Affaire n° : IT-02-57-PT
IT-02-58-PT
IT-02-63-PT
IT-02-64-PT
IT-04-80-PT
IT-05-86-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE III

Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge Carmel Agius
M. le Juge Liu Daqun

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
21 septembre 2005

LE PROCUREUR c/ VUJADIN POPOVIC

LE PROCUREUR c/ LJUBISA BEARA

LE PROCUREUR c/ DRAGO NIKOLIC

LE PROCUREUR c/ LJUBOMIR BOROVCANIN

LE PROCUREUR c/ ZDRAVKO TOLIMIR, RADIVOJE MILETIC ET MILAN GVERO

LE PROCUREUR c/ VINKO PANDUREVIC ET MILORAD TRBIC

______________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS DE JONCTION D’INSTANCES

______________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Peter McCloskey

Les Conseils des Accusés :

M. Zoran Zivanovic, pour Vujadin Popovic
M. John Ostojic, pour Ljubisa Beara
Mme Jelena Nikolic, pour Drago Nikolic
MM. Alan Newman et Miodrag Stojanovic, pour Ljubomir Borovcanin
Mme Natacha Fauveau Ivanovic, pour Radivoje Miletic
M. Dragan Krgovic, pour Milan Gvero
M. Djorde Sarapa, pour Vinko Pandurevic
Mme Colleen Rohan, pour Milorad Trbic

I. INTRODUCTION

1. Le 10 juin 2005, l’Accusation a déposé la « Requête de l’Accusation aux fins de jonction d’instances », dans laquelle elle demandait la jonction de six affaires impliquant neuf accusés dans le cadre d’un acte d’accusation unique (la « Requête aux fins de jonction d’instances » ou la « Requête »)1. Le 29 juin, le Président du Tribunal a rendu une ordonnance par laquelle il a décidé que la Chambre de première instance « chargée de statuer sur la [Requête] » serait composée des juges Robinson, Agius et Liu2.

2. Six des huit accusés en attente d’être jugés devant le Tribunal3 (dans quatre des affaires considérées) ont répondu à la Requête. Trois s’y opposent 4, deux déclarent ne pas s’y opposer mais échafaudent plusieurs arguments contre la jonction d’instances5, et le dernier ne s’y oppose pas6. Ljubisa Beara et Ljubomir Borovcanin n’y ont pas répondu.

3. Le 28 juin 2005, l’Accusation a déposé une demande de modification des actes d’accusation (Motion for Amendments to the Indictments), ainsi qu’un projet d’acte d’accusation modifié visant l’ensemble des neuf accusés. Il est notamment proposé dans ce document de i) supprimer le chef de complicité dans le génocide présenté contre plusieurs accusés, ii) ajouter ou élargir les chefs d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide, d’extermination, d’expulsion et de transfert forcé en ce qui concerne d’autres accusés, et iii) « apporter des précisions » en ce qui concerne d’autres accusations7.

4. Le 12 juillet 2005, l’Accusation a déposé une réplique globale donnant suite à la Réponse de Radivoje Miletic et à la Réponse de Milan Gvero, ainsi qu’une demande d’autorisation de déposer ce document au motif que « la Chambre de première instance devrait prendre connaissance de ces arguments dans l’intérêt de la justice et dans un souci d’efficacité8 ». En réponse, le 28 juillet, Radivoje Miletic a déposé un « additif » à sa réponse initiale à la Requête, ainsi qu’une demande d’autorisation de le déposer9.

5. Le 2 septembre 2005, la Chambre de première instance a rendu propio motu une ordonnance par laquelle elle demande à l’Accusation de lui indiquer le nombre de témoins qu’elle compte citer à comparaître et la durée estimée du ou des procès i) en cas de jonction d’instances et ii) dans l’hypothèse où ceux-ci se tiendraient séparément10.

6. Le 5 septembre 2005, l’Accusation a répondu à cette ordonnance11, et les accusés Milan Gvero et Radivoje Miletic ont déposé leur réplique respectivement les 12 et 16 septembre12.

II. LA NORME APPLICABLE

7. L’article 48 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le «  Règlement ») dispose que « SdCes personnes accusées d’une même infraction ou d’infractions différentes commises à l’occasion de la même opération peuvent être mises en accusation et jugées ensemble ». Le terme « opération » est défini à l’article 2 du Règlement comme étant « un certain nombre d’actions ou d’omissions survenant à l’occasion d’un seul événement ou de plusieurs, en un seul endroit ou en plusieurs, et faisant partie d’un plan, d’une stratégie ou d’un dessein commun ».

8. Si la Chambre considère que les conditions posées à l’article 48 du Règlement sont réunies, elle peut, en tenant compte de plusieurs facteurs, décider de joindre les instances ou opter pour la tenue de procès séparés13. D’après la jurisprudence du Tribunal, il peut être dûment tenu compte, pour prendre cette décision, des facteurs suivants : i) éviter de présenter plusieurs fois les mêmes preuves, ii) favoriser l’économie de moyens judiciaires, iii) ménager les témoins, iv) s’assurer de la cohérence des jugements, v) éviter tout conflit d’intérêts de nature à causer un préjudice grave à un accusé et vi) sauvegarder l’intérêt de la justice14. Pour décider s’il convient de joindre, en application de l’article 48 du Règlement, des chefs d’accusation présentés contre plusieurs accusés, la Chambre devrait se fonder sur les allégations factuelles contenues dans les actes d’accusation et les arguments y relatifs15.

III. LA REQUÊTE

9. L’Accusation soutient dans la Requête que les conditions posées par l’article  48 du Règlement sont réunies parce que tous les actes d’accusation concernent la même « opération » : un plan commun visant le nettoyage ethnique des enclaves de Bosnie orientale. En particulier, ce plan consistait en deux entreprises criminelles communes étroitement liées : l’une visant à « expulser par la force la population musulmane des enclaves de Srebrenica et de Zepa » et l’autre à « tuer tous les hommes valides de l’enclave de Srebrenica faits prisonniers16  ».

