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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi, le 23 juillet 1996
4 (11 heures 05)
5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, voulez-vous continuer avec le témoin
6 ?
7 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. Le témoin est Senad Muslimovic qui
8 reprend sa déposition directe.
9 Rappel de M. SENAD MUSLIMOVIC
10 Reprise de l'interrogatoire par M. TIEGER
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez vous asseoir, M. Muslimovic. Vous
12 êtes toujours sous serment. M. Tieger, vous pouvez continuer.
13 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. M. Muslimovic, quand nous nous
14 sommes ajournés vendredi, vous décriviez le deuxième passage à tabac
15 que vous avez subi auquel a participé l'homme dont vous avez choisi
16 la photo. Vous aviez atteint le stade où vous décriviez la façon
17 dont, pendant que vous étiez dans le hangar, vous avez été maintenu
18 debout contre le pneu d'un camion pendant que le groupe pratiquait
19 des coups de pied sur vous. Les violences ont-elles continué jusqu'à
20 ce que vous perdiez connaissance ?
21 R. : (interprétation) : Oui.
22 Q. : Où étiez-vous quand vous avez repris connaissance, dans quelle
23 position étiez-vous ?
24 R. : A genoux.
25 Q. : Vous frappaient-ils à ce moment là ?
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1 R. : Pas beaucoup, un coup par ci par là.
2 Q. : Que s'est-il passé pendant que vous étiez dans cette position dans le
3 hangar ?
4 R. : J'étais à genoux. Je tenais mes bras devant moi et quelqu'un tenait
5 ma tête.
6 Q. : Vous avez fait un geste du bras, en tirant vers l'arrière. Tirait-on
7 votre tête vers l'arrière ?
8 R. : Je ne comprends pas la question.
9 Q. : Je faisais référence au geste que vous avez fait avec votre main en
10 décrivant les événements. Cela indiquait-il que vous avez été saisi
11 par la tête ou les cheveux et que votre tête a été tirée en
12 arrière.?
13 R. : Oui.
14 Q. : Que s'est-il passé alors ?
15 R. : Rien. La personne qui me tenait la tête tenait aussi un couteau
16 contre ma gorge.
17 Q. : Qui était la personne qui tenait votre tête et un couteau à votre
18 gorge ?
19 R. : La personne que j'ai reconnue sur la photo.
20 Q. : Vous attendiez-vous alors à ce qu'il vous tranche la gorge ?
21 R. : Bien sûr, quoi d'autre ?
22 Q. : Que s'est-il passé à ce stade ?
23 R. : Rien. Un homme se tenait devant moi et a dit "garde le pour la fin"
24 mais j'ai néanmoins ressenti comme une brûlure à la gorge. J'ai
25 pensé qu'il avait passé le couteau contre ma gorge. J'ignorais à ce
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1 moment là si j'avais été coupé ou non. Et immédiatement après cela,
2 j'ai senti quelqu'un m'attraper l'oreille et j'ai ressenti la même
3 chose qu'à la gorge.
4 Q. : L'homme qui vous tenait l'oreille était-il le même que celui qui
5 tenait le couteau contre votre gorge ?
6 R. : Le même.
7 Q. : A t-il dit quelque chose pendant qu'il vous tenait l'oreille ?
8 R. : A ce moment là, je ne sais pas comment l'appeler, l'homme au
9 ceinturon blanc ... Il a dit "Je dois au moins lui couper
10 l'oreille".
11 Q. : Qui a dit cela ?
12 R. : L'homme qui me tenait, celui qui a passé un couteau sur ma gorge et
13 qui m'a attrapé l'oreille.
14 Q. : Et il a dit "Je dois au moins lui couper l'oreille" à l'homme au
15 ceinturon blanc ?
16 R. : A un autre homme et à moi sûrement.
17 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?
18 R. : La même chose. J'ai ressenti cette piqûre à l'oreille puis
19 immédiatement après un coup de couteau à l'épaule droite et j'ai
20 ressenti une douleur horrible, comme si quelqu'un exerçait une
21 pression et commençait à tourner quelque chose mais ça n'a pas duré
22 longtemps. Puis un autre coup de couteau. Je ne sais pas ce qui se
23 passait mais j'ai ressenti une douleur.
24 Q. : Aux fins de clarification, quand le couteau vous a été passé sur la
25 gorge et sur l'oreille, ces parties de votre corps ont-elles été
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1 effectivement coupées ?
2 R. : Je ne comprends pas.
3 Q. : Vous avez dit que vous avez ressenti le couteau passant sur votre
4 gorge et aussi la même impression sur votre oreille. Quelle partie
5 du couteau est passée sur votre gorge et votre oreille ? A t-il
6 effectivement coupé cette partie de votre gorge ou votre oreille ?
7 R. : Je me suis rendu compte par la suite que non mais j'avais ce
8 sentiment d'une brûlure sur la gorge. La pression du couteau devait
9 être assez forte et c'est ce que j'ai ressenti.
10 Q. : Mais vous avez reçu deux coups de couteau à l'épaule ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Après avoir été poignardé à deux reprises par l'homme dont vous avez
13 choisi la photo, que s'est-il passé ?
14 Q. : Les coups ordinaires ont repris. J'ai reçu un coup plus violent dans
15 le dos et j'ai titubé vers l'avant, ce qui a été suivi d'une série
16 de coups provenant de tous les côtés.
17 Q. : Ces coups ont-ils continué jusqu'à ce que vous perdiez de nouveau
18 connaissance ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Qu'avez-vous ressenti quand vous avez repris connaissance ?
21 R. : J'ai senti qu'on me levait les jambes en l'air. J'ai cru que c'était
22 le fait d'avoir perdu connaissance qui me donnait cette impression.
23 Q. : Mais en reprenant totalement connaissance, vous vous êtes rendu
24 compte que vous pendiez effectivement par les pieds ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : A quelle hauteur du sol vous trouviez-vous, approximativement ?
2 R. : Je pouvais encore toucher le sol avec mes mains. Je ne sais pas à
3 quelle hauteur mais mes mains pouvaient encore toucher le sol.
4 Q. : Savez-vous à quoi vous étiez pendu ?
5 R. : Je ne sais pas exactement.
6 Q. : Que s'est-il passé pendant que vous étiez pendu dans cette position ?
7 R. : J'ai de nouveau reçu une série de coups de droite et de gauche, des
8 coups de pied et de matraque jusqu'à ce que je perde connaissance.
9 Q. : Dans quelle position étiez-vous quand vous avez repris connaissance ?
10 R. : J'étais allongé sur le sol.
11 Q. : Etiez-vous battu à ce stade ?
12 R. : Pas à ce moment là.
13 Q. : Qu'avez-vous pu voir pendant que vous étiez allongé sur le sol ?
14 R. : J'ai vu une personne qui avait amené un jeune homme que je
15 connaissais de vue. Nous ne nous connaissions pas vraiment. Il fut
16 aussi battu et frappé de tous côtés, ils l'ont coupé.
17 Q. : Avez-vous entendu quoi que ce soit pendant qu'ils le lacéraient et le
18 battaient ?
19 R. : Les premiers mots que j'ai entendu quand il est entré dans mon champ
20 de vision ont été "Jasko, que fais-tu à Benkovac ?" et j'ai entendu
21 la même personne répondre "Je ne sais pas, je n'ai rien fait, Dule,
22 je te le jure, je ne sais rien".
23 Q. : La personne appelée "Jasko" a t-elle reçu des coups de couteau ou a
24 t-elle été coupée d'une façon différente ?
25 R. : Je ne l'ai pas vu recevoir de coup de couteau. Ils le lacéraient, le
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1 coupaient comme s'ils coupaient des côtelettes.
2 Q. : Avez-vous vu qui le coupait de cette manière ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Qui était-ce ?
5 R. : La même personne que celle qui me l'a fait.
6 Q. : L'homme dont vous avez choisi la photo ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Après que l'homme ait été coupé, comme vous l'indiquez, avez-vous vu
9 autre chose lui arriver ?
10 R. : On a versé un liquide noir sur lui, je ne sais pas ce que c'était, il
11 me paraissait noir, probablement de l'huile mais je n'ai pas pu le
12 déterminer.
13 Q. : Que vous est-il ensuite arrivé ?
14 R. : Après quelque temps, j'ai entendu dire dans mon dos à une certaine
15 distance "Regarde, il est encore en vie". Les coups ont donc
16 recommencé à pleuvoir dans le dos après quelque temps et j'ai de
17 nouveau perdu connaissance.
18 Q. : Vous rappelez-vous où vous vous trouviez après ce passage à tabac et
19 après que vous ayez perdu connaissance ?
20 R. : Je me souviens.
21 Q. : Où était-ce ?
22 R. : J'avais les yeux tournés vers la porte d'entrée. J'étais allongé. Je
23 pouvais voir ce coin, l'entrée dans ce local, dans le hangar.
24 Q. : Avez-vous fini par vous retrouver dans une fosse ou un caniveau à
25 huile ?
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1 R. : Je ne me souviens pas comment je me suis retrouvé là mais seulement
2 comment j'ai repris connaissance. Après ces coups je me suis
3 retrouvé je ne sais comment dans le ... dans le caniveau.
4 Q. : Vous rappelez-vous comment vous en êtes sorti ? Les soldats qui vous
5 avaient battu vous ont-ils aidé à en sortir ?
6 R. : Celui qui m'avait frappé, celui portant le ceinturon blanc, m'a aidé
7 à en sortir.
8 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?
9 R. : J'ai été emmené aux toilettes pour me laver.
10 Q. : L'homme au ceinturon blanc ou quelqu'un d'autre aux toilettes vous a
11 t-il dit quelque chose ?
12 R. : Pendant que je me lavais, l'eau était sale, mes mains étaient
13 ensanglantées et j'ai entendu quelqu'un dire derrière mon dos "s'il
14 réussit à atteindre le dortoir, il survivra encore une journée au
15 moins".
16 Q. : Après avoir entendu cela, avez-vous réussi à regagner votre salle ?
17 R. : La même personne qui continuait de m'appeler par mon nom et de me
18 faire sortir et qui m'a retiré du caniveau m'a saisi par l'épaule,
19 m'a retourné et a dit "Tire-toi, tire-toi pour qu'ils ne te revoient
20 pas". Et naturellement je suis parti vers la salle et j'y suis
21 arrivé je ne sais comment. Quelqu'un le sait peut-être mais à ce
22 moment là je ne sentais rien. Je ne pensais qu'à une chose, quitter
23 cet endroit. C'est tout.
24 Q. : M. Muslimovic, quelles blessures avez-vous subies durant ce passage à
25 tabac ?
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1 R. : Coups de couteau en deux endroits, à l'épaule droite, coupures,
2 coupures au bras et naturellement des coups de matraque qui ne
3 causent pas de fractures mais qui ont d'autres effets comme la
4 douleur, des coups à la tête, la fracture de la mâchoire.
5 Q. : Vous ont-ils infligé des coupures aux pieds ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Etait-ce sur la plante des pieds ?
8 R. : Le milieu de la plante des pieds.
9 Q. : Savez-vous quand cela s'est passé ?
10 R. : Non.
11 Q. : En cette occasion, vous rappelez-vous ce que portait l'homme dont
12 vous avez choisi la photo ?
13 R. : Je me souviens d'une tenue camouflée.
14 Q. :Etait-il rasé ou portait-il la barbe ?
15 R. : Non. Il était mal rasé, pas rasé. Il n'avait pas la barbe. Il
16 ressemblait seulement à un homme qui ne s'est pas rasé pendant deux
17 ou trois jours. C'est tout.
18 Q. : Quand vous l'avez aperçu dans le camp, avez-vous remarqué ou observé
19 quelque chose de distinctif ou de remarquable sur la façon dont il
20 marchait ou se déplaçait ?
21 R. : Il marchait comme un ours, se déplaçait comme un ours.
22 Q. : Bien que ce puisse être difficile à imiter, pouvez-vous nous montrer
23 de votre fauteuil de quel genre de mouvement il s'agit ?
24 R. : Je vais essayer. C'est difficile parce que c'est une démarche qui lui
25 est propre. (Démonstration par le témoin).
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1 Q. : Merci, monsieur. Pas d'autres questions, Mme la Présidente. Merci.
2 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Contre-interrogatoire M. Kay ?
3 M. KAY : Oui, Madame, messieurs de la Cour.
4 Contre-interrogatoire par M. KAY
5 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avant que vous commenciez, M. Kay, nous
6 continuerons jusqu'à 13 heures quand nous nous arrêterons pour
7 déjeuner, puisque nous avons commencé en retard ce matin en raison
8 d'une autre question.
9 M. KAY : Oui, Mme la Présidente. (Au témoin) : M. Muslimovic, la première
10 question que je veux vous poser est celle-ci : aviez-vous vu des
11 photographies de l'accusé en l'espèce dans les journaux ou à la
12 télévision ? Vous nous avez déclaré la semaine dernière que vous
13 n'aviez pas vu de photographies de l'accusé présent dans ce
14 prétoire, est-ce exact ?
15 R. : Non, je n'en ai pas vu.
16 Q. : Vous avez vécu dans un endroit ... puis-je dire que c'était en Europe
17 ? Je ne veux pas connaître le pays mais simplement si vous avez
18 habité en Europe depuis que vous avez quitté la Bosnie-Herzégovine ?
19 R. : Je n'ai pas compris, parliez-vous d'avant ou après ?
20 Q. : Après le conflit et après que vous ayez quitté cette région, au cours
21 des quelques dernières années, peut-être, peut-on dire que vous avez
22 vécu en Europe ?
23 R. : Oui.
24 Q. : L'endroit où vous vivez a la télévision, n'est-ce pas ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Vous avez accès aux journaux ?
2 R. : Jamais. Je ne lis jamais les journaux, ni avant ni après la guerre.
3 Q. : Voyez-vous des journaux peut-être quand vous vous rendez en ville ou
4 d'autres personnes en train de lire des journaux ?
5 R. : C'est ce qui m'intéresse le moins dans l'existence.
6 Q. : Cela ne vous intéresse peut-être pas mais je veux simplement savoir
7 si vous êtes une personne qui n'a jamais vu un journal durant les
8 trois dernières années ?
9 R. : J'ai vu des journaux.
10 Q. : Après les événements que vous avez vécu à Omarska, vous êtes-vous
11 intéressé à ce qui se passait ?
12 R. : Non, je savais ce qu'il y avait à savoir et rien d'autre ne
13 m'intéressait.
14 Q. : Vous n'étiez pas curieux de voir ce qui se passait quant aux
15 allégations contre les Serbes relatives à ces événements qui se
16 déroulaient dans votre ancien pays ?
17 R. : Je l'ai déjà dit une fois, cela ne m'intéressait pas. Je voulais
18 l'oublier.
19 Q. : Ce que je suggère c'est que, avant de voir cette photographie dans
20 l'album de photos qui vous a été présenté par un enquêteur de
21 l'Accusation, vous aviez en fait vu des images de l'arrestation de
22 Dusko Tadic en Allemagne ?
23 R. : C'est ce que vous aimeriez que je dise mais ma réponse est non.
24 Q. : Avez-vous eu des contacts avec des Musulmans de votre région ou de
25 Bosnie-Herzégovine durant les deux dernières années ?
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1 R. : Peu.
2 Q. : Avez-vous discuté de ce qui vous était arrivé et de ce qui était fait
3 pour arrêter les Serbes avec des Musulmans qui avaient du quitter la
4 Bosnie-Herzégovine ?
5 R. : J'ai déjà dit que cela ne m'intéressait plus. Je voulais l'oublier.
6 Ce furent des moments très difficiles et je ne veux pas m'en
7 souvenir.
8 Q. : Mais ce n'est pas aussi simple d'oublier puisque vous vous êtes mis à
9 la disposition de l'Accusation comme témoin à charge pour parler de
10 ces questions aujourd'hui ?
11 R. : C'est vrai.
12 Q. : En une occasion plus tôt cette année, vous vous êtes rendu disponible
13 de sorte qu'une déclaration de vous sur ces questions a pu être
14 recueillie ?
15 R. : Oui.
16 Q. : C'est exact, n'est-ce pas ?
17 R. : Oui mais vous savez probablement combien de fois ils m'ont demandé
18 d'en parler.
19 Q. : Vous rappelez-vous à quelle date on vous a montré cet album de photos
20 cette année ?
21 R. : Cela ne présentait aucun intérêt pour moi de sorte que je ne sais
22 pas. Je pense que c'était en mai. Je ne suis pas certain.
23 Q. : Votre déclaration a été recueillie en mars cette année, la date
24 exacte importe peu mais quand cette déclaration a été recueillie en
25 mars est-ce alors que cet album de photos vous a aussi été montré ?
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1 R. : Non.
2 Q. : L'album de photos vous a donc en fait été montré après votre
3 déclaration ?
4 R. : Je me suis entretenu trois ou quatre fois avec eux et c'est alors
5 seulement qu'on m'a montré l'album de photos.
6 Q. : A la date à laquelle vous avez examiné cet album de photos près de
7 quatre ans s'étaient écoulés depuis les événements que vous avez
8 vécus à Omarska ?
9 R. : Je ne sais pas si c'était trois ans et demi ou quatre ans, dans cet
10 ordre d'idées.
11 Q. : Presque quatre ans ?
12 R. : Si vous le savez, je ne me souviens pas.
13 Q. : Quelles étaient les dimensions de la photographie que vous avez
14 examinée ?
15 R. : Je ne peux pas vous dire en centimètres. Je peux vous le montrer
16 comme ceci.
17 Q. : Pourriez-vous peut-être l'indiquer à la Cour ?
18 R. : (Démonstration du témoin) Un centimètre de plus ou de moins mais à
19 peu près cette taille.
20 Q. : C'était une photo en noir et blanc ?
21 R. : Je pense, oui.
22 Q. : La photo ne représentait pas un homme dans son entier mais seulement
23 le haut du corps à partir des épaules ?
24 R. : Je ne regardais que la tête, les épaules ne m'intéressaient pas.
25 Q. : Donc essentiellement elle montrait le visage d'un homme ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : C'était la photo d'un homme rasé ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Un homme aux cheveux coupés courts ?
5 R. : Je ne dirais pas qu'ils étaient si courts que cela.
6 Q. : Très bien. Ce que je suggère c'est que vous ne nous avez peut-être
7 pas dit la vérité sur cette question, à savoir que vous n'avez vu
8 aucune des photos de Dusko Tadic qui sont parues aux actualités dans
9 le monde entier et dans les journaux du pays où vous résidiez ?
10 R. : Je n'ai pas entendu la question. Je ne sais pas ce que vous voulez.
11 Q. : Ce que je suggère est ceci et vous pouvez l'accepter ou le rejeter,
12 c'est que vous n'avez pas dit la vérité en disant que vous n'avez vu
13 aucune photo de Dusko Tadic avant d'examiner cet album photo cette
14 année ?
15 R. : Je n'en ai pas vu.
16 Q. : Votre souvenir de l'homme que vous avez vu en ces occasions à Omarska
17 sont des souvenirs de quelqu'un dont vous n'avez jamais revu la
18 physionomie entre votre départ d'Omarska et le moment où vous avez
19 regardé l'album de photos, est-ce exact ?
20 R. : Je l'ai déjà dit.
21 Q. : Vous dites avoir vu cet homme à Omarska en quatre occasions, est-ce
22 exact ?
23 R. : Au total, environ cinq ou six fois, peut-être sept, peut-être six ou
24 cinq, cinq, six ou sept. Je ne connais pas le chiffre exact,
25 personne ne comptait.
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1 Q. : J'ai dit quatre fois parce que je me référais à votre déclaration de
2 la semaine dernière mentionnant les deux collisions, les incidents
3 que vous avez décrits et les deux autres occasions où vous l'avez vu
4 à la maison blanche et près de la cuisine à Omarska.
5 R. : C'est une erreur. Je ne l'ai jamais vu dans la maison blanche.
6 Q. : Vous nous avez dit à la fin de la semaine dernière que vous l'avez vu
7 près de la maison blanche alors que vous regardiez par la fenêtre de
8 la pièce dans laquelle vous étiez détenu.
9 R. : C'est autre chose. Il y a une grande différence entre près de la
10 maison blanche et dans la maison blanche. C'est vrai.
11 Q. : Vous dites l'avoir vu près de la cuisine ou à proximité de la cuisine
12 en une occasion alors que vous alliez déjeuner ?
13 M. TIEGER : Mme la Présidente, je m'excuse. Je dois faire opposition. Le
14 conseil ne cite pas correctement le procès-verbal qui indique ...
