Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi, le 29 mai 1996

4 (14 h 30)

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, vous interrogiez M. Mujadzic.

6 M. KEEGAN : Oui, Mme le Président. Pourrait-on rappeler M. Mujadzic à la

7 barre, s’il vous plaît ?

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous nous avez manqué, messieurs les

9 conseils. Nous avons été occupés ailleurs mais nous sommes heureux

10 de vous revoir !

11 Rappel de M. MIRSAD MUJADZIC à la barre

12 Poursuite de l’interrogatoire par M. KEEGAN

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez vous asseoir, M. Mujadzic. Je

14 vous rappelle que vous êtes toujours sous serment.

15 LE TEMOIN (Interprétation) : Oui.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci.

17 M. KEEGAN : M. Mujadzic, nous avons eu une interruption de quatre jours et

18 demi depuis que vous avez commencé votre témoignage. Je suggère donc

19 que nous récapitulions brièvement les éléments de preuve que vous

20 avez apportés jusqu’à présent ? Quand nous nous sommes ajournés

21 vendredi après-midi, vous aviez décrit la constitution ethnique et

22 les relations entre les groupes ethniques dans l’op{tina de Prijedor

23 approximativement de la Deuxième Guerre mondiale à 1990 environ.

24 Vous avez déclaré que Prijedor était considérée comme un modèle pour

25 les relations ethniques dans l’ex-Yougoslavie, est-ce exact ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Vous avez également parlé de la montée de Milosevic et de son

3 programme visant à faire basculer la balance du pouvoir dans l’ex-

4 Yougoslavie en faveur de la Serbie. Vous avez indiqué que ses

5 principaux moyens pour s’emparer du contrôle étaient le recours à la

6 propagande et les manoeuvres politiques. Est-ce exact ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Enfin, vous avez aussi évoqué l’effet polarisant de ces combats

9 politiques et de la propagande sur la population de Prijedor et

10 d’ailleurs et c’est sur cette toile de fond que les divers partis

11 politiques ont été créés. Est-ce exact ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Vous avez mentionné brièvement la formation du SDA et son programme.

14 Pourriez-vous maintenant expliquer à la Cour qui contrôlait la

15 plupart des postes de responsabilité à Prijedor avant les élections

16 de 1990 ?

17 R. : Les Serbes détenaient la plupart de ces postes.

18 Q. : Etait-ce le cas des postes administratifs de l’op{tina, dans la

19 police et dans le secteur économique et social ?

20 R. : Oui. On peut dire, de façon générale qu’environ 90 % des postes dans

21 l’administration, dans le secteur social et dans les entreprises

22 publiques étaient aux mains des Serbes tandis que 90 % des

23 entreprises privées appartenaient à des propriétaires privés non

24 serbes.

25 Q. : M. Mujadzic, quel était le programme du parti SDS quand il a été créé

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1 ?

2 R. : Le programme du SDS quand il a été créé était démocratie, protection

3 de la population serbe - protection des postes occupés par les

4 Serbes, pour être plus précis - soutien absolu à la Yougoslavie et,

5 bien sûr, soutien de la JNA.

6 Q. : Qu’entendez-vous par soutien absolu à la Yougoslavie ?

7 R. : Je pense à l’idée, au concept proclamé par Milosevic, c’est-à-dire le

8 type de Yougoslavie que Milosevic offrait.

9 Q. : Quel genre de Yougoslavie ?

10 R. : Une Yougoslavie dominée par les Serbes, en d’autres termes une Grande

11 Serbie.

12 Q. : Qu’entendez-vous exactement par protection des postes des Serbes ?

13 R. : J’ai dit que les Serbes détenaient 90 % des postes dans le secteur

14 étatique ou public ou dans le secteur social. En fait, le SDS visait

15 à défendre le contrôle de ces postes par les Serbes.

16 Q. : Quel était le programme de l’autre grand parti en Bosnie, le HDZ,

17 lors de sa création ?

18 R. : Le programme du HDZ était aussi démocratie, protection des droits et

19 intérêts de la population Croate en Bosnie-Herzégovine, y compris

20 ses droits religieux et culturels mais au sein de la Bosnie-

21 Herzégovine.

22 Q. : Comment décririez-vous les relations entre les trois principaux

23 partis politiques lors de leur création en 1990 ?

24 R. : Les relations entre les partis politiques étaient semblables à celles

25 existant entre les individus. J’ai déjà mentionné la formation de

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1 deux blocs, le bloc en faveur d’une Yougoslavie type Milosevic, en

2 d’autres termes d’une Grande Serbie et l’autre opposé à la

3 Yougoslavie type Milosevic ou, plus précisément, à une Grande

4 Serbie. Les relations entre le SDA et le HDZ ont donc tout d’abord

5 été normales tandis qu’il y a eu des frictions avec le SDS

6 pratiquement dès l’origine.

7 Q. : Sur quelle base se fondaient les relations entre le SDA et les autres

8 partis ?

9 R. : Nous n’avions aucun programme spécial et nous n’avons reçu aucune

10 instruction particulière de notre siège. La base des relations

11 figurait dans le programme du parti, à savoir démocratie, respect

12 des droits de l’homme, respect des droits d’autrui, des affiliations

13 religieuses et nationales et de tous les autres droits de l’homme

14 que cela implique.

15 Q. : Quels efforts avez-vous déployés, s’il en est, en vue de coopérer

16 avec les autres partis ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Quelles ont été ces initiatives ?

19 R. : Même avant les élections, nous avons essayé plusieurs formes de

20 coopération avec les autres partis. Du fait de la constitution

21 nationale ou ethnique, nous avons prêté une attention particulière

22 aux relations avec le SDS. Nous leur avons proposé de lancer une

23 campagne électorale commune au sens de présentations communes à la

24 radio et à la télévision, de campagnes électorales conjointes ainsi

25 que de réunions électorales communes dans les communautés à

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1 population mixte.

2 Q. : Avez-vous organisé des réunions communes ?

3 R. : Oui. Je souligne que toutes ces initiatives de coopération sont

4 venues de nous. Mevludin Semenovic, le candidat du SDA, qui était à

5 l’époque candidat au conseil des municipalités, a pris la parole

6 dans le village d’Orlovci, lors du seul et unique rassemblement tenu

7 dans un milieu mixte mais à majorité serbe et un rassemblement

8 auquel ont assisté surtout des Serbes. Cependant, nous avons appris

9 plus tard que la direction locale du SDS à Orlovci avait été

10 vivement critiquée par le comité communal du SDS du fait de cette

11 proposition. Après cela, nous n’avons plus tenu de rassemblements

12 communs.

13 Q. : Quelles autres méthodes de campagne commune avez-vous proposé aux

14 deux autres partis ?

15 R. : Nous avons proposé une affiche électorale commune à tous les partis,

16 c’est-à-dire au HDZ et au SDS et aux autres, parce qu’il s’agissait

17 d’un message général.

18 Q. : Quel était le message sur l’affiche ?

19 R. : L’affiche disait : "Nous avons vécu et continuerons de vivre

20 ensembles". C’était le slogan, qui signifiait que la vie, dans le

21 cadre des nouvelles relations démocratiques et compte tenu des

22 changements auxquels nous aspirions dans le sens de bonnes relations

23 ethniques, est possible même sans les restrictions communistes qui

24 existaient auparavant.

25 Q. : A quoi ressemblait cette affiche ?

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1 R. : Notre intention était, avec cette affiche, d’exprimer notre désir

2 d’une communauté et de bonnes relations parmi les trois peuples de

3 Bosnie-Herzégovine. Sur le projet d’affiche, nous avions les

4 symboles des trois peuples ou, plutôt, leurs étendards. Au centre se

5 trouvait le symbole serbe et de chaque côté ceux de la Croatie et

6 des Musulmans, le symbole national musulman.

7 Q. : Comment le HDZ et le SDS ont-ils réagi à cet projet ?

8 R. : Le HDZ a accepté l’affiche et l’ont placardée dans les communautés

9 croates parce que, au moins en ce qui concerne Prijedor, je suis

10 convaincu qu’ils avaient accepté l’idée de communauté, tandis que le

11 SDS l’a acceptée verbalement mais ne l’a pas placardée dans les

12 communautés serbes et, dans les communautés mixtes, quand les

13 Musulmans l’affichaient, leurs militants les arrachaient.

14 Un commentaire d’un membre du comité communal du SDS, Stojan Vracar,

15 mérite d’être noté. Il a soulevé la question lors d’une réunion du

16 conseil communal du SDS - comment peut-on imaginer que les symboles

17 serbes se trouvent entre les symboles oustachis et turcs ?

18 Q. : Comment le SDS s’est-il présenté aux autres partis et à l'ensemble de

19 la population à l’approche des élections ?

20 R. : Dans la campagne électorale et dans leurs déclarations publiques, à

21 la radio, dans la presse, dans leurs matériels de propagande, ses

22 membres n’ont pas dissimulé le fait qu’ils suivaient constamment la

23 politique de Milosevic. Cependant, dans leurs réunions dans les

24 communautés purement serbes, ils sont allés plus loin. Dès le début,

25 dans ces rassemblements, des chants nationalistes et chauvins

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1 étaient entonnés, semant discorde et haine des non-Serbes. Il existe

2 plusieurs chants et slogans et je peux les citer le cas échéant.

3 Q. : Merci. Avez-vous eu des entretiens avec les dirigeants du parti, les

4 dirigeants du SDS, sur les positions et les déclarations publiques

5 formulées à ces rassemblements ?

6 R. : Oui, en plusieurs occasions, à la fois officiellement et

7 officieusement, nous avons mis en garde les dirigeants du SDS à

8 propos de ces incidents. Je me suis entretenu personnellement à

9 plusieurs reprises avec le Président du SDS, Srdjo Srdic, mais

10 chaque fois la réponse a été que ce n’était pas leur politique

11 officielle ou leurs positions officielles et qu’il s’agissait

12 d’irresponsables. Quand on lui a dit qu’il y avait beaucoup trop de

13 ces irresponsables, il a répondu : "ne vous inquiétez pas, nous les

14 contrôlons tous".

15 Q. : Les déclarations ont-elles évolué à l’approche des élections ?

16 R. : Oui, en s’aggravant.

17 Q. : Quand les élections se sont-elles déroulées ?

18 R. : Le 18 novembre 1990.

19 Q. : Ce furent les premières élections démocratiques en Bosnie-Herzégovine

20 ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Quels postes devaient être pourvus par ces élections ?

23 R. : Nous avons élu les délégués au parlement républicain et ceux de

24 l'assemblée municipale.

25 Q. : Pouvez-vous décrire la composition de l’assemblée de l’op{tina ?

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1 R. : L’assemblée municipale à Prijedor comprenait un total de 90 sièges et

2 l’op{tina de Prijedor, à la différence de toutes les autres op{tinas

3 en Bosnie-Herzégovine, était divisée en cinq unités ou

4 circonscriptions électorales. Chaque parti avait un total de 90

5 candidats inscrits sur le bulletin et, bien sûr, chacun de ces

6 partis obtenait le nombre de sièges correspondant au nombre des voix

7 recueillies en sa faveur.