10. L’Accusation déclare que « [l]es crimes reprochés à tous les Accusés sont identiques17 ». Tous les accusés « travaillaient ensemble avec d’autres officiers [ …] de la VRS [Armée serbe de Bosnie] et du MUP pMinistère de l’intérieur serbe de Bosnie] qui ont participé en connaissance de cause à une entreprise [ …] criminelle commune »18. Leur « objectif commun » était le « nettoyage ethnique des régions de Srebrenica et Zepa de leur population musulmane de Bosnie » et chacun d’eux voit sa responsabilité pénale engagée sur la base de l’article 7 1) du Statut, pour des crimes visés aux articles 4 et 5 du Statut du Tribunal19.

11. L’Accusation reconnaît que c’est seulement dans l’acte d’accusation le plus récent – établi contre Zdravko Tolimir, Radivoje Miletic et Milan Gvero – qu’il est reproché aux accusés d’avoir procédé au nettoyage ethnique de Zepa, par opposition à celui de la seule enclave de Srebrenica, mais elle ajoute qu’« il est toutefois allégué dans les actes d’accusation actuels que l’élimination de la population musulmane de SZepaC faisait partie d’un plan plus vaste visant à débarrasser la Bosnie orientale de sa population musulmane20 ». L’Accusation admet également que tous les accusés ne doivent pas répondre des mêmes crimes (par exemple, certains ne sont pas accusés de génocide, d’extermination ou de transfert forcé, et seulement deux des neufs accusés sont mis en cause au titre de la responsabilité du supérieur hiérarchique visée à l’article 7 3) du Statut), mais elle souligne qu’ils se voient tous reprocher des crimes commis « au cours d’une seule campagne servant un dessein commun – qui était de débarrasser Srebrenica de sa population musulmane – dans la même période et aux mêmes endroits, ce qui constitue par conséquent une “même opération” et satisfait à la condition posée à l’article 48 du Règlement21 ». Elle ajoute que le projet d’acte d’accusation modifié, s’il était confirmé, donnerait lieu à une meilleure harmonisation des accusations22.

12. En outre, l’Accusation fait valoir que la Chambre devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et autoriser la jonction d’instances parce que cela i) éviterait que soient présentées à plusieurs reprises les mêmes preuves, telles que celles qui servent à établir les faits incriminés et celles qui se rapportent à la structure de la VRS ; ii) favoriserait une économie de moyens judiciaires, surtout dans la mesure où le Tribunal n’a pas le temps de mener deux procès concernant Srebrenica ou davantage dans les délais impartis pour son mandat actuel ; iii) ménagerait les victimes et les témoins, car nombre d’entre eux ne seraient plus contraints de comparaître dans six procès différents, et iv) garantirait une approche cohérente s’agissant des jugements et de l’appréciation des éléments de preuve23. L’Accusation ajoute que la jonction des six actes d’accusation ne porterait préjudice à aucun des accusés parce que les affaires considérées « pour ce qui est de la procédure […] en sont toutes à la même phase préalable au procès, à quelques mois près » et qu’aucun des accusés n’aurait à souffrir d’un réel contretemps si l’instance introduite contre lui était jointe aux cinq autres24.

IV. LES RÉPONSES

13. Les six accusés qui ont répondu à la Requête s’y opposent pour les raisons suivantes :

Article 48 du Règlement25

Facteurs discrétionnaires

V. EXAMEN

Article 48

14. Selon l’Accusation, tous les accusés doivent répondre de crimes commis au cours de la même « opération », tel qu’il est prévu à l’article 48 du Règlement. Seul un des accusés, Vinko Pandurevic, conteste explicitement cette affirmation 37. Les accusations figurant dans l’acte d’accusation ont trait à des actes commis par les mêmes personnes contre les mêmes populations, pendant une seule période et dans une même région, et ce sont là toutes les conditions à réunir38. Il n’est pas nécessaire que tous les faits soient identiques39. Ainsi, les actes des accusés peuvent s’inscrire dans la même opération même s’ils ont été commis dans des régions différentes et au cours de périodes différentes, à condition qu’il y ait un lien suffisant entre les actes commis40.

15. Dans la cas présent, les neuf accusés faisaient partie des forces armées de la Republika Srpska41 et ils doivent tous répondre de crimes commis dans la même région (Bosnie orientale, en particulier Srebrenica et/ou Zepa) et, pour l’essentiel, pendant la même période (de mars à août 1995 ou de juillet à novembre 1995)42. D’autre part, un grand nombre d’entre eux sont accusés des mêmes crimes43. Les conditions posées par l’article 48 du Règlement, qui dispose expressément que les accusés jugés ensemble peuvent répondre d’« infractions différentes », ainsi que par l’article 2 du Règlement, selon lequel les actes s’inscrivant dans une seule « opération » peuvent être commis en « plusieurs [endroits] » tant qu’ils l’ont été dans le cadre d’un plan commun, sont donc clairement réunies.

