Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 12 mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Nous sommes désolés de commencer en retard, mais le prétoire n'était pas

  7   prêt à l'heure.

  8   Je ne pense pas que nous ayons besoin de demander au greffier de citer

  9   l'affaire, de faire les présentations. Cela dit, non, je pense qu'il

 10   vaudrait sans doute mieux le faire, car nous ne vous avons pas encore vu,

 11   Monsieur le Procureur. Donc, peut-être pourriez-vous vous présenter.

 12   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour à tous. Bonjour,

 13   Madame, Messieurs les Juges, M. Tolimir, M. Gajic, M. Kunijevic. Je suis

 14   Kweku Vanderpuye. Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Tout d'abord, j'aimerais dire que nous avons réussi à déplacer

 17   l'audience du 29 mars dans l'après-midi. Ce sera très certainement dans le

 18   deuxième prétoire. Ceci a été fait à la demande de M. Tolimir.

 19   Y a-t-il des points que vous souhaitez soulever ? Il semble que non.

 20   Si, je vois que M. Tolimir à quelque chose à nous dire.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je salue tout le

 22   monde dans le prétoire et je souhaite une paix divine à tous ceux qui sont

 23   ici. Je tiens à vous remercier de ce que vous venez de dire, à savoir

 24   d'avoir permis ma présence à la liturgie de Pâques, et ça ne se produit

 25   qu'une fois par an, et j'y tenais beaucoup. Je vous remercie grandement à

 26   vous, ainsi qu'au greffier qui a fait l'effort de faire preuve d'avenance

 27   [phon].

 28   Alors, je voudrais encore dire quelque chose dans ce prétoire. A 7 heures

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  1   30, la Défense s'est fait signifier la teneur de ce que le Procureur avait

  2   souhaité présenter. La Défense s'oppose à la proposition avancée par

  3   l'Accusation pour les motifs suivants : D'abord, le Procureur doit adresser

  4   une notification officielle au greffier ainsi qu'à la Défense conformément

  5   aux instructions fournies par la Chambre. Or, tant que je le sache, ça n'a

  6   pas encore été fait.

  7   Deuxièmement, nous avons obtenu une information de M. Thayer qui dit qu'il

  8   s'agit d'une compilation identique à celle présentée par l'Accusation dans

  9   l'affaire Popovic. Bien sûr, cette compilation, nous l'avons depuis

 10   longtemps. Mais ce n'est qu'à 7 heures 30 hier soir que nous avons obtenu

 11   une information pour ce qui est de la teneur de la compilation vidéo, et on

 12   ne sait toujours pas ce que le Procureur voudra faire montrer dans le

 13   prétoire, la totalité ou des parties.

 14   Mon collaborateur, M. Aleksandar Gajic, avait eu des échanges avec M.

 15   McCloskey et a appris qu'il y aurait des segments d'ajoutés par les soins

 16   de l'Accusation où on voit un officier de la Republika Srpska en train de

 17   manger du poisson, ou je ne sais quoi. Mais si on ajoute une minute à la

 18   compilation, la Défense estime que c'est une compilation nouvelle. Et là,

 19   nous estimons aussi que notre opinion est indispensable.

 20   En plus, il s'agit d'une compilation vidéo qui est l'œuvre de l'Accusation.

 21   Les éléments de cette compilation se trouvent dans la liste 65 ter de

 22   l'Accusation, et c'est la raison pour laquelle j'imagine que la Chambre a

 23   eu l'occasion de prendre connaissance de cette compilation de clips vidéo

 24   qu'on a l'intention de montrer. Mais pour ce qui est de verser au dossier

 25   cette compilation vidéo, c'est quelque chose de très sérieux. Des parties

 26   de cette compilation de clips vidéo très certainement devront être montrées

 27   à certains témoins qui comparaîtront ici pendant le procès. Par conséquent,

 28   la présentation de clips vidéo sans que des témoins soient présents et

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  1   moyennant la présence desquels on pourrait débattre de certains aspects, à

  2   notre avis, constitue une perte de temps. Dans ces propos liminaires, du

  3   reste, l'Accusation a présenté des clips vidéo ainsi que des photos déjà.

  4   Le Procureur a donc présenté sa version à elle des faits. Si maintenant

  5   nous laissons présenter ces clips vidéo, cela constituerait des propos

  6   liminaires supplémentaires de l'Accusation, en sus de ce que l'Accusation a

  7   présenté comme propos liminaires, pour être versés aux éléments de preuve,

  8   partant de quoi les Juges de la Chambre devront fonder leur futur jugement.

  9   Or, cette compilation c'est quelque chose qui est composée d'extraits de

 10   plusieurs enregistrements vidéo, c'est découpé à la mesure de l'Accusation.

 11   Ce n'est pas une compilation impartiale de matériel vidéo qui se trouverait

 12   être pertinent pour l'affaire. Donc pour cette raison au moins, si ce n'est

 13   pas autre, la demande de l'Accusation devra être rejetée, de notre avis.

 14   Voilà.

 15   Merci. C'est tout ce que j'avais à dire au sujet des clips vidéo en

 16   question.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, Monsieur Tolimir.

 18   Monsieur McCloskey, qu'avez-vous à dire.

 19   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, tout à fait. Tout d'abord, bonjour,

 20   Madame, Messieurs les Juges. La situation est quand même très simple. Cette

 21   compilation de vidéo porte un numéro 65 ter; elle l'a toujours comportée

 22   d'ailleurs, et a été communiquée à l'accusé depuis un grand nombre de mois.

 23   Il n'y a rien de mystérieux. Il s'agit principalement de séquences filmées

 24   par les soldats de la VRS qui filment le général Mladic et la VRS

 25   lorsqu'ils entrent dans Srebrenica. Il y a aussi une séquence qui a été

 26   filmée par un Musulman dans la ville de Srebrenica, et aussi un séquence

 27   venant de la télévision serbe filmée à Potocari. Et ensuite aussi, il y a

 28   quelques extraits venant de l'hôtel Fontana, et ça c'est une séquence qui a

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  1   été filmée par la VRS. C'est très parlant, de toute façon, et quant à la

  2   recevabilité, vous verrez quels sont l'authenticité et les gens. Il n'y a

  3   pas besoin d'un témoin pour authentifier quoi que ce soit. Il y aura

  4   d'autres témoins qui viendront et qui reconnaîtront des gens sur ces vidéos

  5   qui pourront vous dire de qui il s'agit, qui pourront vous en parler au fur

  6   et à mesure que le procès se déroulera.

  7   Mais c'est une vidéo qui sera sur la liste 65 ter du Témoin Ruez. Je crois

  8   qu'il est prévu pour un avenir très proche, dans deux ou trois semaines, le

  9   jeudi, vendredi, lundi. Nous le verrons à ce moment-là, de toute façon.

 10   Mais cela dit, comme le témoignage de M. Ruez a pris trois jours la

 11   dernière fois, or il y avait trois ou quatre heures était cette vidéo, il

 12   n'a pas besoin dire grand-chose parce que cette vidéo parle d'elle-même.

 13   Donc j'ai pensé que nous pourrions peut-être montrer cette vidéo pendant

 14   les périodes de creux afin de pouvoir terminer le témoignage de M. Ruez

 15   dans trois jours. Ça nous permettra d'économiser du temps. Nous n'aurons

 16   pas besoin de revoir la vidéo puisque l'on aura vue précédemment, pendant

 17   les heures creuses.

 18   Cette vidéo où il y a des index, était un sommaire qui montre quelles sont

 19   les sources de séquences vidéo dans cette compilation. Donc, je ne

 20   comprends vraiment pas quelle est l'objection soulevée par M. Tolimir à

 21   propos de cette vidéo. Ce sont des faits historiques, c'était filmé par les

 22   participants aux événements. Rien de plus.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Mais pourriez-vous nous

 24   expliquer pourquoi il convient de montrer cette vidéo pendant le témoignage

 25   du témoin que nous allons entendre.

 26   M. McCLOSKEY : [interprétation] Voilà ce que je pensais faire - mais peut-

 27   être que j'anticipe un peu - nous n'avons pas l'intention de montrer cette

 28   vidéo pendant le témoignage de ce témoin, mais comme il est 92 ter, M.

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  1   Vanderpuye n'aura pas besoin de plus de 30 à 40 minutes pour

  2   l'interrogatoire principal. En ce qui concerne le contre-interrogatoire,

  3   nous n'aurons pas pour toute la journée, c'est sûr, donc nous aurons très

  4   certainement une heure de creux, et ça nous permettrait dans l'heure de

  5   creux de montrer cette vidéo qui parle d'événements qui sont arrivés. C'est

  6   un peu l'histoire. Cela vous permettra d'en savoir un peu plus, parce qu'on

  7   parle de Srebrenica et on voit quels sont les événements qui ont eu lieu à

  8   Srebrenica. On voit la colonne qui s'assemble, les gens qui vont vers

  9   Susnjari, et cetera, donc cela prend --

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc, ce que vous voulez c'est

 11   entendre d'abord le témoin, et une fois le témoignage terminé, passer la

 12   vidéo ?

 13   M. McCLOSKEY : [interprétation] Tout à fait, s'il reste suffisamment de

 14   temps, bien sûr. S'il ne reste que 20 minutes, ça ne servira pas à grand-

 15   chose. On n'a pas besoin de vous montrer 20 minutes de cette vidéo. Mais

 16   s'il nous reste un moment assez important, ce serait quand même une bonne

 17   utilisation du temps.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Nous

 19   allons décider de cela, en ce qui concerne l'objection de M. Tolimir, la

 20   Chambre donnera sa décision un peu plus tard.

 21   Mais maintenant, nous devrions avoir votre témoin.

 22   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui. Je suis dans le prétoire aujourd'hui,

 23   c'est juste pour qu'il y ait là une continuité, qu'il y ait toujours une

 24   personne qui sache exactement ce qui se passe dans le cadre de ce procès.

 25   Mais normalement, c'est M. Vanderpuye qui va procéder à l'interrogatoire.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

 27   M. VANDERPUYE : [interprétation] Il y a encore un point qu'il est important

 28   de soulever avant que le témoin ne rentre dans le prétoire.

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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Alors, Monsieur

  2   Vanderpuye, vous avez la parole.

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Donc le premier point que je souhaitais aborder est le suivant. C'est le

  5   premier témoin 92 ter que nous allons entendre. Et le point que j'aimerais

  6   soulever porte sur la portée de la recevabilité des pièces se référant à la

  7   déclaration 92 ter.

  8   Dans sa décision du 3 novembre 2009, la Chambre de première instance a

  9   admis ces pièces, les pièces qui ont été admises dans le cadre de la

 10   déposition précédente du témoin. En effet, la Chambre de première instance

 11   considérait qu'il était essentiel d'avoir ces pièces pour bien comprendre

 12   le compte rendu et la déposition écrite. Mais à l'heure actuelle, nous ne

 13   comprenons pas très bien si ces pièces sont admises uniquement pour le

 14   contexte qu'elles fournissent ou si elles sont admises aussi en ce qui

 15   concerne la substance même des pièces, donc pour être rajoutées au

 16   témoignage de 92 ter. Donc nous aimerions savoir, parce que cela a une

 17   incidence sur le témoin suivant, nous aimerions savoir quelle est la portée

 18   que la Chambre de première instance entend donner à ces pièces, ces pièces

 19   jointes.

