Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire: IT-94-1-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 20 mai 1996

4 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE: Bonjour. Maître Niemann vous souhaitez une

5 audience à huis clos cet après-midi, n’est-ce pas?

6 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président. Cela nous permettrait sans

7 doute de débattre plus librement ; nous pourrions ainsi parler,

8 notamment, de la durée du procès et de nos idées sur ce point. Mais

9 ce n’est qu’une proposition, sur laquelle il appartient à la Chambre

10 de se prononcer.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Wladimiroff est absent. Je crois

12 savoir qu’il sera parmi nous cet après-midi, n’est-ce pas, Maître

13 Orie?

14 MAITRE ORIE : Oui, Madame le Président.

15 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pouvons-nous, dans ce cas, nous réunir à

16 14h30 ? Avant la session de l’après-midi, pourrions-nous nous réunir

17 à huis clos ?

18 MAITRE ORIE : Je pense que cela ne posera aucun problème, il doit

19 normalement arriver à 14h30.

20 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien ; dans ce cas, nous siégerons à huis

21 clos, en préalable à nos débats de cet après-midi. M. Niemann,

22 veuillez appeler votre prochain témoin. Maître Hollis ?

23 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, nous appelons M. Pasic. Madame le

24 Président, nous demandons à voir la pièce à conviction N° 73 de

25 l’accusation .

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1 M. ELVIR PASIC est appelé à la barre.

2 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Pasic, vous m’entendez ? Veuillez prêter

3 serment. Vous m’entendez ?

4 LE TEMOIN : Oui, je vous entends.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous vous appelez T-0-P-I-C ?

6 MAITRE HOLLIS : Non, Madame le Président, il s’appelle Pasic, P-A-S-I-C.

7 LE TEMOIN [traduction] : Je déclare solennellement que je dirai la vérité,

8 toute la vérité et rien que la vérité.

9 (le témoin a prêté serment)

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Veuillez vous asseoir, Monsieur ; merci.

11 (Interrogatoire mené par MAITRE HOLLIS)

12 Q. : Veuillez décliner vos nom et prénom, je vous prie.

13 R. : Je m’appelle Elvir Pasic.

14 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

15 R. : Je suis né le 7 octobre 1967.

16 Q. : Quelle est votre appartenance ethnique ?

17 R. : Je suis Musulman de Bosnie.

18 Q. : Où êtes-vous né, je vous prie ?

19 R. : Je suis né à Rogatica

20 Q. : En Bosnie-Herzégovine?

21 R. : Oui, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine.

22 Q. : Madame le Président, nous pourrions peut-être, avec l’aide de Mlle

23 Sutherland, utiliser la pièce à conviction de l’accusation n° 73.

24 Pouvez-vous nous montrer où se trouve Rogatica ?

25 R. : Ici.

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1 Q. : Peut-être pourrait-on agrandir l’image à l’écran, au bénéfice des

2 juges. M. Pasic, êtes-vous né dans la ville de Rogatica ou dans un

3 village faisant partie de l’opstina de Rogatica ?

4 R. : Je suis né dans la ville de Rogatica.

5 Q. : Qui se trouve à quelle distance de Sarajevo ?

6 R. : Rogatica se trouve à 66 kilomètres de Sarajevo.

7 Q. : Combien de temps y avez-vous vécu ?

8 R. : Longtemps ; 25 ans.

9 Q. : Jusqu’à quelle année ?

10 R. : Jusqu’à la mi-92.

11 Q. : Connaissez-vous la composition ethnique de cette région ?

12 R. : L’opstina de Rogatica compte 66% de Musulmans et 33% de Serbes.

13 Q. : Quelle était la composition ethnique de la population résidant dans

14 la ville à proprement parler ?

15 R. : La ville de Rogatica comptait 63% de Musulmans et 35% de Serbes.

16 Q. : A votre connaissance, quelles étaient les infrastructures de la JNA

17 les plus proches de Rogatica ?

18 R. : La garnison de la JNA la plus proche était cantonnée à Han Pijesak.

19 Q. : Pouvez-vous nous la situer sur la carte ?

20 R. : (le témoin indique l’emplacement sur la carte)

21 Q. : Merci.

22 JUGE VOHRAH : Avant de poursuivre, à quoi correspond Zepa? A toute la

23 région ? Vous parlez de l’opstina de Rogatica...

24 MAITRE HOLLIS : Oui, M. le juge.

25 JUGE VOHRAH : Où se trouve-t-elle ?

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1 MAITRE HOLLIS : C’est l’opstina qui correspondant à la partie de la carte

2 sur laquelle s’étend le mot "Rogatica".

3 JUGE VOHRAH : Oui.

4 MAITRE HOLLIS : Zepa fait partie de cette opstina.

5 JUGE VOHRAH : Merci.

6 MAITRE HOLLIS : Oui, M. le Juge. (A l’intention du témoin) : M. Pasic,

7 avez-vous fait votre service militaire au sein de la JNA ?

8 R. : Oui, en effet.

9 Q. : A quel moment ?

10 R. : En 1986 et 1987.

11 Q. : Où avez-vous fait votre service militaire ?

12 R. : A Kraljevo, en Serbie.

13 Q. : Quelles étaient vos fonctions au sein de la JNA ?

14 R. : J’ai été affecté à la police militaire chargée de la circulation.

15 Q. : Pendant votre service militaire au sein de la JNA, vous êtes-vous

16 familiarisé avec les uniformes, les rangs, les armes, les

17 équipements et les insignes de la JNA ?

18 R. : Oui

19 Q. : Pouvez-vous nous dire si les membres de la police militaire se

20 distinguaient des soldats de la JNA par certains détails des

21 uniformes ou par certains insignes ?

22 R. : Les membres de la police militaire portaient un ceinturon blanc ; ils

23 avaient... ils portaient une bande de tissu blanc sur la manche et

24 la matraque nécessaire à l’exercice de leurs fonctions.

25 Q. : La matraque leur servait à remplir leurs fonctions de policiers de la

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1 circulation ?

2 R. : Oui, oui.

3 Q. : Les membres de la police militaire portaient-ils un emblème ou un

4 insigne sur leurs uniformes ?

5 R. : Nous portions l’emblème de la police militaire chargée de la

6 circulation ainsi que celui de la caserne où nous étions cantonnés.

7 Q. : Cette bande de tissu blanc sur la manche était-elle une sorte de

8 bandeau que vous enfiliez par-dessus la manche de l’uniforme ?

9 R. : Oui ; nous le portions par-dessus la manche de l’uniforme, surtout

10 lorsque nous étions en patrouille ou que nous escortions un convoi

11 militaire.

12 Q. : Quel aspect avait cet uniforme de la JNA que vous portiez ? Quelle en

13 était la couleur ?

14 R. : C’était un uniforme gris, vert olive.

15 Q. : Est-ce l’uniforme de la JNA que l’on appelle parfois uniforme SMB ?

16 R. : Oui, c’est cela.

17 Q. : M. Pasic, après votre service actif, êtes-vous retourné à Rogatica ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Après votre service actif au sein de la JNA, avez-vous été versé dans

20 la réserve ?

21 R. : Oui, j’ai été versé dans la police de réserve.

22 Q. : Quelles étaient vos fonctions en tant que réserviste de la police ?

23 R. : J’étais réserviste dans la police militaire. Simple soldat de la

24 patrouille.

25 Q. : Vos fonctions de réserviste vous occupaient combien de temps, chaque

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1 année ?

2 R. : En gros, je leur consacrais un ou deux jours, une ou deux fois par

3 an.

4 Q. : Où étiez-vous posté en tant que policier de réserve ?

5 R. : Dans la ville de Rogatica.

6 Q. : Quel type d’uniforme portiez-vous lorsque vous étiez de service ?

7 R. : Je portais un uniforme gris, identique à celui de l’armée, mais gris.

8 Il était très semblable à l’uniforme classique de la police

9 régulière.

10 Q. : De quelle couleur était l’uniforme de la police régulière ?

11 R. : Il était bleu clair ou gris.

12 Q. : En tant que policier de réserve, étiez-vous armé ?

13 R. : Au début, non, je n’étais pas armé.

14 Q. : Et la police régulière, était-elle armée ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Quel type d’arme portaient les hommes de la police régulière ?

17 R. : Ils avaient des fusils.

18 Q. : Avaient-ils des armes automatiques ?

19 R. : Pas au début.

20 JUGE STEPHEN : Puis-je poser une question ? Est-ce que ce que vous venez

21 de dire dans votre déposition signifie que les réservistes de la

22 police militaire portaient un autre uniforme que les hommes de la

23 police militaire ? Vous nous avez décrit l’uniforme de la police

24 militaire régulière, je crois.

25 LE TEMOIN : Ces uniformes ne se distinguaient que par leur couleur.

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1 JUGE STEPHEN : Bien, merci.

2 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, puis-je poursuivre sur ce sujet ? (A

3 l’intention du témoin) : M.Pasic, vous avez servi au sein de la JNA

4 en tant que membre de la police militaire d’active avant d’être

5 versé dans les forces de la police de réserve. En tant que

6 réserviste de la police, étiez-vous rattaché à la JNA ou au

7 département de la police ?

8 R. : J’étais rattaché aux forces de police.

9 Q. : À votre connaissance, les soldats de la JNA occupant d’autres

10 fonctions, dans l’artillerie ou l’infanterie par exemple,

11 remplissaient-ils leurs tâches de réservistes au sein de la JNA ?

12 R. : Oui, en effet.

13 Q. : En tant que réserviste, avez-vous reçu un entraînement, vous a-t-on

14 dispensé une forme quelconque d’entraînement, en dehors des

15 patrouilles ?

16 R. : Nous avons bénéficié d’un entraînement supplémentaire qui se limitait

17 en général à des cours théoriques suivis, le lendemain, de quelques

18 exercices pratiques.

19 Q. : Avez-vous jamais suivi cet entraînement à Han Pijesak ?

20 R. : Non, jamais.

21 Q. : Certains de vos amis ont-ils reçu quelque forme d’entraînement que ce

22 soit à Han Pijesak ?

23 R. : Oui, la plupart d’entre eux.

24 Q. : Ils étaient réservistes de la JNA ?

25 R. : Oui

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1 Q. : Quelles étaient leurs fonctions dans l’armée, quels étaient leurs

2 domaines de spécialisation ?

3 R. : Ils étaient dans l’artillerie, les transmissions, la conduite de

4 véhicules mécanisés et l’infanterie.

5 Q. : En tant que réserviste, vous a-t-on réquisitionné, en septembre 1991,

6 en tant que policier à plein temps à Rogatica ?

7 R. : Oui, en effet, j’ai été réquisitionné à cette fin.

8 Q. : Combien de temps avez-vous occupé les fonctions de policier à plein

9 temps, après cette réquisition ?

10 R. : De septembre 1991 à la fin mars 1992.

11 Q. : Vous a-t-on remis une arme lorsque vous êtes devenu policier à plein

12 temps ?

13 R. : Oui, oui, j’ai reçu une arme.

14 Q. : Quel type d’arme avez-vous reçue ?

15 R. : Un fusil automatique et 150 balles spécialement adaptées à cette

16 arme.

17 Q. : Donc, en 1991, la police était équipée d’armes automatiques ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Où avez-vous occupé ce poste à plein temps ?

20 R. : Dans la ville de Rogatica avant tout.

21 Q. : A partir du moment où vous êtes devenu officier de police, quel

22 uniforme avez-vous porté ?

23 R. : Le même uniforme que lorsque j’étais policier de réserve.

24 Q. : Quelles ont été vos fonctions après votre réquisition ?

25 R. : Mes fonctions étaient exactement les mêmes que celles d’un policier

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1 normal, je patrouillais en ville, je contrôlais la circulation, s’il

2 y avait des criminels, je devais les escorter jusqu’au poste de

3 police, etc.

4 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE: Excusez-moi, Maître Hollis. Si j’ai bien

5 compris, le témoin a déclaré qu’il portait un uniforme gris.

6 MAITRE HOLLIS : Oui.

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Pasic, portiez-vous un uniforme gris en

8 tant que réserviste de la police militaire ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Puis, en septembre 1991, vous avez été versé dans la police régulière

11 et vous avez continué à porter l’uniforme gris, c’est bien cela ?

12 R. : Oui.

13 MAITRE HOLLIS : M. Pasic, je crois que vous avez indiqué que l’uniforme de

14 la police régulière était bleu, n’est-ce pas ?

15 R. : Oui, en effet.

16 Q. : Les deux uniformes se distinguaient-ils en d’autres points, en dehors

17 de la couleur ?

18 R. : Les hommes de la police régulière portaient une casquette, ceux de la

19 police de réserve un calot militaire ; les hommes de la police

20 régulière portaient un insigne indiquant leur rang, les réservistes

21 n’avaient rien pour indiquer leur rang, aucun insigne.

22 Q. : J’aimerais attirer votre attention sur la période comprise entre la

23 fin de 1991 et le début de 1992. Pendant cette période, avez-vous

24 remarqué des mouvements de troupe accrus de la JNA vers la région de

25 Rogatica ?

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1 R. : Oui, en effet.

2 Q. : Où avez-vous vu ces troupes ?

3 R. : Ces troupes se trouvaient principalement aux abords de la sortie de

4 la ville de Rogatica, elles se dirigeaient dans cette direction.

5 Q. : Quel uniforme portaient ces hommes ?

6 R. : L’uniforme militaire gris, vert-olive.

7 Q. : Etait-ce l’uniforme habituel de l’époque où vous étiez membre de la

8 JNA ?

9 R. : Oui, c’était l’uniforme de la JNA.

10 Q. : Au printemps 1992, avez-vous remarqué un accroissement du nombre des

11 équipements ou des armements entrant dans votre région ?

12 R. : Oui, au printemps 1992, on a vu de plus en plus souvent des convois

13 militaires de la JNA traverser la ville et se rassembler dans notre

14 opstina ou dans celle de Visegrad ou de Pale.

15 Q. : Pourriez-vous, à l’aide de la carte, indiquer aux juges la direction

16 de Visegrad et de Pale ?

17 R. : Voici l’opstina de Visegrad.

18 Q. : La direction de Pale se trouve... par ici ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Merci beaucoup. Vous dites avoir remarqué un accroissement du nombre

21 des équipements. Quels équipements avez-vous vu entrer dans votre

22 région ou passer par votre région ?

23 R. : J’ai vu de l’artillerie, à savoir des canons, des chars, des

24 véhicules blindés et tous les soldats portaient des armes

25 d’infanterie.

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1 Q. : Avez-vous reconnu ces véhicules, ces équipements et ces armes comme

2 étant ceux de la JNA ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Je vous demanderai de continuer à vous concentrer sur le printemps

5 1992 ; avez-vous appris la création, à ce moment-là, de nouvelles

6 régions autonomes serbes dans les environs de Rogatica ?

7 R. : La région autonome serbe de Romanie a été créée au printemps 1992 ;

8 elle englobait la région de Pale, de Sokolac et de Han Pijesak ;

9 elle recouvrait aussi la région de Rogatica.

10 Q. : Avez-vous jamais entendu des déclarations publiques expliquant la

11 nécessité de créer cette région autonome serbe ?

12 R. : Selon les explications fournies au public, la population serbe de

13 cette région se sentait en danger, il fallait donc mettre en place

14 une région autonome pour la protéger.

15 Q. : Savez-vous quels étaient les auteurs de ces déclarations, selon

16 lesquelles les Serbes se sentaient menacés et avaient besoin de

17 protection ?

18 R. : Dans la ville de Rogatica, l’auteur de ces déclarations était Rajko

19 Kusic.

20 Q. : Qui était-ce ?

21 R. : Il dirigeait l’unité serbe qui avait été créée sur le territoire de

22 notre opstina.

23 Q. : A votre connaissance, existait-il, à ce moment-là, des groupes

24 menaçant les Serbes de la région de Rogatica ?

25 R. : Non, je n’ai remarqué aucun groupe menaçant les Serbes ou les mettant

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1 en danger.

2 Q. : Vous avez mentionné...

3 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Veuillez m’excuser, Maître Hollis, pourrais-

4 je poser une question ? M. Pasic, vous avez indiqué que M... je ne

5 sais pas comment prononcer son nom... dirigeait l’unité serbe.

6 Quelle était cette unité serbe ? De quelle unité s’agissait-il ?

7 MAITRE HOLLIS : J’allais y venir.

8 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous prie de m’excuser.

9 MAITRE HOLLIS (A l’intention du témoin) : M. Pasic, vous avez évoqué cette

10 unité serbe, dont M. Kusic était le chef dans la région. Où était-

11 elle basée ?

12 R. : Cette unité serbe avait sans doute été créée dans le village de

13 Gucevo, à 10 kilomètres de Rogatica ; elle avait son quartier

14 général dans le village de Borika, situé à 18 kilomètres de la ville

15 de Rogatica.

16 Q. : De quelle genre d’unité s’agissait-il ?

17 R. : C’était une unité d’infanterie de 500 hommes, entraînés au combat.

18 Q. : Comment avez-vous appris l’existence de cette unité d’infanterie ?

19 R. : A l’époque, en dehors de mes fonctions de policier de réserve, je

20 travaillais aussi dans un restaurant local, fréquenté par la

21 population locale, dont la plupart des clients étaient Serbes ; ils

22 m’ont raconté comment cette unité s’était constituée et m’ont dit

23 qu’ils en faisaient partie.

24 Q. : Dans les deux villes que vous avez mentionnées, Gucevo et Borika,

25 quels étaient les groupes ethniques présents dans ces deux villages

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1 ?

2 R. : Dans ces deux villages, la population était principalement serbe.

3 Q. : Cette unité d’infanterie était-elle armée ?

4 R. : Oui, elle était armée.

5 Q. : De quelles armes était-elle équipée ?

6 R. : D’armes automatiques légères.

7 Q. : Avez-vous vu ces armes ?

8 R. : Oui, je les ai vues. J’ai vu des hommes en uniforme et portant des

9 armes traverser la ville.

10 Q. : Avez-vous reconnu des armes du même type que celles utilisées par la

11 JNA ?

12 R. : Oui, ces armes étaient du même type que celles que nous utilisions

13 dans la JNA.

14 Q. : A votre connaissance, quand cette unité a-t-elle été créée ?

15 R. : Cette unité militaire a été créée au cours de l’été, non, pardon, du

16 printemps 1992.

17 Q. : Vous avez indiqué que cette unité serbe était stationnée à Gucevo et

18 avait son quartier général à Borika ; y avait-il des barrages sur

19 les routes menant à Gucevo ou Borika ?

20 R. : Au début, il y avait un barrage dans le village de Borika, à l’entrée

21 du village de Borika.

22 Q. : Y avait-il des barrages sur la route de Gucevo ?

23 R. : En mars 1992, des barrages ont été mis en place à l’entrée de la

24 plupart des villages serbes de l’opstina de Rogatica. Il y en avait

25 un aussi sur la route menant au village de Gucevo.

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1 Q. : Qui contrôlait ces barrages ?

2 R. : Les membres de l’unité serbe créée à Gucevo.

3 Q. : A votre connaissance, un groupe ethnique particulier avait-il des

4 difficultés à franchir ces barrages ?

5 R. : La population musulmane était contrôlée à ces barrages. Les Musulmans

6 avaient le plus de difficulté à franchir ces barrages.

7 Q. : Selon vous, les Serbes rencontraient-ils les même difficultés à ces

8 barrages ?

9 R. : Non, ils ne rencontraient aucune difficulté.

10 Q. : Revenons au printemps de 1992, avez-vous remarqué des distributions

11 d’armes aux habitants de votre région ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Qu’avez-vous remarqué ?

14 R. : J’ai remarqué des véhicules de la JNA qui arrivaient dans la région,

15 c’est-à-dire, dans les villages dont la population était serbe, ils

16 y restaient un moment, deux ou trois heures, puis quittaient le

17 village.

18 Q. : Y a-t-il eu des incidents dans ces villages après le départ de la JNA

19 ?

20 R. : Après le départ de la JNA, on y a entendu des tirs d’arme automatique

21 ou de revolver automatique, généralement durant la nuit.

22 Q. : Avez-vous remarqué d’autres incidents ?

23 R. : Oui. En tant que policier de réserve à Rogatica, j’étais chargé,

24 entre autres choses, de garder les barrages mis en place à la sortie

25 de la ville, je devais contrôler les permis de conduire, les papiers

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1 d’identité et les véhicules. Un jour, j’ai arrêté un véhicule

2 immatriculé à Kumanovo. Il y avait cinq hommes à bord ; quatre

3 étaient en uniforme et portaient des armes, le conducteur portait

4 des vêtements civils. Je les connaissais personnellement tous les

5 cinq.

6 J’ai demandé au conducteur de me montrer les papiers du véhicule. Il

7 ne les avait pas sur lui, j’ai donc voulu fouiller la voiture. Quand

8 le conducteur a ouvert, j’ai vu une cinquantaine de mitrailleuses,

9 des grenades et de nombreuses munitions destinées à ces armes. Je

10 lui ai demandé où il allait avec ces armes et il a répondu qu’il

11 allait les distribuer aux habitants du village de Borika. A ce

12 moment-là, je me suis dit qu’il valait mieux ne pas leur chercher

13 querelle et je les ai laissé passer.

14 Q. : Vous avez dit avoir vu des mitrailleuses et des grenades ; dans

15 quelle partie du véhicule se trouvaient ces armes ?

16 R. : Dans le coffre à bagages, à l’arrière de la voiture.

17 Q. : De quelle ville avez-vous dit que provenaient les plaques

18 minéralogiques du véhicule ?

19 R. : Les plaques minéralogiques provenaient de Kumanovo, en République de

20 Macédoine.

21 Q. : Vous avez dit que vous connaissiez tous les occupants de ce véhicule.

22 Qui étaient-ils ?

23 R. : L’un d’entre eux était Rajko Kusic. Je connais les autres par leur

24 surnom : Slavisa, Lube, Trisa et Miki.

25 Q. : Comment aviez-vous fait leur connaissance ?

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1 R. : Ils vivaient et travaillaient tous à Rogatica, nous nous rencontrions

2 souvent en ville. Ils fréquentaient le restaurant dans lequel je

3 travaillais.

4 Q. : Quels vêtements portaient les hommes qui étaient à bord de ce

5 véhicule, au barrage routier ?

6 R. : Ceux qui étaient en uniforme portaient un treillis de camouflage

7 gris, vert-olive et étaient équipés d’armes automatiques.

8 Q. : Portaient-ils un insigne, une bande de tissu ou tout autre signe

9 distinctif sur leur uniforme ?

10 R. : Ils portaient l’emblème de la Republika Srpska ou de la Bosnie-

11 Herzégovine.

12 Q. : Quel était cet emblème de la Republika Srpska ?

13 R. : Une sorte de cercle comportant, en son centre, le drapeau tricolore

14 serbe et sur le pourtour, l’inscription Armée de la République Serbe

15 de Bosnie-Herzégovine.

16 Q. : Vous souvenez-vous des couleurs de ce drapeau tricolore ?

17 R. : Bleu, blanc et rouge.

18 Q. : Vous avez indiqué que vous les aviez laissé partir parce que cela

19 vous avait semblé la meilleure solution. Pourquoi avoir pris une

20 telle décision ? Qu’est-ce qui vous inquiétait ?

21 R. : J’ai senti, à ce moment-là, que ma vie pouvait être en danger et que

22 je ne pourrais pas me défendre contre ce danger. C’est pourquoi j’ai

23 décidé de les laisser passer.

24 Q. : Avez-vous jamais vu des livraisons du même genre dans les régions

25 musulmanes de l’opstina Rogatica ?

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1 R. : Non, je n’ai pas vu les mêmes livraisons.

2 Q. : En septembre 1991, quand vous étiez déjà policier à plein temps,

3 comment était organisé le département de la police de Rogatica ? De

4 combien de divisions se composait la police ?

5 R. : Les forces de police de Rogatica regroupaient les simples policiers

6 et les hommes de la police judiciaire, les inspecteurs, ainsi que

7 les policiers d’active et de réserve réquisitionnés à ce moment-là.

8 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique du chef du département de la

9 police de Rogatica ?

10 R. : Il était Musulman.

11 Q. : Qui était directement sous ses ordres ?

12 R. : Mladen Vasiljevic, d’origine ethnique serbe.

13 Q. : Quel était son rang ?

14 R. : Il avait un poste de commandement dans la police. Il assignait aux

15 hommes les tâches à effectuer, et était parfois de service avec eux.

16 Q. : Avait-il un adjoint ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de son adjoint ?

19 R. : Il était Musulman.

20 Q. : Et les inspecteurs ? Quelle était leur appartenance ethnique ?

21 R. : A l’époque, il y avait trois inspecteurs au commissariat; deux

22 d’entre eux étaient Serbes, le troisième Musulman.

23 Q. : Et les policiers de base, chargés des tâches quotidiennes, quelle

24 était la composition ethnique du groupe qu’ils composaient ?

25 R. : Parmi eux, il y avait environ 60% de Musulmans et 40% de Serbes.

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1 Q. : Au printemps de 1992, le département de la police de Rogatica a-t-il

2 changé de structure, et si oui, en quoi a consisté ce changement ?

3 R. : Oui, au printemps de 1992, le commissariat de Rogatica s’est scindé

4 en deux.

5 Q. : De quelle façon ?

6 R. : Il s’est divisé, à savoir que tous les policiers serbes du

7 commissariat, qui voulaient créer un commissariat ou un poste de

8 police propre à la Republika Srpska ont pris le contrôle du poste.

9 Q. : Où se trouvaient ses locaux ?

10 R. : Dans le même immeuble que le poste de police régulier de la

11 République de Bosnie-Herzégovine.

12 Q. : Et comment s’est faite cette scission ?

13 R. : Ils ont littéralement scindé en deux l’immeuble du commissariat de

14 Rogatica.

15 Q. : Comment cela, en construisant un mur ?

16 R. : Oui, c’est cela, un mur a été construit au milieu de l’immeuble, en

17 travers du couloir, de manière à le diviser en deux parties.

18 Q. : Après cette scission, certains Serbes ont-ils gardé leur place dans

19 l’unité de police régulière de Rogatica ?

20 R. : Non.

21 Q. : Je crois que vous nous l’avez déjà dit, mais pourriez-vous nous

22 rappeler le nom par lequel les forces de police serbes se sont

23 elles-mêmes désignées ?

24 R. : La Police Serbe de la Republika Srpska.

25 Q. : Comment ces hommes ont-ils obtenu les armes qu’ils utilisaient ?

Page 934

1 R. : Ils se sont appropriés

2 les armes qui leur avaient été remises à leur entrée dans la police

3 régulière.

4 Q. : Utilisaient-ils des véhicules d’un type particulier ?

5 R. : Ils se sont approprié les deux tiers des véhicules appartenant aux

6 forces de police régulières de Rogatica, qu’ils ont utilisés.

7 Q. : Selon vous, qui a permis cette division ?

8 R. : Pour autant que je le sache, les ordres sont venus de la prétendue

9 province autonome serbe de Romanie et cette scission a été l’oeuvre

10 de Mladen Vasiljevic, le chef de la police de Rogatica.

11 Q. : L’un des policiers serbes vous en a-t-il donné le motif ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Que vous ont-ils dit ?

14 R. : Ils m’ont dit qu’ils avaient été contraints à la scission parce

15 qu’ils estimaient que la population serbe, que la ville de Rogatica

16 était désorganisée, ils avaient donc besoin d’une unité de police

17 serbe pour défendre leur peuple.

18 Q. : Selon vous, y avait-il déjà eu, avant la scission, des heurts armés

19 entre Serbes et Musulmans dans la région de Rogatica ?

20 R. : Non.

21 Q. : A votre connaissance, avant cette division, des non-Serbes avaient-

22 ils attaqué des Serbes ?

23 R. : Non.

24 Q. : Quels ont été les changements dans la zone où travaillaient et

25 patrouillaient les nouvelles forces de police serbes ?

Page 935

1 R. : Les nouvelles forces de police serbes patrouillaient dans les parties

2 de l’opstina et de la ville habitées essentiellement par des Serbes.

3 Q. : Où patrouillait, dans ce cas, l’unité régulière de la police ?

4 R. : Les unités régulières patrouillaient surtout dans la ville de

5 Rogatica.

6 Q. : Après cette scission du commissariat, avez-vous remarqué que la

7 police serbe portait un uniforme différent ? Quels changements avez-

8 vous notés ?

