Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL                        Affaire IT-94-1-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3   Mercredi, le 24 juillet 1996

  4   (10 H 10)

  5   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE: M. Kay, voulez-vous commencer le contre-

  6   interrogatoire dès que le témoin devant y être soumis sera introduit

  7   ?

  8                     M. MEHMED ALIC est rappelé à la barre

  9                     Contre-interrogatoire mené par M. KAY

 10   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE: M. Alic, vous avez prêté serment hier et vous

 11   êtes toujours lié par ce serment, sommes-nous bien d’accord? Bien,

 12   je vous remercie. M.Kay?

 13   M. KAY : Merci. M. Alic, hier vous nous avez dit que vous aviez vu un jour

 14   Dusko Tadic en compagnie d’un homme du nom de Meakic alors que vous

 15   vous trouviez sur la pista. Vous l’avez décrit comme se tenant près

 16   du bâtiment du restaurant ?

 17   R. : (Interprétation) : En effet.

 18   Q. : Vous en souvenez-vous ?

 19   R. : Oui, je m’en souviens.

 20   Q. : Alliez-vous, là aussi, déjeuner dans ce bâtiment où se trouvait le

 21   restaurant ?

 22   R. : Oui.

 23   Q. : Vous vous rappelez avoir indiqué l’endroit où vous vous trouviez sur

 24   la pista et avoir également indiqué l’endroit où se tenait M Tadic

 25   en compagnie de cet homme du nom de Meakic ?


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  1   R. : Oui.

  2   Q. : Saviez-vous à ce moment-là que Meakic était le Commandant du camp

  3   d’Omarska ?

  4   R. : Oui, je le savais.

  5   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE: M. Alic, peut-être faudrait-il que vous

  6   parliez un peu plus fort. Je ne sais pas.

  7   R. : Oui, je vais le faire.

  8   M. KAY : Merci. Lorsque vous avez vu ces deux hommes, étaient-ils seuls ou

  9   y avait-il d’autres personnes présentes?

 10   R. : Ils étaient deux et autour d’eux il y avait constamment des gardes

 11   qui circulaient, mais eux deux étaient assis.

 12   Q. : Assis sur le sol, sur une chaise ou sur un banc?

 13   R. : Non, il y avait des chaises.

 14   Q. : Au moment où vous avez traversé la pista, y avait-il d’autres hommes

 15   qui s’y trouvaient?

 16   R. : Oui, il y avait toujours des gens sur la pista, des détenus.

 17   Q. : Pour accéder au bâtiment du restaurant, il faut passer par la porte

 18   située au milieu de ce bâtiment, n’est-ce pas?

 19   R. : C’est exact.

 20   Q. :Vous même et les hommes qui vous accompagnaient vous avez traversé la

 21   pista pour atteindre cette porte?

 22   R. : Comment cela? Je ne comprends pas.

 23   Q. : Avec ce groupe de trente hommes dont vous faisiez partie, avez-vous

 24   passé les hommes qui étaient retenus sur la pista lorsque vous vous

 25   rendiez au restaurant pour manger?


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  1   R. : Non, nous allions -- les gens se tenaient sur la droite et nous

  2   passions à côté d’eux.

  3   Q. : Je vous remercie. Comme vous nous l’avez dit, en ce genre d’occasions

  4   vous deviez garder la tête baissée, n’est-ce pas?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : Donc est-il exact de dire que vous n’avez pas eu l’occasion de

  7   regarder longtemps Meakic et l’homme dont vous avez dit qu’il

  8   s’agissait de Dusko Tadic ?

  9   R. : Non, je me trouvais au coin. J’étais le premier de la file. J’étais

 10   toujours le premier lorsque nous allions déjeuner et donc lorsque

 11   nous tournions, nous tournions la tête vers le mur et lorsqu’ils

 12   disaient “Bon, c’est fini” nous poursuivions et alors je jetais un

 13   coup d’oeil en arrière, vous savez, très rapide, mais vous ne

 14   pouviez pas regarder comme ça, il fallait continuer à avancer, mais

 15   vous étiez toujours observé de là-haut.

 16         Il observait et il repèrait les gens qui se retournaient et, vous

 17   comprenez, nous n’osions pas. Nous ne pouvions pas. Alors, les gens

 18   étaient battus et ils ne savaient pas qu’ils étaient observés et

 19   subitement il disait “Toi, viens ici”.

 20   Q. : Oui. Lorsque vous sortiez du hangar pour vous rendre au bâtiment du

 21   restaurant, il y avait d’autres gardes dans le secteur qui vous

 22   surveillaient, vous et les personnes se trouvant sur la pista,

 23   n’est-ce pas?

 24   R. : Oui, oui, c’est exact.

 25   Q. : La deuxième fois où vous avez dit avoir vu Dusko Tadic en compagnie


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  1   de Meakic, c’était de l’autre côté du bâtiment du restaurant, la

  2   partie de la maquette qui est la plus proche de vous, n’est-ce pas?

  3   R. : Oui, il se trouvait près de la façade ouest du restaurant la première

  4   fois que je l’ai vu.

  5   Q. : Donc la fois suivante c’était de l’autre côté du bâtiment, n’est-ce

  6   pas?

  7   R. : Et la deuxième fois c’était du côté est du bâtiment.

  8   Q. : Oui. Là encore, c’était en une occasion similaire, vous alliez

  9   déjeuner?

 10   R. : Oui, la même situation, nous allions déjeuner, sinon je ne pouvais

 11   rien voir du tout parce que je me trouvais toujours dans une pièce.

 12   Ce n’est que quand je sortais pour déjeuner, c’est alors seulement

 13   qu’il était possible d’observer quelqu’un, il n’y avait aucune autre

 14   possibilité.

 15   Q. : Les circonstances étaient-elles les mêmes ? Vous étiez le premier de

 16   la file mais vous deviez garder la tête baissée et vous étiez

 17   surveillé par les gardes?

 18   R. : La même chose, toujours la même chose et chaque fois que j’y allais,

 19   j’étais -- ce groupe dont je faisais partie, j’étais toujours le

 20   premier.

 21   Q. : Lorsque vous alliez déjeuner de cette façon, est-ce que vous marchiez

 22   ou étiez-vous obligés de courir, du mieux que vous le pouviez?

 23   R. : Et bien, nous devions courir mais c’est la raison pour laquelle

 24   j’étais le premier, je suis vieux, j’étais le plus âgé et en plus

 25   j’avais mal à la jambe, alors je faisais semblant d’avoir plus mal


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  1   encore pour que nous puissions ralentir, donc j’étais toujours le

  2   premier.

  3   Q. : Donc vous courriez du mieux que vous le pouviez?

  4   R. : Du mieux que nous le pouvions, comment faire autrement?

  5   Q. : Donc, au vu de ce que vous avez dit, il semble que les circonstances

  6   qui prévalaient cette deuxième fois étaient très similaires à ce que

  7   vous nous avez dit à propos de la première occasion, est-ce bien

  8   exact?

  9   R. : C’est exact.

 10   M. KAY : Je vous remercie, je n’ai plus de questions.

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il un interrogatoire supplémentaire ?

 12                     Interrogatoire supplémentaire mené par M. TIEGER

 13   Q. : M. Alic , j’ai remarqué hier que alors que vous parliez de la

 14   reddition à Limenka, vous avez déclaré que vous avez pris conscience

 15   à ce moment-là que l’on vous retirait votre liberté, qu’il fallait

 16   baisser la tête et puis c’est tout. Je me suis demandé si

 17   l’expression “baisser la tête” était symbolique ou littérale. À

 18   Limenka, vous a-t’on demandé de baisser la tête ou pouviez-vous

 19   regarder autour de vous?

 20   R. : Non, ils ne nous le demandaient pas. Ils ne l’ont pas fait-- nous

 21   l’avons fait nous-mêmes afin de ne pas être reconnus et afin qu’ils

 22   ne nous reconnaissent pas et il y avait des gens qui connaissaient

 23   mes deux fils. J’avais deux fils et il y avait des gens qui me

 24   connaissaient aussi et je savais ce qui se passait. Donc je

 25   regardais simplement devant moi, plutôt que de me mettre dans une


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  1   situation où les gens demanderaient : “Où sont tes fils ?” Donc je

  2   me tenais là et je ne regardais pas, car l’un d’eux... J’ai une

  3   fille qui est sourde et muette, et lorsque nous sommes descendus du

  4   bus ils fouillaient les affaires et il lui parlait et elle ne

  5   pouvait pas le comprendre puisqu’elle ne l’entendait pas et il ne

  6   savait pas qu’elle ne pouvait pas parler. Puis il lui dit : “Je vais

  7   te frapper avec une crosse de fusil” et je suis alors intervenu pour

  8   dire : “Elle ne peut pas parler” et il a répondu :“Tais-toi ou je te

  9   frappe”, j’ai donc du me taire.

 10   Q. : Lorsque vous avez vu Dule Tadic à Limenka vous regardiez droit devant

 11   vous ou vous aviez la tête baissée?

 12   R. : Je regardais droit devant moi, j’ai vu quelques uns d’entre eux. Vous

 13   savez, l’armée était partout, mais si quelqu’un venait et me

 14   reconnaissait, ça se produisait, c’est tout, mais ce n’était pas mon

 15   but de reconnaître les gens. Mon objectif était d’être sauvé.

 16   M.TIEGER : Je vous remercie, monsieur.

 17   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M.Kay?

 18   M. KAY : Rien à ajouter, Mme le Président.

 19                     Le témoin est interrogé par les Juges

 20   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J’aurais une seule question à vous poser,

 21   M.Alic, s’il vous plaît. Je crois qu’hier vous avez déclaré qu’à un

 22   moment donné, alors que vous vous trouviez à Omarska, quelqu’un vous

 23   a mis un couteau sous la gorge. C’est bien cela, n’est-ce pas?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : À ce moment-là--je n’ai pas le compte-rendu sous les yeux, mais je


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  1   m’appuie sur mes notes --vous n’avez pas regardé mais vous avez vu

  2   que Dule Tadic se trouvait là, n’est-ce pas? C’est bien ce que vous

  3   avez déclaré?

  4   A. J’ai déclaré cela parce que j’ai aperçu Dule Tadic avant qu’il ne me

  5   reconnaisse, avant qu’ils ne m’appellent. Il se trouvait assis là

  6   avec Meakic alors que nous allions déjeuner, puis c’est là que l’on

  7   m’a appelé : “Mehmed Alic, surnom Meho”, puis un troisième, ils ont

  8   appelé Alic Karabasic et Hrnic, c’était les trois meilleurs, les

  9   trois meilleurs amis qui se trouvaient ensemble et puis un quatrième

 10   (sic). Alors que je sortais, je les ai entendus dire : “ Non Dule,

 11   Dule, mon frère” et quelqu’un a dit “Maman” et c’est la raison pour

 12   laquelle je dis cela, la raison pour laquelle j’ai prêté serment,

 13   j’ai juré que c’est ainsi que cela s’est passé et selon moi c’est

 14   ainsi qu’il en a été.

 15   Q. : Donc vous n’avez pas vu Dule quand quelqu’un -- est-ce que Dule était

 16   présent lorsque cette personne vous a mis le couteau sur la gorge?

 17   L’avez-vous vu?

 18   R. : Il--bien sûr qu’il était présent.

 19   Q. : Vous pensez qu’il était présent pour les raisons que vous avez

 20   données, n’est-ce pas?

 21   R. : Oui, c’est certain, parce qu’il a dit :“Qu’est ce que tu reconnais,

 22   ta mère?” et peut-être que c’était 10, 15 pour cent (sic) quand j’ai

 23   regardé de côté et il a dit : “Est-ce que tu reconnais ?” puis il a

 24   mis le couteau, mais je crois qu’il y avait là quelqu’un d’autre,

 25   quelqu’un d’Omarska ou de Prijedor. Il n’était pas intéressé par ce


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  1   que je regardais, par ce que j’essayais de reconnaître, mais il

  2   savait que je savais pour Karabasic et je connaissais Dule, je les

  3   connaissais tous.

  4   Q. : Vous déclarez donc que M. Tadic vous a mis le couteau sous la gorge?

  5   R. : Je ne peux pas l’affirmer avec certitude mais il se trouvait dans ce

  6   groupe.

  7   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, monsieur. M.Tieger?

  8   M. TIEGER : Je n’ai rien à ajouter Mme le Président, merci.

  9   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay?

 10   M.KAY : Il y a un point que je souhaite soulever. Hier, dans le cadre de

 11   son témoignage, le témoin n’a pas dit qu’il avait vu Dusko Tadic

 12   présent au moment de l’incident qui nous intéresse. Il a dit “Je

 13   sais qu’il était là.”

 14   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : “Là”, et c’est bien pour cela que je lui ai

 15   posé des questions, pour déterminer ce qu’il entendait par “là”,

 16   mais si vous souhaitez des éclaircissements sur ce point, vous

 17   pouvez poser d’autres questions. Il me semble que quand on dit que

 18   quelqu’un se trouvait là, le “là” n’est pas très clair, donc si vous

 19   souhaitez poser d’autres questions, allez-y.

 20   M.KAY : Mme le Président, je n’ai plus de questions à poser.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M.Tieger ?

 22   M. TIEGER : Aucune question, Mme le Président, merci.

 23   LE JUGE STEPHEN : Témoin, vous êtes le premier témoin a préciser, lorsque

 24   vous regardez la maquette, les directions nord, sud, est, et ouest.

 25   Pouvez-vous m’aider, ai-je raison de croire que cette direction est


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  1   le nord?

  2   R. : Vous voulez dire... Je m’orientais par rapport à la Bosnie (sic). En

  3   Bosnie je savais où se trouvait le nord. Je peux l’indiquer ici

  4   aussi. Ça, c’est l’ouest, ça, c’est le sud, ça, c’est le nord et ça

  5   c’est l’est.

  6   Q. : Excusez-moi. Cette direction-ci c’est le nord? Pouvez-vous m’indiquer

  7   le nord, la direction du Nord en Bosnie?

  8   R. : (Indication du témoin.)

  9   LE JUGE STEPHEN : Je vous remercie

 10   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, y a-t-il des objections au fait que

 11   M.Alic puisse disposer de façon définitive?

 12   M.KAY : Aucune, Mme le Président.

 13   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Alic, vous pouvez disposer. Cela signifie

 14   que vous êtes libre de partir. Merci d’être venu hier et

 15   aujourd’hui.

 16   LE TÉMOIN : Merci à vous de m’avoir appelé et de m’avoir donné l’occasion

 17   de dire la vérité.

 18                     (Le témoin se retire.)

 19   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, voulez-vous appeler votre prochain

 20   témoin, s’il vous plaît ?

 21   M. TIEGER : Merci, Mme le Président. Le prochain témoin est Halid

 22   Mujkanovic. Avant de faire entrer le témoin, je souhaite préciser

 23   qu’il était le sujet de la requête la plus récente relative à la

 24   déformation des traits.

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Alors peut-être faut-il passer en huis clos


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  1   partiel. Ne l’introduisez pas encore. Je pense qu’il faut fermer les

  2   stores pour qu’il puisse entrer et je crois aussi, puisque c’est ce

  3   que nous avons fait avec le témoin R, qu’il faut installer les

  4   écrans. N’est-ce pas? Nous allons donc suspendre l’audience 10

  5   minutes pour procéder à cette installation. Je vous remercie.

  6   (10h30)

  7                     (L’audience est suspendue quelques instants)

  8   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avant de poursuivre, je précise que nous

  9   allons entendre ce témoin conformément aux dispositions prévues dans

 10   la requête déposée par le Procureur et à laquelle, je crois, la

 11   Défense n’a fait aucune objection, nous sommes bien d’accord? Je

 12   pensais avoir fait droit à la requête au moment où elle a été

 13   formulée, quelle que soit la date à laquelle l’Accusation l’a

 14   déposée. Si je n’y ai pas fait droit parce qu’il n’y avait aucune

 15   objection, je fais à présent droit à cette requête (sic). Fort bien.

 16   Une ordonnance sera rendue d’ici peu.

 17                     M. HALID MUJKANOVIC est appelé à la barre.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Veuillez demander au témoin de prêter serment

 19   , s’il vous plaît.

 20   LE TÉMOIN (Interprétation) : Je m’engage solennellement à dire la vérité,

 21   toute la vérité et rien que la vérité.

 22         (Le témoin a prêté serment)

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez vous asseoir, monsieur.

 24                     Interrogatoire principal mené par M.TIEGER

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?


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  1   M. TIEGER : Merci, Mme le Président. Monsieur, pouvez-vous décliner votre

  2   identité s’il vous plaît ?

  3   R. : Je m’appelle Halid Mujkanovic.

  4   Q. : Quelle est votre date de naissance ?

  5   R. : Le 4 janvier 1965.

  6   Q. : Quel est votre lieu de naissance ?

  7   R. : Kozarusa.

  8   Q. : Est-ce là que vous avez grandi et vécu jusqu’au début du conflit en

  9   1992 ?

 10   R. : Oui.

 11   Q. : Quelle est votre nationalité ?

 12   R. : Bosniaque.

 13   Q. : Êtes-vous d’origine musulmane?

 14   R. : Oui.

 15   Q. : Êtes-vous allé à l’école à Kozarac ?

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Où se trouve-t-elle ?

 18   R. : C’est l’école primaire, Rade Kondic.

 19   Q. : Quel était votre emploi avant le début du conflit en 1992 ?

 20   R. : J’étais cuisinier. Je travaillais à Prijedor.

 21   Q. : Monsieur, connaissez-vous Dule Tadic ?

 22   R. : Oui.

 23   Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?


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  1   R. : Depuis la cinquième année de cours élémentaire.

  2   Q. : Depuis que vous étiez en cinquième année de cours élémentaire?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : M. Tadic était-il bien connu à Kozarac ?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : Comment cela se fait-il?

  7   R. : Et bien il avait cette école de karaté. C’était un habitant de

  8   Kozarac.

  9   Q. : Le voyiez-vous fréquemment lorsque, étant enfant, vous alliez à

 10   l’école de Kozarac?

 11   R. : Oui.

 12   Q, Avez-vous continué à le voir fréquemment pendant toute votre enfance et

 13   jusqu’à votre adolescence, jusqu’à ce que vous deveniez un jeune

 14   homme?

 15   R. : Oui.

 16   Q. : Quand vous étiez jeune homme, passiez-vous beaucoup de temps dans le

 17   centre de Kozarac?

 18   R. : Oui.

 19   Q. : Et pourquoi ? Qu’y faisiez-vous? Pourquoi aller à Kozarac ?

 20   R. : C’était le centre, un point de rendez-vous. Nous nous y retrouvions

 21   et nous allions ensemble dans les cafés, les bars.

 22   Q. :Vous rappelez-vous à quelle date le café de M. Tadic a été construit?

 23   R. : Je crois que c’était vers la fin de 1990.

 24   Q. : Vous l’avez vu construire?

 25   R. : Oui.


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  1   Q. : Qui a travaillé à sa construction, vous en souvenez-vous?

  2   R. : C’était un gros travail. Beaucoup de Musulmans y ont participé.

  3   Q. : Connaissiez-vous l’épouse de M. Tadic, saviez-vous qui elle était ?

  4   R. : Oui. Oui, Mira, elle était infirmière.

  5   Q. : Vous avez connu M. Tadic pendant de nombreuses années, peut-on donc

  6   dire que vous l’avez vu des centaines de fois?

  7   M. KAY : Mme le Président, puis-je attirer votre attention sur un point ?

  8   Il me semble que mon éminent collègue pose des questions un peu trop

  9   tendancieuses sur ce sujet. C’est au témoin de dire si l’on peut

 10   parler de cette fréquence.

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Opposition retenue.

 12   M. TIEGER : M Mujkanovic, pouvez-vous nous dire approximativement combien

 13   de fois vous avez vu M. Tadic, pendant toutes ces années où vous

 14   l’avez connu?

 15   R. : C’est difficile de procéder à un tel calcul, mais je l’ai vu de

 16   nombreuses fois, parfois plusieurs fois par jour, parfois plusieurs

 17   fois par mois, mais c’est vraiment très difficile à dire, de

 18   préciser si c’était 100 ou 200 fois. Je le voyais très souvent,

 19   très, très souvent puisque c’était quelqu’un de connu.

 20   Q. : Vous rappelez-vous si M. Tadic avait une démarche caractéristique,

 21   très particulière?

 22   R. : Bien sûr, il a cette démarche très particulière. En marchant, il

 23   avait un mouvement qu’il a depuis sa naissance, je crois. Oui, sa

 24   façon de marcher était très caractéristique.

 25   Q. : Connaissiez-vous Emir Karabasic ?


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  1   R. : Oui.

  2   Q. : Connaissiez-vous Jasko Hrnic ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Connaissiez-vous Enver Alic ?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : Est-ce que Dule Tadic connaissait ces personnes ?

  7   R. : Oui.

  8   Q. : En différentes occasions, l’avez-vous vu en compagnie de l’une ou

  9   l’autre de ces personnes dans des cafés ou dans la rue ?

 10   R. : Oui.

 11   Q. : Lorsque l’attaque sur Kozarac a commencé le 24 mai, étiez-vous à

 12   Kozarusa ?

 13   R. : Oui.

 14   Q. : Avez-vous passé les deux premières nuits de l’attaque à proximité

 15   d’un ruisseau qui passe non loin de là ?

 16   R. : Oui, près de chez moi.

 17   Q. : Le lundi, le deuxième jour de l’attaque, avez-vous passé un moment

 18   dans la maison d’un voisin où se trouvaient certains des membres de

 19   votre famille ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Êtes-vous également retourné chez vous pour tenter de libérer votre

 22   bétail ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Le mardi, le troisième jour de l’attaque, vous êtes-vous rendu ?

