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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi, le 18 juillet 1996
4 (10h55)
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Niemann, êtes-vous prêt à procéder ?
6 Le contre-interrogatoire était bien terminé, hier, n’est-ce pas ?
7 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président. Maître Hollis va prendre le
8 relais à présent.
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Hollis ? D’accord.
10 MAITRE HOLLIS : Merci, Madame le Président. Nous appelons à la barre Edin
11 Mrkalj.
12 (Convocation d’Edin Mrkalj)
13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J’ai le sentiment qu’il nous reste quelque
14 chose à faire. Quelqu’un a-t-il encore une question à soulever ?
15 Maître Orie, bonjour.
16 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, il y a peut-être un point que je
17 pourrais évoquer. Mais je peux le faire plus tard.
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, je vous demanderai de prêter
19 serment en lisant le texte qui vient de vous être remis.
20 LE TEMOIN (en traduction) : Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 (Le témoin a prêté serment)
23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
24 (Interrogatoire mené par Maître Hollis)
25 Q. : Monsieur, veuillez décliner vos nom et prénom, je vous prie.
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1 R. : Je m’appelle Edin Mrkalj.
2 Q. : Quelle est votre date de naissance ?
3 R. : Je suis né le 13 juin 1965 dans le village de Biscani, municipalité
4 de Prijedor.
5 Q. : Avez-vous vécu à Biscani jusqu’à l’âge de quize ans, puis déménagé à
6 Sarajevo ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Etes-vous rentré vivre dans le village de Biscani en janvier 1988 ?
9 R. : Exact.
10 Q. : Combien de temps avez-vous vécu à Biscani après y avoir réemménagé ?
11 R. : Après mon retour au village, j’y suis resté jusqu’au 30 -- 31 mai
12 1992.
13 Q. : Combien Biscani compte-t-il d’habitants ?
14 R. : Près de 3.000.
15 Q. : Connaissiez-vous un grand nombre des habitants de Biscani ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Quelle était la composition ethnique du village ?
18 R. : Musulmane, à 100 %.
19 Q. : Peut-on remettre au témoin la pièce à conviction 79 de l’accusation,
20 je vous prie ? Monsieur, je vous demanderai de regarder cette carte
21 et de vous orienter pendant quelques instants, avant qu’on ne la
22 place sur le rétroprojecteur.
23 R. : Oui, je me suis orienté.
24 Q. : Monsieur, je vous prierai, à l’aide du pointeur, de montrer aux juges
25 l’emplacement de Biscani sur cette carte.
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1 R. : Le village se trouve ici, dans cette région. C’est mon village, le
2 village de Biscani.
3 Q. : Pourrait-on le voir de plus près ? Pourriez-vous nous le montrer à
4 nouveau à l’aide du pointeur ?
5 R. : C’est ici, ici se trouve la région de Biscani.
6 Q. : Quelle distance séparait Biscani de Prijedor ?
7 R. : Eh bien, les premières maisons sont à quelques trois kilomètres de
8 Biscani. Donc, mon village est à trois kilomètres du premier hameau,
9 à peu près.
10 Q. : De la ville de Prijedor ?
11 R. : Oui, de la ville de Prijedor.
12 Q. : Le village de Hambarine, à quelle distance est-il de Biscani ?
13 R. : A environ cinq kilomètres.
14 LE JUGE STEPHEN : Puis-je poser une question au sujet de cette pièce à
15 conviction, que nous avons déjà vue à maintes reprises ? J’ignore si
16 vous pourrez y répondre. Je pensais que les petits carrés figurant
17 sur cette carte représentaient des maisons, mais en entendant le
18 nombre d’habitants dont vous venez de faire état, je pense que ce
19 n’est pas le cas, il semblerait qu’il y ait beaucoup plus de maisons
20 qu’il n’apparaît sur la carte. Savez-vous si c’est le cas ? Pouvons-
21 nous considérer que cette carte rend fidèlement compte du nombre des
22 habitations présentes dans ler village ou n’est-elle qu’une
23 illustration symbolique ?
24 MAITRE HOLLIS : Monsieur le Juge, je crois savoir qu’il s’agit d’une
25 illustration symbolique. Je ne crois pas que cette carte ait pour
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1 objet de représenter individuellement toutes les maisons. Mais nous
2 pouvons le vérifier pour vous, si vous le désirez.
3 LE JUGE STEPHEN : Ce serait utile, merci bien.
4 MAITRE HOLLIS ( A l’intention du témoin) : Pourriez-vous, je vous prie,
5 nous montrer l’emplacement de Hambarine sur cette carte ?
6 R. : Oui. Hambarine se trouve dans cette région, ici.
7 Q. : Où se trouve le village de Rizvanovici ?
8 R. : Vous le voyez ici.
9 Q. : Pourriez-vous nous le montrer à nouveau à l’aide du pointeur, je vous
10 prie ? A quelle distance se trouve-t-il de Biscani ?
11 R. : C’est le premier village après Biscani, il est limitrophe de Biscani
12 quand on se dirige vers le village de Volar. Sur la gauche se trouve
13 le village de Rizvanovici et sur la droite, celui de Biscani, ils ne
14 sont donc séparés que par une rue.
15 Q. : Rakovcani, qui figure sur cette carte, à quelle distance est-il de
16 Biscani ?
17 R. : A trois kilomètres à peu près.
18 Q. : Parle-t-on en général de toute cette région en la désignant par le
19 terme Brdo ?
20 R. : Oui, la totalité de la région est désignée par le terme Brdo.
21 Q. : A votre connaissance, quelle était la composition ethnique de cette
22 région ?
23 R. : Elle était musulmane, à 100 %.
24 Q. : Quel était votre emploi, Monsieur ?
25 R. : J’étais policier, chargé de la sécurité.
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1 Q. : Avez-vous été formé à Sarajevo, à l’école des affaires intérieures ?
2 R. : Oui, je suis diplômé de cette école de Sarajevo, je suis de la
3 dernière promotion, la promotion 79/84.
4 Q. : Avez-vous occupé votre premier poste de policier au SUP de Belgrade ?
5 R. : Oui.
6 Q. : A quelle époque y avez-vous travaillé ?
7 R. : De 1984, c’est-à-dire depuis l’obtention de mon diplôme, jusqu’au 31
8 décembre 1987.
9 Q. : Où se trouvait le siège du SUP fédéral ?
10 R. : Il avait son siège au 92 de la rue Kneza Mihajla, et le quartier
11 général dont je dépendais se trouvait dans la rue Sarajevska.
12 Q. : A Belgrade ?
13 R. : Oui, à Belgrade.
14 Q. : Quelles étaient vos fonctions auprès du SUP fédéral ?
15 R. : Je veillais à la sécurité des missions diplomatiques étrangères,
16 ainsi qu’à celle des installations vitales de notre ancien Etat
17 commun.
18 Q. : Le SUP fédéral possédait-il des unités spéciales ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Quelles étaient leurs responsabilités ?
21 R. : Il s’agissait d’unités spéciales anti-sabotage et anti-subversives,
22 qui intervenaient également en cas de troubles importants, comme au
23 Kosovo, par exemple. Au moment des événements de Kosovo, ce sont ces
24 unités qu’on a envoyées sur les lieux.
25 Q. : Quelle était la différence entre le SUP au niveau fédéral et le SUP
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1 au niveau des Républiques ?
2 R. : La compétence du SUP d’une République recouvrait tout le territoire
3 de la République, celle de Bosnie-Herzégovine, pour ne prendre qu’un
4 exemple ; quant au SUP fédéral, il avait sous sa juridiction
5 l’intégralité de l’ancien Etat commun de la Yougoslavie.
6 Q. : Pendant les années que vous avez passées au SUP fédéral, vous êtes-
7 vous familiarisé avec les plaques d’immatriculation apposées sur les
8 véhicules qu’utilisait cette institution ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Quel était l’élément distinctif de ces plaques ?
11 R. : Les numéros des plaques d’immatriculation apposées sur les voitures
12 du SUP fédéral commençaient tous par un 9, comme 900, par exemple.
13 Q. : Vous avez déclaré avoir travaillé au SUP fédéral, à Belgrade, jusqu’à
14 la fin décembre 1987. Ensuite, êtes-vous retourné à Biscani et avez-
15 vous travaillé en tant que policier à Prijedor ?
16 R. : Exact.
17 Q. : Combien de temps avez-vous travaillé en tant que policier à Prijedor
18 ?
19 R. : Jusqu’au 10 avril 1992.
20 Q. : A votre connaissance, existait-il une unité policière dont les hommes
21 portaient un uniforme de camouflage bleu ?
22 R. : Oui.
23 Q. : A quelles unités correspondait cet uniforme ?
24 R. : Aux unités spéciales du SUP fédéral.
25 Q. : Lorque vous étiez policier à Prijedor, combien y avait-il de postes
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1 de police dans l’opstina ?
2 R. : Quatre.
3 Q. : Où se trouvaient-ils ?
4 R. : Le poste central se trouvait à Prijedor, au n° 4 de la rue Mose
5 Pijade, puis il y avait les dépendances d’Omarska, de Kozarac et de
6 Ljubija. Ces dépendances constituaient des Départements, des
7 Divisions.
8 Q. : Où travailliez-vous ?
9 R. : Je travaillais au poste central de Prijedor.
10 Q. : Quelle était la composition ethnique du Département de la police au
11 moment où vous en faisiez partie ?
12 R. : Eh bien, au moment où j’en faisais partie, la majorité des policiers
13 étaient serbes.
14 Q. : Quelles étaient vos fonctions au sein du Département de la police de
15 Prijedor ?
16 R. : J’étais chargé de la circulation et de la sécurité.
17 Q. : Avez-vous ensuite été promu à la Division des enquêtes criminelles ?
18 R. : Oui, en 91, mais ce n’était pas une promotion.
19 Q. : En 1992, alors que vous apparteniez encore au Département de la
20 police de Prijedor, qui était le chef de la police ?
21 R. : Hasan Talundzic était le chef de la police.
22 Q. : Excusez-moi, Hasan Talundzic était le chef de la police, avez-vous
23 dit ?
24 R. : Talundzic.
25 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?
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1 R. : Musulmane.
2 Q. : En mars 1992, vous rappelez-vous avoir reçu l’appel d’un ami serbe
3 qui souhaitait vous parler sans délai ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Cet ami est-il venu vous parler ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Comment aviez-vous fait sa connaissance ?
8 R. : Nous avions travaillé ensemble.
9 Q. : Où travaillait-il ?
10 R. : A Belgrade.
11 Q. : Dans quelle institution ou agence travaillait-il ?
12 R. : Au SUP fédéral.
13 Q. : De quoi désirait-il s’entretenir avec vous ?
14 R. : Il voulait me parler de l’avenir immédiat.
15 Q. : Que vous a-t-il dit ?
16 R. : Il m’a annoncé que des membres de son peuple allaient occuper la
17 ville et prendre le pouvoir dans la municipalité.
18 Q. : Lorsque vous dites "des membres de son peuple", de qui parlez-vous ?
19 R. : Du peuple serbe.
20 Q. : Vous a-t-il dit autre chose au sujet des événements à venir ?
21 R. : Que le territoire de la municipalité de Prijedor serait nettoyé de sa
22 population non-serbe, c’était la première fois que j’entendais
23 l’expression "nettoyage ethnique".
24 Q. : Vous a-t-il dit qu’on lui avait proposé un emploi en Bosnie ?
25 R. : Oui, dans une ville.
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1 Q. : Quel genre d’emploi lui avait-on proposé?
2 R. : Un poste d’encadrement.
3 Q. : Au sein de quelle agence ou institution ?
4 R. : Au SUP.
5 Q. : Votre ami vous a-t-il jamais dit comment il avait reçu cette
6 information ?
7 R. : Eh bien, il circulait parmi des gens dont il pouvait beaucoup
8 apprendre.
9 Q. : Qu’avez-vous fait de cette information une fois que vous l’avez reçue
10 ?
11 R . J’ai décidé d’aller parler au chef du poste de sécurité publique de
12 Prijedor, pour la lui transmettre.
13 Q. : Quelle a été sa réaction ?
14 R. : Elle a été la suivante : il m’a dit que cela ne présentait aucun
15 intérêt, que cela ne nous -- que cela ne l’intéressait pas, que ce
16 n’était pas un sujet de préoccupation pour lui, que nous n’étions
17 pas favorables à la guerre et que rien ne ressortirait de cette
18 information.
19 Q. : Au début du mois d’avril 1992, êtes-vous allé à Belgrade pour en
20 ramener votre fille, qui y avait été hospitalisée ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Aviez-vous acheté un billet d’avion vous permettant, à vous et à
23 votre fille de revenir à Banja Luka par un vol commercial ?
24 R. : Oui, pour revenir de Belgrade.
25 Q. : Avez-vous pu ramener votre fille sur un vol commercial ?
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1 R. : Non.
2 Q. : Alors que vous étiez à Belgrade, avez-vous entendu à la télévision
3 que tous les vols commerciaux à destination de Banja Luka avaient
4 été annulés ?
5 R. : Oui, je l’ai entendu à la télévision serbe.
6 Q. : Avez-vous pu organiser votre voyage de retour à bord d’un avion
7 militaire ?
8 R. : Oui, en effet.
9 Q. : Pendant que vous attendiez cet avion, avez-vous vu des hommes en
10 uniforme arriver à l’endroit où vous attendiez ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Comment ces hommes étaient-ils vêtus ?
13 R. : Eh bien, ils portaient l’uniforme de l’ancienne JNA, gris vert-olive.
14 Q. : Portaient-ils un quelconque insigne ou d’autres emblèmes sur leur
15 uniforme ?
16 R. : Certains portaient un brassard blanc, des rubans, d’autres portaient
17 un brassard rouge, de sorte que je les répartissais en deux groupes
18 distincts.
19 Q. : Avaient-ils des armes, du matériel ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Pendant que vous attendiez votre avion, avez-vous entendu ce que ces
22 hommes se disaient ?
23 R. : Oui.
24 Q. : De quoi les avez-vous entendu parler ?
25 R. : Ils se disaient des choses incroyables. Ils disaient qu’ils allaient
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1 bientôt devenir riches, ils parlaient d’argent, d’or --, d’un avenir
2 prometteur.
3 Q. : Ont-ils dit quoi que ce soit au sujet de leur destination ?
4 R. : Certains parlaient de Mostar, d’autres de Bihac.
5 Q. : Avez-vous reconnu l’accent ou le dialecte que parlaient ces hommes ?
6 R. : Oui, je l’ai reconnu.
7 Q. : Quel était cet accent ou ce dialecte ?
8 R. : Ils parlaient le dialecte serbe.
9 Q. : Quel était l’aspect physique de ces hommes ?
10 R. : Eh bien, ils ne ressemblaient pas aux soldats d’une armée régulière.
11 Ils étaient dépenaillés, leur apparence n’était pas soignée. Ils ne
12 ressemblaient pas du tout aux soldats d’une véritable armée. Ils
13 n’étaient pas disciplinés.
14 Q. : Leur matériel, leur équipement militaire se trouvait-il à bord au
15 cours du vol vers Banja Luka ?
16 R. : Oui, lorsque l’on a embarqué les armes --
17 Q. : Excusez-moi, "lorsque vous avez embarqué les armes", avez-vous dit.
18 Pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire ?
19 R. : Oui, les armes ont été placées à bord de l’avion.
20 Q. : Donc, il y avait des caisses d’armes à bord de cet avion ?
21 R. : Oui, ils ont chargé les caisses d’un côté de la porte d’entrée ; il y
22 en avait déjà quelques-unes au départ, mais lorsque nous sommes
23 montés à bord, cet espace était clos et contenait je ne sais combien
24 de caisses supplémentaires.
25 Q. : A votre retour de ce voyage, avez-vous quitté la police ?
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1 R. : Oui, définitivement.
2 Q. : Qu’avez-vous dit au Département de la police ?
3 R. : Eh bien, j’ai dit que je prenais un congé maladie.
4 Q. : Après avoir obtenu ce congé maladie, vous rappelez-vous avoir assisté
5 à une réunion de policiers dans un bâtiment appartenant à la société
6 minière de Prijedor ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Cette réunion a-t-elle eu lieu avant ou après la prise de Prijedor
9 par les Serbes, le 30 avril ?
10 R. : Après.
11 Q. : Qui avait convoqué cette réunion ?
12 R. : La cellule de crise serbe.
13 Q. : Est-ce que tous les policiers en service actif, serbes et non-serbes,
14 participaient à cette réunion ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Vous rappelez-vous les noms des représentants serbes présents à cette
17 réunion ?
18 R. : Simo Drljaca était présent, et ils ont présenté un ministre, dont ils
19 ont dit qu’il s’appelait Kovacevic, que je ne connaissais pas. Il y
20 avait aussi Dule Jankovic et Simo Miskovic.
21 Q. : Savez-vous quelles étaient les fonctions de Simo Drljaca à l’époque ?
22 R. : Il avait été nommé chef du poste serbe après l’occupation de la ville
23 de Prijedor.
24 Q. : Il était le chef du poste de police serbe ?
25 R. : Oui, oui.
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1 Q. : Quelles étaient les fonctions de Dule Jankovic, si vous les
2 connaissez ?
3 R. : Il commandait le poste. Il avait conservé les mêmes fonctions.
4 Q. : Quelles étaient les fonctions de Simo Miskovic, si vous les
5 connaissez ?
6 R. : Il était Président du SDS, Président du Parti démocratique serbe au
7 sein de la municipalité de Prijedor.
8 Q. : Quelles ont été les exigences présentées aux policiers non-serbes au
9 cours de cette réunion, qu’est ce qu’on leur a demandé ?
10 R. : On nous a demandé de signer un acte d’allégeance inconditionnel, sans
11 réserve.
12 Q. : Un acte d’allégeance envers qui ?
13 R. : Envers la partie serbe.
14 Q. : Avez-vous accepté de signer cette déclaration d’allégeance ?
15 R. : Non, jamais.
16 Q. : A la fin-mai 1992, avez-vous été témoin d’une attaque perpétrée, dans
17 la région, contre le village de Hambarine ou d’autres villages ?
18 R. : Oui, en effet.
19 Q. : Qu’avez-vous vu ?
20 R. : J’ai assisté au pilonnage de la région.
21 Q. : Quels villages avez-vous vu subir ce pilonnage ?
22 R. : J’ai bien vu ce qui s’est passé dans les villages de Hambarine,
23 Rizvanovici, une partie de Biscani et Rakovcani.
24 Q. : Alors que vous assistiez au pilonnage de ces villages, avez-vous vu
25 quoi que ce soit qui permette de penser que les villages en question
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1 tiraient en retour ?
2 R. : Non, ils n’ont pas tiré en retour.
3 Q. : Avez-vous vu des chars engagés dans cette opération ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Au cours de l’attaque et du pilonnage de la région, les habitants de
6 ces villages se sont-ils vu fixer un ultimatum pour la restitution
7 des armes détenues par eux ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Quelles étaient les armes qui devaient être livrées ?
10 R. : Les armes que détenaient les forces de la Défense territoriale et les
11 réservistes de la police.
12 Q. : Comment l’ultimatum a-t-il été diffusé ?
13 R. : A la radio.
14 Q. : Les autorités responsables de cet ultimatum étaient-elles mentionnées
15 dans cette annonce ?
16 R. : Il s’agissait de la cellule de crise de la municipalité serbe de
17 Prijedor.
18 Q. : Après fixation de cet ultimatum, vous rappelez-vous avoir été
19 impliqué dans des contacts portant sur la restitution des armes avec
20 un homme désigné sous le nom de "capitaine Glusac" ?
21 R. : C’était le capitaine Glusac.
22 Q. : Qui était cet homme ?
23 R. : C’était un capitaine de réserve de l’ancienne JNA.
24 Q. : Quelle était son appartenance ethnique, si vous la connaissez ?
25 R. : Serbe.
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1 Q. : Avez-vous, avec d’autres hommes, discuté avec lui de la restitution
2 des armes ?
3 R. : Ils en ont parlé en ma présence, c’est arrivé à deux reprises.
4 Q. : Quelle a été sa réponse ?
5 R. : Eh bien, lors de la deuxième rencontre, il a déclaré que si des coups
6 de feu étaient tirés de notre côté et si un Serbe était blessé ou
7 tué, il donnerait l’ordre de pilonner nos villages.
8 Q. : Les habitants de Biscani ont-ils obtempéré, ont-ils livré leurs armes
9 ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Avez-vous appris, plus tard, que malgré cela, Biscani avait été
12 détruit ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Le 31 mai 1992, avez-vous reçu l’ordre de rapporter, le lendemain,
15 vos armes de service au poste de police de Prijedor ?
16 R. : Oui, le 31 mai 1992.
17 Q. : Qui vous a donné cet ordre ?
18 R. : Cet ordre m’a été transmis par Duro Knezevic, un réserviste de la
19 police. Il m’a dit venir du poste de police central de Prijedor et
20 m’a annoncé que je devais livrer mes armes et mon équipement
21 personnels et que, pour ce faire, je devais me rendre au poste de
22 police.
23 Q. : A-t-il dit ce qui arriverait si vous refuseriez de vous plier à cet
24 ordre ?
25 R. : Oui. Je lui ai demandé ce qui se passerait si je refusais
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1 d’obtempérer et il m’a répondu : "Eh bien, tu sais ce qui s’est
2 passé à Hambarine lorsque le policier Aziz Aliskovic a refusé de
3 rendre ses armes".
4 Q. : Quel genre d’armes possédiez-vous à l’époque ?
5 R. : Je détenais des armes assorties d’une autorisation officielle, un
6 revolver et un fusil-mitrailleur.
7 Q. : Vous êtes-vous rendu au poste de police de Prijedor, le 1er juin,
8 pour y rendre vos armes ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Avez-vous subi un interrogatoire, ce jour-là, au poste de police ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Qui vous a interrogé ?
13 R. : Des inspecteurs, d’anciens collègues.
14 Q. : Vous rappelez-vous le nom de l’un quelconque de ces hommes ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Quels sont les noms que vous vous rappelez ?
17 R. : Mira Jankovic occupait le siège réservé aux inspecteurs, elle était
18 avec Gostimir Modic et Nenad Lakic, que je ne connaissais pas, qui
19 affirmait être venu de Croatie rejoindre les rangs de la police, et
20 Nebojsa Tomcic.
21 Q. : Vous avez déclaré que ces personnes étaient vos collègues. D’après
22 vous, quelle était leur appartenance ethnique ?
23 R. : Ils étaient tous d’origine serbe.
24 Q. : Avez-vous été détenu dans les locaux de la police cette nuit-là, puis
25 emmené le lendemain, 2 juin, au camp d’Omarska ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Comment vous a-t-on transféré au camp d’Omarska, le 2 juin ?
3 R. : J’y ai été emmené dans un autobus.
4 Q. : D’autres détenus ont-ils été transférés en même temps que vous, à
5 bord du même autobus ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Qui étaient ces détenus ?
8 R. : Ils appartenaient au Département des affaires criminelles du poste de
9 police serbe de Prijedor.
10 Q. : Si vous vous rappelez le nom de l’un quelconque de ces hommes,
11 pouvez-vous nous dire qui était à bord de cet autobus avec vous ?
12 R. : Ranko Mijic, Zare Tejic, Nebojsa Tomcic, Rade Knezevic, Zika Jovic,
13 Ranko Bucalo étaient à bord de cet autobus. Je ne sais plus si j’ai
14 mentionné Dragic Knezevic.
15 Q. : Avez-vous vu des cadavres au cours du trajet entre le poste de police
16 de Prijedor et le camp d’Omarska ?
17 R. : Oui, j’en ai vu.
18 Q. : Ces cadavres étaient-ils disposés de façon particulière ?
19 R. : Oui.
20 Q. : De quelle façon ?
21 R. : J’ai d’abord vu des corps formant une croix. Puis j’ai vu d’autres
22 cadavres, deux corps, à quelque distance de cette croix. La tête
23 d’un des deux cadavres était à côté du deuxième cadavre et il y
24 avait un bras, détaché du corps situé à côté de lui. Enfin, j’ai vu
25 une grande croix faite de cadavres.