16. De plus, comme le souligne l’Accusation, bien que les accusations portées contre certains accusés se fondent sur une seule des deux entreprises criminelles communes en question – l’expulsion par la force de la population musulmane de Bosnie de Srebrenica et de Zepa, mais pas le massacre des hommes valides de Srebrenica44 – les faits allégués qui se rapportent aux deux entreprises sont étroitement liés45. Ainsi,

bien que l’entreprise criminelle commune visant à contraindre la population à évacuer […] ait commencé en mars 1995, l’expulsion par la force de la population musulmane de Bosnie a atteint son paroxysme lorsque la population de Srebrenica a été physiquement contrainte de partir les 12 et 13 juillet 1995. La plupart des massacres se sont produits par la suite entre le 12 et le 17 juillet et […] l’exécution du projet d’éliminer les hommes valides de Srebrenica a commencé l’après-midi du 12 juillet lorsque les hommes valides de Potocari ont été séparés de force de leur famille […]46

17. En outre, comme la Chambre d’appel l’a clairement indiqué en définissant l’expression « même opération » aux fins de l’article 49 du Règlement, on peut estimer que les différents actes des accusés avaient un objectif commun même s’ils ne se recoupaient pas dans le temps et dans l’espace. Ainsi, dans l’affaire Milosevic, la Chambre d’appel a autorisé la jonction des trois – Kosovo, Croatie et Bosnie – actes d’accusation bien que i) les premiers événements au Kosovo se soient produits plus trois ans après les derniers événements en Bosnie, ii) les conflits en Bosnie et en Croatie se soient déroulés dans des États voisins de la République fédérale de Yougoslavie alors que ceux du Kosovo ont eu lieu sur le territoire même de la RFY, et iii) il soit allégué que l’accusé avait agi indirectement en ce qui concerne la Croatie et la Bosnie mais directement (en tant que commandant des forces armées de la RFY) dans le cas du Kosovo. Selon la Chambre d’appel, il suffisait que

les actes commis dans ces trois régions, pour lesquels la responsabilité pénale de l’accusé est engagée, [aient] pour but de contraindre la majorité de la population non serbe à évacuer les secteurs que les Serbes voulaient maintenir ou placer sous leur contrôle. Le fait qu’une partie des actes commis aient eu pour cadre une province de Serbie et d’autres des États voisins ne change rien au fait que, dans chaque acte d’accusation, il est allégué que l’accusé a agi en vue d’établir ou de maintenir un contrôle serbe sur des secteurs qui faisaient ou avaient fait partie de l’ex-Yougoslavie47.

18. Il semble que, dans certaines réponses à la Requête, les intéressés reconnaissent que les accusations portées dans les six actes d’accusation se fondent sur l’existence d’une campagne commune ou d’un dessein commun, mais laissent entendre que, du fait que certains d’entre eux jouaient un rôle de subalterne dans cette campagne ou qu’ils se trouvaient tout en bas de la hiérarchie par rapport à d’autres accusés, il ne peut être procédé à la jonction d’instances en application de l’article 48. Cet argument n’est pas fondé parce que, comme l’ont déclaré plusieurs chambres de première instance, « [p]eu importe le rôle joué par un accusé en particulier dès lors qu’il a participé [au] plan commun48 ». En effet, comme le souligne l’Accusation, le fait que les accusés faisaient partie de la même armée et qu’ils étaient « étroitement liés dans la hiérarchie » peut même étayer l’argument selon lequel ils ont agi de concert dans le cadre d’un plan commun49. En conséquence, les accusés peuvent être jugés ensemble en application de l’article 48 du Règlement.

Facteurs discrétionnaires

19. Les facteurs discrétionnaires militent en faveur de la Requête aux fins de jonction d’instances.

Éviter de présenter plusieurs fois les mêmes preuves et favoriser l’économie de moyens judiciaires

20. Sur la base des pièces préalables au procès produites à ce jour, la Chambre estime qu’un procès unique devrait prendre moins de temps que six procès séparés et qu’il serait bon pour l’économie des moyens judiciaires de juger les accusés ensemble. Par le passé, des Chambres de première instance ont présumé que la jonction d’instances accélérerait la procédure alors que d’autres ont prédit qu’elle la ralentirait. Dans le cas présent, la balance penche en faveur d’un procès unique car les faits incriminés sont les mêmes pour chaque accusé et pourraient être exposés une seule fois, au lieu de six fois dans des instances disjointes50.

21. L’Accusation estime à une centaine le nombre de témoins communs à tous les accusés et donc, si les six procès se déroulaient séparément, elle aurait à citer en tout 685 témoins tandis que si les instances étaient jointes, elle ne devrait en citer seulement que 135 (35 témoins étant particuliers à tel ou tel accusé). En outre, elle fait l’hypothèse que si les six affaires étaient jugées séparément, les procès dureraient probablement entre 93 et 95 mois (7 à 8 ans) alors qu’un procès commun ne durerait que de 18 à 24 mois (1 à 2 ans)51. L’Accusation fait donc observer que si les instances étaient jointes, six ans seraient économisés.

22. Sur la base de ces observations et des arguments avancés par les parties, la Chambre estime que des procès séparés augmenteraient donc probablement la longueur de la procédure parce que :

[des] procès distincts aboutiraient à ce qu’une grande quantité d’éléments de preuve « corrélatifs (se recoupant) » doivent être produits dans les … procès. Compte tenu du fait que l’Accusation présenterait de nombreux éléments de preuve identiques dans chaque procès, la jonction permettra à la Chambre de première instance de mener le procès de manière plus efficace …52

23. En outre, la Chambre relève que les affaires se trouvent toutes actuellement à un stade similaire dans la phase préalable au procès, et qu’il n’y a donc pas de risque pour qu’une affaire fasse prendre un retard important aux autres. Il est vrai que l’un des accusés est toujours en fuite, mais la Chambre estime que cela n’occasionnera probablement pas un retard considérable car elle peut à n’importe quel moment exercer son pouvoir discrétionnaire pour disjoindre le procès dudit accusé de celui de ses coaccusés53.

24. Ainsi, la possibilité d’éviter que les mêmes preuves soient présentées plusieurs fois et l’économie des moyens judiciaires constituent des facteurs qui militent tous deux en faveur de la Requête.