 25   R. : Oui.


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  1   Q. : Vous êtes-vous rendu en même temps que plusieurs personnes, parmi

  2   lesquelles l’Imam de votre mosquée locale ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : À quel endroit vous êtes vous rendu, tout d’abord ?

  5   R. : Je me suis rendu sur la route principale à Kozarusa. La route

  6   principale va de Prijedor à Banja Luka.

  7   Q. : Vous êtes-vous rendu à des membres des forces serbes ?

  8   R. : Oui.

  9   Q. : Après vous être rendu, vous a-t-on emmené avec les autres en

 10   direction de Kozarusa vers le secteur où se trouvait le restaurant

 11   Ziko ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : À quelle distance ce restaurant se trouve-t-il par rapport à

 14   l’endroit où vous vous êtes rendu ?

 15   R. : À un kilomètre environ.

 16   Q. : Cela s’est passé à quel moment de la journée ?

 17   R. : Dans la matinée, vers 10 H 00.

 18   Q. : Est-ce qu’il y avait des forces serbes dans le secteur du restaurant

 19   de Ziko ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Étaient-elles armées ?

 22   R. : Oui.

 23   Q. : Y avait-il des bus ?

 24   R. : Oui, il y en avait.

 25   Q. : Y avait-il des personnes à bord de ces bus ?


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  1   R. : Oui, ils étaient pleins.

  2   Q. : Qui se trouvait dans ces bus, des hommes, des femmes, des enfants,

  3   qui ?

  4   R. : Ces bus qui se trouvaient à un kilomètre, à l’endroit où je me suis

  5   rendu, étaient remplis de femmes et d’enfants et les bus qui se

  6   trouvaient près de chez Ziko étaient remplis d’hommes.

  7   Q. : Quelle était la nationalité des femmes et des enfants qui se

  8   trouvaient dans les bus ?

  9   R. : Musulmane.

 10   Q. : Êtes-vous resté dans le secteur du restaurant de Ziko ou bien vous a-

 11   t-on emmené ailleurs?

 12   R. : Non, ils nous ont immédiatement mis dans les bus.

 13   Q. : Où les bus sont-ils allés ?

 14   R. : Ils ont pris la direction de Prijedor. D’abord, les bus transportant

 15   les femmes se sont dirigés vers Trnopolje et ceux transportant les

 16   hommes sont partis vers Keraterm.

 17   Q. : Lorsque vous êtes arrivés à Keraterm, où avez-vous été détenus ?

 18   R. : Dans une grande salle, je ne sais pas comment ils l’appelaient. Peut-

 19   être que c’était la n° 2 mais c’était une grande salle.

 20   Q. : Vous avez passé cette nuit-là à Keraterm ?

 21   R. : Pardon, je n’ai pas entendu la question.

 22   Q. : Avez-vous passé cette nuit-là à Keraterm ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : La nuit suivante, avez-vous été transféré de Keraterm ?

 25   R. : Oui, nous avons été transférés à Omarska.


Page 4297

  1   Q. : Après être arrivés à Omarska, où avez-vous passé la première nuit ?

  2   R. : Je l’ai passée dans la pièce où se trouvait la cuisine. À l’étage se

  3   trouvaient les salles où se déroulaient les interrogatoires.

  4   Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans cette pièce, dans le bâtiment

  5   des cuisines ?

  6   R. : J’y suis resté deux jours environ puis les interrogatoires ont

  7   commencé et j’ai été le premier à être interrogé. Puis on m’a

  8   transféré dans le hangar.

  9   Q. : Dans quelle pièce du hangar avez-vous été transféré ?

 10   R. : Dans la pièce qui avait une porte vitrée.

 11   Q. : Si on passe la porte vitrée et que l’on s’engage vers le fond de la

 12   pièce, que trouve t-on?

 13   R. : De part et d’autre il y avait un couloir et une cage d’escalier pour

 14   accéder à la pièce du haut. Des deux côtés il y avait des casiers où

 15   on pouvait laisser ses vêtements, il s’agissait donc de casiers de

 16   métal. Il n’y avait personne. J’ai été le premier à arriver.

 17   M. TIEGER : Mme le Président, j’aimerais enregistrer cette photo, la pièce

 18   260, aux fins d’identification, s’il vous plaît. Cette photo porte

 19   le numéro 19/24 et cette référence peut être donnée pour passer

 20   cette image à l’écran. M. Mujkanovic, reconnaissez-vous cette

 21   photographie ?

 22   R. : Oui, je reconnais l’endroit où je me trouvais, dans ce coin-ci, mais

 23   il n’y a pas de casiers des deux côtés. Je me trouvais là , sur ce

 24   casier.

 25   M. TIEGER : Avant toute chose, je demande le versement au dossier de cette


Page 4298

  1   photographie.

  2   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pas d’opposition ?

  3   M. WLADIMIROFF : Pas d’opposition.

  4   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 260 est acceptée.

  5   M. TIEGER : Peut-on la placer sur le rétroprojecteur ? Peut-être le témoin

  6   peut-il une fois encore indiquer son emplacement par rapport au

  7   casier.

  8   R. : Les casiers étaient ici d’un côté et de l’autre ils étaient là. Je me

  9   trouvais là, sur le casier.

 10   Q. : Avez-vous été détenu dans cette pièce jusqu’au moment de votre

 11   transfert à Manjaca, en août ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : M. Mujkanovic, comment décririez-vous les conditions de vie qui

 14   prévalaient à Omarska pendant que vous y étiez détenu ?

 15   R. : Si l’on peut parler de conditions de vie. C’était terrible, la famine

 16   et puis les escarres, les poux, la dysenterie. Que dire d’autre? Je

 17   ne sais pas --- c’étaient des conditions de vie impossibles.

 18   Q. : Les prisonniers étaient-ils régulièrement battus lorsqu’ils allaient

 19   déjeuner ou lorsqu’ils se rendaient aux toilettes ?

 20   R. : Oui, tous les jours.

 21   Q. : Est-ce que certains prisonniers étaient également la cible de

 22   passages à tabacs individuels ou particuliers ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Vous même, pendant votre séjour à Omarska, avez-vous été la cible de

 25   passages à tabac individuels ou particuliers ?


Page 4299

  1   R. : Oui.

  2   Q. : Qui vous a appelé pour ce passage à tabac ?

  3   R. : Ils l’appelaient “Bakar”. Il avait une cicatrice au visage.

  4   Q. : Pouvez-vous nous dire approximativement à quel moment il vous a

  5   appelé ?

  6   R. : Je ne m’en souviens pas exactement, mais je crois que c’était vers la

  7   fin du mois de juillet. Je ne sais pas.

  8   Q. : Où vous a-t-il emmené après vous avoir appelé ?

  9   R. : Il m’a emmené dans une pièce --- quand vous entrez dans le hangar, il

 10   y a une petite pièce qui se trouve immédiatement à droite --- il y

 11   avait là quelques casiers et puis une petite table. Après m’avoir

 12   emmené dans cette pièce, il m’a demandé de l’argent et je lui ai dit

 13   que je n’en avais pas.

 14   Q. : Excusez-moi, combien d’argent a-t-il demandé ?

 15   R. : 20 milliards.

 16   Q. : 20 milliards de quelle devise ?

 17   R. : En dinars.

 18   Q. : Pour remettre les choses en contexte, est-ce qu’à l’époque les objets

 19   les plus simples coûtaient des millions de dinars ?

 20   R. : Oui, en effet.

 21   Q. : Que s’est-il passé quand vous avez répondu à Bakar que vous n’aviez

 22   pas d’argent?

 23   R. : Il m’a dit de me pencher sur la table et il a commencé à me frapper

 24   avec un câble. C’était un câble épais et c’était extrêmement

 25   douloureux. Il a continué à me frapper. Lorsque je suis tombé de la


Page 4300

  1   table, il m’a encore donné quelques coups et m’a dit que j’avais 10

  2   minutes pour lui apporter ces 20 milliards de dinars. Je suis

  3   retourné voir les autres et je leur ai demandé s’ils pouvaient

  4   m’aider. Je savais que nous étions tous plus ou moins dans la même

  5   situation. On nous avait tout pris. Puis il m’a ramené dans la même

  6   pièce et m’a demandé si j’avais apporté l’argent, je lui ai dit que

  7   je n’en avais pas et puis j’ai dû reprendre la même position sur la

  8   table et il m’a encore frappé.

  9   Q. : Combien de temps cela a-t-il duré ?

 10   R. : Pour moi, ça a duré longtemps parce que je souffrais énormément.

 11   Q. : Que vous a dit Bakar lorsqu’il a arrêté de vous frapper ?

 12   R. : Il a dit : “Demain soir je reprends mon tour de garde”. Je devais lui

 13   donner 30 milliards si je ne voulais pas qu’il me tue.

 14   Q. : Avez-vous encore tenté de rassembler ou de trouver de l’argent pour

 15   satisfaire ses exigences?

 16   R. : Oui, j’ai demandé, j’ai supplié les gens et tout ce que j’ai obtenu

 17   c’est une montre Seiko d’une valeur de 5 milliards et une petite

 18   chaîne d’argent. Quand il a repris son tour de garde, il m’a

 19   immédiatement appelé, m’a fait venir dans cette même pièce et m’a

 20   demandé si j’avais trouvé l’argent. À ce moment-là j’ai sorti tout

 21   ce que j’avais de ma poche. Il m’a donné quelques coups et m’a dit

 22   de partir. J’ai alors quitté la pièce.

 23         Un autre soldat est passé et m’a donné un coup de crosse de fusil

 24   sur la poitrine et je suis tombé. Il a commencé à me frapper avec

 25   ses bottes et m’a marché sur la tête, il a écrasé mon oreille et m’a


Page 4301

  1   frappé à l’estomac et dans les intestins et puis l’autre a dit : “Je

  2   l’ai suffisamment battu, laisses-le tranquille”. Ils ont injurié ma

  3   mère et m’ont dit de partir. Je ne sais pas comment j’ai réussi à

  4   courir vers la pièce où je me trouvais. Je suis tombé et tout ce que

  5   je pouvais dire, c’est “de l’eau”.

  6   Q. : Le garde qui vous frappait avec ses pieds, il vous donnait des coups

  7   de pied ou il vous piétinait ?

  8   R. : Il me donnait des coups de pied et il me piétinait.

  9   Q. : Est-ce qu’il vous donnait des coups de pied et est-ce qu’il vous

 10   piétinait violemment ?

 11   R. : Si violemment que mon côlon est ressorti. Il a également écrasé mon

 12   oreille.

 13   Q. : M. Mujkanovic, pendant que vous étiez à Omarska , y avez vous vu Dule

 14   Tadic ?

 15   R. : Oui, à deux reprises.

 16   Q. : Où vous trouviez-vous lorsque vous l’avez vu ?

 17   R. : J’étais là dans ma pièce près des casiers à côté de la porte.

 18   Q. : Savez-vous quand cela s’est produit ? À quelle date ?

 19   R. : Je ne peux pas donner la date précise. Je ne sais pas si c’était en

 20   juin ou en juillet, mais c’était dans l’après-midi, quand ---

 21   Q. : Des prisonniers ont-ils été appelés des pièces se trouvant dans votre

 22   secteur ce jour-là ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Vous rappelez-vous qui a été appelé en premier dans votre secteur?

 25   R. : Pour autant que je m’en souvienne, c’était Emir Karabasic.


Page 4302

  1   Q. : Où Emir Karabasic était-il détenu ?

  2   R. : C’était dans la même pièce mais il était à l’étage supérieur.

  3   Q. : Donc il était à l’étage ?

  4   R. : Oui.

  5   Q. : Avez-vous remarqué qui l’a appelé ou ne connaissiez-vous pas la

  6   personne qui l’a appelé?

  7   R. : Non.

  8   Q. : Est-ce un des gardes habituels qui l’a appelé ?

  9   R. : Non.

 10   Q. : Qu’à dit cette personne ?

 11   R. : Il l’a appelé et lui a dit qu’il avait une minute pour descendre.

 12   Q. : Saviez-vous quel était l’état physique d’Emir avant ce jour-là ?

 13   R. : Quelques jours plus tôt il avait été battu, donc il était en train de

 14   se remettre.

 15   Q. : Emir Karabasic est-il descendu en réponse à l’ordre du soldat ---

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Je ne vous ai pas demandé ce que la personne qui l’a appelé portait ?

 18   R. : Elle portait un uniforme de camouflage .

 19   Q. : Lorsque Emir est descendu, ce soldat lui a-t-il dit quelque chose ?

 20   R. : Oui, il l’a frappé et a traité sa mère de “balija”. Il a dit :

 21   “Pourquoi traînes-tu ?” parce qu’il se déplaçait trop lentement.

 22   Q. : Après que Emir Karabasic a quitté la pièce, avez-vous entendu quoi

 23   que ce soit en provenance du rez-de-chaussée du hangar ?

 24   R. : Oui, en effet. J’ai entendu des hurlements et des cris.

 25   Q. : Est-ce que cela a duré peu de temps ou bien est-ce que cela s’est


Page 4303

  1   prolongé ?

  2   R. : Je ne peux pas le dire précisément, cela m’a paru long mais je ne

  3   sais pas combien de temps cela a duré.

  4   Q. : Quelqu’un d’autre a-t-il été appelé de la pièce après cela ?

  5   R. : Oui, Eno Alic a été appelé.

  6   Q. : Est-ce que Eno Alic a répondu immédiatement après avoir été appelé ?

  7   R. : Non.

  8   Q. : Est-ce qu’on a envoyé quelqu’un le chercher ?

  9   R. : Oui. Son père, Meho Alic, est venu.

 10   Q. : Est-ce qu’un soldat a amené Meho Alic dans la pièce ?

 11   R. : Oui.

 12   Q. : Est-ce que Meho Alic est monté pour venir chercher son fils ?

 13   R. : Oui.

 14   Q. : Après un moment les avez-vous vu descendre tous les deux ?

 15   R. : Oui.

 16   Q. : Après qu’ils ont tous les deux quitté la pièce avez vous entendu ce

 17   qui se passait dehors ?

 18   R. : Oui, j’ai entendu ce qui se passait -- encore des cris et des

 19   hurlements et alors...

 20   Q. : Est-ce que les prisonniers qui se trouvaient dans la pièce avec vous

 21   ont fait quoi que ce soit quand les cris et les hurlements ont

 22   commencé et ont continué ?

 23   R. : Oui, nombre d’entre eux sont montés au dernier étage. Je n’ai réussi

 24   qu’à sauter du casier pour me mettre dans le coin près de la porte.

 25   Q. : Pourquoi avez-vous sauté du casier ?


Page 4304

  1   R. : Je voulais m’enfuir comme les autres, mais je n’ai pas réussi parce

  2   que c’était si -- les gardes étaient tout près, ils me regardaient,

  3   si je courais peut-être qu’ils allaient m’attraper, qu’ils

  4   m’appelleraient pour que je sorte.

  5   Q. : Quelle position avez-vous prise après avoir sauté du casier ?

  6   R. : Dans le coin il y avait, je ne sais pas, soit une robe soit autre

  7   chose. Je me tenais en position accroupie, j’étais agenouillé et mes

  8   mains étaient en l’air comme ceci.

  9   Q. : Savez-vous sur quoi vous étiez assis ?

 10   R. : Il y avait quelque chose. C’était des habits ou peut-être qu’il y

 11   avait quelque chose en dessous. Je ne sais pas exactement. Il y

 12   avait quelque chose, je ne sais pas.

 13   Q. : D’autres prisonniers ont-ils été appelés ?

 14   R. : Oui.

 15   Q. : Qui d’autre avez-vous entendu être appelé ?

 16   R. : Jasko Hrnic a été appelé.

 17   Q. : Saviez-vous où se trouvait la pièce où il était ?

 18   R. : Il était dans la pièce juste à côté de la mienne, celle juste à côté.

 19   Q. : Est-ce que Jasko Hrnic a été appelé plus d’une fois ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Quand il a enfin répondu à cet appel, est-il passé près de votre

 22   porte ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Avez-vous pu voir son visage ou le visage de l’un des gardes qui

 25   l’accompagnaient alors qu’il passait ?


Page 4305

  1   R. : J’ai vu son visage quand le garde l’accompagnait. Quand il a été

  2   frappé par le garde qui passait devant la porte et lorsqu’il s’est

  3   tordu en deux, j’ai vu son visage.

  4   Q. : Savez-vous quel était l’état de Jasko avant ce jour ?

  5   R. : Lui aussi se remettait. Il avait été battu.

  6   Q. : Hormis les trois personnes que vous avez citées, à savoir Emir

  7   Karabasic, Eno Alic et Jasko Hrnic, avez-vous entendu d’autres

  8   prisonniers se faire appeler au moment de cet incident ?

  9   R. : Oui, j’ai entendu, j’ai personnellement entendu Beganovic.

 10   Q. : Est-ce que cela provenait du secteur qui se trouvait devant votre

 11   porte ou d’une autre partie du hangar ?

 12   R. : Cela se passait à peu près dans le coin des toilettes. C’est de là

 13   que cela provenait. C’est de là que j’entendais provenir les sons.

 14   Q. : Le bruit des coups ou les cris et les hurlements dont vous avez parlé

 15   précédemment ont-ils continué après que Jasko Hrnic a été appelé ?

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Est-ce que ces cris et ces hurlements ont duré peu de temps ou bien

 18   longtemps au contraire?

 19   R. : Cela m’a paru long. Je ne sais pas combien de temps cela a duré.

 20   Q. : Tandis que vous êtes resté accroupi dans le coin, d’autres

 21   prisonniers ont-ils été emmenés de votre pièce ?

 22   R. : Oui.

 23   Q. : Étaient-ils appelés par leur nom ou choisis de quelque autre façon ?

 24   R. : Non, ils ont dit que deux volontaires devaient sortir et que s’ils ne

 25   sortaient pas ils tueraient quelqu’un. En face de moi se trouvaient


Page 4306

  1   deux hommes et ils sont sortis et se sont dirigés vers eux.

  2   Q. : En utilisant des initiales, pouvez-vous nous dire qui étaient ces

  3   hommes ?

  4   R. : Oui. Il s’agissait de G et de H.

  5   Q. : Après que G et H ont été appelés, avez-vous encore entendu des cris

  6   et des hurlements ?

  7   R. : Oui.

  8   Q. : Vous avez décrit la position dans laquelle vous vous teniez, dans le

  9   coin, et la façon dont vous teniez vos mains devant votre visage

 10   pour montrer aux gardes qui se trouvaient dehors que vous ne

 11   regardiez pas. Avez-vous cependant regardé de temps en temps pour

 12   voir ce qui se passait à l’extérieur de la pièce, au cours de

 13   l’incident ?

 14   R. : Oui.

 15   Q. : Vous avez regardé tout l’incident ou l’avez-vous seulement regardé en

 16   partie ?

 17   R. : Je l’ai seulement regardé en partie.

 18   Q. : Savez-vous combien de temps s’écoulait entre les parties de

 19   l’incident que vous regardiez et celles que vous ne regardiez pas ?

 20   R. : Non, c’est très difficile à dire.

 21   Q. : J’aimerais alors vous demander de nous dire ce que vous avez vu aux

 22   moments où vous regardiez ce qui se passait dans le hangar depuis la

 23   pièce où vous étiez.

 24   R. : J’ai vu quand G est sorti du canal, il était couvert d’huile.

 25   Q. : Aviez-vous entendu des cris ou des mots provenant du secteur de ce


Page 4307

  1   canal ---

  2   R. : Oui.

  3   Q. : ---peu de temps avant qu’il ne sorte, et qu’avez-vous entendu ?

  4   R. : Un cochon, comme si c’était des cochons.

  5   Q. : Qu’avez-vous pu voir d’autre, M. Mujkanovic, pendant les moments où

  6   vous avez regardé?

  7   R. : J’ai vu lorsque H tenait, je ne sais pas vraiment si c’était Emir

  8   Karabasic ou quelqu’un d’autre, par les mains, lorsqu’il le tenait

  9   par les mains, G a du se baisser et on lui a donné l’ordre de mordre

 10   les organes génitaux. La deuxième fois, quand j’ai regardé, il y

 11   avait des hurlements. La deuxième fois que j’ai regardé, G s’est

 12   levé, la bouche pleine. Il était tout sanglant et couvert d’huile. À

 13   ce moment-là il y avait un groupe de soldats, quelqu’un tirait en

 14   l’air, et un petit moment est passé. L’un des soldats a apporté une

 15   colombe à une personne qui était allongée sur le béton et on lui a

 16   donné cette colombe ou ce pigeon qui était encore vivant et elle a

 17   dû le manger.

 18         La deuxième fois que j’ai regardé, Jasko Hrnic n’était pas loin de

 19   moi et un soldat l’a battu avec je ne sais quoi, une barre de fer ou

 20   quelque chose comme ça mais au moment où il est tombé, il ne

 21   montrait aucun signe de vie et il y a eu de la musique, “Laissez moi

 22   vivre”, c’était le titre de la chanson. C’était très difficile pour

 23   moi. J’avais l’estomac retourné. Je ne sais pas comment j’ai pu

 24   arriver en haut, aux toilettes, elles étaient en haut et à gauche.

 25   Comment j’ai réussi à monter en haut et à atteindre les toilettes,


Page 4308

  1   je n’en sais rien, j’ai vomi alors que je n’avais rien à vomir. Je

  2   n’avais rien mangé du tout.

  3   Q. : Est-ce que vous avez vu beaucoup de soldats au rez-de-chaussée du

  4   hangar pendant ce temps ?