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1 Q. : Vous rappelez-vous avoir vu un feu aux abords du camp d’Omarska, à
2 300 mètres du camp, à peu près ?
3 R. : Oui, je me rappelle ce feu.
4 Q. : Vous rappelez-vous quoi que ce soit de particulier, d’inhabituel, au
5 sujet de ce feu ?
6 R : Ce qui était spécial, je m’en souviens, c’était l’odeur qui émanait de
7 ce feu, au passage de l’autobus, elle a pénétré à l’intérieur.
8 Q. : Plus tard, à Omarska, avez-vous jamais senti une odeur comparable ?
9 R. : Oui. Quand je me trouvais avec Ferid Sekiric, de ses mains brûlées,
10 de ses bras brûlés, se dégageait la même odeur, la même atroce
11 puanteur.
12 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu au camp d’Omarska ?
13 R. : Jusqu’au démantèlement du camp.
14 Q. : Vous rappelez-vous en quel mois le camp a été démantelé ?
15 R. : Début août.
16 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque des autres détenus du camp ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique des détenus que vous connaissiez
19 ?
20 R. : Ils étaient musulmans et croates.
21 Q. : Est-ce que l’un quelconque des gardes ou des dirigeants du camp
22 faisait partie des gens que vous connaissiez avant d’arriver à
23 Omarska ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Qui ?
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1 R. : Je connaissais le commandant responsable du camp. Je connaissais
2 personnellement le commandant d’une des équipes.
3 Q. : Qui était ce commandant du camp que vous connaissiez ?
4 R. : (Pas d’interprétation).
5 Q. : Excusez-moi, je n’ai pas entendu l’interprétation de votre réponse.
6 L’INTERPRETE : Le témoin a dit avoir parlé de "commandant" et pas de
7 "l’homme qui commandait" le camp et a demandé si le mot avait été
8 bien traduit. En français, le mot commandant a les deux
9 significations, mais le témoin distingue entre les deux sens du
10 terme.
11 MAITRE HOLLIS : A votre connaissance, qui était le commandant du camp, qui
12 était cet homme que vous connaissiez avant votre arrivée dans le
13 camp ?
14 R. : Miroslav Kvocka était le premier commandant, Zeljko Meakic le
15 deuxième et Drago Prcac le troisième.
16 Q. : Comment aviez-vous fait la connaissance de ces hommes, avant votre
17 arrivée dans le camp ?
18 R. : Ils étaient tous policiers au poste central de Prijedor.
19 Q. : Connaissiez-vous un homme répondant au nom de Drago Meakic avant
20 votre arrivée dans le camp ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Comment aviez-vous fait sa connaissance ?
23 R. : Je le connaissais parce que jusqu’en 1991, il travaillait en tant
24 qu’inspecteur au Département chargé des affaires criminelles, qu’il
25 a ensuite quitté pour entrer au poste de police de Prijedor.
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1 Q. : A votre connaissance, Drago Meakic et Zeljko Meakic étaient-ils
2 parents ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Quel était leur lien de parenté ?
5 R. : Drago Meakic est l’oncle de Zeljko Meakic.
6 Q. : Vous avez déclaré que vous connaissiez déjà le commandant d’une des
7 équipes d’Omarska. Qui était-ce ?
8 R. : C’était Mladjo Radic, surnommé "Krkan", le chef de l’équipe n° 3.
9 Q. : Quelle était, à votre connaissance, l’appartenance ethnique de Mladjo
10 Radic et Zeljko Meakic ?
11 R. : Serbe.
12 Q. : Où avez-vous été détenu les premiers jours de votre séjour au camp
13 d’Omarska ?
14 R J’ai été détenu dans l’atelier de réparation.
15 Q. : Je vous demanderai de prendre le pointeur, et de nous montrer, de
16 votre place, le bâtiment que vous désignez par les mots "atelier de
17 réparation".
18 R. : Oui. Voici ce bâtiment.
19 Q. : Vous désignez donc le long bâtiment rouge que l’on voit sur la
20 maquette ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu dans cet atelier de réparation
23 ?
24 R. : Je ne me rappelle pas le nombre de jours exact, mais au début, j’ai
25 été placé dans une pièce qui se trouvait à l’entrée, près de la cage
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1 d’escalier. J’y suis resté jusqu’au 6, au 6 juin 1992.
2 Q. : Cette pièce située non loin de la cage d’escalier était-elle au rez-
3 de-chaussée ou au premier étage ?
4 R. : Au rez-de-chaussée.
5 Q. : Où vous a-t-on emmené lorsque vous avez quitté ce bâtiment ?
6 R. : Suite à l’une des nombreuses enquêtes, j’ai été transféré sur la
7 pista.
8 Q. : Pourriez-vous, à l’aide du pointeur, nous montrer quelle est la zone
9 correspondant à la "pista" ?
10 R. : Oui. C’est l’espace situé ici, entre l’atelier de réparation et ce
11 que nous appelions le bâtiment administratif. C’est la zone que je
12 vous montre en ce moment avec le pointeur.
13 Q. : Combien de temps avez-vous été détenu sur la pista ?
14 R. : J’y ai passé la plus grande partie de mon séjour dans le camp, une
15 quarantaine de jours, sans doute. Je ne suis pas absolument sûr du
16 nombre de jours.
17 Q. : Pendant votre séjour sur la pista, avez-vous vu des bacs en béton des
18 deux côtés de l’espace séparant l’atelier de réparation et le
19 bâtiment administratif ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Étaient-ils placés de façon à se toucher les uns les autres ou y
22 avait-il un espace libre entre deux bacs ?
23 R. : Il y avait un espace vide entre eux.
24 Q. : Pendant votre séjour sur la pista, vous forçait-on à vous allonger
25 sur le ventre pendant des périodes de temps prolongées ?
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1 R. : Cela dépendait, mais en effet, on nous forçait à nous allonger sur le
2 ventre tous les jours.
3 Q. : Alors que vous êtiez couché sur le ventre, vous arrivait-il de
4 regarder autour de vous pour voir ce qui se passait ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Avec ces bacs des deux côtés de la pista, pouviez-vous voir quoi que
7 ce soit, couché sur le ventre comme vous l’étiez, à travers les
8 espaces ménagés entre les bacs ?
9 R. : Oui, la vue était dégagée.
10 Q. : Auriez-vous pu voir une personne, en regardant par-dessus les bacs ?
11 R. : Certainement, qu’est-ce qui m’en aurait empêché ?
12 MAITRE HOLLIS : Je demande que la pièce à conviction de l’accusation n°
13 246 soit remise au témoin.
14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Hollis, Messieurs, nous poursuivrons
15 jusqu’à 13 h00 puisque nous avons commencé avec du retard --
16 excusez-moi.
17 MAITRE HOLLIS : Jusqu’à 13 heures ?
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Normalement, nous faisons une pause à 11h30,
19 mais puisque nous n’avons commencé qu’à 10h55 -- à moins que
20 quelqu’un soit d’un avis contraire.
21 MAITRE HOLLIS : Peut-on placer cette photographie sur le rétroprojecteur,
22 je vous prie ? (A l’intention du témoin) : je vous demanderai de
23 regarder cette photographie, les bacs représentés sur cette
24 photographie, et de nous dire s’il s’agit bien des bacs dont vous
25 venez de parler, des bacs en béton.
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1 R. : Oui, ce sont bien ces bacs.
2 Q. : L’espacement représenté sur cette photographie correspond-il à
3 l’espacement des bacs que vous avez pu voir pendant votre séjour
4 dans le camp ?
5 R. : L’espacement était plus important.
6 Q. : Regardez les plantes contenues dans les bacs. Ces plantes étaient-
7 elles aussi hautes lorsque vous vous trouviez sur la pista, dans le
8 camp ?
9 R. : Les plantes étaient moins hautes.
10 Q. : Donc elles étaient plus hautes ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Reconnaissez-vous l’une quelconque des personnes figurant sur cette
13 photographie ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Pourriez-vous nous dire qui sont ces personnes et nous les montrer à
16 l’aide du pointeur lorsque vous donnerez leur nom ?
17 R. : Simo Drljaca se trouve ici et Nada Balaban ici.
18 Q. : Comment connaissiez-vous --
19 R. : Un instant, je vous prie. On voit aussi Radovan Vokic, ici, au moins
20 en partie, Radovan Vokic, c’était un policier.
21 Q. : Pourriez-vous nous montrer -- la personne qui se trouve là, à l’aide
22 du pointeur. Comment saviez-vous qu’il s’agissait de Nada Balaban ?
23 R. : Elle était professeur d’anglais.
24 Q. : La photographie peut-elle être rendue au Greffier, je vous prie ?
25 Etes-vous jamais entré dans la maison blanche pendant votre séjour à
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1 Omarska ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Combien de temps avez-vous passé dans la maison blanche ?
4 R. : J’y ai passé une nuit.
5 Q. : Dans quelle pièce y avez-vous été détenu ?
6 R. : Une pièce située à gauche de l’entrée, la deuxième porte à gauche.
7 Q. : Quelle était la situation dans cette pièce lorsque vous y avez été
8 enfermé ?
9 R. : Horrible.
10 Q. : Que voulez-vous dire par là ?
11 R. : La pièce était petite. Plus de vingt personnes y étaient détenues. Il
12 y avait l’odeur, la puanteur, cela sentait le sang, l’urine. Les
13 gens qui dormaient dans cette pièce depuis longtemps étaient en
14 piteux état, ils allaient très mal. L’un de ces hommes avait
15 commencé à se décomposer. Esad Talic, le médecin, l’avait opéré. Je
16 n’oublierai jamais, jamais cela.
17 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque des hommes enfermés dans cette pièce
18 ?
19 R. : Oui. J’en ai reconnu un, que je connaissais très bien, c’était Ferid
20 Sekiric.
21 Q. : Quel était son état ?
22 R. : Il allait très mal. Il avait cinq balles dans le corps. Des médecins
23 serbes en avaient extrait quatre, mais la cinquième n’avait pas été
24 enlevée. Il allait donc très, très mal.
25 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?
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1 R. : Musulmane.
2 Q. : Où vous a-t-on emmené après ces quarante jours sur la pista ?
3 R. : On nous a emmenés dans l’atelier de réparation.
4 Q. : Avant ma question suivante, je voudrais vous en poser une autre.
5 Connaissez-vous Dule Tadic ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quand l’avez-vous rencontré pour la première fois ?
8 R. : Je l’ai rencontré en 1991, au début de 1991.
9 Q. : Comment avez-vous fait sa connaissance ?
10 R. : A Prijedor.
11 Q. : Dans quelles circonstances l’avez-vous rencontré ?
12 R. : Nous avions une réunion de travail. Elle avait lieu mensuellement, en
13 général lorsque nous avions la visite de policiers venus des autres
14 postes de police. Nous en profitions pour arriver au travail une
15 heure ou deux plus tôt et bavarder ou boire un verre avant la
16 réunion. C’est lors d’une réunion de ce genre que j’ai rencontré
17 Dule Tadic, qu’un de ses amis m’a présenté.
18 Q. : Qui était cet ami qui vous l’a présenté ?
19 R. : Quelqu’un qui travaillait avec moi.
20 Q. : Comment s’appelait-il ?
21 R. : Emir Karabasic.
22 Q. : Comment Emir Karabasic vous a-t-il présenté Dusko Tadic ?
23 R. : Comme l’un de ses bons amis.
24 Q. : Combien de temps a duré cette première rencontre avec Dusko Tadic ?
25 R. : Nous sommes restés assis à la même table un peu plus d’une heure, en
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1 gros.
2 Q. : Avez-vous jamais revu Dusko Tadic après cette première entrevue ?
3 R. : Oui, oui, à plusieurs reprises.
4 Q. : Où le rencontriez-vous ?
5 R. : A Prijedor.
6 Q. : L’avez-vous jamais rencontré ailleurs qu’à Prijedor ?
7 R. : Oui, je l’ai vu une fois à Kozarac. Nous étions dans le même café.
8 Q. : Avez-vous eu un contact avec lui, ce jour-là ?
9 R. : Nous nous sommes salués, et le groupe dont je faisais partie a payé
10 un verre à ses amis, puis ses amis nous ont payé un verre, à nous.
11 Q. : Vous rappelez-vous la date de cette rencontre ?
12 R. : Je ne me rappelle pas la date exacte.
13 Q. : Savez-vous quelles étaient les activités commerciales de Dule Tadic ?
14 R. : Oui. Il gérait une espèce de club de karaté.
15 Q. : Est-ce que vous êtes jamais entré dans ce café que possédait Dusko
16 Tadic ?
17 R. : Non.
18 Q. : Combien de fois au total diriez-vous avoir rencontré Dule Tadic avant
19 le début des attaques contre l’opstina de Prijedor, en mai 1992 ?
20 R. : Je dirais plusieurs fois, à plusieurs reprises.
21 Q. : Pendant la période où vous rencontriez Dusko Tadic, avant le conflit,
22 l’avez-vous jamais vu porter la barbe ?
23 R. : Oui.
24 Q. : L’avez-vous jamais vu rasé de près ?
25 R. : Je n’ai jamais prêté attention, jamais fait très attention à cela. Il
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1 portait une petite barbe, n’avait pas de barbe.
2 Q. : La démarche de Dusko Tadic avait-elle quoi que ce soit de distinctif
3 ?
4 R. : Oui, il tanguait de droite à gauche et avait le visage assez bouffi.
5 Q. : J’aimerais attirer votre attention sur -- vous avez dit qu’il
6 tanguait, que voulez-vous dire par là ?
7 R. : Oui, il se balançait d’un côté à l’autre. Il marchait comme un
8 athlète, pour être vu, pour se détacher des autres, vous comprenez -
9 - peut-être était-ce dû à un complexe d’infériorité ou quelque chose
10 de ce genre.
11 Q. : J’aimerais attirer votre attention sur la date du 16 juin 1992. Avez-
12 vous vu Dusko Tadic dans le camp d’Omarska ce jour-là ?
13 R. : Ce n’était pas un camping, je l’ai vu dans le camp de concentration
14 d’Omarska. Nous ne faisions pas du camping. Nous étions les détenus
15 d’un camp de concentration.
16 Q. : Avez-vous reçu des coups, ce jour-là ?
17 R. : Oui, on m’a frappé.
18 Q. : Où a eu lieu ce passage à tabac ?
19 R. : Au premier étage du bâtiment administratif, en haut des escaliers.
20 Q. : Etiez-vous seul en haut des escaliers ou y avait-il un autre détenu
21 avec vous ?
22 R. : Il y avait une autre personne avec moi, je crois que c’était un
23 mineur, à en juger par son apparence. Je ne connais pas son nom.
24 Q. : Pourquoi aviez-vous, tous les deux, été emmenés au premier étage du
25 bâtiment administratif ?
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1 R. : Pour transporter le corps d’un détenu qui avait été tué.
2 Q. : Que vous est-il arrivé lorsque vous avez atteint le sommet des
3 marches, au premier étage ?
4 R. : Au sommet des marches, nous nous sommes arrêtés. Nous avions une
5 position, une attitude obligatoire, les mains dans le dos, le visage
6 penché vers le sol. Le premier homme que j’ai vu à côté des
7 escaliers m’a eu l’air d’être un mineur, et quelqu’un que je ne
8 connaissais pas, que je n’avais encore jamais vu, était venu avec
9 moi. J’étais juste à ses côtés.
10 Q. : Que s’est-il passé alors, quand vous êtes arrivé en haut des marches
11 ?
12 R. : A notre arrivée, j’ai entendu des rires, quelque chose qui
13 ressemblait à des rires. Je ne savais pas combien de personnes se
14 trouvaient là. A un moment, la personne qui se tenait à côté de moi
15 a reçu un coup. J’ai vu la matraque en caoutchouc, mais pas toute la
16 scène, car je devais garder la tête baissée. L’homme que je ne
17 connaissais pas est tombé. Cet inconnu est tombé au sol. Je l’ai vu
18 faire sous lui.
19 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?
20 R. : Lorsqu’il a repris conscience, il a reçu l’ordre de descendre au rez-
21 de-chaussée.
22 Q. : Que vous est-il arrivé à vous, après que ce jeune homme a été frappé
23 et est tombé au sol ?
24 R. : Un homme que je n’avais jamais vu m’a mis sur la gorge une matraque
25 en caoutchouc, me forçant à garder la tête levée. Je ne regardais
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1 plus vers le bas. J’ai pu voir -- j’ai vu le visage de celui qui me
2 maintenait la tête avec cette matraque en caoutchouc sur la gorge, à
3 peu près de cette façon.
4 Q. : Qui avez-vous vu ?
5 R. : A ce moment-là, j’ai vu et reconnu Dusko Tadic.
6 Q. : Que s’est-il passé ensuite, alors que Dusko Tadic était devant vous,
7 la matraque sur votre gorge ? Qu’est-il arrivé ensuite ?
8 R. : Tout d’un coup, alors que je ne m’attendais pas à être frappé, il
9 s’est retourné ; je croyais qu’il s’éloignait de moi, mais un coup
10 terrible m’a été asséné, sur la tête, à cet endroit, ici.
11 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?
12 R. : Il m’a demandé : "comment se fait-il que tu sois là ? Qu’est-ce qui
13 t’a amené ici ?" Je lui ai répondu : "je suis venu volontairement".
14 Je voyais le cynisme sur son visage, je l’ai vu sourire, grimacer. A
15 un certain moment, j’ai vu Rade Knezevic, l’inspecteur, sur le seuil
16 de la porte.
17 Q. : Que faisait-il quand vous l’avez vu ?
18 R. : Il était debout à la porte.
19 Q. : Que s’est-il passé à ce moment-là ?
20 R. : Il m’a demandé quelle était ma profession.
21 Q. : Qui vous a posé cette question ?
22 R. : Dusko Tadic.
23 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?
24 R. : J’ai répondu que j’étais policier. Il m’a dit, m’a ordonné de tendre
25 les bras, les mains. Je l’ai fait.
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1 Q. : Donc vous avez tendu les mains, paumes en l’air ?
2 R. : Et il m’a dit de retourner les mains dans l’autre sens. Je l’ai fait.
3 Il m’a demandé de quelle main je me servais pour écrire. J’ai
4 répondu que j’étais droitier.
5 Q. : Que s’est-il passé alors ?
6 R. : Il s’est mis à me frapper avec la matraque en caoutchouc. J’ai
7 supporté les coups. Un autre homme que je ne connaissais pas est
8 arrivé et s’est joint à lui pour me frapper. A un certain moment, la
9 matraque en caoutchouc est tombée au sol. Dusko Tadic m’a alors dit
10 : "ramasse la matraque et dis : je vous en prie, Monsieur, Monsieur
11 le Serbe". Je n’avais pas le choix. Je me suis agenouillé, j’ai
12 ramassé la matraque et en la lui remettant, j’ai dit : "je vous en
13 prie, Monsieur le Serbe". C’est alors que le canon du fusil-
14 mitrailleur m’a été mis dans la bouche.
15 Q. : Par qui ?
16 R. : Dusko Tadic, par Dusko Tadic.
17 Q. : Quelle était votre position lorsque le canon de ce fusil-mitrailleur
18 vous a été mis dans la bouche ? Etiez-vous debout ?
19 R. : Oui. J’étais debout, mais pas entièrement redressé, je n’avais pas
20 une posture normale. J’avais adopté, -- c’était peut-être un
21 réflexe, dû à l’entraînement -- une position légèrement abaissée me
22 permettant de prendre appui plus fermement sur le sol. J’avais le
23 canon du fusil dans la bouche et les coups ont commencé à pleuvoir
24 sur ma tête.
25 Q. : Alors que les coups pleuvaient sur votre tête, vous aviez toujours le
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1 canon du fusil dans la bouche ?
2 R. : Oui. J’avais le canon du fusil dans la bouche et les coups étaient
3 doublés, venant à la fois de la matraque en caoutchouc et d’une
4 barre de métal. Je suppose qu’on peut survivre à des coups de
5 matraque en caoutchouc, on s’en sort, mais une barre de métal, on
6 n’en réchappe pas. Ma tête explosait, le sang giclait partout.
7 C’était horrible. Mes dents étaient cassées, tout se cassait. Je ne
8 me rappelle plus exactement quel a été le dernier coup. Mais il a
9 été terrible. J’ai l’impression que Dusko Tadic était légèrement en
10 retrait, à ce moment-là. Je ne me rappelle pas si j’avais toujours
11 le canon du fusil dans la bouche ou s’il avait été retiré, mais je
12 sais que j’ai reçu un coup terrible et que tout a explosé. Je suis
13 tombé. J’ai perdu conscience. Je ne sais pas combien de temps je
14 suis resté par terre.
15 Q. : Quand vous étiez debout, le canon du fusil dans la bouche, vous dites
16 avoir été frappé à la tête avec deux objets différents. Qui vous
17 frappait, à ce moment-là ?
18 R. : Un homme que je ne connaissais pas, je n’ai pas pu -- je n’ai pas eu
19 la possibilité de voir qui était cet autre homme. Je ne sais pas qui
20 c’était.
21 Q. : Outre cet homme que vous ne connaissiez pas, quelqu’un d’autre vous
22 frappait-il avec une matraque ?
23 R. : Dusko Tadic me frappait avec une barre de métal et cet autre homme me
24 frappait avec une matraque en caoutchouc, et c’était vraiment
25 atroce. Je recevais ces coups alors que j’avais le canon du fusil
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1 dans la bouche, ma tête partait à gauche et à droite. Il n’y a rien
2 de pire que des coups redoublés, or ils me frappaient ensemble.
3 Q. : Comment Dusko Tadic parvenait-il à vous frapper avec cette barre de
4 métal, alors qu’il tenait déjà le canon du fusil dans votre bouche ?
5 R. : Il portait le fusil-mitrailleur sur l’épaule gauche.
6 Q. : Il vous frappait de l’autre main ?
7 R. : De la main droite.
8 Q. : Vous avez déclaré être tombé après avoir reçu ce dernier coup très
9 fort à l’arrière de la tête. Avez-vous perdu conscience quelque
10 temps ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Que s’est-il passé lorsque vous avez repris conscience ?
13 R. : Quand j’ai repris conscience, j’ai vu où j’étais. Je suis revenu à
14 moi. J’étais sur le sol et j’ai vu tout d’un coup quelqu’un qui
15 portait des bottes, des bottes militaires. Je n’oublierai jamais cet
16 instant. Je reviens à moi, je reprends conscience, et je vois ces
17 bottes militaires, mais je suis sur le sol, par terre. Et puis
18 l’ordre est venu, pas loin de moi, à un mètre, un mètre et demi de
19 moi, il y avait un corps et c’était affreux. L’homme gisait au sol.
20 Il avait une tête et n’en avait pas en même temps, parce que sa tête
21 était en bouillie. Impossible de reconnaître un nez ou des yeux ou
22 quelque autre partie du corps, il n’y avait que du sang, encore du
23 sang, du sang partout.
24 Q. : Que s’est-il passé alors ?
25 R. : Alors Dusko Tadic m’a dit de frapper à la tête l’homme qui gisait au
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1 sol.
2 Q. : L’avez-vous fait ?
3 R. : Malheureusement, j’ai été obligé de le faire.
4 Q. : Quand vous avez frappé cet homme, qu’avez-vous ressenti ?
5 R. : Indicible. A l’entraînement, à l’exercice, on a un partenaire
6 d’entraînement, on ne le frappe pas vraiment. Il est interdit de
7 faire plus que lui effleurer le corps. Je ne voulais pas frapper cet
8 homme, mais je n’avais pas le choix, j’y étais obligé. Je l’ai
9 frappé et quelque chose est sorti de sa tête. Je ne l’ai pas frappé
10 très fort. Je ne peux pas décrire ce que c’était, un cri, non, ce
11 n’était pas un cri, c’était quelque chose qui n’existe pas dans des
12 circonstances normales. Quelque chose est sorti de cette tête, un
13 son. Je ne sais pas ce que c’était.
14 Q. : Que s’est-il passé ensuite ?
15 R. : Ensuite, deux civils que je ne connaissais pas sont sortis d’une
16 autre pièce ; ils portaient un appareil photographique. Ils se
17 dirigeaient vers nous et Dusko Tadic m’a dit de descendre, de m’en
18 aller. Je tenais à peine debout et en descendant les escaliers, j’ai
19 trébuché dans le virage et ai été renvoyé plus bas par le mur.