9 R. : Les uniformes de la police serbe n’étaient pas tous identiques.

10 Certains hommes portaient un treillis de camouflage gris, vert-olive

11 ; d’autres ne portaient pas le treillis de camouflage, mais un

12 uniforme bleu clair et gris ; d’autres encore portaient l’uniforme

13 militaire SMB. La plupart d’entre eux portaient un béret noir ou

14 bleu foncé. Sur ces bérets figurait l’emblème de la Republika

15 Srpska.

16 Q. : Quelques-uns d’entre eux ont-ils continué à porter l’uniforme bleu de

17 la police régulière ?

18 R. : Non, aucun.

19 Q. : Combien de temps êtes-vous resté policier après cette scission ?

20 R. : J’ai quitté mes fonctions, mon poste le jour de la scission de la

21 police.

22 Q. : Pourquoi avez-vous quitté le département de la police ce jour-là ?

23 R. : J’ai quitté les forces de police parce que je me suis senti en

24 danger, parce qu’il m’a semblé dangereux, en tant que Musulman, de

25 faire partie de la police régulière d’une ville où se trouvaient des

Page 936

1 Serbes en armes.

2 Q. : Vous dites qu’il y avait des Serbes en armes. Quand avez-vous

3 commencé à remarquer des hommes armés dans la région de Rogatica ?

4 R. : Au printemps de 1992.

5 Q. : Les Serbes armés portaient-ils l’uniforme militaire, des vêtements

6 civils ou les deux ?

7 R. : Les deux.

8 Q. : De quel type d’armes étaient-ils équipés ?

9 R. : Ils avaient essentiellement des fusils automatiques et les munitions

10 correspondantes.

11 Q. : Avant ou après cette scission du département de la police, avez-vous

12 aussi vu des Musulmans armés ?

13 R. : Non.

14 Q. : A part cette scission du département de la police, avez-vous remarqué

15 d’autres changements dans la structure politique de Rogatica, la

16 création de nouveaux départements ?

17 R. : Oui. Durant le printemps de 1992, l’opstina de Rogatica a été

18 divisée, c’est-à-dire que les représentants municipaux serbes ont

19 créé l’opstina serbe de Rogatica, et, plus tard, la cellule de crise

20 de l’opstina serbe de Rogatica.

21 Q. : Savez-vous qui était le responsable de ce comité de crise, de cette

22 cellule de crise ?

23 R. : Au comité de crise, à la cellule de crise, il y avait Rajko Kusic et

24 Tomo Veselinovic.

25 Q. : Qui est Tomo Veselinovic ?

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1 R. : Il était Président du Parti démocratique serbe de Rogatica.

2 Q. : Je vous demande de vous concentrer sur le mois de mai 1992. Au cours

3 de cette période, avez-vous remarqué un changement dans les

4 possibilités d’accès aux chaînes de télévision et aux stations de

5 radio ?

6 R. : Oui. Au cours de la deuxième quinzaine de mai 1992, nous n’avons plus

7 réussi à capter la télévision de Sarajevo, la télévision de Bosnie-

8 Herzégovine, et nous n’avons plus capté que la chaîne de Belgrade,

9 la télévision de Novi Sad, les chaînes émettant depuis la Serbie,

10 ainsi qu’une chaîne appelée SRNA, dont le siège, le centre, est à

11 Pale.

12 Q. : Avez-vous remarqué des changements dans la réception radio ?

13 R. : Oui. Les émissions de radio que nous parvenions à capter provenaient

14 principalement de la station de Sokolac, une station essentiellement

15 serbe.

16 Q. : Avez-vous remarqué, au même moment, des changements dans le contenu

17 des émissions ?

18 R. : Oui. Il s’agissait surtout d’émissions serbes ; ces Serbes disaient

19 qu’ils étaient menacés en Bosnie-Herzégovine, qu’il fallait qu’ils

20 se rassemblent et qu’ils se mobilisent et que ceux qui avaient peur

21 de faire leur service militaire devraient s’enrôler dans l’armée de

22 la Republika Srpska.

23 Q. : Ces émissions indiquaient-elles au nom de qui ces appels à la

24 mobilisation des Serbes étaient lancés ?

25 R. : Oui. Ces appels étaient transmis pour et au nom de la Republika

Page 938

1 Srpska, de la présidence et du Président en personne.

2 Q. : Qui était-ce ?

3 R. : Radovan Karadzic.

4 Q. : Au moment où vous entendiez ces émissions, à votre connaissance, y

5 avait-il eu la moindre agression contre des Serbes dans la région de

6 Rogatica ?

7 R. : Non.

8 Q. : Je vous demande de vous concentrer sur la date du 22 mai 1992 ; est-

9 ce bien la date de l’attaque de Rogatica ?

10 R. : Oui.

11 Q. : De quel genre d’attaque s’est-il agi ? Quel genre d’armes a été

12 utilisé ?

13 R. : De l’artillerie, des armes antiaériennes et des armes légères avant

14 tout.

15 Q. : Quels ont été les quartiers touchés par des tirs d’artillerie ?

16 R. : Surtout le centre de la ville et les quartiers Musulmans.

17 Q. : Combien de temps ces pilonnages ont-ils duré ?

18 R. : Sept jours, avec de très brèves accalmies.

19 Q. : Durant ces sept jours, avez-vous entendu des avions dans la région ?

20 R. : Oui, j’ai entendu des avions.

21 Q. : Avez-vous vu ces avions ?

22 R. : Non, je ne les ai pas vus parce que j’étais dans la cave de

23 l’immeuble, par souci de sécurité personnelle.

24 Q. : Au moment où vous entendiez ces avions, entendiez-vous d’autres

25 bruits immédiatement après ?

Page 939

1 R. : Oui, des détonations. Je pense qu’ils ne devaient pas être loin du

2 centre de la ville.

3 Q. : Vous avez indiqué que durant cette période, vous étiez dans la cave

4 d’un immeuble ; de quel immeuble s’agissait-il ?

5 R. : C’était l’immeuble dans lequel je vivais, où j’avais mon appartement.

6 Q. : Qui était avec vous dans cette cave ?

7 R. : Des membres de ma famille, et une quarantaine d’autres personnes.

8 Q. : Durant les sept jours que vous avez passés dans cette cave, avez-vous

9 eu l’occasion de remonter, pour voir ce qui se passait en ville ?

10 R. : Oui.

11 Q. : A cette occasion, avez-vous vu des armements ou des véhicules

12 militaires pénétrer dans la ville ?

13 R. : Chaque jour, durant ces brèves accalmies, des chars et des véhicules

14 blindés traversaient la ville en tirant sur les immeubles.

15 Q. : Avez-vous reconnu dans ces chars et ces véhicules blindés le type

16 d’armement et de véhicules utilisés par la JNA ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Au bout de sept jours, la population a-t-elle reçu des ordres ou des

19 ultimatums ?

20 R. : Oui, des ordres ont été données.

21 Q. : Comment ces ordres ont-ils été diffusés ?

22 R. : Par des haut-parleurs situés dans la partie serbe de la ville.

23 Q. : Quels ordres avez-vous reçus ?

24 R. : Toute la population musulmane a reçu l’ordre de se rendre sur la

25 place centrale de la ville pour y être informée du comportement

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1 attendu d’elle à l’avenir.

2 Q. : Les gens sont-ils allés sur la place ?

3 R. : Oui, la plupart y sont allés.

4 Q. : Que s’est-il passé après que vous vous êtes rassemblés sur cette

5 place ?

6 R. : Un véhicule militaire, un blindé y est arrivé. Il avait à son bord

7 sept à huit hommes revêtus de gilets pare-balles et deux hommes en

8 civil ; l’un des hommes en gilet pare-balles était un capitaine.

9 Q. : Le connaissiez-vous ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Ce capitaine était-il un capitaine d’active ou de réserve de la JNA ?

12 R. : Il était capitaine de réserve de la JNA.

13 Q. : Quel genre d’uniforme portaient-ils, lui et les autres ?

14 R. : Lui portait l’uniforme classique de la JNA, les autres hommes en

15 uniforme portaient un treillis de camouflage.

16 Q. : Vous avez parlé de sept ou huit hommes en uniforme. Y avait-il

17 d’autres hommes avec eux ?

18 R. : Deux hommes en civil.

19 Q. : Les connaissiez-vous aussi ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Si vous le savez, dites-nous quel était l’origine ethnique de ces

22 hommes en uniforme ainsi que des deux civils ?

23 R. : Ils étaient tous Serbes.

24 Q. : A ce moment-là, avez-vous reçu des demandes ou des ordres ?

25 R. : Il a été demandé à la population musulmane de signer un document

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1 d’allégeance comportant une promesse de reddition, puis de se rendre

2 dans l’école secondaire, où sa sécurité serait assurée pendant que

3 la ville était débarrassée des Musulmans intégristes, extrémistes,

4 et des bérets verts.

5 Q. : A ce moment-là, y avait-il, à votre connaissance, des bérets verts ou

6 des extrémistes dans la ville de Rogatica ?

7 R. : Non.

8 Q. : Vous êtes-vous rendu dans l’école à ce moment-là ?

9 R. : Non.

10 Q. : Où êtes-vous allé ?

11 R. : Je suis retourné dans mon appartement.

12 Q. : Deux ou trois jours plus tard, vous souvenez-vous d’un autre message

13 radiodiffusé ?

14 R. : Les même appels ont été répétés pendant les deux ou trois jours

15 suivants, grâce aux haut-parleurs situés dans la partie serbe de la

16 ville.

17 Q. : Pendant cette période, avez-vous constaté l’existence d’une

18 résistance armée dans la région de Rogatica ?

19 R. : Pour autant que je le sache, une cinquantaine de personnes ont opposé

20 une résistance armée dans la ville de Rogatica.

21 Q. : S’agissait-il de Musulmans ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quelles étaient leurs armes ?

24 R. : Pour l’essentiel, il s’agissait de leurs armes personnelles, des

25 revolvers ou des fusils de chasse.

Page 942

1 Q. : Rappelez-vous, le 7 juin 1992, vous avez été arrêté, n’est-ce pas ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Comment cela s’est-il passé ?

4 R. : Ce jour-là, les pilonnages étaient très intenses, la plupart des

5 habitants de mon immeuble se sont donc réfugiés à la cave, et moi

6 avec eux. Vers 7 heures du soir, des soldats, des soldats serbes

7 sont entrés de force dans l’immeuble, dans la cave, et nous ont

8 intimé à tous l’ordre de sortir. Puis, ils ont séparé les hommes des

9 femmes. Ils ont obligé les hommes à s’allonger sur le sol, face

10 contre terre, alors que les femmes se tenaient debout, à cinq ou six

11 mètres de distance.

12 Q. : Quand ils vous ont ordonné de sortir, est-ce que tout le monde est

13 sorti en même temps ?

14 R. : Un jeune homme est resté dans la cave.

15 Q. : Que s’est-il passé après que vous êtes tous sortis et que le jeune

16 homme est resté dans la cave ?

17 R. : Eh bien, un soldat serbe a jeté une grenade dans le coin de la cave

18 où se trouvait le jeune homme; il est sorti en hurlant, couvert de

19 sang, blessé.

20 Q. : Vous avez indiqué qu’après être sorti, vous avez été séparés, les

21 hommes d’un côté et les femmes de l’autre. En sortant, avez-vous vu

22 d’autres personnes regroupées comme vous l’aviez été ?

23 R. : Oui, au même endroit, il y avait une dizaine d’hommes et autant de

24 femmes et d’enfants, qui étaient sortis sous la menace de la force

25 d’une autre aile de l’immeuble, d’une autre issue.

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1 Q. : Connaissez-vous l’origine ethnique des personnes qui étaient avec

2 vous dans la cave, et de celles que vous avez vu, rassemblées, à

3 l’extérieur ?

4 R. : Elles étaient toutes Musulmanes.

5 Q. : Vous avez indiqué que les hommes avaient reçu l’ordre de s’allonger

6 sur le sol. Que s’est-il passé ensuite ?

7 R. : Alors que nous nous étions en train de nous coucher au sol, la

8 plupart des soldats responsables de notre capture ont commencé à

9 nous frapper, à coups de pied et de crosse de fusils, et ils ont

10 exigé que nous remettions nos armes.

11 Q. : Vous étiez armé au moment où vous étiez allongé sur le sol de la cave

12 ?

13 R. : Eh bien, dans la cave, je n’avais pas d’arme sur moi, mais dans mon

14 appartement, j’avais mon revolver personnel.

15 Q. : Les autres hommes allongés au sol ont-ils remis des armes quand on

16 les a frappés ?

17 R. : Non, personne d’autre n’avait une arme, personne n’a donc pu remettre

18 une arme.

19 Q. : Connaissiez-vous certains des hommes qui vous ont fait sortir du

20 sous-sol et ont participé au passage à tabac subi par les personnes

21 allongées sur le sol ?

22 R. : Oui, la plupart.

23 Q. : Comment les avez-vous reconnus ?

24 R. : Ils portaient, pour la plupart, un masque sur le visage, mais j’ai

25 reconnu leur voix et les noms par lesquels ils s’appelaient ;

Page 944

1 certains ne portaient même pas de masque.

2 Q. : Comment étaient-ils habillés ?

3 R. : Certains portaient un uniforme de camouflage bigarré.

4 Q. : Quelles étaient les couleurs de ces uniformes de camouflage ?

5 R. : Certains étaient gris, vert-olive, d’autres étaient l’uniforme de

6 camouflage bleu, bleu clair et bleu foncé.

7 Q. : Avant cette date, aviez-vous remarqué ces uniformes de camouflage

8 bleu clair et bleu foncé ?

9 R. : Ce type d’uniforme était porté par certains policiers de la police

10 serbe en ville.

11 Q. : Vous avez dit avoir reconnu la plupart de ces hommes d’après leur

12 visage ou leur voix. Quelle était leur origine ethnique ?

13 R. : Serbe.

14 Q. : Après qu’ils vous ont fait sortir de la cave, vous ont-ils demandé

15 quoi que ce soit, à vous personnellement ?

16 R. : Ils m’ont demandé les armes que j’avais en ma possession en tant

17 qu’officier de police de Rogatica. Je ne possédais plus ces armes,

18 mais j’ai admis posséder une arme personnelle, le revolver qui se

19 trouvait dans mon appartement.

20 Q. : Vous ont-ils menacé à ce moment-là ?

21 R. : L’un d’entre eux voulait me tuer, me trancher la gorge.

22 Q. : Portait-il un couteau ?

23 R. : Oui, en effet.

24 Q. : Où se trouvait son couteau, pendant qu’il proférait ces menaces ?

25 R. : Pendant qu’il me menaçait, il avait ce couteau à la main, qu’il

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1 tenait sur mon cou.

2 Q. : Etes-vous allé chercher votre revolver ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Qui vous a accompagné ?

5 R. : L’un des soldats masqué ; l’ayant reconnu, je lui ai demandé une

6 cigarette, en chemin vers mon appartement ; j’étais sûr qu’ils me

7 tueraient après la restitution de mon arme. Quand j’ai demandé cette

8 cigarette, il m’a dit que je n’avais aucune raison de m’inquiéter

9 parce qu’il me connaissait. J’ai reconnu sa voix. C’était Vlado

10 Markovic, il était policier au commissariat de Rogatica.

11 Q. : A-t-il confirmé son identité ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Où votre groupe, sorti de la cave, et l’autre, qui se trouvait déjà à

14 l’extérieur de l’immeuble, ont-ils été emmenés à leur sortie de

15 cette résidence ?

16 R. : Une fois mon arme remise, ma mère, ma grand-mère, ma tante et moi

17 avons été emmenés dans la direction de l’école secondaire, dans les

18 locaux de l’école secondaire.

19 Q. : Les autres personnes venues de la résidence ont-elles été emmenées au

20 même endroit ?

21 R. : Les femmes et les enfants avaient été emmenés dix minutes avant,

22 alors que les hommes, toujours couchés sur le sol, se faisaient

23 ligoter les bras avec du câble.

24 Q. : Comment avez-vous été emmené dans la direction de l’école ?

25 R. : Sous l’escorte de deux soldats serbes.

Page 946

1 Q. : A votre arrivée dans l’école, s’y trouvait-il d’autres détenus ?

2 R. : Il y avait d’autres familles, outre les femmes et les enfants

3 capturés dans mon immeuble.

4 Q. : Connaissiez-vous certaines de ces personnes ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Quelle était leur appartenance ethnique ?

7 R. : Il y avait deux familles musulmanes, une famille serbe, une famille

8 mixte et une autre dont j’ignorais si elle était musulmane ou serbe.

9 Q. : Combien de temps êtes-vous resté enfermé dans l’école ?

10 R. : Deux jours.

11 Q. : Pendant ce temps de détention dans l’école, avez-vous vu des

12 personnes se faire emmener pour interrogatoire ?

13 R. : Oui, plusieurs fois.

14 Q. : Connaissiez-vous certaines de ces personnes ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Quelle était leur statut social ?

17 R. : Il y avait plusieurs ingénieurs, ingénieurs de profession ; deux

18 médecins ; quelques ouvriers.

19 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient-ils ?

20 R. : (interprétation inaudible)

21 Q. : Sans donner de nom, durant votre séjour dans l’école, avez-vous vu

22 une ou plusieurs femmes emmenées à l’extérieur de la salle ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Cela est-il arrivé souvent ?

25 R. : Tous les soirs.

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1 Q. : Qui emmenait cette ou ces personnes ?

2 R. : Elles étaient emmenées par des soldats serbes principalement chargés

3 --, qui avaient été placés là, dans cette école secondaire, pour

4 nous protéger.

5 Q. : Au moment du retour de cette femme ou de ces femmes, avez-vous

6 remarqué quoi que ce soit dans leur attitude ou leur comportement ?

7 R. : Elles refusaient de parler à qui que ce soit. Elles étaient

8 soucieuses.

9 Q. : Les soldats qui les emmenaient le soir, quel genre d’uniforme

10 portaient-ils ?

11 R. : Vert-olive, les uniformes portés par les policiers serbes.

12 Q. : Connaissiez-vous certains de ces hommes, ceux qui emmenaient cette

13 femme ou ces femmes ?

14 R. : Oui.

15 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient-ils ?

16 R. : Ils étaient Serbes.

17 Q. : Durant votre séjour dans cette école, avez-vous vu des personnes

18 autres que les gardes habituels y pénétrer ?

19 R. : Oui, un jour j’ai remarqué trois jeunes gens qui pénétraient dans

20 l’école.

21 Q. : Comment étaient-ils vêtus ?

22 R. : Ils portaient un pantalon gris, vert-olive, un T-shirt noir et un

23 béret rouge.

24 Q. : Etaient-ils armés ?

25 R. : Ils portaient des fusils de tireurs embusqués.

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1 Q. : Qu’entendez-vous par "fusil de tireurs embusqués" ?

2 R. : ....viseur pour bien voir la cible et l’atteindre plus facilement.

3 Q. : Une fois dans l’école, avez-vous vu où ils sont allés ?

4 R. : Au troisième étage, dans la salle de physique.

5 Q. : Avez-vous entendu ce qui se passait dans cette salle de classe ?

6 R. : Oui, j’ai entendu des coups de feu.

7 Q. : Après cela, avez-vous revu ces trois hommes ?

8 R. : Oui, quand ils ont quitté l’école.

9 Q. : Le jour où ces hommes sont venus dans l’école, avez-vous remarqué

10 qu’il se passait quelque chose en ville ?

11 R. : Oui ; un tiers de la ville a été incendiée.

12 Q. : De quelle partie de la ville s’agissait-il ?

13 R. : La partie de la ville habitée principalement par des Musulmans.

14 Q. : Comment avez-vous pu le voir ?

15 R. : Parce qu’on nous a permis de monter au troisième étage, dans la même

16 salle de physique d’où on pouvait voir toute la ville, pratiquement

17 toute la ville.

18 Q. : Pendant votre séjour dans cette école, avez-vous observé d’autres

19 actions militaires en ville ?

20 R. : Oui. D’une colline proche de Rogatica, très souvent, chaque jour,

21 deux ou trois chars tiraient sur la ville. Devant l’école, un char

22 tirait sur la ville quotidiennement.

23 Q. : Avez-vous reconnu ces chars comme étant ceux de la JNA ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Quand êtes-vous sorti de cette école ?

Page 949

1 R. : Le 27 juin 1992.

2 Q. : Combien de personnes ont été emmenées avec vous, si tel a été le cas

3 ?

4 R. : Ce jour-là, environ 200 personnes ont été emmenées, hommes, femmes et

5 enfants.

6 Q. : Est-il resté quelqu’un dans l’école ?

7 R. : Oui, une cinquantaine.

8 Q. : Vous les connaissiez ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Quelle était leur profession ?

11 R. : Certains étaient médecins, d’autres ingénieurs, ouvriers, par exemple

12 des plombiers, des électriciens, des mécaniciens, etc.

13 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique des personnes restées dans

14 l’école ?

15 R. : Musulmane.

16 Q. : Au nombre des personnes qui sont sorties avec vous, quelle était

17 l’appartenance ethnique de celles que vous connaissiez ?

18 R. : (interprétation inaudible)

19 Q. : Quelqu’un vous a-t-il dit pourquoi on emmenait votre groupe ?

20 R. : Oui. Kusic est venu ce jour-là dans l’école, avec ses gardes du

21 corps, et il nous a dit qu’on allait nous emmener vers ce qu’il a

22 appelé le "territoire libre", c’est-à-dire le territoire de la

23 Bosnie centrale, dont une grande partie était contrôlée par l’armée

24 de Bosnie-Herzégovine.

25 JUGE STEPHEN : Puis-je vous interrompre un instant ? Je n’ai pas saisi la

Page 950

1 réponse à la question: "Au nombre des personnes qui sont sorties

2 avec vous, quelle était l’appartenance ethnique de celles que vous

3 connaissiez ?" Je vois qu’elle ne figure pas non plus sur le compte-

4 rendu d’audience.

5 MLLE HOLLIS : Désolée, M. le Juge. Veuillez nous dire, s’il vous plaît, à

6 quel groupe ethnique appartenaient les personnes qui sont sorties

7 avec vous.

8 R. : Elles étaient Musulmanes.

9 Q. : Comment vous a-t-on transportés, au départ de l’école ?

10 R. : En autobus et en camions civils.

11 Q. : Vous étiez sous escorte ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Avez-vous reconnu les hommes qui vous escortaient ?

14 R. : Oui, il s’agissait de membres de la milice serbe que je connaissais

15 déjà.

16 Q. : Lorsque vous parlez de milices serbes, qu’entendez-vous par "milices"

17 ?

18 R. : Quand je parle des milices serbes, je pense à la police dont j’ai

19 parlé, celle qui s’était séparée de la police régulière pour fonder

20 la milice, ou police serbe.

21 Q. : A votre sortie de l’école, où vous a-t-on emmenés ?

22 R. : J’ai été arrêté. On nous a dit que tous les hommes entre 16 et 65 ans

23 devaient descendre, et lorsque nous avons quitté ces véhicules, le

24 convoi a continué sa route ; quant à nous, les 28 hommes, on nous a

25 emmenés dans une exploitation agricole située non loin de la ville,

Page 951

1 aux abords de la ville.

2 Q. : Votre mère, votre grand-mère et votre tante se trouvaient-elles dans

3 le groupe qui a poursuivi le voyage avec le convoi ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans la ferme dans laquelle vous

6 avez été emmenés ?

7 R. : Jusqu’au 15 juillet 1992.

8 Q. : Pendant votre séjour dans cette ferme, combien de personnes étaient

9 détenues avec vous ?

10 R. : 28.

11 Q. : Les 28 hommes qui étaient descendus de l’autobus ?

12 R. : Oui. Les 28 hommes qui étaient descendus de l’autobus ; il y avait

13 aussi trois personnes que l’on ne pouvait voir, mais dont nous

14 savions qu’elles étaient là.

15 Q. : Étiez-vous gardés à la ferme ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Connaissiez-vous certains des gardes ?

18 R. : Oui, la plupart d’entre eux avaient participé à notre capture. Ils

19 nous avaient gardés dans l’école, et escortés vers la ferme, je

20 connaissais la plupart d’entre eux.

21 Q. : Après ces 20 jours de détention dans la ferme, où vous a-t-on emmené

22 ?

23 R. : Au camp de Susica, près de Vlasenica.

24 Q. : Comment vous y a-t-on transporté ?

25 R. : En autobus civil.

Page 952

1 Q. : Avez-vous eu une quelconque escorte ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Connaissiez-vous certains de ceux qui vous ont escortés ?

4 R. : (interprétation inaudible).

5 MLLE HOLLIS : Je suis désolée, je n’ai pas entendu votre réponse.

6 LE TEMOIN : Nous les connaissions tous, oui, je les connaissais tous.

7 MLLE HOLLIS : A quel groupe ethnique appartenaient ces hommes ?

8 R. : Serbe.

9 Q. : Comment étaient-ils habillés ?

10 R. : Ils portaient l’uniforme de camouflage gris vert-olive.

11 Q. : Portaient-ils des insignes ou des marques distinctives sur leur

12 uniforme ?

13 R. : République serbe de Bosnie.

14 Q. : Sur le chemin menant de la ferme au camp de Susica, l’autobus a-t-il

15 été arrêté ?

16 R. : Oui. On nous avait dit qu’on allait à Kladanj pour y être échangés,

17 mais l’autobus s’est arrêté à un carrefour, à une intersection entre

18 Vlasenica, Kladanj et Sehovici, à un endroit appelé Tisce.

19 Q. : Que s’est-il passé lorsque l’autobus s’est arrêté ?

20 R. : Il y avait un barrage à ce carrefour et deux soldats sont montés à

21 bord, il me faisaient penser à des Tchetniks.

22 Q. : Qu’est-ce qui vous a fait penser qu’ils pouvait s’agir de Tchetniks ?

23 R. : L’espace d’une seconde, je me suis dit que pendant la Deuxième guerre

24 mondiale, les Tchetniks avaient cette apparence. Ces hommes

25 portaient aussi une longue barbe, ils étaient dépenaillés, ivres et

Page 953

1 armés.

2 Q. : Quels vêtements portaient-ils ?

3 R. : L’uniforme SMB.

4 Q. : Qu’ont-ils fait après être montés à bord de l’autobus ?

5 R. : Ils lançaient des injures, nous menaçaient de nous tuer sur le champ,

6 ils voulaient que l’on descende de l’autobus.

7 Q. : Vous ont-ils lancé des insultes ethniques ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Qu’ont-ils dit ?

10 R. : Ils ont insulté nos mères en les traitant de Balija Turques,

11 Musulmanes.

12 Q. : Une fois à Susica, combien de temps y êtes-vous resté ?

13 R. : J’ai passé une nuit à Susica.

14 Q. : Où vous a-t-on emmené ensuite ?

15 R. : Au camp de Batkovic.

16 Q. : Comment vous y a-t-on emmené ?

17 R. : A bord d’un autobus civil.

18 Q. : Vous aviez une escorte ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Connaissiez-vous certains des hommes qui vous escortaient ?

21 R. : Oui.

22 Q. : D’où venaient-ils ?

23 R. : Ils étaient tous de Rogatica.

24 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient-ils ?

25 R. : Ils étaient Serbes.

Page 954

1 Q. : Comment étaient-ils vêtus ?

2 R. : Certains portaient l’uniforme militaire gris vert-olive, d’autres

3 l’uniforme de camouflage gris vert-olive.

4 Q. : Portaient-ils des signes distinctifs ou des insignes sur leur

5 uniforme ?

6 R. : Certains portaient l’insigne de l’armée de la république serbe de

7 Bosnie.

8 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu dans le camp de Batkovic ?

9 R. : Un an et cinq jours.

10 Q. : Durant l’année que vous avez passée au camp de Batkovic, quels

11 étaient les vêtements portés par les gardes ?

12 R. : Certains portaient un pantalon militaire gris vert-olive, et la

13 chemise assortie, une chemise sale, qu’ils ne boutonnaient pas.

14 D’autres portaient un uniforme gris, des vêtements civils en fait,

15 d’autres encore portaient une salopette, des chaussures de sport et

16 un pantalon militaire.

17 Q. : A votre arrivée à Batkovic, savez-vous qui dirigeait le camp ?

18 R. : Le chef du camp était un homme répondant au nom de Veljo.

19 Q. : Combien de temps a-t-il occupé ces fonctions durant votre séjour à

20 Batkovic ?

21 R. : Il a dirigé le camp pendant environ trois mois.

22 Q. : Comment était-il vêtu ?

23 R. : Il portait un pantalon et une chemise de couleur grise, vert-olive

24 ainsi qu’un béret vert.

25 Q. : Arborait-il un insigne ?

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1 R. : ... un béret rouge.