8 Q. : Pouvez-vous décrire la composition du parlement républicain ?

9 R. : Le parlement républicain était composée de deux chambres, la chambre

10 des députés et la chambre des municipalités ou op{tinas, de sorte

11 qu’il y avait deux bulletins différents pour le parlement

12 républicain.

13 Q. : Comment les candidats figuraient-ils sur la liste pour la chambre des

14 municipalités ?

15 R. : Pour la chambre des municipalités, il y avait un total de 110 sièges

16 au parlement républicain du fait qu’un seul candidat était élu pour

17 chaque municipalité puisqu’il y avait un total de 110 municipalités

18 en Bosnie-Herzégovine, correspondant aux 110 sièges.

19 Cependant, il y avait un seul nom pour chaque parti sur chaque

20 bulletin de vote. Dans notre cas particulier, la municipalité de

21 Prijedor, des candidats ont été présentés par le SDA, le SDS et le

22 bloc de l’opposition. Par conséquent, trois noms figuraient au total

23 sur le bulletin pour la chambre des municipalités.

24 Q. : M. Mevludin Semenovic était le candidat du SDA et, en fait, la

25 personne élue à ce poste ?

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1 R. : Oui, le candidat du SDA a été élu comme représentant de la

2 municipalité de Prijedor.

3 Q. : Comment les candidats figuraient-ils sur le bulletin pour la chambre

4 des députés ?

5 R. : Pour la chambre des députés, le type de scrutin était différent. La

6 Bosnie-Herzégovine est divisée en sept circonscriptions électorales

7 - Bihac, Banja Luka, Doboj, Tuzla, Zenica, Sarajevo et Mostar.

8 Chaque circonscription régionale avait le droit d’élire un nombre de

9 députés proportionnel au nombre d’électeurs.

10 Q. : Combien y avait-il de candidats pour Banja Luka ?

11 R. : Pour Banja Luka, il y avait 25 candidats et chaque parti proposait 25

12 candidats à l’échelon de la région mais, sur le bulletin proprement

13 dit, seuls figuraient les têtes de liste et non tous les membres.

14 Chaque parti recevait un nombre de sièges proportionnel au nombre de

15 voix recueillies et les élus étaient désignés en fonction de leur

16 ordre sur la liste.

17 Q. : Combien de sièges le SDA a t-il remporté dans la région de Banja Luka

18 lors de cette élection de novembre 1990 à la chambre des députés ?

19 R. : A l’échelon régional, les élections se sont soldées comme suit :13

20 députés SDS, cinq députés SDA, trois députés HDZ et, je crois,

21 quatre députés pour l’opposition.

22 Q. : Quel nom figurait en tête de liste pour le SDA sur le bulletin pour

23 l’élection à la chambre des députés ?

24 R. : SDS ... Demandez-vous le nom pour le SDS ou le SDA ?

25 Q. : Le SDA.

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1 R. : Pour le SDA, mon nom figurait sur la liste.

2 Q. : Quels ont été les résultats des élections pour l’assemblée de

3 l’op{tina ?

4 R. : A l’échelon de l’op{tina, le SDA a obtenu le meilleur résultat avec

5 30 sièges de députés, suivi par le SDS avec 28 sièges, le HDZ avec 2

6 sièges et 30 sièges pour le parti d’opposition, le Parti social-

7 démocrate, l’Alliance libérale et les forces réformistes.

8 Q. : Quelles étaient les implications de ces résultats ?

9 R. : Comme dans toute élection démocratique, le SDA avait le droit de

10 pourvoir les postes le premier et de former un gouvernement à

11 l’échelon de l’op{tina.

12 Q. : Qu’entendez-vous par "former un gouvernement à l’échelon de

13 l’op{tina" ?

14 R. : Cela signifiait que certains postes clés dans l’op{tina devaient être

15 pourvus par l’Assemblée ce qui, bien sûr, impliquait une réunion

16 constituante de l’Assemblée de l’op{tina.

17 Q. : Qui avait le premier choix pour les nominations aux postes ?

18 R. : Le premier choix revenait bien sûr, au vainqueur des élections, le

19 SDA.

20 Q. : Au vu des résultats, quels partenaires le SDA aurait-il normalement

21 choisi pour former un gouvernement majoritaire de coalition ?

22 R. : Sur la base des résultats de l’élection, si on compte tous les

23 partis, le SDA recevrait un tiers des sièges, le SDS un peu moins

24 d’un tiers, le HDZ un petit pourcentage et un tiers des sièges

25 iraient à l’opposition. Si on ne comptait pas celle-ci ou si on

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1 l’excluait, les rapports seraient bien sûr, différents.

2 Q. : Quelle a été la décision concernant les partenaires de la coalition

3 pour former le gouvernement de l’op{tina ?

4 R. : Nous avons offert tout d’abord de former une coalition avec

5 l’opposition parce que leur raisonnement nous semblait beaucoup plus

6 sain et intelligent, ce qui était, bien sûr, notre droit électoral.

7 Le SDS s’y est, cependant, très vigoureusement opposé.

8 Q. : Quelle a donc finalement été la décision - aux échelons de l’op{tina

9 ou de la République ?

10 R. : Notre proposition suivante fut que le SDS devrait se joindre à nous

11 pour former le gouvernement et que celui-ci serait constitué par des

12 représentants de tous les partis. Cependant, la décision a été prise

13 à l’échelon de la république entre les dirigeants des trois partis

14 d’exclure les partis d’opposition de la formation du gouvernement et

15 que seul le SDA, le SDS et le HDZ y participeraient.

16 Q. : Donc, sur la base des résultats obtenus à Prijedor, que vous avez

17 mentionnés, le SDA obtiendrait 50 % des postes nommés, les 50 %

18 restant revenant au SDS et au HDZ, est-ce exact ?

19 R. : Oui, c’est bien cela. Ce serait le cas si vous devions respecter les

20 résultats des élections.

21 Q. : Est-ce que ce fut effectivement le cas ? Est-ce l’accord qui a été

22 conclu ?

23 R. : Non.

24 Q. : Pourquoi pas ?

25 R. : Parce que le SDS n’a pas voulu respecter les résultats de l’élection.

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1 Q. : Que voulait le SDS ?

2 R. : Le SDS voulait au moins 50 % des postes pour lui seul.

3 Q. : A t-on observé des problèmes semblables dans d’autres op{tinas de

4 Bosnie-Herzégovine où le SDS n’avait pas remporté la majorité ?

5 R. : Je m’excuse mais je n’entends plus l’interprétation. Je parle

6 anglais et je comprends votre question mais j’aimerais recevoir

7 l’interprétation en bosniaque pour éviter toute confusion.

8 Q. : Dois-je répéter la question ? A t-on observé des problèmes semblables

9 dans d’autres op{tinas de Bosnie-Herzégovine où le SDS n’avait pas

10 remporté la majorité aux élections ?

11 R. : Oui, on a observé des problèmes semblables dans toute la Bosnie-

12 Herzégovine mais plus particulièrement à Prijedor. De façon

13 générale, on peut dire que dans presque toutes les municipalités de

14 Bosnie-Herzégovine où le SDA a remporté la majorité, il a donné au

15 SDS davantage que ce que les résultats électoraux justifiaient. Là

16 où le SDS avait la majorité et le SDA la minorité, le SDA a reçu

17 moins que ce qu’auraient justifié les élections et, dans certains

18 cas, n’a même pas participé au gouvernement.

19 Q. : Durant la même période, vous avez aussi participé à l’établissement

20 du parlement de la république ainsi qu’à ses fonctions et

21 commissions ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Le parlement de la république opérait-il correctement ?

24 R. : Nous nous sommes heurtés à des problèmes pratiquement dès la toute

25 première session.

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1 Q. : De quels genres de problèmes s’agissait-il ?

2 R. : Le problème relevait du serment. Avant la prestation de serment,

3 c’est-à-dire avant que le parlement soit constitué, le SDS

4 s’opposait au texte du serment parce qu’il commençait par la Bosnie-

5 Herzégovine, suivie de la Yougoslavie, ce qui n’était que logique

6 puisqu’il s’agissait du parlement républicain. Ils ont insisté pour

7 que la Yougoslavie soit placée en tête du serment, ce qui était

8 inhabituel et illogique.

9 Q. : Quels sont certains des problèmes majeurs qui sont apparus lors des

10 premières réunions du parlement ?

11 R. : Je ne me souviens pas si ce fut durant la première ou la deuxième

12 session parlementaire mais le problème concernait la prorogation de

13 la loi relative à une surtaxe prélevée en faveur de l'armée

14 populaire yougoslave et le problème avec le budget fédéral a

15 commencé lors de la troisième ou de la quatrième session.

16 Q. : Quelle était la nature du problème relatif au prélèvement

17 supplémentaire pour l'armée yougoslave ?

18 R. : En fait, il s’agissait d’un texte provisoire qui devait être prorogé

19 parce qu’il approchait de la date d’expiration. Le HDZ était

20 clairement opposé à la loi. Nous étions contre mais nous voulions

21 que certains de nos arguments soient adoptés pour nous rendre le

22 texte acceptable et le SDS poussait à son adoption ou, plutôt, à sa

23 prorogation.

24 Q. : Quelles étaient les principales objections à la prorogation de la

25 surtaxe pour la JNA ?

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1 R. : On peut résumer notre principal motif d’opposition au fait que

2 l’Armée populaire yougoslave était déjà à cette époque une armée de

3 moins en moins yougoslave, de moins en moins populaire et de plus en

4 plus serbe.

5 Q. : Certaines actions particulières de la JNA avaient-elles incité à

6 refuser de soutenir cette taxe ?

7 R. : A la veille des élections, les chefs d’état-major ou, plutôt, les

8 chefs de l’Armée populaire yougoslave ont adopté plusieurs décisions

9 à l’initiative des dirigeants fédéraux de l’armée. C’était

10 l’attitude de l’armée envers la Défense territoriale républicaine et

11 la Défense territoriale qui, jusqu’alors, relevait de la compétence

12 des autorités républicaines et qui étaient maintenant placées sous

13 le contrôle direct de l’armée yougoslave proprement dite.

14 Puis les armes ont été transférées des dépôts de la Défense

15 territoriale et entreposées dans ceux de la JNA et cela pratiquement

16 dans toute la Yougoslavie à l’exception de la Slovénie. Les slovènes

17 sont intervenus et ont bloqué dès le début l’action de l’Armée

18 populaire yougoslave.

