Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi, le 25 juin 1996

4 (10 heures)

5 (Audience publique)

6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

7 M. NIEMANN : Merci, Madame, messieurs de la Cour. J’appelle Hamdija

8 Kahrimanovic.

9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Est-ce le no 30 sur votre nouvelle liste, M.

10 Niemann ?

11 M. NIEMANN : Hamdija Kahrimanovic, le 28, Mme la Présidente. Le 28 sur la

12 nouvelle liste ou le 30 sur l’ancienne.

13 HAMDIJA KAHRIMANOVIC est appelé à la barre

14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Voulez-vous prêter serment s’il vous

15 plaît, monsieur ?

16 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement de dire la vérité,

17 toute la vérité, rien que la vérité.

18 (Prestation de serment du témoin)

19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

20 Interrogatoire par M. NIEMANN

21 Q. : Vous appelez-vous Hamdija Kahrimanovic ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Etes-vous né le 6 février 1942 ?

24 R. : Non. 1941.

25 Q. : Quel est votre lieu de naissance ?

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1 R. : Je suis né dans une localité appelée Kozarusa située entre Kozarac et

2 Prijedor, à environ 1 400 mètres.

3 Q. : Avez-vous fait vos études primaires à Kozarusa ?

4 R. : Oui, les quatre premières années à Kozarusa puis les quatre suivantes

5 à Kozarac.

6 Q. : Vous avez ensuite fait vos études secondaires à Prijedor ?

7 R. : Oui, j’ai obtenu le diplôme du lycée en économie de Prijedor.

8 Q. : Et vous êtes ensuite allé à l’école normale pour enseignants à

9 Belgrade ?

10 R. : Oui, je suis allé à Belgrade où j’ai obtenu mon diplôme d’enseignant

11 à l’école normale.

12 Q. : Etes-vous alors revenu à Kozarac pour enseigner ?

13 R. : Je suis diplômé pour enseigner dans le secondaire. Je suis rentré à

14 Kozarac à la fin de mes études et j’ai été affecté à l’école

15 primaire Rade Kondic à Kozarac.

16 Q. : Avez-vous alors acheté une maison à Kozarac en 1968 où vous avez

17 habité jusqu’au début des hostilités en 1992 ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Durant votre emploi à l’école de Kozarac, avez-vous servi pendant une

20 partie considérable de cette période en qualité de directeur de

21 cette institution ?

22 R. : Oui, j’ai été nommé directeur adjoint en 1974 et je le suis resté un

23 peu moins de deux ans. J’ai ensuite servi deux mandats, c’est-à-dire

24 pendant huit ans, en qualité de directeur de l’école de Kozarac.

25 Q. : Avez-vous fait votre service militaire en Macédoine de 1965 à 1966 ?

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1 R. : Oui, en Macédoine, dans les villes de Tetovo et de Gostivar.

2 Q. : Etes-vous de nationalité et de religion musulmanes ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Connaissez-vous l’accusé de ce procès, Dule Tadic ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

7 R. : Quand j’ai commencé à travailler à Kozarac j’ai d’abord résidé chez

8 mes parents jusqu’en 1967. Puis je me suis installé à Kozarac.

9 J’habitais un immeuble en face de l’école, un petit appartement, un

10 studio, à une vingtaine de mètres de la résidence des parents de

11 Dule, jusqu’en 1968 quand j’ai acheté ma propre maison. Je le

12 connais donc depuis très, très longtemps.

13 Q. : A t-il jamais été élève à votre école ?

14 R. : Il a du être élève à l’école. Je ne sais pas exactement quand, peut-

15 être en 66, 67, 68 pour les dernières classes. Je ne connais pas sa

16 date de naissance mais puisque l’école est là et que tous ses frères

17 y sont allés, cela a du aussi être son cas. Je ne me souviens pas

18 avoir été personnellement son professeur parce que j’enseignais

19 généralement aux premières classes. Le règlement de l’école était

20 que les élèves qui vivaient à proximité assistaient aux classes

21 ultérieures. Il est possible que j’ai remplacé quelqu’un dans

22 l’après-midi mais je travaillais surtout le matin.

23 Q. : Savez-vous où vivait Tadic à Kozarac ?

24 R. : Oui, bien sûr. Je ne pouvais pas sortir dans la rue ou mon jardin

25 sans voir la maison dans laquelle vivaient les Tadic.

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1 Q. : Pourriez examiner, s’il vous plaît, la pièce à conviction 196. Peut-

2 on la montrer au témoin ? (Remise de la pièce au témoin). M.

3 Kahrimanovic, pourriez-vous, tout d’abord, examiner ce document et

4 me dire si vous le reconnaissez ?

5 R. : Oui.

6 Q. : De quoi s’agit-il ?

7 R. : Il s’agit de la grande rue qui traverse Kozarac, la rue Marsala Tita,

8 qui va de Rajkovici au carrefour de Prijedor/Banja Luka. Ce

9 rectangle indique la maison Tadic ...

10 Q. : Puis-je vous arrêter ici un instant ? J’aimerais que le plan soit

11 placé sur le rétroprojecteur. Nous voulons qu’il s’affiche sur

12 l’écran vidéo à vos côtés. M. Kahrimanovic, pourriez-vous désigner

13 avec la baguette, tout d’abord votre maison, si vous pouvez

14 l’identifier pour nous. Vous devez le faire sur l’écran à votre

15 droite. Vous ne pouvez pas le faire sur l’écran de télévision.

16 R. : Je m’excuse, je ne comprends pas la question.

17 Q. : Vous allez devoir le montrer sur le plan.

18 R. : Voici la maison Tadic et ma maison se trouve dans cette partie.

19 Quelque part ici, en allant de la maison des Tadic à ma rue - c’est

20 la rue Prvomajska - et ma maison est la deuxième sur la droite.

21 Q. : Pourriez-vous maintenant examiner les deux photographies que je vous

22 montre. Regardez simplement ces deux photographies. Peut-on les

23 marquer respectivement A et B, 237 A et B puis les passer au témoin

24 ? M. Kahrimanovic, pourriez-vous examiner ces photographies et nous

25 dire ce qu’elles représentent si vous le reconnaissez ?

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1 R. : Sur cette photo on voit le café de Dule.

2 Q. : Bien. Et sur l’autre ?

3 R. : Il s’agit d’une photo de sa maison construite au-dessus de

4 l’ancienne. Son appartement personnel est à l’étage.

5 Q. : Quand vous parlez de Dule, parlez-vous de Dule Tadic ?

6 R. : Oui, on le connaissait généralement sous le nom de Dule à Kozarac.

7 C’est ainsi qu’on l’appelait le plus fréquemment. C’était son

8 surnom.

9 M. NIEMANN : Je verse ces photographies.

10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 237 A représente t-elle le café et 237 B la

11 photo de la maison de M. Tadic ?

12 M. NIEMANN : Peut-on regarder au dos de la photo pour moi ou peut-être me

13 les passer ? 237 A est la maison et 237 B le café.

14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

15 M. KAY : Pas d’opposition Mme la Présidente.

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Les pièces 237 A et B sont versées au dossier.

17 M. NIEMANN : Peut-on d’abord les afficher à l’écran et les agrandir ? De

18 quoi s’agit-il ici M. Kahrimanovic ? Pouvez-vous nous décrire cela ?

19 R. : C’est la maison Tadic. Au-dessous est l’ancien partie de l’édifice

20 dans laquelle ils vivaient autrefois et l’étage supérieur a été

21 construit ultérieurement et c’est son appartement effectif.

22 Q. : A droite de l’écran ici on observe un édifice qui commence à

23 apparaître ici dans la photographie. Cela fait-il aussi partie de la

24 maison Tadic ?

25 R. : C’est une annexe et le café se trouve dans cette annexe, les locaux

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1 commerciaux.

2 Q. : Pouvez-vous examiner la photographie suivante, 237 B et nous dire ce

3 qu’on y voit ?

4 R. : Il s’agit du café, des locaux commerciaux comme je l’ai dit.

5 Q. : Merci. On peut peut-être les retourner au Greffe ? M. Kahrimanovic,

6 c’est le bâtiment que vous verriez, n’est-ce pas, de votre maison si

7 vous descendiez dans votre rue et que vous vous dirigiez vers la rue

8 principale de Kozarac ? M. Kahrimanovic, si vous descendiez dans

9 votre rue et que vous alliez vers la grande rue, la rue principale

10 de Kozarac, est-ce l’édifice que vous verriez quand vous vous

11 dirigez vers la grande rue de Kozarac en partant de chez vous ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Pour autant que vous sachiez, Dule Tadic et les membres de sa famille

14 ont-ils vécu dans ces locaux durant toute leur vie pendant tout le

15 temps que vous vous trouviez là ?

16 R. : Je ne peux pas dire parce qu’il a probablement passé un certain temps

17 après l’école primaire à étudier quelque part ailleurs puis il a

18 probablement fait son service militaire. Il est donc difficile de

19 dire s’il a passé toute sa vie à cet endroit. Mais récemment, c’est-

20 à-dire plusieurs années avant la guerre, il y a habité sans

21 interruption.

22 Q. : Connaissez-vous les noms de sa mère et de son père, du père et de la

23 mère de Dule Tadic ?

24 R. : Oui. Son père s’appelle Ostoja et sa mère Staka.

25 Q. : Son père est-il toujours en vie ?

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1 R. : Non, il est décédé quelques années avant la guerre.

2 Q. : Connaissiez-vous son père ?

3 R. : Je l’ai bien connu. Il était une personnalité. Il portait la médaille

4 des partisans de 1941. Nous étions voisins. Nous étions très

5 proches. Nous devions nous connaître. Nous devions nous rencontrer

6 pratiquement chaque jour. Mais c’est ce qui se passe quand vous

7 vivez dans la même communauté.

8 Q. : Savez-vous si Dule Tadic était marié quand vous habitiez à Kozarac ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Connaissez-vous le nom de sa femme ?

11 R. : Mira.

12 Q. : Savez-vous où elle travaillait ?

13 R. : Récemment, durant les années qui ont précédé la guerre, elle

14 travaillait à la clinique à Kozarac.

15 Q. : Où votre femme travaillait-elle ?

16 R. : Ma femme travaillait aussi à la clinique de Kozarac. C’est la seule

17 institution dans laquelle elle a travaillé et a continué de

18 travailler. C’est là qu’elle a passé toute sa vie professionnelle,

19 d’abord dans l’ancien bâtiment puis dans le nouveau.

20 Q. : Votre femme a t-elle gardé cet emploi jusqu’à la prise de Prijedor en

21 avril/mai 1992 quand elle a été licenciée ?

22 R. : Elle a travaillé à la clinique de Kozarac jusqu’à la prise de

23 Prijedor et vers la mi-mai 1992, elle a évalué la situation

24 objectivement puis elle a démissionné et elle est partie en Autriche

25 vivre avec notre fils.

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1 Q. : Savez-vous si Dule Tadic a des enfants ?

2 R. : Dule Tadic a deux filles. Je m’excuse, je n’ai pas répondu à votre

3 question précédente.

4 Q. : Je pense que votre réponse était amplement suffisante. Connaissiez-

5 vous certains des voisins de Dule Tadic ?

6 R. : Je les connaissais tous. Je connaissais tous les habitants de Kozarac

7 mais la maison de Dule Tadic était en plein centre de Kozarac. Il

8 était entouré de maisons musulmanes. Si nous allons en venant de

9 Prijedor vers Mrakovica, vous avez la maison de Ankic Salih, puis

10 celle de Dule et de ses parents et celle de Sulja Mujagic.

11 Q. : De chaque côté suffirait, si vous pouvez nous le dire ?

12 R. : En face, pas parfaitement en face mais en diagonale se trouve la

13 maison de Hamdija Hodzic puis un immeuble d’appartements sociaux

14 dans lesquels travaillaient, vivaient les enseignants et ensuite un

15 autre immeuble d’appartements sociaux avec une pharmacie, un

16 coiffeur et, au-dessus, les appartements.

17 Q. : Merci, cela devrait suffire. Savez-vous si de temps en temps Dule

18 Tadic utilisait les locaux de l’école pour enseigner le karaté ?

19 R. : Oui. J’étais alors le directeur de l’école primaire quand nous avons

20 très souvent accepté ses demandes et lui avons permis d’utiliser le

21 gymnase.

22 Q. : Les élèves de l’école fréquentaient-ils parfois ses cours de karaté

23 dans ce gymnase ?

24 R. : Oui. Les membres du club étaient incontestablement des élèves de

25 notre école et notre intérêt était que nos enfants fassent du sport,

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1 ce qu’est le karaté.

2 Q. : Savez-vous quelle a été la formation scolaire de Dule Tadic ?

3 R. : Après l’école primaire, les huit années de primaire, je sais qu’il

4 est allé au lycée - c’est au moins ce que m’ont dit ses parents que

5 je voyais souvent - mais je ne connais pas sa spécialité.

6 Q. : Connaissez-vous certains des amis de Tadic avec lequel vous avez pu

7 le voir ?

8 R. : Oui, il était souvent en compagnie de mes collègues de l’école, Kemal

9 Susic, Basic Zijed, Sinanagic Mustafa. Il était aussi ami avec

10 d’autres mais ces jeunes lui étaient attachés surtout par le sport.

11 Q. : Quel sport en particulier ?

12 R. : Je pense au karaté et les collègues que j’ai mentionnés étaient des

13 professeurs d’éducation physique.

14 Q. : Savez-vous si Dule Tadic a jamais été engagé d’une certaine façon en

15 politique ?

16 R. : Récemment, juste avant les hostilités, on pouvait remarquer son

17 engagement politique mais avant cela je ne sais pas.

18 Q. : Vous rappelez-vous avoir lu un article dans un journal en 1990-1991

19 sur Dule Tadic et sa famille ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Quelle était la nature de cet article que vous avez lu dans le

22 journal ?

23 R. : Je crois que l’article a été publié dans un journal de Belgrade

24 appelé Vecernje Novine. Le contenu de l’article peut, en gros, être

25 résumé comme suit : Dule Tadic aurait reçu une lettre anonyme à

Page 3465

1 Kozarac disant que s’il ne déménageait pas dans les trois mois, lui

2 et sa famille seraient liquidés, avec une signature illisible au bas

3 de la lettre.

4 Q. : Savez-vous si une enquête a eu lieu sur cette affaire ?

5 R. : Cette lettre est venue comme un coup de tonnerre parce que,

6 jusqu’alors, rien de pareil n’était arrivé et le principal parti à

7 Kozarac a réagi, se dissociant du texte, de la lettre et de l’esprit

8 de la missive. Je sais qu’une analyse du texte et de la lettre ainsi

9 que de l’écriture a eu lieu à Prijedor.

10 Q. : Savez-vous si l’on a jamais découvert l’auteur de cette lettre ?

11 R. : Je n’ai pas lu le rapport officiel de la police concernant l’analyse

12 mais la rumeur générale était que l’auteur de cette lettre était

13 Mira Tadic.

14 Q. : Quand vous dites que le parti principal à Kozarac, le parti dirigeant

15 à Kozarac a réagi en se dissociant de la lettre, visez-vous le SDA ?

16 R. : Oui, il était le parti dirigeant à l’époque.

17 Q. : Avant la publication de cette lettre, vous rappelez-vous de pareils

18 incidents à Kozarac concernant la tension entre groupes ethniques

19 dans cette ville ?

20 R. : Je n’en suis pas conscient.

21 Q. : Cet article a t-il été publié dans le journal à Belgrade ainsi que

22 dans le journal local à Kozarac ?

23 R. : L’article a été publié dans le journal de Belgrade mais vous savez ce

24 que font généralement les journalistes. Après la publication d’un

25 article aussi sensationnel ils ont copié le même contexte et il a

Page 3466

1 été repris dans le Kozarac Vjesnik et dans le quotidien de

2 Oslodjenje.

3 Q. : Pourquoi qualifiez-vous l’article de "sensationnel" ?

4 R. : Je pense que la localité de Kozarac et ses habitants ne le méritaient

5 pas parce qu’ils n’avaient aucune raison d’être aussi humiliés. Dire

6 que les habitants de Kozarac menaçaient quelqu’un de liquidation est

7 inacceptable parce que nous, les habitants de Kozarac, n’étions pas

8 ainsi.

9 Q. : Est-ce que le parti SDS et la population des Serbes de Bosnie de la

10 région liés à ce parti se sont servis de cette lettre durant leur

11 campagne politique ?

12 R. : Oui, bien sûr.

13 Q. : Avez-vous jamais observé des personnes liées au parti SDS se réunir

14 dans les locaux de Dule Tadic pendant que vous résidiez à Kozarac ?

15 R. : Récemment, c’est-à-dire juste avant le conflit, Dule Tadic

16 fréquentait plus ou moins le même groupe de gens à Kozarac. Je

17 mentionnerais, par exemple, Milos Radulovic, Dusko Kesic, Mirko

18 Grahovac, Trivo Relic, Slobodan Selimovic. Ce sont des gens qui

19 avaient habité dans cette localité. Beaucoup d’entre eux avaient

20 cessé d’y vivre.

21 Q. : Savez-vous si ces gens appartenaient au parti SDS ?

22 R. : A mon avis, tous les Serbes de Kozarac étaient membres du SDS.

23 Q. : Vous avez mentionné une personne, Simo Miskovic. Connaissez-vous quel

24 était son engagement avec le parti SDS ?

25 R. : Simo Miskovic était le président du SDS.

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1 Q. : Le président où ?

2 R. : Le siège du parti était à Prijedor. Je suppose qu’ils avaient des

3 succursales dans les localités avoisinantes comme la région de

4 Kozarac. Omarska, en particulier, c’est-à-dire dans les endroits où

5 il y avait une population serbe.

6 Q. : En dehors des locaux de Tadic, savez-vous où ces réunions se tenaient

7 ?

8 REPONSE : On voyait souvent, et j’ai même eu moi-même l’occasion de voir

9 ces groupes se réunir souvent dans la maison du prêtre à Kozarac qui

10 était proche de l’église de la localité. On pouvait les observer en

11 train de déambuler dans Kozarac et de discuter. J’ai moi-même vu

12 Dusko Tadic avec Djoko Kesic qui travaillait comme technicien de

13 laboratoire dans le centre sanitaire de Kozarac. Ils se

14 rencontraient et avaient leur tête-à-tête, leurs conversations. Je

15 ne pense pas qu’il existait des locaux permanents à Kozarac.

16 Q. : Quand vous parlez du prêtre, vous faites référence au prêtre

17 orthodoxe serbe ?

18 R. : Oui, nous les appelons des popes. Il est, bien sûr, le prêtre

19 orthodoxe serbe.

20 Q. : Savez-vous si ces réunions se tenaient dans d’autres villes de

21 l’opstina de Prijedor en dehors de celles qui avaient lieu à Kozarac

22 et dans les environs ?

23 R. : Des contacts, des réunions avaient fréquemment lieu à Omarska.

24 Q. : Y avait-il une raison particulière pour que ces réunions se tiennent

25 à Omarska ?

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1 R. : Selon moi, oui. Omarska était une localité exclusivement serbe avec

2 des habitants serbes.

3 Q. : Le cadre temporel dont nous parlons en ce qui concerne vos

4 observations des réunions de ces gens en divers endroits ... s’agit-

5 il de la période 1991/92 ?

6 R. : Oui, en particulier 92.

7 Q. : En 1992, en particulier vers avril et mai, avez-vous, avec d’autres

8 membres de la communauté de Kozarac, pris des mesures pour résoudre

9 la détérioration de la situation politique dans la région de Kozarac

10 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Qu’avez-vous fait ?

13 R. : Les habitants de Kozarac, en particulier en mai 1992, ont créé un

14 Conseil des citoyens pour la paix, un Conseil de la Ligue des

15 citoyens pour la paix. J’étais l’un des membres de cette instance.

16 Ses membres étaient principalement des résidents éminents de

17 Kozarac, des personnalités, qui pensaient que nous devions essayer

18 de résoudre les problèmes qui pointaient par des moyens pacifiques

19 et essayer de continuer de vivre comme par le passé.

20 Je me souviens que vers le milieu de mai nous avons eu une réunion

21 mixte d’une partie des membres de cette Ligue, parce que nous ne

22 pouvions pas toujours nous réunir tous en raison de nos activités

23 professionnelles mais vers la mi mai 92 nous avons tenu une réunion

24 à Prijedor à laquelle Dusko Tadic, notamment, a assisté. Il

25 participait également à cette Ligue patriotique.

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1 Q. : En dehors de Dule Tadic et de vous-même, vous rappelez-vous d’autres

2 membres de cette Ligue pour la paix ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Pouvez-vous nommer certaines de ces personnes ?

5 R. : Jusuf Pasic, Kemal Fazlic, Hamdija Balic, Kemal Susic, Husein

6 Mujagic, Dusko Tadic, Milenko Zigic.

7 Q. : Lesquels parmi ces gens que vous venez de nommer étaient des Serbes ?

8 R. : Dusko Tadic était Serbe de même que Milenko Zigic.

9 Q. : Savez-vous pourquoi Dusko Tadic a été nommé à la Ligue pour la paix ?

10 R. : Pour la raison très simple que nous voulions, du fait que jusqu’alors

11 nous avions vécu ensembles, continuer à nous battre pour notre vie

12 commune dans l’avenir. Nous ne voulions pas que seul des Musulmans

13 se battent pour cette vie commune. Nous voulions, avoir d’autres

14 personnes, des représentants d’autres ethnies dans notre instance à

15 Kozarac, un Serbe, par exemple, habitant Kozarac. Nous ne voulions

16 pas que cela ait l’air d’une instance monoethnique, d’un Conseil

17 monoethnique.

18 Q. : Vous dites avoir participé à une réunion à Prijedor, ou plutôt que la

19 Ligue pour la paix a assisté à une réunion en mai à Prijedor. Vous

20 rappelez-vous avoir mentionné cela ?

21 R. : Oui. A la mi-mai, nous avons eu une réunion à Prijedor et à cette

22 réunion, les citoyens, les habitants de Kozarac ont été représentés

23 par Jusuf Pasic, Hamdija Balic, Kemal Susic, Dusko Tadic, Milenko

24 Zigic et moi-même. Des délégués de la commune locale de Kozarusa ont

25 aussi assisté à cette réunion. Je me souviens qu’ils étaient

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1 représentés par Djuro Pupavac.

2 Q. : Qui représentait les habitants de Prijedor que vous êtes allés

3 rencontrer ?

4 R. : Les autorités serbes étaient représentées par Simo Drljaca, le

5 secrétaire du MUP à Prijedor et Simo Miskovic, le président du SDS.

6 Q. : Quel a été le thème des entretiens lors de cette réunion et qu’en

7 est-il sorti ?

8 R. : Nous avons discuté de la façon dont les habitants de la localité de

9 Kozarac devraient être loyaux envers les autorités serbes qui

10 avaient pris le pouvoir le 30 avril tandis que les membres de la

11 police de Kozarac devraient aussi signer leur allégeance aux

12 autorités serbes, c’est-à-dire que les citoyens de la localité de

13 Kozarac devraient être invités à remettre leurs armes. Ce sont les

14 questions sur lesquelles nous nous sommes concentrés.