 20   Dans notre requête 92 ter, nous avons demandé l'admission de ces

 21   pièces pour avoir de la perspective sur le contexte même de la déclaration

 22   du témoin. Et il semble que c'était ce que voulait la Chambre. Mais il

 23   semble que parfois aussi, une partie des pièces et, en l'espèce, il y a

 24   justement des déclarations qui ont servi de pièces en relation avec le

 25   témoignage 92 ter. Donc il y a une partie des déclarations des pièces qui

 26   n'avaient pas été prises en compte dans le contexte de ses dépositions

 27   précédentes, mais qui pourraient servir pour le témoignage que nous allons

 28   avoir aujourd'hui. Donc nous aimerions savoir quelle est exactement la

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  1   position de la Chambre en ce qui concerne tout ceci pour que nous puissions

  2   nous organiser, pour savoir comment présenter ces éléments de preuve dans

  3   le cadre de témoins 92 ter à l'avenir.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, voulez-vous ajouter

  5   quoi que ce soit ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Mais je n'ai rien à ajouter. Je remercie

  7   M. Vanderpuye de ces informations.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Monsieur Vanderpuye.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à rajouter

 11   une petite chose, s'il vous plaît. En ce qui concerne un certain nombre de

 12   témoins 92 ter en l'espèce, la déclaration qui nous sert est leurs

 13   témoignages dans l'affaire Popovic. Et parfois, les pièces ont été admises

 14   uniquement de façon limitée. Si un témoin, par exemple, a été récusé dans

 15   le cadre d'une déclaration précédente, sa déclaration a été admise mais

 16   uniquement dans le but même de la récusation du témoin. Donc, c'est pour ça

 17   que j'ai soulevé le problème parce que parfois, ça a été admis, mais dans

 18   le cadre de la procédure 92 ter, c'était dans un but bien précis,

 19   visiblement. Donc, c'est pour cela qu'on aimerait savoir exactement si on

 20   peut utiliser ces pièces jointes dans ce procès-ci, mais en nous basant sur

 21   la substance des pièces elles-mêmes et non pas sur le fait qu'elles étaient

 22   utilisées dans un but bien précis dans l'affaire Popovic.

 23   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 24   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est --

 26    [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous avez la

 28   parole.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

  2   demander, si possible, à M. Vanderpuye de nous donner cette page où il est

  3   question des points qu'il vient d'énumérer pour qu'on puisse en prendre

  4   connaissance dans le détail. Ce serait très important aux fins de gagner du

  5   temps et abréger le processus d'interrogation qui sera celle de notre part.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je pense que vous pourrez vous

  7   arranger directement avec l'Accusation et la Défense, à un moment ultérieur

  8   à ce propos.

  9   En ce qui concerne le problème soulevé par l'Accusation, la Chambre de

 10   première instance déclare la chose suivante : Nous ne sommes pas la Chambre

 11   qui a traité de l'affaire Popovic. Nous traitons ici de cet accusé. Donc

 12   nous voulons être parfaitement indépendants. Donc la Chambre de première

 13   instance va confirmer sa décision du 3 novembre 2009, c'est-à-dire la

 14   liasse de comptes rendus, déclarations et pièces venant d'un procès

 15   précédent peut représenter un problème. Nous aimerions donc que les pièces

 16   nous soient présentées différemment afin de pouvoir décider différemment

 17   éventuellement du sort à donner aux pièces, aux déclarations et aux comptes

 18   rendus. Donc à l'avenir, s'il vous plaît, veuillez suivre la décision du

 19   mois de novembre 2009.

 20   En ce qui concerne le témoin d'aujourd'hui, nous n'avons pas obtenu

 21   d'objections de la part de la Défense. La Défense sait bien ce qu'il en est

 22   des pièces présentées par le truchement de ce témoin-ci, donc nous

 23   accepterons toute la liasse cette fois-ci, mais cette fois-ci uniquement. A

 24   l'avenir, nous préférerions -- enfin, nous vous demandons d'ailleurs de

 25   suivre les lignes directrices qui ont été énoncées dans notre décision de

 26   novembre.

 27   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, nous avons présenté d'ailleurs une

 28   liste de pièces. Nous avons donné à la Défense une liste de pièces qui

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  1   portent sur le témoignage du témoin. Mais le point crucial ici, si je puis

  2   dire, en ce qui concerne ce témoin-ci, par exemple, j'ai l'intention de lui

  3   demander d'autres choses portant sur son témoignage 92 ter. Donc en ce qui

  4   concerne les éléments que nous aimerions obtenir de sa part, il y a des

  5   éléments de preuve qui sont dans les pièces jointes qui ont été déjà été

  6   admises de façon provisoire avec sa déposition précédente. Ce que

  7   j'aimerais savoir, principalement, c'est si la Chambre de première instance

  8   va accepter que je pose des questions au témoin à propos de points qui sont

  9   contenus dans les pièces jointes, qui font partie de cette liasse 92 ter,

 10   mais qui n'ont pas été demandées dans le cadre des témoignages précédents.

 11   Ou si vous nous dites que ça vous paraît non nécessaire ou superflu parce

 12   que ces éléments sont déjà contenus dans les pièces jointes qui ont déjà

 13   été admises, dans ce cas-là, je ne poserai pas de questions, ça ne

 14   servirait à rien.

 15   Cela dit, si vous me dites qu'à votre avis ces pièces jointes qui

 16   portent sur l'autre déposition, la déposition précédente, seront admises de

 17   façon provisoire dans cet espace, mais uniquement pour des raisons de

 18   contexte et rien de plus, et pour permettre de mieux comprendre le

 19   témoignage du témoin tel qu'il a été donné, dans ce cas-là, je devrai poser

 20   des questions, je devrai poser des questions sur les points supplémentaires

 21   qui font partie, certes, de la déposition, parce que sinon, tout ceci ne

 22   serait pas présenté à la Chambre de façon matérielle uniquement. Ce sera

 23   uniquement par le biais des pièces jointes.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La Chambre est toujours du même avis

 26   d'ailleurs, nous aimerions que l'Accusation demande séparément l'admission

 27   de tous les documents et certainement pas sous forme de "package" ou de

 28   liasse. Nous avons passé un moment un peu trop long sur ce point. A

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  1   l'avenir, si vous avez d'autres idées pratiques permettant de fluidifier

  2   peut-être l'affaire, vous devriez nous en faire part, mais pas au prétoire.

  3   On va en reparler, de toute façon. Mais maintenant, nous devrions commencer

  4   l'interrogatoire du témoin.

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  6   En effet, nous allons procéder de la sorte.

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, lire à

 11   haute voix la déclaration qui est sur la carte sous vos yeux.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 13   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   LE TÉMOIN: PW-073 [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 17   asseoir. M. Vanderpuye aura quelques questions à vous poser. M. Vanderpuye

 18   fait partie de l'équipe de l'Accusation.

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   Interrogatoire principal par M. Vanderpuye : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 22   R.  Bonjour.

 23   Q.  Je m'appelle Kweku Vanderpuye, comme vous le savez, et au nom de

 24   l'Accusation, je vais vous poser des questions portant sur votre déposition

 25   d'aujourd'hui. Tout d'abord, veuillez, s'il vous plaît, parler suffisamment

 26   fort et ne pas parler trop vite afin que les interprètes puissent traduire

 27   correctement vos propos. Si à un moment ou à un autre je vous pose une

 28   question que vous ne comprenez pas, faites-le-moi savoir, je reformulerai

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  1   ma question afin que nos propos soient clairs, l'un comme l'autre.

  2   Tout d'abord, je tiens à vous montrer la pièce 6189 de la liste 65 ter.

  3   Veuillez la regarder sans dire quoi que ce soit. Pouvez-vous juste

  4   confirmer qu'il s'agit bien de votre personne --

  5   R.  Oui, oui. Oui.

  6   Q.  -- et bien de vos coordonnées ? Je vous remercie.

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  8   Pourrions-nous passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 11   partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 604-605 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, c'est à vous.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Ce témoin a survécu à l'exécution de masse

 22   de près de 1 000 hommes et garçons musulmans à la mi-juillet 1995, dans la

 23   ferme militaire de Branjevo.

 24   En juillet 1995, le témoin et sa famille habitaient dans la ville de

 25   Srebrenica. Le témoin a déposé pour dire qu'à l'époque les conditions de

 26   vie dans l'enclave étaient très difficiles. L'aide humanitaire venait de

 27   façon sporadique et, de ce fait, s'il y avait des pénuries alimentaires

 28   importantes, les gens devaient souvent aller à pied jusqu'à Zepa pour

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  1   obtenir de quoi survivre.

  2   Le témoin se souvient qu'après le début de l'offensive de la VRS

  3   contre Srebrenica, la ville a été pilonnée. Le témoin a personnellement vu

  4   des victimes de ce pilonnage, y compris une mère et son enfant qui ont été

  5   blessés juste à côté de chez lui. Le 11 juillet 1995, comme ils avaient

  6   peur de mourir du fait des pilonnages, le témoin, sa femme et ses petits-

  7   enfants ont quitté Srebrenica avec le reste de la population musulmane pour

  8   rechercher la protection de la FORPRONU à Potocari.

  9   Les fils du témoin ne l'ont pas suivi jusqu'à Potocari. Ils ont

 10   préféré s'enfuir par la forêt. Cela dit, ils n'ont pas survécu. En 2005, le

 11   témoin enterrait l'un de ses fils, dont la dépouille a été trouvée dans un

 12   charnier. Aujourd'hui, les restes d'un autre de ses fils n'ont toujours pas

 13   été retrouvés.

 14   Le témoin a estimé qu'il y avait près de 30 000 personnes qui

 15   s'étaient rassemblées à Potocari le 11 juillet 1995. Certaines étaient

 16   hébergées dans des usines, mais elles ont rapidement été débordées.

 17   D'autres, y compris le témoin et sa famille, ont dû passer la nuit en plein

 18   air.

 19   Le 12 juillet, le témoin a entendu un soldat serbe annoncer par haut-

 20   parleur que l'on recherchait les armes parmi les gens rassemblés. Les

 21   forces serbes, avec des bergers allemands, ont marché parmi la foule. Le

 22   témoin se souvient de soldats de la VRS qui étaient filmés alors qu'ils

 23   étaient en train de donner du pain aux réfugiés musulmans, mais en fait, il

 24   n'y a que 100 à 200 miches de pain qui ont été données alors qu'il y avait

 25   des milliers de personnes rassemblées.

 26   Le témoin se souvient de la peur, à quel point ces gens étaient

 27   effrayés pendant la nuit. Ils dormaient en plein air et ils entendaient des

 28   cris, des hurlements et des gémissements alors que les forces serbes

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  1   emmenaient les gens un par un. Il a entendu le bruit que faisaient les gens

  2   lorsqu'ils étaient passés à tabac et personnes qui se taisaient après les

  3   rafales de tirs. Il a décrit cette expérience comme étant, et je cite :

  4   "L'enfer sur terre."

  5   Le 13 juillet, le témoin, avec d'autres hommes et enfants musulmans,

  6   ont dû passer par deux postes de contrôle serbes à Potocari. Au deuxième

  7   point de contrôle, des soldats en uniforme de camouflage ont séparé les

  8   hommes et les garçons des femmes et des enfants. C'est à ce moment-là que

  9   le témoin a été séparé de sa famille. Et à ce moment-là, avec d'autres

 10   hommes, on l'a emmené dans un bâtiment de deux étages qui était près de la

 11   grand-route.

 12   Le témoin est resté à l'intérieur de cette maison pendant environ une

 13   heure, avec 40 à 50 autres hommes entassés dans une pièce au rez-de-

 14   chaussée. Le témoin ne peut pas estimer combien d'autres hommes se

 15   trouvaient à l'étage. Au cours de la détention du témoin, les soldats de la

 16   VRS n'ont interrogé personne. Ils n'ont même pas posé de questions pour

 17   savoir quels étaient les noms des personnes. Les soldats, en revanche, ont

 18   demandé aux prisonniers de leur donner tout l'argent qu'ils avaient, et

 19   ensuite ont dit aux hommes qu'ils seraient interrogés puis qu'ils seraient

 20   envoyés à Tuzla. Une fois la maison pleine, les hommes ont dû sortir, ont

 21   dû monter à bord de deux autocars et ont été conduits à Bratunac.