19 Ensuite, des changements ont été apportés immédiatement avant les

20 élections à l’organisation de l’Armée populaire yougoslave. Comme

21 pour toute autre armée, son organisation était fondée surtout sur la

22 communication, des considérations stratégiques et l’entité

23 yougoslave perçue dans son ensemble mais elle respectait aussi les

24 particularités politiques de l’ex-Yougoslavie. Celle-ci était

25 divisée en cinq régions militaires, Ljubljana, Zagreb, Belgrade,

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1 Skopje et Sarajevo, nommées d’après les capitales des républiques.

2 Les régions militaires recoupaient en grande partie mais pas

3 complètement les frontières républicaines. La réorganisation de

4 l’armée a aboli la région militaire de Sarajevo et la Bosnie-

5 Herzégovine a été abaissée à un niveau organisationnel inférieur,

6 celui du corps d’armée.

7 Puis on a observé une évolution très significative, amorcée

8 antérieurement dans l’armée, à savoir que la qualité et la quantité

9 du personnel non-serbe ont commencé à baisser. Sous Tito, par

10 exemple, de quatre à six généraux étaient des Musulmans, puis il y

11 avait tant de Slovènes, tant de Croates etc. d’une manière qui

12 garantissait que c’était bien l’armée de tous. A la veille des

13 élections, il n’y avait pas un seul général musulman dans l’Armée

14 populaire yougoslave, pour autant que je sache, et le nombre de

15 Croates et autres aux postes de responsabilité avait nettement

16 diminué tandis que le nombre de Serbes augmentait sensiblement.

17 Enfin, il est important de mentionner que l’armée populaire

18 yougoslave avait fait son choix politique, à commencer par les

19 officiers du grade le plus élevé, en fondant la Ligue du mouvement

20 communiste pour la Yougoslavie qui, en fait, appuyait l’idée d’une

21 Yougoslavie unitaire, en d’autres termes l’idée de la Yougoslavie de

22 Milosevic.

23 Q. : Vous avez mentionné qu’il y avait aussi des problèmes budgétaires

24 liés au budget fédéral. Quelle était la nature de ces problèmes ?

25 R. : A la suite des élections en Bosnie-Herzégovine, la Slovénie et la

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1 Croatie ont commencé progressivement à transférer de moins en moins

2 de recettes fiscales au budget fédéral de sorte que, pratiquement,

3 seuls la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro le

4 finançaient. La Macédoine avait en effet aussi déjà annoncé qu’elle

5 ne transférerait plus les recettes affectées au budget fédéral et ce

6 jusqu’à la réorganisation ou la nouvelle organisation de la

7 Yougoslavie. Notre proposition n’était pas de refuser le transfert

8 au budget fédéral mais d’ouvrir un compte spécial jusqu’à la

9 solution du problème de l’organisation de la Yougoslavie et, par

10 conséquent, la détermination de la part du budget fédéral.

11 Q. : Cette proposition a t-elle été acceptée par les membres du SDS au

12 Parlement de la République de Bosnie-Herzégovine ?

13 R. : Le SDS demandait catégoriquement que les impôts fédéraux continuent

14 d’être versés au budget fédéral. Il était absolument illogique pour

15 nous de voir qu’ils faisaient passer les intérêts de Belgrade avant

16 ceux de leur propre République, c’est-à-dire Sarajevo.

17 Q. : Après ces premières réunions du parlement, comment avez-vous entrevu

18 l’avenir d’un gouvernement de la république avec les trois grands

19 partis ?

20 R. : Même avant la nouvelle année, c’est-à-dire après trois ou quatre

21 sessions parlementaires - je fais référence à la nouvelle année 1990

22 - je discutais avec un collègue député et nous avons observé que les

23 relations se dégradaient d’une session à l’autre et qu’elles étaient

24 de plus en plus propices à une séparation ou, plutôt, à une

25 sécession. Nous avons compris que si le SDS poursuivait sur cette

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1 voie, la guerre ne pourrait qu’en résulter du fait de

2 l’intransigeance des positions politiques et il semblait que le SDS

3 ou, plutôt, que la politique du SDS avait été préparée de longue

4 date et qu’ils ne renonceraient pas à leur point de vue.

5 Q. : A cette époque - nous parlons maintenant de novembre et décembre 1990

6 - la question de l’établissement du gouvernement dans l’op{tina de

7 Prijedor était-elle toujours un problème ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Aviez-vous rencontré les dirigeants SDS dans l’op{tina pour essayer

10 de résoudre ce problème ?

11 R. : Oui, plus d’une dizaine de fois mais malheureusement sans succès.

12 Q. : Le principal obstacle était-il cette question de disposer d’au moins

13 50 % des postes nommés et du contrôle du parlement ?

14 R. : Le principal obstacle était le refus du SDS d’accepter les résultats

15 des élections. Il refusait tout simplement d'accepter les résultats,

16 le fait d’avoir obtenu moins de 50 % des voix. Nous avons,

17 toutefois, essayé durant les négociations de parvenir à un compromis

18 et nous avons offert certaines concessions au SDS.

19 Q. : Ont-elles été acceptées par les membres du SDS dans l’op{tina ?

20 R. : Malheureusement, ils ont rejeté ces concessions. Ils ont insisté sans

21 relâche et ils refusaient d’abandonner ces 50 %.

22 Q. : Avez-vous alors rencontré Radovan Karad`ic et des membres du SDS de

23 Prijedor à Sarajevo ?

24 R. : Oui, c’est arrivé par hasard. Ce n’était pas une rencontre organisée

25 délibérément. C’est arrivé durant la suspension d’une session

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1 parlementaire. Jovo Tintor, un proche de Radovan Karad`ic, m’a

2 invité dans le hall, dans l’entrée du parlement. Quand je suis

3 arrivé, Radovan Karad`ic et Srdjo Srdic, Président du comité

4 municipal du SDS de Prijedor étaient assis à une table.

5 Q. : Quelles ont été les demandes du SDS de Prijedor présentées par Srdic

6 ?

7 R. : Il a d'abord accusé le SDA de nuire aux intérêts des Serbes de

8 Prijedor, déclaré qu'aucun accord ne pouvait être conclu avec nous

9 et que nos propositions étaient constamment inacceptables.

10 Q. : Qu'avez-vous répondu ?

11 R. : En fait, j'ai expliqué devant Karad`ic que notre proposition

12 constituait une concession et qu'elle était un compromis. Nous

13 avons proposé un rapport 50-50, c'est-à-dire 50 % pour le SDS et 50

14 % pour le SDA, ce qui était en soi une concession, puis que chacun

15 des partis "devrait donner un pourcentage pour le HDZ conformément

16 aux résultats électoraux de ce dernier, qui avait deux sièges à

17 Prijedor. (sic)

18 Q. : Comment Srdic a t-il réagi ?

19 R. : Il s'est mis en colère, il était furieux. Il a dit : "Pensez-vous

20 réellement que nous permettrons à une coalition oustachis/Musulmans

21 de prendre le contrôle de Prijedor" ?

22 Q. : Karad`ic vous a t-il dit quoi que ce soit ?

23 R. : Karad`ic était calme et essayait d'être aimable. Il s'est tourné vers

24 moi et a déclaré : "Essayez de conclure un accord et soyez bon avec

25 mes Serbes. Ne les menacez pas et ne les mettait pas en colère parce

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1 qu'ils peuvent alors être très désagréables". Même s'il est resté en

2 apparence très poli, cela n'en constituait pas moins une menace.

3 Q. : Etes-vous parvenu à un compromis à cette réunion ?

4 R. : J'ai accepté, convenu finalement d'accepter la demande du SDS et fait

5 encore une concession en leur donnant 50 % et en prenant le

6 pourcentage destiné au HDZ uniquement sur notre part. J'ai accepté

7 cette proposition en principe, disant que je devais consulter mes

8 dirigeants municipaux et les dirigeants républicains sur ce point,

9 en voulant parvenir à un compromis et trouver les moyens de

10 maintenir de bonnes relations avec les Serbes. Les dirigeants à ces

11 deux échelons m'ont appuyé et on accepté ces concessions.

12 Q. : Comment ce compromis a t-il été appliqué ?

13 R. : Il a été appliqué à l'Assemblée constituante (municipale - sic) qui

14 s'est tenue au début de janvier 1991.

15 Q. : Des personnes étrangères à l'op{tina ont-elles participé à cette

16 assemblée ?

17 R. : Oui, Velibor Ostojic.

18 Q. : Qui est Velibor Ostojic ?

19 R. : Velibor Ostojic est un membre de la direction du parti démocratique

20 serbe, l'un des confidents les plus proches de Karad`ic et il était

21 à l'époque le Ministre de l'information du Gouvernement de la

22 République de Bosnie-Herzégovine.

23 Q. : Pourquoi assistait-il à la réunion de l'Assemblée ?

24 R. : Les dirigeants SDS à l'échelon municipal ont été vivement critiqués

25 par ceux de l'échelon républicain pour avoir perdu les élections à

Page 1630

1 Prijedor. Aux yeux du SDS républicain, le SDS municipal aurait du

2 remporter les élections à Prijedor et en de nombreux autres

3 endroits. En fait, là où le rapport entre les Musulmans et les

4 Serbes, et même quand le pourcentage de Musulmans était de 5 ou 6 %

5 plus élevé que celui des Serbes, comme à Sanski Most, le SDS a

6 néanmoins remporté les élections.

7 Par conséquent, de toute évidence, Karad`ic montrait qu'il n'avait

8 pas confiance dans les dirigeants SDS de l'op{tina, dans leur

9 capacité à conclure un compromis sur l'application de l'accord.

10 Clairement, Ostojic était présent pour soutenir la direction SDS de

11 l'op{tina et participer aux négociations de l'accord.

12 Q. : L'accord a t-il été appliqué ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Quels ont été les postes choisis pour l'administration de l'op{tina

15 et pourvus lors de cette première réunion ?

16 Q. : Il s'agissait des principaux postes de la municipalité, celui du

17 maire, du président du conseil municipal, du maire adjoint et du

18 vice-président du gouvernement de l'op{tina ainsi que de huit postes

19 ministériels municipaux. En fait, il y avait des secrétaires

20 municipaux occupant des fonctions individuelles dans

21 l'administration municipale.

22 Q. : Qui a été choisi comme président de l'administration municipale ?

23 R. : Mico Kovacevic.

24 M. KEEGAN : Peut-on afficher la photographie 5/107 sur l'écran

25 d'ordinateur s'il vous plaît ?

Page 1631

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : De quelle pièce à conviction s'agit-il ?

2 M. KEEGAN : Je pense qu'il s'agit de la pièce No 138. Je m'excuse. La 137.

3 Elle a été marquée. (Au témoin) : Reconnaissez-vous cette

4 photographie, l'homme sur la gauche ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Qui est-ce ?

7 R. : Oui, il s'agit de Mico Kovacevic, Milan, Mico Kovacevic.

8 Q. : Est-ce l'homme qui a été élu président de l'administration municipale

9 ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Oui. Mme le Président, je verse la pièce à conviction 137 s'il vous

12 plaît.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à 137 ?

