Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire:IT-94-1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 15 mai 1996

4 (10 h 00)

5 LE PRESIDENT : Maître Niemann, pourriez-vous appeler votre témoin suivant,

6 je vous prie ?

7 MAITRE HOLLIS : Oui, Madame le Président, j’appellerai le témoin.

8 LE PRESIDENT : Faites-le.

9 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, l’accusation appelle M. Gasi.

10 (Appel de M. ISAK GASI)

11 LE PRESIDENT : Je vous prierais de prêter serment, M. Gasi.

12 LE TEMOIN : (En Traduction). Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 (Prestation de serment du témoin)

15 LE PRESIDENT : Merci.

16 (Interrogatoire mené par Maître HOLLIS)

17 Q. : Je vous prierais de décliner votre nom complet.

18 R. : Isak Gasi.

19 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

20 R. : Le 5 mai 1957.

21 Q. : Quelle est votre nationalité ?

22 R. : Musulmane.

23 Q. : Où êtes-vous né ?

24 R. : A Brcko.

25 Q. : Cela se trouve-t-il en Bosnie-Herzégovine ?

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1 R. : Oui.

2 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, je voudrais que la prochaine pièce à

3 conviction soit versée au dossier. Je crois qu’il s’agit de la pièce

4 n° 73.

5 LE PRESIDENT : Je prierais l’huissier de bien vouloir prendre cette pièce

6 à conviction pour la remettre au représentant du Greffe, qui

7 l’enregistrera sous la cote 73.

8 MAITRE HOLLIS : J’aimerais également qu’elle soit montrée à la Défense, je

9 vous prie. Peut-elle être placée sur le projecteur, s’il vous plaît

10 ?

11 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à la pièce à conviction n° 73 ?

12 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

13 LE PRESIDENT : La pièce n° 73 est acceptée.

14 MAITRE HOLLIS : Merci, Madame le Président. (A l’intention du témoin). M.

15 Gasi, je vous prierais d’examiner la pièce à conviction n° 73 et de

16 montrer au Tribunal, je vous prie, où se trouve Brcko, la région

17 dont vous êtes originaire.

18 R. : Ici.

19 Q. : Veuillez l’indiquer, je vous prie, et vous servir du pointeur pour

20 la désigner sur le projecteur. Merci. M. Gasi, de quelle opstina

21 fait partie Brcko ?

22 R. : Avant, c’était l’Assemblée des municipalités de Brcko, avant la

23 guerre.

24 Q. : Etes-vous originaire de la ville de Brcko ou d’un village situé dans

25 l’opstina de Brcko ?

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1 R. : De la ville de Brcko, du centre, du centre même.

2 Q. : Brcko est à la frontière de quelle ancienne République, qui est

3 aujourd’hui un pays ?

4 R. : Au nord, il y a la rivière Sava qui nous sépare de la Croatie.

5 Q. : Combien de temps avez-vous vécu à Brcko ?

6 R. : Depuis ma naissance, jusqu’à mon départ de la ville, le 7 juin 1992.

7 Q. : Si vous le savez, pourriez-vous nous dire quelle était la

8 composition ethnique de Brcko ?

9 R. : La population majoritaire de la municipalité et de la ville était

10 bosniaque musulmane, ensuite venaient les Croates et le troisième

11 groupe était les Serbes.

12 Q. : M. Gasi, quelle était votre profession antérieure ?

13 R. : J’ai travaillé quinze ans dans la distribution d’électricité de

14 Brcko, j’étais donc électricien.

15 Q. : Vous y avez travaillé jusqu’à quelle date ?

16 R. : J’y ai travaillé jusqu’au 27 mai, date de mon arrestation.

17 Q. : De quelle année ?

18 R. : 92, mai 1992, le 27 mai.

19 Q. : Quelles étaient vos fonctions ?

20 R. : J’assurais la surveillance et la maintenance de l’équipement sur le

21 territoire de la municipalité de Brcko, je veux parler d’équipement

22 électrique.

23 Q. : Vos fonctions vous amenaient-elles à vous rendre dans des régions de

24 l’opstina autres que la ville de Brcko ?

25 R. : Oui, dans toute la municipalité.

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1 Q. : Pratiquiez-vous quelque sport que ce soit ?

2 R. : Oui, je faisais du canotage - du canoë.

3 Q. : A quel niveau pratiquiez-vous ce sport ?

4 R. : Eh bien, à un niveau relativement élevé dans l’ex-Yougoslavie et

5 hors de la Yougoslavie, un niveau moyen dirais-je, j’étais à un

6 niveau moyen pour l’Europe.

7 Q. : Vous le pratiquiez donc aussi au niveau international ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Du fait de vos activités sportives, diriez-vous que vous étiez

10 connu, ou du moins connu en Yougoslavie ?

11 R. : Je le crois, oui.

12 Q. : Vous êtes-vous jamais engagé dans quelque service militaire que ce

13 soit ?

14 R. : Oui, j’ai servi régulièrement dans l’Armée populaire yougoslave

15 régulière.

16 Q. : A savoir ?

17 R. : D’octobre 1977 à décembre 1978.

18 Q. : Où avez-vous fait votre service ?

19 R. : Nous avons d’abord subi une période d’entraînement à Kraljevo, puis

20 avons été envoyés à Prokuplje, c’est-à-dire trafic quelque chose

21 (sic), je ne sais pas comment cela s’appelait, en Serbie, dans le

22 centre de la Serbie.

23 Q. : Où se trouve Kraljevo ?

24 R. : Eh bien, comme je vous l’ai dit, dans la partie centrale de la

25 Serbie.

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1 Q. : Quelles étaient vos fonctions dans l’Armée ?

2 R. : J’étais chauffeur.

3 Q. : Pendant votre service militaire, vous êtes-vous familiarisé avec les

4 uniformes, les armes, l’équipement et les insignes de la JNA ?

5 R. : Oui.

6 Q. : A part le service militaire que vous avez fait en Serbie, êtes-vous

7 allé à Belgrade pour d’autres raisons ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Pour quelles raisons ?

10 R. : Eh bien, en tant qu’athlète et aussi parce que j’y ai fait mes

11 études.

12 Q. : Au cours de quelle période avez-vous étudié à Belgrade ?

13 R. : De 1979 à 1981, deux ans, trois ans et demi à peu près. (sic ?)

14 Q. : Du fait de votre service militaire et de vos études en Serbie, vous

15 êtes-vous familiarisé avec les dialectes et les accents serbes ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Au cours de la période 1990-1992, avez-vous remarqué que des partis

18 politiques se sont créés dans votre région ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Quels partis politiques se sont créés dans votre région ?

21 R. : Dans la ville de Brcko, précisément, je sais qu’il s’agissait du

22 Parti pour l’action démocratique, de l’Union démocratique croate, du

23 Parti démocratique serbe et des anciens communistes, le Parti

24 social-démocratique. C’étaient les plus importants.

25 Q. : Des sigles étaient-ils utilisés pour désigner ces partis, tels que

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1 SDA ou HDZ ?

2 R. : Oui. Je vous ai donné leurs noms entiers, mais oui, il existait des

3 sigles : SDA, HDZ, SDS, SDP.

4 Q. : Etiez-vous membre de l’un quelconque de ces partis ?

5 R. : Oui, je l’étais.

6 Q. : De quel parti ?

7 R. : Du SDA.

8 Q. : Aviez-vous des responsabilités dans ce parti ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Quelles étaient vos fonctions ?

11 R. : J’étais membre du Comité exécutif de la ville de Brcko.

12 Q. : Quelles étaient vos fonctions à ce titre ?

13 R. : Eh bien, je participais aux réunions, je n’avais aucune fonction

14 particulière.

15 Q. : Vous rappelez-vous les élections qui ont été organisées dans votre

16 région ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Avant ces élections, avez-vous participé à quelque rassemblement ou

19 réunion où des porte-parole serbes auraient fait des remarques ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Vous rappelez-vous une réunion de ce genre à laquelle a participé M.

22 Karadzic ?

23 R. : Je sais qu’il a été présent deux fois. Il était présent à

24 l’Assemblée constituante du SDS et, je crois, aussi, à un

25 rassemblement électoral du SDS.

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1 Q. : Vous rappelez-vous quelques commentaires formulés par M. Karadzic au

2 sujet de l’unité ou du nationalisme serbe ?

3 R. : Oui, je me les rappelle.

4 Q. : Quels commentaires vous rappelez-vous ?

5 R. : Un commentaire m’a impressionné et je m’en souviens. Il portait sur

6 la couleur rouge du drapeau serbe. Il a fait un commentaire à ce

7 sujet, au sujet du fait que cette couleur rouge représentait le sang

8 versé par le peuple serbe sous la Yougoslavie commune et avant. Cela

9 m’a impressionné. Que cela ne devait plus arriver au peuple serbe,

10 que cela ne devait plus jamais arriver, que les Serbes ne devaient

11 plus le permettre. C’est quelque chose de ce genre, je crois, qu’il

12 a dit dans son commentaire.

13 Q. : Au moment des élections de Brcko, en 1990, qui l’a emporté dans la

14 région de Brcko ?

15 R. : Les anciens communistes, le SDP.

16 Q. : Du fait de cette victoire du parti communiste, les autres partis

17 ont-ils formé une coalition contre le parti communiste ?

18 R. : Oui, ils l’ont fait. Les trois partis nationaux.

19 Q. : J’aimerais vous poser quelques questions au sujet des dirigeants de

20 Brcko après ces élections. Qui était Président de l’Assemblée après

21 ces élections ?

22 R. : Un membre du SDA, du parti du peuple musulman, Mustafa Ranic.

23 Q. : Et c’est le représentant de quel parti qui est devenu Président du

24 Conseil exécutif ?

25 R. : Un représentant du SDS, du Parti démocratique serbe.

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1 Q. : L’organisation de la police de Brcko, est-il exact qu’elle était

2 organisée en deux départements ou deux unités ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Il y avait la police régulière et la sécurité d’Etat ?

5 R. : Oui. Cela a toujours été comme cela.

6 Q. : Après ces élections, c’est le représentant de quel parti qui a

7 obtenu le poste de chef de la police régulière ?

8 R. : Du HDZ, de l’Union démocratique croate.

9 Q. : Qui était responsable du Département de la sécurité d’Etat ?

10 R. : C’était toujours, je veux dire avant la guerre, c’était toujours un

11 Serbe, et lorsque la guerre a commencé, les Serbes et celui qui leur

12 a succédé était encore un Serbe. Je ne sais pas s’il était membre du

13 SDS, mais c’était un Serbe.

14 Q. : A l’époque des élections à Brcko, la Défense territoriale existait-

15 elle à Brcko ?

16 R. : Oui, elle existait.

17 Q. : Qui dirigeait la Défense territoriale ?

18 R. : Milusav Milutinovic.

19 Q. : Si vous la connaissez, quelle était son appartenance ethnique ?

20 R. : Serbe.

21 Q. : Parmi les postes dont nous avons parlé, et en vous fondant sur votre

22 connaissance des structures de pouvoir de l’opstina, quel était le

23 poste qui détenait le plus de pouvoir ?

24 R. : Je dirais que c’étaient les Bosniaques et les Musulmans après les

25 élections.

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1 Q; : Mais s’agissant des postes mêmes, du Président de l’Assemblée et du

2 Président du Conseil exécutif, par exemple, qui était le plus

3 puissant ?

4 R. : Le poste de maire, de Président de l’opstina, arrivait en premier,

5 mais le pouvoir exécutif était aux mains des représentants du SDS,

6 car c’est eux qui détenaient le poste de Président du Conseil

7 exécutif de la municipalité de Brcko.

8 Q. : A votre connaissance, ces personnes dont nous avons parlé ont-elles

9 conservé leur poste en 1992 ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque des officiers de police de la force

12 de police de Brcko ?

13 R. : Oui, j’en connaissais.

14 Q; : Quelle était la composition de la force de police de Brcko, je parle

15 de composition ethnique ?

16 R. : La plupart d’entre eux étaient serbes, déjà avant la guerre, sous

17 l’ancien régime et aussi après les élections.

18 Q. : Dans la période 1991-1992, avez-vous eu connaissance de la création

19 de nouvelles régions autonomes serbes autour de la région de Brcko ?

20 R. : Oui. J’ai dit oui, j’en ai eu connaissance.

21 Q. : Comment en avez-vous eu connaissance ?

22 R. : Eh bien, j’allais au travail et lors de mes rondes régulières, je

23 circulais dans ces régions, mais c’étaient des villages serbes.

24 Q. : Comment savez-vous que cette région autonome serbe existait ?

25 R. : Eh bien, c’était écrit sur un panneau de signalisation, à la

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1 peinture, et lorsque j’allais à Bijelina, il y avait la région

2 autonome serbe de Semberija et de Majevica sur la route,

3 immédiatement à la sortie de la ville.

4 Q. : Brcko-même faisait-elle partie de cette région autonome serbe ?

5 R. : Lorsque je sortais de la ville, il n’y avait aucun slogan, aucun mot

6 d’ordre de ce genre à l’intérieur de la ville; c’était seulement à

7 l’extérieur de la ville que l’on pouvait voir des panneaux de

8 signalisation sur lesquels ils avaient écrit que c’était là que

9 commençait cette région, que c’était l’entrée de cette région.

10 Q. : En 1991, vous rappelez-vous la mobilisation militaire des hommes

11 serbes de la région de Brcko ?

12 R. : Oui. Le Ministère de la défense nationale de la municipalité a

13 envoyé des convocations, ils ont envoyé des convocations aux hommes

14 qui servaient dans les unités de réserve de la JNA. Cela s’est passé

15 assez tard, vers la fin de 1991, dans ma municipalité, c’est là que

16 cela a commencé.

17 Q. : Après cette mobilisation, vous rappelez-vous avoir vu de nombreux

18 hommes, dans les villages serbes, vêtus d’uniformes militaires ?

19 R. : Oui, je les ai vus.

20 Q. : Quel genre d’uniforme portaient-ils ?

21 R. : Les uniformes des réservistes de la JNA.

22 Q. : Avez-vous vu la même chose dans les villages musulmans, avez-vous vu

23 de nombreux hommes vêtus de l’uniforme de la JNA ?

24 R. : Non. Je n’en ai pas vu. Il n’y avait rien, dans ces endroits.

25 Q. : En février et mars 1992, vous rappelez-vous la tenue d’un référendum

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1 pour l’indépendance ?

2 R. : Oui, je me rappelle.

3 Q. : Vous rappelez-vous la question qui était posée ?

4 R. : Eh bien, je ne peux pas être à cent pour cent sûr, je ne peux pas

5 citer les questions, mais elles disaient en gros : « êtes-vous pour

6 une Bosnie-Herzégovine indépendante, composée de Musulmans, de

7 Serbes et de Croates ? », quelque chose de ce genre. Je pense que

8 cela provenait de l’ancienne Constitution, qui existait déjà, c’est-

9 à-dire de la Constitution de 1991, et que l’on pouvait voter pour ou

10 contre.

11 Q. : Avant le référendum en tant que tel, avez-vous participé à des

12 rassemblements ou à des réunions où des dirigeants serbes parlaient

13 du référendum ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Vous rappelez-vous l’un quelconque des dirigeants serbes présents à

16 l’un quelconque de ces rassemblements ?

17 R. : Oui, je me rappelle. Oui, oui, ils y étaient, ils étaient nombreux.

18 Q. : Pouvez-vous nous dire qui vous vous rappelez y avoir vu ?

19 R. : Eh bien, il y avait M. Karadzic, à l’époque, le représentant du

20 Parti démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine, M. Momcilo

21 Krajisnik, M. Biljana Plavsic, M. Nikola Koljevic, M. Aleksa Buha

22 Maksimovic. Je pense que tous les dirigeants des principaux organes

23 du SDS ont participé à l’un de ces rassemblements.

24 Q. : Vous rappelez-vous une occasion où un Ministre de Belgrade a

25 également participé à l’un de ces rassemblements ?

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1 R. : Oui, je me rappelle.

2 Q. : Vous rappelez-vous quel était son poste, comment on le décrivait ?

3 R. : Ils l’ont appelé, ceux qui annonçaient les orateurs l’ont présenté

4 comme étant le Ministre des Serbes trans-drianiques ou des Serbes de

5 l’autre côté de la Drina. Il s’appelait M. Cvetic ou Cvetinovic, je

6 ne me rappelle pas exactement, mais c’était à peu près cela.

7 Q. : Avez-vous compris ce qu’il entendait par Ministre des Serbes de

8 l’autre côté de la Drina ?

9 R. : Eh bien oui, je pense que oui.

10 Q. : A quoi faisait-il référence ?

11 R. : Eh bien c’étaient ceux - les Serbes de Bosnie et, je suppose, le

12 Serbes de Krajina, c’est-à-dire ceux qui ne vivaient pas dans la

13 République de Serbie, mais en dehors de cette République.

14 Q. : Et qu’est-ce que la Drina ?

15 R. : Eh bien c’était la frontière entre la République de Bosnie-

16 Herzégovine et la République de Serbie dans l’ex-Yougoslavie.

17 Q. : Vous rappelez-vous les commentaires qui ont été formulés, à l’un

18 quelconque de ces rassemblements, par ces dirigeants serbes ?

19 R. : Eh bien, entre autres choses, ceux que j’ai cités, M. Karadzic

20 notamment, a déclaré que personne n’avait le droit de séparer le

21 peuple serbe de sa patrie, par là il entendait, je suppose, la

22 Serbie. Qu’aucun référendum, ou plutôt, je ne me rappelle pas

23 exactement ses paroles, mais aucun référendum, aucune force, ils ne

24 reconnaissaient pas, ou quelque chose de ce genre. La plupart

25 d’entre eux se sont exprimés à peu près comme cela au cours de ce

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1 rassemblement, de cette réunion.

2 Q. : Avant le référendum en tant que tel, avez-vous prononcé quelque

3 allocution publique que ce soit sur le sujet ?

4 R. : Oui, deux fois, je pense.

5 Q. : Qu’avez-vous dit ?

6 R. : J’ai prôné plus ou moins, j’ai parlé en faveur de la vie en commun,

7 parce que la Yougoslavie telle qu’elle existait avant n’existait

8 plus, donc j’ai dit que nous devrions tenter de vivre à nouveau

9 ensemble en Bosnie, indépendamment de notre origine ethnique ou de

10 notre religion. C’était le sens de l’interview que j’ai accordée à

11 la télévision de Sarajevo et à la télévision locale de Brcko.

12 Q. : Après ce référendum, quelle a été la réaction des dirigeants serbes

13 de la région de Brcko au résultat du référendum ?

14 R. : Eh bien, il n’y a pas eu de manifestations d’enthousiasme dans la

15 ville, pour autant que je le sache. J’ai participé à quelques

16 rassemblements locaux du Parti démocratique serbe et à ceux des

17 dirigeants locaux du peuple serbe à Brcko. Il y a été répété ce que

18 j’ai déjà dit, ce que M. Karadzic ainsi que le Ministre des Serbes

19 de l’autre côté de la Drina avaient l’habitude de dire.

20 Q. : A savoir ?

21 R. : Eh bien que personne ne pourrait séparer le peuple serbe de sa

22 patrie, la Serbie, que personne n’avait le droit de le faire et que

23 le peuple serbe avait déclaré et souhaitait, que le peuple serbe

24 souhaitait vivre en paix avec ses voisins, mais que s’il n’y

25 parvenait pas, il y avait un autre moyen. Telles sont à peu près les

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1 citations dont je me souviens.

2 Q. : A votre connaissance, quelles installations militaires y avait-il

3 dans la ville même de Brcko ?

4 R. : Il y avait une caserne de l’Armée populaire yougoslave dans la ville

5 et tout près, c’est-à-dire près de l’entreprise où je travaillais,

6 il y avait un terrain d’entraînement ainsi que les entrepôts, les

7 hangars, les dépôts d’artillerie lourde et de véhicules et il y

8 avait un autre entrepôt dans un village, à quelques dix kilomètre de

9 la ville, de l’autre côté de la ville.

10 Q. : Où se trouvait votre maison par rapport à la caserne ?

11 R. : Eh bien, à côté de la caserne, ma maison était à côté de la caserne.

12 Mon jardin donnait sur la caserne, à 50 ou 100 mètres de la caserne.

13 Q. : Où était votre lieu de travail par rapport à ce terrain

14 d’entraînement et à cette zone de stockage ?

15 R. : Le terrain d’entraînement était de l’autre côté de la route. Il n’y

16 avait que la route entre mon entreprise et ce terrain, et les

17 garages de véhicules lourds se trouvaient sur la même route, deux

18 cents mètres plus haut, peut-être.

19 Q. : Dans la période 1990-1992, avez-vous remarqué une augmentation des

20 armes, des équipements ou des convois militaires arrivant dans la

21 région de Brcko ?

22 R. : Oui. Ils traversaient la ville. A partir de la fin de 1990, je ne

23 sais pas, je présume qu’ils se retiraient de Croatie et qu’ils

24 allaient vers Bijelina. Certains restaient dans la ville, dans ces

25 garages, d’autres passaient devant mon entreprise et se dirigeaient

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1 vers Bijelina. Les convois étaient nombreux.

2 Q. : Qu’avez-vous remarqué dans ces convois, du point de vue des troupes,

3 des équipements ou des armes ?

4 R. : Eh bien, les chars étaient chargés sur ces gros transporteurs, il y

5 avait aussi des canons, des équipements de communication radio, des

6 pièces détachées, des éléments retirés des véhicules de la JNA et

7 aussi des roquettes, mais nous ne les voyions que partiellement. Je

8 présume qu’il s’agissait de roquettes antiaériennes. De nombreux

9 convois traversaient la ville, et aussi l’Armée. Tous les deux

10 jours, un ou deux convois traversaient la ville.

11 Q. : Avez-vous reconnu ces équipements, ces armes et ces véhicules, dans

12 les convois, comme appartenant à la JNA ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Vous avez déclaré que certains des équipements qui traversaient la

15 ville sont restés dans la ville. De quel type étaient les

16 équipements ou les armes qui sont restés à l’intérieur de la ville ?

17 R. : Eh bien, ce que j’ai vu, c ’étaient les garages qui se remplissaient

18 d’un jour à l’autre, dans la nuit, de quelques gros canons. Ils

19 étaient visibles, ils n’étaient pas cachés et sur le terrain

20 d’entraînement, il y avait des canons, en grand nombre. Je ne sais

21 pas, les véhicules blindés, tout cela, c’étaient des armes de la

22 JNA.

23 Q. : En 1992, vous rappelez-vous avoir vu des armes ou du matériel dans

24 les villages serbes autour de Brcko ?

25 R. : Oui, j’en ai vu.

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1 Q. : Comment se fait-il que vous ayez pu les voir ?

2 R. : Comme je l’ai dit, la nature de mon travail m’amenait à me rendre

3 dans ces villages serbes, où je devais prendre soin des équipements

4 électriques situés dans des installations importantes.

5 Q. : Quel type d’armes et d’équipements voyiez-vous dans ces villages ?

6 R. : Toutes sortes d’armes que la JNA possédait, des chars, des canons de

7 tous calibres, des véhicules blindés, des véhicules motorisés

8 destinés à des tâches spéciales tels, par exemple, quelques

9 véhicules de transmission et des véhicules de premier secours. Tous

10 portaient les marques, les insignes de la JNA.

11 Q. : Au cours de cette même période, avez-vous vu des armes ou des

12 équipements comparables dans quelque village musulman que ce soit ?

13 R. : Non, non, je n’en ai pas vu. Il n’y en avait pas.

14 Q. : Au printemps de 1992, avez-vous remarqué que des barrages routiers

15 étaient érigés aux alentours de la région de Brcko ?

16 R. : Oui, j’en ai vu.

17 Q. : Quand les avez-vous vus pour la première fois ?

18 R. : Je crois que cela devait être à la mi-1991. Oui, cela a commencé aux

19 environs de la mi-1991.

20 Q. : Ils ont existé jusqu’au printemps 1992 ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Où avez-vous vu ces barrages routiers ?

23 R. : Pas en ville, mais en dehors de la ville, à l’entrée, sur les routes

24 d’accès à la ville.

25 Q. : Qui contrôlait ces barrages ?

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1 R. : La police militaire de la JNA ainsi que la police civile de la

2 municipalité de Brcko, c’est-à-dire le Ministère de l’intérieur de

3 la municipalité de Brcko, qui était mixte.

4 Q. : Outre ces barrages routiers situés à l’entrée de la ville de Brcko,

5 avez-vous vu quelque autre barrage routier dans l’opstina ?

6 R. : Oui, j’en ai vu.

7 Q. : Où se trouvaient-ils ?

8 R. : Aux points d’accès menant dans les villages serbes de la

9 municipalité de Brcko, il y avait des barrages routiers contrôlés

10 par la police militaire de la JNA.

11 Q. : Au cours du printemps 1992, avez-vous vu des Serbes de la région de

12 Brcko recevoir des armes et du carburant ?

13 R. : Oui, je l’ai vu.

14 Q. : Où l’avez-vous vu ?

15 R. : Ils étaient déjà nombreux à porter les armes et les uniformes de la

16 JNA, et je me suis trouvé là, en particulier, lorsqu’ils ont

17 distribué des armes aux civils dans des villages tels que Srpska

18 Gredica ou dans des faubourgs de la ville peuplés à cent pour cent

19 de Serbes.

20 Q. : Lorsque vous vous êtes trouvé à cet endroit où vous avez vu cela,

21 dites nous ce que vous avez vu.

22 R. : Dans ce quartier, appelé Srpska Gredica, il y avait un camion de la

23 JNA, un TAM 5005 D - c’était sa marque - garé devant le bureau local

24 et les civils locaux de ce village étaient là, en rang, les armes

25 étaient distribuées à partir de caisses qui étaient déchargées du

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1 camion. Il y avait trois ou quatre officiers, dont l’un était un

2 lieutenant de la JNA.

3 Q. : Dans cet autre endroit, vous avez parlé d’un de ces quartiers serbes

4 de la ville, qu’y avez-vous vu ?

5 R. : Oui, à Potocari, oui. C’est une commune des faubourgs; ils

6 distribuaient des armes aux civils, à mes voisins. J’habitais tout

7 près de cette commune.

8 Q. : Encore une fois, qui étaient les personnes qui distribuaient les

9 armes ?

10 R. : L’Armée yougoslave. Il y avait toujours un officier sur place, et

11 deux soldats, un chauffeur et peut-être plusieurs autres soldats.

12 Ils étaient toujours présents, sur place. J’ai même vu ce qu’ils

13 appellent les registres des armements. Chaque fois qu’un fusil était

14 distribué, ces personnes devaient en justifier à l’aide d’un reçu.

15 C’est de cette façon que cela se faisait.

16 Q. : Avez-vous jamais assisté à une distribution d’armes comparable dans

17 quelque village musulman que ce soit ?

18 R. : Je ne l’ai pas vu. Je ne peux pas dire.

19 Q. : Au cours du printemps 1992, avez-vous jamais vu des hélicoptères

20 militaires atterrir près de votre maison ?

21 R. : Oui, ils atterrissaient à la caserne.

22 Q. : Quand avez-vous vu cela ?

23 R. : Je pense que cela a dû commencer vers la fin de 1991, et puis c’est

24 devenu plus fréquent au début de 1992.

25 Q. : Vous rappelez-vous une occasion où un hélicoptère a atterri à la

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1 caserne et des individus portant des bérets rouges en sont sortis ?

2 R. : Oui, je me souviens. Bien sûr, je me souviens, je sais exactement.

3 Q. : Quand cela s’est-il produit ?

4 R. : Je pense que c’était environ un mois avant le début du conflit dans

5 ma ville.

6 Q. : Avez-vous reconnu cet hélicoptère comme étant un hélicoptère de la

7 JNA ?

8 R. : Oui, oui. C’était inscrit que c’était un hélicoptère de la JNA. Il

9 était de couleur vert-olive et il avait le drapeau yougoslave

10 dessiné sur la carlingue - toutes ces choses qui sont les marques de

11 la JNA.

12 Q. : Ces hommes qui portaient des bérets rouges, quel genre d’uniformes

13 portaient-ils ?

14 R. : Ils portaient des uniformes de camouflage vert-olive.

15 Q. : Où sont-ils allés après être sortis de l’hélicoptère ?

16 R. : Probablement à l’intérieur de la caserne, parce qu’ils ont atterri

17 sur la piste de la caserne et ils ont dû entrer dans le bâtiment de

18 la caserne. Il n’y avait nul autre endroit où aller.

19 Q. : Lorsqu’ils ont atterri à cet endroit, y avait-il d’autres militaires

20 qui les attendaient ?

21 R. : Oui. Eux aussi portaient des uniformes, pas des uniformes de

22 camouflage, mais des uniformes réguliers de la JNA. Ils étaient

23 debout, peut-être à quelques cinquante, soixante-dix ou cent mètres

24 de l’hélicoptère.

25 Q. : Vous parlez d’uniformes réguliers de la JNA. Pourriez-vous nous les

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1 décrire, nous dire quel était leur aspect?

2 R. : Eh bien, les uniformes de camouflage sont de plusieurs couleurs. Ils

3 n’étaient pas portés en mission régulière. Et ces hommes portaient

4 l’uniforme régulier, que l’on porte tous les jours, de couleur

5 grise, vert-olive.

6 Q. : Au moment où vous avez vu ces hommes portant un béret rouge sortir

7 de l’hélicoptère, saviez-vous à quelle unité ou à quel type d’unité

8 ils appartenaient ?