 22   Lorsqu'il est arrivé à Bratunac, le témoin a été emmené dans une

 23   école. Le témoin ne connaissait pas le nom de l'école à l'époque, mais à ce

 24   moment-là d'autres personnes lui ont dit qu'il s'agissait de l'école Vuk

 25   Karadzic. Un grand nombre de soldats serbes en uniformes de camouflage se

 26   trouvaient autour de l'école lorsque les hommes sont arrivés. Ils ont

 27   obligé les prisonniers musulmans à laisser leurs effets personnels, y

 28   compris la nourriture, devant l'école et les prisonniers n'ont jamais eu le

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  1   droit de récupérer ces biens.

  2   A l'intérieur de l'école, le témoin a été entassé dans une pièce surpeuplée

  3   où il y avait environ 200 hommes et garçons musulmans. Ils ont eu très peu

  4   d'eau et pas du tout de nourriture. Peu de temps après l'entrée des

  5   prisonniers dans l'école, un policier est arrivé et a passé à tabac un

  6   prisonnier qui était près de la porte. Une heure plus tard, ce prisonnier a

  7   été emmené et on ne l'a plus jamais revu. Toutes les quelques heures, des

  8   soldats serbes en uniforme emmenaient des hommes en dehors de la pièce. Et

  9   les témoins pouvaient entendre des hurlements, puis des rafales de

 10   mitraillette, et ensuite, plus rien, plus de bruit. Le témoin a vu six ou

 11   sept hommes qui ont été emmenés à l'extérieur de cette façon. Aucun d'entre

 12   eux n'est rentré, n'est revenu. Le témoin n'a jamais vu la moindre personne

 13   donner des traitements médicaux ou des médicaments à aucun des prisonniers.

 14   Après une ou deux nuits dans l'école, les soldats serbes ont dit aux

 15   prisonniers qu'ils allaient les emmener à Tuzla. En fait, on les a emmenés

 16   à bord d'autocars en direction de Zvornik vers le village de Pilica en

 17   passant par la Serbie. Près de l'entrée du village de Pilica, un homme

 18   musulman qui était mort à bord de l'autocar dans lequel était le témoin a

 19   été emmené par les prisonniers pour être posé sur la route. Et à ce moment-

 20   là, un prisonnier a essayé de s'échapper et il a été abattu immédiatement.

 21   Après cet incident, le car est resté garé là pendant au moins une heure

 22   avant de poursuivre sa route. Lorsque l'autocar est arrivé à sa destination

 23   finale, les hommes ont dû descendre et ont été hébergés dans une école. Le

 24   témoin a toujours baissé la tête lorsqu'il est entré dans ce bâtiment à

 25   deux étages. Et lui, il a été emmené au premier étage.

 26   Le témoin a été mis dans une pièce surpeuplée qui faisait à peine 3,50 sur

 27   5 mètres. Il était y entassé avec des hommes qui avaient jusqu'à 80 ans et

 28   avec de jeunes garçons qui avaient à peine 15 ou 16 ans. A un moment, un

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  1   soldat a demandé aux garçons de 15 et 16 ans de se lever. Ils ont été mis

  2   en rang, on les a sortis de la pièce et on ne les a plus jamais revus. Le

  3   témoin sait aussi qu'il y a eu d'autres prisonniers qui ont été emmenés à

  4   l'extérieur du bâtiment qui ont été battus. Il pouvait entendre leurs

  5   hurlements, leurs gémissements et ensuite, des rafales de tir. Aucun des

  6   prisonniers n'a osé regarder par la fenêtre pour savoir ce qui se passait

  7   parce qu'ils avaient peur que les soldats leur tireraient dessus

  8   directement. Donc le témoin ne se souvient pas très bien combien de nuits

  9   il a passé dans cette école, mais dans sa déposition il a dit qu'il y avait

 10   sans doute passé deux nuits.

 11   Le matin des exécutions, les soldats serbes ont emmené deux longs draps

 12   dans la pièce où se trouvait le témoin. Ces draps ont été coupés en bandes

 13   et ont été utilisés pour attacher les mains des prisonniers. Une fois cela

 14   fait, les prisonniers ont été emmenés en dehors du bâtiment pour monter à

 15   bord d'autocars qui attendaient dehors. En sortant, le témoin a vu un

 16   prisonnier mort, nageant dans son sang en bas de l'escalier. Il a attendu

 17   avec d'autres hommes avant de monter dans un des autocars. Chaque autocar

 18   était escorté par un ou deux soldats.

 19   Le soldat est monté à bord d'un autocar qui a roulé un petit moment

 20   jusqu'au site de l'exécution, à la ferme militaire de Branjevo, qui se

 21   trouvait à environ 2,5 kilomètres de là. Le bus, à un moment, a monté sur

 22   une colline qui se trouvait près du site de l'exécution, et le témoin

 23   pouvait entendre les rafales. Il a vu que d'autres autocars s'étaient

 24   arrêtés, que les prisonniers étaient sortis par des groupes de soldats qui

 25   les attendaient pour les faire descendre. Les soldats insultaient les

 26   prisonniers, les injuriaient en les emmenant dans le sentier qui les menait

 27   jusqu'à un vallon où ils étaient abattus par rafales.

 28   Lorsque son tour est arrivé, environ huit soldats de la VRS ont escorté le

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  1   témoin pour qu'il descende du bus avec un petit groupe de prisonniers. Ils

  2   les ont escortés jusqu'à une pente où on voyait déjà beaucoup de cadavres.

  3   Ils ont demandé aux prisonniers de se tourner et de s'allonger. Mais avant

  4   qu'ils ne puissent faire cela, les soldats ont ouvert le feu. Le témoin est

  5   tout de suite tombé à terre. Il s'est rendu compte qu'il n'avait pas été

  6   blessé. Mais il a préféré rester tranquille parmi les morts et les

  7   mourants. Et il a vu sept autres colonnes d'hommes emmenés au vallon et

  8   exécutés de la sorte. Le témoin pouvait entendre les soldats serbes qui

  9   demandaient si qui que ce soit avait survécu. Deux survivants ont répondu à

 10   ses appels et ont été achevés d'une balle dans la tête.

 11   Après un petit moment, le témoin a réussi à se libérer les mains et à

 12   s'échapper vers des buissons. C'est arrivé lorsque la nuit tombait. Avec

 13   quatre autres hommes, le témoin a réussi à s'échapper et à se réfugier dans

 14   la forêt. Mais malheureusement, il n'a pas pu rester avec les quatre autres

 15   hommes, donc il s'est trouvé seul au bout d'un moment.

 16   Il a passé la première nuit dans la forêt où il a échappé d'ailleurs

 17   à une embuscade. Au matin, il est arrivé dans un pré et là, il a pu se

 18   reposer un peu. Le jour suivant, juste avant le crépuscule, il est arrivé

 19   sur une route goudronnée, et il a remarqué qu'il y avait des taches de sang

 20   sur cette route. Il a traversé la route parce qu'il avait l'intention

 21   d'aller se cacher dans les bois qui se trouvaient de l'autre côté de la

 22   route mais à ce moment-là, un camion plein de cadavres est arrivé. Et le

 23   témoin a entendu quelqu'un dans le camion hurler pour dire que le témoin

 24   venait de s'échapper de l'exécution de la veille. Donc il a décidé qu'il

 25   serait plus prudent de marcher le long de la route, afin d'éliminer tout

 26   soupçon. Il a traversé un pont, a continué à marcher jusqu'à ce que le

 27   camion s'arrête et là, à ce moment-là, le témoin a réussi à se cacher

 28   jusqu'à la nuit.

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  1   Pourrions-nous maintenant passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Huis clos partiel.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  4   partiel.

  5   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Monsieur Vanderpuye.

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] A Karakaj, le témoin est monté à bord d'un

 18   camion bâché avec 27 autres prisonniers musulmans qui avaient aussi été

 19   attrapés dans la forêt, et il a été enregistré par la Croix-Rouge

 20   internationale.

 21   Le 26 juillet 1995, le témoin a été emmené au camp de Batkovic, où il est

 22   resté jusqu'à ce qu'il soit échangé en décembre 1995. Le 11 juillet 2005,

 23   le témoin a enterré son frère. Le 11 juillet 2006, il a enterré un autre

 24   frère. Leurs dépouilles, tout comme celle d'un de ses fils, ont été

 25   trouvées dans les charniers liés à Srebrenica.

 26   J'en ai terminé avec la lecture de mon résumé, Monsieur le Président. Et

 27   j'aimerais poser des questions au témoin pendant environ 30 minutes, si

 28   vous me le permettez.

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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Allez-y.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien.

  3   Pourrions-nous à nouveau passer à huis clos partiel.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Huis clos partiel.

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 17   [Audience publique]

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur le Témoin, nous sommes maintenant en audience publique, donc

 20   je vous demande de ne pas mentionner de nom précis dans vos réponses ni de

 21   nom de ville ou de village, ou d'endroits où vous vous seriez trouvé. Mais

 22   j'aimerais vous poser la question suivante, est-ce que vous pourriez nous

 23   dire quand, à peu près, vous avez déménagé de votre village à la ville de

 24   Srebrenica ?

 25   R.  J'étais là-bas pendant la guerre. Je suis peut-être resté un an encore

 26   au village alors qu'il y avait eu des attaques de la part de l'armée serbe

 27   de la Republika Srpska de Bosnie. Au bout d'un an, lorsque la Serbie a

 28   attaqué, il n'y avait pas moyen de se défendre de tous ces obus et de ces

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  1   chars et de tout ce qu'ils avaient. Et là, on a quitté pour aller à

  2   Srebrenica, car les obus tombaient directement sur les maisons. Peu leur

  3   importait, il fallait détruire. Et une fois que c'était pillé, qu'ils

  4   emportaient tout ce qu'ils voulaient, au bout de cinq, six jours ils

  5   mettaient le feu aux maisons. La mienne a brûlé. L'autre n'a pas pu brûler,

  6   c'était tout neuf. C'était une maison construite en briques, en dur. Et ils

  7   l'ont plastiquée, celle-là, et l'ont détruite. Et là, je suis descendu à

  8   Srebrenica. On nous a complètement chassés, parce que c'est en Bosnie de

  9   l'est le long de la Drina sur l'axe d'attaque de la Serbie. Si la Serbie

 10   n'avait pas attaqué ou aidé, les Serbes de Bosnie certainement n'auraient

 11   pas osé commencer parce qu'ils n'avaient pas d'armes, comme nous non plus.

 12   Ça a été pillé pendant la paix. La politique préparait la guerre en temps

 13   de paix. La Serbie a préparé la guerre.

 14   Q.  Quand vous avez quitté votre village, est-ce que vous pouviez rester

 15   dans le village ou partir ?

 16   R.  Possibilité de rester, oui, ça existait, mais la population aurait été

 17   tuée, et on aurait donc eu tout le monde enfoui sous terre; parce que ce

 18   qui arrivait, ceux qui étaient capturés, eux ne restaient pas vivants. Il

 19   n'est resté que des civils ou de la population là où il y avait des

 20   prisonniers serbes, et ce, à des fins d'échanger les nôtres contre les

 21   leurs. Mais les surplus musulmans capturés ont été exécutés. Personne n'est

 22   resté.