Protection des témoins et cohérence des jugements

25. Les témoins bénéficieraient d’une meilleure protection dans le cadre d’un procès unique. La question de la protection des témoins, comme celle du retard de la procédure, peut ou non jouer en faveur d’une jonction d’instances selon les circonstances, mais dans le cas présent elle joue bien en sa faveur. La tenue d’un seul procès signifie que les témoins n’auront pas à voyager jusqu’à La Haye, déposer à l’audience, et répondre aux questions des juges plusieurs fois. Plusieurs des accusés indiquent qu’il serait plus traumatisant pour un témoin de subir huit ou neuf contre-interrogatoires consécutifs dans le cadre d’une seule affaire qu’un seul à la fois dans six procès séparés. Tout bien considéré, cependant, il semblerait être plus pénible de devoir venir donner le même témoignage (direct) à six reprises sur une période de plusieurs années que de subir plusieurs contre-interrogatoires consécutifs au cours d’un unique procès. De plus, la Chambre de première instance est toujours à même de contrôler le déroulement du contre-interrogatoire des témoins, par exemple en empêchant que les conseils des accusés posent tour à tour les mêmes questions.

26. La Chambre de première instance relève également qu’il y a plus de chances que les témoins soient disponibles s’ils sont cités pour déposer une fois au cours des deux prochaines années (le temps estimé par l’Accusation pour la tenue d’un procès commun) que s’ils doivent venir six fois au Tribunal au cours des 7 à 8 prochaines années (le temps estimé par l’Accusation pour la tenue de six procès séparés). La disponibilité des témoins pour comparaître devant le Tribunal profite aux deux parties, soit parce qu’elles sont intéressées par la déposition du témoin à l’audience, soit parce qu’elles auront la possibilité de contre-interroger ce témoin. Cette probabilité accrue que les témoins seront disponibles sert aussi l’intérêt de la justice de façon plus générale, car si plusieurs Chambres de première instance qui abordent les mêmes sujets n’entendent pas les mêmes témoins, il y a un risque que leur évaluation ultérieure des éléments de preuve, et au bout du compte, leurs conclusions, divergent.

27. Contrairement à l’argument avancé par l’un des accusés, la cohérence dans l’examen des preuves et dans les jugements constitue aussi un facteur pertinent et important pour apprécier la Requête aux fins de jonction d’instances. « Garantir la cohérence des jugements est d’un intérêt public fondamental54  ». Dans le cas présent, si un seul procès a lieu devant une même formation de juges pesant les mêmes éléments de preuve et témoignages, cela produira plus probablement une évaluation cohérente de ces éléments et au bout du compte des jugements cohérents que si les accusés étaient jugés séparément55.

28. Par conséquent, le souci de protéger les témoins et celui d’assurer la cohérence des jugements sont des facteurs qui militent tous deux en faveur de la Requête.

Préjudice causé aux accusés

29. Ces facteurs doivent bien sûr être pesés en regard du risque que la jonction d’instances puisse porter atteinte aux droits de l’un ou de plusieurs des accusés.

Présentation d’éléments de preuve préjudiciables

30. Dans plusieurs réponses, il est affirmé que, dans un procès commun, le préjudice causé à un accusé pourrait de manière générale résulter de la présentation d’éléments de preuve qui se rapportent seulement aux autres accusés. La Chambre estime qu’une jonction d’instances en vertu de l’article 48 du Règlement ne conduit pas inévitablement à causer un préjudice à un accusé, et que par conséquent des affirmations générales a priori selon lesquelles un accusé pourrait subir un préjudice du fait de la présentation d’éléments de preuve relatifs à des événements auxquels il n’a jamais pris part, non étayées concrètement quant au préjudice précis risquant d’en résulter, ne sont pas convaincantes. Cela tient à ce les Chambres de ce Tribunal, à la différence de certains tribunaux pénaux nationaux, sont composées de « juges professionnels [qui sont] à même de faire abstraction des éléments préjudiciables en question » lorsqu’ils sont amenés à décider de la culpabilité de tel ou tel accusé56. Ainsi, dans l’affaire Brdanin par exemple, la Chambre de première instance a conclu que :

[l]e fait que des éléments de preuve relatifs à un seul accusé (et pas à un autre ) seront apportés est une caractéristique fréquente des procès communs. Sur la base des conclusions et des allégations figurant dans l’acte d’accusation, la Chambre de première instance est d’avis que cela ne portera pas en soi un préjudice grave Sà l’accuséC57.

31. Dans le cas présent, Radivoje Miletic et Milan Gvero sont les seuls accusés qui ont avancé un argument précis en ce qui concerne un éventuel préjudice. Contrairement à certains des autres accusés58, ils n’ont pas été mis en accusation pour génocide, entente en vue de commettre le génocide ou extermination des hommes valides de Srebrenica et, de ce fait, ils affirment que tous les éléments de preuve présentés pour justifier l’allégation selon laquelle leurs coaccusés ont commis ces crimes leur seront préjudiciables. La Chambre constate qu’il y a une différence au niveau des faits qui sont reprochés mais estime qu’en l’espèce le risque d’un préjudice reste faible car des actes qui visaient au nettoyage ethnique de la population musulmane de Bosnie de Srebrenica sont reprochés à tous les accusés, y compris aux deux accusés susnommés. Par conséquent, la Chambre de première instance admet le point de vue de l’Accusation selon lequel les preuves à charge, pour leur plus grande partie, seront les mêmes :

Le seul élément constitutif de l’entreprise criminelle commune pour lequel Milan Gvero et Radivoje Miletic n’ont pas été mis en accusation … [est] l’exécution en masse des hommes valides. Milan Gvero et Radivoje Miletic ont cependant participé à l’expulsion de l’enclave par la force de ces mêmes hommes, et les meurtres organisés de ceux-ci, bien que ne faisant pas partie des accusations effectivement portées contre Milan Gvero et Radivoje Miletic, feront partie des preuves produites contre eux, même s’ils sont jugés séparément des autres coaccusés désignés59.

Dès lors, la Chambre de première instance ne voit de risque réel de préjudice pour aucun des accusés pour le motif mis en avant.