15 Il y avait aussi d’autres questions. On nous a garanti que, après

16 que nous ayons respecté toutes ces conditions, il n’y aurait aucune

17 difficulté ou problème. Nous avions, par exemple, une Q. : s’il ne

18 devait pas y avoir de problèmes, pourquoi le prêtre orthodoxe avait-

19 il alors quitté Kozarac pour Omarska ? Et nous avons ensuite été

20 chargés de convaincre le prêtre de revenir à Kozarac; Kemal, moi-

21 même et Dusko Tadic avons été chargés de cette tâche.

22 Q. : Qu’était-il arrivé au prêtre orthodoxe de Kozarac ?

23 R. : J’ignore pour quelle raison il avait quitté la localité. Il était

24 peut-être au courant de la situation et savait ce que l’avenir

25 réservait à Kozarac et à ses habitants. Mais en raison des

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1 circonstances et de la situation qui était très tendue, nous nous

2 sommes rencontrés en particulier en mai. Nous avons demandé au

3 prêtre orthodoxe de revenir à Kozarac et que les habitants de

4 Kozarac garantissent sa sécurité ... et pour ces raisons nous avons

5 été chargés d’essayer de le faire revenir.

6 Cependant nous avons échoué. Nous avons échoué dans cette mission à

7 trois. Dule Tadic était chargé d’entrer en contact avec le prêtre

8 orthodoxe puis d’organiser une réunion avec lui et de le convaincre

9 de revenir. Le lendemain, quand nous avons convenu d’aller à

10 Omarska, Kemal Susic et moi-même nous sommes retrouvés devant le

11 café de Dule et il nous a annoncé que le prêtre ne pouvait pas nous

12 rencontrer ce jour là, qu’il était trop occupé. Nous avons donc

13 ajourné notre mission au lendemain mais le lendemain ce fut la même

14 histoire, la même réponse. Nous avons dû la repousser chaque jour et

15 Dule a fini par disparaître.

16 Q. : Quand vous assistiez aux réunions à Prijedor que présidaient Simo

17 Drljaca et Simo Miskovic, savez-vous quel rôle jouait éventuellement

18 Dule Tadic dans ces réunions ?

19 R. : Nous avions tous le même rôle mais nous ne nous comportions pas tous

20 de la même façon. Notre rôle à tous était de trouver un compromis

21 commun, une solution pacifique. Cependant, des membres particuliers

22 de ce Conseil pour la paix agissaient de manière destructrice.

23 Q. : Pouvez-vous nommer certains des membres du Conseil pour la paix qui

24 agissaient de manière destructrice ?

25 R. : Oui. Dule Tadic, par exemple. Il avait assumé une responsabilité

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1 probablement uniquement pour la forme. Pour les habitants de

2 Kozarac, il était crucial, il était fondamental que ce prêtre

3 orthodoxe vive parmi nous en toute sécurité. Il n’a pas rempli cette

4 mission, pour une raison qu’il est probablement seul à connaître.

5 Q. : Les autorités de Prijedor ont-elles fini par lancer un ultimatum aux

6 citoyens de Kozarac ?

7 R. : Cet ultimatum était le suivant. Tous les citoyens de Kozarac devaient

8 remettre leurs armes le 24 mai à 12 heures au plus tard.

9 Q. : Etaient-ils tenus de faire quoi que ce soit d’autre que de remettre

10 leurs armes ?

11 R. : Les officiers de police devaient signer leur serment d’allégeance et

12 remettre aussi leurs armes. C’étaient là les questions centrales de

13 l’ultimatum, pour autant que je sache.

14 Q. : Les termes de cet ultimatum ont-ils été discutés avec les habitants

15 de Kozarac et les considéraient-ils comme acceptables ?

16 R. : Après les débats dans le cadre de notre Ligue, nous sommes rentrés à

17 Kozarac. Nous avons organisé des rassemblements, des réunions avec

18 les habitants et nous les avons informés de la teneur de nos débats.

19 Moi-même et d’autres membres de la Ligue avons à l’occasion d’une

20 réunion de toute la population de Kozarac, reçus pour missions de

21 nous rendre dans des communautés urbaines plus importantes dans la

22 région de Kozarac et de parler directement avec les gens.

23 Plus spécifiquement, Kemal Fazlic et moi-même avons reçu pour tâche

24 d’assister à un rassemblement des villages de Suhi Brod à proximité

25 de Kozarac, sur la route de Trnopolje. Nous nous sommes entretenus

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1 avec ces gens mais leurs réactions variaient. Certains étaient pour

2 et d’autres contre. Les gens étaient au courant de ce qui s’était

3 passé. Des gens dans la région avaient répondu positivement et

4 avaient déposé les armes. Ils s’attendaient à ce que des actions

5 identiques soient organisées à Kozarac. Les gens se comportaient

6 donc de manières différentes. Mais je sais que certains endroits ont

7 accepté l’ultimatum comme, par exemple, les villages de Hrnici ou

8 Suhi Brod qui avaient rendu leurs armes.

9 Q. : Mais Kozarac a t-il été attaqué le dimanche 24 mai 1992 du fait de ce

10 rejet partiel de l’ultimatum ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Etes-vous resté dans le voisinage de Kozarac jusqu’au 26 mai 1992,

13 date à laquelle vous vous êtes joint à un groupe de personnes qui

14 s’étaient réunies dans la rue ?

15 R. : J’étais à Kozarac. Je ne voulais en partir à aucun prix. Ce dimanche

16 24 mai, tous mes voisins, les membres des familles Fazlic, Saric et

17 Kusuran étaient tous dans la cave de la famille Dautovic. Ce sont

18 tous des gens qui habitaient dans ma rue. A 1 heure 25 j’ai vu le

19 premier obus toucher mon jardin. Le bombardement a ensuite été

20 ininterrompu.

21 Il est exact que le 26 mai je me suis joint à une colonne de gens

22 marchant dans la direction de Mrakovica en venant du haut de

23 Kozarac. Je leur ai demandé où ils allaient parce que ce matin même

24 j’étais sorti de la cave et mon voisin m’avait demandé de m’enquérir

25 de ce qui se passait, parce que nous entendions des bruits à

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1 l’extérieur. J’ai donc demandé à ces gens où ils allaient et ils

2 m’ont répondu "au croisement de la route Banja Luka/Prijedor".

3 Je suis rentré à l’abri et j’ai annoncé à mes voisins que j’allais

4 me joindre à la colonne. J’ai pris le sac que j’avais déjà préparé

5 et ils m’ont suivi. C’est ainsi que nous les avons rejoints et que

6 nous nous sommes dirigés vers Prijedor.

7 Q. : Les hommes et les femmes ont-ils été séparés à Kozarusa et êtes-vous

8 monté dans un véhicule qui vous a emmené au camp de Keraterm ?

9 R. : Oui. A partir du croisement de Kozarac sur la route Prijedor/Banja

10 Luka nous avons marché peut-être un kilomètre jusqu’à l’arrêt des

11 cars que nous appelions "Limenka" et nous avons vu d’énormes

12 quantités d’armes, de chars, de transports de troupes blindés et

13 c’est sur cette route que les contrôles étaient effectués. Les

14 femmes et les enfants ont été mis d’un côté et les hommes de

15 l’autre.

16 Après la fouille et le tri nous on nous a ordonné de monter dans des

17 cars. Certaines personnes sont, malheureusement, restées pour

18 toujours au poste de contrôle. Je suis monté dans le car avec mon

19 voisin Ilijaz, mon voisin Abdulah. Mon beau-frère Zijad s’y trouvait

20 déjà et nous avons été emmenés avec un grand nombre de personnes -

21 je ne me souviens pas de tout le monde - dans les locaux de la

22 fabrique de tuiles appelée Keraterm.

23 Q. : Avez-vous passé la nuit du 26 à ce camp et le lendemain 27 mai 1992

24 avez-vous été emmenés à Omarska ?

25 R. : Oui, nous sommes arrivés à Keraterm le 26 vers 10 ou 11 heures. Je ne

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1 me souviens pas. Nous y avons passé la nuit. Puis nous avons passé

2 toute la journée du mercredi sur place. Nous nous apprêtions à nous

3 coucher quand vers 21 heures, 21 heures 30 quelqu’un a dit que des

4 cars arrivaient à Keraterm et quelqu’un a même mentionné je crois

5 qu’il y en avait 26.

6 Un peu plus tard les portes se sont ouvertes et on nous a ordonné de

7 former une file, un par un avec 70 d’entre nous dans chaque car.

8 Nous sommes partis le mercredi vers 22 heures et nous sommes arrivés

9 à Omarska entre 3 et 4 heures. Ce fut un voyage horrible. La

10 distance n’est que de quelque 20 kilomètres et vous pouvez voir le

11 temps qu’il a fallu. Nous nous arrêtions très souvent. Des hommes

12 étaient sortis des cars. On entendait des coups de feu. Les cars

13 avançaient au pas et, comme je l’ai dit, nous sommes arrivés à

14 Omarska entre 3 et 4 heures. Nous y avons été pris par surprise

15 parce que nous avons immédiatement assisté à une scène horrible où

16 un homme de Kozarac a été battu, probablement pour que nous sachions

17 à quoi nous attendre.

18 Q. : Où avez-vous été emmené quand vous êtes arrivé à Omarska, où avez

19 vous été détenu en arrivant ?

20 R. : Ils nous ont incarcéré dans un hall. Pour être honnête, Omarska est

21 proche de Kozarac, à une quinzaine de kilomètres, mais je n’y étais

22 jamais allé. Ce premier contact a donc été horrible. Il faisait

23 nuit. Je ne connaissais pas du tout l’endroit mais la portière du

24 car, la porte à l’avant s’est ouverte juste à l’entrée de la salle

25 dans laquelle ils nous ont mis. Les prisonniers dans le car où je me

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1 trouvais sont donc entrés dans cette salle et ils ont continué à

2 arriver et à arriver. J’ignore exactement combien mais je pense que

3 nous nous sommes retrouvés à 4 ou 500 dans cette salle.

4 Q. : Avez-vous vu l’accusé Dule Tadic durant votre séjour au camp

5 d’Omarska ?

6 R. : Oui.

7 Q. : L’avez-vous aperçu une fois ou en plus d’une occasion ?

8 R. : A deux reprises.

9 Q. : Quand l’avez-vous vu pour la première fois au camp d’Omarska ?

10 R. : Le jeudi où nous sommes arrivés au camp. J’étais dans le deuxième

11 groupe de cinq emmenés à l’interrogatoire et après cet

12 interrogatoire nous avons été emmenés à en endroit appelé "garage"

13 où nous étions nombreux. J’ai compté jusqu’à 150 détenus mais je

14 n’ai pas continué à compter. Le vendredi, la porte du garage a été

15 ouverte et on nous a laissé sortir du garage pour aller sur la

16 pista.

17 Nous étions sur toute la longueur du bâtiment qui abritait ce

18 garage. Nous y sommes restés debout jusqu’en fin d’après-midi, en

19 début de soirée. Le soleil était déjà couché quand on nous a emmené

20 dans une autre pièce à l’étage de cet édifice. Nous pouvions ou nous

21 tenir debout ou nous asseoir. A un moment donné je me suis levé

22 parce que j’en avais assez d’être assis. Je ne pouvais plus rester

23 assis et alors que je me levais, j’ai remarqué, j’ai aperçu Dule

24 Tadic et j’ai soudainement tourné mon dos et me suis de nouveau

25 assis et je ne me suis pas relevé. Je n’ai plus bougé jusqu’à ce

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1 qu’on nous mette dans cette autre salle.

2 Q. : Etait-ce le vendredi après l’attaque qui a eu lieu le dimanche

3 précédent, le 24 mai ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Ce serait donc le 29 mai, est-ce exact ?

6 R. : Oui.

7 Q. : A quel moment de la journée, quel moment approximatif de la journée

8 avez-vous vu Dule Tadic ?

9 R. : C’était l’après-midi. Je peux difficilement dire à quel moment de la

10 journée parce que sans montre il fallait s’en tenir au soleil pour

11 évaluer l’heure mais je dirais vers 16 ou 17 heures peut-être.

12 Q. : L’avez-vous reconnu quand vous l’avez vu la première fois ?

13 R. : Oui.

14 Q. : A quelle distance de vous se trouvait-il quand vous l’avez vu ?

15 R. : A une vingtaine de mètres environ, il se tenait devant la cuisine,

16 devant la cantine à 20 ou 25 mètres. Je ne sais pas exactement.

17 Q. : Quel temps faisait-il ? Les conditions atmosphériques vous

18 empêchaient-elles de bien le distinguer ?

19 R. : Le temps était très clair et ensoleillé ce jour là.

20 Q. : Vous rappelez-vous si quelque chose obstruait votre vue ?

21 R. : Je ne me souviens d’aucun obstacle qui aurait pu obstruer ma vue.

22 Q. : Dule Tadic était-il seul quand vous l’avez vu ou était-il avec

23 quelqu’un ?

24 R. : Il était accompagné de deux ou trois individus en uniforme.

25 Q. : Que faisait-il ?

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1 R. : Je ne suis pas resté debout longtemps. Je pense qu’ils parlaient de

2 quelque chose.

3 Q. : Avez-vous remarqué comment il était vêtu ?

4 R. : Une tenue camouflée ordinaire.

5 Q. : Avez-vous remarqué s’il avait des armes avec lui ?

6 R. : Non.

7 Q. : Je crois que vous avez dit l’avoir vu en une seconde occasion durant

8 votre séjour à Omarska. Vous rappelez-vous approximativement ou

9 pouvez-vous vous rappeler de la date ?

10 R. : C’était au milieu de la semaine suivante, vers la mi mai. On nous

11 emmenait à la cantine pour le déjeuner et, en chemin, j’ai aperçu de

12 nouveau Dule Tadic à peu près au même endroit que je l’avais vu la

13 première fois.

14 Q. : A peu près à quelle distance vous trouviez-vous quand vous l’avez

15 aperçu ?

16 R. : De 10 à 15 mètres peut-être.

17 Q. : Avez-vous pu le voir clairement en cette deuxième occasion ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Vous rappelez-vous si quelque chose obstruait votre vue, que ce soit

20 le mauvais temps ou des obstacles qui vous empêchaient de le voir

21 clairement ?

22 R. : Non.

23 Q. : Avez-vous remarqué si Tadic était seul en cette occasion ou s’il

24 était accompagné d’autres personnes ?

25 R. : Là encore, il était en compagnie de deux ou trois personnes.

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1 Q. : Vous rappelez-vous aussi comment il était vêtu en cette occasion ?

2 R. : De la même manière, il portait une tenue camouflée.

3 Q. : Etes-vous certain que la personne que vous avez vue en ces deux

4 occasions était l’accusé Dule Tadic ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Combien de temps êtes-vous resté au camp d’Omarska ?

7 R. : Le vendredi de cette semaine là j’ai été transféré au camp de

8 Trnopolje.

9 Q. : C’est-à-dire le vendredi de la première semaine de juin ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Combien de temps êtes-vous resté au camp de Trnopolje ?

12 R. : J’y ai passé la nuit.

13 Q. : Que s’est-il passé alors ?

14 R. : Nous sommes arrivés à Trnopolje par car en provenance d’Omarska. Nous

15 étions 27. Lorsque nous sommes entrés dans le camp de Trnopolje, un

16 membre de l’escorte du car a dressé une liste de nos noms et annoncé

17 que nous passerions la nuit à cet endroit et que le lendemain à 7

18 heures un car viendrait nous prendre pour nous emmener à Prijedor.

19 Nous sommes alors descendus du car pour entrer dans le camp de

20 Trnopolje. Nous avions déjà des amis et des collègues à cet endroit.

21 J’ai logé dans les locaux de la bibliothèque de l’école avec mon ami

22 et voisin Suljeman Caufe.

23 A 7 ou 8 heures le matin quand on nous a ordonné de nous tenir prêt

24 à l’extérieur de l’édifice principal, un homme en uniforme se

25 trouvait là. Il nous a injurié et a insulté notre Dieu et nous a

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1 demandé où nous étions passés, disant qu’on nous avait cherché

2 partout la nuit dernière et que le car était parti. Ils ont trouvé

3 22 personnes et cinq d’entre nous manquaient. J’ai répondu que nous

4 avions fait ce qu’on nous avait dit et demandé ce que nous devions

5 faire maintenant. Il nous a répondu qu’il ne savait pas et qu’il

6 allait voir.

7 Je suis retourné à la bibliothèque et une quinzaine de minutes plus

8 tard Suljeman est venu me dire : "Hamdo, ils sont venus nous

9 chercher avec un fourgon de la police". Puis je suis sorti avec

10 Suljo et trois autres hommes que je ne connaissais pas. Nous sommes

11 montés dans le fourgon et avons été emmenés au poste de police de

12 Prijedor.

13 On nous a emmené dans le hall et demandé de nous asseoir. Nous nous

14 sommes assis. Un policier est venu et a demandé : "Qui est Hamdija

15 Kahrimanovic ?". J’ai répondu : "Moi" et il m’a ordonné de le

16 suivre. Je l’ai suivi et il m’a conduit dans les locaux à une pièce

17 dans laquelle Simo Drjaca était assis.

18 Q. : Que s’est-il passé alors quand vous vous êtes trouvé avec Simo

19 Drljaca ?

20 R. : Vokic se tenait juste à l’extérieur de la pièce de Simo Drljaca. Je

21 pense qu’il s’appelait Radovan. Je sais qu’il fut l’un de mes

22 élèves. Il était le chauffeur de Simo Drljaca et il m’a dit :

23 "Professeur, si vous m’aviez frappé je vous rendrais maintenant la

24 monnaie de votre pièce". J’ai haussé les épaules et suis entré dans

25 la salle. Je me suis assis. Nous fûmes collègues à une époque. Il

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1 était avocat au centre d’enseignement primaire.

2 Q. : Qui est "il" ? A qui faites-vous référence quand vous dites "il était

3 autrefois un avocat" ?

4 R. : Il exerçait une profession judiciaire en temps de paix. Il était

5 avocat.

6 Q. : Oui, mais dites-nous qui est "il" ? parlez-vous de Simo Drljaca ?

7 R. : Vous m’avez demandé ce que j’ai fait à l’extérieur de la pièce de

8 Simo Drljaca. Oui, je parle de Simo Drljaca.

9 Q. : Que s’est-il passé ? Que vous a t-il dit ?

10 R. : Il m’a offert un siège. Je me suis assis. J’ai bu deux verres de

11 cognac et il m’a dit : "Regardez ce que votre peuple a fait. Ils ont

12 même tué un homme aussi bon qu'Osme". C’était le commandant de la

13 police à Kozarac. Puis il a énuméré les noms d’autres garçons,

14 d’autres hommes, disant : "Voyez ce que vos gens ont fait ? Ils les

15 ont tués ?" J’ai haussé les épaules. Je ne savais pas quoi dire.

16 Nous sommes restés assis un certain temps puis il a ordonné à sa

17 secrétaire de rédiger une sorte de certificat qui nous permettrait

18 de nous déplacer. Je ne savais pas quelle adresse lui donner parce

19 que j’ignorais où j’allais loger. Mais c’était un samedi et il nous

20 a ordonné de repasser le lundi pour lui donner mon adresse. Ce

21 certificat nous a donné la liberté de circuler dans la ville de

22 Prijedor.

23 Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans la ville de Prijedor ?

24 R. : J’y suis resté jusqu’au 20 août 1992.

25 Q. : Durant votre séjour dans la ville même de Prijedor, avez-vous jamais

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1 vu l’accusé Dule Tadic ?

2 R. : Oui, je l’ai vu très fréquemment à Prijedor, le plus souvent en

3 compagnie de Drljaca. Je me souviens d’un contact direct que nous

4 avons eu tous les deux. Nous nous sommes rencontrés sur les marches

5 du poste de police et il m’a dit : "Hamdo, si nous trouvons des

6 médicaments à votre école, vous finirez comme votre secrétaire,

7 Ante". Et j’ai répondu : "Si vous trouvez des médicaments à mon

8 école, ce sera la trousse de secourisme qu’a toute école". Je ne

9 savais pas, bien sûr, ce qui était arrivé à Ante. J’ai appris plus

10 tard qu’il était à Omarska. Je ne savais pas que cette trousse

11 serait transformée en une large réserve de médicaments. J’avais

12 peur, bien sûr. J’évitais les contacts avec les personnes qui me

13 connaissaient. Je me suis laissé pousser la barbe. J’ai porté des

14 lunettes et un chapeau quand j’allais travailler ou que je me

15 déplaçais dans Prijedor.

16 Q. : Avez-vous travaillé durant votre séjour à Prijedor, durant cette

17 période qui a suivi votre passage à Trnoploje ?

18 R. : Oui, juste avant la guerre, vers la mi mai, j’ai été nommé directeur

19 de mon école par son assemblée parce que le directeur précédent

20 était parti. L’année scolaire touchait à sa fin et l’école avait

21 donc besoin d’un directeur et j’ai été élu. Et cela malgré mon refus

22 parce que je savais ce que cela signifiait d’être directeur, en

23 particulier compte tenu de l’avenir qui s’annonçait. J’ai accepté le

24 choix de la majorité absolue. Après avoir quitté le camp j’ai été

25 logé à Prijedor dans les locaux d’un jardin d’enfants. J’ai pu me

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1 rendre à Kozarac voir mon école, essayer de sauver ce qui pouvait

2 l’être de ses biens, le matériel pédagogique, les fonds.

3 C’est la police qui m’y a conduit en compagnie de trois policiers,

4 de mon assistant et du secrétaire Ante également. Nous avons

5 transféré tous les documents que nous avons pu trouver à Prijedor et

6 j’allais au travail chaque jour. Les parents venaient. Les élèves

7 venaient chercher leurs certificats de fin d’année scolaire. Vous

8 savez ce qui se passe à la fin de chaque année scolaire. J’ai

9 continué ce travail jusqu’au 20 août mais je pensais que ma sécurité

10 était menacée et elle l’était bien. J’ai été arrêté à deux reprises.

11 Q. : Comment êtes-vous parvenu à la conclusion que votre sécurité était

12 menacée ?

13 R. : La police militaire est venue m’arrêter à deux reprises. J’ai appris

14 qu’elle me connaissait ou plutôt que Miso Radulovic m’avait

15 recommandé à son attention. C’est l’homme dont j’ai déjà parlé. Il

16 avait été témoin à mon mariage.

17 Q. : Quand vous dites que vous avez aperçu Tadic à plusieurs reprises dans

18 la ville de Prijedor durant votre séjour, était-il chaque fois vêtu

19 de la même façon ?

20 R. : A peu près, oui.

21 Q. : Et comment était-il vêtu ?

22 R. : J’ai remarqué sa tenue camouflée, comme des vêtements militaires

23 bariolés. Je ne connais pas grand chose aux uniformes. Je sais à

24 quoi ressemblait mon uniforme quand j’ai fait mon service. C’était

25 probablement la mode maintenant. De tout façon, il portait l’un de

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1 ces uniformes. Je l’ai vu très fréquemment à Prijedor et très

2 souvent en compagnie de Drljaca et de ce Vokic.