 23   Q.  Pourriez-vous décrire à cette Chambre de première instance les

 24   conditions lorsque vous êtes arrivé dans la ville de Srebrenica, s'il vous

 25   plaît.

 26   R.  Les conditions étaient celles-ci, l'armée serbe était dans les collines

 27   autour des Srebrenica, et nous, on était dans Srebrenica. Au début, ils ont

 28   jeté des vivres, les avions ont parachuté des vivres. Et Srebrenica était

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  1   encerclée, il n'y avait pas moyen d'aller où que ce soit. Donc pendant un

  2   certain temps, ils ont largué des vivres par avion. Puis quand des convois

  3   ont pu passer par Bratunac, les avions ont cessé de larguer et les camions

  4   amenaient, ils arrivaient par 12 ou huit; mais d'habitude, c'était 12

  5   camions qui venaient à la fois. Et il y avait une quantité de vivres qui

  6   restait à Bratunac. Donc ils gardaient ce qui les arrangeait, ce qu'ils

  7   voulaient. C'était destiné à Srebrenica, tout ça; pas à eux. Mais ils

  8   gardaient une partie. Et nous autres, on recevait ce qu'on recevait et on

  9   mangeait ce qu'on a bien voulu nous donner.

 10   Et si ce qui était resté à Bratunac ne suffisait pas, notre

 11   population allait à pied pendant 11 heures jusque là-bas. Ils m'ont raconté

 12   cela. Ils ramenaient de la farine, de l'huile, du sucre - du sel, de toute

 13   façon, il n'y en avait pas - et ce, pour nourrir leurs familles respectives

 14   afin qu'elles ne manquent de rien. Ils ramenaient 30 kilos, 40 kilos, ces

 15   gens. Mais il y avait des embuscades sur la route, et il y en a qui ont été

 16   tués; pas mal qui ont été tués en portant de la farine pour leurs familles.

 17   Là aussi, il y en a eu pas mal de tués. Les gens allaient, par exemple,

 18   pour couper le foin ou récolter le blé. Et une fois qu'ils les voyaient de

 19   leur colline là où ils avaient leurs positions, ils leur tiraient dessus.

 20   C'était en fait un camp, Srebrenica, une souffrance. Je ne sais comment

 21   vous le dire. Et après toutes ces souffrances, lorsque nous avons bien

 22   souffert, ils ont décidé de tuer tout le monde. Ils ont laissé les femmes

 23   et les enfants en bas âge seulement. Mais pourquoi ont-ils tué des gens qui

 24   avaient 80 ans ? C'est des civils. Tout le monde sait que c'est des civils

 25   ça. Pourquoi ont-ils abattu des garçons de 15, 16 ans ? Pourquoi ? C'est

 26   comme des fleurs. C'est des roses. Comment n'ont-ils pas eu honte ? Je ne

 27   sais pas comment ont-ils eu l'âme de le faire. Quelle âme peut-on bien

 28   avoir pour le faire ? Je n'ai pas pu avoir conscience du fait qu'il y avait

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  1   des gens avec une telle âme dans notre région à nous, qu'il n'y ait aucune

  2   espèce de compréhension pour autrui. Quand ils ont attaqué Srebrenica, ils

  3   avaient aussi de l'autre côté posé des embuscades. Mais les Musulmans, ce

  4   n'est pas des bêtes sauvages pour être abattus comme cela. D'un côté, on

  5   leur donne quelque chose et d'un autre côté, on les abat dans des

  6   embuscades. Est-ce un peuple ou pas ? Et quelle est l'âme que ces gens

  7   pouvaient bien avoir.

  8   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque vous avez quitté Srebrenica le 11 juillet

  9   1995, est-ce que vous avez pensé que vous auriez pu rester plus longtemps

 10   si vous l'aviez souhaité ?

 11   R.  Dans mon village ou à Srebrenica ?

 12   Q.  Dans le village de Srebrenica, je m'excuse. 

 13   R.  Mais non, ce n'était pas possible. Ceux qui sont restés n'ont pas

 14   survécu. Il n'est resté personne, parce qu'on savait tous ce qu'ils

 15   faisaient et comment ils faisaient. Personne ne restait. Si certains

 16   restaient, ils restaient parce qu'ils étaient malades et on ne pouvait pas

 17   les sortir de là-bas. Mais ceux qui sont restés ne sont plus. C'est fini,

 18   pour eux.

 19   Q.  Bien.

 20   R.  De nos jours, quand je pense à tous ceux qu'on a tués, les monuments

 21   là-bas sont là pour témoigner. Ceux qui n'y croient pas peuvent aller et

 22   voir. Il n'y a rien à ajouter. Les hommes ont été abattus, des enfants -

 23   enfin, ceux qui étaient un peu plus grands, adolescents - et des femmes.

 24   Mais les femmes, elles sont comme tuées, elles aussi. Elle doit s'occuper

 25   de ses enfants, la femme, mais grâce à de braves gens, il y a des gens qui

 26   ont aidé et qui ont fait vivre les enfants et leur ont permis de grandir.

 27   Mais ça, on doit remercier Allah et les braves gens. Mais les criminels, on

 28   ne peut pas leur dire merci. Moi, ce que je voudrais savoir, c'est quelle

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  1   est l'âme que peuvent bien avoir ces gens-là. C'est là que je suis surpris.

  2   Ces faiseurs de mal --

  3   Q.  Monsieur le Témoin, Monsieur le Témoin, nous reparlerons de tout cela

  4   dans quelques instants.

  5   R.  D'accord.

  6   Q.  Est-ce que vous êtes apte à continuer ou vous souhaiteriez peut-être

  7   faire une petite pause ?

  8   R.  Je me sens bien. J'ai les nerfs qui sont sensibles. Je suis très

  9   bouleversé, bouleversé par toute cette injustice. C'est ça qui me

 10   bouleverse. Je n'ai ni mes deux frères, je n'ai ni mes fils, de nos jours.

 11   J'ai deux belles-filles qui sont mortes; l'une qui est la femme de mon

 12   frère, et l'autre, de mon neveu. Elles ont été tuées par des avions qui ont

 13   largué des bombes. C'étaient des avions agricoles, et ils ont largué des

 14   bombes dans mon pré, dans mon champ, et j'ai une vache qui a été tuée de la

 15   sorte aussi, et la femme de mon frère et la femme de mon neveu ont été

 16   tuées par des bombes larguées de ces avions. Et ça, tous ces gens de la

 17   région peuvent venir témoigner de la chose, si besoin est. Si besoin n'est

 18   pas, je suis le témoin de la chose. J'ai ce récit. Et ce qui a été lu comme

 19   déclaration, ça s'est passé ainsi. Ça ne s'est pas passé autrement. Ça

 20   s'est passé exactement comme cela.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que le

 22   témoin soit quelque peu nerveux, donc je me demande si l'on ne pourrait

 23   peut-être pas faire la pause maintenant et peut-être reprendre un peu plus

 24   tard, même si ce n'est pas le moment de la pause, mais je m'en remets à

 25   vous.

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que le témoin a compris

 28   votre question et est prêt à continuer à répondre aux questions.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Continuez.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le

  3   Témoin, on va vous poser d'autres questions.

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  5   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Au vu de votre déposition écrite, j'aimerais

  6   préciser certains points en ce qui concerne l'école Vuk Karadzic.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si vous vous souvenez de ce que nous avons dit hier, vous avez

  9   mentionné que vous aviez été emmené dans deux bâtiments à Bratunac, n'est-

 10   ce pas ?

 11   R.  Oui, je m'en souviens.

 12   Q.  J'aimerais que vous regardiez une photo aérienne, et j'aimerais savoir

 13   si vous pourriez indiquer à cette Chambre d'instance quels sont ces

 14   bâtiments. Cette carte va s'afficher à l'écran dans quelques instants.

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que ce sera peut-être possible

 16   d'apposer des marques de manière électronique.

 17   Il s'agit du document de la liste 65 ter 6187, s'il vous plaît.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait peut-être

 19   demander l'aide de l'Huissière.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Il faudra agrandir le centre de cette

 21   photo. Vous voyez maintenant en haut à gauche. Voilà, exactement à cet

 22   endroit-là. Maintenant, c'est en bas de l'écran. Voilà, c'est ici. Un peu

 23   vers la gauche, maintenant. Un peu plus. Voilà, maintenant, c'est au milieu

 24   de l'écran vous voyez qu'il y a une série de bâtiments. Est-ce que vous

 25   pouvez peut-être agrandir -- voilà -- agrandir cette partie de la photo.

 26   Parfait.

 27   Est-ce que vous pouvez maintenant déplacer quelque peu le curseur.

 28   Voilà. Très bien.

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  1   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes en mesure de voir ce qui est à

  2   l'écran devant vous ? Nous pouvons agrandir la photo un peu plus, si vous

  3   le souhaitez.

  4   R.  D'après ce que je vois, ça devrait se trouver ici. Ça et ça.

  5   Q.  Il semble que la photo se soit déplacée un peu sur l'écran.

  6   Vous pouvez vous asseoir et nous allons agrandir cette photo de façon à ce

  7   que vous puissiez mieux la voir. Et si vous n'arrivez pas vraiment à vous

  8   orienter, faites-le-nous savoir.

  9   R.  C'est là que se trouvent l'école Vuk Karadzic et l'école primaire.

 10   Elles sont l'une à côté de l'autre.

 11   Q.  Je vais vous demander d'apposer des marques sur les bâtiments où l'on

 12   vous a emmené.

 13   R.  J'ai l'impression que c'est ça, ici. Voilà, je vais faire un point.

 14   Q.  Très bien. Merci. Est-ce que vous pouvez également apposer une marque

 15   au niveau du deuxième bâtiment, si vous le reconnaissez ?

 16   R.  L'autre, ça devrait être celui-ci.

 17   Q.  D'accord.

 18   R.  Je sais que c'est grand.

 19   Q.  Très bien. Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

 20   R.  Ça, c'est l'école Vuk Karadzic, et ça, c'est l'école primaire.

 21   Q.  Très bien. Je vais vous demander de décrire ces bâtiments dans un

 22   moment --

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation] Mais je ne sais pas s'il faut apposer des

 24   dates, et cetera ? Apparemment pas.

 25   Q.  Dans ce cas-là, très bien. Merci, Monsieur le Témoin. Je crois que nous

 26   en avons terminé avec le marquage de cette pièce.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous souhaitez que cette pièce soit

 28   versée au dossier ?

Page 622

  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Cette pièce est admise.

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P50.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  6   Veuillez poursuivre.

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Témoin, en ce qui concerne ces écoles, est-ce que vous pouvez nous

  9   décrire le bâtiment dans lequel vous avez été emmené ? Est-ce que vous

 10   pouvez décrire l'intérieur du bâtiment, si vous vous en souvenez ?

 11   R.  On nous a emmenés dans l'école primaire, mais on est resté devant

 12   l'école et on y a laissé nos manteaux et nos sacs à dos. Les sacs à dos,

 13   tout le monde devait les laisser. Moi, j'ai laissé aussi mon manteau.

 14   Certains ne l'ont pas fait. Et c'est ainsi qu'on est entré dans cette école

 15   primaire. On n'est pas restés là plus d'une heure et on nous a fait sortir

 16   pour nous emmener à l'école Vuk Karadzic, qui est juste à côté. Et à

 17   l'école Vuk Karadzic, on a passé deux nuits. Et ils ont fait sortir des

 18   gens le jour et la nuit. On a entendu des cris, des hurlements de

 19   l'extérieur. Moi, j'étais à l'intérieur.