Conflits d’intérêts

32. La question des conflits d’intérêts qui peuvent surgir entre les accusés eux-mêmes au cours d’un procès commun est étroitement liée à celle du préjudice que peut subir un accusé du fait de la présentation des preuves dans un tel procès. L’Accusation fait allusion à « un conflit entre l’accusé Trbic et certains des autres accusés où Milorad Trbic, dans des déclarations qu’il a faites au Bureau du Procureur et lors du témoignage qu’il a apporté dans le procès Blagojevic et Jokic, a impliqué plusieurs de ses coaccusés dans les crimes commis à Srebrenica 60 ». Aucune autre précision n’est toutefois donnée, et Milorad Trbic, dans sa réponse, n’allègue l’existence d’aucun conflit61. Par conséquent, l’affirmation par certains accusés selon laquelle un procès commun donnerait lieu à un conflit d’intérêts n’est pas fondée62.

33. Des chambres de première instance ont considéré par le passé que le fait de mener un procès commun dans lequel les coaccusés pouvaient témoigner les uns contre les autres ne donne pas automatiquement lieu à un conflit d’intérêts entre les accusés63, et que la simple «  “possibilité de défenses mutuellement antagonistes” ne constitue pas un conflit d’intérêts susceptible de causer un préjudice grave64  » parce que « les procès engagés devant ce Tribunal sont conduits par des juges professionnels qui sont nécessairement en mesure de déterminer la part de responsabilité revenant à chacun des accusés65 ». Donc, de l’avis de la Chambre de première instance, aucun accusé n’a présenté d’argument convaincant quant à la possibilité d’un conflit d’intérêts qui empêcherait la jonction des instances66.

34. En somme, la Chambre de première instance estime qu’un procès unique – en évitant de présenter plusieurs fois les mêmes preuves (paragraphes 20 à 22), en favorisant l’économie des moyens judiciaires (paragraphes 20 à 23), en protégeant les droits et en assurant la disponibilité des témoins (paragraphes 25 et 26), et en assurant la cohérence des jugements (paragraphe 27) – sauvegardera mieux l’intérêt de la justice. Elle estime également que les droits des accusés seront mieux protégés dans le cadre d’un procès commun i) qui sera probablement plus rapide (paragraphes  21 à 23) et ii) qui comportera plus de preuves au dossier (paragraphe 26) que si les six affaires étaient jugées séparément. En outre, la Chambre ne considère pas que les accusés risquent de subir un préjudice si les instances sont jointes (paragraphes  30 à 33).

35. Enfin, la Chambre de première instance estime que l’examen de tous les arguments avancés par les parties l’ont aidée pour statuer sur la Requête. Par conséquent, elle fait droit i) à la demande de l’Accusation d’autorisation de déposer une réplique globale et ii) à la demande de Radivoje Miletic d’autorisation de déposer un additif à sa réponse initiale.

VI. DISPOSITIF

36. Pour les raisons qui précèdent, en application des articles 48 et 126  bis du Règlement, la Chambre de première instance ordonne ce qui suit :

a) l’Accusation est autorisée à déposer une réplique globale, donnant suite à la réponse de la Défense à la Requête de l’Accusation aux fins de jonction d’instances  ;

b) l’accusé Radivoje Miletic est autorisé à déposer un additif à sa réponse ; et

c) il est fait droit à la Requête de l’Accusation aux fins de jonction d’instances.

37. La Chambre de première instance prie le Greffe d’attribuer sans délai un numéro d’affaire unique aux instances jointes.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
_______________
Patrick Robinson

Une opinion individuelle du Juge Robinson est jointe à la présente décision.

Le 21 septembre 2005
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


OPINION INDIVIDUELLE DU JUGE PATRICK ROBINSON

1. L’accusé Milan Gvero affirme dans sa réponse que la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal ne devrait pas influencer la Chambre de première instance dans sa décision concernant la Requête aux fins de jonction d’instances ni pouvoir influer sur le droit d’un accusé à un procès rapide1. Par « stratégie d’achèvement », je suppose que Milan Gvero fait allusion à la décision du Conseil de sécurité selon laquelle le Tribunal devait prendre toutes les mesures possibles pour terminer ses enquêtes avant la fin de 2004, achever tous les procès en première instance d’ici la fin 2008 et la totalité de ses travaux en 20102. Vu la charge de travail importante du Tribunal3, il est clair que des efforts particuliers auraient à être déployés pour atteindre ces objectifs.

2. En principe, selon la résolution du Conseil de sécurité, le Tribunal est seulement tenu de prendre toutes les mesures raisonnables pour respecter les délais fixés. On ne doit assurément pas comprendre par là que les Chambres aient à exercer leurs fonctions judiciaires d’une façon telle que le Tribunal respecte ces délais mais qui constituerait une atteinte au principe fondamental d’équité dans le déroulement du procès.

3. Par conséquent, à ce stade des travaux du Tribunal, lorsqu’une Chambre de première instance fait droit à une requête aux fins de jonction d’instances, et que l’un des facteurs favorables à la jonction est que celle-ci aide à réaliser une économie de moyens judiciaires, cela ne signifie pas que la Chambre accède à la requête en raison de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal. Elle fait droit à la requête et est influencée par le facteur lié à l’économie des moyens judiciaires de la même manière que si la requête lui avait été présentée bien plus tôt dans l’existence du Tribunal, par exemple en 2000. Si, en 2000, j’avais rejeté une requête aux fins de jonction d’instances, je me garderais de faire droit aujourd’hui à cette requête à cause de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal. En 2000, la requête aurait été rejetée au motif qu’il n’était juridiquement pas fondé de lui faire droit. Faire droit à la même requête aujourd’hui serait clairement injuste si le motif en était la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal.