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Parlez-vous du compte rendu ?
16 M. TIEGER : Oui.
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Donnez-nous une page et une ligne.
18 M. TIEGER : Page 25, 25, lignes 15 à 16 ou vous pourriez commencer à 14,
19 15 "Combien de fois l'avez-vous vu près de la cuisine?", réponse
20 "Deux fois environ". Puis ligne 19 "Combien de fois l'avez-vous vu
21 près de la maison blanche?" Ligne 20 "Deux fois environ".
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous le compte rendu ? Vous devriez
23 l'avoir.
24 M. KAY : Je l'ai extrait du compte rendu, Mme la Présidente parce que vous
25 vous souviendrez que la première question qui intéresse un passage à
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1 tabac après l'interrogatoire survient lorsque l'accusé est présumé
2 se trouver près de la maison blanche.
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La controverse provient de ce que vous avez dit
4 que vous l'avez vu dans la maison blanche et le témoin a dit "non"
5 et vous avez dit "c'est ce que vous avez dit dans votre témoignage"
6 ce à quoi il a répondu "non, il y a une différence entre dans la
7 maison blanche et près de la maison blanche - à la maison blanche".
8 M. KAY : Il a dit "devant la maison blanche", oui.
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pas "dans" la maison blanche.
10 M. KAY : Non.
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Acceptez-vous donc l'opposition de M. Tieger au
12 moins que vous ne reprenez pas correctement le témoignage ?
13 M. KAY : Il est vrai que le témoin a fait la distinction de lui-même et il
14 n'y avait peut-être pas besoin d'une opposition.
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Sauf que vous passez peut-être maintenant à
16 autre chose.
17 M. TIEGER : L'opposition était double. Le conseil a aussi suggéré au
18 témoin qu'il avait dit n'avoir vu l'homme qu'une fois près de la
19 cuisine et une fois près de la maison blanche. Le témoignage indique
20 clairement, conformément à ce qu'a déclaré le témoin aujourd'hui,
21 qu'il l'a vu à deux reprises près de la cuisine et deux fois environ
22 près de la maison blanche alors qu'il regardait par la fenêtre. Je
23 pense que cela représente aussi clairement la teneur du compte
24 rendu. Le conseil s'est trompé quand il a posé la question de cette
25 façon.
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1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Formulez autrement votre question, M. Kay. Je
2 suis un peu perdue. Je pensais qu'il y avait une distinction à
3 propos du nombre de fois. Je pensais que vous aviez dit quatre fois
4 et que le témoin avait dit "non, ce serait plutôt six ou sept fois".
5 M. KAY : C'est exact.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne sais pas où dans le compte rendu nous
7 pouvons résoudre cette question. M. Tieger ne l'a pas évoquée. Posez
8 donc votre question suivante et voyons si nous pouvons régler ce
9 problème.
10 M. KAY : Mme la Présidente, je vais approcher la question d'une autre
11 façon. Je sais que la cour a une copie du compte rendu de toute
12 manière. (Au témoin). J'aimerais vous interroger maintenant sur le
13 fait que d'autres, d'après ce que vous avez dit, vous ont désigné
14 l'homme comme étant Dusko Tadic.
15 R. : Je ne comprends pas votre question. Pouvez-vous être plus spécifique
16 ?
17 Q. : Vous ne connaissiez pas Dusko Tadic avant votre séjour à Omarska ?
18 R. : C'est exact.
19 Q. : Vous n'aviez pas passé de temps avec lui ?
20 R. : Non.
21 Q. : D'autres personnes ont désigné un homme et dit "C'est Dusko Tadic" ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Vous pouvez peut-être nous dire en quelle occasion ces autres
24 personnes vous l'ont désigné ? Où étiez-vous ?
25 R. : Nous allions déjeuner.
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1 Q. : Vous n'étiez pas dans la salle où vous étiez détenu dans le bâtiment
2 du hangar ?
3 R. : Non.
4 Q. : Vous ne regardiez pas par une fenêtre du hangar et d'autres vous
5 l'ont désigné ?
6 R. : Non.
7 Q. : La première fois où vous avez été battu par Dusko Tadic ... cela
8 s'est passé après que vous ayez subi un interrogatoire dans le local
9 des enquêtes ?
10 R. : Je connaissais l'homme sous le nom de "Dule". Je ne savais pas que
11 son nom de famille était "Tadic" ?
12 Q. : Ce que je vous ai demandé, la première fois que vous avez été battu
13 par l'homme, c'est après que vous ayez été interrogé dans le centre
14 des enquêtes à Omarska ?
15 R. : Oui.
16 Q. : A quel moment cela s'est-il passé durant votre séjour à Omarska ?
17 R. : Peut-être cinq ou six jours après mon arrivée à Omarska.
18 Q. : Vous dites que vous avez vu l'homme avec d'autres devant la maison
19 blanche ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Combien de personnes l'accompagnaient ?
22 R. : Cinq ou six, peut-être sept, je n'ai pas eu le temps de compter.
23 Q. : Que faisaient-ils ? Etaient-ils assis ou debout à ce moment là ?
24 R. : Certains étaient assis et d'autres debout.
25 Q. : Vous rappelez-vous à quelle heure de la journée votre interrogatoire
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1 a pris fin ?
2 R. : C'était l'après-midi.
3 Q. : Avez-vous quitté le centre des interrogatoires seul ou accompagné
4 d'un garde ?
5 R. : Avec un garde.
6 Q. : L'habitude était-elle, quand vous vous déplaciez dans le camp, de
7 devoir regarder par terre ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Vous nous avez dit vendredi que vous avez pu jeter un coup d'oeil ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Un coup d'oeil qui vous a permis de voir le groupe d'hommes ?
12 R. : Exact.
13 Q. : L'avez-vous fait pour une raison particulière ?
14 R. : Oui.
15 Q. : Quelle était cette raison ?
16 R. : Vous espérez toujours être sauvé. Il y avait encore des hommes
17 généreux qui pouvaient vous aider.
18 Q. : Vous veniez de recevoir un passage à tabac durant votre
19 interrogatoire au centre des enquêtes, est-ce exact ?
20 R. : Exact.
21 Q. : Votre interrogatoire était terminé et vous étiez ramené à la salle
22 dans le hangar, est-ce exact ?
23 R. : Exact. Ils ne m'ont pas ramené. Ils m'ont battu tout le long.
24 Q. : Y avait-il d'autres gardes avec vous, autres que celui qui vous a
25 escorté du centre d'enquêtes ?
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1 R. : Seulement celui qui m'escortait et me frappait.
2 Q. : Parce que vous utilisez le pluriel "ils" vous battaient et je voulais
3 savoir qui d'autre vous frappait que le garde qui vous accompagnait
4 durant votre retour du centre des interrogatoires au hangar.
5 R. : C'est peut-être ce que j'ai dit mais je faisais référence à tout
6 quand j'ai été escorté du centre des interrogatoires et je ne savais
7 même pas où ils m'emmenaient et ils allaient à droite et à gauche.
8 Q. : Parce que ce dont je vous parle maintenant c'est le moment quand vous
9 dites que vous avez jeté un coup d'oeil pour voir les hommes sur la
10 zone herbeuse devant la maison blanche. A ce moment là vous étiez
11 frappé par un homme ou par plus d'un homme ?
12 R. : Je le répète, quatre hommes me frappaient pendant l'interrogatoire et
13 j'ai été ramené par un homme. J'ai parlé au pluriel parce que ce
14 jour là j'ai été frappé par plusieurs hommes - il y avait donc les
15 quatre hommes qui m'ont battu durant l'interrogatoire puis celui qui
16 m'a frappé en m'escortant. Je ne sais pas comment expliquer
17 autrement.
18 Q. : Ces hommes qui se trouvaient devant la maison blanche semblaient ne
19 pas s'intéresser particulièrement à vous n'est-ce pas ?
20 R. : Non. Ils n'étaient pas à l'étage quand j'ai été interrogé.
21 Q. : Et pour une raison ou une autre ils vous ont poursuivi nous avez-vous
22 dit, est-ce exact ? Ils n'avaient pas participé auparavant à votre
23 interrogatoire ?
24 R. : Je ne sais pas si l'on peut parler de "poursuivre" mais si c'est ce
25 que vous dites, c'est correct. J'ai accéléré le pas, ils m'ont
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1 suivi. Personne n'a couru, c'est tout.
2 Q. : Est-ce que c'est tout le groupe de six ou sept hommes qui vous a
3 confronté ?
4 R. : Là encore, je n'ai pas compris la question.
5 Q. : Le groupe que vous avez aperçu sur la zone herbeuse devant la maison
6 blanche, était-ce ce groupe ?
7 R. : Je ne comprends pas la question.
8 Q. : Le groupe d'hommes que vous aviez devant la maison blanche, était-ce
9 tout ce groupe qui vous a confronté et vous a battu ?
10 R. : Je ne pense pas que c'était tout le groupe.
11 Q. : Ces hommes étaient-ils armés ?
12 R. : Certains l'étaient et d'autres pas.
13 Q. : Quand vous dites que c'était l'homme appelé Dusko Tadic qui vous a
14 attrapé par les cheveux, vous rappelez-vous comment il était vêtu,
15 ce qu'il portait ?
16 R. : Le même uniforme qu'il portait cette nuit là.
17 Q. : Vous pourriez peut-être nous le décrire ?
18 R. : Pour moi, il s'agissait d'une tenue camouflée. Je ne sais pas quoi
19 dire d'autre.
20 Q. : Vous rappelez-vous s'il portait un ceinturon sur cet uniforme et, si
21 oui, de quelle couleur il était ?
22 R. : Autant que je me souvienne, il y avait un ceinturon mais je ne me
23 souviens pas de sa couleur.
24 Q. : D'après votre description on vous a tiré sur les cheveux par
25 derrière, exact ?
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1 R. : Exact.
2 Q. : On vous a forcé à embrasser l'écusson sur le béret d'un homme qui se
3 trouvait devant vous ?
4 R. : On m'a forcé mais je ne l'ai pas fait.
5 Q. : Pour une raison ou une autre vous avez choisi de ne pas le faire sous
6 l'effet de la menace et de la peur ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Vous avez réussi à vous échapper de l'endroit où vous vous trouviez
9 avec ces hommes autour de vous ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Comment vous êtes-vous échappé ?
12 R. : Je n'ai pas entendu.
13 Q. : Comment vous êtes-vous échappé ?
14 R. : De quelle façon ? Je ne sais pas mais j'ai été sauvé.
15 Q. : Vous rappelez-vous du nom des autres membres de ce groupe d'hommes
16 qui vous attaquaient de cette manière ?
17 R. : Saponja et l'homme de la photo, je ne me souviens pas des autres.
18 Q. : Saponja a participé à l'action en cette occasion, la première fois
19 que vous avez été battu de cette façon ?
20 R. : Oui.
21 Q. : A t-il aussi participé au deuxième passage à tabac ?
22 R. : Je ne me souviens pas.
23 Q. : Vous avez aussi fait référence à la fin de la semaine dernière à
24 quelqu'un appelé Dusko Kecman (sic) ?
25 R. : Non, jamais, pas même alors. Si vous pouvez prononcer le nom
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1 correctement, je ... Ce n'est pas Kecmar ... Je ne connais pas ce
2 nom.
3 Q. : Kecema, c'est ce que j'ai ici K-E-C-E-M-A ?
4 R. : C'est autre chose, oui.
5 Q. : Etait-il là cette première fois ?
6 R. : Non.
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous venons de vérifier le compte rendu. Juge
8 Stephen a amené le compte rendu. Il semble que dans son témoignage,
9 le témoin a dit "j'ai reconnu Kecema, Dusko ou peut-être qu'il
10 pourrait m'aider". Il semble donc que Kecema et Dusko sont deux
11 personnes différentes. Est-ce ainsi que vous l'interprétez ?
12 M. KAY : Il y a cette pratique qui consiste à utiliser le nom de famille
13 d'abord puis le prénom ensuite. Si Mme la Présidente veut bien lire
14 la ligne 32 pour le sens de la question.
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Excellent. Merci, M. Kay.
16 M. KAY : Oui. (Au témoin) : Mais vous nous avez dit la semaine dernière
17 que Kecema était présent en cette première occasion ?
18 R. : Kecema était présent sur l'herbe. Je me souviens de ces deux hommes.
19 Je ne me souviens pas de ceux qui m'ont battu en chemin.
20 Q. : Je vous parle maintenant du moment où vous avez été retenu et vous
21 avez dit à la cour que c'était l'homme de la photo qui était présent
22 à ce moment là. Je m'intéresse au moment où vous avez été battu par
23 ce groupe, dans le hangar.
24 R. : Vous semblez intéressé par l'heure. Je n'étais pas intéressé par le
25 temps. Je sais seulement que c'était l'après-midi. C'est tout. Je
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1 n'ai pas écrit de manuels ou de procès-verbaux à ce moment là.
2 Q. : Confronté à ce groupe et battu de cette façon, comment avez-vous
3 réussi à vous échapper ?
4 M. TIEGER : Mme la Présidente, la question a été posée et il y a été
5 répondu.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'accepte ... M. Kay, vous l'avez posée et je me
7 rappelle que le témoin a gloussé et répondu "je ne sais pas, je me
8 suis échappé".
9 M. KAY : Je l'ai posée, vous avez raison Mme la Présidente et j'essaye
10 d'amener le témoin au point où ...
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'accepte l'opposition. La question a été posée
12 et il y a été répondu. Il a dit qu'il ne savait pas.
13 M. KAY : Oui. (Au témoin) : Pour que ce soit bien clair, je vous suggère
14 que, en fait, vous n'avez pas reconnu Dusko Tadic parmi les présents
15 quand ce passage à tabac a eu lieu, s'il a bien effectivement eu
16 lieu ?
17 R. : C'est ce que vous pensez.
18 Q. : Puis-je passer maintenant au deuxième incident auquel, selon vous,
19 l'homme de la photo aurait participé ? Quand on vous a appelé dans
20 la salle, était-ce un garde ou un membre du groupe qui a fini par
21 vous passer à tabac dans le hangar ?
22 R. : C'est venu de la porte d'entrée.
23 Q. : Avez-vous été emmené de la pièce dans laquelle vous vous trouviez au
24 hangar par un garde ou par quelqu'un d'autre ?
25 R. : Personne ne m'a escorté. J'ai été appelé. Je suis sorti. Le garde qui
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1 était à l'entrée a bougé un peu et s'est assis. J'ai donc descendu
2 l'escalier. C'est tout.
3 Q. : Combien de personnes formaient le groupe qui vous a tabassé dans le
4 hangar ?
5 R. : Sept, huit, dix. Pas moins de sept. Peut-être plus.
6 Q. : Je vous redemande si vous pouvez identifier l'un quelconque des
7 hommes présents à ce moment là en dehors de celui qui selon vous
8 figure sur la photographie ?
9 R. : Je ne sais pas.
10 Q. : Il n'y a donc que l'homme que vous avez identifié sur la photographie
11 comme faisant part de ce groupe, n'est-ce pas ?
12 R. : Et l'homme au ceinturon blanc.
13 Q. : Connaissiez-vous le nom de l'homme au ceinturon blanc ou pouvez-vous
14 l'identifier de toute autre manière ?
15 R. : Je ne connaissais pas son nom. Je me souviens uniquement du ceinturon
16 blanc et des coups violents.
17 Q. : C'est bien un passage à tabac qui a eu lieu après que vous ayez perdu
18 connaissance à plusieurs reprises, est-ce exact ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Vous avez du être extrêmement désorienté sous l'effet de ces coups ?
21 R. : A intervalles, oui.
22 Q. : Quand vous reprenez connaissance, n'est-il pas difficile de
23 comprendre exactement ce qui vous arrive ?
24 R. : Je m'excuse, je ne comprends pas exactement la question.
25 Q. : Quand vous avez perdu connaissance puis que vous finissez par
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1 reprendre connaissance, ne vous trouvez-vous pas en fait dans un
2 état de confusion ?
3 R. : Non.
4 Q. : Au point de ne pas être certain de ce qui se passe autour de vous ?
5 R. : Je suis absolument certain de ce qui se passait autour de moi, plus
6 que sûr.
7 Q. : Je vous suggère que cette photographie vous a été montrée et que vous
8 saviez déjà par d'autres sources à quoi ressemblait Dusko Tadic et
9 vous étiez résolu à l'identifier ...
10 R. : C'est faux.
11 Q. : ... et les circonstances ce jour-là étaient telles que vous n'avez
12 pas de souvenir clair de ce à quoi ressemblait l'homme qui vous a
13 attaqué parmi les présents ?
14 R. : Si vous aviez vécu la même chose, vous vous en souviendriez aussi
15 très bien.
16 M. KAY : Je n'ai pas d'autres questions, Mme la Présidente.
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger.
18 Nouvel interrogatoire par M. TIEGER
19 M. TIEGER : Je n'ai qu'un seul point à éclaircir, Mme la Présidente et
20 j'ignore comment le faire sans annoncer à l'avance que je pense que
21 nous aurons besoin d'expurger le procès-verbal. Si la Cour en
22 convient, je vais procéder malgré ce point. La question ...
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Cela dépend combien de temps il vous faudra
24 parce que si nous devons expurger, nous devons revenir en arrière et
25 vous devez nous donner le temps d'y procéder. Pouvons-nous d'abord
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1 régler ce problème ? Est-ce que je vous suis bien ?
2 M. TIEGER : Je pense que la question suscitera une réponse qui exigera une
3 expurgation, pour clarifier le procès-verbal.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Parfait. Allez-y.
5 M. TIEGER (Au témoin) : Je pense qu'il y a eu une certaine confusion
6 auparavant, monsieur - je n'ai qu'une question pour vous - on vous a
7 demandé si vous résidiez ou non en Europe depuis la fin de la guerre
8 et depuis que vous avez quitté la région du conflit. N'est-il pas
9 exact que vous avez émigré en (expurgé) où vous résidez depuis
10 votre émigration ?
11 R. : J'ai passé très peu de ce temps en Europe.
12 Q. : Après cela ..
13 R. : Selon moi, la Slovénie, l'Autriche et tout le reste font partie de
14 l'Europe.
15 Q. : Bien. Mais vous avez en fait émigré en (expurgé) où vous
16 vivez ?
17 R. : Exact.
18 Q. : Merci. C'est tout ce que je voulais clarifier, Mme la Présidente.
19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
20 M. KAY : Pas de question, Mme la Présidente.
21 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à ce que M. Muslimovic soit
22 dispensé de façon permanente ?
23 M. KAY : Non, Mme la Présidente.
24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Muslimovic, vous êtes dispensé de façon
25 permanente. Merci d'être venu.
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1 LE TEMOIN : Merci de m'avoir invité.
2 (Départ du témoin)
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann et M. Tieger, qui interrogera le
4 prochain témoin ?
5 M. TIEGER : Mme la Présidente, le témoin suivant est Armin Kenjar.
6 Appel à la barre de M. ARMIN KENJAR
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kenjar, voulez-vous prêter serment s'il vous
8 plaît ?
9 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement dire la vérité,
10 toute la vérité, rien que la vérité.
11 (Prestation de serment du témoin)
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Veuillez vous asseoir.
13 Interrogatoire par M. TIEGER
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, procédez.
15 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. Monsieur pouvez-vous dire à la Cour
16 comment vous vous appelez, pour le procès-verbal ?
17 R. : Armin Kenjar.
18 Q. : M. Kenjar, où êtes-vous né ?
19 R. : A Kamicani.
20 Q. : En quelle année ?
21 R. : 1970.
22 Q. : De quelle nationalité êtes-vous ?
23 R. : Musulman.
24 Q. : Kamicani est-il proche de Kozarac ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Consiste t-il essentiellement en maisons et demeures ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Tandis que c'était à Kozarac que se trouvaient les magasins, cafés
4 etc. de la région ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Le centre de Kozarac était-il donc l'endroit où se rendaient les
7 habitants de Kamicani pour faire leurs courses etc. ?
8 R. : Oui, oui.
9 Q. : Les habitants de Kamicani considéraient-ils Kozarac comme leur ville
10 ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Disiez-vous parfois que vous étiez de Kamicani et parfois de Kozarac
13 ?
14 R. : Oui, parfois.
15 Q. : Quelle était votre profession avant la guerre ?
16 R. : Je travaillais dans un atelier de charpentier que nous avions là.
17 Q. : Avez-vous servi dans les rangs de la JNA ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Quelles étaient vos fonctions dans la JNA ?