 20   Q.  Monsieur le Témoin, je ne veux pas vous interrompre parce que je sais

 21   que vous avez énormément de choses à dire, mais si cela est possible, est-

 22   ce que vous pourriez décrire à cette Chambre de première instance

 23   l'intérieur de ce bâtiment scolaire, à quoi cela ressemblait, vous étiez

 24   dans ce bâtiment pendant une heure environ.

 25   R.  A l'intérieur, c'était plein de poussière. C'était une très vieille

 26   école abandonnée, laissée à l'abandon. Maintenant, ça a été retapé. Mais il

 27   n'y avait pas de portes, il n'y avait pas de fenêtres, que sais-je encore.

 28   Il se peut que le toit ait été aussi en partie absent, manquant. Mais je

Page 623

  1   sais que nous, on devait baisser la tête lorsqu'on marchait en colonnes. On

  2   ne pouvait que regarder que sur les côtés. Il fallait baisser la tête et on

  3   ne pouvait pas voir grand-chose. On entrait, on s'asseyait et on observait,

  4   pleins de peur, ce qui se passait. On se demandait ce qu'il allait advenir

  5   de notre vie. Voilà.

  6   Q.  Est-ce que ce bâtiment avait plusieurs étages ?

  7   R.  Oui. Deux étages pour ce qui est de l'école Vuk Karadzic, oui.

  8   Q.  Non, je parlais du bâtiment dans lequel vous vous trouviez en premier.

  9   Est-ce que ce bâtiment avait plusieurs étages ?

 10   R.  Je ne sais pas. Il me semble, enfin, je ne sais pas vous dire grand-

 11   chose. On nous a posés dans cette poussière, dans cette saleté. La porte

 12   n'existait pas, les fenêtres n'existaient pas. Est-ce qu'il y avait un

 13   étage, deux étages, je ne sais pas vous dire même s'il y avait un toit. Au

 14   bout d'une heure, on nous a fait passer vers cette école Vuk Karadzic. On

 15   est montés à l'étage, si mes souvenirs sont bons. Puis, il est arrivé un

 16   policier. Ça figure dans ma déclaration ça. Il a tabassé un homme, il l'a

 17   bien tabassé celui-là. L'autre saignait de la tête. Il l'a frappé avec son

 18   fusil, un fusil automatique. Il portait un uniforme bleu et il avait un

 19   ceinturon blanc et une gaine blanche. C'était une police, je ne sais pas,

 20   peut-être militaire, peut-être civile. C'était, de toute façon, un

 21   policier. Il est resté, cet homme, parmi nous pendant une demi-heure, tout

 22   ensanglanté. Puis, ils sont revenus et ils l'ont sorti. Il a encore poussé

 23   des cris, il a hurlé à l'extérieur. Il criait au secours. Il gueulait.

 24   Puis, des fois, on entendait une rafale, des fois non. Et puis, la voix se

 25   faisait de plus en plus petite et puis, elle n'était plus.

 26   Q.  J'aimerais vous poser une question concernant Pilica. Encore une fois,

 27   je ne veux pas vous interrompre.

 28   R.  Mais écoutez, quand vous avez besoin de poser une question, posez-là en

Page 624

  1   toute liberté pour ce qui est de tout ce que j'ai dit dans mes

  2   déclarations. A Pilica, je vais vous dire --

  3   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Alors, tout d'abord, vous vous souvenez de

  4   l'itinéraire que vous avez emprunté de Bratunac à Pilica dans le bus dans

  5   lequel vous vous trouviez, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, je m'en souviens. On nous a dit qu'on allait partir vers Tuzla.

  7   Mais j'ai vu qu'on est partis dans la direction opposée. On est passés

  8   jusqu'à Zvornik, on est allés en Serbie, on a traversé le pont et on est

  9   allés jusqu'à Loznica. De Loznica, on est de nouveau retourné en Bosnie

 10   mais cette fois-ci, vers Zepka [phon]. Puis, de Zepka à Pilica. Et arrivés

 11   là-bas à une maison, les autocars se sont arrêtés. Il y en avait sept de

 12   ces autocars.

 13   Q.  Je voudrais vous demander une question concernant le bâtiment dans

 14   lequel on vous a emmenés. J'aimerais préciser certains points. Vous avez

 15   mentionné que ce bâtiment était soit un établissement scolaire soit un

 16   centre culturel. Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

 17   R.  Oui, je m'en souviens très bien. Je me souviens de tout. Juste posez

 18   vos questions.

 19   Q.  Très bien.

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel,

 21   s'il vous plaît, pour quelques instants.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 625-628 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous sommes à nouveau en audience

  4   publique.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, vous pouvez

  6   poursuivre.

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Rebonjour, Monsieur le Témoin. J'ai deux questions concernant le

  9   bâtiment de Pilica où l'on vous a emmené.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez décrire, tout d'abord, la couleur des

 12   murs dans le bâtiment ?

 13   R.  A l'intérieur, les murs étaient carrelés. Il y avait des carreaux qui

 14   manquaient et d'autres qui étaient encore là. C'était blanchâtre, un blanc

 15   crème, ce type de couleur.

 16   Q.  Très bien. Si vous le pouvez, est-ce que vous pouvez décrire l'aspect

 17   des fenêtres, à quelle hauteur elles se trouvaient par rapport au sol, et

 18   cetera.

 19   R.  Les fenêtres étaient des fenêtres tout à fait normales, à hauteur

 20   normale, peut-être à un mètre.

 21   Q.  Très bien. Merci. J'aimerais vous poser la question concernant les

 22   quatre personnes que vous avez rencontrées lorsque vous vous êtes échappé

 23   du site de l'exécution. Approximativement, ils avaient quel âge ?

 24   R.  Ils avaient à peu près 25 ans, dans les 25 ans. Ils ne se sont pas

 25   rendus à Potocari; en fait, ils ont été capturés alors qu'ils traversaient

 26   la forêt, et c'est pour ça qu'ils se sont retrouvés avec nous. Mais toutes

 27   les personnes qui ont été capturées à Potocari étaient des hommes bien plus

 28   âgés, des hommes de 70, 80 ans, et des enfants qui avaient moins de 18 ans.

Page 630

  1   Ils se sont rendus. On s'est rendus, parce qu'on s'est dit : On est vieux,

  2   on n'a rien fait, donc on ne s'attendait absolument pas à cela. C'était un

  3   choc, enfin. Mais encore, vous n'avez qu'à lire ma déclaration. C'est ainsi

  4   que les choses se sont passées. Je ne peux pas ajouter grand-chose. Les

  5   charniers ont tout confirmé, d'ailleurs, tous ces charniers qu'on a

  6   retrouvés dans les forêts.

  7   Q.  Je voudrais rester sur le thème de ces quatre personnes qui se sont

  8   échappées du site de l'exécution, c'est-à-dire de cette exploitation

  9   agricole. Est-ce que vous vous souvenez d'eux ?

 10   R.  Oui. Oui, je me souviens. L'un d'entre eux avait des taches de sang sur

 11   son pantalon. Je ne sais pas s'il avait été blessé ou c'était le sang de

 12   quelqu'un d'autre, un cadavre, dont le corps était à côté du sien. Les

 13   quatre d'entre eux et moi-même, on a marché, on a commencé à travailler

 14   ensemble. Il y avait clair de lune. Ils sont passés par les bois, mais ils

 15   étaient plus jeunes que moi, donc ils sont allés plus vite. Je n'arrivais

 16   pas à les suivre, donc je suis resté un peu derrière tout seul. Et dix à 15

 17   minutes après les avoir quittés, j'ai entendu des rafales de tir. Il y

 18   avait des embuscades qui étaient tendues partout, donc je me suis caché

 19   dans la direction opposée. En cherchant mon chemin, après j'ai entendu une

 20   personne dire qu'il savait d'où venaient les tirs et que ces trois ont

 21   aussi été capturés et envoyés à Zvornik. A Zvornik, lorsqu'on a posé des

 22   questions à leur propos, pour savoir qui les avait emmenés, personne n'a pu

 23   nous dire quoi que ce soit. Donc ils ont disparu. Je ne sais pas du tout

 24   s'ils ont réussi à atteindre le territoire libéré, ou s'ils ont été

 25   abattus. Je ne sais pas. Ils sont portés disparus, tous les quatre. Les

 26   gens ont été tués en masse. C'étaient des exécutions de masse.

 27   Q.  Est-ce que vous avez su d'où ils venaient ?

 28   R.  J'ai posé la question à l'un d'entre eux et je lui ai demandé d'où il

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  1   était. Il m'a dit qu'il était né à Jagonje. Je ne leur ai pas demandé leurs

  2   noms. Mais il m'a dit qu'il était du village de Jagonje. Je n'ai pas posé

  3   de questions aux trois autres, mais il semble que l'un venait de

  4   Srebrenica, d'après les enquêtes qui ont été faites ultérieurement, et il

  5   semblerait que celui-là venait de Srebrenica, qu'il était le fils de

  6   quelqu'un. Il y en avait un autre qui venait de Konjevic Polje. Quant à

  7   l'origine du troisième, je ne sais vraiment pas d'où il venait. Là, je me

  8   base sur les enquêtes qui ont été effectuées ultérieurement.

  9   Q.  Très bien. Merci. Je voudrais vous poser des questions concernant

 10   certaines personnes. Je vais vous donner leurs noms et vous pouvez nous

 11   dire si vous avez entendu parler de ces personnes.M. VANDERPUYE :

 12   [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel, s'il

 13   vous plaît.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 16   Monsieur le Président, Monsieur, Madame les Juges.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revenir à huis

 13   clos partiel, s'il vous plaît.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois qu'il y a un problème. Est-

 15   ce qu'on peut revenir à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, s'il vous plaît, quelques secondes.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 18   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser des questions concernant

 21   certains noms. Mais nous sommes en audience publique, donc s'il y a des

 22   noms qui sont liés au vôtre, veuillez, s'il vous plaît, ne pas révéler leur

 23   identité.

 24   Est-ce que vous connaissez quelqu'un répondant au nom de Hajrudin Begic ?

 25   R.  Hajrudin Begic est venu de Srebrenica. Il avait été près de la ville.

 26   Il m'a été présenté. Hajrudin Begic et Hakija Begic sont deux frères. Je

 27   les ai vus aussi sur la route qui va de Srebrenica à Pilica. Ils ont été

 28   interrogés, puis on les a ramenés. Mais eux aussi ont disparu. Ils ont été

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  1   sortis du bâtiment et on ne les a jamais revus.

  2   Q.  Est-ce que vous connaissez une personne répondant au nom de Behaija

  3   Malkic ?

  4   R.  Oui, je connais Behaija Malkic. Je le connais bien, enfin, je le

  5   connaissais bien, depuis l'enfance. Il habitait près de chez moi, donc on

  6   se connaissait bien. Il est mort à côté de moi. Il a été tué juste à côté

  7   de moi. Et Nemis aussi de Klotivci, qui lui aussi, avait été à Pilica et

  8   qui a aussi disparu. Tous ceux qui étaient à Pilica ont été tués; peut-être

  9   deux, trois voire quatre personnes, y compris moi-même, ont réussi à

 10   s'échapper. Tous les autres ont été tués et leurs restes sont encore dans

 11   des charniers.

 12   Q.  Et Malkic est mort à côté de vous, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, à Pilica, à Bradanj sur le site de l'exécution. On avait les mains

 14   attachées dans le dos. On n'avait rien mangé depuis quatre jours. On était

 15   déjà à moitié morts. On ne pouvait pas opposer la moindre résistance, même

 16   si on avait voulu. On n'avait pas d'armes, on avait les mains liées.