3 Q. : L’avez-vous vu chaque fois à peu près dans le même secteur ou dans

4 des endroits différents dans tout Prijedor ?

5 R. : Pendant que je m’acquittais de ma tâche à Prijedor, mon chemin était

6 toujours le même. J’allais du jardin d’enfants à l’immeuble

7 municipal et au poste de police, parfois à la banque. C’était le

8 même chemin, la même direction, qui était en fait devenu une

9 habitude. Je connaissais les gens que je croisais. Il y avait de

10 nombreux postes de contrôle, de nombreuses patrouilles et j’avais de

11 la chance parce que mes papiers d’identité disaient que j’étais de

12 Prijedor. Il était indiqué que j’habitais au 6 Prvomajska, Prijedor

13 et quant ils remarquaient que j’étais de Prijedor, il était facile

14 de passer mais les gens de Kozarac avaient énormément de

15 difficultés. Par conséquent, ma route était pratiquement toujours la

16 même et c’est sur ce chemin que je voyais Dule Tadic, mais le plus

17 souvent devant le poste de police.

18 Q. : On appelle parfois le poste de police le SUP ?

19 R. : Oui, le même édifice abritait le poste de police et les autres

20 services de cette institution, le MUP.

21 Q. : Avez-vous jamais été en 1992 membre d’un groupe militaire,

22 paramilitaire ou d’un groupe de résistance armée anti-serbe ?

23 R. : Non. Juste au commencement de la campagne électorale, j’ai pensé

24 continuer d’adhérer au SDP parce que je dois admettre que, à cette

25 époque, j’était membre de la Ligue des communistes mais durant la

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1 campagne je ne me suis associé à aucun parti et, en particulier, à

2 aucun parti ethnique. Je suis un enseignant et j’enseigne à des

3 enfants d'ethnies différentes.

4 Q. : Avez-vous jamais rencontré ou connu quelqu’un, dans la région ou le

5 secteur de Kozarac, qui ressemble beaucoup à l’accusé Dule Tadic et

6 qui a parfois été pris pour lui ?

7 R. : Non.

8 Q. : Pouvez-vous maintenant, s’il vous plaît, regarder dans le prétoire et

9 me dire si vous voyez la personne que vous connaissez et

10 reconnaissez comme étant Dule Tadic ?

11 R. : Oui, Dule Tadic est cet homme.

12 Q. : Pouvez-vous désigner cette personne et, pour le procès-verbal, nous

13 décrire où il se trouve dans le prétoire ?

14 R. : Il est situé à ma gauche encadré de deux policiers.

15 M. NIEMANN : Peut-on l’inscrire au procès-verbal, Mme la Présidente ?

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera que le témoin a

17 identifié M. Tadic.

18 M. NIEMANN : Je n’ai pas d’autres questions, Mme la Présidente.

19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. M. Kay ?

20 Contre-interrogatoire de M. KAY

21 Q. : M. Kahrimanovic, j’aimerais tout d’abord revenir sur un point que

22 vous avez mentionné à la fin de votre déposition, à savoir que vous

23 avez décidé de ne pas adhérer à un parti politique quelconque durant

24 les élections parce que vous estimiez, en tant qu’enseignant, que

25 vous ne vouliez pas être identifié avec un groupe particulier, est-

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1 ce exact ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Vous semblait-il que les habitants de votre région se divisaient le

4 long de lignes ethniques ?

5 R. : C’est ce qu’il me semblait, oui.

6 Q. : Que les personnes s’identifiaient avec le parti politique qui

7 soutenait leur groupe ethnique ?

8 R. : Oui. Les musulmans et le SDA. Les Serbes et le SDS. Certains

9 appartenaient à d’autres partis, il y avait d’autres partis et pas

10 uniquement les partis ethniques, les réformateurs, les libéraux, le

11 SDP etc.

12 Q. : Le HDZ ?

13 R. : Oui, le HDZ. Je l’ai quitté, bien sûr.

14 Q. : Kozarac était un village ou une ville essentiellement musulmane; le

15 SDA devait être un parti puissant dans cette ville ?

16 R. : Oui.

17 Q. : En fait, quand on examine les chiffres des différentes nationalités à

18 Kozarac, le SDA serait le choix dominant des résidents de la

19 localité ?

20 R. : D’après les résultats des élections, oui. C’était le parti

21 majoritaire et l’ethnie majoritaire. Les Musulmans étaient

22 majoritaires à Kozarac.

23 Q. : Les élections dont vous parlez sont celles qui eurent lieu en 1990 ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Après 1990, de nombreuses personnes se sont identifiées pour la

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1 première fois à un parti politique ?

2 R. : Je ne suis pas certain que l’on puisse parler de première fois. Avant

3 le conflit nous avions un parti, la Ligue des communistes. Et bon

4 nombre des membres de ce parti, le parti d’avant le conflit, ont

5 accepté et adhéré à de nouvelles organisations, de nouveaux partis.

6 Q. : Vous avez tout à fait raison de mentionner la situation politique

7 avant le conflit parce qu’il n’y avait qu’un parti unique avant

8 1990. Mais pour la première fois cette année là, la population avait

9 un choix plus grand lui permettant de s’identifier aux autres partis

10 ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Après ces élections en 1990, la politique et les choix offerts à la

13 population ont fait l’objet de discussions beaucoup plus libres

14 qu’elles ne l’étaient sous le régime du parti unique du gouvernement

15 communiste ?

16 R. : Oui. On l’appelle l’ère de la démocratie.

17 Q. : Oui. C’était bien une ère nouvelle et pour la première fois la

18 population faisait l’expérience d’une nouvelle politique ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Vous semblez avoir vécu dans cette région pendant de nombreuses

21 années et en connaître les habitants. Pouvez-vous m’expliquer

22 comment Kozarac est devenue une ville à majorité musulmane ?

23 R. : Je crains de ne pas pouvoir le faire. C’est un peu comme si vous me

24 demandiez comment Omarska est devenue une ville habitée

25 exclusivement par des Serbes. Je suppose que les gens ont choisi au

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1 cours des siècles l'endroit où ils voulaient vivre. Pour autant que

2 je sache aucune contrainte n’a été exercée sur personne. Vous

3 pouviez vivre où vous le vouliez.

4 Q. : Cela allait être ma question suivante, à savoir comment se fait-il

5 qu’Omarska soit devenu, comme vous l’avez dit, un village ou une

6 ville serbe et identifié comme tel ? Mais il semble que vous n’ayez

7 pas de réponse n’est-ce pas ?

8 R. : Oui.

9 Q. : A cette époque donc, avec cette nouvelle politique naissante, les

10 gens à l’extérieur de Kozarac étaient-ils conscients des tensions

11 entre politiciens et le gouvernement, le gouvernement de Bosnie-

12 Herzégovine ainsi que celui de Belgrade ?

13 R. : La situation politique générale était ce qu’elle était. Il doit y

14 avoir eu des gens qui croyaient en l’existence de différences dans

15 les opinions politiques de Belgrade et de Sarajevo.

16 Q. : Les habitants de Kozarac devaient être conscients de ces arguments ou

17 débats qui se déroulaient à un échelon politique supérieur hors de

18 votre portée ?

19 R. : Nous avions l’occasion de voir les Assemblées à l’échelon de la

20 République. Nous pouvions écouter les débats des Assemblées à

21 l’échelon communal et il en est de même, en gros, à l’échelon local.

22 Q. : Cela a t-il incité les citoyens à s’identifier, peut-être plus

23 fortement, avec les partis qu’ils soutenaient ?

24 R. : Je ne pense pas.

25 Q. : Ce que je vous suggère c’est que, à Kozarac, bon nombre des jeunes

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1 s’identifiaient très fortement avec le SDA et ce qu’il signifiait

2 pour eux en tant que jeunes Musulmans sans approcher l’histoire avec

3 l’expérience de personnes plus âgées ?

4 R. : Je ne pense pas que ces gens se tournaient spécifiquement vers les

5 jeunes Musulmans. C’est un processus qui a balayé tout le pays. Il y

6 avait des infiltrations parmi les jeunes Musulmans et leur

7 identification avec le SDA. On pourrait en dire de même du HDZ et du

8 SDS.

9 M. KAY : Mme la Présidente, le moment semble propice.

10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L’audience est suspendue pendant 20 minutes.

11 (11 heures 30)

12 (Brève suspension d’audience)

13 (12 heures 05)

14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kahrimanovic, j’aimerais continuer à vous

15 poser quelques questions sur la politique à Kozarac. Le premier

16 point consiste à vous demander s’il existait un parti SDS à Kozarac

17 avant le conflit ?

18 R. : Puis-je vous demander quelque chose ? Je n’ai jamais été engagé

19 politiquement et je n’appartenais à aucun parti politique. Cela ne

20 m’intéressait pas. Pourriez-vous donc me poser moins de questions

21 sur la politique ? En ce qui concerne la question que vous me posez,

22 on pouvait à Kozarac compter sur les doigts d’une main le nombre de

23 personnes qui étaient membres de partis politiques et je pense que

24 les résidents de Kozarac étaient actifs au sein du parti SDS dans

25 d’autres localités avec davantage d’habitants serbes.

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1 Q. : On peut donc dire, si je comprends la fin de votre réponse, que selon

2 vous Kozarac n’avait pas de parti SDS établi ?

3 R. : Je ne sais pas dans un sens ou dans l’autre. Je sais que des groupes

4 de gens d’origine ethnique serbe se rassemblaient autour des gens

5 dont j’ai mentionné les noms, ce qui semble indiquer l’existence

6 d’une certaine activité et d’une participation à la politique du

7 SDS. Comment pourrais-je interpréter autrement leurs réunions, leurs

8 rencontres, leurs ententes, leur bras tendu ... une branche d’une

9 autre localité comme Omarska ou Prijedor etc.

10 Q. : Vous nous dites donc que, selon vous, les associations entre Serbes

11 avant le conflit étaient nécessairement liées à la politique ?

12 R. : Oui.

13 Q. : En regardant en arrière, cela ne vous semble t-il pas un peu injuste

14 ? Vous avez mentionné que M. Tadic était avec un homme appelé Kesic;

15 vous l’avez appelé Djoko Kesic, pensez-vous qu’il s’agissait de

16 "Dusan" Kesic ?

17 R. : Dusko Kesic - et Djoko. Je n’ai pas mentionné ... un technicien de

18 laboratoire du centre sanitaire de Kozarac.

19 Q. : Nous parlons bien de la même personne que vous avez décrite comme

20 ayant un tête à tête avec Dusko Tadic, comme s’ils discutaient

21 politique secrètement ?

22 R. : Ce n’était pas secret. Si cela avait été secret, ce serait arrivé ...

23 à huis clos quelque part, mais ils se parlaient. J’ai dit que je ne

24 savais pas s’il existait dans la localité particulière de Kozarac de

25 locaux spécifiques assignés au SDS mais que leurs réunions, leurs

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1 associations, leurs communications, leurs contacts avaient lieu dans

2 les endroits que j’ai décrits.

3 Q. : Savez-vous si Dusko Tadic a jamais été membre du SDS ?

4 R. : Personnellement je ne sais pas et je ne connais pas non plus beaucoup

5 d’autres personnes qui étaient membres d’autres partis. Je n’ai pas

6 vu sa demande d’adhésion ou sa carte du parti. Mais le fait même que

7 vous soyez vus constamment dans le même milieu, que vous vous

8 associez fréquemment avec les mêmes personnes, laissent supposer que

9 vous êtes un membre ou un sympathisant, un partisan d’un parti

10 donné.

11 Q. : Savez-vous si Trivo Relic a jamais été membre de ...

12 R. : Trivo Relic ?

13 Q. : Oui. Savez-vous s’il a jamais été membre du SDS ?

14 R. : Pas à ma connaissance. Je n’ai pas eu l’occasion de l’apprendre.

15 Q. : Ces gens avec lesquels selon vous M. Tadic s’est associé, vous ne

16 savez pas s’ils parlaient politique ou non ?

17 R. : Je suppose que c’est ce qu’ils faisaient.

18 Q. : Mais c’est une supposition. N’ai-je pas raison de dire que vous ne

19 savez pas et ne serait-ce pas une réponse juste de dire que vous ne

20 savez pas ?

21 R. : J'ai dit que je savais qu’ils travaillaient ensembles et qu’ils

22 coopéraient et, incontestablement, ils n’avaient pas d’autres

23 raisons de se réunir et de discuter si ce n’est sur des questions

24 partisanes.

25 Q. : Mais la vie ne se limite pas aux questions de politique partisane

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1 n’est-ce pas ?

2 R. : Tout fait partie intégrante de la politique.

3 Q. : Comme vous l’avez dit vous-même, vous restiez en marge de la

4 politique ?

5 R. : Et je ne rencontrais pas de gens qui étaient membres de quelque

6 parti; nous n’avions rien à nous dire, rien à discuter.

7 Q. : Dans Kozarac proprement dit, serait-on justifié à dire que certains

8 groupes qui étaient partisans du SDA avaient établi des postes de

9 contrôle ou de garde dans différents édifices et en différents

10 endroits dans cette ville ?

11 R. : Je ne sais pas.

12 Q. : Vous n’étiez pas au courant du poste de garde à l’extérieur de

13 l’église orthodoxe proche de votre domicile ?

14 R. : J’avais entendu parler de divers autres endroits mais ceux-ci étaient

15 de composition ethnique différente. J’ai aussi entendu une autre

16 version selon laquelle la tâche prioritaire et exclusive de ce poste

17 de garde était de protéger l’église parce que des rumeurs couraient

18 à Kozarac que quelqu’un voulait faire sauter l’église, une église

19 qui n’avait pas ennuyé les habitants de Kozarac pendant des siècles.

20 Il semble donc que leur mission était de protéger l'église.

21 Q. : Le prêtre orthodoxe que vous avez mentionné s'appelle t-il Mladen

22 Mejakic ?

23 R. : Je ne connais pas du tout cette personne, je ne l'ai jamais

24 rencontré.

25 Q. : Vous ne le connaissiez pas alors qu'il vivait à côté de l'église ?

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1 R. : Oui, mais je ne le connaissais pas du tout. Il n'a probablement

2 habité à cet endroit que peu de temps parce que je sais que beaucoup

3 de gens ont déménagé dans ce quartier. Il y en avait un certain

4 nombre. Je ne le connaissais pas. J'aurais peut-être pu le

5 rencontrer ce jour là si nous avions accompli la mission qui nous

6 avait été donnée.

7 Q. : Vous saviez qu'il s'était enfui de Kozarac avec sa famille ?

8 R. : On en parlait dans la localité. "Le prêtre orthodoxe est parti,

9 quelque chose pourrait arriver". Et c'est la raison pour laquelle

10 nous voulions le ramener dans la ville et qu'il vive parmi nous,

11 parce que nous ne pensions pas qu'il avait des raisons de quitter

12 Kozarac.

13 Q. : Saviez-vous qu'il était parti avec sa famille ?

14 R. : Non.

15 Q. : Qu'il était parti au début de mai, le 3 mai en fait ?

16 R. : Nous avons reçu cette mission d'essayer de le persuader de revenir

17 vers la mi-mai. Je ne sais pas quand il est parti.

18 Q. : Saviez-vous que, initialement, il avait quitté Kozarac et était parti

19 à Banja Luka ?

20 R. : Je ne sais absolument rien de ses déplacements et des routes qu'il a

21 empruntées.

22 Q. : Vous ne savez donc rien des raisons de son départ ?

23 R. : Rien.

24 Q. : Mais vous nous avez dit que M. Tadic avait agi de façon destructive

25 parce qu'il n'avait pas réussi à convaincre le prêtre de revenir ?

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1 R. : Non, ce n'était pas sa mission. Sa mission était de prendre contact

2 avec le prêtre de sorte à ce que celui-ci nous reçoive et que moi-

3 même, Dusko et Kemal Susic puissions le rencontrer. A deux reprises

4 le contact n'a pas été établi et la troisième fois, quand nous

5 sommes arrivés pour voir si nous pouvions y aller, nous n'avons pas

6 trouvé Dusko.

7 Q. : Quand vous dites que le contact n'a pas été établi, voulez-vous dire

8 que le prêtre refusait de vous voir ou que Dusko Tadic n'avait pas

9 parlé avec lui ?

10 R. : Les deux sont possibles.

11 Q. : Mais vous nous avez déclaré plus tôt aujourd'hui que M. Tadic vous

12 avez dit que le prêtre était trop occupé pour vous recevoir et qu'il

13 ne voulait pas vous voir ?

14 R. : Oui, il ne pouvait pas nous recevoir ce jour là parce qu'il était

15 trop occupé, ce qui voulait dire qu'il pourrait probablement le

16 faire le lendemain. Et quand nous y sommes retournés le lendemain,

17 le même groupe au même endroit, la réponse a de nouveau été qu'il

18 était occupé. La troisième fois avec Susic, nous n'avons pas trouvé

19 Dusko à l'endroit convenu la veille, devant le café.

20 Q. : Vous avez dit à la cour que Dusko Tadic avait agi de façon

21 destructive mais vous ne savez pas ce que Dusko Tadic et le prêtre

22 se sont dits ?

23 R. : C'est logique. Ou le prêtre ne voulait pas nous recevoir ou Dusko ne

24 voulait pas établir de contact avec lui. Il n'y a pas d'autre

25 possibilité.

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1 Q. : Si le prêtre ne voulait pas vous recevoir on ne pourrait pas alors

2 dire que Dusko Tadic a agi de façon destructive ?

3 R. : Pourquoi Dusko Tadic ne nous a t-il pas donné la raison du refus du

4 prêtre de nous recevoir ce jour là ? Mais il nous a dit que le

5 prêtre était occupé et qu'il serait libre le lendemain. S'il était

6 occupé le lendemain il nous recevrait le jour suivant. Mais je me

7 demande réellement s'il est vrai qu'il ne pouvait pas nous recevoir

8 durant l'un de ces trois jours.

9 Q. : Ou, exactement, de sorte qu'il serait erroné, puisque vous ne le

10 savez pas, de blâmer Dusko Tadic si le prêtre ne voulait pas vous

11 recevoir ?

12 R. : Dusko Tadic avait assumé une responsabilité du Conseil civique dont

13 il était membre et il devait l remplir.

14 Q. : S'il ne peut pas la remplir, ce n'est pas de sa faute n'est-ce pas ?

15 R. : Alors il aurait du nous dire qu'il n'était pas à la hauteur de la

16 tâche et nous aurions cherché quelqu'un d'autre pour prendre

17 contact.

18 Q. : Quand vous nous avez parlé de l'article de journal et de la lettre de

19 menace anonyme envoyée à la famille Tadic, vous ne saviez pas

20 personnellement qui avait écrit cette lettre ?

21 R. : Au début je ne le savais pas mais j'ai dit que le parti dirigeant

22 avait exprimé ses réserves en ce qui concerne la lettre et son

23 contenu et que les gens faisaient des hypothèses à Kozarac parce que

24 rien de pareil n'était jamais arrivé. Bien sûr, elle a également été

25 communiquée aux autorités compétentes du MUP pour qu'elles mènent

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1 l'enquête nécessaire et le reste, comme d'analyser l'écriture etc.

2 J'ai mentionné la rumeur qui courait à Kozarac quant à l'auteur de

3 la lettre.

4 Q. : Exactement. C'est ce que vous avez entendu dire par une autre

5 personne vous répétant ce qu'elle a entendu dire d'une enquête ou,

6 pire encore, de nombreuses personnes parlant entre elles ?

7 R. : Officiellement, l'interprétation officielle de la police n'existe

8 pas. C'est tout à fait naturel parce que cela aurait alimenté de

9 nouveaux conflits, créé de nouveaux problèmes et c'est peut-être la

10 raison pour laquelle il n'y a pas eu de communiqué officiel.

11 Q. : Vous dites que le parti SDA s'est dissocié de l'envoi de cette lettre

12 mais cela ne veut pas dire pour autant qu'elle n'aurait pas pu être

13 envoyée officieusement par des extrémistes, jeunes ou moins jeunes ?

14 R. : Je pense que la rumeur qui s'est répandue dans Kozarac était que la

15 lettre avait été écrite par Mira Tadic.

16 Q. : Personne n'a accepté la responsabilité de l'envoi de cette lettre ?

17 R. : Non.

18 Q. : S'agissant de Kozarac proprement dit, certaines personnes ne se sont-

19 elles pas identifiées davantage comme pro-Musulmans, pro-SDA ?

20 R. : Je ne pense pas.

21 Q. : Savez-vous si certaines personnes ont acquis des armes pour leur

22 usage personnel ?

23 R. : Je ne sais pas. Je n'avais pas de contact. Je vous l'ai dit. La

24 politique et tout cela ne m'intéressaient pas. Je vous le répète.

25 Q. : Auriez-vous été surpris à l'époque d'apprendre que c'est ce qu'ont

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1 fait certaines personnes ?

2 R. : Je n'aurais pas été surpris du tout parce que j'ai pu voir à Kozarac

3 des gens en uniforme d'origine serbe portant des sacs de munitions

4 ou un fusil ou quelque chose. Si les Serbes peuvent les porter,

5 pourquoi pas les Musulmans ?

6 Q. : Nous dites-vous que vous n'avez vu, que d'après votre expérience,

7 votre souvenir des choses, est que vous n'avez vu à Kozarac que des

8 Serbes portant des munitions, des uniformes, des armes et que vous

9 n'avez pas vu de Musulmans en uniforme ou portant des armes ?

10 R. : J'ai vu des Musulmans mais je sais que ce sont des chasseurs et ils

11 avaient leur fusil de chasse ... et pourquoi le portait-il sur son

12 épaule ou à la main, je ne sais pas vraiment. Mais je n'ai observé

13 personne portant un fusil militaire traditionnel ou quelque autre

14 arme moderne automatique ou semi-automatique à Kozarac. Par contre,

15 j'ai vu des Serbes le faire. J'ai vu Borovnica porter une arme

16 automatique dans Kozarac ou un individu du nom de Tepo. Son nom de

17 famille pourrait être Vidovic, je ne suis pas certain. Il allait au

18 restaurant armé.

19 Q. : Vous nous dites donc en fait que vous n'avez pas vu de personnes à

20 des postes de contrôle, de Musulmans armés nulle part dans Kozarac ?

21 R. : Je n'ai pas dit cela. Il y avait des gens aux postes de contrôle et

22 ils disaient qu'ils étaient membres de la Défense territoriale, qui

23 était une unité régulière jointe à la JNA.

24 Q. : Vous avez donc vu des membres de la TO avant le conflit montant la

25 garde en armes dans différents endroits de Kozarac ?

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1 R. : Oui, les gardes étaient d'origine ethnique mélangée. Il y avait

2 également des Serbes. L'un de mes voisins ou plutôt le gendre de

3 l'un de mes voisins, un homme appelé Ljuban - je ne me souviens pas

4 de son nom de famille - était aussi l'un des gardes. Ils avaient des

5 rotations de sorte que la garde n'était pas composée d'une seule

6 ethnie.

7 Q. : Vous nous dites donc que les Musulmans n'étaient pas les seuls à

8 monter la garde mais que cela concernait tout le monde dans la

9 communauté ?