20 C’était horrible, mais j’ai tout de même réussi à revenir parmi les
21 miens, à retrouver mon groupe sans l’aide de personne.
22 Q. : J’aimerais, à présent, que cette photographie, ainsi qu’une copie en
23 noir et blanc de celle-ci, soient enregistrées comme pièces à
24 conviction de l’accusation N° 250 A et B, à des fins
25 d’identification. Je demande à ce qu’elles soient ensuite montrées à
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1 la Défense, puis remises au témoin. Monsieur, reconnaissez-vous ce
2 que montre cette photographie ?
3 R. : Oui, très bien.
4 Q. : Cette photographie montre-t-elle l’endroit dont vous venez de parler,
5 en haut des escaliers, au premier étage du bâtiment administratif du
6 camp de concentration d’Omarska ?
7 R. : Oui.
8 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, j’ajoute, à titre d’éclaircissement,
9 que la pièce 250 A est la photographie en couleur et la pièce 250 B
10 la copie de cette photographie, en noir et blanc. (A l’intention du
11 témoin) : Monsieur, je vous prierai de placer la copie en noir et
12 blanc sur le rétroprojecteur.
13 R. : Oui.
14 Q. : Pourrait-on agrandir la photographie, je vous prie, pour que nous
15 voyions mieux. Merci. C’est très bien comme cela. Je vous demanderai
16 de prendre un des stylos rouges disponibles sur la table devant
17 vous. Il y en a deux devant vous. Prenez-en un, s’il vous plaît, et
18 commencez par nous montrer, à l’aide du pointeur, à quel endroit
19 vous vous trouviez, debout, au début de l’incident.
20 R. : Le jeune homme inconnu de moi était debout à cet endroit, ici, et
21 j’étais à ses côtés.
22 Q. : Je vous demande, à l’aide du stylo rouge, d’inscrire la lettre "W" -
23 appuyez un peu plus, de façon à ce que la lettre se lise bien - à
24 l’endroit où vous vous trouviez, et la lettre "W1" à l’endroit où se
25 trouvait ce jeune homme ? Pouvez-vous, à présent, nous montrer à
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1 l’aide du pointeur, à quel endroit se trouvait Dule Tadic, puis
2 inscrire au stylo rouge la lettre "T" à cet endroit ?
3 R. : "T" ?
4 Q. : Oui, "T".
5 R. : (Le témoin indique ces emplacements sur la photographie).
6 Q. : Vous avez déclaré avoir, à un moment donné, vu Rade Knezevic, debout,
7 en train de regarder ce qui se passait. Je vous demande de nous
8 montrer, à l’aide du pointeur, où se trouvait Rade Knezevic lorsque
9 vous l’avez vu.
10 R. : Oui, c’est faisable.
11 Q. : Donc lorsque vous l’avez vu, il était à côté de la porte que l’on
12 voit sur la droite de cette photographie ?
13 R. : Oui, ici, à la porte.
14 Q. : Merci. Madame le Président, je demande que la pièce à conviction de
15 l’accusation N° 250 A et B soit versée au dossier.
16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
17 MAITRE KAY : Non, Madame le Président. Mais l’accusation aura peut-être la
18 bonté de nous remettre une copie de cette photographie.
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Les pièces 250 A et 250 B sont admises et
20 vous en fournirez un exemplaire à la Défense, immédiatement, je vous
21 prie.
22 MAITRE HOLLIS : Oui, Madame le Président. (A l’intention du témoin) : M.
23 Mrkalj, au cours de l’incident que vous venez de décrire, combien de
24 temps au total avez-vous vu Dule Tadic ?
25 R. : Eh bien, suffisamment longtemps pour être capable de l’identifier. Je
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1 l’ai vu quand j’avais la tête relevée de force, il était à peu près
2 à cette distance, la longueur de la matraque, donc je le voyais
3 immédiatement devant moi, nous étions yeux dans les yeux.
4 Q. : Monsieur, pourriez-vous estimer la durée totale du temps pendant
5 lequel vous avez vu Dule Tadic durant cet incident - se compte-t-
6 elle en secondes, en minutes ?
7 R. : Plusieurs minutes, je pense, je ne pourrais pas être plus précis,
8 mais plusieurs minutes - assez de temps pour ne jamais l’oublier, en
9 tout cas.
10 Q. : Vous rappelez-vous comment Dusko Tadic était vêtu au cours de cet
11 incident ?
12 R. : Il portait la veste bleue des policiers, sans revers. Et des bottes
13 militaires.
14 Q. : Vous rappelez-vous un élément distinctif de ces bottes ?
15 R. : Oui, il y avait du sang sur ces bottes, du sang frais.
16 Q. : Pourriez-vous le décrire physiquement, au moment où vous l’avez vu ?
17 R. : Eh bien, son apparence, il avait le visage rond, une barbe, pas une
18 vraie barbe, en fait, mais il n’était pas rasé. A première vue, on
19 pouvait penser qu’il transpirait, comme s’il avait fait un effort.
20 Il était couvert de sueur. Je voyais son cynisme. Je voyais son
21 rictus, on aurait dit qu’il prenait du bon temps.
22 Q. : Vous venez de dire : "il portait une barbe, pas une vraie barbe, en
23 fait, mais il était mal rasé". Je vous prierai de nous décrire cette
24 barbe. Etait-ce une longue barbe ? Ou une barbe de quelques jours ?
25 Pourriez-vous la décrire à notre intention ?
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1 R. : Eh bien, je ne sais pas à quelle vitesse pousse sa barbe, mais il
2 n’était pas rasé, de combien de jours, je ne saurais le dire,
3 probablement une dizaine de jours. C’est vraiment difficile à dire.
4 Cela varie d’un homme à l’autre. Tout dépend de la vitesse de
5 pousse. Il était mal rasé.
6 Q. : Durant cet incident, avez-vous jamais frappé ou tenté de frapper l’un
7 quelconque des hommes qui vous infligeait ces coups ?
8 R. : Non, malheureusement.
9 Q. : Quelles ont été les conséquences des coups que vous avez reçus ?
10 R. : Les autres pensaient que je ne survivrais pas. J’ai même fait mes
11 adieux à tout le monde. Je n’ai pas pu faire un pas, pendant
12 plusieurs jours, sans quelqu’un pour me tenir la tête. C’était
13 terrible, surtout au réfectoire, où nous devions rester debout, à
14 plus de 600, et moi, je n’y arrivais pas. Mais il n’y avait pas de
15 place pour se tenir autrement. Je n’oublierai jamais l’aide que les
16 hommes m’ont apportée, avec quelle attention ils se sont occupés de
17 moi, Agan Sekiric, Mulalic. Mes dents étaient en très mauvais état.
18 Elles branlaient toutes. Je ne recevais aucun soin. C’était très
19 dur.
20 A Manjaca, on m’a arraché une dent. Je crois que le médecin
21 s’appelait Leopold, nous l’appelions "Léo". On me l’a arrachée de
22 façon très primitive. Cela a été très dur. Les effets ont été - ils
23 sont apparus par la suite. J’ai subi trois interventions
24 chirurgicales. La première dès mon arrivée à Karlovac, j’étais très
25 - j’étais en piteux état.
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1 Q. : M. Mrkalj, ces trois opérations des dents et des gencives étaient-
2 elles toutes destinées à corriger les séquelles des coups que vous
3 aviez reçus ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Vous avez déclaré avoir reçu des coups sur la main droite. Y a-t-il
6 eu des séquelles de ces coups ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Combien de temps avez-vous souffert des séquelles des coups reçus sur
9 la main ?
10 R. : Cela fait trois mois à peine que je peux utiliser ma main
11 normalement, que je peux tout faire avec cette main. Avant, je ne
12 pouvais pas la mettre dans cette position. J’avais mal, très mal.
13 Cela va mieux à présent, beaucoup mieux.
14 Q. : Après les coups que vous a infligés Dusko Tadic, vous rappelez-vous
15 un jour où des visiteurs sont arrivés dans le camp de concentration
16 et où les prisonniers, alignés, ont reçu l’ordre de chanter des
17 chants serbes ?
18 R. : Oui, je m’en souviens.
19 Q. : Ces visiteurs étaient-ils accompagnés de dirigeants serbes que vous
20 ayez reconnus ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Qui avez-vous reconnu ?
23 R. : J’ai reconnu Simo Drljaca, Simo Miskovic, Dule Jankovic et Vojo
24 Kupresanin, qui arrivait sans doute de Banja Luka. C’était un homme
25 politique.
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1 Q. : L’un quelconque des dirigeants du camp était-il présent pour saluer
2 les visiteurs ?
3 R. : Oui, Zeljko Meakic, le commandant du camp à l’époque, ainsi que les
4 chefs d’équipes.
5 Q. : Avez-vous remarqué un élément particulier lié aux plaques
6 d’immatriculation des voitures dans lesquelles ces visiteurs sont
7 arrivés au camp ?
8 R. : Oui, en effet. L’un de ces véhicules avait une plaque commençant par
9 le numéro "9" et l’autre par un "6".
10 Q. : Vous avez déjà expliqué que le chiffre "9" signifiait quelque chose
11 de précis, à savoir que le véhicule venait du SUP. Mais quelle était
12 la signification du chiffre "6" ?
13 R. : Le "6" indiquait que le véhicule venait de Serbie, qu’il appartenait
14 donc à un résident de la République de Serbie ; en effet, le numéro
15 des plaques d’immatriculation apposées sur les voitures de police de
16 la République de Serbie commençaient par un "6", pour la Bosnie-
17 Herzégovine, le premier numéro était un "1", chaque République avait
18 un numéro différent.
19 Q. : Où avez-vous été transféré à votre sortie d’Omarska ?
20 R. : On m’a transféré à Manjaca.
21 Q. : Qui a organisé le transport des détenus à Manjaca ?
22 R. : Le commandant chargé du transport, Milan Gavrilovic.
23 Q. : Dans quel véhicule avez-vous été amenés à Manjaca ?
24 R. : Dans des autobus appartenant aux sociétés Auto-Service De Ljubija et
25 Auto-Service de Prijedor.
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1 Q. : Où vous a-t-on emmenés ensuite ?
2 R. : Nous sommes allés à Manjaca.
3 Q. : Mais après Manjaca ?
4 R. : Après Manjaca, à la fermeture de Manjaca, je suis allé en République
5 de Croatie. C’est le HCRNU qui a organisé ce transfert.
6 Q. : M. Mrkalj, je vous prie de regarder autour de vous, dans ce prétoire,
7 et de nous dire si vous y voyez Dusko Tadic.
8 R. : Oui, d’accord. C’est cette ordure, ici.
9 Q. : Monsieur, je vous en prie, veuillez vous abstenir de ce genre de
10 commentaire.
11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S’il vous plaît, contentez-vous d’identifier
12 l’accusé, si vous le pouvez.
13 MAITRE HOLLIS : Je vous demande de nous dire où il est assis dans le
14 prétoire.
15 R. : Il est assis là, en face de moi, entre deux policiers.
16 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, je demande que soit consigné le fait
17 que l’identification a été effectuée de façon satisfaisante.
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Le compte-rendu stipulera que le témoin
19 a identifié l’accusé.
20 MAITRE HOLLIS : M. Mrkalj, avant les attaques dont l’opstina de Prijedor a
21 été victime en mai 1992, étiez-vous membre d’une organisation
22 militaire ou paramilitaire anti-serbe ?
23 Q. : Non.
24 R. : Etiez-vous membre d’un quelconque mouvement de résistance anti-serbe
25 ?
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1 Q. : Malheureusement non.
2 R. : Monsieur, avez-vous perdu des membres de votre famille au cours de
3 ces attaques et des autres événements survenus dans l’opstina de
4 Prijedor, des membres de votre famille sont-ils portés disparus ou
5 ont-ils été tués ?
6 Q. : Oui. Nous avons perdu 52 membres de la famille.
7 MAITRE HOLLIS : Je n’ai pas d’autres questions, Madame le Président.
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il un contre-interrogatoire ?
9 Contre-interrogatoire mené par MAITRE KAY
10 Q. : M. Mrkalj, je voudrais vous demander, pour commencer, si vous avez
11 discuté de votre déposition à venir avec d’autres témoins dans ce
12 procès.
13 R. : Non, je ne l’ai pas fait.
14 Q. : Vous a-t-on rapporté le contenu de la déposition d’autres témoins
15 dans ce procès ?
16 R. : Non.
17 Q. : Avez-vous regardé la télévision, avez-vous lu des articles traitant
18 des dépositions présentées dans ce procès ?
19 R. : Non.
20 Q. : Eh bien, ce qui m’intéresse, c’est cette question des jardinières de
21 la pista, ces bacs à fleurs que vous avez montrés sur une
22 photographie ce matin. Vous vous en souvenez ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Pourrait-on nous montrer ces jardinières sur l’écran, je crois que
25 c’est la pièce à conviction N° 247 ?
Page 3966
1 MAITRE HOLLIS : Je crois qu’il s’agit de la pièce N° 246.
2 MAITRE KAY : 246. Peut-on la placer à l’écran pour que nous la voyions ?
3 Peut-on ajuster la mise au point ? Merci. Encore quelques
4 ajustements, je vous prie, pour faire disparaître la partie blanche
5 de la droite de la photo et le reflet du côté gauche. Merci
6 beaucoup, Monsieur Bos. (A l’intention du témoin) : Vous vous
7 rappelez avoir vu cette photographie ce matin, M. Mrkalj ?
8 R. : Oui, je m’en souviens.
9 Q. : Ce qui m’intéresse, c’est ce que vous avez dit quant au fait que
10 l’espacement entre les bacs était plus important au moment de votre
11 séjour sur la pista.
12 R. : Oui.
13 Q. : Vous rappelez-vous avoir exprimé cette opinion ce matin ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Pour votre gouverne personnelle, je tiens à ce que vous sachiez que
16 nous possédons des photographies sur lesquelles figure l’intégralité
17 de la zone où se trouvent les jardinières, ceci n’est pas la seule
18 photographie sur laquelle elles apparaissent. Vous me comprenez ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Ces jardinières séparent, des deux côtés, le bâtiment administratif
21 du grand hangar, n’est-ce pas ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Je vous suggère que l’espacement indiqué sur cette photographie,
24 celle que les juges ont vue, est l’espacement normal, habituel, des
25 jardinières de la pista. Etez-vous en désaccord avec ma proposition
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1 ?
2 R. : Je maintiens ce que j’ai dit.
3 Q. : Peut-être pourriez-vous le redire, de façon à ce que je sois sûr
4 d’avoir bien saisi.
5 R. : Pourquoi pas ? L’espacement était plus important, les jardinières
6 étaient plus espacées, j’en suis convaincu.
7 Q. : Donc, vous dites que d’autres bacs ont été placés sur la pista de
8 façon à réduire l’espacement --
9 R. : C’est vous qui le dites.
10 Q. : -- entre les jardinières. Je cherche à comprendre exactement ce que
11 vous dites ainsi que la logique sous-tendant vos propos, si tant est
12 qu’il y en ait une. Je vous prie de m’excuser d’avoir à vous poser
13 ces questions, mais mon travail consiste à vérifier l’exactitude de
14 votre déposition.
15 R. : Je vous en prie, poursuivez, posez-moi vos questions. J’y répondrai.
16 Q. : Vous affirmez que les jardinières étaient plus espacées que cela ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Puisque nous avons des photographies prises après août 1992, qui
19 montrent le même espacement régulier entre ces jardinières, il doit
20 en découler, semble-t-il, que d’après vous, des bacs supplémentaires
21 ont été ajoutés aux anciens et que la totalité des jardinières a été
22 déplacée, réaménagée, pour produire l’effet que nous voyons
23 aujourd’hui sur cette photographie ?
24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Cela vous a-t-il été traduit, M. Mrkalj ?
25 Avez-vous entendu la question ?
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1 MAITRE KAY : M. Bos pourrait peut-être vérifier que les écouteurs du
2 témoin sont sur le bon canal. Quelqu’un peut-il me dire si la
3 question que je viens de poser a été traduite ?
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : pourquoi ne répéteriez-vous pas cette
5 question ? Le témoin déclare penser que l’espacement était plus
6 important et vous demandez quelle est la logique sous-tendant cette
7 affirmation. Quelqu’un a-t-il ajouté de nouvelles jardinières ou
8 quoi ?
9 MAITRE KAY : C’est cela, Madame le Président.
10 Je vous demande de réfléchir à la chose suivante : Si des
11 photographies prises après le mois d’août 1992 montrent l’espacement
12 régulier que nous voyons ici, est-ce que ce que vous dites, c’est
13 que d’autres jardinières ont été ajoutées à celles qui existaient à
14 l’époque et que l’on a réaménagé l’ensemble de façon à produire
15 l’image que nous voyons aujourd’hui ?
16 R. : Je m’en tiens à ce que j’ai déjà dit. Pendant mon séjour dans le camp
17 de concentration d’Omarska, l’espacement entre les jardinières était
18 plus important. Je ne peux rien dire au sujet des photographies
19 prises plus tard. Je vous parle simplement de la situation dans le
20 camp au moment où je m’y trouvais, quand j’ai vu cela de mes yeux,
21 je vous parle de ce que j’ai vu et de rien d’autre.
22 Q. : Cette photographie, voyez-vous, a en fait été prise en août 1992,
23 alors que le camp fonctionnait encore, c’est une équipe de
24 télévision, venue un jour visiter le camp et qui a rencontré M.
25 Drljaca et Nada Balaban, qui a filmé ces images pour une émission
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1 d’information, au début du mois d’août 1992.
2 R. : Je ne peux que répéter ce que j’ai déjà dit. L’espacement était plus
3 important que ce que montre cette photographie. Je ne sais pas ce
4 qui s’est passé plus tard, je ne peux donc pas le confirmer, car je
5 ne l’ai pas vu. Mais je peux parler de ce que je vois aujourd’hui,
6 et l’espacement était plus important avant, et c’est ce que
7 j’affirme.
8 Q. : Vous ne seriez pas prêt à envisager la possibilité que vous ayez été
9 dans l’erreur, que vous ayez commis une erreur sur ce point ?
10 R. : Je ne change pas d’avis, l’espacement était plus important, je
11 maintiens ce que j’ai dit.
12 Q. : Très bien. J’aimerais que nous parlions, maintenant, des événements
13 dont vous dites qu’ils ont eu lieu le 16 juin 1992. J’aimerais que
14 vous me disiez ce qui vous rend sûr de la date. La représentante de
15 l’accusation a cité cette date, vous avez acquiescé, mais je tiens à
16 vérifier si vous connaissez la date et ce qui vous permet de la
17 connaître.
18 R. : Je ne prends conseil auprès de personne. Je répondrai d’abord à cette
19 partie de votre question. Je parle en mon nom propre. Je suis venu
20 ici sans l’aide d’aucun conseiller, sans aucune instruction, je
21 parle de ce que j’ai vu et vécu personnellement. Je vous prierai
22 donc de me poser une question directement en rapport avec ce qui
23 vous intéresse. Je n’ai pas de conseillers et n’en ai pas besoin.
24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Mrkalj, ceci est un contre-interrogatoire
25 et Maître Kay vérifie l’exactitude de votre déposition. Il a le
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1 droit de vous poser ces questions. La responsabilité qui vous
2 incombe, c’est de lui répondre sans vous interroger sur les raisons
3 qui le poussent à vous poser ces questions ou sur le raisonnement
4 sous-tendant ses questions. Répondez à ses questions. Si vous ne
5 pouvez le faire, dites que vous n’avez pas compris la question et il
6 tentera de la reformuler. Pouvez-vous vous en tenir à cela, je vous
7 prie ?
8 LE TEMOIN : Oui. S’il vous plaît, il m’a été dit par les interprètes que
9 j’avais reçu les conseils d’un conseiller, et j’ai répondu à cette
10 question précise.
11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je comprends.
12 LE TEMOIN : Je vais répondre encore plus précisément.
13 MAITRE KAY : Puis-je reposer cette question ? Vous avez déclaré avoir vécu
14 un incident particulier, lié à Dusko Tadic, le 16 juin 1992. Ce que
15 j’aimerais savoir, c’est comment vous connaissez la date de cet
16 incident. D’où tenez-vous ce renseignement ?
17 R. : J’avais un bracelet-montre qui me donnait la date, à l’époque. Je
18 connais donc cette date et elle m’intéresse, c’est le jour le plus
19 intéressant, mais aussi le plus triste pour moi, puisque c’est celui
20 où j’ai été passé à tabac ; cela étant, il y a un autre événement
21 auquel je relie cette journée. Une liste de tous les détenus du camp
22 de concentration d’Omarska a été dressée. Le 16 juin 1992, nous
23 avons tous été enregistrés. On m’a fait monter au premier étage du
24 bâtiment administratif, dans un groupe d’une trentaine d’hommes, et
25 on a pris nos noms, qu’on a consignés dans un registre. Je maintiens
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1 donc ce que j’ai dit, à savoir que c’était le 16 juin 1992.
2 Q. : Vous avez conservé ce bracelet-montre tout au long de votre détention
3 à Omarska ?
4 R. : Non. Il m’a été confisqué.
5 Q. : Aviez-vous une raison particulière de regarder la date sur votre
6 bracelet-montre, ce jour-là ?
7 R. : Oui, c’est une déformation professionnelle chez moi, un défaut, de
8 toujours regarder ma montre. Cela faisait partie du service, quand
9 je travaillais. J’avais toujours des heures limites à respecter et
10 il fallait sans arrêt que je regarde ma montre et consigne la date
11 et l’heure.
12 Q. : Alors, vous pourrez sans doute m’aider en me disant à quelle heure a
13 eu lieu cet incident survenu dans le bâtiment administratif ?
14 R. : Oui, il était à peu près 2 heures.
15 Q. : De l’après-midi ?
16 R. : Oui, de l’après-midi.
17 Q. : Un garde ou quelque autre personne vous a-t-il expliqué pourquoi on
18 vous emmenait, vous et ce jeune homme, dans le bâtiment
19 administratif ?
20 R. : Nous étions debout, en file indienne, comnme je l’ai dit. Un garde
21 s’est approché et a pointé le doigt sur moi, puis il a dit : "toi et
22 toi, suivez-moi au premier pour ramasser un corps".
23 Q. : Vous aviez la tête baissée lorsque vous êtes entré dans le bâtiment,
24 c’est ce que vous nous avez dit, vous aviez les yeux dirigés vers le
25 sol, c’était la position obligatoire lors de vos déplacements dans
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1 le camp, n’est-ce pas ?
2 R. : Oui, j’avais la tête baissée, je l’ai déjà dit.
3 Q. : Quand vous êtes arrivé sur le palier, au premier étage du bâtiment
4 administratif, vous aviez toujours la tête dans la même position ?
5 R. : Oui, il nous fallait rester dans cette position pour attendre les
6 ordres.
7 Q. : Donc lorsque vous êtes arrivé sur la palier, en haut des escaliers,
8 est-ce que vous avez attendu face au mur que nous avons vu sur la
9 photographie ?
10 R. : Non, nous n’étions pas face au mur. Nous avions le mur dans le dos.
11 Q. : Donc, vous aviez le palier devant vous, mais les yeux dirigés vers le
12 sol ?
13 R. : Non, je n’avais pas le palier devant moi. Je n’étais pas en face de
14 la cage d’escalier, elle se trouvait sur ma gauche. Nous étions
15 pratiquement dans le couloir du premier étage du bâtiment
16 administratif. Dans des circonstances normales, nous aurions eu en
17 face de nous la porte de la pièce d’où est sorti Rade Knezevic dont
18 j’ai déjà parlé.
19 Q. : Quand vous êtes arrivé dans le couloir, en haut des escaliers, est-ce
20 que vous vous êtes simplement arrêté, dans l’attente de l’ordre
21 suivant ? Vous attendiez-vous, d’un moment à l’autre, à ce que
22 quelqu’un vous dise ce que vous aviez à faire.
23 R. : Oui, nous nous attendions à quelque chose, mais nous avons entendu
24 des rires, comme je l’ai dit.