 17   Q.  Le compte rendu d'audience mentionne le nom de Pilica à Bradanj. Est-ce

 18   que vous pouvez répéter cela de façon à ce que l'on ait un nom très clair

 19   sur le compte rendu d'audience ?

 20   R.  A Pilica, à Branjevo, à la ferme de Branjevo. C'est là que les

 21   exécutions ont eu lieu. C'est de là que je me suis échappé.

 22   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, ceci conclut mon

 24   interrogatoire principal. Je n'ai pas d'autres questions.

 25   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Vanderpuye.

 27   Monsieur le Témoin, maintenant, l'accusé a la possibilité, conformément aux

 28   règles en vigueur, de vous poser certaines questions --

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] -- dans le cadre du contre-

  3   interrogatoire.

  4   Monsieur Tolimir.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

  6   vous demanderais, s'il vous plaît, de dire à l'Accusation qu'il s'agit bel

  7   et bien d'un témoignage 92 ter. Donc, les dépositions dans l'affaire

  8   Popovic n'ont pas à être répétées en l'espèce. Cela dit, en ce qui concerne

  9   ce qui vient d'être dit, ils n'ont qu'à décider d'utiliser le témoignage du

 10   témoin tel qu'on l'a entendu aujourd'hui et de ne plus le présenter comme

 11   92 ter. Ou alors, il faut vraiment suivre la procédure 92 ter parce qu'ici,

 12   on passe d'audience publique à huis clos partiel. Ça devient très compliqué

 13   pour moi de suivre lorsque le 92 ter est traité tel que l'a traité

 14   l'Accusation aujourd'hui.

 15   Cela dit, j'ai des questions à poser.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour préciser tout cela, l'Accusation

 17   doit avoir la possibilité de poser des questions durant l'interrogatoire

 18   principal. Et c'est à vous maintenant de poser des questions au témoin, si

 19   vous le souhaitez.

 20   Veuillez poursuivre.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Excusez-moi. Oui, attendez, je vais transférer le micro, je vais le

 23   déplacer parce que -- oui, je me suis mis sur le micro qui est plus proche.

 24   Une fois de plus, merci.

 25   Je vais m'adresser au témoin par "Monsieur", étant donné qu'il y a des

 26   mesures de protection.

 27   Contre-interrogatoire par M. Tolimir : 

 28   Q.  [interprétation] Je vous remercie par avance, Monsieur, et je tiens à

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  1   ce que nous ne parlions que des questions, non pas pour modifier vos dires

  2   ou votre témoignage, mais pour comprendre de façon plus claire à qui et à

  3   quoi se rapporte ce que vous nous avez raconté. Alors, si vous voulez bien

  4   prêter une oreille attentive à ce que je vais dire, vous verrez que je n'ai

  5   pas du tout l'intention de modifier ce que vous avez dit.

  6   R.  Point n'est nécessaire de le faire. Je vais raconter cinq fois la même

  7   chose, si besoin est. C'est ce qui est consigné et c'est ce qui est dit.

  8   Q.  Je ne vais pas vous interroger au sujet de ce que vous avez raconté

  9   dans l'affaire Popovic et autres. Je me propose maintenant de vous poser

 10   des questions conformément aux instructions données par les Juges de la

 11   Chambre. C'est aux Juges de la Chambre de décider si les dires dans

 12   l'affaire Popovic et ce que vous allez dire se trouvent être conformes au

 13   témoignage que vous avez apporté.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais qu'on montre au témoin le

 15   1D00006. Est-ce que cela se trouve sur votre écran ?

 16   M. TOLIMIR : [interprétation]

 17   Q.  Il s'agit d'une déclaration que vous avez faite auprès du Procureur le

 18   25 mai 1996. En page 2, paragraphe 3 de cette déclaration faite auprès du

 19   bureau du Procureur, vous avez indiqué :

 20   "Nous nous sommes attendus à des frappes aériennes…"

 21   R.  Oui, justement.

 22   Q.  "Suite à une tentative de résistance, notre armée a fui par la forêt…"

 23   R.  Oui.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, une seconde, s'il

 25   vous plaît.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je veux

 27   m'assurer que nous ne transmettons pas ceci à l'extérieur.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, ce ne sera pas le cas. Cet écran

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  1   ne sera pas diffusé hors de ce prétoire. Je voulais préciser cela, de façon

  2   à ce que tout le monde soit rassuré que personne, hors de ce prétoire, ne

  3   soit en mesure de voir ces différents éléments. Merci beaucoup.

  4   Veuillez continuer, Monsieur Tolimir.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Je n'ai pas entendu ce que le

  6   Président a dit parce que je n'avais pas mes écouteurs. Est-ce que vous

  7   pouvez répéter, s'il vous plaît ?

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Poursuivez. Il y a pas de problème.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 10   M. TOLIMIR : [interprétation]

 11   Q.  Donc, vous nous avez dit dans cette déclaration :

 12   "Nous nous attendions à des frappes aériennes, et suite à une tentative de

 13   résistance, notre armée a fui par la forêt."

 14   Ma question est la suivante : est-ce que vous vous attendiez à des frappes

 15   aériennes pour ce qui est d'une assistance à apporter aux formations armées

 16   musulmanes, et qui est-ce qui vous a dit que l'OTAN allait intervenir ? Qui

 17   est-ce qui a fait courir ce type de rumeurs ? Merci.

 18   R.  C'est à moi que vous posez la question ? Je l'ai ouï dire par les gens

 19   de la FORPRONU. S'il y avait eu des frappes, ça aurait été préférable pour

 20   vous et pour nous. Il n'y aurait pas eu autant de morts, et peut-être vous,

 21   vous ne vous seriez pas trouvé au Tribunal ici et nous, nous serions plus

 22   heureux, tous ensemble.

 23   Q.  Merci. Je voudrais vous demander encore ce qui suit : vous dites que

 24   votre armée a fui par la forêt ?

 25   R.  Oui, par la forêt.

 26   Q.  Justement, c'est ce que vous dites. Est-ce qu'il était réaliste de

 27   s'attendre à ce qu'une armée soit présente dans la zone protégée de

 28   Srebrenica puisque c'était une zone protégée ? Vous me répondez par oui ou

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  1   par non, s'il vous plaît.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci.

  4   R.  Les étrangers ne pouvaient rien faire. Ils n'étaient pas suffisamment

  5   nombreux. Il fallait bien monter la garde quand il y avait des gens qui

  6   venaient sur les hauteurs pour passer par des tunnels ou ailleurs pour tuer

  7   à Vidikovac. Il fallait donc qu'il y ait quelqu'un pour monter la garde,

  8   pour sécuriser. Mais ils ont quand même tué une femme et ils ont tué un

  9   cheval, et ils ont posé des mines là où les gens passent, les gens de

 10   Srebrenica. Mais si on ne les avait pas trouvées, il y aurait eu plus de

 11   morts. On a des experts qui ont retrouvé ces mines et qui les ont enlevées.

 12   Vous pensez que quelque chose pourrait être caché ? Rien ne saurait

 13   être caché. Toute chose est retrouvée. On a retrouvé les morts, même quand

 14   ceux-ci ont été dissimulés, enterrés. On les a retrouvés. On a retrouvé

 15   jusqu'à un individu. Mladic, ils ne peuvent pas le retrouver alors qu'il se

 16   promène dans les villes, parmi la population, et ils disent ne pas pouvoir

 17   le retrouver. Mais on peut retrouver quelqu'un qui est caché, dissimulé, un

 18   mort.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous prie de m'excuser de vous

 20   interrompre, mais je dois vous arrêter. Vous avez répondu à la question, et

 21   je vous demande donc d'écouter la question suivante, s'il vous plaît.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   M. TOLIMIR : [interprétation]

 24   Q.  Je vais vraiment demander au témoin de me répondre à la question que je

 25   pose, sans aller à l'extérieur du cadre de la question.

 26   Est-ce que vos fils faisaient partie des rangs de la 28e Armée de Bosnie-

 27   Herzégovine ?

 28   R.  Certainement. Il fallait bien qu'ils défendent leurs enfants, leur

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  1   peuple, leur père, leur mère. Et il n'y en avait pas un seul à avoir eu un

  2   fusil. Ça, tu peux en être sûr. Mais ils pouvaient et devaient sortir un

  3   blessé des rangs, et il fallait garder son village, protéger son peuple.

  4   Nous, on n'est pas allés en Serbie pour attaquer qui que ce soit. C'est la

  5   Serbie qui est venue en Bosnie pour frapper le peuple musulman en Bosnie.

  6   Qu'est-ce que c'est que cette injustice ? Qui a autorisé cela ? Où est donc

  7   la loi ? Si moi, j'étais comme vous, criminel - mais à Dieu ne plaise que

  8   j'aie une âme comme la vôtre - je me serais présenté et j'aurais dit : "Je

  9   suis là, si je suis coupable --

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je me dois de vous interrompre,

 11   Monsieur le Témoin, encore une fois. Veuillez vous concentrer sur la

 12   question et veuillez également ne pas vous livrer à des émotions. Bien sûr,

 13   tout le monde comprend, mais s'il vous plaît, essayez de vous concentrer

 14   sur les questions que l'on vous pose et que vous devriez être en mesure de

 15   répondre.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon, soit.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   M. TOLIMIR : [interprétation]

 19   Q.  Je ne me propose plus de vous poser des questions au sujet de vos fils,

 20   bien que j'avais besoin de poser cette question pour les questions qui

 21   suivent; mais vous, vous êtes allé trop loin. (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. Je suis désolé de vous interrompre,

 26   Monsieur Tolimir. Je voulais m'assurer que nous sommes à huis clos partiel.

 27   Si tel n'est pas le cas, nous devons passer à huis clos partiel maintenant.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le besoin se fait ressentir en raison

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  1   de cette question ?

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour les besoins de cette procédure,

  6   je pense que nous devons passer à huis clos partiel.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  8   [Audience à huis clos partiel]

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

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 28  (expurgé)

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   [Audience publique]

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup.

  7   Veuillez poursuivre.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, il a raison. Il a dit 11 heures et moi,

  9   j'ai dit 11 kilomètres.

 10   M. TOLIMIR : [interprétation]

 11   Q.  Je vous remercie d'avoir rectifié ce que j'ai dit. Alors, comme c'était

 12   à 11 heures de marche, est-ce que vous savez nous dire quel type de route

 13   était-ce ? Comment se présentait ce terrain entre Zepa et Srebrenica ?

 14   Merci.

 15   R.  La route est accidentée. C'est donc un sentier à emprunter par un

 16   piéton, même peut-être à cheval. Et comme c'est loin, il se peut qu'il y

 17   ait eu des embuscades sur la route, et à plusieurs reprises il y a eu des

 18   morts dans un passage. Il y a eu même des gens de capturés. Il y a des gens

 19   qui sont allés et qui se sont perdus et qui sont redescendus vers la

 20   Republika Srpska. Donc ils se sont perdus et se sont fait capturer. Il y a

 21   eu des cas de ce genre aussi. Mais toujours est-il que c'était difficile.

 22   Q.  Merci. Je suis satisfait de votre réponse. Est-ce que vous pouvez me

 23   dire si tous ceux qui allaient de Srebrenica à Zepa devaient obtenir une

 24   autorisation de l'ABiH, étant donné que l'ABiH interdisait le départ du

 25   peuple de Srebrenica ?

 26   R.  Non. Ceux qui devaient aller chercher des vivres devaient forcément

 27   s'en aller. On ne peut pas poser de questions pour la moindre des choses.

 28   Il fallait bien que les gens sortent. Eux, ils interdisaient, en disant

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  1   qu'il ne fallait pas qu'ils s'enfuient de Srebrenica à Tuzla ou que sais-

  2   je, ou ailleurs vers d'autres abris. Ça, ils interdisaient. Mais les gens

  3   ne posaient pas la question de l'autorisation. Ceux qui pouvaient s'en

  4   aller s'en allaient.