9 R. : Non, je ne le savais pas; j’avais déjà vu l’uniforme de camouflage à

10 la JNA, mais je n’avais jamais vu ces bérets rouges. Peut-être

11 appartenaient-ils à une sorte d’unité spéciale, mais je ne les avais

12 jamais vu lorsque j’étais dans l’Armée.

13 Q. : Plus tard, avez-vous appris à quel genre d’unité ils appartenaient ?

14 R. : Oui, oui.

15 Q. : Et qui vous l’a appris ?

16 R. : Cet homme qui m’a libéré de Luka, du camp de Luka.

17 Q. : Qui était-ce ?

18 R. : Le capitaine Rade Bozic.

19 Q. : Qui était-ce ?

20 R. : Que puis-je dire ? Il était capitaine d’une unité, d’une unité de la

21 police militaire de la JNA promise à des tâches spéciales. C’était

22 son nom, c’est ce qu’il m’a dit.

23 Q. : Que vous a-t-il dit au sujet des bérets rouges ?

24 R. : Qu’ils étaient membres de ces unités spéciales de la JNA, sous

25 commandement direct. Au-dessus de lui, il y avait les soldats du

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1 capitaine Dragan, qui venaient de Serbie. C’est ce qu’il m’a dit

2 plus tard, lorsque je l’ai rencontré.

3 Q. : Après ce jour où vous avez vu ces hommes portant des bérets rouges

4 sortir de l’hélicoptère, avez-vous continué à voir des hélicoptères

5 atterrir à la caserne ?

6 R. : Oui, oui, j’en ai vu. Par la suite, ils arrivaient généralement la

7 nuit, donc ils nous réveillaient, parce que les hélicoptères sont

8 bruyants. Nous sortions alors sur le balcon et nous regardions les

9 installations de la caserne.

10 Q. : Lorsque vous voyiez atterrir ces hélicoptères, avez-vous vu que l’on

11 chargeait ou déchargeait quelque chose de ces hélicoptères ?

12 R. : Je les ai vus décharger des caisses à plusieurs reprises, et

13 quelquefois, ils chargeaient quelquefois à bord. J’ai vu cela à

14 plusieurs reprises.

15 Q. : Ces bérets rouges dont vous parlez, après les avoir vus atterrir sur

16 la piste, les avez-vous jamais revus plus tard dans la région de

17 Brcko ?

18 R. : Oui, je les ai vus sur le terrain de la caserne pratiquement tous

19 les jours.

20 Q. : Que faisaient-ils lorsque vous les avez vus ?

21 R. : Ils entraînaient des soldats, nos voisins. Ils les entraînaient à

22 mettre des menottes. Certains d’entre eux jouaient le rôle des

23 victimes, ils faisaient semblant de tomber, et ensuite, ils leur

24 plaçaient un revolver sur la tête. Ces unités spéciales doivent

25 savoir manier le couteau ou arrêter quelqu’un, en cas d’attaque, ce

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1 genre de choses, ils doivent aussi savoir sauter par-dessus des

2 obstacles.

3 Q. : Comment étaient vêtus les hommes qui subissaient cet entraînement ?

4 R. : Ceux qui jouaient le rôle de victimes étaient vêtus, comme les

5 instructeurs, de cet uniforme de camouflage SMB de la JNA.

6 Q. : Vous avez indiqué que certains étaient vos voisins. Avez-vous

7 reconnu l’un quelconque des hommes soumis à cet entraînement ?

8 R. : Oui, oui. Depuis le bâtiment où j’habitais, j’ai reconnu au moins

9 six hommes, ainsi que des habitants de la région, quelques Serbes de

10 Brcko qui, pour ce qui les concerne, étaient volontaires - s’étaient

11 portés volontaires.

12 Q. : Tous ces hommes que vous avez reconnus, ces hommes que vous

13 connaissiez, quelle était leur appartenance ethnique ?

14 R. : Ils étaient tous serbes.

15 Q. : Le 30 avril, vous rappelez-vous que deux ponts ont sauté à Brcko, ce

16 jour-là ?

17 R. : Oui, je me souviens très bien.

18 Q. : Avant l’explosion de ces ponts, la ville de Brcko avait-elle reçu un

19 ultimatum ou des ordres de la part des Serbes ?

20 R. : Pour autant que je le sache, le seul ultimatum a été celui qui

21 exigeait de la municipalité qu’elle se divise en municipalité serbe

22 de Brcko, municipalité croate de Brcko et municipalité musulmane de

23 Brcko. Cet ultimatum a été lancé par les membres du parti SDS du

24 Parlement de notre municipalité.

25 Q. : Lorsqu’ils ont exigé cette division, ont-ils indiqué quelles

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1 seraient les frontières ?

2 R. : Oui, ils ont dessiné les frontières et tout le monde en ville le

3 savait.

4 Q. : Quels quartiers de la ville, si vous vous en souvenez, étaient

5 destinés à tomber sous contrôle serbe en raison de cette exigence de

6 séparation ?

7 R. : Pour la plupart, il s’agissait des villages serbes situés dans la

8 partie est de la ville de Brcko, en partie dans le sud-est de Brcko,

9 et cette frontière, cette ligne de démarcation en ville s’arrêtait

10 quelque part au centre de la ville.

11 Q. : Les quartiers de la ville que les Serbes voulaient intégrer dans

12 cette zone étaient-ils, à votre connaissance, majoritairement

13 peuplés de Serbes ?

14 R. : Non, non, les autres ou les autres nationalités et minorités y

15 vivaient.

16 Q. : Les dirigeants du SDS ont-ils expliqué ce que ces autres minorités,

17 ou ces autres nationalités étaient censées faire, une fois achevée

18 la séparation ?

19 R. : Non. Ils n’ont rien expliqué au sujet de ce qui allait arriver aux

20 autres.

21 Q. : Vous avez indiqué qu’ils ont lancé un ultimatum, qui devait être

22 accompli avant une certaine date, c’est exact ?

23 R. : Oui, c’est exact.

24 Q. : Ont-ils dit quoi que ce soit au sujet de ce qui arriverait si leurs

25 exigences n’étaient pas satisfaites ?

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1 R. : Non, ils n’ont rien dit de concret. Ils ont dit que la séparation

2 devait être réalisée avant le 4 mai 1992 et qu’après cette date,

3 aucune négociation ne serait possible.

4 Q. : Quelle a été la réponse des autres groupes à cet ultimatum ?

5 R. : La réponse a été telle que les autres ont négocié aux réunions du

6 Parlement de la municipalité. Ils ont négocié avec eux mais, pour

7 autant que je le sache, la majorité de ceux qui étaient représentés

8 au Parlement de la municipalité était pour ne pas - était contre la

9 division de la ville ou de la municipalité.

10 Q. : Le 30 avril, les négociations duraient-elles toujours ?

11 R. : Non, elles ne duraient plus. Je sais qu’elles ont été interrompues

12 publiquement.

13 Q. : Comment cela a-t-il été annoncé ?

14 R. : Nous suivions ces réunions du Parlement de la municipalité à la

15 télévision locale de Brcko. Nous avons tous pu voir que l’ensemble

16 des délégués se sont séparés, qu’ils se sont divisés et ils ne se

17 sont plus jamais rencontrés, je crois.

18 Q. : Les deux ponts qui ont sauté le 30 avril, avez-vous jamais appris

19 qui était responsable de la destruction de ces ponts ?

20 R. : Oui, je l’ai appris.

21 Q. : Qui vous l’a appris ?

22 R. : M. Rade Bozic, celui qui m’a libéré du camp de Luka.

23 Q. : C’est la capitaine de la JNA dont vous avez déjà parlé ?

24 R. : Oui, c’est le capitaine, ce capitaine de la JNA.

25 Q. : Que vous a-t-il dit au sujet de l’explosion de ces ponts ?

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1 R. : Eh bien, en gros, qu’il en était responsable, qu’il avait commandé

2 l’opération qui avait consisté à faire sauter les deux ponts sur la

3 rivière Sava et qu’il était réellement désolé, parce qu’il avait

4 commis une grave erreur.

5 Q. : Que voulait-il dire par là ?

6 R. : Probablement, ce qu’il pensait, il pensait sans doute aux civils qui

7 avaient été tués avec le pont, ce vieux pont sur la rivière Sava.

8 Q. : Ce pont que son unité a fait sauter reliait Brcko à quelle ville, le

9 savez-vous ?

10 R. : Les deux ponts sur la rivière Sava nous reliaient, nous unissaient à

11 la République de Croatie. Il n’y a aucune ville proche. La ville la

12 plus proche est Zupanja, en Croatie et juste en face de nous, il y

13 avait simplement un petit village appelé Gunja.

14 Q. : A quoi servait ce pont pour piétons ?

15 R. : Surtout aux piétons, surtout aux piétons et à quelques véhicules

16 motorisés légers.

17 Q. : Le 30 avril, après l’explosion du pont, avez-vous fait sortir votre

18 famille de la ville, ce jour-là ?

19 R. : Oui, oui, je les ai emmenés.

20 Q. : Avez-vous reçu une aide quelconque pour ce faire ?

21 R. : Oui. Un de mes voisins m’a aidé. Son appartement est juste en-

22 dessous du mien.

23 Q. : Quelle est son appartenance ethnique ?

24 R. : Serbe, il est serbe.

25 Q. : Lui ou sa femme ont-ils dit quoi que ce soit au sujet de l’attaque

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1 sur Brcko de ce jour-là, de l’attaque des ponts ?

2 R. : Ils ont dit que ma femme refusait de quitter la ville. Ma voisine

3 est arrivée dans l’appartement, très tôt, ce matin-là, et a dit :

4 « Jasminka, tu dois quitter la ville ».

5 Q. : A-t-elle dit pourquoi ?

6 R. : Oui, oui, elle l’a dit.

7 Q. : C’était pourquoi ?

8 R. : « Parce que la guerre a éclaté, Jasminka », a-t-elle dit.

9 Q. : Où avez-vous emmené votre famille ?

10 R. : A Bijelina, dans une autre ville.

11 Q. : Etes-vous, vous-même, revenu à Brcko ce jour-là ?

12 R. : Oui, je suis revenu, parce qu’ils nous ont appelés au travail, tous

13 les hommes, il y avait une astreinte.

14 Q. : Qui vous a appelé pour assurer cette astreinte ?

15 R. : Lorsqu’ils ont fait sauter les ponts sur la rivière Sava, je suis

16 allé à mon entreprise, parce que c’était un jour ouvrable. Le

17 Directeur de l’entreprise nous a dit que nous devions rester à la

18 maison, parce que des astreintes avaient été organisées.

19 Q. : Le 30 avril et les jours suivants, avez-vous vu des soldats dans la

20 ville de Brcko ?

21 R. : Oui, j’en ai vu.

22 Q. : Quel genre d’uniformes portaient-ils ?

23 R. : Tous les uniformes de l’Armée populaire yougoslave, depuis les

24 uniformes de camouflage jusqu’aux uniformes de réservistes, en

25 passant par les uniformes réguliers normaux.

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1 Q. : Au cours des quelques jours suivants, l’attaque s’est-elle

2 poursuivie sur Brcko ?

3 R. : La guerre a éclaté à Brcko le 3 mai. C’était un réel affrontement,

4 qui a duré tout le temps où j’étais sur les lieux.

5 Q. : Que s’est-il passé en ville, comment la ville a-t-elle été attaquée

6 ?

7 R. : En ville, au centre de la ville, rien ne s’est passé, c’était

8 seulement sur les routes d’accès à la ville, dans des quartiers

9 comme Dizdarusa, Vikici ou Meraje, qu’on pouvait entendre très

10 concrètement des bruits d’infanterie, c’était le 3 mai.

11 Q. : Pendant cette période, du 30 avril au 3 mai, avez-vous vu quelque

12 type d’avion de chasse dans la région de Brcko ?

13 R. : Oui. Deux avions ont survolé la ville depuis le sud-est, quelque

14 part dans cette direction, entre le 4 ou le 6 mai (sic). Ils ont

15 volé vers la ville, puis vers le nord-ouest de la ville. Ils

16 volaient très bas et peu de temps après, on a entendu une très forte

17 détonation qui a secoué toute la ville. Je ne sais pas ce qu’ils

18 visaient, mais c’était quelque chose qui se trouvait au nord-ouest

19 de la ville.

20 Q. : Dans ce quartier vers lequel volaient les avions, quelle était

21 l’appartenance ethnique des résidents, si vous la connaissez ?

22 R. : Je sais que pour la plupart, ces personnes étaient musulmanes et

23 croates. La majorité absolue.

24 Q. : Vous avez dit que ces avions volaient très bas. Avez-vous pu

25 distinguer leur couleur ou les marques inscrites sur ces avions ?

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1 R. : La marque était un « U », « JU », et il y avait l’ancien drapeau

2 yougoslave sur le fuselage de ces avions, ce qui signifie que ces

3 avions appartenaient à la JNA, à l’époque.

4 Q. : Après le 30 avril, les habitants de Brcko ont-ils reçu des ordres ou

5 des messages des dirigeants serbes qui avaient pris la ville ?

6 R. : Le seul message a été celui lancé le 1er mai, dans la matinée, je

7 l’ai vu à la télévision locale, il provenait du Président de la

8 municipalité, le capitaine Petrovic. Il s’est présenté comme

9 capitaine d’une unité de l’armée, de la sécurité militaire des

10 forces de police et il a transmis un message selon lequel son unité

11 avait reçu mandat de prendre le contrôle de Brcko dans les 48

12 heures.

13 Q. : Après le 30 avril, les habitants de Brcko pouvaient-ils se déplacer

14 librement, comme ils le souhaitaient ?

15 R. : Oui, oui. Ils pouvaient circuler. Dans les quartiers de la ville où

16 je me trouvais, eh bien, je circulais.

17 Q. : Combien de temps avez-vous pu rester à votre domicile ?

18 R. : Je suis resté à mon domicile jusqu’au 10 mai.

19 Q. : Que s’est-il passé à cette date ?

20 R. : A cette date, des gens de mon entreprise sont venus et m’ont emmené,

21 parce que nous avions des ordres de travail de mon entreprise.

22 Q. : Vous avez été emmené où ?

23 R. : J’ai été emmené à l’entreprise de distribution électrique de Brcko.

24 Q. : Après le 10 mai, êtes-vous resté à votre entreprise ?

25 R. : Oui, j’y suis resté.

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1 Q. : Jusqu’à quand ?

2 R. : Jusqu’au 27 mai, le 27 mai 1992.

3 Q. : Que vous est-il arrivé à cette date ?

4 R. : Le matin du 27 mai, la police est venue. Ils portaient l’uniforme de

5 la police civile et ils m’ont emmené au commissariat de police de

6 Brcko.

7 Q. : J’aimerais vous poser quelques questions au sujet de la période qui

8 va du 30 avril au 27 mai, date de votre arrestation. Pendant cette

9 période, étiez-vous libre de circuler dans la région de Brcko ?

10 R. : Oui, oui, je l’étais. Je circulais.

11 Q. : Après le 10 mai, lorsqu’on vous a emmené au travail, quelles tâches

12 avez-vous eu à accomplir?

13 R. : Nous allions réparer, suite à des pannes sur les lignes de transport

14 endommagées, en ville, en raison des combats, je suppose.

15 Q. : Donc, pendant cette période du 30 avril au 27 mai, alors que vous

16 étiez libre de circuler dans la ville de Brcko, pendant cette

17 période, avez-vous vu des personnes se faire tuer dans la ville de

18 Brcko ?

19 R. : Oui. J’étais dans le voisinage immédiat lorsqu’ils ont tué des

20 civils dans la rue.

21 Q. : Quand cela s’est-il passé ?

22 R. : Le 7 mai, à 11 h du matin.

23 Q. : Qu’avez-vous vu ce jour-là ?

24 R. : Dans le quartier de la ville appelé Stari Grad, j’ai vu des civils

25 sur lesquels on tirait en pleine rue, des groupes de quatre ou six

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1 ou sept personnes sur lesquelles ont tiré des hommes vêtus

2 d’uniformes de camouflage, de couleur grise, vert-olive, et en ce

3 même lieu, ils ont tué trois hommes. Ils ont été tués par des agents

4 de la police civile, en uniforme, c’est-à-dire l’un d’entre eux a

5 tué ces trois hommes. Il leur a tiré dans le dos, dans la nuque.

6 Q. : Ces autres groupes de civils qui ont été tués, comment ont-ils été

7 tués ?

8 R. : Dans ces deux groupes, ils les ont alignés contre un mur, ils ont

9 formé un demi-cercle autour d’eux, et leur ont tiré dans l’estomac

10 ou la poitrine à l’aide de fusils automatiques. Je ne pourrais pas

11 vous dire exactement où ils les ont atteints.

12 Q. : Pendant cette période, avez-vous vu des corps sans vie, autres que

13 ceux des hommes appartenant aux groupes qui se sont fait abattre,

14 dans la ville de Brcko ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Où les avez-vous vus ?

17 R. : Le 12 mai, en face du gymnase « partizan », près de l’hôtel Galeb,

18 dans un parking.

19 Q. : Avez-vous reconnu l’une quelconque de ces personnes ?

20 R. : Non. Ils étaient loin de nous. Nous étions dans une voiture, dans

21 une voiture de l’entreprise.

22 Q. : Avez-vous pu voir quel genre de vêtements ils portaient ?

23 R. : Vous parlez des personnes tuées ?

24 Q. : Oui.

25 R. : Civils. C’étaient des civils, ils portaient des vêtements civils.

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1 Q. : Où se trouvait ce groupe de corps ? Avez-vous vu des personnes en

2 uniforme de l’armée ou de la police dans cette zone ?

3 R. : Ils étaient en face de l’hôtel Galeb, ils portaient l’uniforme de

4 camouflage SMB, en face de l’hôtel Galeb, pas à l’endroit où elles,

5 ces personnes, étaient étendues morte, mais tout près.

6 Q. : Avez-vous vu des corps sans vie en une autre occasion ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Où ?

9 R. : Près de mon entreprise. Ils ont creusé un trou avec un bulldozer, ou

10 une excavatrice, plutôt, et un jour, nous travaillions à cet endroit

11 et ils étaient - ils les ont amenés dans un camion et les ont

12 déchargés.

13 Q. : Pouviez-vous voir quel type de camion les a amenés ?

14 R. : Oui, bien sûr, je l’ai vu.

15 Q. : Le camion était de quel type ?

16 R. : C’était un camion utilisé pour la viande, pour l’industrie de la

17 viande à Brcko. Peint en blanc, un camion blanc avec un congélateur,

18 il servait à la viande, au transport de la viande.

19 Q. : Avez-vous vu qui a déchargé ces corps ?

20 R. : Ils étaient trois, en uniformes de camouflage gris, vert-olive, mais

21 je ne sais pas, je n’ai pas pu les reconnaître, ils étaient trop

22 loin.

23 R. : Avez-vous vu ce qu’il est advenu de ces corps après qu’ils aient été

24 déchargés ?

25 R. : Eh bien, le bulldozer a couvert le trou qui avait été creusé, c’est-

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1 à-dire qu’ils l’ont couvert avec de la terre qui se trouvait près du

2 trou.

3 Q. : Vous avez dit avoir été arrêté, le 27 mai, par deux officiers de

4 police, je crois. Avez-vous reconnu ces officiers de police ?

5 R. : Oui, je les connaissais très bien avant la guerre.

6 Q. : Qui étaient-ils ?

7 R. : Stevo Knezevic et Dragan Pantelic. Ce dernier était policier

8 professionnel avant la guerre à Brcko, au SUP, et l’autre était

9 membre du club sportif de Brcko, du club de tir.

10 Q. : Quelle était leur appartenance ethnique, si vous la connaissez ?

11 R. : Ils étaient serbes.

12 Q. : Je crois que vous avez déclaré avoir été emmené au SUP par ces deux

13 officiers de police ?

14 R. : Oui. Je suis finalement arrivé au SUP.

15 Q. : Comment y avez-vous été amené ?

16 R. : A la porte, à l’entrée de mon entreprise, il y avait ces deux hommes

17 qui m’ont mis des menottes en plastique et les ont fixées.

18 Q. : Comment vous ont-ils transporté jusqu’au SUP ?

19 R. : En voiture, une Renault. Avant la guerre, elle était utilisée par

20 Interplet, une usine textile. Elle servait à transporter des tissus,

21 des textiles. Ils m’ont fait monter à l’arrière et m’ont emmené au

22 SUP de Brcko.

23 Q. : Combien de temps vous ont-ils gardé au SUP de Brcko ?

24 R. : Pas plus d’une heure, dans une salle fermée, sans lumière.

25 Q. : Où vous ont-ils emmené ensuite ?

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1 R. : Après le SUP, ils m’ont emmené à Luka. C’est un endroit qui se

2 trouve sur la rive de la Sava, un grand hangar. Ils m’y ont emmené,

3 toujours dans une voiture civile de l’entreprise ou quelque chose de

4 ce genre.

5 Q. : Qui vous y a emmené ?

6 R. : Cette fois-ci, ils portaient l’uniforme des réservistes de la JNA,

7 ils étaient deux. J’en connaissais un, c’était un voisin, un Serbe

8 de Brcko.

9 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu au camp de Luka ?

10 R. : Je suis resté au camp de Luka du 27 mai au 7 juillet 1992. Je suis

11 sorti à 4 ou 5 heures de l’après-midi.

12 Q. : Merci. Pouvez-vous nous dire quelques mots des conditions de vie

13 dans ce camp ? Quel genre de nourriture receviez-vous, et avec

14 quelle fréquence ?

15 R. : Sur le béton, il y avait parfois du carton, du carton d’emballage,

16 que nous utilisions pour nous couvrir, mais normalement, nous - nous

17 étions allongés à même le béton. La nourriture, eh bien il n’y avait

18 pas, vous voyez ce que je veux dire, pas d’assiettes ou de cuillers.

19 Nous devions manger avec nos doigts ce qu’il y avait dans des

20 boîtes, des boîtes de conserve.

21 Q. : Combien receviez-vous de repas par jour ?

22 R. : Un ou deux durant mon séjour, ou peut-être, parfois, pas un seul par

23 jour, durant mon séjour.

24 Q. : Durant votre séjour au camp, le camp était-il gardé ?

25 R. : Oui, oui, il y avait des gardes.

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1 Q. : Comment étaient vêtus ces gardes ?

2 R. : Les gardes se trouvaient à l’extérieur des hangars, aux alentours

3 des hangars, et portaient des uniformes de la JNA.

4 Q. : Y avait-il d’autres membres du personnel du camp à l’intérieur du

5 camp ?

6 R. : Oui, oui, il y en avait.

7 Q. : Comment étaient vêtus ces individus ?

8 R. : Certains portaient l’uniforme de la police, et il y en avait aussi

9 qui portaient l’uniforme de camouflage et qui venaient de temps en

10 temps au camp.

11 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces membres du personnel du camp

12 ?

13 R. : Oui, j’en connaissais, j’en connaissais. Celui qui nous a reçus, le

14 premier jour et qui, ensuite, a fait l’appel tous les soirs et tous

15 les matins, en nous appelant par nos noms et prénoms, je le connais

16 bien.

17 Q. : Qui était-ce ?

18 R. : Nous l’appelions Kole, mais son vrai nom est Konstantin Simonovic,

19 Kosta.

20 Q. : Quelle est son appartenance ethnique, si vous la connaissez ?

21 R. : Serbe. C’est un Serbe.

22 Q. : Quel poste occupait-il au camp ?

23 R. : A cette époque-là, il aimait dire qu’il était le commandant du camp

24 de Luka.

25 Q. : Pendant votre séjour à Luka, s’y trouvait-il également d’autres

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1 détenus ?

2 R. : Oui, il y en avait. Un certain nombre.

3 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces détenus ?

4 R. : Beaucoup. J’en connaissais beaucoup.

5 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ces hommes, la connaissez-

6 vous ?

7 R. : Bosniaque musulmane, pour la plupart, et quelques-uns étaient

8 croates, de Bosnie.

9 Q. : Pendant votre séjour à Luka, de quel sexe étaient les détenus du

10 camp ?

11 R. : C’étaient des hommes, pour la plupart, je dis « pour la plupart »,

12 car il y avait une femme. Il y avait une femme dont je me souviens

13 bien. Elle a été relâchée. Mais la plupart étaient des hommes.

14 Q. : Pendant votre séjour au camp, avez-vous vu quiconque subir une

15 agression physique ou se faire tuer, dans le camp ?

16 R. : J’ai souvent assisté à des mauvais traitements physiques, et une

17 fois, j’ai vu deux hommes au moins se faire tuer, ils étaient quatre

18 dans le groupe.

19 Q. : Avez-vous pu voir les individus qui faisaient subir ces sévices aux

20 détenus ?

21 R. : Oui, je les ai vus.

22 Q. : Qui a fait cela ?

23 R. : Eh bien, une fois, quatre ou cinq d’entre eux sont entrés, ils

24 portaient des uniformes de camouflage, et ils ont commencé à frapper

25 autour d’eux avec tout ce sur quoi ils avaient pu mettre la main,

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1 des bâtons, des objets métalliques, ils frappaient simplement, au

2 hasard. Ils étaient étrangers à la région, ce n’étaient pas des

3 Serbes locaux de Brcko; pour ce qui est des meurtres, l’un d’entre

4 eux était un voisin à moi, il habitait le même bâtiment que moi.

5 Q. : Par ces mots, voulez-vous dire qu’une des victimes était votre

6 voisin ou qu’un des agresseurs était votre voisin ?

7 R. : L’un des agresseurs, un des soldats serbes, celui qui a tué des

8 civils.

9 Q. : Qui était-ce ?

10 R. : Ranko Cesic.

11 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?

12 R. : Serbe. C’était un Serbe.

13 Q. : Pendant votre séjour au camp de Luka, vous rappelez-vous avoir vu un

14 détenu du nom d’Ibrahim Levic, au camp ?

15 R. : Oui, oui. Il dormait à côté de moi; à côté de moi, il dormait.

16 Q. : Le connaissiez-vous avant votre séjour dans le camp ?

17 R. : Oui. Je savais quelle était son apparence, mais je ne connaissais

18 pas son nom. Je le rencontrais, c’est-à-dire, j’ai appris son nom et

19 son prénom au camp.

20 Q. : Vous rappelez-vous un incident le concernant, survenu dans le camp ?

21 R. : Oui. Je me le rappelle.

22 Q. : Dites-nous ce qui est arrivé.

23 R. : Eh bien, un homme est venu en uniforme de camouflage, il a pris un

24 couteau, l’a saisi par le cou et lui a incisé une croix sur le front

25 avec son couteau.

Page 800

1 Q. : Cet homme qui est venu et qui a fait cela, l’aviez-vous jamais vu

2 auparavant dans le camp ?

3 R. : Oui, il venait tout le temps, il était l’un des plus importants, il

4 aimait beaucoup frapper, passer à tabac les prisonniers.

5 Q. : Quel type d’uniforme militaire portait-il ?

6 R. : Un uniforme de camouflage, un uniforme SMB.

7 Q. : Portait-il des insignes ou des écussons sur son uniforme ?

8 R. : Je ne crois pas, mais il aimait se présenter, il le disait lui-même,

9 comme un membre du parti radical de Bijelina, un « Tchetnik ». C’est

10 comme cela qu’il se présentait.

11 Q. : Aviez-vous entendu parler auparavant d’un parti qui s’intitulait

12 lui-même « les Tchetniks » ?

13 R. : Oui. J’avais entendu parler du parti radical serbe avant la guerre,

14 mais à cette époque, ils ne se désignaient pas sous le terme de

15 Tchetniks. Cela a commencé au camp, c’est là qu’ils ont commencé à

16 utiliser ce terme.

17 Q. : Savez-vous qui était le dirigeant de ce parti ?

18 R. : Je sais qu’il existait en Yougoslavie et aussi aux niveaux locaux.

19 Q. : Qui était le dirigeant le plus élevé ?

20 R. : M. Vojislav Seselj de Belgrade.

21 Q. : Et votre dirigeant local ?

22 R. : Parmi ceux que j’ai rencontrés à Brcko, il y avait Mirko Blagojevic.

23 Ils l’appelaient « Vojvoda ». C’était le Président du parti radical

24 de Bijelina.

25 Q. : En dehors de cet homme qui disait être un Tchetnik, y avait-il des

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1 membres d’autres groupes paramilitaires qui venaient au camp ?

2 R. : Oui, ils venaient. Beaucoup d’entre eux, vêtus d’uniformes

3 différents.

4 Q. : Avez-vous appris à quelles unités paramilitaires ils appartenaient ?

5 R. : Oui. Je peux vous dire cela avec certitude, parce qu’ils se

6 présentaient et leurs insignes, évidemment, étaient très parlants.

7 Q. : A quelles unités paramilitaires disaient-ils appartenir ?

8 R. : A la Garde des volontaires serbes, aux Tigres d’Arkan. Je répète,

9 c’est ainsi qu’ils se désignaient eux-mêmes, des Tchetniks.

10 Q. : Avez-vous jamais entendu parler du Major Mauser et de son groupe ?

11 R. : Oui, oui, plusieurs fois, et je l’ai rencontré, et je l’ai rencontré

12 une fois.

13 Q. : L’avez-vous rencontré au camp de Luka ?

14 R. : Il n’est pas venu à Luka pendant mon séjour.

15 Q. : Où avez-vous rencontré le Major Mauser ?

16 R. : Dans les locaux, dans la cour de mon entreprise, là où je

17 travaillais.