25 Q. : Et c’est après avoir entendu ces rires que vous avez vu le jeune
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1 homme à côté de vous recevoir un coup ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Vous n’avez pas pu dire qui était l’auteur de ce coup, parce que vous
4 aviez les yeux baissés vers le sol ?
5 R. : Je crois que ce coup a été asséné par Dusko Tadic.
6 Q. : C’est une simple supposition.
7 R. : J’en suis sûr. Ce n’est pas une simple supposition, c’est une
8 certitude.
9 Q. : Vous nous avez dit ce matin n’avoir aucune certitude quant au nombre
10 total de personnes qui se trouvaient à l’endroit où vous étiez
11 debout, le long du mur.
12 R. : Non, il m’était impossible de voir cela.
13 Q. : C’est lorsqu’une matraque vous a été placée sur la gorge que vous
14 avez relevé la tête pour la première fois ?
15 R. : Oui, on m’a relevé la tête. J’ai alors vu, en face de moi, face à
16 face, Dusko Tadic.
17 Q. : Vous dites que vous connaissiez et aviez rencontré plusieurs fois
18 Dusko Tadic au cours des années précédentes ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Il connaissait un homme dont vous saviez qu’il s’appelait Emir
21 Karabasic ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Qui était policier ?
24 R. : Oui, en effet.
25 Q. : Et vous étiez policier vous-même ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Vous nous avez parlé de ces réunions mensuelles où vous arriviez en
3 avance pour aller boire un verre dans un café ou un bar et parler à
4 vos collègues avant le début de la réunion ; est-ce que vous dites
5 que Dusko Tadic participait à ces rencontres ?
6 R. : Non -- ce n’est pas -- je dis que j’ai déclaré que Dusko Tadic était
7 présent, Dusko Tadic y participait, c’est lors d’une rencontre de ce
8 genre que j’ai fait sa connaissance.
9 Q. : Donc, il savait que vous étiez policier ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Mais apparemment, l’homme qui vous a relevé la tête à l’aide d’une
12 matraque, dans le couloir, ignorait quelle était votre profession,
13 car vous dites qu’il vous l’a demandé ?
14 R. : C’est une bonne question. En effet, il ne m’a posé la question que
15 par cynisme, il y avait son rictus, son sourire.
16 Q. : Mais au cours de votre conversation avec cet homme dans le couloir,
17 vous n’avez pas signalé qu’il vous avait appelé par votre nom.
18 R. : J’ai donné son nom.
19 Q. : Vous avez donné son nom au Tribunal, mais je ne pense pas vous avoir
20 entendu dire, ce matin, dans votre déposition --
21 R. : Je n’ai pas compris votre précédente question, excusez-moi. Elle ne
22 m’a pas été traduite.
23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quelle précédente question ? Maître Kay
24 n’avait pas terminé sa question.
25 LE TEMOIN : La question précédente, celle où il me demandait si j’avais
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1 donné mon nom.
2 MAITRE KAY : Au cours de la déposition que vous avez faite ce matin, vous
3 ne nous avez pas dit avoir utilisé votre nom ou que lui ait utilisé
4 votre nom, lorsque vous avez discuté dans le couloir.
5 R. : Il faut revenir à la question précédant celle-ci. Elle ne m’a pas été
6 traduite de cette façon. Je n’ai pas dit --
7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous semblons avoir des difficultés à nous
8 comprendre. Maître Kay vous interroge dans le cadre de son contre-
9 interrogatoire et vous dit que M. Tadic ne vous a jamais appelé par
10 votre nom. Veuillez simplement répondre à la question qu’il vous
11 pose sans chercher à déterminer pourquoi il vous la pose, c’est ce
12 que je vous suggère. Je crois comprendre pourquoi vous demandez ce
13 que vous demandez, il semble que ce soit bien l’origine du problème.
14 La question qui vous est posée consiste à savoir si M. Tadic s’était
15 déjà adressé à vous en vous appelant par votre nom. L’avait-il fait
16 ?
17 LE TEMOIN : Oui, c’est-à-dire -- non, mon nom n’avait pas été mentionné.
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Donc, il vous a demandé : "quelle est votre
19 profession ?", et puis, bien sûr, vous avez dit dans votre
20 déposition qu’à votre avis, il vous avait posé cette question sous
21 l’emprise du cynisme, mais n’oubliez pas que ceci est un contre-
22 interrogatoire. Répondez aux questions si vous en comprenez le sens.
23 LE TEMOIN : Pas de problème.
24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord.
25 LE TEMOIN : J’apprécierais que les interprètes ne se relaient pas aussi
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1 souvent.
2 MAITRE KAY : Je vais revenir un peu en arrière, Madame le Président.
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je crois comprendre pourquoi.
4 MAITRE KAY : Oui.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mais vous pouvez reformuler votre question,
6 la reposer, si vous le souhaitez.
7 MAITRE KAY : Je ne voudrais pas désorienter le témoin.
8 (A l’intention du témoin) : Durant cet incident, dans le couloir,
9 l’homme dont vous dites qu’il s’agissait de Dusko Tadic ne vous a
10 pas appelé par votre nom, Edin Mrkalj ?
11 R. : Non, il ne m’a pas appelé par mon nom.
12 Q. : Lorsque vous avez regardé cet homme, n’avez-vous pas pensé qu’en
13 fait, il avait l’air plus âgé que Dusko Tadic ?
14 R. : Non, ce n’est pas ce que j’ai pensé. C’était Dusko Tadic, j’ai
15 reconnu Dusko Tadic en cet instant.
16 Q. : Vous avez décrit l’apparence que vous lui aviez vue en de précédentes
17 occasions. Vous rappelez-vous s’il portait une barbe ou non, avant
18 le mois de mai 1992 ?
19 R. : Lors de rencontres précédentes, en 1991, il portait la barbe.
20 Q. : Quand je parle de barbe, je pense à une barbe d’une certaine
21 longueur, à une barbe en bonne et due forme, n’est-ce pas, pas
22 seulement à quelqu’un qui aurait omis de se raser ?
23 R. : Oui, une vraie barbe d’une certaine longueur.
24 Q. : L’homme que vous avez vu lorsque vous avez été agressé dans le
25 couloir ne portait pas une barbe de ce genre ?
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1 R. : Non, ce jour-là, non. J’ai déjà dit à plusieurs reprises que je
2 fréquentais Dusko Tadic. Nous nous saluions. Je l’ai vu sans barbe
3 et portant la barbe. La barbe est une caractéristique physique bien
4 particulière. Et quand je dis "barbe", je parle d’une barbe en bonne
5 et due forme. Donc, je maintiens ce que j’ai dit, à savoir que Dusko
6 Tadic avait une barbe à cette époque-là, pas une barbe très fournie,
7 mais qu’il ne s’était pas rasé depuis quelques jours, une dizaine de
8 jours. Comme je l’ai dit, je ne peux pas -- je ne suis pas informé
9 de la vitesse de la pousse de sa barbe, mais il n’était pas rasé.
10 Q. : L’homme que vous avez vu dans le couloir avait-il un aspect physique
11 différent de celui que vous connaissiez sous le nom de Dusko Tadic
12 avant le conflit ?
13 R. : C’était Dusko Tadic et ce jour-là, son aspect physique, au sujet
14 duquel vous m’interrogez, n’était pas identique à ce qu’il était
15 avant, lors de nos précédentes rencontres. J’ai déjà évoqué son
16 cynisme. Pour une raison que j’ai du mal à saisir, on décelait, chez
17 lui, un certain plaisir.
18 Q. : Ce qui m’intéresse, en fait, c’est son signalement, son aspect
19 physique. Je vous repose la question. L’aspect physique de cet homme
20 était-il différent, je ne parle pas de son caractère, je parle de
21 son aspect.
22 R. : Non, c’était bien Dusko Tadic.
23 Q. : Peut-être aimeriez-vous jeter un coup d’oeil à une déclaration que
24 vous avez faite en rapport avec le présent procès, je vous la ferai
25 remettre dans votre langue, même si nous sommes tenus de nous
Page 3978
1 appuyer sur l’original anglais.
2 Compte tenu de l’heure, Madame le Président, il serait peut-être
3 préférable, pour ne pas scinder cette partie du contre-
4 interrogatoire, d’aborder ce sujet après la courte pause.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J’allais vous proposer de passer à un autre
6 sujet et de reprendre les déclarations plus tard, mais si vous
7 souhaitez procéder de la façon que vous venez d’indiquer, je n’y
8 vois aucun inconvénient.
9 Hier, Maître Wladimiroff a demandé l’enregistrement d’une
10 déclaration, à des fins d’identification. Je crois me rappeler
11 l’avoir entendu dire qu’il s’agissait d’un exemplaire unique. Il
12 nous a soumis cette déclaration dans la langue du témoin ainsi qu’en
13 traduction anglaise. Je voulais simplement vous dire que si tel est
14 votre désir, vous pouvez retirer votre exemplaire et demander une
15 copie de cet autre exemplaire. Autrement dit, le Greffier peut vous
16 fournir une copie de l’exemplaire enregistré ou, si vous préférez,
17 il peut vous restituer l’exemplaire enregistré, dont nous ferons une
18 copie à notre usage. La même chose peut être faite pour les deux
19 pièces à conviction. Et si vous n’en avez qu’un exemplaire, nous
20 pourrons vous en procurer une copie pour votre dossier.
21 MAITRE KAY : Je vous en saurais gré, Madame le Président.
22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l’audience jusqu’à 14h30.
23 Maître Hollis, pendant la pause-déjeuner, je vous demanderai de
24 parler avec M. Mrkalj pour lui expliquer, comme vous l’avez proposé,
25 qu’il importe qu’il réponde aux questions posées. Il importe
Page 3979
1 également au plus haut point, M. Mrkalj, que vous évitiez toute
2 invective à l’égard de l’accusé dans ce procès. Il convient que vous
3 le mentionniez par son nom. Vous comprenez ?
4 LE TEMOIN : Je vous présente mes excuses pour cela.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l’audience jusqu’à 14h30.
6 (13h00).
7 (Pause déjeuner).
8 (14h30)
9 MAITRE KAY : Puis-je procéder, Madame le Président ? M. Mrkalj, je vous
10 demanderai de bien vouloir examiner cette déclaration qui rend
11 compte de l’entretien réalisé avec vous du 27 au 29 avril 1995. Le
12 premier document que je vous remets -- Madame le Président, aux fins
13 de versement au dossier, il pourrait être enregistré sous la cote
14 D21 -- est un compte-rendu de cet entretien dans votre langue. Le
15 second -- Monsieur l’huissier, j’aimerais qu’il soit enregistré sous
16 la cote D21A -- est le texte de la traduction anglaise du même
17 entretien, tel que repris dans le procès-verbal. Vous rappelez-vous
18 cet entretien, réalisé en avril dernier, M. Mrkalj ?
19 R. : Oui, je me le rappelle.
20 Q. : Vous aviez une interprète, ce jour-là, qui vous a traduit, dans votre
21 langue, une déclaration rédigée en anglais et reprenant les propos
22 tenus par vous ; vous avez confirmé avoir compris ce que contenait
23 cette déclaration, n’est-ce pas ?
24 R. : Oui, je l’ai signée.
25 Q. : En regardant le second document, vous constaterez que votre signature
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1 apparaît sur toutes les pages, n’est-ce pas ?
2 R. : Oui, je vois cela.
3 Q. : Laissons ce texte de côté ; je vous prierai de prendre la version
4 rédigée dans votre langue, en page 4. Les numéros figurent en bas à
5 droite de chaque page. Vous l’avez ? Il y figure deux paragraphes
6 sur lesquels j’aimerais attirer votre attention. Le premier se situe
7 à quatre paragraphes du bas de la page et commence par le mot
8 "tesko", vous l’avez trouvé, il y est question de 183 centimètres.
9 Avez-vous trouvé ce paragraphe ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Peut-être pourriez-vous nous en donner lecture, il commence, dans
12 votre langue, par les mots "tesko mi je..." ?
13 R. : "Il m’est difficile de décrire Tadic, car il a changé depuis la
14 dernière fois que je l’ai vu. Je me rappelle qu’au moment de
15 l’incident, il avait l’air d’avoir une quarantaine d’années et avait
16 à peu près la même taille que moi, soit 183 centimètres. Il était
17 bien bâti, avait les cheveux foncés, légèrement ondulés et portait
18 la barbe".
19 Q. : Peut-être pourriez-vous lire plus lentement, car les personnes qui
20 vous écoutent dans le prétoire doivent suivre l’interprétation.
21 Pourriez-vous reprendre ce paragraphe beaucoup plus lentement ?
22 R. : "Il m’est difficile de décrire Tadic".
23 Q. : Poursuivez.
24 R. : "Il a changé depuis la dernière fois que je l’ai vu, avant le
25 conflit".
Page 3981
1 Q. : Poursuivez.
2 R. : "Je me rappelle qu’au moment de l’incident, il avait l’air d’avoir
3 une quarantaine d’années et avait à peu près la même taille que moi,
4 183 centimètres. Il était bien bâti".
5 Q. : Poursuivez.
6 R. : "Il avait les cheveux foncés, légèrement ondulés, et portait une
7 barbe de 10 à 15 jours".
8 Q. : Pourriez-vous procéder de la même façon pour le paragraphe suivant,
9 qui commence par le mot "iz" ?
10 R. : "Avant l’époque du camp, Tadic avait l’air d’avoir entre 28 et 35
11 ans. Alors qu’il me frappait, il m’a eu l’air, j’ai eu l’impression
12 qu’il était plus âgé".
13 Q. : Vous rappelez-vous qu’avant la pause, ce matin, je vous ai demandé si
14 l’homme qui vous avait agressé avait l’air différent, si l’homme
15 dont vous affirmez qu’il s’agit de Dusko Tadic avait l’air
16 différent, dans son aspect physique, de celui dont vous dites qu’il
17 s’agissait de Tadic précédemment, vous vous rappelez ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Vous n’avez pu invoquer que le cynisme qui se lisait dans ses yeux,
20 n’est-ce pas ?
21 R. : Oui, j’ai effectivement dit avoir lu du cynisme dans ses yeux.
22 Q. : Dans la déclaration que vous avez faite l’année dernière, vous dites
23 que l’aspect de Tadic avait changé depuis votre dernière rencontre,
24 avant le conflit ?
25 R. : Cette déclaration que j’ai faite, je tiens à ce que les choses soient
Page 3982
1 claires, tout d’abord, je l’ai signée dans sa version anglaise ;
2 quant à son aspect physique et à la question que vous m’avez posée,
3 j’ai dit qu’à mon avis, son aspect a changé au moment où je recevais
4 les coups. Je faisais référence à mon état psychologique, mental, à
5 mon état d’esprit.
6 Q. : Je vous prierai de passer à la dernière page, la page 5 de ce même
7 document, dans votre langue.
8 R. : Oui.
9 Q. : Vous y voyez un certificat et un emplacement réservé à une signature
10 où vous avez apposé votre signature ?
11 R. : Oui, j’ai signé ce document.
12 Q. : Daté du 29 avril 1995 ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Je vous demanderai de bien vouloir lire en même temps que moi les
15 mots écrits sur ce certificat dans votre langue : "agrément du
16 témoin. La présente déclaration m’a été lue en langue bosniaque et
17 je confirme l’exactitude des éléments qu’elle contient, au mieux de
18 mes connaissances et de mes réminiscences. J’ai fourni cette
19 déclaration de mon plein gré et suis informé du fait qu’elle peut
20 être utilisée dans le cadre d’un procès devant le Tribunal pénal
21 international chargé de poursuivre les personnes responsables de
22 violations graves du droit international commises, depuis 1991, sur
23 le territoire de l’ex-Yougoslavie, devant lequel je peux être cité à
24 témoigner publiquement". Avez-vous signé cet agrément ?
25 R. : Oui, je l’ai signé.
Page 3983
1 Q. : Figure également dans ce document un certificat signé par
2 l’interprète ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Qui stipule clairement que cette déclaration vous a été lue ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Et que vous en connaissiez la teneur ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Vous nous avez bien dit que vous étiez policier ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Je prendrai la liberté de dire qu’un policier qui fournit une
11 déclaration destinée à être utilisée dans un procès veille sans
12 doute soigneusement à ce que ses propos y soient fidèlement
13 consignés. Est-ce que je me trompe ?
14 R. : Non, mais dans ma -- j’ai lu cette déclaration dans ma langue
15 maternelle.
16 Q. : Oui, elle vous a été lue dans votre langue maternelle. C’est
17 l’objectif poursuivi, il y a une interprète qui fait cela pour vous,
18 qui s’acquitte d’une mission et appose sa signature. Vous n’êtes pas
19 en train de dire que l’interprète a inventé certaines choses, n’est-
20 ce pas ?
21 R. : J’estime qu’il y a eu des modifications.
22 Q. : Parce qu’il serait difficile de comprendre pourquoi un représentant
23 du Procureur voudrait inclure dans votre déclaration, celle d’un
24 témoin de l’accusation, le fait que l’aspect de la personne accusée
25 a changé, vous me comprenez ?
Page 3984
1 R. : Oui.
2 Q. : Si nous reprenons le deuxième paragraphe dont vous nous avez donné
3 lecture, nous lisons les mots suivants : "Avant l’époque du camp,
4 Tadic avait l’air d’avoir entre 28 et 35 ans. Alors qu’il me
5 frappait, il avait l’air plus âgé", et vous l’avez décrit comme
6 ayant la quarantaine. Il semble y avoir une grande différence d’âge
7 entre ces deux hommes ?
8 R. : Ce que je voulais dire, c’est qu’à l’époque, à l’époque où je le
9 connaissais en tant que sportif, j’ai fait cette estimation. Mais
10 dans le camp d’Omarska, je veux dire, cela faisait référence à mon
11 état, à l’état très pénible dans lequel je me trouvais sur le plan
12 mental. Il avait l’air, son aspect, son visage, avaient l’air plus
13 vieux. Il m’a eu l’air fatigué. Il avait l’air d’avoir transpiré.
14 Quant à sa taille, je veux dire, il m’avait l’air d’avoir trois
15 mètres de haut, à ce moment précis, et pas 1m83, parce que j’étais
16 dans un état mental complètement différent. C’est cela que je
17 voulais dire.
18 Q. : Donc, votre situation et votre état mental vous créaient-ils, en
19 fait, des difficultés pour reconnaître et identifier l’homme qui
20 vous agressait ?
21 R. : Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je parle de la situation
22 dans laquelle je me trouvais, de mon état mental lorsque je l’ai
23 regardé et je me rappelle ce que j’ai dit dans ma déclaration. Quand
24 je l’ai regardé, alors qu’en raison de sa position, il me dominait,
25 je veux dire, il avait l’air terrible, plus âgé, complètement
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1 différent, mais alors que j’étais encore conscient, quand je l’ai vu
2 comme je vous vois en ce moment, les yeux dans les yeux, j’ai pu,
3 j’ai eu suffisamment de temps pour reconnaître Dusko Tadic. Donc, la
4 phrase ici fait référence à mon état mental, à ces moments très
5 difficiles.
6 Q. : Pourquoi, avant la pause-déjeuner, n’avez-vous pas voulu nous
7 expliquer ces modifications chez l’homme qui vous a agressé ?
8 Pourquoi n’avez-vous pas voulu nous en parler ? Pourquoi a-t-il
9 fallu que je vous montre cette déclaration ?
10 R. : Parce que vous ne m’avez pas interrogé au sujet de mon état mental à
11 ce moment précis. Si Dusko Tadic avait l’air différent, à l’époque,
12 et je me rappelle bien, je me rappelle parfaitement, vous m’avez
13 demandé, au début, si j’avais bien vu Dusko Tadic.
14 Q. : En fait, est-ce que vous connaissiez le moins du monde Dusko Tadic ?
15 R. : Oui, je le connaissais bien.
16 Q. : L’aviez-vous jamais rencontré ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Dusko Tadic habitait à Kozarac. Est-ce que vous habitiez à Kozarac ?
19 R. : Non.
20 MAITRE KAY : Je n’ai pas d’autre question, Madame le Président.
21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Hollis, avez-vous un interrogatoire
22 supplémentaire ?
23 (Interrogatoire supplémentaire mené par Maître HOLLIS)
24 MAITRE HOLLIS : Oui, Madame le Président, merci.
25 M. Mrkalj, je vous prierai de reprendre le document que le Conseil
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1 de la Défense a évoqué, la version rédigée dans votre langue, en
2 page 3. Veuillez prendre le troisième paragraphe, je vous prie, qui
3 commence par les mots : "u ovom incidentu Tadic", et je vous
4 demanderai d’excuser ma prononciation. Vous voyez à quel paragraphe
5 je fais référence ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Pourriez-vous lire la dernière phrase du paragraphe qui commence par
8 le mot "Tadic", lire cette phrase de votre déclaration à notre
9 intention ?
10 R. : "Tadic avait le visage sale, les cheveux sales, il avait les yeux
11 fatigués par manque de sommeil et il était ivre".
12 Q. : Lorsque vous avez vu Dusko Tadic, ce jour-là à Omarska, est-ce le
13 genre d’état physique dont vous parliez comme d’un état différent ?
14 R. : Pourriez-vous répéter la question, je vous prie ? Je ne l’ai pas bien
15 comprise.
16 Q. : Lorsque vous avez vu Dusko Tadic, ce jour-là à Omarska, est-ce le
17 genre d’état physique dont vous parliez comme d’un état différent ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Monsieur, le Conseil de la Défense vous a demandé si vous étiez en
20 train de dire aux juges que l’interprète avait inventé certaines
21 choses dans cette déclaration. Etes-vous en train de dire qu’il y a
22 eu une erreur d’interprétation ?
23 R. : Je pense qu’il y a eu une erreur d’interprétation, que la référence
24 portait sur une situation différente, il n’est pas question de
25 l’état dans lequel je me trouvais à mon arrivée, lors de la première
Page 3987
1 rencontre. Ceci fait référence à mon état au moment des faits,
2 j’étais sur le sol, je le regardais d’en bas et il avait l’aspect
3 que j’ai décrit.
4 Q. : Vous comprenez que dans un procès comme celui-ci, il importe au plus
5 haut point que vous relatiez véridiquement vos souvenirs,
6 indépendamment de la nature de ces souvenirs, n’est-ce pas ?
7 R. : Oui, bien entendu.
8 Q. : Vous avez dit, dans votre déposition devant les juges de ce Tribunal,
9 avoir reconnu l’homme que vous avez vu ce jour-là à Omarska comme
10 étant Dusko Tadic, celui qui vous avait été présenté par Emir
11 Karabasic. Etiez-vous en fait, ce jour-là, dans un état qui vous
12 permettait de reconnaître cet homme, à Omarska, comme étant Dusko
13 Tadic, celui qui vous avait été présenté par le passé ?
14 R. : Oui, c’était Dusko Tadic et personne d’autre.
15 Q. : Vous avez déclaré, dans le cadre du contre-interrogatoire, que vous
16 aviez déjà, avant cet incident survenu à Omarska, vu Dusko Tadic
17 avec une longue barbe. Pourriez-vous dire aux juges ce que vous
18 entendez par là ? Lorsque vous le rencontriez, avant l’incident
19 survenu à Omarska, portait-il une longue barbe ou une barbe lui
20 mangeant le visage ? Les choses ne sont pas très claires, j’aimerais
21 que vous précisiez. Décrivez la barbe qu’il portait avant votre
22 rencontre à Omarska.
23 R. : Oui, la barbe la plus longue qu’il ait jamais portée était à peu près
24 comme ceci.
25 Q. : Combien de centimètres du visage ?
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1 R. : Oh, je dirais deux ou trois, sans doute, deux ou trois centimètres.
2 Q. : Vous parlez donc d’une barbe qui lui mangeait le visage mais n’était
3 pas forcément très longue, est-ce bien cela ?
4 R. : Pas longue, non, non.
5 Q. : En répondant à l’interrogatoire principal, je crois vous avoir
6 entendu dire que durant cet incident, lorsque l’homme qui tenait la
7 matraque vous a forcé à lever la tête pour le regarder, il vous a
8 demandé, alors que vous étiez face à lui : "comment se fait-il que
9 tu sois ici ? Qu’est-ce qui t’a amené ici ?", est-ce exact ?