2 Q. : Arborait-il un insigne indiquant son grade ?

3 R. : Caporal, Caporal de la JNA.

4 Q. : Etait-il caporal ou sergent de la JNA ?

5 R. : Soldat de première classe.

6 Q. : Quel traitement avez-vous subi tant qu’il a dirigé le camp de

7 Batkovic ?

8 R. : (Interprétation inaudible)

9 Q. : Je n’ai pas entendu l’interprétation.

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Moi non plus. La question était: "Quel

11 traitement avez-vous subi tant qu’il a dirigé... durant votre

12 détention dans le camp de Batkovic ?"

13 MLLE HOLLIS : ... tant que Veljo a dirigé le camp ?

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Tant que Veljo a dirigé le camp, quel

15 traitement avez-vous subi ?

16 LE TEMOIN : Nous étions très mal traités.

17 MLLE HOLLIS : Tant que Veljo a dirigé le camp, avez-vous vu des personnes

18 décéder des suites de ces mauvais traitements ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Qu’avez-vous vu ?

21 R. : Une nuit, une dizaine de gardes du camp ont fait sortir un homme

22 qu’ils appelaient "le professeur", je crois qu’il venait de la

23 région de Bijelina. Il a été frappé toute la nuit et Veljo était

24 avec eux. Au matin, à l’aube, j’ai vu que l’homme était mort.

25 Q. : Avez-vous vu d’autres personnes se faire assassiner durant votre

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1 détention, tant que Veljo a dirigé le camp ?

2 R. : Oui, deux hommes âgés ont été tués de la même manière, et un autre a

3 été tué par balle.

4 Q. : Qui étaient les auteurs des coups reçus par ces hommes, qui a tiré

5 sur l’homme abattu par balle ?

6 R. : Principalement des gardes du camp.

7 Q. : Vous dites "principalement"; qui d’autre a participé à ces actes ?

8 R. : J’ai dit "principalement" car le camp était ouvert à tous les soldats

9 de passage dans la région, n’importe lequel d’entre eux pouvait y

10 pénétrer et frapper l’un quelconque des prisonniers.

11 Q. : Ces soldats venus de l’extérieur, quel genre d’uniforme portaient-ils

12 ?

13 R. : (Interprétation inaudible).

14 Q. : Excusez-moi, je n’ai pas compris l’interprétation.

15 R. : Ils portaient l’uniforme de camouflage gris, vert-olive ; l’uniforme

16 de camouflage gris, vert-olive.

17 Q. : Portaient-ils des insignes ou des signes distinctifs sur leur

18 uniforme ?

19 R. : Certains portaient un emblème formé d’une croix et de quatre lettres

20 "S".

21 Q. : Aviez-vous déjà vu cet emblème ?

22 R. : Je crois que c’était l’emblème de la République Serbe de Bosnie-

23 Herzégovine. Je crois que c’est là que je l’ai vu.

24 Q. : En dehors de ces hommes, est-ce que des non-Serbes ont brutalisé ou

25 infligé des sévices aux prisonniers ?

Page 957

1 R. : Oui.

2 Q. : Qui étaient ces hommes ?

3 R. : Deux hommes surnommés "Spajzer" et "Pike".

4 Q. : Après le départ de Veljo, avez-vous été mieux traités dans le camp ?

5 R. : Oui, un peu mieux.

6 Q. : Les coups ont-ils continué à pleuvoir ?

7 R. : Oui, mais moins nombreux, moins souvent.

8 Q. : Pendant votre séjour à Batkovic, avez-vous été contraint d’accomplir

9 des tâches en dehors du camp ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Quel genre de tâches vous demandait-on d’accomplir ?

12 R. : En première ligne, sur le front, on me faisait couper des arbres ;

13 Q. : Quand vous creusiez des tranchées sur le front, comment vous y

14 emmenait-on ?

15 R. : Quand je creusais des tranchées, c’était à Majevica, nous étions

16 basés dans la ville de Lopare, et de là, on nous emmenait en camion

17 militaire sur le lieu du travail.

18 Q. : Comment alliez-vous du camp de Batkovic à Lopare ?

19 R. : En camion militaire.

20 Q. : Les hommes qui vous accompagnaient depuis le camp jusqu’à Lopare

21 étaient-ils membres du personnel du camp, étaient-ils gardes dans le

22 camp ?

23 R. : Non.

24 Q. : Savez-vous qui étaient les hommes qui vous transportaient depuis le

25 camp jusqu’à Lopare ?

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1 R. : Ils habitaient le village de Batkovic, tout près, près du camp.

2 Q. : Comment étaient-ils habillés ?

3 R. : (Interprétation inaudible).

4 Q. : Je crois que cette réponse n’a pas été interprétée.

5 R. : En uniforme militaire gris, vert-olive.

6 Q. : Pendant que vous creusiez des tranchées sur la ligne de front, y

7 avait-il des combats aux alentours ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Des coups de feu étaient-ils tirés en direction de l’endroit où vous

10 travailliez ?

11 R. : Oui, tous les jours.

12 Q. : Pendant votre séjour dans le camp de Batkovic, ou là où vous deviez

13 accomplir ces tâches, deviez-vous chanter des chansons ?

14 R. : Oui, en effet.

15 Q. : Qui vous le demandait ?

16 R. : Les gardes du camp ou les soldats qui venaient de temps en temps dans

17 le camp.

18 Q. : Quel genre de chants deviez-vous chanter ?

19 R. : Ils nous demandaient surtout de chanter des hymnes serbes.

20 Q. : Vous souvenez-vous des paroles de certains de ces hymnes ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Je ne vous demande pas, bien sûr, de les chanter ici ; mais pourriez-

23 vous nous dire les paroles de certains de ces hymnes ?

24 R. : Oui. "Qui est le menteur qui a dit que la Serbie était petite ?"

25 Q. : Aviez-vous déjà entendu ces chants ?

Page 959

1 R. : Oui.

2 Q. : Dans quel contexte, où les aviez-vous entendus ?

3 R. : Au printemps de 1992, quand j’étais policier de réserve, j’entendais

4 ce genre de chants dans l’immeuble, dans les locaux, les locaux

5 publics tenus par des personnes d’origine serbe.

6 Q. : Pendant votre séjour à Batkovic, le camp a-t-il reçu la visite du

7 CICR ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Avant cette visite, à votre connaissance, a-t-on évacué des

10 prisonniers hors du camp ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Qui ?

13 R. : En majorité des personnes âgées de plus de 60 ans et des enfants de

14 moins de 16 ans, ainsi que ceux qui avaient été sévèrement frappés

15 dans la période antérieure.

16 Q. : Un groupe de personnes était-il plus maltraité que les autres ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Combien d’hommes y avait-il dans ce groupe ?

19 R. : Une vingtaine.

20 Q. : Connaissiez-vous certains des hommes qui ont été évacués ce jour-là ?

21 R. : Oui.

22 Q. : A quel groupe ethnique appartenaient les hommes que vous connaissiez

23 ?

24 R. : Ils étaient Musulmans.

25 Q. : Avant l’arrivée des représentants du CICR dans le camp, les détenus

Page 960

1 ont-ils reçu des instructions quant à ce qu’il convenait qu’ils leur

2 disent ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Que deviez-vous dire ?

5 R. : Je devais dire que je me trouvais bien dans le camp, que la

6 nourriture était délicieuse, que personne ne nous frappait, que nous

7 recevions des cigarettes, que nous pouvions nous déplacer librement.

8 Q. : Tout cela était-il vrai ?

9 R. : Non, pas du tout.

10 Q. : Que ce serait-il passé si vous n’aviez pas dit ce que l’on vous avait

11 recommandé de dire ?

12 R. : Celui qui désobéissait était frappé.

13 Q. : Quand avez-vous quitté le camp de Batkovic ?

14 R. : Le 21 juillet 1993.

15 Q. : Comment se fait-il que vous ayez été autorisé à partir ?

16 R. : J’ai pu quitter le camp grâce à l’intervention du CICR et de l’UNHCR.

17 Q. : Avant l’attaque contre Rogatica, faisiez-vous partie d’une

18 organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe ?

19 R. : Non.

20 Q. : Avant l’attaque, étiez-vous membre d’une quelconque organisation de

21 résistance anti-serbe ?

22 R. : Non.

23 Q. : Après l’attaque de Rogatica, êtes-vous devenu membre de quelque

24 organisation de ce type ?

25 R. : Non.

Page 961

1 MLLE HOLLIS : Merci. Madame le Président, je n’ai plus de question à

2 poser.

3 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous ferons une pause de 20 minutes, si cela

4 vous convient.

5 (11h34)

6 (L’audience est suspendue brièvement)

7 (11h50)

8 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous avez terminé l’interrogatoire de votre

9 témoin, Mlle Hollis ?

10 MLLE HOLLIS : Oui, Madame le Président.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Nous passons au contre-interrogatoire ?

12 M. KAY : Madame le Président, je souhaite procéder au contre-

13 interrogatoire de ce témoin.

14 Q. : La première question que je voudrais vous poser porte sur les

15 uniformes. Vous nous avez dit qu’à l’origine, vous étiez membre de

16 la police militaire régulière, n’est-ce pas, M. Pasic ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Vous étiez dans la police militaire régulière en 1987. Combien de

19 temps avez-vous servi dans la police militaire régulière de la JNA ?

20 R. : Du 17 septembre 1986 au 17 août 1987, c’est-à-dire onze mois.

21 Q. : L’uniforme que vous dites avoir porté cette année-là est-il demeuré

22 l’uniforme de la police militaire régulière de la JNA ?

23 R. : A la fin de mon service au sein de la JNA, cet uniforme n’avait pas

24 changé.

25 Q. : Ensuite, vous avez rejoint la police militaire de réserve, mais cela

Page 962

1 ne vous prenait pas beaucoup de votre temps, puisqu’au total, vous

2 ne consacriez au service qu’un ou deux jours par an ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Avez-vous reçu un autre uniforme en tant que réserviste de la police

5 militaire ?

6 R. : J’ai reçu un uniforme spécial de la police militaire de réserve au

7 début de l’année 1988.

8 Q. : Pourriez-vous nous le décrire ?

9 R. : Il était identique à celui de la police militaire chargée de la

10 circulation, hormis qu’il était gris et non gris, vert-olive.

11 Q. : Plus tard, en septembre 1991, vous avez été appelé à vous joindre à

12 la police régulière. Par "police régulière", vous entendez la police

13 municipale, par opposition à la police militaire ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Quel était l’aspect de l’uniforme de la police régulière qui vous a

16 été remis à ce moment-là ? Quelle en était la couleur ?

17 R. : C’était le même uniforme que celui que j’ai reçu au début de 1988,

18 c’est-à-dire, le même uniforme militaire, mais de couleur grise.

19 Q. : Mais de couleur grise. Cela ne signifie-t-il pas qu’il était de la

20 même couleur puisque l’uniforme des réservistes de la police

21 militaire était gris, lui aussi ?

22 R. : Oui, il était de la même couleur.

23 Q. : Bien. Certains réservistes de la police ont-ils aussi reçu un

24 uniforme, sans être toutefois membre des forces de police régulière,

25 mais bien des forces de réserve de la police ?

Page 963

1 R. : Tous ceux d’entre nous qui ont reçu un uniforme faisaient partie de

2 la police régulière, qui comprenait également les forces de réserve.

3 Q. : Auquel cas les réservistes de la police portaient aussi un uniforme

4 gris ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Vous nous avez dit avoir reçu une arme, un fusil automatique ; les

7 réservistes de la police ont-ils aussi reçu une arme ?

8 R. : Oui, nous avons tous reçu un fusil automatique.

9 Q. : Ce qui revient à dire que les réservistes de la police ont reçu une

10 arme, tout comme les membres de la police régulière ?

11 R. : Oui, à partir de septembre 1991.

12 Q. : Vous nous avez dit avoir aussi reçu 150 balles ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Avez-vous eu à signer un document auprès du département ou de la

15 section de la police qui vous a remis cette arme ?

16 R. : Oui, j’ai signé un document relatif aux armes et au matériel qui

17 m’ont été fournis.

18 Q. : Donc, il doit exister un rapport établi à votre nom et qui rend

19 compte de la remise de cette arme ?

20 R. : Ce rapport a été établi avant la guerre ; je ne sais pas s’il existe

21 toujours.

22 Q. : Je comprends. Pouvez-vous nous rappeler la date de votre démission de

23 la police régulière ?

24 R. : Le 30 mars 1992.

25 Q. : A qui avez-vous remis votre démission ? Qui êtes-vous allé voir pour

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1 annoncer que vous ne souhaitiez plus faire partie de la police

2 régulière ?

3 R. : L’adjoint du commandant de la police était présent ce jour-là. Il

4 était dans les locaux du commissariat, je lui ai dit que je ne

5 voulais plus faire partie de la police et je lui ai rendu mon

6 uniforme ainsi que mes armes.

7 Q. : D’autres membres de la police régulière ont-ils démissionné en même

8 temps que vous ?

9 R. : Un ami à moi a démissionné. Il était aussi réserviste de la police.

10 Q. : Avant votre démission, au cours des mois précédents, d’autres

11 personnes avaient-elles démissionné de la police régulière ?

12 R. : A part les personnes d’origine serbe qui ont quitté le commissariat

13 pour rejoindre la police serbe, la police de la république serbe de

14 Bosnie, personne d’autre n’a démissionné.

15 Q. : Dans ce cas, pouvez-vous nous donner une idée du nombre de personnes

16 restées dans la police régulière dans laquelle vous avez servi ?

17 Combien ont conservé leur poste au sein de la police régulière ?

18 R. : En comptant les réservistes et les policiers d’active, les forces

19 policières régulières comprenaient une cinquantaine d’hommes.

20 Q. : Vous nous avez parlé d’une division de la police et de la création

21 d’une unité de police serbe. Combien d’hommes composaient cette

22 unité ?

23 R. : Je ne connais pas le nombre exact de ceux qui sont entrés dans la

24 police de la République serbe de Bosnie, parce que je n’y suis

25 jamais allé, je n’en ai jamais fait partie.

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1 Q. : J’aimerais vous poser encore quelques questions au sujet des

2 uniformes que portaient, à l’époque, les policiers. Commençons par

3 le couvre-chef, quel genre de calot ou de béret portiez-vous ?

4 R. : Les membres de la police régulière percevant... qui percevaient un

5 salaire pour leur travail, portaient une casquette à visière. Les

6 policiers de réserve portaient un calot militaire.

7 Q. : L’uniforme est resté inchangé à cette époque, en mars 1992, au moment

8 de votre démission ?

9 R. : Celui des forces de police de la République de Bosnie-Herzégovine est

10 resté inchangé.

11 Q. : Et celui de la police de réserve est aussi resté inchangé ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Vous aviez votre revolver personnel, que vous gardiez chez vous,

14 celui dont vous nous avez parlé ce matin, n’est-ce pas ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Vous aviez un port d’arme pour ce revolver ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Vous l’aviez depuis longtemps ?

19 R. : Ce revolver appartenait à mon père, et à sa mort, en 1985, en avril,

20 j’en ai hérité, et je l’ai conservé jusqu’au début de la guerre.

21 Q. : Vous nous avez parlé d’une distribution d’armes à la population de

22 votre ville. Vous avez dit que la population musulmane était

23 armée...

24 R. : Non.

25 Q. : ... Pourtant, vous nous avez dit par la suite qu’une cinquantaine de

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1 Musulmans étaient armés et résistaient au moment où la ville a été

2 attaquée ?

3 R. : Les hommes qui possédaient une arme et qui ont résisté à ce moment-là

4 ont utilisé des armes, leurs armes personnelles, des fusils de

5 chasse ou de petit calibre, autrement dit essentiellement des

6 revolvers.

7 Q. : Comment savez-vous cela ? Comment savez-vous qu’ils ne possédaient

8 que des fusils de chasse ou un revolver personnel ?

9 R. : Parce que je n’étais pas loin de l’endroit où se trouvaient ces

10 hommes, j’ai donc pu voir de quel type étaient leurs armes.

11 Q. : Nous en revenons donc au même point : en fait, vous avez vu des

12 Musulmans armés ?

13 R. : Oui, j’ai vu des Musulmans armés à partir du 22 mai 1992... pas

14 avant.

15 Q. : Avant cela, une seule zone de la ville a-t-elle été interdite d’accès

16 par les membres de la population musulmane, grâce à leurs propres

17 barrages routiers ?

18 R. : Non.

19 Q. : La population musulmane a-t-elle été mobilisée ?

20 R. : Non.

21 Q. : Le 22 mai, donc, quand vous dites avoir vu ces hommes armés, où vous

22 trouviez-vous ?

23 R. : Le 22 mai, j’étais chez moi ; après, je suis allé une fois sur cette

24 place, la grande place, où la plupart des Musulmans se trouvaient,

25 et c’est là que j’ai vu ces hommes armés.

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1 Q. : Combien de jours s’étaient écoulés depuis le 22 mai quand vous êtes

2 allé sur cette place ?

3 R. : Deux ou trois jours.

4 Q. : Au cours des deux ou trois jours qui ont précédé votre visite sur la

5 place, avez-vous quitté votre appartement, ne serait-ce qu’une fois

6 ? Je crois vous avoir entendu dire que vous étiez au sous-sol ?

7 R. : J’ai passé le plus clair de mon temps dans la cave et n’en suis pas

8 sorti.

9 Q. : Pendant cette période, avez-vous entendu des coups de feu ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Avez-vous aussi entendu des détonations plus puissantes que celles

12 d’un fusil ?

13 R. : Oui, j’ai entendu des pilonnages, des bruits d’obus.

14 Q. : Avez-vous entendu des explosions semblables à celles que font des

15 bombes en explosant ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Et des explosions légèrement moins puissantes, semblables à celles

18 que font des grenades ?

19 R. : Non.

20 Q. : D’où provenaient ces bruits ?

21 R. : De la ville de Rogatica.

22 Q. : Votre appartement était-il dans l’enceinte de la ville ?

23 R. : Oui, dans le centre-ville.

24 Q. : Ces explosions, les entendait-on de n’importe où en ville ?

25 R. : Eh bien, j’étais dans la cave de mon immeuble, et quand j’ai entendu

Page 968

1 ces explosions, il m’a semblé qu’elles provenaient de devant mon

2 immeuble, mais pendant les accalmies, pendant les courtes pauses

3 séparant deux pilonnages, en remontant chez moi, j’ai vu qu’une

4 grande partie du centre-ville avait été détruit, ce qui indiquait

5 que les explosions provenaient du centre-ville.

6 Q. : Vous avez entendu des coups de fusil. Avez-vous entendu des

7 détonations d’armes automatiques, de fusils ou d’armes de petit

8 calibre ?

9 R. : J’ai surtout entendu des armes automatiques, des coups de feu en

10 rafales.

11 Q. : Vous ne saviez pas ce qui se passait à l’endroit où se déroulaient

12 les combats ? Vous ne saviez pas ce qui se passait ?

13 R. : Eh bien, je savais alors que la ville était pilonnée, qu’elle était

14 en cours de destruction, rien de plus. Je pouvais le comprendre de

15 l’endroit où j’étais.

16 Q. : Mais vous ne saviez pas qui se battait contre qui ?

17 R. : Je savais qui pilonnait la ville.

18 Q. : Vous étiez dans votre sous-sol, dans la cave de votre immeuble, je

19 présume par conséquent que vous ne pouviez pas apprendre grand chose

20 au sujet de ces pilonnages, de leur provenance ou de l’identité de

21 ceux qui pilonnaient la ville ?

22 R. : Les pilonnages s’interrompaient la nuit et avec ma famille, je

23 retournais alors dans mon appartement, par souci d’hygiène et pour

24 manger, bien sûr ; quand nous étions dans l’appartement, les

25 pilonnages reprenaient. Je voyais nettement, par la fenêtre, les

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1 balles traçantes et les obus, ainsi que la direction d’où ils

2 venaient.

3 Q. : De nuit ?

4 R. : Oui.

5 Q. : En ce qui concerne les combats qui duraient toujours, vous n’étiez

6 pas sur les lieux, en fait, à ce moment-là, pour voir ce qui se

7 passait, n’est-ce pas ?

8 R. : Désolé, je ne comprends pas votre question.

9 Q. : En fait, vous ne pouviez pas voir si des Musulmans se battaient

10 contre les autres parce que vous n’y étiez pas, vous n’étiez pas sur

11 les lieux, à regarder les combats ? Vous étiez dans votre

12 appartement ?

13 R. : Comme je l’ai déjà dit, une cinquantaine d’hommes armés se trouvaient

14 sur la place centrale, ils étaient en majorité équipés de fusils de

15 chasse et de revolvers et la ville était pilonnée à partir des

16 clairières ou des collines à l’arme lourde et au canon antiaérien ;

17 et je ne voyais vraiment pas comment des gens armés de fusils

18 auraient pu se défendre contre de l’artillerie ou des armes

19 antiaériennes tirant de loin.

20 Q. : Je croyais vous avoir entendu nous dire que vous aviez vu sur la

21 place, deux ou trois jours plus tard, une cinquantaine de Musulmans

22 en armes ?

23 R. : Oui, je les ai vus.

24 Q. : Avant cela, aviez-vous vu ces mêmes hommes se battre sur la place en

25 utilisant leurs armes, au cours des deux ou trois jours qui ont

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1 précédé celui où vous les avez vus sur la place ?

2 R. : Non, je ne les ai pas vu tirer.

3 Q. : Mais ce que vous avez vu, c’est deux ou trois jours plus tard, une

4 cinquantaine d’hommes armées sur la place ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Quant à ce qu’ont fait d’autres hommes armés, ailleurs et à un moment

7 antérieur, vous n’en avez rien vu de vos yeux ?

8 R. : Non.

9 M. KAY : Merci. Je n’ai rien à ajouter.

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Mlle Hollis ?

11 MLLE HOLLIS : Merci, Madame le Président.

12 [Nouvel interrogatoire mené par MLLE HOLLIS]

13 Q. : M. Pasic, revenons un instant sur la façon dont la police était

14 organisée dans l’ex-Yougoslavie. Nous comprenons que la JNA avait

15 une composante d’active et une composante de réserve. Avez-vous

16 déclaré, dans votre déposition, que la police comprenait également

17 une composante d’active, à savoir des policiers travaillant à temps

18 plein, et une composante de réserve ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Vous étiez membre de cette composante de réserve, n’est-ce pas ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Les membres de la composante de réserve de la police étaient ceux qui

23 portaient un uniforme gris ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Les membres de la composante d’active de la police, si je puis

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1 utiliser ce terme, quelle était la couleur de leur uniforme ?

2 R. : Le pantalon était bleu, la chemise bleu clair et la veste bleue.

3 Q. : Donc, la chemise était bleue et la veste bleue dans la composante

4 d’active de la police, et les réservistes de la police portaient un

5 uniforme entièrement gris ?

6 R. : Oui.

7 Q. : En septembre 1991, lorsque vous avez commencé à travailler tous les

8 jours en qualité de policier, vous étiez toujours réserviste ou

9 aviez-vous été versé dans la composante d’active ?

10 R. : J’étais réserviste, mais je travaillais à plein temps comme le

11 faisaient les membres de la composante d’active.

12 Q. : En réponse aux questions qui vous ont été posées au sujet des

13 détonations, des explosions et des rafales de coups de feu que vous

14 avez entendus depuis votre cave, vous avez indiqué être, à un

15 certain moment, remonté chez vous, où vous avez pu observer que la

16 partie centrale de la ville subissait le gros des destructions. Est-

17 ce bien cela ?

18 R. : Oui.

19 Q. : A votre connaissance, le 22 mai, quel groupe ou quels groupes

20 vivaient encore dans le centre-ville ?

21 R. : Les habitants du centre-ville étaient Musulmans.

22 Q. : A un certain moment avant le 22 mai, y avait-il aussi des Serbes qui

23 habitaient le centre-ville ?

24 R. : Dans cette partie de la ville, avant le 22 mai, disons, en avril et

25 même avant, la population était mélangée, composée de Serbes et de

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1 Musulmans. Début mai, dans la première quinzaine de mai, la

2 population serbe a quitté cette partie de la ville et toutes les

3 parties de la ville où les Musulmans étaient majoritaires, les

4 Serbes sont tous partis vers les zones serbes de la ville ou ont

5 quitté la ville.

6 Q. : Vous avez également déclaré, dans votre déposition, avoir réussi, à

7 un certain moment, à remonter de la cave à la nuit tombée, et avoir

8 assisté à la fusillade, de nuit. Je crois vous avoir entendu parler

9 de salves de balles traçantes tirées en direction de la ville. Est-

10 ce exact ?

11 R. : Oui.

12 Q. : D’où provenaient ces salves de balles traçantes ?

13 R. : D’un village essentiellement peuplé de Serbes.

14 MLLE HOLLIS : Merci, je n’ai plus de question.

15 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il d’autres questions ?

16 JUGE STEPHEN : J’ai une question à poser au sujet des tranchées. Vous nous

17 avez dit avoir creusé des tranchées sur le front. Etiez-vous

18 volontaire ? Vous étiez-vous porté volontaire pour creuser ces

19 tranchées, ou avez-vous été obligé de le faire ?

20 R. : Eh bien, pendant toute la durée de mon séjour dans le camp de

21 Batkovic, c’est-à-dire, du jour de ma capture au jour de ma remise

22 en liberté, je n’ai pas eu le droit de faire quoi que ce soit de mon

23 propre gré. J’ai été forcé de faire tout ce que j’ai fait.

24 Q. : Les autres hommes qui ont creusé ces tranchées avec vous étaient-ils

25 dans la même situation ?

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1 R. : Tous les prisonniers étaient dans la même situation, dans une

2 situation identique à la mienne, ils ne pouvaient décider de rien.

3 JUGE STEPHEN : Merci.

4 JUGE VOHRAH : M. Pasic, vous avez indiqué que lorsque les représentants du

5 CICR ont visité le camp de détention, on vous a donné l’ordre de

6 leur dire des choses qui, selon vous, n’étaient pas vraies, et vous

7 avez ajouté que ceux qui ont refusé de dire ce qu’ils avaient reçu

8 ordre de dire ont été frappés. Est-il arrivé que certains de vos

9 camarades refusent de dire ce qui leur avait été ordonné ?

10 R. : Oui.

11 JUGE VOHRAH : Merci.

12 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Pasic, vous avez déclaré, dans votre

13 déposition, que 66% de la population de Rogatica se composaient de

14 Musulmans, n’est-ce pas ?

15 R. : 66% de la population de la municipalité de Rogatica.

16 Q. : De la ville ?

17 R. : Pour la ville, la proportion était de 62 contre 37.

18 Q. : Y avait-il un maire à Rogatica ?

19 R. : Nous avions un maire.

20 Q. : Qui était maire en 1990/1991 ?

21 R. : Avez-vous besoin de son nom ?

22 Q. : Non, seulement de son appartenance politique.

23 R. : Il appartenait au SDA et était Musulman.

24 Q. : Quand, à peu près, ont eu lieu les élections qui l’ont porté au

25 pouvoir ?

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1 R. : C’était en 1991, je ne me rappelle pas la date exacte.

2 Q. : Le SDA a-t-il remporté la plupart des sièges au gouvernement

3 municipal ?

4 R. : Le SDA a remporté 20 sièges sur un total de 50. Les Musulmans, c’est-

5 à-dire, la population d’origine musulmane membre du Conseil s’est

6 attribué... non... 30, 30 conseillers municipaux sur un total de 50

7 ; il y avait 30 Musulmans et 20 Serbes.

8 Q. : Donc, les Musulmans détenaient, je suppose, le pouvoir politique à

9 Rogatica en 1991, n’est-ce pas ?

10 R. : Oui, les Musulmans ont remporté les élections à Rogatica.

11 Q. : Vous avez déclaré, dans votre déposition, qu’à la fin de 1991 ou au

12 début de l’année 1992, vous avez commencé à voir augmenter la

13 concentration des troupes de la JNA. Avez-vous réellement vu des

14 troupes de la JNA à Rogatica ?

15 R. : J’ai dit avoir remarqué un groupe de JNA, ou plutôt, des colonnes de

16 l’Armée populaire Yougoslave, qui traversaient la ville et

17 stationnaient parfois un jour ou deux aux abords de la ville. Ce

18 n’était pas le cas avant.

19 Q. : La JNA a-t-elle laissé des équipements derrière elle après son départ

20 ?

21 R. : En passant, les soldats tiraient sur la ville, ce qui rend compte

22 d’une partie du matériel, mais je n’ai pas vu qu’ils aient laissé

23 quoi que soit derrière eux... du moins, je ne l’ai pas vu de mes

24 yeux.

25 Q. : Avez-vous pu voir l’uniforme qu’ils portaient ?

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1 R. : Un uniforme militaire gris olive.

2 Q. : S’agit-il de l’uniforme SMB ?

3 R. : Oui, c’est cela.

4 Q. : Savez-vous comment a été créée la zone autonome Serbe, au printemps

5 de 1992 ? Y a-t-il eu des élections, ou pouvez-vous me dire comment

6 cette zone autonome serbe a été créée ?

