on poursuivre la projection, je vous prie.

19 Arrêtez-vous un instant, s’il vous plaît. Maintenant, qui est

20 l’homme que nous voyons ici à l’écran ?

21 R. Cet homme est Dragoslav Bokan qui dirigeait l’un des petits groupes

22 paramilitaires. Dans l’extrait précédent, nous avons vu des hommes

23 en uniforme en train de crier. C’était une image de la Garde des

24 volontaires serbes, à savoir des hommes connus sous le nom des

25 Tigres, organisés par Zeljko Raznjatovic, plus connu sous le nom

Page 281

1 d’Arkan.

2 Q. Dans le passage précédent, où Seselj parlait, il a fait référence

3 plusieurs fois, si je ne m’abuse, au régime de Serbie. Pouvez-vous

4 nous aider en nous disant à quoi il se référait ?

5 R. Seselj indiquait que son groupe paramilitaire avait reçu l’aide

6 d’organes officiels de la République de Serbie, mais il parlait de

7 casernes et d’installations qui avaient été mises à sa disposition,

8 en même temps qu’il avait reçu des équipements divers, notamment des

9 armes, pour l’aider à agir. Je ne suis pas sûr qu’il se réfère à une

10 période précise. Je dirais qu’il se réfère, plus généralement, à la

11 période qui commence au printemps de 1991, en tout cas au deuxième

12 semestre de 1991, et qu’il parle de la Croatie comme de la Bosnie-

13 Herzégovine.

14 LE PRESIDENT : Quand vous dites « qui commence », pensez-vous à une

15 période postérieure à mai 1992 ?

16 R. Je dirais qu’elle est postérieure à mai 1992, effectivement.

17 MAITRE NIEMANN : Peut-on poursuivre la projection, s’il vous plaît ?

18 Arrêtez-vous ici un instant. Savez-vous, pouvez-vous nous aider, à

19 nouveau, à déterminer le moment où il dit « on nous disait

20 simplement de nous rendre à un endroit ou à un autre » ? Savez-vous

21 de quel moment il parle ou pouvez-vous le supposer ?

22 R. Je suppose qu’il parle d’une période située après mai 1991 et qui se

23 poursuit tout au long de 1992 et probablement au-delà. Je tiens à

24 souligner, en outre, ce qui n’apparaît pas dans la traduction, qu’il

25 fait également référence à Vladimir Bogdanovic, le chef des services

Page 282

1 de sécurité serbes qui était l’un des hommes lui ayant parlé dans le

2 cadre de ces arrangements.

3 Q. Peut-on rediffuser la bande, je vous prie ?

4 Merci. M. Gow, qui était Michaïl ... ?

5 LE PRESIDENT : De quelle époque pensez-vous qu’il parle lorsqu’il dit « la

6 Serbie m’a demandé d’envoyer mes combattants » ?

7 R. Je pense qu’il parle, ou qu’il pourrait parler, d’une époque

8 postérieure à mai 1991. Dans l’extrait particulier que vous venez de

9 voir, il fait spécialement référence à l’aide apportée aux Serbes de

10 Bosnie. Je suppose que cela se passait en 1992 et peut-être en 1993.

11 LE PRESIDENT : Avant de passer à une autre séquence ou à une autre série

12 de questions, nous allons suspendre l’audience jusqu’à 16 h 30.

13 (16 h 10)

14 (Brève suspension d’audience)

15 (16 h 30)

16 JUGE STEPHEN : Avant de commencer, je me demandais si je pourrais vous

17 demander quelques éclaircissements au sujet de la déposition que

18 nous avons déjà entendue, plus particulièrement du pourcentage de

19 Serbes représentés au sein de la JNA.

20 MAITRE NIEMANN : Oui, Monsieur le juge ?

21 JUGE STEPHEN : Lorsque le témoin parle des Serbes, parle-t-il des

22 citoyens, des habitants de la Serbie ou de personnes qui étaient

23 éventuellement des citoyens de Croatie défendant une orientation

24 pro-serbe ?

25 MAITRE NIEMANN : Merci, Monsieur le juge. Oui, M. Gow, pouvez-vous nous

Page 283

1 aider sur ce point que vient d’évoquer Monsieur le juge et qui a

2 trait aux Serbes dont vous avez parlé lorsque vous avez montré vos

3 divers tableaux ?

4 R. Avec plaisir. Le système de répartition ethnique était destiné à

5 garantir un certain degré de proportionnalité - j’y ai fait

6 référence, j’ai parlé de l’article 242 de la Constitution - en

7 cherchant précisément à ce que les Républiques et les provinces

8 jouissent d’une égale représentation. Lorsque j’ai utilisé le mot

9 « serbes », je désignais des gens qui se décernaient à eux-mêmes un

10 label ethno-national, puisqu’il n’existe pas de terme plus

11 approprié, les identifiant comme Serbes et non comme des habitants

12 de Serbie. Ils étaient donc serbes, et pouvaient probablement être

13 serbes de Croatie ou de Bosnie, plutôt que serbes de Serbie ou que

14 de non-, ou que de personnes non ethniquement serbes de Serbie. Il

15 s’agit d’une référence à l’identification ethnique et au processus

16 d’auto-identification.

17 JUGE STEPHEN : Je suppose que vous ne disposez d’aucunes statistiques

18 montrant les effectifs de la JNA à quelque moment particulier, avec

19 la répartition entre habitants de Serbie ou de la nouvelle entité

20 formée de la Serbie et du Monténégro ?

21 R. Je n’ai aucun chiffre correspondant aux habitants de Serbie. Les

22 chiffres qui indiquent, que j’ai fournis à titre d’indication pour

23 mars 1992, les rapports concernant la composition ethnique, je

24 dirais qu’ils se rapportaient à des gens qui étaient habitants de la

25 Serbie et du Monténégro et qui se définissaient eux-mêmes en tant

Page 284

1 que serbes.

2 JUGE STEPHEN : Je vois. Merci.

3 MAITRE NIEMANN : M. Gow, qui était Mihalj Kertes ?

4 R. Mihalj Kertes était le Ministre fédéral adjoint de l’intérieur, dont

5 on dit qu’il était le chef des services fédéraux de sécurité.