18 Q. : Comment avez-vous su qu’il s’agissait du Major Mauser ?

19 R. : L’homme s’est présenté, il nous a alignés ---

20 Q. : Que s’est-il passé ?

21 R. : --- et, comme il l’a dit, il nous a fait la leçon.

22 Q. : Quel genre de leçon ?

23 R. : Au sujet du fait qu’il avait perdu quelques-uns de ses soldats

24 blessés, qui étaient morts sur la table d’opération, à l’hôpital de

25 la ville, parce qu’il n’y avait pas assez d’électricité, d’énergie

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1 électrique, dans cette partie de la ville. Il pensait que nous

2 étions responsables de cela, mais nous n’avions pas accès à cette

3 partie de la ville. Alors, il s’est placé un revolver sur le cou et

4 nous a menacés : « si cela se reproduit, je tuerai tous les Turcs,

5 tous les balija », des choses de ce genre.

6 Q. : Vous avez dit que des personnes avaient été agressées, dans le camp,

7 par des individus vêtus d’uniformes militaires, ainsi que par des

8 individus se présentant eux-mêmes comme membres de groupes

9 paramilitaires. En dehors de cela, avez-vous jamais vu l’un des

10 membres du camp ou l’un des membres du personnel agresser les

11 détenus du camp ?

12 R. : Oui, je l’ai vu. Les gardes, nos gardes, étaient à l’extérieur du

13 bâtiment, ils n’ont jamais agressé personne. Mais ceux qui portaient

14 un uniforme bigarré, eux nous ont infligé des sévices.

15 Q. : Pendant votre séjour au camp de Luka, avez-vous jamais vu des corps

16 sans vie dans le camp ?

17 R. : Oui, j’en ai vu.

18 Q. : Avez-vous jamais eu à vous occuper de ces corps sans vie ?

19 R. : Oui, oui, une fois.

20 Q. : Pouvez-vous nous en dire plus, je vous prie ?

21 R. : Oui. Trois ou quatre d’entre eux sont entrés dans le hangar. Kosta

22 était avec eux, ils cherchaient des volontaires. A ce moment-là,

23 quelques personnes ont fait un pas en avant, de leur propre gré,

24 elles acceptaient d’aller faire quelque chose.

25 Q. : Avez-vous été choisi comme volontaire ?

Page 803

1 R. : Oui, l’un d’entre eux a dit : « Eh bien, tu as l’air en forme, je

2 pense que tu peux travailler, viens avec nous ».

3 Q. : Où vous a-t-on emmenés ?

4 R. : Eh bien, nous sommes sortis et nous avons traversé un autre hangar,

5 en face du nôtre, pour arriver sur les berges de la Sava.

6 Q. : Qu’y avez-vous trouvé ?

7 R. : Il y avait plusieurs corps sans vie, empilés, et ceux qui nous

8 avaient amenés à cet endroit, ces soldats ont dit : « Eh bien

9 maintenant, saisissez les par les bras et les jambes et jetez les à

10 l’eau ».

11 Q. : L’avez-vous fait ?

12 R. : Oui, je crois que j’en ai jeté deux à l’eau.

13 Q. : Comment étaient vêtus ces corps, quels vêtements portaient-ils ?

14 R. : Des vêtements civils, ils étaient vêtus normalement, comme je le

15 suis aujourd’hui, en civil.

16 Q. : De quel sexe étaient ces corps sans vie ?

17 R. : Masculin, c’étaient tous des hommes.

18 Q. : Avez-vous pu distinguer des blessures, des plaies sur leurs corps ?

19 R. : Oui, il avaient des trous dans le dos et sur la tête, ici, et il y

20 avait des flaques de sang.

21 Q. : Etiez-vous certain que tous ces hommes étaient morts ?

22 R. : L’un d’entre eux a ouvert les yeux lorsque nous l’avons retourné

23 pour l’empoigner et le jeter à l’eau. Il a ouvert les yeux. Il me

24 semble qu’il était en vie, mais je peux me tromper, je ne sais pas.

25 Q. : Avez-vous dit aux militaires qui vous escortaient que l’un d’entre

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1 eux semblait en vie ?

2 R. : Non, je n’ai pas eu le temps, parce qu’ils ont commencé à tirer

3 depuis la Croatie, sur nous ou sur les soldats serbes, alors ils se

4 sont cachés derrière des wagons et je me suis couché. Je voulais

5 courir vers les hangars et l’un des gardes a dit : « pourquoi ne pas

6 abattre ceux-ci également, j’encule leurs mères ? », et un autre a

7 dit : « eh bien, laisse les partir, laisse les courir, laisse les

8 sauver leur peau ».

9 Q. : Lorsqu’ils ont dit « pourquoi ne pas abattre ceux-ci également »,

10 faisaient-ils référence à vous ?

11 R. : Nous n’étions pas deux, nous étions plusieurs à cet endroit.

12 Q. : Donc, ils faisaient référence aux volontaires ?

13 R. : Oui, oui, aux volontaires.

14 Q. : Ces hommes qui vous ont emmenés vous occuper des corps, étaient-ils

15 membres du personnel régulier du camp ?

16 R. : Non, non, c’étaient ceux de l’extérieur, je ne les connaissais pas à

17 leur arrivée, mais ils portaient des uniformes de camouflage. Mais

18 ils venaient déjà avant cet incident.

19 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces hommes ?

20 R. : Non, non, dans ce groupe, il y avait tous les autres, je ne sais pas

21 s’ils étaient de la ville, si c’étaient des Serbes de Brcko. L’un

22 d’entre eux l’était, mais il n’est pas venu avec nous à l’endroit où

23 nous nous sommes occupés des corps. Il est resté dans le bureau de

24 Kosta, avec lui probablement, il y avait un Serbe de Brcko avec eux.

25 Q. : Avez-vous, vous-même, été maltraité au camp de Luka ?

Page 805

1 R. : Oui, oui, je l’ai été.

2 Q. : Par qui ?

3 LE PRESIDENT : Excusez-moi, avant d’aborder cette série de questions, nous

4 allons suspendre l’audience vingt minutes, je vous prie.

5 (11 h 35)

6 (Brève suspension d’audience)

7 (11 h 50)

8 LE PRESIDENT : Nous attendons le conseil de la Défense. La suspension

9 d’audience est terminée.

10 MAITRE WLADIMIROFF : Je vous prie d’excuser mon retard, Madame le

11 Président.

12 LE PRESIDENT : Très bien. Etes-vous prête à poursuivre, Maître Hollis ?

13 MAITRE HOLLIS : Oui, Madame le Président. (A l’intention du témoin). Avant

14 la suspension, je vous ai demandé si vous aviez, vous-même, été

15 maltraité au camp de Luka et vous aviez commencé à me répondre.

16 Pouvez-vous nous dire, je vous prie, si vous avez été maltraité

17 durant votre séjour au camp ?

18 R. : (Original en bosniaque). Oui, j’ai été maltraité.

19 Q. : Pouvez-vous nous dire ce qui vous a été fait ?

20 R. : Le premier jour, dès mon arrivée, lorsqu’ils m’ont amené au camp,

21 l’un de ceux, il s’appelait Ivan, a pénétré jusqu’au milieu du

22 hangar. Il y avait deux autres hommes avec lui, vêtus de la même

23 façon d’uniformes de camouflage gris-olive. Ils étaient debout

24 derrière lui et portaient des armes automatiques, lui aussi avait un

25 objet métallique dans les mains. Il a donc pénétré jusqu’au milieu

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1 du hangar et a dit : « où est cet albanais, ce chiptar qui est

2 arrivé aujourd’hui ?».

3 Q. : C’est vous qu’il désignait par ces mots ?

4 R. : Sur le moment, je n’ai pas compris si c’était moi qu’il désignait,

5 parce que j’ai vu un autre prisonnier, de l’autre côté, dont le père

6 était aussi albanais. Je n’étais donc pas très sûr de ce qu’il

7 voulait dire.

8 Q. : Que s’est-il passé après qu’il ait posé cette question ?

9 R. : Il a répété sa question, puis je me suis levé et il a dit : « viens

10 ici, approche ».

11 Q. : Que s’est-il passé alors ?

12 R. : Lorsque je me suis approché de lui, il a agité la main qui portait

13 un objet métallique. Je crois que c’était sans doute un embout de

14 lance d’incendie, il l’a agité, je pense dans l’intention de me

15 frapper à la tête, mais j’ai fait un pas de côté, et il m’a raté. Il

16 a donc agité à nouveau la main qui portait cet embout et j’ai à

17 nouveau fait un pas de côté, il m’a frappé à l’autre épaule. Je suis

18 alors tombé, pas complètement, mais sur les genoux. L’un des deux

19 hommes derrière lui a dit : « tu ne peux pas l’abattre d’un seul

20 coup », voulant dire que j’étais si fort qu’il ne pouvait pas

21 m’abattre en m’infligeant un seul coup. Alors, il a commencé à me

22 frapper à coups de pied. A un moment, il m’a lancé un coup de pied,

23 avec sa botte militaire, à la tête et pendant un instant, je crois

24 avoir perdu conscience et ensuite ---

25 Q. : Poursuivez, je vous prie.

Page 807

1 R. : --- l’un des hommes qui l’accompagnait est venu dans mon dos, m’a

2 forcé à me relever, et puis Ivan a saisi un revolver, a déclenché la

3 sécurité et l’a mis dans ma bouche.

4 Q. : Qu’a-t-il fait alors ?

5 R. : Alors, il a enlevé la sécurité, mais n’a pas tiré. Il a dit que

6 j’avais de la chance, parce que cette fois-ci, il n’avait pas de

7 balle pour moi, mais qu’il en aurait une autre fois, et puis l’autre

8 homme m’a lâché et je suis tombé sur les genoux et les mains et il a

9 dit : « je reviendrai, tu es libre pour le moment ».

10 Q. : Vous avez dit que l’homme qui vous a fait cela s’appelait Ivan.

11 Etait-ce un garde régulier du camp ?

12 R. : Non, il était - il appartenait à ce groupe d’hommes qui venaient

13 souvent au camp. Ce n’était pas l’un des gardes qui gardaient le

14 camp, à l’extérieur. Il venait de temps en temps.

15 Q. : Avez-vous jamais su à quel groupe il appartenait ?

16 R. : Je crois, je ne pense pas l’avoir su, parce que j’ai posé la

17 question plus tard. L’un des hommes qui était avec lui portait les

18 insignes de la Garde des volontaires serbes. C’était comme cela

19 qu’ils s’appelaient, à l’époque, les soldats d’Arkan, il était l’un

20 d’entre eux.

21 Q. : Quel est cet insigne ?

22 R. : Ceux qui se désignaient comme « les vrais hommes d’Arkan » portaient

23 sur la gauche de leur uniforme le drapeau de la République de Serbie

24 et sur les manches, ils portaient le même insigne en plus petit et

25 aussi une tête de tigre, le dessin d’une tête de tigre et les mots

Page 808

1 « Garde serbe » étaient écrits sur l’un de ces uniformes.

2 Q. : Pendant votre séjour au camp de Luka, est-ce que des officiers de

3 l’armée sont venus au camp ?

4 R. : Oui, une fois ils sont venus dans une Golf bleue de la police, la

5 police qui existait avant la guerre. Cette Golf s’est arrêtée à la

6 porte du camp de Luka et elle portait l’inscription « Ministère de

7 l’intérieur de la République de Serbie » ainsi que le vieil emblème

8 de la République de Serbie. Cet homme était vêtu d’un uniforme de

9 camouflage gris-olive. Il n’avait rien sur la tête. Il était escorté

10 par deux agents de la police civile, dont l’un portait l’insigne du

11 Ministère de l’intérieur de Serbie et l’autre celui du Ministère

12 fédéral de l’intérieur. Ils ont pénétré dans le hangar, où Kosa est

13 alors arrivé, parce qu’il a probablement été surpris de les voir là.

14 Ils sont entrés dans le hangar, sont allés jusqu’au milieu du

15 hangar.

16 Q. : Qu’est-il arrivé alors, après qu’ils aient pénétré jusqu’au milieu

17 du hangar ?

18 R. : Il a alors demandé, Kosa était arrivé entre temps, il a demandé :

19 « Kosta, laisse moi les voir » et il a ajouté : « le tireur d’élite

20 musulman, j’ai entendu dire que tu en avais deux ».

21 Q. : Que s’est-il passé alors ?

22 R. : Alors Kosta a dit : « ils sont là, dans le coin du hangar, au

23 fond ». Les deux hommes étaient allongés sur quelque chose qui

24 ressemblait au tapis de sol des salles de sport. Ils dormaient sur

25 ce tapis, ils étaient deux et je sais qu’ils étaient de Brcko.

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1 Q. : Qu’est-il arrivé à ces deux hommes ?

2 R. : Le Major qui accompagnait Kosta et les deux autres hommes étaient

3 debout en face d’eux et il a demandé au premier des deux hommes :

4 « pourquoi es-tu ici, à Luka, dans ce camp, pourquoi as-tu été

5 arrêté ? ».

6 Q. : Qu’a répondu cet homme ?

7 R. : Il a dit plus ou moins : « on dit que je suis une sorte de tireur

8 d’élite musulman. Je ne le suis pas, Major ».

9 Q. : Ces deux hommes ont-ils été maltraités par les deux hommes qui

10 accompagnaient Kosta ou par Kosta ?

11 R. : Je ne peux rien affirmer avec certitude pour Kosta, mais Goran

12 Jelisic frappait régulièrement, et lorsque je dis régulièrement, je

13 veux dire sans arrêt, pendant la journée, quelquefois cinq fois par

14 jour, et régulièrement avant d’aller au lit.

15 Q. : Le Major et les deux agents de police arrivés dans ce véhicule bleu

16 ont-ils fait quoi que ce soit aux deux homme identifiés comme

17 tireurs d’élite ? Les ont-ils emmenés hors du camp ?

18 R. : Non, ils ne leur ont rien fait, mais le Major a simplement dit :

19 "Kosta, va te faire foutre. Si les tireurs d’élite ressemblent à

20 cela, moi, je ne veux pas perdre un seul de mes soldats de Brcko. Tu

21 dois appeler un médecin tout de suite, pour que ces hommes reçoivent

22 des soins médicaux". Et effectivement, un médecin est venu le

23 lendemain, il les a simplement nettoyés à l’eau claire. Nous ne

24 pouvions recevoir aucun autre soin à Luka.

25 Q. : Vous rappelez-vous une occasion où vous étiez avec Kosta et il y

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1 avait un sous-lieutenant avec lui ?

2 R. : J’étais avec Kosta, c’était un sous-lieutenant, mais il portait les

3 insignes. Il s’appelait Goran Jelisic. J’ai été amené au bureau de

4 Kosta pendant la nuit et il portait les insignes de sous-lieutenant.

5 Q. : Quel poste Goran occupait-il ?

6 R. : Je ne sais pas quel poste il occupait, mais personne ne se mettait

7 en travers de son chemin lorsqu’il venait au camp.

8 Q. : Donc, il portait les insignes de sous-lieutenant. Quel type

9 d’uniforme portait-il ?

10 R. : Un uniforme de camouflage bigarré. Goran ne portait jamais

11 l’uniforme régulier des soldats. Il avait toujours un uniforme

12 spécial, soit un uniforme de police, soit l’uniforme d’une unité

13 spéciale de l’armée.

14 Q. : Donc vous connaissiez cet homme avant votre détention à Luka ?

15 R. : Non, non, je ne le connaissais pas avant.

16 Q. : Comment avez-vous appris son nom ?

17 R. : Eh bien, il s’est présenté à nous chaque fois qu’il est venu à Luka.

18 Q. : Pourquoi venait-il au camp ? Qu’y faisait-il ?

19 R. : Chaque fois que Goran Jelisic venait, accompagné de Monika, la soeur

20 de Kosta, il tabassait quatre ou cinq hommes, juste comme cela. Il

21 aimait se présenter, il disait s’appeler Goran Jelisic, c’est ce

22 qu’il disait, il agitait son revolver et disait qu’il avait, de sa

23 main, tué 97 personnes et qu’il allait en tuer 97 autres à Luka.

24 C’est ce qu’il avait l’habitude de dire.

25 Q. : Vous avez indiqué être sorti du camp de Luka le 7 juin 1992.

Page 811

1 JUGE VORAH : Maître Hollis, j’ai du mal à comprendre qui est Kosta. J’ai

2 probablement raté cette information.

3 MAITRE HOLLIS : Je crois que vous l’avez déjà dit, mais pouvez-vous nous

4 l’expliquer à nouveau ? A qui faites-vous référence lorsque vous

5 parlez de Kosta ?

6 R. : Je parle de Kosta, Konstantin Simonovic. A l’époque, il portait un

7 uniforme, l’uniforme de la police, et il se présentait lui-même. Il

8 disait qu’il était le commandant du camp de Luka, à Brcko. C’était

9 Kosta.

10 JUGE VORAH : Merci.

11 MAITRE HOLLIS : Vous avez indiqué être sorti du camp de Luka le 7 juin

12 1992. Pouvez-vous nous dire comment vous avez été autorisé à sortir

13 à cette date ?

14 R. : Le 7 juin, aux environs de 14 h, M. Rade Bozic est venu. C’était un

15 capitaine. Il est entré dans le hangar, accompagné de Kosta. Et puis

16 ils m’ont appelé, par mon nom et mon prénom. Je me suis levé et M.

17 Rade a dit : « approche ». Et je me suis approché d’eux, et Kosta a

18 simplement dit : « allez, viens, n’aie pas peur, tu vas de nouveau

19 canoter pour la Yougoslavie ». Il parlait du sport dans lequel

20 j’excellais. Nous nous sommes serré la main et il a dit : « salut »

21 et nous a présentés l’un à l’autre, puis Kosta a dit : « eh bien,

22 Rade, nous pouvons sortir, tu pourras prendre un café avec Isak,

23 cela vous permettra de mieux vous connaître ».

24 Nous sommes donc sortis et avons pris un café. Il m’a demandé

25 quelle était ma nationalité, etc. Puis il a dit : « voudrais-tu que

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1 je t’aide en quoi que ce soit ? ». Et j’ai dit : « oui, si vous le

2 pouvez, aidez-moi à sortir d’ici ». Il a dit : « d’accord, nous

3 verrons ce que nous pouvons faire ». Et après cette conversation,

4 j’ai dit : « oui, j’aimerais retourner au hangar, si vous n’avez

5 rien contre ». Il a dit : « d’accord, retourne au hangar, je ferai

6 ce que je peux pour te sortir de là, car ta place n’est pas ici ».

7 C’est ce qu’il a dit.

8 Q. : Avez-vous revu le capitaine Bozic ce jour-là ?

9 R. : Oui, oui, je l’ai revu. Quelque deux heures après cette rencontre,

10 il est revenu avec le même - dans le même véhicule que la première

11 fois, et Kosta l’accompagnait également cette fois-ci. Kosta avait

12 en main ma carte d’identité et une feuille de papier que l’on

13 pouvait mettre dans une machine à écrire. Il a dit : « d’accord,

14 dépêche-toi, Isak, tu rentres à la maison ». Tous les autres

15 prisonniers se sont levés, nous nous sommes dit au revoir et ils

16 m’ont fait sortir du hangar. Pour vous dire la vérité, je ne savais

17 pas où ils m’emmenaient, parce qu’ils m’avaient simplement dit :

18 « tu rentres à la maison ». Je n’avais aucun détail, à ce moment-là.

19 Ils m’ont simplement fait sortir du hangar.

20 Q. : Qui avait en main cette feuille de papier et votre carte d’identité

21 ?

22 R. : Kosta.

23 Q. : Qui vous avait dit que vous rentriez à la maison ?

24 R. : Rade me l’avait dit.

25 Q. : Et il vous a ensuite fait sortir du camp de Luka ?

Page 813

1 R. : Oui, dans ce véhicule qu’ils avaient. Nous avons pris place dans ce

2 véhicule, qui s’est dirigé vers le centre de la ville. Il m’a

3 demandé où j’habitais.

4 Q. : Quel type de véhicule conduisait-il ?

5 R. : C’était un véhicule simple ou luxueux (sic) semblable aux Jeeps que

6 l’on utilise normalement sur les routes. Je crois qu’il était de

7 marque Pajero, automatique, mais il n’avait pas de plaques. Il avait

8 un gyrophare sur le toit. Ils l’y ont mis après, parce que c’était

9 un véhicule civil à l’origine.

10 Q. : Où vous a-t-il emmené à votre sortie du camp ?

11 R. : A mon appartement, près de la caserne, comme je l’ai dit. Je lui ai

12 dit de m’y conduire et c’est là que nous sommes allés. Il m’a dit

13 qu’ils allaient entrer avec moi dans l’appartement, puis il a ajouté

14 : « prends toutes tes affaires, tu vas quitter la ville; nous allons

15 y rester longtemps ».

16 Q. : Avez-vous pu prendre tous les biens que vous aviez dans

17 l’appartement ?

18 R. : J’ai pris un sac, un sac de sport, j’y ai mis quelques effets

19 personnels, des vêtements, rien d’autre.

20 Q. : A votre départ de l’appartement, où avez-vous été emmené ?

21 R. : Il m’a alors demandé si je voulais aller à Belgrade. J’ai dit :

22 « oui » et il m’a demandé : « ta femme et tes enfants y sont ? »,

23 j’ai dit : « oui » et lui a dit : « c’est là que tu vas ».

24 Q. : Est-ce là qu’il vous a emmené ?

25 R. : Oui, plus tard, oui.

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1 Q. : Bien. Avant de vous amener à Belgrade, vous a-t-il emmené rencontrer

2 quelqu’un ?

3 R. : Oui, j’ai rencontré quelqu’un à Zvornik, dans un motel, au bord de

4 la rivière Drina, j’ai rencontré un homme, un homme très important.

5 Q. : Qui était-ce ?

6 R. : Le capitaine Dragan en personne.

7 Q. : Saviez-vous qui était le capitaine Dragan ?

8 R. : Oui, parce que je l’avais vu à la télévision bosniaque avant la

9 guerre. Je l’avais vu à la télévision et j’avais lu des articles à

10 son sujet dans la presse.

11 Q. : Qui était-ce ?

12 R. : C’était le dirigeant d’une sorte d’unité spéciale, comme ils

13 s’appelaient à l’époque, une unité de volontaires qui avait été

14 créée dans la région de Knin, dans la Krajina serbe de Croatie. Il

15 était très populaire parmi les Serbes de Croatie et de Bosnie-

16 Herzégovine. Il commandait ces bérets rouges, comme on les appelait,

17 les Kninja.

18 Q. : Lorsque vous avez parlé avec lui, y avait-il quelque béret rouge que

19 ce soit avec lui ?

20 R. : Lorsque Rade et moi-même sommes arrivés devant le motel, devant le

21 motel, il devait y avoir quelque trente ou quarante bérets rouges à

22 l’entrée du motel, à Zvornik, et lorsque nous avons garé le

23 véhicule, le capitaine Dragan est sorti, en civil, accompagné de

24 journalistes de Politika et d’une femme.

25 Q. : A-t-il accordé une sorte de conférence de presse, à laquelle vous

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1 avez assisté ?

2 R. : Non. Nous avons dit « salut », comme si nous nous connaissions

3 depuis de nombreuses années, très aimablement.

4 Q. : Savez-vous si cette rencontre a été photographiée ?

5 R. : Pas ce jour-là, mais à Belgrade, oui.

6 Q. : Le capitaine Dragan vous a-t-il expliqué pourquoi vous aviez été

7 libéré ?

8 R. : Oui, il l’a fait. Il m’a dit en quelques mots que ma femme et un ami

9 sportif qui habitait (et habite toujours) à Belgrade m’avaient aidé.

10 Q. : Après cette conversation avec le capitaine Dragan, êtes-vous

11 finalement allé à Belgrade ?

12 R. : Oui. Nous y sommes allés directement de Zvornik. Nous avons passé la

13 frontière avec la République de Serbie. Le capitaine Dragan était

14 avec nous, ainsi que ce journaliste et la femme qui représentait le

15 Fonds de soutien au capitaine; c’est Rade qui nous a conduits

16 jusqu’à Belgrade.

17 Q. : Lorsque vous avez passé la frontière à Zvornik, Zvornik est en

18 Bosnie-Herzégovine ?

19 R. : Zvornik l’est, mais une partie de Zvornik ne l’est pas.

20 Q. : Donc, lorsque vous êtes passés de la partie de Zvornik qui se trouve

21 en Bosnie-Herzégovine en Serbie, avez-vous eu des difficultés à

22 entrer en Serbie ?

23 R. : Oui, parce que du côté bosniaque, il y avait un barrage de la police

24 serbe (sic ?). Ils ne nous ont pas arrêtés, mais les policiers

25 serbes nous ont arrêtés parce qu’ils avaient aussi un barrage à cet

Page 816

1 endroit. Ils connaissaient le capitaine Dragan. Lui a baissé la

2 vitre de la voiture et eux nous ont dit : « Oh, capitaine Dragan »

3 et nous ont laissé passer.

4 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à Belgrade ?

5 R. : Environ deux mois.

6 Q. : Après Belgrade, avez-vous quitté l’ex-Yougoslavie ?

7 R. : Oui; D’abord pour aller en Macédoine, où j’ai passé deux mois avec

8 ma femme et mon enfant, puis je suis allé en Europe occidentale.

9 Q. : M. Gasi, avant que le conflit n’atteigne la région de Brcko, étiez-

10 vous membre d’une organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe

11 ?

12 R. : Non, non, non, jamais.

13 Q. : Etiez-vous membre d’une force de résistance anti-serbe organisée ?

14 R. : Non, non.

15 Q. : Après le début du conflit, le 30 avril, êtes-vous devenu membre

16 d’une organisation militaire, paramilitaire ou de résistance anti-

17 serbe ?

18 R. : Non, jamais.

19 MAITRE HOLLIS : Merci, je n’ai pas d’autre question.

20 LE PRESIDENT : Contre-interrogatoire ?

21 Contre-interrogatoire mené par Maître WLADIMIROFF

22 Q. : M. Gasi, pourriez-vous nous redire quel était votre rang au sein de

23 la JNA durant votre service militaire, je vous prie ?

24 R. : J’étais simple soldat dans l’unité chargée de la circulation, c’est

25 comme cela qu’elle s’appelait; j’étais simple soldat dans cette

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1 unité chargée de la circulation; littéralement, cela signifie

2 chauffeur.

3 Q. : Pourriez-vous, je vous prie, nous décrire l’uniforme régulier de la

4 JNA en 1991 ?

5 R. : Un uniforme gris, vert-olive - ce qui veut dire qu’il était d’une

6 seule couleur, il n’y avait pas de lignes ou de taches de plusieurs

7 couleurs sur cet uniforme - avec un képi sur la tête et une étoile

8 sur le képi. C’était l’uniforme de la JNA, tant de l’armée régulière

9 que des forces de réserve.

10 Q. : Bien. Pourriez-vous nous décrire l’uniforme, l’uniforme régulier de

11 la JNA en 1992, jusqu’au mois de mai, je vous prie ?

12 R. : Tous ces uniformes, tout le temps où j’ai vécu dans la ville de

13 Brcko, avaient l’aspect que je viens de décrire, avec les anciens

14 insignes.

15 Q. : Mais pourriez-vous nous décrire l’uniforme de la JNA dans la période

16 qui s’étend de janvier à mai 1992, je vous prie ?

17 R. : Je répète : les uniformes réguliers des soldats réguliers de la JNA,

18 je ne parle pas des unités spéciales, étaient des uniformes de

19 couleur unie, gris, vert-olive, avec des boutons.

20 Q. : Avez-vous vu cet uniforme que vous venez de décrire après le 19 mai,

21 à Brcko, le 19 mai 1992 ?

22 R. : Jusqu’au 7 juin, date à laquelle je suis sorti du camp de Luka, j’ai

23 vu ces uniformes. La plupart des uniformes étaient de ce type.

24 Q. : Pourriez-vous décrire, dans ce cas, l’uniforme régulier de la

25 Défense territoriale, du personnel militaire qui travaillait pour la

Page 818

1 Défense territoriale de Bosnie ?

2 R. : Les uniformes étaient identiques, de couleur identique, et les

3 réservistes de la JNA portaient le même type d’uniforme que la

4 Défense territoriale d’avant, quel qu’ait été son nom à l’époque, le

5 même que la Défense territoriale.

6 Q. : Donc, il n’y avait pas de différence entre les uniformes réguliers

7 de la JNA et les uniformes de ceux qui travaillaient pour la Défense

8 territoriale, n’est-ce pas ?

9 R. : Avant la guerre et après le début de la guerre, c’était ainsi.

10 Q. : Y avait-il une différence entre ces deux uniformes en mai 1992 ?

11 R. : Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je n’ai pas vu. Oui, si vous pensez

12 aux uniformes de camouflage. Les uniformes de camouflage ont aussi

13 commencé à apparaître en ville, aux alentours de la ville, dans la

14 municipalité.

15 Q. : Quelle était la différence entre l’uniforme de camouflage de la JNA

16 et l’uniforme de camouflage de la DT en mai 1992 ?

17 R. : Les uniformes de camouflage existaient dans l’Armée populaire

18 yougoslave. C’étaient les uniformes des sections spéciales de

19 l’Armée populaire yougoslave. Ce sont des uniformes réguliers, ils

20 l’étaient à l’époque et avant cela.

21 Q. : Pourriez-vous décrire cet uniforme, l’uniforme de camouflage ?

22 R. : Gris, vert-olive, avec des taches plus claires et des tons plus

23 foncés. Cela dépendait de la section concernée, du service dont ils

24 dépendaient. Ceux des unités reconnues étaient plus clairs. La

25 police militaire, pour autant que je le sache, l’ancienne JNA, leurs

Page 819

1 uniformes étaient légèrement plus foncés.