7 R. : Pour autant que je sache, cette région autonome a été créée avec

8 l’aide du Parti démocratique serbe présent dans la région, en

9 l’absence de toute élection. Ils se sont simplement organisés et ont

10 proclamé l’indépendance de cette région et de tout ce qui s’y

11 rattachait.

12 Q. : Les Musulmans et les Serbes vivaient-ils, pour l’essentiel, dans des

13 parties distinctes de la ville ?

14 R. : Deux ou trois quartiers étaient purement musulmans ou purement

15 serbes, mais dans la majeure partie de la ville, ils vivaient

16 ensemble, la population était mixte.

17 Q. : Dans la zone correspondant à la création de la région autonome, la

18 région autonome serbe, était-elle exclusivement peuplée de Serbes ?

19 R. : Tout le territoire de la municipalité de Rogatica a été intégré à

20 cette région autonome, sans que la moindre question ait été posée à

21 qui que ce soit, sans que l’autorisation en ait été demandée à qui

22 que ce soit.

23 Q. : Dans ces conditions, quelles étaient les frontières géographiques de

24 cette zone semi-autonome nouvellement créée ?

25 R. : Les frontières géographiques étaient déterminées par le territoire

Page 976

1 des opstinas de Pale, Sokolac, Han Pijesak et Rogatica. Je n’en suis

2 pas certain, mais je crois que la municipalité de Vlasenica en

3 faisait aussi partie.

4 Q. : Ce que j’essaie de déterminer, c’est l’étendue du territoire sur

5 lequel a été créée cette région semi-autonome serbe au printemps...

6 était-ce bien au printemps de 1992 ?... sur quelle partie de

7 Rogatica ?

8 R. : Elle correspondait principalement aux parties de l’opstina où la

9 population serbe était majoritaire, car personne, dans ces endroits,

10 ne se serait rebellé.

11 Q. : Des Musulmans habitaient-ils sur ce territoire à l’époque ?

12 R. : Oui, mais en petit nombre.

13 Q. : Sont-ils restés sur ce territoire après qu’il a été déclaré semi-

14 indépendant ?

15 R. : Certains sont restés, d’autres ont dû partir.

16 Q. : Qui dirigeait le département de la police au printemps de 1992, au

17 moment où la police s’est divisée ? Etait-ce un Croate, un Musulman

18 ou un Serbe ?

19 R. : Le chef des forces de police à la veille de la division était un

20 Musulman.

21 Q. : Etiez-vous toujours dans la police à ce moment-là ? Vous avez

22 démissionné en mars ou en mai 1992 ?

23 R. : Le jour de la division du commissariat de police, c’est-à-dire le 30

24 mars 1992, j’ai quitté le département de la police.

25 Q. : Savez-vous qui a donné l’ordre de diviser le commissariat de police ?

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1 R. : L’ordre de diviser le commissariat a été donné par la municipalité

2 serbe de Rogatica et par la cellule de crise serbe créée sur ce

3 territoire.

4 Q. : Le chef musulman de la police a obéi à cet ordre, c’est ce que vous

5 voulez dire ?

6 R. : En fait, personne ne lui a rien demandé, car les policiers de

7 nationalité serbe ont reçu pour instruction de diviser le

8 commissariat et de quitter la police régulière. Ils ont donc scindé

9 en deux le commissariat pour en créer un autre, de leur propre

10 initiative.

11 Q. : Vous avez déclaré, dans votre déposition, que les membres de cette

12 nouvelle unité policière, de l’unité serbe, portaient alors

13 l’uniforme de camouflage agrémenté de l’emblème de la République

14 serbe de Bosnie, après leur sécession ?

15 R. : Oui, la plupart portaient cet uniforme, même si au début, ils avaient

16 l’air assez désorganisés ; au début, certains d’entre eux portaient

17 cet uniforme SMB ou même des vêtements civils, avec un emblème

18 apposé sur le bras, qui indiquait leur appartenance à la police

19 serbe.

20 Q. : Aviez-vous vu cet emblème de la République serbe de Bosnie avant la

21 division du département de la police, ou avant... vous avez déclaré,

22 dans votre déposition, vous être trouvé à un barrage routier et y

23 avoir vu un véhicule civil immatriculé en Macédoine, je crois, et

24 vous avez ajouté avoir vu des hommes en uniforme, à bord de cette

25 voiture, qui portaient l’emblème de la République serbe de Bosnie,

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1 aviez-vous vu cet emblème avant cela ?

2 R. : Cet emblème, je l’avais vu de temps en temps quand je travaillais

3 dans un restaurant, parce qu’il était fréquenté par des hommes en

4 uniforme, sur lequel j’ai vu cet emblème, mais c’était au début de

5 l’année 1992.

6 Q. : Quel était l’uniforme des soldats de l’unité serbe dirigée par Kusic,

7 c’est bien comme cela qu’il s’appelle ? Quel uniforme portaient-ils

8 ?

9 R. : La plupart d’entre eux portaient l’uniforme de camouflage SMB, avec

10 un béret rouge, non, pardon, noir.

11 Q. : Pouvez-vous me dire ce qu’est la cellule de crise ?

12 R. : La cellule de crise regroupait les hommes chargés d’organiser toute

13 personne courant un quelconque danger.

14 Q. : Qui la dirigeait ? Je croyais vous avoir entendu dire que M. Kusic

15 avait créé la cellule de crise alors qu’il était le chef du SDS ?

16 R. : Oui, Rajko Kusic a fondé cette brigade. Il était membre du parti SDS.

17 Il en était l’un des chefs. Il a fondé l’opstina serbe et était l’un

18 des hommes les plus en vue au sein de la cellule de crise. Je ne

19 sais pas s’il la dirigeait, mais il en était l’un des membres les

20 plus importants parce que... je ne... je ne peux vous en dire plus à

21 ce sujet. Je ne sais pas s’il en était vraiment le dirigeant.

22 Q. : Quel était l’objet de la cellule de crise ?

23 R. : A ma connaissance, elle avait pour objet de veiller à ce que toute la

24 population serbe de l’opstina de Rogatica s’organise le mieux

25 possible, autrement dit que tous les habitants âgés de 16 à 65 ans

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1 et en état de se battre puissent participer de façon organisée à ce

2 genre d’activité.

3 Q. : Quand a-t-elle été créée, cette cellule de crise, le savez-vous ?

4 R. : Au printemps de 1992.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Mlle Hollis, vous avez d’autres questions à

6 poser ?

7 MLLE HOLLIS : Merci, Madame le Juge.

8 [Suite du contre-interrogatoire mené par MLLE HOLLIS]

9 Q. : M. Pasic, selon ce que je comprends de votre témoignage, la région

10 autonome serbe comprenait plusieurs opstinas, n’est-ce pas ?

11 R. : C’est cela.

12 Q. : Est-ce qu’elle comprenait la totalité de toutes ces opstinas, ou

13 seulement les parties habitées par des Serbes ?

14 R. : Au moment où a été créée la région autonome serbe de Romanie, des

15 gens du Parti démocratique serbe ont été appelés, des Serbes donc,

16 et ils ont créé cette région, dans laquelle ils ont placé la

17 totalité des opstinas que je viens d’évoquer, sans distinction

18 territoriale ; autrement dit, la région autonome serbe comprenait la

19 totalité de toutes les opstinas que je viens d’évoquer.

20 Q. : Les parties serbes et non-serbes de ces opstinas, donc ?

21 R. : Oui, elle recouvrait l’ensemble. Ils n’ont demandé à aucun habitant

22 de ces localités s’ils désiraient faire partie de cette région ou

23 pas.

24 Q. : A ce sujet, je crois vous avoir entendu dire, dans votre déposition,

25 qu’après sept jours de pilonnage, des hommes sont entrés dans la

Page 980

1 ville de Rogatica et ont demandé aux Musulmans qui s’y trouvaient de

2 prêter serment de fidélité, n’est-ce pas ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Envers qui ont-ils prêté ce serment de fidélité ? A qui leur était-il

5 demandé d’être fidèles ?

6 R. : Ils devaient promettre fidélité à l’opstina serbe de Rogatica et au

7 pouvoir, aux autorités de cette opstina, ce qui signifiait que les

8 Musulmans devaient abandonner aux Serbes tous les pouvoirs qu’ils

9 détenaient au sein de l’opstina de Rogatica.

10 MLLE HOLLIS : Merci. Je n’ai plus de question.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

12 M. KAY : Je n’ai aucune question à soulever.

13 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Vous pouvez vous retirer. Merci

14 beaucoup d’être venu. Pas d’objection à ce que le témoin se retire

15 définitivement ?

16 M. KAY : Non.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci M. Pasic, vous pouvez partir.

18 (Sortie du témoin)

19 MLLE HOLLIS : Madame le Président, Mlle Sutherland peut-elle restituer la

20 pièce à conviction n° 73 de l’Accusation ?

21 M. TIEGER : Madame le Président, le prochain témoin à charge est Hanne

22 Sophie Greve

23 Mais je crois savoir que la Défense a une objection à soumettre à la

24 Chambre au sujet de sa venue dans le prétoire.

25 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

Page 981

1 M. KAY : Madame le Président, j’ai mentionné ce fait il y a quelques

2 temps, au moment où le nom de ce témoin a été porté sur la liste.

3 Nous avons des objections à ce que ce témoin soit cité à la barre,

4 qui sont liées en partie à ce qu’il va nous dire. Dans ces

5 conditions, la loi prescrit de traiter de cette objection avant la

6 prestation de serment du témoin, de façon à ce que la Chambre puisse

7 se faire une idée de la nature de l’objection.

8 Madame le Président, j’ai eu en mains un mémoire destiné aux membres

9 de la Chambre qui traitait de ce sujet et je voudrais que

10 quelqu’un... (transmission des documents).

11 Avant d’aborder ce point, pourrais-je peut-être indiquer quelle est

12 la nature du témoignage que nous allons entendre ? Nous avons reçu

13 un projet de déposition provenant de ce témoin ; c’est un résumé de

14 ce que le témoin se propose de dire au cours de la journée, à peu

15 près, que doit durer sa déposition, à en croire le calendrier de

16 l’Accusation. De plus, Madame Greve a été citée en qualité d’expert,

17 et nous avons reçu son curriculum vitae. Nous connaissons le rôle

18 qui a été le sien en rapport avec les événements dont nous débattons

19 ; elle a, en effet, soumis aux Nations Unies un rapport spécialement

20 axé sur la région de Prijedor, qui était son thème de recherche.

21 J’ignore si la Chambre a pris connaissance de ce rapport, mais nous

22 en avons un exemplaire ici. Ce matin, l’Accusation m’a fourni des

23 extraits de ce rapport directement liés aux points dont elle

24 traitera dans sa déposition, une soixantaine de pages au total.

25 Nous sommes contraints de faire objection sur le fond à la

Page 982

1 déposition de ce témoin en qualité d’expert, mais pour ce faire, il

2 nous est très difficile de nous adresser au Tribunal en termes

3 abstraits, sachant que les juges doivent statuer en droit et en

4 fait.

5 Voici un témoin qui va s’efforcer de présenter à la Chambre divers

6 documents élaborés par elle alors qu’elle préparait son rapport pour

7 l’Organisation des Nations Unies, sur lesquels elle s’apprête à

8 fonder sa déposition. Je vais devoir évaluer au jugé la possibilité

9 accordée aux membres de la Chambre de première instance d’examiner

10 ce témoignage, dont nous demandons qu’ils soit exclu du dossier.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pourquoi demandez-vous l’exclusion de

12 certaines parties de cette déposition, et de quelles parties

13 demandez-vous l’exclusion ?

14 M. KAY : Madame Greve est citée en qualité d’expert pour témoigner sur des

15 dossiers et des recherches menées par elle ; sur des interrogatoires

16 de témoins qui seront éventuellement cités à comparaître par

17 l’Accusation dans le présent procès et ceux d’autres témoins ayant

18 joué un rôle dans des événements soumis au jugement de la Chambre de

19 première instance ; sur des passages précis tirés d’un certain

20 nombre de publications, sur des ouvrages disponibles en librairie,

21 notamment celui d’un certain M. Vulliamy, autre témoin de

22 l’accusation, sur des articles de presse...

23 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Permettez-moi de vous interrompre un instant.

24 La meilleure façon de procéder pourrait consister à déterminer

25 l’identité de ce témoin et la teneur de son témoignage, après quoi

Page 983

1 je pourrais entendre votre objection. Je cherche à établir un cadre

2 de travail, mais j’ignore toujours le motif de votre objection. Je

3 crois savoir qu’elle est liée à la teneur du témoignage, sans rien

4 connaître du témoin, en dehors de son nom.

5 M. KAY : C’est précisément là que réside la difficulté dont je viens de

6 parler.

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien sûr, vous avez cité son nom, mais vous

8 ne nous avez rien dit de sa personne, et vous n’avez pas non plus

9 défini le motif de votre objection. Pourrions-nous donc simplement

10 connaître les grandes lignes de son témoignage, après quoi vous

11 pourriez nous dire quels sont les motifs de votre objection.

12 M. KAY : C’est entendu.

13 M. TIEGER : Merci, votre Honneur. Le témoin s’appelle Hanne Sophie Greve.

14 Elle est Juge auprès de la Cour d’appel de Norvège ; elle est aussi

15 Juge de première instance, et possède une grande expérience dans le

16 domaines des enquêtes liées à l’application du droit humanitaire

17 dans les conflits internationaux ; elle est membre de la Commission

18 d’experts créée en vertu de la résolution des Nations Unies, en

19 vertu des pouvoirs dévolus au Conseil de sécurité au titre du

20 Chapitre VII. Elle s’est particulièrement attachée, au cours du

21 travail qu’elle a accompli au sein de cette Commission, à l’étude de

22 la région de Prijedor et est, en fait, à l’origine d’une étude

23 indépendante relative à cette région ; elle a examiné et évalué tous

24 les autres documents disponibles.

25 Cette Commission d’experts a adopté une résolution qui invite les

Page 984

1 organisations humanitaires internationales à recueillir, pour les

2 lui soumettre, tous les documents disponibles qui traitent de ce

3 conflit, y compris, bien sûr, ceux qui concernent Prijedor. Outre le

4 fait d’examiner et d’évaluer ces pièces, elle a entrepris une

5 enquête très précise sur la région de Prijedor qui a consisté,

6 notamment, à interroger des témoins, près de 400 témoins. Ceux-ci

7 ont été interrogés, dans six pays différents, par des officiers de

8 policiers, des juristes et des représentants officiels du

9 gouvernement.

10 Si vous me permettez de replacer son témoignage dans son contexte,

11 je prierai les membres de la Chambre de première instance de bien

12 vouloir se remémorer le témoignage du Dr. Gow. Des questions

13 précises lui ont été posées au sujet de Prijedor par l’Accusation et

14 par la Défense. Il a refusé d’y répondre, au motif que sa compétence

15 portait sur l’ensemble de la région et la globalité du conflit, et

16 qu’il n’était donc pas qualifié pour répondre à des questions

17 précises. Les juges ont alors déclaré, si je ne m’abuse, espérer

18 avoir la possibilité d’entendre un expert de la région, ce qui est

19 compréhensible et raisonnable. Le Juge Greve est cet expert et nous

20 souhaitons faire porter son témoignage sur ces faits, précisément.

21 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Redites-moi quel est son domaine d’expertise,

22 je vous prie. J’ai compris qu’elle est Juge et que son expérience

23 est liée aux droits de l’homme. J’imagine que... elle siégeait à la

24 Commission d’experts ?

25 M. TIEGER : Elle en était l’un des Commissaires.

Page 985

1 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Et elle a interrogé un certain nombre de

2 personnes. Dans votre système bien sûr, cela ferait d’elle un expert

3 de quel domaine, à la barre des témoins ?

4 M. TIEGER : Un expert du conflit de Prijedor, de son contexte historique,

5 de sa nature et de sa portée.

6 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Elle va fonder son témoignage sur les

7 interrogatoires qu’elle a elle-même conduits, c’est bien cela ?

8 M. TIEGER : Près de 400 interrogatoires menés à sa demande par des

9 professionnels, avocats, officiers de police, représentants

10 officiels de gouvernements, dans six pays différents ; et disons une

11 centaine d’interrogatoires menés par des représentants officiels

12 dans d’autres endroits ; elle se fondera sur l’ensemble des pièces

13 et documents présentés en vertu de la résolution portant création de

14 la Commission ; sur ses contacts avec des ambassades et des agents

15 gouvernementaux officiels, serbes, bosniaques et croates ; je

16 pourrais continuer... En fait, tous les contacts qui ont pu lui

17 servir à faire la clarté sur ce conflit.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Entendons votre objection, à présent,

19 M. Kay ?

20 M. KAY : Voici un témoin cité à la barre pour vous soumettre des dossiers

21 préparés par des tiers à son intention ; et si, devant cette

22 Chambre, elle devait tirer des conclusions au sujet de ces dossiers

23 et de ces documents reçus par elle, elle usurperait les fonctions

24 dévolues aux juges, à qui il appartient d’établir la réalité des

25 faits liés aux événements survenus dans la région de Prijedor.

Page 986

1 Ainsi, nous ne sommes pas devant un témoin doté d’une expertise

2 technique, scientifique ou autre, susceptible de faire partager ses

3 connaissances au Tribunal pour l’aider à comprendre un certain

4 nombre d’éléments qui, sans cela, risqueraient de lui demeurer

5 inaccessibles, pour la compréhension desquels la Chambre a besoin de

6 recevoir des avis. On la présente comme un témoin ayant mené des

7 recherches et fait réaliser des interrogatoires par des tiers, des

8 témoins à charge notamment, qui les lui auraient ensuite communiqués

9 (nous ne savons rien des changements linguistiques subis par ces

10 dépositions avant de parvenir entre ses mains) ; ces questions n’ont

11 rien à voir avec celles qui justifieraient que la Chambre fasse

12 appel à des experts. En effet, l’évaluation des témoins, les

13 décisions relatives aux événements survenus à Prijedor, sont autant

14 de questions sur lesquelles il appartient au Tribunal de rendre un

15 jugement et nous affirmons que le Tribunal est parfaitement à même

16 de rendre un tel jugement.

17 La Chambre n’a nul besoin d’entendre un témoin lui dire : "J’ai

18 obtenu les dépositions de 400 témoins. Je peux vous dire, après

19 avoir lu les journaux, parlé à des journalistes et parcouru un

20 certain nombre d’ouvrages traitant de ce sujet, que tel acte a été

21 commis contre telle partie de la population par telle autre partie

22 de la population et que les actes commis ont revêtu telle forme

23 particulière."

24 La nature de notre objection est assez fondamentale. Elle relève du

25 fait de savoir si un avis d’expert est requis sur ce sujet ou sur

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1 des rapports obtenus, par voie d’ouï-dire, de témoins ayant

2 effectivement vécu les événements de cette période.

3 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pourriez-vous indiquer à la Chambre de

4 première instance quel est l’article précis du Règlement de

5 procédure et de preuve régissant ce procès ainsi que le travail de

6 la Chambre, quel est l’article qui, selon vous, étaye votre

7 position, selon laquelle il conviendrait ne pas entendre ce

8 témoignage ?

9 M. KAY : Prenons donc l’article 89 du Règlement. C’est véritablement

10 l’article le plus significatif, s’agissant de l’administration de la

11 preuve.

12 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : L’article 89 du Règlement ?

13 M. KAY : L’article 89 a) précise un point que nous connaissons bien, à

14 savoir que le Tribunal n’est pas tenu d’appliquer les règlements de

15 preuve nationaux. Au paragraphe b), il stipule : Dans le cas où le

16 Règlement est muet, la Chambre applique les règles d’administration

17 de la preuve propres à parvenir, dans l’esprit du Statut et des

18 principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause ;

19 au paragraphe c) : La Chambre peut recevoir tout élément de preuve

20 pertinent qu’elle estime avoir une valeur probante ; au paragraphe

21 d): La Chambre peut exclure tout élément de preuve dont la valeur

22 probante est largement inférieure à l’exigence d’un procès

23 équitable".

24 Il a été dit devant le Tribunal, ce matin, que les éléments de

25 preuve que ce témoin s’apprête à fournir sont le fruit de ses

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1 recherches personnelles, qui ont impliqué de nombreuses

2 conversations avec des tiers ; je puis en attester, pour avoir

3 parcouru la liste des documents qui m’a été remise ce matin, sur

4 laquelle figurent des extraits d’ouvrages écrits par des

5 journalistes, des livres et des articles de presse.

6 Ainsi, nous sommes en présence d’un témoin cité à la barre pour

7 déclareR. : "j’ai eu des entretiens sur ce sujet, j’ai lu des écrits

8 sur ce sujet, et je puis vous dire ce qui m’a été dit".

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Votre objection à l’encontre de ce témoignage

10 repose-t-elle sur le fait qu’il ressort, en partie, de l’ouï-dire ?

11 M. KAY : Nous entrons directement dans le domaine de l’ouï-dire ; qui plus

12 est, nul ne connaît le nombre de stades qu’a comporté ce processus

13 d’ouï-dire. Il est possible que nous soyons en présence d’un

14 processus d’ouï-dire à double, triple ou même quadruple détente. Par

15 ailleurs, après lecture de l’article 89, qui énumère les éléments de

16 preuve les plus aptes à faciliter, dans l’esprit du Statut et des

17 principes généraux du droit, une juste détermination de la cause, je

18 prierai la Chambre de se pencher d’emblée sur le principe qui est en

19 cause ici. Nous pourrions sans doute nous demander, peut-être,

20 pourquoi une telle façon de procéder susciterait, dans nombre de

21 systèmes juridiques, des objections tenant avant tout au fait qu’un

22 témoignage s’appuie sur l’ouï-dire et que des conclusions sont

23 tirées sur des questions pour lesquelles le Tribunal n’a pas

24 spécialement besoin des conseils d’un expert. Dans le cas qui nous

25 intéresse, l’Accusation a pour objectif de présenter des témoins qui

Page 989

1 parleront des événements survenus dans la région de Prijedor, de ce

2 qui s’est passé dans cette région, de ce qu’ils ont vécu, ainsi que

3 des événements qui ont donné naissance à ces expériences vécues. La

4 Chambre a vu la liste des témoins. Nombre d’entre eux présenteront

5 des témoignages de première main au sujet des événements, en

6 exposant leurs expériences directes.

7 J’ai remis, ce matin, à la Chambre, un court dossier. Dans les deux

8 premières pages, je décris brièvement le principe en cause. J’ai

9 intitulé ce document : "déposition sur base d’opinions". C’est le

10 premier document de la liasse qui a été remise à la Chambre.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons ce document. Vous avez fait

12 référence à l’article 89 du Règlement, bien sûr, où sont exposées

13 les dispositions générales qui gouvernent l’administration de la

14 preuve. Vous savez certainement que nous n’avons à notre disposition

15 aucun article du Règlement régissant le témoignage des experts.

16 M. KAY : En effet.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Mais le cas de l’expert autorisé à témoigner

18 est envisagé. A l’article 90, intitulé "Témoignages", au paragraphe

19 D), nous lisons : "Un témoin, autre qu’un expert ?...? ne doit pas

20 être présent lors de la déposition d’un autre témoin". Ainsi, aucun

21 article du Règlement ne... et bien sûr, l’heure de suspendre

22 l’audience approche ; je pense donc que le mieux que nous puissions

23 faire serait de prendre les documents remis par vous, ce sont des

24 extraits de diverses publications relatives au témoignage des

25 experts ; nous pouvons les emporter pour les lire - puisque nous

Page 990

1 n’avons pas un seul article du Règlement à notre disposition

2 traitant de ce sujet, aucun article qui nous permette de définir les

3 critères applicables dans ce cas.

4 Dans mon système juridique, et c’est un point très intéressant, car

5 de tous les avocats, M. Tieger est sans doute le seul qui provienne

6 du même système juridique que moi ; bien sûr, M. Niemann est issu du

7 même système juridique que M. le Juge Stephen et je crois que M. le

8 Juge Vohrah a acquis une grande expérience du système juridique qui

9 est le vôtre.

10 M. KAY : Oui.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Donc, nous sommes invités à vous écouter et à

12 admettre votre proposition, c’est-à-dire à appliquer... l’ouvrage de

13 Cross et Taper, n’est-ce pas, qui traite du témoignage. Il expose le

14 système britannique, n’est-ce pas ?

15 M. KAY : Je ne vous propose pas d’appliquer des règles issues d’un système

16 national particulier.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quel est le second extrait ?

18 M. KAY : Un extrait d’Archbold, relatif à une affaire jugée dans le sud de

19 l’Australie.

20 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : De l’Australie ?

21 M. KAY : Oui. Nous nous référons assez souvent à des affaires

22 australiennes dans nos rapports. Dans le document principal, j’ai

23 délibérément évité de me référer à des règlements de preuve

24 nationaux, au profit d’un énoncé de principes, parce que les

25 principes offrent un meilleur angle d’argumentation et que l’article

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1 89 porte avant tout sur des questions de principe.

2 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ces principes dont vous parlez, s’appliquent-

3 ils uniquement aux procès jugés par un jury ou pas ?

4 M. KAY : Oui. J’ai ici quelques textes. Je suppose que les avocats se

5 sentent perdus dès qu’ils n’ont aucun texte, aucune référence pour

6 les soutenir ; j’ai donc construit ce dossier pour disposer d’une

7 documentation sur laquelle prendre appui, et dans cette

8 documentation, les arguments sont aussi mis en rapport avec

9 l’ensemble des autres éléments connus. J’espère que cela sera utile

10 à la Chambre. Il est vrai que c’est la première fois que nous avons

11 à traiter de ce sujet, dans lequel nous voyons une importante

12 question de principe. Nous admettons qu’un expert puisse être cité

13 en qualité de témoin, et nous ne rejetons aucunement les autres

14 aspects du dossier de l’Accusation qui s’appuient sur le témoignage

15 d’experts. Mais au sujet de ce témoin particulier, nous disons que

16 son travail ne correspond pas à l’acception générale des termes

17 "champ d’expertise", qu’il risque de nous entraîner dans les

18 domaines de l’opinion et du commentaire, et cherchera à proposer au

19 Tribunal des conclusions fondées sur le fruit de recherches menées

20 par des tiers.

21 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, avez-vous des documents à

22 soumettre à la Chambre pour qu’elle en prenne connaissance pendant

23 la pause de midi ?

24 M. TIEGER : Madame le Président, je n’ai aucune pièce à remettre à la

25 Chambre. Je viens de recevoir le dossier, peu après la pause. Je

Page 992

1 vais essayer de rassembler toutes les pièces utiles à la Chambre

2 pendant la suspension d’audience. En revanche, je souhaiterais faire

3 quelques commentaires, si vous m’y autorisez.

4 Tout d’abord, permettez-moi de revenir sur la nature de mon

5 objection, qui n’a pas été explicitement établie. La Défense est

6 convaincue que le Juge Greve témoignera selon les lignes du projet

7 de témoignage soumis par elle, et au sujet de Hambarine, une

8 localité de la région de Prijedor. Mon objection porte sur les

9 événements ultérieurs, c’est-à-dire, notamment, l’attaque et le

10 nettoyage ethnique de Kozarac, le regroupement des civils, leur

11 transport jusqu’à des camps, les conditions de vie prévalant dans

12 ces camps et les opérations de nettoyage ethnique périodiques qui

13 ont suivi.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je l’ignorais. Je pensais qu’elle portait sur

15 l’ensemble de son témoignage, dans la mesure, en tout cas, où il

16 tend à présenter des opinions, et en particulier, une opinion

17 reposant sur l’ouï-dire.

18 M. TIEGER : Voici une citation extraite du premier paragraphe du document

19 de la Défense : "Nous n’avons aucune objection à entendre un témoin

20 parler des aspects vécus par lui qui sont pertinents eu égard au

21 procès". J’ai été informé oralement que ce paragraphe renvoie aux

22 portions du projet de témoignage postérieures au paragraphe 17. Je

23 viens d’en donner lecture à la Chambre.