6 Q. Quel rôle a-t-il joué dans la création des groupes paramilitaires ?

7 R. Il apparaît, selon des rapports et des sources serbes, que Kertes et

8 le chef des services de sécurité serbes, Radmilo Bogdanovic, dont

9 j’ai parlé avant la suspension d’audience, ont joué un rôle en

10 aidant à organiser et à créer les groupes paramilitaires.

11 Q. Merci. Pourriez-vous regarder le document que je vous montre à

12 présent, je vous prie ? (Remise du document). M. Gow, de quel

13 document s’agit-il ?

14 R. Ce document est un procès-verbal, excusez-moi, pas le procès-verbal

15 mais le texte de l’intervention de M. Ivan Panic, qui à l’époque en

16 question, à l’époque où ce document a été préparé, était Premier

17 Ministre de la République fédérale de Yougoslavie, composée de la

18 Serbie et du Monténégro. Ce document rend compte de son intervention

19 à la Conférence de Londres d’août 1992. La Conférence de Londres,

20 c’est cette importante conférence internationale, organisée

21 conjointement par les Nations Unies et l’Union européenne, sous la

22 présidence britannique de l’Union européenne. Elle s’est tenue du 26

23 au 28 août 1992 et des représentants de tous les pays de l’Union

24 européenne, des pays membres du Conseil de sécurité et d’un certain

25 nombre d’autres instances internationales y ont participé. Elle a

Page 285

1 donné naissance à la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie,

2 qui devait siéger à Genève à partir de septembre 1992.

3 Q. Savez-vous quelle est l’origine de ce document, je parle de la copie

4 que vous avez entre les mains ? Savez-vous qui se l’est procurée ?

5 R. La copie, cette copie, c’est moi-même qui me la suis procurée à la

6 Conférence de Londres.

7 Q. Merci. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

8 Président.

9 LE PRESIDENT : Je pense qu’il s’agit de la pièce à conviction n° 38 ?

10 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

11 LE PRESIDENT : La pièce à conviction est acceptée.

12 MAITRE NIEMANN : Après son enregistrement, ce document peut-il être remis

13 au témoin ? Maintenant, peut-être qu’en passant à la page 3 en

14 particulier, pour commencer, vous pourriez examiner cette page 3 et

15 nous dire ce que signifient les éléments qui y figurent. Je vous

16 prierais de la placer sur le rétroprojecteur, la page 3 et la page

17 4, peut-être.

18 R. Dans le texte de cette intervention, Monsieur Panic, d’origine

19 yougoslave et serbe, qui avait émigré aux Etats-Unis dans les années

20 50 et qui est citoyen américain, était à l’époque Premier Ministre

21 de la Serbie et du Monténégro, de la République fédérale de

22 Yougoslavie; dans cette intervention, il essayait de représenter la

23 Yougoslavie et de promouvoir une politique de paix et indiquait,

24 comme nous le voyons ici, que son gouvernement, selon ses dires,

25 était fermement et catégoriquement opposé à l’emploi de la force

Page 286

1 pour modifier des frontières inter-étatiques et qu’il acceptait les

2 frontières établies entre les républiques de la RSFY en tant que

3 frontières internationales officielles séparant la Yougoslavie et

4 les pays limitrophes; il confirmait également qu’il n’avait aucune

5 prétention sur ces pays limitrophes, disant en même temps que son

6 gouvernement avait déjà reconnu la République de Slovénie et son

7 identité internationale indépendante.

8 Q. A la page 4 ?

9 R. Monsieur Panic indique qu’il rejette catégoriquement ce qu’il décrit

10 comme la pratique barbare du nettoyage ethnique sous quelque forme

11 que ce soit, et poursuit en déclarant qu’il essaiera de traduire en

12 justice tout citoyen yougoslave, c’est-à-dire tout citoyen de Serbie

13 ou du Monténégro contre lequel des preuves pourraient être

14 recueillies qui démontreraient son engagement dans un acte de

15 nettoyage ethnique; il poursuit en affirmant que, dans la ville de

16 Hrtkovci, en Voïvodine, il a, en fait, arrêté, il a fait arrêter le

17 maire au cours de la semaine précédente, pour participation à des

18 pratiques associées au nettoyage ethnique.

19 Q. Cette pièce à conviction peut-elle être retournée au Greffe ? Je

20 suis désolé. Souhaitez-vous vous référer à une autre partie ?

21 R. Si je peux me permettre, j’aimerais faire référence à un extrait de

22 la page 4, que je considère comme la partie significative, la partie

23 la plus significative de ce document; dans le premier paragraphe,

24 inséré pus tard dans cette intervention, Monsieur Panic souligne

25 qu’il a eu des raisons de limoger, je crois que c’était le matin

Page 287

1 même de ce jour, son Ministre adjoint de l’intérieur, à savoir

2 l’homme dont j’ai parlé précédemment, Mihalj Kertes, et la raison

3 qu’il invoque à l’appui de ce limogeage est l’opposition de Kertes à

4 la politique de rejet du nettoyage ethnique.

5 J’indiquerais ici les mots « je limogerai quiconque » et

6 « l’un de mes vices-Ministres a refusé de soutenir la politique

7 d’opposition ferme et active au nettoyage ethnique défendue par mon

8 gouvernement , je l’ai limogé ce matin. Je limogerai tout

9 responsable du gouvernement fédéral qui, par ses actes ou son refus

10 d’agir, soutiendra le nettoyage ethnique sous quelque forme que ce

11 soit».

12 En attirant votre attention, Madame et Messieurs les juges,

13 sur ce point, je pense qu’il est bon, aussi, que je rappelle que

14 Monsieur Panic est citoyen américain et qu’il est arrivé dans le

15 pays pour occuper, temporairement, le poste de Premier Ministre, son

16 accès à ce poste étant généralement considéré comme une tentative,

17 de la part de la Serbie et du Monténégro, de la Serbie surtout,

18 disons, de présenter au monde une image plus amène; Monsieur Panic,

19 alors qu’il tentait de tirer la Yougoslavie dans une direction

20 donnée, avait relativement peu de pouvoir réel, ce que démontrent

21 les événements qui ont suivi, en octobre -ce que nous voyons se

22 passe en mai 1992 - en octobre suivant, lorsque les forces du

23 Ministère serbe de l’intérieur occupèrent les locaux du Ministère

24 fédéral de l’intérieur et ont permis à Monsieur Kertes d’y reprendre

25 son bureau, pour renouer avec ses activités, assis à son bureau de

Page 288

1 Ministre fédéral de l’intérieur et continuant, peut-on penser, à

2 diriger les services fédéraux de sécurité, si les rapports à ce

3 sujet sont exacts.