10 R. : Oui, il m’a demandé : "comment se fait-il que tu sois ici ?" et "que
11 fais-tu ici ?"
12 Q. : Quelle était l’expression de ses traits, si vous vous la rappelez, au
13 moment où il vous posait cette question ?
14 R. : Il était très cynique. J’ai ressenti le cynisme de sa question, comme
15 c’est le cas, vous comprenez, lorsque quelqu’un sait pourquoi vous
16 êtes ici et comment vous y êtes arrivé, mais qu’il essaie de vous
17 détruire psychologiquement en vous posant une question comme celle-
18 ci.
19 Q. : Donc, c’est après que -- c’est bien cela, dans votre déposition, en
20 réponse aux questions de l’interrogatoire principal, je crois me
21 rappeler que vous avez déclaré qu’après vous avoir demandé :
22 "comment se fait-il que tu sois ici ?", "qu’est-ce qui t’a amené ici
23 ?", c’est après cette question que Dusko Tadic vous a demandé quelle
24 était votre profession, c’est bien cela ?
25 R. : Oui.
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1 MAITRE HOLLIS : Je n’ai pas d’autre question, merci.
2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Kay ?
3 MAITRE KAY : Un point, seulement.
4 Contre-interrogatoire supplémentaire mené par Maître KAY
5 Q. : M. Mrkalj, quand vous dites de quelqu’un qu’il pourrait avoir 28 ans,
6 entendez-vous par là qu’il pourrait en avoir 40 ?
7 R. : Je parle d’un état d’esprit, je connaissais un homme et au moment où
8 j’étais dans cet état mental très pénible, c’est-à-dire à l’époque
9 de ma déclaration, il avait l’aspect que j’ai décrit, l’aspect d’un
10 sportif. Donc, je lui ai donné approximativement 28 à 35 ans, pas
11 plus de 35 ans. Mais dans ces moments très pénibles, dans l’état
12 très pénible dans lequel je me trouvais, j’ai dit qu’il pouvait
13 avoir 40 ans.
14 MAITRE KAY : Merci beaucoup.
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Hollis ?
16 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, il y a encore un point à aborder,
17 peut-être, avant que le témoin ne se retire. J’ai quelques doutes
18 quant à l’horaire, mais j’aimerais revenir sur un point qui peut
19 avoir une influence sur le contre-interrogatoire. Je voudrais dire à
20 la Chambre qu’avant la reprise de l’audience, une représentante de
21 la section interprétation m’a dit qu’au cours de l’interrogatoire
22 principal de ce témoin, une erreur a été commise dans
23 l’interprétation de ses propos en anglais. Lorsqu’il était question
24 de l’incident impliquant Dule Tadic, il a été dit par l’interprète,
25 en anglais, que Dule Tadic, Dusko Tadic "avait un fusil-mitrailleur"
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1 ; or l’interprète m’a dit qu’en fait M. Mrkalj a déclaré que Dusko
2 Tadic "avait un fusil automatique". Je tenais à le faire remarquer
3 au Tribunal. Si cela suscite des questions, nous pourrions demander
4 à l’interprète de venir s’expliquer sur ce point.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Kay ?
6 MAITRE KAY : Madame le Président, je suis sûr qu’il est possible de
7 procéder à une vérification sur la base de l’enregistrement de ce
8 qui a été dit ; on nous dira quelle est l’interprétation exacte.
9 Cela ne change rien au contre-interrogatoire. Je n’ai aucun besoin
10 de poser quelque question supplémentaire que ce soit. Je suis sûr
11 que nous pourrons résoudre ce problème à la fin de l’audience.
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Ma question portait sur le fait de
13 savoir si vous désiriez procéder à un nouveau contre-interrogatoire,
14 sachant désormais qu’il s’agit d’un fusil automatique et non d’un
15 fusil-mitrailleur.
16 MAITRE KAY : Non, Madame le Président.
17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord. Nous n’avons pas besoin d’entendre
18 l’interprète avant de permettre au témoin de se retirer, je suppose
19 ?
20 MAITRE KAY : Non, je pense que ce ne sera pas nécessaire.
21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord, très bien. Y a-t-il autre chose,
22 Maître Hollis ?
23 MAITRE HOLLIS : Non, Madame le Président.
24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il une objection à ce que M. Mrkalj
25 soit autorisé à se retirer de façon définitive ?
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1 MAITRE KAY : Non, Madame le Président.
2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Mrkalj, vous pouvez disposer de façon
3 définitive. Vous pouvez partir, à présent. Merci d’être venu
4 aujourd’hui.
5 (Sortie du témoin)
6 MAITRE HOLLIS : Madame le Président, nous appelons Hasiba Harambasic à la
7 barre.
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Madame Harambasic, je vous prierai de bien
9 vouloir prêter serment en vous servant du texte qui se trouve devant
10 vous.
11 LE TEMOIN (En traduction) : Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 (Le témoin a prêté serment)
14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
15 Interrogatoire mené par Madame Hollis
16 Q. : Je vous prie de bien vouloir décliner votre nom.
17 R. : Hasiba Harambasic.
18 Q. : Quelle est votre date de naissance ?
19 R. : Le 28 mars 1942.
20 Q. : Quelle est votre nationalité ou votre appartenance ethnique ?
21 R. : Je suis bosnienne.
22 Q. : Quelle est votre religion ?
23 R. : Islamique, l’islam.
24 Q. : Quel est votre lieu de naissance ?
25 R. : Je suis née à Cazin.
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1 Q. : Dans quelle partie de la Bosnie se situe Cazin ?
2 R. : Dans l’ouest de la Bosnie.
3 Q. : Est-ce que votre nom de jeune fille est Pozderac ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Le nom de votre famille était-il bien connu en Bosnie ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Pourquoi était-il bien connu ?
8 R. : Parce que ma famille a compté des personnalités publiques parmi ses
9 membres.
10 Q. : Quelle était votre profession ?
11 R. : J’étais dentiste.
12 Q. : Pratiquiez-vous la dentisterie dans la ville de Prijedor et résidiez-
13 vous aussi dans la ville de Prijedor ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Combien de temps y avez-vous vécu et pratiqué la dentisterie ?
16 R. : 29 ans.
17 Q. : Où travailliez-vous dans la ville de Prijedor ?
18 R. : Au Centre médical appelé Centre du Dr. Mladin Stojanovic, à Prijedor.
19 Q. : Jusqu’à quand y avez-vous travaillé ?
20 R. : Jusqu’à ma détention dans le camp d’Omarska, le 22 juin 1992.
21 Q. : Dans quelle partie de la ville résidiez-vous ?
22 R. : Dans le centre.
23 Q. : Quelle était la composition ethnique des habitants de votre quartier,
24 à Prijedor ?
25 R. : Mixte.
Page 3993
1 Q. : Existait-il un quartier de Prijedor majoritairement peuplé de
2 musulmans ?
3 R. : Oui, Stari Grad, la vieille ville.
4 Q. : Vous êtes-vous jamais rendu à Kozarac ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Pour quelle raison vous arrivait-il de vous y rendre ?
7 R. : Oui, très souvent.
8 Q. : Dans quel but vous y rendiez-vous ?
9 R. : J’y avais de bons amis.
10 Q. : En raison du fait que vous travailliez et habitiez à Prijedor depuis
11 tant d’années, connaissiez-vous de nombreux habitants de la région ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Connaissiez-vous un grand nombre de dirigeants politiques et de
14 personnalités professionnelles ?
15 R. : Oui.
16 Q. : A votre connaissance, les dirigeants serbes de la ville de Prijedor
17 connaissaient-ils votre famille, la famille Pozderac ?
18 R. : Oui.
19 Q. : A l’issue des élections organisées en Bosnie au début des années 90,
20 quel est le parti qui l’a emporté à Prijedor ?
21 R. : Le SDA, le parti d’action démocratique.
22 Q. : Vous trouviez-vous à Prijedor quand les Serbes ont pris le contrôle
23 de la ville, le 30 avril 1992 ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Après que les Serbes ont pris le contrôle de la ville, avez-vous vu
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1 un nombre accru d’hommes en uniforme circulant à Prijedor ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Après la prise de la ville, a-t-on imposé une astreinte
4 professionnelle aux non-Serbes de Prijedor ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Qui a imposé cette astreinte professionnelle aux non-Serbes ?
7 R. : Des annonces ont été diffusées à la radio et à la télévision, à la
8 télévision de Banja Luka. Ordre nous était donné de nous présenter
9 sur notre lieu de travail, dans le cadre d’une astreinte.
10 Q. : Sous l’autorité de qui ces annonces ont-elles été diffusées ?
11 R. : Sous l’autorité de la cellule de crise de la ville de Prijedor.
12 Q. : En quoi consistait cette astreinte de travail, quelle en était la
13 signification ?
14 R. : J’étais tenue de me rendre au travail ; j’y allais et je restais
15 assise dans mon cabinet. Je n’avais pas de travail.
16 Q. : Etiez-vous autorisée à travailler ?
17 R. : Non.
18 Q. : Après la prise de contrôle de la ville par les Serbes, avez-vous
19 remarqué de plus nombreux barrages routiers en ville ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Qu’avez-vous remarqué --
22 R. : Oui.
23 Q. : -- et où avez-vous vu ces barrages routiers ?
24 R. : Des barrages ont été dressés aux abords de toutes les institutions,
25 devant le centre de santé, la banque, le bâtiment de la
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1 municipalité, dans les rues, aux abords de ces bâtiments -- un peu
2 partout.
3 Q. : Connaissiez-vous certains des hommes qui contrôlaient ces barrages ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique ou la nationalité de ces hommes
6 ?
7 R. : Serbe.
8 Q. : Ces hommes qui contrôlaient les barrages, quel type de vêtements
9 portaient-ils ?
10 R. : Ils portaient des uniformes de divers types.
11 Q. : De quel type ?
12 R. : Des uniformes de camouflage, des uniformes de la JNA, des uniformes
13 noirs, des uniformes de camouflage associés à un béret rouge, des
14 uniformes associés à un chapeau noir, avec des objets accrochés à
15 leur chapeau --
16 Q. : Je voudrais attirer votre attention sur --
17 R. : -- des
18 Q. : -- le 30 mai, ce jour-là, a-t-on adressé des ultimatums à la
19 population de Prijedor ?
20 R. : Oui. On nous a ordonné de placer un drapeau blanc sur nos balcons,
21 sur nos clôtures, sur nos maisons. Si nous devions aller en ville,
22 nous avions obligation de porter un brassard blanc sur la manche
23 gauche.
24 Q. : Après cette date, avez-vous continué à vivre dans votre maison
25 jusqu’au 22 juin ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Pendant cette période, entre le 30 mai et le 22 juin, avez-vous vu
3 des dommages ou des destructions dans certains quartiers de la ville
4 ?
5 R. : Oui. Stari Grad était totalement incendié. La rue que je voyais de
6 chez moi. Des lieux de culte étaient démolis, détruits. De
7 nombreuses maisons étaient détruites.
8 Q. : A votre connaissance, quelle était l’appartenance ethnique des
9 habitants de la rue que vous voyiez de chez vous, des gens qui
10 habitaient ces maisons ?
11 R. : Musulmane.
12 Q. : A quelle religion se rattachaient les lieux de culte que vous avez
13 vus démolis ou détruits ?
14 R. : Ces lieux de culte étaient musulmans.
15 Q. : Toujours pendant cette période du 30 mai au 22 juin, a-t-on fouillé
16 votre maison ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Combien de fois ?
19 R. : Quatre fois.
20 Q. : Avez-vous reconnu l’un quelconque des hommes qui ont fouillé votre
21 maison ?
22 R. : Non.
23 Q. : Vous ont-ils dit ce qu’ils cherchaient ?
24 R. : Des armes.
25 Q. : Aviez-vous des armes chez vous ?
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1 R. : Non.
2 Q. : Qu’ont-ils emporté de chez vous ?
3 R. : Ils ont emporté tous les objets en or, l’argent et les autres objets
4 de valeur.
5 Q. : Ces hommes qui sont venus chez vous à quatre reprises, avez-vous
6 reconnu le dialecte qu’ils parlaient ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Tous ces hommes parlaient-ils le dialecte local ?
9 R. : Non.
10 Q. : Quel autre dialecte parlaient-ils ?
11 R. : Le serbe, le serbe de Serbie.
12 Q. : Ne pouviez-vous pas verrouiller la porte pour empêcher ces hommes de
13 rentrer ?
14 R. : Non.
15 Q. : Pourquoi pas ?
16 R. : Parce qu’ils auraient tiré dans la porte si je l’avais fait.
17 Q. : A partir du 30 juin, avez-vous vu les Serbes emmener des gens avec
18 eux ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Avez-vous reconnu l’une quelconque des personnes qu’ils ont emmenées
21 ?
22 R. : Oui, ils ont emmené bon nombre de mes amis.
23 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique des personnes que vous
24 connaissiez ?
25 R. : Musulmane.
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1 Q. : L’une quelconque de ces personnes détenait-elle, ou avait-elle
2 détenu, un poste de pouvoir au sein de la communauté ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Je vous demande de vous concentrer sur la journée du 22 juin 1992.
5 Vous a-t-on arrêtée, chez vous, ce jour-là ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Qui vous a arrêté ?
8 R. : Trois soldats, qui sont arrivés chez moi en uniforme de camouflage.
9 Deux sont restés dehors, dans l’escalier, le troisième est entré
10 dans ma salle à manger. Ils m’ont dit de me préparer, de ne rien
11 prendre avec moi, qu’ils m’emmenaient simplement au SUP pour un
12 entretien.
13 Q. : Avez-vous reconnu l’un quelconque de ces hommes qui vous a arrêté ?
14 R. : Non.
15 Q. : Comment vous a-t-on emmenée au SUP, pour cet entretien ?
16 R. : Ils m’y ont emmenée dans une voiture de la police, que l’on appelait
17 couramment une Marie noire.
18 Q. : Au SUP, avez-vous participé à un entretien ou subi un interrogatoire
19 ?
20 R. : J’ai subi un interrogatoire.
21 Q. : Combien de fois avez-vous été interrogée ?
22 R. : Trois ou quatre fois.
23 Q. : Qui posait les questions ?
24 R. : Mirjana Jankovic.
25 Q. : La connaissiez-vous ?
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1 R. : De vue seulement.
2 Q. : Saviez-vous quelles fonctions elle avait occupées à Prijedor ?
3 R. : Oui. Elle était juriste et inspecteur au SUP.
4 Q. : Vous a-t-elle dit pourquoi vous subissiez cet interrogatoire, en ce
5 lieu ?
6 R. : Elle avait une liste sous les yeux, où les accusations étaient
7 consignées par écrit. Selon la première charge retenue contre moi,
8 j’aurais eu des liens d’amitié avec Zeljko Sikora, découvreur d’une
9 piqûre qui permettait de stériliser les femmes serbes et de baptiser
10 les enfants. La deuxième était liée au Dr. Dzafic, un prothésiste ;
11 j’aurais acheté des armes dans la Krajina de Cazin. Selon la
12 troisième, Hakija Pozderac dirigeait les bérets verts de Cazin.
13 Selon la quatrième, ma fille était membre des bérets verts. Selon la
14 cinquième, mon fils n’avait pas servi dans les rangs de l’armée
15 serbe. Selon la sixième, j’aurais déclaré souhaiter voir tous les
16 Serbes flotter sur les eaux de la rivière Sana.
17 Q. : Qui était ce Zeljko Sikora ?
18 R. : Zeljko Sikora était généraliste. Il était en cours de spécialisation
19 en gynécologie.
20 Q. : Quelle était la profession de l’homme aue vous avez identifié comme
21 étant le Dr. Dzafic ?
22 R. : Le Dr. Dzafic était prothésiste spécialisé dans le département de
23 dentisterie. C’était mon supérieur.
24 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ces deux hommes ?
25 R. : Sikora était croate et le Dr. Dzafin musulman.
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1 Q. : Qui était ce Hakija Pozderac ?
2 R. : C’était mon oncle. Il avait été une personnalité publique, Ministre
3 des affaires étrangères de l’ex-Yougoslavie. Il avait été
4 responsable des jeux olympiques. Il avait été Secrétaire de
5 l’Association de culture physique yougoslave, et avait également
6 présidé l’Association des anciens combattants de Yougoslavie.
7 Q. : Aviez-vous participé avec le dentiste, avec le Dr. Dzafic, à des
8 achats d’armes ?
9 R. : Non, non -- je n’y ai jamais participé.
10 Q. : Vous a-t-on frappée au cours de ces interrogatoires ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Que vous a-t-on fait ?
13 R. : J’ai été durement frappée. Elle m’a tiré les cheveux. Elle m’a giflée
14 et m’a frappée si violemment que j’en ai perdu une dent.
15 Q. : Avez-vous passé la nuit au poste de police ?
16 R. : Oui.
17 Q. : D’autres détenus s’y trouvaient-ils avec vous ?
18 R. : Oui. Zlata Cikota y était avec moi.
19 Q. : La connaissiez-vous ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Quelle était sa profession ?
22 R. : Elle était ingénieur.
23 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?
24 R. : Musulmane.
25 Q. : Un responsable serbe vous a-t-il rendu visite pendant votre séjour au
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1 poste de police ?
2 R. : Oui. Le lendemain matin, à 7h15, j’ai reçu la visite de mon collègue,
3 Srda Srdic. Il avait été Président du partri démocratique serbe de
4 Prijedor et m’a annoncé que je partais pour Omarska.
5 Q. : Est-ce qu’on vous a fait sortir du SUP, avec Zlata Cikota, le 23 juin
6 ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Comment vous a-t-on transportée ?
9 R. : Dans le même véhicule, la Marie noire.
10 Q. : Qui vous a emmenée ?
11 R. : Bato Kovacevic.
12 Q. : Vous le connaissiez ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Quelles étaient ses fonctions ?
15 R. : C’était un policier du SUP.
16 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?
17 R. : Serbe.
18 Q. : Où vous a-t-on emmenée, à votre arrivée à Omarska ?
19 R. : Dans le bâtiment central.
20 Q. : Je vous demanderai, à l’aide du pointeur, de montrer aux juges le
21 bâtiment que vous appelez le bâtiment central. Est-ce le bâtiment de
22 plus petite taille qui se trouve à droite du grand bâtiment rouge,
23 de forme allongée ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Ce bâtiment abritait-il des bureaux et un restaurant ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : A votre arrivée dans ce bâtiment, vous a-t-on posé des questions ?
3 R. : Non, j’ai simplement donné des éléments d’identification.
4 Q. : Quand les personnes qui vous demandaient ces éléments
5 d’identification s’adressaient à vous, employaient-elles votre nom
6 d’épouse ou votre nom de jeune fille ?
7 R. : Les deux, elles utilisaient les deux noms.
8 Q. : Combien de temps avez-vous été détenue à Omarska ?
9 R. : 42 jours.
10 Q. : Vous rappelez-vous, deux ou trois jours après votre arrivée dans le
11 camp, un homme qui se serait présenté à vous sous le nom de Zeljko
12 Meakic ?
13 R. : Oui, en effet.
14 Q. : Le connaissiez-vous avant votre captivité ?
15 R. : Non.
16 Q. : Le voyiez-vous souvent dans le camp ?
17 R. : Oui, tous les jours et toutes les nuits.
18 Q. : Une pièce spéciale lui était-elle attribuée dans le camp ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Dans quel bâtiment se trouvait cette pièce ?
21 (Le témoin indique l’emplacement sur la maquette).
22 Est-ce le bâtiment que vous avez désigné sous le nom de bâtiment
23 central ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Comment étaient vêtus les gardes du camp ?
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1 R. : Ils portaient des uniformes de toute sorte, des uniformes de
2 camouflage. La moitié d’entre eux portait l’uniforme, l’autre moitié
3 était en civil. Ils étaient tous habillés (sic).
4 Q. : Quel type d’armes portaient-ils, si vous le savez ?
5 R. : Des fusils automatiques à canon court et de grands fusils.
6 Q. : Avez-vous jamais vu une mitrailleuse dans le camp, pendant votre
7 détention ?
8 R. : Oui, depuis notre pièce, oui, un garde pouvait entrer dans notre
9 pièce depuis cet emplacement en sautant simplement par-dessus --
10 Q. : Donc la mitrailleuse --
11 R. : -- une clôture.
12 Q. : -- était placée sur le toit du bâtiment central, à l’avant du
13 bâtiment ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Connaissiez-vous le Dr. Ivic ?
16 R. : Oui, c’était un de mes collègues.
17 Q. : Quelles étaient ses fonctions à Prijedor ?
18 R. : Il dirigeait le service des urgences de Prijedor.
19 Q. : Est-il jamais venu à Omarska pendant que vous y étiez ?
20 R. : Oui, très souvent.
21 Q. : Connaissiez-vous un homme répondant au nom de Mico et qui était
22 technicien de santé ou infirmier ?
23 R. : Oui, je le connaissais bien.
24 Q. : Pouvez-vous décrire Mico ?
25 R. : Oui. De taille moyenne, bien bâti, il lui manquait un bras.
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1 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de Mico et du Dr. Ivic ?
2 R. : Serbe.
3 Q. : Quand vous avez eu l’occasion de voir Mico et le Dr. Ivic dans le
4 camp d’Omarska, les avez-vous jamais vus dispenser des soins
5 médicaux à l’un quelconque des détenus du camp ?
6 R. : Non, jamais.
7 Q. : Dans quel bâtiment du camp d’Omarska avez-vous été détenue ?
8 R. : Dans le bâtiment central.
9 Q. : Vous n’avez pas besoin de nous le montrer avec le pointeur. Je vous
10 demanderai de le faire dans quelques instants. Où étiez-vous détenue
11 durant la nuit ?
12 R. : Dans la deuxième pièce à gauche, à l’étage.
13 Q. : Au premier étage du bâtiment, c’est bien cela ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Où étiez-vous détenue durant la journée ?
16 R. : Nous passions tout notre temps dans la salle des repas, dans la salle
17 à manger.
18 Q. : A quelle heure à peu près montiez-vous à l’étage, le soir ?
19 R. : Cela dépendait du garde, à partir de 9h00, à 9h00, 9h30 ou 10h00 au
20 plus tard.
21 Q. : A quelle heure descendiez-vous, le matin ?
22 R. : Entre 5h00 et 5h30.
23 Q. : D’autres femmes étaient-elles détenues dans le camp en même temps que
24 vous ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Vous rappelez-vous le nombre approximatif de femmes qui y ont été
2 détenues en même temps que vous ?
3 R. : 37 et une serbe.
4 Q. : Où ces autres femmes étaient-elles enfermées ?
5 R. : 19 femmes se trouvaient dans notre pièce, les autres étaient dans une
6 autre pièce. Une femme seulement n’était jamais avec nous. Elle
7 s’appelait Hajra Hadzic. Elle a passé tout le temps dans la maison
8 blanche.
9 Q. : Vous avez dit qu’une de ces femmes était serbe. Quelle était
10 l’appartenance ethnique des autres femmes, si vous la connaissez ?
11 R. : Il y avait trois croates, les autres étaient musulmanes.
12 Q. : Pendant votre captivité à Omarska, vous rappelez-vous une femme
13 répondant au nom d’Azra ?
14 R. : Oui, en effet.
15 Q. : Avez-vous vu des blessures, des plaies sur le corps d’Azra ?
16 R. : Oui. Elle est arrivée à Omarska parce qu’elle avait été blessée. Elle
17 est arrivée blessée.
18 Q. : De quelles blessures souffrait-elle ?
19 R. : Elle disait avoir été atteinte par un obus, que ses blessures étaient
20 dues à cela.
21 Q. : Vous rappelez-vous, à Omarska, une femme répondant au nom de Sadeta
22 Medunjanin ?
23 R. : Oui, très nettement. Elle était dans la même pièce que moi.
24 Q. : Avant d’arriver dans votre pièce, avait-elle été détenue en un autre
25 lieu ?
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1 R. : Oui, dans la maison blanche.
2 Q. : Lui avez-vous vu des blessures sur le corps ?
3 R. : Oui, elle était blessée au bras droit, jusqu’au coude, et au-dessus
4 des genoux. Elle avait des brûlures de cigarette sur la peau.