24 Je répondrai à présent à l’argument selon lequel l’Accusation

25 demanderait au témoin d’évoquer d’autres sujets ; à cet égard, la

Page 993

1 Défense commence par affirmer que ce témoin usurperait le rôle

2 dévolu à la Chambre. Son intention n’est pas d’usurper le rôle

3 dévolu à la Chambre, mais d’aider le Tribunal. Parler de la sorte

4 est une façon déguisée de revenir à la règle qui interdit à un

5 témoin-expert, ou à tout autre témoin d’ailleurs, de témoigner au

6 sujet du fait décisif de l’affaire. Cette règle a été expressément

7 abandonnée aux États-Unis, et je crois savoir qu’elle est

8 pratiquement tombée en désuétude, faute d’application, dans bon

9 nombre d’autres systèmes juridiques. Elle vise surtout les jurés,

10 censés pouvoir se laisser impressionner par la réputation d’un

11 expert au point d’en perdre leur libre arbitre. Une telle crainte

12 n’a pas lieu d’être dans ce prétoire. Ce témoin va subir un contre-

13 interrogatoire ; il sera interrogé par les juges et il ne fait aucun

14 doute que ceux-ci sauront déterminer le juste poids qu’il convient

15 d’accorder au témoignage de cet expert.

16 La Défense allègue, dans son exposé, que la Chambre n’a pas besoin

17 de l’assistance d’un expert sur ce point. Elle met l’accent sur le

18 fait que : " si un cardinal de l’église catholique romaine,

19 témoignant devant un jury, déclare penser que l’accusé a conduit sa

20 voiture de façon négligente, il est difficile d’imaginer que le

21 verdict rendu pourrait être défavorable au plaignant".

22 Malheureusement, dans l’affaire qui nous intéresse, nous n’avons pas

23 à traiter d’un simple accident de la route. L’opstina de Prijedor...

24 JUGE STEPHEN : A moins d’être en Irlande du Nord !

25 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne crois pas que ce Tribunal se laisserait

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1 si facilement impressionner, fût-ce par le témoignage d’un cardinal.

2 Je pense que nous sommes à même de distinguer entre la réalité et la

3 fiction.

4 M. TIEGER : L’opstina de Prijedor couvre un territoire très étendu, M. le

5 Juge, de 34 km sur 25 km environ. Cela équivaut à peu près à la

6 distance qui sépare la plage de Scheveningen de l’aéroport, ou le

7 lieu où nous nous trouvons de Rotterdam. Une attaque coordonnée des

8 forces politiques, militaires, paramilitaires et policières serbes,

9 oeuvrant ensemble dans le dessein de créer une entité serbe unifiée

10 a tué ou contraint au départ plus de 50.000 Musulmans et Croates de

11 la région.

12 Si l’Accusation doit citer tous les témoins dont elle a besoin pour

13 faire la lumière sur la nature de cette attaque, sa portée ou les

14 relations entre elle et les camps qui ont, ensuite, appliqué et

15 réalisé cet objectif, nous siégerons ici très longtemps, en effet.

16 Les témoins que nous citons à la barre s’intéressent à des actes

17 précis... la plupart des témoins que nous citons traitent d’actes

18 commis par l’accusé. Nous n’avons pas cité ce témoin pour l’entendre

19 nous parler d’actes précis commis par l’accusé ou de victimes

20 particulières. Ce témoin n’entrera pas dans le détail du

21 fonctionnement du camp, il est appelé à apporter à la Chambre des

22 informations lui permettant de comprendre ce fonctionnement, ou

23 celui du nettoyage ethnique, de façon à mieux saisir la nature des

24 événements survenus à Prijedor, leur portée ainsi que le but qui

25 leur avait été assigné.

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1 JUGE STEPHEN : Puis-je vous demander... est-ce que vous prévoyez que ce

2 témoin nous dise, entre autres choses, ce que certains des 400

3 témoins auraient déclaré aux personnes qui les ont interrogés et que

4 ces dernières lui auraient ensuite retransmis ?

5 M. TIEGER : Si je comprends bien la question de la Chambre, M. Le Juge, je

6 crois que la réponse devrait être négative. Elle ne va pas parler

7 d’événements spécifiques relatés par un ou deux individus. Son

8 témoignage portera sur des domaines pour lesquels tous les faits

9 disponibles convergent. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle

10 ne témoignera pas au sujet d’un incident particulier, parce qu’elle

11 n’a pas enquêté sur cet incident particulier, mais est plutôt

12 devenue expert du conflit de Prijedor.

13 Donc, prenons, par exemple, l’existence du camp d’Omarska : elle va

14 témoigner de son existence, en s’appuyant sur un grand nombre de

15 facteurs, notamment sur des informations provenant des témoins,

16 naturellement ; mais s’agissant d’un incident particulier, relaté

17 par un témoin particulier, par exemple, elle ne reprendra pas, dans

18 son témoignage, les propos tenus par ce témoin.

19 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je suppose qu’elle émettra donc une opinion

20 en se fondant sur l’audition d’environ 400 témoins, nous dites-vous

21 aujourd’hui, mais l’opinion qu’elle exprimera sur la base de ces

22 auditions, sur quoi portera-t-elle ?

23 M. TIEGER : Si je puis revenir en arrière, Madame le Président, j’aimerais

24 éclaircir ce problème. Je crois que nous avons exagérément mis

25 l’accent sur les auditions. Il me semble que ces auditions ont été

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1 un aspect important de son travail très louable, mais qu’elles

2 venaient en complément de tout le reste. Il n’est pas question

3 qu’elle résume ce que les témoins lui ont dit. Elle est appelée à

4 présenter ses conclusions, en s’appuyant sur les recoupements

5 qu’elle pourra faire entre toutes les informations disponibles et ce

6 quelle a pu apprendre par ailleurs.

7 Je crois que ce qu’elle a entendu de la bouche d’un témoin

8 particulier ne lui permet pas de dire : "sur la base des dires de ce

9 témoin particulier, ou de cette victime particulière, je suis en

10 mesure de vous dire avec précision ce qui s’est passé". Elle a

11 conduit ses recherches et est devenue experte dans son domaine, à

12 l’instar du Dr. Gow, par exemple, en tenant compte de toutes les

13 informations disponibles. Le fait que les auditions aient été

14 conduites à sa demande ne devrait pas être retenu contre elle, mais

15 plutôt en sa faveur.

16 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle conclusion entend-elle nous

17 présenter ? Je suis sûre qu’elle est stipulée sur le projet de

18 déposition remis à la Défense. Quelles sont les conclusions qu’elle

19 propose ?

20 M. TIEGER : Le témoin expliquera le rapport qui existe entre les

21 événements de Prijedor et ceux dont nous a parlé le Dr. Gow. Le

22 rapport entre Prijedor et ce qui s’est passé hors de Prijedor.

23 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Donc elle démontrera un dessein, une

24 politique ou un plan, j’imagine, elle témoigne pour établir le lien

25 avec le témoignage que nous avons déjà entendu et nous amener,

Page 997

1 finalement, jusqu’à Prijedor.

2 M. TIEGER : Il sera question de Prijedor, Madame le Président, et elle

3 témoignera... certainement, son témoignage sera en rapport avec

4 l’internationalité du conflit. Il traitera également, bien sûr, de

5 la question de savoir à quel point l’attaque de Prijedor a été

6 systématique et étendue. Il y sera question, aussi, des

7 organisations, de la JNA et du SDS, qui ont participé à l’attaque,

8 et de leur relation avec des entités situées hors de la zone.

9 JUGE VOHRAH : M. Kay, vous n’avez fait aucune objection au fait que M. Gow

10 présente ses opinions d’expert lorsqu’il a comparu. En quoi le

11 témoignage que nous nous apprêtons à entendre serait-il différent de

12 celui du Dr. Gow ?

13 M. KAY : La différence est de taille. M. Gow a été cité pour dessiner une

14 perspective historique, en tant qu’historien spécialiste des

15 affaires militaires, et il a aussi parlé des événements relevant de

16 la constitution. Nous ne nous opposons pas aux aspects du témoignage

17 qui couvriraient ce genre de domaines, qui sont autant d’éléments

18 relevant du domaine public, accessibles au public. Mais nous avons

19 reçu un projet de témoignage... (je suis de nouveau contraint de

20 m’exprimer prudemment, ici, car nous sommes dans un Tribunal qui

21 juge des faits en même temps qu’il fait le droit).... dans lequel le

22 témoin fait référence à des événements survenus à Kozarac et dont

23 elle a eu connaissance par ses auditions, ou par les auditions

24 conduites à sa demande.

25 Elle décrit le camp d’Omarska, par exemple, comme étant pratiquement

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1 un camp de la mort. Elle décrit les conditions de vie des

2 prisonniers. Elle dit que les sévices corporels étaient courants.

3 Elle n’était pas sur les lieux, des témoins sont donc cités pour en

4 parler. Elle décrit les circonstances dans lesquelles ces personnes

5 étaient détenues dans ces camps, dit que ces camps étaient dirigés

6 par des inspecteurs, parle de circonstances impliquant que des

7 régions entières auraient subi le nettoyage ethnique. Notre position

8 consiste à affirmer que ces éléments sont des éléments factuels,

9 dont le Tribunal doit entendre parler de la bouche des témoins, pour

10 se prononcer pour ou contre.

11 Il y a un risque, lorsqu’on cite une personne dans ce prétoire pour

12 qu’elle nous rapporte les propos d’un tiers ; je ne dis pas invoquer

13 devant cette Chambre l’argument de la dernière question décisive

14 d’un procès, mais j’affirme que des conclusions risquent d’être

15 présentées à la Chambre, à laquelle il appartient en fait de tirer

16 ses propres conclusions, plutôt que de les obtenir de la bouche d’un

17 témoin. Jusqu’où une telle possibilité peut-elle nous mener ?

18 Pourrais-je produire deux enquêteurs de Prijedor qui viendraient

19 dire : "Eh bien, nous avons parlé à tout le monde dans cette région,

20 nous pensons que Dusko Tadic n’est pas coupable. Nous avons parlé à

21 tout le monde, nous avons étudié ce qui s’est passé, et sa défense

22 repose sur ceci ou cela, et elle est solide." C’est là que vous vous

23 engagez si profondément dans la voie des faits que la Chambre n’a

24 pas besoin d’entendre exprimer ces opinions ; mais oui, la Chambre a

25 besoin d’entendre des experts sur des points qui, peut-être, ne lui

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1 sont pas très faciles à comprendre, raison pour laquelle nous nous

2 appuyons sur des données scientifiques et techniques.

3 Mais ici, toute cette partie du rapport, la deuxième partie, va au-

4 delà du domaine abordé par M. Gow, à l’encontre duquel mes

5 honorables amis ont déjà élevé une objection à l’époque, comme je

6 l’ai appris... moi, j’étais malheureusement cloué au lit par la

7 grippe et donc absent... je sais que leur objection partait de son

8 témoignage à lui, témoignage dont elle s’écarte pour tirer des

9 conclusions fondées sur des éléments de preuve qui lui ont été

10 fournis à elle.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Leur objection portait sur le fond de son

12 témoignage, et nous avons bien sûr demandé qu’avant de donner un

13 avis, le Dr. Gow exprime ou définisse le fond de cet avis. Bien

14 entendu, le dernier jour du témoignage du Dr. Gow, désormais versé

15 au dossier est à notre disposition. Le Procureur a demandé que

16 soient versées au dossier des portions du rapport de la Commission

17 d’experts, de deux rapports différents, qui traitent de la présence

18 paramilitaire. Ils nous ont été remis, et bien entendu, ils

19 s’appuyaient sur... en fait, les notes de bas de page manquaient ;

20 j’aimerais les voir parce qu’elles indiquent l’origine des rapports,

21 mais la majeure partie du témoignage du Dr. Gow, le dernier jour, se

22 fondait sur des sources pour le moins variées, dont ces deux

23 rapports de la Commission.

24 M. KAY: L’un provenait du Secrétaire général, j’étais présent à cette

25 occasion, et ces questions ont été évoquées lors du contre-

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1 interrogatoire, parce que certaines des conclusions qu’il a

2 présentées sur la base de ses recherches étaient contestées. Donc il

3 a subi un contre-interrogatoire portant sur le rapport du Secrétaire

4 général.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Je ne parlais pas du rapport du

6 Secrétaire général mais des deux rapports de la Commission

7 d’experts.

8 M. KAY : Mais nous allons au-delà de cela, il ne s’agit pas uniquement de

9 journaux, de suivre ce qui se disait dans la presse de Belgrade ou

10 une autre presse, à la radio, à la télévision, toutes situations

11 dans lesquelles un historien est parfaitement capable de commenter

12 ce qu’il a entendu. Ici, nous sommes en plein dans les éléments de

13 preuve, depuis l’élément de preuve relatif à l’attaque d’un barrage

14 routier de Hambarine, avec commentaires à l’appui, jusqu’à l’élément

15 de preuve qu’est le récit de l’entrée dans la ville de Prijedor,

16 dont ils tentaient de reprendre le contrôle, d’un petit groupe de

17 Musulmans faiblement armés et accompagnés de Croates. Il s’agit de

18 commentaires, pas des recherches du Dr. Gow. La Chambre est sur le

19 point d’entendre commenter des éléments de preuve et elle devra en

20 tirer ses propres conclusions.

21 Voilà pourquoi je dis, où fixons-nous la limite ? Devons-nous

22 appliquer les mêmes normes et citer des enquêteurs (car au fond, ce

23 témoin est bien un enquêteur) pour nous opposer à ceci, en fonction

24 d’objectifs que nous jugeons importants dans ce procès.

25 J’espère que ces propos seront utiles à la Chambre.

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1 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, vous souhaitez ajouter quelque

2 chose, en deux minutes ?

3 M. TIEGER : Merci, Madame le Président, je serais bref. Il est très utile

4 pour la Défense de la présenter comme enquêtrice. Mais ce n’est pas

5 ce qu’elle est. Je reviens sur le commentaire de la Défense :

6 devrions-nous citer deux enquêteurs pour qu’ils viennent nous dire

7 que l’accusé n’est pas coupable ? Ces mots montrent bien

8 l’inexactitude de leur argument sur deux points. Si la Défense

9 pouvait citer un témoin chargé par la communauté internationale

10 d’agir en qualité d’expert sur ce sujet et qui, pour ce faire, a

11 passé en revue le moindre fragment d’information disponible, car

12 c’est à peu près ce que fait un expert en histoire, elle disposerait

13 d’un argument de poids. De plus, le témoin dont il est question n’a

14 nullement l’intention de donner son avis, quelle qu’en soit la

15 nature, au sujet de la participation spécifique de l’accusé, de sa

16 culpabilité ou de son innocence.

17 Une fois de plus, la Défense essaie de suggérer que la Chambre n’a

18 nul besoin d’aide pour comprendre ce qui s’est passé dans cette

19 opstina, au motif que vous allez tout apprendre des témoins. Le fait

20 est que, comme je l’ai déjà souligné, nous parlons d’activités à

21 grande échelle et systématiques, qui se sont déroulées dans une zone

22 étendue. Chaque témoin ne peut connaître qu’une fraction de

23 l’ensemble. Nous n’avons pas choisi nos témoins à cette fin, nos

24 témoins disposent d’éléments de preuve directs relatifs à la

25 participation de l’accusé et à l’accusé en tant que personne. Ce qui

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1 est paradoxal ici, c’est que la Défense déclare n’avoir aucune

2 objection à entendre ce témoin nous dire ce qu’elle a appris de

3 sources extérieures, et certes, elle est un expert suffisamment

4 aguerrie pour témoigner de cela, mais ce que la Défense refuse,

5 c’est de nous laisser entendre ce qu’elle aurait appris en se

6 fondant sur des enquêtes indépendantes englobant des informations

7 obtenues de personnes disséminées un peu partout dans le monde ; or,

8 c’est précisément, à mon avis, le genre d’information sur lesquelles

9 s’appuient les historiens.

10 S’il apparaît que telle ou telle de ses opinions se fonde

11 exclusivement sur ce genre de données, la Chambre est certainement à

12 même d’accorder à ses propos le poids qu’elle jugera bon de leur

13 accorder. La Chambre ne devrait pas se priver de la possibilité

14 d’entendre s’exprimer la personne chargée par la communauté des

15 nations de découvrir ce qui s’est passé là-bas.

16 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l’audience jusqu’à 14h30. M.

17 Wladimiroff sera présent, n’est-ce pas, M. Orie ?

18 M. ORIE : C’est ce qui est prévu, en effet, Madame le Président.

19 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous siégerons à huis clos pendant quelques

20 minutes pour décider du calendrier du procès. Puis nous reprendrons

21 en audience publique pour examiner l’offre de preuves et

22 l’objection. Nous reprendrons l’audience à 14 heures.

23 (13h15)

24 (Pause de midi

25 CONFIDENTIEL

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1 (Séance à huis clos)

2 (14 h 30)

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12 (AUDIENCE PUBLIQUE)

13 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous siégeons maintenant en audience

14 publique. Avant la pause du déjeuner, nous avons entendu une

15 objection portant sur le témoignage de Mlle Hanne Sophie Greve,

16 c’est cela ?

17 M. TIEGER : "Greve", Madame le Président.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Greve. L’Accusation a soumis un projet de

19 témoignage et la Défense a objecté et nous a soumis un mémoire de

20 deux ou trois pages et des pièces jointes sur lesquelles figurent

21 des règlements relatifs à l’administration de la preuve issus de

22 diverses juridictions internes.

23 Comme je l’ai dit, comme nous l’avons dit dans nos remarques

24 liminaires, nous ne sommes pas une juridiction interne. Nous sommes

25 régis par le Règlement de procédure et de preuve créé par le

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1 Tribunal. Si son article 89 A) stipule que la Chambre n’est pas liée

2 par les règles de droit interne régissant l’administration de la

3 preuve, ce n’est pas par hasard, c’est délibéré de la part des

4 rédacteurs du Règlement. Donc, nous considérons qu’il convient de

5 nous référer à nos règles d’administration de la preuve pour statuer

6 sur l’admissibilité de ce témoignage.

7 L’article 89 du Règlement est évidemment la règle principale en la

8 matière. L’article 89 C) stipule que la Chambre peut recevoir tout

9 élément de preuve pertinent qu’elle estime avoir valeur probante.

10 Nous considérons, au vu du projet du Procureur et de l’objection de

11 la Défense, que le témoignage de Mlle Greve est certainement

12 pertinent et qu’il semble avoir valeur probante.

13 En vertu de l’article 89 D), la Chambre peut exclure tout élément de

14 preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l’exigence

15 d’un procès équitable. Aussi, le fait que nous considérions

16 désormais le témoignage comme pertinent et doté, semble-t-il, de

17 valeur probante, n’empêchent nullement son exclusion ultérieure, si

18 nous le décidons, après l’avoir entendu et après avoir pris

19 connaissance du contexte dans lequel il est présenté.

20 Nous sommes tous conscients d’être des juges, et des juges

21 expérimentés. Nous ne sommes pas des jurés. Nous pensons pouvoir

22 entendre un témoignage qui nous paraît pertinent et doté de valeur

23 probante, et lui accorder le poids qui lui revient. Donc, pouvez-

24 vous appeler votre témoin, M. Tieger ?

25 M. TIEGER : Oui, Madame le Président. L’Accusation appelle Hanne Sophie

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1 Greve.

2 JUGE HANNE SOPHIE GREVE, appelée à la barre

3 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Le texte du serment doit se trouver devant

4 vous, Mlle Greve, je vous prierais de bien vouloir prêter serment,

5 s’il vous plaît.

6 LE TEMOIN : Je jure solennellement de dire la vérité, toute la vérité et

7 rien que la vérité.

8 (Le témoin a prêté serment)

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, veuillez vous rasseoir. M. Tieger ?

10 M. TIEGER : Merci, Madame le Président.

11 Interrogatoire conduit par M. TIEGER

12 Q. : Veuillez décliner votre identité.

13 R. : Hanne Sophie Greve.

14 Q. : Vous êtes actuellement juge à la Cour d’appel de Norvège occidentale,

15 est-ce exact ?

16 R. : C’est exact.

17 Q. : Depuis 1988, n’est-ce pas ?

18 R. : C’est exact.

19 Q. : Vous avez également été juge d’instance ?

20 R. : En effet.

21 Q. : Vous avez aussi enseigné le droit ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Vous avez travaillé à la Faculté de droit de Bergen, n’est-ce pas ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Etes-vous titulaire, en plus de votre diplôme de droit, d’un diplôme

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1 d’études avancées ?

2 R. : En effet.

3 Q. : Puis-je vous demander quel était le sujet de votre thèse de doctorat

4 ?

5 R. : Cette thèse portait deux titres : "Réfugiés cambodgiens : entre le

6 tigre et le crocodile", c’est un proverbe oriental ; le droit

7 international et la situation générale du réfugié.

8 Q. : Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’utiliserai votre titre

9 académique plutôt que celui de votre fonction judiciaire au cours de

10 ces débats.

11 R. : Je vous en prie.

12 Q. : En dehors de la carrière juridique que vous avez menée en Norvège,

13 vous avez pris une part active aux efforts internationaux dans le

14 domaine des violations du droit international humanitaire ?

15 R. : Oui, c’est exact.

16 Q. : J’aimerais que vous disiez en quelques mots à la Chambre quelles sont

17 vos activités ; pour gagner du temps, peut-être pourrais-je vous

18 guider dans votre exposé. Avez-vous été Officier de protection

19 adjoint du UNHCR en Thaïlande pendant deux ans ?

20 R. : Oui.

21 Q. : C’était en 1979 et en 1981 ?

22 R. : Oui, c’est cela.

23 Q. : Votre travail portait essentiellement sur les réfugiés cambodgiens,

24 n’est-ce pas ?

25 R. : En effet.

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1 Q. : Après avoir rempli votre mission, avez-vous obtenu une bourse pour

2 poursuivre vos recherches et vos travaux sur la condition de ces

3 réfugiés ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Avez-vous dirigé une mission d’enquête en Ethiopie pour le compte de

6 Save the Children en 1985 ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Cette mission portait-elle sur le problème des enfants livrés à eux-

9 mêmes dans l’urgence de la guerre et de la famine en Ethiopie ?

10 R. : C’est cela.

11 Q. : Avez-vous conduit une mission d’enquête en Angola pour le compte de

12 la Fédération Mondiale des Luthériens ?

13 R. : C’est exact.

14 Q. : A cette occasion, avez-vous enquêté sur les allégations de violations

15 graves des droits de l’homme commises par la SWAPO contre son propre

16 peuple ?

17 R. : Oui, en effet.

18 Q. : Avez-vous conduit une mission d’enquête au Cambodge et en Thaïlande

19 pour le compte du Ministère norvégien des affaires étrangères ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Etait-ce pour étudier la possibilité d’aide humanitaire... la

22 possibilité d’organiser des rapatriements ?

23 R. : C’est cela.

24 Q. : Avez-vous organisé la surveillance du processus électoral en Roumanie

25 ?

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1 R. : Oui, j’en ai été l’un des principaux organisateurs.

2 Q. : Avez-vous été envoyée sur le terrain en tant qu’observateur pendant

3 les élections en Roumanie ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Etait-ce en collaboration avec la Fédération d’Helsinki ?

6 R. : En effet.

7 Q. : Etait-ce sur invitation officielle de la Roumanie ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Le système que vous avez contribué à y mettre en place a-t-il été

10 réutilisé en Lituanie et en Lettonie ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Avez-vous également servi en qualité d’observateur du processus

13 électoral dans ces deux pays ?

14 R. : Oui, en effet.

15 Q. : Avez-vous élaboré le premier document générique décrivant l’univers

16 carcéral thaïlandais, qui englobait les établissements dans lesquels

17 étaient détenus les prisonniers politiques ?

18 R. : Il s’agissait du Cambodge et de la République populaire du Cambodge.

19 Q. : Ce document a-t-il été envoyé au Haut commissaire aux réfugiés ?

20 R. : Et aussi à Amnesty International.

21 Q. : Avez-vous enseigné le droit foncier au Cambodge ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Avez-vous été chercheur en droits de l’homme pour l’Institut Christie

24 Mickelson de Norvège ?

25 R. : C’est exact.

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1 Q. : Dr. Greve, en 1992, le Conseil de sécurité des Nations Unies a-t-il

2 exprimé sa profonde préoccupation au sujet des incessants rapports

3 qu’il recevait et qui alléguaient de très nombreuses violations du

4 droit international humanitaire sur le territoire de l’ex-

5 Yougoslavie et en particulier en Bosnie-Herzégovine ?

6 R. : En effet.

7 Q. : À la suite de quoi une résolution a été adoptée ?

8 R. : C’est exact.

9 Q. : Cette résolution appelait-elle les organisations internationales

10 humanitaires à rassembler les informations documentées qu’elles

11 possédaient pour les mettre à la disposition d’une Commission

12 d’experts ?

13 R. : C’est un fait.

14 Q. : Par cette même résolution, les Nations Unies ont-elles créé une

15 Commission impartiale d’experts pour examiner et analyser ces

16 informations ?

17 R. : Oui, en effet.

18 Q. : Ainsi que toutes les informations que la Commission obtiendrait par

19 ses propres moyens ?

20 R. : C’est exact.

21 Q. : Cette résolution a-t-elle été adoptée en vertu du Chapitre 7 de la

22 Charte des Nations Unies, qui prévoit que le Conseil de sécurité

23 prend des mesures extraordinaires en cas de menace à la paix, de

24 rupture de la paix ou d’agression extérieure ?

25 R. : C’est cela.

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1 M. TIEGER : Madame le Président, serait-il possible de soumettre un

2 document au témoin ?

3 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Avez-vous une nouvelle liste de pièces à

4 conviction ?

5 M. TIEGER : Oui, nous en avons une. Peut-être pourrais-je aussi remettre

6 ce document aux membres de la Chambre ?

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pouvez-vous nous le faire parvenir ? Il nous

8 aidera à suivre. (Remise du document). La Défense a-t-elle une

9 nouvelle liste de pièces à conviction ?

10 M. KAY : Madame le Président, une liste de pièces à conviction nous a été

11 remise ce matin. Je n’ai pas reconnu le document qui vient d’être

12 remis au témoin. Peut-être serait-il possible d’identifier ces

13 nouvelles pièces, ce qui nous permettrait de les rechercher au fur

14 et à mesure.

15 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Votre liste de pièces à conviction commence-

16 t-elle au n° 74 ?

17 M. KAY : Oui.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Va-t-elle jusqu’au n° 126 ? C’est à ce

19 document que je me référais.

20 M. KAY : Oui, nous l’avons.

21 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Le témoin a-t-il sous les yeux un

22 document non référencé ?

23 M. KAY : Oui, Madame le Président, je suis désolé.

24 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ce que nous avons décidé de faire maintenant,

25 avant que vous ne montriez le document au témoin, c’est de vous

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1 prier de le remettre au greffier ; le greffier l'enregistrera à des

2 fins d'identification... vous connaissez la marche à suivre... puis,

3 une fois qu’il aura été enregistré, ce document sera remis au témoin

4 par l’huissier ; le témoin pourra alors s’y référer en citant sa

5 cote de pièce à conviction. C’est plus facile, je vous assure.

6 M. TIEGER : Dr. Greve, vous reconnaissez ce document ?

7 R. : Oui, je le reconnais.

8 Q. : Quel est ce document ?

9 R. : La Résolution 780 votée en 1992 par le Conseil de sécurité.

10 Q. : S’agit-il de la résolution portant création de la Commission

11 d’experts ?

12 R. : En effet.

13 M. TIEGER : Madame le Président, je souhaiterais verser cette pièce à

14 conviction au dossier.

15 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Il s’agit de la pièce à conviction 74, n’est-

16 ce pas ?

17 M. TIEGER : C’est cela.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à ce que la pièce 74 soit

19 versée au dossier ?

20 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

21 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, en octobre 1993, avez-

22 vous été pressentie pour le poste de commissaire de la commission

23 d’experts des Nations Unies ?

24 R. : Oui, en effet.

25 Q. : Avez-vous commencé à travailler au sein de la commission avec une

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1 idée préconçue quant aux événements qui ont marqué le conflit en ex-

2 Yougoslavie ?

3 R. : Non.

4 Q. : Après la résolution 780, qui vient d’être versée au dossier en tant

5 que pièce à conviction, les organisations humanitaires

6 internationales ont-elles mis des informations à la disposition de

7 la Commission ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Ces informations se rapportaient-elles au conflit dans son ensemble ?

10 R. : Elles concernaient le conflit en tant que tel et des allégations

11 spécifiques.

12 Q. : J’aimerais vous poser quelques questions relatives à certaines

13 pièces, à l’origine de la résolution, dont la Commission disposait

14 au début de ses travaux. Pourrais-je demander que le document

15 suivant soit enregistré à des fins d’identification sous le n° 75 ?

16 (Document transmis). Dr. Greve, vous reconnaissez ce document ?

17 R. : Oui, je le reconnais.

18 Q. : De quoi s’agit-il ?

19 R. : Il s’agit d’une déclaration du Président du Comité international de

20 la Croix rouge, prononcée à la fin de juillet 1992, en ouverture de

21 la rencontre internationale sur l’aide humanitaire destinée aux

22 victimes du conflit en ex-Yougoslavie, organisée sous l’égide du

23 HCR.

24 Q. : Ce document compte-t-il au nombre de ceux auxquels fait référence la

25 résolution 780, qui ont été mis à la disposition de la Commission au

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1 début de ses travaux ?