  5   R. : Eh bien, ils étaient là, je ne sais pas combien ils étaient, mais il

  6   y avait un groupe, pour autant que je puisse voir. Je ne sais pas

  7   combien ils étaient.

  8   Q. : Est-ce qu’ils étaient toujours ensemble ou bien formaient-ils parfois

  9   des groupes séparés ?

 10   R. : Ceux que j’ai vus étaient en groupe.

 11   Q. : Comment se comportaient ces soldats ? Que faisaient - ils ?

 12   R. : C’est comme s’ils avaient été en train de suivre un match sportif,

 13   comme s’ils soutenaient une équipe.

 14   Q. : Avez-vous vu Dule Tadic au cours de cet incident ?

 15   R. : Oui.

 16   M.KAY : Puis-je faire opposition Mme le Président ? Peut-être la question

 17   la plus appropriée est-elle de demander au témoin s’il a reconnu

 18   quelqu’un à ce moment-là (parce que selon moi, il s’agit là d’une

 19   question tendancieuse).

 20   M.TIEGER : Je le ferais volontiers.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Reformulez la question.

 22   M.TIEGER (au témoin) : M. Mujkanovic, au cours de cet incident, avez-vous

 23   reconnu qui que ce soit dans le hangar ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Qui était-ce ?


Page 4309

  1   R. : Dule Tadic.

  2   Q. : Où était-il lorsque vous l’avez vu ?

  3   R. : La première fois que je l’ai vu il se tenait sur un pneu et la

  4   seconde fois il était sur le béton, devant, près de l’un des canaux

  5   qui étaient de l’autre côté des W-C, tourné vers moi.

  6   Q. : Puis-je vous demander de vous lever un instant et, en utilisant le

  7   pointeur, de nous montrer sur la maquette les endroits où vous avez

  8   vu Dule Tadic par deux fois, au cours de cet incident ? Permettez-

  9   moi de vous rappeler que vous devez vous lever lentement et vous

 10   déplacer lentement, à cause de la caméra. M. Mujkanovic, on me

 11   signale que vous devez reprendre votre place, s’il vous plaît.

 12   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Retournez à votre place, par ici. Nous allons

 13   baisser certains des stores. Peut-être que les deux stores se

 14   trouvant près de l’écran peuvent être baissés ? Est-ce utile, M.

 15   Tieger ? Opposition, M. Kay?

 16   M. KAY: Non, bien entendu.

 17   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Parfait.

 18   M.TIEGER : Merci, Mme le Président. (Au témoin) : M. Mujkanovic, je vais à

 19   nouveau vous demander de vous lever lentement et de vous diriger

 20   vers la maquette et de nous montrer, approximativement, les endroits

 21   où se trouvait Dule Tadic lorsque vous l’avez vu en ces deux

 22   occasions.

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous voulez vous approcher, M. Kay ?

 24   R. : La première fois il était là et la seconde fois, là.

 25   LE JUGE VOHRAH : La seconde fois ?


Page 4310

  1   M. TIEGER : Excusez-moi. Pouvez-vous une fois encore nous indiquer

  2   approximativement ces deux endroits, s’il vous plaît ?

  3   R. : La première fois, là et la seconde fois, là.

  4   Q. : Merci, Monsieur. Dans quelle direction Dule Tadic était-il tourné,

  5   lorsque vous l’avez vu en ces deux occasions ?

  6   R. : Il était tourné vers moi.

  7   Q. : Y avait-il des soldats autour de lui ?

  8   R. : Oui.

  9   LE JUGE STEPHEN : Pourriez-vous également demander au témoin d’indiquer

 10   l’endroit où il se trouvait ?

 11   M. TIEGER : Monsieur, pourriez-vous vous lever une fois encore et nous

 12   indiquer la pièce dans laquelle vous vous trouviez et l’endroit ou

 13   vous étiez ?

 14   R. : J’étais ici, il était là.

 15   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : N’y a-t-il pas des chiffres en bleu, près de

 16   cet endroit? Est-ce que cela permettrait de mieux indiquer --

 17   poursuivez, M. Tieger.

 18   M. TIEGER : Monsieur, s’il y a un chiffre qui apparaît sur le sol de la

 19   pièce dans laquelle vous vous trouviez, pouvez-vous nous le lire ?

 20   L’INTERPRÈTE : Peut-on brancher le micro du témoin, s’il vous plaît ?

 21   M. TIEGER : Voyez-vous un chiffre apposé sur le sol de la pièce où vous

 22   étiez détenu ?

 23   R. : A15.

 24   Q. : Je vous remercie Monsieur. Vous pouvez reprendre votre place. M.

 25   Mujkanovic, voyez-vous Dule Tadic dans le prétoire aujourd’hui ?


Page 4311

  1   R. : C’est lui, là-bas.

  2   Q. : Pouvez-vous nous dire comment il est habillé, s’il vous plaît, afin

  3   que nous puissions l’identifier pour le procès-verbal?

  4   R. : Il porte un costume de couleur verte. Il porte une cravate. Sa

  5   chemise est blanc cassé.

  6   Q. : Que portait Dule Tadic lorsque vous l’avez vu dans le hangar ?

  7   R. : Un uniforme de camouflage.

  8   Q. : Vous rappelez-vous s’il était rasé ou s’il portait une barbe ce jour-

  9   là ?

 10   R. : Il avait une barbe de quelques jours. Elle n’était pas longue, elle

 11   n’était pas courte, c’était une barbe de deux ou trois jours, je ne

 12   saurais pas vous dire exactement.

 13   M. TIEGER : Mme le Président, avant tout le procès-verbal peut-il indiquer

 14   l’identification de l’accusé ?

 15   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, le procès-verbal précisera que le témoin

 16   a identifié l’accusé.

 17   M. TIEGER : Je n’ai rien à ajouter.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons suspendre les débats pendant 20

 19   minutes.

 20   (11.38)

 21                     (Suspension d’audience)

 22   (12.00)

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous souhaitez procéder au contre-

 24   interrogatoire, M. Kay ?

 25   M. KAY : Merci, Mme le Président .


Page 4312

  1                     Contre-interrogatoire par M. KAY

  2   Q. : M. Mujkanovic, connaissiez-vous Emir Karabasic avant d’être détenu à

  3   Omarska ?

  4   R. : Oui.

  5   Q. : C’était un de vos amis ?

  6   R. : Oui.

  7   Q. : Connaissiez-vous Eno Alic avant d’être détenu à Omarska ?

  8   R. : Oui.

  9   Q. : Connaissiez-vous Jasko Hrnic avant d’être détenu à Omarska ?

 10   R. : Oui.

 11   Q. : Vous nous avez dit que l’endroit où vous étiez détenu se trouvait

 12   dans cette pièce ou dans ce couloir au pied des escaliers, n’est-ce

 13   pas ?

 14   R. : En effet.

 15   Q. : Donc vous n’étiez pas détenu dans la pièce qui se trouvait au-dessus,

 16   à l’étage ?

 17   R. : Non, j’étais dans le couloir et là il y avait les escaliers qui

 18   menaient à l’étage de cette même pièce.

 19   Q. : Cet endroit dans le couloir est devenu votre pièce pendant votre

 20   séjour à Omarska , n’est-ce pas ?

 21   R. : Oui.

 22   Q. : La pièce du dessus était la pièce où nombre de prisonniers étaient

 23   détenus, n’est-ce pas ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Dans la pièce où vous étiez détenu, y avait-il des gardes différents


Page 4313

  1   de ceux qui gardaient la pièce au dessus ?

  2   R. : Non.

  3   Q. : Cette porte vitrée dans le hangar, était-elle généralement fermée ?

  4   R. : Oui. Un battant était ouvert, une partie de la porte. Une partie de

  5   la porte était ouverte, la partie centrale.

  6   Q. : Au cours de l’incident que vous avez décrit comme impliquant

  7   Karabasic, Alic et Hrnic, cette porte d’accès au hangar était-elle

  8   fermée ?

  9   R. : Ouverte, elle était ouverte.

 10   Q. : Quand vous êtes resté en bas, dans votre pièce ; combien d’autres

 11   personnes se trouvaient là avec vous ?

 12   R. : Je ne sais pas. Je sais ce qu’il en était pour moi.

 13   Q. : Bien. Étiez-vous seul alors dans cette pièce ?

 14   R. : Dans cette pièce où je me trouvais, j’étais seul.

 15   Q. : Êtes-vous resté seul dans cette pièce pendant toute la durée de votre

 16   séjour dans cette partie du camp ?

 17   R. : Pendant toute la durée de mon séjour dans le camp, j’étais sur le

 18   casier et cela se trouvait dans le coin quand vous descendiez des

 19   casiers sur le carrelage.

 20   Q. : Vous nous avez montré cela sur la photographie et ---

 21   R. : Oui.

 22   Q. : --- l’endroit où vous dormiez alors, est-ce que c’était sur les

 23   casiers ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Personne d’autre ne s’y trouvait avec vous, vous étiez tout seul,


Page 4314

  1   n’est-ce pas ?

  2   R. : Quand cela ? À ce moment-là ?

  3   Q. : Ma question s’applique à toute la durée de votre séjour dans cette

  4   partie-là du camp, dans ce couloir.

  5   R. : Oh, à ce moment-là c’était plein, à la fois en bas et sur les

  6   casiers.

  7   Q. : Le jour de l’incident dont vous nous avez parlé, les autres personnes

  8   qui se trouvaient dans cette partie-là du couloir y sont-elles

  9   restées ou sont-elles parties ?

 10   R. : Elles sont parties, elles se sont échappées, en haut des escaliers.

 11   Q. : Se sont-elles échappées avant que quiconque soit appelé par un garde

 12   ?

 13   R. : Non.

 14   Q. : À quel moment ont-elles quitté ce couloir pour aller à l’étage ?

 15   R. : Je l’ai déjà dit une fois et je vais le répéter. Lorsque Eno Alic a

 16   été emmené, elles sont alors parties, elles sont montées à l’étage.

 17   Q. : Vous avez déclaré que les gardes ont demandé à deux volontaires de

 18   sortir du groupe et ceux-ci sont les hommes que vous avez décrit

 19   comme étant G et H. À quel moment leur a-t-on demandé de se porter

 20   volontaires ?

 21   R. : Lorsque Eno Alic et Emir Karabasic ont été emmenés, les volontaires

 22   qui étaient -- ont dû se porter volontaires.

 23   Q. : Lorsqu’ils ont tous les deux été désignés, les autres avaient-ils

 24   déjà quitté le couloir ou sont-ils partis après qu’ils ont tous deux

 25   été désignés ?


Page 4315

  1   R. : Je l’ai déjà dit, ils sont partis après que Eno Alic a été emmené.

  2   Certains d’entre eux, les deux qui se trouvaient en face de moi et

  3   qui sont restés, ils sont sortis en tant que volontaires, ils

  4   n’avaient pas le choix.

  5   Q. : Donc après qu’ils sont partis et que les autres soient restés, étiez-

  6   vous la seule personne à rester dans cette partie du couloir ?

  7   R. : Je sais que je m’y trouvais seul.

  8   Q. : Il semble qu’alors les gardes ont permis aux autres personnes de

  9   quitter cette partie de l’entrée et de monter à l’étage dans une

 10   autre pièce, n’est-ce pas ?

 11   R. : Non.

 12   Q. : Comment les personnes qui jusqu’alors étaient demeurées dans cette

 13   partie de l’entrée ont-elles pu la quitter et se rendre dans un

 14   autre endroit du bâtiment ?

 15   R. : Elles devraient le savoir.

 16   Q. : Vous avez déclaré que vous aviez l’impression qu’il ne vous était pas

 17   possible de vous échapper de cette partie de l’entrée du fait de la

 18   présence des gardes qui se trouvaient là, n’est-ce pas ?

 19   R. : Oui.

 20   Q. : Lorsque vous dites “ du fait de la présence des gardes qui se

 21   trouvaient là”, de combien de gardes parlez-vous ?

 22   R. : Je ne sais pas.

 23   Q. : Pouvez-vous me dire où ils se trouvaient par rapport à l’endroit de

 24   l’entrée où vous vous trouviez ?

 25   R. : Pas loin de moi, de mon côté.


Page 4316

  1   Q. : Donc ils se trouvaient dans le couloir plutôt que dans le hangar lui-

  2   même ?

  3   R. : Ils étaient dans le hangar.

  4   Q. : Donc ils étaient de l’autre côté des portes que vous avez décrites

  5   comme se trouvant dans le couloir et s’ouvrant sur le hangar, c’est

  6   bien cela ?

  7   R. : Oui, à l’extérieur de la porte.

  8   Q. : Savez-vous s’il y avait des gardes qui se trouvaient en haut, au-

  9   dessus de cette partie du couloir, dans la pièce du dessus ou dans

 10   le couloir au-dessus ou en haut des escaliers ?

 11   R. : Les gardes n’allaient pas là-dedans. Il y avait des gens, des

 12   Musulmans enfermés là.

 13   Q. : Il n’y avait donc pas de gardes stationnés à l’extérieur d’une pièce

 14   où des hommes Musulmans étaient détenus, c’est exact ?

 15   R. : J’ai dit qu’ils se tenaient devant, dans le hangar, près de la pièce

 16   où je me trouvais.

 17   Q. : Alors pourquoi n’avez-vous pas quitté cette partie de l’entrée et

 18   n’êtes-vous pas allé, comme les autres, en haut, où se trouvait une

 19   pièce ?

 20   R. : Parce que je n’ai pas réussi à m’enfuir.

 21   Q. : Mais il semble que rien ne vous empêchait de vous y rendre, une fois

 22   que les gardes ont désigné leur deux volontaires pour aller dans le

 23   hangar, n’est-ce pas ?

 24   R. : Comment le savez-vous ?

 25   Q. : Eh bien je vous le demande pour voir si vous pouvez m’aider sur ce


Page 4317

  1   point parce que j’aimerais savoir pourquoi vous êtes resté tout seul

  2   dans cet endroit.

  3   R. : Parce que la pièce était comble ; l’escalier était étroit, ceux qui

  4   pouvaient réussir à s’échapper à l’étage l’ont fait et puisque

  5   j’étais sur le casier j’ai réussi à sauter et je suis resté dans le

  6   coin, dans cette posture (sic).

  7   Q. : Lorsque vous avez sauté à terre, est-ce que c’était après que les

  8   volontaires ont été désignés ?

  9   R. : Non, j’étais déjà à terre.

 10   Q. : Lorsque vous avez sauté à terre pour prendre la position que vous

 11   nous avez décrite, était-ce parce que vous vous cachiez des gardes ?

 12   R. : Je ne sais pas ce qui se passait alors, je sais que je suis

 13   simplement resté là. Je suis resté dans cette position.

 14   Q. : Il semble alors que vous avez pensé qu’il valait mieux essayer de

 15   vous cacher plutôt que de rester debout et de vous faire remarquer,

 16   n’est-ce pas ?

 17   R. : Oui.

 18   Q. : Comme vous nous l’avez dit, vous avez couvert vos yeux de vos mains

 19   afin que personne ne pense que vous observiez ce qui se passait dans

 20   le hangar, c’est bien exact ?

 21   R. : Oui, mais mes mains étaient comme ceci .

 22   Q. : Étiez-vous couché sur le sol, en train de regarder à travers la vitre

 23   de la porte ?

 24   R. : J’ai dit que je n’étais ni accroupi, ni agenouillé. Il y avait

 25   quelque chose, des habits ou autre, je ne sais pas de quoi il


Page 4318

  1   s’agissait, il y avait quelque chose.

  2   Q. : Les portes dont vous avez parlé sont des portes qui ont une partie

  3   vitrée, n’est-ce pas, et sous la vitre il y a une partie métallisée

  4   ?

  5   R. : Toute la porte était vitrée, seul l’encadrement était en métal.

  6   Q. : Êtes-vous donc en train de nous dire que, de haut en bas, la porte

  7   était vitrée ?

  8   R. : Il y avait un encadrement de métal large de 20 centimètres environ et

  9   tout le reste était en verre.

 10   Q. : Pouvez-vous regarder la pièce 260 qui nous a déjà été montrée

 11   précédemment. Peut-on la placer sur le rétroprojecteur afin que tout

 12   le monde puisse la voir ? En fait, elle se trouve sur l’écran vidéo,

 13   M.Bos, cela n’est donc pas nécessaire. Merci beaucoup. (S’adressant

 14   au témoin) : M. Mujkanovic, vous voyez la photographie qui se trouve

 15   maintenant devant vous, n’est-ce pas ?

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Nous voyons ici que la porte est vitrée, ainsi que les panneaux sur

 18   le côté et que, en dessous, la base est en métal. En regardant cette

 19   photographie, pouvez-vous nous indiquer à travers quel côté de la

 20   photographie vous regardiez ?

 21   R. : À travers ce côté-ci.

 22   Q. : Si vous voulez bien nous la décrire, est-ce que c’est du côté gauche

 23   quand on regarde la photographie ou du côté droit ou de quel panneau

 24   s’agit-il ?

 25   R. : Quand on entre dans cette pièce, dans ce couloir, c’est le côté


Page 4319

  1   gauche. Quand vous en sortez, alors c’est sur la droite.

  2   Q. : S’agit-il de ce panneau, à côté de la porte proprement dite ? C’est à

  3   travers une partie de cette vitre que vous regardiez?

  4   R. : Je sais que c’est à travers cette vitre que je regardais.

  5   Q. : On me demande de l’indiquer sur le rétroprojecteur afin que tout soit

  6   clair. Voulez-vous utiliser ce pointeur et indiquer ce dont vous

  7   parlez sur la photographie apparaissant sur l’écran, pour que nous

  8   puissions voir ? Donc il s’agit de ce deuxième panneau à partir de

  9   la gauche, c’est exact ? Merci.

 10         Le hangar que vous observiez était un hangar dans lequel se trouvait

 11   de l’équipement, tel que des camions, d’autres objets liés au

 12   fonctionnement quotidien de ce bâtiment, c’est bien cela ?

 13   R. : À un certain moment, dans cette partie à laquelle je faisais face,

 14   c’était la même chose, pour autant que je puisse voir.

 15   Q. : La partie du hangar que vous observiez n’était pas éclairée par une

 16   lumière artificielle, n’est-ce pas ? Je suis désolé, je n’ai pas

 17   entendu l’interprétation de ce que vous venez de dire.

 18   L’INTERPRÈTE : Pardon, nous n’avons pas entendu la réponse.

 19   M. KAY : Pouvez-vous répondre ? Le second micro peut-il être branché pour

 20   le témoin ?

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pouvez-vous répéter la question pour le

 22   témoin, s’il vous plaît ?

 23   M. KAY : Oui. (S’adressant au témoin) : Ce bâtiment appelé le hangar et

 24   que vous observiez n’était éclairé par aucune lumière artificielle,

 25   n’est-ce pas ?


Page 4320

  1   R. : Pendant la journée il était éclairé parce que la porte était ouverte,

  2   la porte du garage était ouverte -- c’était une grande porte -- donc

  3   c’était suffisamment éclairé pour qu’on y voit.

  4   Q. : Cependant, en cette occasion, cette porte d’accès au garage était

  5   ouverte ou fermée ?

  6   R. : Elle était parfois ouverte, parfois fermée.

  7   Q. : Lorsque cet incident s’est produit, était-elle fermée ?

  8   R. : Je sais que la visibilité était convenable, c’était pendant la

  9   journée.

 10   Q. : Mais vous vous trouviez à l’intérieur d’un grand bâtiment et non à

 11   l’extérieur en plein jour. La question que je vous pose porte sur

 12   les conditions de luminosité dans cette partie du bâtiment.

 13   R. : Très bonnes.

 14   Q. : Est-ce une réponse franche, M. Mujkanovic, ou une réponse que vous

 15   donnez parce que vous pensez qu’elle est dans la droite ligne de ce

 16   que vous avez dit au Tribunal ?

 17   R. : Je sais que la visibilité était convenable et qu’il y avait de la

 18   lumière.

 19   Q. : Dans la partie du bâtiment que vous observiez, il y avait plusieurs

 20   hommes qui ont été décrits comme étant des soldats. Avez-vous

 21   reconnu qui que se soit d’autre dans le hangar quand ces événements

 22   se produisaient ?

 23   R. : J’ai reconnu Dule Tadic. C’était le seul.

 24   Q. : Vous n’avez donc reconnu personne d’autre ?

 25   R. : Non.


Page 4321

  1   Q. : Ce groupe dont nous parlons, qui se trouvait dans le hangar à ce

  2   moment-là, de combien de soldats était-il constitué ?

  3   R. : Je ne sais pas exactement quelle était l’importance du groupe que

  4   j’ai vu, 7 ou 10, je ne sais pas.

  5   Q. : Si vous ne pouvez donner les noms d’aucune de ces personnes, les

  6   connaissiez-vous d’une quelque autre façon, y a t-il quoi que ce

  7   soit qui vous ait permis de les reconnaître ?

  8   R. : Quelles personnes ? Les soldats ?

  9   Q. : Les soldats auxquels se rapportent les questions que je vous pose en

 10   ce moment.

 11   R. : Non, je ne les ai pas reconnus.

 12   Q. : Est-il alors possible que vous donniez le nom de Dule Tadic parce que

 13   c’est un nom qui vous a été communiqué par quelqu’un d’autre ?

 14   R. : Non, personne ne me l’a communiqué. Je l’ai vu de mes propres yeux

 15   parce que je le connais bien.