2 Q. : Y avait-il une différence entre les uniformes de camouflage de la

3 JNA et ceux de la DT dans cette période, en mai 1992 ?

4 R. : Pas que je sache.

5 Q. : Savez-vous quand a été créée l’armée de la Republika Srpska ?

6 R. : Je ne sais pas, je ne sais pas. J’en ai entendu parler lorsque

7 j’étais loin, déjà loin, mais à l’époque où j’étais en ville,

8 l’armée de la Republika Srpska n’existait pas.

9 Q. : Donc, pas d’armée de la Republika Srpska en mai 1992 à Brcko ?

10 R. : Non, non, non.

11 Q. : Pourriez-vous nous dire ce qui distinguait le personnel militaire

12 travaillant pour l’infanterie de celui qui travaillait pour

13 l’artillerie de la DT ? Pouvait-on les distinguer par leur uniforme

14 ?

15 R. : Je pense qu’il était impossible de distinguer les membres des unités

16 d’artillerie des membres des unités d’infanterie de l’Armée

17 populaire yougoslave, dans l’Armée populaire yougoslave.

18 Q. : Le personnel militaire de l’infanterie de la DT avait-il des

19 insignes différents de ceux de la DT ? Y avait-il des différences au

20 sein de la DT ?

21 R. : Oui. Lorsque la guerre a éclaté à Brcko, je suppose qu’ils n’avaient

22 pas assez d’uniformes de réserve de la JNA et c’est ainsi que

23 certains portaient des pantalons civils, un T-shirt, des baskets et

24 la veste d’uniforme ou une veste à manches amovibles, ou quelque

25 chose. C’était cela la différence, je ne sais pas.

Page 820

1 Q. : Comment décririez-vous - non, permettez-moi de reformuler cette

2 question - comment peut-on reconnaître un membre d’un groupe

3 paramilitaire à son uniforme ?

4 R. : Si vous pensez aux groupes paramilitaires - c’est ce qu’on disait à

5 l’époque - la seule différence venait de ce qu’ils avaient des

6 petits emblèmes sur le bras ou quelque part sur la poitrine. C’est

7 cela qui les différenciait.

8 Q. : Donc la couleur de l’uniforme était la même que celle de la Défense

9 territoriale, est-ce exact ?

10 R. : La couleur de l’uniforme porté par les forces spéciales et par la

11 Défense territoriale.

12 Q. : Donc la seule différence venait de ces petits insignes portés sur

13 l’uniforme, c’est exact ?

14 R. : Eh bien si vous voulez, on peut dire les choses comme cela, si vous

15 le souhaitez.

16 Q. : Passons à présent à l’équipement. Quelles étaient les marques

17 visibles sur les équipements de la JNA en 1991 ?

18 R. : Je les ai déjà décrites : un uniforme vert-olive et un uniforme, et

19 un uniforme de la couleur des uniformes réguliers, et si vous pensez

20 aux uniformes de camouflage des forces spéciales, je vous ai dit

21 qu’il dépendait de la branche, du service concerné. Il y avait du

22 bleu marine, bien sûr, et leurs uniformes étaient bleu foncé.

23 Q. : Je pense aux équipements; nous parlons des véhicules et de tous les

24 matériels du même genre, des équipements. Quelles étaient les

25 marques visibles sur les équipements de la JNA en 1991 ?

Page 821

1 R. : Les camions étaient gris, vert-olive, tous les véhicules motorisés

2 de tous types, ils avaient leurs plaques, leurs plaques

3 d’immatriculation, donc j’ai vraiment du mal à vous suivre.

4 Q. : Y avait-il quelque autre marque sur ces véhicules, autre que les

5 plaques ?

6 R. : Oui, il y en avait. Par exemple, les chars étaient peints en gris,

7 vert-olive et ils avaient la plaque, l’ancienne, de l’Armée

8 populaire yougoslave, et des mots d’ordre du parti radical serbe de

9 Bijelina, des Tchetniks, étaient ensuite ajoutés, à la peinture, sur

10 les chars, c’était cela la différence.

11 Q. : Les marques visibles sur les équipements de la JNA ont-elles changé

12 en 1992 ?

13 R. : Je sais que oui, elles ont changé, avant c’était l’étoile et

14 aujourd’hui, les mots JNA y sont inscrits.

15 Q. : Je ne parle pas des uniformes, mais des véhicules, de ce genre de

16 choses. Y a-t-il eu quelque changement que ce soit sur ces

17 équipements en 1992, les équipements de la JNA, en 1992 ?

18 R. : Non, pas pour autant que j’aie pu le voir à Brcko. Ils sont restés

19 tels quels, tels qu’ils étaient auparavant, à part un léger

20 changement dans les insignes, les marques visibles sur les képis.

21 Q. : Je ne fais pas référence aux marques visibles sur les uniformes ou

22 les képis. Je fais référence aux marques visibles sur les

23 équipements, les chars, les véhicules, ce genre de choses. Vous

24 comprenez ma question ?

25 R. : Oui, je la comprends.

Page 822

1 Q. : Très bien. Encore une fois, les marques visibles sur les équipements

2 de la JNA ont-elles changé en 1992 ?

3 R. : Non, non, il n’y a eu aucun changement sur les véhicules.

4 Q. : Pouvez-vous nous dire quelles étaient les marques visibles sur les

5 équipements, pas sur les uniformes, mais sur les équipements de la

6 DT, en 1991 ?

7 R. : Si vous pensez à la Défense territoriale, s’ils avaient des chars ou

8 des transports de troupes, la Défense territoriale n’en a jamais

9 possédé avant ces événements.

10 Q. : Je fais référence aux équipements du genre véhicules, par exemple.

11 Pouvez-vous nous dire quelles étaient les marques visibles sur les

12 équipements de la DT en 1991, je vous prie ?

13 R. : Je n’ai pas vu de changement de couleur. Certains ont enlevé les

14 plaques, les vieilles plaques yougoslaves, les marques.

15 Q. : Cela s’est-il passé en 1991 ou faites-vous référence à une autre

16 période ?

17 R. : Je fais référence à 1992.

18 Q. : Je vois. Encore une fois, quelles étaient les marques visibles sur

19 les véhicules de la DT en 1991 ?

20 R. : Il n’y en avait pas. La Défense territoriale ne possédait pas de

21 véhicules, à l’époque. Elle avait l’habitude d’en emprunter aux

22 entreprises. C’étaient des véhicules civils.

23 Q. : Bien. Nous passons donc à 1992. La DT possédait-elle des véhicules,

24 des véhicules militaires en 1992 ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Quelles étaient les marques visibles sur ces véhicules en 1992 ?

2 R. : Je vous ai dit qu’ils ont retiré certaines marques, des plaques

3 d’immatriculation, d’autres ne l’ont pas fait. Nous l’avons tous vu

4 en ville, je l’ai vu. Donc, ils avaient les anciennes marques.

5 Q. : De qui ? Les marques de la JNA ?

6 R. : Oui, oui, de la JNA.

7 Q. : Donc vous nous dites que les marques de la JNA ont été enlevées et

8 que d’autres marques ont été placées sur les équipements de la DT en

9 1992. Est-ce cela que vous nous dites ?

10 R. : J’essaie de vous dire qu’ils les ont enlevées de certains véhicules,

11 mais que les anciennes marques sont restées sur d’autres véhicules -

12 --

13 Q. : Donc ---

14 R. : --- pendant que je me trouvais à Brcko.

15 Q. : Donc il est exact qu’en mai 1992, on pouvait voir, à Brcko, des

16 véhicules portant les marques de la JNA, même s’ils servaient à la

17 DT, ainsi que des véhicules portant les marques de la DT qui

18 servaient à la DT. Est-ce exact ?

19 R. : Pour être précis, je croisais des véhicules de la JNA à ma sortie du

20 travail, mais des véhicules civils venaient aussi dans mon

21 entreprise, la plupart étaient des véhicules civils, avec les mots

22 « DT » inscrits sur un papier, et si c’était la Défense

23 territoriale, alors c’était la Défense territoriale, comme vous

24 dites.

25 Q. : Mais comment pouvait-on distinguer, en voyant un véhicule portant,

Page 824

1 par exemple, les marques de la JNA, comment pouvait-on affirmer

2 qu’il servait à la JNA ou à la DT ?

3 R. : Pour être précis, ils les mettaient sur le pare-brise. Ils avaient

4 leur véhicule. Il y avait un papier, à peu près de cette taille, sur

5 lequel était apposé le tampon de la caserne de la JNA à Brcko, et il

6 y avait la licence, le permis qui leur permettait de circuler dans

7 la zone des combats.

8 Q. : Bien. Passons aux élections de 1990. Vous rappelez-vous les

9 élections de 1990 à Brcko ?

10 R. : Les élections de 1992 ? Le référendum de 1992 ?

11 Q. : Non, je fais référence aux élections de 1990. Y a-t-il eu des

12 élections en 1990 ?

13 R. : Oui, mais vous avez dit 92. Oui, bon, 1990.

14 Q. : Très bien. Vous rappelez-vous les élections de 1990 à Brcko ?

15 R. : Oui, je me les rappelle.

16 Q. : Qui a gagné ces élections ?

17 R. : J’ai déjà dit que c’étaient les anciens communistes, le SDP.

18 Q. : Et les élections de 1992, vous vous les rappelez ?

19 R. : Le référendum, pas les élections.

20 Q. : C’est juste. Revenons en 1990, si vous le voulez bien. 1990,

21 d’accord ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quel a été le pourcentage obtenu par le SDA à ces élections ?

24 Combien de voix a-t-il recueilli ? Quel a été le pourcentage des

25 voix recueilli par le SDA à ces élections ?

Page 825

1 R. : Peut-être 28 % du total.

2 Q. : A votre avis, quel a pu être le pourcentage obtenu par le SDS aux

3 élections de 1990 ?

4 R. : Environ 17 %.

5 Q. : Donc le SDS a gagné ces élections, n’est-ce pas, s’il a obtenu 70 ou

6 est-ce que vous avez dit 17 ?

7 JUGE STEPHEN : 17.

8 MAITRE WLADIMIROFF : Cela a l’air plus réaliste, je dirais. Quel a été le

9 pourcentage obtenu par le HDZ aux élections de 1990 ?

10 R. : En gros, je peux me tromper d’une ou deux unités, 22 ou 23 %.

11 Q. : Quel a été le pourcentage recueilli par les anciens communistes ?

12 R. : Ils ont emporté tout le reste, ce qui restait pour atteindre 100 %,

13 ils étaient donc le premier parti politique au Parlement local. Il y

14 avait d’autres partis politiques qui ont obtenu, peut-être, 1 ou 2

15 %, je ne sais pas.

16 Q. : Les anciens communistes, trouvait-on parmi eux des Musulmans, des

17 Serbes et des Croates ou étaient-ils majoritairement musulmans ou

18 majoritairement serbes, dans ce parti ?

19 R. : Dans ma ville, les trois peuples y étaient représentés.

20 Q. : Pourriez-vous nous dire quel était le pourcentage des trois

21 principaux groupes ethniques dans l’ancien parti communiste.

22 R. : Je ne saurais le dire. Je ne sais vraiment pas. Mais je sais que

23 leur liste était mixte.

24 Q. : Bien. M. Gasi, vous avez déclaré ne pas avoir vu d’armes dans les

25 villages musulmans, n’est-ce pas ?

Page 826

1 R. : Oui.

2 Q. : Nous avez-vous dit la vérité sur ce point ?

3 R. : La vérité et rien que la vérité.

4 Q. : Pas une seule arme, où que ce soit ?

5 R. : Pour autant que je le sache, non.

6 Q. : Possédiez-vous une arme, vous-même, en 1991 ?

7 R. : Non. Je l’avais légalement.

8 Q. : Donc, vous aviez une arme. A quel titre la possédiez-vous ?

9 R. : Oui, j’en avais, j’en avais.

10 Q. : A quel titre possédiez-vous cette arme en 1991 ?

11 R. : Un petit revolver.

12 Q. : Comment cela se fait-il que vous ayez eu une arme ?

13 R. : Un Monsieur qui m’a arrêté dans mon entreprise. Il était Président

14 du Club de tir et lorsque j’ai été proclamé sportif, athlète de la

15 ville en 87 et 89, il me l’a remise. C’était le cadeau du Club

16 sportif à un sportif. Voilà ce que c’était.

17 Q. : Donc, vous aviez une arme en 1991 ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Aviez-vous aussi une arme en 1992 ?

20 R. : Oui. J’en ai eu une jusqu’à ce qu’ils viennent me la prendre.

21 Q. : Connaissiez-vous quiconque possédant une arme et d’origine musulmane

22 en 1991 ?

23 R. : Oui. Je connaissais des chasseurs. Je connaissais des chasseurs. Ils

24 avaient des fusils, des fusils de chasse.

25 Q. : En dehors de ceux ---

Page 827

1 R. : Je connaissais un certain nombre de personnes.

2 Q. : En dehors de ceux qui allaient à la chasse et possédaient un fusil

3 de chasse, connaissiez-vous quiconque, d’origine musulmane, qui

4 possédait une arme en 1991 ?

5 R. : Oui, oui, j’en connaissais, j’en connaissais, mon père avait, lui

6 aussi, un revolver, un trophée de la seconde guerre mondiale, et le

7 frère possédait aussi un revolver, mais avait un permis pour cela.

8 Q. : Votre père avait un permis, avez-vous dit, ou avez-vous dit que

9 votre frère avait un permis pour ce revolver ?

10 R. : Oui, vous avez bien entendu. Tous deux avaient un permis, un permis

11 en bonne et due forme, délivré par les autorités.

12 Q. : Connaissiez-vous d’autres personnes, d’origine musulmane, qui

13 possédaient une arme en 1991, en dehors des chasseurs ?

14 R. : Eh bien, je connaissais probablement ces policiers qui

15 travaillaient, qui avaient une arme de service.

16 Q. : Et d’autres personnes qui ne travaillaient pas pour la police en

17 1991 ?

18 R. : Je ne sais vraiment rien des autres.

19 Q. : Connaissiez-vous quiconque, d’origine musulmane, qui ne travaillait

20 pas pour la police et n’était pas chasseur, mais possédait une arme

21 en 1992 ?

22 R. : Eh bien, je ne rencontrais pas ces personnes. Peut-être que je ne

23 circulais pas en cette compagnie, parmi les criminels. Les criminels

24 en possédaient peut-être une.

25 Q. : M. Gasi, pourquoi avez-vous adhéré au SDA ?

Page 828

1 R. : Parce que je le souhaitais, je l’ai fait de mon propre gré.

2 Q. : Y avait-il quelque objectif particulier, autre qu’un objectif

3 politique ? Est-ce que cela vous garantissait la sécurité ou quelque

4 chose de ce genre, ou y avait-il une autre raison ?

5 R. : A l’époque pas ---

6 Q. : Aviez-vous quelque ---

7 R. : --- Ce n’était pas.

8 Q. : Aviez-vous des responsabilités au sein de ce parti ?

9 R. : Oui. J’étais membre du Comité exécutif de la ville pour le SDA.

10 Q. : Donc je suppose que vous participiez aux réunions du SDA, n’est-ce

11 pas ?

12 R. : Oui, à quelques-unes, oui, au début.

13 Q. : Et je suppose que vous ne participiez pas uniquement aux réunions

14 publiques, mais aussi aux séances à huis clos, n’est-ce pas ?

15 R. : Des séances à huis clos ? Il n’y en avait pas, à l’époque. Des

16 représentants d’autres partis venaient. Ils étaient invités. Ils

17 nous invitaient, les autres partis nous invitaient et nous les

18 invitions. Je ne sais rien de ces séances à huis clos. Je n’ai

19 participé à aucune séance à huis clos.

20 Q. : Revenons à 1991. Avez-vous assisté à quelque réunion du SDA que ce

21 soit en 1991 ?

22 R. : Non, plus en tant que membre, en qualité de représentant du Comité

23 exécutif, mais en tant qu’observateur, que spectateur, oui, j’y ai

24 assisté.

25 Q. : Donc vous avez assisté à des réunions du SDA en tant que simple

Page 829

1 adhérent, n’est-ce pas ?

2 R. : Oui, sans aucun doute.

3 Q. : Ces réunions étaient-elles toujours publiques, d’autres que les

4 adhérents pouvaient-ils y assister librement ?

5 R. : Pas uniquement tous les adhérents, mais tous ceux qui désiraient

6 assister à ce genre de réunions.

7 Q. : A ces réunions, on discutait des armes, n’est-ce pas ?

8 R. : Je ne sais rien de cela pour ce qui est de ces rassemblements

9 auxquels j’ai assisté. Il s’agissait de rassemblements électoraux et

10 les armes n’y étaient pas mentionnées. Je ne sais pas, pas vraiment.

11 Pas dans ces rassemblements. Peut-être à d’autres, mais je ne sais

12 pas. Je ne sais pas.

13 Q. : M. Gasi, vous étiez membre du Club de kayak Haris Suljic, n’est-ce

14 pas ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Bien. Y avait-il également des Serbes dans ce Club ?

17 R. : Oui, c’étaient de bons amis.

18 MAITRE WLADIMIROFF : Merci.

19 LE TEMOIN : Merci.

20 LE PRESIDENT : Maître Hollis ?

21 Complément d’interrogatoire

22 MAITRE HOLLIS : M. Gasi, s’agissant des armes que possédaient les Serbes

23 ou les Musulmans, vous avez indiqué précédemment que lorsque vous

24 accomplissiez votre mission dans les villages, vous avez

25 occasionnellement commencé à voir des distributions d’armes par la

Page 830

1 JNA à des civils serbes. Lors de vos tournées dans les villages

2 musulmans, avez-vous jamais vu des armes de la JNA distribuées à des

3 civils musulmans ?

4 R. : Je circulais beaucoup dans les villages de la municipalité de Brcko

5 et, croyez-moi, je n’ai jamais, vraiment jamais vu des membres de la

6 JNA distribuer des armes à des Musulmans. C’était le droit exclusif

7 qu’ils octroyaient aux Serbes. Je ne sais rien d’autre.

8 Q. : Vous avez également dit précédemment que dans les villages serbes,

9 vous avez vu, vous avez commencé à voir, des armes lourdes, du type

10 artillerie ?

11 MAITRE WLADIMIROFF : Je fais objection à cette question, Madame le

12 Président. Je pense qu’elle sort du cadre des questions relevant du

13 contre-interrogatoire.

14 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, puis-je être entendue ?

15 LE PRESIDENT : Oui.

16 MAITRE HOLLIS : La Défense a évoqué le problème des distributions d’armes

17 aux Musulmans. Je tente simplement de faire quelque lumière sur ce

18 point avec l’aide de mon témoin, dans ce complément

19 d’interrogatoire.

20 LE PRESIDENT : Je pense que vous allez maintenant vous intéresser à

21 l’artillerie et aux équipements lourds. Au cours de son contre-

22 interrogatoire, la Défense a demandé au témoin s’il pouvait

23 distinguer entre l’artillerie et les armes de la JNA, non, entre les

24 équipements, les véhicules, devrais-je dire, de la JNA et ceux de la

25 DT. Lorsque je dis DT, je pense à la Défense territoriale, DT. Je

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1 suppose que c’est dans ce domaine que nous entrons à présent, n’est-

2 ce pas ?

3 MAITRE HOLLIS : Non, Madame le Président.

4 LE PRESIDENT : D’accord.

5 MAITRE HOLLIS : J’ai compris les questions, mais peut-être me suis-je

6 trompée, comme le signe d’un intérêt général de la Défense par

7 rapport à l’armement des Musulmans. Je ne crois pas que ces

8 questions se limitaient précisément au fait de savoir s’ils avaient

9 reçu des armes automatiques ou des armes de plus gros calibre. Peut-

10 être ai-je mal compris le contre-interrogatoire, mais c’est ce que

11 je pensais. Par conséquent, je souhaitais également ---

12 LE PRESIDENT : La question à laquelle vous faites objection, Maître

13 Wladimiroff, consistait à demander au témoin si oui ou non il avait

14 vu des véhicules lourds et de l’artillerie. C’est sur cela que porte

15 votre objection ?

16 MAITRE WLADIMIROFF : C’est exact, Madame le Président.

17 LE PRESIDENT : Le fondement de votre objection vient de ce que cette

18 question sort du cadre du contre-interrogatoire ?

19 MAITRE WLADIMIROFF : Exactement.

20 LE PRESIDENT : Maintenant, en réponse à cela, que dites-vous, Maître

21 Hollis ?

22 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, je dis simplement que, d’après ce que

23 j’ai compris des formules utilisées par la Défense dans son contre-

24 interrogatoire, il était généralement question de l’armement des

25 Musulmans et du fait de savoir si des armes de plus gros calibre que

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1 des armes manuelles étaient impliquées. C’est à cela que je voudrais

2 m’intéresser. S’il n’était question que de l’armement des Musulmans

3 en armes manuelles, je ne parlerais pas de l’artillerie.

4 MAITRE WLADIMIROFF : Je n’ai pas abordé ce sujet. J’ai parlé de

5 l’identification des uniformes et des équipements, ainsi que des

6 armes dont disposaient les Musulmans. Je n’ai pas abordé la question

7 des armes qui étaient en la possession des Musulmans ou des Serbes

8 de quelque façon que ce soit, et je n’ai pas abordé la question de

9 la distribution d’armes aux Musulmans. Donc je pense qu’elle sort du

10 cadre du contre-interrogatoire, cette question.

11 LE PRESIDENT : Mes collègues estiment qu’elle sort du cadre du contre-

12 interrogatoire. En fait, je pensais que vous alliez aborder un autre

13 domaine. Je pensais que vous demandiez à ce témoin s’il avait, oui

14 ou non, vu des équipements lourds et de l’artillerie. Cette question

15 a suscité une objection. Je ne vois pas en quoi elle sort du cadre

16 du contre-interrogatoire, mais je m’en remets à mes deux collègues.

17 Je pensais que la question suivante allait être : peut-il distinguer

18 entre l’artillerie lourde de la JNA et l’artillerie lourde de la DT,

19 ce qui reste très certainement dans le cadre du contre-

20 interrogatoire, mais je retiens l’objection.

21 MAITRE HOLLIS : Merci, Madame le Président.

22 LE PRESIDENT : Posez une autre question.

23 MAITRE HOLLIS : Merci, Madame le Président.

24 Pour poursuivre dans la ligne de ce que les juges ont compris de ma

25 question précédente, je voudrais vous poser une question aux fins de

Page 833

1 savoir si vous avez jamais vu des armes d’artillerie, de quelque

2 type que ce soit, à la DT, la DT de Brcko ?

3 R. : Je sais comment la Défense territoriale était armée avant la guerre.

4 Je peux en parler.

5 Q. : Quelles étaient les armes de la Défense territoriale avant la guerre

6 ?

7 R. : C’étaient les armes des entreprises, donc des armes d’infanterie

8 légère, pas de char, pas de canon, pas d’hélicoptère ou de véhicule

9 blindé. Cela n’existait pas à la Défense territoriale avant la

10 guerre.

11 Q. : Donc, quel était le type d’armes en possession de la Défense

12 territoriale ?

13 R. : Des armes d’infanterie légère, des fusils automatiques, des fusils

14 semi-automatiques, les anciens fusils de la JNA en 48. C’étaient les

15 armes qui se trouvaient à l’entreprise lorsque j’étais employé de la

16 distribution électrique. C’est ce que je sais au sujet de la DT.

17 MAITRE HOLLIS : Je n’ai pas d’autre question.

18 LE PRESIDENT : Maître Wladimiroff ?

19 MAITRE WLADIMIROFF : Je n’ai pas non plus d’autre question.

20 JUGE STEPHEN : J’ai une question. Vous avez dit qu’en 1992, les insignes

21 visibles sur les képis ou les casquettes de la JNA avaient changé,

22 que l’étoile avait été remplacée par les initiales JNA, est-ce bien

23 cela ?

24 R. : Oui, c’est cela, il s’agissait d’un symbole écrit en cyrillique.

25 Q. : Cette modification a-t-elle également concerné la DT, que vous

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1 appelez, je crois, de temps en temps, la Défense territoriale ?

2 R. : Lorsqu’ils ont changé ces insignes, je ne me rappelle pas que quoi

3 que ce soit ait changé au sein de la Défense territoriale.

4 Q. : Cela signifie-t-il que la Défense territoriale a continué à porter

5 l’étoile que la JNA portait par le passé ?

6 R. : Oui. Oui, parce qu’ils avaient les anciens uniformes.

7 Q. : En quel mois de l’année ce changement est-il intervenu, ce

8 remplacement de l’étoile par les lettres JNA en cyrillique, en 1992

9 ?

10 R. : Dans ma ville, j’ai constaté ce changement un peu plus tôt. Je peux

11 même dire que c’était à la fin, ou peut-être à la mi-1991, lorsque

12 les événements se passaient en Slovénie et en Croatie. Je ne me

13 rappelle pas la date exacte, mais des instructions ont été données

14 pour que ce changement s’effectue. Nous en avons entendu parler à la

15 radio et nous l’avons vu à la télévision.

16 JUGE STEPHEN : Merci.

17 LE PRESIDENT : Simplement quelques questions, M. Gasi. A quelle distance

18 se trouve Brcko de l’opstina de Prijedor, le savez-vous ?

19 R. : Je peux vous répondre en gros. Jusqu’à Banja Luka, je pense qu’il y

20 a quelques 180 km, et de Banja Luka à Prijedor 210. Je dirais 210

21 km.

22 Q. : Avez-vous été libéré du camp de Luka le 7 juin ou le 7 juillet 1992

23 ?

24 R. : Le 7 juin 1992.

25 LE PRESIDENT : Merci. Maître Hollis, avez-vous des questions

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1 complémentaires ?

2 MAITRE HOLLIS : Non, Madame le Président.

3 LE PRESIDENT : Maître Wladimiroff ?

4 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

5 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à ce que M. Gasi puisse disposer de

6 façon définitive ?

7 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

8 LE PRESIDENT : Bien. Vous pouvez vous retirer de façon définitive. Merci

9 M. Gasi. Nous suspendons l’audience pour le déjeuner jusqu’à 14 h

10 30. (13 heures).

11 (13 heures)

12 (Suspension d’audience pour le déjeuner)

13 (14 h 30)

14 LE PRESIDENT : Maître Hollis, pouvez-vous appeler votre témoin suivant, je

15 vous prie ?

16 MAITRE HOLLIS : Merci, Madame le Président. Madame le Président, nous

17 appelons M. Redzic.

18 (Appel de M. FADIL REDZIC)

19 LE PRESIDENT : Je vous prierais de prêter serment, M. Redzic.

20 LE TEMOIN : (En traduction) : Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 (Prestation de serment du témoin)

23 LE PRESIDENT : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

24 Interrogatoire mené par MAITRE HOLLIS

25 Q. : M. Redzic, je vous prierais de décliner votre nom complet.

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1 R. : Je m’appelle Fadil Redzic.

2 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

3 R. : Je suis né le 4 août 1946.

4 Q. : Quelle est votre appartenance ethnique ?

5 R. : Je suis musulman, bosnien.

6 Q. : Où êtes-vous né ?

7 R. : A Brcko.

8 Q. : Combien de temps avez-vous vécu à Brcko ?

9 R. : J’y suis né en 1946 et j’y suis resté jusqu’au début de la guerre,

10 en 1992. Je ne suis allé nulle part ailleurs.

11 Q. : Lorsque vous dites que vous êtes né et que vous avez vécu à Brcko,

12 parlez-vous de la ville de Brcko, dans l’opstina de Brcko ?

13 R. : De la ville de Brcko.

14 Q. : Quelle était votre profession antérieure, M. Redzic ?

15 R. : J’étais technicien mécanicien.

16 Q. : Où travailliez-vous ?

17 R. : A l’usine textile Interplet de Brcko.

18 Q. : Combien de temps y avez-vous travaillé ?

19 R. : 23 ans.

20 Q. : Avez-vous jamais accompli un service militaire ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Quand avez-vous accompli ce service d’active ?

23 R. : En 1966, lorsque j’étais à l’Ecole des officiers de réserve de

24 Zadar.

25 Q. : Où se trouvait cette Ecole ?

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1 R. : A Zadar, en République de Croatie. Cela se trouve au milieu de la

2 côte adriatique.

3 Q. : Qu’avez-vous appris dans cette Ecole des officiers de réserve ?

4 R. : J’y ai subi un entraînement pour devenir officier de la JNA.

5 Q. : Aviez-vous une spécialité au sein de la JNA ?

6 R. : Ma spécialité au sein du corps des officiers de réserve était

7 l’entraînement au maniement du canon B 76. C’était un canon

8 d’artillerie.

9 Q. : Vous avez indiqué que vous avez été entraîné pour devenir officier

10 de réserve. Pouvez-vous nous dire quelle était la différence, dans

11 la structure de la JNA, entre la composante de réserve et la

12 composante d’active ?

13 R. : Les élèves de l’Ecole des officiers de réserve accomplissaient un

14 service militaire d’un an. Alors que les autres, les réguliers, ceux

15 qui étaient des appelés réguliers, accomplissaient un service de

16 quinze à seize mois, et les officiers d’active suivaient les cours

17 de l’Académie militaire avant d’intégrer la JNA.

18 Q. : En tant qu’officier de réserve, vous ne travailliez pas à plein

19 temps en tant qu’officier de réserve ?

20 R. : Non, non.

21 Q. : Cet entraînement que vous avez subi dans l’artillerie, vous avez

22 déclaré qu’il a duré six mois, est-ce exact ?

23 R. : Oui, six mois.

24 Q. : Après avoir subi cet entraînement, quel était votre rang ?

25 R. : J’étais sergent.

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1 Q. : Lorsque vous avez subi ces six mois d’entraînement, vos instructeurs

2 étaient-ils, à votre connaissance, officiers d’active ou officiers

3 de réserve de la JNA ?