2 R. : Oui, je crois qu’il a été mis immédiatement à sa disposition, mais je

3 n’étais pas encore commissaire lorsque la Commission a été créée,

4 j’ignore donc à quel moment exact la Commission l’a obtenu.

5 Q. : Vous a-t-il été remis dès le début de vos travaux ?

6 R. : Oui.

7 M. TIEGER : Je demande que ce texte soit versé au dossier des pièces à

8 conviction, sous le n°75.

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections au versement de la pièce 75 au

10 dossier ?

11 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

12 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 75 est admise.

13 M. TIEGER : Serait-il possible de montrer cette page sur l’écran, Madame

14 le Président ?

15 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous en prie.

16 M. TIEGER : Dr. Greve, puis-je vous demander de vous reporter au quatrième

17 paragraphe de la page 1 ? Dans ce document, le Président du CICR a-

18 t-il rapporté à la Commission que "des populations entières sont

19 terrorisées, des minorités sont intimidées et harcelées, des civils

20 sont internés à très grande échelle, des personnes sont prises en

21 otages et la torture, les déportations et les exécutions sommaires

22 sont monnaie courante en ex-Yougoslavie" ? Regardez le paragraphe 4

23 du document.

24 R. : Oui, je vois. Je suis désolée, quelle était la question ?

25 Q. : S’agit-il de l’extrait d’un rapport que le Président du CICR a

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1 présenté devant la Commission ?

2 R. : Oui, en effet.

3 Q. : Le Président du CICR a-t-il encore précisé que tout cela se faisait

4 au nom du nettoyage ethnique ?

5 R. : Le rapport indiquait qu’il s’agissait d’un élément-clé.

6 Q. : Cette déclaration a donné lieu à un rapport en juillet 1992 ?

7 R. : Oui, c’est exact.

8 Q. : Serait-il possible d’inscrire le n° suivant sur cette pièce à

9 conviction ?

10 (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, reconnaissez-vous ce document ?

11 R. : Oui.

12 Q. : De quoi s’agit-il ?

13 R. : C’est un appel lancé par le CICR à toutes les parties au conflit en

14 Bosnie-Herzégovine.

15 Q. : Quelle est la date de ce document ?

16 R. : Le 13 août 1992.

17 Q. : Ce document faisait-il partie des pièces mises à la disposition de la

18 Commission ?

19 R. : C’est exact.

20 M. TIEGER : Je souhaite verser cette pièce à conviction au dossier des

21 éléments de preuve, M. le Juge.

22 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

23 M. WLADIMIROFF : Pas d’objection.

24 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 76 est admise.

25 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dans son communiqué de presse de

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1 cette date, le CICR a-t-il rapporté qu’il avait visité des lieux de

2 détention en Bosnie-Herzégovine et qu’il était apparu évident que

3 des civils innocents avaient été arrêtés et soumis à des traitements

4 inhumains ?

5 R. : C’est exact.

6 Q. : Avait-il encore déclaré que ces détentions s’inscrivaient dans une

7 politique de transferts forcés de population à grande échelle,

8 caractérisée par le recours systématique à des méthodes brutales,

9 dont le harcèlement, l’assassinat, la confiscation de biens, la

10 déportation et la prise d’otages, toutes mises en oeuvre en

11 violation du droit international ?

12 R. : C’est exact.

13 M. TIEGER : Ce document pourrait-il être enregistré à des fins

14 d'identification, Madame le Président ? (A l’intention du témoin) :

15 Dr. Greve, reconnaissez-vous ce document ?

16 R. : Oui, je le reconnais.

17 Q. : De quoi s’agit-il, s’il vous plaît ?

18 R. : C’est une déclaration du CSO, Comité des hauts représentants

19 étatiques, au sujet de la Bosnie-Herzégovine, qui figure parmi les

20 documents de la CSCE, la Conférence, désormais l’Organisation pour

21 la sécurité et la coopération en Europe.

22 Q. : Ce document faisait-il partie des rapports qui ont motivé l’adoption

23 de la résolution 780 et qui ont été mis à la disposition de la

24 Commission ?

25 R. : Il a effectivement été mis à la disposition de la Commission. Je ne

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1 sais pas exactement de quels documents disposait le Conseil de

2 sécurité lorsqu’il a pris sa décision.

3 Q. : Quelle est la date de cette déclaration ?

4 R. : Le 12 mai 1992.

5 M. TIEGER : Madame le Président, je souhaite verser ce document au

6 dossier.

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

8 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 77 sera versée au

10 dossier.

11 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, dans cette déclaration du

12 12 mai 1992, le CSO condamnait-il un ensemble de violations patentes

13 et inadmissibles des engagements pris auprès de la CSCE par les

14 autorités de Belgrade et la JNA et déclarait-il qu’elles portaient

15 la responsabilité principale de l’escalade de la violence et de la

16 destruction en Bosnie-Herzégovine ?

17 R. : C’est exact.

18 Q. : Dans la déclaration du 12 mai 1992, est-il encore stipulé, au

19 paragraphe 5, souligné, que la JNA doit mettre fin à ces agressions,

20 et les auteurs ont-ils aussi encore insisté sur le fait que la JNA

21 doit soit évacuer les lieux, soit désarmer, soit se soumettre à

22 l’autorité du gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?

23 R. : En effet.

24 Q. : Dr. Greve, outre les informations recueillies et reçues en vertu de

25 la résolution 780, la Commission a-t-elle effectivement recherché

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1 activement à obtenir des informations d’autres sources ?

2 R. : Oui, la Commission a recherché des informations auprès de toutes les

3 sources auxquelles nous avons pu penser.

4 Q. : Hormis l’évaluation et l’analyse des pièces, des informations étayées

5 provenant des organisations humanitaires, et la recherche active

6 d’informations générales sur les origines du conflit, certains

7 membres de la Commission ont-ils travaillé sur des aspects

8 spécifiques du conflit ?

9 R. : Oui, certains d’entre nous, moi-même notamment.

10 Q. : Quelle zone de conflit avez-vous particulièrement étudié ?

11 R. : J’ai demandé à étudier une zone relativement peu étendue, étant

12 arrivée relativement tard au sein de la Commission. Je n’ai pas

13 demandé à m’occuper d’une zone particulière, mais ai finalement eu à

14 m’occuper de l’opstina de Prijedor, au nord-ouest de la Bosnie.

15 Q. : Pourquoi souhaitiez-vous vous occuper d’une zone particulière du

16 conflit ?

17 R. : La Commission m’a demandé d’étudier les centres de détention, la

18 torture et les violences sexuelles. A mon arrivée au sein de la

19 Commission, nous ne savions pas si celle-ci aurait deux mois et

20 demi, six mois et demi ou neuf mois et demi pour terminer son

21 travail, j’ai donc jugé préférable de restreindre le champ de mon

22 étude, si je voulais faire du bon travail.

23 Q. : Pourquoi avez-vous choisi la région de Prijedor ?

24 R. : En fait, j’avais pensé à Stupni Do. Mais, la Commission a été

25 contactée par les autorités suédoises, qui l’ont informée qu’elles

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1 avaient eu de nombreuses rencontres avec des survivants résidant en

2 Suède ; le norvégien étant proche du suédois et par ailleurs ma

3 langue maternelle, et les déclarations de ces survivants étant

4 rédigées en suédois, la Commission m’a demandé de faire porter mes

5 recherches sur ces déclarations.

6 Q. : La possibilité de disposer de ces déclarations vous facilitait-elle

7 l’étude de certaines régions ?

8 R. : Oui. La plupart des personnes qui étaient à l’origine de ces

9 déclarations en Suède venaient de l’opstina de Prijedor, dont

10 j’ignorais l’existence à l’époque. Je devrais peut-être ajouter que

11 j’avais travaillé pour les autorités temporaires des Nations Unies

12 au Cambodge pendant le deuxième semestre de 1992 et le début de

13 1993, c’est pourquoi j’étais hors d’Europe à l’époque où se sont

14 déroulés certains des principaux événements.

15 Q. : En étudiant une région particulière, avez-vous pu analyser le

16 contexte dans lequel s’inscrivaient les allégations de crimes de

17 guerre de façon plus approfondie qu’en vous appuyant sur une zone

18 plus étendue ?

19 R. : En effet, et j’ai pensé que cet élément aurait une importance

20 cruciale dans l’exécution de mon mandat.

21 Q. : Le fait que les témoins et les réfugiés étaient dispersés en Europe

22 et dans le monde vous a-t-il, en quelque sorte, facilité l’étude du

23 conflit à Prijedor ?

24 R. : A mon avis, cet aspect était extrêmement important, du point de vue

25 de la sécurité avant tout et parce que cela me facilitait la

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1 recherche de la vérité. Je jugeais préférable d’interroger ces

2 personnes simultanément, en différents points de la planète, plutôt

3 que d’en interroger quelques unes, ou même une centaine, dans un

4 seul camp de réfugiés. Je pensais qu’il leur serait impossible

5 d’inventer des histoires si elles étaient interrogées séparément.

6 Q. : Quelle méthode avez-vous employé ?

7 R. : La méthodologie... cela ne semblera peut-être pas très professionnel,

8 je ne crois pas que quiconque ait entrepris une telle étude

9 auparavant... j’ai décidé que je voulais que les survivants de cette

10 région soient interrogés dans différents pays, et j’ai fait appel à

11 des professionnels pour conduire les interrogatoires, des juges, des

12 avocats, des policiers, des officiers de l’immigration de plusieurs

13 pays. Cela s’est passé en Suède, en Norvège, en Malaisie, aux Pays-

14 Bas, en Allemagne, puis en Croatie, lorsque la Commission a pu

15 entrer en Croatie.

16 Ainsi, près de 400 personnes ont été interrogées dans ces pays.

17 Comme je l’ai déjà dit, les personnes qui ont fait ce travail

18 avaient été choisies par les autorités locales. Nous n’avions pas

19 les moyens de rémunérer quiconque, et avons dû faire appel au

20 bénévolat et demander à tous ces gouvernements de trouver des

21 personnes susceptibles de nous aider, ce qu’ils ont fait. Je me suis

22 chargée de coordonner ces efforts et de rechercher d’autres sources

23 d’informations, en contactant aussitôt les ambassades ou leurs

24 services de renseignements, leurs sources générales d’informations

25 sur les réfugiés, les personnes évacuées, les déportés, peut-être

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1 est-ce le terme le plus adapté. J’ai commencé à étudier la question

2 dans les médias et j’ai aussi mis l’accent sur les sources

3 d’information locales.

4 Nous avons contacté les ambassades ou les représentations des pays

5 qui jouaient un rôle actif dans la région. Nous avons contacté, ou

6 plutôt j’ai organisé des contacts avec toutes les organisations

7 internationales intéressées, ainsi qu’avec d’autres entités des

8 Nations Unies, telles la FORPRONU, par exemple. J’ai eu l’honneur de

9 travailler avec Yasushi Akashi quand j’étais au Cambodge pour les

10 Nations Unies, et je comptais nombre de vieux amis -au sein de la

11 FORPRONU.

12 Tout cela m’a donc ouvert des portes. Les membres du UNHCR étaient

13 d’anciens collègues. Nous avons pris contact avec le CICR, ainsi

14 qu’avec toutes les agences non-gouvernementales ayant travaillé dans

15 la région ou aux abords de la région, puisque pendant une période

16 cruciale du conflit, personne ne se trouvait dans la région, hormis

17 quelques entités locales telles que Merhamet, l’agence de secours

18 musulmane et Caritas, l’agence de secours catholique.

19 J’ai aussi contacté tous les observateurs ayant travaillé dans la

20 région et susceptibles d’être identifiés, notamment ceux de la

21 Communauté européenne, ainsi que tous les correspondants des

22 journaux et chaînes de télévision qui avaient pénétré dans la

23 région.

24 Q. : Avez-vous aussi recherché et obtenu des informations des médias de la

25 région de Prijedor et de ses environs ?

Page 1027

1 R. : Oui, effectivement.

2 Q. : Et aussi des médias de l’ex-Yougoslavie en général ?

3 R. : Oui, et j’ajoute, car j’ai omis d’en parler jusqu’à présent, que nous

4 avons également recueilli des témoignages, un peu différents dans

5 leur présentation et leur contenu, de pays tels que les États-Unis,

6 la Grande Bretagne, la France, le Danemark, ou la Suisse, ainsi que

7 des informations de fond d’un certain nombre d’autres pays.

8 Q. : Vous êtes-vous rendue en personne à Prijedor pour interroger des

9 témoins vivant toujours dans la région ?

10 R. : Non, pour des raisons bien particulières. D’une part, à l’époque, les

11 autorités serbes ne souhaitaient pas que nous nous y rendions. On

12 m’a proposé d’y aller, de me mêler à d’autres et d’y aller à titre

13 officieux. Cela ne m’a pas paru opportun, car j’ai pensé que ce

14 pourrait être dangereux pour les gens à qui je parlerais. Moi, je

15 pouvais repartir, mais eux, ne le pouvaient pas.

16 M. TIEGER : Madame le Président, cette carte pourrait-elle être

17 enregistrée à des fins d'identification, à la suite des autres

18 pièces ? Je crois qu’elle apparaît sur l’écran assortie du n° 237.

19 JUGE STEPHEN : Quel est le sens de cette déclaration ?

20 M. TIEGER : Je suis sûr que Madame le Juge McDonald... cette carte vient

21 de quelque part et apparaît maintenant sur l’écran.

22 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : C’est bien la pièce à conviction 78, n’est-ce

23 pas ?

24 M. TIEGER : C’est cela, Madame le Président.

25 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien.

Page 1028

1 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, vous reconnaissez cette

2 carte comme étant celle de la Bosnie-Herzégovine ?

3 R. : Oui, il manque la partie inférieure du pays, mais, pour l’essentiel,

4 cette carte montre bien l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine.

5 M. TIEGER : Je souhaite verser ce document au dossier, Madame le

6 Président.

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à la pièce à conviction 78 ?

8 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 78 est admise.

10 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, pour commencer, pourriez-

11 vous nous dire où se situe exactement Prijedor ?

12 R. : Je ne connais pas très bien cet objet. Je vais essayer de l’utiliser

13 pour indiquer son emplacement. Cela fonctionne ? Oui, peut-être de

14 cette manière, vous voyez apparaître l’emplacement à l’écran ?

15 Q. : Oui, la flèche est-elle visible ?

16 R. : La petite flèche indique l’emplacement de Prijedor, c’est-à-dire, la

17 ville elle-même, l’opstina a une forme presque rectangulaire, mais

18 elle s’appelle également Prijedor. Comme vous pouvez le constater,

19 Madame le Président, elle se situe dans le coin nord-ouest de la

20 Bosnie-Herzégovine.

21 Q. : Merci. Je voudrais que la pièce à conviction 57 soit montrée au

22 témoin. (Document transmis). Dr. Greve, voici une pièce qui a été

23 montrée plus tôt, dans le cours du procès. Avant de vous demander de

24 parler en détail du conflit de Prijedor, j’aimerais vous demander de

25 nous faire une brève présentation générale de ce qui s’est passé.

Page 1029

1 Premièrement, cette pièce à conviction porte l’indication Prijedor,

2 30 avril 1992. Que s’est-il passé, le 30 avril 1992 à Prijedor ?

3 M. KAY : Pourrais-je formuler un commentaire dès à présent ? Je le fais

4 parce qu’il s’agit d’un point important. Ne conviendrait-il pas que

5 l’on nous indique les sources auxquelles le témoin se réfère au fur

6 et à mesure de son témoignage ?

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, en effet.

8 M. KAY : Nous devons savoir ce qui fait qu’elle peut nous dire ce qui

9 s’est passé à Prijedor, d’où proviennent ses informations.

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, je crois que nous avons donné notre

11 accord. Etiez-vous présent lorsque le Dr. Gow... lorsque ce point a

12 été évoqué ?

13 M. KAY : Je sais que la question a été discutée et je crois qu’elle a son

14 importance à ce stade des débats.

15 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pourquoi ne pas entendre les éléments

16 d’abord, après quoi je vous proposerai une façon de procéder.

17 Poursuivez, M. Tieger.

18 M. TIEGER : Madame le Président, je croyais...

19 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez demander au témoin si elle sait

20 ce qui s’est passé le 30 avril 1992. Je pense qu’elle répondra par

21 l’affirmative. Ensuite, vous pourrez lui demander comment elle a eu

22 connaissance des faits, ainsi elle commencerait par parler de ses

23 sources avant de donner son opinion. Cette méthode pose-t-elle un

24 problème ?

25 M. TIEGER : Aucun problème, mais il me semble que pour l’essentiel, c’est

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1 exactement ce que nous avons fait, nous avons indiqué comment le

2 témoin avait appris ce qui s’était passé à Prijedor. Si le Tribunal

3 désire que des exemples précis soient détaillés au cours du

4 témoignage, nous pouvons certainement les fournir.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Etes-vous en train de dire que la réponse à

6 cette question sera basée sur la méthodologie qu’elle nous a décrite

7 ?

8 M. TIEGER : Je crois qu’un témoin expert aura toujours les plus grandes

9 difficultés à identifier, pour chacun des éléments qu’il soumet au

10 Tribunal, quelle en est la source d’information. Comme vous pouvez

11 certainement le constater au vu de la liste des pièces à conviction,

12 nous en avons identifié un grand nombre. Les sources spécifiques

13 seront donc précisées au cours du témoignage. Je pourrais, bien

14 évidemment, demander chaque fois au témoin de citer ses sources,

15 mais comme je l’ai déjà indiqué, son témoignage d’aujourd’hui porte

16 sur des questions pour lesquelles toutes les informations

17 disponibles convergent, ce qui lui permettra de donner son opinion.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

19 M. KAY: Je ne crois pas être indûment tatillon sur des questions purement

20 techniques, et j’apprécie la décision prise par la Chambre cet

21 après-midi, mais il n’en demeure pas moins, même au sein du

22 Tribunal, que des règles précises régissent la recevabilité des

23 moyens de preuve. Nous devrions être informés quant aux sources du

24 témoignage au fur et à mesure de sa présentation, de manière à

25 savoir quel crédit, quel poids lui accorder.

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1 Si la Chambre estime que ce témoignage doit être entendu, elle aura

2 à en évaluer l’importance, étant un Tribunal qui statue sur les

3 faits et sur le droit, et à déterminer quelle valeur il convient de

4 lui accorder.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : J’en conviens. En revanche, je ne pense pas

6 qu’il soit nécessaire que le témoin cite ses sources chaque fois, de

7 façon répétitive. Je pense qu’à la question : "Savez-vous ce qui

8 s’est passé à Prijedor?", le témoin répondrait : "- Oui, je le

9 sais." Et à la question : "Quelle est l’origine de ces informations

10 ?", elle répondrait en évoquant la méthodologie dont elle a

11 brièvement parlé à 15 h 12, qui s’appuie sur l’audition de 400

12 personnes, ainsi que sur l’ensemble des rapports, des conversations

13 avec des correspondants, des journalistes, des ONG, la FORPRONU, le

14 CICR et, j’imagine que c’est ce que M. Tieger veut qu’elle nous

15 redise chaque fois ; si elle pouvait faire un signe de sténotypie

16 pour dire : "j’ai suivi la même méthodologie".

17 M. KAY : L’un des dangers inhérents au fait d’aller trop vite dans ce

18 domaine vient de ce que nous risquons de ne pas connaître exactement

19 la source de ses informations. S’il appartient à la Chambre de

20 décider quel poids il convient d’accorder à tel ou tel élément de

21 preuve, elle risque de ne pas pouvoir en identifier la source, quand

22 ces éléments de peuve sont tirés de la presse, d’un rapport ou

23 d’autres sources.

24 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je pense qu’il suffit de demander au témoin

25 si, oui ou non, son opinion est basée sur la méthodologie qu’elle a

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1 précédemment décrite. Cela suffira. Bien.

2 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, vous avez indiqué que

3 vous saviez ce qui s’est passé à Prijedor le 30 avril ?

4 R. : En effet.

5 Q. : Sur quoi fondez-vous votre affirmation ?

6 R. : La meilleure source d’information au sujet des événements du 30 avril

7 1992, est l’interview accordée à un journal local, le Kozarski

8 Vjesnik, environ un an plus tard, par celui qui était à l’époque

9 chef de la police serbe et qui venait d’être promu au rang de vice-

10 Ministre de l’intérieur de la Republika Srpska. Il a fourni des

11 informations détaillées, qui corroborent les informations

12 fragmentaires déjà en ma possession ; par ailleurs, plusieurs autres

13 dignitaires locaux de la Republika Srpska ont été interrogés par les

14 médias sur cette question.

15 Q. : Que s’est-il donc passé à Prijedor le 30 avril 1992 ?

16 R. : Les Serbes ont pris le pouvoir par la force des armes, selon ce

17 qu’indiquent les rapports du chef de la police, sans tirer une seule

18 balle. Ils ont établi leurs positions, en armes, et dressé des

19 barrages dans toute la ville de Prijedor. Ils ont placé des soldats,

20 des hommes en armes, à l’entrée de tous les principaux bâtiments,

21 des tireurs embusqués sur certains toits, et sont entrés dans les

22 principaux bâtiments pour déclarer qu’ils avaient pris le pouvoir

23 tôt dans la matinée, entre 4 et 6 heures du matin environ, le 30

24 avril 1992.

25 Q. : Cette prise de pouvoir des Serbes locaux par les armes a-t-elle eu

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1 lieu sans rapport avec les Serbes extérieurs à l’opstina de Prijedor

2 ?

3 R. : Non. Elle s’est faite en coordination avec d’autres entités serbes,

4 et le chef de la police en personne en a parlé. Il a déclaré qu’ils

5 avaient travaillé main dans la main. J’imagine que ce document

6 deviendra une pièce à conviction par la suite, mais dans l’article

7 particulier qui a été extrait de ce journal, il parle du fait qu’il

8 a travaillé main dans la main, en tant que chef de la police, avec

9 les militaires et les responsables politiques, et qu’il recevait ses

10 ordres du quartier général de la police de Banja Luka ainsi que du

11 Ministère de l’intérieur, dont dépendait la police.

12 Q. : Que s’est-il passé à Prijedor après la prise de pouvoir par les

13 militaires ?

14 R. : Après la prise de pouvoir par les militaires, ils ont déclaré

15 l’opstina de Prijedor Srpska, - c’est-à-dire l’opstina serbe de

16 Prijedor. Ils n’ont pas rencontré de résistance à ce moment-là, la

17 majeure partie de la population voulant voir si, à la longue, cette

18 prise de pouvoir continuerait sans effusion de sang. Pourtant, les

19 non-Serbes ont immédiatement commencé à se sentir isolés, ils ont

20 été licenciés de leurs emplois, ont dû passer le plus clair de leur

21 temps chez eux, puis le couvre-feu a été instauré, il leur a fallu

22 des laissez-passer pour circuler.

23 Q. : Qu’est-il finalement arrivé aux Musulmans et aux Croates de l’opstina

24 de Prijedor ?

25 R. : Ils ont pratiquement tous été évincés de la communauté par la

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1 violence et la force des armes ; c’est-à-dire qu’il y a eu un

2 recensement, la source des chiffres que je cite est donc ce

3 recensement de 1991, selon lequel l’opstina comptait environ 49.000

4 Musulmans dans l’opstina ; au bout d’un an, ils n’étaient plus que

5 6.000. D’après ce même recensement... je dois signaler que la

6 deuxième référence au chiffre inférieur est tirée d’un article paru

7 dans le même journal, le Kozarski Vjesnik ; cet article, publié au

8 cours de l’été 1993, avait pour titre : "combien sommes-nous

9 aujourd’hui ?" Il ne dit rien de ce qui a causé cette chute de la

10 population... et en même temps la population Croate passait d’un peu

11 plus de 6.000 à un peu plus de 3.000 personnes à peine.

12 Q. : Les Musulmans et les Croates dont vous venez de parler ont-ils quitté

13 l’opstina de Prijedor par la force des armes, l’établissement de

14 camps et la déportation forcée ?

15 R. : C’est exact.

16 M. KAY : Je crois que l’indication de ce fait devrait venir du témoin.

17 Nous nous trouvons ici dans une situation inhabituelle. Notre cher

18 collègue place des mots dans la bouche du témoin, pourtant entendu

19 par la Chambre en qualité d’expert.

20 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La question contenait manifestement la

21 réponse ; mais ce qu’il convient de déterminer, c’est jusqu’où il

22 nous faut aller dans les détails techniques. Nous siégeons

23 collégialement. Les trois juges ici présents ont siégé

24 collégialement pendant de nombreuses années. Dans un procès sans

25 jury, on a tendance à être moins strict, et l’on permet parfois que

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1 le témoin soit orienté. Je repense à un dicton, au moins applicable

2 aux tribunaux américains, selon lequel il est permis d’orienter les

3 témoins, mais pas de les tirer. C’est-à-dire qu’il faut savoir où

4 s’arrêter. C’est important. Je pense que vous pouvez demander au

5 témoin ce qui s’est passé, mais veuillez garder à l’esprit que nous

6 n’allons pas soumettre le témoin et le conseil à des règles très

7 strictes, car si nous le faisions, il conviendrait de les appliquer

8 aux deux parties.

9 M. KAY : Je comprends cela, Madame le Président, et c’est pourquoi nous

10 sommes très peu intervenus au cours des deux dernières semaines

11 contre les questions impliquant la réponse à fournir.

12 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : C’est parfait.

13 M. KAY : Mais dans ce cas précis, la limite a été franchie.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La question contenait bien une réponse,

15 l’objection est retenue.

16 M. TIEGER : Très bien, Madame le Président.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Demandez au témoin comment ces personnes ont

18 été déplacées.

19 M. TIEGER : Merci. (A l’intention du témoin) : De quelle manière, comment

20 les Musulmans et les Croates dont vous avez parlé ont-ils dû quitter

21 l’opstina de Prijedor ?

22 R. : Premièrement, ils n’ont pas été autorisés à partir de leur propre

23 initiative. La région a été pratiquement coupée du monde extérieur.

24 Puis leurs principaux villages ont été encerclés, bombardés et

25 envahis, après quoi les femmes, les enfants de moins de 12 ou 15 ans

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1 et les personnes âgées...d’environ 60, 65 ans... les informations

2 varient sur ce point... ont été enfermés dans des camps de détention

3 connus sous les noms de Keraterm et d’Omarska.

4 Keraterm se trouve à Prijedor, c’est pourquoi il est parfois

5 question de "Prijedor" comme d’un camp, mais en fait le camp

6 s’appelle Keraterm ; nous en ignorons le nombre exact, mais

7 malheureusement, de nombreuses personnes ne sont pas sorties

8 vivantes de Prijedor. Beaucoup sont mortes au cours des attaques

9 militaires et dans les camps.

10 Q. : Dr. Greve, j’aimerais que nous parlions plus précisément de l’opstina

11 de Prijedor, je voudrais que vous nous donniez des détails au sujet

12 de cette opstina. Pour commencer, pourriez-vous nous dire ce qu’est

13 précisément une opstina ?

14 R. : Cette question compte au nombre des plus difficiles, car il n’existe

15 pas de traduction exacte de ce terme, qui signifie "municipalité" ou

16 "district" ; il s’agit d’une division administrative de l’ex-

17 Yougoslavie. Donc, il serait peut-être plus exact de parler de

18 "municipalité" ou de "district".

19 Q. : Cette municipalité se subdivise-t-elle en unités administratives de

20 plus petite taille ?

21 R. : Oui, en effet. L’autre unité administrative est la Mjesna Zajednica.

22 Elle regroupe plusieurs villages et hameaux, une ville possédant

23 aussi quelques Mjesna Zajednica.

24 Q. : Quelle est approximativement la taille, la dimension géographique de

25 l’opstina de Prijedor ?

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1 R. : Si ma mémoire est bonne, elle s’étend sur 834 kilomètres carrés,

2 d’après les statistiques.

3 Q. : Quelle est sa longueur approximative, d’une extrémité à l’autre ?

4 R. : Sans doute 35 km sur 25,5 km, mais c’est une approximation, bien

5 entendu, ses contours n’étant pas exactement rectangulaires, mais

6 presque.

7 M. TIEGER : Madame le Président, ces documents pourraient-ils être

8 enregistrés sous le numéro suivant à des fins d'identification ?

9 (documents transmis)

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle est la cote, M. Tieger ?

11 M. TIEGER : Je crois que ce doit être le numéro 79, il me semble, n° 79.

12 (A l’intention du témoin) : Vous reconnaissez ces documents ?