  5   Q.  Merci. Vous avez également indiqué ici que l'un de vos fils avait

  6   également creusé des tranchées.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce qu'on les a fait chanter, pour ce qui était d'obtenir des vivres

  9   moyennant le fait de creuser des tranchées ou est-ce que c'était --

 10   R.  Pour ce qui est des vivres, il obtenait cinq à six kilos de farine, en

 11   tant que membre de l'armée. Il y avait des vivres de distribuer, mais il

 12   fallait aussi creuser des tranchées. C'est ainsi que les choses se

 13   passaient.

 14   Q.  Merci. Est-ce qu'à Srebrenica aussi la pratique était celle-ci :

 15   moyennant activités militaires, on recevait des vivres en échange ?

 16   R.  Je ne le sais pas, cela. Chacun se débrouillait comme il pouvait.

 17   Q.  Bon.

 18   R.  On a été deux mois sans sel, par exemple. Si on avait du cassoulet,

 19   comment voulez-vous le manger ? Comment voulez-vous manager un potage à la

 20   pomme de terre sans sel ?

 21   Q.  Merci. Je suis satisfait de votre réponse. Je voudrais que vous nous

 22   parliez de cette aide humanitaire. Vous nous avez dit que l'aide

 23   humanitaire destinée à Srebrenica avait été stoppée à Bratunac et que l'on

 24   prélevait pour les besoins des Serbes quelque chose sans le donner à vous.

 25   Partant de quoi affirmez-vous chose pareille ? Avez-vous des preuves pour

 26   cela ?

 27   R.  J'ai des preuves, parce que quand ils amenaient les vivres ils disaient

 28   : "Il y a 12 camions qui sont arrivés à Bratunac," alors on voyait arriver

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  1   huit camions jusqu'à nous, ou peut-être dix camions, voire six camions.

  2   Donc, ils ont été stoppés et ils ont pris ce qu'ils voulaient pour eux, ce

  3   dont ils avaient besoin, ce qui était important et ils laissaient passer ce

  4   dont ils n'avaient pas besoin. Ils avaient besoin, eux aussi, de sel, de

  5   farine.

  6   Q.  Merci. Mais ces camions, c'étaient des camions véhiculés par une

  7   organisation internationale, ou est-ce que c'est les gens de l'ABiH qui

  8   vous le disaient ?

  9   R.  C'étaient des camions russes qui amenaient ces vivres. Des fois il y en

 10   avait d'autres encore, que sais-je. Ça dépendait de l'organisation qui se

 11   chargeait du transport.

 12   Q.  Merci. Je vous pose cette question, parce que celui qui transporte les

 13   vivres ne permet pas aux autres de s'en emparer. On peut éventuellement

 14   inspecter, mais on ne peut pas enlever des choses, à moins que ce ne soit

 15   des équipements militaires. C'est ce qu'on vous a expliqué ou c'est une

 16   supposition ?

 17   R.  Mais vous savez que pendant très longtemps les convois n'ont pas pu

 18   arriver jusqu'à Srebrenica.

 19   Q.  Oui, je sais.

 20   R.  C'est la raison pour laquelle on jetait ou on larguait des vivres

 21   depuis des avions.

 22   Q.  Je sais que ces opérations de parachutage ont été effectuées parce

 23   qu'ils devaient acheminer du matériel militaire, et il n'y avait pas moyen

 24   de le faire autrement. Ils le faisaient, donc, par parachutage, mais ceci

 25   n'est pas pertinent pour les questions qui nous intéressent.

 26   R.  Vous, vous estimiez qu'il y avait des équipements militaires sur ces

 27   palettes, et vous pensiez que dans ces convois il y avait, mais il n'y en

 28   avait pas. Alors vous avez inspecté, mais il n'y a pas d'armes. Or, vous

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  1   affirmez, vous, qu'il y a eu des armes, mais les armes, on n'en avait

  2   besoin pour nos estomacs; la farine, le sel, le sucre.

  3   Q.  Merci. Merci.

  4   R.  Et nous, ça vous était égal de savoir qu'on avait faim, nous autres.

  5   Q.  On parlera des armements qui ont été envoyés à Srebrenica avec d'autres

  6   témoins. Je suis satisfait de la réponse que vous m'avez apportée. Je

  7   voudrais vous poser une autre question maintenant. Dans votre déclaration

  8   ici aujourd'hui, vous avez dit que vous avez pu riposter aux attaques de

  9   l'armée de la Republika Srpska jusqu'au moment où la Serbie n'est venue se

 10   joindre aux attaques. J'aimerais que vous expliquiez de quelle façon la

 11   Serbie a pris part à ces attaques, et quelles sont les preuves que vous

 12   avez à cet effet, parce que dans toutes (expurgé)

 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   R.  Je vais vous dire, vous avez entendu parler de Seselj. Vous le

 16   connaissez mieux que moi, et vous connaissez Arkan aussi. Moi, j'étais à

 17   Zvornik, à Karakaj. L'armée d'Arkan, les Bérets rouges, c'est les hommes à

 18   Arkan, n'est-ce pas ? Oui. Alors, Momcilo Perisic, lui aussi, il était venu

 19   de Serbie pour tuer des Musulmans en Bosnie, mais il faut que vous sachiez

 20   que les choses soient tout à fait claires. La politique de Milosevic et de

 21   Karadzic n'a rien fait de bien pour les Serbes non plus. Ça n'a pas apporté

 22   de bien ni aux Serbes, ni aux Musulmans, ni aux Croates, mais les Serbes

 23   non plus, ça ne leur a pas fait de bien.

 24   Q.  Merci. Je pense que vous avez répondu à ma question. Si vous voulez

 25   vous entretenir sur ce sujet, je voudrais vous demander la chose suivante :

 26   saviez-vous que Milosevic avait demandé que les Musulmans restent à faire

 27   partie de la République fédérale de Yougoslavie, et qu'il n'y aurait pas eu

 28   de conflit entre les Serbes et les Musulmans en Bosnie à ce moment-là ?

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  1   R.  Oui, il le voulait. Il voulait que ce soit une Grande-Serbie, mais il y

  2   aurait quand même eu une guerre. On a vu la Grande-Serbie avec le Kosovo,

  3   puis on les a chassés du Kosovo. Ils les ont tous chassés de là-bas. Et ça

  4   serait passé de la sorte en Bosnie. On aurait ramassé les Musulmans et les

  5   Serbes. On se serait par la suite attaqué à la Croatie ou à la Slovénie,

  6   tapons leur dessus --

  7   Q.  Merci. Je suis satisfait de votre première partie de la réponse, à

  8   savoir que l'on avait demandé à ce que la Bosnie reste à faire partie de la

  9   République fédérale de Yougoslavie.

 10   R.  Vous savez que plus de 60 pays avaient reconnu la Bosnie comme Etat, et

 11   alors là, vous avez décidé d'aller en Bosnie.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je tiens à vous arrêter car ce n'est

 13   pas un forum où vous devez débattre des événements de l'histoire. Nous

 14   sommes ici pour parler de ce qu'a vécu ce témoin. Donc, posez vos questions

 15   au témoin, des questions pertinentes, et n'oubliez pas de ménager une pause

 16   entre les questions et les réponses afin que les interprètes puissent faire

 17   leur travail correctement. Je vous remercie. Poursuivez.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'ai

 20   enchaîné sur la réponse faite par le témoin.

 21   M. TOLIMIR : [interprétation]

 22   Q.  Je voudrais passer à un autre sujet maintenant. Le témoin a affirmé ici

 23   qu'il a vu des bombardements ou des pilonnages de certains sites, je ne

 24   vais pas reprendre les noms des sites parce que c'est un témoin protégé, il

 25   parlait de Srebrenica et des victimes. Ce qui m'intéresse c'est de savoir

 26   si ces attaques se sont produites après les attaques lancées par les

 27   Musulmans contre des villages environnants dans le secteur de Srebrenica,

 28   ou est-ce que tel était le cas de Krajici [phon] où, à Noël, ils ont tué 70

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  1   personnes ou 3 500 personnes tuées autour de Srebrenica par les Musulmans.

  2   Est-ce que ceci était su par la population, à savoir que l'ABiH avait

  3   conduit de telles opérations, puisque la FORPRONU le savait bien ? Merci.

  4   R.  Là où il y avait des villages serbes, et il y avait d'autres villages

  5   qui étaient musulmans. Là où il y avait un Serbe, il y avait des obus qui

  6   nous tombaient sur nos villages, et nous, on travaillait dans les champs,

  7   et il est venu des Serbes depuis des forêts pour tuer les gens dans les

  8   champs. Nous, nous ne voulions pas la guerre. Nous voulions éviter la

  9   guerre autant que faire se pouvait. Pourquoi ? Parce que nous avons été

 10   dépossédés de nos biens pendant ces temps de paix. Les armes ont été

 11   retirées de la Bosnie pour être acheminées vers la Serbie. Ils ont donc

 12   préparé cette guerre. Et lorsque la guerre a commencé, les Serbes avaient

 13   des armes et pouvaient tuer les Musulmans, et on vous donnerait encore des

 14   armes. Les Musulmans n'avaient pas d'armes. Comment voulez-vous qu'ils se

 15   défendent ?

 16   Q.  Merci. Je suis satisfait de votre réponse. Ceci est un autre type de

 17   procès que l'affaire Milosevic. Je vous demanderais de vous limiter aux

 18   éléments de la question qui se rapportent aux segments militaires. Merci.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, qu'avez-vous à

 20   dire ?

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. La question qui vient d'être posée au

 22   témoin portait sur Kravica. Mais au compte rendu, page 53, lignes 22 et 23,

 23   ce mot n'est pas enregistré correctement. Donc peut-être M. Tolimir devrait

 24   répéter sa question pour que ce soit plus clair.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Monsieur Tolimir, poursuivez.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je ne sais pas ce qui a été consigné au

 28   compte rendu.

Page 648

  1   Mais le 7 janvier, dans cette localité à la fête de Noël orthodoxe,

  2   il y a eu 70 personnes de tuées. Si cela vous satisfait, c'est la réponse

  3   que j'aurais à vous apporter.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce n'est pas à vous de donner les

  5   réponses. Vous êtes là pour poser des questions, Monsieur Tolimir. Ce n'est

  6   pas à vous de répondre. Continuez à poser des questions.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur Vanderpuye.

  8   M. TOLIMIR : [interprétation]

  9   Q.  J'ai demandé au témoin s'il y a eu une attaque de lancée dans cette

 10   zone suite à ce qui s'est passé à Kravica. Je lui ai demandé s'il avait eu

 11   vent de cette attaque où, le 7 janvier, on a tué tant de gens à Kravica.

 12   R.  Oui, je vais vous dire quelque chose. Je n'en sais pas long à ce sujet.

 13   Oui. Le 7 janvier, c'était Noël.

 14   Q.  Oui, c'est exact. Merci.

 15   R.  Je ne sais pas combien il y en a eu de tués. Peut-être pas autant. Une

 16   cinquantaine, dit-on. Deuxièmement, Naser était l'auteur. Il a été jugé à

 17   La Haye. Il a été condamné. Il a purgé sa peine et il est maintenant en

 18   Bosnie, en liberté. Mais ça s'est passé. Mais Naser a été jugé ici.

 19   Q.  Merci. Je suis satisfait de votre réponse, pour votre information. A

 20   vous de voir si Naser a été condamné ou pas. Il ne m'appartient pas d'en

 21   parler.