20 R. : Je n'avais pas de grade. J'étais dans le bataillon du génie.
21 Q. : Quand avez-vous servi dans la JNA ?
22 R. : 1989/90.
23 Q. : Après votre service, êtes-vous rentré dans la région de Kozarac pour
24 travailler comme charpentier ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Connaissez-vous Dule Tadic ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?
4 R. : Depuis longtemps, de nombreuses années, depuis mon enfance. Il fut
5 mon idole à une époque. Je passais devant son café. Je suis allé
6 m’entraîner à son gymnase. J'ai regardé par la fenêtre de nombreuses
7 fois quand j'étais enfant.
8 Q. : Pourquoi était-il votre idole durant votre enfance ?
9 R. : Parce qu'il était un karatéka, il était l'entraîneur. Il était le
10 meilleur. Nous pensions tous qu'il était le meilleur.
11 Q. : Après avoir grandi et quand vous êtes devenu un jeune adulte, avez-
12 vous continué à le voir ?
13 R. : Oui. Chaque jour, chaque semaine.
14 Q. : Aviez-vous l'habitude de vous saluer quand vous vous rencontriez ?
15 R. : Oui, régulièrement quand nous nous croisions, nous avions l'habitude
16 de nous saluer, nous nous disions bonjour.
17 Q. : Dule Tadic avait-il une façon remarquable ou distinctive de marcher
18 ou de se déplacer ?
19 R. : Oui, elle était très caractéristique, athlétique, comme un cow-boy.
20 Q. : Pouvez-vous nous en faire la démonstration ?
21 R. : Oui. (Démonstration par le témoin).
22 Q. : Merci. Quatre ou cinq mois environ avant la guerre, vous a t-on
23 appelé comme policier de réserve ?
24 R. : Oui.
25 Q. : Quelles étaient vos fonctions en tant que policier de réserve ?
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1 R. : Tout d'abord je devais servir à la sécurité du poste de police de
2 Kozarac. Puis il y avait les postes de contrôle autour de Kozarac et
3 dans Kozarac même.
4 Q. : Les postes de contrôle ... Etait-ce une forme de contrôle de la
5 circulation ?
6 R. : Oui, contrôle de la circulation et contrôle des armes, si quelqu'un
7 était en possession illégale de quelques armes.
8 Q. : Est-ce que toutes les nationalités, Serbes compris ou est-ce que des
9 Serbes et des Musulmans travaillaient aux postes de contrôle ?
10 R. : Oui, elles étaient toutes représentées.
11 Q. : Durant vos fonctions comme policier de réserve, avez-vous appris
12 l'existence d'un incident concernant l'église orthodoxe serbe ?
13 R. : Oui, j'en ai entendu parler et j'ai regardé le registre qui se
14 trouvait sur la table.
15 Q. : S'agissait-il d'un registre où étaient inscrits les incidents ou
16 événements ?
17 R. : Oui, un registre où figuraient, où étaient inscrites toutes sortes de
18 plaintes.
19 Q. : Avez-vous vu cet incident mentionné dans le registre ?
20 R. : Oui, il était enregistré.
21 Q. : Qu'est-ce que le registre indiquait sur cet incident ?
22 R. : Il y avait une brève description de la présence de M. Tadic dans le
23 voisinage de l'église avec des bidons d'essence et l'intention
24 probable de mettre le feu à l'église.
25 Q. : M. Kenjar, où étiez-vous lors de l'attaque de Kozarac le 24 mai ?
Page 4202
1 R. : Je dormais.
2 Q. : Etiez-vous chez vous en train de dormir ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Aviez-vous travaillé le soir précédent et est-ce la raison pour
5 laquelle vous dormiez ?
6 R. : Exactement.
7 Q. : Un membre de votre famille vous a t-il réveillé pour vous dire que
8 ...
9 R. : Oui.
10 Q. : ... la guerre avait commencé ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Où êtes-vous allé alors ?
13 R. : Je suis parti vers Kamicani, dans la direction des tirs, des coups de
14 feu.
15 Q. : Comment avez-vous essayé de vous rendre à Kamicani ?
16 R. : A bicyclette.
17 Q. : Après être arrivé à Kamicani, avez-vous essayé de vous rendre au
18 commissariat central de la police à Kozarac ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Avez-vous essayé de découvrir ce qui se passait ou ce que vous
21 pouviez faire ?
22 R. : Oui.
23 JUGE STEPHEN : Pourriez-vous préciser un peu, d'où est-il parti ?
24 M. TIEGER : Je m'excuse, Monsieur le juge. (Au témoin) : Où exactement
25 habitiez-vous M. Kenjar et où alliez-vous ? La décision tient à ce
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1 que vous avez dit que vous alliez à Kamicani et que la Cour sait que
2 vous y habitiez.
3 R. : Oui. Je suis parti du bâtiment de la commune locale à Kamicani. Nous
4 appelions aussi Kamicani ce secteur autour du centre, l'endroit où
5 j'habitais faisait aussi partie de Kamicani.
6 Q. : Quand vous êtes arrivé au commissariat central de la police à
7 Kozarac, qui s'y trouvait ?
8 R. : Il n'y avait personne.
9 Q. : Avez-vous fini par vous rendre à un abri construit par votre frère et
10 un voisin ?
11 R. : Oui, je suis retourné vers l'abri.
12 Q. : Y avait-il de nombreuses femmes et enfants à cet endroit ?
13 R. : Oui, ils étaient nombreux.
14 Q. : De cette date jusqu'au 29 mai, vous avez passé votre temps à aller de
15 l'abri apporter des couvertures et des vivres aux réfugiés dans le
16 secteur de Brdjani ?
17 R. : Non, Non, j'apportais des vivres aux réfugiés, aux civils, je n'ai
18 pas du tout passé de temps dans l'abri. J'aidais tous ceux que je
19 pouvais.
20 Q. : Avez-vous aussi emmené des vivres sur la ligne de défense des
21 Musulmans ?
22 R. : Oui, en une occasion.
23 Q. : Combien d'hommes se trouvaient sur la ligne de défense ?
24 R. : Une cinquantaine. Ils formaient un groupe.
25 Q. : Où était-ce ?
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1 R. : Au pied de la colline de Menkovici.
2 Q. : Comment ces gens étaient-ils armés ?
3 R. : Ils étaient très médiocrement armés. Certains avaient un fusil
4 automatique, d'autres un vieux fusil, un M48, d'autres encore
5 certaines armes de fabrication artisanale. Ils étaient très mal
6 armés.
7 Q. : A un certain stade avant le 29 mai, avez-vous pris la décision
8 d'essayer de vous échapper de la région ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Où vouliez-vous aller ?
11 R. : Vers Bosanska Dubica.
12 Q. : Quel endroit, quel refuge espériez-vous atteindre ?
13 R. : Bosanska Dubica.
14 Q. : Vouliez-vous rester à Bosanska Dubica ou vous rendre ailleurs ?
15 R. : Nous pensions traverser la Bosnie-Herzégovine et atteindre la
16 Croatie.
17 Q. : Vous dites "nous", étiez-vous avec un ami ?
18 R. : Oui, j'avais un ami avec moi.
19 Q. : Quand vous et votre ami vous dirigiez vers Bosanska Dubica, essayiez-
20 vous d'éviter les forces serbes ?
21 R. : Oui, nous faisons tout notre possible pour les éviter.
22 Q. : Avez-vous passé la nuit dans la forêt, par exemple ?
23 R. : Oui, nous y avons passé une nuit, jusqu'à l'aube.
24 Q. : Le lendemain matin avez-vous avec votre ami été aperçus et capturés
25 par les forces serbes à Mostanica ?
Page 4205
1 R. : Oui, nous avons été vus et capturés.
2 Q. : Mostanica est près de Bosanska Dubica ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Où avez-vous été emmenés après votre capture ?
5 R. : Nous avons été emmenés à la prison de Bosanska Dubica.
6 Q. : Avez-vous été incarcéré dans une cellule ?
7 R. : Oui. Nous avons d'abord été interrogés puis incarcérés dans une
8 cellule.
9 Q. : Est-ce qu'un Serbe a aussi été placé dans cette cellule ?
10 R. : Non, pas à ce moment là.
11 Q. : Bien. A un moment donné durant votre détention dans la prison de
12 Bosanska Dubica, est-ce qu'un Serbe a été interné dans votre cellule
13 ?
14 R. : Oui, un Serbe a été amené.
15 Q. : Pourquoi ce Serbe a t-il été incarcéré dans cette cellule ?
16 R. : Parce qu'il avait défendu des Musulmans, qu'il ne les haïssait pas.
17 Q. : Après qu'il ait été jeté dans la cellule est-ce que vous ou votre ami
18 ou tout autre Musulman dans la cellule avez reçu l'ordre de faire
19 quelque chose ?
20 R. : Oui, nous avons du le frapper.
21 Q. : Avez-vous été contraint de le faire ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Tout d'abord, qui vous a forcé de le faire ?
24 R. : L'un des gardes m'a dit de le frapper. J'ai répondu "Pourquoi ? Il
25 n'a rien fait, je n'ai pas de raison".
Page 4206
1 Q. : Qu'est-ce que le garde a dit ou fait quand vous avez initialement
2 refusé de le frapper ?
3 R. : Il a d'abord dit que si je ne frappais pas ce Serbe, ils me
4 passeraient tous à tabac. Alors je l'ai frappé légèrement. Je l'ai
5 giflé. Le garde m'a alors frappé de toutes ses forces et m'a dit
6 "c'est comme cela que tu dois le frapper".
7 Q. : Est-ce que ce Serbe a fini par être transféré dans une autre cellule
8 ?
9 R. : Oui, tout d'abord mon collègue l'a aussi frappé puis il a été
10 transféré dans une autre cellule où se trouvait Dzavid Mahmuljin.
11 Q. : Avez-vous entendu quelque chose se passer dans cette cellule ?
12 R. : On pouvait entendre ce Serbe provoquer Dzavid Mahmuljin et je pense
13 qu'il l'a frappé ?
14 Q. : Donc quand le Serbe a été transféré dans l'autre cellule il a alors
15 été obligé d'attaquer le Musulman qui s'y trouvait ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Avez-vous été emmené à la SUP de Prijedor le lendemain ?
18 R. : C'est exact, oui.
19 Q. : A un certain stade pendant que vous étiez au poste de police de
20 Prijedor, quelqu'un a t-il menacé de vous exécuter ainsi que les
21 autres Musulmans avec vous ?
22 R. : Oui, c'était Cigo qui était présent et qui nous menaçait. Il disait
23 qu'il voulait nous faire tuer. Puis le garde qui était avec nous est
24 venu et a dit : "Ne les tue pas. Ils seront abattus là où ils vont".
25 Q. : La traduction que nous recevons dit "Ils seront abattus là où ils
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1 vont". Est-ce que ce sont bien les mots employés par le garde ?
2 R. : Oui, exactement.
3 Q. : Je pense que ce n'est pas ...
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous revenez au même ...
5 M. TIEGER : Exactement.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ... je ne sais pas comment vous pouvez corriger
7 cela.
8 M. TIEGER : Le garde a t-il indiqué que vous serez abattu avec un fusil ou
9 tué d'une autre façon là où vous alliez ?
10 R. : Il a dit "Ils seront abattus là où ils vont". Il n'a pas précisé de
11 quelle façon.
12 M. TIEGER : Mme la Présidente, si je peux interrompre un instant ? Puis-je
13 soulever la question de l'expurgation que j'ai mentionné plus tôt ?
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, vous pouvez nous donner ... oui.
15 M. TIEGER : C'était à 12 06 42 et cela figure dans le compte rendu en page
16 23, ligne 21 (version en anglais).
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose t-on à cette ...
18 M. KAY : Non, Mme la Présidente.
19 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ...expurgation. Bien, le texte sera expurgé.
20 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. M. Kenjar, après qu'on vous ai dit à
21 la SUP de Prijedor que vous seriez tués là où vous alliez, vous a t-
22 on emmené avec d'autres à Omarska ?
23 R. : Oui.
24 Q. : A Omarska avez-vous d'abord été incarcéré dans le petit garage
25 pendant un jour ou deux?
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1 R. : Oui, pendant quelques jours.
2 Q. : Puis vous avez été incarcéré dans le hangar, dans la partie
3 supérieure du bâtiment du hangar pendant quelques jours ?
4 R. : Oui, pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que le local soit rempli.
5 Q. : Où vous a t-on transféré ensuite ?
6 R. : Nous avons ensuite été transférés au rez-de-chaussée, dans la petite
7 salle.
8 Q. : S'agit-il de la petite salle près de la pièce qui conduit à
9 l'escalier ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Etes-vous resté dans cette pièce jusqu'à votre transfert ... Etes-
12 vous resté dans cette pièce jusqu'à votre transfert à Manjaca le 6
13 août ?
14 R. : Oui.
15 Q. : M. Kenjar, comment décririez-vous les conditions générales à Omarska
16 durant votre détention ?
17 R. : Les conditions étaient catastrophiques. Elles étaient invivables. Ils
18 nous traitaient comme des animaux. Dans un monde civilisé on ne
19 traite pas les animaux de cette façon. Nous n'avions pas d'eau
20 potable. L'eau que nous avions été polluée. Il y avait des poux. Des
21 gens étaient appelés jour et nuit et emmenés et on ne les revoyait
22 jamais. Les sévices et les provocations étaient monnaie courante.
23 Nous avons subi des sévices de toutes sortes. On nous battait durant
24 le déjeuner. Nous devions déjeuner en trois minutes et c'était
25 impossible. Beaucoup laissaient le repas et emmenaient seulement
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1 leur pain. Nous recevions un quart de pain parfois un huitième. Cela
2 nous laissait sans déjeuner.
3 Q. : Les détenus étaient-ils appelés hors des salles ...
4 R. : Oui.
5 Q. : ... aux fins d'interrogatoire ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quel était généralement l'état des détenus qui rentraient des
8 interrogatoires ?
9 R. : Généralement meurtris.
10 Q. : Des détenus étaient-ils aussi appelés parfois durant le jour et la
11 nuit pour des passages à tabac ou des exécutions ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Cela arrivait-il régulièrement ?
14 R. : De temps en temps. Chaque jour, en fait. Tous les jours. Pas un jour
15 ne se passait sans que quelqu'un soit appelé.
16 Q. : Saviez-vous qui était le commandant du camp ?
17 R. : Oui.
18 Q. : Qui était-ce ?
19 R. : zeljko Meakic.
20 Q. : L'aperceviez-vous dans le camp ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Fréquemment ?
23 R. : Tous les jours.
24 Q. : Etait-il au courant de l'état des prisonniers qui étaient battus et
25 traités de cette façon ?
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1 R. : Bien sûr. Il se déplaçait dans le camp quotidiennement. Il allait à
2 la maison blanche où les détenus étaient passés à tabac. Il voyait
3 probablement tous les cadavres autour de la maison blanche.
4 Q. : Avez-vous participé à un effort visant à obtenir la libération de
5 quelqu'un de la maison blanche en offrant de l'argent à Meakic ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quelle somme d'argent demandaient-ils ?
8 R. : Ils demandaient 100 marks allemands.
9 Q. : Combien d'argent avez-vous pu réunir avec les autres détenus ?
10 R. : 100 francs.
11 Q. : Qui était la personne dont vous essayiez d'obtenir la libération ?
12 R. : Hase Icic.
13 Q. : Bien que nous n'ayez pas pu réunir le montant demandé, cette somme
14 s'est-elle avérée suffisante pour faire sortir M. Icic de la maison
15 blanche.?
16 R. : Oui.
17 Q. : M. Kenjar, avez-vous jamais vu Dule Tadic à Omarska ?
18 R. : Oui, je l'ai vu.
19 Q. : Etait-ce le jour où Jasko Hrnic a été appelé de votre pièce ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Quelle heure était-il quand vous avez aperçu Dule Tadic ?
22 R. : C'était peut-être une heure ou une heure et demie avant de Jasko
23 Hrnic soit emmené.
24 Q. : Où étiez-vous quand vous avez vu Dule Tadic ?
25 R. : J'étais dans ce couloir improvisé.
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1 Q. : Et où se trouvait Dule Tadic quand vous l'avez vu ?
2 R. : Il était entre ces deux fosses dans le hangar.
3 Q. : M. Kenjar, je ne suis pas sûr que les caméras nous permettent de le
4 voir aussi bien que nous le souhaiterions mais je me demandais si
5 vous pouviez nous indiquer sur le modèle, en vous servant de cette
6 baguette à droite, l'endroit où vous vous trouviez quand vous avez
7 aperçu Dule Tadic et l'endroit où il se trouvait ?
8 R. : Oui. J'étais à peu près ici et Tadic se trouvait à peu près là.
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Entendez-vous ?
10 INTERPRETE : Peut-on demander au témoin de parler dans le microphone ?
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kenjar, veuillez mettre ces écouteurs et
12 parler dans ce microphone s'il vous plaît.
13 M. WLADIMIROFF : Mme la Présidente, je ne vois pas très bien. Puis-je
14 m'approcher ?
15 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez venir par ici, si c'est possible. M.
16 Kenjar, pouvez-vous venir ici ? Peut-il, M. Tieger, vous le savez
17 mieux que moi ? Bien.
18 M. TIEGER : M. Kenjar, je m'excuse, puis-je vous demander de montrer de
19 nouveau d'abord où vous vous trouviez quand vous avez aperçu Dule
20 Tadic ?
21 R. : J'étais ici.
22 Q. : Pouvez-vous indiquer où il était ?
23 R. : A peu près ici.
24 Q. : Il était donc entre les deux fosses qui sont les plus proches de la
25 sortie ou de l'entrée du hangar ?
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1 R. : Il était à peu près ici.
2 Q. : Mme la Présidente, si je peux avancer un instant ?
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Jusqu'au modèle ?
4 M. TIEGER : Oui, Mme la Présidente. M. Kenjar, vous pouvez vous rasseoir.
5 M. Kenjar, vous rappelez-vous ce que portait Dule Tadic en cette
6 occasion ?
7 R. : Une tenue camouflée.
8 Q. : Etait-il rasé ou portait-il la barbe ?
9 R. : Il avait une barbe de quelques jours.
10 Q. : Etes-vous absolument certain que c'est Dule Tadic que vous avez vu à
11 ce moment là ?
12 R. : Oui, absolument, j'en suis certain. Il était assez proche pour que je
13 puisse le reconnaître.
14 Q. : Qu'avez-vous fait quand vous avez vu et reconnu que c'était Dule
15 Tadic ?
16 R. : J'ai fait demi tour et suis reparti vers la pièce où j'étais.
17 Q. : Avez-vous en fait couru ou marché rapidement pour rejoindre cette
18 pièce ?
19 R. : Je ne courrais pas. J'ai seulement accéléré. Cela aurait été trop
20 évident si je m'étais mis à courir.
21 Q. : Etes-vous retourné à votre place habituelle dans la pièce ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Mme la Présidente, peut-on appeler Z3 19-33 sur l'écran ? Je crois
24 comprendre que nous allons devoir utiliser l'Elmo. Notre technicien
25 n'est pas disponible. La pièce 256 peut-elle être placée sur l'Elmo
Page 4213
1 ? Je m'excuse, cette photographie devrait être marquée pièce 256
2 pour identification. M. Kenjar, reconnaissez-vous ce qu'on voit sur
3 cette photographie ?
4 R. : Oui, c'est la salle dans laquelle j'étais.
5 Q. : Mme la Présidente, je verse cette pièce au dossier et demande qu'elle
6 soit placée sur l'Elmo.
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y fait-on opposition ?
8 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 256 est admise.
10 M. TIEGER : M. Kenjar, bien qu'on ne le voit pas sur cette partie de la
11 photographie, y a t-il dans cette pièce un petit renfoncement vers
12 le devant qui agrandit légèrement la pièce ? Ce n'est peut-être pas
13 une bonne explication.
14 R. : Oui, il y a un renfoncement.
15 Q. : Pouvez-vous indiquer sur la photographie son emplacement
16 approximatif, bien qu'on ne puisse le voir ?
17 R. : Devant cette table bleue, ici. Ici.
18 Q. : Peut-on marquer cette photographie pièce 257 aux fins
19 d'identification ?
20 JUGE VOHRAH : M. Tieger, pourriez-vous indiquer sur le plan fourni par Mme
21 Hollis où se situe cette pièce particulière, pièce 130A ? Avez-vous
22 entendu ma question ?