4. J’estime important de faire cette déclaration afin de préciser les facteurs dont une Chambre, dans le contexte de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal, peut à raison tenir compte lorsqu’elle statue sur une demande de jonction d’instances. Alors qu’il serait tout à fait opportun que le Procureur soit influencé par la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal pour décider de son plan de travail, et notamment de l’opportunité de joindre des instances, la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal serait, ainsi que la Chambre d’appel l’a jugé, une « considération déplacée » dans la décision d’une Chambre de première instance4. Cela est vrai même si la mise en œuvre de cette stratégie peut avoir des répercussions sur les facteurs (tels que l’économie des moyens judiciaires) dont une Chambre de première instance peut tenir compte avec discernement et de façon tout à fait indépendante.

Le Président de la Chambre de première instance
_______________
Patrick Robinson

Le 21 septembre 2005
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1 - Les affaires en question sont 1) Le Procureur c/ Popovic (n° IT-02-57-PT), 2) Le Procureur c/ Beara (n° IT-02-58-PT), 3) Le Procureur c/ Nikolic (n° IT-02-63-PT), 4) Le Procureur c/ Borovcanin (n° IT-02-64-PT), 5) Le Procureur c/ Tolimir et consorts (n° IT-04-80-PT) et 6) Le Procureur c/ Pandurevic et Trbic (n° IT-05-86-PT). Les accusés sont Vujadin Popovic, Ljubisa Beara, Drago Nikolic, Ljubomir Borovcanin, Zdravko Tolimir, Radivoje Miletic, Milan Gvero, Vinko Pandurevic et Milorad Trbic. Sauf indication contraire, tous les documents auxquels il est fait référence ont été déposés dans chacune de ces six affaires.
2 - Voir Ordonnance de renvoi de la demande de jonction d’instances, 29 juin 2005, et Corrigendum à l’ordonnance de renvoi de la demande de jonction d’instances, 4 juillet 2005.
3 - Un des accusés, Zdravko Tolimir, n’a toujours pas été arrêté.
4 - Voir General Gvero’s Response to Prosecution Motion for Joinder, 5 juillet 2005 (« Réponse de Gvero »), Response by General Miletic to the Prosecution’s Motion for Joinder of Accused, 5 juillet 2005 (« Réponse de Miletic ») et Accused Vinko Pandurevic Defence’s Response to Prosecution’s Motion for Joinder of Accused, 17 juin 2005 (« Réponse de Pandurevic »).
5 - Voir Réponse pour le compte de Drago Nikolic à la requête de l’Accusation aux fins de jonction d’instances, 23 juin 2005, de nouveau déposée le 1er juillet 2005 (« Réponse de Nikolic ») et Réponse de Vujadin Popovic à la requête du Procureur aux fins de jonction d’instances, 22 juin 2005 (« Réponse de Popovic »).
6 - Voir Milorad Trbic’s Response to Prosecution Motion for Joinder of the Accused, 27 juillet 2005 (« Réponse de Trbic »).
7 - Voir Requête aux fins de jonction d’instances, par. 4.
8 - Prosecution Consolidated Reply to Defence Response to Prosecution Motion for Joinder of Accused, affaire n° IT-04-80-PT, 12 juillet 2005 (« Réplique globale de l’Accusation »), par. 1.
9 - Application for Leave to File an Addendum to the Response by General Miletic dated 5 July 2005, affaire n° IT-04-80-PT, 4 août 2005.
10 - Ordonnance, 2 septembre 2005.
11 - Prosecution’s Response to Trial Chamber’s Order of 2 September 2005, 5 septembre 2005.
12 - Le Procureur c/ Tolimir et consorts, supra note de bas de page 1, General Gvero’s Defence Response to Prosecution’s Response to Trial Chamber’s Order of 2 September 2005, 12 septembre 2005 ; Response by General Miletic to the Prosecution Response of 5 September 2005, 16 septembre 2005.
13 - Voir Le Procureur c/ Mejakic et consorts, affaire n° IT-95-4-PT, IT-95-8/1-PT, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de jonction d’instances, 17 septembre 2002, par. 24, et Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, affaire n° IT-99-36-A, Décision relative à la demande d’interjeter appel, 16 mai 2000.
14 - Idem et article 82 du Règlement. Voir aussi articles 20 à 22 du Statut (droit à un procès équitable et rapide) et article 75 du Règlement (protection des victimes et des témoins).
15 - Le Procureur c/ Mejakic et consorts, supra note de bas de page 13, par. 23.
16 - Prosecution’s Motion for Amendments to the Indictments, 28 juin 2005, par. 15.
17 - Requête, par. 34 (souligné dans l’original). Voir aussi Prosecution’s Motion for Amendments to the Indictments, supra note de bas de page 16, par. 15 (« Il s’agit d’une affaire qui fait, dans une large mesure, intervenir les mêmes témoins des crimes commis ainsi que des éléments de preuve concernant la même structure militaire. »)
18 - Requête, par. 6.
19 - Idem, par. 34.
20 - Idem, par. 36 (souligné dans l’original).
21 - Idem, par. 35 (souligné dans l’original).
22 - Idem.
23 - Idem, par. 39 à 45.
24 - Idem, par. 44.
25 - Vinko Pandurevic est le seul à contester explicitement l’affirmation de l’Accusation selon laquelle les conditions posées par l’article 48 du Règlement sont réunies. Comparer la Réponse de Pandurevic, par 1 à 10, avec, par exemple, la Réponse de Miletic, par. 7, et la Réponse de Gvero, par. 3. Cependant, certaines déclarations émanant des réponses d’autres accusés peuvent s’interpréter comme une contestation de l’argument de l’Accusation selon lequel les faits reprochés aux accusés se fondent sur une seule et même « opération », conformément à l’article 48 du Règlement. Voir Réponse de Popovic, par. B, Réponse de Nikolic, par. 9 et Réponse de Miletic, par. 4.
26 - Réponse de Miletic, par. 14.