13 R. : Oui.

14 Q. : S’agit-il de deux documents distincts ?

15 R. : En fait il y en a trois. En voici un, ou plutôt, en voici la version

16 serbo-croate, et puis il y a la version en anglais de ce même

17 document ; ce document a été publié par la République de Bosnie-

18 Herzégovine, mais malheureusement, les chiffres n’y sont pas très

19 lisibles. Par souci de commodité, j’ai donc aussi demandé que me

20 soit remise une copie du même recensement parue en Croatie, parce

21 qu’elle est plus lisible. Je n’ai pas réussi à en obtenir une

22 meilleure copie de la Bosnie-Herzégovine.

23 M. TIEGER : Madame le Président, je souhaite verser ces documents au

24 dossier.

25 M. WLADIMIROFF : L’Accusation pourrait-elle nous donner la cote, nous ne

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1 la connaissons pas.

2 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : C’est le n° 79, n’est-ce pas ?

3 M. WLADIMIROFF: C’est probablement le numéro de la pièce à conviction,

4 mais quel est le numéro original du document ?

5 M. TIEGER : 244, 2 et 44.

6 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Sur la liste des pièces à conviction, le n°

7 79 est une carte en couleur de Prijedor et de ses alentours extraite

8 de la série de cartes M709. Est-ce bien cette carte qui a été

9 enregistrée sous la cote 79 ?

10 M. TIEGER : Non, la carte n’a pas été enregistrée et le n° 79 n’a encore

11 été attribué à aucune pièce à conviction.

12 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : J’ai l’impression que c’est le n° 80, d’après

13 ce que j’ai entendu... non, ce n’est pas le n° 80 non plus.

14 M. TIEGER : Madame le Président, si cela facilite le travail de la

15 Chambre, la carte sera certainement versée au dossier par la suite.

16 Nous pouvons demander au témoin de l’identifier dès maintenant, afin

17 de ne pas perturber l’ordre inscrit sur la liste.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : C’est entendu. Elle est identifiée. Elle aura

19 donc la cote 79, la Défense possède-t-elle une copie du document

20 enregistré sous le n° 79 ?

21 M. WLADIMIROFF : Je crois qu’il persiste une confusion sur ce point. Peut-

22 être l’Accusation pourrait-elle nous donner le numéro que vous nous

23 avez transmis, parce que nous avons trois numéros, ici, le n° du

24 document original, qui pourrait être 2 et 44, mais le numéro du

25 document que vous nous avez donné est différent et c’est sur celui-

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1 ci que je travaille.

2 M. TIEGER : C’est exact. Le numéro du document sur la liste avec laquelle

3 vous travaillez devrait être le n° 2.

4 M. WLADIMIROFF : Bien.

5 M. TIEGER : et 44. Pour conserver l’ordre, pourrions-nous faire

6 enregistrer ce document à des fins d'identification et demander au

7 témoin de l’examiner ?

8 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Veuillez me dire ce qui vient d’être

9 enregistré sous la cote 79 ?

10 M. TIEGER : Madame le Président, ce qui vient d’être enregistré à des fins

11 d’identification... je suis désolé de cette confusion... il

12 s’agissait des documents 80 et 81, qui ont été enregistrés comme une

13 seule et même pièce à conviction.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien, c’est ce qui me semblait, car je ne

15 pensais pas que ce que le témoin a ajouté.... elle disait qu’il

16 s’agissait de trois feuilles de papier et je ne parvenais pas à y

17 voir une carte en couleur, or c’est la carte que vous avez inscrite

18 sur votre liste comme correspondant au n° 79. Bien.

19 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Juge Greve, en jetant un coup d'oeil

20 rapide au document qui vient d'être enregistré, pouvez-vous nous

21 dire si vous le reconnaissez ?

22 R. : Oui.

23 Q. : De quoi s'agit-il, s'il vous plaît ?

24 R. : Ce sont les zones centrales de l'opstina de Prijedor. Il était

25 difficile de représenter l'intégralité de l'opstina en raison du

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1 format demandé par moi, mais les parties essentielles de l'opstina

2 de Prijedor y sont représentées.

3 M. TIEGER : Madame le Président, je souhaite verser cette pièce au

4 dossier.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle est la cote attribuée à cette pièce à

6 des fins d'identification ?

7 M. TIEGER : J'espérais que ce serait -- 79.

8 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : 79, et elle est décrite sur votre liste de

9 pièces à conviction comme une carte en couleur de Prijedor.

10 M. TIEGER : C'est exact.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Le Conseil de la Défense a-t-il une objection

12 ?

13 M. WLADIMIROFF : Non, je crois comprendre que cette pièce est devenue la

14 pièce numéro 79 et que l'autre document sera la pièce 80, n'est-ce

15 pas, mais j'avais l'impression qu'on avait affecté à ce document le

16 numéro 79, me suis-je trompé ?

17 M. TIEGER : Puis-je éclaircir la situation ? Si nous enregistrons le

18 recensement du Bureau des statistiques publiques de la République de

19 Bosnie-Herzégovine, celui qui est assorti d’une traduction en

20 anglais, comme pièce à conviction 80, et le recensement dont le

21 témoin a indiqué l’avoir obtenu de la Croatie et qui apporte les

22 mêmes informations, mais plus clairement exposées, comme pièce à

23 conviction 81, nous retrouverons l'ordre de la liste établie par le

24 Tribunal.

25 M. WLADIMIROFF : La pièce 79 étant la carte, pas d'objection, et la pièce

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1 80 étant le recensement, pas d'objection non plus.

2 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 79 est admise, la carte en couleur

3 de Prijedor et des environs, et la pièce 80 est également admise

4 sans objection. M. Tieger.

5 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Madame et Messieurs les Juges, les

6 choses seraient peut-être plus claires si nous enregistrons les deux

7 recensements comme constituant la pièce 80

8 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Les pièces 80 et 81 ?

9 M. TIEGER : Oui.

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 81 inscrite sur votre liste de

11 pièces à conviction désigne les pages 196 à 201 d'un rapport de

12 recensement de 1991, est-ce exact ?

13 M. TIEGER : C'est exact.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il une objection au versement de la

15 pièce 81 ?

16 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 81 sera versée au dossier. Les

18 pièces 79, 80 et 81 sont versées au dossier. Le plus dur est fait.

19 Nous pouvons maintenant entendre le témoignage.

20 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Ce document peut-il être

21 enregistré sous la cote 82 ? Il apparaît sur l'écran sous le numéro

22 2/40. C'est une carte de la répartition ethnique de l'opstina de

23 Prijedor. (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, reconnaissez-vous

24 ce document ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : De quoi s'agit-il ?

2 R. : C'est une carte montrant quel est le groupe ethnique majoritaire dans

3 les différentes zones. Malheureusement, elle n'est pas en couleur.

4 Elle serait beaucoup plus lisible si c'était le cas.

5 Q. : Elle montre la répartition ethnique dans les différentes villes et

6 villages de l'opstina de Prijedor ?

7 R. : C'est exact.

8 Q. : Madame et Messieurs les Juges, comme l'a indiqué le Juge Greve, c'est

9 une photocopie de l'original, qui tarde un peu à nous parvenir. Je

10 souhaiterais que cette pièce soit versée au dossier, sachant que le

11 document original, en couleur, sera remis à la Chambre et qu'un

12 exemplaire en couleur sera également remis à la Défense dès qu'ils

13 seront disponible, c'est-à-dire, je l'espère, en fin de journée.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections - je crois que vous avez la

15 pièce 82 devant vous - 2 82-

16 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : - sous réserve de remise du document

18 original ?

19 M. WLADIMIROFF : Pas de problème.

20 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 82 est versée au dossier.

21 M. TIEGER (A l’intention du témoin) : Dr Greve, pouvez-vous nous dire

22 quelle est la répartition ou la composition ethnique approximative

23 de la région de Prijedor ?

24 R. : Oui. Prijedor, selon le recensement de 1991, comptait un peu plus de

25 112.000 habitants. Le nombre d'habitants a augmenté, nous ne savons

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1 pas exactement de combien, au cours de l’été 1992, en raison des

2 opérations de nettoyage ethnique menées à Bosanski Novi, qui se

3 trouve à l'ouest, presque exclusivement à l'ouest de Prijedor. Dans

4 l'opstina de Prijedor, les Musulmans étaient majoritaires. Ils

5 représentaient 44% de la population totale, soit environ 49.000

6 personnes ; les Serbes représentaient 42,5% de la population; les

7 Croates 5,6% et il y avait un groupe, et cela mérite quelques

8 explications, appelé les Yougoslaves, qui regroupait 5,7% de la

9 population.

10 Le terme Yougoslave était, en fait, une désignation volontaire.

11 Toute personne avait la possibilité de se déclarer Yougoslave, et

12 ceci principalement pour deux raisons, à mon sens. Si quelqu’un

13 était d'origine mixte, cela ne l’empêchait pas se déclarer comme

14 appartenant à un groupe ou à un autre, la deuxième raison étant que

15 le fait de se déclarer Yougoslave pouvait être un moyen d’exprimer

16 sa confiance politique dans l'idée d'un état yougoslave.

17 Enfin, 2.2% d'étrangers se retrouvaient dans un groupe déterminé.

18 Selon les documents de l’état, c’étaient essentiellement des

19 Ukrainiens, des Russes et des Italiens. Cependant, je crois qu'il y

20 avait aussi quelques Albanais, peu nombreux toutefois, et quelques

21 Polonais, peu nombreux, et peut-être aussi d'autres étrangers. Je

22 dois signaler ici que les tsiganes ne figurent pas sur ce document,

23 alors qu’ils constituent un des groupes chassé de la région, mais je

24 n'ai pas vu -- ou de la municipalité de Prijedor --, mais je n'ai

25 jamais vu aucun chiffre officiel établissant leur nombre.

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1 Q. : Pourrait-on montrer cette carte au témoin à des fins

2 d'identification, en suivant l'ordre des pièces ? Je crois que ce

3 sera la pièce 83 (Document transmis). Dr Greve, reconnaissez-vous

4 cette carte ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Que représente-t-elle ?

7 R. : Cette carte montre la division entre les groupes ethniques. Je

8 m'empresse d'ajouter qu'une telle division n'est pas toujours facile

9 à établir car nombreuses étaient les personnes qui éprouvaient

10 quelque difficulté à s'identifier à un seul groupe, si elles avaient

11 des origines mixtes. Dans certaines zones, les mariages entre

12 chrétiens et Musulmans constituaient jusqu’à un quart du total des

13 unions. Cependant, cette carte se fonde sur les déclarations des

14 habitants au moment du recensement. Donc, en attribuant une couleur

15 à chaque groupe, soit le bleu aux Croates, le vert aux Musulmans, et

16 une couleur proche du rouge aux Serbes ----

17 Q. : Dr. Greve, avant que vous ne poursuiviez, je souhaiterais verser

18 cette pièce au dossier et la placer sur le moniteur afin que la

19 Chambre puisse la voir.

20 R. : Excusez-moi.

21 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il une objection au versement de la

22 pièce 83 ?

23 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection, Madame le Président.

24 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 83 est admise.

25 M. TIEGER : Dr Greve, pouvez-vous nous montrer l'opstina de Prijedor sur

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1 la carte ?

2 R. : Oui. Je ne lis pas très bien de loin mais je ferai de mon mieux.

3 Voici Prijedor avec ses 44% de Musulmans et 42.5% de Serbes.

4 Q. : Quelle est la répartition ethnique ou nationale de l'opstina

5 entourant Prijedor ?

6 R. : Dans la plupart des opstinas entourant Prijedor, plus de la moitié de

7 la population était serbe. On voit tout de suite qu'il y avait des

8 exceptions, telles que Sanski Most, et j'essaie de retrouver Kotor

9 Varos, autre opstina où la population n'était pas majoritairement

10 serbe. Je ne parle pas de la zone de Bihac que j'essayais de montrer

11 dans le coin -- je ne sais pas si vous, l’image n'apparaît pas sur

12 mon écran -- Ah si, nous y sommes, qui est une zone majoritairement

13 musulmane.

14 Q. : Merci, Docteur. Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de

15 la situation géographique générale de Prijedor. Je voudrais, dans ce

16 cadre, que soit montrée au témoin la prochaine pièce à enregistrer à

17 des fins d'identification, qui devrait porter le n° 84. Pendant que

18 l'on prépare ce document, peut-être pourriez-vous y jeter un coup

19 d’oeil ?

20 R. : Oui, c'est moi que me suis occupée de la répartition des couleurs, je

21 crois donc que je connais assez bien ce document.

22 Q. : Vous reconnaissez donc ce document et ce qu'il représente ?

23 R. : Il s'agit d'un document délivré par les forces britanniques de la

24 FORPRONU, le 17 février 1993. Il montre la situation militaire de

25 l'époque, mais il n'est pas important, ni en raison de sa date, ni

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1 en raison de la situation militaire qu'il décrit. Si j'ai demandé

2 que ce document soit utilisé, c’est avant tout parce qu'il montre à

3 la fois la Serbie et la Voïvodine, il montre le Monténégro et il

4 montre des zones essentielles de la Croatie, c'est-à-dire les quatre

5 zones protégées des Nations Unies en Croatie et dans toute la

6 Bosnie-Herzégovine.

7 M. TIEGER : Nous demandons que cette pièce soit versée au dossier, Madame

8 le Président.

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pas d'objection ?

10 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection.

11 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 84 est versée au dossier.

12 M. TIEGER : (A l’intention du témoin) : Dr Greve, à présent que la Chambre

13 peut voir cette carte, pouvez-vous nous montrer les zones dont vous

14 nous avez parlé, Prijedor et la Serbie, la Serbie et la Krajina ?

15 R. : Peut-être serait-il utile que je me lève ou si vous ne m'entendez

16 pas, mais je ---

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Cela poserait un problème si vous vous

18 leviez. Essayez de nous montrer ces points de votre position assise,

19 si c'est possible...

20 LE TEMOIN : Laissez-moi préciser, pour le procès-verbal, que le jaune n'a

21 aucune connotation politique particulière. C'était simplement la

22 couleur du crayon que nous avions sous la main. Voici la frontière

23 qui permet de voir où se trouve la Serbie, le Monténégro, la Serbie

24 et la Voïvodine. Tout ce qui est à l'est de cette ligne aurait pu

25 être coloré en jaune. On voit ici que l'on a indiqué est, ouest,

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1 nord et sud. Ce sont les zones protégées par l'ONU en Croatie après

2 le cessez-le-feu de 1992. Je les ai complètement coloriées pour

3 montrer la superficie très importante qu’elles recouvraient.

4 La raison principale qui a présidé à l’élaboration de cette carte

5 vient de ce que je voulais vous montrer, Madame et Messieurs les

6 Juges, que pour relier cette zone jaune à l'est aux trois zones

7 jaunes, ou plutôt, en fait, aux deux zones à l'ouest, il faut une

8 sorte de passage ou une infrastructure territoriale. Je voudrais

9 préciser que nous sommes ici en Bosnie centrale. On y voit Sarajevo.

10 C'est plus ou moins de cette région que le gouvernement de Bosnie-

11 Herzégovine exerçait principalement son pouvoir. Cette zone, comme

12 on le voit, était majoritairement peuplée de Serbes, pas Prijedor,

13 pas Sanski Most, pas Kotor Varos. Cependant, les zones situées dans

14 cette région étaient majoritairement serbes également.

15 Pour relier la Serbie à ces zones, il fallait une sorte de couloir

16 ou de "corridor", comme on le lit parfois dans des sources écrites,

17 c'est-à-dire dans les journaux, terme que l’on retrouve dans le

18 vocabulaire militaire, un "corridor" qui se limiterait à la zone de

19 Brcko, l'opstina de Brcko, Bosanski Samac, d'où provenaient certains

20 de vos témoins. Dans cette zone, ce "corridor" était très étroit.

21 Cependant, dans cette zone, il était assez large, mais le fait de ne

22 pas contrôler Prijedor était un obstacle au passage immédiat en

23 termes d'infrastructures.

24 Q. : Dr. Greve, existait-il une grande route reliant des parties

25 importantes des zones que vous nous avez montrées ?

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1 R. : Oui, en fait, Prijedor se trouve à une sorte d'intersection. Bien

2 sûr, c'est bien plus qu'une intersection, mais ces routes relient la

3 ville la plus importante de la région, Banja Luka, à Bosanski Novi

4 en passant par Prijedor. Elles relient Bosanski Dubica à Banja Luka

5 en passant par Prijedor, ou à Bosanski Novi en passant par Prijedor,

6 ou à Sanski Most au sud. Donc, c'est en fait une intersection entre

7 les quatre points cardinaux.

8 Q. : Une ligne de chemin de fer reliait-elle aussi certaines de ces zones

9 ?

10 R. : Oui. La voie ferrée de cette région traverse Prijedor, en direction

11 de l'est ou de l'ouest, selon l'endroit d'où l'on part, bien

12 entendu. Elle traverse Prijedor, continue jusqu'à Banja Luka, puis

13 Duboj. C'est la seule voie ferrée de la région.

14 Q. : Cette voie de passage entre la Serbie et la Krajina serbe que vous

15 venez de nous montrer était-elle considérée comme importante par les

16 responsables et les autorités serbes ?

17 R. : Oui. Elle est qualifiée de cou reliant la tête et le corps. Elle est

18 qualifiée d'artère vitale. Elle est qualifiée de point crucial

19 nécessaire à l'unification d'un territoire, c'est un lien qui assure

20 l'unité d'un territoire géographique.

21 M. TIEGER : Pourrait-on enregistrer ce document à des fins

22 d'identification, en suivant l'ordre des pièces, s’il vous plaît ?

23 (Document enregistré). (A l’intention du témoin) : Dr. Greve,

24 reconnaissez-vous ce document ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Pouvez-vous dire à la Chambre de quoi il s'agit ?

2 R. : Ce sont l'original et la traduction d'un article paru le 1er juin

3 1994 dans le journal local de l'opstina de Prijedor, le journal

4 local "Kozarski Vjesnik", sous le titre : "La Gloire de toutes les

5 gloires serbes".

6 Q. : Après la prise de pouvoir militaire à Prijedor le 30 avril 1992, le

7 journal Kozarski Vjesnik était-il indépendant ?

8 R. : Non. Le Kozarski Vjesnik est presque immédiatement devenu le porte-

9 parole des nouvelles autorités.

10 M. TIEGER : Madame le Président, je souhaiterais verser ce document au

11 dossier.

12 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

13 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 85 est versée au dossier.

15 M. TIEGER : Pourrait-on placer ce document sur le rétroprojecteur et le

16 témoin pourrait-il consulter la page 2, le dernier paragraphe.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je suis désolée, M. Tieger. Je n'ai pas saisi

18 -- quel paragraphe.

19 M. TIEGER : Le dernier paragraphe de la page 2, Madame et Messieurs les

20 Juges, qui commence par les mots : "Loyaux partisans des héros

21 serbes". (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, voyez-vous dans ce

22 paragraphe une référence à l'importance accordée par les autorités

23 serbes à la voie de passage entre la Serbie à proprement parler et

24 la Krajina serbe ?

25 R. : Oui. Il es dit à propos de l'opération d'ouverture du soi-disant, et

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1 entre guillemets "corridor" que "le/les....naturel(s) et

2 générique(s).(sic)....des Serbes des trois états serbes, la bataille

3 est de... soutenue par les institutions des autorités civiles et le

4 peuple serbe a prouvé qu'il était un loyal partisan des héros serbes

5 qui avaient combattu dans toutes les guerres et batailles passées...

6 Depuis la bataille du Kosovo jusqu'à nos jours."

7 Q. : Ce texte est joint à un télégramme envoyé par qui ?

8 R. : Il a été envoyé par le Commandant Régional, le Général Momir Talic,

9 qui avait son Quartier Général à Banja Luka. Il commandait le

10 Premier Corps d’armée de la Krajina, déjà évoqué par des témoins

11 précédents sous sa dénomination au sein de la JNA, à savoir le

12 Cinquième Corps d’armée de la Krajina ou le Corps d’armée de Banja

13 Luka, en raison de l'emplacement de son Quartier Général

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Il me semble que lorsque le témoin a lu

15 "naturel et génétique", elle a dit "générique".

16 LE TEMOIN : Désolée.

17 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : je crois simplement que c'est un point qu’il

18 importe de relever. Nous allons suspendre l’audience pendant 20 minutes.

19 (16:00 heures).

20 (Courte pause)

21 (16:20)

22 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. TIEGER?

23 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Madame le Président, avant de

24 commencer, je voulais simplement, si vous le permettez, éclaircir

25 une question que le Juge Stephen m'a posée il y a quelques instants

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1 et que je n'ai pas du tout comprise d’emblée. Elle portait sur un

2 numéro de référence donné par moi à une pièce informatisée. J'ai

3 cité un numéro. Je crois comprendre que c'est le numéro

4 d'identification d'un document qui a déjà été scanné dans

5 l'ordinateur. Donc, si une référence est faite au cours de

6 l'interrogatoire à 2/ suivi d'un chiffre, je pense que cela fait

7 référence à une pièce qui a déjà été scannée dans l'ordinateur. Je

8 suis désolé de pas avoir compris votre question. Dr. Greve ---

9 JUGE STEPHEN : puisque nous en sommes là, serait-ce trop demander que

10 d'avoir des cartes en couleur correspondant à toutes ces pièces ? Je

11 suppose que nous aurons des exemplaires en noir et blanc, n’est-ce

12 pas ?

13 M. TIEGER : Pour certaines cartes, nous avons préparé des exemplaires en

14 couleur à l’intention des Juges ; c’est le cas, notamment, de la

15 carte, par exemple, de l'une des cartes qui a déjà été versée au

16 dossier. J’en demanderai la cote et peut-être est-ce d'ailleurs le

17 moment opportun pour que je vous en remette un exemplaire. C'est la

18 pièce 79. Je suis tout-à-fait disposé à le faire maintenant.

19 JUGE STEPHEN : Comme l’a dit le Docteur Greve, de telles cartes sont sans

20 doute beaucoup plus faciles à comprendre.

21 M. TIEGER : Je suis sûr que cela sera tout-à-fait possible et nous ferons

22 tout notre possible pour le faire pour toutes les pièces

23 pertinentes.

24 JUGE STEPHEN : Merci beaucoup.

25 M. TIEGER : Dr Greve, avant la pause, nous parlions de cette voie de

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1 passage entre la Serbie et la Krajina serbe, et de l'importance que

2 revêt ce passage aux yeux des responsables serbes. A ce sujet, vous

3 avez mentionné l'existence d'un télégramme provenant du Général

4 Talic. Je voudrais que vous examiniez maintenant le document que je

5 voudrais faire enregistrer à des fins d'identification sous la cote

6 86. Dites-nous ce qu'est ce document.

7 R. : C'est un autre article du Kozarski Vjesnik. Je vois que

8 malheureusement, il est intitulé Publication 02 Vjesnik. Je suppose

9 qu'il s'agit d'une erreur. C'est Kozarski Vjesnik, le journal local

10 dont nous avons déjà parlé. Il est daté du 15 juillet 1994, et

11 intitulé : "Fidèles à la Patrie et à ses idéaux".

12 Q. : Contient-il le texte d'un discours du Président du SDS de Prijedor ?

13 R. : Oui. Il s'agit du parti serbe.

14 Q. : Et ce discours a-t-il été prononcé à une cérémonie commémorant la

15 naissance du parti ?

16 R. : C'est exact.

17 Q. : Je souhaite verser cette pièce au dossier, Madame le Président.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections au versement de cette pièce ?

19 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection, Madame le Président.

20 M. TIEGER : Dr Greve, veuillez regarder la page 3 de la traduction

21 anglaise, le second paragraphe. Dans son discours, le Président du

22 SDS de Prijedor indique l'importance du passage entre la Serbie et

23 la Krajina serbe aux yeux des responsables serbes ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Et comment la décrit-il ?

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1 R. : Il déclare : "Le mot "corridor" ne suffit pas à décrire ce lien. Le

2 cou n'est pas un couloir entre la tête et le corps ; le tout ne

3 forme qu'un seul être, l'être de la nation serbe, a déclaré de façon

4 catégorique le plus haut responsable du SDS de Prijedor."

5 Q. : Prijedor se trouve-t-elle exactement au coeur de ce corps unique ?

6 R. : Si l'on utilise la métaphore du corps, Prijedor est le coeur de cet

7 être.

8 Q. : Je vais maintenant revenir une fois de plus à la pièce informatisée

9 235. Peut-on la faire apparaître sur l'écran ? Je suis désolé,

10 Madame le Président, mais j’aimerais que l'on place la pièce 79 sur

11 le rétroprojecteur. Dr Greve, sur la carte de Prijedor, pouvez-vous

12 indiquer à la Chambre quelles sont les zones les plus peuplées de

13 l'opstina ?

14 R. : Oui. La ville de Prijedor est la seule ville importante ; elle se

15 trouve ici, au centre, plutôt à l'ouest qu'à l’est de l'opstina.

16 Puis, il y a d'autres zones peuplées. Il y en a une au pied de la

17 chaîne de montagnes qui se trouve au nord et les zones au centre

18 sont Kozarac et Kozarusa.

19 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai beaucoup de mal à voir. Pourrait-on

20 faire un zoom avant sur Kozarac, s’il vous plaît ?

21 R. : Voici Kozarac. Là encore, comme je l'ai déjà dit, l'unité

22 administrative s’appelle une Mjesna Zajednica, légèrement plus

23 grande que chacune de ces zones, elles-mêmes souvent appelées par

24 exemple la "zone de Kozarac" ou de Podgozara, et désignant des

25 territoires plus étendus. Mais ce que vous voyez ici, c'est Kozarac

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1 même. Peut-être devrais-je vous dire qu'il y a une grande route qui

2 va de Prijedor à Banja Luka. C’est une nouvelle route et il y a

3 aussi la route plus ancienne. Ces deux routes se croisent à Kozarac.

4 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : On dirait que cette route correspond au

5 numéro 4 de la carte.

6 R. : Oui, c'est la nouvelle route qui mène à Prijedor. Elle s'appelle E

7 pour européen, route principale E761. La route plus ancienne

8 s'appelle la route 13 au nord, qui est le centre de Kozarac.

9 M. TIEGER : Combien de personnes environ vivaient dans la zone élargie de

10 Kozarac ?

11 R. : Si l'on considère la totalité de la région, mais cela dépend une fois

12 de plus de la manière dont on la délimite, on peut dire que près de

13 27.000 personnes vivaient dans la zone élargie de Kozarac.

14 Q. : Quelle était la composition ethnique de cette zone ?

15 R. : Majoritairement, pour ne pas dire, essentiellement composée de

16 musulmans.

17 Q. : Dr. Greve, pouvez-vous nous donner plus d'informations sur les

18 secteurs ou activités économiques principaux de l’opstina.

19 R. : Si vous me le permettez, je n'avais pas fini de montrer les centres

20 les plus peuplés. Peut-être ai-je été trop lente, mais je voudrais

21 également citer la zone de Ljubija. On bouge la carte et on voit

22 maintenant une zone se trouvant à l'ouest et au sud de la ville de

23 Prijedor. C'est Ljubija. C'est également l'un des lieux les plus

24 peuplés de l'opstina, le troisième en importance.

25 Pour en revenir à votre question, Prijedor se trouve à une

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1 intersection. Il y avait donc beaucoup de passage, c’était une zone

2 de circulation et de transport. L'activité économique principale est

3 l'extraction du minerai de fer, car c'est une région montagneuse,

4 Madame et Messieurs les juges. On dit que ce secteur est sans doute

5 le deuxième d'Europe, à la fois en quantité et en qualité. C'est une

6 grande mine et Ljubija est un des puits de cette mine. Nous n'avons

7 pas eu l'occasion de parler des deux autres grands centres

8 d'extraction. Il en existe trois, l'un d'entre eux étant Omarska et

9 le troisième Tomasica.

10 Au milieu de l'écran, d'autres structures apparaissent. On voit une

11 usine de production de tuiles céramiques, connue sous le nom de

12 Keraterm. On voit quelques scieries, des usines de pâte à papier,

13 des biscuiteries, des usines fabriquant des boissons, des usines

14 textiles. C'était une zone réputée prospère. Elle est fertile. Il y

15 avait un peu d'activité agricole, élevage et exploitation

16 forestière. Cette zone se trouve au pied de la montagne de Kozara.