5 Q. : A votre connaissance, d’autres membres de sa famille étaient-ils
6 aussi détenus à Omarska ?
7 R. : Oui, son mari, Beco Medunjanin, et son fils, Anes Medunjanin, s’y
8 trouvaient également.
9 Q. : Pendant votre captivité dans le camp, avez-vous jamais appris ce qui
10 était arrivé à Beco Medunjanin ?
11 R. : Il a disparu.
12 Q. : Savez-vous quelles avaient été les fonctions de Sadeta et de son
13 mari, Beco, au sein de la communauté de Prijedor ?
14 R. : Beco Medunjanin avait été responsable du Ministère de la défense
15 nationale et Sadeta, sa femme, était enseignante à Kozarac.
16 Q. : Pendant votre captivité dans le bâtiment central, avez-vous jamais vu
17 des détenus hommes enfermés dans le même bâtiment ?
18 R. : Oui, j’en ai vu.
19 Q. : Où ces hommes étaient-ils enfermés ?
20 R. : Dans des endroits différents, dans le bâtiment, dans le bâtiment
21 vitré, et le soir, ceux qui étaient sur la pista rentraient dans la
22 salle à manger.
23 Q. : Vous avez dit qu’ils étaient enfermés dans le bâtiment vitré, quel
24 bâtiment désignez-vous sous ce nom ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Quel bâtiment appeliez-vous ainsi, quelle zone ?
2 R. : C’était une pièce pourvue d’une porte vitrée, c’est pourquoi nous,
3 les femmes, l’appelions la serre.
4 Q. : Pendant votre captivité à Omarska, vous a-t-on donné des tâches à
5 accomplir dans le camp ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quelles tâches deviez-vous accomplir ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Quelles tâches deviez-vous accomplir ?
10 R. : Nous étions chargées du ménage et du lavage. Nous faisions beaucoup
11 de plonge, 3.100 pièces de vaisselle par jour, et pendant un certain
12 temps, 10 ou 15 jours, j’ai été chargée de distribuer la nourriture.
13 Q. : Vous dites que vous faisiez le ménage, où faisiez-vous le ménage, au
14 rez-de-chaussée et au premier étage ?
15 R. : Oui.
16 Q. : J’aimerais vous poser quelques questions au sujet du travail que vous
17 accomplissiez dans le restaurant, en rapport avec la nourriture.
18 Pendant votre captivité à Omarska, quelle était la fréquence des
19 repas des détenus ?
20 R. : Un seul repas.
21 Q. : Quel genre de nourriture recevaient-ils ?
22 R. : Horriblement mauvaise. Ils recevaient -- au début, on nous donnait un
23 récipient qui contenait un liquide, une espèce de soupe, avec deux
24 ou trois feuilles de chou ou, éventuellement, une deux ou trois
25 pommes de terre. Il y avait des haricots blancs, très aqueux et le
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1 plus souvent avariés. La plupart du temps, ce que nous recevions
2 était déjà en état de décomposition.
3 Q. : Avez-vous jamais vu des détenus tomber malades immédiatement après
4 avoir ingéré de la nourriture ?
5 R. : Oui, en grand nombre.
6 Q. : Quelle quantité de nourriture recevaient-ils ?
7 R. : Un demi-bol, éventuellement une demi-louche, moins de la moitié d’une
8 assiette.
9 Q. : Comment cette nourriture était-elle livrée au bâtiment qui abritait
10 le restaurant ?
11 R. : Elle arrivait dans une camionnette TAM jaune, tous les jours.
12 Q. : Vous rappelez-vous peut-être le numéro d’immatriculation de ce
13 véhicule ?
14 R. : Oui, 355-46.
15 Q. : Excusez-moi, vous avez dit 355-46 ?
16 Q. : Non, 545-46.
17 R. : Ce détail est assez précis. Comment se fait-il que vous vous rappelez
18 un tel détail ?
19 R. : Je me le suis gravé dans la mémoire.
20 Q. : A quelle fin ?
21 R. : Pour moi.
22 MISS HOLLIS : Je voudrais que la pièce à conviction 232 de l’accusation,
23 ou plutôt le document Z 327, soit diffusée sur les écrans. Entre-
24 temps, Madame le Président, nous pouvons peut-être avancer ? (A
25 l’intention du témoin) : Savez-vous qui conduisait ce véhicule, ce
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1 camion, qui servait à livrer la nourriture ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Pouvez-vous nous donner le nom des chauffeurs, si vous vous les
4 rappelez ?
5 R. : Pero Mrdja, Kobas, Mirko Dragan, Brane Drlic, mais Pero Mrdja et
6 Kobas conduisaient le camion, en général.
7 Q. : Connaissiez-vous ces hommes avant votre arrivée dans le camp ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Ce camion servait-il à d’autres usages qu’à livrer la nourriture ?
10 R. : Oui, il servait à évacuer les morts.
11 MISS HOLLIS : Pourrait-on, éventuellement, montrer le document à l’écran,
12 à présent ? Je répète, il s’agit de la pièce à conviction 232 de
13 l’accusation, du document 20-7. (A l’intention du témoin) : veuillez
14 regarder ce véhicule et nous dire si vous le reconnaissez, je vous
15 prie.
16 R. : Oui, je le reconnais. C’est bien ce camion.
17 Q. : C’est le camion que vous avez décrit ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Une fois que la nourriture était distribuée aux détenus, de combien
20 de temps disposaient-ils pour la manger ?
21 R. : De trois minutes.
22 Q. : Qu’arrivait-il s’il leur fallait plus longtemps ?
23 R. : Ils recevaient l’ordre de la jeter.
24 Q. : Tous les détenus recevaient-ils quelque chose à manger, tous les
25 jours ?
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1 R. : Non, très souvent, il n’y avait pas assez de nourriture pour tout le
2 monde. De sorte que parfois, plus de la moitié des détenus se
3 passait de manger.
4 Q. : Avez-vous jamais vu un détenu se faire battre alors qu’il venait
5 manger ?
6 R. : Oui, tous les jours.
7 Q. : Avez-vous remarqué des blessures, des contusions ou des plaies sur le
8 corps de ces hommes qui venaient chercher à manger en rangs ?
9 R. : Oui. Oui.
10 Q. : Qu’avez-vous remarqué, s’agissant de leur état physique ?
11 R. : Leur aspect physique était terrible, ils étaient émaciés, maigres,
12 sales, ils avaient des poux, présentaient des signes de coups,
13 avaient des plaies ouvertes sur tout le corps, des bras cassés. Ce
14 qui était particulier, c’est que chaque fois que je les regardais,
15 je leur voyais d’énormes ecchymoses autour des yeux, ce qu’on
16 appelait des lunettes naturelles.
17 Q. : Ces importantes contusions autour des yeux avaient-elles une
18 quelconque signification ?
19 R. : Oui, elles provenaient de coups assenés sur la tête.
20 Q. : Vous avez déclaré que vous deviez faire le ménage dans le bâtiment
21 qui abritait le restaurant, le bâtiment central. Vous arrivait-il de
22 trouver quoi que ce soit --
23 R. : Oui.
24 Q. : -- d’inhabituel dans ces pièces où vous faisiez le ménage ?
25 R. : Oui, nous y trouvions toutes sortes d’objets. Nous y trouvions -- il
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1 nous arrivait de tomber sur du sang, des fragments de dents, de
2 grosses barres ou des câbles métalliques, des morceaux de peau,
3 toutes sortes de choses, des flaques d’urine. On trouvait de tout
4 dans ces pièces.
5 Q. : Les pièces dans lesquelles vous trouviez ce genre de chose se
6 trouvaient où, au rez-de-chaussée, au premier étage ou aux deux
7 niveaux ?
8 R. : Non, ces pièces étaient au premier étage.
9 Q. : Madame le Président, j’aimerais prier le technicien de préparer
10 rapidement la caméra et je demanderai au témoin de nous montrer
11 certains lieux dans le bâtiment central.
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, est-ce possible, assez rapidement ?
13 MISS HOLLIS : Madame, je vous demanderai d’enlever vos écouteurs une fois
14 que je vous aurai donné quelques instructions -- veuillez les
15 remettre, pour l’instant -- je vous prierai de les ôter quand je
16 vous aurai dit ce que vous aurez à faire. S’il vous plaît, avancez-
17 vous jusqu’à l’avant de la maquette. Vous y trouverez des écouteurs
18 et un câble. Dès que la caméra sera prête, je vous demanderai de
19 mettre ces écouteurs.
20 Monsieur le juge Stephen, je vous prie d’excuser cette intrusion,
21 nous n’en avons pas pour longtemps. Peut-on enlever le toit du
22 bâtiment qui abrite le restaurant, de façon à voir le restaurant,
23 mais aussi le premier étage ? Merci. Madame, faites le tour, s’il
24 vous plaît, mettez ces écouteurs, après quoi je vous demanderai de
25 nous montrer certaines pièces en vous servant du pointeur. Vous
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1 constaterez la présence de numéros dans ces pièces ; donc, après les
2 avoir montrées, je vous prierai d’en dire le numéro. Veuillez vous
3 approcher, à présent et mettre ces écouteurs. Madame, je vous
4 prierai de montrer d’abord, à l’aide du pointeur, la pièce dans
5 laquelle vous dormiez. Pouvez-vous, pour commencer, nous montrer
6 dans quelle pièce vous dormiez ?
7 R. : B11.
8 Q. : S’il vous plaît, placez le pointeur à l’intérieur de cette pièce. La
9 caméra peut-elle faire un gros plan ? Merci. Je vous demande à
10 présent de nous montrer, en vous servant du pointeur, la pièce dans
11 laquelle dormaient les autres femmes.
12 R. : B10.
13 Q. : Pourriez-vous, je vous prie, nous montrer à l’aide du pointeur les
14 pièces dans lesquelles vous avez trouvé du sang, des dents et
15 d’autres objets ?
16 R. : C’étaient les pièces B9, B10, B11 et B3.
17 Q. : Y avait-il une pièce utilisée par Zeljko Meakic ?
18 R. : Oui. C’était cette grande pièce, la pièce B1. Elle avait une porte
19 ici, et à côté du mur, à quelques 10 centimètres d’ici, il y avait
20 quelque chose recouvert de literie -- (Nous sommes au regret de dire
21 que nous entendons à peine le témoin).
22 Q. : Quand je vous pose une question, je vous prierai d’y répondre en
23 utilisant le microphone situé derrière vous. Pourriez-vous, à l’aide
24 du pointeur, nous montrer à nouveau où se trouvait la mitrailleuse ?
25 Pourriez-vous nous montrer la pièce que traversait le serveur de
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1 cette mitrailleuse pour prendre ses positions ?
2 R. : C’était la pièce B12.
3 Q. : Pourriez-vous y placer le pointeur, je vous prie ? Y avait-il des
4 salles de bains à cet étage ?
5 R. : Oui, il y en avait deux. La première était utilisée par la police,
6 l’autre, la pièce B6, était utilisée par nous.
7 Q. : Une de ces pièces situées a l’étage était-elle utilisée par les
8 commandants ou les gardes ?
9 R. : Oui, la pièce B 5, qui faisait face à la nôtre.
10 Q. : Dans le couloir, y avait-il un endroit ou se trouvait normalement une
11 table ou une chaise, ou les deux ?
12 R. : Oui, dans le coin situé ici, dans le couloir, se trouvaient une table
13 et trois chaises, et il y avait une autre table dans un autre coin.
14 Q. : Pouvez-vous nous indiquer leur emplacement par rapport à la cage
15 d’escalier ?
16 R. : En entrant, à gauche de la cage d’escalier.
17 Q. : Pourriez-vous nous montrer l’endroit où vous travailliez durant la
18 journée ?
19 R. : Ici, dans le réfectoire.
20 Q. : Où vous trouviez-vous quand vous faisiez la plonge ?
21 R. : Ici, oui, toujours ici, dans la même pièce, ici, dans le coin.
22 Q. : Il s’agit donc d’un réduit ménagé à l’arrière du restaurant ?
23 R. : Oui.
24 Q. : C’est la pièce A22 ?
25 R. : A22.
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1 Q. : En parlant des hommes détenus dans le restaurant, vous avez utilisé
2 le mot de serre. Pourriez-vous nous montrer où elle se trouve ?
3 R. : Oui, en A14.
4 Q. : Y avait-il, dans le camp, un bâtiment que vous appeliez la maison
5 rouge ?
6 R. : Oui, il était ici.
7 Q. : Vous avez placé le pointeur sur le petit bâtiment rouge qui fait face
8 à l’extremité du long hangar rouge ?
9 R. : Oui.
10 Q. : On le trouve en contrebas de la maison blanche.
11 L’INTERPRETE : Je suis desolée, je n’entends pas le témoin.
12 MISS HOLLIS : Vous avez dit en contrebas de la maison blanche, c’est bien
13 cela ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Merci Madame. Vous pouvez vous rasseoir. Nous n’aurons plus besoin de
16 la caméra. Madame, durant votre captivité à Omarska, vous avez dit
17 avoir vu un camion qui emportait les morts. A quelle fréquence
18 voyiez-vous des cadavres, dans le camp ?
19 R. : Tous les jours.
20 Q. : Avez-vous, un jour, vu évacuer des cadavres à l’aide d’un gros camion
21 ?
22 R. : Oui, aux alentours de la fin juillet.
23 Q. : Qu’avez-vous vu en cette occasion ?
24 R. : J’arrivais au bas des escaliers, il y avait une grande vitre et j’ai
25 vu un de ces gros camions qu’on appelle camion-benne, plein de
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1 cadavres. Quand les gardes se sont aperçus que nous regardions de ce
2 côté-là, il nous ont renvoyés dans nos pièces.
3 Q. : Donc, vous descendiez les escaliers que l’on voit dans la partie
4 arrondie ?
5 R. : Je descendais ces escaliers, oui.
6 Q. : Vous avez pu voir le camion en regardant par cette vitre ?
7 R. : Oui, par une fenêtre, une fenêtre vitrée.
8 Q. : La nuit précédente, aviez-vous entendu des bruits inhabituels ou vu
9 quoi que ce soit d’inusité dans le camp ?
10 R. : Oui, nous avions entendu des cris, des plaintes, des coups de feu,
11 toute la nuit, si bien que personne n’a fermé l’oeil, cette nuit-là.
12 Q. : Plus tard ce jour-là, le jour ou vous avez vu le camion, vous a-t-on
13 finalement emmenés dans le restaurant ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Avez-vous été témoin d’une activité inhabituelle au niveau de la
16 maison blanche, ce jour-là ?
17 R. : Oui, devant la maison blanche, il y avait -- ils lavaient entièrement
18 la maison blanche avec un tuyau.
19 MISS HOLLIS : Je souhaite voir le document Z3-20-17, dont je demande
20 l’enregistrement à des fins d’identification comme pièce a
21 conviction suivante de l’accusation, c’est-a-dire comme pièce 251.
22 R. : Oui.
23 MISS HOLLIS : (A l’intention du témoin) : Madame, je vous prierai de bien
24 vouloir regarder cette photo. Y voyez-vous un gros camion jaune ?
25 R. : Un camion jaune, oui.
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1 Q. : Reconnaissez-vous ce type de camion ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Est-ce le même type de camion que celui dans lequel vous avez vu des
4 cadavres, ce jour-là ?
5 R. : Oui.
6 MISS HOLLIS : Je demande que la pièce à conviction 251 de l’accusation
7 soit versée au dossier.
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
9 MAITRE KAY : Non, Madame le Président.
10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 251 de l’accusation est
11 versée au dossier.
12 MISS HOLLIS : Si les juges souhaitent que la photographie originale soit
13 versée au dossier, nous en avons une copie. Très bien, Madame le
14 Président. Merci. Madame, à votre connaissance ---
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous laisserons cet exemplaire dans le
16 dossier. Il est enregistré sous la cote 251. Mais si vous en avez un
17 exemplaire supplémentaire à notre intention, ce qui est parfois le
18 cas, cela nous serait utile.
19 MISS HOLLIS : Oui, Madame le Président, nous en avons.
20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci.
21 MISS HOLLIS : Madame, je vous prierai de ne prononcer le nom d’aucune de
22 ces femmes, mais pendant votre captivité à Omarska, des femmes ont-
23 elle été emmenées, la nuit, hors de la pièce dans laquelle vous vous
24 trouviez ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : A quelle fréquence des femmes étaient-elles emmenées hors de la pièce
2 ?
3 R. : Presque toutes les nuits.
4 Q. : Qui les emmenait ?
5 R. : Des gardes.
6 Q. : Vous rappelez-vous le nom de l’un quelconque des gardes qui les
7 emmenait ?
8 R. : Oui. Krkan Mladjo, Krkan, Lugar, Nedeljko, Zeljko Meakic.
9 Q. : Toujours sans prononcer le nom de ces femmes, l’une quelconque de ces
10 femmes vous a-t-elle jamais dit ce qui lui arrivait, une fois
11 qu’elle était emmenée hors de la pièce ?
12 R. : Oui, elles étaient violées.
13 Q. : Pendant votre captivité à Omarska, vous rappelez-vous la nuit où
14 Sadeta Medunjanin et une femme répondant au nom de Edna Dautovic ont
15 été emmenées hors du camp ?
16 R. : Oui.
17 Q. : L’une ou l’autre de ces femmes dormait-elle dans la même pièce que
18 vous ?
19 R. : Oui, Sadeta Medunjanin.
20 Q. : Vous avez déclaré il y a quelques instants que vous connaissiez
21 Sadeta Medunjanin avant d’être internée dans le camp.
22 R. : Oui.
23 Q. : Connaissiez-vous également Edna Dautovic avant d’être internée dans
24 le camp ?
25 R. : Oui, je connaissais bien Edna Dautovic. C’était une collègue de mon
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1 fils. Ils fréquentaient tous les deux l’école technique
2 d’électricité, ils étaient de la même promotion.
3 Q. : A votre connaissance, quelle était l’appartenance ethnique de ces
4 femmes ?
5 R. : Musulmane.
6 Q. : Vous rappelez-vous quel âge elles avaient ?
7 R. : Edna avait 21 ans et Sadeta 46.
8 Q. : Cette nuit-là, la nuit où ces deux femmes ont été emmenées, vous
9 rappelez-vous que quelque chose se soit passé ?
10 R. : Elles avaient reçu l’ordre de sortir la veille. Ce soir-là, un
11 autocar est arrivé dans le -- dans le camp. Il était de couleur
12 bleu, et portait en lettres blanches l’inscription "Una Trans Bihac
13 Bosanska Krupa". En lettres noires, l’inscription "Seselj"
14 recouvrait une partie de l’autocar.
15 Q. : Comment avez-vous réussi à voir cet autocar ?
16 R. : Par la fenêtre de la salle de bains, aux toilettes.
17 Q. : De quelle salle de bains parlez-vous ? De celle des gardes ?
18 R. : De notre salle de bains. Non, de notre salle de bains, celle où nous
19 allions nous laver, où nous prenions notre bain.
20 Q. : Avez-vous vraiment vu ces femmes au moment où elles se dirigeaient
21 vers l’autocar ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Avez-vous vu un membre du personnel du camp, près de l’autocar ?
24 R. : Oui, presque tous les gardes. Drago Prcac lisait les noms et Zeljko
25 Meakic se tenait à ses côtés.
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1 Q. : Outre ces deux femmes, d’autrès détenus sont-ils montés à bord de cet
2 autocar ?
3 R. : Oui. Je connaissais Adem et je connaissais Samir Resic.
4 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ces deux hommes que vous
5 connaissiez ?
6 R. : Musulmane.
7 Q. : Quoi que ce soit a-t-il été dit quant aux raisons pour lesquelles ces
8 personnes montaient à bord de cet autocar ?
9 R. : Oui, oui, elles devaient faire l’objet d’un échange à Bihac.
10 Q. : Avez-vous jamais, apres la nuit où vous avez vu ces femmes monter à
11 bord de cet autocar, revu ces femmes ou entendu parler d’elles ?
12 R. : Non.
13 Q. : Depuis votre départ de Bosnie, avez-vu eu des contacts avec les
14 familles de ces deux femmes ?
15 R. : Oui.
16 Q. : A votre connaissance, les familles de ces deux femmes ont-elles
17 jamais entendu parler d’elles ou ont-elles été réunies avec elles ?
18 R. : Non.
19 MISS HOLLIS : Je demande que ce document soit enregistré comme pièce à
20 conviction 252 de l’accusation à des fins d’identification.
21 J’aimerais qu’il soit montré à la défense et au témoin. Et si le
22 rétroprojecteur fonctionne, j’aimerais qu’il soit d’abord remis au
23 témoin.
24 (A l’intention du témoin) : Madame, reconnaissez-vous la femme qui est
25 représentée sur cette photo ?
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1 R. : Oui, c’est Edna Dautovic.
2 Q. : Cette photographie peut-elle être placée sur le rétroprojecteur, je
3 vous prie ? Pourriez-vous placer le pointeur sur Edna Dautovic, de
4 façon à ce que les juges la voient ?
5 (Le témoin fournit l’indication demandée à partir de la photographie).
6 Merci. La photographie est-elle sur la vidéo ?
7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je la vois sur mon écran. Tout va bien.
8 MISS HOLLIS : Merci, Madame. Vous pouvez vous rasseoir. Je demande le
9 versement au dossier de la pièce à conviction 252 de l’accusation.
10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
11 MAITRE KAY : Pas d’objection, Madame le Président.
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 252 est admise.
13 MISS HOLLIS : Nous en avons remis un exemplaire à la défense et en avons
14 un autre exemplaire pour les juges, le cas échéant.
15 (A l’intention du témoin) : Pendant votre détention à Omarska, avez-vous
16 rencontré dans le camp l’un quelconque des hommes musulmans qui
17 avait assumé des responsabilités locales à Prijedor ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Pendant que vous vous trouviez dans le camp, vous rappelez-vous y
20 avoir vu Braco Ceric ?
21 R. : J’ai vu Ceric, surnommé "Braco". C’était le Président du Tribunal.
22 J’y ai vu Mohamed Cehajic, professeur, qui présidait l’opstina de
23 Prijedor. J’y ai vu Idriz Jakupovic, dirigeant de la Croix rouge.
24 J’y ai vu le professeur Crnkic, le professeur Puskar, le professeur
25 Hadzalic, le professeur Mujagic, le Dr. Eso Sadikovic. J’y ai vu
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1 plusieurs policiers, tous les commerçants, Dedo Crnalic, Asaf
2 Kapetanovic, Sead Ramadanovic.
3 Q. : Madame, quand vous avez vu tous ces dirigeants dans le camp, avez-
4 vous observé des traces de coups, des blessures ou des plaies sur
5 leur corps ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quelle était la nature de leurs blessures ?
8 R. : Ils avaient des plaies ouvertes. L’un des médecins avait le bras
9 cassé. Idriz Jakupovic avait le bras cassé. Le professeur Hussein
10 Trnkic, professeur de mathématiques, avait la clavicule cassée, le
11 cou, et tous portaient des traces de coups sur ces plaies. Ado
12 Ekimovic et son père n’avaient plus un centimètre du visage sans
13 contusion. Mais on voyait leur visage, tous étaient des
14 personnalités distinguées.
15 Q. : Madame, connaissez-vous un homme répondant au nom de Dule ou Dusko
16 Tadic ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Comment avez-vous fait sa connaissance ?
19 R. : A Kozarac.
20 Q. : Comment l’avez-vous rencontré, comment avez-vous fait sa connaissance
21 ?
22 R. : J’ai entendu parler de lui, parce que des parents à moi fréquentaient
23 son club de karaté.
24 Q. : Vous l’ont-ils montré en personne ou se sont-ils contenté de vous
25 parler de lui ?
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1 R. : Non, ils me l’ont montré en personne.
2 Q. : Depuis combien de temps connaissiez-vous Dule Tadic, Dusko Tadic,
3 quand la guerre a éclaté, depuis combien d’années ?
4 R. : Depuis trois ou quatre ans.
5 Q. : Que diriez-vous du rapport que vous aviez avec lui ? Diriez-vous que
6 vous étiez amis, que vous le reconnaissiez si vous le rencontriez ?