14 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection Mme le Président.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce est admise.

16 M. KEEGAN (Au témoin) : Qui a été élu maire de Prijedor ?

17 R. : Le professeur Muhamed Cehajic.

18 Q. : Etait-il le candidat du parti SDA?

19 R. : Oui.

20 Q. : Qui a été élu maire-adjoint ?

21 R. : Milomir Stakic.

22 M. KEEGAN : Pourrait-on placer la photographie 5/106 sur l'ordinateur ? Ce

23 serait la pièce à conviction No 138. (Au témoin) : Reconnaissez-vous

24 la personne sur cette photographie ?

25 R. : Oui.

Page 1632

1 Q. : De qui s'agit-il ?

2 R. : Milomir Stakic.

3 M. KEEGAN : Je verse la pièce à conviction 138, Mme le Président.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

5 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections Mme le Président.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 138 est admise.

7 M. KEEGAN (Au témoin) : Quelles autres nominations dans l'administration

8 de l'op{tina ont fait l'objet de négociations ?

9 R. : Les postes dans la police.

10 Q. : Quel était le système des nominations dans la police ?

11 R. : En tant que parti vainqueur des élections, nous étions en droit de

12 présenter notre proposition au Ministre de l'intérieur pour le poste

13 le plus élevé dans la police, c'est-à-dire celui de chef de la

14 police. Nous avons présenté notre proposition et notre candidat a

15 été nommé par le Ministre.

16 Q. : qui était le candidat du SDA ?

17 R. : Hasan Talundzic.

18 Q. : A t-il, en fait, occupé ce poste de chef de la police ?

19 R. : Oui.

20 Q. : A qui revenait la nomination du deuxième poste ?

21 R. : Le Chef adjoint de la police ou, plutôt, le poste de Commandant de la

22 police devait être proposé par le SDS.

23 Q. : La nomination a t-elle été acceptée ?

24 R. : Le SDS a nommé des personnes d'un niveau d'éducation insuffisant.

25 Tout candidat à ce poste était censé avoir une formation, un diplôme

Page 1633

1 universitaire et le SDS a nommé un candidat qui n'avait achevé que

2 l'enseignement secondaire de sorte que leurs candidats ne

3 remplissaient pas les conditions.

4 Q. : Qu'a décidé le Ministère de l'intérieur pour pouvoir le poste de

5 commandant ?

6 R. : Il a maintenu en fonction l'ancien commandant de la police, c'est-à-

7 dire la personne qui remplissait cette fonction avant les élections

8 jusqu'à ce que le SDS présente un candidat répondant aux conditions.

9 Q. : Quelle a été la répercussion sur les négociations relatives aux

10 autres postes à l'échelon des chefs de directions ?

11 R. : Dans la police, en plus de ces deux postes les plus élevés, il y

12 avait en outre six autres postes importants de direction et ils ont

13 tous été accaparés par les Serbes. Nous avons demandé qu'un certain

14 équilibre ethnique soit observé dans la police.

15 Q. : Quelle a été la position du SDS sur ce point ?

16 R. : Le SDS a refusé. Ils nous ont demandé d'insister auprès du Ministre

17 de l'intérieur pour qu'il accepte leur candidat sous qualifié, pour

18 qu'il le nomme au poste de commandant de la police et, en échange,

19 ils nous permettraient de nommer un homme à l'une de ces six

20 directions.

21 C'était pour nous inacceptable pour deux raisons : premièrement

22 parce que nous ne pouvions pas demander au Ministre de violer la

23 loi, d'agir illégalement et, deuxièmement, parce que leur

24 proposition était inacceptable. Il aurait été logique qu'au moins

25 six des postes disponibles reviennent à des non-Serbes.

Page 1634

1 Q. : Vouliez-vous aussi négocier d'autres postes dans les secteurs

2 financier, industriel et économique de l'op{tina ?

3 R. : Oui, nous voulions aussi un équilibre dans d'autres domaines,

4 d'autres secteurs comme dans les entreprises publiques et privées et

5 autres institutions importantes.

6 Q. : Quel a été le degré de succès de ces négociations au plan des postes

7 financiers, économiques, publics et industriels ?

8 R. : J'ai déjà dit que 90 % environ des postes dans les institutions

9 financières ainsi que dans les entreprises sociales et publiques

10 étaient tenus par des Serbes. Le SDS agissait comme défendeur, comme

11 patron de tous ces organismes et ne voulait pas participer aux

12 élections pour ces postes ou, plutôt, voulait préserver la situation

13 antérieure.

14 Q. : Pourquoi ces postes, ces nominations, étaient-ils si importants ?

15 R. : C'est simplement que nous voulions, de cette manière, établir un

16 équilibre entre le pouvoir politique et économique à l'échelon

17 municipal et le SDS voulait se réserver pour lui même le contrôle

18 absolu.

19 Q. : A quels autres problèmes ou crises majeurs vous êtes vous heurtés en

20 1991 après l'établissement de l'administration de l'op{tina ?

21 R. : Il y a eu plusieurs points cruciaux en 1991. Le premier a eu lieu

22 après le recensement de 1991. Le SDS a alors voulu ouvrir de nouveau

23 les négociations sur le poste de Secrétaire à la Défense, c'est-à-

24 dire qu'ils voulaient ce poste bien que le candidat du SDA y ait

25 déjà été nommé.

Page 1635

1 Une crise a également éclaté en ce qui concerne la mobilisation de

2 l'Armée populaire yougoslave après l'ouverture du conflit en

3 Croatie. Puis nous avons eu des problèmes avec les listes des

4 conscrits qui relevaient du Secrétariat à la défense et dont l'Armée

5 populaire yougoslave voulait s'emparer. Il y a eu un problème

6 relatif au passage par Prijedor d'une importante unité blindée

7 venant de Serbie. Elle a été stationnée pendant un temps à

8 l'aéroport de Urije. Je pourrais encore mentionner d'autres moments

9 importants comme l'établissement de la région autonome serbe, la

10 déclaration de Karad`ic au Parlement. J'avais dans l'intervalle de

11 nouveau rencontré Karad`ic.

12 Q. : Vous avez mentionné tout d'abord le recensement de 1991. Quels

13 problèmes ses résultats ont-ils soulevé ?

14 R. : Le recensement précédent en 1981 avait donné une composition de la

15 population ventilée entre 43 % de Serbes, 38 % de Musulmans, 6 %

16 environ de Croates et le reste était réparti entre Yougoslaves et

17 divers autres ethnies. Mais les deux recensements de 1981 et 1991

18 méritent d'être comparés parce que le premier révélait une

19 population serbe supérieure de 5 % à celle des Musulmans alors que

20 le second montrait que le rapport s'était renversé. Les Musulmans

21 étaient devenus la majorité dans la municipalité de Prijedor.

22 Q. : Quelle a été la réaction du SDS ?

23 R. : En chiffres absolus, Prijedor comprenait 49 700 Musulmans et environ

24 48 000 Serbes, soit environ 1 700 Musulmans de plus que de Serbes.

25 Un membre de la direction du SDS dans la municipalité a eu une

Page 1636

1 réaction typique en apprenant les résultats : "donnez-moi un fusil

2 automatique et en une heure ou deux je changerais ces résultats en

3 faveur des Serbes en exécutant quelque 2 à 3 000 Musulmans". Ce

4 membres de la direction municipale du SDS venait d'Omarska. Je ne me

5 souviens pas de son nom.

6 Q. : Vous avez indiqué que l'appel sous les drapeaux quand la guerre avec

7 la Croatie a commencé a aussi causé de graves difficultés dans

8 l'op{tina. Quelle était la nature de ces problèmes ?

9 R. : L'Armée populaire yougoslave a lancé l'ordre de mobilisation au début

10 des hostilités avec la Croatie. Nous avons agi conformément aux

11 instructions de la présidence de la République de Bosnie-

12 Herzégovine, avisant la population de Bosnie-Herzégovine de ne pas

13 répondre à l'appel sous les drapeaux parce que nous ne voulions pas

14 participer à une agression contre la Croatie voisine. Nous avons

15 donc conseillé aux résidents de Prijedor de ne pas accepter, de ne

16 pas répondre à la mobilisation.

17 Q. : Il y a eu, en fait, des groupes qui ont répondu à l'appel sous les

18 drapeaux dans l'op{tina de Prijedor, n'est-ce pas ?

19 R. : Oui, un certain nombre de Serbes ont répondu favorablement à la

20 mobilisation.

21 Q. : Dans le cadre de cet appel sous les drapeaux dans l'op{tina de

22 Prijedor, a t-on observé des incidents préoccupants concernant des

23 non-Serbes ?

24 R. : A Prijedor, la mobilisation s'est traduite par la création et le

25 renforcement de deux brigades. Je pense qu'il s'agissait de la 5e

Page 1637

1 Kozara et de la 43e Brigade. Un exemple typique concerne la

2 formation de la 5e brigade Kozara, la brigade de la Défense

3 territoriale. son chef était le colonel Pero Colic. Quand les

4 résidents ont reçu l'appel sous les drapeaux et ont accepté la

5 mobilisation dans la brigade, ils sont devenus membres de cette

6 brigade. Puis à Jaruge, le lieu de réunion de cette brigade dans la

7 municipalité de Prijedor, les homme se sont retrouvés en ignorant,

8 de façon générale, quel était le but de la mobilisation et où ils

9 étaient censés aller se battre. Quand ils ont entendu que,

10 immédiatement après la formation des brigades, ils devaient se

11 rendre en Croatie, ils ont commencé à protester.

12 Le colonel Colic s'est alors levé et il a prononcé un discours

13 nationaliste et chauvin que je peux paraphraser ainsi : "Ceux qui

14 veulent me suivre pour défendre la Serbie qui est en danger en ce

15 moment historique, et ceux qui comprennent que le moment historique

16 est venu pour les Serbes de se venger, de venger les crimes commis

17 contre eux et d'empêcher que les oustachis tuent de nouveau des

18 innocents, ceux là doivent venir se placer de ce côté-ci; les autres

19 doivent se ranger de ce côté-là".

20 Les hommes se sont alors répartis en deux groupes. Les Serbes sont

21 restés d'un côté tandis que, de l'autre, restaient les non-Serbes

22 ainsi qu'un nombre considérable de Serbes. Parmi le groupe des

23 partisans de Colic, un certain nombre d'hommes portaient l'insigne

24 chetnik, ce qui ennuyait, agaçait les non-Serbes. Le groupe des

25 partisans de Colic a commencé à agresser verbalement les Serbes qui

Page 1638

1 aient restés de l'autre côté en leur lançant des menaces comme

2 "traîtres", "vous paierez cher quand nous reviendrons de Croatie",

3 "lâches". Quelques Serbes ont alors changé d'opinion et rejoint le

4 groupe des partisans de Colic.