 16   Q. : Connaissez-vous Miso Danicic ?

 17   R. : Non.

 18   M. KAY : Je vous remercie. Je n’ai plus de questions.

 19   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

 20   M. TIEGER : Rien à ajouter, Mme le Président.

 21                     Le témoin est interrogé par les Juges.

 22   LE JUGE STEPHEN : Pourrais-je voir cette pièce à nouveau, cette

 23   photographie ? (La photographie est transmise) Témoin, voulez-vous

 24   vous tourner et me regarder ? Merci. Cette photographie que vous

 25   avez vue, elle a été prise depuis le rez-de-chaussée du hangar en


Page 4322

  1   direction des escaliers, n’est-ce pas ?

  2   R. : Oui.

  3   Q. : D’où venaient les volontaires ? Où étaient-ils ?

  4   R. : Ils étaient de l’autre côté de la pièce, en face de moi. Ils étaient

  5   également assis sur le carrelage.

  6   Q. : Donc ils n’étaient pas à l’étage, ils étaient au rez-de-chaussée?

  7   R. : Au rez-de-chaussée, oui.

  8   Q. : Ces soldats que vous avez vu dans le hangar, aviez-vous jamais vu

  9   l’un d’entre eux auparavant, hormis l’homme dont vous dites qu’il

 10   s’agissait de Dule Tadic?

 11   R. : Peut-être, mais je ne sais pas.

 12   Q. : Il ne s’agissait donc pas de visiteurs réguliers qui venaient

 13   s’occuper des prisonniers ?

 14   R. : Non.

 15   LE JUGE STEPHEN : Je vous remercie.

 16   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, vous avez indiqué que vous avez vu

 17   M. Tadic et qu’il était tourné vers vous, c’est exact ?

 18   R. : Oui.

 19   Q. : À quelle distance se trouvait-il de l’endroit où cet incident s’est

 20   déroulé, cet incident que vous avez décrit ?

 21   R. : Tout près. Je ne pourrais pas être précis au centimètre près, mais

 22   pas très loin.

 23   Q. : Vous avez indiqué que vous ne pouviez pas évaluer, au centimètre

 24   près, c’est ce que vous avez dit je crois, la distance séparant M.

 25   Tadic de l’endroit où se déroulait l’incident, c’est bien cela ?


Page 4323

  1   R. : Non.

  2   Q. : Avez-vous vu M. Tadic prendre part de quelque façon que ce soit à cet

  3   incident, et j’entends par là prendre une part active et cela peut

  4   même vouloir dire -- vous dites ?

  5   R. : Je n’ai pas vu ces moments-là.

  6   Q. : Vous n’avez donc pas vu M. Tadic demander à M. G, par exemple, de

  7   commettre les actes que vous avez décrits, c’est bien cela ?

  8   R. : Non, je ne l’ai pas vu.

  9   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des questions supplémentaires, M. Tieger ?

 10   M. TIEGER : Non, Mme le Président.

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

 12   M. KAY : Non, merci Mme le Président.

 13   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S’oppose t-on à ce que le témoin puisse

 14   disposer définitivement ?

 15   M. KAY : Non, Mme le Président.

 16   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Nous allons quitter la salle d’audience

 17   et suspendre les débats un peu plus tôt pour le déjeuner, cela nous

 18   permettra de préparer la venue du prochain témoin. Monsieur, vous

 19   pouvez disposer, vous êtes libre de partir. Merci beaucoup d’être

 20   venu. Les Juges vont partir puis vous pourrez quitter la salle .

 21   LE TÉMOIN : Merci à vous.

 22   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fort bien. Nous suspendons les débats pour

 23   une heure et demie. Je suis prête à travailler avec les avocats si

 24   vous avez besoin d’une aide quelconque pour prendre les dispositions

 25   pour le prochain témoin. J’ai demandé au Greffe de voir s’il était


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  1   possible de trouver de l’équipement supplémentaire qui pourrait nous

  2   aider. Si vous voulez bien rester encore quelques instants, nous

  3   allons voir ce qui peut être fait.

  4         Nous suspendons donc l’audience pendant une heure et demie, pour la

  5   pause du déjeuner.

  6   (12.35)

  7                           (Pause déjeuner)

  8  

  9   (14.00)

 10   (Audience à huis clos – Confidentialité levée par la Chambre II 29 juillet 1996)

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous sommes à présent en audience à huis clos

 12   et je vais demander à la cabine technique de me confirmer que ces

 13   débats ne sont pas diffusés aux médias. Parfait. Je vous remercie.

 14   M. KEEGAN : Mme le Président, l’accusation appelle à la barre le témoin H.

 15                     (Entrée du témoin H)

 16   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je vais demander au témoin de bien vouloir

 17   lire le serment qui lui est présenté.

 18   LE TÉMOIN (interprétation) : Je m’engage solennellement à dire la vérité,

 19   toute la vérité et rien que la vérité.

 20               (Le témoin prête serment)

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

 22                     (Interrogatoire principal mené par M. KEEGAN)

 23   Q. : Monsieur H, vous êtes né en 1968 ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Êtes-vous marié ?


Page 4325

  1   R. : Oui.

  2   Q. : Vous avez des enfants ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Combien ?

  5   R. : Trois fils.

  6   Q. : Quelle est votre appartenance ethnique ?

  7   R. : Musulmane.

  8   Q. : Êtes-vous né et avez-vous grandi dans la région de Kozarac ?

  9   R. : Oui

 10   Q. : Êtes-vous allé à l’école primaire et secondaire à Kozarac et à

 11   Prijedor ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : Après votre scolarité, avez-vous travaillé dans le secteur du

 14   bâtiment ?

 15   R. : Oui, en effet.

 16   Q. : Avez-vous fait votre service militaire obligatoire ?

 17   R. : Oui.

 18   Q. : En quelle année ?

 19   R. : 1987-88.

 20   Q. : Après être retourné chez vous, suite à votre service militaire

 21   obligatoire, avez-vous jamais pris part à une formation de

 22   réserviste ?

 23   R. : Non, jamais.

 24   Q. : Avez-vous jamais été membre d’une TO ?

 25   R. : Non.


Page 4326

  1   Q. : Avez-vous jamais été engagé dans des activités politiques ?

  2   R. : Non, jamais.

  3   Q. : Avez-vous travaillé hors de la région de Kozarac pendant plusieurs

  4   années, avant la guerre?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : Rentriez-vous chez vous pour le week-end et pour les vacances ?

  7   R. : Oui.

  8   Q. : Connaissez-vous un homme de Kozarac appelé Dusko Tadic ?

  9   R. : Oui.

 10   Q. : Comment le connaissez-vous ?

 11   R. : Je le connais de Kozarac, de la ville et quand j’ai fait du karaté

 12   pendant un an il était mon professeur.

 13   Q. : Savez-vous s’il était marié ?

 14   R. : Oui, il l’était.

 15   Q. : Connaissez-vous le nom de sa femme ?

 16   R. : Mira.

 17   Q. : Savez-vous si sa femme travaillait ?

 18   R. : Oui.

 19   Q. : Savez-vous où elle travaillait ?

 20   R. : À l’hôpital de Kozarac.

 21   Q. : Hormis lors de ces cours de karaté, qui ont duré un an, avez-vous

 22   jamais vu cet homme que vous connaissez, Dusko Tadic, dans les

 23   environs du village de Kozarac ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Quel était son emploi, le savez-vous ?


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  1   R. : Je ne sais pas. Je sais qu’il donnait des cours de karaté. Peut-être

  2   que c’est de cela qu’il vivait.

  3   Q. : Avant la guerre, aviez-vous jamais vu cet homme, Dusko Tadic, portant

  4   une barbe ?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : L’aviez-vous vu sans barbe, en certaines occasions?

  7   R. : Oui.

  8   Q. : Étiez-vous à votre domicile dans la région de Kozarac lorsque

  9   l’attaque sur ce secteur a commencé ?

 10   R. : Oui, j’y étais.

 11   Q. : Quand l’attaque a-t-elle commencé ?

 12   R. : Le 24 mai 1992.

 13   Q. : À quelle heure approximativement, vous en souvenez-vous ?

 14   R. : Vers 14H15.

 15   Q. : Comment l’attaque a t-elle commencé, que s’est-il passé ?

 16   R. : D’abord, le pilonnage a commencé.

 17   Q. : Lorsque le pilonnage a commencé, qu’avez-vous fait ?

 18   R. : J’étais effrayé.

 19   Q. : Avez-vous quitté votre maison ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Où êtes-vous allé ?

 22   R. : Je ne savais où aller, que faire.

 23   Q. : Où avez-vous fini par aller, tout d’abord ?

 24   R. : Au village d’à côté.

 25   Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans ce village ?


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  1   R. : J’y suis resté la première nuit.

  2   Q. : Êtes-vous retourné chez vous le jour suivant ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Qu’y avez-vous fait ?

  5   R. : Rien. J’étais avec ma famille.

  6   Q. : Êtes-vous resté chez vous durant tout le reste de l’attaque?

  7   R. : Pas tout le temps .

  8   Q. : Que faisiez-vous ?

  9   R. : Nous courions dans tous les sens.

 10   Q. : Pourquoi couriez-vous dans tous les sens ?

 11   R. : Parce qu’on tirait de tous les côtés.

 12   Q. : À un moment donné, êtes-vous allé au village de Sivci ?

 13   R. : À Sivci, oui.

 14   Q. : Combien de temps y êtes-vous resté ?

 15   R. : J’y ai passé la soirée et la nuit du mardi et je suis parti tôt le

 16   lendemain matin.

 17   Q. : Pourquoi avoir quitté Sivci ?

 18   R. : Parce que c’est aussi là que cela a commencé, les tirs et les

 19   grenades.

 20   Q. : Où êtes-vous allé lorsque vous avez quitté Sivci ?

 21   R. : Je suis retourné chez moi.

 22   Q. : Avez-vous été capturé chez vous ?

 23   R. : Pas immédiatement.

 24   Q. : Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez fini par être fait

 25   prisonnier ?


Page 4329

  1   R. : Ce matin-là nous sommes retournés à la maison avec ma famille et

  2   certains de nos voisins avec un tracteur et une remorque, avec ma

  3   femme et mes enfants. Nous sommes arrivés à la maison et nous avons

  4   trouvé le bétail, les bêtes, à l’extérieur. Puis nous les avons

  5   attachées, nous les avons nourries, puis nous avons déjeuné et nous

  6   nous sommes lavés, nous avons fait la lessive et nous sommes restés

  7   à la maison jusqu’à ce que le pilonnage reprenne et que les obus

  8   commencent à tomber dans la cour.

  9   Q. : Qu’avez-vous fait lorsque cela s’est produit ?

 10   R. : Je me suis alors enfui vers une crevasse, vers un ravin, avec ma

 11   femme et mes enfants.

 12   Q. : Qu’y avait-il dans ce ravin vers lequel vous vous êtes enfuis ?

 13   R. : C’était un tout petit ravin.

 14   Q. : Y’avait-il un ruisseau qui y coulait ?

 15   R. : Non, pas à ce moment-là.

 16   Q. : Lorsque vous étiez dans ce ravin, que s’est-il passé ?

 17   R. : J’ai entendu du bruit et je suis allé voir de quoi il s’agissait.

 18   J’ai laissé l’enfant. Je l’ai confié soit à ma mère soit à ma femme

 19   et je suis remonté à flanc de colline jusqu’à ce que j’arrive à un

 20   point d’où je pouvais bien voir quelle était la source du bruit.

 21   Q. : Qu’avez-vous vu lorsque vous êtes arrivé à cet endroit ?

 22   R. : J’ai vu une colonne de personnes, mes voisins et un soldat qui les

 23   escortaient.

 24   Q. : Votre voisin vous a t-il dit quoique ce soit ?

 25   R. : Oui, les soldats m’ont fait signe et ils ont également crié que nous


Page 4330

  1   allions à une sorte de réunion. J’ai accepté de me joindre à eux.

  2   Q. : Y a-t-il de fait eu une réunion quelconque ?

  3   R. : Non.

  4   Q. : Ce groupe de personnes dans lequel vous vous trouviez, et les

  5   soldats, a-t-il fini par se diriger vers la ville de Kozarac ?

  6   R. : Oui.

  7   Q. : Lorsque vous êtes arrivés à l’entrée de Kozarac, que s’est-il produit

  8   ?

  9   R. : Beaucoup de militaires se trouvaient là et encore beaucoup de

 10   personnes, des civils, nos civils.

 11   Q. : Les militaires dont vous avez parlé, disaient-ils quoique ce soit aux

 12   personnes avec lesquelles vous vous trouviez ?

 13   R. : Oui.

 14   Q. : Que disaient-ils ?

 15   R. : Ils nous injuriaient, ils injuriaient nos mères en les traitant de

 16   balija.

 17   Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de ce groupe de civils dans

 18   lequel vous vous trouviez, l’origine ethnique ?

 19   R. : Musulmane.

 20   Q. : Avez-vous reconnu l’un quelconque des soldats ?

 21   R. : Pas vraiment. Ils étaient Serbes.

 22   Q. : Lorsque vous êtes arrivés à Kozarac, où votre groupe a t’il été

 23   emmené ?

 24   R. : En direction de Prijedor. Nous sommes arrivés à Limenka.

 25   Q. : Qu’est ce que c’est Limenka ?


Page 4331

  1   R. : C’est un arrêt de bus qui était appelé Limenka.

  2   Q. : Se trouvait-il sur la route Prijedor/Banja Luka ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Était-ce la nouvelle ou la vieille route ?

  5   R. : La nouvelle route.

  6   Q. : Que s’est-il passé lorsque vous êtes arrivés à Limenka ?

  7   R. : Nous avons alors été séparés, les femmes et les enfants ont été

  8   séparés des hommes.

  9   Q. : Qu’est-il arrivé aux hommes ?

 10   R. : Nous avons été séparés en bas de la colline de l’autre côté de la

 11   route et ils nous ont fouillé et les femmes et les enfants sont

 12   restés de l’autre côté, la partie élevée.

 13   Q. : Les soldats serbes vous ont-ils dit quoi que ce soit, à vous ou aux

 14   autres prisonniers ?

 15   R. : Lorsque nous avons commencé à monter dans les bus, un homme marchait

 16   à mes côtés et un soldat l’a arrêté et lui a demandé combien de

 17   serbes il avait tué et il est resté en arrière et je suis monté dans

 18   le bus.

 19   Q. : Lorsque vous êtes monté dans le bus, que s’est-il passé ensuite ?

 20   R. : Nous sommes montés dans les bus et nous sommes partis vers Prijedor.

 21   Q. : Où les bus se sont-ils arrêtés ?

 22   R. : À Keraterm.

 23   Q. : Qu’est-il arrivé une fois que les bus sont arrivés à Keraterm ?

 24   R. : Nous avons été emmenés dans ces bus sur le terrain, dans l’enceinte

 25   clôturée, et nous avons attendu un moment.


Page 4332

  1   Q. : Combien de temps avez-vous attendu dans ces bus ?

  2   R. : Je ne sais pas exactement combien de temps.

  3   Q. : À quel moment de la journée êtes-vous arrivés à Keraterm ?

  4   R. : Dans l’après-midi.

  5   Q. : Lorsque vous êtes descendus des bus, est-ce que c’était encore

  6   l’après-midi ou est-ce que c’était la nuit ?

  7   R. : C’était le crépuscule, il ne faisait pas encore nuit.

  8   Q. : Que s’est-il passé lorsque vous êtes descendus des bus ?

  9   R. : Le soldat qui nous escortait nous a dit -- à nous qui venions de ce

 10   village -- de nous écarter.

 11   Q. : Ce soldat auquel vous faites référence, est-ce le même que celui qui

 12   a escorté votre groupe depuis votre village ?

 13   R. : Oui.

 14   Q. : Quand vous dites qu’il a parlé à ceux d’entre vous qui veniez de ce

 15   village, vous voulez parler de ce groupe dont vous faisiez partie,

 16   de ce même groupe ?

 17   R. : Pour la plupart, nous étions de ce village.

 18   Q. : Ce garde vous séparait donc des autres personnes qui se trouvaient

 19   dans les bus ?

 20   R. : Non, il a juste dit que nous devions nous écarter.

 21   Q. : Que s’est-il passé lorsqu’il vous a demandé de le faire ?

 22   R. : Des personnes ont commencé à se joindre à nous, puis il est revenu et

 23   a donné des instructions différentes.

 24   Q. : Vous dites que le garde est revenu et qu’il a donné des instructions

 25   différentes, qu’entendez-vous par là?


Page 4333

  1   R. : Nous devions tous remonter dans le bus.

  2   Q. : Comment se comportait-il lorsqu’il est revenu et qu’il a vu que le

  3   groupe ne s’était pas scindé ?

  4   R. : Eh bien il était agité, furieux. Puis il est parti.

  5   Q. : Pourquoi pensez-vous que les autres prisonniers qui, au départ, ne

  6   faisaient pas partie de votre groupe, ont essayé de s’y joindre

  7   lorsque le garde vous a dit de vous séparer ?

  8   R. : Je ne le sais pas. Sans doute ont-ils pensé que cela signifiait ---

  9   Q. : Ce garde qui vous avez accompagné, avait-il traité votre groupe

 10   différemment de ce que faisaient les autres gardes vis-à-vis des

 11   autres personnes ?

 12   R. : Il a eu un comportement tout à fait correct.

 13   Q. : Après que l’on vous a dit de remonter dans les bus, où les bus sont-

 14   ils allés ?

 15   R. : Ils ont formé une colonne, c’était aux alentours de minuit ou après

 16   minuit, je ne sais pas et nous avons été emmenés quelque part.

 17   Q. : Où les bus se sont-ils finalement arrêtés ?

 18   R. : À Omarska.

 19   Q. : Une fois arrivés à Omarska, que s’est-il passé lorsque vous êtes

 20   descendus des bus ?

 21   R. : Ils nous ont forcés à descendre des bus en courant et il y avait des

 22   soldats alignés des deux côtés de la route.

 23   Q. : Que s’est-il passé lorsque vous êtes passés en courant entre ces

 24   soldats ?

 25   R. : Ces soldats nous ont frappé, nous ont donné des coups avec leurs


Page 4334

  1   mains ou avec leur crosse de fusil pendant tout le temps que nous

  2   courions entre la haie qu’ils formaient.

  3   Q. : Avez-vous été placés dans un bâtiment après avoir passé cette haie de

  4   gardes?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : De quel bâtiment s’agissait-il ?

  7   R. : Nous avons passé une porte en courant, puis nous avons monté les

  8   escaliers, puis à droite, à droite encore et une fois encore à

  9   droite pour accéder à une pièce.

 10   Q. : Monsieur H, je voudrais maintenant vous demander de vous lever et, en

 11   vous servant du pointeur, d’indiquer sur la maquette la pièce dans

 12   laquelle vous avez été placés lorsque vous êtes arrivés dans le camp

 13   d’Omarska.

 14   R. : Entendu.

 15   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Voulez-vous que le témoin se tienne devant le

 16   banc des témoins ?

 17   M. KEEGAN : Oui, Madame la Présidente, il est au courant.

 18   L’INTERPRÈTE : Pourrait-on allumer le micro du témoin, s’il vous plaît ?

 19   M. KEEGAN : Monsieur H, il va falloir que vous parliez ---

 20   R. : Quelque part par là, il y avait un chemin qui menait à la porte.

 21   Q. : Un instant, s’il vous plaît. Peut-on brancher la caméra, s’il vous

 22   plaît ? Bien, elle est branchée. Merci.

 23   R. : Puis-je poursuivre ?

 24   Q. : Un instant, s’il vous plaît. Bien, pourriez-vous nous indiquer où

 25   vous êtes descendus des bus ?


Page 4335

  1   R. : Le bus s’est arrêté par ici et nous avons dû traverser cette partie -

  2   ci en courant, au milieu des gardes qui nous ont battu, pour

  3   atteindre cette porte, ici.

  4   Q. : Puis vous avez monté les escaliers et dans quelle pièce avez-vous été

  5   emmenés ?

  6   R. : En haut des escaliers et à gauche. Puis nous sommes allés à droite et

  7   à droite encore pour accéder à une pièce.

  8   Q. : Bien. Pouvez-vous nous indiquer cette pièce, s’il vous plaît ?

  9   R. : (Le témoin indique l’emplacement sur la maquette)

 10   Q. : Pouvez-vous identifier la pièce que vous indiquez en donnant la

 11   lettre et le chiffre qui y figurent ?

 12   R. : B7.

 13   Q. : Je remarque que dans le secteur de cette pièce B7 il semble y avoir

 14   deux pièces plus petites. Savez-vous ce qu’il y avait dans ces

 15   espaces plus réduits ?

 16   R. : Il y avait des bassines ou des baignoires en fer-blanc.

 17   Q. : Les prisonniers qui étaient dans le camp considéraient-ils que tout

 18   cet espace, y compris les deux pièces plus réduites, constituait une

 19   seule pièce ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Merci. Pouvez-vous reprendre votre place ? Combien de jours avez-vous

 22   passé dans cette pièce ?

 23   R. : Cinq ou six.

 24   Q. : Au cours des premiers jours, des deux ou trois premiers jours, aviez-

 25   vous le droit de sortir de la pièce ?


Page 4336

  1   R. : Seulement pour se rendre aux toilettes.

  2   Q. : La pièce était-elle comble ?

  3   R. : Tellement comble que ça débordait. Il y avait énormément de monde.

  4   Q. : Y avait-il assez de place pour que chaque personne puisse s’allonger

  5   et dormir ?

  6   R. : Il n’y avait pas assez de place pour s’asseoir.

  7   Q. : Quand avez-vous reçu votre premier repas ?

  8   R. : Le troisième jour.

  9   Q. : Comment vous sentiez-vous après ces trois premiers jours ?

 10   R. : Effrayés, affamés, nous étions dans une totale incertitude.

 11   Q. : Des personnes étaient-elles emmenées pour être interrogées ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : Comment ces personnes étaient-elles appelées ?