10 R. : Oui, les membres de la Défense territoriale ... la suggestion était

11 que nous devrions contrôler ces carrefours pour éviter que

12 quelqu'un, un inconnu, entre et provoque un incident ou quelque

13 chose du genre. A mon avis, c'était le rôle de ces gardes aux points

14 de contrôle.

15 Q. : Avez-vous assisté à toutes les réunions de médiation en mai à

16 Prijedor ou seulement à quelques unes ?

17 R. : Non, je me souviens d'avoir assisté à une réunion. J'étais invité

18 mais j'avais mon travail à faire. Je travaillais à l'école. Je n'y

19 suis pas allé mais tous les autres y ont assisté et ils informaient

20 ensuite les citoyens de ce qui avait été convenu avec les

21 représentants des autorités serbes, ce qui était requis, ce qu'il

22 fallait faire etc.

23 Q. : La réunion à laquelle vous avez assisté est celle à laquelle Dusko

24 Tadic était présent ?

25 R. : Oui et Zigic Milenko.

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1 Q. : Savez-vous s'il a assisté à une autre réunion quand vous n'étiez pas

2 présent ?

3 R. : Je ne sais pas.

4 Q. : Après l'attaque de Kozarac, vous avez trouvé refuge dans la ville

5 même, vous ne l'avez pas quittée comme beaucoup d'autres ?

6 R. : J'étais à Kozarac le jour de l'attaque, le dimanche, tout le temps,

7 toute la nuit, la nuit du dimanche au lundi. Et le lundi matin, mes

8 voisins ont pensé que nous devrions nous réfugier dans les bois. Ma

9 voiture était dans la cour et nous avons décidé que je devrais

10 partir avec mon voisin Fazlic Kemal. Il a pris la famille Saric dans

11 sa voiture et j'ai pris la famille Kusuran et mon beau-frère, Zijad,

12 dans la mienne.

13 Nous sommes allés dans la direction de Debeli Prijeg où nous avions

14 un chalet. Il y avait de nombreuses personnes, des charrettes tirées

15 par des chevaux, des tracteurs, des personnes à pied, des

16 limousines. Puis nous sommes montés jusqu'au dessus de la mosquée.

17 J'ai laissé ma voiture - nous pouvions voir qu'il était impossible

18 d'aller plus loin - je l'ai laissée près d'une maison en

19 construction et ma famille, Kemal et la famille Saric ont continué.

20 Nous ne pouvions pas aller plus loin en raison du bombardement et

21 nous nous sommes abrités dans la cave de la maison d'un voisin,

22 plein de femmes et d'enfants. Nous y sommes restés deux ou trois

23 heures.

24 Puis j'ai vu qu'il était impossible d'y rester, que c'était

25 dangereux et j'ai dit à mes trois amis que je sortais et qu'ils

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1 devaient réfléchir. Ils m'ont suivi vers Brdjani où le lundi en fin

2 d'après-midi nous avons passé quelques heures et, une fois la nuit

3 tombée, nous sommes rentrés à nos domiciles, vers le centre.

4 Q. : Vous auriez donc passé cette nuit du lundi 25 mai de retour à

5 Kozarac, est-ce bien cela ?

6 R. : Non, la nuit du lundi au mardi et celle du dimanche au lundi je l'ai

7 passée à Kozarac avec les voisins que j'ai mentionnés.

8 Q. : Donc le 26 mai quand vous avez rejoint la colonne de Mrakovica ...

9 R. : Ce n'était pas une colonne de Mrakovica. Elle venait de la direction

10 de Mrakovica. Je ne sais pas exactement d'où venaient ces gens mais

11 nous l'appelons la direction de Rajkovici. C'est la colonne que nous

12 avons rejoint à l'exception des familles Fazlic et Saric dont

13 j'ignorais alors le sort.

14 Q. : Oui, je comprends ce que vous dites et je ne faisais que citer votre

15 témoignage de ce matin. Tout ce que je voulais savoir est l'heure à

16 laquelle vous vous êtes joint à la colonne ?

17 R. : Entre 7 et 8 heures.

18 Q. : Le matin ?

19 R. : Le mardi matin.

20 Q. : Pouvez-vous me dire à quelle heure vous êtes arrivé à la gare

21 routière sur la route Banja Luka/Prijedor ?

22 R. : L'endroit où j'ai rejoint la colonne se trouvait à environ 300, 400

23 ou 500 mètres du croisement Banja Luka/Prijedor. Il faut peut-être

24 une dizaine de minutes pour atteindre ce carrefour mais nous ne

25 sommes pas restés là. Nous avons continué dans la direction de

Page 3501

1 Prijedor. Nous avons atteint la gare routière à Kozarusa, connue

2 sous le nom de Limenka. Il y avait un important poste de contrôle

3 là, avec beaucoup de personnel militaire, de matériel, des chars,

4 des canons. C'était un point de contrôle. On nous a fouillé et les

5 hommes ont été séparés des femmes et des enfants placés à gauche et

6 on nous a ordonné de nous mettre à droite.

7 Q. : Je m'excuse, ma question était, et vous pouvez peut-être m'aider,

8 quelle heure était-il quand vous avez atteint ce point de contrôle ?

9 R. : Il nous a peut-être fallu une demi-heure pour atteindre ce poste à

10 partir de l'endroit où j'ai rejoint la colonne.

11 Q. : Vous dites que les hommes ont été séparés à cet endroit des femmes et

12 des enfants ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Qui effectuait ce tri ?

15 R. : Des gens en uniforme, portant essentiellement les uniformes vert-de-

16 gris de l'armée de l'ex-Yougoslavie.

17 Q. : En connaissiez-vous certains ?

18 R. : Non.

19 Q. : Quand on vous a emmené à Keraterm où vous avez passé une nuit,

20 connaissiez-vous certains des gardes qui se sont occupés de vous ?

21 R. : Je ne connaissais aucun des gardes mais je connaissais un soldat qui

22 est entré dans le camp ou plutôt la pièce où nous nous trouvions. Je

23 lui ai même demandé "Cedo, peux-tu me donner une cigarette ou deux

24 ?" Ce Cedo était le frère d'un de mes enseignants, le frère de

25 Tambic Bozo. Il est sorti et m'a ramené une ou deux cigarettes.

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1 Q. : Quand vous êtes allé à Omarska le lendemain soir, connaissiez-vous

2 certains des gardiens avec lesquels vous avez eu à faire à cet

3 endroit ?

4 R. : Non.

5 Q. : Quand on vous interrogé après votre arrivée, connaissiez-vous la

6 personne qui vous a interrogé ?

7 R. : Ils étaient cinq. Je n'en connaissais aucun personnellement bien que

8 dans les salles voisines il y ait eu des enquêteurs que je

9 connaissais.

10 Q. : En ce qui concerne uniquement votre propre interrogatoire,

11 connaissiez-vous certains des gardes ?

12 R. : Non, je ne connaissais personne. Ce n'étaient pas des gardes. Ils

13 étaient cinq dans la salle où j'ai été interrogé et je n'en

14 connaissais aucun. Je ne connaissais non plus aucun des trois

15 policiers qui m'ont escorté.

16 Q. : Quand vous avez été placé dans le local que vous appelez le garage,

17 connaissiez-vous certains des gardes qui s'occupaient de vous à cet

18 endroit ?

19 R. : Personnellement non mais quand la porte était ouverte, je pouvais

20 voir qu'il y avait là un homme en uniforme. Mais je ne connaissais

21 personne.

22 Q. : Connaissiez-vous certains des gardes quand on vous a emmené du garage

23 à la pista ?

24 R. : Non. Ils étaient deux ou trois à nous escorter. Ils changeaient

25 régulièrement mais je n'en connaissais aucun.

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1 Q. : Quand vous mentionnez les autres personnes qui interrogeaient les

2 détenus, avez-vous vu quelqu'un que vous connaissiez dans l'édifice

3 où se déroulaient les interrogatoires ?

4 R. : Parlez-vous des autres membres de la Commission ?

5 Q. : Oui, parce que vous ne connaissiez aucun de ceux qui vous ont

6 interrogés ou les autres personnes dans cette pièce et je vous

7 demande si vous connaissiez quelqu'un d'autre dans cet édifice et

8 que vous auriez vu ?

9 R. : Nous avons eu l'occasion au moins ce jour là quand nous nous tenions

10 sur la pista dans l'après-midi. Ils terminaient leur travail,

11 montaient dans un car, un petit fourgon utilisé par les mineurs de

12 Banja Luka et ils quittaient les salles d'interrogatoire. J'ai vu

13 l'un de mes collègues. Il enseignait à l'école du 16 mai. Il

14 s'appelait Radakovic. Je ne me souviens pas de son prénom.

15 Q. : Est-il le seul que vous connaissiez à être monté dans le car ?

16 R. : Je n'ai remarqué que lui. Je l'ai reconnu. Je ne connaissais pas les

17 autres.

18 Q. : Vous dites que vous avez vu Tadic en une occasions sur la pista ?

19 R. : Ce vendredi là, oui, nous étions autorisés à nous asseoir ou à rester

20 debout mais c'est à ce moment là quand nous étions debout que j'ai

21 aperçu Dusko Tadic.

22 Q. : Si c'est possible, à l'aide de la baguette sur la table à côté de

23 vous, pourriez-vous vous lever et indiquer ... et si on peut

24 maintenant montrer sur l'écran vidéo la maquette entre l'édifice des

25 interrogatoires et le hangar de façon que nous puissions voir sur

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1 nos écrans, si nous pouvions l'agrandir ? Je ne semble pas avoir le

2 même contrôle que les autres ! Je dis cela poliment.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je peux le voir. Pourquoi ne demandez-vous pas

4 au témoin d'indiquer l'endroit ? Voilà.

5 M. KAY : Merci. (Au témoin). Pouvez-vous nous indiquer où vous vous

6 teniez à l'endroit où vous nous dites avoir vu Dusko Tadic ?

7 R. : Est-ce que je peux le montrer sur la maquette ici ?

8 QUESTION : Oui.

9 REPONSE : Je ne peux pas voir très bien sur l'écran.

10 Q. : Ne regardez pas l'écran.

11 R. : Le garage est ici.

12 Q. : Maintenez votre baguette à cet endroit. Oui, nous connaissons bien le

13 bâtiment.

14 R. : Je faisais face à l'entrée quand je suis entré le jeudi matin.

15 J'étais à mi chemin le long de ce bâtiment, quelque part ici je

16 pense, de sorte que je pouvais voir en diagonale.

17 Q. : Oui, maintenez votre baguette là s'il vous plaît où vous dites que

18 vous vous teniez seulement pour un instant, où vous vous teniez.

19 Est-ce là où vous vous trouviez ?

20 R. : Assis et debout et à ce moment là j'étais debout.

21 Q. : Pourriez-vous garder votre baguette où vous étiez assis et debout

22 quand vous avez vu Dusko Tadic ? Je ne sais pas s'il y a un autre

23 angle que les cameramen ... oui, ils le peuvent. C'est celui-là.

24 Maintenant si vous pouviez nous montrer où vous dites que M. Tadic

25 se trouvait quand vous l'avez aperçu sur la pista ?

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1 R. : En gros ici quelque part, à peu près ici.

2 Q. : Merci. L'endroit que vous indiquez était donc proche de l'édifice des

3 interrogatoires, est-ce exact ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Est-ce là que vous et les détenus étiez emmenés du hangar ?

6 R. : Pourriez-vous répéter la question ?

7 Q. : Vous avez dit que vous étiez sur la pista parce qu'on vous avait

8 laissé sortir avec les autres détenus et que vous pouviez vous

9 asseoir ou vous tenir de bout. Etiez-vous à cet endroit avec les

10 autres détenus ?

11 R. : Ce vendredi matin quand ils nous ont autorisé à sortir du garage

12 probablement parce que nous étions trop nombreux à l'intérieur, ils

13 nous ont laissé nous tenir debout le long de ce bâtiment. Nous avons

14 demandé si nous pouvions nous asseoir et ils ont répondu que oui.

15 Certains étaient assis, d'autres debout et les positions

16 changeaient. C'étaient les gens qui avaient été interrogés le jeudi

17 après-midi. Ils étaient mis ensuite dans le garage. C'est là que

18 nous avons passé la nuit à environ 150 ou 200 personnes. C'étaient

19 les gens qui étaient sortis. Et le soir quand la nuit était bien

20 tombée, ils nous ont emmené dans la même direction vers l'une de ces

21 portes de garage, l'une ou l'autre et nous sommes montés dans la

22 dernière pièce à l'étage. Nous n'avons pas été rejoints uniquement

23 par ceux qui avaient passé la nuit dans le garage mais plus tard

24 dans l'après-midi d'autres détenus se sont aussi joints à nous. Je

25 ne sais pas d'où ils venaient ni où ils avaient passé la nuit.

Page 3506

1 Q. : Combien de personnes étaient dans ce groupe que vous décrivez le

2 vendredi ?

3 R. : Le soir du jeudi, je ne sais pas exactement, peut-être 10, 11 ou 12.

4 Quand j'ai été amené dans le garage après l'interrogatoire j'étais

5 le deuxième d'un groupe de cinq. Des gens arrivaient sans cesse et à

6 un moment donné j'ai compté 150 personnes et je me suis arrêté de

7 compter. Nous étions si serrés que nous ne pouvions pas nous

8 asseoir. Certains d'entre nous étions debout sur un pied. Je me

9 souviens de deux hommes, qui se sont évanouis, qui ont perdu

10 connaissance. Il y avait une petite fenêtre, il n'y avait pas d'air.

11 Denic Junuz et Susic Zijed, ils ont été jeté dehors pour respirer un

12 peu d'air frais puis ils ont été remis dans le garage. Ils voyaient

13 qu'ils ne pouvaient pas vivre dans cet espace confiné. Nous sommes

14 restés là jusqu'à la fin de l'après-midi quand, comme je l'ai dit,

15 on nous a fait monter à l'étage.

16 Q. : L'endroit que vous nous avez montré près de ce bâtiment était celui

17 où vous avez été placé à un moment donné avec quelque 150 autres

18 personnes, est-ce exact ?

19 R. : Oui, le garage est l'endroit où nous avons été emmenés après

20 l'interrogatoire le jeudi et où nous avons passé la nuit du jeudi au

21 vendredi. On nous a fait sortir le vendredi matin. Nous avons passé

22 toute la journée sur la pista et le soir nous avons été mis dans

23 cette salle à l'étage.

24 Q. : Oui, mais vous pourriez peut-être vous lever de nouveau avec la

25 baguette et nous indiquer où vous vous trouviez et je vous poserais

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1 de nouveau la question. Merci. Pourrait-on avoir le même angle de la

2 caméra.

3 R. : Je me souviens en gros de la porte que j'ai franchi du mercredi au

4 jeudi, cette porte. Ce vendredi là j'étais en face de cette porte,

5 peut-être un mètre à gauche ou à droite, je ne suis pas certain.

6 Q. : Pourriez-vous rester debout de sorte que nous puissions voir avec la

7 baguette. Je veux m'assurer que vous comprenez la question. Pouvez-

8 vous désigner le même endroit de nouveau et y maintenir la baguette

9 ?

10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il l'a indiqué à deux reprises, M. Kay. Il

11 comprend la question. Je crois que je comprends la question et je

12 comprends les deux réponses. Pourquoi voulez-vous qu'il pointe une

13 troisième fois ?

14 M. KAY : Mme la Présidente, j'essaye seulement de clarifier ...

15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C'est très clair.

16 JUGE STEPHEN : C'est parfaitement clair.

17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C'est très clair.

18 M. KAY : Mme la Présidente, dans mon esprit je pense que le témoin ...

19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous n'avez pas à déterminer si c'est clair ou

20 non dans votre esprit. Nous avons décidé que c'est clair. Vous lui

21 avez demandé à deux reprises. Continuez.

22 M. KAY : Je vais continuer. (Au témoin) : Si vous voulez bien vous

23 asseoir, mais ...

24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mais vous voulez dire que ce n'est toujours pas

25 clair dans votre esprit. C'est clair. Continuez M. Kay.

Page 3508

1 M. KAY (Au témoin) : Etiez-vous dans cette position avec quelque 150

2 autres personnes ?

3 R. : Vous me posez la question ?

4 Q. : Oui.

5 R. : Tous les détenus qui avaient passé la nuit dans le garage, je le

6 répète, ont du sortir sur la pista ce vendredi matin. J'étais parmi

7 eux. Nous étions à la file l'un derrière l'autre; une file, nous

8 avions passé la nuit debout. Quand nous sommes sortis sur la pista

9 nous avons demandé si nous pouvions nous asseoir. On nous a autorisé

10 à le faire mais seulement alignés un par un (sic). Vous pouvez vous

11 tourner vers la droite ou la gauche. Parfois vous vous levez un peu.

12 C'est comme cela que nous avons passé la journée.

13 Q. : Y avait-il d'autres détenus en un autre endroit que celui que vous

14 avez indiqué à l'extérieur sur la pista ?

15 R. : Y avait-il d'autres prisonniers appartenant à ce groupe ou d'autres

16 détenus en général ?

17 Q. : Pas de façon générale dans le camp mais sur la pista. Vous avez dit

18 que vous étiez avec un groupe important. Y avait-il d'autres détenus

19 sur la pista ...

20 R. : C'est le groupe.

21 Q. : Merci. Donc quand vous avez aperçu M. Tadic, vous regardiez en fait à

22 travers un important groupe de personnes ?

23 R. : Je ne dirais pas cela. La plupart des détenus étaient assis. Ils se

24 levaient de temps en temps parce qu'ils étaient fatigués d'avoir

25 passé la nuit debout, de la torture que nous avions subi durant

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1 l'interrogatoire, des mauvais traitements, du harcèlement. Il n'y

2 avait donc aucune chance théorique d'une personne obstruant ma vue,

3 bloquant ma vue.

4 Q. : Vous n'avez pas regardé la personne longtemps, seulement un bref

5 instant ?

6 R. : Assez longtemps pour le reconnaître et je me suis assis

7 immédiatement. Vous savez pourquoi.

8 Q. : Mais c'était un bref instant n'est-ce pas ?

9 R. : Assez longtemps pour reconnaître mon voisin que je connaissais depuis

10 des années.

11 Q. : Parce que ce que je vous suggère c'est que vous avez fait une erreur

12 durant ce bref instant. Vous n'avez pas vu Dusko Tadic ?

13 R. : Je ne vous ai pas vu à Omarska, monsieur, et j'y étais.

14 Q. : A ce stade, vous n'avez jusqu'à présent reconnu personne d'autre

15 parmi les personnes avec lesquelles vous avez eu des rapports durant

16 votre détention à Keraterm et à Omarska. C'est la première personne

17 que vous connaissez ?

18 R. : A Keraterm, j'ai dit que j'avais rencontré Cedo Tambic.

19 Q. : J'avais oublié. C'est exact.

20 R. : Les gens ne communiquaient pas avec moi parce que c'était inutile.

21 Pour tout vous dire, je ne tenais pas à communique parce que c'était

22 préférable qu'on ne me voit pas ou qu'on ne me reconnaisse pas,

23 parce que à Omarska il n'y avait pas de registre des noms des

24 détenus et afin d'éviter toute identification pas seulement moi mais

25 bon nombre des autres se sont comportés de la même façon et évité

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1 les contacts avec d'autres détenus.

2 Q. : Mais vous aviez été un enseignant pendant des années à Kozarac, de

3 nombreux élèves étaient passés dans les écoles où vous aviez

4 enseigné et durant ces trois jours jusqu'au vendredi vous n'avez

5 reconnu personne d'autre que le garde qui était le fils d'un de vos

6 collègues et la seule personne que vous ayez reconnu autrement est

7 Dusko Tadic ?

8 R. : Oui.

9 Q. : La seconde fois où vous l'avez vu, c'était durant le milieu de la

10 semaine suivante en milieu de journée n'est-ce pas ?

11 R. : Vers le milieu de la journée. Je ne suis certain si c'était le jeudi

12 ou le vendredi. Je ne peux pas dire pour certain.

13 Q. : Vous rappelez-vous de la date de votre départ d'Omarska ?

14 R. : C'était le vendredi de cette semaine là.

15 Q. : A ce stade vous aviez passé trois jours dans le camp ?

16 R. : Non, j'y avais déjà passé une semaine avant cela. Je suis arrivé à

17 Keraterm le 26. Puis le 27 et le 28 j'étais à Omarska. J'ai passé

18 toute cette semaine là à Omarska de même que la semaine suivante.

19 Q. : Vous rappelez combien de jours c'était avant votre départ d'Omarska ?

20 R. : Un jour ou deux. C'était au milieu de la semaine et je suis sorti en

21 fin de semaine. Ce devait être un jour ou deux avant cela.

22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue jusqu'à 14 heures 30.

23 (13 heures)

24 (Suspension d'audience du déjeuner).

25 (14 heures 30)

Page 3511

1 M. NIEMANN : Mme la Présidente, je crois que M. le juge Vohrah a demandé

2 que l'on produise un plan. Nous avons un plan, Madame, messieurs de

3 la Cour. Il y a en a trois copies plus un original. Je ne sais pas

4 si la cour veut le marquer comme pièce à conviction ? J'en ai donné

5 une copie à la défense. S'il doit devenir une pièce à conviction, ce

6 serait la 238. Il s'agit du plan du rez-de-chaussée et du premier

7 étage du garage. Les chiffres qui figurent sur le plan qui vous est

8 remis Madame, messieurs de la Cour correspondent à ceux qui figurent

9 sur la maquette proprement dite.

10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Est-ce le 238 ou voulez-vous le déposer comme

11 pièce à conviction ? 130 est je crois ...

12 M. NIEMANN : 130A correspondrait peut-être.

13 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons vérifier avec le 130 mais c'est

14 vraiment surtout pour nous aider n'est-ce pas ?

15 M. NIEMANN : Oui.

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Nous avons déjà 130 mais 130A est admis

17 comme une pièce destinée à nous faciliter les choses au moins quand

18 nous ne sommes pas dans le prétoire. Très bien. Des objections ?

19 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.

20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Parfait. Merci.

21 Rappel de M. KAHRIMANOVIC à la barre

22 Poursuite du contre-interrogatoire par M. KAY

23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, vous pouvez continuer.

24 M. KAY : De façon à ce que tout soit bien clair, M. Kahrimanovic, puis-je

25 également vous suggérer que, en fait, la deuxième fois que vous

Page 3512

1 dites avoir vu Dusko Tadic, que dans les circonstances où vous dites

2 l'avoir vu, vous vous êtes trompé, ce n'était pas lui ?

3 R. : C'était lui.

4 Q. : Pouvez-vous nous le décrire à l'époque ?

5 R. : Uniforme ordinaire et pas vraiment une barbe mais un duvet pas très

6 bien entretenu.

7 M. KAY : Pas d'autres questions. Merci.

8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

9 M. NIEMANN : Pas d'autres questions.

10 Interrogatoire par la Cour

11 JUGE STEPHEN : Monsieur, je ne comprends pas très bien votre témoignage

12 sur les médicaments à l'école. Quelle était l'importance de la

13 présence ou non de médicaments à l'école ? Pouvez-vous me

14 l'expliquer ?