4 Q. Merci. La JNA a-t-elle, à quelque moment que ce soit, été impliquée

5 dans la distribution de matériel militaire aux groupes

6 paramilitaires ?

7 R. Oui. La JNA a permis aux forces locales serbes d’avoir accès à des

8 armes; elle l’a d’abord fait dans la région de Knin, en Croatie,

9 selon des rapports politiques largement diffusés, et devait jouer un

10 rôle significatif, par la suite, dans la distribution d’armes aux

11 forces irrégulières serbes de Bosnie-Herzégovine.

12 Q. Merci. M. Gow, passons maintenant à l’examen de ce que l’on décrit

13 comme le nouveau projet politique...

14 LE PRESIDENT : A quel moment nous situons-nous, M. Gow, de quelle date

15 parlons-nous, à quel moment la JNA a-t-elle fourni du matériel

16 militaire aux groupes paramilitaires ou permis aux Serbes de Knin

17 d’avoir accès à du matériel militaire, quand, à quelle date ?

18 R. L’accès aux armes dans la région de Knin se situe à la fin de 1990.

19 La distribution d’armes et d’autre matériel aux forces irrégulières

20 de Bosnie-Herzégovine se situe à la fin 1992 et dans les premiers

21 mois de 1992, jusqu’au moment où la JNA a cessé d’exister, en mai

22 1992.

23 LE PRESIDENT : Poursuivez, Maître Niemann, je vous prie.

24 MAITRE NIEMANN : Merci. M. Gow, passons à l’examen du nouveau projet

25 politique. Quelle a été la réaction de la JNA aux déclarations

Page 289

1 d’indépendance de la Croatie et de la Slovénie ?

2 R. La JNA a réagi à ces déclarations d’indépendance de la Slovénie et

3 de la Croatie en les rejetant et en déployant ses troupes.

4 Q. Pourriez-vous regarder les documents qui vous sont remis à présent ?

5 (Remise des documents). Pourriez-vous me dire de quels documents il

6 s’agit ?

7 R. Il s’agit d’un extrait d’une publication en langue anglaise parue à

8 Ljubljana, la capitale de la Slovénie, en août 1991 et intitulée

9 « Guerre en Slovénie »; il contient des extraits de la documentation

10 relative à cette période et traduite en anglais.

11 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

12 Président, il s’agit de la pièce à conviction n° 39.

13 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 39 ?

14 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

15 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 39 est acceptée.

16 LE TEMOIN : Ceci est la traduction d’une instruction émanant du

17 gouvernement fédéral, le 21 juin 1991, qui ordonne au Ministre de la

18 défense de coopérer avec le Ministère fédéral de l’intérieur en vue

19 de mettre en oeuvre et de faire respecter les frontières de la RSFY

20 avec l’Italie, l’Autriche et la Hongrie, en cas de déclaration

21 d’indépendance de la République de Slovénie. Telle fut la base sur

22 laquelle, après les déclarations d’indépendance du 25 juin 1991, les

23 forces de la JNA se sont déployées en Slovénie avec pour mission de

24 garantir la frontière internationale, le point de passage entre ce

25 qui avait été et était encore la frontière de la RSFY avec la

Page 290

1 Slovénie et les pays limitrophes. Ce déploiement fut limité. Il fut

2 d’une utilité limitée pour les autorités civiles désireuses d’aider

3 le Ministère de l’intérieur à prendre le contrôle des postes

4 frontières pour la Fédération et de les garder. La République de

5 Slovénie a réagi, bien entendu, et c’est ensuite le Premier Ministre

6 fédéral, Ante Markovic, qui devait souligner que la JNA, par son

7 action, avait outrepassé les instructions, les ordres émanant du

8 gouvernement fédéral et fournis dans ce document.

9 MAITRE NIEMANN : Merci. Peut-on rendre la pièce à conviction au Greffe ?

10 Accepteriez-vous, je vous prie, de regarder pour moi le document n°

11 40, que je vous montre à présent ? (Remise du document). De quel

12 document s’agit-il ?

13 R. C’est un extrait de l’ouvrage « La Yougoslavie par les documents »

14 de Snezana Trifunovska, dont nous avons déjà parlé. Cet extrait

15 particulier est un document intitulé « Positions et conclusions de

16 la présidence de la RSFY » traitant de la situation en Yougoslavie.

17 Q. Qui se l’est procuré ? Quelle est la source de ce document ? La

18 connaissez-vous ?

19 R. Le document que j’ai entre les mains est tiré du volume de

20 Trifunovska que je viens d’évoquer. Trifunovska se l’est procuré

21 dans la Revue des affaires internationales publiée à Belgrade.

22 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

23 Président.

24 LE PRESIDENT : Il s’agit de la pièce à conviction n° 40. Y a-t-il

25 objection ? Quelle est sa date, excusez-moi ?

Page 291

1 R. Le 27 juin 1991.

2 LE PRESIDENT : Merci. Y a-t-il objection ? Pas d’objection ? La pièce à

3 conviction n° 40 est acceptée.

4 MAITRE NIEMANN : Je pense au paragraphe 3 de la page 306 de ce document;

5 c’est, en fait, la deuxième page.

6 R. Le paragraphe 3 de ces « Positions et conclusions de la présidence

7 de la RSFY » vient en appui de la décision du gouvernement fédéral.

8 L’expression « Conseil exécutif fédéral » que vous lisez ici est à

9 entendre, dans ma bouche, comme signifiant le gouvernement fédéral.

10 Il s’agit d’une déclaration de la présidence à l’appui de la

11 décision du Conseil exécutif fédéral, visant à tenter de garantir le

12 respect du point de passage, des points de passage ménagés le long

13 de la frontière officielle avec la Slovénie, sur le territoire de la

14 République de Slovénie, en empêchant la création de tout autre point

15 de passage frontalier. Si vous regardez la dernière phrase de ce

16 paragraphe, vous constatez qu’elle exprime également une approbation

17 de la participation de l’Armée populaire yougoslave à ses activités

18 spécifiques.