5 M. KEEGAN : Mme le Président, le moment est peut-être propice pour une

6 suspension ?

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Une seule question avant la suspension : M.

8 Mujadzic, vous avez indiqué il y a quelques instants que "nous

9 n'avons pas répondu favorablement à l'appel sous les drapeaux parce

10 que nous ne voulions pas nous battre contre la Croatie". Qui étaient

11 ce "nous" ? Faisiez-vous référence au parti SDA ou à un groupe

12 ethnique particulier ?

13 R. : Je pense que la différenciation, la division en deux groupes, pour ou

14 contre la Yougoslavie de Milosevic, la Serbie ou la Grande Serbie de

15 Milosevic, s'est reflétée dans la mobilisation. La population serbe

16 a, pour l'essentiel, répondu favorablement à l'appel sous les

17 drapeaux, c'est-à-dire à hauteur de plus de 95 % et tous les non-

18 Serbes n'ont pas refusé la mobilisation, y compris des Musulmans,

19 Croates et de nombreux autres se définissant comme des Yougoslaves,

20 Bosniaques et groupes ethniques divers, qui étaient assez nombreux à

21 Prijedor. Nous avons donc eu cette séparation, cette division entre

22 les deux blocs à laquelle j'ai fait allusion.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je pense que je connais la réponse. Il a du

24 parler du parti SDA. Nous pourrons peut-être trouver l'endroit dans

25 le compte rendu ...

Page 1639

1 M. KEEGAN : Oui, Mme le Président.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ... pour clarification.

3 M. KEEGAN : Vous avez déclaré, je crois, que l'origine de ce refus de

4 l'appel sous les drapeaux était un ordre de la présidence de la

5 République de Bosnie-Herzégovine qui a, ensuite, été envoyé à toutes

6 les op{tina. Est-ce exact ?

7 R. : Oui, c'est exact. La présidence de la Bosnie-Herzégovine et Karad`ic

8 représentaient le pouvoir officiel de la République de Bosnie-

9 Herzégovine.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. L'audience est suspendue pendant 20

11 minutes.

12 (16 heures 08)

13 (Brève suspension d'audience)

14 (16 heures 25)

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, puis-je seulement poser une

16 question au témoin ?

17 M. KEEGAN : Oui, Mme le Président.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE (Au témoin) : Avant la suspension d'audience,

19 je vous ai posé une question sur une réponse que vous avez donnée à

20 une question de M. Keegan. C'était simplement pour comprendre qui

21 vous visiez quand vous avez dit "nous avons agi". Permettez-moi de

22 vous lire de nouveau la question et voir si vous pouvez y répondre.

23 La question était de M. Keegan : "Vous avez indiqué que l'appel sous

24 les drapeaux quand la guerre avec la Croatie a éclaté a aussi causé

25 de graves problèmes dans l'op{tina. Quelle était la nature de ces

Page 1640

1 difficultés ?" Vous avez alors répondu comme suit : "Au début de la

2 guerre en Croatie, l'Armée populaire yougoslave a proclamé la

3 mobilisation. Nous avons agi conformément à l'ordre de la présidence

4 de la République de Bosnie-Herzégovine et avisé la population de

5 Bosnie-Herzégovine de ne pas répondre en faveur de la mobilisation

6 parce que nous ne voulions pas participer à une agression, à

7 l'agression contre la Croatie voisine. Nous avons donc conseillé aux

8 résidents de Prijedor de ne pas accepter, de refuser l'appel sous

9 les drapeaux". Ma question est qui sont ces "nous" ? De qui parlez-

10 vous quand vous dites "nous" ? Pouvez-vous me répondre ?

11 R. : Dans ce cas spécifique, quand je dis "nous", je ne peux que parler

12 qu'en mon propre nom ou au nom du parti SDA dont j'étais le

13 président à Prijedor. Ce fut notre réaction. Mais tous les autres

14 partis et associations politiques, à l'exception du SDS, ont

15 manifesté la même réaction.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci.

17 M. KEEGAN (Au témoin) : M. Mujadzic, vous avez déclaré antérieurement

18 quand vous avez énuméré les divers problèmes ou crimes en 1991, vous

19 avez mentionné que, dans le contexte de cette mobilisation, quelques

20 problèmes ont aussi pu être observés dans la position du Secrétaire

21 à la défense dans l'op{tina. Pouvez-vous nous décrire ce problème ?

22 R. : Je m'excuse. La traduction est "Secrétaire adjoint". La question

23 visait-elle le Secrétaire adjoint à la défense dans l'op{tina ?

24 Q. : Non, le Secrétaire ou le Ministre de la défense de l'op{tina, oui.

25 R. : Oui, nous parlions du poste de Secrétaire à la défense qui, d'après

Page 1641

1 l'accord originel, était tenu par un représentant du SDA appelé

2 Becir Medunjanin. Les Serbes ou, plutôt, le SDS ont soudainement de

3 nouveau posé la question de la nomination à ce poste. Cela s'est

4 passé avant la mobilisation et avant la demande de ces listes de

5 conscrits par l'Armée populaire yougoslave. Tout d'abord, nous

6 n'avons pas bien compris les raisons de leur insistance à soulever

7 de nouveau cette question et pourquoi ils étaient soudainement si

8 désireux d'obtenir ce poste. Nous pensions qu'ils voulaient ainsi

9 causer un problème pour les autres postes non pourvus dans les

10 institutions et entreprises financières. Cependant, les raisons de

11 leur insistance à ce qu'un représentant de leur parti, le SDS,

12 détienne ce poste nous sont apparues clairement par la suite.

13 Q. : Quelles étaient ces raisons ?

14 R. : Nous n'avons pas accepté de rouvrir cette question et de la

15 renégocier sans progresser, dans le même temps, vers un équilibre

16 dans la ventilation des autres postes cruciaux dans les entreprises

17 sociales, les institutions financières et autres secteurs

18 importants, qui étaient pour l'essentiel aux mains du SDS, de sorte

19 que ces négociations ont été longues. Puis l'Armée populaire

20 yougoslave a demandé les listes de conscrits et les problèmes

21 relatifs à la mobilisation se sont faits jour. Nous avons donc

22 supposé que c'était probablement la raison pour laquelle le SDS a

23 soudainement insisté pour inscrire de nouveau le poste de Secrétaire

24 à la défense à l'ordre du jour.

25 Q. : Le Secrétaire à la défense contrôle t-il la liste des conscrits ?

Page 1642

1 R. : Le Secrétariat à la défense à l'échelon de l'op{tina ne servait, en

2 fait, que comme un service qui, à la demande de l'armée ou de la

3 Défense territoriale ou de quelque autre institution définie avec

4 précision sur une liste de priorités, exécutait la conscription.

5 L'Armée populaire yougoslave venait en tête sur cette liste de

6 priorités, suivie de la Défense territoriale puis des forces de

7 réserve de la police et enfin, en quatrième position, les unités de

8 la protection civile.

9 Certes, toutes les listes permettant de pourvoir toutes ces entités

10 relevaient du Secrétariat à la défense et étaient sous le contrôle

11 direct et relevaient du mandat du Secrétaire à la défense.

12 Q. : Vous avez mentionné un problème quand une importante unité de blindés

13 est arrivée de Serbie et s'est postée à l'aéroport de Prijedor.

14 Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé ?

15 R. : Je pense que c'était en août - juillet ou août - je ne me souviens

16 pas de la date exacte. Soudain un groupe de résidents très excités

17 est venu m'apprendre qu'une longue colonne de blindés et de

18 transports de troupes avait traversé la ville dans la direction

19 d'Urije, un quartier dans la localité de Prijedor situé à proximité

20 de l'aérodrome de la ville.

21 J'ai pris une voiture et me suis rendu à Urije voir ce qui se

22 passait. J'y ai bien vu entre 20 et 30 chars et transports de troupe

23 blindés et j'ai appris parmi les soldats et officiers présents à cet

24 endroit qu'ils venaient de Serbie. Je ne me souviens pas exactement

25 s'il s'agissait de Smederevo ou de Svetozarevo. Ils étaient venus

Page 1643

1 par chemin de fer. Quand je leur ai demandé s'ils pouvaient me

2 donner la raison de la présence d'une force aussi importante dans la

3 région de Prijedor, ils ont répondu - et j'ai ajouté que la

4 population était très inquiète - ils m'ont dit qu'ils n'étaient pas

5 compétents pour me donner les réponses et que le général Uzela qui,

6 selon eux, était chargé de l'opération, pourrait me les donner.

7 A mon retour de l'aéroport j'ai rencontré une automobile. J'ai pensé

8 qu'elle transportait l'un des officiers chargés de l'opération et je

9 leur ai fait signe de s'arrêter. L'automobile s'est arrêtée et le

10 colonel qui en est sorti s'est présenté sous le nom de colonel

11 Kostic. J'ai appris plus tard qu'il était chargé de la sécurité dans

12 le corps de Banja Luka. J'ai eu une très vive discussion avec lui.

13 Q. : Que lui avez-vous demandé ?

14 R. : Je me suis présenté et j'ai indiqué que j'étais un membre du

15 parlement de Bosnie-Herzégovine. Je lui ai demandé de m'expliquer la

16 raison de la présence soudaine d'une force militaire aussi

17 importante sur le territoire de l'op{tina de Prijedor, du fait

18 qu'aucune autorité compétente n'en avait été informée au préalable.

19 Il m'a répondu qu'il n'était pas tenu de fournir de renseignements à

20 des particuliers; que l'Armée populaire yougoslave était libre de se

21 déplacer sans ... de se déplacer sur tout le territoire de la

22 Yougoslavie sans demander d'autorisation à personne et qu'il n'avait

23 pas l'intention de me donner une réponse.

24 Ma réponse a été que s'il n'était pas tenu de me fournir de réponse

25 en tant que particulier, le Parlement de la République devait, au

Page 1644

1 moins, être informé de la situation. Il a alors ajouté qu'aucun

2 parlement de la république ne peut contrôler l'armée, qu'il n'était

3 responsable que devant son supérieur hiérarchique et le Chef d'état

4 major à Belgrade. J'ai répondu en disant que, d'après la loi, à la

5 demande du parlement républicain, cette information doit être

6 fournie, autrement nous nous trouverions dans un Etat non

7 démocratique, gouverné par une junte militaire du genre de celle

8 qu'ils eurent un temps au Chili et que cela ne contribuerait

9 certainement pas au développement de la démocratie que nous devrions

10 tous chercher à instaurer parce que, après tout, l'armée doit être

11 placée sous le contrôle des autorités civiles.

12 Q. : Vos actions ce jour là ont-elles été évoquées plus tard devant

13 l'Assemblée ?