15 R. : Oui. Le règlement prévoit que chaque école doit posséder une trousse

16 d'aide d'urgence, soit dans une boîte soit dans un sac, et la

17 trousse comprend des bandages, de petits ciseaux en plastique, une

18 épingle etc... au cas où un élève se blesse à l'extérieur ou dans le

19 bâtiment de l'école, dans la cour

20 C'était important parce que mon secrétaire, le secrétaire de

21 l'école, Ante Zlotaj, s'est de nouveau retrouvé au camp d'Omarska du

22 fait que l'un des membres des troupes SDS, j'ignore qui, a trouvé

23 ces fournitures médicales en fouillant l'école et ils ont pensé

24 qu'elles étaient destinées à d'éventuelles opérations combattantes.

25 Mon école était donc dotée de l'une de ces trousses d'aide.

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1 Q. : Merci beaucoup, je comprends. La deuxième question que je veux vous

2 poser est : quand vous dites que vous avez vu l'accusé à deux

3 reprises à Omarska, vous rappelez-vous si la personne que vous avez

4 vue portait la barbe en ces deux occasions ?

5 R. : Pas vraiment la barbe, mais il n'étais pas rasé. C'est ce que je

6 voulais dire. C'est ainsi qu'il paraissait. Une barbe sous-entend

7 une certaine longueur tandis qu'il paraissait ne pas être rasé.

8 Q. : Merci. Ma dernière question se rapporte au prêtre qui a quitté la

9 ville et initialement votre tâche était d'essayer d'obtenir son

10 retour. Ceci étant, n'avez-vous pas cherché à connaître les raisons

11 de son départ et quelles raisons vous a t-on éventuellement donnée ?

12 R. : Je n'ai pas cherché à en connaître les raisons. Je pense,

13 personnellement, qu'il est parti pour des raisons de sécurité. Je

14 crois qu'il savait ce qu'allait être le sort de notre ville et c'est

15 la raison de son départ. Nous pensons qu'il n'y avait pas de

16 justification; nous avions vécu ensembles jusqu'alors et nous

17 voulions peut-être aussi retrouver notre confiance en le ramenant

18 dans notre milieu parce que son départ était injustifié. Mais il est

19 parti et il devait donc avoir certaines raisons de le faire et cela

20 semble signifier qu'il savait quelque chose que nous ignorions.

21 Q. : Mais personne ne vous a expliqué les raisons de son départ ?

22 R. : Pas que je sache.

23 Q. : Merci.

24 R. : Pas depuis son départ.

25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kahrimanovic, vous avez témoigné que 27

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1 personnes étaient parties en car à destination du camp de Trnopolje,

2 est-ce exact ? Puis quand vous êtes parti, vous n'étiez plus que 22.

3 Qu'est-il arrivé aux cinq autres ? Le savez-vous ?

4 R. : Je vais essayer d'expliquer. Il y a eu un malentendu. Nous avons été

5 emmené d'Omarska en car et nous étions alors 27. Nous sommes arrivés

6 devant le camp de Trnopolje et nous avons été enregistrés par la

7 personne qui nous escortait et on nous a dit de nous débrouiller

8 pour passer la nuit à cet endroit et que le lendemain un car

9 viendrait au bâtiment principal et nous emmènerait à Prijedor. Tout

10 a donc dépendu de la façon dont vous vous êtes débrouillé. J'avais

11 quelques amis et collègues sur place et ils m'ont emmené à la

12 bibliothèque de l'école. C'est là que j'ai passé la nuit. Le matin

13 je suis allé au poste de commandement comme convenu et j'ai cherché

14 un responsable. Je ne savais pas ce qui était arrivé au car dont on

15 nous avait dit la veille au soir qu'il nous emmènerait à Prijedor.

16 Il a insulté mon Dieu et m'a injurié et dit : "Où étiez-vous ? Nous

17 vous avons cherché toute la nuit. Nous avons trouvé 22 d'entre vous

18 et nous les avons mis dans le car qui les a emmenés à Prijedor". Et

19 je lui ai demandé : "Et qu'en est-il de nous ? Que devons-nous faire

20 ?" "Débrouillez-vous" a t-il répondu. Le commandant du camp est

21 arrivé dans l'intervalle. Il s'agissait de Slobodan Kuruzovic, un de

22 mes collègues enseignants et je lui ai demandé : "Slobo, tu sais que

23 nous sommes arrivés la nuit dernière et durant la nuit ils n'ont

24 trouvé que 22 d'entre nous. Je ne sais pas pourquoi ils les ont

25 emmenés et ce que nous sommes supposés faire maintenant ?" Il m'a

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1 demandé d'attendre.

2 Je suis retourné à la bibliothèque de l'école et quelques minutes

3 plus tard mon collègue Suljeman Causevic est venu et m'a dit : "Ils

4 te demandent Hamda". Je suis donc sorti avec trois autres personnes.

5 Je ne les connaissais pas mais nous étions les cinq derniers. On

6 nous a mis dans un fourgon de la police et emmené au bureau de la

7 SUP. Le lendemain nous étions tous rassemblés, les 27.

8 Q. : J'ai une autre question d'ordre général. Vous avez habité Kozarac

9 toute votre vie si je comprends bien, jusque récemment ?

10 R. : Oui, j'ai dit que je suis né à Kozarac et c'est là que je suis allé

11 de la fin de l'école primaire, les quatre dernières années, j'ai

12 passé les examens de sortie de l'école primaire et j'ai habité à

13 Kozarusa avec mes parents à mon retour du service militaire jusqu'en

14 67, 68 quand j'ai fini et en 68 j'ai construit ma propre maison.

15 Jusqu'alors j'avais habité dans la maison de ma famille et dans la

16 maison que j'ai construit, bien sûr, j'ai habité jusqu'au 26 mai 92.

17 Q. : Vous avez donc enseigné à la fois à des Musulmans et des Serbes à

18 l'école où vous étiez enseignant puis directeur, est-ce exact ?

19 R. : Absolument. Je n'enseignais pas pendant que j'étais directeur. Je

20 devais m'acquitter des fonctions du directeur mais avant ma

21 nomination au poste de directeur adjoint en 74 j'ai enseigné des

22 classes et après 74, après mon deuxième mandat de directeur, j'ai

23 repris l'enseignement mais à l'école de Kozarusa, qui avait été

24 construite dans l'intervalle comme l'école primaire jusqu'à la

25 huitième année mais toujours comme faisant partie de l'école de

Page 3516

1 Kozarac jusqu'en 82 quand j'ai de nouveau été nommé directeur de

2 cette école.

3 Quand j'étais à Kozarusa, j'étais, comment dire, un "invité".

4 J'étais un superviseur mais je n'avais pas le même rang que le

5 directeur de l'école de Kozarac.

6 Q. : Ma question se rapportait surtout au fait que vous avez enseigné aux

7 enfants musulmans et serbes. Les enfants serbes vont à l'école avec

8 les enfants musulmans si je comprends bien ?

9 R. : Absolument.

10 Q. : Vous avez mentionné que vous avez des personnes d'autres religions

11 dans votre famille. Vous avez habité un quartier peuplé de Serbes,

12 est-ce exact ? Tout cela est-il exact ?

13 R. : Mon voisin était un Serbe, un excellent homme.

14 Q. : Ma question ...

15 R. : Il est mort dans les bras de ma femme.

16 Q. : ... n'est peut-être pas une question juste. Je ne sais pas si vous

17 pouvez nous donner une réponse complète mais vous pouvez peut-être

18 m'aider à comprendre puisque je ne suis pas de votre région. Comment

19 pouvez-vous expliquer certaines des atrocités dont nous avons

20 entendu parler et je parle ici de façon générale, de toute l'ex-

21 Yougoslavie, comment pouvez-vous expliquer ces événements ? Etant

22 donné vos antécédents, votre expérience, sachant que Serbes et

23 Musulmans ont cohabité, sont allés à l'école ensembles, se sont

24 mariés ... comment cela a t-il pu se arriver ?

25 R. : Il est difficile de répondre à cette question. Je ne comprends pas

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1 non plus. J'ai les clés de mon voisin qui était Serbe et il avait

2 mes clés. C'est ainsi que nous nous protégions mutuellement. Nous

3 nous rendions visite. Mon témoin lors de mon mariage était un Serbe.

4 Nous étions amis bien que ce soit le même qui nous ait menacé. On ne

5 peut pas expliquer ce qui est arrivé à ces gens. C'était une sorte

6 de folie. On ne savait plus à qui faire confiance et je n'ai pas un

7 seul mot d'explication pour cela.

8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à ce que ce témoin soit dispensé

9 de façon permanente ... y a t-il d'autres questions, M. Niemann, M.

10 Kay ?

11 M. KAY : Non, Mme la Présidente.

12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à ce que M. Kahrimanovic soit

13 excusé de façon permanente ? Très bien. Vous êtes excusé, M.

14 Kahrimanovic. Merci beaucoup d'être venu.

15 (Départ du témoin)

16 LE TEMOIN : Merci.

17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, pouvez-vous appeler le témoin

18 suivant ?

19 M. NIEMANN : Merci, Mme la Présidente. J'appelle Zijad Jakupovic.

20 Appel de ZIJAD JAKUPOVIC à la barre

21 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, voulez-vous prêter serment s'il vous

22 plaît ?

23 LE TEMOIN (interprétation) : Je déclare solennellement de dire la vérité,

24 toute la vérité et rien que la vérité.

25 (Prestation de serment du témoin

Page 3518

1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez vous asseoir, monsieur.

2 Interrogatoire par M. NIEMANN

3 Q. : Vous appelez-vous Zijad Jakupovic et êtes-vous né le 8 septembre 1956

4 ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Où êtes-vous né, M. Jakupovic ?

7 R. : Je suis né à Kozarac, 107 Hrnici, le village de Hrnici.

8 Q. : Quelle est la distance entre le village de Hrnici et le centre de

9 Kozarac ?

10 R. : Un kilomètre et demi.

11 Q. : Où êtes-vous allé à l'école élémentaire ?

12 R. : Kozarac.

13 Q. : Avez-vous fait vos études secondaires à Prijedor ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Au lycée, avez-vous fait des études de construction en bâtiments ?

16 R. : Oui, c'était l'un des cours.

17 Q. : Avez-vous habité à votre domicile à Hrnici jusqu'en 1992 ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Avez-vous initialement travaillé comme maçon avant de devenir

20 exploitant agricole à Hrnici, après avoir travaillé comme maçon ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Avez-vous fait votre service militaire de juillet 1975 à 1976.

23 R. : Oui.

24 Q. : Avez vous fait votre service militaire dans une unité d'artillerie et

25 en Serbie ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : Etes-vous de nationalité et de religion musulmanes ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Connaissez-vous l'accusé dans cette affaire, Dule Tadic ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Vous rappelez-vous de la première fois où vous l'avez rencontré ?

7 R. : La première fois nous étions ensembles au cours élémentaire à

8 Kozarac, c'est-à-dire durant les 6ème, 7ème et 8ème années d'études.

9 Q. : Etiez-vous dans la même classe que Dule Tadic ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Bien que vous ayez habité le village de Hrnici qui est proche de

12 Kozarac, l'avez-vous vu de temps en temps à Kozarac jusqu'en 1992 ?

13 R. : Oui, je le voyais fréquemment.

14 Q. : Pouvez-vous nous dire brièvement où il habitait à Kozarac ?

15 R. : A Kozarac il habitait ... il avait un restaurant et au-dessus de ce

16 restaurant ... Perusa est son voisin, c'est son surnom. Perusa et

17 Hankic était son nom de famille ... il y a le café et sa maison est

18 au-dessus. Il y a je crois une boutique puis une autre maison

19 d'habitation. Je ne me souviens pas de leur nom, du nom de l'homme

20 habitant entre la boutique et le café de Dule; il y a une autre

21 maison et au-delà passe la route menant à l'hôpital.

22 Q. : Pour autant que vous sachiez, a t-il habité lui et sa famille à cet

23 endroit depuis que vous le connaissez ?

24 R. : Autant que je me souvienne, ils ont habité là toute leur vie.

25 Q. : Savez-vous quelle était la profession de Dule Tadic à Kozarac ?

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1 R. : Oui, il enseignait le karaté.

2 Q. : Savez-vous ce qu'il a fait après avoir enseigné le karaté ?

3 R. : Après cela il a tenu le café.

4 Q. : Connaissez-vous le nom de son père ...

5 JUGE STEPHEN : Si c'est seulement aux fins de le qualifier comme quelqu'un

6 pouvant identifier, nous en savons sûrement assez ?

7 M. NIEMANN : Si vous estimez, Madame, messieurs de la Cour, que cela

8 suffit, parfait. (Au témoin) : Vous rappelez-vous quand Kozarac a

9 été attaqué en mai 1992 ?

10 R. : Oui. C'était le 24 mai 1992 dans l'après-midi.

11 Q. : Etiez-vous à votre domicile lors de l'attaque ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Qu'avez-vous fait immédiatement au moment de l'attaque ? Où êtes-vous

14 allé avec votre famille ?

15 R. : Nous sommes descendus à la cave où je me suis abrité avec ma femme,

16 mes enfants et d'autres membres de la famille durant le

17 bombardement.

18 Q. : Avez-vous ensuite reçu des instructions à la radio ordonnant à la

19 population de se rendre à Trnopole ?

20 R. : Oui, ils nous tenaient informés à la radio et j'ai entendu dire

21 qu'une sorte de centre de rassemblement était formé à Trnopolje, que

22 nous devions tous nous y rendre et j'y ai donc emmené ma famille.

23 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à Trnopolje ?

24 R. : A Trnopolje, environ six jours.

25 Q. : Avez-vous ensuite été transféré à Keraterm ?

Page 3521

1 R. : Oui.

2 Q. : Durant votre séjour à Keraterm, avez-vous été placé dans une grande

3 salle avec quelque 200 autres détenus ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Pendant que vous étiez à Keraterm, avez-vous été battu ou maltraité ?

6 R. : Oui. J'ai été battu par Duca et Zigic, non pas une mais de nombreuses

7 fois.

8 Q. : Quand vous parlez de "Duca", à qui faites-vous référence ?

9 R. : Je ne connaissais pas Duca avant le conflit. Je l'ai rencontré dans

10 le camp de Keraterm. "Duca" est son surnom. Je crois qu'il

11 s'appelait Dusan Knesevic. "Dusan" est son prénom. Je ne suis pas

12 certain du nom "Knezevic".

13 Q. : A combien de reprises avez-vous été battu par Dusan ou Duca Knezevic

14 ?

15 R. : Il venait parfois le matin et parfois le soir, en voiture et en

16 civil, et il faisait ce qu'il était venu faire, c'est-à-dire nous

17 battre puis il repartait.

18 Q. : Connaissez-vous bien l'apparence de Duca Knezevic ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Vous avez dit il y a un instant que vous connaissiez Dusan Tadic ou

21 Dule Tadic. Selon vous, est-il possible de confondre les deux hommes

22 en les regardant ?

23 R. : Non.

24 Q. : Y a t-il une raison particulière pour laquelle vous dites que les

25 deux hommes ne se ressemblent pas ?

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1 R. : Ils étaient plus ou moins de la même taille sauf que Duca était très

2 costaud, les épaules très larges. Il était rond de figure et il

3 paraissait plus jeune.

4 Q. : Combien de temps êtes-vous resté au camp de Keraterm ?

5 R. : J'y suis resté entre 15 et 16 jours.

6 Q. : Où êtes-vous allé ensuite ?

7 R. : Je suis allé au camp d'Omarska.

8 Q. : Où vous ont-ils mis quand vous êtes arrivé à Omarska ?

9 R. : Ils nous ont mis dans la maison blanche.

10 Q. : Pendant votre séjour dans la maison blanche à Omarska, avez-vous

11 jamais vu l'accusé Dule Tadic ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Pouvez-vous me dire approximativement à quelle date vous l'avez vu

14 ... dans le camp d'Omarska je veux dire ?

15 R. : La date, c'était vers le 21 juin, le 21 ou le 22, je ne me souviens

16 pas exactement mais vers cette date.

17 Q. : Pouvez-vous nous dire approximativement à quel moment de la journée

18 vous l'avez vu ?

19 R. : Approximativement, pour tout vous dire, je n'avais pas de montre

20 parce qu'ils avaient pris nos montres mais c'était l'après-midi. Je

21 pense que c'était aux environs de 15 ou 16 heures.

22 Q. : Où vous trouviez-vous exactement quand vous avez aperçu Dule Tadic

23 pour la première fois ?

24 R. : J'entrais dans la maison blanche, la salle de droite.

25 Q. : Vous étiez près de l'entrée de la maison blanche ?

Page 3523

1 R. : Moi ? Pourriez-vous répéter la question ?

2 Q. : Etiez-vous assis près de l'entrée de la maison blanche, est-ce bien

3 ce que vous avez dit ?

4 R. : J'étais assis à l'intérieur dans la salle dans la maison blanche.

5 Q. : Je vois. La réponse à la question que j'ai ici dans le compte rendu

6 est : "J'entrais dans la maison blanche, la salle de droite". Vous

7 étiez déjà dans la maison blanche si je comprends bien, vous n'y

8 êtes pas entré ?

9 R. : J'étais assis dans la maison blanche et je regardais par la fenêtre

10 quand j'ai aperçu Dusko Tadic. C'est la première salle à droite.

11 C'est ce que j'ai dit. J'y ai passé 15 jours.

12 Q. : A quelle distance était Dule Tadic quand vous l'avez vu la première

13 fois ?

14 R. : Il n'était pas loin de la fenêtre, en gros, je dirais sept à 10

15 mètres.

16 Q. : L'avez-vous reconnu immédiatement ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Avez-vous pu le voir en son entier ?

19 R. : Non.

20 Q. : Quelle partie de lui avez-vous pu voir ?

21 R. : Je n'ai vu que le haut de son corps.

22 Q. : En dehors de toute obstruction pour ce qui est de voir cette partie

23 de lui, y avait-il des obstacles vous empêchant de le voir alors

24 qu'il passait devant la fenêtre ?

25 R. : Oui, j'étais assis au-dessous du rebord de la fenêtre, ce rebord

Page 3524

1 était en face de moi et m'empêchait de voir le bas de son corps.

2 Q. : Mais en dehors de cela vous pouviez le voir clairement ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Faisait-il beau ce jour là ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Avez-vous pu le voir un certain temps ?

7 R. : Non, pas longtemps ... juste pendant qu'il passait sous la fenêtre.

8 Q. : Marchait-il ou était-il arrêté quand vous l'avez vu ?

9 R. : Il marchait.

10 Q. : Etait-il avec quelqu'un ou seul ?

11 R. : Il y avait deux autres gardes avec lui.

12 Q. : L'aviez-vous vu avec des gens auparavant ?

13 R. : Non.

14 Q. : Y a t-il une raison ou un facteur particulier qui a déclenché votre

15 souvenir de Tadic quand vous l'avez vu en cette occasion ?

16 R. : La seule raison est que j'avais déjà une expérience des camps. Si

17 quelqu'un vous reconnaît ... ils tuent essentiellement les gens

18 qu'ils connaissent, leurs collègues de travail. Et j'avais peur

19 qu'il me reconnaisse.

20 Q. : C'est parce que vous le connaissiez que vous êtes devenu plus

21 attentif quand vous l'avez aperçu ?

22 R. : Certainement.

23 Q. : Vous rappelez-vous comment il était vêtu ?

24 R. : Je me souviens qu'il avait le haut d'une tenue camouflée et une

25 chemise du même genre mais rien sur la tête.

Page 3525

1 Q. : Avez-vous pu voir s'il était armé ou non ?

2 R. : Non, je ne pouvais pas voir s'il portait quelque chose à la main.

3 Q. : Avez-vous pu voir où il semblait se diriger ?

4 R. : Il allait vers l'entrée de la maison blanche.

5 Q. : L'avez-vous vu entrer effectivement dans la maison blanche ?

6 R. : Non, je ne pouvais pas le voir entrer. J'ai simplement entendu que

7 quelqu'un entrait.

8 Q. : Quand vous dites "entendu" voulez-vous dire que vous avez entendu des

9 pas ?

10 R. : Oui, comme des pas, vous pouviez entendre quelqu'un marcher.

11 Q. : Les pas que vous avez entendus étaient-ils compatibles avec lui et

12 deux autres gardes entrant dans la maison blanche ?

13 R. : Je ne connais pas l'origine de ces pas. J'ai seulement entendu des

14 pas.

15 Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans la maison blanche ?

16 R. : Dans la maison blanche, à peu près 15 jours. Je ne sais pas

17 exactement si c'était 15 ou 16.

18 Q. : Aviez-vous vu Dule Tadic dans la maison blanche en d'autres occasions

19 ?

20 R. : Non, je ne l'ai vu que cette fois là.

21 Q. : L'avez-vous jamais revu au camp d'Omarska ?

22 R. : Non.

23 Q. : L'avez-vous vu quitter le camp d'Omarska le jour où vous l'avez

24 aperçu ?

25 R. : Non.

Page 3526

1 Q. : Avez-vous jamais appartenu à un groupe militaire ou paramilitaire en

2 1992 ?

3 R. : Non.

4 Q. : Pouvez-vous regarder dans le prétoire, s'il vous plaît et me dire si

5 vous voyez la personne que vous connaissez sous le nom de Dule Tadic

6 ?

7 R. : Oui, il est assis entre les deux policiers.

8 M. NIEMANN : Oui, je pense qu'il l'a décrit Mme la Présidente.

9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès verbal indiquera que le témoin a

10 décrit ou, plutôt, identifié l'accusé.

11 M. NIEMANN : Pas d'autres questions, Mme la Présidente.

12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Un contre -interrogatoire ?

13 Contre-interrogatoire par M. KAY

14 M. KAY : Merci. M. Jakupovic, vous avez mentionné que vous avez vu Dusko

15 Tadic à Omarska vers le 21 ou 22 juin ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Pouvez-vous me dire comment vous pouvez préciser l'une ou l'autre de

18 ces dates, le 21 ou 22 juin ?

19 R. : Je peux préciser ces dates parce que du jour où je suis entré au

20 camp, et le temps que j'ai passé à Trnopolje et Keraterm plus celui

21 passé à la maison blanche puis après que je sois arrivé à la maison

22 blanche ... trois ou quatre jours plus tard j'ai rencontré ... j'ai

23 vu Dusko Tadic.

24 Q. : Oui. Ce que je vous demande c'est comment vous avez pu retenir l'une

25 ou l'autre de ces deux dates du 21 ou 22 juin ?

Page 3527

1 R. : Je n'ai pas choisi ces dates. Je ne me souviens pas si c'était le 21

2 ou le 22. J'ai dit vers le 21 ou 22. Je ne me souviens pas de la

3 date. Je suis arrivé de Keraterm, j'avais été passé à tabac.

4 J'essayais de survivre. Je ne me souviens pas de la date.

5 Q. : Ce pourrait donc être une date autre que le 21 ou le 22 juin ?

6 R. : Ce ne pourrait pas être une autre date parce que je sais. C'est

7 pourquoi j'ai dit "vers", parce que je connais le nombre de jours

8 que j'ai passé à Trnopolje, le nombre de jours à Keraterm, le nombre

9 de jours à la maison blanche.