4 R. : Ils étaient tous officiers d’active de la JNA.

5 Q. : A votre connaissance, les officiers étaient-ils de nationalité mixte

6 ou étaient-ils serbes ?

7 R. : La plupart étaient serbes, mais la composition était mixte.

8 Q. : Où êtes-vous allé à la fin de votre formation à l’Ecole ?

9 R. : Je suis allé à Delnice pour y être entraîné.

10 Q. : Dans quelle République se trouve cette localité ?

11 R. : Delnice se trouve en République de Croatie, dans la partie

12 septentrionale de la côte.

13 Q. : Combien de temps a duré l’entraînement que vous avez subi à Delnice

14 ?

15 R. : J’y suis resté six mois.

16 Q. : Quel type d’entraînement y avez-vous reçu ?

17 R. : J’étais commandant d’un canon d’artillerie de 76 mm mixte, un canon

18 antiaérien.

19 Q. : De quelle taille était l’unité que vous commandiez ?

20 R. : A Delnice, vous voulez dire ?

21 Q. : Oui, à Delnice.

22 R. : C’était la deuxième batterie, qui comptait 60 à 70 hommes. Cela

23 dépendait, vraiment, du type d’unité.

24 Q. : Etiez-vous commandant de cette batterie ou d’une plus petite

25 division au sein de cette batterie ?

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1 R. : C’était la batterie.

2 Q. : Très bien. Vous avez déclaré que vous étiez commandant. Quel type

3 d’unité commandiez-vous ?

4 R. : Une unité d’artillerie.

5 Q. : Combien d’hommes aviez-vous sous votre commandement ?

6 R. : La batterie comptait six armes.

7 Q. : Vous en commandiez personnellement combien ?

8 R. : Toute la batterie, les six armes.

9 Q. : Après ces six mois d’entraînement et après avoir travaillé à Delnice

10 en tant que commandant, quel rang avez-vous atteint ?

11 R. : Je suis devenu sous-lieutenant.

12 Q. : Où êtes-vous allé ensuite ?

13 R. : Je suis allé à Brcko, ma ville natale.

14 Q. : Une fois rentré à Brcko, avez-vous continué à servir au sein des

15 réservistes de la JNA ?

16 R. : Oui. J’ai continué mon travail en tant qu’officier de réserve au

17 sein de la 395e Brigade Veljko Lukic Kurjak.

18 Q. : Combien de temps avez-vous continué à servir au sein des forces de

19 réserve de la JNA ?

20 R. : Jusqu’au 31 décembre 1991.

21 Q. : Vous avez indiqué avoir été affecté à la 395e Brigade. Dites-nous où

22 était cantonnée cette Brigade.

23 R. : La 395e Brigade était cantonnée à Brcko.

24 Q. : Quel était le nom de la caserne ?

25 R. : La caserne s’appelait Veljko Lukic Kurjak.

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1 Q. : Dans quel quartier de Brcko se trouvait cette caserne ?

2 R. : Pratiquement au centre de la ville.

3 Q. : Cette Brigade dépendait-elle des services d’active ou de réserve de

4 la JNA ?

5 R. : Une partie - elle faisait partie des forces d’active.

6 Q. : Quel était son statut du point de vue de l’aptitude au combat ?

7 Etait-elle apte au combat ou était-ce une unité de réserve ?

8 R. : Elle était apte au combat. Elle avait le statut de guerre de type

9 A1.

10 Q. : Quel type d’unités était affecté à cette Brigade ?

11 R. : La Brigade était mixte, elle comportait divers types d’unités.

12 Q. : Quels étaient ces divers types d’unités ?

13 R. : Il y avait un bataillon de blindés, un bataillon de véhicules

14 mécanisés et une division d’artillerie, une division de chars légers

15 antichars et quelques unités de transmissions, ainsi que d’autres

16 types de services qui composaient cette Brigade particulière.

17 Q. : A quelle Division cette Brigade a-t-elle été affectée ?

18 R. : En fait, cette Division était rattachée à la 395e Brigade.

19 Q. : De quel organe dépendait la 395e Brigade ?

20 R. : De l’armée - je ne comprends pas exactement ce que vous voulez dire.

21 Q. : Je suis désolée. Cette Brigade, quel était l’échelon immédiatement

22 supérieur à cette Brigade dans la chaîne de commandement ?

23 R. : La Division.

24 Q. : Où était-elle cantonnée ?

25 R. : La Division était cantonnée à Tuzla.

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1 Q. : Etait-ce une Division d’active ou de réserve, à Tuzla ?

2 R. : De guerre. Ce qui signifie que c’était une unité de combat de type

3 A.

4 Q. : Lorsque vous êtes rentré à Brcko, quel poste occupiez-vous au sein

5 de la 395e Brigade ?

6 R. : Au sein de la 395e Brigade, j’ai été affecté à une unité antichars

7 mixte et j’ai commandé la deuxième batterie de canons.

8 Q. : Quel type d’armes commandiez-vous ?

9 R. : Je commandais des armes antichars. Les canons de ce type s’appellent

10 des ZIS 416.

11 Q. : A quoi sert principalement le ZIS ?

12 R. : C’est exclusivement un canon antichars. Mais il peut servir à

13 d’autres fins.

14 Q. : Au cours des années suivantes, jusqu’à a fin de 1991, quel poste

15 occupiez-vous au sein de la 395e Brigade ?

16 R. : Au sein de la 395e Brigade, je commandais la deuxième batterie de

17 canons, mais j’étais également commandant-adjoint de cette batterie

18 d’artillerie mixte. Par la suite, je suis devenu responsable de

19 cette batterie.

20 Q. : Pendant le temps que vous avez passé au sein de la 395e Brigade,

21 accomplissiez-vous les tâches qui vous incombaient à la caserne ou

22 ailleurs ?

23 R. : Oui, à la caserne, mais aussi ailleurs.

24 Q. : Dans quelles autres localités accomplissiez-vous ces tâches ?

25 R. : Nous allions souvent en manoeuvres d’entraînement, cela dépendait

Page 842

1 où.

2 Q. : Donc, l’unité se déployait, en fait, dans d’autres localités,

3 lorsqu’elle était en manoeuvres ?

4 R. : Oui.

5 Q. : En tant qu’officier de réserve, combien de temps consacriez-vous,

6 chaque année, à l’accomplissement de vos tâches militaires ?

7 R. : Chaque année, en moyenne, entre un mois et un mois et demi.

8 Q. : Pendant le temps que vous consacriez à la 395e Brigade, pendant ce

9 mois ou ce mois et demi de service, quel type d’actions

10 accomplissiez-vous ?

11 R. : Oh, les actions dont je vous ai parlé. Je commandais l’artillerie,

12 lorsque j’étais dans la Brigade, et dans une unité plus petite,

13 j’étais commandant-adjoint d’une plus petite unité d’artillerie.

14 Q. : Lorsque vous êtes devenu commandant-adjoint et plus tard, lorsque

15 vous êtes devenu responsable de la Division d’artillerie, à quel

16 type d’actions avez-vous participé ?

17 R. : En tant que responsable de l’artillerie, je coordonnais le travail

18 de cette plus petite Division antichars mixte, la Division des

19 obusiers.

20 Q. : Avez-vous jamais participé à une action de coordination consistant à

21 entraîner le reste de la Brigade ?

22 R. : Non. Je n’ai accompli que des actions dans l’artillerie.

23 Q. : Avez-vous participé à quelque action d’entraînement que ce soit dans

24 l’artillerie ?

25 R. : On nous préparait principalement à l’accomplissement des tâches qui

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1 nous incombaient pendant les manoeuvres, après quoi, nous allions

2 accomplir d’autres tâches, comme par exemple tirer à munitions

3 réelles.

4 Q. : Si vous receviez de nouvelles armes, participiez-vous à quelque

5 entraînement que ce soit au maniement de ces nouvelles armes ?

6 R. : Nous devions connaître toutes les armes qui arrivaient à la 395e

7 Brigade, qu’il s’agisse d’armes d’artillerie ou d’autres types

8 d’armes, nous devions nous familiariser avec le maniement de ces

9 armes.

10 Q. : A la fin de 1991, la Défense territoriale existait-elle dans la

11 région de Brcko ?

12 R. : Oui, elle existait.

13 Q. : Si vous le savez, qui commandait les forces de la Défense

14 territoriale ?

15 R. : Le commandant de la Défense territoriale de Brcko était le

16 lieutenant-colonel Milisav Milutinovic.

17 Q. : Comment avez-vous fait sa connaissance ?

18 R. : Je l’ai rencontré au cours de mon travail dans l’armée de réserve,

19 mais il était également professeur d’histoire.

20 Q. : A votre connaissance, quelle était son appartenance ethnique ?

21 R. : Il était serbe.

22 Q. : La Défense territoriale possédait-elle des armes ?

23 R. : La Défense territoriale possédait des armes.

24 Q. : Quel type d’armes ?

25 R. : Des armes de divers types. Cela dépendait de la composition de

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1 l’unité de la Défense territoriale concernée. Si elle possédait des

2 équipements, il s’agissait d’armes d’infanterie, d’armes

3 automatiques, semi-automatiques, de lance-grenades et de mortiers.

4 Q. : Où gardait-on ces armes ?

5 R. : Ces armes étaient exclusivement stockées dans des dépôts.

6 Q. : Pendant le temps que vous avez passé parmi les officiers de réserve

7 de la Brigade, avez-vous appris que ces armes avaient été saisies à

8 la Défense territoriale par la JNA ?

9 R. : Oui. Toutes les armes de la Défense territoriale qui se trouvaient

10 dans les entreprises ont été saisies et placées, pour partie, dans

11 les hangars de Teslic et pour partie dans les casernes de la JNA.

12 Q. : Vous venez de parler des hangars de Teslic. De quoi s’agit-il ?

13 R. : Désolé, c’était Krepsic. Il s’agit d’un dépôt d’équipements, de

14 toutes sortes d’équipements, qui dépendait de la 395e Brigade.

15 Q. : C’était un dépôt d’armes, mais aussi d’autres types d’équipements ?

16 R. : Oui. Toutes les armes et tous les équipements de la Brigade y

17 étaient conservés.

18 Q. : Vous êtes-vous jamais trouvé sur votre lieu de travail lorsque la

19 JNA est venue saisir des armes, saisir les armes de la DT sur votre

20 lieu de travail ?

21 R. : Oui. J’étais personnellement présent lorsque l’armée a saisi les

22 armes conservées dans mon usine textile, Interplet, et les a

23 emportées à bord d’un camion militaire.

24 Q. : La saisie de ces armes a eu lieu à quelle période ?

25 R. : Au cours de l’année 1991.

Page 845

1 Q. : Vous avez indiqué que quelques-unes, au moins, de ces armes ont été

2 transférées dans la caserne de Brcko. Comment en avez-vous été

3 informé ?

4 R. : Je l’ai appris alors que j’étais encore dans le corps de réserve.

5 Dans tous les hangars, une partie des équipements avait déjà été

6 emportée et j’étais - j’ai appris plus tard, par des officiers, que

7 ces armes avaient été saisies à la DT et je les ai personnellement

8 vues, ces armes.

9 Q. : Vous l’avez entendu dire par des officiers de la JNA sur place ?

10 R. : Oui, oui. J’étais aussi à la caserne, à cette époque.

11 Q. : Pendant l’année 1991, avez-vous appris quelque ---

12 R. : Non, pendant que j’étais dans les forces de réserve, entre septembre

13 et le 31 décembre.

14 Q. : C’est la période pendant laquelle ces armes de la DT ont été saisies

15 ?

16 R. : Oui, mais avant, ils avaient enlevé toutes ces armes aux

17 entreprises.

18 Q. : Donc avant le mois de septembre, ils avaient enlevé les armes aux

19 entreprises ?

20 R. : Oui, c’est exact.

21 Q. : Pendant l’année 1991, avez-vous été informée d’une distribution

22 d’armes effectuée par la JNA au profit des habitants de la région de

23 Brcko ?

24 R. : Pendant l’année 1991, ces armes, pendant que j’étais dans les forces

25 de réserve, entre le mois de septembre et le 31 décembre 1991, ces

Page 846

1 armes ont été distribuées exclusivement aux habitants de nationalité

2 serbe.

3 Q. : Comment l’avez-vous su ?

4 R. : A l’époque, j’étais dans les forces de réserve.

5 Q. : Comment avez-vous pu savoir que cette redistribution avait lieu ?

6 R. : J’étais personnellement présent, parce que j’étais sur place.

7 Q. : A partir du 31 décembre 1991, avez-vous une idée au sujet de

8 l’affectation de plusieurs hommes à la 395e Brigade ?

9 R. : Je ne connais pas le nombre exact, je ne sais pas combien d’hommes

10 ont reçu des armes, mais la totalité de l’armement de la 395e

11 Brigade a été distribuée aux membres de nationalité serbe.

12 Q. : Excusez-moi, je vais répéter ma question. A la fin de 1991, combien

13 d’hommes ont-ils été affectés à la 395e Brigade ?

14 R. : Oh, oui. La 395e Brigade comptait 3 300 hommes. C’est le nombre

15 d’hommes, du personnel composant cette Brigade.

16 Q. : Ce personnel se composait de qui ?

17 R. : Uniquement d’hommes de nationalité serbe.

18 Q. : Ces individus étaient aussi bien dans l’armée active que dans

19 l’armée de réserve ?

20 R. : Il s’agissait d’officiers d’active et de réserve.

21 Q. : En décembre 1991, lorsque vous avez quitté la Brigade, quel type

22 d’armes possédait-elle ?

23 R. : La Brigade possédait, comme je l’ai déjà dit, des blindés transports

24 de troupes, une division d’artillerie, une division antichars mixte,

25 des obusiers, des canons de 103 mm et des équipements de

Page 847

1 transmissions AB, ainsi que d’autres services d’accompagnement que

2 j’ai déjà cités.

3 Q. : Combien d’armes possédait la division d’artillerie ?

4 R. : La division d’artillerie possédait 12 canons antichars de 76 mm et

5 la division des obusiers possédait également 12 canons de 122 mm.

6 Q. : La Brigade possédait-elle des armes d’artillerie antiaérienne ?

7 R. : Elle avait une division PVO antiaérienne équipée de canons de 133

8 mm.

9 Q. : Quel type d’armes possédaient les divisions mécanisées ?

10 R. : Le bataillon mécanisé possédait des obus de 60, 80 et 120 - des

11 mortiers, excusez-moi.

12 Q. : A l’époque où vous avez quitté la Brigade, la Brigade possédait-elle

13 également des roquettes antichars montées sur châssis ?

14 R. : Elle possédait des transports de troupes équipés de missiles guidés,

15 des AP11.

16 Q. : Qui commandait ces transports de troupes équipés de missiles guidés

17 ?

18 R. : Le commandant des transports de troupes équipés de missiles guidés

19 était Stefan Nikolic.

20 Q. : Où était cantonnée cette unité ?

21 R. : L’unité était cantonnée à Dzakovo, en République de Croatie et elle

22 a été transférée plus tard en Bosnie.

23 Q. : Quand a-t-elle été transférée en Bosnie ?

24 R. : Elle a été transférée dans le village de Pelagicevo, à quelques 15

25 ou 18 km de Brcko.

Page 848

1 Q. : Quand ce transfert a-t-il eu lieu ?

2 R. : Il a eu lieu en octobre. J’y ai assisté en octobre 1991.

3 Q. : Connaissiez-vous le lieutenant-colonel Nikolic ?

4 R. : Je l’ai connu lorsque je l’ai rencontré en 1991 - pas avant.

5 Q. : Etait-il officier d’active ou de réserve ?

6 R. : Il était officier d’active de la JNA. Il était lieutenant-colonel.

7 Q. : Avez-vous appris d’où il était originaire ?

8 R. : Tout au long de cette histoire, parce que nous avons coopéré lors du

9 transfert des armes de Dzakovo à Pelagicevo.

10 Q. : Avez-vous appris d’où il était originaire, où il habitait ?

11 R. : Je sais seulement qu’il est serbe, je ne sais pas exactement d’où il

12 vient.

13 Q. : Avez-vous jamais appris pourquoi cette unité a été transférée de

14 Dzakovo à Pelagicevo ?

15 R. : Non, je ne l’ai jamais appris, non.

16 Q. : Ces armes dont vous avez parlé, celles que possédait la 395e

17 Brigade, les canons de 122 mm, par exemple, quelle est la portée

18 d’un canon de ce type ?

19 R. : Sa portée est de 21 km.

20 Q. : Quelle est la portée d’un canon ZIS ?

21 R. : Le ZIS a une portée de 17 km.

22 Q. : L’artillerie antiaérienne peut-elle servir à d’autres fins qu’en

23 tant qu’arme antiaérienne ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Lorsqu’elle est utilisée à d’autres fins, quelle est sa portée ?

Page 849

1 R. : La portée d’un canon antiaérien est de 800 à 1.000 m.

2 Q. : A votre connaissance, lorsque vous avez quitté la Brigade, en

3 décembre 1991, y avait-il d’autres groupes dans la région en

4 possession de canons de 122 mm ou de canons ZIS, des groupes autres

5 que la JNA ?

6 R. : La Brigade possédait également ce genre de canons.

7 Q. : Est-ce qu’un autre groupe possédait, à votre connaissance, des armes

8 d’artillerie antiaérienne ?

9 R. : Non, uniquement la Brigade d’artillerie, la 395e Brigade.

10 Q. : Est-ce qu’un autre groupe possédait des blindés transports de

11 troupes ou des chars ?

12 R. : Non.

13 Q. : Vous avez indiqué que la 395e Brigade était cantonnée à la caserne,

14 dans le centre de Brcko. La majorité des armes étaient-elles

15 également stockée à cet endroit ?

16 R. : La majorité des armes était stockée dans le village de Krepsic, non

17 loin de Brcko. Toutes les armes et les équipements de la Brigade s’y

18 trouvaient. Seule une partie des armes était stockée à la caserne.

19 Q. : A votre connaissance, en 1991, des armes ont-elles été transférées

20 de Krepsic vers d’autres localités ?

21 R. : Dans le courant de 1991, la plupart des armements de Krepsic, ainsi

22 que d’autres équipements et matériels, ont été transférés dans les

23 villages voisins, à Donja et Gornja Bukovica, Razljeva, Pipara et

24 une partie a été transférée dans le village de Pelagicevo.

25 Q. : A votre connaissance, quelle était la composition ethnique de ces

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1 autres villages où ces armes ont été transférées ?

2 R. : Leur composition ethnique était exclusivement serbe.

3 Q. : A la fin de 1991, des unités de la Brigade ont-elles quitté la

4 caserne pour se rendre dans d’autres localités ?

5 R. : Toute la Brigade a été transférée de la caserne vers les lieux que

6 je viens de mentionner.

7 Q. : Des unités sont-elles tout de même restées à la caserne ?

8 R. : Non.

9 Q. : Du personnel est-il resté à la caserne ?

10 R. : Oui, quelques hommes sont restés à la caserne : le commandant, Pavle

11 Milenkovic, y est resté, ainsi que le commandant-adjoint chargé du

12 travail politique, le lieutenant-colonel Slavko Debic, le capitaine

13 Petrovic et d’autres hommes de la Brigade, à savoir des officiers de

14 rang inférieur.

15 Q. : Pourquoi avez-vous quitté la 395e Brigade, en décembre 1991 ?

16 R. : Au cours des manoeuvres, les officiers musulmans étaient ignorés,

17 j’ai donc décidé de quitter l’Armée populaire yougoslave le 31

18 décembre 1991.

19 Q. : Qu’entendez-vous par les officiers qui étaient « ignorés » ?

20 LE PRESIDENT : musulmans.

21 LE TEMOIN : Eh bien, ils ne nous convoquaient pas aux réunions et chaque

22 fois qu’une réunion importante était prévue, ils nous laissaient

23 partir chez nous.

24 MAITRE HOLLIS : Quand a commencé cette exclusion ?

25 R. : Eh bien, en novembre ou décembre, à peu près.

Page 851

1 Q. : Vous avez nommé quelques-uns des hommes qui commandaient la 395e

2 Brigade. J’aimerais parler de cela quelques instants avec vous. Vous

3 avez indiqué que Pavle Milenkovic était commandant de la Brigade ?

4 R. : Il était commandant de la 395e Brigade.

5 Q. : Quel était son rang ?

6 R. : Il était lieutenant-colonel.

7 Q. : Etait-il officier d’active ou de réserve ?

8 R. : Il était officier d’active.

9 Q. : Savez-vous quelle était son appartenance ethnique ?

10 R. : Serbe.

11 Q. : Savez-vous où était son domicile ?

12 R. : Il vivait à Brcko, mais pour autant que je le sache, sa maison était

13 à Novi Sad.

14 Q. : Où se trouve Novi Sad ?

15 R. : En Serbie.

16 Q. : Y avait-il un commandant-adjoint de la Brigade ?

17 R. : Le commandant-adjoint était chargé de l’action politique, c’était

18 Slavko Debic. Et le chef d’Etat-major était Slobodan Milinkovic de

19 Nis.

20 Q. : Slavko Debic était-il officier d’active ou de réserve ?

21 R. : D’active; lieutenant-colonel.

22 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?

23 R. : Croate.

24 Q. : Quel était le statut du Major Milinkovic, était-il officier de

25 réserve ou d’active ?

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1 R. : D’active.

2 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?

3 R. : Serbe.

4 Q. : Savez-vous où se trouvait son domicile ?

5 R. : Il vivait à Brcko, mais sa maison était à Nis.

6 Q. : Où se trouve Nis ?

7 R. : En Serbie.

8 Q. : Vous avez aussi mentionné un capitaine Petrovic. Quelle était sa

9 fonction au sein de la Brigade ?

10 R. : Il était commandant-adjoint chargé des renseignements.

11 Q. : Etait-il officier d’active ou de réserve ?

12 R. : D’active.

13 Q. : Connaissez-vous son appartenance ethnique ?

14 R. : Serbe.

15 Q. : Savez-vous d’où il était originaire ?

16 R. : Non, non, je ne le sais pas.

17 Q. : Quels étaient les postes composant le niveau de commandement

18 immédiatement inférieur ?

19 R. : Le niveau immédiatement inférieur, en dessous de la Brigade ?

20 Pourriez-vous répéter la question, je vous prie ?

21 Q. : Oui. Vous avez nommé le commandant de la Brigade et ses adjoints. De

22 quels postes se composait le niveau de commandement immédiatement

23 inférieur à ces hommes ?

24 R. : Il y avait le commandant-adjoint chargé des affaires politiques, le

25 chef des services de renseignement, le commandant-adjoint chargé de

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1 la logistique et tous les autres services, à savoir le chef de

2 l’artillerie, les canons antiaériens, le génie militaire, le chef de

3 la division du génie - de la section du génie, etc. Tel était le

4 commandement de la Brigade à proprement parler.

5 Q. : Connaissiez-vous aussi tous ces hommes ?

6 R. : Oui, je les connaissais.

7 Q. : A votre connaissance, quel était leur statut ? Etaient-ils officiers

8 d’active ou officiers de réserve ?

9 R. : Certains d’entre eux étaient d’active, d’autres de réserve.

10 Q. : Lorsque vous avez quitté la Brigade, qui vous a remplacé ?

11 R. : Mon poste a été pris par Zoran Pajic.

12 Q. : Quel était son rang ?

13 R. : A l’époque, il était Major.

14 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?

15 R. : Serbe.

16 Q. : Savez-vous d’où il était originaire ?

17 R. : De Brcko.

18 Q. : Connaissez-vous l’appartenance ethnique de ces autres personnes

19 détenant des postes d’autorité ?

20 R. : Ils étaient tous serbes.

21 Q. : Lorsque vous avez quitté, fin décembre 1991, étiez-vous, à votre

22 connaissance, le dernier Musulman qui y détenait un poste de

23 commandement ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Connaissiez-vous un lieutenant Hajro Radonjcic ?

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1 R. : Oui, je le connaissais. Il était sous-lieutenant, à l’époque. Hajro

2 Radonjcic.

3 Q. : Etait-il officier d’active ou de réserve ?

4 R. : Officier d’active.

5 Q. : Savez-vous où se trouvait son domicile ?

6 R. : A Brcko, mais il était originaire du Kosovo.

7 Q. : Où se trouve le Kosovo ?

8 R. : En Serbie.

9 Q. : Depuis le moment où vous avez quitté la Brigade, le 31 décembre

10 1991, et jusqu’au 30 avril 1992, avez-vous jamais revu les personnes

11 qui détenaient des postes de commandement dans la Brigade de Brcko ?

12 R. : Eh bien, nous nous rencontrions souvent en ville jusqu’à

13 l’éclatement du conflit à Brcko.

14 Q. : Entre le 30 avril et le 8 mai 1992, avez-vous jamais revu ces hommes

15 ou les avez-vous vus à la télévision ?

16 R. : J’ai vu le capitaine Petrovic et le commandant de la 395e Brigade,

17 le lieutenant-colonel Pavle Milenkovic, à la télévision.

18 Q. : Que faisaient-ils à la télévision ?

19 R. : L’objet principal de leur intervention à la télévision consistait à

20 dire qu’il n’y aurait pas la guerre dans la ville de Brcko et

21 d’encourager les gens à ne pas partir. Ils offraient la sécurité au

22 nom de la JNA.

23 Q. : A l ’été 1992, vous rappelez-vous avoir appris la réaffectation du

24 lieutenant-colonel Milenkovic ?

25 R. : Oui. Le lieutenant-colonel Pavle Milenkovic a été transféré,

Page 855

1 réaffecté, et le lieutenant-colonel Kutlesic, Milorad Kutlesic, a

2 pris son poste.

3 Q. : Quand avez-vous entendu cette nouvelle ?

4 R. : Je l’ai entendu à la télévision et par les média, en ville.

5 Q. : Quand l’avez-vous apprise ?

6 R. : En juillet.

7 Q. : 1992 ?

8 R. : Non -- oui, c’était en juillet 1992, excusez-moi.

9 Q. : Est-ce que cette annonce indiquait où le lieutenant-colonel

10 Milenkovic avait été réaffecté ?

11 R. : Non, non, rien n’était dit à ce sujet, mais je l’ai vu en personne à

12 la télévision. C’était au cours d’une cérémonie à Novi Sad,

13 retransmise à la télévision.

14 Q. : Vous l’y avez vu après l’annonce en question ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Au printemps 1992, avez-vous observé un changement dans votre

17 aptitude à recevoir certaines stations de radio ou de télévision ?

18 R. : Oui. Il y avait la télévision locale de Brcko et la radio de Brcko.

19 Q. : Est-il arrivé un moment où vous n’avez plus réussi à recevoir des

20 stations que vous pouviez recevoir auparavant ?

21 R. : Oui. on ne pouvait plus rien entendre, une fois que les ponts ont

22 sauté.

23 Q. : Que pouviez-vous recevoir, quelles stations ?

24 R. : Vous parlez de stations de télévision ou de radio ?

25 Q. : D’abord de télévision. Que pouviez-vous capter à la télévision ?

Page 856

1 R. : Nous pouvions entendre Novi Sad, Belgrade, Zagreb et Sarajevo à la

2 télévision.

3 Q. : Après l’explosion des ponts, qu’avez-vous pu capter ?

4 R. : Seulement Belgrade et Novi Sad.

5 Q. : A la radio ?

6 R. : Nous pouvions entendre Sarajevo, Belgrade et ces autres stations de

7 radio.

8 Q. : Après l’explosion des ponts, pouviez-vous capter aussi toutes ces

9 stations ?

10 R. : Oui, nous captions encore seulement Belgrade, Novi Sad et Zagreb.

11 Q. : Après l’explosion des ponts de Brcko, le 30 avril, avez-vous fait

12 partir votre famille de la ville ?

13 R. : Ma famille est partie en lieu sûr à ce moment-là.

14 Q. : Etes-vous resté dans la ville de Brcko ?

15 R. : Oui, j’y suis resté.

16 Q. : Où êtes-vous resté ?

17 R. : J’étais chez moi.

18 Q. : Dans quel quartier de Brcko ?

19 R. : A Mujkici.

20 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique du groupe ou des groupes

21 habitant dans ce quartier de Brcko ?

22 R. : Les Musulmans constituaient la majorité. Plus de 95 % étaient

23 musulmans.

24 Q. : Vous êtes resté chez vous, dans le quartier de Mujkici, à Brcko,

25 jusqu’à quelle date ?

Page 857

1 R. : Je suis resté dans mon appartement jusqu’au 8 mai 1992.

2 Q. : Pendant cette période, à partir du 30 avril, date de l’explosion des

3 ponts, et jusqu’au 8 mai, y a-t-il eu d’autres attaques contre la

4 ville de Brcko ?

5 R. : Oui, à partir du 1er mai et jusqu’au 8 mai, Brodusa, Dizdarusa,

6 Klanac, Suljagica Sokak, Meraje, Mujkici, ont subi des pilonnages,

7 et il y en a eu d’autres ensuite.

8 Q. : Les noms que vous venez de citer sont-ils ceux de quartiers de Brcko

9 ?

10 R. : Oui.

11 Q. : A votre connaissance, quelle était l’appartenance du groupe ou des

12 groupes habitant dans ces quartiers de Brcko ?

13 R. : Les Musulmans étaient la majorité, plus de 95 %.

14 Q. : En vous fondant sur votre entraînement et sur votre expérience

15 militaire, avez-vous pu reconnaître quels types d’armes ont servi à

16 pilonner ces quartiers ?