14 R. : Quelques jours plus tard, lors de la première session de l'Assemblée,

15 j'avais l'intention de soulever la question. Cependant, avant que je

16 parvienne à dire quoi que ce soit à propos de cet incident, Srdjo

17 Srdic, le Président du SDS et aussi député SDS au parlement de

18 Bosnie-Herzégovine, a pris la parole et a décrit l'événement comme

19 si j'avais stoppé mon automobile devant la colonne de chars pour

20 l'arrêter (ce qui, bien sur, n'était pas du tout le cas) mais il

21 voulait, ce faisant, souligner ma responsabilité et mon

22 irresponsabilité.

23 Q. : Vous avez aussi mentionné comme l'un des événements significatifs de

24 1991 le discours de Karad`ic devant l'assemblée républicaine. Etiez-

25 vous présent à ce moment là ?

Page 1645

1 R. : Oui. Je me souviens très bien de ce discours important. J'ai oublié

2 de mentionner dans ma réponse à la question précédente que la

3 réaction au parlement fut divisée et que les députés ont réagi

4 contre Srdjo. Ils étaient indignés parce que la question de l'armée

5 et de son agression contre la Croatie était particulièrement à

6 l'ordre du jour et il est apparu par la suite que ces blindés sont,

7 en fait, allés en Croatie.

8 S'agissant du discours de Karad`ic, je me souviens parfaitement de

9 cette allocution qui a choqué tous les membres du parlement et tous

10 les citoyens de Bosnie-Herzégovine.

11 Q. : Qu'y avait-il de si choquant dans ce discours ?

12 R. : Lors de cette session parlementaire, des discussions ont porté sur

13 une prise de position relative aux événements qui s'étaient déjà

14 déroulés en Slovénie et en Croatie, les demandes d'indépendance

15 soumises par la Slovénie et la Croatie. A l'Assemblée le débat avait

16 commencé sur les positions de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine ou,

17 plutôt, sur l'attitude de la Bosnie-Herzégovine envers une

18 éventuelle indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

19 La position de l'Alliance démocratique croate était absolument

20 claire. Ils étaient expressément contre la possibilité que la

21 Bosnie-Herzégovine demeure au sein de la Yougoslavie et ils ont

22 appuyé sans réserve ce qui se passait en Slovénie et en

23 Croatie....(plus d'interprétation).

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons un problème avec l'interprétation.

25 INTERPRETE : Je m'excuse, ce doit être un problème technique.

Page 1646

1 M. KEEGAN : Veuillez continuer.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pourquoi ne pas répéter la question, M.

3 Keegan et nous entendrons de nouveau la réponse et nous verrons si

4 nous avons tout l'anglais.

5 M. KEEGAN : Vous étiez en train de décrire la position des délégués

6 croates à l'Assemblée républicaine quant aux événements qui se

7 déroulaient en Slovénie et en Croatie. Pourriez-vous maintenant

8 passer à la réponse de M. Karad`ic dans son discours ?

9 R. : Permettez-moi de répéter que l'Alliance démocratique croate avait

10 clairement opté en faveur de ce qui se passait en Slovénie et en

11 Croatie au plan de l'indépendance de ces deux Etats et leur opinion

12 était clairement que la Bosnie-Herzégovine devrait suivre le même

13 chemin. A l'époque, Karad`ic s'est adressé aux Musulmans, sachant

14 que la décision dépendait de leurs représentants qui, alors,

15 n'avaient pas encore pris de décision définitive même s'il semblait

16 que les représentants des Musulmans allaient opter en faveur de

17 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Karad`ic a déclaré alors :

18 "Si vous vous embarquez sur cette voie qui peut facilement vous

19 mener en enfer, la voie que la Slovénie et la Croatie ont déjà

20 choisi..."

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous vous entendons. Je m'excuse, M.

22 Mujadzic.

23 LE TEMOIN : Je vous entends très bien.

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'anglais ? Je crois que nous nous entendons

25 tous. Je ne sais pas si je devrais encore m'excuser. J'espère que

Page 1647

1 cela ne se renouvellera pas. En tant que médecin vous comprenez j'en

2 suis sûre que nous rencontrons parfois des difficultés techniques.

3 M. Keegan, pouvez-vous essayer de nouveau.

4 M. KEEGAN : Merci, Mme le Président. (Au témoin) : M. Mujadzic, pourriez-

5 vous reprendre avec votre paraphrase du discours de M. Karadzic.

6 Jusqu'à présent, vous avez ...

7 R. : Oui, ma paraphrase du discours de M. Karadzic est très brève et je

8 peux donc la répéter. "Si vous vous embarquez sur cette voie qui

9 vous mènera en enfer, la voie que la Slovénie et la Croatie ont déjà

10 prise, vous disparaîtrez parce que la population musulmane en

11 Bosnie-Herzégovine n'a pas d'armes, n'a pas d'armée propre et si

12 elle continue sur ce chemin, le sang sera versé et elle disparaîtra

13 probablement de cette région".

14 Q. : Ce discours a t-il été diffusé à la télévision en Bosnie-Herzégovine

15 ?

16 R. : Traditionnellement, les réunions de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine

17 sont diffusées intégralement à la télévision en Bosnie-Herzégovine.

18 Le discours de M. Karad`ic était davantage adressé aux Musulmans en

19 tant que peuple, parce qu'il a souligné qu'il les visait, et il n'a

20 indiqué qu'indirectement que la responsabilité de cette décision

21 incombait aux représentants des Musulmans au parlement.

22 Q. : Quel a été l'effet de ce discours, sur vous et sur les autres membres

23 de votre parti ?

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi, M. Keegan. Un instant s'il vous

25 plaît.

Page 1648

1 On me dit que tout fonctionne correctement maintenant. Des travaux

2 avaient lieu dans une autre pièce, où l'on posait des appareils qui

3 interféraient avec notre réception. Ils ont maintenant interrompu

4 ces travaux de sorte que nous pouvons maintenant nous entendre sans

5 interférence.

6 M. KEEGAN : Puis-je continuer, Mme le Président ?

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, s'il vous plaît.

8 M. KEEGAN (Au témoin) : M. Mujadzic, la question que je vous ai posée

9 juste avant cette dernière interruption était la suivante : "Quel a

10 été l'effet de ce discours sur vous et sur les autres membres du SDA

11 ?"

12 R. : La façon dont M. Karad`ic a prononcé son discours et son ton étaient

13 menaçants, il était très en colère et paraissait extrêmement sombre

14 pendant qu'il le prononçait. Nous étions sous le choc et, je dois

15 admettre, effrayés parce que nous savions que l'Armée populaire

16 yougoslave était sur la même "longueur d'onde" que cette allocution

17 de Radovan Karad`ic et, peu de temps après cette session .... Je

18 m'excuse, durant cette session, avant sa déclaration, un autre

19 député du SDS, Kerovic, de Lopari a fait une déclaration

20 intéressante concernant des provocations dans le restaurant de

21 l'hôtel Holiday Inn et qui m'a dit : "Qu'en pensez-vous ? L'Armée

22 populaire yougoslave est de notre côté, qu'allez-vous faire ?" Je

23 n'ai pas voulu répondre parce que, de toute évidence, la question

24 était une provocation bien que je sache que ses mots correspondaient

25 parfaitement à la réalité.

Page 1649

1 Q. : Chacun de ces événements de 1991 que nous avons discuté, que

2 représentaient-ils, que signifiaient-ils pour vous en fin de compte

3 ?

4 R. : Tous ces événements révélaient jour après jour, semaine après

5 semaine, mois après mois la dégradation des relations et un

6 processus était en cours, certains événements montrant que certaines

7 actions ou initiatives avaient été prévues par le SDS. Notre

8 sentiment était que nous serions toujours pris par surprise par

9 certaines actions ou initiatives du SDS, parce que nous devions

10 trouver le moyen de résoudre les problèmes que posait constamment le

11 SDS et il était plus qu'évident qu'ils avaient préparé très

12 nettement leurs activités.

13 Q. : Vous avez mentionné la région autonome serbe de la Krajina. Pouvez-

14 vous décrire à la Cour ce que c'était, ce qu'était la Région

15 autonome serbe de Krajina ?

16 R. : Je pense que vers septembre 1991, un certain nombre de députés du SDS

17 n'ont pas assisté à la séance de l'après-midi. Nous avons entendu

18 aux nouvelles que plusieurs régions autonomes serbes avaient été

19 proclamées en Bosnie-Herzégovine, la Région autonome serbe de la

20 Krajina, la région autonome serbe de la Romanija, la Région autonome

21 serbe de Stara Herzegovina, c'est-à-dire de la Herzégovine de l'est.

22 Le but, l'intention principale de la création des régions autonomes

23 serbes était la sécession d'avec la République, les organismes

24 publics de la République à Sarajevo, et se ranger aux côtés, se

25 joindre à la Yougoslavie, c'est-à-dire la Grande Serbie.

Page 1650

1 Q. : Où était centrée la Région autonome serbe de la Krajina ?

2 R. : La région que le SDS envisageait comme la Région autonome serbe de la

3 Krajina, Bosanska Krajina, est la région de Banja Luka à laquelle

4 ils ajoutaient quelques autres municipalités où les Serbes étaient

5 nettement majoritaires comme Drvor, Bosanska Grahovo et Teslic - je

6 crois que Teslic était aussi inclus. Il s'agit des régions où les

7 Serbes étaient majoritaires bien qu'ils aient aussi inclus dans ces

8 régions des endroits comme Prijedor, Sanski Most, Jajce, Kotor Varos

9 et Krupta aussi, je crois, bien que les Serbes y aient été

10 minoritaires.

11 Q. : L'op{tina de Prijedor s'est-elle jointe à la région autonome de la

12 Krajina en 1991 ?

13 R. : Non.

14 Q. : Quelles sont les autres op{tinas de la région qui ne s'y sont pas

15 jointes ?

16 R. : En dehors de Prijedor - Bosanski Novi, Prijedor, Sanski Most, les

17 villes de la vallée de la Sana - les trois villes de la vallée de la

18 Sana - ainsi que les municipalités de Jajce et de Kotor Varos.

19 JUGE STEPHEN : Je me demande si je pourrais vous poser une question à vous

20 et non au témoin ? Qu'entendez-vous par "certaines régions se sont-

21 elles jointes" ? S'agissait-il d'un choix ? Comment pouviez-vous

22 vous joindre ou refuser de vous joindre ?

23 M. KEEGAN : M. Mujadzic, pourriez-vous nous expliquer comment les op{tinas

24 sont devenues membres de la région autonome de la Krajina ?

25 R. : Je crois que les dirigeants du SDS avaient préparé un cadre général

Page 1651

1 visant à inclure toutes les municipalités mais certaines d'entre

2 elles, comme je l'ai déjà dit, n'en sont pas devenues partie.

3 Q. : Cela demandait-il ...

4 R. : L'admission à la Région autonome de la Krajina devait être confirmée

5 par l'assemblée municipale et les assemblées municipales des

6 endroits que je viens de citer ont voté contre.