10 Q. : En cette occasion où vous dites l'avoir vu, vous aviez passé combien

11 de jours à la maison blanche ?

12 R. : J'avais passé quatre ou cinq jours dans la maison blanche.

13 Q. : Vous dites que vous étiez assis dans la pièce sur la droite. Etiez-

14 vous assis par terre ?

15 R. : Oui. Non, pas par terre. Nous avions un genre de petit banc qui était

16 sur le sol mais qui n'était pas très haut.

17 Q. : Il y avait combien d'autres personnes dans la salle avec vous ?

18 R. : Dans cette pièce il y avait environ une dizaine d'autres personnes.

19 Q. : Etaient-ils assis comme vous ou debout ?

20 R. : Certains étaient assis. Le banc était petit. Deux ou trois personnes

21 seulement pouvaient s'y asseoir. La plupart d'entre eux étaient

22 assis par terre, sur le béton, la plupart d'entre eux.

23 Q. : Vous regardiez par la fenêtre et vous deviez regarder vers la pista,

24 située entre le centre des interrogatoires et le hangar à Omarska,

25 est-ce exact ?

Page 3528

1 R. : Non, je regardais directement par la fenêtre et vous ne pouvez pas

2 distinguer la pista de la fenêtre parce qu'elle se situe un peu sur

3 la gauche.

4 Q. : Donc si vous regardez par cette fenêtre, quelle vue du camp aviez-

5 vous de l'endroit où vous étiez assis ?

6 R. : De l'endroit où j'étais assis, je pouvais voir l'autre bâtiment droit

7 devant.

8 Q. : De la position où vous étiez assis vous ne pouviez pas voir l'herbe

9 devant la maison blanche ?

10 R. : L'herbe ? Non, comment aurais-je pu voir l'herbe devant la maison

11 blanche quand j'étais assis et que le rebord était juste dessous la

12 fenêtre ? Je ne voyais qu'un petit peu devant moi.

13 Q. : Quand vous dites que vous avez vu Dusko Tadic, savez-vous d'où il

14 venait ?

15 R. : Il venait de la direction de la pista.

16 Q. : De la position où vous étiez assis pouvez-vous voir le chemin jusqu'à

17 la porte de la maison blanche ?

18 R. : Non je ne pouvais pas.

19 Q. : De la position où vous étiez assis, pouvez-vous décrire à quoi

20 ressemblait cet homme ? Quelle était son apparence ?

21 R. : Oui, le haut de son corps était vêtu d'un uniforme et d'une chemise

22 camouflée et il ne portait rien sur la tête. Il avait une petite

23 barbe ou plutôt il n'était pas rasé, ce n'était pas une longue

24 barbe, une vieille barbe.

25 Q. : De votre position vous ne l'avez probablement aperçu que très

Page 3529

1 brièvement ?

2 R. : Oui, mais suffisamment longtemps pour le reconnaître.

3 Q. : Dans ces circonstances, vous étiez assis sur ce banc dans la pièce

4 que vous avez décrit et pouvez-vous vous rappeler ce que vous

5 faisiez avant que vous dites avoir vu cet homme, que se passait-il

6 dans la pièce où vous vous trouviez ?

7 R. : Je ne me souviens pas du tout de ce qui se passait dans cette pièce.

8 Quand quelqu'un venait, et ils venaient généralement pour nous

9 battre, c'était régulier, tout le monde devenait calme et immobile,

10 dans l'attente que quelqu'un ouvre la porte.

11 Q. : La porte de votre pièce était-elle ouverte ou fermée ?

12 R. : Fermée.

13 Q. : Vous avez décrit deux autres hommes aperçus durant votre séjour à

14 Keraterm, l'un s'appelait Zoran Zigic et l'autre Dusan Knezevic ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Vous dites que vous avez eu des contacts avec eux?

17 R. : Oui ... non, pas des contacts. Ils m'ont battu. Ils m'ont passé à

18 tabac.

19 Q. : Connaissiez-vous d'autres personnes à Keraterm, des gardes ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Qui d'autre connaissiez-vous à Keraterm ?

22 R. : Je connaissais seulement quelqu'un du nom de Kailj, Kajin, quelque

23 chose comme cela et je ne connaissais pas d'autres gardes. Je ne

24 connaissais pas celui là non plus avant mais il était chargé de l'un

25 des tours de garde et je ne sais pas vraiment si c'est son nom ou

Page 3530

1 son surnom. Je me souviens seulement du nom "Kajin".

2 Q. : A Omarska connaissiez-vous quelqu'un d'autre parmi les gardes ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Qui était-ce ?

5 Q. : Je connaissais Priman mais je l'ai rencontré aussi dans le camp.

6 Parmi les gardes d'Omarska, ceux que je connaissais avant le conflit

7 étaient Janjic Nenad, connu aussi sous le nom de "Neso".

8 Q. : En connaissiez-vous d'autres d'avant le conflit ?

9 R. : Personne d'autre.

10 Q. : Pouvez-vous nous dire où se trouvait le banc sur lequel vous étiez

11 assis de façon à ce que ce soit très clair. Quand vous ouvriez la

12 porte, où se trouvait le banc ?

13 R. : Il était près du mur. Le banc était contre le mur face à la fenêtre.

14 M. KAY : Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

16 M. NIEMANN : Pas de nouvel interrogatoire.

17 Interrogatoire par la Cour

18 JUGE STEPHEN : Monsieur quand vous dites que vous avez vu l'accusé par la

19 fenêtre, il était avec deux hommes. Etaient-ils l'un derrière

20 l'autre ou l'un à côté de l'autre ?

21 R. : Ils marchaient l'un à côté de l'autre.

22 Q. : Si les trois marchaient de front l'un à côté de l'autre, où se

23 trouvait Tadic dans ce groupe, d'après vous ?

24 R. : Tadic était le premier du côté de la maison blanche.

25 JUGE STEPHEN : Merci.

Page 3531

1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

2 M. NIEMANN : Rien d'autre.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

4 M. KAY : Non.

5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai pas de questions. S'oppose t-on à ce que

6 M. Jakupovic soit excusé de façon permanente ? M. Jakupovic, vous

7 êtes excusé. Merci d'être venu.

8 LE TEMOIN : Merci.

9 (Départ du témoin)

10 M. NIEMANN : M. Tieger interrogera le témoin suivant.

11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann, si je vous disais que ce fut un

12 record de 20 minutes, que diriez-vous, plutôt que deux ou trois

13 heures ! Bien. M. Tieger, pouvez-vous appeler votre témoin suivant

14 s'il vous plaît ?

15 M. TIEGER : Oui, Mme la Présidente. Avant que j'appelle le témoin suivant

16 j'aimerais prévenir la Cour d'un problème potentiel. Le témoin a un

17 grave handicap auditif depuis son enfance. Nous nous sommes efforcés

18 l'autre jour de vérifier si le matériel ici lui permettrait de

19 communiquer avec la Cour . Nous avons constaté à un moment que

20 c'était presque impossible puis, après certains ajustements, il

21 semble que la communication ait été même supérieure à la normale.

22 J'espère que ce sera le cas maintenant mais je voulais que la Cour

23 soit avertie de ce problème potentiel. Je voulais aussi avertir les

24 interprètes. J'essayerais de parler lentement de façon qu'ils

25 puissent suivre mes questions suffisamment lentement pour que la

Page 3532

1 communication soit aussi efficace que possible

2 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je suppose qu'il n'y a pas moyen de monter le

3 son dans les casques ? Si vous faites cela, le faites vous pour tout

4 le monde ? Il y a un maximum. Avez-vous vérifié pour voir si quelque

5 chose pouvait être fait ? Nous augmenterons le volume.

6 M. TIEGER : Apparemment, un volume trop élevé interfère avec son appareil

7 auditif. Il y a un niveau approprié et je pense qu'il le trouvera.

8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous ferons preuve de souplesse. Je suis

9 certaine que si nous sommes patients, nous pourrons trouver ce

10 niveau. Bien. Appelez le témoin suivant ?

11 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. L'Accusation appelle Dzemal Deomic.

12 Appel de DZEMAL DEOMIC à la barre

13 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, pouvez-vous prêter serment s'il vous

14 plaît ?

15 LE TEMOIN (Interprétation) : Oui. je jure solennellement de dire la

16 vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

17 (Prestation de serment du témoin)

18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Merci. Vous pouvez vous asseoir.

19 Interrogatoire par M. TIEGER

20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

21 M. TIEGER : Merci. Monsieur vous vous appelez bien Dzemal Deomic ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quelle est votre année de naissance ?

24 R. : Je suis né le 20 mars 1959 à Kamicani.

25 Q. : Quelle est la distance de Kamicani au centre de Kozarac ?

Page 3533

1 R. : Environ deux kilomètres.

2 Q. : Etes-vous Musulman de nationalité et de religion ?

3 R. : Je suis de religion musulmane.

4 Q. : M. Deomic, quelle était votre activité professionnelle avant la

5 guerre ?

6 R. : Je travaillais dans le bâtiment.

7 Q. : Connaissez-vous l'accusé dans cette affaire, Dusko Tadic ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

10 R. : Depuis l'école à Kozarac.

11 Q. : L'avez vous vu fréquemment à Kozarac durant votre enfance ?

12 R. : Souvent.

13 Q. : Avez-vous, adulte, continué de voir Dusko Tadic à Kozarac ?

14 R. : Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît ?

15 Q. : Bien sûr. Quand vous êtes devenu adulte, avez-vous continué de voir

16 Dusko Tadic à Kozarac ?

17 R. : Je l'ai vu pour la dernière fois dans son café "Nipon" avant la

18 guerre, trois semaines avant la guerre.

19 Q. : Avez-vous vu Dusko Tadic à Kozarac en d'autres endroits que dans son

20 café "Nipon" ?

21 R. : Je le voyais partout, à la discothèque, il était membre de la brigade

22 de pompiers, ainsi que dans de nombreux endroits, dans les

23 restaurants, dans les jardins, je le voyais partout. J'ai passé du

24 temps assis avec lui aux terrasses à Kozarac. Nous parlions de son

25 travail. Il travaillait dans le café. J'étais sans emploi. Je ne

Page 3534

1 pouvais pas travailler pour lui parce que j'avais un travail de

2 prévu.

3 Q. : Faites-vous référence à un entretien que vous avez eu avec lui sur la

4 possibilité de travailler dans son café ?

5 R. : Oui. J'étais un bon ouvrier et un de mes parents travaillait pour lui

6 et je devais l'aider à poser le toit aussi rapidement que possible

7 avant de passer à autre chose.

8 Q. : C'était le toit du café ou de la maison de Tadic ?

9 R. : Son café était près de la route asphaltée et la vieille maison était

10 derrière le café.

11 Q. : M. Deomic, étiez-vous à Kamicani quand Kozarac a été attaqué ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Etiez-vous à votre domicile ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Avez-vous quitté votre maison après le début du bombardement ?

16 R. : Je dormais chez moi. Le bombardement m'a réveillé. Je me suis levé et

17 je suis sorti devant la maison. On pouvait voir dans les rues de

18 Kamicani, les routes, on pouvait voir que tout était en feu, en

19 train de brûler, que tout s'effondrait sous les obus, les bâtiments.

20 Et ma maison n'a pas été touchée avant que je descende ...

21 J'essayais de retrouver les membres de ma famille.

22 Q. : Avez-vous été blessé après que vous ayez quitté votre domicile ?

23 R. : J'ai été blessé. Alors que j'allais de ma maison à la scierie, une

24 distance de quelque 700 mètres. J'ai été touché devant la maison de

25 Hrustic et il y avait là ses deux fils. L'un d'eux a perdu ses deux

Page 3535

1 mains. J'ai été touché dans le bas des reins et j'ai encore des

2 morceaux de métal de cet obus.

3 Q. : Vous êtes-vous alors réfugié dans un abri où se trouvaient des

4 membres de votre famille ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Etes-vous resté à cet endroit durant cette nuit là ou avez-vous

7 cherché refuge dans la forêt ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Etait-ce la forêt proche de Brdjani ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Etes-vous resté deux nuits dans la forêt, cette première nuit et la

12 suivante ?

13 R. : De l'abri où nous étions dans la soirée, nous sommes allés vers

14 Softici puis vers le village de Brdjani et nous nous sommes arrêtés

15 dans une maison avant d'entrer dans la forêt. Un de mes voisins est

16 allé chercher un médecin qui pourrait m'aider. Elle avait une

17 lanterne à gaz et pouvait voir la blessure mais elle ne pouvait rien

18 faire parce que le métal était enfoncé dans l'os. Vers minuit nous

19 sommes descendus de la colline dans la forêt vers Brdjani.

20 Q. : Les habitants de Kozarac ont-ils commencé à se rendre le troisième

21 jour de l'attaque ?

22 R. : Ces attaques, pour autant que je me souvienne, le deuxième jour ...

23 nous devions aller vers Kozarac et sur chaque maison, chaque

24 édifice, chaque mosquée flottaient des drapeaux indiquant la

25 reddition mais nous ne voulions pas nous rendre et nous sommes allés

Page 3536

1 vers Kozara.

2 Q. : Vous avez décidé de ne pas vous rendre avec les gens qui se

3 dirigeaient vers Kozarac avec des drapeaux blancs ?

4 R. : Certaines familles, celles qui, par exemple, avaient des femmes et

5 des enfants et ne voulaient pas s'enfuir vers la frontière croate,

6 certaines de ces familles se sont rendues et se sont dirigées vers

7 Trnopolje. La plupart d'entre nous qui ne nous sommes pas rendus

8 sommes allés vers Kozara.

9 Q. : Vous vous dirigiez donc vers la montagne, la région montagneuse ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Avez-vous été capturé par des soldats serbes ?

12 R. : Oui.

13 Q. : A ce stade, étiez-vous seul ou accompagné d'un groupe de personnes

14 qui cherchaient à fuir vers la montagne Kozara ?

15 R. : Ils essayaient ... La moitié de la population s'est enfuie ... ils ne

16 voulaient pas se rendre et certains se sont enfuis, nous ne savons

17 pas ce qui leur est arrivé ... et l'autre moitié s'est rendue. Il y

18 avait en bas un cours d'eau. Nous étions en haut de la montagne

19 Kozara.

20 Q. : Où avez-vous été emmenés après votre capture par les soldats serbes ?

21 R. : Ils nous ont capturé dans les bois. Il y avait un soldat au sommet.

22 Il avait un certain grade et un mégaphone et il nous a ordonné au

23 mégaphone de nous rendre, disant que la Croix Rouge nous aiderait et

24 que nous n'avions rien à craindre. Nous l'avons cru et après cela

25 toutes sortes de choses ...

Page 3537

1 Q. : Avez-vous ainsi que les autres personnes capturées été emmenés à un

2 endroit appelé Benkovac ?

3 R. : Le groupe auquel nous nous sommes rendus ... Nous avions les bras

4 levés et nous descendions en colonne vers la rivière. Sur la

5 montagne près de moi j'ai vu un cadavre, un soldat avait été tué.

6 Puis il y a une autre colline et une clairière ... une clairière

7 avec des pierres concassées puis nous avons du nous allonger trois

8 par trois et ils nous ont ordonné de vider nos poches, disant que

9 nous ne devions rien garder. Nous avons du vider nos poches puis

10 placer nos mains sur la nuque et le nez dans le sable.

11 Ils ont ensuite commencé à rassembler tous nos biens. A côté de moi

12 se trouvait Salid Hrustic. Il avait un dinar croate et le Serbe l'a

13 saisi par le cou, l'a emmené à une vingtaine de mètres et pendant

14 qu'il était allongé sur le dos il l'a abattu avec son fusil de

15 chasse d'un coup à l'avant et à l'arrière. Nous avons du ensuite

16 attendre deux ou trois heures et des véhicules, des camions, sont

17 venus nous chercher. Nous avons du monter dans ces camions puis nous

18 avons été emmenés vers Uspine à Benkovac.

19 Q. : Une seule question sur ce point M. Deomic : votre ami M. Hrustic a t-

20 il été abattu parce qu'ils avaient trouvé des dinars croates sur lui

21 ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Avez-vous vu des troupes serbes quand vous êtes arrivés à Benkovac ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Qu'ont-ils fait de vous et des autres quand vous êtes arrivés à

Page 3538

1 Benkovac ?

2 R. : Nous sommes montés sur l'estrade qui était là pour divers événements,

3 diverses représentations. Nous avions les mains sur la nuque. Je ne

4 sais pas combien nous étions parce que nous étions trop nombreux.

5 Puis ils ont commencé à nous interroger un par un. Le premier a été

6 le fils de Meho Alic de Kamicani. Il a été emmené dans la remise et

7 battu. Il a été si sauvagement battu qu'il n'a pas pu supporter la

8 douleur et il a hurlé et ils l'ont abattu immédiatement. Puis ce fut

9 le tour de Senad et Hamid et de tous les autres. Le père de Softic a

10 été sauvagement battu mais il a enduré les coups. Il n'a pas émis un

11 son et il est revenu nous rejoindre.

12 Un certain nombre d'entre nous ont été emmenés dans les remises et

13 personne n'en est ressorti, pas plus d'un tiers sont restés. Deux ou

14 trois heures se sont écoulées. Nos noms et adresses ont été

15 enregistrés puis nous avons été emmenés dans les remises. Il y avait

16 des douches qui dataient de quelque ancienne campagne et nous y

17 avons passé des nuits très mouvementées.

18 M. TIEGER : Mme la Présidente, j'aimerais que ces deux photographies

19 soient marquées pour identification comme pièces à conviction de

20 l'Accusation 238, 238A et 238B.

21 LE TEMOIN : Puis-je vous demander une faveur, s'il vous plaît ? Le son est

22 trop fort et j'entends aussi d'autres interférences.

23 M. TIEGER : Certainement, nous allons nous en occuper immédiatement. Merci

24 de nous prévenir. Est-ce mieux ainsi ?

25 LE TEMOIN : Pourriez-vous dire quelque chose ?

Page 3539

1 M. TIEGER : Est-ce mieux ainsi ? Bien. M. Deomic, reconnaissez-vous ce que

2 montrent ces deux photos ?

3 R. : Oui.

4 Q. : L'une de ces photos montre t-elle l'estrade à Benkovac dont vous avez

5 parlé et ...

6 R. : Oui.

7 Q. : ... l'autre photographie montre t-elle les remises que vous avez

8 mentionnées ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Mme la Présidente, pourrait-on placer ces photos sur l'écran dès que

11 j'aurais déterminé laquelle est A et laquelle est B. Peut-on montrer

12 53/9 qui est 238A ?

13 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, nous essayons de situer Benkovac et

14 bien qu'on vous encourage parfois à avancer, vous pourriez peut-être

15 nous aider en nous l'indiquant sur l'une des cartes ? Peut-on situer

16 l'endroit ?

17 M. TIEGER : Pouvez-vous me donner un instant, je vais vérifier avec Melle

18 Sutherland.

19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le témoin peut peut-être nous indiquer l'endroit

20 de façon générale ?

21 M. TIEGER : M. Deomic, pouvez-vous dire à la Cour où se situe Benkovac, à

22 peu près ?

23 R. : Benkovac est proche de Mrakovica, à quelque quatre ou cinq

24 kilomètres. Quand vous allez vers Mrakovica en provenance de

25 Kozarac, il y a un croisement où était organisée une campagne pour

Page 3540

1 le travail d'été ... en allant de Kozarac à Mrakovica, vous tournez

2 au croisement.

3 Q. : Donc si on suit la route de Kozarac vers le haut de Mrakovica, vers

4 le sommet de la montagne, on arrive au croisement vers Benkovac

5 avant d'atteindre Mrakovica ?

6 R. : Avant, oui, avant ... avant sur la gauche.

7 Q. : Peut-on présenter 53/9, s'il vous plaît ?

8 R. : Oui.

9 Q. : S'agit-il des abris ou des remises que vous avez mentionnés ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Peut-on présenter 53/12 ? M. Deomic, cela montre t-il l'estrade sur

12 laquelle les prisonniers étaient alignés ?

13 R. : Oui.

14 M. TIEGER : Mme la Présidente, je pense que je n'ai pas encore versé 238 A

15 et B et j'aimerais pouvoir le faire maintenant.

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Laquelle représente l'estrade ?

17 M. TIEGER : L'estrade figure sur la B.

18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a t-il opposition à 238 A et B ?

19 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.

20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Les pièces 238 A et B sont admises.

21 M. TIEGER : M. Deomic, combien de temps avez-vous été détenu à Benkovac ?

22 R. : Trois jours et deux nuits.

23 Q. : Vous a t-on ensuite ordonné de monter dans les autocars et emmené à

24 Omarska ?

25 R. : Oui.

Page 3541

1 Q. : Pouvez-vous nous décrire comment on a fait monter les détenus à bord

2 des autocars à Benkovac ?

3 R. : Ils nous poussaient, je n'en connais pas la raison, mais tous ceux

4 qui devaient monter à bord des autocars devaient montrer les trois

5 doigts et courir vers les véhicules. Je n'avais pas bien entendu de

6 sorte que je marchais, les bras levés et un Serbe m'a attrapé par le

7 cou, m'a placé contre un mur et m'a frappé sur la main avec la

8 crosse de son fusil. Puis il m'a montré le signe des trois doigts.

9 J'ai du alors montrer les trois doigts sur mes deux mains et

10 approcher lentement de l'autocar. Des soldats se tenaient tous les

11 deux ou trois mètres et nous frappaient jusqu'à ce que nous

12 atteignons l'autocar.

13 Puis ils nous ont poussé, nous ont fait monter de force à bord des

14 cars et une ou deux minutes plus tard, ils ont fermé la porte. Il y

15 avait un ou deux soldats dans le car et nous avons démarré

16 lentement, très lentement vers Kozarac. Avant de démarrer, nous

17 avons du chanter leur chant, leur hymne national "Qui dit qui ment".

18 Puis nous sommes partis vers Omarska.

19 Q. : La chanson "Qui dit qui ment" est un chant nationaliste serbe ?

20 R. : Oui.

21 JUGE STEPHEN : Pourrait-on demander au témoin de s'asseoir un peu plus en

22 arrière

23 M. TIEGER : M. Deomic, pourriez-vous vous reculer légèrement s'il vous

24 plaît ? Parfait. Où vous a t-on incarcéré lors de votre arrivée à

25 Omarska ?

Page 3542

1 R. : Ils nous ont mis dans la première remise à droite au coin.

2 Q. : En vous servant de la baguette à votre droite sur la table devant

3 vous, pouvez-vous désigner cet endroit. Vous pouvez-vous lever.

4 R. : (Le témoin désigne l'endroit sur le modèle). Ici, au coin. Ici. Le

5 premier garage.

6 Q. : Vous pouvez vous asseoir. C'est un petit garage dans le bâtiment où

7 se trouve la cuisine ?

8 R. : La cuisine est à l'arrière au bout, au coin et il y avait un autre

9 garage près de celui où je me trouvais ou plutôt quelque chose

10 ressemblant à un garage sans en être un. C'était un grand local avec

11 deux piliers et de très nombreux détenus y ont été incarcérés.