23 M. TIEGER : Oui. Je peux certainement l'indiquer. Voulez-vous que je
24 demande au témoin de l'indiquer d'abord sur la maquette ou cela vous
25 convient-il ainsi ?
Page 4214
1 JUGE VOHRAH : D'une façon ou de l'autre.
2 M. TIEGER : Ce sera A17, comme indiqué sur la pièce à conviction 130A. M.
3 Kenjar, reconnaissez-vous ce qui figure sur cette photo et montre-t-
4 elle ce renfoncement de la salle auquel vous venez de faire
5 référence ?
6 R. : Oui, c'est cette partie.
7 Q. : Mme la Présidente, je verse cette photographie au dossier comme pièce
8 à conviction 257.
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avons-nous vu 257 ? Nous regardons ... Merci, M.
10 Wladimiroff. Je ne l'ai pas vue. Nous avons le plan et nous pouvons
11 voir le renfoncement dans la pièce mais pourquoi ne le placez-vous
12 pas sur l'écran ? Cela ne nous donne pas ... oui, ici. Pourriez-vous
13 désigner le renfoncement, M. Kenjar ? Est-ce l'endroit où se trouve
14 la table bleue puis le mur part vers la gauche sur la photo ?
15 R. : Oui.
16 M. TIEGER : M. Kenjar, quand nous regardons cette photographie, l'entrée
17 de la salle est-elle sur la gauche avec l'arrière à droite ?
18 R. : Je n'ai pas compris la question.
19 Q. : Quand nous regardons la photographie, la direction de l'entrée de la
20 salle est-elle à gauche ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Et l'arrière de la salle serait à droite ?
23 R. : La partie où se situe la table est à gauche.
24 Q. : Donc quand vous entrez dans la pièce, la partie que nous regardons
25 maintenant serait à gauche, est-ce exact ?
Page 4215
1 R. : Oui.
2 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S'oppose-t-on à 257 ?
3 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 257 est admise.
5 M. TIEGER : Mme la Présidente, la pièce à conviction 130A peut-elle être
6 placée sur l'Elmo s'il vous plaît ? M. Kenjar, voulez-vous examiner
7 cette pièce et - il se peut que vous ayez à regarder la pièce
8 proprement dite à votre droite pour mieux voir - voyez-vous la salle
9 marquée A17 ? Regardez à votre droite ? Je vois que ce n'est pas
10 très clair sur l'écran.
11 R. : Oui, je peux le voir.
12 Q. : Bien et cela montre-t-il la salle dans laquelle vous étiez ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Pouvez-vous indiquer sur la pièce proprement dite à votre droite où
15 vous vous trouviez dans la salle ?
16 R. : Oui. (Le témoin désigne l'endroit).
17 Q. : Ce serait ici près de ce coin que nous avons vu sur la photo ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Où se trouvait la place habituelle de Jasko Hrnic ?
20 R. : Sur cette table qui était dans cette partie de la salle.
21 Q. : Peut-on marquer cette photographie pièce 258 pour identification s'il
22 vous plaît ? Quand on examine cette photographie, M. Kenjar, cela
23 ressemble t-il davantage à la table sur laquelle se trouvait Jasko
24 Hrnic que, par exemple, le bureau qui figure sur la photographie
25 précédente ?
Page 4216
1 R. : Oui, c'est exactement cette table.
2 Q. : Mme la Présidente, je verse cette pièce au dossier.
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pouvez-vous la placer sur l'Elmo, s'il vous
4 plaît ?
5 M. TIEGER : Oui.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ...
7 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ...à 258 ? C'est bien 258 M. Tieger ?
9 M. TIEGER : C'est la photographie de la table ou d'une table qui
10 ressemblait à celle sur laquelle dormait Jasko Hrnic.
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. La pièce 258 est admise.
12 M. TIEGER : Pourquoi Jasko Hrnic dormait-il sur la table ?
13 R. : Il avait été passé à tabac et c'était donc un endroit plus
14 confortable pour lui. Il avait été battu quand il est arrivé dans
15 notre salle. Il était en très mauvais état.
16 Q. : Où se trouvait M. Hrnic avant d'être transféré dans votre pièce ?
17 R. : Il a été capturé à Benkovac puis il a été détenu dans un petit garage
18 avant d'être transféré à notre salle.
19 Q. : Jasko Hrnic était-il une personne connue et populaire à Kozarac ?
20 R. : Oui, il était connu et très populaire.
21 Q. : Quel genre de personne était-il ?
22 R. : Je ne comprends pas la question, je m'excuse.
23 Q. : Pourquoi était-il populaire ? Quel genre de personne était-il ?
24 R. : Il conduisait de grosses motocyclettes. Il avait ses propres camions.
25 Il était très connu pour cette raison et c'était un brave homme.
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1 Q. : Jasko Hrnic et Dule Tadic se connaissaient-ils ?
2 R. : Oui, ils se connaissaient.
3 JUGE STEPHEN : Puis-je simplement poser une question sur le nom de cet
4 homme ? Est-ce un surnom ?
5 M. TIEGER : Merci, Monsieur le juge. (Au témoin) : Jasko était-il le
6 surnom de M. Hrnic ?
7 R. : Oui, c'était son surnom.
8 Q. : Connaissez vous son nom véritable ?
9 R. : Jasmin Hrnic.
10 Q. : Avez-vous jamais vu Dule Tadic et Jasko Hrnic ensemble dans des cafés
11 à Kozarac ?
12 R. : Oui, je les ai vus parfois.
13 Q. : Connaissiez-vous aussi Emir Karabasic ?
14 R. : Oui, je le connaissais.
15 Q. : Etait-il un bon ami de Jasko Hrnic ?
16 R. : Oui, ils étaient très bons amis.
17 Q. : Les détenus étaient-ils parfois en mesure de se déplacer d'une salle
18 à l'autre dans la journée en fonction de l'équipe de garde ?
19 R. : Oui, parfois.
20 Q. : Par exemple, aurait-il été utile d'être ami avec la personne désignée
21 pour les contacts avec les gardiens et savoir s'ils pouvaient
22 utiliser les latrines ?
23 R. : Bien sûr.
24 Q. : Etiez-vous, par exemple, ami ou proche de la personne qui dans votre
25 salle était chargée des contacts avec les gardes ?
Page 4218
1 R. : Oui.
2 Q. : Etiez-vous en mesure de vous rendre dans d'autres parties du camp ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Emir Karabasic est-il venu dans votre pièce rencontrer Jasko Hrnic ?
5 R. : Oui. Il venait voir Jasmin et celui-ci allait voir Emir Karabasic.
6 Ils étaient amis.
7 Q. : Quand vous êtes retourné dans votre salle après avoir vu Dule Tadic,
8 êtes-vous retourné à votre place habituelle ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Où se trouvait-elle par rapport à la table ?
11 R. : Sous la table à ce moment là.
12 Q. : Avez-vous dit à Jasko Hrnic que vous aviez vu Dule Tadic ?
13 R. : Oui, je le lui ai dit.
14 Q. : Comment a t-il réagi ?
15 R. : Vous pouviez lire la peur dans ses yeux. Son menton tremblait et il
16 avait peur.
17 Q. : Ont-ils commencé à appeler les détenus une demi-heure à une heure
18 après cela ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Vous rappelez-vous qui a été appelé le premier ?
21 R. : Emir Karabasic.
22 Q. : Où se trouvait la salle dans laquelle il était incarcéré ?
23 R. : Au premier étage au-dessus de nous. Dans une pièce directement au-
24 dessus de nous.
25 Q. : Qu'avez-vous entendu après qu'Emir ait été appelé ?
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1 R. : J'ai pu entendre des hurlements et des gémissements ainsi que des
2 coups assénés avec des objets contondants. Vous pouviez entendre
3 toutes sortes de choses. C'était comme un cauchemar.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue jusqu'à 14 heures 30.
5 (13 heures)
6 (Suspension d'audience du déjeuner)
7 (14 heures 30)
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, voulez-vous continuer s'il vous plaît
9 ?
10 M. TIEGER : Oui, Mme la Présidente. Merci.
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Allez-y M. Tieger.
12 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente.
13 Rappel de M. ARMIN KENJAR à la barre
14 Reprise de l'interrogatoire par M. TIEGER
15 Q. : M. Kenjar, avant la suspension d'audience, vous décriviez les bruits
16 que vous avez entendu après qu'Emir Karabasic ait été appelé hors de
17 la salle où il était détenu.
18 R. : Oui.
19 Q. : Peu de temps après cela avez-vous entendu qu'on appelait un autre
20 détenu de cette même salle ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Quel était le nom appelé ?
23 R. : Jasko Hrnic.
24 Q. : Comment Jasko a t-il été appelé ?
25 R. : Il a tout d'abord été appelé Asko Hrnic. J'ai, comme les autres,
Page 4220
1 entendu qu'ils appelaient Asko Hrnic.
2 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kenjar, pourriez-vous rapprocher légèrement
3 le microphone ? C'est mieux. Merci.
4 M. TIEGER : Durant cet incident est-ce que des prisonniers autres que Emir
5 Karabasic et Jasko Hrnic ont été appelés ?
6 R. : Vous voulez dire de la pièce dans laquelle je me trouvais ?
7 Q. : Non, durant l'incident, est-ce que d'autres prisonniers, n'importe
8 quels autres prisonniers, en dehors d'Emir Karabasic et de Jasko
9 Hrnic ont été appelés, vous souvenez-vous ?
10 R. : Je n'ai pas entendu. Il se peut que d'autres aient été appelés mais
11 je ne sais pas.
12 Q. : Connaissiez-vous Enver Alic ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Savez-vous si oui ou non il a été appelé durant cet incident ?
15 R. : Oui, il a aussi été appelé.
16 Q. : Vous rappelez-vous s'il a été appelé avant ou après Jasko ?
17 R. : Après Jasko je crois.
18 Q. : Quand Jasko Hrnic a été appelé en tant que "Asko" est-il sorti
19 immédiatement, a t-il répondu ?
20 R. : Non.
21 Q. : A t-il été appelé plus d'une fois ?
22 R. : Oui. Nous avons entendu appeler Asko Hrnic mais je ne me souviens
23 pas, peut-être que c'était plusieurs fois, nous l'avons entendu une
24 fois à cet endroit où nous nous trouvions.
25 Q. : Jasko a t-il finalement répondu ou dit quelque chose à l'appel de son
Page 4221
1 nom ?
2 R. : Seulement quand la porte a été ouverte, Jasko a dit "Il y a Jasmin
3 Hrnic ici mais pas de Asko Hrnic" alors l'individu qui était dans
4 l'entrée, devant la porte a dit "C'est vous que nous voulons".
5 Q. : Pouviez-vous voir la porte de l'endroit où vous vous trouviez ?
6 R. : Non.
7 Q. : Aviez-vous choisi cet endroit pour une raison particulière ?
8 R. : Oui. Nous nous cachions, pour ainsi dire. Nous nous cachions derrière
9 ce mur qui nous couvrait.
10 Q. : Etait ce en raison notamment du fait que vous étiez un policier de
11 réserve musulman ?
12 R. : Oui. Je me cachais. Je ne voulais pas être trop en évidence.
13 Q. : Quel pourcentage de policiers de réserve musulmans ont survécu
14 Omarska, selon vous ?
15 R. : Un faible pourcentage.
16 Q. : Jasko a t-il fini par sortir au moment que vous avez décrit, quand il
17 a dit "Il y a Jasmin ici" ?
18 R. : Oui, il est sorti.
19 Q. : Qu'avez-vous entendu après qu'il soit sorti ?
20 R. : Nous pouvions entendre des hurlements, des coups avec des instruments
21 contondants, des cris de douleur. On pouvait entendre du bruit. On
22 pouvait entendre hurler des expressions obscènes, horribles "Mord
23 lui les couilles", "Frappe les". Ce sont les événements les plus
24 horribles que j'ai jamais vécu. Je ne souhaite cela à personne.
25 C'était vraiment horrible, comme un cauchemar. Je ne sais pas ce qui
Page 4222
1 arrivait à ces gens, ce qu'on leur faisait mais je pense qu'ils ont
2 du être massacrés, tués, assassinés de la pire façon possible.
3 Q. : Combien de temps cela a t-il duré ? Y eut-il seulement quelques
4 hurlements, quelques coups ?
5 R. : Cela a duré assez longtemps. Vous aviez le sentiment d'une éternité,
6 comme un cauchemar qui ne se terminerait jamais. C'était horrible.
7 Q. : Les hurlements, les cris, les expressions horribles et obscènes ont-
8 ils fini par prendre fin ?
9 R. : Pourriez-vous répéter la question s'il vous plaît ?
10 Q. : Est-ce que tous ces hurlements et ces cris ont fini par prendre fin ?
11 R. : Oui, ils ont pris fin.
12 Q. : Qu'avez-vous entendu peu de temps après ?
13 R. : Nous avons alors entendu le bruit du moteur du petit camion TAM qui
14 se trouvait là.
15 Q. : A quoi servait le camion TAM ?
16 R. : Il servait à apporter les vivres et à emmener les cadavres.
17 Q. : Qu'avez-vous entendu après le démarrage du moteur du petit camion TAM
18 ?
19 R. : Il y a eu de la musique. On ne pouvait pas entendre correctement et
20 après un certain temps nous avons de nouveau pu entendre le son d'un
21 moteur et le départ du petit camion TAM.
22 Q. : Avez-vous entendu autre chose après cela ?
23 R. : Après une brève période nous avons pu entendre un coup de feu au loin
24 et je crois que l'un d'eux était encore vivant et qu'ils l'ont
25 achevé.
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1 Q. : Après un certain temps, un garde est-il venu à la porte et annoncé
2 que les détenus pouvaient de nouveau quitter la salle ?
3 R. : Oui.
4 Q. : Quelqu'un a t-il quitté la salle puis est revenu ?
5 R. : Asim Dergic est sorti.
6 Q. : Quand il est revenu, a t-il indiqué qu'il y avait besoin d'une sorte
7 de savon utilisé pour se laver les mains aux toilettes ?
8 R. : Oui, il m'a dit d'emmener ce savon aux toilettes, à la personne G qui
9 s'y trouvait.
10 Q. : Etes-vous allé aux toilettes ?
11 R. : Oui, j'ai pris le savon et je suis allé dans ce coin devant les WC où
12 se trouvaient ces fosses et là j'ai vu G dont la tête, les cheveux
13 étaient couverts d'huile, d'un genre d'huile noire. Je lui ai
14 demandé ce qui était arrivé.
15 Q. : Qu'a t-il répondu ?
16 R. : Il a répondu "Ne demande pas". Il était rigide de peur. Il était dans
17 un état horrible.
18 Q. : Qu'avez-vous vu sur le sol à l'entrée des WC ?
19 R. : J'ai vu des flaques de sang récemment lavées.
20 Q. : M. Kenjar, après votre retour dans votre salle et la fin de
21 l'incident, avez-vous voulu marquer la mémoire de votre ami Jasko
22 Hrnic ?
23 R. : Oui, après un certain temps je me suis assis à la table où Jasko
24 avait l'habitude de s'asseoir et j'ai réfléchi. Je me suis dit que
25 Jasko nous avait quitté, qu'il n'était plus parmi nous et j'ai alors
Page 4224
1 écrit sur le mur "18 juin, 19 heures".
2 M. TIEGER : Mme la Présidente, peut-on appeler Z3 58-8 ? (Au témoin) : M.
3 Kenjar voit-on sur la photographie qui figure maintenant sur
4 l'écran, en bas à droite de la photo, la date que vous avez écrite
5 sur le mur dans votre salle ?
6 R. : Oui, c'est la date.
7 Q. : Que voit-on écrit à côté de la date "18 juin", juste à droite ?
8 R. : "19 heures".
9 Q. : Est-ce l'heure à laquelle vous avez écrit cela ?
10 R. : Oui, c'est l'heure à laquelle j'ai écrit cette inscription.
11 Q. : Combien de temps après la fin de l'incident l'avez-vous inscrite ?
12 R. : Une heure environ.
13 Q. : Le nom "Kasko" qui est écrit à gauche de cette date, savez-vous qui
14 l'a écrit ?
15 R. : Oui, c'est Jasko ... Il l'a écrit lui-même.
16 Q. : La date qui figure au-dessus, savez-vous à quoi elle se réfère
17 spécifiquement ?
18 R. : Je ne sais pas. Jasko a peut-être enregistré la naissance de son
19 enfant ou quelque chose du genre. Je ne me souviens pas.
20 Q. : Ou peut-être la date à laquelle il est arrivé dans le local ?
21 R. : Peut-être. Je ne pense pas. Je ne pense pas ... Je pense que ce
22 n'était pas la date de naissance de son fils. La naissance est venue
23 plus tard. Ce pourrait être la date de son arrivée dans cette pièce.
24 Q. : Jasko écrivait-il souvent la date de naissance de son fils ?
25 R. : Oui, partout, sur le sol, sur la table, sur les murs. Il parlait
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1 constamment de son fils.
2 M. TIEGER : Mme la Présidente, je verse la photographie comme la pièce à
3 conviction 259.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?
5 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 259 est admise.
7 M. TIEGER : Je n'ai pas d'autres questions.
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire, M. Wladimiroff ?
9 M. WLADIMIROFF : Oui.
10 Contre-interrogatoire par M. WLADIMIROFF
11 Q. : M. Kenjar, la première question que je veux vous poser porte sur vos
12 expériences durant le conflit en général. Combien de temps avez-vous
13 séjourné à Omarska ?
14 R. : Environ 70 jours.
15 Q. : Vous avez ensuite été transféré à un autre camp ?
16 R. : Oui.
17 Q. : Combien de temps y êtes-vous resté ?
18 R. : Jusqu'au 13 décembre 1992.
19 Q. : Combien de jours, de mois ou de semaines avez-vous séjourné dans cet
20 autre camp ?
21 R. : Je n'ai pas compté les jours. Je n'étais pas en état.
22 Q. : Mais de toute manière, vous avez quitté ce camp en décembre 1992 ?
23 R. : Exact.
24 Q. : Vous nous avez aussi raconté ce matin vos expériences avant votre
25 arrivée à Omarska n'est-ce pas ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Il s'agissait d'événements exceptionnels que vous n'aviez jamais
3 vécus auparavant et en 1992 vous aviez environ 22 ans n'est-ce pas ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Avez-vous eu l'occasion de partager ces expériences horribles avec
6 d'autres, des parents ou des amis ?
7 R. : Je ne comprends pas la deuxième partie de la question.
8 Q. : Avez-vous eu l'occasion de partager toutes ces expériences horribles
9 avec d'autres, d'en parler avec vos parents ou avec vos amis ?
10 R. : Non, jamais.
11 Q. : Je ...
12 R. : J'essayais de l'oublier, de l'effacer, de ne pas y penser. J'en
13 parlais très peu, pratiquement à personne. Si je n'étais pas ici je
14 n'en parlerais toujours probablement pas. Ce camp et tous ces crimes
15 ne sont pas des événements dont je tiens à me souvenir. Je ne veux
16 pas m'en souvenir et après ce procès, j'essayerais d'oublier, de ne
17 pas m'en rappeler, de ne pas me souvenir de ces événements et de
18 tout ce qui s'est passé.
19 Q. : Je comprends M. Kenjar que vous hésitiez à partager vos expériences
20 avec d'autres mais tout en n'en parlant pas, vous pouvez avoir été
21 intéressé par des rapports sur ces camps et les films faisant état
22 de vos souffrances parce que d'autres en ont parlé.
23 R. : Non. Entendre des histoires sur ces camps me rappellerait ces
24 événements et j'ai évité tout contact avec les gens qui parlaient de
25 ce camp. J'ai évité toutes ces discussions.
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1 Q. : Vous avez pu voir des émissions à la télévision ou même des films sur
2 ces camps. Avez-vous jamais vu des émissions ou même ces films qui
3 faisaient état de ces souffrances ?
4 R. : Non. Non, non. J'ai toujours évité de regarder ces événements puisque
5 je le avais vécus. Je ne voulais pas les regarder et me rappeler de
6 ces horreurs. Je voulais les éliminer de ma mémoire. Je ne veux pas
7 qu'on me les rappelle.
8 Q. : Avez-vous jamais entendu parler du film de Monika Gras sur le camp
9 d'Omarska ?
10 R. : Non.
11 Q. : Connaissant bien Tadic, comme vous dites, M. Kenjar, vous avez du
12 voir ses photos dans les journaux, magazines, à la télévision quand
13 il a été arrêté, jusqu'à la diffusion de ce procès, n'est-ce pas ?