19 Q. Merci. Quelle a été la réaction de la communauté internationale à

20 l’intervention de la JNA en Slovénie ?

21 R. Si vous me le permettez, j’aimerais souligner un autre point de ce

22 document, si vous me le permettez, avant de poursuivre.

23 Q. Oui.

24 R. C’est le point suivant : à ce stade, en raison des déclarations

25 d’indépendance de la Croatie et de la Slovénie, la présidence de la

Page 292

1 RSFY n’était plus la présidence de la RSFY, de quelque point de vue

2 que ce soit, elle n’était plus une réelle présidence, mais une

3 présidence tronquée, à laquelle ne participaient plus ces deux

4 Républiques.

5 Q. Peut-être pourrait-on enregistrer la pièce à conviction. M. Gow,

6 quelle a été la réaction de la communauté internationale à

7 l‘intervention de la JNA en Slovénie ?

8 R. La réaction internationale a été importante, et particulièrement

9 axée sur la réaction du Conseil des Communautés européennes, je

10 parle des Européens en les désignant, par convenance personnelle,

11 sous les termes de Communauté européenne. La CE a immédiatement

12 décidé, entre autres, de dépêcher sa troïka présidentielle en vue de

13 servir de médiateur dans le conflit qui avait éclaté sur le

14 territoire de la Yougoslavie. La troïka présidentielle, pour être

15 clair, se composait du Président, le Président du moment de la

16 Communauté ou de l’Union européenne, le Président du moment et son

17 successeur désigné.

18 Q. En vous contentant de regarder le document qui vous est remis

19 maintenant, contient-il une référence à la réaction de la Communauté

20 européenne ? Pouvez-vous nous dire de quel document il s’agit ?

21 R. Encore une fois, il s’agit d’un extrait de l’ouvrage de Trifunovska

22 « La Yougoslavie par les documents », qui contient deux éléments. Le

23 premier est une brève déclaration de la Communauté européenne et de

24 ses Etats membres, qui exprime de l’inquiétude par rapport aux

25 hostilités qui venaient d’éclater. Elle est datée du 2 juillet 1991,

Page 293

1 soit une date postérieure au début de la mission de la troïka de la

2 Communauté européenne, et il y a aussi le début d’un second élément,

3 à savoir que la Commission des plus hauts dirigeants de la CSC

4 indique son plein appui à la Communauté européenne. Elle fait part

5 de sa préoccupation et je pense que si nous possédions la totalité

6 de cette déclaration, nous y trouverions également un appui à la

7 mission de la Communauté européenne.

8 Q. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

9 Président. Il s’agit de la pièce à conviction n° 41.

10 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce n° 41 ?

11 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

12 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 41 est acceptée.

13 MAITRE NIEMANN : Peut-être pourriez-vous dire quelques mots de cette

14 référence, M. Gow ?

15 R. Ici, en haut, vous avez la brève déclaration d’inquiétude de la

16 Communauté européenne à laquelle j’ai fait référence, en date du 2

17 juillet 1991, qui mentionne l’intervention de la troïka

18 présidentielle de la Communauté européenne ainsi que celle des Etats

19 membres de cette Communauté, qui avait déjà eu lieu et qui, je

20 crois, avait négocié un cessez-le-feu. En bas, vous trouvez une

21 référence à la Commission des plus hauts dirigeants de la CSC et à

22 sa déclaration au sujet de la situation en vigueur sur le territoire

23 yougoslave.

24 Q. Merci. Peut-être peut-on enregistrer cette pièce à conviction et la

25 retourner au Greffe ? M. Gow, je vous demanderais à présent de

Page 294

1 regarder la partie 3, la partie 3 de la vidéo, telle qu’elle

2 apparaît sur votre écran, dans la pièce à conviction n° 31. Avant

3 cela, s’agissant de la liste des pièces à conviction distribuée dans

4 le prétoire, pourriez-vous la placer à l’écran et montrer simplement

5 la partie qui va être projetée, da façon à éviter toute difficulté ?

6 LE PRESIDENT : Je ne souhaite pas revivre les discussions que nous avons

7 eues précédemment. Je ne pense pas que nous ayons un problème ici.

8 Il y a bien une seule partie 3, n’est-ce pas ?

9 MAITRE NIEMANN : Effectivement.

10 LE PRESIDENT : Pas de problème.

11 LE TEMOIN : C’est le passage que nous voulons voir.

12 MAITRE NIEMANN : Je demande à nouveau la projection de la partie 3 de la

13 pièce à conviction n° 31.

14 (Projection de la partie 3 de la pièce à conviction n° 31)

15 Pouvez-vous nous dire, simplement, à quoi se rapporte cette séquence

16 ?

17 R. Cette séquence montre Milan Kucan, qui était à l’époque et est

18 toujours Président de la République de Slovénie, ainsi que Slobodan

19 Milosevic, qui était à l’époque et est toujours Président de la

20 République de Serbie. Dans la séquence, nous voyons une discussion

21 entre les deux Présidents, qui se caractérise par deux aspects

22 significatifs. Le premier, c’est le fait que les deux hommes

23 s’étaient entendus au sujet de la situation et que Milosevic était

24 prêt à signer une sorte d’accord acceptant l’indépendance slovène,

25 en contrepartie d’un accord dans lequel la Slovénie accepterait une

Page 295

1 modification de la Constitution de la RSFY. Le second, c’est le fait

2 que dans les propos de Milosevic, il apparaît clairement qu’il

3 cherchait à modifier la Constitution de la RSFY dans le but

4 d’étendre, de modifier l’application du concept de souveraineté,

5 pour que celui-ci s’applique aux nations et aux peuples, dans

6 lesquels il voyait, indépendamment de toute frontière territoriale,

7 des groupes ethno-nationaux. Ce fait a son importance, compte tenu

8 de ce qui est arrivé par la suite, je pense, car les divergences qui

9 avaient surgi entre les Républiques yougoslaves tournaient autour

10 des principes constitutionnels de 1974 et de la souveraineté des

11 Républiques. Ces divergences ont débouché sur des pourparlers et sur

12 l’organisation d’une conférence avec la Communauté européenne, pour

13 traiter de la souveraineté des Républiques. Le second aspect que

14 j’ai mis en exergue montre à quel point le Président serbe

15 reconnaissait les dispositions constitutionnelles existantes, ainsi

16 que la nécessité de les modifier si l’ensemble du peuple serbe,

17 c’est-à-dire non seulement le peuple serbe vivant dans les

18 frontières de la République de Serbie, mais aussi le peuple serbe

19 vivant en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, devaient être concernés,

20 devaient se voir octroyer le droit à l’autodétermination en vertu de

21 ces dispositions.