 14   R. : On les appelait par leur nom et prénom.

 15   Q. : Quand avez-vous été interrogé ?

 16   R. : Le cinquième ou le sixième jour.

 17   Q. : Où avez-vous été emmené pour être interrogé ?

 18   R. : Un soldat est venu et comme tout le monde devait être interrogé, j’ai

 19   décidé d’y aller. J’ai été emmené dans une pièce, la cuisine où se

 20   trouvait le restaurant.

 21   Q. : Dans quelle partie de ce bâtiment avez-vous été emmené ?

 22   R. : J’ai été emmené dans le bâtiment, en haut des escaliers et là-haut il

 23   y avait un soldat qui se tenait sur le côté gauche du couloir.

 24   Q. : Avez-vous été emmené dans une pièce séparée pour être interrogé ?

 25   R. : Non, non.


Page 4337

  1   Q. : Où avez-vous été interrogé ?

  2   R. : Dans le couloir.

  3   Q. : Quel genre de questions vous a-t-on posées au cours de

  4   l’interrogatoire ?

  5   R. : On m’a demandé si j’avais de l’argent, un fusil, on m’a demandé de

  6   vider mes poches.

  7   Q. : D’autres types de questions ?

  8   R. : Ensuite on m’a demandé où je travaillais, ce que je faisais, comment

  9   je voyageais.

 10   Q. : Avez-vous été frappé au cours de votre interrogatoire ?

 11   R. : Non.

 12   Q. : Savez-vous qui était la personne qui vous interrogeait ?

 13   R. : Je ne sais pas.

 14   Q. : Quel genre de vêtements portait-il ?

 15   R. : Des habits civils.

 16   Q. : Après la fin de l’interrogatoire, où avez-vous été emmené ?

 17   R. : On m’a ramené au même bâtiment, mais en bas, au rez-de-chaussée. Je

 18   ne suis pas retourné dans la pièce d’où je venais.

 19   Q. : Pourriez-vous une fois encore vous approcher de la maquette et

 20   indiquer la pièce où vous avez été emmené après l’interrogatoire ?

 21   R. : Oui.

 22   Q. : Lorsque vous êtes revenu, où avez-vous été emmené, s’il vous plaît ?

 23   R. : Nous sommes entrés ici, par cette porte, nous sommes passés par ici

 24   pour arriver dans cette pièce. Voilà où j’ai été emmené.

 25   Q. : Pouvez-vous s’il vous plaît prendre le pointeur et indiquer


Page 4338

  1   l’intérieur de la pièce, s’il vous plaît ? Pouvez-vous identifier

  2   cette pièce en donnant la lettre et le numéro qui la désignent, s’il

  3   vous plaît ?

  4   R. : A15.

  5   Q. : Dans cette pièce, vous êtes allé en haut ou êtes-vous resté au rez-

  6   de-chaussée ?

  7   R. : La pièce était déjà comble donc je suis resté près de la porte.

  8   Q. : Merci. Vous pouvez vous rasseoir, témoin H.

  9   LE JUGE STEPHEN : Pouvez-vous demander au témoin s’il s’agit de portes

 10   vitrées ?

 11   M. KEEGAN : Oui, monsieur, j’y arrive justement. Peut-on marquer cette

 12   prochaine pièce avec la référence qui y correspond selon l’ordre des

 13   pièces, c’est le 261, et la passer au témoin, s’il vous plaît ? Je

 14   vais avoir besoin du rétroprojecteur. Monsieur H., reconnaissez-vous

 15   cette photographie, la pièce 261 ?

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Peut-on la placer sur le rétroprojecteur, s’il vous plaît ? Merci.

 18   Que représente cette photo, s’il vous plaît ?

 19   R. : C’est la pièce dans laquelle je me trouvais, dans laquelle j’ai été

 20   amené après l’interrogatoire.

 21   Q. : Peut-on atténuer un peu la lumière pendant que cette photo se trouve

 22   sur le rétroprojecteur? Je suppose que non. Cette photographie a-t-

 23   elle été prise depuis le palier de l’escalier qui arrive dans la

 24   pièce ?

 25   R. : Elle a été prise depuis le palier qui se trouve en haut des


Page 4339

  1   escaliers, et la prise regarde vers le bas, vers la pièce.

  2   Q. : Quelles sont les différences entre cette photographie et la pièce

  3   telle qu’elle se présentait quand vous vous y trouviez ?

  4   R. : Les casiers de métal sur les deux côtés ont disparu et ceci ne s’y

  5   trouvait pas, ces bottes, ces marteaux et ces habits.

  6   Q. : Pouvez-vous s’il vous plaît indiquer de façon générale avec le

  7   pointeur l’endroit où vous vous trouviez au cours de votre séjour

  8   dans cette pièce ?

  9   R. : (Le témoin indique l’emplacement sur la photographie) Ici,

 10   approximativement.

 11   Q. : Donc, quand on regarde la photo, cela se trouverait sur le côté

 12   gauche, là où se trouve la brouette ?

 13   R. : Oui, à peu près.

 14   Q. : Vous avez déclaré qu’il y avait des casiers le long des murs de cette

 15   pièce ?

 16   R. : Oui, de part et d’autre.

 17   Q. : Vous étiez sur le sol ou sur les casiers ?

 18   R. : Sur le sol -- en fait, sur le carrelage.

 19   Q. : Donc vous aviez le dos appuyé au casier ?

 20   R. : Oui.

 21   M. KEEGAN : Mme le Président, je demande le versement au dossier de la

 22   pièce 261, s’il vous plaît.

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

 24   LE JUGE VOHRAH : M. Keegan, pouvez-vous demander au témoin de quel type de

 25   casiers il s’agissait, quelle forme avaient-ils ?


Page 4340

  1   M. KEEGAN : Nous y arrivons, M. le Juge.

  2   M. KAY : Mme le Président, nous ne faisons pas opposition mais nous

  3   aimerions en avoir une copie, car rien ne nous a été communiqué.

  4   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 261 est acceptée. Veuillez en

  5   communiquer une copie à la Défense.

  6   M. KEEGAN : Oui, Mme le Président, je crois qu’une copie en noir et blanc

  7   a été communiquée mais pas une copie couleur. Pouvons-nous faire

  8   apparaître sur l’écran la photo n° 18-15 ?

  9   (Au témoin ) : Monsieur H, vous voyez la photo qui se trouve sur l’écran

 10   devant vous ?

 11   R. : Oui.

 12   Q. : Y a-t-il des casiers sur le côté gauche de cette photo ?

 13   R. : Oui, oui, ce sont des casiers de métal.

 14   Q. : Sont-ils semblables aux casiers placés contre les murs de la pièce où

 15   vous vous trouviez ?

 16   R. : Ils sont identiques.

 17   Q. : Merci. Mme le Président, je demande le versement au dossier de cette

 18   pièce, la pièce à conviction n° 262.

 19   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

 20   M. KAY : Pas d’opposition, Mme le Président, mais, là encore, pouvons-nous

 21   en avoir une copie ?

 22   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE: La pièce 262 est acceptée. Donnez leur une

 23   copie couleur ---

 24   M. KEEGAN : Oui, Mme le Président .

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : --des deux pièces, 261 et 262.


Page 4341

  1   M. KEEGAN : La photographie 58-12 peut-elle apparaître sur l’écran, s’il

  2   vous plaît ?

  3   (Au témoin) : Monsieur H, vous voyez cette photo devant vous ?

  4   R. : Oui.

  5   Q. : De quoi s’agit-il, la reconnaissez-vous ?

  6   R. : C’est la porte d’accès à la pièce où je me trouvais.

  7   Q. : Cette photo a été prise depuis la zone du garage, en regardant vers

  8   les portes ?

  9   R. : Oui, oui.

 10   M. KEEGAN : Mme le Président, je demande le versement au dossier de cette

 11   photo, en tant que pièce à conviction n° 263.

 12   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

 13   M. KAY : Pas d’opposition, Mme le Président, mais pouvons-nous en obtenir

 14   une copie ?

 15   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan ?

 16   M. KEEGAN : Oui, j’allais demander si cette pièce peut être enregistrée

 17   aux fins d’identification et présentée aux Juges.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 263 est acceptée et un exemplaire en

 19   sera communiqué à la Défense, s’il vous plaît.

 20   M. KEEGAN : Oui, Mme le Président. Je crois qu’ils disposent pour

 21   l’instant de copies en noir et blanc. Nous sommes en train d’essayer

 22   d’obtenir des copies couleurs, Mme le Président.

 23   M. WLADIMIROFF : Nous n’en avons pas.

 24   M. KEEGAN : Je me suis trompé, je m’en excuse.

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Souhaitez-vous garder les exemplaires des


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  1   pièces 261 et 262 de la Chambre pour le moment ? Vous le pouvez, si

  2   le Greffier le permet, si ils ne sont pas utilisés.

  3   M. KEEGAN : Pour nous en assurer, la question posée par M. le Juge

  4   Stephen, la pièce à conviction 260 -- en fait c’est une

  5   photographie, cela ressemble à 1924, si elle pouvait être montrée,

  6   s’il vous plaît, je crois qu’il s’agit de la pièce 260 ? (Au témoin)

  7   : Reconnaissez-vous cette photo, la pièce 260, Monsieur H ?

  8   R. : Oui, il s’agit de la même porte.

  9   Q. : Ce sont les portes d’accès à la pièce dans laquelle vous demeuriez ?

 10   R. : Oui.

 11   LE JUGE STEPHEN : Puisque nous en sommes à des questions d’architecture,

 12   serait-il possible de savoir, grâce à ce témoin ou à quelqu’un

 13   d’autre ce que sont ces canaux auxquels il est sans cesse fait

 14   référence ?

 15   M. KEEGAN : Nous allons y arriver, M. le Juge.

 16   LE JUGE STEPHEN : Merci.

 17   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Puisque nous en sommes à des questions

 18   d’architecture, cela m’aiderait beaucoup que le témoin me donne une

 19   estimation de la hauteur du panneau en bas de ces portes.

 20   M. KEEGAN : Certainement, Mme le Président. (Au témoin) : Témoin H, vous

 21   voyez sur cette photographie la pièce de métal qui se trouve au bas

 22   des portes, le panneau du bas qui est peint en rouge ?

 23   R. : Oui, je le vois.

 24   Q. : Vous rappelez-vous ou pouvez-vous nous donner une évaluation de la

 25   taille de ce panneau?


Page 4343

  1   R. : Disons environ 40 centimètres, pas plus.

  2   Q. : Merci. Cette pièce où vous demeuriez, au bas des escaliers, était-

  3   elle pleine ?

  4   R. : Elle était comble. J’essayais de trouver une place un peu plus

  5   éloignée de la porte, mais sans succès. Il y avait déjà des gens sur

  6   les casiers.

  7   Q. : Lorsque vous étiez assis par terre, aviez-vous la place de ranger vos

  8   possessions ou de vous allonger ?

  9   R. : Durant la nuit nous nous allongions, nous étendions nos jambes sur

 10   celles des autres.

 11   Q. : Les personnes qui se trouvaient sur les casiers, y dormaient-elles

 12   également ?

 13   R. : Elles y restaient tout le temps, jour et nuit.

 14   Q. : Qu’en était-il des escaliers, y avait-il des prisonniers sur toutes

 15   les marches ?

 16   R. : Plein, tout était plein.

 17   Q. : Et la pièce qui se trouvait en haut des escaliers ?

 18   R. : En haut, c’était la même chose, tout était plein.

 19   Q. : Cette pièce dans laquelle vous vous trouviez, les pièces du bas et

 20   l’espace en haut des escaliers, la pièce du haut, est-ce que tout

 21   cet espace était considéré comme une seule et même pièce par les

 22   prisonniers ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Donc le rez-de-chaussée et l’espace qui se trouvait en haut des

 25   escaliers étaient considérés comme faisant partie de la même pièce ?


Page 4344

  1   R. : Oui, oui.

  2   Q. : Est-ce que l’espace occupé par chaque prisonnier était reconnu comme

  3   appartenant à ce prisonnier ? En d’autres termes, si un prisonnier

  4   quittait cet espace, pouvait-il, à son retour, trouver sa propre

  5   place ?

  6   R. : Chacun savait où se trouvait sa place.

  7   Q. : Les autres prisonniers respectaient cela ?

  8   R. : Il fallait le faire -- il n’y avait rien d’autre à faire.

  9   Q. : Y a-t-il jamais eu des gardes postés de façon permanente à l’étage ?

 10   R. : À l’intérieur ?

 11   Q. : Oui, à l’intérieur.

 12   R. : Non.

 13   Q. : Quelle était l’appartenance ethnique de tous les prisonniers qui se

 14   trouvaient dans la même pièce que vous ?

 15   R. : La majorité était musulmane et il y avait quelques Croates.

 16   Q. : J’aimerais vous montrer une série de photographies et je vais vous

 17   demander si vous pouvez identifier l’une quelconque des personnes y

 18   apparaissant. J’aimerais enregistrer ces photos en tant que pièce

 19   264 puis les classer de A à K, s’il vous plaît ? Des exemplaires en

 20   ont été communiqués à la Défense , Mme le Président.

 21         Je vais avoir besoin du rétroprojecteur. (Au témoin) : Monsieur H,

 22   j’aimerais que vous examiniez chacune de ces photographies et que

 23   vous les placiez sur le rétroprojecteur. Puis indiquez si vous

 24   reconnaissez l’une quelconque de ces personnes et si vous connaissez

 25   leur nom.


Page 4345

  1   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je suppose qu’il s’agit de la A ?

  2   M. KEEGAN : En effet, Mme le Président.

  3   R. : Je connais ce jeune homme, c’est Sakib Jakupovic.

  4   Q. : Se trouvait-il dans la même pièce que vous ?

  5   R. : Oui.

  6   M. KEEGAN : Je souhaiterais que le compte-rendu fasse état du fait que le

  7   témoin indique un jeune homme qui se trouve au centre de la photo,

  8   qui semble porter un genre de pull-over, une veste, avec des rayures

  9   blanches et rouges.

 10   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Entendu, le procès-verbal le stipulera.

 11   M. KEEGAN : Merci, et la B ? Peut-on baisser un peu la lumière, s’il vous

 12   plaît ?

 13   R. : Voici Bahunjic et le premier est Grozdanic.

 14   Q. : Le premier nom cité est celui de l’homme qui occupe la deuxième place

 15   de la rangée sur la photo. Merci. Et pour la C -- excusez-moi. ces

 16   deux hommes se trouvaient dans la même pièce que vous ?

 17   R. : Oui.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, nous souhaiterions savoir où vous

 19   voulez en arriver avec ce témoignage, je crois que cela fait près de

 20   50 minutes maintenant -- je crois que nous avons commencé à 14H15 --

 21   est-ce pertinent et, le cas échéant, allez-vous établir un lien avec

 22   quelque chose de précis ?

 23   M. KEEGAN : Vous faites référence à cette identification nominale des

 24   prisonniers ?

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui.


Page 4346

  1   M.KEEGAN : Oui, Mme le Président. Nous pensons que cela est pertinent dans

  2   la mesure où il est très probable que l’on nous demande de prouver

  3   que s’il s’agissait d’une attaque à grande échelle et systématique,

  4   elle était dirigée contre une population civile spécifique. Ces

  5   éléments nous permettent d’aller dans ce sens.

  6   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il va donc identifier les personnes en

  7   donnant leur nom et en précisant leur religion ?

  8   M. KEEGAN : Exactement, puis il dira d’où elles viennent, de façon

  9   générale.

 10   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien, poursuivez. Je n’ai rien entendu de

 11   particulier au cours des 45 dernières minutes.

 12   LE JUGE STEPHEN : Nous avons déjà entendu dire je ne sais combien de fois

 13   qu’il s’agissait de Musulmans avec, peut-être, quelques Croates. Que

 14   voulez-vous de plus ? Vous voulez vraiment avoir 20 ou 30 noms ?

 15   Cela servira-t-il à quelque chose -- des noms qui ne nous disent

 16   rien ?

 17   M. KEEGAN : Mais plutôt que de dire simplement, d’une façon générale, que

 18   c’étaient des Musulmans qui se trouvaient dans le camp, nous

 19   pensions qu’il pourrait être utile de pouvoir identifier des

 20   individus spécifiques.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce que vous pourriez faire, vous avez les

 22   photos de A à K -- bien sûr, nous prenons du temps pour discuter de

 23   tout ceci et vous présentez votre affaire comme vous l’entendez --

 24   et il y a des photos de nombreuses personnes. Je suppose qu’il va

 25   les identifier. Demandez-lui s’il a regardé ces photos, s’il


Page 4347

  1   reconnaît les personnes y apparaissant, puis demandez-lui quelle est

  2   leur appartenance ethnique ou leur religion. Cela dépend du contre-

  3   interrogatoire mais peut-être que cela ne sera même pas contesté.

  4   M. KEEGAN : Oui, Mme le Président.

  5   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Si cela est contesté, vous pourrez alors

  6   revenir dessus et nous pourrons y passer 20 minutes et les passer

  7   toutes en revue et nommer toutes les personnes.

  8   M. KEEGAN (Au témoin) : Monsieur H, s’il vous plaît, regardez le reste des

  9   photographies, regardez-les une par une.

 10   R. : Il y a un Croate, il y a un Croate sur cette photo puis il y a Sefer

 11   et Emir et Mujo, Jakupovic, un jeune homme de 15 ans.

 12   Q. : Si vous voulez bien simplement regarder le reste des photos d’abord.

 13   Avez-vous reconnu certaines ou toutes les personnes qui apparaissent

 14   sur ces photographies ?

 15   R. : Oui, je les ai reconnues.

 16   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Combien d’entre elles avez-vous reconnues et

 17   quelle est leur religion ?

 18   R. : Ce n’est peut-être pas le cas de tous, mais la plupart, la plupart

 19   étaient Musulmans.

 20   Q. : D’après vous, au vu de cet ensemble de photos, de 264 A à K, combien

 21   de personnes avez-vous reconnu ?

 22   R. : 15 au moins.

 23   Q. : Ces photos ont été prises au camp d’Omarska ?

 24   R. : Oui.

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous en avons terminé, non ?


Page 4348

  1   M.KEEGAN : Mme le Président, je souhaite à présent demander le versement

  2   au dossier de cette pièce.

  3   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 264, de A à K, est acceptée. Ne vous

  4   fâchez pas, M. Keegan. Très sincèrement, je viens de suivre près de

  5   55 minutes de témoignage et je n’est rien entendu qui puisse

  6   vraiment m’aider à éclaircir l’un quelconque des aspects de cette

  7   affaire.

  8   M. KEEGAN : Oui, Mme le Président.

  9   M. KAY : Pas d’opposition en ce qui concerne ces pièces, Mme le Président.

 10   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Elles sont acceptées. 264 A à K.

 11   M. KEEGAN (Au témoin) : De la pièce où vous étiez assis, Monsieur H, avez-

 12   vous, en certaines occasions, été le témoin de passages à tabac de

 13   prisonniers ?

 14   R. : À l’intérieur il y en a eu deux.

 15   Q. : Tout d’abord, avez-vous pu observer des passages à tabac de témoins

 16   en dehors du secteur du hangar ?

 17   R. : Je ne pouvais pas regarder.

 18   Q. : Qu’entendez-vous par là ?

 19   R. : Quand ils frappent, surtout si c’est juste devant vous, vous baissez

 20   la tête.

 21   Q. : Qu’arrivait-il s’ils vous surprenaient en train de les regarder

 22   frapper quelqu’un ?

 23   R. : Dans ces cas-là ils me frappaient aussi.

 24   Q. : Avez-vous jamais vu une personne de votre pièce se faire battre

 25   précisément pour cette raison, parce qu’elle avait regardé alors que


Page 4349

  1   quelqu’un était battu ?

  2   R. : Oui.

  3   Q. : Avez-vous été le témoin du décès de l’un quelconque des prisonniers

  4   qui se trouvaient dans votre pièce ?

  5   R. : J’ai vu lorsqu’ils ont ramené le président du HDZ d’un interrogatoire

  6   et qu’il a succombé aux blessures qui lui avaient été infligées.

  7   Q. : Il était le président du HDZ de quel endroit ?

  8   R. : De Prijedor.

  9   Q. : Quelle est la première chose qui s’est produite, le jour de

 10   l’incident auquel vous avez été forcé de prendre part ?

 11   R. : Ils avaient mis de la musique, c’était trop fort.

 12   Q. : Quel était le genre de musique diffusée ?

 13   R. : C’était surtout ces chansons nationalistes serbes.

 14   Q. : Que se passait-il d’autre ?

 15   R. : Par la suite vous pouviez entendre le bruit de différents objets,

 16   alors qu’ils frappaient des gens, à l’extérieur.

 17   Q. : Que se passait-il à l’intérieur des pièces ?

 18   R. : Les gens étaient -- sont devenus très énervés, ils avaient peur.

 19   Q. : Qu’ont-ils fait ou essayé de faire ?

 20   R. : En fait le mieux que l’on puisse faire, c’était de rester loin de la

 21   porte, de ne pas s’en approcher.

 22   Q. : Où les personnes cherchaient-elles à aller ?

 23   R. : En haut des escaliers.

 24   Q. : Beaucoup ont réussi à le faire ?

 25   R. : Eh bien, les personnes qui se trouvaient près de la porte sont


Page 4350

  1   parties, oui.