7 Q. : Qu'est-il arrivé par la suite à toutes ces op{tinas qui n'avaient pas

8 voté de se joindre à la région autonome ?

9 R. : C'est dans ces municipalités que furent commis les crimes les plus

10 horribles de nettoyage ethnique.

11 Q. : Avez-vous eu un entretien avec M. Karad`ic sur la possibilité pour

12 l'op{tina de Prijedor de se joindre à la région autonome serbe de la

13 Krajina ?

14 R. : Ce ne fut pas une réunion spéciale et ce deuxième entretien avec M.

15 Radovan Karad`ic eut également lieu durant une suspension de la

16 session parlementaire à Sarajevo. Je ne me souviens pas qui c'était,

17 mais l'une des personnes qui l'escortait est venue me demander de me

18 joindre à lui et à certains autres membres du SDS à une table. Je ne

19 me souviens pas qui étaient ces autres personnes.

20 Radovan Karad`ic, M. Karad`ic était d'excellente humeur et il a fait

21 de son mieux pour être plaisant et même cordial. Il a déclaré :

22 "Vous devez savoir, vous devez être conscients que, historiquement,

23 les Musulmans sont plus près des Serbes que des Croates et que vous,

24 les Musulmans devraient être alliés des Serbes plutôt que des

25 Croates. Si les Serbes et les Musulmans forment une alliance, nous

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1 serons alors en mesure de libérer toute la côte très rapidement,

2 parvenir à la mer Adriatique et peut-être conférer une certaine

3 autonomie à Dubrovnik".

4 Q. : Qu'avez-vous répondu à cela ?

5 R. : Avant que je réponde, puis-je relater une autre partie de son

6 discours, de l'allocution de M. Karad`ic, qui vise Prijedor ?

7 Q. : Oui.

8 R. : Il a demandé : "Et que faites-vous là-bas à Prijedor ? Pourquoi ne

9 vous joignez-vous pas à Banja Luka ? Prijedor a toujours été avec

10 Banja Luka et non avec Bihac". Dans l'intervalle, un député du SDA,

11 je crois que c'était Zijad Kadic, s'est joint au groupe et il lui a

12 demandé quelque chose. Il lui a demandé s'il avait entendu partie

13 d'un discours sur une éventuelle alliance entre les Musulmans et les

14 Serbes et quelle serait la position des Musulmans dans cet Etat. Et

15 Karad`ic a répondu que la position des Musulmans serait excellente

16 et qu'ils constitueraient la seconde ethnie en termes d'effectifs.

17 Je lui ai ensuite demandé si nous aurions le droit de nous définir

18 nous-mêmes en tant que population, en tant que bosniaques par

19 exemple. Il a répondu : "Pourquoi ? Cela ne vous suffit-il pas de

20 vous définir du point de vue de votre religion et de votre culture

21 ?" Il n'a donc pas mentionné spécifiquement notre droit à nous

22 définir nous-mêmes au plan ethnique.

23 Je l'ai écouté attentivement et je lui ai dit que nous, les

24 bosniaques, n'avions pas choisi une alliance avec les Croates et que

25 nous avions seulement notre propre voie, que la Bosnie-Herzégovine

Page 1653

1 devait et pouvait survivre uniquement comme une communauté de trois

2 peuples équitables - Serbes, Musulmans et Croates; que les relations

3 entre la Bosnie-Herzégovine en tant que République, en tant qu'Etat,

4 avec la Croatie ou la Serbie ne pouvaient exister que sur un pied

5 d'égalité. Nous l'appelons la thèse de l'équidistance, c'est-à-dire

6 le maintien d'une distance égale entre la Bosnie-Herzégovine et la

7 Serbie et entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, puisque c'est

8 la seule façon de parvenir à la stabilité et de trouver une solution

9 pour la Bosnie-Herzégovine.

10 En référence à Prijedor, j'ai dit qu'il était tout à fait exact,

11 économiquement parlant, que Prijedor a toujours été rattaché à Banja

12 Luka mais que, politiquement parlant, nous ne voulions pas choisir

13 entre Banja Luka et Bihac et que nous voulions seulement que

14 Prijedor se trouve en Bosnie-Herzégovine.

15 Q. : Quelle était, en fait, l'opinion du parti SDA sur l'indépendance de

16 la Bosnie-Herzégovine ?

17 R. : Cette opinion fut en fait proclamée assez tôt durant la campagne

18 électorale lors d'un grand rassemblement à Kelika Kladusa et elle

19 peut être récapitulée comme suit - je m'excuse - si seule la

20 Slovénie quitte la Yougoslavie mais que la Croatie y demeure, alors

21 nous avons toujours la Yougoslavie et la Bosnie-Herzégovine peut y

22 rester; mais si la Croatie quitte également la Yougoslavie,

23 l'équilibre est alors perturbé et la Yougoslavie n'existe plus

24 réellement. Nous n'aurions alors donc d'autre choix que de la

25 quitter également et de requérir l'indépendance de la Bosnie-

Page 1654

1 Herzégovine. Cette opinion est fondée sur la thèse de

2 l'équidistance, c'est-à-dire le maintien d'une distance égale entre

3 la Bosnie-Herzégovine et la Serbie qu'entre la Bosnie-Herzégovine et

4 la Croatie, la Bosnie-Herzégovine ne pouvant pas rester avec la

5 Serbie si la Croatie faisait sécession, se séparait.

6 Q. : Cette position du SDA était-elle connue des membres du SDS durant les

7 premiers jours de la campagne ?

8 R. : Oui, cette position a été énoncée publiquement et elle a été

9 maintenue pour une raison et une seule, à savoir que c'était la

10 seule façon pour la Bosnie-Herzégovine de survivre, sa seule façon

11 de préserver sa stabilité politique et son unité. C'est la raison

12 pour laquelle nous avons proclamé cette position.

13 Q. : Comment le référendum ou le plébiscite serbe et le référendum en

14 Bosnie-Herzégovine, qui se sont déroulés ultérieurement, se situent-

15 ils dans ce contexte ?

16 R. : Le plébiscite serbe n'était rien d'autre qu'un point final, le stade

17 ultime d'un processus dans le cadre duquel les Serbes acquiescent à

18 la Grande Serbie et à la Yougoslavie telles que conçues par

19 Milosevic. Il s'agissait donc du dernier stade d'un processus qui

20 avait commencé beaucoup plus tôt, bien avant les élections en

21 Bosnie-Herzégovine proprement dites. La seule réponse possible au

22 plébiscite serbe qui s'est déroulé, si je me souviens bien, en

23 novembre 1991, était un référendum sur l'indépendance de la Bosnie-

24 Herzégovine vers février 1992, je crois, qui représentait aussi le

25 stade ultime d'une processus et, de façon générale, on peut dire que

Page 1655

1 ni l'un ni l'autre de ces événements ne furent une cause mais plutôt

2 une conséquence et un effet.

3 J'aimerais ajouter que le caractère du plébiscite serbe s'est

4 exprimé dans le mode du scrutin et notre objection après ce

5 plébiscite était qu'il fut antidémocratique par nature et ce pour

6 deux raisons. Premièrement, du fait du type de scrutin, les

7 bulletins de votre étaient d'un type pour les Serbes - je pense

8 qu'ils étaient bleus - et d'un autre type pour les non-Serbes - je

9 crois qu'ils étaient rouges, de sorte que cela nous rappelait

10 certaines méthodes racistes et, deuxièmement, le résultat du

11 référendum a été une participation de 100 %, impossible dans un

12 régime démocratique normal.

13 Q. : M. Mujadzic, alors que nous entamons 1992, entre janvier et le 30

14 avril 1992, quels sont les réunions et événements significatifs qui

15 vous ont inquiété pour l'avenir ?

16 R. : Il y a eu la proclamation de la République serbe de Bosnie-

17 Herzégovine. Je crois qu'elle a eu lieu en janvier 1992. Puis il y a

18 eu la décision relative à l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine,

19 c'est-à-dire la décision sur le référendum, adoptée par le Parlement

20 de Bosnie-Herzégovine - le référendum pour l'indépendance de la

21 Bosnie-Herzégovine. Puis, à l'échelon local, nous avons eu le retour

22 des brigades serbes du front de Croatie, après le cessez-le-feu dans

23 ce pays; l'occupation de l'émetteur sur la colline de Kozarac par

24 des extrémistes serbes, qui émettait le signal de télévision pour la

25 région de Prijedor; et une série d'entretiens que nous avons eus

Page 1656

1 avec le colonel Arsic, le commandant Radmilo Zeljaja, Simo Miskovic,

2 le président nouvellement élu du SDS, Srdja Srdic. Puis l'occupation

3 de Sanski Most par la 6e brigade de la Krajina et les entretiens

4 avec le général Talic et le colonel Hasecic. Puis le putsch à

5 Prijedor par les formations paramilitaires serbes et l'armée

6 nouvellement proclamée de la Republika Srpska le 23 mai et la

7 réunion - j'avais oublié - avec Stojan Zupljanin, le chef de

8 l'administration régionale de la police pour la région de Banja Luka

9 ou, plutôt, le chef du service de sécurité de Banja Luka.

10 Q. : Cette réunion avec la personne que vous avez appelée Stojan

11 Zupljanin, qui l'a convoquée ?

12 R. : La réunion a été organisée à l'initiative de l'administration

13 régionale de la police, le chef du centre pour la sécurité de l'Etat

14 de Banja Luka, Stojan Zupljanin.

15 Q. : Pourrait-on placer la photographie 5/109 sur un ordinateur, s'il vous

16 plaît ? Ce serait la pièce à conviction 139. Reconnaissez-vous cette

17 photographie ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Qui est cet homme ?

20 R. : Il s'agit de Stojan Zupljanin. Je pense qu'il a pris du poids depuis

21 mais je suis certain que c'est lui.

22 Q. : Mme le Président, je verse la pièce 139.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a t-il des objections ?

24 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections Mme le Président.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 139 est admise.

Page 1657

1 M. KEEGAN : Où cette réunion avec Stojan Zupljanin s'est-elle tenue ?

2 R. : La réunion s'est tenue à la mairie de Prijedor.

3 Q. : Quelle était la position de M. Zupljanin ? Qu'est-ce qu'il voulait ?

4 R. : L'op{tina de Prijedor ne s'était pas jointe à la Région autonome

5 serbe de Bosanska Krajina et, de ce fait, le poste de police de la

6 municipalité de Prijedor ne faisait pas partie et ne s'était pas

7 joint au centre de la sécurité de l'Etat à Banja Luka, en dehors du

8 Chef de la police à Prijedor et du Chef de la police de Jajce. Tous

9 les autres chefs de la police dans toutes les autres municipalités

10 étaient Serbes. Zupljanin a contesté le fonctionnement, l'opération

11 du poste de police de Prijedor et déclaré qu'il considérait

12 inadmissible que ce dernier communique avec Sarajevo, qu'il fallait

13 mettre un terme à ces communications et que le poste de police de

14 Prijedor devait être placé sous le seul contrôle du Centre de

15 sécurité de l'Etat de Banja Luka.