22 JUGE STEPHEN : Voulez-vous dire que Milosevic ne s’exprimait pas de façon

23 sarcastique ? Ne dit-il pas « accordez la aux nations, mais aussi à

24 tous les groupes minoritaires » ? Je pensais qu’il était

25 sarcastique, mais je peux m’être trompé.

Page 296

1 R. D’après ce que je me rappelle, ce n’est pas cela qu’il a dit. Je

2 crois qu’il préconisait sérieusement un changement nécessaire. La

3 République de Serbie, mais aussi la conférence de la Communauté

4 européenne devaient, à l’automne de 1991, poser la question de

5 savoir si les Serbes de Croatie avaient droit ou non à

6 l’autodétermination.

7 JUGE STEPHEN : Bien.

8 MAITRE NIEMANN : Madame et Messieurs les juges, souhaitez-vous revoir

9 cette séquence ou cela vous suffit-il ?

10 LE PRESIDENT : Si vous nous posez la question, oui, nous souhaitons la

11 revoir. Notamment à la lumière de la question posée par le juge

12 Stephen, j’aimerais la revoir.

13 MAITRE NIEMANN : Peut-on la rediffuser, je vous prie ?

14 (Rediffusion de la séquence vidéo)

15 M. Gow, est-il permis de dire qu’à ce moment particulier, la Serbie

16 n’avait pas les mêmes intérêts en Slovénie, que la République de

17 Serbie n’avait pas les mêmes intérêts en Slovénie que ceux qu’elle

18 pouvait avoir dans d’autres parties de la Yougoslavie abritant des

19 minorités ou des populations serbes ?

20 R. Il est exact de dire que la population serbe n’était pas importante

21 dans la République de Slovénie et que, par conséquent, la Serbie

22 avait moins de raisons ou moins de justifications pour soutenir ou

23 rejeter l’indépendance slovène.

24 Q. Eh bien, j’allais demander que l’on nous remontre une pièce à

25 conviction, mais il est possible d’en faire une copie. Si tel est le

Page 297

1 cas, je n’insiste pas. J’allais demander la pièce à conviction n°

2 30, mais si ce n’est pas le moment, je peux attendre et je le ferai.

3 Je vous prierais de bien vouloir examiner le document suivant

4 qui vous est remis à présent. (Remise du document). De quel document

5 s’agit-il ?

6 R. C’est la copie d’un article paru dans le Journal des affaires

7 étrangères de juillet/août 1994 sous la plume de David Gompert.

8 Gompert était l’ancien Directeur responsable de l’Europe et de

9 l’Eurasie auprès du Conseil national de sécurité de l’administration

10 américaine sous le Président Bush.

11 Q. Oui. Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame le

12 Président.

13 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection ?

14 MAITRE WLADIMIROFF : Non, pas d’objection, Madame le Président.

15 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 42 est acceptée.

16 MAITRE NIEMANN : Peut-on remettre ce document au témoin ? M. Gow, je pense

17 qu’il y a une note de bas de page que vous pourriez nous montrer, à

18 la page 3 de cette pièce à conviction, qui est la page 36 de

19 l’article. Peut-être pourrait-on, simplement, agrandir cette note de

20 bas de page. Je crois qu’il sera nécessaire d’agrandir pas mal de

21 passages.

22 LE PRESIDENT : Cet article est intitulé « Comment battre la Serbie »,

23 n’est-ce pas ?

24 MAITRE NIEMANN : C’est cela, Madame le Président. Quelle est l’importance

25 de cette note de bas de page, M. Gow ?

Page 298

1 R. Selon mon interprétation, lorsque la JNA s’est déployée pour la

2 première fois en Slovénie, en réaction à la déclaration

3 d’indépendance et conformément à l’instruction du gouvernement

4 fédéral datée du 21 juin 1991, dont j’ai déjà parlé, son but n’était

5 pas de déclarer la guerre à la Slovénie; elle tentait d’appliquer le

6 règlement fédéral de l’époque, conformément à l’interprétation qui

7 en était faite par le gouvernement fédéral et s’est trouvée engagée

8 dans un conflit armé avec les forces de défense territoriales de la

9 Slovénie. Si elle a agi de la sorte, c’était en partie parce qu’elle

10 pensait que les Slovènes, soit n’allaient pas combattre, pas réagir,

11 soit, au cas où ils décidaient de combattre et de réagir, qu’elle-

12 même pourrait accélérer son action et prendre le contrôle de la

13 Slovénie.

14 A mon avis, l’intervention de la communauté internationale et

15 notamment celle de la Communauté européenne, ont modifié cette

16 perspective.

17 Rappelez-vous ce que nous avons vu dans l’une des séquences vidéo

18 précédentes, lorsque Borisav Jovic indiquait qu’en mars, Kadijevic

19 avait déjà exprimé son inquiétude par rapport à une réaction

20 occidentale à une quelconque action de la JNA. Je pense qu’à

21 l’époque des déclarations d’indépendance, les Généraux de la JNA

22 étaient certains qu’il n’y aurait pas d’intervention extérieure et

23 qu’à ce moment-là, l’intervention de la Communauté européenne a

24 modifié cette perspective. Tout cela n’est que mon interprétation

25 personnelle des événements. Dans ce contexte, je pense que la JNA a

Page 299

1 dû ressentir une inquiétude accrue, suite à l’intervention de la CE

2 et aux autres discussions menées au sein de la communauté

3 internationale quant à une éventuelle intervention internationale,

4 sur une toile de fond fournie par la guerre du Golfe de 1990/91,

5 encore très fraîche dans les mémoires. Dans ce contexte, je cite

6 Gompert, haut responsable de l’administration américaine, qui

7 indique qu’après le sommet de Rome de novembre 1991 de l’OTAN,

8 l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord, le Général Kadijevic

9 lui avait indiqué penser que l’Alliance préparait une force destinée

10 à intervenir contre la JNA sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.