17 La montagne de Kozara a joué un rôle très important pour la

18 Yougoslavie pendant la Seconde Guerre Mondiale. C'est sans doute au

19 sommet de cette montagne que l'on trouve le plus imposant monument

20 commémoratif de la guerre. Le tourisme était actif en cet endroit, à

21 cause du monument, qui se visitait, et en raison du climat agréable

22 et de la proximité de la rivière Sana, et non Sava, également. La

23 rivière Sana traverse l'opstina. Elle coule d'ouest en est. Elle

24 arrive presque jusqu'à la ville de Prijedor, puis bifurque vers le

25 sud. La région de Prijedor était donc comparable à une vallée

Page 1056

1 Q. : A part le Kozarski Vjesnik, y existait-il d'autres médias ?

2 R. : Oui. Radio Prijedor était la station de radio locale.

3 Q. : Dr Greve, vous avez parlé de trois groupes ethniques ou nationalités

4 principaux à Prijedor. Comment décririez-vous les relations entre

5 ces différents groupes depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à la

6 fin des années 80 ou 1990 ?

7 R. : A ma connaissance, les relations entre les différents groupes étaient

8 très bonnes, à tel point que j'ai été surprise de lire dans les

9 journaux locaux des articles dans lesquels les responsables serbes

10 disaient avoir abandonné le sentiment de fraternité qui existait

11 auparavant, et il semble - c'est bien sûr l’impression personnelle

12 que j’ai retirée de la lecture de toutes les déclarations de témoins

13 - que les gens ont vraiment été abasourdis que quelque chose de ce

14 genre ait pu survenir à Prijedor ; cette zone a été l'une des

15 premières à être contrôlée par les partisans et elle a énormément

16 souffert pendant la seconde guerre mondiale. C'est une zone dans

17 laquelle Kurt Waldheim, le futur Secrétaire Général des Nations-

18 Unies, a travaillé pendant la seconde guerre mondiale. Le travail

19 des services de renseignement a donc été important, dans la région,

20 de Prijedor, quant aux événements qui s’y sont déroulés durant la

21 seconde guerre mondiale. Elle a été terriblement décimée au cours de

22 l’été 1942, tous les groupes ont horriblement souffert.

23 La destruction de la région a été le fait des allemands, de leurs

24 alliés autrichiens, et Kurt Waldheim était autrichien, des

25 Oustachis, des fascistes de Croatie, quant aux Tchetniks serbes, ils

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1 sont exonérés aujourd’hui de toute collaboration à ces actions. Il

2 se trouve que mon pays est concerné - j’ai vérifié des sources dans

3 mon pays et à Belgrade, pour me rafraîchir la mémoire au sujet de la

4 seconde guerre mondiale et de son histoire, car malheureusement,

5 nombre d’habitants de Prijedor ont été internés à Jasenovac, un

6 terrible camp de concentration de la seconde guerre mondiale, sans

7 doute le plus dur de toute l’ex-Yougoslavie, mais quelques-uns ont

8 aussi été envoyés au travail obligatoire dans mon pays. J’ai donc

9 compulsé les listes des personnes envoyées au travail obligatoire en

10 Norvège, pays occupé à l’époque, et j’y ai trouvé des Serbes, mais

11 aussi des Musulmans de la région de Prijedor. Les médias font donc

12 sans cesse référence à la "fraternité" du passé. Ils avaient

13 souffert ensemble et c’est sans doute la raison pour laquelle ils

14 sont si nombreux à souligner qu’ils estiment vraiment avoir vécu

15 harmonieusement les uns à côté des autres.

16 Q. : Ces relations harmonieuses, qui existaient depuis si longtemps,

17 depuis la seconde guerre mondiale, ont-elles éclaté soudainement le

18 30 avril 1992, ou bien se sont-elles détérioré au fil du temps ?

19 R. : Elles se sont détériorées au fil du temps, en raison d’une propagande

20 massive et de la résurgence de tendances nationalistes, développées

21 surtout, je m’empresse de le dire, en dehors de Prijedor ; mais la

22 population de Prijedor a subi la haine ethnique, manifeste surtout

23 dans les médias serbes.

24 Q. : Je demande que ce document soit enregistré à des fins

25 d’identification en tant que pièce à conviction n° 87.

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1 LE TEMOIN : Pendant l’enregistrement du document, permettez-moi de

2 préciser un point, je ne l’ai pas fait jusqu’à présent : un lac, le

3 lac de Ridna, apparaît sur cette carte. Mais ce n’est pas un lac

4 ordinaire. C’est un étang piscicole, de très grande taille. Merci.

5 M. TIEGER : Pouvez-vous nous dire ce qu’est le document 87, je vous prie ?

6 R. : C’est un document de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité des

7 Nations Unies. Il est diffusé par ces deux instances. Il porte sur

8 la situation des droits de l’homme en ex-Yougoslavie. Le Secrétaire

9 général présente à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité un

10 rapport relatif à la situation des droits de l’homme en ex-

11 Yougoslavie.

12 Q. : Je demande le versement de ce document au dossier, Madame le

13 Président.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

15 M. WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

16 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 87 est versée au dossier.

17 M. TIEGER : Dr. Greve, j’aimerais attirer votre attention sur la page 10

18 de ce document et vous demander si on y trouve une indication du

19 rôle qu’ont joué les médias dans les régions qui se trouvaient de

20 facto, sous le contrôle des autorités serbes de Bosnie.

21 R. : Oui, en effet.

22 Q. : Avez-vous déjà vu ce document ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Je note que ce rapport date de 1995.

25 R. : C’est exact.

Page 1059

1 Q. : L’évaluation de la situation à cette époque rend-elle fidèlement

2 compte de la réalité du rôle des médias en 1991/1992 ?

3 R. : A mon avis, elle rend mieux compte de la situation en 1991/1992 qu’en

4 1995, car la propagande n’était plus aussi nécessaire en 1995.

5 Q. : De quelle façon ce rapport indique-t-il que, dans les régions

6 soumises au contrôle de facto des autorités serbes de Bosnie, les

7 médias se sont efforcés d’influencer la population ?

8 R. : Il indique que la notion de fraternité est remplacée par une rivalité

9 de plus en plus forte, et qui s’aggrave, entre les deux groupes. Les

10 croates commencent à se faire taxer d’Oustachis et de fascistes, les

11 musulmans d’intégristes, de fauteurs de guerre sainte, de défenseurs

12 du "Djihad" ; en d’autres termes, ce scénario semble ne laisser

13 aucune autre possibilité aux Serbes que de s’engager dans une sorte

14 d’autodéfense dirigée contre tous les autres groupes, à moins

15 d’accepter de subir une nouvelle fois le terrible sort qu’ils ont

16 subi par le passé, dans des camps de concentration tels que

17 Jasenovac. Tout est apparemment présenté comme à prendre ou à

18 laisser.

19 Q. : Dans son paragraphe 38, ce rapport indique-t-il, finalement, que les

20 autorités serbes de Bosnie ont créé leurs propres médias, afin de

21 diffuser leur propagande politique ?

22 R. : C’est exact.

23 Q. : Dans son paragraphe 40, ce rapport évoque-t-il des émissions dans

24 lesquelles le Président Izetbegovic est qualifié de "Balija". Ce

25 terme est-il une insulte à base ethnique ?

Page 1060

1 R. : Il est considéré comme très péjoratif, en effet.

2 Q. : Ce rapport indique-t-il que ces actes sont le fait des médias serbes

3 de Bosnie ?

4 R. : En effet.

5 Q. : Je vous demanderai de vous reporter à la page 43. La première

6 référence discutée par vous portait sur la création de leurs médias

7 par les Serbes de Bosnie. Trouve-t-on, dans ce paragraphe, une

8 indication de la façon dont ces médias ont été créés ?

9 R. : Oui. Il évoque la prise de médias existants, le fait que les Serbes

10 de Bosnie en ont pris le contrôle.

11 Q. : Je voudrais que ce document soit enregistré à des fins

12 d’identification en tant que pièce 88. (Remise du document). Dr.

13 Greve, reconnaissez-vous ce document ?

14 R. : Oui.

15 Q. : De quoi s’agit-il ?

16 R. : Du compte-rendu d’une émission diffusée par la Radiotélévision de

17 Banja Luka, qui avait un rôle prépondérant dans la région.

18 Q. : Je demande le versement au dossier de ce document.

19 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à la pièce 88 ?

20 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

21 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 88 est admise.

22 M. TIEGER : Dr. Greve, j’aimerais attirer votre attention sur la page 1 de

23 ce compte rendu. A quelle occasion cette émission a-t-elle été

24 diffusée ?

25 R. : A l’occasion d’une fête en l’honneur de la prise du relais de

Page 1061

1 télévision de la montagne Kozarac par les Serbes.

2 Q. : Selon cette émission, à quelle date a eu lieu la prise de ce relais ?

3 R. : Le 1er août 1991 ; mais elle indique encore autre chose, qui répond,

4 je crois, à une question déjà soulevée par la Défense ; il est

5 question d’informations relatives à la prise d’une station de

6 télévision, et à cet égard, les renseignements que m’ont fournis mes

7 témoins étaient assez imprécis. J’avais du mal à déterminer la date

8 exacte de cet événement, mais la réponse m’a été apportée par cette

9 émission, qui célébrait l’événement. On m’avait dit, mes témoins

10 avaient témoigné ou indiqué à titre d’information qu’ils situaient

11 la prise de ce relais de télévision aux alentours du mois de mars

12 1992. Or ce document nous apprend qu’elle s’était produite le 1er

13 août de l’année précédente, mais que l’information ou la propagande

14 à coloration serbe n’a pas été diffusée immédiatement. Un délai de

15 28 mois y est évoqué. Je me permettrai, pour vous faciliter la

16 compréhension, d’attirer votre attention sur le premier paragraphe,

17 car il semble que l’on fête un troisième anniversaire, alors que le

18 nouveau relais n’est opérationnel que depuis 28 mois. Ce document

19 montre bien que, dotée d’informations très fragmentaires, j’ai eu du

20 mal à me faire une idée exacte de tous les détails de la situation.

21 Mais finalement, les documents corroborant ce renseignement sont

22 arrivés en nombre toujours croissant. J’ai donc pu l’inscrire dans

23 un cadre plus circonscrit.

24 Q. : Au vu du paragraphe 3, est-il indiqué, dans l’émission, qui a pris

25 l’émetteur ?

Page 1062

1 R. : Oui.

2 Q. : De qui s’agit-il ?

3 R. : D’un groupe paramilitaire. Je ne le vois pas indiqué au paragraphe 3,

4 à première vue, mais il s’agissait d’un groupe d’hommes qui

5 s’étaient baptisés "les loups". Ils venaient de Panjavo ou de Vukia,

6 la montagne qui domine Panjavo. Panjavo est une opstina située à

7 l’est de Prijedor, à l’est de Banja Luka.

8 Q. : Est-il indiqué, dans ce compte rendu, qui accompagnait ce groupe armé

9 ? Je vous invite à lire encore une fois le paragraphe 3, qui

10 commence par le mot "Reporter". J’attire votre attention sur la

11 citation qui commence par les mots : " aux alentours de 18h00...".

12 Il est possible que je me sois trompé de passage, Dr. Greve.

13 Trouvez-vous une référence à "18h00" dans le troisième paragraphe,

14 qui commence par le mot "Reporter" ?

15 R. : Oui. "Aux alentours de 18h00 aujourd’hui, des responsables officiels

16 de l’Assemblée municipale (SO) de la Krajina de Bosnie sont arrivés

17 au centre, accompagnés d’une nombreuse escorte armée. Ils nous ont

18 donné l’ordre de diffuser les émissions de Belgrade, en recourant

19 aux liaisons par satellite, grâce au deuxième relais". Ces mots

20 indiquent que les forces paramilitaires n’ont pas agi seules. Elles

21 ont agi en rapport avec, en pleine coopération avec les dirigeants

22 politiques et militaires.

23 Q. : Le Président de la région autonome de Krajina apparaît-il dans

24 l’émission pour fêter la prise de l’émetteur ?

25 R. : Oui.

Page 1063

1 Q. : Comment s’appelle-t-il ?

2 R. : Kupresanin.

3 Q. : Est-il indiqué, dans l’émission, indique-t-il lui même au cours de

4 cette émission, que la prise de l’émetteur s’est faite sous ses

5 ordres ?

6 R. : Oui, en effet.

7 Q. : Un responsable de Prijedor participe-t-il à cette fête ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Passons au haut de la page 2. Commencez au bas de la page, je vous

10 prie. Il y est question de Srdo Srdic, député à l’Assemblée

11 populaire de la Republika Srpska. Savez-vous de quelle opstina est

12 originaire Srdo Srdic /

13 R. : En tout cas, il résidait dans l’opstina de Prijedor. Je ne sais pas

14 s’il y était né.

15 Q. : Au moment de la prise de l’émetteur, était-il membre du SDS et où

16 habitait-il ?

17 R. : Il vivait dans l’opstina de Prijedor et était membre du SDS. Il a été

18 l’un des premiers députés ou représentants de l’Assemblée populaire

19 de la Republika Srpska, dont le nom, bien sûr, a été changé.

20 Q. : Passons au premier paragraphe de la page 2, à la dernière phrase de

21 ce paragraphe. Srdo Srdic y indique-t-il quelle a été la raison de

22 la prise de l’émetteur et à quelle date elle s’est produite ?

23 R. : Oui. Il met l’accent sur la nécessité d’une propagande à l’intention

24 du peuple serbe.

25 M. TIEGER : Madame le Président, pouvons-nous voir une cassette vidéo ? Et

Page 1064

1 je demande que cette cassette, qui correspond au compte rendu dont

2 nous venons de parler, soit versée au dossier, avant d’être

3 diffusée.

4 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Il s’agit de la pièce à conviction 89. Des

5 objections à la cassette-vidéo, M. Wladimiroff ?

6 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

7 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 89 est admise.

8 M. TIEGER : C’est la cassette n° 1.

9 (Projection de la cassette n° 1)

10 Peut-on interrompre la projection un instant ? Excusez-moi. Madame

11 le Président, je vous prie de m’excuser. Je me rends compte un peu

12 tard que les juges n’ont pas sous les yeux un exemplaire du compte

13 rendu.

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Non, en effet.

15 M. TIEGER : Nous sommes en possession de deux copies, pour le moment. Cela

16 suffira-t-il pour les juges ? Trois copies, en fait, si la Défense

17 n’a rien contre. L’une d’entre elles est enregistrée.

18 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Deux copies nous suffiront. De combien de

19 pages se compose cette pièce, M. Tieger, le compte rendu, n° 88 ?

20 M. TIEGER : De quatre pages, Madame le Président. Si ma mémoire est bonne,

21 nous nous sommes arrêtés à l’endroit marqué "titre". Peut-être

22 souhaiterez-vous que nous poursuivons la projection plutôt que de

23 rembobiner la cassette. Nous en étions arrivés à la fin de l’annonce

24 introductive. Je crois que nous avons interrompu la projection au

25 logo. Nous pouvons la poursuivre.

Page 1065

1 (Poursuite de la projection de la cassette n° 1)

2 Dr. Greve, les médias serbes placés sous le contrôle de facto des

3 autorités serbes de Bosnie incitaient à la haine contre les

4 Musulmans et les Croates en utilisant des termes aussi péjoratifs

5 que ceux que l’on trouve dans le rapport Masowieski, mais

6 s’efforçaient-ils également d’instiller, de répandre le nationalisme

7 serbe ?

8 R. : Oui.

9 Q. : De quelle façon le faisaient-ils ?

10 R. : De diverses façons. Le nationalisme renaît, malheureusement, dans de

11 nombreuses régions d’Europe. Il s’inspire d’un retour sur

12 l’histoire. Il y a d’abord eu la célébration du 600ème anniversaire

13 de la bataille de Kosovo Polje en 1989 et la glorification du fait

14 que les autres peuples de la région avaient abandonné la nation

15 serbe à l’époque où les Turcs, l’empire ottoman, avait envahi cette

16 partie de l’Europe.

17 Les Serbes faisaient référence à leur passé glorieux, insistaient

18 sur les symboles religieux et soulignaient, notamment, le danger que

19 risquait de constituer, pour le peuple serbe, toute désunion

20 éventuelle ; dans ce cas, ils risquaient de nouvelles attaques de la

21 part des autres groupes nationaux, et c’est à ce stade qu’ils

22 mentionnaient spécifiquement les Croates, appelés "Oustachis" à des

23 fins de propagande ; tout cela avait un objectif, un objectif clair,

24 et ne manquait pas de répandre la peur.

25 Ils faisaient aussi référence, en termes généraux, à des communautés

Page 1066

1 musulmanes intégristes et politisées vivant en d’autres lieux, hors

2 d’Europe, le plus souvent ; ils étaient présentés comme une menace

3 éventuelle à l’existence de la nation serbe. Cela a aussi eu lieu --

4 excusez-moi de faire des bonds chronologiques, mais dès le début de

5 la désintégration de l’ex-Yougoslavie, cette idée a fait son

6 apparition. Ainsi, au cas où, pour une raison ou une autre, les

7 Serbes étaient devenus démographiquement minoritaires, ce à quoi ils

8 n’étaient pas habitués dans les nouveaux états indépendants, leur

9 existence même était présentée comme mise en péril, en danger.

10 L’objectif poursuivi consistait à convaincre le plus grand nombre

11 qu’ils n’avaient pas le choix, qu’il leur fallait partir en guerre

12 massive contre tous les autres, à défaut de quoi, ils risquaient de

13 se retrouver dans un camp de concentration comparable à ceux du

14 passé, à ceux que symbolise "Jasenovac".

15 Q. : Quel a été l’effet de cette propagande ? A-t-elle été efficace ?

16 R. : Extrêmement efficace. Je pense que nombreux ont été ceux qui, soumis

17 à ces concepts, présentés avec brio et de façon prolongée,

18 répétitive et récurrente, ont vraiment été saisis par la peur. Ils

19 ont pensé : "peut-être bien, c’est possible, que quelque chose se

20 prépare. Je ne m’en rends pas compte, parce que j’ai des relations

21 d’amitié avec mes voisins et mes proches, mais peut-être devrais-je

22 être sur mes gardes, pour des événements se déroulant en dehors de

23 la région". Tout cela a été fait de façon très intelligente, les

24 gens ont eu peur, et je crois que leur peur était sincère.

25 M. TIEGER : Je voudrais que ce document soit enregistré à des fins

Page 1067

1 d’identification en tant que pièce à conviction 90. (A l’intention

2 du témoin) : Que contient ce document, Dr. Greve ?

3 R. : Ce document est une courte citation que j’ai utilisée dans mon étude

4 de Prijedor, lorsque j’analysais les événements de Prijedor. Je l’ai

5 trouvée dans l’ouvrage de l’historien Noel Malcolm intitulé :

6 "Bosnie, une histoire abrégée", paru en 1994.

7 M. TIEGER : Je demande le versement au dossier de ce document.

8 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à la pièce 90 ?

9 M. WLADIMIROFF : Pas d’objection, Madame le Président.

10 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 90 est admise.

11 LE TEMOIN : Je pourrais, peut-être, saisir l’occasion pour dire que dans -

12 --

13 M. TIEGER : Excusez-moi, je suis désolé, puis-je vous prier de placer ce

14 document sur le rétroprojecteur, de façon à ce que les juges

15 puissent le voir ?

16 R. : Absolument. Non, ceci n’est pas le seul document où je m’appuie sur

17 une référence d’historien. J’ai essayé d’entrer en contact avec tous

18 les historiens qui ont pu croiser mon chemin ou que j’ai pu joindre,

19 tout au long de mon étude, indépendamment de leur nationalité, de

20 leur spécialité, de leur relation au conflit.

21 Q. : Je vous renvoie à la citation de M. Malcolm. Y est-il indiqué qu’il

22 s’est efforcé d’évaluer l’efficacité de la propagande au cours de

23 ses 15 ans de voyages en Bosnie ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Et qu’il se fonde aussi sur une analyse de la radio/télévision de

Page 1068

1 Belgrade durant la période 1991/1992 ?

2 R. : Eh bien, il déclare qu’il jugeait très bonne la coexistence entre les

3 différents groupes, mais que malheureusement, la propagande a été

4 très efficace.

5 Q. : Donc, l’expérience acquise par lui en 15 ans ne lui démontrait pas

6 l’existence d’une haine ethnique larvée ?

7 R. : En effet.

8 Q. : Mais en regardant et écoutant les émissions de la radio/télévision de

9 Belgrade, il a commencé à comprendre ce qui était en train de se

10 passer ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Que dit-il à ce propos ?

13 R. : Ce qu’il dit, en fait, c’est que dans ces conditions, il comprend que

14 la population locale ait réellement pris peur.

15 Q. : Cite t-il un journal indépendant de Belgrade, pour tenter de replacer

16 les choses dans leur contexte ?

17 R. : Oui, en effet. Il cite un journaliste du nom de Milos Vacic (?) et il

18 -- qui fait allusion à la situation américaine. Voulez-vous que je

19 vous lise le passage ? Oui ? « Imaginez qu’aux États-Unis, toutes

20 les stations de télévision, jusqu’à la plus insignifiante, adoptent

21 exactement la même politique éditoriale, dictée par David Duke. Vous

22 auriez la guerre, vous aussi, au bout de cinq ans », vient ensuite

23 une référence au Ku Klux Klan.

24 M. TIEGER : Dr. Greve, j’aimerais que vous jetiez un coup d’oeil sur ce

25 document.

Page 1069

1 LE JUGE VOHRAH : Dr. Greve, qui est David Duke ? N’étant pas américain,

2 j’ignore de qui il s’agit.

3 M. TIEGER : Puis-je répondre, Madame le Président ? Il s’agit d’un néo-

4 nazi, d’un raciste d’extrême-droite, dirigeant politique de

5 Louisiane qui s’est dangereusement approché d’un poste de haut

6 dignitaire en Louisiane.

7 LE JUGE VOHRAH : Merci.

8 M. TIEGER : Peut-on présenter au témoin la pièce à conviction n° 85, je

9 vous prie ? Veuillez placer la page 1 sur le rétroprojecteur, je

10 vous prie. (A l’intention du témoin) : Dr. Greve, sur quel

11 événement, survenu dans l’opstina de Prijedor, porte cet article ?

12 R. : Sur une fête, une journée de célébration à la gloire de l’Armée de la

13 Republika Srpska. C’est aussi un congé religieux, la St. Vitus, pour

14 les orthodoxes.

15 Q. : Avez-vous lu la totalité de cet article ?

16 R. : Oui, avant.

17 Q. : Y trouve-t-on des exemples de la propagande dont vous venez de parler

18 ?

19 R. : Oui.

20 Q. : J’aimerais attirer votre attention sur le paragraphe 2, qui commence

21 par le mot : «aujourd’hui ». En vous appuyant sur la ligne

22 précédente, pouvez-vous nous dire, tout d’abord, qui est en train de

23 parler ?

24 R. : Je suppose que c’est Radmilo Zeljaja, ou bien ...

25 Q. : Je vous pose la question suivante : les deux commandants des Brigades

Page 1070

1 de Prijedor assistaient-ils à cette commémoration ?

2 R. : Oui. Pero Colic y assistait aussi.

3 Q. : Cet article indique-t-il qu’ils ont tous eux pris la parole et sont-

4 ils cités dans l’article ?

5 R. : C’est ainsi que je l’ai compris.

6 Q. : Dans la première citation, au bas du paragraphe qui commence par les

7 mots : « mais notre honorable noblesse », voyez-vous qui est en

8 train de parler ?

9 R. : Je ne vois de référence qu’au Colonel Radmilo Zeljaja.

10 Q. : Qu’a dit le Colonel Zeljaja lors de cette cérémonie ?

11 R. : Nous revenons sur quelque chose dont nous avons déjà brièvement

12 parlé. Le Prince Lazare est l’un des trois saints, et l’une des

13 personnalités les plus importantes de la nation serbe, et ils en

14 sont donc très fiers. Il s’est battu du côté serbe à la bataille de

15 Kosovo Polje, en 1389. L’événement est mentionné comme datant de 605

16 ans.

17 Q. : C’est donc un exemple de promotion du nationalisme serbe auquel vous

18 faisiez référence il y a quelques instants ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Très bien. Le Prince Lazare, la mention de la noblesse serbe, de

21 l’empire, du destin serbes, ainsi que la présentation des Serbes

22 comme le plus grand peuple et le peuple le plus tolérant du monde,

23 relèvent donc de ce nationalisme ?

24 R. : L’article est très hétérogène, si je puis me permettre de le

25 souligner ; en effet, il évoque, bien sûr, des moments historiques

Page 1071

1 dont les Serbes ont toutes raisons d’être fiers, qu’ils ont toutes

2 les raisons de graver dans leur mémoire. Au contraire de ce qui se

3 passe en Extrême-Orient, nous européens, avons cette longue

4 tradition de retour plusieurs siècles en arrière, et de ce point de

5 vue, 600 ans n’est peut-être pas grand chose.

6 Q. : Le Colonel Colic, commandant de la 5ème Brigade de Kozara est-il

7 également cité comme s’étant exprimé lors de cette commémoration ?

8 R. : Oui.

9 Q. : A-t-il axé son allocution sur la menace pesant sur le peuple serbe et

10 sur son danger d’extinction ?

11 R. : Oui, en effet.

12 Q. : Est-ce là, en partie, une référence à ce dont vous venez de parler ?

13 R. : Oui. C’est aussi une référence malencontreuse au fait qu’une telle

14 éventualité correspondrait à la troisième guerre mondiale.

15 Q. : Puis-je vous renvoyer à la page 2, je vous prie ? Le Général Ratko

16 Mladic a-t-il participé, au moins par le biais d’un télégramme, à

17 cette cérémonie ?

18 R. : Oui, en effet.

19 Q. : Evoque-t-il les efforts déployés par les forces armées dans la région

20 de Prijedor ?

21 R. : Oui, effectivement.

22 Q. : En quels termes y fait-il référence ?

23 R. : « A ce jour, notre armée a réussi à défendre la population serbe

24 contre une extermination planifiée, elle a libéré la majeure partie

25 des territoires serbes et permis aux Serbes vivant dans ces régions

Page 1072

1 de prendre, pour la première fois, leur destin entre leurs mains ».

2 Q. : Félicite-t-il les forces armées dans le deuxième paragraphe ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Reconnaît-il leur hauts faits, avant de les inviter à faire quelque

5 chose de précis ?

6 R. : Oui.

7 Q. : De quoi s’agit-il ?

8 R. : « ...vous invite à persister dans votre volonté de vous libérer et de

9 créer un état serbe unifié en maintenant la grande aptitude au

10 combat de nos unités, en maintenant nos lignes de front, en

11 préservant la solide unité et le fort lien moral qui existe entre le

12 peuple et l’armée ; je souhaite que le jour de St. Vitus se fête

13 dans la paix au cours des années à venir ».

14 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle est la date de cette déclaration ?

15 M. TIEGER : Le 1er juin 1994.

16 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je me posais la question, pour le compte

17 rendu d’audience, pourriez-vous nous dire exactement ce qu’est le

18 jour de St. Vitus ? De quoi s’agit-il ?

19 R. : Si j’ai bien compris, mais cela ne m’a pas été -- j’ai en fait

20 vérifié auprès des diverses ambassades, je voulais trouver un

21 calendrier exact des différentes fêtes religieuses -- c’est le jour

22 où ils fêtent le Saint Prince Lazare, St. Vitus fait peut-être bien

23 référence à lui. Mais je n’en suis pas sûre. Je crains de ne pas

24 être en mesure de vous être d’une parfaite utilité sur ce point,

25 mais les deux sont fêtés le même jour.

Page 1073

1 M. TIEGER : Dr. Greve, j’attire une nouvelle fois votre attention sur la

2 page 1.

3 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Le jour où les Turcs ont vaincu les ---

4 LE TEMOIN : Non.

5 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : 1589 ou quelque chose de ce genre ? Non ?

6 LE TEMOIN : Je dois avouer humblement ne pas posséder non plus des

7 connaissances assez approfondies en histoire pour être au courant de

8 cela.

9 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Ce n’est pas grave.

10 M. TIEGER : Veuillez lire la dernière ligne de la première page. Y trouve-

11 t-on une mention de la fraternité qui avait cours à Prijedor, par le

12 passé ?

13 R. : Oui. La dernière ligne se lit comme suit : "nous vaincrons parce que

14 nous avons pris la décision ferme de ne plus vivre dans la

15 fraternité avec ceux qui égorgent nos enfants ou avec de faux frères

16 qui ont souvent craché sur la bonté et le sens de l’honneur des

17 Serbes".

18 Q. : Merci, Dr. Greve. Madame le Président, je sais que le temps est l’une

19 de nos préoccupations, je passe donc à une autre série de questions.

20 LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Dans ce cas, nous suspendons l’audience

21 jusqu’à demain, 10h00.

22 (17h30)

23 (Suspension de l’audience jusqu’au lendemain)

24

25