14 R. : Oui, je l'ai vu à la télévision.
15 Q. : Avez-vous discuté avec d'autres à quoi il ressemble et sa démarche ?
16 R. : Non.
17 Q. : Avez-vous vu d'autres témoins à l'hôtel où vous séjournez
18 actuellement pour ce procès ?
19 R. : Oui.
20 Q. : M. Kenjar, vous nous avez parlé dans votre témoignage d'un incident à
21 l'église orthodoxe de Kozarac, n'est-ce pas ?
22 R. : Oui, je l'ai mentionné.
23 Q. : Vous nous avez dit que vous avez entendu parler de l'incident et que
24 vous en avez cherché mention dans le registre du poste de police de
25 Kozarac, n'est-ce pas ?
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1 R. : Oui, c'était le genre d'incident qui serait porté dans ce registre.
2 Ce n'était pas ... c'était un rapport sur les événements et sur le
3 personnel assigné à l'enquête.
4 Q. : Quand avez-vous entendu parler de cet incident avant de vérifier dans
5 le registre ?
6 R. : J'en ai entendu parler après, après puis j'ai feuilleté le registre
7 plus tard dans la soirée pendant que les autres dormaient.
8 Q. : Qu'entendez-vous par "après" ? Pouvez-vous nous donner un mois ?
9 R. : Non, non, plus tard ce soir là. Le soir où j'étais en fonction devant
10 le poste de police, j'ai passé une heure à l'extérieur et une heure
11 à l'intérieur et pendant l'heure où je me suis trouvé à l'intérieur,
12 j'ai feuilleté les livres qui se trouvaient là.
13 Q. : Je ne parle pas des registres, M. Kenjar, je parle du moment où vous
14 avez entendu parler de l'incident. Pouvez-vous nous en donner une
15 date avant votre examen du registre ?
16 R. : Je ne me souviens pas du tout de la date.
17 Q. : Pouvez-vous nous indiquer le mois durant lequel vous avez entendu
18 parler de l'incident ?
19 R. : Non. Je sais que c'était durant l'été.
20 Q. : Etait-ce longtemps ou peu de temps avant l'attaque de Kozarac ?
21 R. : Peu de temps avant je pense.
22 Q. : Qui vous en a parlé ?
23 R. : Un de mes amis. On en parlait partout.
24 Q. : Qui était cet ami.
25 R. : Saban Jaskic.
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1 Q. : Pourquoi vous en a t-il parlé ?
2 R. : Lors d'une conversation il a mentionné quelque chose à cet égard mais
3 sans dire grand chose. Il n'osait pas en dire plus parce que ce qui
4 figurait sur ce registre était secret.
5 Q. : Je ne parle pas du livre, M. Kenjar. Je parle du moment où on vous a
6 parlé de l'incident. Vous a t-il expliqué pourquoi il vous en
7 parlait ?
8 R. : Pendant que nous parlions et je ne me souviens pas exactement de quoi
9 nous parlions mais il l'a mentionné pour que je vérifie plus tard si
10 c'était vrai, pour que je regarde dans le livre, dans le registre,
11 pour voir ce qui se passait. J'étais intéressé par ce qui y était
12 noté à plusieurs reprises.
13 Q. : Votre ami a t-il assisté en personne à l'incident ?
14 R. : Je ne pense pas, c'est possible mais je ne sais pas.
15 Q. : Il vous a donc raconté ce qu'il avait entendu dire ?
16 R. : Oui, il ne faisait que me le raconter.
17 Q. : Quand avez-vous regardé dans le registre, le même jour ou plus tard ?
18 R. : Plus tard, plus tard.
19 Q. : Quand était-ce ?
20 R. : Dans la soirée.
21 Q. : Le même jour ?
22 R. : Je m'excuse ?
23 Q. : Etait-ce le même jour ?
24 R. : Non, non c'était plus tard.
25 Q. : Etait-ce le lendemain ou le jour même où on vous a parlé de
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1 l'incident ?
2 R. : Non, c'était plus tard, un certain intervalle s'était écoulé.
3 Q. : A quelle heure votre ami vous a t-il fait part de l'incident ?
4 R. : Il m'en a parlé avant que je regarde dans le registre.
5 Q. : Je comprends. Pouvez-vous nous donner une heure ? Etait-ce le matin,
6 l'après-midi ou le soir que votre ami vous en parlé ?
7 R. : Je crois que c'était le soir.
8 Q. : Avez-vous regardé dans le registre le même soir ou le lendemain soir
9 ?
10 M. TIEGER : Je fais opposition. La question a été posée et il y a été
11 répondu deux fois.
12 M. WLADIMIROFF : Je n'ai pas obtenu de réponse.
13 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne pense pas que vous ayez encore votre
14 réponse. Puis-je vous aider ?
15 M. WLADIMIROFF : S'il vous plaît.
16 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Voyons si nous pouvons au moins éclaircir ce
17 point. Un ami, M. Jaskic, vous a parlé de cet incident, est-ce exact
18 M. Kenjar ?
19 R. : Oui. Il a mentionné quelque chose. Il ne m'a pas donné de détail sur
20 ce qui s'était passé.
21 Q. : Puis, après que votre ami ait mentionné l'incident, vous avez examiné
22 le registre pour voir s'il y était fait mention des événements.?
23 R. : Oui, un peu plus tard.
24 Q. : Combien de temps après que votre ami vous ait parlé de l'incident
25 avez-vous regardé dans le registre ?
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1 R. : Je ne sais pas. Une semaine ou peut-être deux, quand j'y ai repensé
2 et je me suis trouvé seul, j'y ai repensé.
3 Q. : Vous avez été arrêté le 29 mai, est-ce exact ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Vous avez donc du examiner le registre avant cette date, n'est-ce pas
6 ?
7 R. : Oui, bien sûr.
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Poursuivez M. Wladimiroff.
9 M. WLADIMIROFF : Merci, Mme la Présidente. Quand vous avez examiné le
10 registre, y avez-vous lu la date de l'inscription ?
11 R. : Non, je ne pense pas. C'est possible mais je ne me souviens pas.
12 Q. : Etait-ce une écriture brève, de quelques lignes ou plus longue ?
13 R. : Elle était courte.
14 Q. : Etait-ce sur une page, sur deux, en partie sur une page et la suite
15 sur une autre ?
16 R. : C'était une petite partie de ce registre. C'était un livre de 60 par
17 40, assez grand et cette inscription ne couvrait qu'une très petite,
18 très petite partie de ce registre.
19 Q. : Elle ne couvrait donc pas une page, n'est-ce pas ?
20 R. : Oui, sur une page où se trouvaient aussi d'autres mentions mais
21 celles-ci étaient toutes très brèves.
22 Q. : Etait-ce sur la page de gauche ou celle de droite, M. Kenjar ?
23 R. : Je ne sais pas. Je pense que c'était celle de droite.
24 Q. : Si elle se trouvait à cet endroit, vous ne connaissez pas la date de
25 l'écriture. Vous rappelez-vous la teneur de cette écriture, ce
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1 qu'elle disait ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Et que disait-elle ?
4 R. : Que Dusko Tadic avait été aperçu à proximité de l'église avec
5 l'intention probable de l'incendier.
6 Q. : C'est tout ?
7 R. : C'est tout.
8 Q. : Vous êtes certain, rien d'autre ?
9 R. : Oui, j'en suis certain. Il se peut qu'il y ait eu quelque chose
10 d'autre mais c'était très court et c'est ce qui était écrit, la
11 personne qui se trouvait là ce soir ou ce jour là.
12 Q. : Savez-vous qui a porté la mention ?
13 R. : Non.
14 Q. : Avez-vous noté des suites de cet incident, par exemple, un rapport au
15 prêtre de cet église ?
16 R. : Non, il n'y avait pas de rapports dans le registre. Les rapports ne
17 figuraient pas au registre. Ils étaient rédigés séparément et soumis
18 au commandant, à Osme.
19 Q. : M. Kenjar, durant votre témoignage ce matin vous nous avez dit que
20 vous avez été arrêté après la prise de Kozarac dans un endroit
21 appelé Mostanica ?
22 R. : C'est exact, oui.
23 Q. : S'agit-il d'un village ou d'un hameau ?
24 R. : C'est un hameau, un village près du monastère de Mostanica, c'est là
25 que j'ai été arrêté.
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1 Q. : Connaissiez-vous déjà l'endroit ?
2 R. : Non.
3 Q. : Ce village a t-il des rues ?
4 R. : Je n'ai pas eu l'occasion d'y entrer.
5 Q. : Où avez-vous été arrêté alors ?
6 R. : A l'entrée même de Mostanica, à un monastère près du cimetière.
7 Q. : Etait-ce dans une rue, sur la route ou dans un champ ?
8 R. : C'était une route.
9 Q. : Une route ?
10 R. : Oui, une route revêtue.
11 Q. : Quelle distance sépare Mostanica de Bosanska Dubica ?
12 R. : Je ne sais pas, peut-être deux ou trois kilomètres, une petite
13 distance.
14 Q. : Mostanica est donc un endroit différent de Bosanska Dubica, est-ce
15 exact ?
16 R. : Oui, quelque chose comme cela mais tout fait partie de Bosanska
17 Dubica.
18 Q. : Etiez-vous jamais allé à Bosanska Dubica auparavant ?
19 R. : Oui.
20 Q. : Mostanica est-il un village qui fait partie de Bosanska Dubica ou
21 s'agit-il, en fait, d'un village distinct ?
22 R. : Cela ressemble à une partie d'un village. Je ne connaissais pas
23 l'endroit et je n'y suis pas resté longtemps.
24 Q. : Passons au camp d'Omarska.
25 R. : Oui.
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1 Q. : Vous nous avez dit que vous avez été détenu dans le hangar puis que
2 vous avez été transféré dans une salle plus petite au rez-de-
3 chaussée, vous en souvenez-vous ?
4 R. : Oui, je m'en souviens. Tout d'abord dans un local à l'étage puis j'ai
5 été transféré au rez-de-chaussée.
6 Q. : Une pièce qui selon vous était proche de l'escalier. Ce matin le
7 Procureur a donné aux Juges le chiffre représentant cette pièce
8 avant de vous le demander. Vous rappelez-vous du chiffre que le
9 Procureur a donné aux Juges ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Quel était ce chiffre ?
12 R. : A17.
13 Q. : Bien. Madame, messieurs de la Cour, je vais vous montrer une maquette
14 sans chiffres. J'aimerais que l'huissier montre ce plan au témoin et
15 en passe une copie au Procureur. Il s'agit, en fait, d'une copie de
16 130A sans les chiffres. J'ai une autre copie, Mme la Présidente.
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quel est le numéro de la pièce de la Défense
18 pour identification ?
19 M. WLADIMIROFF : D23. Pourriez-vous regarder ce plan et ...
20 R. : Oui.
21 Q. : ... le placer sur l'Elmo à votre droite, s'il vous plaît ? M. Bos va
22 vous aider. Peut-on placer l'ensemble du plan sur l'écran, s'il vous
23 plaît ? Merci. M. Kenjar, pouvez-vous désigner sur l'Elmo à votre
24 droite le local dans lequel vous vous trouviez ?
25 R. : Oui. (Le témoin désigne l'endroit sur le plan). Celle-ci.
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1 Q. : Bien. Pouvez-vous écrire "K" sur cet endroit sur le plan avec un
2 crayon ?
3 R. : Oui. (Le témoin porte l'inscription sur le plan).
4 Q. : Merci. Il y a quelque temps M. Kenjar, on vous a montré une pièce à
5 conviction où apparaissait le nom de Jasko sur le mur. Vous en
6 souvenez-vous ?
7 R. : Je m'en souviens.
8 Q. : Vous nous avez dit avoir écrit la date du 18 juin sur ce mur n'est-ce
9 pas ?
10 R. : Oui, c'est exact.
11 Q. : L'événement dont vous parliez aurait donc eu lieu le 18 juin, n'est-
12 ce pas ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Vous faisiez référence à ce que vous aviez entendu, les hurlements
15 etc. et au fait que vous aviez vu Dusko Tadic ce jour là, est-ce
16 exact ?
17 R. : Pourriez-vous répéter la question ?
18 Q. : Quand vous parlez de l'incident, il s'agit de l'incident concernant
19 Jasko Hrnic n'est-ce pas, ce que vous avez entendu ?
20 R. : Oui, c'est exact.
21 Q. : Et c'est ce même jour que vous avez vu Dusko Tadic, n'est-ce pas ?
22 R. : C'est exact.
23 Q. : Le Procureur vous a demandé si vous aviez vu Dusko Tadic à Omarska le
24 16 juin 1992, vous avez confirmé ...
25 M. TIEGER : Je fais opposition. La question n'a pas été posée.
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1 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ?
2 M. WLADIMIROFF : Nous allons de nouveau examiner nos notes. D'après mes
3 notes, la date a été soumise au témoin qui l'a confirmée.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je dois admettre que je ne me souviens pas. Je
5 vais voir avec les autres juges. Je me souviens qu'il a dit l'avoir
6 vu dans le couloir à l'extérieur de la salle A17.
7 M. WLADIMIROFF : C'est exact et, en fait, l'Accusation a suggéré la date
8 au témoin et le témoin l'a simplement confirmée.
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous dites que c'était le 16 juin ?
10 M. WLADIMIROFF : C'était le 16 juin.
11 M. WLADIMIROFF : En fait, Mme la Présidente, nous pouvons formuler
12 autrement la question si cela prend trop de temps à retrouver.
13 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'allais essayer de voir si nous pouvons situer
14 ce passage, la question, pour déterminer la date. Puis je voulais
15 vous demander quelle importance cela présentait et vous demander
16 ensuite si nous pouvions parler de l'importance ...
17 M. WLADIMIROFF : Je suis parfaitement satisfait Mme la Présidente.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : ... en dehors de la présence du témoin, si vous
19 le voulez, ou de la façon qui vous convient.
20 M. WLADIMIROFF : Nous pouvons formuler autrement la question pour éviter
21 les problèmes.
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien.
23 M. WLADIMIROFF (Au témoin) : M. Kenjar, pour revenir sur cette date sur le
24 mur, le 18 juin, comme vous venez de témoigner il y a une minute,
25 c'était le jour où l'événement s'est déroulé, la date où vous avez
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1 aussi vu Dusko Tadic, est-ce exact ?
2 R. : Correct.
3 Q. : Si une autre date vous était proposée, elle serait erronée n'est-ce
4 pas ?
5 R. : Oui, je pense que c'est la date correcte. Quand je l'ai écrite j'ai
6 demandé à plusieurs des personnes autour de moi quelle était la date
7 ce jour là.
8 Q. : Merci. Examinons maintenant ce que vous avez vu ce jour là. Vous nous
9 avez dit ce matin que vous avez vu Tadic dans le couloir, est-ce
10 exact ?
11 R. : C'est exact.
12 Q. : Ai-je raison de dire donc que vous n'étiez pas dans votre salle ?
13 R. : C'est exact. Je n'y étais pas. Je n'étais pas dans la pièce quand je
14 l'ai vu.
15 Q. : Pourquoi étiez-vous dans le couloir ?
16 R. : J'allais aux toilettes.
17 Q. : Quelle distance avez vous couvert dans la direction des toilettes
18 avant de rebrousser chemin ?
19 R. : Je me trouvais derrière ces armoires qui étaient là.
20 Q. : Aviez-vous besoin d'une autorisation pour quitter votre pièce ?
21 R. : Non, à ce moment là nous pouvions nous déplacer.
22 Q. : Quelqu'un se tenait-il dans l'entrée de votre salle pour la garder ?
23 R. : Comment pensez-vous ... que voulez-vous dire, y avait-il un garde
24 armé ou l'un d'entre nous ?
25 Q. : Y avait-il un garde, pas quelqu'un d'entre vous, à la porte ou à
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1 l'extérieur pour garder cette pièce ?
2 R. : Oui.
3 Q. : Pouviez-vous passer devant lui sans expliquer ce que vous alliez
4 faire ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Vous pouviez donc simplement sortir de votre pièce et déambuler à
7 loisir ?
8 R. : Oui, jusqu'aux toilettes et retour. Cette partie du hangar, toutes
9 les salles à l'étage, je ne pouvais pas y aller et ne pouvais pas
10 ... Vous deviez demander et parfois vous pouviez aller aux toilettes
11 et d'autres fois pas. Cela dépendait des gardes de service, de quel
12 tour de garde il s'agissait et de leur état d'esprit. Parfois ils
13 nous enfermaient dans une pièce et ne nous permettaient pas d'aller
14 aux toilettes ou d'obtenir de l'eau. Nous ne pouvions rien faire.
15 Nous devions garder le silence, nous ne pouvions même pas parler,
16 rien.
17 Q. : Qui se trouvait à l'extérieur de la porte le 18 juin quand vous avez
18 quitté la pièce pour aller aux toilettes ?
19 R. : Vous parlez des gardes ?
20 Q. : Oui.
21 R. : Je ne me souviens pas qui était le garde.
22 Q. : Savez-vous de quel tour de garde il s'agissait ?
23 R. : Non, je ne m'en souviens pas.
24 Q. : Vous souvenez-vous s'il vous a donné la permission ou non ?
25 R. : Les autres sortaient, j'en ai fait autant. Je n'ai pas demandé la
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1 permission.
2 Q. : Etes-vous sorti seul de la pièce ou avec quelqu'un d'autre ?
3 R. : J'y suis allé seul.
4 Q. : Quelle heure était-il approximativement quand vous êtes allé aux
5 toilettes ?
6 R. : Environ une heure, une demi-heure avant les incidents.
7 Q. : Je comprends mais pouvez-vous nous préciser l'heure ?
8 R. : Je ne peux pas. C'était peut-être une heure ou une demi-heure, à peu
9 près.
10 Q. : Comment saviez-vous l'heure ? Vous n'aviez pas de montre, n'est-ce
11 pas ?
12 R. : Je connaissais l'heure approximative. A l'issue des incidents j'ai
13 demandé l'heure qu'il était et quelqu'un a répondu vers 18 heures
14 quand l'incident avec Jasko et Emir a pris fin. Et j'ai pensé que
15 cela pouvait être une heure ou une demi-heure avant cela.
16 Q. : Une fois sorti de votre salle vous marchiez dans le hall puis, comme
17 vous l'avez dit ce matin, vous avez vu Tadic, n'est-ce pas ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Etait-il seul ou accompagné d'autres personnes ?
20 R. : Il était seul.
21 Q. : Tout seul, vous n'avez vu personne d'autre ?
22 R. : Il se déplaçait, il venait de la direction de cette porte qui était
23 derrière lui.
24 Q. : De quel genre de porte s'agissait-il ?
25 R. : Les portes ... La grande porte du garage.
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1 Q. : La porte était-elle ouverte ou fermée ?
2 R. : La porte était ouverte.
3 Q. : Pouvez-vous vous munir d'un crayon, s'il vous plaît , s'il y en a un
4 ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Pouvez-vous inscrire sur le plan à côté de vous, où vous avez porté
7 la lettre "K", comment vous avez quitté la salle, en le marquant sur
8 la carte originelle à votre droite ...
9 R. : Oui.
10 Q. : ... sur cette machine, indiquez le chemin que vous avez pris et où
11 vous vous êtes arrêté ?
12 R. : (Le témoin porte les indications sur le plan).
13 Q. : Bien. Pouvez-vous indiquer sur la carte par un "T" l'endroit où vous
14 avez aperçu Dusko Tadic ?
15 R. : (Le témoin porte la mention sur le plan).
16 Q. : Pouvez-vous aussi indiquer par un "W" l'endroit où se trouvaient les
17 toilettes ?
18 R. : (Le témoin porte la mention sur le plan).
19 Q. : Merci.
20 R. : Je m'excuse, j'ai fait une erreur. Les toilettes se trouvaient près
21 de ces fosses.
22 Q. : Inscrivez un "W" puis un "2" à côté, un "W" suivi d'un "2". Non,
23 laissez-le. Merci. Vous nous avez dit ce matin que vous avez vu la
24 personne appelée Dusko Tadic en uniforme. Vous vous en rappelez ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Vous avez appartenu à la police, n'est-ce pas, en qualité de policier
2 de réserve avant le conflit ?