11 Q. M. Gow, en passant de Slovénie en Croatie, comment la JNA a-t-elle

12 mené la guerre contre la Croatie au cours de la seconde moitié de

13 1991 ?

14 R. J’ai déjà dit que la JNA a commencé par déployer ses troupes à

15 l’extérieur des casernes de Croatie, dans le but ostensible de

16 prévenir un conflit intercommunautaire, selon ce que l’on appelle

17 parfois une volonté de maintenir la paix, et comment, selon le

18 Général Kadijevic, il s’agissait, en fait, d’un mécanisme destiné à

19 aider et à protéger les Serbes de Croatie, selon ses propres termes.

20 Au fur et à mesure que la Yougoslavie entrait dans sa phase finale

21 de dissolution, suite aux déclarations d’indépendance, le Général

22 Kadijevic et d’autres ont déclaré que la JNA avait un objectif en

23 deux phases dans sa campagne en Croatie, dont les deux phases

24 impliquaient d’utiliser les populations serbes ainsi que les groupes

25 irréguliers et paramilitaires. La première phase devait consister à

Page 300

1 s’emparer des territoires abritant une population serbe importante

2 ou majoritaire, et de réunir ces régions, dans la mesure du

3 possible; la seconde phase eût alors consisté à battre la Croatie

4 dans sa totalité en tentant de renverser le gouvernement croate de

5 Franjo Tudjman. Les archives, les archives historiques, montrent que

6 la JNA a été incapable de passer à cette seconde phase et aussi,

7 selon les écrits du Général Kadijevic et du Général Panic, qu’elle

8 a, y compris, été incapable de réaliser pleinement les objectifs

9 qu’elle s’était assignés dans la première phase de ces opérations, à

10 savoir s’emparer des territoires majoritairement peuplés de Serbes

11 ou limitrophes de ces régions.

12 Q. En rapport avec la guerre contre la Croatie, pourriez-vous regarder

13 le document que je vous montre à présent ?

14 LE PRESIDENT : Puis-je simplement poser une question ? Quelle est

15 l’importance de cette pièce à conviction, la pièce à conviction n°

16 42, la note en bas de page 1 ? Je pose simplement la question. Peut-

17 être ne devrais-je pas vous la poser à vous, mais à Maître Niemann.

18 Nous demandez-vous de regarder la note en bas de page 1 ?

19 LE TEMOIN : Parlez-vous de l’article intitulé « Comment battre la Serbie »

20 ?

21 LE PRESIDENT : Oui.

22 R. L’importance, à mon avis, du point de vue de l’élément de preuve que

23 j’essaie de fournir dans ma présentation de la position de la JNA au

24 cours de la guerre en Croatie, vient de ce qu’est mise en évidence

25 l’inquiétude qui régnait parmi les Généraux de la JNA quant à la

Page 301

1 perspective d’une intervention militaire occidentale; c’est la

2 seconde facette de l’élément de preuve que j’ai fourni précédemment,

3 lorsque j’ai dit que si le discours théorique parlait de la

4 nécessité de séparer les communautés afin de prévenir un

5 affrontement intercommunautaire, le but réel consistait à déguiser,

6 ainsi, une action d’un autre type, à savoir une campagne destinée à

7 créer les frontières de cette nouvelle entité, de cette nouvelle

8 Yougoslavie, censée englober des parties de la Croatie et, plus

9 tard, des parties de la Bosnie-Herzégovine.

10 Si cela vous a été montré, c’est parce qu’il convient de faire

11 apparaître l’inquiétude suscitée par la possibilité d’une

12 intervention militaire occidentale. C’est cette inquiétude qui a

13 conduit la JNA à continuer à ne pas déclarer explicitement

14 l’objectif qu’elle poursuivait, mais à mener campagne dans le but de

15 créer les nouvelles frontières de cette nouvelle entité sans dire

16 ouvertement que c’est cela qu’elle tentait de faire.

17 LE PRESIDENT : Merci.

18 MAITRE NIEMANN : Pourriez-vous examiner à présent ce document, celui qui

19 vous est remis maintenant ? (Remise du document). M. Gow, à

20 l’évidence, il s’agit d’une carte. C’est la carte de quoi ?

21 R. C’est la carte des territoires de l’ex-Yougoslavie, sur laquelle

22 sont indiquées les régions de Croatie sous contrôle serbe, ainsi que

23 les axes principaux des opérations de la JNA durant la première

24 phase de ses opérations en Croatie.

25 Q. Merci. Je demande que cette carte soit versée au dossier, Madame le

Page 302

1 Président.

2 LE PRESIDENT : Y a-t-il une objection à la pièce à conviction n° 43 ?

3 MAITRE WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

4 LE PRESIDENT : Vous ai-je demandé si vous aviez une objection à la pièce à

5 conviction n° 42 ?

6 MAITRE WLADIMIROFF : Vous ne l’avez pas fait, mais nous n’en avons pas.

7 LE PRESIDENT : Je ne pense pas. Très bien. Eh bien, la pièce à conviction

8 n° 42 est acceptée, de même que la pièce à conviction n° 43.

9 MAITRE NIEMANN : M. Gow, en vous contentant d’examiner la pièce à

10 conviction qui est, à présent, placée à l’écran, pouvez-vous, je

11 vous prie, nous montrer simplement comment a progressé la guerre

12 contre la Croatie au cours de la deuxième moitié d’août 1991 ?

13 R. Vous constaterez que, sur cette carte, deux zones apparaissent en

14 gris, ici. La première ici, la seconde là. Ceci est la zone

15 généralement connue sous le nom de Krajina, qui relie les régions de

16 Banija et de Kordun à la Slavonie occidentale, située ici. Ici, vous

17 voyez la Slavonie orientale. Ce sont des régions qui, soit étaient

18 majoritairement peuplées de Serbes, avaient une majorité de

19 populations serbes, soit étaient tombées sous le contrôle des forces

20 serbes conjuguées à la JNA, au cours de l’année 1991.