 22   R.  Il a passé un certain temps en prison, pas longtemps.

 23   Q.  Merci. Je pense que vous comprenez pourquoi je me suis retenu de

 24   continuer dans cette lancée --

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suis désolé --

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous regardez --

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je dois vous interrompre, car je ne

 28   suis pas sûr qu'il soit correct de prononcer ce nom. Est-ce que c'est un

Page 649

  1   problème ? Monsieur Vanderpuye, qu'en pensez-vous ?

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   Non, je ne pense pas que cela pose un problème de mentionner ce nom.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien.

  5   Poursuivez, Monsieur Tolimir.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'avais pas du

  7   tout l'intention de le mentionner, celui-là. C'est le témoin qui l'a

  8   mentionné.

  9   M. TOLIMIR : [interprétation]

 10   Q.  Mais je voudrais poser un autre groupe de questions au témoin,

 11   maintenant. N'allons pas plus loin pour ce qui est du sujet des conflits à

 12   Srebrenica. Je voudrais savoir s'il a la possibilité de se souvenir à

 13   quelle date il a été emmené en camion vers Batkovici avec d'autres

 14   personnes, comme il l'a raconté. Je vais lui rappeler le passage de la

 15   déclaration, si nécessaire.

 16   R.  Vous, tu as besoin d'informations à ce sujet, au sujet du camp de

 17   Batkovici. Moi, je ne me suis plaint de personne là-bas.

 18   Q.  Je n'ai pas besoin d'information. Je vous en remercie. J'ai besoin des

 19   informations qui sont nécessaires aux Juges pour le procès. Si vous le

 20   souhaitez, si vous souhaitez m'écouter, je ne souhaite pas, moi, modifier

 21   vos déclarations. Je voudrais juste savoir à quelle date vous y êtes allé.

 22   Quand est-ce que vous avez fait ce voyage ? Vous avez parlé à la page 6,

 23   lignes 23 à 30, vous avez indiqué à cet endroit-là que vous êtes parti de

 24   Karakaj vers Batkovici, et ensuite, vous nous avez raconté que vous avez

 25   été échangé.

 26   R.  Si vous voulez le savoir, c'était le 26.

 27   Q.  Merci. Ce qui m'intéressait, c'était la date, et je voudrais savoir si

 28   vous avez été capturé par les mêmes forces serbes que cela a été le cas des

Page 650

  1   forces serbes à Potocari et Srebrenica, ou était-ce une autre armée ?

  2   R.  Il y en avait de toutes sortes. Il y avait des gens de Bosnie, des gens

  3   de Serbie. Je n'ai pas déambulé pour prendre des notes et savoir qui était

  4   d'où, mais je sais qu'à Karakaj il y avait des hommes à Arkan. C'étaient

  5   ceux qui portaient des bérets rouges. Ça, c'étaient les hommes à Arkan.

  6   Q.  Merci. Est-ce que c'est eux qui vous ont transporté jusqu'à Batkovici ?

  7   R.  Non, ce n'est pas eux. D'autres. J'en sais rien. Un camion nous a

  8   emmenés là-bas, et il y avait la Croix-Rouge, et la Croix-Rouge nous a

  9   consigné, a établi une liste. Je ne peux pas affirmer. A Batkovic, je n'ai

 10   pas été battu. Ça, ce qui est la vérité, c'est la vérité. Là, c'est

 11   important. On ne m'a pas battu là-bas. J'avais encore tous mes os entiers

 12   et mon âme était restée intacte.

 13   Q.  Merci. Je voulais obtenir cette information, parce que vous nous avez

 14   raconté que vous aviez vu différents uniformes. Je suis satisfait de la

 15   réponse.

 16   Dites-nous, à Batkovic, est-ce que vous étiez hébergé, logé avec les autres

 17   qui étaient dans le même camion, qui avaient fui donc Srebrenica, ou est-ce

 18   que vous avez été logé dans les mêmes pièces ?

 19   R.  Nous avons été installés dans une même pièce. On y était tous là.

 20   C'était une grande étable, une ferme. C'est là qu'on nous a placés. Et nous

 21   étions tous là. Ceux qui ont été capturés avant, même six mois avant cela,

 22   ceux qui ont été capturés six mois avant y étaient. Il y en a eu d'autres

 23   qui ont été tués. Mais il y avait d'autres étables où on pouvait encore

 24   accueillir des gens. Mais je vous ai déjà dit qu'il y a eu des gens de

 25   tués.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'aurai plus de question pour ce témoin-ci.

 28   Je remercie tout un chacun de l'attention.

Page 651

  1   M. TOLIMIR : [interprétation]

  2   Q.  Je remercie le témoin de ses réponses.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de

  4   m'avoir donné l'opportunité de poser mes questions.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

  6   Monsieur Vanderpuye, avez-vous des questions supplémentaires ?

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] Non, pas de questions supplémentaires.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  9   Monsieur le Témoin, la Chambre de première instance vous est très

 10   reconnaissante d'être venu ici à La Haye à nouveau, pour répondre aux

 11   questions des deux parties. Vous pouvez maintenant rentrer chez vous et

 12   reprendre vos activités. L'huissière va vous accompagner en dehors de ce

 13   prétoire, et nous tenons vraiment à vous remercier à nouveau. Toute la

 14   Chambre de première instance vous remercie, et nous vous souhaitons un bon

 15   retour.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie également de m'avoir fait

 17   venir. A l'avenir, à chaque fois que vous aurez besoin de moi, tant que je

 18   serai en bonne santé et que je pourrai le faire, je me battrai pour dire la

 19   vérité et pour réclamer justice.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Bon retour.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, je ne pense pas

 23   que nous ayons besoin d'une deuxième pause. Donc, il nous reste un peu plus

 24   d'une demi-heure, jusqu'à 6 heures moins 5 [comme interprété].

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation] C'est moi qui vais gérer la séquence vidéo.

 26   Nous pouvons peut-être en voir une partie maintenant. Il s'agit de la pièce

 27   1406 de la liste 65 ter. Le sommaire qui accompagne cette vidéo est la

 28   vidéo 1407. Il s'agit de la transcription de cette vidéo. Mais il n'y a pas

Page 652

  1   besoin de traduire. Tout est sous-titré en serbe, principalement. Je pense

  2   que les images parlent d'elles-mêmes. Si parfois il faut identifier une

  3   personne, bien sûr, je peux en parler, donner une explication rapide pour

  4   que l'on comprenne bien ce qui est à l'écran. Mais je pense qu'il serait

  5   bon pour les Juges de la Chambre de voir cette séquence vidéo. Il s'agit

  6   d'une séquence qui a été filmée par les personnes participant à cet

  7   événement, et cela permettra d'illustrer ce que nous venons d'entendre.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. Les personnes ayant participé,

  9   mais qui exactement ?

 10   M. McCLOSKEY : [interprétation] Cela va commencer avec l'approche militaire

 11   par la VRS, donc la VRS arrivant par le sud de l'enclave Zeleni Jadar, qui

 12   se déplace vers Srebrenica par la route. Donc c'est des caméramans de la

 13   VRS ou des journalistes qui accompagnaient la VRS qui ont filmé cette

 14   séquence. Vous le verrez d'ailleurs dans les gros plans. Vous verrez le

 15   général Mladic, qui commande cette brigade avec Pandurevic qui est le

 16   commandant de la Brigade de Zvornik; et d'autres personnes que vous

 17   apprendrez à connaître, d'ailleurs, au fil du temps. Et ensuite, on entre à

 18   Srebrenica. Nous verrons donc aussi une séquence filmée par un Musulman, il

 19   y a un Musulman qui tire depuis sa maison, il y a un grand nombre de

 20   personnes dans les rues. Et on voit ce qui se passe. Donc il s'agit d'un

 21   mortier des Musulmans qui riposte vers les positions serbes. C'est ce que

 22   l'on voit à l'écran. Ensuite, on a le 11 juillet et on voit le général

 23   Mladic et ses officiers --

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ecoutez, Monsieur McCloskey, on ne

 25   vous demande pas de décrire ce que l'on va voir. Je voulais juste savoir

 26   quelles étaient les sources de ces séquences vidéo. Et nous voudrions

 27   savoir si vous allez demander que l'on verse cette séquence vidéo au

 28   dossier.

Page 653

  1   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, absolument. Absolument. Et d'ailleurs,

  2   on peut le faire n'importe quand. Pas besoin de demander le versement

  3   aujourd'hui. Il y aura un grand nombre de personnes qui vont venir parler

  4   des événements que l'on voit sur cette vidéo. Mais cet historique, ça vous

  5   donne le déroulement des opérations. La source même des vidéos se retrouve

  6   dans la pièce 1451 de l'article 65 ter. Donc il y a toute une liste de

  7   séquences qui nous viennent de la VRS, des services de la télévision serbe

  8   aussi. Il y a aussi des caméramans de guerre. Nous avons des séquences qui

  9   nous viennent des Musulmans. Enfin, tout est sur la liste 65 ter. Vous

 10   verrez exactement quelles sont les sources, et nous pensons que tout cela

 11   suffit à authentifier le document et donc, permet son versement.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Nous n'avons plus que

 13   trois quarts d'heure. Est-ce que cela suffit, pensez-vous ?

 14   M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, je pense que cela suffit. En trois

 15   quarts d'heure, nous pouvons voir une première séquence, qui fait 36

 16   minutes. Il s'agit d'événements qui ont été filmés les 10 et 11 juillet

 17   1995.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Commençons par cette

 19   séquence.

 20   M. McCLOSKEY : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, qu'avez-vous à dire

 22   ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Si vous permettez que l'on

 24   voie maintenant cette séquence vidéo, au vu de ce que j'ai dit hier, dans

 25   ce cas, M. McCloskey n'a pas à faire de commentaires, pour les raisons que

 26   j'ai abordées hier. D'ailleurs, je ne veux pas rentrer dans ces détails à

 27   nouveau aujourd'hui parce que ce serait une perte de temps. On n'a qu'à

 28   voir les images, elles parlent d'elles-mêmes. On n'a pas besoin des

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  1   commentaires de M. McCloskey, surtout qu'il vient de nous dire qu'il y aura

  2   des témoins qui viendront parler de tous ces événements.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Tolimir, je vous

  4   remercie, mais vous vous êtes rendu compte que j'ai arrêté M. McCloskey

  5   alors qu'il était en train de nous décrire tout ce que nous allions voir.

  6   Le fait que nous allons voir cette séquence vidéo ne signifie absolument

  7   pas que nous avons décidé, avant de la voir, du poids que nous donnerons à

  8   cette pièce, bien sûr, ni même de la possibilité de la verser au dossier.

  9   Tout ceci interviendra ultérieurement.

 10   Une minute.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous allons commencer par la première

 13   partie de la vidéo de 36 minutes.

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président --

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pour que ce soit très clair, nous

 16   n'avons pour l'instant pas pris de décision sur le versement de cette vidéo

 17   au dossier.

 18   Monsieur Vanderpuye.

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, je voulais vous demander si je

 20   pouvais quitter le prétoire, parce que je devrais travailler sur d'autres

 21   éléments, si vous me le permettez.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui.

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   [Diffusion de cassette vidéo]

 25   M. McCLOSKEY : [interprétation] Je pense que c'est une bonne césure.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Je pense qu'il n'y

 27   a rien à dire, en tout cas, pour l'instant, donc nous allons lever la

 28   séance. Nous reprendrons donc jeudi prochain à 9 heures du matin, dans ce

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  1   prétoire.

  2   La séance est levée.

  3   --- L'audience est levée à 17 heures 57 et reprendra le jeudi 18 mars 2010,

  4   à 9 heures 00.

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