3 R. : Pouvez-vous répéter la question ?
4 Q. : Vous avez été policier de réserve avant l'incident n'est-ce pas ?
5 R. : Oui.
6 Q. : Vous connaissez donc la différence entre un uniforme de la police et
7 un uniforme de l'armée ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Quel type d'uniforme Dusko Tadic portait-il ce jour là ?
10 R. : L'uniforme de camouflage de l'armée.
11 Q. : Pouvez-vous nous dire quelles sont les couleurs de cet uniforme ?
12 R. : Je le répète, une tenue camouflée.
13 Q. : Mais je vous pose de nouveau la question, pouvez-vous nous dire
14 quelles étaient les couleurs de cet uniforme, de cette tenue
15 camouflée ?
16 R. : C'est un mélange de vert, de bleu de toutes sortes de couleurs
17 mélangées.
18 Q. : Avez-vous jamais vu un uniforme de la police aux couleurs mélangées,
19 bleu et gris, du type tenue camouflée ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Cette personne que vous appelez Dusko Tadic portait-elle un de ces
22 uniformes gris-bleu ou un de ceux de couleurs différentes que vous
23 venez de décrire ?
24 R. : Non, celui que j'ai décrit auparavant, l'uniforme de l'armée ?
25 Q. : Aviez-vous jamais vu Dusko Tadic porter un tel uniforme auparavant ?
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1 R. : Non.
2 Q. : Vous nous avez aussi dit que Tadic portait une barbe de plusieurs
3 jours ?
4 R. : Oui, plutôt fournie.
5 Q. : Aviez-vous jamais vu Dusko Tadic porter une telle barbe auparavant ?
6 R. : Non.
7 Q. : M. Kenjar, vous nous avez parlé des prisonniers appelés de leurs
8 pièces et vous nous avez précisé qu'Emir Karabasic fut le premier
9 appelé. Vous en souvenez-vous ?
10 R. : Oui, je m'en souviens.
11 Q. : Où se trouvait Emir Karabasic quand il a été convoqué ?
12 R. : Il se trouvait à l'étage, dans cette pièce à l'étage au-dessus de
13 nous.
14 Q. : Si vous sortez de votre salle, celle que vous venez d'indiquer sur le
15 plan, deviez-vous franchir une porte ou non ?
16 R. : A la sortie de la salle où je me trouvais ?
17 Q. : Oui. Y avait-il une porte ?
18 R. : Oui, il y avait une porte à la sortie de la salle.
19 Q. :Cette porte était-elle généralement ouverte ou fermée ?
20 R. : Elle était parfois ouverte et parfois fermée. Elle était fermée le
21 soir.
22 Q. : Cela dépendait de quoi ? Pour quelle raison la porte était-elle
23 ouverte et quand l'était-elle ? Quelle était la politique à ce sujet
24 ?
25 R. : Cela dépendait de l'équipe montant la garde. Cela dépendait des
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1 gardiens en poste. Quand quelque chose se passait dans le couloir,
2 la porte était fermée.
3 Q. : Quand vous êtes allé aux toilettes, rien ne se passait dans le
4 couloir et j'imagine donc que la porte était ouverte, n'est-ce pas ?
5 R. : Vous voulez dire quand j'ai vu M. Tadic ?
6 Q. : C'est exact.
7 R. : Rien ne se passait. Tout était calme.
8 Q. : Quand vous avez entendu appeler Emir Karabasic, quelque chose se
9 passait au premier étage n'est-ce pas ?
10 R. : Rien ne se passait.
11 Q. : La porte de votre salle était-elle alors ouverte ou fermée ?
12 R. : Elle était fermée à ce moment là.
13 Q. : Imaginez-vous de nouveau en train de franchir votre porte, de
14 descendre les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée. Y a t-il des
15 portes pour accéder à l'escalier ?
16 R. : Oui, il y avait cette porte près de nous, une porte vitrée peinte en
17 rouge qui était aussi fermée la nuit et qui parfois était ouverte.
18 Q. : Vous deviez donc ouvrir cette porte avant d'entrer dans l'escalier
19 n'est-ce pas ?
20 R. : Oui, elle était ouverte la plupart du temps mais parfois elle était
21 fermée. Cela dépendait de l'équipe de garde.
22 Q. : Etait-ce la même politique ? Elle était fermée durant les incidents
23 et ouverte autrement ?
24 R. : Cela arrivait.
25 Q. : Sur l'escalier débouchant au rez-de-chaussée y avait-il également des
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1 portes ?
2 R. : Non, il y en avait une avant, pendant que nous étions encore dans
3 cette pièce à l'étage, des gardes s'y tenaient mais par la suite ils
4 sont tous descendus dans ce hangar et il y avait des gardes dans ce
5 hangar de sorte qu'il n'y en avait pas du tout dans la cage
6 d'escalier.
7 Q. : Connaissez-vous la politique quant à l'ouverture des portes du
8 premier étage ?
9 R. : Non, je répète, cela dépendait du tour de garde. Parfois elles
10 étaient ouvertes et parfois fermées et je les ai franchies plusieurs
11 fois et parfois les portes étaient fermées.
12 Q. : Bien. Qu'avez-vous effectivement entendu quand vous dites "j'ai
13 entendu appeler Emir Karabasic" ?
14 R. : C'est exact.
15 Q. : Qu'avez-vous entendu ? Pouvez-vous nous le répéter ? Pouvez-vous nous
16 dire ce que vous avez entendu ?
17 R. : J'ai entendu appeler Emir Karabasic.
18 Q. : De votre salle au rez-de-chaussée, vous avez entendu ce qui était dit
19 devant la salle où se trouvait Emir Karabasic au premier étage,
20 c'est bien ce que vous nous dites ?
21 R. : J'étais alors dans la pièce et dans cette pièce j'ai entendu Emir
22 Karabasic être appelé, pas devant ma salle.
23 Q. : L'Accusation vous a interrogé ensuite à propos de Jasko Hrnic et vous
24 nous avez dit qu'il avait aussi été convoqué mais qu'il se trouvait
25 dans votre salle n'est-ce pas ?
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1 R. : Personne ne m'a rien demandé. Ils cherchaient Jasko Hrnic et personne
2 ne m'a rien demandé.
3 Q. : J'ai dit que l'Accusation vous a interrogé aujourd'hui à propos de
4 Jasko Hrnic et vous avez répondu qu'il avait été aussi appelé de son
5 local ?
6 R. : Oui, c'est exact.
7 Q. : Puis on vous a demandé si vous avez entendu d'autres détenus être
8 convoqués et vous avez répondu "je n'en ai pas entendu d'autres être
9 appelés". Vous en souvenez-vous ?
10 R. : Non. Ils appelaient des détenus, ils ont appelé Eno Alic.
11 Q. : Par la suite, vous avez bien en effet, dit à l'Accusation que Enver
12 Alic avait aussi été convoqué, c'est exact, mais vous rappelez-vous
13 avoir dit d'abord que vous ne vous en souveniez pas, que vous n'en
14 avez pas entendu d'autres être appelés ?
15 R. : Avant cela je n'ai pas entendu qui que ce soit être appelé. J'ai
16 entendu ces trois là être convoqués.
17 Q. : Dites-nous dans quelle salle se trouvait Enver Alic ?
18 R. : Dans la même salle.
19 Q. : La même salle que qui ?
20 R. : Avec Emir Karabasic.
21 Q. : Au premier étage donc ?
22 R. : C'est exact.
23 Q. : Il a été appelé, si je comprends bien ...
24 R. : Exact.
25 Q. : ... après que Emir Karabasic et Jasko Hrnic aient été appelés, est-ce
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1 exact ?
2 R. : Oui, Enver Alic a été appelé après Emir Karabasic et Jasko Hrnic.
3 Q. : Quand Emir Karabasic a été appelé, avez-vous entendu quelque chose ?
4 R. : Oui.
5 Q. : Pensiez-vous alors qu'un incident se déroulait ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quand Jasko Hrnic a été appelé, vous avez du penser que la situation
8 s'aggravait ?
9 R. : Oui. C'était constamment ainsi, horrible, anormal.
10 Q. : Ai-je donc raison de penser que votre porte devait sûrement être
11 fermée, la porte de votre pièce et celle au premier étage, parce que
12 c'était la politique n'est-ce pas ?
13 R. : La porte de notre salle était fermée jusqu'à ce qu'ils viennent à la
14 porte, qu'ils l'ouvrent et qu'ils appellent Jasko. Il est sorti et
15 la porte a été refermée.
16 Q. : De l'endroit où vous vous trouviez dans la salle vous ne pouviez pas
17 voir la porte, vous ne pouviez pas voir dans le couloir à travers la
18 porte n'est-ce pas ?
19 R. : Je ne pouvais pas voir. J'ai vu la porte quand elle était fermée la
20 première fois. Quand elle était ouverte on le savait à cause du
21 bruit et quand Jasko a été appelé dehors.
22 M. WLADIMIROFF : Pas d'autres questions Mme la Présidente.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
24 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. M. Kenjar, la pièce derrière la
25 porte vitrée qui menait à l'escalier était-elle remplie de
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1 prisonniers ?
2 R. : Oui, elle l'était.
3 Q. : Qu'en était-il de l'escalier proprement dit, était-il plein de
4 prisonniers ?
5 R. : Il était parfois plein avec un ou deux prisonniers assis ou debout
6 sur chaque marche. Certains étaient même parfois allongés sur les
7 marches.
8 Q. : Savez-vous s'il y avait ou non des armoires de rangement dans cette
9 salle ?
10 R. : Oui, à l'entrée, à l'entrée de l'escalier il y avait des étagères,
11 des placards de rangement des deux côtés. Il y avait des placards à
12 droite et à gauche.
13 Q. : Y avait-il des prisonniers sur ces armoires ?
14 R. : Oui, un ou deux peut-être.
15 Q. : Quand des gardes ou des soldats voulaient appeler des prisonniers qui
16 se trouvaient à l'étage, entraient-ils dans la pièce et
17 traversaient-ils le groupe de prisonniers puis montaient-ils les
18 escaliers pour appeler ces détenus ou les appelaient-ils d'en bas ?
19 R. : Non, ils appelaient de la porte d'entrée puis le nom était répété.
20 Q. : Permettez-moi de vous poser une nouvelle question. Voyez-vous Dule
21 Tadic dans le prétoire aujourd'hui ?
22 M. WLADIMIROFF : Je fais opposition, Mme la Présidente. La question ne se
23 découle pas du contre-interrogatoire.
24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?
25 M. TIEGER : Tout d'abord Mme la Présidente, s'il faut reprendre
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1 l'interrogatoire nous le ferons. Ensuite la question de savoir qui
2 il a vu a été soulevée.
3 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, la question de savoir qui il a
4 vu a été soulevée. C'est indéniable. Vous lui avez demandé s'il
5 avait vu M. Tadic, où il l'avait vu, si c'était le 16 que M. Kenjar
6 avait écrit le nom, la date plutôt concernant M. Hrnic et à quelle
7 date c'était par rapport au moment où il a vu M. Tadic. C'est
8 certain.
9 M. WLADIMIROFF : Absolument, Mme la Présidente en ce qui concerne la date
10 mais je n'ai pas soulevé la question de l'identité.
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je rejette votre opposition, M. Wladimiroff. M.
12 Tieger ?
13 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. (Au témoin) : M. Kenjar, voyez vous
14 Dule Tadic ici dans le prétoire aujourd'hui ?
15 R. : Oui, bien sûr.
16 Q. : Pouvez-vous le désigner s'il vous plaît et nous dire ce qu'il porte ?
17 R. : Il est là. Un costume vert.
18 Q. : Merci. Le procès-verbal peut-il mentionner l'identification de
19 l'accusé ?
20 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Le procès-verbal mentionnera que le témoin
21 a identifié l'accusé.
22 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. Pas d'autres questions.
23 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ?
24 M. WLADIMIROFF : Pas d'autres questions, Mme la Présidente.
25 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Juge Stephen ?
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1 JUGE STEPHEN : J'aimerais vous poser quelques questions monsieur sur les
2 forces de réserve de la police. Quelles étaient vos qualifications
3 pour devenir policier de réserve ? Avez-vous été sélectionné d'une
4 certaine façon ?
5 R. : Je ne sais pas. Je ne connais pas la procédure. Je n'avais aucun
6 ordre en cas de guerre. Je ne sais pas à propos de l'armée. J'étais
7 avec les bleus, avec la police.
8 Q. : Avez-vous reçu une formation spécifique de policier de réserve ? Je
9 pose cette question parce que nous avons beaucoup entendu parler des
10 policiers de réserve. Ce n'est pas vous qui m'intéressez
11 particulièrement. Avez-vous reçu une formation ?
12 R. : Non.
13 Q. : Etiez-vous rémunéré ?
14 R. : C'était payé mais nous n'avons jamais reçu de salaire. Il n'y avait
15 pas de fonds.
16 Q. : Combien de temps avez-vous été policier de réserve ?
17 R. : Environ cinq ou six mois.
18 Q. : Quel uniforme portiez-vous en tant que policier de réserve ? Etait-ce
19 le même uniforme que la police régulière ?
20 R. : Non, nous portions les uniformes d'hiver.
21 Q. : Qui étaient différents de ceux de la police régulière ?
22 R. : Ils étaient semblables. La police régulière avait aussi le même genre
23 d'uniformes sauf que nous avions ceux d'hiver.
24 Q. : Quels étaient vos pouvoirs ? Vos pouvoirs d'arrestation, par exemple,
25 étaient-ils les mêmes que ceux de la police régulière ?
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1 R. : Non.
2 Q. : En quoi différaient-ils ?
3 R. : Si nous remarquions quelque chose ou quelqu'un, nous devions appeler
4 le poste de police de Kozarac, certains policiers actifs qui s'y
5 trouvaient et ils prenaient la suite.
6 Q. : En dehors de vos pouvoirs, quelles étaient vos fonctions ? Aviez-vous
7 un horaire régulier de service ?
8 R. : Oui, nous avions des tours de service, un, deux et trois. Durant les
9 deux premiers jours, le premier tour allait de 6 à 15 heures puis le
10 deuxième et ensuite le troisième.
11 Q. : La fonction de policier de réserve a t-elle été spécifiquement créée
12 pour les cas d'urgence en ex-Yougoslavie ou ces forces de réserve de
13 la police ont-elles toujours existé ?
14 R. : Elles ont toujours existé mais elles étaient rarement activées,
15 seulement dans des situations extraordinaires.
16 Q. : Par conséquent, durant vos mois de service comme policier de réserve,
17 la situation nécessitait l'activation de ces forces de réserve
18 n'est-ce pas ?
19 R. : Oui.
20 JUGE STEPHEN : Merci.
21 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai seulement quelques questions et certaines
22 se rapportent à celles que vient de vous poser le juge Stephen. Je
23 crois comprendre, M. Kenjar, que vous avez travaillé comme policier
24 de réserve pendant cinq à six mois, est-ce exact ?
25 R. : Oui, cinq ou six.
Page 4251
1 Q. : Vous n'avez pas continué à travailler comme charpentier durant cette
2 période ?
3 R. : J'ai travaillé.
4 Q. : Deviez-vous vous présenter au poste à Kozarac quand vous étiez de
5 service ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Vous vous présentiez au commissariat central de Kozarac, est-ce exact
8 ?
9 R. : Oui, et je travaillais. Je n'ai jamais été absent de mon emploi.
10 Q. : Le poste de police de Kozarac était-il votre affectation ?
11 R. : J'étais chargé de la sécurité du poste de police de Kozarac devant le
12 poste même.
13 Q. : Vos fonctions consistaient donc à rester à l'extérieur du poste de
14 police de Kozarac pendant ces cinq ou six mois, est-ce exact ?
15 R. : Non ... La durée a été plus courte.
16 Q. : Plus courte ? Plus courte que cinq ou six mois ?
17 R. : Oui, je n'étais pas là tout le temps. J'ai passé moins de temps
18 devant ce poste de police. C'est seulement que j'étais là de temps
19 en temps.
20 Q. : Avez-vous jamais travaillé à l'intérieur du poste de police ?
21 R. : Non, sauf durant les arrêts de travail quand ....Oui, je passais une
22 heure à l'extérieur et une heure à l'intérieur.
23 Q. : Quel était le nom de ce livre sur lequel vous avez vu l'écriture
24 relative à l'incident à l'église orthodoxe serbe ?
25 R. : C'est un registre qui s'appelait Knjiga Prijava. C'était un livre
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1 assez grand qui était toujours là sur la table près du téléphone.
2 Q. : Pourquoi dites-vous qu'il était top secret ?
3 R. : Parce que toutes sortes de choses y étaient mentionnées sur les
4 diverses plaintes, pour protéger l'identité du coupable ou, plutôt,
5 du plaignant. C'était secret.
6 Q. : Une personne particulière était-elle chargée des écritures dans ce
7 livre ?
8 R. : La personne de service au poste était celle qui prenait ces notes et
9 ils travaillaient aussi sur la base des trois postes.
10 Q. : Par conséquent, le policier de service durant ce poste particulier
11 était chargé de porter les écritures relatives aux incidents
12 criminels potentiels, est-ce exact ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Quand avez-vous vu ce registre pour la dernière fois ?
15 R. : Je l'ai vu durant la guerre.
16 Q. : Après votre départ d'Omarska ?
17 R. : Non. Avant Omarska, avant mon arrestation.
18 Q. : Savez-vous ce qu'il est advenu de ce registre ?
19 R. : Il était autrefois sur la table.
20 Q. : Vous ne savez pas où il se trouve maintenant.
21 R. : Non, je ne sais pas. Je ne sais pas.
22 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, avez-vous d'autres questions ?
23 M. TIEGER : Une seule, Mme la Présidente.
24 Nouvel interrogatoire par M. TIEGER
25 Q. : Vos autres fonctions dans la réserve étaient celles d'agent de la
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1 circulation ?
2 R. : Oui.
3 M. TIEGER : C'est tout ce que je voulais éclaircir.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ?
5 M. WLADIMIROFF : Pas d'autres questions, Mme la Présidente.
6 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. S'oppose-t-on à ce que M. Kenjar soit
7 dispensé définitivement, M. Wladimiroff
8 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.
9 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kenjar, vous êtes dispensé définitivement.
10 Vous pouvez partir et vous êtes libre de partir maintenant. Merci
11 beaucoup d'être venu.
12 LE TEMOIN : Je vous en prie.
13 (Départ du témoin)
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons maintenant suspendre l'audience
15 pendant 20 minutes. A moins qu'il y ait un point à examiner, nous
16 préférerions reprendre avec le témoin. Très bien. Nous allons
17 suspendre l'audience 20 minutes.
18 (15 heures 54)
19 (Brève suspension d'audience)
20 (16 heures 15)
21 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, voulez-vous appeler le témoin suivant
22 ?
23 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. Le témoin suivant est Mehmed Alic.
24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, voulez-vous verser au dossier la
25 pièce 23 de la Défense ?
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1 M. WLADIMIROFF : Oui, vous avez parfaitement raison, Mme la Présidente.
2 J'ai oublié de la verser. J'aimerais la verser, si vous le
3 permettez, comme marquée pour identification.
4 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Fait-on opposition à la pièce 23 de la
5 Défense ?
6 M. TIEGER : Non, Mme la Présidente.
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pensez qu'il est trop tard maintenant parce
8 que le témoin est parti ! Ce n'est que du nettoyage.
9 M. TIEGER : Si vous le dites.
10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?
11 M. TIEGER : Non.
12 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. La pièce 23 de la Défense est admise. Je
13 remarque qu'il y a eu un changement dans l'ordre des témoins. Est-ce
14 exact ? Est-ce que je comprends correctement le changement dans
15 l'ordre ?
16 M. TIEGER : C'est exact, Mme la Présidente.
17 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La Défense est au courant ? Très bien. Monsieur,
18 voulez-vous lire le serment qui est devant vous ?
19 Appel de Mehmed Alic à la barre
20 LE TEMOIN (Interprétation) : Je déclare solennellement dire la vérité,
21 toute la vérité, rien que la vérité
22 (Prestation de serment du témoin)
23 Interrogatoire par M. TIEGER
24 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, vous pouvez commencer.
25 M. TIEGER : Merci, Mme la Présidente. Monsieur, pouvez-vous décliner votre
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1 identité ?
2 R. : Je m'appelle Alic Mehmed, fils d'Aga.
3 Q. : M. Alic, quelle est votre date de naissance ?
4 R. : Le 27 mars 1923.
5 Q. : Et votre lieu de naissance ?
6 R. : Le village de Kamicani, dans la municipalité de Prijedor.
7 Q. : Avez-vous vécu en cet endroit toute votre vie jusqu'au conflit de
8 1992 ?