7 R. : Je dirais que c’était une connaissance.
8 Q. : Durant les années où vous le connaissiez, avant la guerre, combien de
9 fois diriez-vous l’avoir vu, au total ?
10 R. : 20 fois à peu près.
11 Q. : Où le rencontriez-vous ?
12 R. : A Kozarac, dans la rue, et je l’ai aussi rencontré à Prijedor.
13 Q. : Avant le début de l’attaque de l’opstina de Prijedor, lorsque vous
14 rencontriez Dusko Tadic, lui avez-vous jamais vu une barbe ?
15 R. : Non.
16 Q. : A quel moment l’avez-vous vu pour la dernière fois avant d’être
17 arrêté ?
18 Q. : A la mi-juin, à Prijedor, au marché.
19 Q. : Quand vous l’avez vu, ce jour-là, portait-il la barbe ou était-il
20 rasé de près ?
21 R. : Rasé de près.
22 Q. : En juin 1992, au marché, il était rasé de près ?
23 R. : Oui.
24 Q. : Savez-vous quelle était sa profession à l’époque ?
25 R. : Oui, il tenait un café.
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1 Q. : Sa démarche avait-elle quoi que ce soit de particulier ?
2 R. : Oui, parce qu’il avançait la poitrine et de ce fait, il marchait
3 comme ceci, avec un balancement latéral.
4 Q. : Vous voulez dire qu’il avait une démarche chaloupée ?
5 R. : Oui.
6 MISS HOLLIS : Madame le Président, je vais aborder une autre série de
7 questions. Est-ce le moment de suspendre l’audience ?
8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l’audience 20 minutes.
9 (16h00)
10 (Brève suspension d’audience)
11 (16h20)
12 (En l’absence du témoin)
13 MISS HOLLIS : Madame le Président, un des sujets que j’aimerais aborder
14 avec ce témoin pose un problème de droit. Il serait bon d’en
15 discuter avant que je ne pose cette série de questions. Je vais donc
16 le faire immédiatement, ce qui permettra à la défense de présenter
17 d’éventuelles objections.
18 Dans le cadre de l’interrogatoire principal, le témoin a indiqué
19 avoir vu Dusko Tadic en juin 1992, au marché de Prijedor, et l’y
20 avoir vu rasé de près. Dans une déclaration ---
21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous n’avez pas apprecié cette réponse.
22 MISS HOLLIS : Pour être franche, Madame, non. Dans une déclaration
23 préalable fournie au Bureau du Procureur, elle avait déclaré l’avoir
24 vu avec une barbe, en cette occasion. J’ai l’intention de lui
25 demander si elle se souvient avoir fourni cette déclaration, si elle
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1 se souvient avoir dit à ce moment-là qu’il portait une barbe, et
2 j’ai l’intention de lui demander laquelle des deux affirmations
3 relative à la présence ou à l’absence de barbe est exacte.
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Kay ?
5 MAITRE KAY : C’est un problème intéressant, car les différents systèmes
6 judiciaires ne le traitent pas de façon identique. L’accusation
7 cherche, en fait, à procéder au contre-interrogatoire de son propre
8 témoin sur la base d’une déclaration antérieure. Miss Hollis a eu la
9 bonne grâce de me parler de ce problème pendant la brève suspension
10 d’audience, elle m’a remis un exemplaire de la déclaration préalable
11 du témoin. Ce que je dirai aux juges, c’est que toute question
12 portant sur ce point fait partie du champ de mon contre-
13 interrogatoire, si je décide de l’y inclure ; mais nous ne sommes
14 pas très favorables à cette tentative de remettre en cause la
15 crédibilité de son propre témoin.
16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Miss Hollis ?
17 MISS HOLLIS : Oui, Madame le Président. Il me semble, comme l’a souligné
18 le Conseil de la défense, que ce genre de problème se résoud de
19 diverses façons, selon le système judiciaire concerné. Je sais qu’il
20 y a longtemps, il y a des années, il était impossible de procéder de
21 la sorte dans mon système judiciaire, dans le système fédéral des
22 Etats-Unis. Mais cela fait déjà quelque temps que nous sommes
23 autorisés à agir ainsi, c’est-à-dire à interroger un témoin au sujet
24 de déclarations préalables présentant des contradictions avec leur
25 déposition dans le prétoire.
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1 Bien entendu, je ne traiterai pas ce témoin comme un témoin hostile.
2 Mais j’admets qu’au sens strict du terme, il est permis de dire
3 qu’en lui posant ce genre de questions, je remets en cause sa
4 crédibilité. Je dis, compte tenu des conversations que nous avons pu
5 avoir dans ce prétoire au sujet de la démarche à adopter eu égard
6 aux éléments de preuve, que c’est la chose à faire. Mais je suis
7 consciente que les démarches applicables peuvent être différentes,
8 c’est pourquoi j’ai voulu soumettre le problème à la défense pour
9 lui donner la possibilité d’élever une objection.
10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je repondrai d’abord à la remarque de Maître
11 Kay, selon laquelle cette question relève du contre-interrogatoire,
12 et il lui appartient donc de décider de la poser ou de ne pas la
13 poser dans le cadre du contre-interrogatoire. Je suppose que d’un
14 point de vue tactique tout du moins, il conviendrait de permettre à
15 la partie qui a cité le témoin de décider comment elle souhaite
16 traiter ce problème. Autrement dit, ce problème est à régler par
17 Miss Hollis et je ne crois pas que ce soit un moyen de le résoudre
18 que d’affirmer, Maìtre Kay, qu’il n’existe pas, compte tenu de la
19 façon dont vous allez le traiter au cours du contre-interrogatoire.
20 Le véritable problème consiste à se demander si dans ce Tribunal,
21 des circonstances particulières permettent de remettre en cause la
22 crédibilité d’un témoin, ou si un contre-interrogatoire permet de
23 mettre de quelque manière en doute la crédibilité d’un témoin.
24 Plusieurs réponses sont permises.
25 Je vais consulter mes collègues. Peut-être pourrait-on demander au
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1 témoin si elle se rappelle avoir fait une déclaration, puis si la
2 lecture de cette déclaration lui rafraîchit la mémoire ou pas.
3 MAITRE KAY : Oui.
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mais vous avez raison, cela reviendrait à
5 remettre en cause la crédibilité du témoin, car rien n’indique que
6 le témoin a besoin, en ce moment précis, de se rafraîchir la
7 mémoire.
8 MAITRE KAY : Puis-je évoquer un point, Madame le Président ? Je ne pense
9 pas que ce témoin ait manifesté, dans sa déposition, la moindre
10 hostilité ou la moindre intention d’agir à l’encontre de
11 l’accusation.
12 MISS HOLLIS : Nous ne disons pas le contraire.
13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pour ce qui me concerne, il est possible
14 qu’au vu de tout le reste, le fait de savoir s’il portait une barbe,
15 le fait que le témoin ait dit, à un moment donné, qu’il portait une
16 barbe et dise aujourd’hui qu’il n’en portait pas, mais était rasé de
17 près, ne soit qu’un detail sans grande importance. Mais je ne puis
18 en juger dans l’immédiat, car je ne sais ni où vous en êtes ni ou
19 vous allez. Mais examinons le problème.
20 (Consultation des juges)
21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avons decidé d’autoriser Miss Hollis à
22 interroger le témoin -- je souhaite éviter les expressions "remettre
23 en cause la crédibilité du témoin" et "soumettre le témoin à un
24 contre-interrogatoire" --, afin de lui faire savoir qu’elle a fait
25 une déclaration avant de témoigner ici aujourd’hui, dans laquelle
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1 elle disait qu’il portait une barbe. C’est bien cela ou est-ce le
2 contraire ---
3 MISS HOLLIS : Merci, Madame le Président.
4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : -- qu’il portait une barbe. Donc, vous
5 pourrez rappeler cela au témoin. Cela étant, nous tiendrons compte
6 de ce fait au moment de déterminer le poids qu’il convient
7 d’accorder à ce témoignage. Autrement dit, si le témoin a déclaré
8 dans le cadre de l’interrogatoire principal qu’il était rasé de près
9 et qu’ensuite, apres avoir entendu sa déclaration préalable, elle
10 déclare l’avoir vu, à l’époque, avec une barbe, la question qui se
11 pose à nous consiste à déterminer le poids qu’il convient d’accorder
12 à ce témoignage au sujet de l’apparence du visage de M. Tadic, avec
13 ou sans barbe.
14 MAITRE KAY : Je remercie les juges pour leurs indications sur ce point.
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Peut-on faire entrer le témoin, à
16 présent ?
17 MISS HOLLIS : Merci, Madame le Président.
18 (Nouvelle entrée de HASIBA HARAMBASIC dans le prétoire)
19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Miss Hollis, vous pouvez reprendre.
20 MISS HOLLIS : Merci, Madame le Président. (A l’intention du témoin) :
21 Madame, j’aimerais revenir sur un point dont nous avons parlé
22 immédiatement avant la suspension d’audience. Vous avez dit, alors,
23 que lorsque vous avez vu Dusko Tadic en juin 1992, sur le marché de
24 Prijedor, il était rasé de près. Vous rappelez-vous avoir fourni une
25 déclaration aux représentants du Tribunal ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Dans cette déclaration, vous rappelez-vous avoir parlé du moment, en
3 juin 1992, où vous avez vu Dusko Tadic sur le marché ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Dans cette déclaration, vous raplez-vous avoir indiqué qu’à l’époque,
6 en juin 1992, sur le marché, M. Tadic portait une barbe ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Comme je l’ai indiqué, à la question que je vous ai posée dans le
9 cadre de l’interrogatoire principal vous avez répondu qu’il était
10 rasé de près. Pouvez-vous, je vous prie, dire aux juges quel est
11 votre souvenir exact ? Ce jour-là, en juin 1992, M. Tadic était-il
12 rasé de près ou, selon votre souvenir, portait-il une barbe ?
13 R. : Il portait une barbe.
14 Q. : Merci. Durant votre captivité dans le camp d’Omarska, avez-vous
15 jamais vu Dusko Tadic dans le camp ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Combien de fois l’y avez-vous vu ?
18 R. : Deux fois.
19 Q. : Quand l’y avez-vous vu pour la première fois ?
20 R. : A la mi-juillet à peu près.
21 Q. : Où vous trouviez-vous lorsque vous l’avez vu, à la mi-juillet ?
22 R. : Dans le restaurant.
23 Q. : Que faisait Dusko Tadic lorsque vous l’avez vu, ce jour-là ?
24 R. : Il traversait la pista à pied.
25 Q. : Lorsque vous l’avez vu, était-ce de face, de profil ou les deux ?
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1 Q. : Les deux, parce qu’il s’est tourné vers la pista et vers le
2 restaurant.
3 Q. : A quelle distance de vous se trouvait Dusko Tadic le jour où vous
4 l’avez vu ?
5 R. : A trois ou quatre mètres.
6 Q. : Quels vêtements portait-il, ce jour-là ?
7 R. : Un jean.
8 Q. : Avez-vous vu des armes sur lui, ce jour-là ?
9 R. : Oui, il avait un revolver accroché à la ceinture de son jeans.
10 Q. : Lorsque vous l’avez vu, ce jour-là, quelqu’un marchait-il à ses côtés
11 ?
12 R. : Non.
13 Q. : Pendant combien de temps l’avez-vous vu ?
14 R. : Quelques minutes, le temps qu’il lui a fallu pour traverser la pista.
15 Q. : Le jour où vous l’avez vu, Dusko Tadic avait-il une pilosité faciale
16 ou était-il rasé de près ?
17 R. : Il portait une barbe.
18 Q. : A quelle heure du jour ou de la nuit l’avez-vous vu ?
19 R. : A 1 heure de l’après-midi, à peu près, ou 1h30.
20 Q. : De jour, par conséquent ?
21 R. : Oui, oui, de jour.
22 Q. : Y avait-il quoi que ce soit qui obstruait votre champ de vision
23 lorsque vous l’avez vu, ce jour-là ?
24 R. : Non.
25 Q. : Quand l’avez-vous vu à Omarska pour la deuxième fois ?
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1 R. : Le 23 juillet 1992.
2 Q. : Etes-vous en mesure de citer une date précise ?
3 R. : J’avais un calendrier sur moi, j’y barrais les jours écoulés et ce
4 jour-là, j’ai dessiné un cercle sur mon calendrier.
5 Q. : Quelle était la signification de ce cercle ?
6 R. : Il signifiait que cette date était particulièrement importante à mes
7 yeux.
8 Q. : Où vous trouviez-vous, ce jour-là, lorsque vous l’avez vu ?
9 R. : Dans le réfectoire.
10 Q. : Où était Dusko Tadic lorsque vous l’avez aperçu ?
11 R. : Au niveau de la deuxième fenêtre. Il est arrivé en voiture et s’est
12 arrêté devant la deuxième fenêtre, vers le haut du réfectoire.
13 Q. : Qu’avez-vous vu, après qu’il est arrivé en voiture ?
14 R. : Il est sorti de son véhicule, avec un autre homme. Ils ont tous deux
15 emprunté la route et Dusko Tadic s’est arrêté, sur la pista, auprès
16 d’un garde répondant au nom de Joja ; l’autre homme a poursuivi son
17 chemin en direction de la maison blanche.
18 Q. : Qu’avez-vous vu ensuite ?
19 R. : Après quelques minutes de conversation avec un jeune homme blond,
20 bien bâti, qui portait des lunettes et des vêtements assez
21 particuliers, en fait, puisqu’il avait un T-shirt aux manches
22 multicolores par-dessus un pantalon de camouflage vert, avec un
23 emblème dans le dos, de couleur brune, il s’est séparé de lui et
24 s’est engagé sur la voie menant à la maison blanche.
25 Q. : Quand vous dites qu’il s’est engagé sur la voie menant à la maison
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1 blanche, de qui parlez-vous ?
2 R. : Je parlais de Dusko Tadic.
3 Q. : Qu’avez-vous vu ensuite ?
4 R. : Les détenus ont commencé à sortir. Est sorti en premier le Dr. Jusuf
5 Pasic, en second Nasic, l’ingénieur, en troisième, Zlatan Besirevic,
6 qui avait les mains sur la nuque, en quatrième Rufat Seljanovic et
7 en cinquième Enes Begic ; le sixième était Agos Zardikovic, le
8 septième Armin Crnalic, surnommé "Caruga", puis venaient deux hommes
9 du même groupe que je ne connaissais pas. Ils ont traversé la pista.
10 Il y avait le Dr. Osman Mahmuljin et Ziko Mahmuljin.
11 Q. : Parmi ces hommes dont vous venez de citer les noms, vous avez évoqué
12 le Dr. Besic, qui est le Dr. Besic ?
13 R. : Le Dr. Begic, Enis, était chirurgien au Centre médical de Prijedor.
14 Q. : Y avait-il un Dr. Besic ?
15 R. : Non, il n’y avait pas de Besic, son nom est Begic.
16 Q. : Ces hommes dont vous venez de citer les noms, les connaissiez-vous
17 avant votre captivité dans le camp ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Comment aviez-vous fait leur connaissance ?
20 R. : C’étaient de bons amis. Le Dr. Osman était un ami très proche. Le Dr.
21 Ziko Mahmuljin était un bon ami. Le Dr. Begic, Enis, le chirurgien,
22 était un très bon ami, nous étions nés au même endroit. Le Dr.
23 Seljanovic, Rufat, travaillait dans le cabinet en face du mien, et
24 je connaissais l’ingénieur Zlatan Besirevic, je le connaissais très
25 bien. C’était un ami de la famille. Je connaissais aussi Armin
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1 Crnalic, surnommé "Caruga", car il possédait un restaurant.
2 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de tous ces hommes dont vous
3 venez de citer les noms ?
4 R. : Musulmane.
5 Q. : Quand vous les avez vus surgir de toutes les directions sur la pista,
6 où se dirigeaient-ils ?
7 R. : Ils ont traversé la pista, dans la direction de la maison rouge.
8 Q. : Depuis l’endroit ou vous étiez assise, dans le restaurant, votre
9 champ de vision couvrait-il la totalité du chemin menant à la maison
10 rouge ?
11 R. : Pas la totalité, une partie seulement, depuis le croisement jusqu’à
12 la maison blanche, je pouvais voir une cinquantaine de mètres de ce
13 chemin.
14 Q. : Que s’est-il passé, une fois que vous avez vu ces hommes se diriger
15 vers la maison rouge ?
16 R. : M. Dule Tadic les a rejoints une dizaine de minutes plus tard, ainsi
17 que les hommes qui l’accompagnaient. Quelques minutes plus tard, des
18 gardes les ont suivis, deux gardes les ont suivis.
19 Q. : Après avoir vu tous ces hommes se diriger vers la maison rouge, avez-
20 vous revu Dusko Tadic ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Où l’avez-vous vu ?
23 R. : Je l’ai vu revenir de la maison rouge. Je l’ai suivi des yeux. Il est
24 arrivé près d’une voiture, est entré dans la voiture et est parti.
25 Q. : Vous avez indiqué que la première fois que vous avez vu Dusko Tadic,
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1 ce jour-là, vous l’avez vu au niveau de la deuxième fenêtre de la
2 façade du restaurant, c’est bien cela ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Parlez-vous de la façade du restaurant qui se trouve face aux juges ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Lorsque vous l’avez vu, à ce moment-là, à quelle distance pensez-vous
7 qu’il se trouvait de vous, dans le restaurant ?
8 R. : A cinq ou six mètres.
9 Q. : Cinq ou six mètres entre l’endroit où vous vous trouviez et la
10 deuxième fenêtre de la façade du restaurant ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Alors qu’il longeait le bâtiment pour atteindre le point où il s’est
13 arrêté, sur la pista, l’avez-vous vu de face, de profil ou les deux
14 ?
15 R. : Les deux.
16 Q. : Pendant qu’il marchait vers la maison blanche et lorsqu’il s’est
17 arrêté devant la maison blanche, pouviez-vous voir son visage, et si
18 oui, était-ce de face ou de profil ?
19 R. : Je ne l’ai pas vu, lui, j’ai vu son visage.
20 Q. : Vous avez vu son visage alors qu’il était debout, à l’entrée de la
21 maison blanche ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Pendant toute la durée de cet incident, ce jour-là, combien de temps
24 au total diriez-vous avoir vu Dusko Tadic ?
25 R. : 15 ou 20 minutes peut-être.
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1 Q. : Quels vêtements portait Dusko Tadic ce jour-là ?
2 R. : Un uniforme de camouflage.
3 Q. : Portait-il des armes, ce jour-là ?
4 R. : Oui, un fusil automatique à canon court.
5 Q. : Dans votre souvenir, était-il rasé de près ou portait-il la barbe ce
6 jour-là ?
7 R. : Il portait la barbe.
8 Q. : Lorsque vous êtes sortie du camp d’Omarska, toutes les femmes du camp
9 sont-elles sorties en même temps ?
10 R. : Non.
11 Q. : Combien de femmes est-il resté à Omarska ?
12 R. : Cinq.
13 Q. : Deux de ces femmes ont-elles fini par sortir du camp ?
14 R. : Oui. Deux semaines après nous, Sabija Turkanovic est sortie, suivie
15 de Zdenka Rajkovic, mais Mugbila Besirevic, Hajra Hadzic et Velida
16 Mahmuljin y sont restées.
17 Q. : Je vous demanderai à présent de bien vouloir regarder autour de vous
18 dans ce prétoire et de nous dire si vous y voyez l’homme que vous
19 connaissez sous le nom de Dusko Tadic.
20 R. : Oui.
21 Q. : Je vous prierai de bien vouloir regarder dans sa direction et pointer
22 le doigt sur lui.
23 (Indication fournie par le témoin).
24 Pourriez-vous nous dire où il est assis ?
25 R. : Dans la rangée du fond, au milieu.
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1 MISS HOLLIS : Madame le Président, je vous prie de noter que le témoin a
2 bien identifié Dusko Tadic.
3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, cela sera consigné au compte-rendu.
4 MISS HOLLIS : Merci. Vous pouvez vous asseoir, Madame Harambasic. Où êtes-
5 vous allée, à votre sortie d’Omarska ?
6 R. : Dans un autre camp, à Trnopolje.
7 Q. : Avez-vous vu le commandant du camp de Trnopolje lorsque vous y étes
8 arrivée ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Qui était-ce ?
11 R. : Slobodan Kuruzovic.
12 Q. : Le connaissiez-vous avant votre arrivée dans le camp ?
13 R. : Oui, c’était le principal de l’école élémentaire Sesnaesti Maj. Sa
14 femme travaillait avec moi en tant qu’assistante dentaire.
15 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?
16 R. : Serbe.
17 Q. : Où êtes-vous allée après le camp de Trnopolje ?
18 R. : Chez moi.
19 Q. : Chez vous à Prijedor ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Combien de temps étes-vous restée dans votre maison de Prijedor ?
22 R. : Deux mois.
23 Q. : Dans quelles conditions avez-vous passé ces deux mois à Prijedor ?
24 R. : Horribles. Il nous était interdit de sortir de chez nous ou de nous
25 enfermer à clé. Nous ne pouvions rien acheter à manger. Ils nous
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1 appelaient sans cesse au téléphone, toute la nuit. Tout le monde,
2 toutes sortes de personnes pénétraient dans la maison. Ils ont saisi
3 notre voiture et divers objets. Ce n’étaient que des violences, des
4 violences graves.
5 Q. : Comment avez-vous finalement pu quitter Prijedor ?
6 R. : J’ai été obligée de quitter Prijedor.
7 Q. : Comment avez-vous réussi à le faire ?
8 R. : J’ai trouvé un homme répondant au nom de Rajko Maric ; je ne pouvais
9 pas obtenir régulièrement des papiers, je lui ai donc versé deux
10 mille cinq cents marks et il m’a remis deux cartes d’identité
11 serbes, établies à des noms serbes. Puis, accompagné d’un autre
12 homme, un inspecteur, inspecteur au SUP, il m’a emmenée dans sa
13 voiture de Prijedor jusqu’à Banja Luka. A Banja Luka, ils m’ont fait
14 monter dans un autocar et je suis partie pour Vojnic.
15 Q. : Avez-vous dû payer une somme supplémentaire ---
16 R. : Outre les deux mille cinq cents Deutschmarks, j’ai donné 500 marks à
17 Rajko pour qu’il paie ce qu’il fallait payer aux barrages routiers,
18 pour pouvoir franchir les barrages routiers.
19 Q. : Avant les événements survenus dans l’opstina de Prijedor, avant les
20 attaques subies par l’opstina de Prijedor, étiez-vous membre d’une
21 organisation militaire ou paramilitaire anti-serbe ?
22 R. : Non.
23 Q. : Étiez-vous membre d’un mouvement de résistance organisé contre les
24 Serbes ?
25 R. : Non.
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1 Q. : Après le début de ces attaques, avez-vous adhéré à une quelconque
2 organisation de ce type ?
3 R. : Non.
4 MISS HOLLIS : Je n’ai plus de question à poser à ce témoin.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire, Maître Kay ?
6 (Contre-interrogatoire mené par MAITRE KAY)
7 Q. : Vous dites avoir connu Dusko Tadic avant le conflit et l’avoir vu une
8 vingtaine de fois, peut-être. J’aimerais que vous me disiez pendant
9 quelle période vous affirmez l’avoir connu, pendant quelle durée ?
10 R. : Cinq ou six ans.
11 Q. : Lui aviez-vous jamais adressé la parole ?
12 R. : Non.
13 Q. : Vous êtes-vous jamais assise à la même table que lui ?
14 R. : Non.
15 Q. : Vous dites avoir fait sa connaissance par l’intermédiaire de membres
16 de votre famille qui prenaient des cours de karaté chez lui, c’est
17 bien cela ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Ces membres de votre famille dont vous dites qu’ils s’entraînaient
20 chez lui vivaient-ils à Kozarac ou à Prijedor ?