12 Q. : M. Deomic, j'aimerais vous montrer une ou deux photos. Puis-je avoir

13 les deux photos marquées 239A et B, Mme la Présidente ? M. Deomic,

14 reconnaissez-vous ce qu'on voit sur ces deux photos ?

15 R. : Oui.

16 Q. : De quoi s'agit-il ?

17 R. : Oui, à 100 pour cent, c'est à 100 pour cent l'endroit où j'ai passé

18 la première journée quand on m'a amené de Benkovac dans ce premier

19 garage.

20 Q. : Ces photographies montrent-elles l'extérieur et l'intérieur du garage

21 ?

22 R. : Oui.

23 M. TIEGER : Mme la Présidente, je verse les pièces 239 A et B.

24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

25 M. WLADIMIROFF : Pas d'opposition.

Page 3543

1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 239 A et B sont versées au dossier.

2 M. TIEGER : Peut-on présenter d'abord 25/10, c'est-à-dire la pièce 239 A ?

3 M. Deomic, montre t-elle l'extérieur du garage, du petit garage dans

4 lequel vous avez été incarcéré ? Pouvez regarder l'écran ?

5 R. : Oui, je le vois. Je pense que je le vois.

6 Q. : Est-ce la même image sur l'écran de télévision ?

7 R. : Oui.

8 Q. : M. Deomic, je fais référence à l'écran de télévision directement

9 devant vous.

10 R. : Oh, oui.

11 Q. : Cela montre t-il l'extérieur du garage ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Peut-on présenter maintenant 25/19, la pièce 238 B ? M. Deomic,

14 montre t-elle l'intérieur du garage ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Les détenus étaient-ils nombreux dans ce garage quand on vous y a

17 incarcéré ?

18 R. : Il était bondé. Il était plein à craquer de gens. A l'entrée, près de

19 la porte de ce garage, il y avait un espace libre d'environ un mètre

20 carré mais à l'intérieur il n'y avait pas de quoi glisser une

21 feuille de papier entre deux personnes.

22 Q. : Les portes du garage étaient-elles parfois fermées ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Les détenus avaient-ils des difficultés à respirer ?

25 R. : Oui.

Page 3544

1 Q. : Les détenus ont-ils reçu suffisamment d'eau durant leur séjour dans

2 le garage ?

3 R. : C'était très difficile d'obtenir de l'eau, extrêmement difficile.

4 Nous leur avons demandé ... nous leur avons dit que nous briserions

5 les fenêtres pour avoir de l'air parce que c'était horrible avec la

6 porte fermée. Il faisait chaud, nous n'avions pas d'oxygène. Nous

7 nous déplacions en file près des fenêtres que nous avions brisées

8 pour avoir de l'air et nous tournions, nous tournions sans cesse.

9 Certains d'entre nous ont demandé aux gardes de nous apporter de

10 l'eau mais ils ont refusé. Nous devions chanter pour avoir de l'eau.

11 Nous devions chanter leur chant et ils n'ont pas aimé. Nous avons du

12 les chanter plus fort et de plus en plus fort, jusqu'à ce qu'ils

13 finissent par nous passer un peu d'eau par la fenêtre ou parfois ils

14 nous la jetaient de sorte qu'elle était perdue. Quelqu'un la

15 recevait sur la figure ou nous recevions parfois une boite d'eau.

16 Q. : L'eau était-elle potable ou présentait-elle des problèmes ?

17 R. : L'eau était ... nous devions la boire parce que nous n'avions rien

18 d'autre mais elle était nauséabonde. Elle était polluée. Elle

19 contenait quelque chose, comme si elle sortait des égouts.

20 Q. : Les détenus ont-ils été sortis du garage et battus ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Durant votre séjour dans le garage, vous a t-on fait subir un

23 interrogatoire hors de la remise ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Avez-vous été battu durant votre interrogatoire ?

Page 3545

1 R. : Oui.

2 Q. : Un autre prisonnier a t-il été amené dans la pièce où vous subissiez

3 votre interrogatoire

4 R. : Oui.

5 Q. : Vous a t-on demandé s'il disposait d'un fusil avant la guerre ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Bien. Le prisonnier, l'autre prisonnier a t-il demandé si vous

8 possédiez ou non un fusil ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Avez-vous tous les deux répondus "non" ou que vous ne saviez pas ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

13 R. : Ils nous ont battu. Je suis tombé à genoux, à quatre pattes, tête

14 baissée. J'ai du attendre pour voir ce qui allait se passer puis

15 j'ai du répéter de nouveau si je savais où ils avaient caché le

16 fusil et ils arrêteraient alors de nous battre. Je leur disais que

17 je ne le savais pas, qu'ils pouvaient me tuer mais que je ne le

18 savais pas". Puis un soldat est venu de l'arrière avec un pistolet

19 et il m'a mis le canon dans la bouche avec le doigt sur la gâchette

20 et il m'a demandé : "Où est-il ? Dis-nous où il est ?" Mais de

21 toute évidence le pistolet était vide et il ne s'est rien passé

22 quand il a appuyé sur la gâchette. L'autre détenu a eu la tête

23 recouverte d'un petit tapis et on lui a dit qu'on le tuerait s'il

24 n'indiquait pas l'endroit où se trouvaient les fusils mais nous

25 avons continué de répondre que nous ne savions pas. Personne n'a été

Page 3546

1 tué lors de mon interrogatoire, nous avons seulement été

2 sérieusement battu sur les jambes, le dos, la tête et tout le corps.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue pendant 20 minutes.

4 (16 heures)

5 (Brève suspension d'audience)

6 (16 heures 20)

7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, vous pouvez reprendre.

8 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. M. Deomic, pendant combien de temps

9 environ avez-vous été incarcéré dans le petit garage ?

10 R. : Environ quatre semaines; trois semaines avant l'interrogatoire. Après

11 l'interrogatoire j'étais en piteux état du fait des passages à tabac

12 et j'avais de graves problèmes d'estomac. J'ai passé du sang pendant

13 sept jours et sept nuits. Je n'ai rien mangé ... il m'était

14 impossible de manger.

15 Q. : Durant votre séjour dans le garage, avez-vous vu Dusko Tadic à

16 Omarska ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Peut-on présenter 239 B sur l'écran s'il vous plaît ? En fait, si je

19 peux me permettre, pourrait-on placer l'original sur le

20 rétroprojecteur, si nous voulons l'utiliser aux fins

21 d'identification par le témoin ? M. Deomic, étiez-vous à l'intérieur

22 du garage quand vous avez vu Dusko Tadic ?

23 R. : Oui.

24 Q. : En utilisant la baguette, pouvez-vous vous servir de la photo sur

25 votre droite plutôt que de l'écran, la photo proprement dite qui est

Page 3547

1 à votre droite ...

2 R. : Oui.

3 Q. : ...pour indiquer où vous vous trouviez ? M. Deomic, vous allez devoir

4 utiliser cela, si vous pouvez regarder à votre droite, pas à la

5 droite de l'écran ? Mme Sutherland, pouvez-vous pointer M. Deomic

6 dans cette direction ? Pouvez-vous nous montrer sur cette photo

7 l'endroit approximatif où vous vous trouviez quand vous avez aperçu

8 Dusko Tadic ?

9 R. : J'étais approximativement ici. A un mètre vingt de la porte et à

10 moins d'un mètre du mur, à peu près ici, là. Ce demi cercle.

11 Q. : La porte était-elle ouverte en cette occasion ?

12 R. : Oui.

13 Q. : D'autres détenus bloquaient-ils votre vue de l'extérieur ?

14 R. : J'étais à l'avant. Il y avait des détenus derrière moi. Parfois ils

15 poussaient un peu pour se détendre. C'était impossible de bouger. Il

16 y avait peut-être un espace d'un mètre et demi à droite et à gauche.

17 La porte était ouverte sur la gauche.

18 Q. : Où se trouvait Dusko Tadic quand vous l'avez aperçu ?

19 R. : Dusko Tadic était peut-être à huit ou dix mètres à l'extérieur du

20 garage. Un soldat, un garde se tenait près du fourgon. Ils se sont

21 parlés un peu. Tous les autres ont commencé à s'éloigner autant que

22 possible et il était là près du fourgon avec un soldat à 8 ou 10

23 mètres.

24 Q. : Savez-vous de quelle direction il venait ?

25 R. : Oui.

Page 3548

1 Q. : Pouvez-vous nous montrer ?

2 R. : Il venait de la direction d'Omarska, allant d'Omarska vers le camp

3 d'Omarska.

4 Q. : Bien. Sur la photo c'est de gauche vers la droite ?

5 R. : A ma gauche, il venait de mon côté gauche.

6 Q. : Avez-vous fait quelque chose quand vous avez aperçu Dusko Tadic à

7 l'extérieur ?

8 R. : Je m'excuse, je n'ai pas compris.

9 Q. : Quand vous ...

10 R. : Quand je l'ai vu venir avec ce jeune soldat, un Serbe. J'avais peur

11 qu'il puisse nous voir et j'ai donc poussé pour disparaître autant

12 que possible à l'intérieur.

13 Q. : Avez-vous réussi à vous dissimuler derrière d'autres détenus pour ne

14 pas être vu ?

15 R. : J'étais près de la porte. Nous avions peur ... Il y avait de l'air,

16 alors je me suis retrouvé vers le milieu.

17 Q. : Vous rappelez-vous comment Dusko Tadic était vêtu en cette occasion ?

18 R. : Je me souviens qu'il était arrivé en moto. Il avait un bandeau sur la

19 tête. Il n'était pas rasé. Il portait un début de barbe et il avait

20 une veste pleine de poches, du genre blouson de pilote et un

21 pantalon noir je crois. Je n'en suis pas absolument certain mais je

22 l'ai reconnu. Il portait sur le dos un fusil automatique à double

23 chambre.

24 Q. : Après votre période de détention dans le garage, où vous a t-on gardé

25 dans le camp ? Où étiez-vous incarcéré ?

Page 3549

1 R. : Nous avons ensuite été transféré à la maison blanche.

2 Q. : Avez-vous été interrogé une deuxième fois durant votre séjour à la

3 maison blanche ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Avez-vous été battu durant ce deuxième interrogatoire ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Quelle a été la sévérité du passage à tabac durant ce deuxième

8 interrogatoire ?

9 R. : Ils m'ont frappé avec toutes sortes de choses, une barre métallique,

10 des câbles, des bottes de soldats. Ils m'ont asséné des coups de

11 pied dans les reins. J'ai du expliquer comment je m'étais échappé et

12 comment j'en étais arrivé là. Puis ils voulaient savoir où j'avais

13 caché mon arme et j'ai répondu que je ne savais pas. La plupart

14 d'entre nous nous étions enfuis dans cette direction. J'ai dit que

15 je ne savais pas et ils m'ont frappé sans interruption. Un ancien

16 juge, un policier de Banja Luka m'a dit d'avouer pour que je puisse

17 rentrer chez moi. Mais j'ai répondu que je ne savais rien et qu'ils

18 n'avaient qu'à me tuer.

19 Q. : Dans quelle partie, dans quelle pièce de la "maison blanche" étiez-

20 vous incarcéré ?

21 R. : Le couloir, le long du couloir, la deuxième pièce à droite.

22 Q. : Y avait-il d'autres détenus avec vous dans cette pièce ?

23 R. : Oui.

24 QUESTION ;: Savez-vous combien ?

25 R. : Nous étions 158. Une autre salle était moins comble que la mienne.

Page 3550

1 Tout le monde avait un peu d'espace.

2 Q. : Vous dites 158. Comment pouvez-vous être aussi sûr de ce chiffre

3 précis ?

4 R. : Nous devions nous compter pour savoir lequel d'entre nous serait

5 échangé ou interrogé. Vous ne saviez jamais quand ils venaient vous

6 chercher. Nous étions essentiellement cinq ou six à compter. L'un

7 comptait et un autre répétait. Tout allait bien. Nous étions 158

8 hommes. Pendant une nuit ou deux, cinq ou six personnes manquaient,

9 personne ne savait pourquoi. Ils venaient la nuit comme s'ils

10 étaient sous l'effet de l'alcool. Et les détenus assoupis qu'ils

11 touchaient devaient les accompagner dans bruit, sans parler et nous

12 n'avons jamais su ce qui leur était arrivé.

13 Q. : Est-ce que des détenus emmenés ainsi en groupes sont jamais revenus ?

14 R. : Rarement.

15 Q. : Est-ce que les rares prisonniers qui sont revenus ont expliqué ce qui

16 était arrivé aux autres ?

17 R. : Je m'excuse, je ne comprends pas la question. Pourriez-vous répéter,

18 s'il vous plaît ?

19 Q. : Quand un détenu appelé avec un groupe revenait, vous racontait-il ce

20 qui était arrivé aux autres ?

21 R. : Toutes sortes de choses arrivaient. A l'autre extrémité, à l'entrée

22 de la maison blanche, dans une pièce sur la gauche, il y avait de

23 nombreux hommes qui avaient subi des sévices. Il s'agissait

24 d'intellectuels, d'enseignants, de médecins, de journalistes, toutes

25 sortes de gens et ils ont beaucoup souffert. Certains d'entre eux

Page 3551

1 ont été battus à mort. C'était horrible.

2 Q. : Quel était l'état des détenus dans votre pièce ?

3 R. : Les conditions étaient très mauvaises. Certaines nuits, cinq ou six

4 Serbes venaient avec un drapeau musulman, le plaçait dans le milieu

5 de la pièce de sorte que chacun d'entre nous devions cracher dessus,

6 jurer que nous ne serions jamais musulmans, que nous serions Serbes,

7 ce genre de choses. Puis ils nous frappaient sur la tête. Vous ne

8 saviez jamais ce qui allait se passer la nuit. Nous ne pouvions pas

9 dormir. Tout était anormal. Il m'a frappé avec un couteau. Il m'a

10 demandé où était mon fusil. J'ai répondu que je ne savais pas. Alors

11 il me donnait des coups de pied dans les chevilles. C'était

12 terrible. Ils venaient cinq ou six fois chaque nuit et nous

13 tabassaient.

14 Q. : Les détenus dans votre pièce étaient-ils forcés de se frapper

15 mutuellement ?

16 R. : Rarement ... Les détenus étaient emmenés pour être interrogés pendant

17 un mois, 10 ou 12 jours et quand ils revenaient durant la journée

18 après l'interrogatoire - et n'en revenaient pas durant la nuit -

19 certains soldats qui occupaient les fonctions de gardien du camp

20 venaient dans la salle. Ils avaient bu et vous ne saviez jamais ce

21 qui allait se passer.

22 Ils entraient soudainement et nous frappaient sur la tête. Ils ont

23 placé un de mes parents, Ramasan Sovada (?) assez corpulent. Ils

24 l'ont mis au milieu de la pièce avec deux ou trois soldats de chaque

25 côté lui assénant des coups avec toutes sortes de choses jusqu'à ce

Page 3552

1 qu'il perde connaissance. Il hurlait et c'était insupportable. Vous

2 ne pouviez jamais dormir. C'était horrible.

3 Q. : Etes-vous resté à la maison blanche jusqu'à votre transfert à Manjaca

4 ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Avez-vous, ainsi que d'autres détenus, reçu l'ordre de nettoyer la

7 maison blanche avant votre transfert ?

8 R. : Oui, je l'ai nettoyée avec un détenu venant de Kozarusa et un autre

9 originaire de Prijedor. Nous avons du la nettoyer. Le gardien nous

10 disait où aller. Il y avait une petite salle au bout du couloir, une

11 sorte de cantine. Puis nous avons du aller au hangar. C'était

12 inondé. Les toilettes, le tout à l'égout était bloqué. C'était

13 horrible. Tous les détritus flottaient. Nous avons du aller chercher

14 de l'eau à l'extérieur de la maison blanche et nettoyer chacune des

15 pièces.

16 En arrivant à la maison blanche la première salle sur la gauche

17 était petite. Elle était maculée de sang et on ne savait pas comment

18 enlever le sang des murs et du plancher. Nous leur avons annoncé

19 quand nous avions terminé. Nous nous sommes assis sur l'herbe

20 derrière la maison blanche et ils ont lu les groupes A, B, C, D et

21 nous ont annoncé où ils allaient. Nous ne savions pas où nous

22 irions. Ils nous ont dit que certains seraient échangés, que

23 certains iraient à Trnopolje et que d'autres rentreraient chez eux.

24 Puis notre groupe de la maison blanche qui se trouvait dans la cour

25 a été transféré au hangar. Nous avons attendu à l'étage, dans une

Page 3553

1 grande pièce à droite. Ils sont venus nous chercher et nous ont fait

2 nous aligner dans le hangar, ceux destinés à Trnopolje ou aux

3 échanges mais personne n'a mentionné Manjaca.

4 Q. : Combien de détenus restaient dans la pièce quand vous avez été

5 transféré ?

6 R. : Il n'y avait plus que huit détenus dans ma pièce et 150 disparus. Si

7 seulement le monde ...Je ne sais pas ce qui est arrivé. Si ça ne

8 s'était pas passé à ce moment là, qui sait quand mon tour serait

9 arrivé.

10 Q. : Avez-vous vu Dusko Tadic durant votre séjour à la "maison blanche" ?

11 R. : Oui, j'ai vu Dusko Tadic à deux reprises.

12 Q. : Où vous trouviez-vous quand vous l'avez vu ?

13 R. : J'étais dans le coin près du mur à l'entrée de la pièce suivante.

14 J'étais accroupi dans le coin. Dusko Tadic était dans le couloir. La

15 porte était fermée. Je l'ai vu à deux reprises.

16 Q. : Vous dites que la porte était fermée ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Est-il possible de voir à travers une partie de cette porte ?

19 R. : C'est possible.

20 M. TIEGER : Mme la Présidente, peut-on marquer cette photographie comme

21 pièce à conviction 240 s'il vous plaît ?

22 JUGE STEPHEN : Peut-on enlever le toit de la maison blanche ?

23 M. TIEGER : Oui, M. le Juge et la caméra est également prête. M. Deomic,

24 reconnaissez-vous ce qu'on voit sur cette photographie ?

25 R. : Je reconnais à droite la pièce dans laquelle je me trouvais.

Page 3554

1 M. TIEGER : Mme la Présidente, je présente cette photographie comme la

2 pièce 240 et demande qu'on appelle 22/22 à l'écran.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à 240 ?

4 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.

5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 240 est versée au dossier.

6 M. TIEGER :M. Deomic, la photographie que l'on voit maintenant sur l'écran

7 montre t-elle la porte de votre pièce dans la maison blanche, la

8 deuxième pièce sur la droite ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Partie de cette porte est-elle en bois plein en bas avec une partie

11 supérieure plus importante en verre ?

12 R. : La porte était vitrée. J'étais ici, près du coin, à droite, à droite

13 quand vous entrez.

14 Q. : Merci. M. Deomic, je vais vous demander ... Je vais tout d'abord

15 demander au technicien s'il peut nous aider avec la caméra ... Je

16 vais vous demander de vous lever dans un instant et de désigner

17 certains endroits dans la maison blanche. Vous ne pourrait pas nous

18 parler pendant ce temps là mais si vous pouviez prendre cette

19 baguette avec vous ?

20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, la semaine dernière au moins nous

21 avions une rallonge pour ce microphone. Je pense qu'il peut se tenir

22 ici.

23 M. TIEGER : M. Deomic, si vous voulez répondre à une question vous pourrez

24 parler dans le microphone à votre gauche qui est sur la table près

25 de vous. Pouvez-vous tout d'abord, monsieur, indiquer la salle dans

Page 3555

1 laquelle vous vous trouviez ?

2 R. : A 6.

3 Q. : Pouvez-vous nous montrer où vous étiez quand vous avez vu Dusko Tadic

4 ?

5 R. : Le coin ici.

6 Q. : Pouvez-vous nous montrer où Dusko Tadic se trouvait quand vous l'avez

7 aperçu ?

8 R. : Ici.

9 Q. : Merci. Vous pouvez vous asseoir. M. Deomic, vous rappelez-vous de

10 tous des détails des deux occasions où vous avez aperçu Dusko Tadic

11 à la maison blanche ?

12 R. : Il est difficile pour moi de dire si je suis certain de savoir

13 quelque chose à 100 pour cent mais je suis absolument certain de

14 l'avoir vu deux fois. Il est venu dans le couloir. Il était

15 accompagné d'un soldat que je ne connaissais pas. Il a regardé dans

16 la pièce A4. Il a juste jeté un coup d'oeil. Il a regardé puis il

17 s'est tourné lentement vers notre pièce. Je me suis accroupi et

18 caché pour qu'il ne puisse pas me voir. Je ne sais pas ce qu'il

19 cherchait, ce qu'il était venu faire et je ne me souviens pas à 100

20 pour cent de tous les détails. Mais je suis certain que c'était lui,

21 que c'est lui que j'ai vu.

22 Q. : Vous vous souvenez encore avoir vu Dusko Tadic à la maison blanche ?

23 R. : Je m'en souviens parfaitement mais je ne peux pas me rappeler de tous

24 les détails. Je sais qu'il était là. Je l'ai vu à deux reprises dans

25 la maison blanche. J'en suis sûr à 100 pour cent. J'ai vu la moitié

Page 3556

1 de son visage et je suis certain que c'était lui. Je ne me souviens

2 pas en détail si j'avais tort ou raison mais je suis certain de

3 l'avoir vu deux fois.

4 Q. : M. Deomic, pouvez-vous regarder attentivement dans le prétoire et

5 nous dire si Dusko Tadic s'y trouve aujourd'hui et, si oui, nous le

6 désigner ?

7 R. : Dusko Tadic, oui, c'est lui.

8 Q. : Où est-il assis ? Pouvez-vous décrire où il est assis ?

9 R. : Il est assis au milieu là bas, près du mur.

10 M. TIEGER : Mme la Présidente, le procès-verbal peut-il mentionner que

11 l'accusé a été identifié ?

12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Le procès-verbal mentionnera

13 l'identification de l'accusé. Il a désigné M. Tadic mais il y a

14 quatre autres personnes là bas.

15 M. TIEGER : Si l'on a des doutes sur ...

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Demandez-lui ce qu'il porte. Pouvez-vous lui

17 demander comment il est vêtu ?

18 M. TIEGER : C'est ce que je m'apprêtais à faire, Mme la Présidente. M.

19 Deomic, pouvez-vous nous dire ce que porte M. Tadic ?

20 R. : Maintenant ?

21 Q. : Oui. Pouvez-vous nous décrire comment il est vêtu ?

22 R. : Est-ce que je peux me lever ?

23 Q. : Oui, si vous avez besoin de voir.

24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, monsieur, si vous avez besoin de voir, oui.

25 LE TEMOIN : Il porte un costume avec une chemise verte et blanche et un

Page 3557

1 cravate de couleur bleu-violet.

2 M. TIEGER : Merci, M. Deomic.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera que le témoin a

4 identifié l'accusé.

5 M. TIEGER : Merci. Pas d'autres question, Mme la Présidente.

6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire M. Kay ?

7 Contre-interrogatoire par M. KAY

8 Q. : M. Deomic, résidiez-vous à Kozarac ?

9 R. : Non.

10 Q. : Avez-vous jamais habité à Kozarac ?

11 R. : Non, j'habitais à Kamicani.

12 Q. : Travailliez-vous à Kozarac ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Quel travail faisiez-vous à Kozarac ?