9 R. : Oui, nous avons toujours habité là jusqu'en 1992.
10 Q. : Quelle est votre nationalité ?
11 R. : Musulman.
12 Q. : Quelle profession exerciez-vous à Kamicani ?
13 R. : J'étais fermier et exploitant forestier.
14 Q. : Avez-vous élevé votre famille à Kamicani ?
15 R. : Oui, j'avais une femme et six enfants.
16 Q. : Comment s'appelaient-ils ?
17 R. : Hatemina, Enver, Envera, Sedika, Ekrem et Nasiha.
18 Q. : J'ai du mal avec l'interprétation. Le nom d'un de vols fils était
19 Enver et vous aviez une fille du nom de Envera, est-ce exact ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Quel était le surnom d'Ekrem ?
22 R. : "Aka".
23 Q. : Mon erreur, quel était le surnom d'Enver ?
24 R. : "Eno".
25 Q. : Quelles sont les années de naissance d'Enver et de Ekrem ?
Page 4256
1 R. : Enver est né en 1948 et Ekrem en 1955.
2 Q. : Quelles étaient leurs professions ?
3 R. : Ils étaient tous les deux chauffeurs. Enver travaillait dans une
4 compagnie en Croatie et l'autre avec moi parce que j'avais un
5 tracteur, un camion et aussi des chevaux et ...
6 Q. : M. Alic, connaissiez-vous la famille Tadic ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Connaissez-vous Dule Tadic ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Connaissiez-vous son père ?
11 R. : Oui.
12 Q. : Etiez-vous tous les deux à peu près de la même génération ?
13 R. : Oui.
14 Q. : Comment s'appelait son père ? Ce n'est pas important si vous avez
15 oublié ?
16 R. : Je le sais mais cela m'échappe pour l'instant.
17 Q. : Je comprends que vous soyez un peu tendu. Quelles étaient vos
18 relations avec le père de Dule Tadic ?
19 R. : Il me connaissait très bien. Quand je me rendais en forêt, le matin,
20 il s'appuyait contre la barrière et me disait "bonjour" et me
21 demandait comment j'allais. J'ai toujours eu de bons chevaux et il
22 les admirait et remarquait comme je travaillais dur.
23 Q. : Etait-ce typique des relations entre les Serbes et les Musulmans à
24 l'époque ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : L'un de vos fils était-il approximativement du même âge que Dule
2 Tadic ?
3 R. : Oui, Ekrem, mon Ekrem est né en 1955.
4 Q. : Est-ce que Ekrem ou Enver connaissait Dule ?
5 R. : Tous les deux le connaissaient. Ils buvaient ensemble à la même
6 table, allaient écouter de la musique et à toutes sortes d'endroits.
7 Q. : Connaissez-vous Dule Tadic depuis son enfance ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Je voudrais vous interroger maintenant sur des événements qui ont eu
10 lieu après l'attaque de Kozarac. Tout d'abord, vous rappelez-vous
11 quand elle a commencé ?
12 R. : L'attaque a commencé le 24 mai 1992.
13 Q. : A peu près vers quelle heure ?
14 R. : Vers 13 ou 14 heures.
15 Q. : Où vous trouviez-vous à ce moment là ?
16 R. : Chez moi à Kamicani.
17 Q. : Avec qui étiez-vous ?
18 R. : J'étais avec ma femme, ma fille et mes petites-filles, mes petits
19 enfants.
20 Q. : Après l'attaque êtes-vous allé à Mujici avec les membres de votre
21 famille ?
22 R. : Nous sommes tout d'abord allés à Softici.
23 Q. : Etes-vous ensuite allés à Mujici.
24 R. : Puis à Mujici.
25 Q. : Etes-vous restés à Mujici jusqu'au 26 mai ?
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1 R. : Jusqu'au matin du 26 mai.
2 Q. : Durant cette matinée, avec les autres membres de votre famille, avez-
3 vous ...
4 R. : Nous sommes partis vers Kozarac.
5 Q. : Etait-ce avec l'intention de vous rendre aux forces serbes ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Comment vous êtes-vous rendus à Kozarac ?
8 R. : Les vieillards et les enfants ... nous avons pris des tracteurs et y
9 avons placé les vieillards, les enfants et les femmes et nous sommes
10 allés à Kozarac en tracteur.
11 Q. : Les plus jeunes et les plus forts y sont-ils allés à pied ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Quand vous avez atteint Kozarac, êtes-vous ainsi que les autres
14 personnes âgées descendus des tracteurs ?
15 R. : Oui.
16 Q. : Des colonnes de gens se sont-elles formées dans Kozarac pour
17 traverser la ville en vue de se rendre ?
18 R. : Oui.
19 Q. : Cela se passait-il dans la rue Marsala Tita ?
20 R. : Oui.
21 Q. : A Kozarac vous a-t-on fait monter dans un autocar ?
22 R. : A Krkici les personnes âgées, les femmes et les enfants sont montés
23 dans le car.
24 Q. : S'agissait-il d'un autocar ?
25 R. : Oui, nous étions dans le premier car. Je n'ai pas vraiment continué à
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1 regarder. Il y avait un car à ce moment là. D'autres sont arrivés
2 plus tard mais j'étais dans le premier.
3 Q. : Krkici se trouve t-il au croisement de l'ancienne route et de Marsala
4 Tita ?
5 R. : Oui.
6 Q. : L'autocar à bord duquel vous êtes monté avec les personnes âgées a-t-
7 il suivi la colonne de gens à pied qui se rendaient ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Dans quelle direction la colonne se rendait-elle ?
10 R. : Elle allait vers Prijedor.
11 Q. : La colonne a t-elle fini par s'arrêter ?
12 R. : Oui.
13 Q. : A quel endroit ?
14 R. : A Susici, près de Limenka.
15 Q. : Quelle est la distance par rapport au centre de Kozarac ?
16 R. : Environ un kilomètre et demi, deux kilomètres jusqu'à l'entrée de
17 Kozarusa puis environ deux kilomètres.
18 Q. : Vers quelle heure vous êtes-vous arrêté à Limenka ou à proximité ?
19 R. : 10 heures, 10 heures 30, vers cette heure là par rapport à notre
20 départ de Mujici.
21 Q. : Des forces serbes se trouvaient-elles à cet endroit ?
22 R. : Oui.
23 Q. : Que portaient ces forces serbes ?
24 R. : Elles portaient des tenues camouflées ainsi que des armes, des fusils
25 automatiques, des pistolets, des couteaux. Elles avaient des bombes
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1 aussi, des grenades.
2 Q. : Vous a-t-on ordonné ainsi qu'aux autres personnes âgées de descendre
3 du car ?
4 R. : Oui, nous sommes descendus du car.
5 Q. : Où avez-vous attendu avec les autres après être descendu du car ?
6 R. : A droite, sur le côté droit ... Le car s'est arrêté près de la route.
7 Q. : Avez-vous attendu au bord de la route avec les autres personnes âgées
8 ?
9 R. : Oui.
10 Q. : Les forces serbes séparaient-elles les hommes des femmes et des
11 enfants ?
12 R. : Oui.
13 Q. : Certains des hommes étaient-ils placés à bord des cars ?
14 R. : Oui.
15 Q. : M. Alic, pendant que vous attendiez au bord de la route à Limenka,
16 avez-vous vu Dule Tadic ?
17 R. : Oui, j'ai vu Dule Tadic.
18 Q. : Où se trouvait-il quand vous l'avez aperçu ?
19 R. : Il passait à gauche à proximité du car. J'ai vu Milos Balte et
20 d'autres, des policiers que j'avais connu autrefois.
21 Q. : Vous rappelez-vous comment Dule était vêtu ce jour là ?
22 R. : Il portait une tenue camouflée. Ils étaient tous en uniforme de
23 camouflage. Certains des policiers actifs portaient peut-être des
24 uniformes de la police mais tous les autres portaient des tenues
25 camouflées.
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1 Q. : Etes-vous remonté à bord du même car avec les autres personnes âgées
2 ?
3 R. : Oui, le même car. On nous a fait monter à bord du même car.
4 Q. : Où vous a t-on emmené ensuite ?
5 R. : A Trnopolje.
6 Q. : A Trnopolje disait-on aux nouveaux arrivés que ceux qui avaient des
7 parents ou amis dans le voisinage pouvaient demeurer chez eux ?
8 R. : Oui.
9 Q. : Etes-vous allé avec votre famille demeurer chez un parent ou un ami ?
10 R. : Oui. La première maison près du camp, à l'est, appartenant à Ahmed
11 Balic.
12 Q. : Combien de personnes environ y demeuraient ?
13 R. : C'est une grande maison ... Il dit que plus de 50 personnes
14 demeuraient chez lui.
15 Q. : Pensez-vous que cette estimation est correcte d'après le nombre de
16 personnes que vous avez vues dans la maison ?
17 R. : Je pense que l'ordre de grandeur est probablement exact, peut-être
18 qu'il y en avait même plus mais il dit la vérité.
19 Q. : Quelle était la nationalité des gens demeurant dans la maison de M.
20 Balic ?
21 R. : Musulmans.
22 Q. : Aviez-vous suffisamment de nourriture ?
23 R. : Il y avait des vivres mais pas suffisamment. Il est à la retraite. Il
24 n'avait pas grand chose, pas autant que nous.
25 Q. : Avez-vous essayé d'obtenir un certificat de la croix-rouge serbe vous
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1 autorisant à quitter le secteur pour chercher des vivres ?
2 R. : Oui, j'ai obtenu un certificat de Donlagici.
3 Q. : Donlagici faisait-il partie de la commune de Kamicani ?
4 R. : Non.
5 Q. : Durant les deux semaines suivantes, n'êtes-vous pas allé chez vous à
6 Kamicani chercher de la nourriture ?
7 R. : Oui.
8 Q. : Avez-vous été témoin du nettoyage ethnique aux alentours de votre
9 maison ?
10 R. : Oui.
11 Q. : Que s'est-il passé ?
12 R. : Ils incendiaient les maisons et tuaient les habitants, ceux qui
13 étaient restés en arrière, les aveugles ou les vieillards qui
14 disaient "Nous ne sommes pas coupables, pourquoi devrions-nous
15 partir ? Nous ne sommes coupables de rien". Et ces personnes étaient
16 tuées.
17 Q. : Y avait-il un point de contrôle des forces serbes dans le secteur de
18 Kamicani ?
19 R. : Un poste ? C'était à Rodi Godina sur la route Prijedor/Banja Luka.
20 Q. : Avez-vous vu certains membres des forces serbes affectés à ce poste ?
21 R. : Quand je suis arrivé à ce point ... Quatre soldats serbes dans une
22 automobile m'ont rattrapé. Ils m'ont arrêté. Ils ont ouvert la porte
23 et m'ont demandé "Meho, où vas-tu ?" J'ai répondu que j'allais chez
24 moi chercher de la nourriture pour mes enfants affamés.
25 Q. : Vous ont-ils découragé d'y aller ?
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1 R. : Ils m'ont dit que des opérations de nettoyage ethnique avaient lieu
2 dans le voisinage. Ce n'est pas sûr m'ont-ils dit, c'est ton
3 initiative mais si tu es capturé ils te tueront. J'ai repris mon
4 chemin et ils m'ont dit "ne va pas au point de contrôle, ils ne te
5 laisseront pas passer" et c'était à une trentaine de mètres de
6 l'endroit où ils m'avaient rattrapé. Ils ont répété que des "choses
7 se passaient là haut".
8 Je regardais alentour et j'ai aperçu Milenko Zigic ainsi que Vinko
9 Kusota, Slavko Skondric, Milan Markovic et le gendre de Milan, Gojko
10 et d'autres que je ne connaissais pas. Mais ceux là je les
11 connaissais. Ils étaient mes voisins directs. Ils habitent à peu
12 près à un kilomètre et demi, deux kilomètres de chez moi. Je les
13 connais donc très bien.
14 Q. : Ces gens étaient ils armés et en uniforme ?
15 R. : Tout le monde était armé et en uniforme.
16 Q. : Quel type d'armes ?
17 R. : Des armes automatiques. Elles étaient toutes automatiques. Nous avons
18 un dicton "Ils étaient armés jusqu'aux dents".
19 Q. : Vous avez mentionné Vinko Kusota. Depuis combien de temps le
20 connaissez-vous ?
21 R. : Je le connais depuis toujours mais surtout depuis 1970. Vinko Kusota
22 a sauté d'un prunier et il s'est blessé avec un couteau. Je
23 transportais alors des cailloux à proximité et quand j'ai entendu
24 des cris je me suis rendu voir et j'ai vu le sang qui coulait. Il
25 était encore enfant et je l'ai transporté jusque chez moi. Je l'ai
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1 ensuite emmené à Kozarac puis à Prijedor. Là j'ai trouvé Drago
2 Konjovoda. Je le connaissais bien. Il avait une petite Fiat jaune et
3 je lui donné de l'argent et je l'ai supplié de l'emmener à Banja
4 Luka. Je le connais donc très bien.
5 Q. : M. Alic, lors de votre quatrième voyage pour chercher de la
6 nourriture à votre maison, des soldats serbes vous ont-ils arrêté,
7 capturé puis emmené à Omarska ?
8 R. : Oui.
9 Q. : A quelle date cela s'est-il passé ?
10 R. : Le 10 juin.
11 Q. : Où vous a-t-on d'abord emmené à votre arrivée à Omarska ?
12 R. : Ils nous ont tout d'abord mis sur la pista ... Non, tout d'abord ils
13 nous ont emmenés au quartier général. ... Il est monté au bureau.
14 Puis ils nous ont mis contre un mur. Nous tenions avec deux doigts.
15 Trois soldats serbes nous frappaient et nous harcelaient. L'un d'eux
16 est revenu et a dit "allez à la pista. Ils vous appelleront pour
17 l'interrogatoire".
18 Q. : Durant les sévices, vous a t-on frappé au visage et dans les parties
19 génitales ?
20 R. : Oui, j'ai d'abord était giflé puis on m'a frappé d'un coup de crosse
21 de fusil ici. Il m'a donné un coup de pied dans les parties parce
22 que nous devions garder les jambes écartées.
23 Q. : Où vous a t-on détenu après cela ?
24 R. : Ensuite j'étais sur la pista.
25 Q. : Combien de jours avez-vous été détenu sur la pista ?
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1 R. : J'y suis resté trois nuits et quatre jours.
2 Q. : Où avez-vous été détenu ensuite ?
3 R. : Dans la salle 15.
4 Q. : Etes-vous resté dans la salle 15, ou avez-vous été détenu dans la
5 salle 15 avant votre transfert à Manjaca ?
6 R. : Oui.
7 Q. : Quand cela s'est-il passé ?
8 R. : Ils m'ont emmené à Manjaca le 26 août.
9 Q. : Avez-vous dit le 26 août ? A quelle date avez-vous été transféré à
10 Manjaca ?
11 R. : Le 6 août. Le 26 nous sommes rentrés de Manjaca.
12 Q. : Comment décririez-vous les conditions à Omarska durant votre séjour ?
13 R. : Je peux à peine les décrire. Après tout ce que j'ai pu voir dans mes
14 73 ans ... En 1942 et en 1945 j'étais dans un camp. Mais celui-ci
15 était un véritable camp de la mort. Un camp est une chose et un camp
16 de la mort en est une autre et c'est difficile à imaginer.
17 Q. : Les prisonniers étaient-ils constamment appelés en dehors des salles
18 ?
19 R. : Oui, tout le temps.
20 Q. : Pour autant que vous sachiez, qu'arrivait-il à ces prisonniers ?
21 R. : Pour autant que je sache, des gens qui étaient emmenés dehors,
22 sauvagement battus et ils revenaient juste pour mourir. Ils les
23 ramenaient, les jetaient dans la pièce. Il y en a qui ont été
24 appelés et ne sont jamais revenus. A ce jour, on ne sait pas ce qui
25 leur est arrivé.
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1 Q. : Avez-vous jamais vu l'état de prisonniers incarcérés à la maison
2 blanche ?
3 R. : Oui. Un soir quand ils nous ont emmené pour nous laver au jet. Nous
4 étions nus dans la salle 15 et ils nous lavaient avec de l'eau
5 glacée et nous battaient. Ils ne nous lavaient pas vraiment. Ils
6 nous frappaient la tête et le visage et j'ai vu une vingtaine de
7 détenus venant de la maison blanche, dévêtus. Ils n'avaient plus
8 figure humaine. Ils ressemblaient à un mouton ou à un cheval noirs.
9 Ils étaient tout noir et on ne pouvait plus distinguer les parties
10 de leur corps. Ils étaient tellement meurtris. Je n'ai pas pu manger
11 un morceau de pain pendant deux jours et j'avais faim mais ces gens
12 m'ont laissé une telle impression ... Je ne pouvais même pas
13 imaginer que des êtres humains puissent infliger de telles choses à
14 d'autres êtres humains.
15 Q. : A votre arrivée à Omarska M. Alic, connaissiez-vous le sort de vos
16 fils Ekrem et Enver ou saviez-vous où ils étaient ?
17 R. : J'ai entendu pendant que j'étais à Trnopolje, qu'Ekrem avait été tué
18 à Kozara. Et c'était le Omladinsko Naselje à Kozara, Benkovac,
19 appelé autrefois Srpski Benkovac puis Omladinsko Naselje, un local
20 de la brigade des jeunes où mon fils et mon neveu ont été tués...
21 Q. : Quand vous êtes arrivé à Omarska, saviez-vous où se trouvait Enver ?
22 R. : Pendant que je me trouvais sur la pista j'ai aperçu Enver qui passait
23 rapidement près de moi. Je savais qu'il était dans le camp. Quand je
24 suis arrivé dans la salle 15, quelqu'un m'a dit "Enver vous appelle.
25 Il est derrière la salle 15" mais il était dans une autre pièce
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1 derrière la porte, la porte en métal et nous avons pu parler. Il m'a
2 demandé où étaient les enfants, où nous étions allés, où ils
3 m'avaient capturé et je lui ai raconté. Je lui ai dit que j'avais
4 entendu dire qu'Eno avait été tué et il a répondu "Oui, papa" ou non
5 et c'est tout ...
6 Q. : Votre fils Eno vous a demandé ce qui était arrivé à Ekrem et vous
7 avez du le lui dire ?
8 R. : Oui.
9 Q. : M. Alic, après votre arrivée dans la salle 15, vous a-t-on appelé un
10 jour hors de ce local et ordonné d'aller chercher votre fils ?
11 R. : Oui quatre ou cinq jours, je ne suis pas certain, ils sont venus à la
12 porte et quelqu'un a dit "Alic Mehmed surnommé Meho, sortez et allez
13 chercher votre fils Enver".
14 Q. : M. Alic, avant qu'on vous appelle ce jour là, ce jour particulier,
15 aviez-vous vu Dule Tadic dans le camp ?
16 R. : J'ai vu Dule Tadic ce jour là. Quand je suis sorti pour déjeuner, il
17 était assis avec Meakic sur le côté ouest de la cantine.
18 Q. : Où étiez-vous quand vous l'avez aperçu ?
19 R. : J'étais en haut du hangar. A l'heure du déjeuner il y avait toujours
20 une trentaine de personnes dans le groupe et j'étais toujours en
21 tête de la file parce que je ne pouvais pas avancer très vite, mes
22 jambes me font souffrir et je suis âgé. Ils disaient donc toujours
23 "Alic, passe le premier" de sorte que j'étais devant et au coin de
24 la pista et du hangar.
25 Q. : M. Alic, puis-je vous demander de prendre la baguette qui devrait
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1 être à votre droite près de la console ? Melle Sutherland peut peut-
2 être vous aider avec cela. Garder vos écouteurs mais dans un instant
3 je vous demanderai de les enlever, de mettre ceux qu'ils vous
4 donneront à ce bureau, puis je vous demanderai d'indiquer sur la
5 maquette l'endroit où vous vous trouviez et où se trouvait Dule
6 Tadic quand vous l'avez vu. Pourriez-vous maintenant enlever vos
7 écouteurs et venir ici ?
8 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pourrez-vous voir, M. Wladimiroff, M. Kay ?
9 M. WLADIMIROFF : J'essaierai.
10 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Si nécessaire, vous ou M. Kay, celui qui
11 procédera au contre-interrogatoire, peut s'approcher.
12 M. TIEGER (Au témoin) : M. Alic, pouvez-vous tout d'abord nous montrer où
13 se trouvaient Dule Tadic et Meakic quand vous les avez vus ?