17 R. : Des mortiers de 60, 80 et 120 mm, ainsi que des canons de 122 mm.

18 Q. : A l’époque de l’explosion des ponts, le 30 avril, ainsi qu’au moment

19 des pilonnages qui ont suivi, avez-vous été informé de l’existence

20 d’une quelconque résistance de la part des habitants locaux ?

21 R. : Il y a eu une résistance blindée (sic) à ce moment-là dans les

22 quartiers de Dizdarusa, Brodusa, Klanac, Mujkici et Suljagica Sokak.

23 Q. : Quelle a été la nature de cette résistance ? Quels types d’armes ont

24 été utilisés ?

25 R. : Je pense qu’il s’est surtout agi d’armes d’infanterie.

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1 Q. : Pendant la période allant du 30 avril au 8 juin, alors que vous

2 étiez dans le quartier de Mujkici, avez-vous eu des conversations

3 avec des officiers de la JNA que vous connaissiez ?

4 LE PRESIDENT : je pense que vous voulez dire le 8 mai.

5 LE TEMOIN : Oui. J’ai parlé au téléphone à un officier et un collègue m’a

6 donné le numéro de la caserne et je leur ai demandé de faire sortir

7 ma famille. Milorad Sehovac a répondu au téléphone et a dit que

8 c’était hors de question, qu’il allait mettre le feu à toute la

9 région. Ce sont les mots qu’il a employés.

10 MAITRE HOLLIS : Oui, Madame le Président, une correction est nécessaire

11 pour le procès-verbal. Je pensais effectivement au 8 mai. (A

12 l’intention du témoin). Vous avez parlé d’un Major Milorad Sehovac.

13 Comment avez-vous fait sa connaissance ?

14 R. : Eh bien, je le connaissais, il était à la Brigade. Il était Major,

15 Major d’active. Il dirigeait un bataillon d’infanterie.

16 Q. : Vous l’avez appelé pour lui demander de vous aider à quitter la

17 région ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Quelle a été sa réponse ?

20 R. : Que c’était hors de question et qu’il allait mettre le feu à toute

21 la région.

22 Q. : Que vous est-il arrivé le 8 mai ?

23 R. : Le 8 mai 1992, à 8 h 30, les paramilitaires de l’homme qui s’est

24 auto-proclamé Major Mauzer m’ont appelé.

25 Q. : Avec qui vous trouviez-vous à ce moment-là ?

Page 859

1 R. : A ce moment-là, j’étais avec mon frère, sa femme et leurs deux

2 enfants, ma soeur, mon beau-frère et leurs deux enfants, ainsi

3 qu’avec Ramadan Mujadzic et sa femme, Radmila Mujadzic, qui étaient

4 venus nous rendre visite. Nous fêtions le 1er mai.

5 Q. : Au moment où ces hommes du Major Mauzer vous ont capturé, étiez-vous

6 armé ?

7 R. : Non.

8 Q. : A votre connaissance, l’une quelconque des personnes qui se

9 trouvaient avec vous était-elle armée ?

10 R. : Non, aucune d’entre elles.

11 Q. : Ces hommes qui vous ont capturé à ce moment-là, pouvez-vous décrire

12 quel type d’uniforme ils portaient ?

13 R. : Ils portaient des uniformes de camouflage. Ils avaient des képis

14 noirs sur la tête, ils étaient peinturlurés de toutes les couleurs

15 et étaient réellement très bien armés.

16 Q. : Avez-vous reconnu les armes qu’ils portaient ?

17 R. : Ils portaient des fusils automatiques, surtout des fusils

18 automatiques, certains avaient aussi des grenades, des couteaux à la

19 ceinture, deux couteaux dans les bottes et deux dans le dos.

20 Q. : Sur la base de votre entraînement et de votre expérience, ces armes

21 automatiques semblaient-elles faire partie du type d’armes que

22 possédait la JNA ?

23 R. : Oui, oui.

24 Q. : Vous rappelez-vous s’ils avaient des insignes ou des écussons sur

25 leurs uniformes ?

Page 860

1 R. : Je ne sais plus si c’était sur l’épaule gauche ou droite, je ne me

2 souviens pas exactement, mais ils avaient le drapeau serbe avec les

3 quatre « s ».

4 Q. : Après votre capture et celle des autres personnes, où avez-vous été

5 emmenés ?

6 R. : Ce jour-là, nous avons été emmenés dans la cave de l’hôpital.

7 Q. : Lorsque vous êtes arrivés à l’hôpital, avez-vous vu des armes aux

8 abords de cet hôpital ?

9 R. : Des canons antiaériens se trouvaient aux abords mêmes de l’hôpital.

10 Certains d’entre eux appartenaient à la division légère antichars,

11 anti-blindés.

12 Q. : Avez-vous reconnu ces armes comme étant du type que possédait la

13 395e Brigade ?

14 R. : Oui. Ces armes appartenaient à la 395e Brigade.

15 Q. : Avez-vous vu flotter un ou plusieurs drapeaux ?

16 R. : A l’hôpital, j’ai vu, à ce moment-là, flotter le drapeau de la Croix

17 rouge, ce drapeau blanc avec une croix rouge, ainsi que le drapeau

18 serbe, placé à l’entrée de l’hôpital.

19 Q. : Lorsque vous êtes arrivés à l’hôpital, d’autres personnes s’y

20 trouvaient-elles également ?

21 R. : Lorsque nous sommes entrés dans la cave de l’hôpital, il s’y

22 trouvait de nombreux habitants musulmans, qui avaient été capturés à

23 Mujkici, au même moment, et ont tous été emmenés dans cette cave.

24 Q. : Avez-vous vu aussi des personnes portant un uniforme militaire, à

25 l’hôpital ?

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1 R. : Oui, j’ai vu de nombreuses personnes en uniforme, en uniforme SMB,

2 celui de l’ancienne JNA, ainsi que des paramilitaires du Major

3 Mauzer, vêtus d’uniformes de camouflage.

4 Q. : Vous avez évoqué ce Major Mauzer. Lorsqu’on vous a emmené à

5 l’hôpital, connaissiez-vous l’un des hommes qui se trouvait là,

6 connaissiez-vous son nom, saviez-vous que c’était le Major Mauzer ?

7 R. : Au moment précis de ma capture, non, je ne le savais pas, mais

8 lorsque nous nous sommes trouvés dans la cave, j’ai entendu ses

9 soldats parler de lui.

10 Q. : Cet homme que l’on désigne sous le nom du Major Mauzer, l’avez-vous

11 jamais revu ?

12 R. : J’ai rencontré cet homme à Brezovo Polje. Nous étions détenus,

13 lorsqu’ils nous ont transférés à Brezovo Polje.

14 Q. : A ce moment-là, vous a-t-il dit son nom ?

15 R. : Non.

16 Q. : Dans ces conditions, comment avez-vous appris son nom ?

17 R. : J’ai appris son nom de la bouche des soldats qui circulaient dans la

18 cave, car il y avait de nombreux soldats dans la cave. Nous étions

19 assis dans un coin, sur un banc, et c’est à ce moment-là que j’ai

20 appris son vrai nom et son prénom.

21 Q. : Comment étaient vêtus ses soldats ?

22 R. : Ses soldats portaient un uniforme de camouflage, un képi noir, et

23 ils étaient peinturlurés - ils avaient le visage peinturluré, et

24 comme je vous l’ai dit, ils avaient deux couteaux dans le dos, à la

25 ceinture, et deux couteaux dans les bottes, et aussi des ceintures

Page 862

1 de munitions autour de la - sur la poitrine.

2 Q. : Avez-vous vu un emblème ou un insigne sur leur uniforme ?

3 R. : J’ai vu la même chose sur leur uniforme que la première

4 (indéchiffrable), c’est-à-dire, j’ai vu le drapeau serbe et les

5 quatre « s ».

6 Q. : Cet homme dont on vous a dit qu’il était le Major Mauzer, que

7 faisait-il lorsque vous l’avez vu à l’hôpital ?

8 R. : Il était venu de Bijelina et il faisait partie, je l’ai appris plus

9 tard, des militaires - du groupe paramilitaire de la Brigade des

10 panthères noires.

11 Q. : Que faisait-il lorsque vous l’avez vu à l’hôpital ?

12 R. : Eh bien, ses soldats étaient alignés non loin de moi, à deux ou

13 trois mètres, et il continuait le nettoyage de Mujkici. Il ordonnait

14 à ses hommes, il leur ordonnait en personne, je l’ai entendu, de ne

15 pas faire de prisonniers ce jour-là. J’ai traduit cela comme voulant

16 dire que toute personne capturée devait être tuée.

17 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu à l’hôpital ?

18 R. : Je suis resté à l’hôpital de 8 h 30 à 15 h environ.

19 Q. : Où avez-vous été emmené après l’hôpital ?

20 R. : Aux alentours de 15 h ou 15 h 30, on nous a emmenés à Brezovo Polje.

21 Q. : A quelle distance de Brcko se situe Brezovo Polje ?

22 R. : Brezovo Polje est à quelques 14 ou 15 km de distance.

23 Q. : Quelle est la composition ethnique de Brezovo Polje ?

24 R. : C’est une localité exclusivement musulmane, à l’exception d’un

25 couple d’enseignants qui étaient serbes.

Page 863

1 Q. : Comment vous a-t-on emmenés à Brezovo Polje ?

2 R. : En bus, ils nous y ont emmenés en bus.

3 Q. : Des bus militaires ou civils ?

4 R. : C’était un bus civil, mais il était conduit par un homme en uniforme

5 gris, vert-olive.

6 Q. : Vous y a-t-on emmené seul ou est-ce que les autres y ont été emmenés

7 avec vous ?

8 R. : Toute la famille, je veux dire ma famille, mes frères et soeurs et

9 il y avait quelques quinze à vingt autres personnes.

10 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu à Brezovo Polje ?

11 R. : J’ai été détenu à Brezovo Polje du 8 mai 1992 au 1er juin, excusez-

12 moi, au 17 juin 1992, 17 juin 1992.

13 Q. : D’autres personnes étaient-elles aussi détenues pendant cette même

14 période ?

15 R. : Oui, et il y avait de nombreux détenus de Brcko qui avaient déjà été

16 transférés à Brezovo Polje.

17 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces détenus, en dehors des

18 membres de votre famille ?

19 R. : Eh bien oui. Je connaissais pratiquement tous ceux qui venaient de

20 Brcko, parce que j’avais vécu et travaillé avec eux.

21 Q. : A votre connaissance, quelle était leur appartenance ethnique ?

22 R. : Ils étaient tous musulmans.

23 Q. : Pendant votre séjour à Brezovo Polje, étiez-vous libres de sortir de

24 Brezovo Polje comme vous le souhaitiez ?

25 R. : Non, nous pouvions - non, nous n’étions pas libres de sortir de

Page 864

1 Brezovo Polje, parce que l’armée bloquait tous les environs.

2 Q. : Ces individus que vous appelez l’armée, quel type d’uniforme

3 portaient-ils ?

4 R. : Des uniformes gris, vert-olive, pour la plupart. L’un d’entre eux

5 portait un uniforme de camouflage.

6 Q. : Durant votre séjour à Brezovo Polje, avez-vous subi des violences

7 physiques ?

8 R. : Oui, j’ai subi des violences physiques à plusieurs reprises, j’ai

9 été harcelé et battu.

10 Q. : Que vous a-t-on fait ?

11 R. : C’étaient Srdjan, Zeljko et Ratko.

12 Q. : ...

13 R. : Ils m’ont battu jusqu’à ce que je perde conscience. Ils m’ont

14 détruit l’oeil droit.

15 Q. : Comment vous ont-ils détruit l’oeil ?

16 R. : Ils m’ont frappé avec des bâtons, des boîtes (sic), des revolvers,

17 ils ont passé 45 minutes à une heure à me battre sans arrêt.

18 Q. : Vous avez cité le nom de plusieurs personnes dont vous dites

19 qu’elles vous ont battu. Les connaissiez-vous avant d’être amené à

20 Brezovo Polje ?

21 R. : Non, je ne les connaissais pas.

22 Q. : Comment avez-vous appris leurs noms ?

23 R. : J’ai appris leurs noms parce que nous étions détenus en ce lieu et,

24 chaque matin à 8 heures, tous les hommes valides devaient rendre

25 compte à 8 h du matin et à 17 h. Ils choisissaient cinq ou six

Page 865

1 personnes dans ces groupes pour les interroger. Ils n’ont jamais dit

2 quel était l’objet de ces interrogatoires et ils avaient l’habitude

3 de frapper. J’ai été l’une des personnes qui a été frappée. Ils le

4 faisaient tous les jours.

5 Q. : Mais comment avez-vous eu connaissance de leurs noms. Vous les ont-

6 ils dits ou quelqu’un d’autre vous les a-t-il dits ?

7 R. : Nous avons appris leurs noms de la bouche de personnes qui

8 circulaient dans les villages aux environs de Brezovo Polje. C’est

9 comme cela que nous avons appris leurs vrais noms.

10 Q. : Vous avez indiqué que durant votre séjour à Brezovo Polje, vous

11 deviez rendre compte tous les jours à quelqu’un ?

12 R. : Oui. Tous les matins, nous devions rendre compte à 8 h, et puis de

13 nouveau l’après-midi, à 5 heures, à 17 heures, ce qui leur

14 permettait de tenir une espèce de registre, pour que personne ne

15 s’évade.

16 Q. : De quel sexe étaient les personnes détenues en ce lieu ?

17 R. : En majorité des hommes, il y avait aussi quelques femmes, il y avait

18 les deux, des hommes et des femmes, mais le pire, c’était que

19 personne, dans ce village, ne pouvait sortir, personne.

20 Q. : Et les tranches d’âge ? N’y avait-il que des adultes, ou y avait-il

21 aussi des enfants avec les adultes ?

22 R. : Il y avait aussi des enfants, beaucoup d’enfants.

23 Q. : Pendant votre détention à Brezovo Polje, vous rappelez-vous avoir vu

24 des officiers de la 395e Brigade venir à Brezovo Polje ?

25 R. : Oui, oui, je me le rappelle. Pendant le temps que j’ai passé à

Page 866

1 Brezovo Polje, Slobodan Milinkovic est venu, le Major Slobodan

2 Milinkovic, tout près de l’endroit où je me trouvais, avec le sous

3 lieutenant Hajro Radonjcic, et il y avait avec eux d’autres hommes,

4 vêtus de l’uniforme gris-olive et portant un béret rouge sur la

5 tête. Depuis l’étage supérieur de cette maison, ils ont regardé le

6 village de Racinovci, qui se trouve de l’autre côté de la rivière,

7 en Croatie, de l’autre côté de la rivière Sava.

8 Q. : Les quelques fois où le Major Milinkovic est venu à Brezovo Polje,

9 lui avez-vous jamais parlé ?

10 R. : Non, je ne lui ai jamais parlé. Mais au moment où je l’ai vu, la

11 police est venue me chercher pour l’interrogatoire et il a

12 simplement dit « salut » et c’est tout.

13 Q. : Vous rappelez-vous à quel moment vous l’avez vu dans le village de

14 Brezovo Polje ?

15 R. : Je sais très bien que c’était en mai 1992. C’était l’après-midi, aux

16 alentours de 16 h, avant que l’on vienne nous chercher pour

17 l’interrogatoire.

18 Q. : Avez-vous une idée du jour du mois, à quel moment du mois l’avez-

19 vous vu ?

20 R. : Je pense que c’était aux alentours de la mi-mai.

21 Q. : Vous avez dit qu’au moment où il était là, des policiers sont venus

22 vous chercher pour l’interrogatoire. Avez-vous reconnu l’un

23 quelconque de ces policiers ?

24 R. : Non, non, je n’ai reconnu aucun de ces policiers.

25 Q. : Comment étaient-ils vêtus ?

Page 867

1 R. : Ils portaient l’uniforme de la police, de leur police, l’uniforme de

2 la police serbe.

3 Q. : L’uniforme de la police civile ou de la police militaire ?

4 R. : De la police civile.

5 Q. : Pouvez-vous nous décrire cet uniforme, je vous prie ?

6 R. : Cet uniforme était bleu, avec un béret bleu, et l’insigne du drapeau

7 serbe.

8 Q. : Où avez-vous été emmené pour être interrogé ?

9 R. : Ils nous ont emmenés à l’école, qui s’appelle école du 25 mai.

10 Q. : Les hommes qui vous ont interrogé, en avez-vous reconnu aucun ?

11 R. : Non, je ne les ai pas reconnus, pas à ce moment-là.

12 Q. : Comment étaient-ils vêtus ?

13 R. : Ils portaient l’uniforme des policiers, l’uniforme bleu de la

14 police, avec un béret et le drapeau serbe sur le béret.

15 Q. : Y avait-il des passages à tabac pendant ces interrogatoires ?

16 R. : Pas à ce moment-là, parce que c’était la première fois que j’étais

17 interrogé.

18 Q. : Donc, vous avez subi d’autres interrogatoires plus tard ?

19 R. : Oui, plusieurs fois, on m’a emmené à l’interrogatoire.

20 Q. : Chaque fois que l’on vous emmenait à l’interrogatoire, étaient-ce

21 des hommes portant un uniforme de la police qui vous interrogeaient

22 ?

23 R. : Non, j’ai été emmené par des hommes portant l’uniforme gris, vert-

24 olive, et à notre arrivée, nous trouvions des hommes en uniformes de

25 camouflage. Srdjan, Zeljko et Ratko se trouvaient là, parmi les

Page 868

1 autres, ainsi que Slobodan Markovic.

2 Q. : Qui sont les hommes que vous venez de nommer ?

3 R. : C’étaient des paramilitaires qui se trouvaient là, je ne sais pas

4 pour quelle raison. Ils avaient une tâche à accomplir, je ne peux

5 pas vous en donner les motifs, je ne les connais pas.

6 Q. : Avez-vous été battu lors de ces interrogatoires ultérieurs ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Où vous a-t-on emmené lorsque vous avez quitté le village de Brezovo

9 Polje ?

10 R. : Le 17 juin 1992, toutes les personnes originaires de Brcko ont,

11 d’abord, été rassemblées dans le gymnase de l’école, l’école du 25

12 mai, et environ une heure plus tard, les hommes de Brezovo Polje ont

13 aussi été enfermés dans le gymnase de l’école, l’école du 25 mai,

14 après quoi on nous a emmenés au fameux camp de Luka à Brcko.

15 Q. : Combien de temps y avez-vous été détenu ?

16 R. : Je suis resté à Luka du 17 juin au 1er juillet 1992.

17 Q. : Pendant votre séjour à Luka, avez-vous reconnu l’un quelconque des

18 gardes du camp ?

19 R. : Oui, à notre arrivée au camp, j’ai reconnu Kosta Simeunovic,

20 surnommé Kole, qui était le commandant du camp à l’époque. Il est

21 décorateur d’intérieur.

22 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque des membres du personnel du camp ?

23 R. : Que voulez-vous dire exactement ?

24 Q. : Des gardes du camp ou d’autres membres du personnel, qui

25 travaillaient dans le camp. En connaissiez-vous certains ?

Page 869

1 R. : Oui, je connaissais plusieurs personnes qui se trouvaient là et qui

2 venaient de Brcko. Parmi elles, Radoje Boric, surnommé Okac, ainsi

3 que Slobodan Radenkovic et Predrag Dokic.

4 Q. : Les hommes que vous venez de nommer, quelles étaient leurs fonctions

5 avant que vous ne les voyiez dans le camp ?

6 R. : Serbes.

7 Q. : Oui.

8 R. : Rade, qui était garde dans le camp, était chauffeur dans mon

9 entreprise, à l’usine textile Interplet et Predrag Dokic était aussi

10 chauffeur à Interplet. Il y avait pas mal d’hommes qui venaient du

11 SUP de Luka.

12 Q. : Ils venaient du SUP de Luka à quel titre ? Ils travaillaient au camp

13 ou étaient-ce des détenus ?

14 R. : Non, c’étaient des inspecteurs du SUP serbe et presque chaque jour,

15 ils emmenaient des personnes à l’interrogatoire et leur faisaient

16 subir des violences, les frappaient.

17 R. : Sont-ils venus vous chercher pendant le temps que vous avez passé au

18 camp de Luka ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Quel type d’uniforme portaient-ils ?

21 R. : Les hommes qui venaient du SUP portaient des vêtements civils et

22 Kosta Simeunovic, Kole qui, à l’époque, était commandant du camp,

23 portait un pantalon bleu et une chemise bleue de policier.

24 Q. : Pendant votre séjour au camp de Luka, des militaires sont-ils venus

25 au camp, des militaires qui n’y travaillaient pas ?

Page 870

1 R. : Des gens venaient. Personnellement, je ne les connaissais pas, mais

2 la plupart du temps, ils arrivaient dans une Jeep, sur laquelle il y

3 avait une photo du capitaine Dragan, qui portait un béret rouge, un

4 béret rouge et en dessous il était écrit « capitaine Dragan ».

5 Q. : Pendant votre séjour au camp de Luka, connaissiez-vous l’un

6 quelconque des détenus qui s’y trouvaient ?

7 R. : Je connaissais tous les détenus de Brcko. La plupart étaient

8 musulmans. Il y avait aussi quelques Croates et quelques Albanais.

9 Q. : A votre départ du camp de Luka, où êtes-vous allé ?

10 R. : Après le camp de Luka, j’ai vécu avec un ami, chez lui. Il s’appelle

11 Hasan Asarevic.

12 Q. : Où se trouvait cet endroit ?

13 R. : Pas loin de Luka. A quelques 400 ou 300 mètres, autrement dit dans

14 le voisinage immédiat de l’ancien bâtiment de la JNA.

15 Q. : Combien de temps y êtes-vous resté ?

16 R. : A ce moment-là, je suis resté en ville. Je suis resté en ville du

17 1er juillet 1992, jusqu’au 9 mars 1994, date de mon échange.

18 Q. : Après votre retour à Brcko, dans ce quartier de Brcko, vous a-t-on

19 demandé d’accomplir quelque tâche que ce soit ?

20 R. : J’ai été plusieurs fois emmené au SUP par leurs policiers pour un

21 interrogatoire. Ils m’ont harcelé. Je devais construire des routes

22 et je devais aussi - j’avais aussi un travail (sic). J’ai été détenu

23 dans une école primaire, neuf jours et neuf nuits, avec d’autres

24 personnes de Brcko, sans aucune nourriture.

25 Q. : Comment se fait-il qu’en 1994, on vous ait autorisé à quitter la

Page 871

1 région de Brcko ?

2 R. : Un échange a eu lieu entre Brcko et Tuzla. J’ai été échangé par le

3 2e corps de l’armée de la République de Bosnie-Herzégovine.

4 Q. : M. Redzic, avant le 30 avril 1992, étiez-vous membre d’une

5 organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe ?

6 R. : Non.

7 Q. : Avez-vous fait partie d’une quelconque résistance anti-serbe

8 organisée ?

9 R. : Non.

10 Q. : Entre le 30 avril et la date de votre capture, êtes-vous devenu

11 membre de l’une ou l’autre de ces organisations ?

12 R. : Non.

13 MAITRE HOLLIS : Je n’ai pas d’autre question.

14 LE PRESIDENT : Contre-interrogatoire ?

15 MAITRE WLADIMIROFF : Nous n’avons pas de questions, madame le Président.

16 JUGE STEPHEN : Maître Hollis, ce témoin ainsi que le témoin précédent ont

17 fait référence à des uniformes SNB ou SMB. Je me demandais si vous

18 pouviez lever cette ambiguïté;

19 MAITRE HOLLIS : Oui, Monsieur le juge.

20 JUGE STEPHEN : Merci.

21 MAITRE HOLLIS : (A l’intention du témoin) : M. Redzic, dans votre

22 déposition, vous avez fait référence aux anciens uniformes de la JNA

23 en tant qu’uniformes SMB. Pourriez-vous nous dire ce que signifient

24 ces termes « uniformes SMB » ?

25 R. : Ces uniformes étaient ceux de l’ancienne JNA. Ils étaient gris,

Page 872

1 vert-olive. Mais à l’époque, il n’y avait sans doute pas assez

2 d’uniformes de camouflage pour tous les soldats, les soldats de

3 réserve, qui portaient donc cet uniforme gris, vert-olive, SMB.

4 C’est pourquoi j’ai toujours prononcé le mot « SMB » qui signifie

5 gris, vert-olive. Il s’agissait, en fait - en fait, c’étaient les

6 uniformes et j’ai décrit tous les autres comme des uniformes de

7 camouflage. Je les ai décrits ainsi et c’est ce qu’ils étaient.

8 Q. : Donc l’uniforme SMB était l’uniforme régulier de la JNA ?

9 R. : Oui. C’était l’uniforme régulier, l’uniforme régulier de la JNA.

10 Nous le portions tous, en tant que réservistes, ainsi que tous les

11 appelés, qui le portaient pendant leur service militaire.

12 LE PRESIDENT : Je n’ai qu’une question, je pense. Ai-je bien compris le

13 témoin comme ayant dit que tous les hommes de la 395e Brigade

14 étaient serbes, excepté, bien sûr, vous étiez réserviste, n’est-ce

15 pas, donc vous déclarez que tous les hommes de la 395e Brigade

16 étaient serbes ? Je veux parler des soldats réguliers.

17 LE TEMOIN : Oui, c’est exact.

18 LE PRESIDENT : Vous étiez membre des forces de réserve de la 395e Brigade,

19 est-ce exact ?

20 R. : Oui, c’est exact, mais seulement jusqu’au 31 décembre 1991? date à

21 laquelle j’ai quitté la Brigade. Pour répondre à votre question,

22 après le 31 décembre 1991, j’ai quitté la réserve, les réservistes,

23 et la totalité de la 395e Brigade est devenue serbe.

24 LE PRESIDENT : Maître Hollis, si j’ai bien compris cette déposition, la

25 395e Brigade, ses membres réguliers, étaient tous serbes, est-ce

Page 873

1 exact ? Avez-vous compris la même chose ? Peut-être souhaiterez-vous

2 poser la question au témoin. Bien sûr, il est musulman, bosniaque,

3 et il appartenait aux forces de réserve de la 395e Brigade. J’essaie

4 de confirmer que je ne me suis pas trompée. J’ai compris qu’au

5 moment où il a quitté la Brigade, il n’y avait plus de Musulmans,

6 j’ai bien compris cela, mais ce que je veux établir clairement,

7 c’est que les membres réguliers de la 395e Brigade étaient serbes,

8 tous serbes.

9 Nouvel interrogatoire mené par Maître HOLLIS

10 Q. : M. Redzic, vous avez indiqué qu’après votre départ de la 395e

11 Brigade, le 31 décembre 1991, la Brigade est devenue entièrement

12 serbe. Est-ce exact ?

13 R. : Je crois que c’est exact. Tous les Musulmans ont quitté la 395e

14 Brigade et des réservistes exclusivement serbes sont venus les

15 remplacer, donc la Brigade est devenue, ethniquement, entièrement

16 serbe.

17 Q. : Donc lorsque vous dites que la 395e Brigade est devenue entièrement

18 serbe, vous parlez aussi bien de la composante d’active que de la

19 composante de réserve ?

20 R. : Oui, des deux.

21 LE PRESIDENT : Très bien, merci. Avez-vous d’autres questions ? Souhaitez-

22 vous procéder à un contre-interrogatoire au vu de ce qui vient

23 d’être dit, Maître Wladimiroff ?

24 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT : Maître Hollis, des questions complémentaires ?

Page 874

1 MAITRE HOLLIS : Non, Madame le Président.

2 LE PRESIDENT : Y a-t-il objection à ce que le témoin puisse disposer

3 définitivement ?

4 MAITRE WLADIMIROFF : Aucune objection d’aucune sorte, merci.

5 LE PRESIDENT : Vous pouvez définitivement vous retirer. Merci beaucoup

6 d’être venu. Vous pouvez disposer.

7 (Départ du témoin)

8 LE PRESIDENT : Maître Hollis, pouvez-vous appeler votre témoin suivant, je

9 vous prie ?

10 MAITRE HOLLIS : Oui, Madame le Président. Madame le Président, nous

11 appelons M. Osmanovic.

12 Appel de M. IBRO OSMANOVIC

13 LE PRESIDENT : Nous étions en train de penser - voici le témoin. Nous

14 pourrons parler plus tard, après l’audition de ce témoin. Il s’agit

15 d’une autre question, qui n’a rien à voir avec la déposition de ce

16 témoin.

17 LE PRESIDENT : Je vous prierais de prêter serment, Monsieur.

18 LE TEMOIN : (En traduction) : Je déclare solennellement que je dirai la

19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

20 (Prestation de serment du témoin)

21 LE PRESIDENT : Merci, vous pouvez vous asseoir.

22 Interrogatoire mené par MAITRE HOLLIS

23 Q. : Je vous prierais de décliner votre nom complet.

24 R. : Je m’appelle Ibro Osmanovic.

25 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

Page 875

1 R. : Je suis né le 5 août 1965 à Vlasenica.

2 Q. : Vlasenica se trouve-t-elle en Bosnie-Herzégovine ?

3 R. : Oui, effectivement.

4 Q. : Pourrions-nous revoir la pièce à conviction n° 73, je vous prie ?

5 LE TEMOIN : Excusez-moi, mais il y a un problème. Je n’entends pas. Je

6 n’entends pas bien. J’ai un problème.

7 LE PRESIDENT : Entendez-vous dans votre langue, M. Osmanovic ?

8 LE TEMOIN : Oui, j’entends, maintenant j’entends.

9 MAITRE HOLLIS : M. Osmanovic, je vous demanderais d’examiner la pièce à

10 conviction n° 73, la carte. Pourriez-vous prendre le stylo ou le

11 pointeur et nous montrer l’endroit où se trouve Vlasenica ?