15 R. : Je travaillais pour Dedo Turkanovic. Je reconstruisais sa véranda, le

16 restaurant et le café et l'estrade, je reconstruisais des choses

17 comme les tables etc. Puis à Kolotur, dans le restaurant, j'ai

18 refait les murs extérieurs du restaurant.

19 Q. : Ai-je raison de dire que votre travail à Kozarac a consisté en deux

20 travaux de construction dans cette ville ?

21 R. : C'était la même société, les mêmes hommes mais sur deux sites

22 différents.

23 Q. : Parce que ce que je vous suggère, c'est que vous ne connaissiez pas

24 Dusko Tadic.

25 R. : Si je le connaissais.

Page 3558

1 Q. : Et que vous n'avez jamais passé un moment quelconque avec Dusko Tadic

2 ?

3 R. : J'étais assis à la même table que Dusko Tadic à Kozarac, à Basta. Il

4 cherchait un homme pour l'aider à construire ce petit édifice avec

5 le café-bar. J'étais très occupé, j'avais déjà beaucoup de travail

6 et je n'ai donc pas pu l'aider. Il a du chercher d'autres personnes

7 et j'ai poursuivi mon travail dans la véranda à Basta.

8 Q. : L'occasion que vous mentionnez durant laquelle il vous aurait parlé

9 récemment aurait été pour vous demander de faire quelques travaux ?

10 R. : Je ne sais pas comment l'exprimer. Il cherchait quelqu'un pour un

11 travail de construction. Nous étions à la même table. Dedo était

12 présent ainsi que certains des frères Turkanovic et son meilleur

13 collègue, le beau-frère de Ferid, il était son meilleure collègue et

14 il dirigeait un atelier de cordonnerie. Ils ont dit à Tadic que

15 j'étais excellent, un maître maçon mais j'ai dit que je regrettais,

16 que j'avais trop de travail et pas le temps. Autrement j'aurais été

17 heureux d'aider.

18 Q. : Connaissiez-vous Dusan Kuezevic ?

19 R. : Non.

20 Q. : Aviez-vous jamais vu Dusko Tadic sur une moto auparavant ?

21 R. : Non.

22 Q. : Vous ne l'aviez jamais vu à Kozarac sur une moto ?

23 R. : Non, jamais auparavant.

24 Q. : Passons au moment où vous avez vu Dusko Tadic à Omarska. Vous dites

25 ...

Page 3559

1 R. : Oui.

2 Q. : ... qu'il conduisait une moto.

3 R. : Oui.

4 Q. : L'avez-vous vu arriver sur une moto à Omarska ?

5 R. : Il était à moto mais ce n'était pas la sienne. La moto appartenait à

6 quelqu'un d'autre.

7 Q. : Savez-vous à qui appartenait cette moto ?

8 R. : Qui sait ? Non, je ne sais pas mais cette moto avait été volée.

9 Q. : Comment savez-vous que ce n'était pas sa moto ?

10 R. : Je savais exactement ce qu'avait chaque habitant de Kozarac, quel

11 type de moto, quel type de véhicule, quelle automobile, tout ce que

12 tout le monde avait.

13 Q. : Pourrions-nous examiner de nouveau ces photographies, 239 A et B et

14 la photographie de l'intérieur, 239 B, s'il vous plaît ? Merci. Est-

15 elle à l'écran ? Peut-on la placer sur l'écran, s'il vous plaît ?

16 Voyez-vous le fourgon sur la photo ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Vous avez dit qu'il était près de ce fourgon quand vous l'avez vu ?

19 R. : Je ne comprends pas très bien ? Il était près du fourgon. Le garde

20 l'a arrêté et l'a gardé là et j'étais ici. C'était à environ un

21 mètre 20 du mur et j'étais debout ici où se trouvent ces choses

22 maintenant. Nous avions donc une vue semi-circulaire quand la porte

23 était ouverte.

24 Q. : Le fourgon était-il là quand vous l'avez vu ?

25 R. : Oui, il était près du fourgon quand il est venu de la direction

Page 3560

1 d'Omarska vers le camp, vers notre camp.

2 Q. : Votre porte était-elle généralement fermée ?

3 R. : Parfois. Au début, elle a été fermée pendant plusieurs jours jusqu'à

4 ce que les choses soient réglées avec des soldats quelque part puis

5 on a demandé d'ouvrir la porte pour que nous puissions respirer.

6 Q. : Vous dites que ce jour là, la porte vers le garage était ouverte ?

7 R. : Oui, la porte était ouverte.

8 Q. : Vous n'avez pas réellement vu Dusko Tadic faire quoi que ce soit à

9 cet endroit. Pouvez-vous nous donner des détails de ses actions ?

10 R. : Je ne peux évidemment rien inventer. Je peux seulement dire qu'il

11 venait lentement sur la moto et je l'ai vu là et le garde l'a

12 arrêté. La porte du fourgon était ouverte, le garde en est sorti et

13 l'a arrêté. Puis j'ai reculé dans la pièce pour laisser d'autres

14 détenus respirer un peu d'air et je voulais reculer aussi loin que

15 possible à l'intérieur.

16 Q. : Vous pourriez peut-être nous indiquer où la moto était garée ?

17 R. : Ici, où on voit ce camion et cette flaque, où l'eau se trouve,

18 derrière cela, derrière cette flaque, c'est là qu'il s'est arrêté.

19 Je m'en souviens parce que nous avions eu plusieurs jours de pluie

20 et c'est la flaque d'eau qui en a résulté et le fourgon était

21 derrière cette eau dans l'allée.

22 Q. : Cette photographie a été prise à l'époque, n'est-ce pas ? Vous ne

23 pouvez peut-être pas répondre à cette question. Pouvons-nous passer

24 à la deuxième occasion où vous dites l'avoir vu et qui était à la

25 maison blanche ?

Page 3561

1 R. : Oui.

2 Q. : Vous étiez dans la pièce que vous nous avez indiquée et qui est la

3 deuxième salle à droite ?

4 R. : Oui.

5 Q. : La première fois que vous l'avez vu, combien y avait-il de détenus

6 avec vous dans la pièce ?

7 R. : Environ 152, 153, quelque chose comme ça.

8 Q. : Et ...

9 R. : Je ne suis pas absolument certain mais ce n'était pas 158. Ils

10 commençaient à partir et Dieu seul sait ce qu'ils sont devenus.

11 Q. : C'est une petite pièce ?

12 R. : Non, pas vraiment. A droite et à gauche les salles étaient assez

13 grandes et celles de l'avant et de l'arrière étaient plus petites.

14 Q. : Vous ne vous attendriez pas à trouver 150 personnes dans une pièce de

15 cette taille, n'est-ce pas ?

16 R. : Cent cinquante personnes dans une petite pièce. Incroyable, non !

17 C'est seulement possible si vous vous tenez debout mais les gardes à

18 l'extérieur ne le permettaient pas. Tout le monde devait baisser la

19 tête et pas seulement la tête mais pas un seul doigt devait dépasser

20 le seuil de la fenêtre.

21 Q. : Etiez-vous assis dans le coin ?

22 R. : Dans le coin, oui, assis.

23 Q. : Y avait-il d'autres personnes assises dans la pièce ou étaient-elles

24 toutes debout ?

25 R. : Nous étions tous assis.

Page 3562

1 Q. : Etiez-vous dans la même position la deuxième fois que vous dites

2 avoir vu Dusko Tadic dans la maison blanche ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Etiez-vous assis ?

5 R. : Avant le départ pour Manjaca, ma place était dans le coin à droite et

6 je n'en ai jamais changé.

7 Q. : En cette deuxième occasion étiez-vous encore le même nombre dans

8 cette pièce ?

9 R. : Nous étions moins nombreux.

10 Q. : Combien étiez-vous approximativement dans la pièce ?

11 R. : En fait je ne me souviens pas combien nous étions la deuxième fois.

12 Nous étions moins nombreux mais je ne me souviens pas exactement

13 bien que nous nous soyons comptés. Nous nous comptions chaque fois

14 qu'il n'y avait pas de garde derrière la porte vitrée ou la fenêtre.

15 Je ne me souviens pas combien nous étions mais nous étions moins

16 nombreux.

17 Q. : Y avait-il encore beaucoup de détenus dans la salle, beaucoup plus

18 qu'il n'aurait du y en avoir ?

19 R. : Plus qu'il n'aurait dû y en avoir mais de moins en moins.

20 Q. : Mais la pièce était-elle bondée ?

21 R. : Non. Au début, dans la maison blanche, la deuxième porte à droite,

22 cette petite pièce, oui, au début du premier jour.

23 Q. : Pouvez-vous décrire M. Tadic quand vous l'avez aperçu, que portait-il

24 ?

25 R. : Je ne peux pas, je ne me souviens pas des détails. Mais je suis

Page 3563

1 absolument certain que j'ai vu Dusko Tadic à deux reprises dans le

2 couloir. Mais je ne me souviens pas des détails.

3 Q. : Vous rappelez-vous avoir fait une déclaration aux enquêteurs chargés

4 de cette affaire il y a quelque temps ?

5 R. : J'ai déclaré que j'étais absolument certain de l'avoir vu à deux

6 reprises mais je ne peux pas me souvenir des détails ... j'essayais

7 de me cacher pour qu'il ne me voit pas. Personne ne pouvait lever la

8 tête ou le petit doigt. Nous devions être absolument immobiles, pas

9 un cheveu ne devait bouger sur nos têtes, c'était aussi terrible que

10 cela.

11 Q. : Vous rappelez-vous avoir dit qu'il portait une veste bleue ?

12 R. : Oui, dans le premier garage. Je ne suis pas certain.

13 Q. : Quand vous étiez à la maison blanche assis dans le coin, vous

14 rappelez-vous qui d'autre était assis près de vous à ce moment là ?

15 R. : Près de moi se trouvait un journaliste de Prijedor. Quelqu'un que je

16 ne connaissais pas se trouvait près de lui. Certains de mes proches

17 étaient sous la fenêtre, toute ma famille, tous mes parents puis des

18 gens que je ne connaissais pas. Ils étaient de Prijedor et de

19 Rakovcani. Ils venaient de partout et près de moi il y avait

20 Schipetar qui tenait une pâtisserie à Prijedor.

21 Q. : Etaient-ils avec vous quand vous avez aperçu M. Tadic ?

22 R. : Oui, ils étaient là.

23 Q. : Ce que je suggère c'est que vous n'avez pas du tout vu M. Tadic à

24 Omarska.

25 R. : Si je l'ai vu, j'en suis absolument certain, sans l'ombre d'un doute.

Page 3564

1 Je l'ai vu, je le garantis.

2 M. KAY : Pas d'autres questions, Mme la Présidente.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

4 M. TIEGER : Un instant, Mme la Présidente. Pas d'autres questions Mme la

5 Présidente.

6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai quelques questions monsieur. Vous avez dit

7 que vous étiez détenu à Benkovac pendant trois jours et deux nuits,

8 est-ce exact ?

9 R. : Trois jours et deux nuits.

10 Q. : Puis on vous a emmené à Omarska ?

11 R. : Je m'excuse, je ne comprends pas bien la question, pourriez-vous

12 répéter ?

13 Q. : Avez-vous été emmené à Omarska après ces trois jours et deux nuits ?

14 R. : Après cela j'ai été emmené à Omarska.

15 Q. : Vous avez été emmené à Benkovac ... Vous rappelez-vous votre

16 témoignage ? Etait-ce le deuxième ou le troisième jours après

17 l'attaque ?

18 R. : Le deuxième jour. Nous étions déjà capturé le troisième jour.

19 Q. : Vous êtes donc arrivé à Omarska, si j'interprète correctement ce

20 calendrier vers le 26 ou le 27 mai, n'est-ce pas ?

21 R. : Non.

22 Q. : Non. Bien. Vous rappelez-vous de la date à laquelle vous êtes arrivé

23 à Omarska ?

24 R. : Je sais que c'était vers la fin du mois de mai.

25 Q. : Bien.

Page 3565

1 R. : Je sais que c'était vers la fin mai.

2 Q. : Parfait. Puis à votre arrivée à Omarska on vous a emmené au garage où

3 vous êtes resté quatre semaines, est-ce exact ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Quand vous avez vu M. Tadic, vous rappelez-vous à quel moment durant

6 ces quatre semaines. Etait-ce la première, la deuxième, la troisième

7 ou la quatrième semaine ? Vous rappelez-vous ?

8 R. : Je me souviens que c'était après l'interrogatoire, cinq ou six jours

9 plus tard.

10 Q. : On vous a interrogé pendant trois semaines, est-ce exact ?

11 R. : Je ne suis pas certain de me rappeler exactement les jours, les

12 nuits, les minutes et les secondes. On ne peut pas se rappeler avec

13 toute cette horreur, ces pressions, la torture. Il est impossible de

14 dire précisément à la minute ou à la seconde quand quelque chose

15 s'est passé. Mais je sais que je l'ai vu après l'interrogatoire.

16 Q. : Cela pourrait être en juin je suppose si je comprends bien les dates.

17 R. : Oui.

18 Q. : Combien de temps après ... Puis après quatre semaines à Omarska, on

19 vous a emmené à la maison blanche est-ce exact ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Quand avez-vous quitté Omarska ?

22 R. : Au mois d'août. Je ne me souviens pas du jour.

23 Q. : Combien de temps après avoir été emmené à la maison blanche avez-vous

24 vu M. Tadic la première fois ?

25 R. : A la maison blanche ?

Page 3566

1 Q. : Oui.

2 R. : Je ne me souviens pas de ces jours là.

3 Q. : Combien de temps avez-vous séjourné à la maison blanche ?

4 R. : J'y suis resté jusqu'en juin, jusqu'à ce que je parte pour Manjaca.

5 Q. : Ce pourrait donc être en juillet ou août ou fin juin ? Ce n'est pas

6 grave si vous ne vous rappelez pas.

7 R. : Non.

8 Q. : Avez-vous dit que vous avez aidé M. Tadic à construire sa maison ou

9 sa partie supérieure ou que vous vouliez l'aider à la construire

10 mais que vous étiez occupé ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Il voulait que vous l'aidiez à construire sa maison mais vous étiez

13 occupé, est-ce bien ce que vous avez dit ?

14 R. : Il cherchait des gens qui l'aideraient à la construire mais ils

15 étaient occupés. Il est venu à l'endroit où je travaillais, où je

16 reconstruisais ce café, ce restaurant. Ils lui ont expliqué que

17 j'étais un excellent maçon et il a dit qu'il voulait quelqu'un comme

18 moi pour l'aider à construire son café-bar. Je lui ai dit que je ne

19 pouvais pas, que j'étais trop pris mais que s'il pouvait attendre je

20 le ferais plus tard.

21 Q. : Vous ne l'avez donc pas aidé à construire sa maison ?

22 R. : J'aidais alors un parent qui faisait la toiture de sa maison.

23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci. M. Tieger, avez-vous d'autres

24 questions ?

25 M. TIEGER : Non, Mme la Présidente.

Page 3567

1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

2 M. KAY : Non, Mme la Présidente.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a t-il des objections à ce que M. Deomic soit

4 dispensé définitivement ?

5 M. KAY : Non, Mme la Présidente

6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Deomic, vous êtes dispensé définitivement.

7 Vous pouvez partir, vous êtes dispensé définitivement. Merci d'être

8 venu. Vous pouvez partir.

9 LE TEMOIN : Je vous en prie.

10 (Départ du témoin)

11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, il est 17 heures 20. Plutôt que

12 d'appeler le prochain témoin, la Chambre aimerait s'entretenir d'une

13 ou deux questions avec les conseils. Je voulais tout d'abord vous

14 rappeler que le Procureur doit déposer sa réponse à la requête de la

15 défense concernant l'album de photos d'identité mais je crois que

16 vous l'avez ?

17 M. KEEGAN : Mme la Présidente, j'ai quelques copies. La copie officielle a

18 été déposée au greffe mais j'ai quelques copies supplémentaires pour

19 la cour.

20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Si l'huissier veut bien nous passer les copies,

21 nous les prendrons. En avez-vous donné une à M. Wladimiroff ?

22 M. KEEGAN : Oui, la Défense a déjà été notifiée, Mme la Présidente.

23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons dit que nous entendrons les exposés

24 sur cette question demain après-midi. Combien de temps vous faudra

25 t-il, M. Wladimiroff, pour présenter votre position ?

Page 3568

1 M. WLADIMIROFF : Cela dépendra Mme la Présidente sur la disponibilité de

2 M. Wagenaar pour témoigner si la Cour l'accepte.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Si nous n'entendons pas son témoignage, vous

4 aurez toutefois présenté votre position mais vous pouvez bien sûr la

5 présenter de nouveau. Combien de temps vous faudrait-il ?

6 M. WLADIMIROFF : Il faudra alors que je couvre les éléments qu'il devait

7 vous présenter.

8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Si nous décidons de ne pas l'entendre vous allez

9 nous exposer ce qu'il devait nous dire ?

10 M. WLADIMIROFF : Je vais essayer et cela prendra un peu plus de temps.

11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Combien de temps son témoignage demanderait-il ?

12 M. WLADIMIROFF : Je pense qu'il lui faudrait à peu près une demi-heure

13 pour témoigner.

14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Si vous nous exposez la teneur de son

15 témoignage cela prendra aussi une demi-heure ou aurons-nous un

16 contre-interrogatoire ? Bien, une demi-heure pour M. Wagenaar.

17 M. WLADIMIROFF : S'il est disponible. On m'a informé qu'il venait de

18 rentrer de l'étranger et il m'appellera ce soir pour me dire s'il

19 sera disponible demain.

20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Alors peut-être une demi-heure pour l'exposé de

21 votre argument par vous-même ?

22 M. WLADIMIROFF : Oui.

23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Qui présentera les arguments de l'Accusation ?

24 M. TIEGER : Mme la Présidente, puisque cela revêt la forme d'un exposé en

25 réponse, j'estime qu'une demi-heure serait également un intervalle

Page 3569

1 approprié, sous réserve que je ne suis pas certain de ce que la

2 Défense entend présenter.

3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je lis dans vos conclusions M. Tieger que vous

4 avez cité certaines affaires. En avez-vous donné copies à la Chambre

5 ? Sinon, pourriez-vous le faire ?

6 M. TIEGER : Si elles n'ont pas été communiquées, Mme la Présidente, elles

7 le seront.

8 M. WLADIMIROFF : La Défense pourrait-elle également en avoir copies ?

9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fournissez les aussi à la Défense. Je ne sais

10 pas de quelle genre de bibliothèque dispose la Défense mais la notre

11 n'est pas ce qu'elle devrait être. Si vous pouvez donc les

12 communiquer à la Défense, s'il vous plaît ? Disons deux heures. Y a

13 t-il autre chose ?

14 M. TIEGER : La dernière question, Mme la Présidente, est de savoir comment

15 nous allons répartir le temps que nous consacrerons demain à la

16 requête par rapport aux témoins que nous avons ici. La préoccupation

17 première est de ne pas nous retrouver avec un témoin en milieu de

18 témoignage.

19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avions prévu d'entendre les exposés dans

20 l'après-midi, demain après-midi. Je prévois deux heures et si nous

21 commençons à 14 heures 30 alors nous continuerons. Deux heures, cela

22 nous donne 16 heures 30. Vous avez un témoin à présenter dans la

23 matinée, n'est-ce pas ?

24 M. TIEGER :Oui.

25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Combien de temps vous faut-il pour ce témoin ?

Page 3570

1 Trois heures et demie, disons pour couvrir un témoin deux heures et

2 demie, peut-être trois heures ?

3 M. TIEGER : Oui. Je n'envisage pas du tout de difficultés avec l'audience

4 du matin mais nous avons deux témoins ici. Ma seule préoccupation

5 est si nous commençons ... C'est quelque chose que nous devrons

6 régler le moment venu. Je pose seulement la question maintenant.

7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous avez deux témoins et vous voulez

8 probablement savoir si vous devriez libérer l'autre ?

9 M. TIEGER : C'est une solution.

10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne peux pas vous dire. Combien de temps

11 prendra le prochain témoin ? De deux à trois heures ? M. Niemann a

12 présenté un témoin en 20 minutes et je l'avais inscrit pour deux à

13 trois heures.

14 M. TIEGER : Je n'entends pas emprunter le temps de M. Niemann, Mme la

15 Présidente !

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non. Je suggérais que vous pourriez peut-être

17 faire la même chose. Même si vous prenez une heure vous auriez le

18 temps de présenter l'autre témoin. Je suggère que vous ayez vos deux

19 témoins présents ici et une large dose de prudence.

20 M. TIEGER : Certainement, c'est notre intention. Je pose seulement la

21 question maintenant au cas où arriverait le moment de décider s'il

22 convient ou non d'appeler le deuxième témoin.

23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous aurez deux témoins ici. Trois heures et

24 demie représentent assez de temps si nous devons y consacrer deux

25 heures, est-ce exact ? Vous aurez besoin de trois heures et demie

Page 3571

1 pour deux témoins ou aurez-vous besoin d'un troisième témoin ?

2 M. TIEGER : Non. Je ne m'exprime peut-être pas clairement. Je pense qu'il

3 y a certainement une possibilité que nous ... Je ne m'inquiète pas

4 d'avoir un troisième témoin. Je ne pense pas qu'il nous restera

5 tellement de temps au point de gaspiller celui de la Cour. Je

6 m'inquiète seulement de la possibilité que nous ne parvenions pas à

7 une décision avant d'appeler le deuxième témoin, étant donné le

8 temps que l'on prévoit pour son témoignage.

9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous voulons entendre autant de témoins que

10 possible. Nous avons trois heures et demie. Nous entendrons donc un

11 témoin si cela prend trois heures et demie, deux témoins, trois

12 témoins et si nous ne les entendons que partiellement, nous voulons

13 les entendre parce que nous voulons entendre autant de témoins que

14 possible. Comprenez-vous ?

15 M. TIEGER : Nous aurons deux témoins ici, Mme la Présidente.

16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le problème, M. Tieger, est que je ne sais pas

17 combien de temps cela prendra. Tout ce que je peux dire est que vous

18 avez trois heures et demie demain, utilisez les. Bien. M.

19 Wladimiroff, vous aurez demain votre décision sur vos mesures de

20 protection. L'autre point qu'on m'a demandé de vous mentionner, M.

21 Wladimiroff, concerne les vidéoconférences que vous envisagez pour

22 les témoins. Vous n'avez pas besoin de me dire quoi que ce soit pour

23 l'instant mais c'est une question qui intéresse le personnel

24 technique parce qu'elle concerne le matériel nécessaire. Je n'en ai

25 pas parlé avec vous, Mme Featherstone. Vous pourriez peut-être vous

Page 3572

1 en entretenir avec M. Wladimiroff puis nous transmettrons cette

2 information à la personne compétente.

3 M. WLADIMIROFF : Nous avons discuté ce matin avec le service technique et

4 je sais que nous devons résoudre ce problème.

5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. L'audience est suspendue jusque

6 demain 10 heures.

7 (17 heures 30).

8 (Ajournement de l'audience)

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