21 R. : A Kozarac.
22 Q. : Suis-je en droit de penser que vous viviez à Prijedor ?
23 R. : Mais j’avais des cousins, pas seulement à Prijedor, mais aussi à
24 Kozarac, à Banja Luka, dans toutes les villes de Bosnie.
25 Q. : Je vous demandais, en fait, où vous habitiez. Habitiez-vous à
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1 Prijedor ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Lorsque ces membres de votre famille vous ont parlé, vous ont-ils dit
4 : "nous prenons des cours de karaté avec un homme répondant au nom
5 de Dusko Tadic" ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Mais il est permis de penser qu’ils n’étaient pas avec vous les 20
8 fois où vous l’avez vu ?
9 R. : Ils étaient très souvent avec moi.
10 Q. : Mais pas toutes les fois, n’est-ce pas ?
11 R. : Pas toutes les fois, mais très souvent.
12 Q. : En ces occasions ou vous étiez accompagnée de ces membres de votre
13 famille, ils n’ont pas parlé à Dusko Tadic ?
14 R. : Non.
15 Q. : Donc cet homme vous a été montré, je suppose, en passant, dans la rue
16 ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Dans ces conditions, il est permis de supposer que cet homme ne vous
19 intéressait pas particulièrement ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Puisque vous dites avoir vu l’homme appelé Dusko Tadic en ces
22 occasions, sur une durée de six ans, pouvez-vous décrire son
23 apparence extérieure avant le conflit ?
24 R. : C’était un homme fort, de taille normale -- que dire de plus ?
25 Q. : Peut-être pouvez-vous nous dire s’il portait ou ne portait pas la
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1 barbe ?
2 R. : Non, il ne portait pas de barbe quand je l’ai vu.
3 Q. : Vous rappelez-vous quand vous l’avez vu pour la dernière fois avant
4 le conflit ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Quel jour était-ce, à quel moment ?
7 R. : Je ne me rappelle pas la date.
8 Q. : Vous rappelez-vous peut-être combien de temps avant le conflit ?
9 R. : Je ne sais pas.
10 Q. : Ce jour où vous l’avez vu, était-il rasé de près ?
11 R. : Non.
12 Q. : Portait-il une barbe ?
13 R. : Oui, une petite barbe.
14 Q. : Lorsque vous l’avez vu après le conflit à Omarska, sur le marché de
15 Prijedor, vous avez déclaré dans votre déposition qu’il portait la
16 barbe, même si vous aviez dit avant qu’il était rasé de près.
17 R. : Non, j’ai dit qu’il portait une barbe.
18 Q. : Un peu plus tôt au cours de l’après-midi d’aujourd’hui, vous avez
19 dit, en fait, qu’il était rasé de près.
20 R. : Non.
21 Q. : Eh bien, c’est ce qui a été consigné au compte-rendu, et c’est la
22 raison pour laquelle --
23 R. : J’ai fait une erreur à cause de la traduction.
24 Q. : Non, ce n’était pas la taduction. Ce sont les mots que vous avez
25 prononcés.
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1 R. : D’accord.
2 Q. : Parlez-vous le moins du monde anglais ?
3 R. : Non.
4 Q. : Ce sont les mots que vous avez prononcés, vous avez dit qu’il était
5 rasé de près. Je voulais vous demander pourquoi vous disiez cela
6 alors que dans une autre déclaration, vous aviez dit qu’il portait
7 une barbe.
8 R. : Non, j’ai fait une erreur, il portait une barbe.
9 Q. : Si nous regardons la description que vous faites de l’homme dont vous
10 dites qu’il s’agit de Dusko Tadic avant le conflit, n’avait-il pas
11 de barbe à ce moment-là ou en avait-il parfois une ?
12 R. : Il n’avait pas de barbe. Je ne l’ai jamais vu avec une barbe.
13 Q. : Donc l’homme que vous avez vu à l’issue du conflit avait une
14 apparence différente de celui que vous avez vu avant le conflit ?
15 R. : Oui, mais un homme est reconnaissable à ses yeux, à sa démarche, à sa
16 taille, à son aspect général, et pas simplement d’après le fait
17 qu’il porte ou ne porte pas la barbe.
18 Q. : Le jour où vous dites l’avoir vu avec une barbe, après le conflit,
19 était-ce uniquement une barbe ou une barbe assortie d’une moustache
20 ?
21 R. : Non.
22 Q. : Bien. Dans la déclaration dont Miss Hollis vous a parlé cet après-
23 midi, lorsqu’elle vous a rappelé que vous aviez dit qu’il avait une
24 barbe et n’était pas rasé de près, vous avez dit également qu’il
25 avait une moustache. Peut-être aimeriez-vous y jeter un coup d’oeil.
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1 Le passage se trouve ici, à côté d’une marque --
2 R. : Non, non, je ne veux pas y jeter un coup d’oeil.
3 Q. : Bien, excusez-moi, je vais devoir vous demander de le faire. Et je
4 demande le versement au dossier de cette pièce D22, Madame le
5 Président.
6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S’agit-il de --
7 MAITRE KAY : Il s’agit de la déclaration que Miss Hollis avait entre les
8 mains précédemment, en serbo-croate.
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’accord.
10 MAITRE KAY : peut-être pourriez-vous commencer par lire à voix basse le
11 passage à côté duquel se trouve une marque violette.
12 R. : Oui. "Pendant ma captivité dans le camp, un homme répondant au nom de
13 Dusko Tadic est arrivé dans le camp. Je le connaissais avant mon
14 internement. Il possédait un café et était expert en karaté. Il
15 mesurait environ 1,85 m, ou 1,88 m et avait les cheveux noirs. Quand
16 je l’ai vu à Omarska, il portait une barbe et une moustache". Vous
17 venez de me demander s’il portait barbe et moustache quand je l’ai
18 vu sur le marché de Prijedor. Vous ne m’avez pas demandé s’il
19 portait une moustache à Omarska.
20 Q. : Vous êtes capable de distinguer, n’est-ce pas, entre le moment où
21 vous l’avez vu à Prijedor sur le marché et le moment où vous l’avez
22 vu à Omarska --
23 R. : Oui.
24 Q. : -- avec ou sans moustache ?
25 R. : Avec une moustache, une petite moustache.
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1 Q. : Peut-être pourriez-vous décrire à notre intention la longueur de la
2 barbe que vous lui avez vu porter en cette occasion ?
3 R. : Je ne suis pas un homme, pour commencer, je ne sais donc pas comment
4 pousse une barbe. C’était une barbe courte. Ce n’était pas une barbe
5 au sens classique du terme. Je veux dire, elle n’était pas comme
6 ceci et je ne sais pas comment elle pousse. Je ne suis pas un homme.
7 Q. : Peut-être aimeriez-vous nous donner une indication quant à la
8 longueur de ses cheveux, combien de centimètres avaient-ils ? Vous
9 levez les doigts. Je ne sais pas si les juges ont compris ce signe
10 comme une illustration de longueur.
11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pourriez-vous lever les doigts à nouveau, je
12 vous prie, Dr. Harambasic ? Cela fait un pouce et demi. Vous
13 convertirez en centimètres, n’est-ce pas ?
14 MAITRE KAY : Cela fait --
15 LE TÉMOIN : Deux et demi, deux, trois centimètres.
16 Q. : Au cours de ces six années pendant lesquelles vous dites avoir
17 rencontré cet homme plus d’une vingtaine de fois, ces rencontres
18 ont-elles été regroupées en plusieurs périodes ou se sont-elles
19 étalées sur les six ans ?
20 R. : Eh bien, je dirais qu’elles se sont étalées sur les six ans. Je le
21 voyais souvent, chaque fois que j’allais à Kozarac et j’y allais
22 souvent. Cela fait peut-être plus de vingt fois.
23 Q. : Pouvez-vous nous dire quels vêtements portait cet homme à Omarska,
24 les deux fois que vous l’y avez vu ?
25 R. : La première fois, il portait un jeans et une chemise, ou plutôt un T-
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1 shirt bleu foncé, et avait un revolver à la ceinture.
2 Q. : La deuxième fois ---
3 R. : Et la deuxième fois, il portait un uniforme de camouflage, comme je
4 l’ai déjà dit, et un fusil automatique à canon court dans la main.
5 Q. : Et le haut de cet uniforme de camouflage était-il une chemise ou une
6 veste ?
7 R. : Non, il portait un T-shirt et un pantalon de camouflage.
8 Q. : Donc, c’était un T-shirt qui n’avait pas de manches longues ? Avait-
9 il des manches courtes ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Pas de veste par-dessus ?
12 R. : Non.
13 Q. : La deuxième fois que vous l’avez vu, le 23 juillet, comme vous nous
14 l’avez raconté, vous rappelez-vous s’il portait une arme ?
15 R. : Oui, une arme automatique à canon court.
16 Q. : Etait-ce un fusil automatique à canon court ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Comment portait-il cette arme ?
19 R. : Le canon pointé vers le bas.
20 Q. : Donc, il ne la portait pas sur l’épaule ou sur le dos ?
21 R. : Non, non. Il la portait à la main, le canon pointé vers le bas et
22 vers l’arrière.
23 Q. : Voyez-vous, ce que je pense, Madame, c’est la chose suivante : je
24 pense que vous faites erreur, en fait, quand vous dites que l’homme
25 que vous avez vu en ces occasions était Dusko Tadic.
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1 R. : Non, non, je ne fais pas erreur.
2 Q. : Ce que je voudrais vous dire est la chose suivante : Connaissez-vous
3 un homme dénommé Miso Danicic ?
4 R. : Non.
5 MAITRE KAY : Merci. Je n’ai pas d’autres questions.
6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Miss Hollis ?
7 MISS HOLLIS : Pas de question en réplique, Madame le Président.
8 JUGE VOHRAH : Madame, connaissez-vous un homme répondant au nom de Fikret
9 Harambasic ?
10 R. : Non.
11 JUGE VOHRAH : Merci.
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D’autres questions, Miss Hollis ou Maître Kay
13 ? Miss Hollis d’abord ?
14 MISS HOLLIS : Non, Madame le Président.
15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Maître Kay ?
16 MAITRE KAY : Maître Orie vient de me rappeller une question que j’aimerais
17 poser au témoin, Madame le Président.
18 (A l’intention du témoin) : Dans cette déclaration que je vous ai remise,
19 Madame, en page suivante, vous dites que les deux fois où vous avez
20 vu Dusko Tadic, il portait un uniforme de camouflage ?
21 R. : Non, je vais me répéter encore ; la première fois, il portait un
22 jean, un jean noir, une chemise bleu foncé et il avait un revolver à
23 la ceinture, dans le dos. La deuxième fois, il portait un uniforme
24 de camouflage, une chemise de camouflage et avait un fusil
25 automatique à canon court.
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1 Q. : Ce qui m’intéresse, c’est la précision de vos souvenirs au sujet de
2 ces questions et --
3 R. : Oui, je m’en souviens très bien parce que j’étais à Omarska, au
4 contraire de vous.
5 Q. : Pouvez-vous, dans ce cas, expliquer comment il se fait que vous avez
6 dit quelque chose de différent, lorsque vous avez voulu vous
7 remémorer ces faits en février 1995 ?
8 R. : Non.
9 Q. : Comment il se fait que vous ayez dit l’avoir vu porter un uniforme de
10 camouflage les deux fois ?
11 R. : Non.
12 Q. : Pensez-vous, en fait, que votre mémoire ait été prise en défaut sur
13 ces questions ?
14 R. : Non, ma mémoire fonctionne très bien.
15 MAITRE KAY : Merci beaucoup.
16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Miss Hollis ?
17 MISS HOLLIS : Rien d’autre, Madame le Président
18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à ce que Madame
19 Harambasic soit autorisée à disposer de façon définitive, Maître Kay
20 ?
21 MAITRE KAY : Non, Madame le Président.
22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Dr. Harambasic, vous pouvez disposer. Merci
23 d’être venue.
24 LE TEMOIN : Merci.
25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Miss Hollis, pourriez-vous appeler votre
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1 prochain témoin, je vous prie ?
2 MISS HOLLIS : Madame le Président, je demanderai l’indulgence de la Cour
3 pour quelques instants. Il me faudrait une brève suspension
4 d’audience. Notre prochain témoin est une personne à qui l’attente
5 pose des problèmes émotionnels. J’aimerais m’assurer que ce témoin
6 est psychologiquement apte à pénétrer dans le prétoire. Une brève
7 suspension d’audience me permettrait d’éviter toute difficulté
8 éventuelle.
9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Combien de temps vous faut-il ?
10 MISS HOLLIS : Cinq minutes à peine. Pourrais-je sortir de la salle pendant
11 ces cinq minutes ?
12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Chacun l’accepte-t-il ?
13 MAITRE KAY : Absolument.
14 MISS HOLLIS : Merci, Madame le Président, pour votre indulgence. Madame le
15 Président, l’accusation appelle à la barre Suada Ramic.
16 Convocation de MADAME SUADA RAMIC
17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous prierai de bien vouloir rester debout
18 pour prêter serment. Pouvez-vous prêter serment, je vous prie ?
19 Monsieur l’huissier, pouvez-vous remettre le texte du serment au
20 témoin et lui demander de le lire ? Pouvez-vous lire le texte du
21 serment, je vous prie ?
22 LE TEMOIN (En traduction) : Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci. Vous pouvez vous rasseoir.
25 Interrogatoire principal mené par MISS HOLLIS
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1 Q. : Je vous prierai de décliner vos nom et prénom.
2 R. : Suada Ramic.
3 Q. : Quelle est votre date de naissance ?
4 R. : Le 4 février 1955.
5 Q. : Où êtes-vous née ?
6 R. : A Prijedor.
7 Q. : Etes-vous née dans la ville de Prijedor ou dans un village
8 appartenant à la municipalité de Prijedor ?
9 R. : A Donja Cela, dans la municipalité de Prijedor.
10 Q. : Quel est votre statut marital ?
11 R. : Je suis mariée.
12 Q. : Comment s’appelle votre mari ?
13 R. : Adem Mehmedovic.
14 Q. : Quelle est votre appartenance ethnique ou votre nationalité ?
15 R. : Je suis musulmane.
16 Q. : Quelle est l’appartenance ethnique de votre mari ?
17 R. : Musulmane.
18 Q. : Jusqu’à quand avez-vous vécu à Donja Cela ?
19 R. : Jusqu’à une date située entre 1980 et 1982.
20 Q. : Où avez-vous déménagé à cette date ?
21 R. : Dans la municipalité de Prijedor, à Prijedor.
22 Q. : Combien de personnes vivaient dans le village de Donja Cela ?
23 R. : C’était un petit hameau.
24 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ses habitants ?
25 R. : Ils étaient en majorité musulmans.
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1 Q. : Quelle distance y a-t-il entre Donja Cela et la ville de Prijedor ?
2 R. : 3,5 à 4 kilomètres.
3 Q. : Connaissiez-vous des gens habitant dans les villages qui entouraient
4 Donja Cela ?
5 R. : Oui.
6 Q. : A votre connaissance, quelle était l’appartenance ethnique des
7 personnes vivant dans ces villages ?
8 R. : En majorité musulmane.
9 Q. : Combien de temps avez-vous vécu dans la ville de Prijedor ?
10 R. : Eh bien, de 1982 à 1992.
11 Q. : Jusqu’à quelle date en 1992 ?
12 R. : Jusqu’en juin, à peu près, jusqu’à notre transfert dans le camp.
13 Q. : Etiez-vous conductrice et receveuse dans la société Auto Transport
14 Prijedor ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Combien de temps avez-vous travaillé pour cette société ?
17 R. : De 1978 à 1992, jusqu’en 1992.
18 Q. : Connaissiez-vous un homme dénommé Dule ou Dusko Tadic ?
19 R. : De vue.
20 Q. : Le connaissiez-vous assez pour être en mesure de le reconnaître si
21 vous le voyiez ?
22 R. : Oui.
23 Q. : En 1991, avez-vous servi de chauffeur pour la police de réserve et
24 avez-vous eu à vous rendre dans des zones sitées à quelques
25 kilomètres des lignes de confrontation avec la Croatie ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Avez-vous, un jour, en vous appuyant sur vos observations
3 personnelles, refusé de continuer à remplir ces fonctions ?
4 R. : Oui, quand j’ai vu ce qu’ils faisaient. Bien sûr, je n’ai pas été la
5 seule, la plupart d’entre nous ont fait la même chose.
6 Q. : A votre connaissance, les gens de Prijedor ont-ils su que vous
7 refusiez de continuer à remplir ces fonctions ?
8 R. : Eh bien, ils ont su que la plupart d’entre nous, pas seulement moi,
9 avaient refusé parce que ce n’était pas, c’était une injustice,
10 c’était la destruction d’un peuple.
11 Q. : Quelques jours après la prise de la ville de Prijedor par les Serbes,
12 êtes-vous allée chez votre frère, à Donja Cela ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Avez-vous été arrêtée à un barrage routier, sur le chemin du retour,
15 après cette visite ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Connaissiez-vous l’un quelconque des hommes qui vous a arrêtée à ce
18 barrage ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique des hommes qui vous ont arrêtée
21 ?
22 R. : Serbe.
23 Q. : Quelque temps après, avez-vous été emmenée au poste de police de
24 Prijedor ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Y avez-vous été interrogée ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Connaissiez-vous la ou les personnes qui vous ont interrogée ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Dans quelle mesure le connaissiez-vous ?
6 R. : Je le connaissais de vue parce qu’il voyageait souvent avec nous
7 quand il se rendait au poste de sécurité publique, il était chef
8 d’une équipe.
9 Q. : Quel était le nom de cet homme ?
10 R. : Dragan Banovic.
11 Q. : Quelle était sa profession ?
12 R. : Commandant au sein de la police.
13 Q. : Quelle était son appartenance ethnique ?
14 R. : Serbe.
15 Q. : Après cet interrogatoire, est-ce qu’un homme dénommé Brkic vous a
16 emmenée à la caserne de Prijedor ?
17 R. : Oui, Brkic, un chauffeur d’Auto Transport.
18 Q. : Quel était le nom de la caserne militaire où il vous a emmenée ?
19 R. : Zarko Zgonjanin.
20 Q. : Est-ce qu’à un certain moment de votre séjour dans cette caserne vous
21 avez été bâillonée avant d’être emmenée dans une pièce ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Que vous est-il arrivé, après que l’on vous a bâillonnée et emmenée
24 dans cette pièce ?
25 R. : On m’a emmenée dans une pièce sans lumière.
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1 Q. : Et que s’est-il passé ensuite ?
2 R. : J’ai été violée. Ils m’ont violée et m’ont ramenée à l’interrogatoire
3 dans le même couloir d’où ils m’avaient emmenée.
4 Q. : Que vous est-il arrivé après cela ?
5 R. : Je saignais beaucoup et le soldat qui m’avait interrogée dans cette
6 pièce m’a invitée à y entrer. Quand j’ai pénétré dans la pièce, me
7 voyant couverte de sang, il a simplement dit : "Qui est l’imbécile
8 qui a fait cela ?". Il m’a donné une couverture et m’a demandé
9 seulement où j’habitais. Je lui ai répondu au 25 de la rue Petra
10 Preradovica, première rue transversale d’une autre rue, et il m’y a
11 raccompagée en voiture. Après cela, j’ai appelé l’hôpital pour voir
12 s’ils pouvaient quelque chose pour moi. J’ai demandé à parler au Dr.
13 Katzman, au Dr. Banovic ou aux infirmières Liljia ou Jalja ou
14 Vikica. Le Dr. Banovic est venu à l’appareil et je lui ai raconté ce
15 qui s’était passé. Je lui ai dit que j’avais commencé à saigner sous
16 l’effet de la peur et elle m’a répondu : "Je ne peux rien pour vous
17 à distance. Venez à l’hôpital". Je suis allée à l’hôpital. J’ai pris
18 un taxi. A mon arrivée, elle m’a reçu et a simplement dit : "Je dois
19 commencer par voir ce qui va mal". A l’issue de l’examen, elle m’a
20 annoncé que j’étais enceinte, de trois ou quatre mois environ, et
21 elle a ajouté : "Ecoutez, je dois pratiquer une interruption de
22 grossesse, mais je n’ai pas d’anesthésique". Elle a appelé un autre
23 médecin, le Dr. Savic qui, dès son entrée dans la pièce, a commencé
24 à jurer en déclarant que toutes les femmes Balija devraient être
25 supprimées, éliminées ; il s’est mis à l’insulter, elle aussi, parce
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1 qu’elle venait en aide aux musulmans, déclarant que tous les
2 mususlmans devaient être anéantis, surtout les hommes. Elle m’a
3 donné des cachets et m’a dit : "Si quelque chose se passe mal,
4 encore plus mal, par la suite, je ne pourrai plus vous aider". Je
5 suis rentrée --
6 Q. : Puis-je vous interrompre quelques instants ? Vous avez parlé d’un
7 médecin qui vous avait aidée. Comment s’appelait ce médecin ?
8 R. : Le Dr. Banovic. Madame Banovic.
9 Q. : Vous avez parlé d’un autre médecin qui jurait et disait que toutes
10 les femmes Balija devaient être éliminées. Comment s’appelait ce
11 médecin ?
12 R. : Le Dr. Savic, Monsieur Savic.
13 Q. : Donc, quand vous êtes allée à l’hôpital, ils ont jugé nécessaire
14 d’interrompre votre grossesse, c’est bien cela ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Vous avez déclaré que cela avait été fait sans l’aide d’un quelconque
17 produit anesthésiant ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Ensuite on vous a renvoyée chez vous, c’est bien cela ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Votre mari était-il à la maison à votre retour ?
22 R. : Non.
23 Q. : Quand aviez-vous vu votre mari pour la dernière fois ?
24 R. : Quelques dix jours avant ces évènements.
25 Q. : Avant le viol que vous avez subi dans les locaux de la caserne,
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1 aviez-vous jamais ressenti des troubles physiques du type crampes ou
2 saignements, au cours de votre grossesse ?
3 R. : Non.
4 Q. : Après votre retour dans votre appartement, quelques jours plus tard,
5 êtes-vous allée voir votre frère à Donja Cela ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quand vous êtes arrivée dans le village, avez-vous constaté que la
8 plupart des femmes l’avaient quitté ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Vous rappelez-vous que pendant le temps que vous avez passé dans le
11 village, des hommes en uniforme y arrivaient ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Connaissiez-vous ces hommes qui arrivaient dans le village ?
14 R. : Oui, c’étaient des voisins.
15 Q. : Quel est le nom des hommes que vous connaissiez ?
16 R. : Momir Marinovic et Mico Dobrijevic.
17 Q. : Vous dites qu’il s’agissait de voisins résidant dans un village
18 proche ?
19 R. : Oui, du village, du village où nous sommes nés.
20 Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ces hommes ?
21 R. : Serbe.
22 Q. : Quels ordres ou quels ultimatums ont-ils donné lorsqu’ils sont
23 arrivés dans votre village ?
24 R. : Les automatiques, de rendre les armes et de placer des morceaux de
25 tissu blanc sur les fenêtres, pour les identifier.
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1 Q. : A votre connaissance, y avait-il des armes dans le village ?
2 R. : Uniquement des armes autorisées légalement, je veux dire que leurs
3 propriétaires avaient un permis de port d’arme.
4 Q. : De quelles armes s’agissait-il, si vous le savez ?
5 R. : De revolvers uniquement.
6 Q. : Ces armes ont-elles été rendues ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Etes-vous alors partie à la recherche des femmes pour leur dire de
9 revenir dans le village ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Etes-vous passée par le village de Carakovo ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Dans quel état étaient les maisons de ce village, quand vous l’avez
14 traversé ?
15 R. : Calcinées et pilonnées.
16 Q. : Si vous le savez, quelle était l’appartenance ethnique des gens qui
17 vivaient dans ce village ?
18 R. : Musulmane.
19 Q. : Pendant ce trajet que vous avez accompli pour aller chercher les
20 femmes et les ramener, avez-vous vu des cadavres ?
21 R. : Des cadavres, oui, mais je n’y ai pas fait trop attention, parce que
22 j’avais peur.
23 Q. : Avez-vous trouvé les femmes et les avez-vous ramenées dans le village
24 ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Etes-vous ensuite retournée à Prijedor ?
2 R. : Oui.
3 MISS HOLLIS : Madame le Président, nous allons passer à une autre série de
4 questions.
5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons l’audience jusqu’à demain,
6 10h.
7 (17h30)
8 (L’audience de la Chambre est suspendue jusqu’au lendemain)
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