  2   Q. : Avez-vous réussi à monter à l’étage?

  3   R. : Non.

  4   Q. : D’après vos souvenirs, que s’est-il passé ensuite ?

  5   R. : Je me souviens qu’ils ont appelé des gens.

  6   Q. : Vous rappelez-vous qui a été appelé ?

  7   R. : Je me souviens que c’était Emir Karabasic, Jasmin Hrnic , Eno Alic.

  8   M. KEEGAN : Je voudrais que cette photo soit enregistrée comme pièce à

  9   conviction suivante, s’il vous plaît. Ce sera la pièce 265. (Au

 10   témoin) : Monsieur H, reconnaissez-vous les personnes sur cette

 11   photo ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : Pouvez-vous nous indiquer ces personnes et donner leur nom, s’il vous

 14   plaît ?

 15   R. : Cet homme est Jasmin Hrnic et l’homme qui se tient à ses côtés, c’est

 16   Emir Karabasic.

 17   M. KEEGAN : Le procès-verbal peut-il faire état du fait que l’homme qui

 18   est désigné comme étant Jasmin Hrnic est un homme de haute taille

 19   qui se tient à l’extrême-droite de la photo. Emir Karabasic est

 20   l’homme qui se trouve tout de suite à sa gauche, un homme plus

 21   petit, qui semble porter un manteau noir, ou une chemise.

 22   LE TÉMOIN : Oui.

 23   M. KEEGAN : Je demande le versement au dossier de la pièce 265, Mme le

 24   Président.

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?


Page 4351

  1   M. KAY : Non, Mme le Président.

  2   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 265 est acceptée.

  3   M. KEEGAN : Monsieur H, quels sont vos souvenirs du moment où Jasmin Hrnic

  4   a été appelé ?

  5   R. : Je me souviens qu’il a été appelé. Ils ont commencé par dire “Asko

  6   Hrnic” plusieurs fois.

  7   Q. : Excusez-moi, l’interprétation de votre réponse indique : “Ils ont

  8   commencé par appeler Jasko Hrnic”, c’est cela qu’ils ont dit ,

  9   “Jasko”?

 10   R. : Non, Asko Hrnic, d’abord c’était Asko Hrnic.

 11   Q. : Bien , ça commence par un “A”, A-S-K-O, Asko ?

 12   R. : Oui, oui.

 13   Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

 14   R. : Ça n’a pas changé, ils ont continué à appeler Asko jusqu’à ce qu’il

 15   réponde.

 16   Q. : Savez-vous où se trouvait Jasmin Hrnic dans le bâtiment du hangar ?

 17   R. : Il était juste en dessous de l’endroit où je me trouvais, la pièce où

 18   je me trouvais.

 19   Q. : Bien. Lorsque vous dites “en dessous”, vous voulez dire la pièce

 20   voisine de la vôtre ?

 21   R. : Pas immédiatement à côté.

 22   Q. : Donc deux pièces plus loin ?

 23   R. : Il y avait notre pièce, puis un peu en dessous.

 24   Q. : Quels sont vos souvenirs sur le moment où Eno Alic a été appelé ?

 25   Comment a-t-il été appelé ?


Page 4352

  1   R. : Son père est venu le chercher.

  2   Q. : Ont-ils dû passer devant vous sur les escaliers ?

  3   R. : D’abord Meho est passé tout seul puis il est revenu avec Eno.

  4   Q. : Avez-vous pu voir l’un quelconque des soldats qui appelaient les

  5   prisonniers ?

  6   R. : Il était possible de les voir mais très brièvement.

  7   Q. : Quel garde avez-vous pu voir ?

  8   R. : Celui qui appelait.

  9   Q. : Celui qui appelait qui ?

 10   R. : Asko, c’est à dire Jasko Hrnic.

 11   Q. : Quel genre d’uniforme cet homme portait-il ?

 12   R. : Il portait une chemise bleue et un pantalon de policier avec une

 13   ceinture blanche.

 14   Q. : Aviez-vous jamais vu cet homme dans le camp auparavant ?

 15   R. : Oui.

 16   Q. : Connaissiez-vous son nom ?

 17   R. : Non.

 18   Q. : Vous rappelez-vous l’avoir jamais revu dans le camp après cet

 19   incident ?

 20   R. : Je ne me souviens pas l’avoir vu après.

 21   Q. : Après que les trois hommes ont été appelés, Jasmin Hrnic, Emir

 22   Karabasic et Eno Alic, pouviez-vous entendre quelque chose ?

 23   R. : De l’intérieur de la pièce, j’entendais des hurlements humains

 24   lorsqu’ils criaient et puis vous pouviez entendre les coups, les

 25   bruits.


Page 4353

  1   Q. : Que criaient-ils ?

  2   R. : Ils hurlaient : “Maman, ne me frappez pas, pourquoi me frappez-vous

  3   ?”

  4   Q. : Avez-vous entendu que l’on ordonnait aux prisonniers de faire quelque

  5   chose ?

  6   R. : J’ai entendu qu’ils forçaient quelqu’un à manger un pigeon.

  7   M. KEEGAN : Mme le Président, nous allons aborder une partie du témoignage

  8   où le témoin va parler de sa propre participation à un incident. Je

  9   souhaiterais pouvoir faire cela d’une traite. Je suis tout disposé

 10   soit à continuer -- cela devrait prendre 20 minutes.

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous avions prévu de faire une pause vers

 12   15h45 je pense, étant donné que, du fait de la pause déjeuner, nous

 13   n’avons pas repris à l’heure habituelle. Cela vous convient-il ?

 14   M. KEEGAN : C’est parfait, Mme le Président. Je voulais simplement

 15   m’assurer de la situation, étant donné la modification de l’emploi

 16   du temps. Je ne voulais pas changer quoi que ce soit.

 17   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous ferons la pause à 15h45.

 18   M. KEEGAN : (Au témoin) Monsieur H, à un moment donné vous et Monsieur G

 19   avez été appelés hors de la pièce ?

 20   R. : En effet.

 21   Q. : Comment cela s’est-il passé ?

 22   R. : Par la suite, le bruit, les coups se sont un peu calmés et l’un des

 23   gardes, un jeune homme, est arrivé et à dit que deux hommes devaient

 24   venir chercher les hommes.

 25   Q. : Vous avez vu ce garde qui est venu chercher deux volontaires ?


Page 4354

  1   R. : Oui.

  2   Q. : Pouvez-vous les décrire ?

  3   R. : Il était jeune et il tremblait de peur, dans un uniforme.

  4   Q. : L’avez-vous reconnu comme étant l’un des gardes permanents du camp ?

  5   R. : Oui.

  6   Q. : Est-ce que quelqu’un a répondu à son ordre, lorsqu’il a demandé deux

  7   volontaires ?

  8   R. : Non. Personne, personne n’est sorti.

  9   Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

 10   R. : Ensuite, quelqu’un, une personne qui portait une barbe, est venu et a

 11   dit : “Toi et toi”.

 12   Q. : Que s’est-il passé ?

 13   R. : Sans doute l’ai-je regardé à ce moment-là, puis il m’a appelé.

 14   Q. : Monsieur H, pouvez-vous, pour les besoins des questions suivantes,

 15   vous approcher encore de la maquette ? Monsieur H, une fois sorti de

 16   la pièce, où êtes-vous allé ?

 17   R. : À gauche en sortant de la pièce.

 18   Q. : Quelle est la première chose que vous avez remarquée en sortant de la

 19   pièce ?

 20   R. : Beaucoup de sang, des flaques de sang partout.

 21   Q. : Quand vous êtes sorti de la pièce, dans quelle direction regardiez-

 22   vous ? Vous regardiez vers le garage ou bien ailleurs ?

 23   R. : Je regardais vers le bas.

 24   Q. : Après avoir vu le sang, qu’avez-vous reconnu ensuite ?

 25   R. : J’ai vu le corps d’Emir Karabasic.


Page 4355

  1   Q. : Pouvez-vous indiquer avec le pointeur l’endroit où se trouvait le

  2   corps approximativement?

  3   R. : Ici.

  4   Q. : D’une façon générale, lorsque l’on regarde la maquette, c’était entre

  5   les canaux Z et Y, près du canal qui porte la lettre Z ?

  6   R. : Oui.

  7   Q. : Pouvez-vous simplement indiquer la direction vers laquelle la tête

  8   d’Emir Karabasic était tournée ?

  9   R. : Vers cette direction-ci, en direction des W-C.

 10   Q. : Bien. Pour le compte-rendu, je précise que c’est dans la direction du

 11   bâtiment administratif, sur la maquette, c’est bien cela ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : Après que vous avez vu le corps d’Emir Karabasic, que s’est il passé

 14   ?

 15   R. : Quelqu’un a demandé : “Qui allons-nous prendre ? Que devons-nous

 16   faire ? Qui est-ce ?”

 17   Q. : Y a-t-il eu une réponse ?

 18   R. : Oui. “Viens par ici”.

 19   Q. : Où deviez-vous aller ?

 20   R. : Toujours dans la direction des toilettes.

 21   Q. : Où êtes-vous allé ? À quel endroit ?

 22   R. : Nous sommes passés à côté de ce canal-ci et nous nous sommes arrêtés

 23   là.

 24   Q. : De quel canal s’agit-il, quelle lettre, c’est le canal Y ?

 25   R. : Oui.


Page 4356

  1   Q. : Avec le pointeur, pouvez-vous indiquer ce que vous avez vu quand vous

  2   êtes arrivé à ce canal et où vous vous trouviez ?

  3   R. : (Indication).

  4   Q. : Le procès-verbal peut-il indiquer que le témoin indique un

  5   emplacement situé à côté de l’endroit marqué Y ?

  6   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal en fera état.

  7   M. KEEGAN : Qu’avez-vous vu lorsque vous êtes arrivé à cet endroit ?

  8   R. : Deux autres corps.

  9   Q. : Avez-vous reconnu ces corps ?

 10   R. : Oui.

 11   Q. : De qui s’agissait-il ?

 12   R. : Le premier était Jasmin Hrnic et le second Eno Alic.

 13   Q. : Où ces corps étaient-ils allongés ?

 14   R. : Ici.

 15   Q. : Pour les besoins du procès-verbal, quelle était la direction vers

 16   laquelle la tête des corps était tournée ?

 17   R. : Vers cette grande porte de garage, ici.

 18   Q. : Les corps étaient près du canal marqué Y ?

 19   R. : Oui.

 20   Q. : Quel était le corps qui était le plus proche du canal ?

 21   R. : Celui de Jasmin.

 22   Q. : Merci. Vous pouvez reprendre votre place, Monsieur H. Quand vous êtes

 23   arrivé près du canal Y où se trouvaient les corps, quels ordres vous

 24   ont été donnés ?

 25   R. : L’ordre de porter Eno Alic.


Page 4357

  1   Q. : Avez-vous regardé l’homme qui vous a donné l’ordre de prendre les

  2   corps ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Pouvez-vous décrire cet homme, s’il vous plaît ?

  5   R. : Il portait un uniforme militaire, un uniforme vert.

  6   Q. : Était-il grand ou petit ?

  7   R. : De taille moyenne, ni grand ni petit.

  8   Q. : Il avait les cheveux sombres ou clairs ?

  9   R. : Sombres.

 10   Q. : Portait-il une barbe ?

 11   R. : Oui.

 12   Q. : C’était l’homme qui vous avait appelé hors de la pièce ?

 13   R. : Oui.

 14   Q. : Lorsque vous avez essayé de relever le corps d’Eno, que s’est-il

 15   passé ?

 16   R. : J’ai essayé de le prendre sous les bras et il glissait, il

 17   m’échappait. Il était toujours vivant et il se débattait.

 18   Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

 19   R. : Ensuite cet homme a posé son pied sur la gorge d’Eno, sur le cou

 20   d’Eno et il appuyait et relachait de telle sorte que sa tête se

 21   relevait et repartait en arrière.

 22   Q. : Vous avez dit que l’homme avait posé son pied sur la gorge et le cou

 23   d’Eno ?

 24   R. : Non, non, de Jasmin.

 25   Q. : C’est donc la tête de Jasmin qui tournait d’un côté et de l’autre ?


Page 4358

  1   R. : Oui.

  2   Q. : Était-il mort ?

  3   R. : Très probablement.

  4   Q. : Que vous a-t-on alors dit de faire ?

  5   R. : On nous a dit de l’emporter.

  6   Q. : Pouviez-vous le relever ?

  7   R. : Non.

  8   Q. : Que vous a-t-on donc dit de faire ?

  9   R. : Alors on nous a dit, on nous a ordonné, de le prendre chacun par un

 10   pied et de le tirer dehors.

 11   Q. : Où deviez-vous le tirer ?

 12   R. : Hors du garage.

 13   Q. : L’avez-vous tiré vers la porte du garage ?

 14   R. : Oui.

 15   Q. : Cette porte de garage était-elle ouverte ?

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Y avait-il d’autres soldats dans le garage ?

 18   R. : Oui.

 19   Q. : Savez-vous où ils se trouvaient ?

 20   R. : Certains se trouvaient dans le garage, d’autres à l’extérieur et sur

 21   le seuil de la porte. Ils allaient et venaient.

 22   Q. : Vous observiez le garage et vous regardiez ces soldats ?

 23   R. : Seulement dans la mesure où je le pouvais tandis que nous allions

 24   relever et tirer le corps de Jasmin. Seulement pendant un moment.

 25   Q. : Après avoir amené le corps de Jasmin près de la porte, que vous a-t-


Page 4359

  1   on dit de faire ?

  2   R. : De le ramener.

  3   Q. : De le ramener à l’endroit où vous l’aviez relevé ?

  4   R. : Oui.

  5   Q. : Avez-vous été forcé de refaire ce trajet plusieurs fois, ces allées

  6   et venues ?

  7   R. : Oui.

  8   Q. : Que vous a-t-on alors ordonné de faire ?

  9   R. : À un moment, entre ces allées et venues, à mi-chemin, ils nous ont

 10   dit de le laisser et d’aller nous allonger et de faire des pompes.

 11   Q. : Quand vous dites qu’à mi-chemin on vous a dit de le laisser, est-ce

 12   que c’était à mi-chemin du canal Y?

 13   R. : Oui, oui.

 14   Q. : Après vous être allongé, après avoir fait ces pompes, que vous a-t-on

 15   dit de faire ?

 16   R. : D’aller au canal, au bord du canal.

 17   Q. : La photo 18-2 peut-elle apparaître sur l’écran, s’il vous plaît ?

 18   Monsieur H, vous voyez cette photo devant vous ?

 19   R. : Oui.

 20   Q. : De quoi s’agit-il ?

 21   R. : Du canal mécanique.

 22   Q. : Est-ce une photographie d’un canal semblable à celui que vous êtes en

 23   train de décrire, dans le cadre de votre témoignage ? Le canal Y ?

 24   R. : Celui-ci est plus proche de ce côté-là.

 25   Q. : Mais, dans le fond, ces canaux étaient identiques ?


Page 4360

  1   R. : Oui.

  2   M. KEEGAN : Peut-on donner cette photo au Greffe et l’enregistrer sous le

  3   numéro 266, s’il vous plaît, la pièce 266, puis la passer aux Juges

  4   ? Mme le Président, je demande le versement au dossier de la pièce

  5   266.

  6   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

  7   M. KAY : Pas d’opposition, Mme le Président.

  8   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 266 est acceptée.

  9   M. KEEGAN ; La photographie 16-11 peut-elle être montrée, s’il vous plaît

 10   ? Monsieur H, reconnaissez-vous cette photographie ?

 11   R. : Oui.

 12   Q. : La photo a été prise de l’étage du garage. Montre-t-elle la façon

 13   dont sont disposés les canaux par rapport aux portes du garage ?

 14   R. : Pouvez-vous répéter la question, s’il vous plaît ?

 15   Q. : S’agit-il d’une photo des canaux à l’intérieur du garage ?

 16   R. : Oui.

 17   M. KEEGAN : Mme le Président, je demande le versement au dossier de la

 18   pièce 267.

 19   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Fait-on opposition ?

 20   M. KAY : Pas d’opposition, Mme le Président.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 267 est acceptée.

 22   M. KEEGAN : M. Bos, pouvez-vous la passer aux Juges, s’il vous plaît ?

 23   LE JUGE STEPHEN : Pouvez-vous indiquer le canal Y, simplement pour que

 24   nous puissions nous situer ?

 25   M. KEEGAN : Je pense que oui, M. le Juge. (Au témoin) : Monsieur H, sur


Page 4361

  1   cette photographie, le canal Y serait-il celui qui se trouve à

  2   droite lorsque vous regardez la photographie ? Il semble qu’il y ait

  3   comme un écran dessus.

  4   R. : Je n’entends pas l’interprétation.

  5   Q. : Sur cette photo, le canal Y, celui dont nous parlons, est-il celui

  6   qui se trouve à droite sur la photographie lorsqu’on la regarde ?

  7   R. : Oui.

  8   Q. : Quand vous avez été impliqué dans cet incident, cet écran se

  9   trouvait-il sur le canal, à cet endroit ?

 10   R. : Non.

 11   LE JUGE VOHRAH : Cela ressemble plus à un chariot.

 12   M. KEEGAN : En fait, quand on regarde la photo, on comprend que c’est un

 13   réceptacle à huile, quand ils font la vidange et qu’ils filtrent.

 14   C’est amovible.

 15   (Au témoin) : Quand on vous a donné l’ordre de vous tenir sur le bord du

 16   canal, que voyiez-vous dans le canal ?

 17   R. : Je voyais de l’eau et de l’huile.

 18   Q. : Pouviez-vous déterminer si ce mélange d’eau et d’huile était profond

 19   ?

 20   R. : Non.

 21   Q. : À quoi pensiez-vous alors que vous vous teniez là, sur le bord du

 22   canal ?

 23   R. : Je pensais que c’était profond, si profond que nous allions couler et

 24   qu’ils nous pousseraient au fond avec leurs pieds.

 25   Q. : Quand vous avez sauté dedans, quelle en était la profondeur réelle ?


Page 4362

  1   R. : Quand nous avons sauté dedans, le fond était dur et j’ai compris

  2   qu’en fait, ce n’était pas profond.

  3   Q. : Et approximativement, quelle était la profondeur de l’ensemble du

  4   canal ? L’eau vous arrivait où ? Et par rapport aux parois du canal

  5   ?

  6   R. : On m’a tout de suite ordonné de m’allonger, mais quand j’ai sauté,

  7   peut-être jusque là ?

  8   M. KEEGAN : Le compte-rendu précise que le témoin indique à peu près le

  9   niveau de son épaule.

 10   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : À peu près ?

 11   M. KEEGAN : Le niveau de l’épaule, le cou.

 12   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je l’ai vu toucher sa clavicule, c’est bien

 13   cela ?

 14   M. KEEGAN : Très bien, la clavicule alors, Mme le Président.

 15   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne crois pas que cela change grand chose.

 16   Entendu.

 17   M. KEEGAN : Après que l’on vous a dit de vous allonger, que vous a-t-on

 18   dit ?

 19   R. : De m’allonger et de ramper dans cette huile.

 20   Q. : Vers quelle extrémité avez-vous rampé ?

 21   R. : Je rampais, d’abord vers cette grande porte de garage.

 22   Q. : Lorsque vous êtes arrivé au bout, que vous a-t-on ordonné de faire ?

 23   R. : De nous mettre sur le dos, puis de nous retourner encore une fois.

 24   Q. : Que vous a-t-on ordonné de faire ensuite ?

 25   R. : De boire l’eau et l’huile qui se trouvaient là.


Page 4363

  1   Q. : Vous avez bu cette eau et cette huile ?

  2   R. : Non, j’ai juste plongé mon visage dedans.

  3   Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

  4   R. : Je l’ai entendu appeler : “Hari, viens là”.

  5   Q. : Et ensuite ?

  6   R. : Et quelqu’un est arrivé et a sauté dans le canal avec nous.

  7   Q. : À ce moment-là, avez-vous reconnu cette personne ?

  8   R. : Non.

  9   Q. : Par la suite, vous a-t-on donné son nom ?

 10   R. : Oui.

 11   Q. : Quel nom vous a-t-on donné ?

 12   R. : Fikret Harambasic.

 13   Q. : Connaissiez-vous Fikret Harambasic avant la guerre ?

 14   R. : Oui.

 15   Q. : Pourquoi ne l’avez-vous pas reconnu ce jour-là ?

 16   R. : Il était tout meurtri, couvert de sang, tout noir.

 17   Q. : Était-il nu lorsqu’il a sauté dans le canal ?

 18   R. : Oui.

 19   Q. : Que vous a-t-on ordonné de faire à ce moment-là ? Vous a-t-on donné

 20   l’ordre de lécher son cul (sic), Monsieur H ?

 21   R. : Oui.

 22   Q. : Monsieur G a-t-il reçu l’ordre de sucer son pénis ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Quel a été l’ordre suivant ?

 25   R. : Oui.


Page 4364

  1   Q. : L’ordre suivant a-t-il été que Monsieur G morde ses testicules ?

  2   R. : Oui.

  3   Q. : À ce moment-là, que criaient les personnes qui se trouvaient autour

  4   du canal ?

  5   R. : Elles criaient “Mords, plus fort, plus fort”.

  6   Q. : Quel a été l’ordre suivant ?

  7   R. : On a mis un couteau tout contre mon oeil et on m’a donné l’ordre de

  8   couvrir sa bouche de mes mains et ils ont dit que s’ils entendaient

  9   sa voix ils arracheraient mes deux yeux, pas seulement un, et ils

 10   ont dit à l’autre de continuer à mordre.