27 - Réponse de Nikolic, par. 9. Voir aussi Réponse de Popovic, par. B.
28 - Idem, par. 18 ; Réponse de Miletic, par. 10 ; Réponse de Pandurevic, par. 17.
29 - Réponse de Nikolic, par. 18 ; Réponse de Miletic, par. 18.
30 - Réponse de Nikolic, par. 19 ; Réponse de Gvero, par. 10.
31 - Réponse de Gvero, par. 11.
32 - Réponse de Miletic, par. 21 ; Réponse de Nikolic, par. 16. Drago Nikolic avance également qu’« [i]l est fort probable qu’à l’audience les témoins seront influencés par la présence de neuf accusés. Il est tout à fait possible qu’un témoin ait connaissance d’éléments tendant à disculper l’un des accusés mais qu’il ne veuille pas les rapporter en présence des coaccusés. » Idem, par. 15.
33 - Réponse de Pandurevic, par. 18 (indiquant qu’il y a « indubitablement un ou plusieurs conflit(s) d’intérêts entre Vinko Pandurevic et les autres accusés »).
34 - Voir surtout Réponse de Gvero, par. 4. Voir aussi par. 7 (indiquant que la jonction d’instances engendrerait la tenue d’« un méga procès dans lequel il n’aurait qu’un petit rôle »).
35 - Réponse de Miletic, par. 16 et 21 ; Réponse de Gvero, par. 7 ; Réponse de Pandurevic, par. 7 et 9. Drago Nikolic fait également valoir que « la présence de neuf accusés aura une influence sur le choix des moyens de preuve que toutes les parties produiront à l’audience » et que, par conséquent, la Chambre de première instance sera « privée de preuves substantielles ». Réponse de Nikolic, par. 14.
36 - Réponse de Pandurevic, par. 12. Un des accusés remet également en question l’opportunité de présenter à ce stade la Requête, laissant entendre que « c’est après que l’Accusation aura présenté la demande de modification des six actes d’accusation et que cette dernière aura été tranchée qu’il y aura lieu d’examiner la Requête ». Réponse de Nikolic, par. 30.
37 - Vinko Pandurevic affirme qu’il n’a pas participé au plan commun allégué par l’Accusation (question de fait qu’il faudra déterminer au procès) et s’oppose à l’ajout de chefs d’accusation dans le nouveau projet d’acte d’accusation (argument qu’il n’y a lieu d’invoquer que dans le cadre de la demande de modification de l’acte d’accusation). Réponse de Pandurevic, par. 9 et 10. Voir aussi note de bas de page 25, supra.
38 - Voir aussi Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative aux requêtes de Momir Talic aux fins de la disjonction d’instance et aux fins d’autorisation de dépôt d’une réplique, 9 mars 2000, par. 21.
39 - Voir aussi idem, par. 20 (citations non reproduites).
40 - Voir Le Procureur c/ Ntakirutimana et consorts, ICTR 96-10-I et ICTR 96-17-T, Decision on the Prosecutor’s Motion to Join the Indictments, 22 février 2001.
41 - Selon le projet d’acte d’accusation modifié, les forces armées de la Republika Srpska comprenaient l’armée et les unités du Ministère de l’intérieur de la Republika Srpska. Prosecution’s Motion for Amendments to the Indictment, supra note de bas de page 16, annexe A, pièce jointe B, par. 1. Huit des neuf accusés faisaient partie du personnel de la VRS (à différents niveaux de responsabilité) et Ljubomir Borovcanin était commandant adjoint au Ministère de l’intérieur (MUP) de la Republika Srpska, sous les ordres du chef d’état-major du corps de la Drina de la VRS.
42 - L’acte d’accusation établi contre Zdravko Tolimir contient des accusations qui couvrent la période allant de mars à août 1995, alors que les cinq autres actes d’accusation concernent la période allant de juillet à novembre 1995. Mais voir Réponse de Pandurevic, par. 9 d).
43 - Tous les accusés doivent répondre d’assassinat en tant que crime contre l’humanité ; tous sauf un sont accusés de meurtre en tant que crime de guerre et de persécutions ; sept d’entre eux doivent répondre d’actes inhumains (transfert forcé) ; cinq sont accusés de génocide et/ou de complicité dans le génocide ou d’entente en vue de commettre le génocide ; et cinq doivent répondre du crime d’extermination. Tous sont accusés sur la base de l’article 7 1) du Statut et deux (Ljubomir Borovcanin et Vinko Pandurevic) sur la base de son article 7 3) également. Les accusations qui figurent dans le projet d’acte d’accusation modifié ont été harmonisées encore davantage.
44 - Le projet d’acte d’accusation modifié renvoie à une troisième entreprise criminelle commune liée à des « meurtres opportunistes », mais elle est par la suite définie comme s’inscrivant dans le contexte plus large de l’« entreprise criminelle commune et l’opération visant à transférer et à expulser par la force les populations des enclaves de Srebrenica et de Zepa ». Projet d’acte d’accusation modifié, Motion for Amendments to the Indictment, supra note de bas de page 16, annexe A, par. 83.
45 - Réplique globale de l’Accusation, supra note de bas de page 8, par. 6.
46 - Idem, par. 14 (souligné dans l’original).
47 - Le Procureur c/ Milosevic, affaires n° IT-99-37-AR73, IT-01-50-AR73, IT-01-51-AR73, Motifs de la décision relative à l’appel interlocutoire de l’Accusation contre le rejet de la demande de jonction, 18 avril 2002, par. 20 (citations non reproduites).
48 - Voir Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14/2, Décision relative à la demande de l’accusé Mario Cerkez aux fins d’un procès séparé, 7 décembre 1998, par. 10. Voir Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-PT, Décision relative aux requêtes de la Défense aux fins de procès séparés, 15 mai 1998 (les crimes reprochés aux six coaccusés« concernent l’attaque contre la population musulmane de Ahmici […] et font ainsi partie de la même opération », conformément à l’article 48 du Règlement).