21 Vous verrez aussi des lignes rouges, agrémentées de flèches,

22 qui indiquent des mouvements de Gradiska à Virovitica, de Bihac à

23 Karlovac et de Knin à Zadar, sur la côte, ainsi que de Mostar vers

24 l’ouest de l’Herzégovine, en Bosnie-Herzégovine, en passant par

25 Split, sur la côte. Les lignes partant de Banja Luka, ici, indiquent

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1 que les forces du corps de Banja Luka engagées dans ces opérations

2 se sont déplacées vers Karlovac et Virovitica. Ces axes, ces lignes

3 d’attaque et d’opération sont celles que le Général Kadijevic a

4 définies dans son ouvrage, s’agissant de cette phase de la guerre en

5 Croatie.

6 J’ajouterais également, sans entrer dans les détails, que

7 quiconque souhaitant identifier les frontières que l’on cherchait à

8 créer au cours de cette phase du conflit eût probablement dû tracer

9 cette ligne, qui part de Virovitica et descend vers Zadar et Split,

10 en passant par Karlovac.

11 Q. Peut-on retourner ce document au Greffe ?

12 R. Si vous le permettez, j’ai omis d’indiquer l’existence de cette

13 petite zone, dans le sud de la côte dalmate, qui était aussi sous

14 contrôle serbe, à l’époque, excusez-moi, sous le contrôle de la JNA.

15 Q. Peut-on retourner cette pièce au Greffe ? Je demanderais maintenant

16 la diffusion de la partie 4 de la pièce à conviction n° 31. Peut-

17 être pourrait-elle être diffusée en entier, d’abord, après quoi, je

18 vous demanderais de la discuter, M. Gow.

19 (Projection de la partie 4 de la pièce à conviction n° 31)

20 Arrêtons-nous ici un instant. Pouvez-vous nous dire quelle est la

21 date de cette séquence ? A quoi elle se rapporte ? De quelle période

22 il s’agit ?

23 R. C’est l’Amiral Branko Mamula auquel il est fait référence, cet homme

24 que nous avons déjà vu dans une autre séquence vidéo; il se réfère à

25 la guerre en Croatie du second semestre de 1991, et plus précisément

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1 à ce qui allait être identifié comme la phase deux des opérations,

2 selon les termes du Général Kadijevic dans son livre, ainsi qu’à

3 l’intention de mener une attaque en deux parties qui, une fois la

4 première phase achevée, devait consister à se lancer sur Zagreb pour

5 renverser le régime croate. Cela faisait partie du programme qui n’a

6 jamais été accompli. Pour autant que je le sache, ils n’ont jamais

7 fait mouvement pour tenter d’appliquer la phase deux. La cause

8 susceptible d’expliquer une telle absence de soutien, de la part des

9 communautés serbes, à un mouvement ultérieur, est à rechercher dans

10 le fait que la JNA manquait de ressources en hommes.

11 Q. Pouvez-vous rediffuser cette séquence, je vous prie ?

12 M. Gow, eu égard à la guerre menée dans le sud de la Croatie, la JNA

13 a-t-elle agi seule ou avec l’aide de forces paramilitaires ? Je

14 pense, plus particulièrement, au sud de la Croatie.

15 R. Sur la carte que je viens de montrer, j’ai indiqué les zones sous

16 contrôle serbe, ainsi qu’en fait, l’opération menée par la JNA

17 serbe, et chacune de ces zones possède ses caractéristiques propres;

18 dans l’est de la Slovénie, les forces de la JNA ont opéré en

19 conjonction avec les groupes paramilitaires venus de Serbie ou issus

20 des quelques forces locales, mais avant tout de Serbie. Dans la zone

21 la plus importante, ce sont des groupes paramilitaires venus de

22 Serbie, pour partie, mais surtout des Serbes locaux qui ont été

23 impliqués dans ces opérations et la dernière zone impliquée, celle

24 qui se trouve dans le sud de la Dalmatie et aboutit au quartier de

25 Konavle à Dubrovnik, a subi une opération presque exclusivement

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1 conduite par la JNA.

2 Q. Peut-être pourrait-il être utile ...

3 R. Il y avait une modeste implication paramilitaire...

4 Q. ... Pourriez-vous la montrer sur la pièce à conviction n° 43 ?

5 R. Avec plaisir.

6 Q. Peut-être pourrait-on montrer la pièce à conviction n° 43 ?

7 Pourriez-vous nous indiquer la région de Dalmatie dans laquelle la

8 JNA a opéré ?

9 R. Merci. Comme vous le voyez, j’ai indiqué, j’ai mentionné les trois

10 régions, la Slovénie orientale où la JNA a opéré surtout avec l’aide

11 de groupes paramilitaires venus de Serbie, la plus grande région

12 située ici, dans laquelle la JNA a d’abord prêté assistance aux

13 Serbes locaux et la région située plus bas, ici, la région côtière,

14 située en bas, ici, qui mène à la ville de Dubrovnik, à peu près

15 ici, et qui a été rendue célèbre par le siège qu’elle a subi à

16 l’automne de 1991; dans cette région, la JNA a agi plus ou moins

17 seule, en menant ses opérations à partir du Monténégro et de

18 Trebinje, en Herzégovine, située dans cette partie de la Bosnie-

19 Herzégovine, d’où elle s’est déplacée pour occuper la zone côtière.

20 Q. A votre avis, quelle est l’importance du fait que la JNA ait opéré

21 sans l’aide des paramilitaires ou des forces locales serbes ?

22 R. Cela indique que la JNA avait ses propres objectifs, qu’elle n’était

23 pas simplement soumise aux populations serbes locales dans ces

24 régions, notamment. En particulier dans ces régions, dans cette

25 zone, cela indique, je pense, la nature de la guerre ainsi que le

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1 projet qu’elle visait à réaliser. La Marine yougoslave se déplaçait

2 le long de la côte en détruisant les habitations, les habitants ont,

3 pour la plupart, fui rapidement cette région, en l’espace de deux

4 semaines, les forces de la JNA, employant des Monténégrins, des

5 réservistes du Monténégro comme supplétifs, se déplaçant vers le

6 haut et utilisant la totalité de cette bande côtière à l’exception

7 de Dubrovnik. La localisation de ces régions, des opérations menées,

8 montre, à mon avis, que l’objectif de la JNA, dans le cadre de ce

9 projet, consistait à créer des territoires vidés de leur population

10 étrangère, c’est-à-dire de la population susceptible de s ’opposer

11 aux nouvelle frontières de cette nouvelle Yougoslavie, projet pour

12 lequel se battait la JNA, en conjonction avec les dirigeants

13 politiques serbes ?