16 Q. : Qu'ont répondu les responsables de la police dans l'op{tina de

17 Prijedor ?

18 R. : Talundzic, le chef de la police, qui était présent à la réunion.

19 Puis-je mentionner seulement que, en dehors du chef de la police et

20 de moi-même, Muhamed Cehajic, le maire de la municipalité, était

21 aussi présent. De même que le maire adjoint, Milomir Stakic; le

22 président du SDS d'alors, Simo Miskovic; quelques individus

23 escortant Stojan Zupljanin, équipés d'armes automatiques, sont

24 entrés dans la salle sans se présenter et je ne connais donc pas

25 leur identité. Notre réponse - celle de chef Talundzic, du maire et

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1 la mienne - a été que le poste de police de Prijedor resterait dans

2 la structure de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et qu'il obéirait aux

3 décisions et ordres émanant de son centre mais que nous n'étions pas

4 opposés à l'établissement d'une sorte de coopération avec le centre

5 de la sécurité d'Etat à Banja Luka. Cependant, la réunion n'a pas

6 duré longtemps. Dès qu'il est entré dans la pièce, M. Zupljanin

7 était très agité et en colère parce que, à l'extérieur, une foule

8 nombreuse s'était rassemblée pour manifester et scandait "Bosnie,

9 Bosnie". Il paraissait très mécontent, il s'est levé et a quitté la

10 mairie pour protester. Un jour ou deux plus tard, Glas, un journal

11 régional a publié un rapport officiel dans lequel il déclarait qu'il

12 avait échappé de justesse à un attentat organisé contre lui à

13 Prijedor ce qui, bien sûr, était faux.

14 M. KEEGAN : Le moment est-il propice à une suspension ?

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, M. Keegan. La Chambre de première

16 instance souhaite examiner un point avec les conseils. M. Mujadzic,

17 vous êtes excusé pour la journée. Vous devez comparaître de nouveau

18 demain matin à 10 heures pour reprendre votre témoignage.

19 (Départ du témoin)

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, le Procureur a déposé une

21 notification en application de l'article 67 A) i) du Règlement du

22 Tribunal et elle intéresse la condition que vous communiquiez le nom

23 des témoins de réfutation ...

24 M. NIEMANN : Oui, Mme le Président.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ... en réponse à la notification par la

Page 1659

1 Défense de son intention d'invoquer l'alibi. Vous l'avez communiquée

2 à la Défense, n'est-ce pas ?

3 M. WLADIMIROFF : Oui Mme le Président, nous l'avons reçue.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fondamentalement, vous dites dans votre

5 notification que vous n’êtes pas en mesure de déterminer les

6 éléments spécifiques des témoins d'alibi; que, pour cette raison,

7 vous ne pouvez pas fournir une liste complète des témoins de

8 réfutation ou, de fait, un quelconque témoin de réfutation et que

9 l'Accusation notifiera la Défense dès qu'elle aura décidé des

10 témoins de réfutation qu'elle entend citer. Ai-je correctement

11 exposé l'essence de la notification ?

12 M. NIEMANN : Fondamentalement notre position est, Madame, messieurs de la

13 Cour, que certains des témoins principaux que nous citerons

14 pourraient évoquer certaines des questions que pourraient soulever

15 la Défense dans ses arguments, mais nous n'avons pas d'autres

16 témoins que nous pouvons citer ou que nous avons identifiés à ce

17 stade qui témoigneront spécifiquement en vue de réfuter la défense

18 d'alibi - les témoins que la Défense citera à l'appui de sa défense

19 d'alibi. C'est essentiellement impossible parce que nous n'avons pas

20 obtenu suffisamment de détails spécifiques pour ce faire.

21 Il se peut que, même si nous avions des détails spécifiques, nous ne

22 serions pas en mesure de trouver de telles personnes mais il est

23 extrêmement difficile d'obtenir des renseignements ou une aide

24 utiles sur la base des renseignements dont nous disposons pour le

25 moment au plan de l'identification de témoins de réfutation.

Page 1660

1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La préoccupation de la Chambre de première

2 instance était qu'il s'agissait seulement d'une notification qui a

3 été déposée et qui ne nécessitait pas d'action de sa part. Mais il

4 ressort, au moins à lecture de la notification, que vous devriez ou

5 déposer une requête en vue d'un délai supplémentaire pour observer

6 le Règlement et fournir à la Défense les noms de vos témoins de

7 réfutation ou déposer une requête aux fins que la Défense désigne

8 plus spécifiquement ses témoins d'alibi.

9 Ce que j'essaye de dire c'est qu'il s'agit uniquement d'une

10 notification informant la Chambre que vous ne pourrez pas observer

11 la date limite que nous avons fixée pour que vous communiquiez le

12 nom des témoins de réfutation à la Défense. Nous nous inquiétons je

13 pense que si vous essayez par la suite de présenter des témoins de

14 réfutation, il se posera une question d'opportunité.

15 Par conséquent, si votre intention est de notifier la Chambre, c'est

16 parfait, mais si elle est de demander un délai supplémentaire parce

17 que vous ne pouvez pas répondre en raison du manque de spécificité

18 ou, mieux encore, que vous voulez probablement présenter une requête

19 demandant que la Défense soit plus spécifique dans sa notification

20 d'alibi - parce que nous ne pouvons rien faire d'autre que de

21 recevoir la notification et je crains que le problème est simplement

22 différé.

23 M. NIEMANN : Oui, Mme le Président. Mme le Président, nous n'avions pas

24 l'intention de donner l'impression que nous n'avons pas l'intention

25 de ne pas observer le délai.

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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non, je comprends.

2 M. NIEMANN : Nous voulions indiquer que, à ce stade, nous n'avons aucun

3 témoin de cette catégorie et nous en avons spécifié les raisons ou

4 certaines d'entre elles. Je comprends ce que vous avez dit, Mme le

5 Président et nous envisagerons certainement le dépôt d'une requête

6 pour répondre au problème. Nous envisageons la possibilité de

7 problèmes dus au manque de spécificité et il se peut qu'il soit

8 approprié d'y répondre sous forme d'une requête. Une plus grande

9 spécificité pourrait nous aider à trouver des témoins de réfutation.

10 La seule autre solution serait, après l'audition d'un témoin,

11 d'essayer désespérément à ce stade de voir s'il y avait des témoins

12 de réfutation mais il s'agit là d'une méthode lourde et peut-être de

13 longue durée. Nous serons indéniablement très heureux, Mme le

14 Président, de traiter le problème par voie d'une requête.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Je pense que ce serait approprié

16 parce que 67 A) i) prévoit que vous devez communiquer à la Défense

17 le nom des tous témoins de réfutation que vous avez concernant la

18 défense d'alibi et nous avons fixé une date limite à ce sujet. Si

19 vous ne pouvez pas observer cette date limite, vous devez ou obtenir

20 une prolongation du délai ou nous allons résoudre le problème au

21 moins de votre argument que la notification de la défense d'alibi

22 n'est pas spécifique.

23 Avez-vous quelque chose à ajouter à tout cela, M. Wladimiroff ?

24 M. WLADIMIROFF : Un tout petit peu, Mme le Président. L'Accusation a

25 interrogé notre client en deux occasions de façon très détaillée et

Page 1662

1 nous pensons que tous les détails que recherchent l'Accusation

2 peuvent être trouvés dans sa déclaration. Les mêmes noms que nous

3 avons fournis dans la notification figurent dans sa déclaration qui

4 est entre les mains de l'Accusation depuis l'été dernier et décembre

5 dernier. Nous estimons donc que l'Accusation dispose de nombreux

6 détails qui lui permettent de s'acquitter de sa tâche.

7 Le deuxième point que je veux évoquer devant votre Cour est de

8 savoir s'il n'appartient pas à l'Accusation d'interroger les témoins

9 d'alibi et de trouver ce qu'elle devrait faire en entendant la

10 déposition de ces témoins ? Elle dispose de leurs noms et adresses.

11 Nous pensons donc que nous avons observé toutes les conditions qui

12 nous sont imposées.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous n'avons pas examiné, bien sûr, nous

14 n'avons même pas reçu la déclaration de votre client. Je ne sais

15 donc pas à quelle point elle est spécifique. C'est le genre de

16 document que nous pourrions recevoir par le biais d'une requête. Ils

17 disent dans leur notification qu'ils n'ont pas suffisamment de

18 détails. Ce qu'ils disent, je pense, c'est que bien qu'ils aient

19 reçu les noms, ils ne savent pas quand ces personnes sont censées

20 être un témoin d'alibi pour la Défense. Ce sont les noms donnés.

21 M. WLADIMIROFF : C'est sa déclaration.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je dirais que s'ils examinent la déclaration

23 ou peut-être que s'ils interrogent ces gens dont les noms ont été

24 communiqués, ce serait un moyen d'obtenir davantage de détails.

25 M. WLADIMIROFF : Je comprends, Mme le Président, mais la Défense est

Page 1663

1 toujours d'avis que toutes ces informations figurent dans la

2 déclaration de M. Tadic.

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C'est possible et c'est la raison pour

4 laquelle je suggère que le Procureur attire votre attention sur ce

5 point. Pour l'instant nous n'avons qu'une notification selon

6 laquelle ils n'ont pas observé la date limite que nous avons fixée.

7 Je dis seulement que s'ils n'observent pas la date limite et que,

8 ultérieurement, ils essayent de présenter des témoins de réfutation,

9 ils vont se trouver dans une situation extrêmement embarrassante

10 sans une quelconque autorisation de la Chambre de première instance.

11 Je dis simplement qu'ils doivent nous saisir de ce point. S'ils

12 déposent une requête disant que ce n'est pas suffisamment spécifique

13 pour leur permettre de communiquer la liste des témoins de

14 réfutation, vous répondrez alors en reprenant les arguments que vous

15 venez d'avancer. Vous joindrez même peut-être la déclaration à votre

16 réponse. Vous avez les noms des témoins. Vous les rencontrez, vous

17 vous entretenez avec eux et nous trancherons. Pour l'instant nous ne

18 pouvons rien faire d'autre que d'avoir ce document et nous craignons

19 que par la suite les deux groupes de conseils déclencheront une

20 grande bataille, ce que nous essayons d'éviter. C'est tout.

21 M. WLADIMIROFF : Nous verrons ce qui se passe quand ils déposeront leur

22 requête.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Parfait. Vous la déposerez d'ici mercredi

24 prochain. Est-ce possible, s'il vous plaît ?

25 M. NIEMANN : Oui, Mme le Président.

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1 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. L'audience est ajournée à demain 10

2 heures.

3 (Ajournement de l'audience jusqu'au lendemain)

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