49 - Réplique globale de l’Accusation, supra note de bas de page 8, par. 9. L’Accusation indique que Radivoje Miletic, Milan Gvero et Zdravko Tolimir se situaient tous à un « échelon élevé de la hiérarchie militaire » et rendaient directement compte à Ratko Mladic. Les autres accusés étaient sous leurs ordres. À titre d’exemple, Ljubisa Beara, chef de la sécurité de l’état-major principal, était directement placé sous les ordres de Zdravko Tolimir, et Vujadin Popovic, membre du corps de la Drina, était quant à lui subordonné à l’état-major principal de la VRS. Idem.
50 - De plus, puisque selon l’Accusation, il y a beaucoup de témoins communs aux différentes affaires, chaque contre-interrogatoire dans un procès unique peut prendre moins de temps que si les instances ne sont pas jointes car certaines questions que le conseil d’un accusé souhaite poser peuvent l’être par le conseil d’un autre accusé.
51 - Réponse de l’Accusation à l’Ordonnance de la Chambre de première instance du 2 septembre 2005, 5 septembre 2005, par. 2 à 6.
52 - Le Procureur c/ Mejakic et consorts, voir note 13 ci-dessus, par. 30.
53 - Voir aussi la réplique globale de l’Accusation, note 8 ci-dessus, par. 18. L’autre allégation de la Défense sur ce point – que la jonction d’instances occasionnerait un retard du fait de la nécessité d’aménager une nouvelle salle d’audience – est dénuée de fondement. Les travaux d’aménagement des salles d’audience actuelles ont commencé afin qu’au moins une salle d’audience puisse, le cas échéant, recevoir neuf accusés.
54 - Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, voir note 38 ci-dessus, par. 31.
55 - Id. (« Rien ne serait plus contraire à la recherche de la justice que de parvenir à des conclusions différentes dans le cas de procès séparés qui porteraient sur les mêmes faits. Le seul moyen sûr d’obtenir une telle cohérence consiste en ce que la même Chambre de première instance juge les deux accusés en se fondant sur les mêmes éléments de preuve - sauf si (comme l’exige l’article 82 B)) il existe un conflit d’intérêts de nature à causer un préjudice grave à un accusé ou pour sauvegarder l’intérêt de la justice »).
56 - Le Procureur c/ Mejakic et consorts, note 13 ci-dessus, par. 29, citant Le Procureur c/ Milosevic, note 47 ci-dessus, par. 29.
57 - Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, note 38 ci-dessus, par. 20 (non souligné dans l’original).
58 - Popovic, Pandurevic, Beara, Nikolic et Borovcanin sont actuellement accusés de l’un ou plusieurs de ces crimes, alors que Tolimir, Trbic ainsi que Miletic et Gvero ne le sont pas. Selon l’acte d’accusation modifié proposé, Miletic et Gvero sont les seuls accusés pour lesquels ces crimes ne sont pas reprochés.
59 - Réplique globale de l’Accusation, note 8 ci-dessus, par. 6.
60 - Requête aux fins de jonction d’instances, par. 43.
61 - Milorad Trbic fait toutefois remarquer qu’il se réserve le droit - « dans le cas où un réel conflit d’intérêts apparaîtrait au cours de cette affaire ultérieurement » - de présenter alors une demande de disjonction d’instances ou de prendre une autre mesure appropriée. Réponse de Milorad Trbic, par. 6.
62 - Radivoje Miletic et Milan Gvero avancent également qu’un conflit d’intérêts se présenterait à l’occasion d’un procès commun car ils occupaient une position moins élevée dans la hiérarchie que certains de leurs coaccusés. Cependant, comme la Chambre de première instance Brdanin l’a jugé, le "fait que les (coaccusés) aient joué des rôles différents dans la hiérarchie du commandement … n’importe pas". Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, note 38 ci-dessus, par. 23.
63 - Voir Le Procureur c/ Ndayambaje, affaire n° TPIR-96-8-T, Decision on the Defence Motion for a Separate Trial, 25 avril 2001, par. 11.
64 - Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, affaire n° IT-99-36-T, Décision relative à la demande de disjonction de l’instance, formulée oralement par l’Accusation, 20 septembre 2002, par. 21 (non souligné dans l’original), citant Le Procureur c/ Simic et consorts, affaire n° IT-95-9-PT, Décision relative à la demande de la Défense aux fins de disjonction d’instances, 15 mars 1999. Voir aussi Requête, par. 43, note 37.
65 - Le Procureur c/ Brdjanin et Talic, note 38 ci-dessus, par. 32.
66 - Id., par. 29 (« La Chambre de première instance ne pense pas non plus qu’un préjudice grave puisse découler de l’éventualité [qu’un accusé] incrimine [un autre accusé] ou [qu’un accusé] ne puisse, sans crainte d’être contredit, blâmer (ses coaccusés) pour les ordres dont l’Accusation pourrait établir qu’il les a suivis ».

 


1 - Le Procureur c/ Tolimir et consorts, affaire n° IT-04-80-PT, General Gvero’s Response to Prosecution Motion for Joinder, 5 juillet 2005, par. 11.
2 - Voir S/RES/1503 (2003). Voir aussi S/RES/1534 (2004).
3 - Depuis octobre 2004, 24 accusés ont été transférés au Tribunal et cela a évidemment augmenté sa charge de travail.
4 - Voir Le Procureur c/ Slobodan Milosevic, affaire n° IT-02-54-AR73.6, Décision relative à l’appel interlocutoire interjeté par les amici curiae contre l’ordonnance rendue par la Chambre de première instance concernant la préparation et la présentation des moyens à décharge, 20 janvier 2004, par. 18 (estimant que « l’objectif d’achèvement des travaux du Tribunal » serait une « considération déplacée » dans les motifs d’une décision rendue par une Chambre de première instance).