 11   Q. : Vous a-t-on d’abord donné l’ordre de sortir du canal ?

 12   R. : Oui, oui.

 13   Q. : Pourquoi vous a-t-il dit de sortir du canal ?

 14   R. : C’était comme s’il ne pouvait pas voir ce qui s’y passait.

 15   Q. : Quand vous êtes sorti du canal, dans quelle position étiez-vous tous

 16   les trois ?

 17   R. : Mes pieds étaient contre la grande porte du garage et les deux autres

 18   étaient là, plus à l’intérieur du garage.

 19   Q. : Vous étiez tous les trois dans une position allongée ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Vous étiez le plus près de la porte du garage ?

 22   R. : Oui.

 23   Q. : Fikret Harambasic était au milieu ?

 24   R. : Oui.

 25   Q. : Monsieur G. était entre les jambes de Fikret Harambasic ?


Page 4365

  1   R. : Oui.

  2   Q. : C’est alors qu’un couteau a été mis contre votre oeil ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Pouviez-vous voir ou avez-vous vu la personne qui a mis ce couteau

  5   contre votre oeil ?

  6   R. : Je ne le pense pas. Je n’ai pas vu.

  7   Q. : Que s’est-il passé lorsque vous avez reçu l’ordre de maintenir la

  8   bouche de Fikret Harambasic fermée ?

  9   R. : Pouvez-vous répéter la question, s’il-vous-plaît ?

 10   Q. : Que s’est-il passé lorsque vous avez reçu l’ordre de maintenir la

 11   bouche de Fikret Harambasic fermée ?

 12   R. : Ensuite quelqu’un a mis son pied sur mon cou et a commencé à me

 13   piétiner, de telle sorte que mon menton frottait contre le béton et

 14   qu’il était à vif.

 15   Q. : Que faisait Monsieur G ?

 16   R. : Lui faisait tout ce qu’on lui donnait l’ordre de faire.

 17   Q. : Que lui ordonnaient-ils de faire, à ce moment-là ?

 18   R. : De le frapper, d’injurier sa mère turque parce qu’il essayait de se

 19   défendre. C’est tout.

 20   Q. : Fikret Harambasic essayait-il de se couvrir ?

 21   R. : Oui.

 22   Q. : Qu’a fait Monsieur G ?

 23   R. : Il a écarté ses jambes et repoussé ses mains parce qu’il avait

 24   couvert son sexe de ses mains et il le frappait, l’injuriait, comme

 25   on lui avait dit de le faire, et il a continué à le faire.


Page 4366

  1   Q. : À ce moment-là, y avait-il des personnes autour de vous dans le

  2   garage qui criaient des choses ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : Que criaient-elles ?

  5   R. : “Maman, regardez-les, regardez ce qu’ils se font. Imaginez ce qu’ils

  6   nous feraient s’ils peuvent se faire de telles choses ?”

  7   Q. : Est-ce qu’il y avait beaucoup de gens qui criaient dans le garage à

  8   ce moment-là ?

  9   R. : Oui.

 10   Q. : À un moment donné, avez-vous parlé à Monsieur G ?

 11   R. : Je lui ai dit d’arrêter, de ne pas le faire.

 12   Q. : Fikret Harambasic a-t-il dit quoi que ce soit ?

 13   R. : Il disait, “Il n’est pas normal, il veut vraiment le faire”.

 14   Q. : Puis que s’est-il passé ?

 15   R. : Alors Fikret les a supplié de le tuer, avec un fusil. Il a dit : “Ne

 16   faites pas ça, tuez moi avec un fusil. Ne me torturez pas ainsi.”

 17   Q. : Que s’est-il passé ensuite ?

 18   R. : Eh bien il l’a fait et il l’a arraché, son testicule.

 19   Q. : Monsieur G a arraché l’un des testicules de Fikret Harambasic avec

 20   ses dents ?

 21   R. : Oui.

 22   Q. : Tout de suite après avoir arraché le testicule, qu’a fait Monsieur G

 23   ?

 24   R. : Il l’a recraché et le testicule est passé à travers la grille qui se

 25   trouvait sur la grande porte du garage, qui servait à l’évacuation


Page 4367

  1   de l’eau et il était passé à travers et une veine ou quelque chose

  2   est resté coincé dans la grille et est resté là.

  3   Q. : Après cela, qu’a-t-on ordonné à Monsieur G ?

  4   R. : Qu’il était libre de s’en aller, qu’à présent il pouvait aller à

  5   l’intérieur.

  6   Q. : Et vous ?

  7   R. : Je suis resté allongé.

  8   Q. : Que vous a-t-on ordonné de faire ensuite?

  9   R. : On m’a ordonné de le tirer vers la table, le bureau qui se trouvait

 10   là.

 11   Q. : D’ordinaire, à quoi servait cette table ?

 12   R. : C’est là que les gardes s’asseyaient.

 13   Q. : Après que vous avez tiré Fikret Harambasic vers la table, que s’est-

 14   il passé ?

 15   R. : Je l’ai hissé sur la table, je l’ai lâché et je suis resté debout

 16   derrière lui.

 17   Q. : Vous a-t-il dit quoi que ce soit ?

 18   R. : Oui, il m’a demandé de lui apporter de l’eau.

 19   Q. : Qu’avez-vous dû lui dire ?

 20   R. : “Je ne peux pas t’en apporter, je ne peux pas m’éloigner de toi.”

 21   Q. : Que vous a-t-on dit de faire ensuite ?

 22   R. : Un soldat, un de ceux qui m’avaient frappé avec un fusil alors que

 23   nous le tirions dans un sens puis dans l’autre, m’a dit de ficher le

 24   camp parce que si je restais là, ils me tueraient. C’est ce que j’ai

 25   fait et j’ai couru en haut des escaliers.


Page 4368

  1   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons faire une pause de 20 minutes.

  2   (16H05)

  3                     (Pause)

  4   (16H25)

  5   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ?

  6   M. WLADIMIROFF : Oui, Mme le Président. Il y a un point que j’aimerais

  7   soulever avant que M. Keegan ne poursuive. Les choses ne sont pas

  8   très claires pour nous depuis que nous avons changé la procédure. Le

  9   témoin n’est plus dans une pièce séparée avec image brouillée et

 10   déformation de la voix. Maintenant il est ici et nous pensions que

 11   la voix serait diffusée à l’extérieur afin que les gens puissent

 12   suivre ce qui se passait ici ; apparemment, ce n’est pas le cas.

 13         Ce n’est pas exactement ce à quoi nous nous attendions. Pour ce qui

 14   est de l’interprétation, il n’y a aucun doute quant au fait que, si

 15   elle est diffusée, il n’y a aucune identification possible. Donc si

 16   la version en français et en anglais est diffusée, les gens pourront

 17   suivre.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C’est de la perception extrasensorielle (ESP,

 19   sigle anglais ). M. Wladimiroff, si je ne savais pas que vous

 20   n’étiez pas présent, parmi nous, les Juges ... nous venons de parler

 21   de la même chose.

 22   LE JUGE STEPHEN : Il ne sait sans doute pas ce que veut dire “ESP”.

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Perception extrasensorielle, ou je ne sais

 24   quoi. Nous venons précisément de parler de cette même question.

 25   Merci. Voyons ce que M. Keegan a à dire.


Page 4369

  1   M. KEEGAN : Oui, Mme le Président. Nous avions compris qu’il s’agissait

  2   d’une audience à huis clos, mais nous serions heureux d’obtenir une

  3   parution accélérée du compte-rendu.

  4   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La raison pour laquelle nous avons débattu de

  5   ce sujet c’est que, en principe, nous souhaitions que ces débats

  6   soient aussi ouverts que possible (1) parce que l’accusé à droit à

  7   un procès public et (2) parce que le public peut être intéressé et

  8   que dans certains systèmes nationaux il existe un droit d’accès du

  9   public. Evidemment nous n’avons pas cela dans notre Règlement mais

 10   l’accusé a droit à un procès public et nous sommes en train de

 11   perdre cet aspect de la procédure.

 12         Si vous n’avez pas d’objection, je pense que nous pouvons prendre

 13   des dispositions pour que la voix seule, le témoignage, soit diffusé

 14   mais là encore sans image du témoin qui fait sa déposition. Il n’y a

 15   pas eu de traduction française, mais Mme Featherstone dit que cela

 16   peut être fait. Bien. Nous prendrons les dispositions nécessaires

 17   pour que le son, le témoignage soit diffusé au public dès que nous

 18   aurons aussi la traduction française. Par ailleurs, les mesures de

 19   protection restent inchangées.

 20   M. KEEGAN : Il ne s’agirait que des interprétations française et anglaise

 21   -- en fait, les interprétations, pas la voix de la déclaration

 22   originale du témoin parce qu’il s’agit d’un témoin anonyme.

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Au départ, avait-il demandé une déformation

 24   de la voix ?

 25   M. KEEGAN : Au départ oui, mais, pour ce qui est des débats dans la salle


Page 4370

  1   d’audience, il était d’accord pour y renoncer, mais cela ne

  2   s’appliquait qu’à la diffusion destinée aux personnes présentes dans

  3   le prétoire et non destinée au grand public. Donc, si la seule chose

  4   à être diffusée est la voix de l’interprète, c’est parfait, là il

  5   n’y a pas de divulgation. C’est le seul point que j’essayais

  6   d’éclaircir.

  7   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C’est à cela que nous pensions.

  8   M. WLADIMIROFF : C’est exactement ce à quoi nous pensions, nous aussi.

  9   Cependant, Mme le Président, est-ce que ce serait un problème de ne

 10   pas avoir un interprète français mais de commencer avec les

 11   interprètes anglais qui sont disponibles ?

 12   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce n’est pas un problème pour moi mais mes

 13   collègues français au Tribunal réagiraient peut-être mal si

 14   j’agissais ainsi.

 15   M. KEEGAN : Mme le Président, excusez-moi, mais pour que tout soit clair,

 16   pour m’aider à y voir clair, nous parlons d’une transmission qui ne

 17   serait pas simultanée.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Non, tout sera retardé, nos procédures seront

 19   retardées, un décalage d’une demi-heure, il en va de même pour

 20   l’expurgation, n’est-ce pas ?

 21   MME FEATHERSTONE : Je crois que cela ne peut se faire que pour ce qui est

 22   de l’enregistrement vidéo et non pour ce qui est des canaux audio.

 23   Peut-être devrions nous poser la question à Gert Jan.

 24   M. KEEGAN : Comme là encore il s’agit d’un témoin anonyme bénéficiant de

 25   mesures de protection totales, je serais très préoccupé par -----


Page 4371

  1   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce que nous pouvons faire dans le cadre d’un

  2   effort visant à l’ouverture des débats au public, c’est de terminer,

  3   au moins, l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire.

  4   Ensuite nous aurons l’audio. Nous pourrons ensuite le communiquer

  5   après que les parties auront eu la possibilité de repasser l’audio,

  6   de s’assurer qu’il n’y a pas eu de glissements. Cela peut être fait

  7   très rapidement, peut-être aujourd’hui, ainsi nous pourrions avoir

  8   la version audio. Il s’agirait seulement de la version audio en

  9   anglais.

 10         Ensuite, je ne sais pas comment nous pourrions obtenir des

 11   traducteurs qu’ils écoutent la bande puis qu’ensuite ils la

 12   traduisent. Je pense que cela prendrait autant de temps que pour

 13   entendre le témoignage -- non ?

 14   M. KEEGAN : Il faudrait produire tout un nouvel enregistrement audio.

 15   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je suis de celles qui pensent que tout

 16   problème a sa solution. Si les deux parties désirent que

 17   l’enregistrement audio soit diffusé en anglais et en français, tout

 18   en protégeant la voix du témoin, nous allons tâcher de parler aux

 19   techniciens et nous allons voir si et comment cela peut être fait.

 20   Qu’en pensez-vous ?

 21   M. KEEGAN : C’est parfait, Mme le Président.

 22   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avant de prendre une quelconque décision,

 23   nous allons vous dire exactement comment cela va être fait. Nous

 24   ferons cela ce soir et nous vous préviendrons demain.

 25   M. WLADIMIROFF : Bien, Mme le Président, merci.


Page 4372

  1   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous ne pouvons faire mieux, Maître

  2   Wladimiroff, à moins que vous ne puissiez m’aider en quoi que ce

  3   soit d’autre ?

  4   M. WLADIMIROFF : Nous avons une petite préférence : nous aimerions que ce

  5   soit l’anglais qui soit diffusé. Je dirais que le droit du public de

  6   savoir, tel que vous l’avez décrit, est d’un niveau tout différent

  7   de celui que je lui assigne.

  8   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Entendu.

  9   LE JUGE STEPHEN : Il ne s’agit pas simplement des Juges ; le Ministre

 10   français des Affaires Étrangères a une opinion très tranchée, il en

 11   va de même pour l’ensemble de la nation française.

 12   M. WLADIMIROFF : Absolument, M. le Juge, mais jusqu’à présent j’ai

 13   découvert, étant donné que mon français n’est pas excellent, que

 14   toutes les personnes à qui j’ai parlé dans le cadre de ce Tribunal,

 15   qu’elles soient françaises ou non, parlent anglais.

 16   LE JUGE STEPHEN : Mais elles ne l’admettent pas.

 17   M. WLADIMIROFF : Là n’est pas la question.

 18   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous le ferons, M. Wladimiroff, je vais

 19   vraiment ----

 20   M. WLADIMIROFF : Puisque nous sommes dans ce contexte, j’ai également

 21   appris que l’obtention de comptes-rendus par le public est assez

 22   difficile. Que cela soit vrai ou non, on m’a dit qu’il vous faudra

 23   attendre jusqu’à trois mois pour les obtenir. Toujours dans ce même

 24   contexte, c’est également un problème sur lequel j’attire votre

 25   attention.


Page 4373

  1   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pour ce qui est de ce compte-rendu -- je ne

  2   sais pas s’il s’agit d’un retard de trois mois. J’aimerais être

  3   fière de notre Chambre de première instance. Il me semble que nous

  4   faisons un assez bon travail. Pour ce qui est de ces trois mois,

  5   cependant, je ne sais pas, excusez-moi un instant.

  6         M. Wladimiroff, on me dit qu’il n’y a pas un retard de trois mois,

  7   en tous cas pas dans cette Chambre de première instance. Cela prend

  8   environ une semaine, mais, disons, pour être tout à fait sûr, une

  9   semaine à dix jours. Il y a d’abord un compte-rendu que nous

 10   obtenons après ces débats, il est ensuite relu et corrigé puis un

 11   exemplaire propre, ou un exemplaire définitif est établi et le

 12   Greffe l’obtient généralement en une semaine. C’est le Greffe qui a

 13   ensuite les comptes rendus et c’est le Greffe qui prend les

 14   décisions relatives à leur diffusion. Vous avez éprouvé des

 15   difficultés à obtenir la version finale ?

 16   M. WLADIMIROFF : Nous n’éprouvons aucune difficulté. Je ne fais que vous

 17   communiquer ce que nous ont dit des personnes du public. S’il n’y a

 18   pas de son, pas d’image et pas non plus de compte rendu disponible,

 19   vous comprenez pourquoi, dans un tel contexte, je vous transmet ce

 20   message.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je vous en remercie. Je vais me pencher sur

 22   la question, peut-être en parler avec M. Chartier puisque c’est lui

 23   qui doit avoir des contacts avec certains des membres du public.

 24   D’ici demain matin nous vous dirons ce qui peut être fait, d’un

 25   point de vue technique, pour atteindre cet objectif, trouver une


Page 4374

  1   solution.

  2   M. WLADIMIROFF : Merci.

  3   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne sais pas très bien. Nous ne devons

  4   parler qu’à une ou deux personnes et voir si cela peut être fait,

  5   mais nous désirons nous aussi que le maximum de matériau soit

  6   diffusé. Bien.

  7   M. WLADIMIROFF : Nous vous remercions de tous ces efforts.

  8   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pour les besoins du procès-verbal, je dois

  9   faire une déclaration -- je ne souhaitais pas interrompre M. Keegan

 10   -- la Chambre de première instance a décidé à la majorité que

 11   l’accusé, qui est dans le prétoire et qui a été dans le prétoire

 12   depuis le début du témoignage du témoin H, n’a pas vu le témoin

 13   tandis que celui-ci témoignait mais l’accusé entend son témoignage.

 14         Le Conseil de l’accusé, les Juges et l’Accusation peuvent voir et

 15   entendre le témoin H. Je voulais simplement faire figurer cela au

 16   procès-verbal, notamment dans l’hypothèse d’une question, mais

 17   maintenant peut-être n’y aura-t-il pas de question posée à propos du

 18   son, je voulais faire cette déclaration pour que nous ne soyons pas

 19   les seuls à savoir ce qui se passe. M. Keegan, souhaitez- vous

 20   reprendre l’interrogatoire principal ?

 21   M. KEEGAN : Merci, Mme le Président. (Au témoin) : Monsieur H, à partir du

 22   moment où l’on vous a dit de laisser le corps de Jasmin Hrnic et

 23   d’aller au canal, et pendant tout le reste de l’incident, avez-vous

 24   regardé autour de vous pour tenter d’identifier les autres personnes

 25   qui se trouvaient dans ce garage ?


Page 4375

  1   R. : Non.

  2   Q. : Sur quoi avez-vous concentré votre regard, que regardiez-vous ou vers

  3   quoi étiez-vous tourné pendant le temps que vous avez passé dans les

  4   alentours du garage ?

  5   R. : La plupart du temps j’avais le regard baissé.

  6   Q. : Et pourquoi cela ?

  7   R. : J’avais peur.

  8   Q. : Si on vous prenait en train de regarder autour de vous, que

  9   craigniez-vous qu’il vous arrive?

 10   R. : Je pensais que si quiconque me voyait les observer il ne m’arriverait

 11   rien de bon.

 12   Q. : Vous avez déclaré que c’était l’homme avec une barbe, que vous avez

 13   précédemment décrit, qui vous a donné l’ordre de porter les corps ?

 14   R. : En effet.

 15   Q. : Après le moment où l’on vous a ordonné de sauter dans le canal et

 16   durant tout le reste de l’incident, êtes vous absolument certain de

 17   l’identité de la personne qui donnait les ordres ? Avez-vous jamais

 18   levé le regard pour voir qui vous donnait des ordres ?

 19   R. : Non, je n’osais pas regarder.

 20   Q. : Plus généralement, avez-vous une idée du nombre de personnes qui se

 21   trouvaient dans le garage ? Combien de gardes ou de soldats serbes

 22   se trouvaient dans le garage au cours de cet incident ?

 23   R. : Ils étaient assez nombreux.

 24   Q. : D’après vous, c’étaient ces personnes, ces soldats, ces gardes qui

 25   hurlaient et criaient pendant cet incident ?


Page 4376

  1   R. : Oui.

  2   Q. : Avez-vous vu Dusko Tadic dans le garage ce jour-là ?

  3   R. : Non.

  4   Q. : Quand avez-vous quitté le camp d’Omarska ?

  5   R. : Le 6 août nous avons quitté Omarska et le 7 nous sommes allés à ---

  6   Q. : Pouvez-vous nous redire où vous êtes allé ?

  7   Q. : Le 6 août nous avons quitté Omarska et le 7 nous avons passé la

  8   barrière.

  9   Q. : De quel camp ?

 10   R. : De Manjaca.

 11   Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans le camp de Manjaca ?

 12   R. : J’y suis resté du 7 au 14 décembre de la même année, 1992.

 13   M. KEEGAN : Rien à ajouter, Mme le Président.

 14   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le contre-interrogatoire ?

 15   M. KAY : Oui, Mme le Président. Je sais que nous suspendons nos travaux à

 16   17 H00 aujourd’hui, n’est-ce pas ?

 17   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je crois que nous avons quelque chose d’autre

 18   de prévu à 17H30. À combien de temps estimez-vous la durée de votre

 19   contre-interrogatoire, M. Kay ?

 20   M. KAY : Je pense qu’il durera entre 25 et 30 minutes.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Essayons de finir pour cette heure-là, mais

 22   prenez votre temps.

 23   M. KAY : Oui.

 24                     Contre-interrogatoire mené par M.KAY

 25   Q. : Monsieur H, comme vous l’avez déclaré au Tribunal, vous connaissiez


Page 4377

  1   Dusko Tadic comme étant un homme qui vivait à Kozarac, n’est-ce pas

  2   ?

  3   R. : Oui.

  4   Q. : L’endroit où vous viviez faisait-il partie de Kozarac ? Est-ce que je

  5   suis en train de dire quelque chose -----

  6   M. KEEGAN : Mme le Président, si vous me le permettez, les mesures

  7   d’anonymat comprennent, bien évidemment, tout élément susceptible de

  8   révéler l’identité. Comme le Tribunal le sait, certains de ces

  9   villages sont tout petits et cela pourrait être très facile, c’est

 10   la raison pour laquelle j’ai parlé de la région de Kozarac.

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Dans le rapport relatif au témoin H que vous

 12   avez fait à la Défense, était-il fait mention de cela, de l’endroit

 13   où il vivait ?

 14   M. KEEGAN : Je n’ai pas la déclaration sous les yeux, mais elle aurait dû

 15   être expurgée, Mme le Président.

 16   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Voyons voir. Le témoin avait déjà déclaré

 17   qu’il connaissait M. Tadic et que pendant un moment il avait pris

 18   des leçons, des leçons de karaté. Je suppose que cela ne veut pas

 19   dire qu’il vivait forcément dans cette région.

 20   M. KEEGAN : Mme le Président, il admet qu’il vivait dans la région de

 21   Kozarac. Je crains que si le témoin donne le nom des villages, il

 22   sera alors très facile de l’identifier. C’est là ce qui me

 23   préoccupe.