12 R. : Vlasenica se trouve au nord-est de la Bosnie, ici.

13 Q. : Pourrait-on pour la Cour, je vous prie ? M. Osmanovic, je vois un

14 point marqué « Han Pijesak » sur cette carte. Pourriez-vous

15 l’indiquer à l’aide du pointeur, je vous prie ?

16 R. : Han Pijesak se trouve juste à côté de Vlasenica, il est mitoyen de

17 Vlasenica.

18 Q. : Existe-t-il une ville nommée Han Pijesak, ainsi qu’une opstina

19 nommée Han Pijesak ?

20 R. : Oui, effectivement.

21 Q. : Existe-t-il une ville nommée Vlasenica ainsi qu’une opstina nommée

22 Vlasenica ?

23 R. : Oui.

24 Q. : M. Osmanovic, pouvez-vous nous dire combien de temps vous avez vécu

25 à Vlasenica ?

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1 R. : J’y ai vécu de ma naissance au jour de mon arrestation.

2 Q. : Si vous la connaissez, quelle est la composition ethnique de

3 Vlasenica ?

4 R. : Il y avait 67 % de musulmans, le reste était serbe. Dans l’opstina,

5 63 % des habitants étaient musulmans, et le reste serbe.

6 Q. : Lorsque vous dites que vous êtes originaire de Vlasenica, êtes-vous

7 originaire de la ville de Vlasenica elle-même ?

8 R. : Oui, effectivement, et c’était aussi la municipalité de Vlasenica.

9 Q. : De quelle taille est la ville de Vlasenica, ou de quelle taille

10 était-elle ?

11 R. : Vlasenica comptait 6 000 à 7 000 habitants.

12 Q. : Connaissiez-vous de nombreux habitants de Vlasenica ?

13 R. : Oui, environ 70 % des résidents permanents de la ville.

14 Q. : Savez-vous quelle était l’appartenance ethnique de ces personnes ?

15 R. : Oui.

16 Q. : M. Osmanovic, quelle est votre appartenance ethnique ?

17 R. : Je suis musulman, bosniaque.

18 Q. : Quelle était votre profession antérieure ?

19 R. : Je travaillais à l’usine de meubles « Sipad ».

20 Q. : Où se trouvait-elle ?

21 R. : L’usine se trouvait dans la zone industrielle de la ville.

22 Q. : Avez-vous jamais accompli un service militaire ?

23 R. : Seulement le service militaire régulier au sein de l’ancienne JNA.

24 Q. : Quand avez-vous accompli votre service ?

25 R. : Du 8 avril 1984 à 1985.

Page 877

1 Q. : Où l’avez-vous accompli ?

2 R. : J’étais à Niksic.

3 Q. : Où cela se trouve-t-il ?

4 R. : Niksic se trouve au Monténégro.

5 Q. : Quelles étaient vos fonctions au sein de la JNA ?

6 R. : J’étais dans la reconnaissance, éclaireur.

7 Q. : Pendant le temps que vous avez passé au sein de la JNA, vous êtes-

8 vous familiarisé avec les équipements, les uniformes, les armes et

9 les insignes de la JNA ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Pendant le temps que vous avez passé à Niksic, au Monténégro, vous

12 êtes-vous familiarisé avec le dialecte parlé dans cette région ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Dans la période 1990 et 1991, avez-vous remarqué que des partis

15 politiques se sont créés dans votre région de Vlasenica ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Quels partis se sont créés dans la région de Vlasenica ?

18 R. : Le parti SDA, majoritairement musulman, le SDS, parti serbe et le

19 SDP, les anciens communistes.

20 Q. : Avez-vous participé aux élections dans votre région ?

21 R. : J’ai participé aux élections comme tout citoyen du pays.

22 Q. : Qui l’a emporté, quel parti a gagné dans votre région ?

23 R. : Le SDS a gagné.

24 Q. : En raison de leur victoire, quels postes politiques ont-ils obtenus

25 dans la ville ?

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1 R. : En raison de leur victoire, ils ont pu nommer le principal dirigeant

2 de l’opstina et du SUP.

3 Q. : Lorsque vous parlez du SUP, à quoi faites-vous référence ?

4 R. : C’était le Ministère de l’intérieur, autrement dit la police.

5 Q. : A votre connaissance, y avait-il des postes militaires de la JNA à

6 Vlasenica ou dans les environs ?

7 R. : Sur le territoire de l’opstina de Vlasenica, il n’y avait pas de

8 troupes de la JNA, ou plutôt, il n’y avait pas de caserne.

9 Q. : Y avait-il une caserne près de Vlasenica ?

10 R. : La première se trouvait à Han Pijesak. C’était la caserne la plus

11 proche.

12 Q. : Han Pijesak est l’endroit que vous nous avez montré à l’aide du

13 pointeur il y a quelques instants ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Quelle distance sépare Han Pijesak de la ville de Vlasenica ?

16 R. : 18,5 km.

17 Q. : Si vous le savez, quelles étaient les unités militaires cantonnées à

18 cet endroit ?

19 R. : Une garnison de la JNA, toutes sortes de formations, mais surtout de

20 l’infanterie.

21 Q. : Je vous demanderais de consacrer votre attention au mois d’août

22 1991. Je vous demanderais si, à l’époque, vous vous rappelez un

23 incident survenu dans une église de Han Pijesak.

24 LE PRESIDENT : Avant que le témoin ne réponde, nous suspendons l’audience

25 vingt minutes, je voue prie.

Page 879

1 (16 heures)

2 (Brève suspension d’audience)

3 (16 h 20)

4 LE PRESIDENT : Maître Hollis ?

5 MAITRE HOLLIS : M. Osmanovic, avant la suspension, je vous ai demandé si

6 vous vous rappeliez un incident qui s’est produit en août 1991, dans

7 une église de Han Pijesak. Vous rappelez-vous un tel incident ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Pouvez-vous me dire si vous étiez présent, dans cette église de Han

10 Pijesak, au moment où l’incident s’est produit.

11 R. : J’étais présent. C’était devant l’église.

12 Q. : Que s’est-il passé ?

13 R. : Un groupe de réservistes de Vlasenica cantonnés à Han Pijesak, ils

14 ont demandé à ce groupe de tenter de chanter des chants nationaux

15 serbes à la gloire des dirigeants Tchetniks serbes de la seconde

16 guerre mondiale (sic).

17 Q. : Lorsque vous dites « réservistes », parlez-vous de réservistes de la

18 JNA ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Quel genre de chants voulaient-ils que l’on chante ?

21 R. : Des chants nationalistes serbes interdits dans l’ancien système en

22 RSFY.

23 Q. : Vous rappelez-vous quelques paroles de ces chants ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Je ne vous demanderai pas de chanter, mais pourriez-vous nous dire

Page 880

1 quelles paroles vous vous rappelez ?

2 R. : « De Topola à Ravna Gora, tous les gars appartiennent au Général

3 Draza ».

4 Q. : Vous rappelez-vous d’autres paroles ?

5 R. : L’un des chants était celui-ci, De Topola à Ravna Gora. Il y en

6 avait un autre : « oh, Duke Sindjelic, tu entends le son de la

7 trompette jusqu’au Kosovo ».

8 Q. : Avez-vous reconnu le nom de l’un quelconque des hommes cités dans

9 ces paroles ?

10 R. : Eh bien, lorsque nous apprenions l’histoire, ces hommes étaient

11 membres du mouvement Tchetnik au cours de la seconde guerre

12 mondiale.

13 Q. : Quel était le sens de ces paroles, pour vous ?

14 R. : Péjoratif, méprisant à l’égard des Musulmans.

15 Q. : Quelle a été la réaction des personnes assemblées devant l’église

16 lorsque cette demande leur a été faite ?

17 R. : Certaines des personnes présentes, certains Musulmans, ont

18 simplement quitté la cérémonie en signe de protestation.

19 Q. : Les hommes qui avaient fait cette demande, comment étaient-ils vêtus

20 ?

21 R. : Ils portaient l’uniforme régulier de l’Armée populaire yougoslave.

22 Q. : Quel était cet uniforme ?

23 R. : Gris, vert-olive. Il se composait de trois parties, la chemise, le

24 pantalon et la veste.

25 Q. : Lorsqu’ils ont fait cette demande pour la première fois, ces chants

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1 ont-ils été joués ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Et c’est à ce moment-là que les Musulmans ont commencé à quitter les

4 abords de l’église ?

5 R. : Oui.

6 Q. : En 1991, avez-vous su que les hommes de la région de Vlasenica

7 étaient mobilisés ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Comment avez-vous été mis au courant de cette mobilisation ?

10 R. : J’étais présent. J’étais chez Dragisa Milakovic lorsqu’un officier

11 de la JNA est venu apporter l’ordre.

12 Q. : Qui était M. Milakovic ?

13 R. : Milakovic était un homme que je voyais tous les jours; c’était un

14 ami. Avant la guerre, nous nous voyions tous les jours.

15 Q. : Connaissez-vous son appartenance ethnique ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Quelle est-elle ?

18 R. : Serbe.

19 Q. : Avait-il un rapport avec la JNA ?

20 R. : Avant la guerre, il était souvent en uniforme. Il a passé quelque

21 temps à Banja Luka, puis à Han Pijesak et enfin à Milici, à la

22 caserne qui s’y trouvait.

23 Q. : A votre connaissance, était-il membre de la composante d’active ou

24 de la composante de réserve de la JNA ?

25 R. : Au début, il était dans l’éducation, il était réserviste.

Page 882

1 Q. : Il était réserviste, réserviste de la JNA ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Vous avez dit qu’un officier de la JNA est venu chez lui pour lui

4 apporter quelque chose. Cet officier de la JNA, quel était son rang,

5 avait-il des insignes ?

6 R. : Il portait l’uniforme de la JNA avec les insignes correspondant à

7 son rang. Il était lieutenant.

8 Q. : Connaissiez-vous cet homme ?

9 R. : Non.

10 Q. : Qu’apportait-il à Milakovic ?

11 R. : Il lui apportait une grande enveloppe, qui contenait les

12 convocations.

13 Q. : Avez-vous pu effectivement voir ces convocations ?

14 R. : Oui, parce que j’ai aidé Milakovic à les trier.

15 Q. : Avez-vous reconnu l’un quelconque des noms figurant sur ces

16 convocations ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Connaissiez-vous l’appartenance ethnique des individus dont les noms

19 figuraient sur ces convocations ?

20 R. : Oui. Ils étaient d’origine ethnique serbe.

21 Q. : Avez-vous vu des noms de Musulmans sur ces convocations ?

22 R. : Il n’y en avait aucun.

23 Q. : Quel était le but, l’objet de ces convocations ?

24 R. : Il y était écrit qu’il s’agissait de convocations à servir dans les

25 forces armées de la RSFY.

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1 Q. : M. Milakovic a-t-il fait le moindre commentaire à votre intention au

2 sujet de ces convocations ?

3 R. : Il a seulement dit qu’ils allaient en exercice à Banja Luka.

4 Q. : Après avoir vu ces convocations chez M. Milakovic, après cela, avez-

5 vous commencé à voir davantage d’hommes en uniformes militaires dans

6 les parties serbes de Vlasenica ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Dans la même période - nous sommes fin 1991 - avez-vous été informé

9 que de nouvelles unités militaires ou structures militaires

10 s’étaient créées dans la région de Vlasenica ?

11 R. : Une caserne a été créée à Milici.

12 Q. : Comment l’avez-vous appris ?

13 R. : J’étais présent, avec M. Milakovic, lorsqu’il s’est rendu à la

14 caserne.

15 Q. : Milici est-il un village appartenant à l’opstina ?

16 R. : C’est un site minier situé sur le territoire de la municipalité de

17 Vlasenica.

18 Q. : Quelle est l’appartenance ethnique du groupe ou des groupes habitant

19 cette région ?

20 R. : Ils sont presque tous serbes.

21 Q. : De la fin 1991 au printemps 1992, avez-vous eu connaissance de la

22 création de quelque région autonome serbe que ce soit dans la région

23 de Vlasenica ?

24 R. : Oui. La région autonome serbe de Birac (sic ?).

25 Q. : Y avait-il des opstinas dans cette région autonome serbe ?

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1 R. : Il y avait l’opstina de Sekovici, de Vlasenica, de Bratunac, de

2 Srebrenica, de Zvornik et l’opstina serbe nouvellement créée de

3 Milici.

4 Q. : Au moment où s’est créée la région autonome serbe, à votre

5 connaissance de nouvelles opstinas serbes ont-elles été créées en

6 même temps ?

7 R. : Des négociations étaient en cours en vue de créer des opstinas

8 serbes sur les territoires en question.

9 Q. : Qui participait à ces négociations ?

10 R. : Le parti démocratique serbe.

11 Q. : Quelqu’un vous a-t-il jamais dit pourquoi les Serbes souhaitaient

12 créer ces régions autonomes et ces opstinas serbes ?

13 R. : Non.

14 Q. : Après la création de cette région autonome serbe, avez-vous, vous-

15 même, remarqué un accroissement du nombre d’hommes portant des armes

16 ?

17 R. : Non. Il n’y en avait pas tant jusqu’à ce que la guerre éclate.

18 Q. : Après que la guerre ait éclaté, avez-vous remarqué que leur nombre a

19 augmenté ?

20 R. : Oui, un grand nombre, une forte proportion de la population serbe a

21 commencé à porter des armes en ville.

22 Q. : Vous rappelez-vous à quel moment, approximativement, vous vous êtes

23 rendu compte, pour la première fois, qu’une région autonome serbe

24 avait été créée dans la région de Vlasenica ?

25 R. : Cette ville a été divisée.

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1 Q. : La ville de Vlasenica a été divisée ?

2 R. : Oui. L’opstina serbe - l’opstina serbe de Vlasenica a été créée.

3 Q. : Quand cela s’est-il produit ?

4 R. : A la veille de l’éclatement de la guerre.

5 Q. : A quelle date ?

6 R. : Le 22 avril 1992.

7 Q. : Avant cela, au printemps 1992, avez-vous remarqué un changement dans

8 votre faculté de recevoir certaines stations de télévision ?

9 R. : Parmi les media, les systèmes médiatiques, seules les télévisions de

10 Belgrade et de Novi Sad fonctionnaient.

11 Q. : Vous rappelez-vous à quel moment cela s’est produit ?

12 R. : Dans les premiers temps de la guerre à Bijelina.

13 Q. : Vous rappelez-vous quelle était la date ?

14 R. : Le 6 avril 1992.

15 Q. : C’était donc avant le conflit à Vlasenica ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Vous avez indiqué que le conflit a commencé à Vlasenica le 22 avril.

18 A cette date, qu’avez-vous observé ?

19 R. : Toutes les fonctions vitales de la ville ont été bloquées : la

20 mairie, la banque, la poste, la police, les tribunaux. Il y avait de

21 très nombreux hommes en uniforme, que nous ne connaissions pas, et

22 des Serbes locaux en armes.

23 Q. : Lorsque vous dites que ces institutions étaient bloquées, par qui

24 étaient-elles bloquées ?

25 R. : Elles étaient bloquées par l’Armée populaire yougoslave.

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1 Q. : Quel uniforme portaient ces soldats ?

2 R. : SMB, l’uniforme régulier de la JNA.

3 Q. : Au début, comment vous êtes-vous rendu compte que l’armée avait

4 pénétré dans la ville de Vlasenica ?

5 R. : Le 22 avril, le matin, un véhicule de la police, équipé d’un haut-

6 parleur, a demandé que les armements, les armes légalement obtenues

7 soient restituées, ils disaient que l’armée était là pour protéger

8 la population et que la force serait utilisée contre ceux qui

9 refuseraient d’obtempérer.

10 Q. : Avez-vous vu les individus qui se trouvaient dans la voiture à

11 partir de laquelle était faite cette annonce ?

12 R. : Ils étaient en uniforme, nous n’avons pas pu reconnaître leurs

13 visages.

14 Q. : A cette date, le 22 avril, avez-vous vu des armes lourdes ou des

15 véhicules blindés dans la ville de Vlasenica ?

16 R. : Oui, près du stade de la ville, il y avait des blindés transports de

17 troupes et au cimetière musulman, il y en avait aussi.

18 Q. : Avez-vous reconnu ces véhicules comme étant du même type que les

19 véhicules de la JNA ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Lorsqu’ils ont dit que la population devait restituer ses armes,

22 ont-ils accordé un délai pour cette restitution ?

23 R. : L’ultimatum courait jusqu’à 9 heures.

24 Q. : Vous-même, ce jour-là, avez-vous vu des personnes rendre leurs armes

25 ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : De quel type étaient les armes restituées ?

3 R. : Ils restituaient leurs armes personnelles, c’est-à-dire des

4 revolvers et des armes de chasse.

5 Q. : Avez-vous reconnu l’une quelconque des personnes qui restituait ses

6 armes ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Ceux que vous avez reconnus, savez-vous quelle était leur

9 appartenance ethnique ?

10 R. : Musulmane.

11 Q. : A l’expiration du délai accordé pour la restitution des armes, après

12 21 h, après cette heure, avez-vous vu des civils portant des armes

13 dans la ville de Vlasenica ?

14 R. : Une partie de la population serbe locale en uniforme portait des

15 armes et quelques-uns de ces Serbes locaux portaient un brassard

16 blanc et des armes.

17 Q. : Au cours de cette journée, cette première journée du 22 avril, avez-

18 vous eu l’occasion de parler avec l’un quelconque des soldats qui

19 étaient arrivés en ville ?

20 R. : Le premier jour, dans l’après-midi du premier jour, j’ai parlé à un

21 soldat qui était originaire de Bijelo Polje.

22 Q. : Où cela se trouve-t-il ?

23 R. : Bijelo Polje se trouve au Monténégro.

24 Q. : Comment savez-vous qu’il venait du Monténégro ?

25 R. : Sa prononciation. Dans cette région, il y a une prononciation

Page 888

1 particulière, caractéristique. Je l’ai reconnue et je lui ai demandé

2 d’où il venait. Il n’a pas tenté de le cacher. Il m’a dit qu’il

3 venait de Bijelo Polje.

4 Q. : Vous a-t-il dit à quelle unité il appartenait ?

5 R. : Il a dit qu’il servait à Sremska Mitrovica et qu’il accomplissait

6 son service militaire régulier.

7 Q. : Aviez-vous entendu parler de l’unité militaire de Sremska Mitrovica

8 avant cette date ?

9 R. : Non.

10 Q. : Où se trouve Sremska Mitrovica ?

11 R. : Sremska Mitrovica est dans le Srem, au bord de la rivière Sava. Cela

12 fait partie de la Serbie.

13 Q. : Vous a-t-il dit comment il s’appelait ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Comment s’appelait-il ?

16 R. : Predrag.

17 Q. : Predrag vous a-t-il jamais dit pourquoi il était à Vlasenica ?

18 R. : Oui. Pour prévenir un éventuel conflit entre les Musulmans et les

19 Serbes, des conflits éventuels.

20 Q. : Avant ce jour, à votre connaissance, y avait-il eu une quelconque

21 attaque musulmane contre les Serbes ?

22 R. : Non.

23 Q. : Où avez-vous vu cet homme ?

24 R. : A l’hôtel Panorama.

25 Q. : Avez-vous vu d’autres individus dans cet hôtel ?

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1 R. : Oui. Mais je ne les connaissais pas tous.

2 Q. : Ceux que vous connaissiez, qui étaient-ils ?

3 R. : Ils étaient, pour la plupart, du Ministère de l’intérieur et du

4 parti démocratique serbe.

5 Q. : Ce jour-là, le 22 avril, d’autres ordres ont-ils été donnés par ces

6 militaires qui étaient entrés dans la ville ?

7 R. : Oui. La circulation a été interdite la nuit, c’est-à-dire, les

8 usines ne fonctionnaient pas.

9 Q. : Quelque autre ordre a-t-il été donné ?

10 R. : C’était le principal : empêcher la circulation la nuit, c’est-à-dire

11 du crépuscule jusqu’à l’aube.

12 Q. : Etes-vous, vous-même, sorti après le couvre-feu, ce jour-là ?

13 R. : Après le couvre-feu, Dragisa Milakovic est venu me voir.

14 Q. : De quoi voulait-il vous parler ?

15 R. : Il m’a montré des feuilles de papier et m’a demandé de les lire. Mon

16 nom était inscrit sur l’une d’elles, et il m’a dit de prendre garde

17 à moi, que toutes sortes d’idiots se promenaient armés, ces jours-

18 là.

19 Q. : Un numéro figurait-il en regard de votre nom sur cette liste ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Quel était ce numéro ?

22 R. : 194.

23 Q. : Avez-vous vu l’un quelconque des autres noms figurant sur cette

24 liste ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Avez-vous reconnu l’un quelconque de ces noms ?

2 R. : Dans l’extrait que j’ai vu, j’ai reconnu de nombreux noms.

3 Q. : Les noms que vous avez reconnus, quelle était l’appartenance

4 ethnique de ces personnes ?

5 R. : Musulmane.

6 Q. : Après son départ et après le début du couvre-feu, avez-vous entendu

7 un mouvement de véhicules dans votre quartier ?

8 R. : Oui, des véhicules patrouillaient dans la rue.

9 Q. : Pendant cette journée du 22 avril, les commerces de Vlasenica

10 étaient-ils ouverts ?

11 R. : Non.

12 Q. : Les jours suivants, certains commerces de Vlasenica ont-ils rouvert

13 ?

14 R. : Le lendemain, les restaurants, les cafés et les magasins serbes

15 étaient ouverts, ou plutôt les entreprises qui appartenaient à

16 l’état avaient été réquisitionnées.

17 Q. : Avez-vous vu des commerces musulmans que vous connaissiez rouvrir

18 les jours suivants ?

19 R. : Non.

20 Q. : Après l’arrivée des militaires à Vlasenica, quels changements avez-

21 vous remarqués dans les conditions de vie en ville, si tant est

22 qu’il y en ait eu ?

23 R. : Les changements intervenus en ville et dans les conditions de vie

24 ont résidé dans l’instauration du couvre-feu, qui a perturbé la

25 structure du travail, ou plutôt dans le fait que certaines personnes

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1 avaient rapporté au poste de sécurité publique l’interdiction de

2 quitter la ville.

3 Q. : Vous êtes-vous rendu compte que de nouveaux départements ou de

4 nouvelles agences serbes étaient créés ?

5 R. : Je n’ai pas compris la question.

6 Q. : Je suis désolée. Après l’arrivée des militaires à Vlasenica, vous

7 êtes-vous rendu compte que de nouvelles agences, de nouvelles

8 divisions publiques, de nouveaux départements serbes s’étaient créés

9 ?

10 R. : Oui. Des municipalités serbes. L’opstina serbe de Vlasenica a été

11 créée, avec son siège à Vlasenica.

12 Q. : Qu’en a-t-il été des sapeurs pompiers ?

13 R. : La partie de la Brigade anti-incendie à laquelle j’appartenais

14 depuis de nombreuses années a changé de structure. Il était

15 désormais hors de question que les Musulmans en fassent partie, et

16 trois seulement des Serbes comptant au nombre des anciens sapeurs-

17 pompiers sont restés.

18 Q. : Le poste de police de Vlasenica, que lui est-il arrivé ?

19 R. : Les Musulmans ne travaillaient pas au poste de police, il n’y avait

20 que des Serbes.

21 Q. : Pendant cette période, avez-vous été contraint d’accomplir un

22 certain travail ?

23 R. : Oui.

24 Q : Quelle a été cette obligation de travail ?

25 R. : Je devais me rendre au travail, à l’usine dans laquelle j’étais

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1 employé, et y passer les heures de travail, de 7 h à 15 h.

2 Q. : Aviez-vous vraiment des tâches à accomplir pendant ces heures-là ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Etaient-ce les mêmes que celles que vous accomplissiez avant ?

5 R. : Oui. Les mêmes choses que je faisais avant, mais avec une intensité

6 moindre.

7 Q. : Etiez-vous payé pour l’accomplissement de ces tâches ?

8 R. : Oui, le salaire journalier nominal, mais nous n’avons jamais perçu

9 cet argent.

10 Q. : Y avait-il des restrictions quant aux sommes qu’il était possible de

11 retirer à la banque de Vlasenica ?

12 R. : Oui, elles se limitaient à 5.000, c’est-à-dire à 5 milliards de

13 dinars, c’est-à-dire 10.000 et 10 milliards, ce qui fait environ 70

14 Deutsche marks.

15 Q. : Avez-vous remarqué que des individus entraient dans la banque et

16 pouvaient retirer des sommes beaucoup plus importantes ?

17 R. : Oui, j’étais présent lorsqu’un collègue de travail a rempli un

18 chèque pour une somme beaucoup plus importante que cela, une somme

19 beaucoup plus importante que cette limite.

20 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ce collègue de travail ?

21 R. : Il était serbe.

22 Q. : Pendant cette période, avez-vous remarqué des graffiti sur les

23 bâtiments de Vlasenica ?

24 R. : Sur les maisons des Musulmans connus, on voyait des graffiti tels

25 que « Oustacha », « à bas les Musulmans », « nous allons vous

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1 égorger », « hors d’ici », « ici, c’est serbe, c’est la Serbie ».

2 Q. : Que veut dire « Oustacha », ce terme, que signifie-t-il pour vous ?

3 R. : C’était encore un terme dépréciatif, méprisant, parce que personne,

4 dans ma famille, n’en faisait partie.

5 Q. : A quel groupe fait référence le terme « Oustacha », si vous le savez

6 ?

7 R. : Aux groupes croates et musulmans.

8 Q. : Après ce premier jour, ce jour où vous avez vu Predrag à l’hôtel

9 Panorama, l’avez-vous revu à Vlasenica ?

10 R. : Non.

11 Q. : J’aimerais vous demander de concentrer votre attention sur le 22

12 mai, je vous demanderai ce qui s’est passé ce jour-là.

13 R. : Le 22 mai 1992, j’ai été détenu au poste de police de Vlasenica.

14 Q. : Le 22 mai 1992, y avait-il encore du personnel militaire dans la

15 ville de Vlasenica ?

16 R. : Il y avait, dans la ville de Vlasenica, les membres de ce que l’on

17 appelait « la milice serbe » et l’armée serbe.

18 Q. : Pendant cette période, qui commence le 22 avril, et jusqu’à

19 l’arrivée des militaires, le 22 mai, à votre connaissance, y a-t-il

20 eu une résistance armée de quelque nature que ce soit à Vlasenica ?

21 R. : Non.

22 Q. : Pendant cette période, du 22 avril au 22 mai, avez-vous vu des

23 habitants locaux se faire expulser de la ville ?

24 R. : Quelle population locale ? La population locale musulmane avait

25 commencé à quitter la ville, alors que la population locale serbe y

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1 était restée.

2 Q. : Y avait-il eu des regroupements de population musulmane à Vlasenica

3 ?

4 R. : Pas encore.

5 Q. : Quand cela a-t-il eu lieu ?

6 R. : Le regroupement de la population musulmane a commencé aux alentours

7 du 18 mai, au moment de l’affaire de Sakopaca (?), lorsque les gens

8 ont commencé à partir pour Tuzla en grand nombre.

9 Q. : Lorsque vous dites que l’affaire de Sakopaca avait commencé, à quoi

10 faites-vous référence ?

11 R. : Selon la rumeur circulant à Vlasenica, le village de Sakopaca avait

12 été détruit, physiquement détruit.

13 Q. : A ce moment-là la population musulmane a commencé à quitter

14 Vlasenica ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Comment est-elle partie ? En utilisant quel moyen de transport ?

17 R. : Les gens qui possédaient un véhicule personnel ont utilisé ce

18 véhicule, et pour ceux qui n’en possédaient pas, un bus a été

19 organisé; il est parti de la gare routière de Vlasenica et a emmené

20 ces personnes.

21 Q. : Avez-vous pu quitter la ville ?

22 R; : Non, j’avais interdiction de le faire.

23 Q. : Lorsque vous avez été arrêté, qui vous a arrêté ?

24 R. : Des membres de ce que l’on appelait la milice serbe : Bastah Dragan,

25 Zoran Djuric, et aussi Rade Milic et un homme que je ne connaissais

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1 pas.

2 Q. : Qu’était cette milice serbe à laquelle vous faites référence ?

3 R. : Une unité et il était écrit « milice serbe », ce qui signifie la

4 réserve, les policiers réservistes serbes du commissariat de police

5 de Vlasenica.

6 Q. : Ces hommes que vous avez nommés, étaient-ils tous d’appartenance

7 ethnique serbe ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Quel type d’uniforme portaient-ils ?

10 R. : Dragan Bastah portait un uniforme de camouflage, les autres

11 portaient l’uniforme de la police de guerre.

12 Q. : Quel est cet uniforme ?

13 R. : Cet uniforme est bleu foncé.

14 Q. : Où avez-vous été emmené après votre arrestation ?

15 JUGE STEPHEN : Je me demandais s’il serait possible que l’on nous explique

16 les termes « police de guerre ». Ont-ils la même signification que

17 « police militaire » ?

18 MAITRE HOLLIS : Oui, Monsieur le Juge. (A l’intention du témoin) :

19 M. Osmanovic, lorsque vous avez fait référence à la police de

20 guerre, que vouliez-vous dire ?

21 R. : Dans l’ancien système de l’état yougoslave, il existait une police

22 d’active et une police de réserve. La police de réserve était

23 activée en cas de guerre, simplement, elle portait des uniformes

24 différents. L’un était bleu clair et l’autre bleu foncé, mais les

25 armes et les insignes étaient les mêmes.