14 Q. Y a-t-il eu une action politique quelconque entreprise parallèlement

15 aux actions militaires de la JNA, dans la deuxième partie de 1991 ?

16 R. Je vous demande pardon, je n’ai pas entendu la totalité de la

17 question.

18 Q. Y a-t-il eu une action politique quelconque entreprise parallèlement

19 à l’action militaire de la JNA au cours de la seconde partie de 1991

20 ?

21 R. A partir de 1990, une action politique s’est développée, en rapport

22 avec le projet que j’ai identifié. Le 21 décembre 1990, notamment,

23 les deux provinces autonomes serbes déjà déclarées, à savoir la

24 région autonome serbe de Krajina, le territoire que je vous montre

25 ici, et la province autonome serbe de Slavonie orientale, regroupant

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1 la Baranja et l’ouest du Srem, la région que je vous montre ici,

2 avaient été réunies en une seule province autonome serbe.

3 Le 28 février 1991, ce territoire avait proclamé une

4 Constitution provisoire destinée à créer une République serbe de

5 Krajina, et le 19 décembre 1991, cette Constitution entrait en

6 vigueur grâce à la déclaration d’existence de la République serbe de

7 Krajina; donc, le but de ces documents consistait à affirmer que les

8 territoires désignés comme faisant partie de cette région ne

9 faisaient plus partie de la République de Croatie, mais bien de la

10 République serbe de Krajina, et l’idée était, je crois que la

11 République serbe de Krajina ferait partie, serait un élément de

12 cette nouvelle mini-Yougoslavie.

13 Q. En rapport avec cette action politique, je vous prierais de bien

14 vouloir, à présent, regarder le document qui vous est remis. De quel

15 document s’agit-il ?

16 R. Il s’agit de la traduction anglaise de la Constitution dont je viens

17 de parler, celle de la République serbe de Krajina, dont l’existence

18 a été décrétée par les Serbes, ceux qui contrôlaient les régions

19 serbes de Croatie, en 1991. Elle est parue dans la série

20 « Constitutions de dépendances et de souverainetés spéciales»

21 publiée par Oceania, dont j’ai déjà parlé.

22 Q. Contient-elle la déclaration dont vous avez parlé ?

23 R. Elle contient le texte de la constitution de la République serbe de

24 Krajina, telle qu’elle a été mise en oeuvre, selon ce que j’en vois,

25 à partir de ce que je vois ici, à compter du mois de février 1991.

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1 Je pense avoir cité une date erronée précédemment.

2 MAITRE NIEMANN : Je demande que ce document soit versé au dossier, Madame

3 le Président. Il s’agit de la pièce à conviction n° 44.

4 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 44 ?

5 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

6 LE PRESIDENT : La pièce à conviction n° 44 est acceptée.

7 MAITRE NIEMANN (A l’intention du témoin) : M. Gow, je pense que vous avez

8 déjà traité du succès remporté par la campagne de la JNA en Croatie,

9 mais la JNA a-t-elle réalisé son objectif en Croatie ?

10 R. Elle n’a certainement pas réalisé les objectifs qu’elle s’était

11 assignés selon les dires des Généraux Kadijevic et Panic, eu égard à

12 la Croatie à son ensemble. Selon les mêmes Généraux, elle n’a pas

13 non plus réalisé les objectifs qu’elle s’était assignés durant la

14 première phase des opérations, la phase limitée, qui concernait les

15 régions abritant d’importantes populations serbes. Les deux Généraux

16 ont discuté de l’échec de la JNA et de ses partenaires, impliqués

17 dans ce projet destiné à accomplir leurs objectifs en Slovénie

18 occidentale.

19 Q. Suite à cette absence de succès en Slovénie et en Croatie à la fin

20 de 1991, la JNA s’est-elle fixé un objectif moins ambitieux sur le

21 plan yougoslave ?

22 R. Si je peux me permettre d’éclaircir un peu les choses, je dirais que

23 les objectifs de la JNA - j’estime que le premier objectif de la

24 JNA, en juin 1991, consistait à préserver la RSFY dans son ensemble,

25 et lorsqu’elle a déployé des troupes aux frontières, aux postes

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1 frontaliers séparant la Slovénie de l’Italie, de l’Autriche etc.,

2 telle était sans doute son intention. Je ne peux dire que tel était

3 le cas avec certitude. Mais c’est mon interprétation personnelle de

4 la situation.

5 Je dirais qu’après cela, sur la base des éléments de preuve

6 que nous avons vus et sur celle des propos tenus par le Général

7 Kadijevic et Panic notamment, on constate que l’on en est revenu à

8 l’objectif consistant à maintenir la Croatie, mais pas la Slovénie,

9 au sein d’un dispositif fédéral rénové, d’une Yougoslavie rénovée,

10 et lorsqu’il leur est apparu clairement que les ressources

11 disponibles ne leur permettraient pas de réaliser cet objectif, ils

12 en sont revenus à l’idée de créer de nouvelles frontières entourant,

13 pour l’essentiel, des populations serbes et situées, dans ce cas

14 précis, en Croatie, comme cela devait être le cas un peu plus tard

15 en Bosnie-Herzégovine.

16 Q. Trouve-t-on des références à ces points particuliers dont vous venez

17 d’attester dans l’ouvrage du Général Kadijevic, à savoir dans la

18 pièce à conviction n° 30 ?

19 R. Oui.

20 Q. Quelles ont été les conséquences, en Bosnie, des actions menées par

21 la JNA en Croatie dans la dernière partie de 1991 ?

22 LE PRESIDENT : Excusez-moi, Maître Niemann, j’ai l’impression que vous

23 êtes en train de passer à une nouvelle série de questions ?

24 MAITRE NIEMANN : Effectivement, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : Peut-être est-ce le moment de suspendre l’audience. Je

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1 tiens à rappeler aux parties que nous suspendrons l’audience de

2 demain à 16 heures, un peu plus tôt que d’habitude, car notre

3 Chambre a une autre affaire à traiter. Pour le moment, nous

4 suspendons l’audience jusqu’à demain, 10 heures.

5 (Suspension de l’audience jusqu’au lendemain)

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