14 R. : Dule Tadic était ici et j'étais là.
15 Q. : Vous étiez donc au coin du bâtiment du hangar ?
16 R. : Oui, au coin.
17 Q. : Puis-je vous demander de désigner de nouveau le coin où vous vous
18 trouviez ?
19 R. : Ici. Nous sommes sortis de cette porte, avons marché ici et c'est
20 tout.
21 Q. : Pourriez-vous indiquer de nouveau où se trouvait Dule Tadic, à peu
22 près ?
23 R. : Dule Tadic était ici, au moins de ce côté, de l'ouest.
24 Q. : Merci. Vous pouvez vous rasseoir. Que faisait Dule Tadic quand vous
25 l'avez vu ?
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1 R. : Il était assis avec Meakic. Ils parlaient, ils conversaient.
2 Q. : Vous rappelez-vous ce que portait M. Tadic ?
3 R. : Une tenue camouflée. Je l'ai vu à une ou deux reprises. Il portait
4 toujours une tenue camouflée.
5 Q. : Vous rappelez-vous s'il était rasé ou avait une barbe ?
6 R. : Qu'est-ce que j'en sais ? Avec toute cette répression, avec toute
7 cette urgence, je ne pourrais pas vraiment vous dire. Si vous bougez
8 un peu la tête, vous recevez immédiatement un coup de crosse de
9 fusil dans le dos. Il est donc préférable de surveiller ses arrières
10 et de ne rien voir. Durant la guerre en 45, 1945 quelqu'un m'a dit
11 "ne voit rien et n'entend rien".
12 Q. : Avez-vous vu Dule Tadic en une autre occasion dans le camp d'Omarska
13 ?
14 R. : Oui. Une autre fois, je ne sais pas comment, je l'ai vu debout du
15 côté est.
16 Q. : Sur l'autre côté de la pista ?
17 R. : Oui, sur l'autre côté de la pista, du côté est.
18 Q. : Où vous trouviez-vous ou que faisiez-vous quand vous l'avez vu en
19 cette deuxième occasion ?
20 R. : Ce jour là également j'allais déjeuner. Je ne l'ai pas vu autrement
21 parce que je n'allais nulle part. Ce n'est qu'en allant au déjeuner
22 que je pouvais voir quelqu'un parce qu'ils ne m'ont emmené nulle
23 part.
24 Q. : En ces deux occasions, avez-vous pu regarder assez longuement pour
25 être absolument certain que c'était Dule Tadic ?
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1 R. : Ce fut très rapide mais Dule Tadic est Dule Tadic. Je le connais.
2 Même dans un groupe de dix personnes je pourrais dire qui il est, le
3 troisième, le quatrième, même s'ils se déplacent en colonne. Je le
4 connais. Je connais sa constitution. Il n'y a pas de doute.
5 Q. : Combien de temps après l'avoir vu avec Meakic l'avez-vous aperçu de
6 l'autre côté de la pista ?
7 R. : Pourquoi, une vingtaine de jours à peu près, qu'est-ce que j'en sais
8 ? Je ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que du temps s'était
9 écoulé et j'ai vu ce Kobas, le manchot, Meakic Drago et je les ai
10 vus là, un groupe de personnes.
11 Q. : Pouvez-vous nous montrer avec la baguette où se trouvait Dule Tadic
12 la deuxième fois. Vous pouvez peut-être l'atteindre ou n'hésitez pas
13 à vous lever ?
14 R. : Il était ici. Ceci est le garage et il y a un robinet à eau ou
15 quelque chose du genre. Je suis allé chercher de l'eau pendant que
16 j'étais sur la pista. J'y allais chercher de l'eau pour boire et je
17 le connais très bien.
18 Q. : En cette première occasion quand vous avez vu Dule Tadic après le
19 déjeuner, êtes-vous retourné à la pièce 15 ?
20 R. : Oui.
21 Q. : Plus tard dans la journée, avez-vous entendu les noms de détenus
22 appelés hors de leur salle ?
23 R. : Ce jour là j'ai entendu appeler Karabasic Emir, Jasko Hrnic et
24 d'autres.
25 Q. : Connaissiez-vous ces deux hommes, Emir Karabasic et Jasko Hrnic ?
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1 R. : Bien sûr. Que voulez-vous dire ? Ils étaient les grands amis, les
2 collègues de mes fils.
3 Q. : M. Alic, vous rappelez-vous les avoir entendus appeler votre fils
4 Enver ?
5 R. : Oui, je me souviens qu'ils ont appelé mon fils mais ils m'ont appelé
6 pour que j'aille le chercher, que je le trouve. Ils sont venus à la
7 porte disant "Alic Mehmed surnommé Meho, allez chercher votre fils"
8 et je suis sorti.
9 Q. : M. Alic, quand vous avez été appelé pour la première fois et qu'une
10 annonce a été faite, avez-vous répondu immédiatement ?
11 R. : J'ai essayé de l'éviter, de ne pas répondre. Ils ont crié alors
12 "Alic" une fois puis une deuxième fois "Alic" et une troisième. Et
13 ils ont dit "sortez, il est le plus vieux et je le reconnaîtrais, je
14 tuerais 20 hommes pour lui" et les gens m'ont dit "Meho, ne soit pas
15 fou. Tu dois sortir". Je suis donc sorti. Un soldat se tenait près
16 de la porte avec un fusil automatique. Je ne le connaissais pas, il
17 était blond mais je ne le connaissais pas vraiment et il m'a frappé
18 d'un coup de crosse mais pas très bien. Il faut dire la vérité, il
19 ne m'a pas frappé correctement.
20 Il m'a ordonné de descendre l'escalier et j'ai commencé à descendre.
21 J'ai descendu un escalier puis un autre. Il m'a dit d'aller à
22 gauche, vers le hangar. Quand j'ai commencé dans la direction des W-
23 C à droite, je suis allé vers le hangar à droite. Les W-C étaient à
24 droite.
25 Q. : M. Alic, comment marchiez-vous à ce moment là ? Dans quelle position
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1 étiez-vous ?
2 R. : Nous devions tenir nos mains comme ceci et la tête baissée. Mais
3 quand j'ai tourné sur la droite et que j'ai regardé devant moi, j'ai
4 vu Emir Karabasic devant moi, assis sur une table comme ceci, les
5 pieds ballants et il était tout ensanglanté. Quand je me suis
6 approché j'ai légèrement ralenti et j'ai vu qu'il avait été coupé
7 partout avec un couteau et trois soldats se trouvaient à sa droite,
8 en fait à l'est par rapport à lui. Il était près du mur et ils
9 étaient du côté est ... pas à l'est, au nord, vers les W-C.
10 Ils ont versé de l'eau sur lui et il tremblait. Clairement il était
11 sous le choc et ils essayaient de le ranimer. J'ai eu un sursaut
12 mais un soldat a crié "Alors tu le connais. Et bien tu vas le
13 connaître, encule ta mère" et il a placé un couteau, un poignard de
14 soldat ici et celui qui marchait derrière moi m'a asséné un coup de
15 crosse de fusil sur le côté droit, dans les reins et l'autre un coup
16 de couteau avec le plat de la lame sur la tête puis il m'a frappé
17 ici avec le manche et j'ai encore une cicatrice à l'endroit où il
18 m'a frappé avec le couteau.
19 Q. : Avez-vous essayé de voir qui étaient ces soldats ?
20 R. : J'ai cru l'avoir fait mais je ne le pouvais pas avec le couteau ici.
21 Peu de gens peuvent regarder alentour avec un couteau sur la gorge.
22 Peu de gens en sont capables. Je suis peut-être un homme mais je
23 n'avais pas le courage de regarder autour de moi et je ne pouvais
24 pas voir qui ils étaient. Je sais que Dule Tadic était là mais je ne
25 sais pas qui d'autre.
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1 Q. : L'homme qui vous escortait vous a-t-il dirigé vers le local d'Enver ?
2 R. : Oui, je suis allé vers la porte du local où se trouvait mon fils,
3 Enver.
4 Q. : Quand vous êtes arrivé dans la salle où se trouve l'escalier
5 supérieur, vous a t-on dit de monter et d'aller chercher votre fils
6 ?
7 R. : Quand je suis arrivé près de la porte, le garde l'a ouverte et a dit
8 "Monte" et celui qui me suivait, qui m'escortait est resté là. J'ai
9 donc monté l'escalier. Je ne sais pas comment j'ai réussi à marcher.
10 J'étais perdu. Je savais où j'allais, pourquoi j'y allais, ce qui se
11 passait. J'ai trouvé mon fils et il était comme moi, il tremblait.
12 Je lui ai dit qu'on lui demandait de sortir. Il m'a répondu, "Papa,
13 peut-être que je suis ici et peut-être pas". J'ai expliqué qu'ils
14 avaient dit qu'il serait liquidé si on devait l'appeler encore une
15 fois. Eno, mon Eno a enfilé une veste ou quelque chose qu'on lui
16 passait, une veste en cuir pour qu'il souffre moins s'il était passé
17 à tabac.
18 Il s'est préparé. Quand nous sommes descendus ils ont crié "plus
19 vite, plus vite". Je marchais le premier et Eno me suivait. Quand
20 nous sommes arrivés au hangar, un soldat m'attendait et un autre
21 attendait Eno et lui a dit "pourquoi ne répondais-tu pas ?" Nous
22 avons fait quelques pas et il lui a ordonné de s'allonger par terre.
23 Il s'est allongé sur le ventre et avec le pied droit il l'a frappé à
24 deux reprises sur le côté gauche et il a hurlé de douleur. Vous
25 savez ce que c'est. Il était un homme fort mais ... Je me suis
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1 ressaisi. J'ai commencé à crier. Je voulais le défendre, le protéger
2 d'une certaine façon mais ils m'ont dit "tire-toi. Ou nous allons
3 aussi lui trancher la gorge". Les deux soldats s'en sont emparés et
4 il m'a dit "papa, occupe toi de mes enfants".
5 Je suis parti sur la gauche et à leur droite j'ai entendu crier
6 "Dule, qu'est-ce que je t'ai fait ? Pourquoi me frappes-tu ?" Je les
7 ai entendus le battre dans le hangar. Je suis passé par là dans la
8 direction de la pista et celui qui m'a escorté à travers la pista
9 jusqu'en haut de l'escalier au bureau m'a laissé devant la porte. Il
10 est entré et ceux qui étaient là ont recommencé à me maltraiter à la
11 porte. L'un d'eux m'a frappé. Puis l'autre a crié "laissez-le
12 tranquille". Il a dit "Commandant, j'ai emmené Eno Alic. Que
13 faisons-nous avec le vieux ?" Il a répondu "Remmenez-le dans la
14 pièce d'où il vient".
15 Je suis repassé par le hangar par le même chemin, j'ai entendu des
16 gémissements et des cris, des hurlements. J'ai commencé à monter les
17 escaliers et je les ai entendu dire "Celui là est fini. Avec quoi
18 vas-tu faire des oustachis maintenant ?" Il m'a ouvert la porte. Je
19 suis entré dans la pièce et on m'a demandé "Meho, que se passe-t-
20 il?" Et j'ai répondu "j'ai perdu mon autre fils. Ils ont tué mon
21 fils". Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite.
22 Q. : M. Alic, avez-vous jamais revu votre fils Enver vivant depuis ce jour
23 là ?
24 R. : Jamais depuis, jamais.
25 Q. : M. Alic, voyez-vous Dule Tadic dans le prétoire aujourd'hui ?
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1 R. : Oui.
2 Q. : Pouvez-vous le désigner s'il vous plaît et nous dire ce qu'il porte ?
3 R. : (Le témoin désigne l'accusé).
4 Q. : Pouvez-vous nous dire comment il est vêtu ?
5 R. : Il porte une veste verte et une cravate mais il ne m'intéresse pas.
6 Un criminel ... Je ne m'intéresse pas à un criminel.
7 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Alic nous vous avons seulement demandé
8 d'identifier M. Tadic. Merci.
9 M. TIEGER : Le procès-verbal mentionnera l'identification, Mme la
10 Présidente ?
11 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera que le témoin a
12 identifié l'accusé.
13 M. TIEGER : Pas d'autres questions.
14 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire M. Kay ?
15 Contre-interrogatoire par M. KAY
16 Q. : M. Alic, peut-on dire que Dule Tadic est quelqu'un avec qui vous ne
17 vous associez pas à Kozarac parce que vous appartenez à des
18 générations différentes ?
19 R. : Que voulez-vous dire ?
20 Q. : Son père était davantage de votre génération et quelqu'un avec qui
21 ...
22 R. : Oui.
23 Q. : ... vous avez passé du temps, plutôt qu'avec Dusko Tadic qui a trente
24 ans de moins que vous ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Vous n'aviez aucun intérêt commun avec lui ?
2 R. : Non, je n'avais aucune relation avec Dule, seulement mes fils.
3 Q. : Vos ...
4 R. : Ils étaient avec lui.
5 Q. : ... fils étant ...
6 R. : Et je l'ai connu enfant.
7 Q. : ... l'un d'eux certainement était à peu près du même âge, de sa
8 génération ?
9 R. : Oui, mon Ekrem était de la même génération. Ils sont nés la même
10 année.
11 Q. : Oui. Vous n'aviez aucune relation professionnelle avec Dusko Tadic ?
12 R. : Non, jamais.
13 Q. : Vos fils avaient beaucoup d'amis à Kozarac et ils étaient très
14 populaires n'est-ce pas ?
15 R. : Je le pense, oui. Ils ne faisaient aucune différence entre Serbes,
16 Musulmans et Croates. Nous avions amitié et unité. Ce fut ainsi
17 jusqu'en 1992.
18 Q. : Oui.
19 R. : C'était la situation et Dule Tadic a grandi avec eux. Je ne sais pas
20 s'il était ... s'il a jamais eu des problèmes avec des Musulmans.
21 Ils étaient ...
22 Q. : Oui. Vous ne saviez pas s'il avait ce genre de problèmes parce qu'il
23 était populaire avec vos fils comme vos fils étaient populaires avec
24 les résidents de nationalités différentes de Kozarac ?
25 R. : Oui.
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1 Q. : Vous attendiez-vous à l'attaque et au bombardement de Kozarac ?
2 R. : Personnellement non. Je ne m'y attendais pas, je ne pensais pas ...
3 je ne pensais pas que cela prendrait fin, que nos anciens voisins
4 comme Dule Tadic et Zigic et Vinko feraient ce qu'ils ont fait. J'ai
5 été surpris parce que j'étais là depuis l'ex-Yougoslavie. J'avais 14
6 ou 15 ans. Puis il y a eu la NDH et ensuite la Yougoslavie moderne.
7 J'étais seulement un fermier qui travaillait dur. Pour moi les
8 Serbes étaient comme les Musulmans. Je ne connaissais pas leurs
9 intentions à notre égard, nous les Musulmans.
10 Q. : Etiez-vous au courant des ultimatums décernés de Prijedor demandant à
11 la police de Kozarac ainsi qu'aux autres Musulmans de remettre leurs
12 armes ? Etiez-vous au courant de ce qui se passait avant le
13 bombardement ?
14 R. : Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne suis pas un
15 politicien. Je n'ai jamais fait de politique de sorte que je ne sais
16 pas. Je suis un fermier. Je suis agriculteur et je ne sais rien de
17 ceci ou cela. Je n'ai jamais été un politicien. Je n'ai jamais fait
18 de politique. Je venais de semer mon maïs et de m'occuper de mon
19 jardin pendant que les Serbes se préparaient. Ils se préparaient.
20 Ils se préparaient pour cela.
21 Q. : Le 26 mai, quand vous et de nombreux autres avez quitté vos foyers
22 pour vous joindre à la colonne qui empruntait la rue Marsala Tita,
23 aviez-vous une idée ...
24 R. : Oui.
25 Q. : ... de ce qui allait vous arriver ? Aviez-vous une quelconque idée
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1 des plans ?
2 R. : Non, je ne savais rien. Je savais seulement que ce ne serait pas bon.
3 Ils nous encerclaient puis ils ont commencé à incendier les maisons.
4 Quand le premier coup de feu a été tiré, les maisons sont parties en
5 fumée et tout Kozarac a été brûlé. Maintenant nous ...
6 Q. : Quand vous vous êtes retrouvé avec les femmes, les enfants, que les
7 hommes ont été séparés, avez-vous compris ce qui allait vous
8 arriver, où vous alliez aller ? Saviez-vous quels étaient les plans
9 ?
10 R. : Je ne savais rien.
11 Q. : Avez-vous demandé aux gens autour de vous "Qu'est-ce qui se passe ?
12 Savez-vous où on m'emmène ?"
13 R. : Non. Je n'ai pas posé de questions. Ma femme avait 75 ans. J'avais
14 une fille sourde-muette, deux petits enfants. Je continuais de me
15 battre pour eux. Je savais exactement ce qui se passait et
16 j'essayais seulement de les sauver. Je ne sais pas ce que je suis
17 censé démontrer ici.
18 Q. : Quand on vous a fait monter à bord de ce car pour aller à Trnopolje,
19 le premier car, vous avez dit que cela s'est passé à l'endroit même
20 de la séparation, n'est-ce pas ?
21 R. : Oui.
22 Q. : Vous rappelez-vous qui vous a dit de monter à bord de ce car ?
23 R. : Non. Un soldat serbe.
24 Q. : Combien de soldats serbes y avait-il à cet endroit près de Limenka ?
25 R. : Je ne pouvais pas les compter. Je ne pense pas que quiconque ait pu
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1 les compter ou osé le faire.
2 Q. : Y avait-il des véhicules militaires ou uniquement des fantassins ?
3 R. : J'ai vu des véhicules militaires à Kozarac mais il y avait énormément
4 de circulation et une colonne de civils. Tout le monde était en
5 mouvement.
6 Q. : Quand vous dites qu'on vous a mis à bord du premier car parti pour
7 Trnopolje, étiez-vous alors en tête de la colonne ?
8 R. : Je pense que oui, nous étions le premier car. J'étais dans le premier
9 car de civils.
10 Q. : D'autres personnes avaient-elles été séparées ou amenées à cet
11 endroit de la même façon avant votre arrivée ? Quelque chose vous
12 permet-il de tirer cette conclusion ?
13 R. : Je pense qu'il y en avait mais je ne sais pas. Je sais ce que j'ai
14 vécu et ce que j'ai vu mais pour le reste je ne peux pas. Je ne
15 pouvais pas vraiment regarder autour de moi. Je protégeais ma propre
16 famille parce qu’à cette date j'avais 67 ans.
17 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à cet endroit près de Limenka où les
18 gens étaient mis ou séparés en divers groupes ? Combien de temps
19 cela a-t-il pris ?
20 R. : A peu près une heure entre ma maison et le car. Ils nous ont fait
21 descendre pour fouiller nos affaires. Ils avaient des armes, des
22 baïonnettes. Ils ont fouillé nos sacs et ...
23 Q. : Est-ce que ce sont des soldats qui ont fouillé vos sacs ?
24 R. : Des soldats serbes, qui d'autre ?
25 Q. : Vous rappelez-vous quelle sorte d'uniformes ils portaient ?
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1 R. : Des uniformes de camouflage. Il y en avait de toutes sortes. J'en ai
2 peut-être vu 15 ou 20 mais ils étaient 100 ou 150. On ne m'a pas mis
3 là pour que je regarde qui portait quoi, quel type de chapeau.
4 J'étais un prisonnier. Je savais que j'étais ... On m'avait privé de
5 ma liberté ; je devais seulement courber la tête et c'était tout.
6 Q. : Quand vous dites que vous aviez la tête courbée, voulez-vous dire
7 qu'il aurait pu être dangereux pour vous de regarder ces gens
8 alentour ?
9 R. : Bien sûr. Vous ne pouviez pas appeler une personne par son nom, vous
10 ne pouviez pas la reconnaître. Vous ne pouviez pas dire "Où êtes-
11 vous, voisin?" parce qu'ils vous auraient fait sauter la tête.
12 Q. : Etiez-vous conscient donc ainsi que les autres de cette crainte de la
13 violence pendant que vous étiez traités de cette façon ?
14 R. : Bien sûr, et d'autres personnes sont parties, je ne sais pas combien
15 mais...
16 M. KAY : Mme la Présidente, le moment est propice avant que j'aborde un
17 autre angle.
18 PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est ajournée à demain 10 heures.
19 (17 heures 30)
20 (Ajournement de l'audience au lendemain)
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