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1 Q. : Ces policiers de guerre auxquels vous avez fait référence, étaient-

2 ce des policiers civils ou des policiers militaires ?

3 R. : Civils.

4 Q. : Où vous ont-ils emmené après votre arrestation ?

5 R. : Au commissariat de police.

6 Q. : Au commissariat de police de Vlasenica ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Que s’est-il passé après votre arrivée au commissariat ?

9 R. : J’ai été emprisonné sans explications.

10 Q. : Combien de temps y avez-vous été détenu ?

11 R. : J’y ai été détenu jusqu’au 2 juin.

12 Q. : Y avait-il d’autres détenus avec vous ?

13 R. : Oui.

14 Q. : En connaissiez-vous certains ?

15 R. : La plupart.

16 Q. : Quelle était leur appartenance ethnique ?

17 R. : Ils étaient musulmans.

18 Q. : Pendant votre détention au commissariat, avez-vous subi des

19 violences physiques ?

20 R. : Personnellement, oui, de même que d’autres.

21 Q. : Que vous a-t-on fait ?

22 R. : J’ai été battu. J’ai été interrogé au commissariat de police au

23 sujet d’un canon que j’aurais vu, mais que je n’ai jamais vu.

24 Q. : Qui vous a administré ces coups ?

25 R. : Zoran Obrenovic. C’était l’un de ceux qui frappaient le plus parmi

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1 ces hommes, dont les autres s’appelaient Viskovic, Garic et Vukavic

2 (?).

3 Q. : Ces hommes que vous venez de nommer, qui étaient-ils ? Etaient-ce

4 ceux qui frappaient les autres ou les victimes des coups ?

5 R. : C’étaient les hommes qui frappaient d’autres personnes.

6 Q. : A votre connaissance, quelle était leur appartenance ethnique ?

7 R. : Ils étaient de nationalité serbe.

8 Q. : Quel type d’uniforme portaient-ils ?

9 R. : Obrenovic, Garic et Viskovic portaient des uniformes de camouflage.

10 Q. : Combien de fois y a-t-il eu des passages à tabac pendant votre

11 détention au commissariat de police ?

12 R. : Parfois deux, parfois une fois, et il y avait des jours de chance,

13 sans passage à tabac.

14 Q. : Quelles blessures avez-vous subi en raison de ces passages à tabac ?

15 R. : En raison de ces passages à tabac, j’ai eu cinq dents cassées et une

16 partie de ma jambe, et puis j’ai des marques de couteau sur les deux

17 bras.

18 Q. : Lorsqu’on vous a fait sortir du poste de police, où vous a-t-on

19 emmené ?

20 R. : J’ai été transféré, le 2 juin, à la prison municipale de Vlasenica.

21 Q. : Combien de temps y avez-vous été détenu ?

22 R. : Jusqu’au 18 juin.

23 Q. : Comment vous y a-t-on transporté ?

24 R. : J’y ai été transporté à pied, on m’a emmené à la prison à pied.

25 Q. : Qui vous y a emmené ?

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1 R. : J’ai été emmené par Mijanic (?), le policier.

2 Q. : Avez-vous été maltraité pendant votre détention à la prison

3 municipale ?

4 R. : Oui.

5 Q. : De quelle nature étaient ces mauvais traitements ?

6 R. : Des passages à tabac, surtout, la soif et nous avions faim; nous

7 n’avions pas le droit de dormir. J’ai été obligé de piller des

8 propriétés musulmanes pour eux. Nous avions à accomplir les tâches

9 les plus sales, en ville, et nous devions enterrer les morts.

10 Q. : Vous dites que pendant votre détention à la prison, il vous a fallu

11 voler des propriétés musulmanes. Où se trouvaient ces propriétés ?

12 R. : Pour prendre les objets de valeur des maisons musulmanes et nous

13 devions les mettre dans un grand entrepôt qui se trouvait près de la

14 prison municipale.

15 Q. : Lorsque l’on vous emmenait piller ces maisons, qui vous emmenait ?

16 R. : La plupart du temps, ils venaient en uniformes de camouflage.

17 C’étaient des jeunes gens, tous de Vlasenica.

18 Q. : Portaient-ils un insigne ou un emblème sur leur uniforme ?

19 R. : Ni insigne ni emblème.

20 Q. : Vous dites que vous connaissiez la majorité d’entre eux ?

21 R. : Oui.

22 R. : Quelle était leur appartenance ethnique ?

23 R. : De nationalité serbe.

24 Q. : Vous avez aussi indiqué qu’à un certain moment, il vous a fallu

25 enterrer des morts ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Où cela a-t-il eu lieu ?

3 R. : Au lotissement des pièces (sic), à quelques trois kilomètres de

4 Vlasenica.

5 Q. : Qui vous a emmené accomplir ces tâches ?

6 R. : J’ai été emmené par Ljubisa Vukotic, Zoran Obrenovic et Sladjan

7 Pajic.

8 Q. : Comment vous y a-t-on transporté ?

9 R. : J’y ai été emmené en tracteur.

10 Q. : Ce village de Drum, à présent, à votre connaissance, quelle en était

11 la composition ethnique ?

12 R. : Il n’y avait que deux maisons serbes; toutes les autres maisons

13 étaient musulmanes.

14 Q. : Combien de corps avez-vous dû enterrer ce jour-là ?

15 R. : Vingt-deux.

16 Q. : Quel type de vêtements portaient ces corps ?

17 R. : Des vêtements civils.

18 Q. : De quel sexe étaient ces personnes ?

19 R. : ---

20 Q. : Excusez-moi, de quel sexe étaient ces personnes ?

21 R. : C’étaient des hommes; tous des hommes.

22 Q. : A quelle tranche d’âge appartenaient-ils ?

23 R. : Entre 18 et 65 ans.

24 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces hommes ?

25 R. : J’en connaissais quatre.

Page 900

1 Q. : Avez-vous vu des plaies ou des blessures sur leurs corps ?

2 R. : Hodic avait reçu des balles dans toute la poitrine, tous les autres

3 avaient reçu une balle dans le front ?

4 Q. : Dans le front, vous voulez dire dans la partie antérieure du corps ?

5 R. : Dans la tête, au-dessus des yeux.

6 Q. : Comment les avez-vous enterrés, de quoi vous êtes-vous servi ?

7 R. : Un trou avait déjà été creusé par une machine de l’entreprise, nous

8 n’avons eu qu’à les mettre dans le trou, leur enlever les objets de

9 valeur qu’ils avaient dans les poches, après quoi la machine a tout

10 mis sur eux.

11 Q. : Combien d’hommes, en dehors de vous, avaient été choisis pour

12 accomplir cette tâche ?

13 R. : Trois autres hommes.

14 Q. : Les connaissiez-vous tous les trois ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Quelle était leur appartenance ethnique ?

17 R. : Ils étaient musulmans.

18 Q. : Avez-vous dû accomplir d’autres tâches pendant votre détention à la

19 prison municipale ?

20 R. : Oui. Nous avons dû creuser des tranchées sur les lignes de front

21 entre Vlasenica et Kladanj.

22 Q. : Comment y avez-vous été emmené, pour accomplir cette tâche ?

23 R. : En camion, en camion militaire.

24 Q. : Avez-vous reconnu ce camion comme étant du même type que les

25 véhicules de la JNA ?

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1 R. : C’était un TAM 110.

2 Q. : Qui vous a emmené creuser ces tranchées, ces sillons sur les lignes

3 de front ?

4 R. : Des hommes en uniforme, en uniforme SMB, gris, gris-olive.

5 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces hommes ?

6 R. : Seulement deux d’entre eux.

7 Q. : Et ceux que vous connaissiez, d’où étaient-ils originaires ?

8 R. : Ils étaient originaires du village de Misari, un village serbe.

9 Q. : Quelle était leur appartenance ethnique ?

10 R. : Ils étaient serbes.

11 Q. : Combien de temps êtes-vous resté sur les lignes de front, à creuser

12 ces tranchées ?

13 R. : Nous y allions deux fois par jour; le matin, et nous y retournions

14 le soir.

15 Q. : Y avait-il des combats dans cette région pendant que vous creusiez

16 ces tranchées ?

17 R. : Non.

18 Q. : Je crois que vous avez indiqué avoir été détenu à la prison jusqu’au

19 18 juin ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Où vous a-t-on emmené à cette date ?

22 R. : Le 18 juin, j’ai été transféré au camp de Susica.

23 Q. : Comment vous y a-t-on emmené ?

24 R. : Dans un camion qui appartenait à Dragan Bastah.

25 Q. : Etait-ce un véhicule civil ?

Page 902

1 R. : Oui.

2 Q. : Y avez-vous été emmené seul ou d’autres personnes ont-elles été

3 transférées avec vous ?

4 R. : Un groupe de la prison et un groupe du commissariat de police.

5 Q. : Aviez-vous une escorte lorsqu’on vous a emmenés à Susica ?

6 R. : Nous étions en prison. Il y avait une bâche et les gens qui nous

7 escortaient étaient derrière.

8 Q. : Comment étaient vêtus ces hommes ?

9 R. : En uniforme de la police.

10 Q. : Excusez-moi ?

11 R. : En uniforme de la police.

12 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces hommes ?

13 R. : Parmi les hommes qui nous accompagnaient, il y avait des policiers

14 dans une voiture de police et les gens qui étaient avec nous

15 portaient des vêtements civils.

16 Q. : Où se trouve Susica, où on vous a emmenés ?

17 R. : Susica est sur la grande route de Sarajevo à Belgrade, qui passe

18 dans la région de Romanie, dans la direction de Han Pijesak.

19 Q. : Donc, cela se trouve dans la région de Han Pijesak ?

20 R. : Non, cela se trouve dans la région de la municipalité de Vlasenica.

21 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu au camp de Susica ?

22 R. : Jusqu’au 30 juin.

23 Q. : Alors que vous étiez au camp de Susica, avez-vous vu des gardes

24 autour du camp ?

25 R. : Oui.

Page 903

1 Q. : Comment étaient vêtus ces gardes ?

2 R. : Ils étaient en uniforme, l’uniforme standard de la JNA, et portaient

3 les armes standard, les armes normales de la JNA.

4 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque de ces gardes ?

5 R. : La plupart d’entre eux.

6 Q. : D’où étaient-ils originaires ?

7 R. : Ils étaient originaires de Vlasenica et des villages environnants.

8 Q. : A votre connaissance, quelle était leur appartenance ethnique ?

9 R. : Ils étaient serbes.

10 Q. : Pendant votre détention à Susica, y avait-il d’autres détenus avec

11 vous ?

12 R. : Oui, 550 personnes.

13 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque des autres détenus ?

14 R. : Les gens qui venaient de la municipalité de Vlasenica.

15 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ceux que vous connaissiez ?

16 R. : Musulmane.

17 Q. : Pendant votre détention à Susica, avez-vous appris qui était

18 responsable du camp ?

19 R. : Le commandant était Dragan Nikolic, surnommé Jenki.

20 Q. : Comment l’avez-vous appris ?

21 R. : Il arrivait au camp, il disait qu’il était le commandant du camp,

22 dieu, la loi et que sans sa permission, personne ne pouvait sortir

23 du camp.

24 Q. : Comment était-il vêtu ?

25 R. : Il portait un uniforme de camouflage et un képi sur la tête avec une

Page 904

1 cocarde. Il avait deux grenades à la ceinture, un couteau, un

2 revolver, et il portait toujours un fusil automatique, de calibre

3 767.

4 Q. : Lorsque vous dites qu’il avait une cocarde, pourriez-vous nous

5 expliquer, pourriez-vous nous la décrire ?

6 R. : C’est le symbole des Tchetniks de la seconde guerre mondiale. Il se

7 compose d’une tête à deux aigles, une tête de mort avec des os

8 entrecroisés.

9 Q. : Pendant votre détention à Susica, quelles étaient les conditions de

10 vie dans le camp, quelle nourriture receviez-vous ?

11 R. : Nous recevions un repas par jour.

12 Q. : Combien de nourriture receviez-vous ?

13 R. : Juste assez pour survivre.

14 Q. : Quel genre de nourriture receviez-vous ?

15 R. : Du riz et du pain. Un morceau de pain, une tranche de pain, une

16 miche de pain pour douze personnes.

17 Q. : Quelles étaient vos conditions de vie, où dormiez-vous dans le camp

18 ?

19 R. : Nous dormions à même le béton, certains avaient une veste et se

20 couchaient sur leur veste. Nous ne pouvions ni nous laver ni prendre

21 un bain. Il n’y avait aucune hygiène personnelle, parce que les

22 conditions n’existaient pas, il n’y avait aucune possibilité de se

23 laver.

24 Q. : De quel sexe étaient les autres détenus du camp de Susica ?

25 R. : A part sept femmes, tous les autres étaient des hommes.

Page 905

1 Q. : A quelle tranche d’âge appartenaient les détenus de ce camp ?

2 R. : Entre 10 et 80 ans.

3 Q. : Pendant votre séjour au camp de Susica, avez-vous subi des violences

4 physiques ?

5 R. : Une fois, de la part de Dragan Nikolic.

6 Q. : Pendant votre séjour au camp de Susica, avez-vous vu d’autres

7 détenus subir des violences physiques ?

8 R. : Oui.

9 Q. : De la part de qui ?

10 R. : Principalement de la part de Dragan Nikolic, et par la suite,

11 Ljubisa Vukotic est venu, ainsi que Zoran Obrenovic, Sladjan Pajic,

12 Goran Pajic, et Goran Viskovic surnommé « Vjetar », le vent.

13 Q. : Tous ces hommes qui venaient au camp avaient-ils libre accès au camp

14 ?

15 R. : Nous (sic) étions toujours accompagnés de Nikolic.

16 Q. : Ces autres détenus que vous avez vu subir des violences, que leur a-

17 t-on fait sous vos yeux ?

18 R. : Certains étaient seulement battus, physiquement maltraités, frappés,

19 d’autres étaient blessés à coups de revolver, à coups de crosse de

20 fusil sur la tête ou à coups de couteau. Ils en ont tué quatre et

21 ils ont frappé deux hommes à mort.

22 Q. : Ces quatre hommes qui se sont fait tuer, avez-vous vu leurs corps

23 après leur mort ?

24 R. : Non.

25 Q. : Alors pourquoi dites-vous qu’ils ont tué quatre hommes ?

Page 906

1 R. : Parce que les gars qui étaient avec eux ont dû les enterrer le

2 matin, et moi-même, j’ai été réveillé, ce soir-là, par Zoran

3 Obrenovic et Sladanj Pajic. Ils ont fait sortir trois hommes, Dzevad

4 Saric, Muso Zekic et Muharem Kolerovic. J’ai été amené jusqu’à la

5 porte, puis Ljuban Kuduric m’a ramené et il a fait sortir un

6 quatrième homme à ma place. Nous avons entendu le fusil, un coup,

7 puis plus rien. Le matin, les frères Ferhatovic sont allés les

8 enterrer et à leur retour, ils nous ont dit qu’ils avaient enterré

9 ces quatre hommes.

10 Q. : Si vous la connaissez, quelle était l’appartenance ethnique de ces

11 quatre hommes ?

12 R. : Ils étaient musulmans.

13 Q. : Pendant votre séjour au camp de Susica, des visiteurs officiels

14 sont-ils venus au camp ?

15 R. : Oui, deux fois.

16 Q. : Avez-vous appris qui étaient ces visiteurs officiels ?

17 R. : L’un portait l’insigne de Major, Major de la JNA, et il nous a dit

18 que nous allions être échangés. Un jour, Nikolic nous a fait sortir,

19 ramasser tous les papiers et tout nettoyer, parce que le commandant

20 venait, le roi.

21 Q. : Après qu’il a dit cela, pouvez-vous nous décrire la personne qui est

22 arrivée au camp ?

23 R. : Un homme est arrivé, dans un véhicule civil, de marque Golf, il

24 portait l’insigne de lieutenant, un uniforme de camouflage et était

25 protégé de près.

Page 907

1 Q. : Avez-vous appris son nom ?

2 R. : Nous avons su qu’il s’appelait Kraljevic.

3 Q. : Dragan Nikolic vous a-t-il dit quelles étaient les fonctions de cet

4 homme et d’où il était originaire ?

5 R. : Non, non, il ne nous a pas dit d’où il était originaire, mais

6 pendant que nous nettoyions l’endroit, il a dit : « oui, Kraljevic

7 arrive, le commandant arrive ».

8 Q. : Que s’est-il passé lorsque ce lieutenant est arrivé au camp ?

9 R. : Rien. Il est arrivé. Ils se sont assis dans le bâtiment normalement

10 réservé aux gardiens et puis, il est parti.

11 Q. : Vous avez dit, à un certain moment, qu’un Major de la JNA était venu

12 au camp discuter d’un échange. Vous rappelez-vous la date de cette

13 visite ?

14 R. : Il est venu le 24 ou le 25 juin 1992, je crois.

15 Q. : Avez-vous été échangé, ce jour-là ?

16 R. : Non, des personnes ont été transportées le 27.

17 Q. : Avez-vous, vous même, été emmené dans un autre camp, après le camp

18 de Susica ?

19 R. : Le 13 juin, j’ai été transféré au camp de Batkovic.

20 Q. : Où se trouve ce camp ?

21 R. : Batkovic se trouve à quelques 12 km de Bijelina, dans la direction

22 de la rivière Sava.

23 Q. : Comment avez-vous été emmené au camp de Batkovic ?

24 R. : Nous y avons été transférés en bus, sous bonne escorte.

25 Q. : De quel type de bus s’agissait-il, militaire ou civil ?

Page 908

1 R. : Un bus civil.

2 Q. : Ces gardes qui vous ont escortés à bord du bus, étaient-ce des

3 gardes du camp de Susica ?

4 R. : Non, ils étaient venus spécialement pour nous accompagner.

5 Q. : Les aviez-vous déjà vus ?

6 R. : Un seul d’entre eux : Shakovic.

7 Q. : Où aviez-vous vu Shakovic ?

8 R. : A Shakovici.

9 Q. : Où cela se trouve-t-il ?

10 R. : A quelques 20 km de Vlasenica, dans la direction de Kalesija, c’est-

11 à-dire de Tuzla.

12 Q. : Shakovici est donc un village ?

13 R. : Non, c’est une bourgade, qui était le centre de l’opstina de

14 Shakovici.

15 Q. : A votre connaissance, quelle était l’appartenance ethnique du groupe

16 qui y habitait ?

17 R. : De nationalité serbe.

18 Q. : Ceux qui vous ont escortés jusqu’à Batkovic, comment étaient-ils

19 vêtus ?

20 R.: Ils portaient l’uniforme de la JNA et étaient armés. Ils portaient

21 les armes normales de la JNA et leurs véhicules portaient les

22 plaques de la JNA.

23 Q. : D’autres personnes ont-elles été emmenées avec vous au camp de

24 Batkovic ?

25 R. : Oui.

Page 909

1 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu au camp de Batkovic ?

2 R. : De juin 1992 au 21 juillet 1993.

3 Q. : Quel type d’uniforme portaient les gardes du camp de Batkovic ?

4 R. : L’uniforme SMB, à l’exception de l’un d’entre eux, que tout le monde

5 appelait Veljko.

6 Q. : Quelles étaient ses fonctions au camp ?

7 R. : Il y venait tous les jours, ouvrait les portes, ordonnait aux hommes

8 de sortir. Il autorisait certains à aller travailler. Il était là à

9 l’arrivée des nouveaux détenus.

10 Q. : Pendant le temps que vous avez passé à Batkovic, d’autres détenus

11 s’y trouvaient-ils également ?

12 R. : Lorsque je suis arrivé au camp de Batkovic, il y avait tous les gens

13 qui étaient, tous ceux qui avaient quitté Vlasenica avant.

14 Q. : Pendant votre séjour à Batkovic, avez-vous personnellement été

15 maltraité ?

16 R. : Les mauvais traitements ont commencé dès notre arrivée.

17 Q. : Que s’est-il passé au moment de votre arrivée ?

18 R. : A notre arrivée, ils nous ont fait traverser une haie de gardes.

19 Chacun d’entre nous a dû la traverser. Ils nous frappaient jusqu’à

20 la porte, puis faisaient l’appel et un par un, nous devions nous

21 rendre dans le coin du hangar. Ensuite, ils ont refait l’appel, en

22 s’aidant d’une liste, nous devions retraverser la haie de gardes et

23 nous aligner le long du mur.

24 Q. : Ces hommes qui formaient la haie que vous deviez traverser au pas de

25 course, ces hommes qui vous frappaient, comment étaient-ils vêtus ?

Page 910

1 R. : Ils portaient l’uniforme SMB de camouflage. Ils étaient vêtus

2 différemment, mais aucun ne portait des vêtements civils.

3 Q. : Avez-vous appris, plus tard, l’identité de l’un quelconque de ces

4 hommes ?

5 R. : Non.

6 Q. : Travaillaient-ils au camp ?

7 R. : Certains d’entre eux y restaient en qualité de gardes, de

8 sentinelles du camp, ils portaient un uniforme SMB.

9 Q. : Vous avez indiqué que les mauvais traitements subis pendant votre

10 détention à Batkovic ont commencé dès votre arrivée. Ces mauvais

11 traitements ont-ils continué par la suite ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Pendant le temps que vous y avez passé, avez-vous jamais vu d’autres

14 détenus subir des violences physiques ?

15 R. : Oui, régulièrement.

16 Q. : Que leur a-t-on fait sous vos yeux ?

17 R. : Ils étaient frappés jusqu’à perdre conscience, et l’un d’entre eux a

18 été battu à mort.

19 Q. : Qui portait ces coups ?

20 R. : Damorvic a été battu par tous les gardes présents.

21 Q. : Et qui a frappé les autres hommes qui ont été battus ?

22 R. : Ils l’ont tous fait, ils prenaient tous plaisir à cela.

23 Q. : Pendant votre séjour à Batkovic, avez-vous jamais été obligé

24 d’accomplir des tâches hors du camp ?

25 R. : Nous sommes sortis du camp pour aller aux villages de Kora et

Page 911

1 Oglena, où nous avons coupé des arbres et creusé des tranchées sur

2 les lignes de front. Nous avons tout fait, depuis des travaux

3 agricoles, depuis de l’agriculture et toutes sortes d’autres choses.

4 Q. : Lorsque l’on vous emmenait sur les lignes de front pour creuser ces

5 tranchées, comment vous y transportait-on ?

6 R. : Nous y étions transportés en camion.

7 Q. : Des camions de quel type ?

8 R. : Des camions Deitz envoyés par la JNA.

9 Q. : Que veut dire Deitz ?

10 R. : Le Deitz est un camion construit par une entreprise de Maribor.

11 Q. : Etiez-vous escortés lorsque l’on vous emmenait sur les lignes de

12 front ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Qui vous escortait ?

15 R. : Des gardes armés, en général.

16 Q. : Comment étaient-ils vêtus ?

17 R. : En uniforme SMB.

18 Q. : Ces tâches que vous accomplissiez sur les lignes de front, à votre

19 connaissance, l’une quelconque des personnes qui était avec vous a-

20 t-elle jamais été blessée ou tuée dans leur accomplissement ?

21 R. : Ahmed Basic, né dans le village de Dilitinja, Zvornik le 5 décembre

22 1992 et Ferhudin, de la municipalité de Kalesija, le même jour.

23 Q. : Comment ont-ils été blessés ou tués ?

24 R. : Un obus est tombé, Ferhudin a été blessé en six endroits et Basic

25 est mort à l’hôpital. Il avait été atteint à l’estomac.

Page 912

1 Q. : Vous avez indiqué que vous avez quitté Batkovic en juillet 1993.

2 Comment avez-vous été autorisé à partir, ce jour-là ?

3 R. : Le Comité international de la Croix rouge.

4 Q. : Vous avez donc été échangé ?

5 R. : Oui.

6 Q. : M. Osmanovic, avant l’entrée des soldats et la prise de Vlasenica,

7 étiez-vous membre d’une quelconque force armée musulmane ou d’une

8 résistance organisée ?

9 R. : Non.

10 Q. : Avez-vous résisté à la prise de votre ville ?

11 R. : Non.

12 Q. : Aviez-vous une arme quelconque à restituer lors de la prise de votre

13 ville ?

14 R. : Non.

15 Q. : Après le 22 avril et avant votre arrestation, êtes-vous devenu

16 membre d’une force armée musulmane ou d’une unité de résistance

17 armée ?

18 R. : Non.

19 Q. : Pendant la prise de Vlasenica, en avril, avez-vous vu des signes

20 quelconques de résistance armée à cette prise de la ville ?

21 R. : Non.

22 MAITRE HOLLIS : Je n’ai pas d’autre question.

23 LE PRESIDENT : Contre-interrogatoire ?

24 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

25 JUGE STEPHEN : Vous avez fait référence, notamment à Batkovic, à des

Page 913

1 hommes portant l’uniforme SMB. Certains d’entre eux portaient-ils

2 parfois un chapeau ou un képi ?

3 R. : Hormis ceux qui nous ont escortés depuis Vlasenica, qui portaient

4 l’uniforme de camouflage, avec un chapeau blanc à larges bords, tous

5 les autres étaient tête nue.

6 Q. : Portaient-ils, sur leur uniforme, sur l’uniforme SMB, un emblème de

7 quelque sorte que ce soit, des emblèmes ou des signes distinctifs ?

8 R. : Pas au début, sauf quelques individus qui portaient un badge ou une

9 cocarde, mais ce n’étaient que quelques individus, la plupart

10 portaient simplement l’uniforme de la JNA.

11 JUGE STEPHEN : Merci.

12 JUGE VORAH : M. Osmanovic, vous avez dit que vous aviez été contraint de

13 piller des propriétés musulmanes. Ces pillages ont-ils concerné une

14 ou deux propriétés musulmanes, ou plusieurs ?

15 R. : Plusieurs maisons musulmanes.

16 JUGE VORAH : Merci.

17 LE PRESIDENT : M. Osmanovic, combien de personnes, approximativement, ont

18 été détenues au camp de Batkovic ?

19 R. : Nous avons été près de 3.000 au camp de Batkovic. Les gens

20 arrivaient, puis partaient et étaient remplacés par de nouveaux

21 détenus. Le premier groupe arrivé à Batkovic venait de Kalesija, le

22 second de Vlasenica, le troisième de Koraj, le quatrième de Zvornik,

23 le cinquième de Zavicia, le sixième d’Ugljevik, le septième de

24 Brcko, le huitième de Brezovo Polje, le neuvième de Telnova, le

25 dixième de Bosanski Samac, Sanski Most et Mijacia.

Page 914

1 Q. : Toutes ces villes que vous venez de citer se trouvent-elles en

2 Bosnie-Herzégovine ?

3 R. : Oui.

4 Q. : A quels groupes ethniques appartenaient ces personnes, ces détenus ?

5 R. : Les premiers groupes d’arrivants étaient musulmans, ils ont été

6 suivis par des Croates qui nous ont rejoints également.

7 Q. : Dans ce camp de Susica, vous avez dit que vous étiez 550 détenus ?

8 R. : Oui.

9 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient-ils ?

10 R. : Musulman.

11 Q. : Exclusivement des Musulmans ?

12 R. : Uniquement des Musulmans.

13 LE PRESIDENT : Maître Hollis, avez-vous de nouvelles questions,

14 consécutives aux miennes ?

15 MAITRE HOLLIS : Non, Madame le Président.

16 LE PRESIDENT : D’autres questions, Maître Wladimiroff ?

17 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

18 LE PRESIDENT : Très bien. Y a-t-il une objection à ce que M. Osmanovic

19 puisse disposer de façon définitive ?

20 MAITRE WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

21 LE PRESIDENT : M. Osmanovic, vous pouvez vous retirer définitivement.

22 Merci d’être venu. Nous aimerions rester quelques instants avec les

23 conseils, afin de discuter d’une question qui a été soulevée hier,

24 si je ne m’abuse.

25 (Départ du témoin)

Page 915

1 Cette question portait sur la possibilité d’une rencontre entre les

2 conseils, en vue de discuter des voies et moyens d’accélérer

3 éventuellement le procès, sans faire aucunement obstacle au désir

4 des uns et des autres de présenter leurs arguments aussi

5 complètement qu’ils le souhaitent. Où en sommes-nous sur ce point ?

6 Maître Wladimiroff, je crois me rappeler vous entendre me dire que

7 votre équipe ne serait pas au complet jeudi, vendredi, samedi et

8 dimanche. Vous vous posiez également des questions quant à votre

9 volonté de participer à une réunion de ce genre. Je suppose que

10 c’est donc à vous que je vais donner la parole en premier.

11 MAITRE WLADIMIROFF : Nous n’y avons pas longuement réfléchi, jusqu’à

12 présent. Je pense que Maître Orie et moi-même allons contacter le

13 Bureau du Procureur, afin de voir si nous pouvons nous rencontrer

14 vendredi et simplement entendre ce que l’accusation a à dire. Je

15 pense que c’est ainsi que nous allons procéder.

16 LE PRESIDENT : Merci. Maître Niemann, avez-vous quoi que ce soit à

17 ajouter, dans l’immédiat ?

18 MAITRE NIEMANN : Non, Madame le Président.

19 LE PRESIDENT : Je suppose que vous allez donc vous entendre avec Maître

20 Wladimiroff et Maître Orie sur les problèmes de temps, et voir ce

21 qui peut être fait eu égard aux moyens de preuve présentés.

22 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président, nous contacterons la Défense.

23 LE PRESIDENT : D’accord, très bien. L’audience est suspendue jusqu’à

24 lundi, 10 h.

25 (Suspension d’audience jusqu’au lundi 20 mai 1996)