 24   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Nous en avons oublié la question.

 25   Quelle était la question ?


Page 4378

  1   M. KAY : Mme le Président, il était logique pour moi de commencer par là

  2   et peut-être puis-je procéder d’une autre façon pour éviter le

  3   problème. Je m’excuse d’avoir enfreint les limites de ce que nous

  4   nous étions fixé.

  5   (Au témoin) : Si vous me permettez de recommencer, Monsieur H : il est

  6   juste de dire que vous connaissiez bien la région de Kozarac, vous

  7   connaissiez bien ce secteur ?

  8   R. : Oui.

  9   Q. : Vous avez déclaré qu’en certaines occasions vous aviez vu Dusko Tadic

 10   avec la barbe et en d’autres occasions sans la barbe, n’est-ce pas ?

 11   R. : En effet.

 12   Q. : Donc pendant toute la période où vous l’avez connu vous l’avez vu

 13   sous deux aspects ?

 14   R. : Oui.

 15   Q. : Quand vous étiez à Omarska vous avez passé votre séjour dans cette

 16   partie qui est un couloir situé sous les escaliers, n’est-ce pas ?

 17   R. : À côté de la porte et non sous la cage d’escalier.

 18   Q. : Excusez-moi, est-ce que je peux réécouter cela car on m’a transféré

 19   sur un canal différent ?

 20   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Peut-on repasser ce qui a été dit ou le faire

 21   répéter ?

 22   L’INTERPRÈTE : Le répéter oralement ? “À côté de la porte et non sous la

 23   cage d’escalier.”

 24   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Poursuivez, M. Kay.

 25   M. KAY : Oui, merci Mme le Président, je ne trouve pas mon canal.


Page 4379

  1   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce devrait être le 4.

  2   M. KAY : Oui, on pousse parfois le bouton d’un geste. (Au témoin) : Dans

  3   la partie du bâtiment où vous étiez détenu, y avait-il également

  4   d’autres personnes de votre région ?

  5   R. : Oui, c’était le cas de la plupart.

  6   Q. : Avez-vous pu monter à l’étage à l’endroit où d’autres personnes

  7   étaient également détenues ?

  8   R. : Il n’y avait pas la place pour ça.

  9   Q. : D’après ce que je comprends au vu de la maquette que nous avons

 10   regardée il y a, en fait, un long couloir à la tête des escaliers

 11   qui mène ensuite à une plus grande pièce, le saviez-vous?

 12   R. : Mais cet endroit était comble, les gens étaient entassés les uns sur

 13   les autres.

 14   Q. : Avez-vous jamais eu l’occasion de monter à l’étage et d’y voir les

 15   pièces qui s’y trouvaient ?

 16   R. : Après l’incident, je suis monté à l’étage.

 17   Q. : Quand vous avez monté cet escalier êtes-vous descendu le long du

 18   couloir jusqu’à une grande pièce qui se trouvait tout au bout ?

 19   R. : J’ai passé la porte et j’ai monté les escaliers en enjambant des gens

 20   et j’ai marché sur la tête ou le pied ou la main de quelqu’un.

 21   Q. : Est-ce que c’était la première fois que vous montiez à l’étage depuis

 22   que vous séjourniez dans cette partie du bâtiment ?

 23   R. : Oui.

 24   Q. : Vous rappelez vous depuis combien de jours vous étiez détenu dans cet

 25   endroit avant que cet incident ne se produise ?


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  1   R. : Je ne suis pas très sûr.

  2   Q. : Vous rappelez-vous combien de jours plus tard vous avez quitté

  3   Omarska ?

  4   R. : Vers le milieu, à peu près vers le milieu.

  5   Q. : Je vous remercie. Lorsque vous-même et cet homme que nous appelons G

  6   avez été choisis pour quitter cet endroit, situé au pied des

  7   escaliers, c’est un homme avec une barbe qui est venu et qui vous a

  8   dit de sortir de la pièce, n’est-ce pas ?

  9   R. : Oui.

 10   Q. : Vous souvenez-vous de ce qu’il portait ?

 11   R. : Un uniforme militaire vert.

 12   Q. : C’était un uniforme de camouflage ?

 13   R. : Non, non. C’était un uniforme SMB.

 14   Q. : Le vieil uniforme SMB de l’armée, n’est-ce pas ?

 15   R. : C’est une vieille expression de cette armée.

 16   Q. : Oui. À ce moment-là vous avez quitté cette pièce et vous êtes allé

 17   dans le hangar où vous avez remarqué les corps que vous nous avez

 18   indiqué, n’est-ce pas ?

 19   R. : Oui.

 20   Q. : L’homme avec la barbe qui vous a fait sortir de cette pièce était-il

 21   seul ou accompagné ?

 22   R. : Ils étaient près de lui.

 23   Q. : À quelle distance environ les autres soldats se trouvaient-ils du

 24   hangar? Étaient-ils regroupés quelque part ?

 25   R. : Plus regroupés mais ils se déplaçaient, ils se déplaçaient.


Page 4381

  1   Q. : Vous rappelez-vous dans quelle partie du hangar les soldats se

  2   tenaient, généralement ?

  3   R. : Au niveau des grandes portes du garage, un petit peu à l’intérieur

  4   puis à l’extérieur du garage.

  5   Q. : Donc ils se trouvaient à l’autre bout du garage ?

  6   R. : Tout était fermé mais ils se trouvaient à la porte.

  7   Q. : Ces soldats, que faisaient-ils exactement ? Ma question porte sur la

  8   période qui commence au moment où vous êtes entré dans le hangar

  9   pour la première fois, après avoir quitté votre chambre.

 10   R. : J’ai vu un groupe. Je n’ai pas vu ce qu’ils faisaient.

 11   Q. : Vous avez vu le corps d’Emir Karabasic près de l’un des canaux et

 12   vous a-t-on montré cela ou est-ce que vous l’avez vu par hasard

 13   alors que vous vous déplaciez dans le hangar ?

 14   R. : Je les ai reconnus.

 15   Q. : Avez-vous dû faire quoi que ce soit avec ce corps ou êtes-vous

 16   simplement passé à côté ?

 17   R. : Je suis juste passé à côté.

 18   Q. : À ce moment-là, l’homme appelé G était avec vous, vous étiez

 19   ensemble, n’est-ce pas ?

 20   R. : En effet.

 21   Q. : Toujours avec l’homme avec la barbe ?

 22   R. : Oui.

 23   Q. : À ce moment-là vous emmenait-il à l’emplacement où gisaient les deux

 24   corps de Jasko Hrnic et Eno Alic ?

 25   R. : Il nous a demandé de venir , il nous guidait et nous le suivions.


Page 4382

  1   Q. : Il vous a emmené à l’endroit où se trouvaient ces deux corps et vous

  2   a donné des ordres relatifs à l’un des deux corps, à celui d’Eno

  3   Alic, n’est-ce pas ?

  4   R. : Pouvez-vous répéter la question, s’il vous plaît ?

  5   Q. : D’abord, il vous a donné un ordre relatif au corps de Eno Alic,

  6   n’est-ce pas ?

  7   R. : Oui, oui, il m’a ordonné de le porter.

  8   Q. : Donc il vous parlait et vous deviez écouter ses instructions ?

  9   R. : Oui.

 10   Q. : Le corps que vous avez en fait dû tirer, c’était le corps de Jasmin

 11   Hrnic, n’est-ce pas ?

 12   R. : Oui.

 13   Q. : Vous avez déclaré être allé jusque vers les portes du garage puis

 14   dans la direction inverse parce qu’un autre garde vous a dit de

 15   l’emmener, n’est-ce pas ?

 16   R. : Ce n’est pas ce que j’ai dit.

 17   Q. : Pardon, c’est ce que j’avais cru comprendre. Peut-être pourriez-vous

 18   nous le dire. On vous a ordonné de remonter le corps sur toute la

 19   longueur du garage, n’est-ce pas ?

 20   R. : Oui.

 21   Q. : Quand vous êtes arrivé au bout du garage, que s’est-il passé ensuite?

 22   R. : On nous a ordonné de ramener le corps.

 23   Q. : Avez-vous donc ramené le corps à l’endroit où vous l’aviez tout

 24   d’abord ---

 25   R. : Pas exactement. Nous nous somme arrêtés environ à mi-chemin.


Page 4383

  1   Q. : Vous portiez le corps à vous deux, l’un tenant les jambes et l’autre

  2   la partie supérieure du corps, ou bien le tiriez-vous sur le sol ?

  3   R. : Nous le tirions sur le sol en le tenant par les jambes.

  4   Q. : L’homme qui portait une barbe, c’est lui qui vous avez dit de prendre

  5   le corps dans le garage, mais vous a-t-il dit où vous deviez

  6   l’emmener et ce que vous deviez faire du corps ?

  7   R. : Non.

  8   Q. : Combien de fois avez-vous dû tirer le corps sur toute la longueur du

  9   garage et le redescendre ?

 10   R. : Deux ou trois fois.

 11   Q. : Pendant que vous faisiez cela, vous avez sans nul doute remarqué les

 12   soldats qui se trouvaient là ?

 13   R. : Dans une telle situation de panique, dans un tel climat de peur, je

 14   ne sais pas ce que j’ai pu remarquer, et l’un d’eux m’a même frappé

 15   avec la crosse de son fusil alors que je faisais ces aller-retour.

 16   Q. : Ces soldats, qui étaient-ils, faisaient-ils partie des gardes qui

 17   travaillaient dans le camp à ce moment-là et à cet endroit-là ?

 18   R. : Ils étaient très nombreux, c’étaient des gardes. Pour autant que je

 19   pouvais voir, je connaissais les gardes.

 20   Q. : Saviez-vous si ces gardes appartenaient à une équipe de garde

 21   particulière, l’équipe de Krkan ?

 22   R. : Oui, oui, ils étaient à Krkan.

 23   Q. : Vous connaissiez donc les gardes qui constituaient chaque équipe de

 24   garde, n’est-ce pas ?

 25   R. : Pour la plupart je les connaissais.


Page 4384

  1   Q. : Vous rappelez-vous quels étaient les gardes de l’équipe de Krkan qui

  2   se trouvaient là à ce moment-là ?

  3   R. : Celui dont je me souviens le mieux, c’est ce Bakal qui était tout le

  4   temps près de nous.

  5   Q. : Bakal, vous épelez ça B-A-K-A-L ?

  6   R. : Oui, il avait une cicatrice.

  7   Q. : Une cicatrice au visage ?

  8   R. : Oui.

  9   Q. : Vous souvenez-vous du nom de l’un quelconque des autres gardes

 10   appartenant à l’équipe de Krkan qui se trouvait là à cet instant ?

 11   R. : Non, je ne m’en souviens pas.

 12   Q. : Si vous ne les connaissiez pas nommément, cela veut-il dire que vous

 13   aviez simplement l’habitude de les voir dans cette équipe ?

 14   R. : Oui, je les connaissais de vue mais je ne connaissais pas leur nom.

 15   Q. : Est-il juste de dire que vous avez regardé cet homme qui portait une

 16   barbe à plusieurs reprises alors qu’il vous donnait des ordres et

 17   que vous avez également été capable de voir les autres personnes qui

 18   se trouvaient autour de lui à ce moment-là ?

 19   R. : Cela n’a duré qu’un instant, cela a été très bref et cela s’est passé

 20   dans cette panique et cette peur.

 21   Q. : Nous pouvons dire sans craindre de nous tromper que vous ne pouviez

 22   pas voir toutes les personnes qui se trouvaient dans la pièce mais

 23   que vous pouviez voir certaines d’entre elles, n’est-ce pas ?

 24   R. : Ce Bakal était tout proche. C’est de lui que je me souviens le mieux.

 25   Q. : Mais il y une certitude, c’est que l’homme barbu qui vous donnait des


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  1   ordres n’était pas Dusko Tadic, n’est-ce pas ?

  2   R. : Je ne le crois pas.

  3   Q. : Vous n’avez jamais vu Dusko Tadic à Omarska, c’est exact ?

  4   R. : Je ne l’ai pas vu.

  5   Q. : La dernière fois que vous aviez vu Dusko Tadic, il portait une barbe,

  6   n’est-ce pas ?

  7   R. : Vous voulez dire, avant la guerre ?

  8   Q. : Oui.

  9   R. : Oui.

 10   Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans le hangar pendant cet incident

 11   ? Vous vous rappelez combien de temps tout cet incident a duré à

 12   partir du moment où vous êtes entré et jusque au moment où vous êtes

 13   sorti ?

 14   R. : Je sais que cela s’est passé juste avant la relève du tour de garde

 15   et qu’ils changeaient les équipes à 7H00. Je dirais que cela s’est

 16   passé environ une heure et demie ou deux heures auparavant. Je ne

 17   sais pas exactement.

 18   Q. : Votre participation à cet incident a duré combien de temps ?

 19   R. : Je n’en n’ai aucune idée.

 20   Q. : Lorsque vous teniez la tête de Fikret Harambasic, vos pieds étaient

 21   contre la porte du garage, n’est-ce pas ?

 22   R. : Oui, non pas contre la porte mais juste à côté de la porte. La porte

 23   était ouverte.

 24   Q. : G. était à la hauteur de la partie inférieure du corps de l’homme ?

 25   R. : Oui.


Page 4386

  1   Q. : Vous rappelez-vous combien de temps à duré le moment où il mordait le

  2   corps de l’homme ?

  3   R. : Cela a duré longtemps mais je ne sais pas exactement combien de

  4   temps.

  5   Q. : 20 minutes environ ?

  6   R. : Je ne sais pas, je ne sais pas exactement.

  7   Q. : À ce moment-là, est-ce que ces gardes et ces soldats observaient ce

  8   qui se passait ?

  9   R. : Oui.

 10   Q. : Est-ce qu’ils formaient un cercle ?

 11   R. : Vous voulez dire : est-ce qu’ils formaient un cercle autour de

 12   l’endroit où nous étions ?

 13   Q. : Oui, peut-être pouvez-vous nous expliquer quelle était leur position

 14   pendant qu’ils observaient ce qui se passait.

 15   R. : Comment le saurais-je puisque j’étais couché sur le ventre ?

 16   Q. : Mais vous étiez forcément conscient du fait qu’ils étaient là et que

 17   ce qui se passait attirait leur attention.

 18   R. : J’ai entendu leur voix, j’ai entendu qu’ils étaient très contents.

 19   Ils disaient : “Regardez ce que vous êtes en train de vous faire.

 20   Vous imaginez ce qu’ils nous feraient ?”

 21   Q. : Lorsque vous avez du sauter dans le canal plein d’huile, est-ce

 22   qu’ils vous regardaient, là aussi ? Est-ce qu’ils considéraient cela

 23   comme un divertissement ?

 24   R. : Oui, j’étais descendu --- oui, je pense que cela les amusait, mais

 25   j’étais dans le canal, dans l’huile, dans l’eau.


Page 4387

  1   Q. : Quand tout a été terminé on vous a permis de partir. C’est l’homme

  2   barbu qui vous a permis de partir ou l’un des autres gardes ?

  3   R. : Un autre, c’était un autre.

  4   Q. : Vous le connaissiez ?

  5   R. : Je savais que c’était l’un des gardes qui composaient une des équipes

  6   mais je ne connais ni son prénom ni son nom.

  7   Q. : Vous avez passé la porte de votre chambre et vous êtes monté à

  8   l’étage, c’est cela ?

  9   R. : Oui.

 10   Q. : Alors que vous étiez en haut, est-ce que de nombreuses personnes vous

 11   demandaient, puisque vous vous étiez trouvé face à face avec l’homme

 12   barbu, s’il s’agissait de Dule, c’est-à-dire de Dusko Tadic ?

 13   R. : Elles ont posé des questions, elles demandaient ce qui s’était passé.

 14   Q. : Est-ce qu’elles vous demandaient s’il s’agissait de Dule, c’est-à-

 15   dire de Dusko Tadic ?

 16   R. : Oui.

 17   Q. : Vous leur avez toujours répondu que ce n’était pas lui, n’est-ce pas

 18   ?

 19   R. : Oui.

 20   Q. : Vous ne saviez pas qui était cette homme barbu ?

 21   R. : Non.

 22   M. KAY : J’en ai terminé, Mme le Président.

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan ?

 24                     Interrogatoire supplémentaire de M. KEEGAN

 25   M. KEEGAN : Ce sera bref. Une question, monsieur H. Quand vous avez décrit


Page 4388

  1   ce qui s’est passé après que vous êtes sorti du canal et que vous

  2   étiez tous les trois allongés, vous aviez précisé précédemment que

  3   Fikret Harambasic se débattait et qu’il avait fallu avoir recours

  4   aux coups et à la force. Suite à cela, est-ce que vous bougiez, tous

  5   les trois ? Vous vous en souvenez ?

  6   R. : Oui, nous nous déplacions. Nous nous déplacions.

  7   Q. : Je vous remercie. C’est tout, Mme le Président.

  8   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

  9   M. KAY : Je n’ai rien à ajouter, Mme le Président.

 10                     Le témoin est interrogé par les Juges

 11   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur H, M. Kay vient de vous demander si,

 12   lorsque vous êtes revenu, les personnes qui se trouvaient dans la

 13   pièce vous ont demandé s’il s’agissait ou non de Dule Tadic, et vous

 14   avez répondu que vous ne saviez pas. Vous vous rappelez avoir dit

 15   cela ?

 16   R. : Pas à ce moment là. À ce moment-là je n’ai pas vu que ce n’était pas

 17   lui.

 18   Q. : Lorsque vous êtes revenu à votre chambre, est-ce que les autres

 19   prisonniers vous ont demandé s’il s’agissait de Dule Tadic ?

 20   R. : Oui, ils m’ont posé la question.

 21   Q. : Est-ce que plus d’un prisonnier vous a demandé s’il s’agissait de

 22   Dule Tadic ?

 23   R. : C’était un groupe de personnes qui se trouvaient dans ce secteur près

 24   des W-C où je m’étais déshabillé et où j’avais jeté tous mes habits.

 25   Je m’y étais aussi lavé les mains et les autres m’ont donné des


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  1   vêtements, donc c’était un groupe assez restreint de personnes qui

  2   se trouvait là. Il était difficile de bouger parce qu’il n’y avait

  3   pas de place.

  4   Q. : Vous ont-ils demandé si la personne qui avait fait cela, vous avez

  5   fait sortir, je suppose, ou avait pris part à cet incident, vous

  6   ont-ils demandé s’il s’agissait d’une quelconque autre personne, en

  7   donnant un nom ?

  8   R. : Ils m’ont demandé si c’était Dule.

  9   Q. : C’est le seul nom de personne qu’ils aient cité ?

 10   R. : Oui.

 11   Q. : Savez-vous pourquoi ils vous demandaient s’il s’agissait de Dule

 12   Tadic ?

 13   R. : Non.

 14   Q. : Vous avez sans doute déjà fait une déclaration à ce sujet mais je ne

 15   m’en souviens pas. Vous rappelez-vous combien de personnes se

 16   trouvaient dans cette partie du hangar quand G a été forcé

 17   d’arracher les testicules de M. Harambasic avec ses dents ?

 18   R. : Il y en avait 20 environ. Je ne peux pas être plus précis.

 19   Q. : Où se trouvaient-elles, si vous voulez bien regarder ce qui se trouve

 20   sur votre écran ? Je ne sais pas de quelle pièce il s’agit. Est-ce

 21   la 267 ? Observez cette photo, sur votre écran. Où se trouvaient ces

 22   personnes, si vous vous en souvenez ? Nous savons que le canal

 23   couvert d’un écran est le canal Y, c’est ainsi que nous y avons fait

 24   référence. Où se trouvaient les soldats et, si des gardes étaient

 25   présents, où se trouvaient-ils ? À quelle distance se trouvaient-ils


Page 4390

  1   du canal Y ?

  2   R. : Au moment où je suis sorti, j’ai vu la moitié d’entre eux dans le

  3   garage à la hauteur de la grande porte et l’autre moitié à

  4   l’extérieur du garage. Mais où se trouvaient-ils après cela, vers où

  5   se sont-ils déplacés, je ne sais pas.

  6   Q. : La porte du garage était donc ouverte lorsque l’incident s’est

  7   produit ?

  8   R. : Oh oui, oui.

  9   Q. : Vous avez fait référence à de nombreuses personnes comme étant des

 10   “soldats”. Voulez-vous dire par là qu’ils ne faisaient pas partie du

 11   corps de garde régulier d’Omarska ?

 12   R. : Pouvez-vous répéter la question, s’il vous plaît ?

 13   Q. : Quand vous parlez de “soldats”, entendez-vous par là qu’ils ne

 14   faisaient pas partie du corps de garde régulier d’Omarska ?

 15   R. : Pas tous. Celui-là, je ne l’avais jamais vu avant, et je ne l’ai pas

 16   revu après.

 17   Q. : Donc certains faisaient partie du corps de garde régulier et

 18   d’autres, pour autant que vous le sachiez, n’étaient pas gardes au

 19   camp d’Omarska, c’est bien cela ?

 20   R. : Oui.

 21   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n’ai plus de questions. M. Keegan ?

 22   M. KEEGAN : Je n’ai rien à ajouter, Mme le Président.

 23   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

 24   M. KAY : Non, merci Mme le Président.

 25   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : S’oppose t-on à ce que le témoin H puisse


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  1   partir définitivement ?

  2   M. KAY : Non, Mme le Président.

  3   LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Témoin H, vous pouvez partir. Merci beaucoup

  4   d’être venu. Nous suspendons nos travaux jusqu’à demain matin,

  5   10H00.

  6   (17H30)

  7                     (Le Tribunal suspend la séance jusqu’au lendemain)

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